Jour après jour, la liste des morts et des blessés s'allonge en Israël et dans les territoires occupés.
Dans cette partie du monde qui a déjà connu cinq guerres ouvertes depuis la fin de la seconde boucherie mondiale (sans compter toutes les opérations militaires en temps de "paix"), une nouvelle guerre est en train de couver et qui, sans qu'elle ait commencé officiellement, a déjà tué des centaines de personnes, particulièrement des jeunes et des adolescents.
Officiellement, tout le monde parle de "paix", aussi bien les dirigeants israéliens que ceux de l'Autorité palestinienne de même que tous les gouvernements des pays les plus développés, qu'ils soient européens ou américains.
Dans les faits, malgré toutes les conférences qu'on a vues se succéder depuis l'été dernier (conférence de Camp David, dans la résidence de vacances de Clinton, au mois de juillet, rencontre de Paris le 4 octobre, conférence de Charm El-Cheikh à la mi-octobre), la situation n'a cessé d'empirer depuis la fin septembre : pierres, attentats à la bombe, lynchages de Palestiniens contre des Israéliens, balles réelles de ces derniers contre les manifestants palestiniens, roquettes et tirs d'artillerie contre les populations civiles.
Suivant les pays et la couleur des gouvernements, on nous engage à prendre fait et cause pour l'un ou l'autre camp en présence :
- "Il faut défendre Israël contre la menace de tous ces arabes fanatiques qui encerclent ce pays."
- "Il faut soutenir la juste cause palestinienne contre les exactions israéliennes."
Mais à aucun moment, personne ne pose la véritable question : où se trouvent les intérêts de la classe ouvrière, celle d'Israël, juive ou arabe, celle de Palestine, celle des autres pays du monde ?
Le 20e siècle a ét&ea;cle a été un siècle de guerres, les guerres les plus atroces de l'histoire humaine, et jamais aucune d'entre elles n'a servi les intérêts des ouvriers. Toujours ces derniers ont été appelés à aller se faire tuer par millions pour les intérêts de leurs exploiteurs, au nom de la défense de "la patrie", de "la civilisation", de "la démocratie", voire de "la patrie socialiste" (comme certains présentaient l'URSS de Staline et du goulag).
Et après ces guerres terribles, particulièrement après la Seconde Guerre mondiale, on a encore demandé à ceux qui avaient survécu d'accepter de nouveaux sacrifices pour reconstruire l'économie "nationale" c'est-à-dire capitaliste.
Aujourd'hui, il y a une nouvelle guerre au Moyen-Orient, même si elle n'est pas officiellement déclarée.
De chaque côté, les cliques dirigeantes appellent les ouvriers à "défendre la patrie", qu'elle soit juive ou palestinienne. Ces ouvriers juifs qui en Israël sont exploités par des capitalistes juifs, ces ouvriers palestiniens qui sont exploités par des capitalistes juifs ou par des capitalistes arabes (et souvent de façon bien plus féroce que par les capitalistes juifs puisque, dans les entreprises palestiniennes, le droit du travail est encore celui de l'ancien empire ottoman).
Les ouvriers juifs ont déjà payé un lourd tribu à la folie guerrière de la bourgeoisie au cours des cinq guerres qu'ils ont subies depuis 1948. Sitôt sortis des camps de concentration et des ghettos d'une Europe ravagée par la guerre mondiale, les grand-parents de ceux qui aujourd'hui portent l'uniforme de Tsahal avaient été entraînés dans la guerre entre Israël et les pays arabes. Puis leurs parents avaient payé le prix du sang dans les guerres de 67, 73 et 82. Ces soldats ne sont pas d'affreuses brutes qui ne pensent qu'à tuer des enfants palestiniens. Ce sont de jeunes appel&eacut jeunes appelés, ouvriers pour la plupart, crevant de trouille et de dégoût qu'on oblige à faire la police et dont on bourre le crâne sur la "barbarie" des Arabes.
Les ouvriers palestiniens aussi ont déjà payé de façon horrible le prix du sang. Chassés de chez eux en 1948 par la guerre voulue par leurs dirigeants, ils ont passé la plus grande partie de leur vie dans des camps de concentration, enrôlés de gré ou de force à l'adolescence dans les milices du Fatah et autres FPLP ou Hamas. Leurs plus grands massacreurs ne sont d'ailleurs pas les armées d'Israël mais celles des pays où ils étaient parqués, comme la Jordanie et le Liban : en septembre 1970 (le "septembre noir"), le "petit roi" Hussein les extermine en masse, au point que certains d'entre eux vont se réfugier en Israël pour échapper à la mort ; en septembre 1982, ce sont des milices arabes (certes chrétiennes et alliées à Israël) qui les massacrent dans les camps de Sabra et Chatila, à Beyrouth.
Aujourd'hui, au nom de la "Patrie palestinienne", on veut mobiliser à nouveau les ouvriers arabes contre les Israéliens, c'est-à-dire, en majorité, des ouvriers israéliens, de même qu'on demande à ces derniers de se faire tuer pour la défense de la "terre promise", Eretz Israël.
Des deux côtés coulent de façon répugnante les flots de propagande nationaliste, une propagande abrutissante destinée à transformer des êtres humains en bêtes féroces. Les bourgeoisies israélienne et arabes n'ont cessé de l'attiser depuis plus d'un demi-siècle. Aux ouvriers israéliens et arabes, on n'a cess&eacs, on n'a cessé de répéter qu'ils devaient défendre la terre de leurs ancêtres. Chez les premiers on a développé, à travers une militarisation systématique de la société, une psychose d'encerclement afin d'en faire de "bons soldats". Chez les seconds on a ancré le désir d'en découdre avec Israël afin de retrouver un foyer. Et pour ce faire, les dirigeants des pays arabes dans lesquels ils étaient réfugiés les ont maintenus pendant des dizaines d'années dans des camps de concentration, avec des conditions de vie insupportables, au lieu de les laisser s'intégrer dans la société de ces pays.
Le nationalisme est une des pires idéologies que la bourgeoisie ait inventées. C'est l'idéologie qui lui permet de masquer l'antagonisme entre exploiteurs et exploités, de les rassembler tous derrière un même drapeau pour lequel les exploités vont se faire tuer au service des exploiteurs, pour la défense des intérêts de classe et des privilèges de ces derniers.
Et pour couronner le tout, il s'y ajoute dans cette guerre le poison de la propagande religieuse, celle qui permet de créer les fanatismes les plus déments. Les juifs sont appelés à défendre avec leur sang le mur des lamentations du Temple de Salomon. Les musulmans doivent donner leur vie pour la mosquée d'Omar et les lieux saints de l'Islam. A ceux qui en refusent l'idée, ce qui se passe aujourd'hui en Israël et en Palestine confirme bien que la religion est "l'opium du peuple" comme le disaient les révolutionnaires au siècle dernier. La religion a pour but de consoler les exploités et les opprimés. A ceux pour qui la vie sur terre est un enfer, on raconte qu'ils seront heureux après leur mort à condition qu'ils sachent gagner leur salut. Et ce salut, on leur échange contre les sacrifices, la soumission, voire contre l'abandon de leur vie au service de la "guerre sainte".
Qu'à la fin du vingtième siècle, les idéologies et les superstitions remontant à l'antiquité ou au Moyen-Age soient e Moyen-Age soient encore abondamment agitées pour entraîner des êtres humains au sacrifice de leur vie en dit long sur l'état de barbarie dans lequel replonge le Moyen-Orient, en même temps que beaucoup d'autres parties du monde.
Quant aux pays "développés", aux "grandes démocraties" qui aujourd'hui se penchent avec une compassion affectée sur un Moyen-Orient emporté par la fièvre guerrière, les Etats-Unis et les pays de l'Union européenne notamment, il faut dénoncer leur hypocrisie répugnante.
Ce sont les dirigeants de ces mêmes puissances qui ont créé la situation infernale dans laquelle meurent aus laquelle meurent aujourd'hui par centaines, et demain, peut-être par milliers, les exploités de cette région.
Ce sont les bourgeoisies européennes, et particulièrement la bourgeoisie anglaise avec sa "déclaration Balfour" de 1917 qui, afin de diviser pour mieux régner, ont permis la constitution d'un "foyer juif" en Palestine, favorisant ainsi les utopies chauvines du sionisme. Ce sont ces mêmes bourgeoisies qui, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale qu'elles venaient de remporter, se sont arrangées pour acheminer vers la Palestine des centaines de milliers de juifs d'Europe centrale sortis des camps ou errant loin de leur région d'origine. Cela leur permettait de n'avoir pas à les recueillir dans leur pays.
Ce sont ces mêmes bourgeoisies, anglaise et française d'abord, puis la bourgeoisie américaine qui ont armé jusqu'aux dents l'Etat d'Israël afin de lui attribuer le rôle de fer de lance du bloc occidental dans cette région lors de la guerre froide, alors que l'URSSde, alors que l'URSS, de son côté, armait le plus possible ses alliés arabes. Sans ces grands "parrains", les guerres de 1956, 67, 73 et 82 n'auraient pas pu avoir lieu.
Avec l'effondrement de l'URSS et du bloc russe on nous avait promis une nouvelle "ère de paix". Ce mensonge avait été immédiatement démenti par la guerre du Golfe en 1991. Mais à la suite de celle-ci, l'illusion d'une paix possible avait été déversée par les discours des hommes politiques et avait fait la une des journaux. C'était le temps de la conférence de Madrid en octobre 1991 et de la "paix d'Oslo" signé à la Maison Blanche en septembre 1993.
Mais il n'y a pas de paix possible dans le capitalisme. Déjà, les horribles massacres en Yougoslavie nous le démontraient au même moment. Quant au Moyen-Orient, la paix voulait dire une "Pax americana", une présence encore plus pesante de la puissance américaine dans la région, ce que ne voulaient ce que ne voulaient pas d'autres bourgeoisies que la fin de la menace soviétique incitait à affirmer leurs propres ambitions impérialistes.
Aujourd'hui, toutes ces bourgeoisies affirment vouloir la paix. Ce qu'elles veulent surtout c'est mettre un pied ou renforcer leur position au Moyen-Orient, une des zones les plus convoitées du monde de par son importance économique et stratégique.
C'est pour cela que dans le conflit entre Israël et la Palestine, on retrouve les Etats-Unis comme parrain du premier pays alors que d'autres puissances, telle la France (comme on l'a vu lors de la rencontre de Paris au début octobre), se rangent derrière les positions palestinie positions palestiniennes.
Aujourd'hui encore, même avec la disparition de l'URSS, les grandes puissances viennent mettre de l'huile sur le feu, comme elles l'ont fait abondamment pendant près de 10 ans en Yougoslavie.
C'est pour cela que les ouvriers de ces pays, des "grandes démocraties", dont les dirigeants n'ont à la bouche que les mots "paix" et "droits de l'homme" doivent refuser de prendre partie pour un camp bourgeois ou pour l'autre. En particulier, ils doivent refuser de se laisser berner par les discours des partis qui se réclament de la classe ouvrière, les partis de gauche et d'extrême gauche qui leurs demandent de manifester leur "solidarité avec les masses palestiniennes" en quête de leur droit à une "patrie". La patrie palestinienne ne sera jamais qu'un Etat bourgeois au service de la classe exploiteuse et opprimant ces mêmes masses, avec des flics et des prisons. La solidarité des ouvriers des pays capitalistes les plus avancées ne va pas aux "palestiniensx "palestiniens" comme elle ne va pas aux "israéliens", parmi lesquels on trouve des exploiteurs et des exploités. Elle va aux ouvriers et chômeurs d'Israël et de Palestine, qui d'ailleurs mènent des luttes contre leurs exploiteurs malgré tout le bourrage de crâne dont ils sont victimes, comme elle va aux ouvriers de tous les autres pays du monde. Et la meilleure solidarité qu'ils puissent leur apporter ne consiste certainement pas à encourager leurs illusions nationalistes.
Cette solidarité passe avant tout par le développement de leur combat contre le système capitaliste responsable de toutes les guerres, un combat contre leur propre bourgeoisie.
Au Moyen-Orient, comme dans beaucoup d'autres régions du monde ravagées aujourd'hui pas la guerre, il n'y a pas de "juste paix" possible sous le capitalisme. Même si la crise actuelle ne débouche pas sur une guerre ouverte, même si les différents protagonistes arrivent à s'entendre cette fois-ci, cette régci, cette région restera une poudrière toujours prête à exploser.
La paix, la classe ouvrière devra la conquérir en renversant le capitalisme à l'échelle mondiale ce qui passe aujourd'hui même par un développement de ses luttes sur son terrain de classe, contre les attaques économiques de plus en plus dures que lui assène un système plongé dans une crise insurmontable.
Contre le nationalisme, contre les guerres dans lesquelles veulent vous entraîner vos exploiteurs,
Prolétaires de tous les pays, unissez vous !
Il y a encore deux ou trois mois, la "vache folle" passait pour un épisode presque oublié au milieu d'une série de scandales alimentaires, épisode dont le danger avait parait-il été quasiment éradiqué, au moins en France. C'était, nous a-t-on dit, un produit d'importation britannique qui, grâce aux bons offices du gouvernement français, ne menaçait désormais plus d'envahir les assiettes des prolétaires vivant de ce côté-ci de la Manche. Les mesures dites de "précaution" de l'Etat, allant des lois interdisant théoriquement l'utilisation des farines carnées dans l'alimentation des ruminants à l'embargo prolongé sur le boeuf anglais contre l'avis de la commission européenne, nous garantissait contre tout risque de développement sur le territoire français de la maladie bovine et, partant, de la maladie humaine : cette terrifiante variante atypique de la maladie de Creutzfeld-Jacob, qui lorsqu'elle se déclare après une longue incubation, condamne ses victimes à une mort certaine en moins d'un an. Entre temps, d'autres affaires touchant à notre nourriture quotidienne avaient eu le temps de voler la vedette à la vache folle, qu'il s'agisse du poulet à la dioxine, des fromages à la listeriose, des animaux d'élevage bourrés d'antibiotiques ou du Coca-Cola enrichi aux raticides, sans parler des campagnes régulières sur les OGM. Au mois de septembre, la publication de chiffres sur une nouvelle recrudescence des cas d'ESB en France a remis la question au premier plan des médias. En quelques jours, les mensonges hypocrites de la bourgeoisie française sur une prétendue meilleure sécurité alimentaire en France ont volé en éclats, au point que c'est maintenant le boeuf français qui a pris, chez les Etats concurrents de la France en Europe, la place du boeuf britannique comme synonyme de poison mortel.
A travers l'océan d'informations contradictoires, de chiffres et d'hypothèses plus ou moins "scientifiques" dont nous avons été abreuvés depuis lors, sans parler de l'évidente exploitation politicienne du scandale dans les règlements de compte entre l'Elysée et Matignon qui viennent encore ajouter à la confusion et aux doutes, il est quasiment impossible de se faire une idée très claire. Il y a cependant un fait qui s'impose : nous assistons au développement d'une épidémie bovine qui a commencé à se transmettre à l'homme et aucun expert n'est aujourd'hui en mesure d'affirmer qu'elle puisse être éradiquée ni de prédire l'ampleur que peut prendre le phénomène dans les années à venir. Les épidémiologistes britanniques avouent eux-mêmes ne pas savoir s'il y aura 100, 1000 ou 100 000 victimes en Grande-Bretagne.
Le vent de panique déclenché en quelques jours a pris une telle ampleur qu'elle a entraîné un effondrement brutal de la fili&e brutal de la filière de viande bovine, mis des centaines d'exploitations d'élevage au bord de la faillite et que des menaces sérieuses de licenciements dans les abattoirs et les industries de transformation de la viande pointent leur nez. Du coup, le gouvernement s'est empressé d'édicter une nouvelle loi, une de plus, concernant les farines animales, tandis que la machine médiatique, changeant de ton, s'escrimait à fustiger la "psychose collective irrationnelle" de la population et à "rassurer les consommateurs", ce qui, il faut le dire, est tout sauf ...rassurant.
Psychose ou pas, derrière la peur engendrée par ce nouveau scandale, il existe une réalité, qui a toujours été ressentie par des générations ouvrières,ons ouvrières, même si c'est plus ou moins confusément selon les époques : la classe capitaliste a toujours eu un mépris souverain pour les conditions alimentaires et sanitaires de ceux qu'elle exploite. Elle leur a toujours réservé les produits alimentaires de plus basse qualité, telle que la viande dite "de réforme", issue de l'élevage laitier ou les poulets de batterie, tous nourris aux fameuses farines, qui alimentent les supermarchés. Les scandales qui éclatent aujourd'hui révélant des empoisonnements alimentaires sciemment mis en oeuvre pour satisfaire la course au profit capitaliste, renvoient aujourd'hui directement à ce que dénonçait Engels dans son livre "La situation de la classe laborieuse en Angleterre" en 1845. Il montrait alors, dans des descriptions effrayantes, comment les prolétaires de Manchester et de Londres ne pouvaient accéder qu'à des aliments misérables, non seulement de faible qualité nutritive, mais carrément impropres à la consommation et mettant en danger leur santé: viandes avariées, farines mêlées de craie et de plâtre, par exemple.
Même s'il y a eu indéniablement depuis 150 ans, une amélioration globale de la situation alimentaire des prolétaires sur le plan sanitaire au moins, cette réalité d'une production et d'une distribution alimentaire de classe n'a jamais cessé d'être un fondement essentiel du capitalisme. La différence entre aujourd'hui et ce qui se passait en Angleterre dans la première moitié du 19e siècle, c'est que, depuis lors, c'est de manière bien plus systématique que le capital a développé une production alimentaire industrialisée qui, sciemment et scientifiquement, produit des aliments de basse qualité et de moindre coût pour les prolétaires et des produits de bonne qualité pour la classe bourgeoise.
En 1845, les empoisonneurs qui vendaient des aliments trafiqués aux ouvriers anglais étaient des petits épiciers de quartier sans scrupule et les bourgeois dule et les bourgeois d'alors, occupés à vanter les vertus du développement de l'industrie capitaliste, faisaient semblant d'ignorer leurs pratiques, alors qu'elles n'étaient qu'un maillon nécessaire de la logique impitoyable de l'exploitation salariée. Aujourd'hui ces petits épiciers ont depuis longtemps disparu. Ils ont laissé la place à une filière alimentaire industrielle moderne qui, de la production des matières premières agricoles à la grande distribution, en passant par la production et l'utilisation des fameuses farines animales, garantit à l'ensemble du capital qu'il y aura sur le marché de quoi entretenir, au coût le plus bas possible, la force de travail des prolétaires. Et quand ces mêmes filières se lancent, pour baisser encore les coûts, dans des pratiques scandaleuses, comme celles consistant à mêler des boues d'épuration aux aliments pour bétail, lorsque, pour augmenter la production dans l'industrie laitière à moindre coût, elles rendent les vaches carnivores et cannibales sans se préoccuper de vérifier d'abord les conséquences sanitaires de cette manipulation, quand, une fois ces conséquences mises au jour, elles continuent de le faire frinuent de le faire frauduleusement, les Etats bourgeois et leurs gouvernements font mine d'avoir ignoré tout cela comme le faisaient déjà les bourgeois anglais du 19e siècle. Ils font semblant de se poser en garants de la santé publique en dénonçant ici et là les abus trop voyants, comme les juges fustigés par Engels qui faisaient de temps en temps, pour la forme, des procès publics aux épiciers empoisonneurs.
La production agro-alimentaire est depuis longtemps une industrie, n'en déplaise à la mythologie bucolique de la "bonne bouffe artisanale", et, dans certains pays comme la France ou les Etats-Unis, qui sont parmi les plus grands exportateurs agricoles, elle constitue un des champs de bataille les plus importants de la guerrimportants de la guerre commerciale qui se joue entre les Etats. C'est bien pourquoi, toutes les pratiques -frauduleuses ou légales-, qui sont mises en oeuvre en matière d'agro-alimentaire pour produire au moindre coût sur le marché mondial, face à une concurrence toujours plus violente, ne pourraient avoir lieu sans la complicité des Etats. La généralisation des farines animales en Europe ne s’est faite que pour éviter d’acheter les protéines nécessaires à l’alimentation du bétail aux Etats-Unis ou à d'autres pays. Et, d'ailleurs, les Etats ne se préoccupent finalement de la santé des populations que dans la mesure où celle-ci devient à son tour une arme de la guerre commerciale. Les contrôles, les lois protectionnistes, les "mesures de précaution" et autres balivernes de ceux qui voient dans l'Etat bourgeois le moyen de corriger les "abus du marché", ne servent qu’à renforcer la compétitivité des uns par rapport aux autres. Ainsi les études sur la malignité, vraie ou fausse, des hormones de croissance données aux bovins, tout comme les soupçons sur les OGM., sont une arme de la concurrence européenne vis-à-vis des Etatà-vis des Etats-Unis, de la même façon que le danger des farines animales ou de la listériose sont autant de défenses américaines contre les produits européens. Ce qui montre que ce n'est probablement qu'une petite partie de la réalité des scandales alimentaires qui est rendue publique dans les médias, cachant l'iceberg de pratiques qu'aucun concurrent n'a encore eu intérêt à dévoiler.
Mais l'aiguillon de la concurrence sur le marché mondial, exacerbée par la crise de surproduction, est également valable pour toutes les autres marchandises, qu'il s'agisse non plus de lait, de viande ou de céréales, mais de machines-outils, d'acier ou de produits pétroliers. Dans le cas des biens destinés à la consommation immédiate des prolétaires, il existe en outre un autre phénomène, profondément inscrit dans les rapports capitalistes. C'est un impératif pour le capital, pris globalement, de réduire toujours plus les coûts de leur production, et cela fondamentalement parce ndamentalement parce que le prix de ces biens de consommation sur le marché intervient de manière essentielle dans la détermination du coût de la force de travail. Moins chers sont les aliments destinés aux prolétaires sur le marché et plus bas peuvent être maintenus les salaires (c'est-à-dire la part des salaires dans le revenu global), tout en satisfaisant les besoins vitaux nécessaires à l'entretien de la force de travail.
Les justifications bourgeoises habituelles nous diront bien sûr que les bonds spectaculaires de productivité obtenus dans l'agriculture et l'industrie alimentaire ont été motivés par l'augmentation des besoins alimentaires des populations en général. Ils nous diront qu'il vaut mieux du lait et de la viande en abondance produits grâce à l'utilisation d'aliments pour animaux modernes même s'ils sont "quelquefois un peu trafiqués", que la famine et la disette qu'a pu connaître la société à d'autres époques. Ce qu'ils ne disent pas, c'est que ce ne sont pa que ce ne sont pas les besoins alimentaires humains en soi qui ont motivé et qui motivent la recherche d'une productivité maximale avec des coûts de production les plus bas possible, mais le seul "besoin" que connaisse en dernière instance le capital : le maintien du profit extorqué sur le travail humain. Ce qu'ils ne disent pas, c'est qu'il ne faut pas chercher ailleurs le recours aux rebuts de l'équarrissage et aux boues d'épuration comme matière première à la production d'une denrée aussi basique et vitale que les produits laitiers. Ce qu'ils ne disent pas, c'est pourquoi, là où il n'est pas rentable ou pas possible, pour des raisons d'absence de marchés suffisants, d'intégrer la population dans les rapports d'exploitation salariée, le capital laisse tout simplement se développer la famine. Des régions entières de l'Afrique y sont ainsi régulièrement confrontées. Et, tandis que les surplus de la surproduction alimentaire de masse des pays développés dorment dans les hangars et les frigos, on expédie très "charitablement" aux crève la faim du tiers-monde les rebuts inexploitables par le capital, les viandes avariées, les médicaments pérdicaments périmés et autres laits pour bébés irradiés.
Les scandales alimentaires qui éclatent les uns après les autres aujourd'hui, révèlent simplement que cette logique implacable atteint maintenant un degré dément, qui vient s'ajouter à toutes les menaces que fait peser le maintien du système capitaliste sur l'existence même de l'humanité, au même titre que les menaces écologiques et guerrières.
De leur côté les diverses propagandes écologistes et "citoyennes" à la mode fustigent le "productivisme industriel", comme si c'était de l'industrialisation de la production de moyens de consommation, et des progrès dans la productivité du travail qui l'ont accompagné, que venait, en soi, le problème. Au contraire, ces progrès de la productivité du travail font partie du développement social historique et une soci&eace et une société communiste sera capable d'améliorer celle-ci bien au-delà encore que n'a pu le faire le capitalisme, dans le but tant de libérer les êtres humains des tâches les plus pénibles que de satisfaire pleinement leurs besoins, non seulement tels qu'on peut les percevoir aujourd'hui, mais qui seront ceux, toujours plus grands, d'une humanité enfin épanouie.
La bourgeoisie présente à sa façon l'avenir qu’elle nous prépare à l’orée de ce nouveau siècle. Elle affirme que de grands défis attendent l'humanité. Elle prétend qu’une nouvelle ère de prospérité du capitalisme s’est ouverte avec les valeurs de la nouvelle économie, qu’une nouvelle "révolution post-industrielle" est en marche grâce à l'essor et au développement des technologies nouvelles, que l’Internet mis à la portée du grand public préfigure un changement radical des comportements sociaux. Ces promesses s’accompagnent de bobards sur le futur retour au plein-emploi, la résorption du chômage, l’accroissement du temps libre. Bref, ça ira mieux demain. Ce tableau d’un futur presque idyllique ne correspond nullement à la réalité que vivent quotidiennement dans leur chair les ouvriers.
La classe dominante et ses médias nous assurent également que le vingtième siècle a été marqué par la faillite du communisme, qui ne peut être au mieux qu'un idéal utopique et dans la plupart des cas que le masque du pire des totalitarismes. C’est pourquoi elle nous raconte que la classe ouvrière est maintenant devenue une force sociale rétrograde, voire une espèce en voie de disparition et que la lutte de classe est une notion inopérante, ringarde ringarde et dépassée. Elle met donc en avant que le seul facteur porteur d’un progrès social ne pourrait venir que de la défense de la démocratie, de la montée en puissance des revendications et des mobilisations citoyennes, qu’elle nous présente comme un recours contre les excès et les dérives de la "mondialisation".
Tout cela n’est qu'un tissu de mensonges ! Cette propagande n’est qu’une arme que se donne la bourgeoisie pour tenter d’éloigner le prolétariat de la prise de conscience de la force révolutionnaire qu’il représente et le détourner des véritables enjeux de la situation.
Au tournant de ce siècle, les contradictions fondamentales entre le capital et le travail dans les rapports de production, l'antagonisme entre les intérêts de ce système d’exploitation et ceux de la classe ouvrière non seulement sont toujours là mais ne cessent de s’exacerber. Partout, dans le monde, c’est la même paupérisation croissante des prolétaires, sous la pression des attaques frontales, massives, incessantes de la bourgeoisie : productivité accrue, détérioration accélérée des conditions de vie et de travail, blocage ou diminution des salaires, poursuite des licenciements massifs, généralisation de la précarité, attaques contre la protection sociale (retraites, santé).
Non seulement le capitalisme réduit aujourd’hui à la misère une partie de plus en plus large de la population mondiale, mais il constitue une menace pour la survie de toute l’humanité.
C'est une évidence : le monde capitaliste se vautre déjà dans la barbarie. La multiplication des guerres et des foyers de massacres condamne la population de régions entières du globe à être les victimes de la folie meurtrière de l’impérialisme des nations, des plus grandes puissances aux plus petites alors que la sophistication technologique est entièrement mise au service du perfectionnement d’engins de mort toujours plus meurtriers et ravageurs.
C'est la course effrénée aux profits capitalistes qui génère des catastrophes écologiques, des maladies nouvelles ou des empoisonnements de la nourriture de plus en plus nombreux et dont les effets polluants ou toxiques sont irrémédiables. Tous ces éléments sont révélateurs de la faillite du système capitaliste sous toutes ses formes. Il ne peut rien apporter demain que davantage de misère, de guerres, de décomposition sociale. Il porte déjà en lui, à terme, la destruction, la disparition convulsive de l’humanité.
Face à cela, la bourgeoisie cherche à masquer qu'il existe une force sociale porteuse d’un autre avenir pour l'humanité. Seule la classe ouvrière, même si elle n’en a pas clairement conscience aujourd’hui, est capable de s’opposer à cette issue fatale, non pas par la force d’une croyance idéologique, mais parce qu'elle est d’un point de vue historique, la première et la seule classe exploitée qui constitue en même temps une force révolutionnaire. Comme classe exploitée et opprimée et de par la place spécifique qu'elle occupe dans les rapports sociaux de production, elle a les moyens de s’affirmer comme classe révolutionnaire et de renverser le capitalisme. Elle est la productrice essentielle de l’accumulation de la richesse sociale dont le niveau déjà atteint au sein du capitalisme permettrait la redistribution sociale communiste selon le principe de "à chacun selon ses besoins". Seule la classe ouvrière a les moyens d'abolir toutes les formes de propriété, de privilèges et d’exploitation et de réaliser le communisme. Produisant cette richesse de manière associée et collective, étant entièrement dépossédée des moyens de production, elle est contrainte de vendre sa force de travail, elle n’a donc aucun moyen comme classe exploitée de devenir à son tour une classe dominante et exploiteuse sur le terrain économique parce qu’elle n’a aucun intérêt économique particulier à défendre au sein de l’ancienne société. Ses seules forces reposent sur l’existence de l’unité de ses intérêts à l’échelle internationale et sur l’affirmation de sa conscience politique. Elle n’a "à perdre que ses chaînes et un monde à gagner", comme l'affirmait déjà Marx dans Le Manifeste Communiste de 1848.
Aujourd’hui comme au 19e ou au 20e siècle, la classe ouvrière n'a rien à attendre du capitalisme mais elle est nécessairement amenée à se battre de façon unitaire au-delà d’intérêts corporatistes contre les coups que lui porte la bourgeoisie. C’est dans cette lutte qu’elle forgera sa confiance en ses propres forces, en ses propres capacités révolutionnaires. Elle en a les moyens et elle n'a pas d’autre choix. De l'issue de ces combats qui seront le véritable enjeu majeur du 21e siècle dépendent l'avenir et la survie de l'humanité toute entière.
Le sommet de l’Union Européenne à Nice aurait pu passer quasiment inaperçu sans que personne ne s’en inquiète. Ce type de réunions technocratiques autour de thématiques totalement éloignées des préoccupations quotidiennes n’a rien qui puisse en faire l’événement à la une des médias. Ce ne fut pourtant cette fois-ci vraiment pas le cas.
Le mercredi 6 décembre, à la veille du sommet, ce sont déjà environ 70 000 personnes qui se sont retrouvées dans la rue, dont 60 000 derrière les banderoles de la CES (confédération européenne des syndicats, à laquelle appartiennent en France la CFDT et plus récemment la CGT). Sur la base de revendications "constructives" axées sur "l’Europe Sociale", le cortège s’est résumé à une démonstration de force dans le plus grand calme. Les 10 000 manifestants restants, en queue de cortège et membres de syndicats dits "radicaux" et d’organisations "antimondialistes" diverses, attendaient leur heure.
Car c’est en effet le lendemain que les choses se sont gâtées. Pourtant, ce qui impressionne en premier n’est pas le nombre de manifestants (2500 à 3000) mais celui des organisations présentes : "syndicalistes de SUD et de la CGT espagnole (anarcho-syndicaliste), membres d’Attac (…), du DAL (…), de Droits Devant !, de la LCR ou d’Alternative Libertaire, "invisibles" italiens, trotskistes grecs, autonomes allemands, ainsi qu’une kyrielle d’anarchistes et d’écologistes d’obédience diverse auxquels se sont joints de jeunes basques radicaux" (Le Monde du 9 décembre). Tout ce petit monde, qui souvent d’ailleurs ne demande que cela, n’a pas tardé à goûter aux provocations de la police : lacrymogènes sans retenue avant même que le cortège ne se mette en branle, plusieurs dizaines d'arrestations, quelques condamnations sommaires, l’impossibilité de réserver des salles pour les réunions ou l’hébergement, et surtout l’épisode le plus relaté, le blocage à la frontière du train affrété par les "invisibles" italiens, qui s’est soldé par plusieurs échauffourées et quelques blessés. D’autres ont retrouvé leurs voitures renversées à deux pas des cordons de police… Même le Front National a été réveillé afin d’aller manifester face aux gauchistes !
Bref, toute "l’internationale citoyenne" issue des manifestations de Seattle lors du sommet de l’OMC il y a un an s’est retrouvée pour rejouer la même scène. Et, comme à Seattle, elle a été plus que probablement "aidée" par la présence de provocateurs de la police infiltrés dans les manifestations, histoire que le show soit plus spectaculaire. Voilà comment l’eurosommet a servi de prétexte pour faire mousser à nouveau ce mouvement "antimondialisation" qui, de Seattle à Millau et Prague, fait décidément beaucoup parler de lui, de manière largement encouragée par la machine médiatique et étatique.
C'est ainsi que les médiatisations des événements de Nice ne se sont pas privées d'opposer la première manifestation, pacifique procession appelée par les grandes centrales syndicales et dont la massivité n'a ému personne, à la seconde, tellement plus radicale et prête à en découdre avec les forces de l'ordre qui a tout de même réussi à perturber quelque peu la tenue du sommet. Dès les premiers heurts de la seconde, les déclarations affluaient. Lionel Jospin d’abord opérait une distinction entre "les démonstrations des organisations syndicales pacifiques" et l’action "de petits groupes violents qui défigurent les causes qu’ils prétendent défendre" (Le Monde du 9 décembre). Un politologue dira plus tard : "Même s’il y avait 2% de radicaux violents, ils ne peuvent occulter les 98% qui travaillent sur le fond" (Libération de 9 et 10 décembre). Les dirigeants "radicaux" s’y mettent aussi : la Confédération Paysanne de Bové parlera de "minorité minoritaire", SUD de "mômes, âgés de 16 à 20 ans maxi, au discours plutôt minimaliste" (ibid).
D’un côté, on nous présente donc des syndicats organisés, puissants et pacifiques, qui manifestent derrière des revendications "constructives" dans des défilés bien encadrés. De l’autre, des mobilisations de "citoyens", apparemment plus "subversives", incluant des actions moins contrôlables et plus "sauvages", sur un thème faussement radical et fédérateur : "l'anti-mondialisation".
L'agitation antimondialiste passe ainsi pour une "alternative" radicale aux défilés ronronnants et parfaitement institutionnalisés des syndicats. Elle se présente, et on la présente, comme une voie à suivre pour tous ceux qui cherchent à se battre sur un terrain anticapitaliste. Mais cela n'est qu'un leurre, une illusion et un piège.
Nous avons déjà montré comment la focalisation sur la prétendue nouveauté que serait la "mondialisation" est une mystification qui cherche à détourner toute véritable dénonciation du capitalisme. Elle ne fait que masquer l’aggravation de la crise du capitalisme et l’exacerbation de la concurrence entre Etats (dans un marché déjà mondial depuis près d'un siècle !) et partant, des attaques toujours plus dures sur les conditions de vie du prolétariat 1 [7].
Les tenants de l'anti-mondialisation et leurs mobilisations "citoyennes" développent, en vérité, derrière un discours d'apparence radicale, une propagande profondément nationaliste et fondamentalement bourgeoise : la défense de "l'intérêt national" et de l'Etat contre les différents organismes internationaux mis en place par les Etats eux-mêmes, qu'ils aient nom OMC, Union européenne ou FMI. Elles participent pleinement de toutes les assourdissantes campagnes médiatiques à la gloire de la démocratie bourgeoise, en occupant, en leur sein, le créneau de "la base" et des "citoyens", par opposition à celui des partis politiques et du jeu électoral, particulièrement discrédités. Mais elles jouent le même rôle : celui de masquer les antagonismes de classe de la société et de renforcer l'illusion que l'Etat bourgeois pourrait être "au service du peuple", pour peu que les "citoyens" s'en mêlent. Exit la lutte de classe donc au profit de celle de "citoyens" qui, bourgeois et prolétaires confondus, devraient s'unir pour défendre les prérogatives de l'intérêt national (qui ne peut être que l'intérêt du capital national !) et de l'Etat contre tout ce qui peut le "menacer".
En canalisant ceux qui rejettent les syndicats et leur rôle de saboteurs et de tampons sociaux vers la défense de causes aussi étrangères à la classe ouvrière que la défense de la production nationale ou régionale, la revendications d'échanges commerciaux "plus respectueux des intérêts nationaux" ou le respect des prétendues "libertés démocratiques", la bourgeoisie cherche surtout à éviter tout débordement de la combativité ouvrière sur un terrain de classe. S'en remettre aux syndicats ou se placer sur le terrain interclassiste du "combat citoyen", voilà le faux choix qu'on propose aux prolétaires à la recherche d'une perspective. Et la bourgeoisie sait bien que, tant que la réponse ouvrière aux coups de plus en plus durs que la crise du capitalisme impose à ses conditions de vie sera enfermée dans de tels faux choix, elle pourra dormir sur ses deux oreilles.
H (15 décembre 2000)
1 [8] Voir la Revue Internationale n°86, "Derrière la ‘mondialisation’ de l’économie, l’aggravation de la crise du capitalisme [9]" et RI n° 297 et 304.
Et rebelote ! L'agitation qui oppose le MEDEF aux
syndicats sur les modalités du financement des retraites
complémentaires dans le secteur privé a un goût
de déjà vu. On se rappelle il y a quelques mois des
négociations sur l'assurance-chômage qui ont donné
lieu au Plan d'Aide au Retour à l'Emploi (PARE).
"L'intransigeance" du patronat, les "protestations"
syndicales et les hauts cris du gouvernement qui avait prétendu
pendant des mois que le PARE était "inacceptable",
n'auront servi qu'à préparer le terrain à
l'accouchement d'une violente attaque contre les ouvriers au
chômage et contre les conditions de travail de tous les
salariés.
On assiste au même scénario aujourd'hui avec l'attaque sur les retraites. Comme à chaque fois qu'il faut attaquer la classe ouvrière, chacun des partenaires sociaux est appelé à jouer son rôle. Au MEDEF d'annoncer la couleur : il faut en finir avec la retraite à 60 ans dans le secteur privé et il s'agit désormais de se rapprocher d'un régime d'assurance privée qui prendrait en compte l'espérance de vie moyenne des salariés et entraînerait à terme une durée des cotisations sur 45 ans. En outre, pour justifier sa réputation de méchant, le patronat mettait le "couteau sous la gorge" des syndicats et du gouvernement en menaçant de ne plus lever les cotisations pour l'ASF (Association pour la Structure Financière) dès le mois de janvier, paralysant ainsi le fonctionnement de l'organe de financement des retraites complémentaires. Devant une telle "intransigeance", le gouvernement s'est posé, une fois de plus, comme le "garant des acquis sociaux" et il n'a eu de cesse de vouloir rassurer les ouvriers en jurant qu'il maintiendra, coûte que coûte, la retraite à 60 ans. Quant aux syndicats, ils dénoncent de façon radicale, le "chantage" du patronat et ont lancé un appel à manifester derrière la bannière unitaire de tous les syndicats du privé comme du public, à l'occasion de la journée d'action du 25 janvier, contre la remise en cause de la retraite à 60 ans.
Cela n'a pas loupé : au lendemain des manifestations massives de ce fameux 25 janvier, on a eu droit aux gros titres : "Le Medef fléchit face à la rue" et aux interviews du Seillière de service qui, "frappé par le caractère imposant des cortèges" s'est dit ouvert à "réouvrir les négociations". Ce à quoi le Thibault de service, au nom de la CGT, a répondu à la télévision que les syndicats ont "des pistes" à proposer pour la suite des discussions. C'est clair, on va nous concocter un nouvel accord, juste un peu moins violent que celui annoncé d'emblée par le patronat et qu'on nous fera passer pour une "victoire" de la mobilisation syndicale. Quant au gouvernement, il n'attend bien sûr que cela pour, dans la foulée du nouveau sort réservé aux ouvriers du privé, faire accepter un "alignement progressif" du secteur public sur celui-ci.
Une fois de plus, lorque le gouvernement et les syndicats se présentent comme les défenseurs de la classe ouvrière, contre la "logique libérale" du patronat, ce n'est que pour mieux faire accepter aux prolétaires de nouvelles attaques, en leur faisant croire que l'initiative en serait venue du seul MEDEF. Car il est clair que l'attaque contre les retraites qui a déjà commencé à se mettre en place sous diverses formes ces dernières années, sous les divers gouvernements de droite comme de gauche, est depuis longtemps dans les cartons de la classe dominante et de l'Etat. Comme le souligne la presse bourgeoise, "l’enjeu n’est d’ailleurs pas de savoir si la retraite à 60 ans sera remise en cause, il est de choisir comment elle va disparaître". (Libération du 21 décembre 2000).
Pour les ouvriers du privé c'est depuis 1993, sous le gouvernement Balladur, que la disparition de la retraite à 60 ans est programmée, et le gouvernement de gauche n'est jamais revenu sur cette attaque. D'ici 2003, l'allongement de la durée de cotisation passe de 37 ans et demi à 40 ans et d'ici 2008, la retraite sera calculée sur les 25 meilleures années au lieu de 10 précédemment. En sachant qu'on entre dans la qu'on entre dans la vie active de plus en plus tard, compte tenu du chômage ou des études de plus en plus longues, il faudra souvent trimer jusqu'à 64 ans pour avoir son compte d'annuités. Par ailleurs, l'augmentation du nombre d'années à prendre en compte pour calculer le montant des pensions va amputer sérieusement celles-ci à la baisse, compte tenu de l'augmentation de la précarité, des périodes de plus en plus fréquentes de chômage, sans parler des ouvriers qui vivent l'imposition du temps partiel ou des petits boulots, qui ne font plus partie des sordides prévisions des spécialistes bourgeois.
Pour les ouvriers du public, dans la continuité des gouvernements de droite, la gauche plurielle démontre toute sa duplicité, et les syndicats sont pertinemment au courant que "le 21 décembre 2000, le gouvernement a transmis à Bruxelles le programme pluriannuel de finances publiques 2002-2004, dans lequel figure l’objectif d’aligner progressivement la durée de cotisation des fonctionnaires pour une retraite au taux plein (37,5 ans) sur celle des salariés du secteur privé (40 annuités) " (Le Monde du 5 janvier 2001)
Voilà ce qui nous attend pour les régimes de base, et du soi-disant droit à la retraite à 60 ans. Quant aux retraites complémentaires, la gauche et les syndicats nous ont vanté pendant des années les louanges des mutuelles qui font du "social", à l'opposé des fonds de pension que prône le patronat. Outre le fait que le choix entre les deux formules n'en est pas vraiment un car, de toutes façons, vu les misérables versements des régimes de base, les ouvriers sont bel et bien obligés d'amputer leurs salaires de nouvelles ponctions pour se constituer des retraites complémentaires, les mutuelles sont capables des mêmes pratiques malhonnêtes que les fonds de pensions des assurances privées.
Ainsi, la gauche et les syndicats se sont bien gardés de faire du bruit et, encore moins d'appeler à la mobilisation, quand la MRFP (Mutuelle retraite de la fonction publique, gérée directement par les syndicats !) a décidé de baisser de 16,7% au 1er janvier 2001 le montant des retraites complémentaires auxquelles auront droit les 450 000 cotisants au CREF (Complément Retraite Epargne Fonction Publique). Et ce n'est qu'une moyenne, puisque la baisse ira jusqu'à 25% pour ceux qui ont opté pour un contrat ne comprenant aucune capitalisation. Le tout ne s'appliquant évidemment pas seulement aux contrats à venir, mais aussi aux contrats en cours. Ainsi les salariés qui ont souscrit un contrat avec une retraite complémentaire soi-disant garantie et qui, pendant des années, ont cotisé sont bel et bien escroqués. Cela représente une baisse de 43 à 383 francs par mois, soit pour un couple de fonctionnaires, une perte de près de 7000 francs sur l'année. Le tout, alors que depuis plusieurs années déjà, le prétexte du "vieillissement de la population" a été utilisé pour augmenter régulièrement les cotisations des différentes mutuelles. Et comme si cela ne suffisait pas, Maurice Duranton, le président de la mutualité fonction publique, se fait le porte-parole de l'ensemble des mutuelles en annonçant que "tout le monde doit participer à l’effort de solidarité, comme demain on devra le faire dans le domaine de la santé" (Le Monde du 30 janvier 2000), ce qui veut dire que les ouvriers qui ont une mutuelle complémentaire à la sécurité sociale, doivent s'attendre à des baisses de remboursement des soins et des médicaments. Voilà la solidarité que nous proposent la gauche et les syndicats, voilà la réalité du "social" que pratiquent leurs mutuelles, elles n'ont rien à envier aux fonds de pension du patronat !
Oui mais quand même, pourrait-on nous rétorquer,
il faut prendre en compte la dégradation du rapport
cotisants-retraités. La commission européenne
n'a-t-elle pas remis en avril dernier, un rapport aux quinze, qui
prévoit que, si rien n'est fait, le ratio actifs/retraités
s'inversera vers 2050, d'où ses recommandations pour un
relèvement général de l'âge de départ
à la retraite ?
Effectivement, ce ne sont pas les seuls ouvriers de France qui sont concernés par ses attaques mais l'ensemble des ouvriers européens. Le fait qu'il n'y aurait plus assez d'actifs pour payer, financer les retraites, dû au vieillissement de la population et à l'allongement de l'espérance de vie sont un problème de gestion pour le capitalisme. Comment faire avec tous ces "vieux salariés" qui visiblement vivent trop longtemps, -au goût du capitalisme. Après avoir exploité leur force de travail tout au long de leur vie de salarié et ponctionné leurs salaires : pour des retraites de base, puis complémentaires, des assurances-vie, des mutuelles, des fonds de pension, le capitalisme se plaint encore d'avoir à les nourrir une fois qu'ils ne sont plus productifs !
Mais le cynisme de la bourgeoisie et le caractère totalement déshumanisé de son système ne s'arrêtent pas là. Si la société ne compte "plus assez d’actifs" en termes capitalistes, comment croire sérieusement qu'il s'agit d'un simple problème démographique alors que tous les chômeurs, les précaires et autres types d'exclus des rangs des "actifs" ne demanderaient pas mieux que d'être complètement intégrés au monde du travail. La véritable cause de la pénurie de "salariés actifs" c'est la crise et le chômage, que le capitalisme engendre, dont il est responsable.
Ouvriers du privé, ouvriers du public, nous devons lutter contre les attaques que sont en train de préparer danréparer dans notre dos, les patrons, le gouvernement de gauche et les syndicats sur les retraites. N'oublions pas que c'est en nous promettant du temps libre, pour notre bien, qu'ils nous ont imposé les 35 heures, dont on mesure partout les bienfaits : à savoir une généralisation de la flexibilité, l'intensification des cadences de travail, le blocage des salaires. Pour les retraites, c'est au nom de la solidarité entre générations de prolétaires dont ils se moquent bien qu'ils vont encore nous demander de faire des sacrifices. C'est tous ensemble et unis que nous serons capables de faire reculer les attaques à venir.
Dan (21 janvier 2001)Une nouvelle vague de privatisations s'annonce au niveau européen avec la dénationalisation du contrôle aérien en Grande-Bretagne, la mise sur le marché, en Allemagne, de 29% de la Deutsche Post et la perspective, en France, d'un changement de statut de La Poste pour l'après 2002. Les ouvriers savent d'expérience que les privatisations sont synonymes d'attaques nouvelles, sous diverses formes, de leurs conditions de vie. Mais ce que beaucoup d'entre eux n'ont pas connu ou ont oublié, c'est que les nationalisations ou le travail dans le secteur nationalisé ne mettent en rien à l'abri d'attaques également sévères. En fait, les nationalisations comme les privatisations sont toutes deux des moyens pour le capital national de s'adapter, dans des conditions historiques différentes, aux nécessités du marché et du contexte politique mondial. Et c'est toujours la classe ouvrière qui en fait les frais.
La contribution de la gauche à la mise en œuvre du programme de privatisations de Balladur en 1993 est plus qu'honorable : CIC, Thomson-CSF et Multimédia, le GAN, Eramet, CNP assurances, Crédit Lyonnais, Aérospatiale et la Banque Hervet est en cours. Le PS avait beau inscrire dans sa plate-forme électorale de 1997 qu'en cas de victoire, il refuserait "la privatisation des services publics et leur transformation en objet de profit", c'est bien la gauche plurielle qui a ouvert partiellement le capital de France Télécom. Et nos staliniens à la mode Hue, qui ont viré casaque sur cette question, ne sont pas en reste.
Cette réalité n'empêche néanmoins pas la mise en avant, par des secteurs de gauche de la bourgeoisie, de cette idée fausse selon laquelle l'exploitation dans les entreprises sous contrôle de l'Etat serait, par nature, plus humaine, différente de celle pratiquée dans le secteur privé.
Rien n'est plus faux parce que l'Etat patron est le représentant, le garant et le défenseur du capital national. Depuis que le capitalisme s'est imposé comme mode de production dominant dans la société, l'Etat n'a cessé de développer son influence et ce rôle de représentant suprême des intérêts de la classe capitaliste dans son ensemble. C'est déjà ce qu'Engels mettait en évidence au 19e siècle, alors que le capitalisme était encore en pleine expansion, dans sa phase d'ascendance : "Ni la transformation en sociétés par actions, ni la transformation en propriété d'Etat, ne supprime la qualité de capital des forces productives (…) L'Etat moderne n'est à son tour que l'organisation que la société bourgeoise se donne pour maintenir les conditions extérieures générales du mode de production capitaliste contre des empiètements venant des ouvriers comme des capitalistes isolés. L'Etat moderne, quelle qu'en soit la forme, est une machine essentiellement capitaliste : l'Etat des capitalistes, le capitaliste collectif en idée. Plus il fait passer de forces productives dans sa propriété, plus il devient capitaliste collectif. En fait, plus il exploite les citoyens. Les ouvriers restent des salariés, des prolétaires. Le rapport capitaliste n'est pas supprimé, il est au contraire poussé à son comble" (Anti-Dühring).
L'entrée fracassante du capitalisme dans sa période de décadence, avec l'irruption de la Première Guerre mondiale, s'accompagne d'un développement considérable du rôle de l'Etat dans la société.
Dans le capitalisme décadent, c'est pour éviter la dislocation de la société que s'impose le renforcement du rôle de l'Etat :
- il doit contrôler plus étroitement l'économie nationale, au détriment de la liberté d'action des capitalistes individuels et parfois de leur existence même, en vue d'affronter plus efficacement la guerre économique mondiale ;
- le système se trouvant désormais dans l'incapacité d'accorder des réformes durables à la classe ouvrière, l'Etat doit mettre en place les structures d'encadrement (syndicats …) destinées à empêcher que la lutte de classe, alimentée par l'aggravation de l'exploitation, ne remette en cause les fondements du système ;
- et enfin, l'Etat doit mobiliser toutes les forces de la société au service du développement du militarisme qui n'est autre que la forme que prend la fuite en avant face à l'impasse économique.
Si la tendance au capitalisme d'Etat est une donnée historique universelle, elle n'affecte cependant pas de façon identique tous les pays. Dans les pays économiquement développés à la fin du 19e siècle, là où il existe une vieille bourgeoisie industrielle et financière, cette tendance se manifeste en général par une imbrication progressive des secteurs "privés" et des secteurs étatisés. Dans un tel système, la bourgeoisie n'est pas dépossédée de son capital et elle conserve l'essentiel de ses privilèges.
En revanche, dans les régimes dits socialistes de l'ex-bloc de l'Est et de la Chine, il n'existe pas de bourgeoisie "privée", l'essentiel des moyens de production étant pris en charge directement par l'Etat. Cette particularité ne change rien à la nature capitaliste de ces pays où le but de la production demeure l'extraction de la plus-value, obtenue au prix d'une exploitation féroce de la classe ouvrière, et accaparée par le classe bourgeoise constituée par la bureaucratie de l'appareil d'Etat 1 [14].
C'est en fonction des impératifs de la préparation à la Seconde Guerre mondiale qu'est effectuée, en 1937, en France, la nationalisation des industries d'armement par le Front populaire en vue de favoriser leur développement accéléré.
A partir de 1943, intervient une vague de nationalisations dans un certain nombre de pays européens. Celles-ci concernent, en France et après la guerre, des secteurs clés comme Renault, les transports aériens, le gaz, l'électricité, les assurances, les charbonnages. Elles sont conçues comme étant directement au service de l'effort de reconstruction des économies ravagées par la guerre : "C'est donc devant l'ampleur de la tâche que le capitalisme individuel est obligé de céder le pas à l'Etat capitaliste. Cette mesure de concentration du capital entraîne infailliblement d'autres conséquences, telle la réduction des frais de production, des liaisons plus étroites entre toutes les industries" 2 [15]. L'organisation de la société qui accompagne le mouvement de nationalisations est orientée essentiellement au service d'une exploitation accrue et systématique de la classe ouvrière : "Par une série d'impôts directs et indirects, par la réglementation des salaires et des prix, par des dévaluations successives, l'Etat peut rogner de plus en plus sur le capital variable national et sur l'épargne. Par une réglementation du ravitaillement général, il peut réduire la production de consommation au profit de production des moyens de production, et permettre de masquer les diminutions constantes de salaire et l'état de famine qui s'ensuit" 3 [16].
Il ne faut pas que l'ordre social soit troublé, en particulier dans les secteurs stratégiques de la production. C'est pourquoi les ouvriers qu'ils emploient sont étroitement encadrés par les syndicats et la gauche du capital. Dans ce rôle anti-ouvrier, le PCF se distingue particulièrement puisque le ministre du travail de De Gaulle n'est autre que Thorez, le secrétaire général de ce parti. Celui-ci s'était particulièrement illustré comme l'artisan d'une véritable militarisation du travail en temps de paix, comme en témoignent, par exemple, ses paroles en direction des mineurs : "Si des mineurs doivent mourir à la tâche, leurs femmes les remplaceront." La classe ouvrière, malgré des réactions significatives comme la grande grève à Renault en 1947, pour des augmentations de salaire et de meilleures conditions de vie, ne réussira pas à desserrer l'étau de la double férule gaulliste et stalinienne. Laminée idéologiquement et écrasée physiquement dans ses principaux bastions (Allemagne), la classe ouvrière était particulièrement vulnérable à la propagande de gauche qui présentait les nationalisations comme des mesures sociales et progressistes : "Au nom du peuple, l'Etat prend en mains les industries-clés, pour l'intérêt général. Aux gaspillages particuliers dûs à l'anarchie du mode d'échange capitaliste, les nationalisations vont mettre un frein et de l'ordre (…) Du travail pour tout le monde, puisque les usines appartiennent à la Nation qui a chargé l'Etat de gérer la production. Ce caractère démagogique d'une mesure essentiellement bourgeoise est, d'après ses meilleurs défenseurs et bénéficiaires, le moyen par lequel la société se transformera" 4 [17].
Cette vague de nationalisations constitue le moyen obligé de la défense et du renforcement des positions des capitaux nationaux sur l'arène internationale : "Aujourd'hui, l'Etat bourgeois, par la concentration capitaliste, tend de plus en plus à se substituer au capitaliste individuel. Cette nécessité, causée par la crise du système, exige de transférer la libre disposition des moyens de production. Ce transfert, par lui-même, ne change rien à la nature du système capitaliste, puisque l'accumulation toujours croissante de la plus-value se fait aussi (…) Sur le marché mondial, les Etats se présenteront à la place des anciens capitalistes privés (…) Aujourd'hui, ce que les capitalistes privés ne peuvent pas trouver sur le marché mondial, l'Etat le peut, car il est capable de donner comme garantie l'ensemble de la richesse de la nation" 5 [18].
Les nationalisations ont aussi leur revers de médaille : elles induisent "aussi une irresponsabilité plus grande dans la direction et certains gaspillages bureaucratiques" 6 [19].
En effet, dans les pays avancés, la présence d'un fort secteur étatisé tend à se convertir en handicap pour l'économie nationale à mesure que s'aggrave la crise mondiale. Dans le secteur étatisé, le mode de gestion des entreprises, leurs structures d'organisation du travail et de la main d'œuvre, limitent bien souvent leur adaptation à la nécessaire augmentation de la compétitivité. En effet, leurs différentes couches de dirigeants, se sachant protégées par leur statut, sont insuffisamment enclines à remettre en jeu aussi souvent que l'exigerait l'évolution du marché, l'orientation de la production et l'organisation du travail.
Dans la grande vague de privatisations qui affecte, depuis les années 80, la plupart des pays occidentaux les plus développés 7 [20], il faut voir, bien sûr, un moyen de limiter l'étendue des conflits de classe. En effet, le remplacement d'un patron unique, l'Etat, par une multitude de patrons, constitue pour la bourgeoisie un moyen de morceler et diviser la lutte. Mais, comme nous l'avons évoqué, c'est aussi un moyen de renforcer la compétitivité de l'appareil productif à travers une plus grande souplesse dans l'exploitation que ne le permet le secteur nationalisé.
C'est pourquoi, tout gouvernement, qu'il soit de droite ou de gauche, ne peut se soustraire à cet impératif de défense du capital national.
Loin de signifier un amoindrissement du rôle de l'Etat dans la vie économique et de son contrôle de la société, les privatisations sont au contraire rendues possibles parce que l'Etat a développé un ensemble d'instruments budgétaires, financiers, monétaires et réglementaires qui lui permettent à tout moment d'orienter les grands choix économiques sans pour cela remettre en cause les mécanismes du marché.
La classe ouvrière n'a évidemment pas à prendre parti au sein d'un combat pour choisir son exploiteur. Cela ne la mènerait qu'à la défaite et la démoralisation. Ainsi, lorsqu'on tentera de la rabattre sur ce terrain pourri, il faudra qu'elle se souvienne des "bagnes publics" édifiés après la guerre mais aussi des centaines de milliers d'emplois supprimés dans le secteur nationalisé à Renault (50 000 depuis la moitié des années 70), dans les charbonnages et la sidérurgie (dont une bonne partie sous le gouvernement de gauche PC-PS en 84), etc. A ceux qui invoqueront les conséquences dramatiques des privatisations "sauvages" qui démantèlent les services publics, comme par exemple les accidents ferroviaires en Grande-Bretagne (Paddington en 1999, 31 morts ; Hatfield en 2000, 4 morts) ou encore la récente panne qui a privé la Californie d'électricité pendant plusieurs jours, ils devront opposer que ce ne sont pas les privatisations qui engendrent des catastrophes mais le capitalisme en crise. C'est contre celui-là qu'il faut se battre.
B (16 janvier)
1 [21] Pour davantage d'explications sur cette question, consulter les "Thèses sur la crise économique et politique en URSS et dans les pays de l'Est [22]" dans la Revue Internationale n° 60 et dans notre brochure "Effondrement du Stalinisme".
2 [23] Extrait de l'article "A chaque époque, sa farce démagogique" publié le 8 mars 1946 par Internationalisme, organe de la Gauche Communiste de France. La GCF est une des composantes du courant de la Gauche communiste laquelle, pendant la seconde guerre mondiale, n'a pas, contrairement au trotskisme, trahi le camp prolétarien par le soutien à un camp impérialiste. Voir à ce sujet nos brochures [24] "La Gauche communiste d'Italie" et "La Gauche hollandaise".
3 [25]Ibid.
4 [26]Ibid.
5 [27]Ibid.
6 [28]Ibid.
7 [29] Les nationalisations du début des années 80 en France n'ont pas la même signification que celles de l'après-guerre. En fait, elles interviennent à contre-courant, au moment où l'heure a sonné pour le mouvement inverse. La raison en est qu'elles faisaient partie du programme de gouvernement de la gauche avant qu'elle n'arrive, par accident et à sa surprise, au gouvernement en 1981. Elles ont constitué une des seules promesses électorales, en apparence sociales, que la gauche au gouvernement ait été en mesure de tenir quelque temps, puisqu'en matière de progression du chômage et de dégradation du pouvoir d'achat, celle-ci a encore amélioré les scores des équipes de droite précédentes.
Le vraquier aux cales chargées de pauvres hères entassés comme du bétail depuis plus d'une semaine s'était à peine échoué sur la Côte d'Azur, que le cri du coeur du très humaniste parti socialiste français ne s'est pas fait attendre : "on n'en veut pas !". Aux déclarations de François Hollande "il faut accueillir humainement ces exilés, mais ne pas leur donner l'illusion et l'espoir d'une intégration dans notre pays", enchérissait un Bertrand Delanoë : "le meilleur moyen de lutter contre ces trafics de personnes, c'est de ne pas considérer, à priori, que tout le monde pourra rester sur le territoire français". Quant au gouvernement de la gauche plurielle, il n'avait, de toutes façons, pas attendu les déclarations de ces dignes représentants du PS, pour prendre immédiatement des mesures coercitives conformes à de tels états d'âme : le parquage policier des 910 Kurdes dans une "zone d'attente", créée à la hâte sur une base militaire, dont le rôle consiste, comme pour celles qui existent dans tous les aéroports, à faciliter le "retour à l'envoyeur", avant qu'ils n'aient foulé le territoire français, des exilés dont la demande d'asile est jugée "manifestement infondée".
Cette réaction "réaliste" était encore appuyée par le bon "French doctor" Kouchner qui, en spécialiste reconnu de la misère du monde, déclarait à son tour doctement "Tant que les problèmes politiques du peuple kurde ne sont pas réglés, nous devons, nous les Européens, continuer à faire la différence entre les réfugiés politiques -et c'est peut-être leur cas- et les migrants économiques qui ne risquent, en rentrant chez eux, que de reprendre leur vie misérable", avant de renvoyer à une "mondialisation de la réponse qui viendra autant de ceux qui ont été à Davos que de ceux qui ont été à Porto Alegre".
Période électorale oblige, la droite, une fois n'est pas coutume, en a profité pour essayer de "doubler" le PS sur le terrain de l'humanitarisme, Devedjian appelant à "accueillir naturellement ces réfugiés qui ont été rejetés par les pays où ils vivent" et Seguin, ajoutant à son tour "nous n'allons pas nous mettre au niveau des négriers en renvoyant tout ce petit monde à Saddam Hussein".
Pour ne pas être en reste -et pour des motifs bien entendu tout aussi intéressés que les susdits- le gouvernement s'est du coup senti obligé de faire machine arrière. Cela l'aurait fichu trop mal à quelques semaines des élections de renvoyer directement, ne serait-ce qu'une partie des familles, en Irak. Alors on a décidé d'ouvrir les grilles de la zone d'attente de Frejus et d'envoyer les réfugiés, munis d'un sauf-conduit de huit jours, tenter individuellement leur chance dans la longue procédure de "demande d'asile politique".
L'exploitation des réfugiés à des fins électorales, voilà qui est déjà pas mal dans le domaine du cynisme. Mais ce n'est pas tout. Car le droit qui leur a été royalement accordé d'aller déposer "librement" une demande d'asile est tout aussi cynique. Chacun d'eux va pouvoir faire l'expérience de ce que veut dire l'hypocrite règle de la fameuse "convention de Genève" dont se réclame la prétendue "terre d'asile" qu'est la France. Celle-ci exige qu'on n'octroie pas d'asile aux membres de groupes de réfugiés tant que chacun n'apporte pas la preuve :
La différence, sur le fond, entre ce geste "généreux" et le discours du premier jour est donc bien mince : il n'est pas question de donner à ces près de mille réfugiés la possibilité de s'installer en France. Les mieux lotis, auront peut-être un jour les fameux papiers de "réfugiés politiques". Les autres sont condamnés à rester dans l'illégalité, sans statut ni possibilité de travailler décemment. Il leur restera à choisir entre se terrer pour échapper aux contrôles policiers et à la menace permanente d'expulsion, ou tenter à nouveau leur chance pour se glisser dans d'autres pays d'Europe en confiant à nouveau leur sort aux filières clandestines de passeurs.
Quant aux justifications qui consistent à marquer du sceau de l'infamie ceux qui ne sont que de vulgaires "réfugiés économiques", elles sont vraiment à vomir. D'abord, dans le cas de l'Irak, elles font semblant d'ignorer que ce que fuient principalement les boat people, c'est la misère effroyable qui règne dans toutes les régions de ce pays, qu'ils s'agisse aussi bien de la région kurdophone du nord que de celle de Bagdad, misère dont les conséquences de la guerre du Golfe puis l'embargo imposé à l'Irak depuis dix ans sont les premières responsables. On nous dira que, justement, la France s'oppose depuis quelques années à la poursuite de cet embargo (pour le très bon motif des intérêts commerciaux et impérialistes bien compris du capital français n'en doutons pas), mais on négligera de nous rappeler que la France n'avait pas autant d'états d'âme pour la population d'Irak quand elle participait au déluge de fer et de feu qui s'est abattu sur elle il y a dix ans.
Autre hypocrisie : les grands discours "anti-négriers" qui déclarent la chasse ouverte aux filières d'immigration clandestine. C'est le comble du cynisme de la part de tous les gouvernements de droite comme de gauche de s'offusquer à bon compte de ce que "le trafic d'êtres humains est un des secteurs en développement de la criminalité organisée" (Libération du 20 février) ! Et pour cause. Non seulement les grandes puissances occidentales portent une lourde responsabilité dans l'enfer grandissant que vivent les populations du tiers monde, mais une des raisons, et non des moindres, du caractère particulièrement lucratif, pour les mafias, du trafic d'émigrants, c'est la quasi-interdiction de l'immigration légale pour les prolétaires des pays pauvres. Ceux-ci n'ont donc guère le choix que de s'en remettre aux trafiquants de chair humaine illégaux qui les entassent dans des cales de navire ou dans des containers (comme les 58 chinois trouvés morts asphyxiés dans un container à Douvres l'été dernier).
Mais l'hypocrisie va plus loin. Tout d'abord, les Etats ferment volontiers les yeux sur les filières de passeurs, ne serait-ce que lorsque celles-ci agissent au sein des frontières de l'Europe et qu'elles sont un moyen, bien commode, de "laisser filer" les réfugiés atterris sur leur sol vers les pays voisins (par exemple, la Grande-Bretagne protestait récemment contre la mauvaise volonté mise par l'Etat français pour mettre fin aux filières de Calais qui font passer régulièrement des clandestins vers l'Angleterre).
Par ailleurs, le fameux distinguo entre réfugiés "politiques" et "économiques" prend racine dans la profonde nature des rapports capitalistes. Ceux qui ont une chance d'être classés dans la première catégorie, opposants aux régimes en place qui les pourchassent, sont le plus souvent des intellectuels issus de l'élite locale, bref la bourgeoisie occidentale sait y reconnaître sa propre classe. Les autres, qui affluent vers les pays riches dans l'espoir d'y trouver les moyens de vivre, ne sont "que" de la main-d'oeuvre, à la recherche d'un acheteur de leur force de travail, ce sont des membres du prolétariat, cette classe dépossédée de tout moyen de production et de toute "terre" et qui, de tous temps a dû s'exiler, émigrer "ailleurs", pour trouver un capital qui l'emploie. A ce titre, ils ne sont qu'une marchandise, la marchandise force de travail. Avant les trafiquants de chair humaine dénoncés ces jours-ci dans les médias, c'est d'abord le capital qui a toujours considéré les prolétaires comme une marchandise. Et, la force de travail étant une marchandise, la classe bourgeoise la traite comme tel, c'est-à-dire qu'elle se donne les moyens d'en "contrôler" le marché, comme on contrôle, par des quotas ou droits de douane, celui des céréales ou de l'acier.
Malgré les airs "dégoûtés" affichés par les gouvernements pour les "migrants économiques", ils savent très bien qu'aujourd'hui, comme hier, l'immigration constitue une des conditions de la bonne marche du capitalisme. Ces derniers temps notamment, les "experts" les plus sérieux des milieux patronaux ou de l'OMC, n'arrêtent pas de dire que les pays avancés, et notamment ceux d'Europe occidentale, auraient besoin qu'on "ouvre" un peu plus la porte à l'immigration venue des pays les plus pauvres. La main-d'oeuvre immigrée est en effet très avantageuse, justement parce qu'elle fournit une armée de réserve pour des emplois temporaires et précaires, et chose qu'on dit moins ouvertement, parce qu'elle est prête à travailler pour des salaires que les ouvriers de souche n'accepteraient pas.
Le subtil dosage entre le taux d'immigration "légale" et la "tolérance" de fait des Etats pour l'immigration clandestine, fait partie de la bonne gestion de la marchandise force de travail pour les besoins du capital. Les immigrés clandestins sont encore plus corvéables à merci que les "réguliers". Dépourvus de tout recours auprès des autorités contre les abus de leur patron, obligés de rester enfermés la plupart du temps pour éviter de se faire prendre par la police, n'ayant absolument aucune couverture sociale, les travailleurs clandestins sont réduits à une condition proche de l'esclavage et comparable à la condition ouvrière des premiers temps du capitalisme. C'est là une classe ouvrière comme l'aiment non seulement les patrons qui l'exploitent, mais l'ensemble de la bourgeoisie nationale de chaque pays puisque les très bas salaires qui lui sont versés permettent de réduire les coûts de l'ensemble de la production nationale face à la concurrence des autres pays.
C'est pour cela que les gouvernements, s'ils ne cessent de persécuter les immigrés clandestins, ne font pas grand chose pour lutter contre les patrons qui les emploient ni contre les mafias qui contrôlent les filières d'immigration. N'en doutons pas, les négriers qui emploient la main-d'oeuvre clandestine, les mafias et les Etats ont partie liée ; ils se partagent le travail au bénéfice du capitalisme.
P. (25 février)Après Seattle, Prague et Nice, nous avons déjà
largement dénoncé dans notre presse 1 [32]
le piège des manifestations anti-mondialistes. Le premier
"forum social mondial" de Porto Alegre qui s'est tenu au
Brésil du 25 au 30 janvier a été présenté
comme une nouvelle étape de ce type de rassemblements. Mais
pour la première fois, ceux qui prétendent occuper le
terrain d'un anti-capitalisme radical ont montré le plus
crûment leur vrai visage, celui du réformisme le plus
classique et le plus vulgaire. Porto Alegre a en effet tout pour
dissiper les illusions de ceux qui voyaient encore dans ce genre de
"lutte" des ferments de lutte anticapitaliste et des
potentialités révolutionnaires.
Ce nouveau
rendez-vous contestataire rassemblait plus de 12 000 participants
représentant près d'un millier d'organisations les plus
diverses et 120 pays face au sommet économique de Davos qui se
tenait au même moment en Suisse. Mais la publicité
médiatique faite autour de ce "forum social" n'a pas
seulement été liée à une nouvelle
contestation folklorique, carnavalesque et hétéroclite.
On nous a présenté
Porto Alegre et Davos comme étant directement opposés
en racontant que Porto Alegre était un contrepoids par rapport
à Davos. On nous a dit que l'un était un sommet
économique des gouvernants et des plus grands patrons
capitalistes de la planète, l'autre un forum social ouvert et
démocratique. On nous a raconté que l'un n'était
qu'un cénacle non représentatif, sinon de l'élite
du monde, "du pognon" et des décideurs, alors que
l'autre était l'expression d'un "nouveau mouvement
social" représentant l'ensemble des citoyens du monde.
En
réalité, quels ont été les animateurs de
Porto Alegre censés être représentatifs de ce
"nouveau mouvement social" ? Une majorité
foisonnante de représentants des ONG à couverture
"humanitaire" qui se font les meilleurs porte-paroles des
"citoyens" de la "société civile",
des syndicalistes bon teint, surtout paysans de la même
mouvance que la Confédération paysanne de José
Bové et des "personnalités" politiques des
partis de gauche comme Chevènement 2 [33]
ou "Lula" 3 [34].
Ce qui s'est traduit aussi par la participation officielle de deux
secrétaires d'Etat du gouvernement Jospin. On avait là
en fait une belle brochette de partis de gouvernement, de vieux
routiers du syndicalisme et de représentants de la
social-démocratie la plus classique.
On a aussi clamé
bien fort qu'à Porto Alegre, face aux effets destructeurs de
la mondialisation, à la dictature des marchés, de la
pensée unique et aux abus de la dictature libérale, ont
été posées les bases majeures de la construction
d'une alternative politique et d'un véritable contre-pouvoir
planétaire des "citoyens".
Cependant, même
un sociologue bourgeois patenté nommé Guy Groux
interrogé sur ce "forum social" a dû le
reconnaître dans une interview parue dans Libération
du 26 janvier avec une certaine pertinence : "Les mouvements
sociaux d'aujourd'hui ont l'apparence de la radicalité, mais
au fond leur position ne l'est pas. Ce qu'ils veulent, c'est
davantage de régulation. Ils ne demandent pas la mise à
mort d'un modèle, mais son amendement. (...) Nous sommes
passés d'un modèle d'utopie qui voulait changer la
société à une pratique réaliste, qui ne
prétend pas à une nouvelle société. C'est
un réformisme radical ." C'est là le fond de
la question car avec la mise en avant d'une fausse opposition entre
libéralisme et régulation du marché mondial, les
partisans réformistes de Porto Alegre tentent de faire croire
que les inégalités sociales proviennent d'un manque de
réglementation juridique pour encadrer la concurrence
capitaliste. Ainsi une plus grande intervention législative
des Etats serait au service du prolétariat et des exploités
alors que cette régulation est bel et bien omniprésente
et c'est même la raison d'être des organismes
internationaux comme l'OMC ou les banques centrales, produits de la
coopération entre Etats qui sont justement la cible favorite
des antilibéraux. En fait, leur grande entreprise, derrière
l'image anticapitaliste qu'ils cherchent à se donner, c'est
uniquement de redorer le blason du réformisme et des partis
sociaux-démocrates qui sont largement mouillés là
dedans.
Le président d'Attac, Bernard Cassen, écrivait
dans Le Monde Diplomatique de janvier 2001 : "Il
appartiendra ensuite (après Porto Alegre) aux différents
mouvements, syndicats et élus de décliner, pays par
pays, et en fonction des rapports de forces locaux, la traduction de
ces premières alternatives globales. C'est donc bien un nouvel
internationalisme qui se met en place." Cette référence
à l'internationalisme largement reprise par les médias
et les participants à Porto Alegre qui parlent de la
construction d'une "Internationale des citoyens du monde"
signifie que la bourgeoisie ne peut plus se contenter aujourd'hui
d'enfermer la population en général et les prolétaires
en particulier avec l'idéologie de la seule défense du
capital national. Elle a besoin d'occuper le terrain social avec un
réformisme plus radical et un langage internationaliste parce
qu'elle sait bien que c'est de cette voie de l'internationalisme que
vient le danger de remise en cause de son système
d'exploitation. Voilà pourquoi elle prétend construire
une "nouvelle Internationale" social-démocrate
gauchisante. Mais ce leurre édifié au nom du peuple, de
la démocratie et des droits des citoyens à l'échelle
de la planète ne peut pas revendiquer autre chose que le
programme politique d'une révolution bourgeoise déjà
réalisée depuis plus de deux siècles. C'est
parce que cette idéologie "citoyenne" est
précisément indissociable de la domination du
capitalisme, que prétendre s'opposer au capitalisme par la
citoyenneté est un complet non-sens. C'est une impasse pour
les prolétaires et les exploités.
En fait
d'alternative politique radicale, ce n'est pas pour rien que le
gouvernement français avait un pied à Davos et l'autre
à Porto Alegre et que Fabius déclarait depuis la Suisse
: "Je suis frappé par le malentendu. J'entends des
contestataires dire qu'à Davos, nous ne serions pas légitimes
et représentatifs. Tout cela est de la caricature. La
globalisation et les efforts nationaux vont dans le même sens"
(Le Monde du 31 janvier) tandis qu'un représentant
d'une ONG à Porto Alegre assurait de son côté :
"Le ministre Laurent Fabius et moi-même parlons d'une
même voix ... On peut dire oui aux bénéfices de
l'échange et de l'ouverture commerciale mais en donnant à
la mondialisation des règles" (Ibid.). Cette même
voix dont ils parlent, c'est celle de la bourgeoisie.
On nous a aussi et surtout présenté Porto
Alegre comme un "véritable laboratoire" contre les
inégalités sociales engendrées par les excès
du capitalisme. Ce modèle a été vanté
avec un zèle extasié par un Ignacio Ramonet, rédacteur
en chef du Monde Diplomatique dans son éditorial de
janvier dernier : "Pourquoi précisément là
? Parce que Porto Alegre est devenue depuis quelques années,
une cité emblématique (...) une sorte de laboratoire
social que des observateurs internationaux regardent avec une
certaine fascination. Gouvernée de manière originale,
depuis douze ans , par une coalition de gauche conduite par le Parti
des Travailleurs (PT), cette ville a connu dans maints domaines (...)
un développement spectaculaire. Le secret de cette réussite
? Le budget participatif, soit la possibilité pour les
habitants des différents quartiers de définir très
concrètement et très démocratiquement
l'affectation des fonds municipaux.(...) Aucun détournement de
fonds, aucun abus n'est ainsi possible, et les investissements
correspondent exactement aux souhaits majoritaires de la population
des quartiers." Les habitants peuvent ainsi décider
des priorités des investissements à réaliser par
la municipalité et même suivre l'évolution des
chantiers votés. Merveilleux, n'est-ce pas ? Sauf que cette
"démocratie participative" n'est qu'une resucée
des mystifications autogestionnaires dont les ouvriers ont rapidement
fait l'expérience, aussi bien sous le régime de Tito
dans l'ex-Yougoslavie qu'en Europe occidentale dans les luttes
proposées un temps pour modèle dans les années
1973/74 (comme Lip en France) "pour sauver leur entreprise",
que la seule gestion qu'ils avaient, c'était gérer leur
propre exploitation. A Porto Alegre cela revient à une gestion
de la misère et de la pénurie. La fixation de
l'enveloppe budgétaire des crédits d'investissements
(les seuls qui soient autogérés) reste, elle, bien sûr
dans d'autres mains et ce budget disponible n'est évidemment
pas augmenté d'un centime. On veut ainsi une nouvelle fois
nous faire prendre des vessies capitalistes pour des lanternes
socialistes. En fait, cela ne sert précisément que de
cache-misère. Et c'est pour cela que 200 villes brésiliennes
pratiquent aujourd'hui cette "démocratie participative"
qui nous est présentée comme un nouveau modèle
social. Mieux, ce sont des propositions de ce type ou d'autres
recettes démagogiques plus ou moins réalisables à
l'intérieur de l'exploitation capitaliste comme la taxation
par l'Etat des transactions financières (la fameuse "taxe
Tobin" qui, appliquée unilatéralement à
tous ne changerait strictement rien aux rapports de concurrence entre
capitalistes) 4 [35]
ou l'interdiction des "paradis fiscaux" qu'on nous présente
comme les prémices de leur prétendue "Internationale
citoyenne et démocratique". Celle-ci n'a rien à
voir avec les intérêts de la classe ouvrière et
elle n'a rien à voir avec l'internationalisme prolétarien.
Elle est une véritable parodie qui, pour tenter d'exorciser le
mouvement ouvrier, affiche de dérisoires prétentions à
se substituer au terrain de classe, à l'internationalisme
prolétarien en mettant en avant le ridicule modèle
social de la "démocratie participative" du PT
brésilien. En fait, cette nouvelle manoeuvre grossière
de notre ennemi de classe n'est que de la poudre aux yeux balancée
par la social-démocratie et ses alliés pour brouiller
les pistes trop évidentes sur ses états de service
purement capitalistes et tenter de ravaler sa façade politique
à moindre frais.
CB
1 [36] Voir notamment les articles "Mensonges autour du sommet de l'OMC à Seattle : on ne peut pas réformer le capitalisme, il faut le détruire" (RI n° 297, janvier 2000) et "De Seattle à Nice, le piège des mobilisations 'antimondialistes'" (RI n° 308, janvier 2001).
2 [37] Présent comme emblématique président du Mouvement des Citoyens mais surtout célèbre en tant qu'ancien ministre de l'intérieur champion de l'expulsion des travailleurs sans-papiers.
3 [38] Luis Ignacio Lula da Silva, dit "Lula", président du PT (parti de gauche rassemblant sociaux-démocrates, divers courants trotskisants, syndicalistes et "chrétiens de gauche") devenu une sorte de Walesa à la brésilienne qui s'est illustré au cours des grèves ouvrières au milieu des années 1970 pour avoir poussé le gouvernement à officialiser le syndicalisme alors illégal et qui a été depuis lors candidat à l'élection présidentielle à trois reprises.
4 [39] Voir RI n° 293, sept. 1999, l'article "Taxe Tobin : une fausse réponse à la crise du capitalisme, une vraie mystification antiouvrière". Le milliardaire spéculateur Georges Soros a lui même récemment déclaré qu'il était favorable à l'institution de la taxe Tobin...
Il y a 80 ans, en mars 1921, moins de quatre ans après la
prise du pouvoir par la classe ouvrière lors de la révolution
d'octobre 1917 en Russie, le parti bolchevik met fin par la force à
l'insurrection de la garnison de Kronstadt sur la petite île de
Kotline dans le Golfe de Finlande, à 30 kilomètres de
Petrograd.
La Russie des soviets avait dû mener durant
plusieurs années un combat sanglant dans la guerre civile
contre les menées contre-révolutionnaires des armées
blanches soutenues par les armées étrangères.
Mais la révolte de la garnison de Kronstadt ne fait pas partie
de ces tentatives contre-révolutionnaires : c'est une révolte
au sein même des partisans ouvriers du régime des
soviets qui avaient été à l'avant garde de la
révolution d'Octobre. Ces ouvriers mettent en avant des
revendications en vue de corriger les nombreux abus et les déviations
intolérables du nouveau pouvoir. Et sa répression
sanglante a constitué une tragédie pour le mouvement
ouvrier dans son ensemble.
Octobre 1917 en Russie a été
une révolution prolétarienne, le premier épisode
victorieux dans le déroulement de la révolution
prolétarienne mondiale qui était la réponse de
la classe ouvrière internationale à la guerre
impérialiste de 1914-18. L'insurrection d'Octobre faisait
partie d'un processus de destruction de l'Etat bourgeois et
d'établissement de la dictature du prolétariat et,
comme les bolcheviks l'ont passionnément défendu, sa
signification profonde était qu'elle devait marquer le premier
moment décisif de la révolution prolétarienne
mondiale, de la guerre de classe du prolétariat mondial contre
la bourgeoisie.
La
révolution commencée en Russie 1917 n'a pas réussi
à s'étendre internationalement malgré les
nombreuses tentatives de la classe ouvrière dans toute
l'Europe.
La Russie elle-même avait été
déchirée par une longue et sanglante guerre civile qui
avait dévasté l'économie et fragmenté le
prolétariat industriel, colonne vertébrale du pouvoir
des soviets.
L'élimination des comités d'usine, la
subordination progressive des soviets à l'appareil d'Etat, le
démantèlement des milices ouvrières, la
militarisation croissante de la vie sociale, résultats des
périodes de tension durant la guerre civile, la création
de commissions bureaucratiques, étaient toutes des
manifestations extrêmement significatives du processus de
dégénérescence de la révolution en
Russie. Bien que certains de ces faits datent d'avant même la
période de guerre civile, c'est cette dernière qui voit
le plein épanouissement de ce processus. De plus en plus, la
direction du Parti-Etat développait des arguments montrant que
l'auto-organisation de la classe ouvrière était
excellente en principe, mais que, dans l'instant présent, tout
devait être subordonné à la lutte militaire. Une
doctrine de "l'efficacité" commençait à
saper les principes essentiels de la démocratie prolétarienne.
Sous le couvert de cette doctrine, l'Etat commença à
instituer une militarisation du travail, qui soumettait les ouvriers
à des méthodes de surveillance et d'exploitation
extrêmement sévères. Ayant émasculé
les comités d'usine, la voie était libre pour que
l'Etat introduise la "direction d'un seul" et le système
de Taylor d'exploitation sur les lieux de production, le même
système que Lénine lui-même avait dénoncé
comme l'asservissement de l'homme à la machine. Les ravages de
l'économie de guerre et le blocus mettaient le pays tout
entier au bord de la famine, et les travailleurs devaient se
contenter des rations les plus maigres, souvent distribuées
très irrégulièrement. De larges secteurs de
l'industrie cessèrent de fonctionner, et des milliers
d'ouvriers furent contraints à la débrouille
individuelle pour survivre. La réaction naturelle de beaucoup
d'entre eux fut de quitter complètement les villes et de
chercher quelques moyens de subsistance à la campagne.
Tant
que durait la guerre civile, l'Etat des soviets conservait l'appui de
la majorité de la population car il était identifié
au combat contre les anciennes classes possédantes. Les
privations très dures de la guerre civile avaient été
supportées avec une bonne volonté relative par les
travailleurs, les ouvriers et les petits paysans. Mais après
la défaite des armées blanches, beaucoup commençaient
à espérer que les conditions de vie seraient moins
sévères et que le régime relâcherait un
peu son emprise sur la vie économique et sociale. La direction
bolchevique, toutefois, confrontée aux ravages de la
production causés par la guerre, était assez réticente
à permettre quelque relâchement dans le contrôle
étatique sur la vie sociale.
A la fin de 1920, des soulèvements paysans
s'étendent à travers la province de Tambov, la moyenne
Volga, l'Ukraine, la Sibérie occidentale et d'autres régions.
La démobilisation rapide de l'Armée Rouge met de
l'huile sur le feu avec le retour dans leurs villages des paysans en
uniforme. La revendication centrale de ces révoltes porte sur
l'arrêt des réquisitions de blé et sur le droit
des paysans à disposer de leurs produits. Au début de
1921, l'esprit de révolte s'est étendu aux ouvriers des
villes qui avaient été l'avant-garde de l'insurrection
d'Octobre : Petrograd, Moscou et Kronstadt.
Petrograd connut une
série de grèves spontanées importantes. Aux
assemblées d'usine et dans les manifestations, des résolutions
qui réclamaient une augmentation des rations de nourriture et
de vêtements, étaient adoptées, car la plupart
des ouvriers avaient faim et froid. Allant de pair avec ces
revendications économiques, d'autres plus politiques,
apparaissaient aussi : les ouvriers voulaient la fin des restrictions
sur les déplacements en dehors des villes, la libération
des prisonniers de la classe ouvrière, la liberté
d'expression, etc. Sans aucun doute, quelques éléments
contre-révolutionnaires comme les mencheviks ou les
socialistes-révolutionnaires (SR) jouaient un rôle dans
ces événements, mais le mouvement de grève de
Pétrograd était essentiellement une réponse
prolétarienne spontanée aux conditions de vie
intolérables. Les autorités bolchéviques,
cependant , ne pouvaient admettre que les ouvriers puissent se mettre
en grève contre l'Etat post-insurrectionnel qualifié
"d'Etat ouvrier", et taxaient les grévistes de
provocateurs, de paresseux et d'individualistes.
Ce sont les
troubles sociaux en Russie, et surtout à Pétrograd, qui
vont servir de détonateur à la révolte des
marins de Kronstadt. Avant que n'éclatent les grèves de
Pétrograd, les marins de Kronstadt (que Trotsky qualifiait
comme étant la "gloire et l'honneur de la révolution")
avaient déjà entamé une lutte de résistance
contre les tendances bureaucratiques et le renforcement de la
discipline militaire au sein de la Flotte Rouge, mais quand arrivent
les nouvelles de Pétrograd et de la déclaration de la
loi martiale, immédiatement les marins se mobilisent et
envoient le 28 février une délégation aux usines
de Pétrograd. Le même jour, l'équipage du
croiseur Petropavlovsk se réunit et vote une résolution
qui va devenir le programme des insurgés de Kronstadt. Cette
résolution met en avant des revendications économiques
et politiques, réclamant notamment la fin des mesures
draconniennes du "communisme de guerre" et la régénération
du pouvoir des soviets avec liberté d'expression, liberté
de la presse, droit d'expression de tous les partis politiques.
Le
1er mars, deux délégués du parti bolchévik
rencontrent l'équipage du Petropavlovsk et dénoncent
cette résolution en brandissant immédiatement la menace
de répression si les marins ne reculent pas. Cette attitude
arrogante et provocatrice des autorités bolchéviques va
mettre le feu aux poudres et galvaniser la colère des
matelots. Le 2 mars, jour de la réélection du soviet de
Kronstadt, la résolution du Petropavlovsk est votée par
300 délégués qui adoptent une motion pour la
"reconstitution pacifique du régime des soviets".
Les délégués forment un "Comité
Révolutionnaire Provisoire" (CRP) chargé de
l'administration de la ville et d'organiser sa défense contre
toute intervention armée du gouvernement. A partir de ce jour
est née la commune de Kronstadt qui publie ses propres
Izvestia dont le premier numéro déclarait : "Le
parti communiste, maître de cet Etat, s'est déclaré
incapable de sortir le pays du chaos. D'innombrables incidents se
sont produits récemment à Moscou et à Pétrograd,
qui montrent clairement que le parti a perdu la confiance des masses
ouvrières. Le parti néglige les besoins de la classe
ouvrière parce qu'il croit que ces revendications sont le
fruit d'activités contre-révolutionnaires. En cela, le
parti commet une profonde erreur."
Cependant, la révolte
de la Commune de Kronstadt est restée totalement isolée.
L'appel des insurgés à l'extension de ce qu'ils
appelaient la "Troisième révolution" est
restée sans écho. A Pétrograd, malgré
l'envoi d'une délégation aux usines, malgré la
diffusion de tracts et de la résolution du Pétropavlovsk,
l'appel de la Flotte Rouge n'a pas réussi à mobiliser
la classe ouvrière de toute la Russie qui pourtant se
reconnaissait entièrement dans le programme des insurgés
et soutenait pleinement la révolte. Les ouvriers de Pétrograd
ont mis fin à leurs mouvements de grèves et ont repris
le travail soumis à la loi martiale car la classe ouvrière
en Russie avait été brisée, démoralisée,
éparpillée par la guerre civile.
La réponse immédiate du
gouvernement bolchevik à la rébellion a été
de la dénoncer comme une partie de la conspiration
contre-révolutionnaire contre le pouvoir des soviets. Bien
sûr, tous les charognards de la contre-révolution,
depuis les gardes blancs jusqu'aux SR tentèrent de récupérer
la rébellion et lui offrirent leur appui. Mais excepté
l'aide humanitaire par le canal de la Croix-Rouge russe contrôlée
par les émigrés, le CRP rejeta toutes les avances
faites par les forces de la réaction. Il proclamait qu'il ne
luttait pas pour le retour de l'autocratie, ou de l'Assemblée
Constituante (où s'étaient rassemblés, début
1918, les ennemis de la révolution) mais pour une régénération
du pouvoir des soviets libéré de la domination
bureaucratique : "Ce sont les soviets et non l'assemblée
constituante qui sont le rempart des travailleurs" déclaraient
les Izvestia de Kronstadt. "A Kronstadt, le pouvoir est entre
les mains des marins, des soldats rouges et des travailleurs
révolutionnaires. Il n'est pas dans les mains des gardes
blancs commandés par le général Kozlovsky, comme
l'affirme mensongèrement radio Moscou"
On ne peut pas
nier qu'il y ait eu des éléments petits-bourgeois dans
le programme et l'idéologie des insurgés et dans le
personnel de la flotte et des armées. En fait, c'était
l'occasion pour ces éléments, qui étaient
hostiles au parti bolchévik parce qu'il avait été
à la tête de la révolution de 1917, de manifester
cette hostilité. Mais la présence de ces éléments
ne changeait absolument pas la nature du mouvement lui-même.
La
direction bolchevique a réagi avec une extrême fermeté
à la rébellion de Kronstadt. Son attitude
intransigeante élimina rapidement toute possibilité de
compromis ou de discussion. Pendant l'assaut militaire lui-même
de la forteresse, les unités de l'Armée Rouge envoyées
pour écraser la rébellion étaient constamment au
bord de la démoralisation. Quelques unes fraternisèrent
même avec les insurgés. Pour s'assurer de la loyauté
de l'armée, d'éminents dirigeants bolcheviks furent
envoyés du 10e congrès du parti, alors en session à
Moscou. En même temps, les fusils de la Tcheka étaient
braqués sur le dos des soldats pour s'assurer doublement
qu'aucune démoralisation ne pouvait se propager. Quand la
forteresse tomba enfin, des centaines d'insurgés furent
massacrés, exécutés sommairement ou rapidement
condamnés à mort par la Tcheka. Les autres furent
envoyés en camp de concentration. La répression fut
systématique et sans merci.
Au moment des événements,
c'est la peur accablante du danger que les gardes blancs n'exploitent
la révolte de Kronstadt pour régler leur compte aux
bolcheviks, qui a amené bien des voix les plus critiques du
pouvoir bolchevik à soutenir la répression.
En effet, s'il est une
chose que les antiléninistes de tous poils se sont efforcés
en permanence de masquer, c'est que cette erreur du parti bolchévik
a été partagée par l'ensemble du mouvement
ouvrier de l'époque, y compris par les fractions et courants
de la gauche communistes qui avaient été exclus de
l'Internationale.
Ainsi, l'Opposition Ouvrière, fraction
critique à la direction bolchévique, a apporté
son plein soutien à la répression et Alexandra
Kollontaï (qui était à la tête de cette
fraction oppositionnelle) ira même jusqu'à affirmer que
les membres de son Opposition seraient les premiers à se
porter volontaires pour écraser la rébellion.
Les
fractions de la Gauche germano-hollandaise, bien qu'elles se soient
clairement démarquées de la position jusqu'au-boutiste
de Kollontaï, n'ont pas condamné ni même critiqué
la politique du parti bolchévik. Ainsi, le KAPD 1 [40],
au moment des événements, avait défendu la thèse
suivant laquelle la révolte de Kronstadt était un
complot contre-révolutionnaire contre la Russie des soviets,
ce qui l'a conduit à ne pas condamner la répression.
Görter,
au sein de la Gauche hollandaise, a affirmé que les mesures
prises par les bolchéviks étaient "nécessaires"
face à la révolte de Kronstadt car il fallait écraser
cette insurrection contre-révolutionnaire dont il estimait
qu'elle venait de la paysannerie.
Au sein-même du parti
bolchévik, Victor Serge, bien qu'ayant affirmé son
refus de prendre les armes contre les marins de la Flotte Rouge, n'a
pas protesté contre la répression par fidélité
au parti.
Ainsi, il est clair que cette erreur tragique n'a pas
été commise par le seul parti bolchévik et
encore moins par sa seule direction. En réalité, les
bolchéviks ont été les acteurs d'une erreur et
des incompréhensions de tout le mouvement ouvrier de l'époque
qui n'a pas vu que la contre-révolution pouvait venir de
l'intérieur de l'Etat post-insurrectionnel, non pas parce que
le "ver était déjà dans le fruit" dès
1917 (selon la thèse des anarchistes pour qui l'existence d'un
parti de classe est un danger pour le prolétariat), mais parce
que, du fait de l'isolement international de la révolution
russe, le parti bolchévik a été absorbé
par l'Etat, s'est identifié à cet appareil d'Etat
contre la classe ouvrière. L'erreur de l'ensemble du mouvement
ouvrier était contenue dans les confusions générales
sur l'idée suivant laquelle l'Etat qui a surgi après la
révolution d'Octobre 17 était un "Etat
prolétarien".
B et C
1 [41] Parti Communiste Ouvrier d'Allemagne exclu en 1920 de l'Internationale Communiste à cause de ses positions critiques, notamment contre la politique de «Front unique» de l'IC.
Le seul courant qui, tout en défendant la révolution
d'Octobre, ait rejeté et condamné la répression
de la forteresse de Kronstadt était le courant anarchiste, au
sein duquel il convient d'ailleurs de distinguer les différentes
composantes. Certains anarchistes, notamment les anarchistes immigrés
tels Emma Goldman et Alexandre Berkman étaient très
proches du parti bolchévik (et leur avaient apporté
leur plein soutien en octobre 17 contrairement à d'autres
anarchistes appartenant à l'intelligentsia ou aux éléments
déclassés et dont l'anti-bolchévisme exprimaient
clairement les conceptions de la petite-bourgeoisie
réactionnaire).
Il ne fait aucun doute que de nombreux
anarchistes avaient raison dans leurs critiques envers la Tcheka (le
police politique du parti) et l'écrasement de Kronstadt. Le
problème, c'est que l'anarchisme n'offre aucun cadre pour
comprendre la signification historique de tels événements,
comme en témoigne l'analyse de Voline :
"Kronstadt
est un phare lumineux qui éclaire la bonne route (?) Une fois
l'entière liberté de discussion, d'organisation et
d'action définitivement acquise par les masses laborieuses
elles-mêmes, une fois le vrai chemin de l'activité
populaire indépendante entrepris, le reste viendra s'enchaîner
automatiquement." (Voline, La Révolution
inconnue.)
Ainsi, selon Voline, il suffisait que la révolte
de Kronstadt ait été victorieuse pour que le reste
vienne "s'enchaîner automatiquement". Or, même
si la révolte s'était étendue à toute le
Russie, même si Kronstadt avait gagné, cela n'aurait en
rien résolu le problème crucial de l'époque :
celui de l'isolement international du bastion soviétique (mais
il est vrai que dans la logique des anarchistes, comme on a pu le
voir par la suite dans leur analyse de la "révolution
prolétarienne" en Espagne en 1936, l'analyse marxiste
suivant laquelle le communisme ne peut s'établir qu'à
l'échelle internationale est tout à fait secondaire).
Une telle sous-estimation des difficultés et de la nécessité
de l'extension rapide du processus révolutionnaire est un
véritable poison pour la conscience du prolétariat qui
lui masque le premier des enseignements de Kronstadt, à savoir
que toute révolution qui reste isolée dans un seul pays
est irrémédiablement vouée à l'échec.
La révolution prolétarienne peut seulement
réussir à l'échelle mondiale. Il est impossible
d'abolir le capitalisme ou de "construire le socialisme"
dans un seul pays, mais seulement par l'extension du pouvoir
politique prolétarien sur toute la planète. Sans cette
extension, la dégénérescence de la révolution
est inévitable, quels que soient les changements apportés
dans l'économie. C'est justement ce que Lénine avait
clairement mis en avant lorsqu'il affirmait dès 1918 que le
prolétariat russe attend avec impatience l'extension de la
révolution en Europe, car si le prolétariat d'Europe
occidentale ne venait pas rapidement au secours de la Russie des
soviets (qui commençait à être asphyxiée
par le blocus économique de toute la bourgeoise mondiale),
celle-ci était condamnée.
Pour les anarchistes, les
bolcheviks ont fini par écraser les ouvriers et les marins
parce qu'ils étaient, selon les termes de Voline, "marxistes,
autoritaires et étatistes". En réalité, ce
que Voline et tout le courant anarchiste n'ont jamais compris, c'est
que la disparition de la démocratie ouvrière qui a vidé
les soviets de toute vie prolétarienne est la conséquence
directe de l'impasse tragique dans laquelle se trouvait la révolution
russe. Et c'est à partir de cette incompréhension du
mouvement réel et de la dynamique générale du
prolétariat mondial que les anarchistes ont pu réécrire
et interpréter l'histoire à leur façon avec
comme seul "cadre théorique" la vieille thèse
libertaire anti-marxiste, anti-parti et "anti-autoritaire".
Ce faisant, l'idéologie des anarchistes apporte aujourd'hui
encore de l'eau au moulin des campagnes anti-communistes de la
bourgeoisie, lesquelles ont pour objectif de perpétuer l'idée
mensongère consistant à faire croire aux prolétaires
qu'il existerait une prétendue "continuité
théorique, pratique et historique" entre Lénine et
Staline, entre la révolution d'Octobre 1917 et la
contre-révolution stalinienne.
Parce que le marxisme défend
la formation d'un parti politique prolétarien, appelle à
la centralisation des forces du prolétariat et reconnaît
l'inévitabilité de l'Etat de la période de
transition vers le communisme, il est condamné, selon les
anarchistes, à finir comme exécuteur des masses. De
telles "vérités éternelles" n'ont
aucune utilité pour la compréhension des processus
historiques réels et pour en tirer des leçons sur
lesquelles devra s'appuyer le futur mouvement
révolutionnaire.
Quelles sont les véritables leçons
de la tragédie de Kronstadt que la Gauche communiste a su
tirer ? 1 [43]
La
violence révolutionnaire est une arme que le prolétariat
est forcé d'utiliser dans son combat contre la classe
capitaliste. A l'intérieur même du prolétariat,
elle ne doit avoir aucune place car elle ne peut alors que détruire
son unité, sa solidarité, sa cohésion et
engendrer la démoralisation, le désespoir.
Sous
aucun prétexte la violence ne saurait servir de critère
ni d'instrument au sein de la classe ouvrière parce qu'elle
n'est pas un moyen de sa prise de conscience. Cette prise de
conscience, le prolétariat ne peut l'acquérir que par
sa propre expérience et l'examen critique constant de cette
expérience. C'est pourquoi la violence au sein de la classe
ouvrière, quelle que soit sa motivation immédiate, ne
peut qu'empêcher l'activité propre des masses et
finalement être la plus grande entrave à sa prise de
conscience qui est la condition indispensable au triomphe du
communisme.
En ce sens, même si des fractions de la classe
ouvrière ont manifestement tort, la "ligne juste" ne
peut pas leur être imposée par la force des armes par
une autre fraction, qu'elle soit majoritaire ou non. Le soulèvement
de Kronstadt a constitué un affaiblissement du bastion
prolétarien, sur le plan de sa cohésion. Sa répression
a constitué un affaiblissement encore plus important en hâtant
la dégénérescence de la révolution.
La
tragédie de la révolution russe, et en particulier le
massacre de Kronstadt, a été que l'ensemble du
mouvement ouvrier de l'époque n'était pas clair sur le
rôle du parti dans l'exercice du pouvoir prolétarien. En
effet, au sein du mouvement ouvrier existait encore l'idée
que, comme dans la révolution bourgeoise, c'est le parti qui
devait exercer la dictature du prolétariat au nom de la classe
ouvrière. Contrairement aux autres révolutions dans
l'histoire, la révolution prolétarienne exige la
participation active et constante de toute la classe ouvrière.
Ce qui signifie qu'à aucun moment, elle ne doit tolérer,
sous peine d'ouvrir immédiatement un cours de dégénérescence,
ni la "délégation" du pouvoir à un
parti, ni la substitution d'un corps spécialisé ou
d'une fraction de la classe ouvrière, aussi révolutionnaires
soient-ils, à l'ensemble du prolétariat. C'est
également pour cette raison que, quand l'Etat se dresse contre
la classe ouvrière, comme ce fut le cas à Kronstadt, le
rôle du parti, en tant qu'émanation et avant-garde du
prolétariat, n'est pas de défendre l'Etat contre la
classe ouvrière, mais de mener le combat aux côtés
de celle-ci contre l'Etat.
Au moment de la révolution russe, il
existait une confusion générale dans le mouvement
ouvrier, qui identifiait la dictature du prolétariat à
l'Etat apparu après le renversement du régime tsariste,
c'est-à-dire le congrès des délégués
de toutes les Russies des Soviets, des travailleurs, soldats et
paysans. Le pouvoir prolétarien, au lieu de se manifester par
le canal des organes spécifiques de la classe ouvrière
(assemblées d'usines et conseils ouvriers), a été
identifié à l'appareil d'Etat (soviets territoriaux,
émanation de toutes les couches non exploiteuses).
Or,
comme l'a clairement mis en avant la Gauche communiste d'Italie à
la fin des années 30 et la Gauche communiste de France par la
suite, tirant les leçons de la dégénérescence
de la révolution russe, l'autonomie du prolétariat
signifie que, sous aucun prétexte, les organisations unitaires
et politiques de la classe ouvrière ne doivent se subordonner
aux institutions étatiques, car cela reviendrait à
dissoudre ces organismes du prolétariat et amènerait
celui-ci à abdiquer de son programme communiste dont lui seul
est l'unique sujet. Compte tenu des conceptions qui existaient à
l'époque dans le mouvement ouvrier (l'idée d'un Etat
"prolétarien"), toute résistance à
l'Etat de la part des travailleurs ne pouvait être considéré
que comme contre-révolutionnaire. A aucun moment, la vigilance
du prolétariat vis-à-vis de l'appareil d'Etat ne peut
se relâcher, parce que l'expérience russe et les
événements de Kronstadt en particulier, ont montré
que la contre-révolution peut très bien se manifester
par le canal de l'Etat post-insurrectionnel et pas seulement à
travers une agression bourgeoise "extérieure".
Pour
tragiques qu'aient été les erreurs commises par les
bolcheviks, ce ne sont pas elles mais bien l'isolement de la
révolution russe qui est à la base de sa
dégénérescence. Si la révolution s'était
étendue, en particulier à travers une insurrection
victorieuse en Allemagne, il est fort probable que ces erreurs
auraient pu être corrigées au cours-même du
processus révolutionnaire en développement, comme en
témoigne les positions défendues par Lénine dans
le débat en 1920-1921 qui l'avait opposé à
Trotsky sur la question des syndicats (débat qui s'est
également mené au 10e congrès du parti qui s'est
tenu au moment-même où se déroulaient les
événements de Kronstadt). Ainsi, alors que Trotsky
défendait l'idée que les syndicats devaient constituer
un appareil d'encadrement par l'Etat "prolétarien"
de la classe ouvrière, Lénine, en désaccord avec
cette analyse, avait mis en avant que les ouvriers doivent se
défendre eux-mêmes contre "leur" Etat,
particulièrement dans la mesure où le régime des
soviets était, selon lui, non plus un Etat prolétarien
mais un "Etat des ouvriers et des payans" avec de
"profondes déformations bureaucratiques".
Par
ailleurs, en 1922, dans un rapport présenté au comité
central du parti, c'est en ces termes que Lénine commence à
percevoir que la contre-révolution s'est installée en
Russie-même et que l'appareil du parti bureaucratisé ne
va pas dans le sens des intérêts du prolétariat :
"La machine est en train d'échapper des mains de ceux
qui la conduisent : en fait, on dirait qu'il y a quelqu'un aux
commandes qui dirige cette machine, mais celle-ci suit une autre
direction que celle qui est voulue, conduite par une main cachée
(...) Dieu seul sait à qui elle appartient, peut-être à
un spéculateur ou à un capitaliste privé, ou aux
deux à la fois. Le fait est que la machine ne va pas dans la
direction voulue par ceux qui sont censés la conduire et,
quelquefois, elle prend tout à fait la direction opposée."
B et C
Interrompue depuis la fin janvier pour cause de trève électorale, la valse des journées d'action syndicales à répétition a repris dès le lendemain du second tour des municipales : le 22 mars avec les manifestations appelées par sept fédérations de fonctionnaires pour "faire pression sur les négociations salariales dans la fonction publique", le 29 mars où ce sont les syndicats de la SNCF qui appelent à une journée de grève nationale réservée aux cheminots, le 31 mars ensuite où trois syndicats, CGT, FO et CGC appellent à manifester pour les retraites et contre l'accord signé en février entre la CFDT et le patronat. Que vise cette nouvelle série de processions syndicales, après les défilés des 18, 25 et 30 janvier dernier ? Elles ont beau se succéder, elles apparaissent bel et bien comme autant de défouloirs sans lendemain, qui ne font pas reculer d'un pouce les coups qui s'abattent sur la classe ouvrière.
Si les journées d'action sont effectivement sans lendemain et ne finissent qu'à renvoyer à la classe ouvrière un sentiment d'impuissance, ce n'est pas tant, en soi, parce qu'elles ne durent qu'un jour. Il n'est bien sûr pas toujours facile en ce moment de se mobiliser au-delà d'une journée. C'est surtout qu'elles se succèdent, sans lien entre elles, convoquant un jour telle catégorie (les fonctionnaires), un autre telle entreprise publique (la SNCF), un troisième les salariés du ministère des Finances. Le tout entrelardé d'actions plus dures lancées corporation par corporation, comme dans les hôpitaux où les infirmiers anesthésistes, puis les sages-femmes ont été invités successivement à des actions séparées pour leurs revendications particulières. Quand une journée d'action prétend mobiliser autour des préoccupations sur les retraites, elle s'adresse aux ouvriers du privé et prend pour cible "l'offensive du MEDEF", tandis que la journée d'action suivante appelle à la grève pour les salaires, mais, attention, uniquement pour les ouvriers de la fonction publique, et si elle prétend s'attaquer cette fois au gouvernement, c'est au nom des seuls fonctionnaires. Tout cela en évitant soigneusement de relier entre elles les deux questions. Comme si l'offensive qui se prépare sur les retraites n'était pas l'oeuvre concertée des complices que sont le MEDEF et le gouvernement de Jospin. Et comme si la colère contre les bas salaires n'était pas générale dans toutes les parties de la classe ouvrière, du privé comme du public. Comme si également, la protestation contre la mise en place des fameuses 35 heures dans la fonction publique ne rejoignait pas profondément les raisons de la colère sur les mêmes conséquences de cette loi Aubry dans les grandes entreprises privées ou publiques, en termes de blocage des salaires et d'aggravation des rythmes de travail. Comme si, aux baisses d'effectifs dans la fonction et le secteur publics, ne répondaient pas les suppressions d'emplois en masse et les fermetures de sites dans toute une série d'entreprises.
Car l'arbre de tous ces défilés syndicaux cache surtout la forêt du foisonnement de luttes ouvrières qui, depuis plusieurs mois, montrent l'existence, un peu partout, d'une combativité montante et d'une détermination à ne plus subir en silence l'aggravation de nos conditions d'existence.
Ainsi la grève des traminots de Rouen en décembre, et en même temps qu'eux (on en a moins parlé dans les médias nationaux !) celle des travailleurs des transports publics de beaucoup d'autres grandes villes, comme Bordeaux, Grenoble ou Nancy. Les grèves à Pizza Hut, à Mac Do, et tout récemment encore à Auchan, autant d'entreprises qui n'avaient jamais connu jusqu'à présent d'actions de grèves ouvrières. Raisons de la colère dans tous ces cas : les salaires, les effectifs, les conditions de travail. On peut encore y ajouter les grèves, toujours sur les salaires, chez Peugeot, à la caisse d'Epargne, au crédit industriel d'Alsace, à la société d'embouteillage SED en Gironde, mais aussi les grèves perlées à Air France Industrie contre le blocage des salaires qui après avoir été cantonnées pendant 3 mois par les syndicats à une heure de débrayage par jour dans la seule divison des Moteurs d'Orly s'est élargie à d'autres secteurs de l'entreprise. Il faut y ajouter la lutte des ouvriers de LU soumis à un plan de licenciements massifs, ceux de Job à Toulouse, confrontés à la même situation. Et bien d'autres...
Si les journées d'action syndicales échouent à être des moments pour faire converger toute cette colère et combativité dans un front ouvrier uni capable d'imposer un rapport de force contre les attaques patronales et gouvernementales, ce n'est pas par hasard : ce n'est tout simplement pas leur but. Il ne faut pas se leurrer, les syndicats n'orchestrent ces journées d'action à répétition que pour lâcher un peu de vapeur du mécontentement et pour, en même temps, mieux renforcer leur emprise sur les luttes. Et s'ils font mine d'organiser, sinon l'unité entre secteurs, au moins la mobilisation en masse derrière une "unité entre centrales syndicales" (à géométrie variable d'ailleurs) ce n'est que pour donner une fausse réponse à un vrai besoin d'unité et de solidarité ouvrière. Et comme, évidemment, toutes ces mobilisations restent sans effet et sans lendemain, c'est la volonté de rechercher cette unité, de rompre l'isolement corporatiste et l'atomisation des luttes qu'ils cherchent à décourager.
Tant que les prolétaires hésiteront à briser l'isolement corporatiste et à rechercher l'unité avec leurs frères de classes attaqués comme eux, ils seront impuissants à faire reculer les attaques du capital. Mais, également, tant qu'ils attendront que viennent des syndicats des consignes toutes faites pour réaliser l'unité des luttes et la création d'un réel rapport de force, la classe dominante pourra tout autant dormir sur ses deux oreilles.
Par contre, ce qui est à l'ordre du jour, c'est que lorsque nous nous mobilisons, pour les salaires, contre les conséquences de la mise en place des 35h, contre les menaces sur les retraites ou contre les licenciements, cela soit autant d'occasions pour rompre réellement l'atomisation et l'isolement qui marquent les luttes actuelles. Ne laissons pas les syndicats décider pour nous : tenons des AG, discutons entre nous des moyens d'élargir la lutte, privilégions dans nos revendications ce qui nous unit avec les travailleurs des autres secteurs, envoyons des délégations vers d'autres entreprises avec des tracts appelant à se mobiliser sur ce qui nous unit. Préparons ensemble les manifestations, non pas pour défiler chacun derrière "sa" banderole, mais pour prendre contact avec d'autres prolétaires. Refusons, aussi bien le saucissonnage corporatiste au nom des "acquis de la profession" que celui qui sépare soigneusement les attaques venues du MEDEF de celles mises en place par l'Etat.
Prenons les syndicats, les partis de gauche et le gouvernement pour ce qu'ils sont : des ennemis. Ne comptons que sur nos propres forces.
PE ( 25 mars)
Avec la Macédoine, c'est une nouvelle partie des Balkans qui est à son tour au bord de l'implosion et du chaos. Après la Croatie, la Bosnie et le Kosovo, ce nouveau foyer de guerre risque de déstabiliser et d'embraser une fois de plus cette région mise à feu et à sang depuis dix ans. Et une fois de plus, les populations locales sont exposées aux massacres et à la barbarie guerrière à travers le déchaînement des affrontements de cliques nationalistes.
Le conflit oppose la police et l'armée macédoniennes à la guérilla séparatiste et nationaliste de l'UCK, nouveau bras armé de la même mafia albanaise qui sévissait déjà au Kosovo avant d'être officiellement dissout.
La Serbie s'est également mise sur pied de guerre contre d'autres milices pro-albanaises, après un an d'escarmouches sporadiques qui menaçaient le sud de la Serbie dans la vallée de Presevo et à Tanusevci, village frontalier entre la Macédoine et le Kosovo. L'OTAN et en premier lieu la Maison Blanche a même autorisé l'armée serbe à faire une incursion à l'intérieur de la zone de sécurité (zone d'exclusion terrestre) mise en place depuis juin 1999 autour de la frontière kosovare. Cette concession vise à empêcher les miliciens pro-albanais d'agir directement contre la Serbie. En contrepartie, la Serbie a présenté une "plate-forme" de négociations qui s'est conclue par un accord de cessez-le-feu sous l'égide de l'OTAN le 12 mars avec une autre fraction de la guérilla pro-albanaise (l'UCPMB). La zone de combats s'est alors déplacée et concentrée sur la Macédoine autour de Tetovo, la deuxième ville du pays, proche du Kosovo abritant une population à 80% albanophone (alors que la population d'origine albanaise compose près d'un tiers de la population de la Macédoine).
Dix ans après la proclamation de son indépendance en 1991, suite à l'éclatement de la Yougoslavie, la Macédoine se retrouve au coeur des conflits dans les Balkans alors qu'elle avait déjà été à l'origine de la plupart des guerres bal-kaniques au tournant du 19e et du 20e siècles. Elle fut d'abord le théâtre d'un soulèvement des peuples de la région contre la domination ottomane, provoquant la guerre entre la Grèce et la Turquie en 1897. Puis, après sa "libération" qui signait une étape décisive dans la désagrégation et le dépeçage de l'empire ottoman à l'issue de la première guerre balkanique en 1912, la question du partage de la Macédoine fut l'enjeu impérialiste majeur d'un second conflit meurtrier qui opposa notamment la Serbie et la Grèce à la Bulgarie. Ce fut l'un des prémices de la première boucherie mondiale. Les mêmes antagonismes que par le passé sont prêts à resurgir à la première occasion, non seulement la vieille rivalité entre Serbes et Albanais, ravivée par la guerre au Kosovo, mais le territoire macédonien est également revendiqué par la Bulgarie et par la Grèce.
Face à la récente évolution de la situation, on a assisté à un revirement spectaculaire des positions de la plupart des grandes puissances par rapport à la Serbie. Depuis le départ de Milosevic et son remplacement par Kostunica, cet Etat est devenu beaucoup plus "présentable" pour les démocraties occidentales qui ont entrepris la "normalisation" progressive de leurs relations avec la Serbie. On essaie de nous faire croire que les grandes puissances au sein de l'OTAN (avec le mandat et la présence de 42 000 soldats de la KFOR) agiraient en garants de la paix et de la démocratie et en gendarmes du monde comme grands défenseurs de la civilisation contre les déchaînements nationalistes et les abus des "méchants" quels qu'ils soient. Hier, c'étaient les Serbes qui auraient été sous l'emprise d'un dictateur accusé de vouloir restaurer une "grande Serbie", aujourd'hui ce sont les Serbes et les populations slaves de Macédoine que l'on prétend protéger et les Albanais qu'on montre du doigt en soupçonnant leur gouvernement de vouloir constituer une "grande Albanie". La "communauté internationale" prétendait pourtant il y a deux ans à peine défendre la population albanophone du Kosovo et voler à son secours. Ce prétexte humanitaire était même la justification essentielle de l'intervention meurtrière de l'OTAN. Ce prétexte n'était que pur mensonge. En déclenchant leurs opérations militaires, les forces alliées savaient très bien qu'elles poussaient ainsi Milosevic à intensifier et généraliser sa politique de déportation massive de populations locales. De plus, les bombardements au Kosovo ont transformé la région en un véritable champ de ruines. Et la partition sectorielle du Kosovo sous le contrôle de l'OTAN qui était censée porter un coup d'arrêt à l'épuration ethnique de Milosevic n'a fait que parquer les populations locales vivant toujours dans la même misère dans des ghettos barbelés en entretenant en permanence un climat de haine interethnique.
Comme dans tous les conflits balkaniques depuis dix ans, ce n'est nullement pour les raisons qu'elles avancent que les grandes puissances se mêlent de la situation et s'interposent aujourd'hui en Macédoine mais pour défendre chacune leurs propres intérêts et leurs propres positions impérialistes dans la région. Le même appétit impérialiste anime tous les Etats, des plus petits aux plus grands. Actuellement, les grandes puissances soutiennent pour l'instant toutes ouvertement le gouvernement macédonien et l'OTAN a demandé l'envoi de renforts de troupes pour faire face aux mouvements de maquisards pro-albanais entre les frontières serbes et macédoniennes. Mais, derrière l'unité de façade des grandes puissances, se dissimulent les mêmes clivages et les mêmes intérêts impérialistes particuliers qui se sont déjà affirmés dans les différents conflits qui se sont succédés depuis dix ans dans les Balkans. Chacune d'entre elles s'appuie sur des cliques et des gangs nationalistes locaux. Comme en Croatie, en Bosnie ou au Kosovo, les intérêts des grandes puissances divergent profondément et si tous apparaissent soucieux de ne pas jeter ouvertement d'huile sur le feu, au sein de la KFOR, chacun entend tirer profit de la situation au mieux de ses intérêts stratégiques. Et si l'occasion s'en présente, ces divergences d'intérêts ne manqueront pas de s'affirmer également par rapport à la Macédoine.
Ainsi, la France, après avoir été contrainte l'an dernier de participer en première ligne aux bombardements de l'OTAN sur la Serbie pour pouvoir maintenir sa présence dans les Balkans (sous la forme de troupes d'occupation d'une partie du Kosovo au sein de la KFOR), retrouve ici l'occasion de pouvoir rejouer à fond sa carte d'alliances plus traditionnelles, d'une part en se rapprochant à nouveau de son ex-alliée, la Serbie, d'autre part en apportant son soutien empressé à la Macédoine. Elle se retrouve d'ailleurs comme par le passé associée à la Grande-Bretagne dans cette entreprise. Au début des affrontements, c'est à Paris qu'a accouru le président macédonien pour réclamer de l'aide et huit jours après, le ministre des affaires étrangères faisait escale à Skopje pour annoncer : "Nous ne voulons pas laisser des groupes terroristes remettre en cause la stabilité de la Macédoine et de toute la région" tandis qu'un autre porte-parole du Quai d'Orsay déclarait "nous soutenons la politique de modération et de retenue du gouvernement macédonien".
Quant à l'Allemagne qui a poussé activement il y a dix ans la Croatie et la Slovénie vers l'indépendance encourageant ainsi dès l'origine l'éclatement de l'ex-Yougoslavie et qui a soutenu déjà activement l'UCK kosovar, son objectif ne peut qu'être toujours le même dans les Balkans : celui d'accroître l'isolement de la Serbie et surtout de tisser autour de cette dernière un réseau d'Etats germanophiles dont elle compte tirer profit ultérieurement. Car l'objectif impérialiste majeur de l'Allemagne est plus lointain, il est de déposséder la Serbie d'un accès à la Méditerranée en provoquant la sécession du Monténégro.
Le principal intérêt des Etats-Unis est de préserver au maximum l'ordre et le statu quo sur le terrain comme à la tête des forces de l'OTAN pour contenir les initiatives intéressées des autres puissances européennes et rester les maîtres du jeu dans les Balkans qu'ils ont de plus en plus de mal à contrôler.
Enfin, la Russie, en réclamant à cor et à cri une intervention militaire musclée contre les " terroristes albanais ", vise toujours à se poser en parrain impérialiste le plus sûr de la Serbie.
C'est pourquoi compter sur la "communauté internationale" et sur l'OTAN pour éviter la spirale du chaos dans les Balkans comme le mettent en avant tous les gouvernements et tous les médias relève d'une illusion complète. Déjà, les uns et les autres cherchent à tirer profit d'affrontements limités pour jouer chacun leurs propres cartes. Mais c'est aussi jouer avec le feu. Il est évident que l'extension du conflit à toute la Macédoine et son risque d'éclatement pousseraient d'autres Etats directement intéressés à son sort comme la Bulgarie ou la Grèce à intervenir plus activement. Ce serait alors une nouvelle étape dans l'escalade guerrière, le conflit débordant pour la première fois depuis 1991 des frontières de l'ex-Yougoslavie. La conscience des dangers d'un tel dérapage possible ressortait d'ailleurs dans un article du Monde daté des 18 et 19 mars : "Si la flambée de violence s'étendait à l'ensemble de la communauté albanaise et si l'intégrité de la Macédoine était menacée, il serait alors bien difficile de contenir les appétits des uns et des autres et surtout d'empêcher que (...) ne se déclenchent des réactions en chaîne." Pourquoi ? Parce que l'enfoncement inexorable du capitalisme dans la spirale de la barbarie guerrière ne connaît pas de limites. C'est une des manifestations de la faillite de ce système pour toute l'humanité. Mais cela, la presse bourgeoise ne le dira jamais.
CB (20 mars)
Non content de nous écorcher copieusement les oreilles avec leur chanson "Motivés", remake du très stalinien "Chant des Partisans", diffusé en boucle dans toutes les manifs syndicales, le groupe toulousain Zebda s'est cru autorisé à s'ériger en guide spirituel de tous ceux qui veulent "rester motivé-e-s" et faire de la politique "autrement" à l'occasion des élections municipales. A cette fin, il a parrainé la liste "Motivé-e-s" montée par l'association Tactikollectif à Toulouse. Tous au départ sont proches de la LCR trotskiste, avec qui ils avaient pensé présenter une liste commune, mais cela aurait nui à la dimension citoyenne et prétendument a-politique des "Motivé-e-s" et donc à leur capacité de rabattage vers les urnes. Car il ne faut pas chercher plus loin la fonction n°1 de ces listes "alternatives" qui à Toulouse, mais aussi à Lyon, Nantes, Rennes, Dreux, prétendent apporter aux attentes des "citoyens" une solution radicale, hors du cadre de la classe politique traditionnelle.
On sait que ces élections municipales sont particulièrement chéries par la bourgeoisie pour vanter les mérites de la "démocratie de proximité". A tous ceux, toujours plus nombreux, qui sentent qu'ils n'ont plus aucune prise sur l'évolution du monde, de la crise et des attaques qu'elle leur fait subir, la bourgeoisie aime à présenter ces élections comme le moyen pour malgré tout changer sa vie au quotidien, essayer de mieux vivre. C'est finalement l'autre face de la médaille de l'idéologie anti-mondialiste : se réfugier dans la démocratie locale, faire bouger les choses "à la base". C'est dans cette porte - ô combien étroite ! - que s'engouffrent les listes alternatives comme "Motivé-e-s".
Les ouvriers, et plus encore les jeunes ouvriers, tendent de plus en plus à déserter massivement les urnes (pour ceux qui sont encore inscrits sur les listes électorales !) et à se défier du PCF (dont l'influence électorale est en chute libre), comme nous avons pu le vérifier lors de ces élections dans les quartiers dits "populaires" des grands centres urbains, à Marseille, dans la couronne parisienne, etc. Face à ce rejet, les "Motivé-e-s", tout comme leurs grands frères trotskistes de LO et de la LCR, présentent les élections comme une arme pour la classe ouvrière (Zebda est allé chanter pour soutenir les ouvriers de Job en grève), pour le " petit peuple ", pour les quartiers, pour telle ou telle cité (en s'appuyant sur leur implantation locale comme association " sociale "), n'hésitant pas à faire preuve du plus lamentable esprit de clocher, comme dans la présentation de leur tête de liste, Salah Amokrane : "Né en 1964 à Bordeaux, il n'en demeure pas moins, et quoi qu'on en dise, un Toulousain. Il n'y a en tout cas pas que fait ses études commes d'autres candidats à la mairie" 1 [49]. Ces groupes qui éclosent comme par miracle sont là pour entretenir le cirque électoral, en semant l'illusion que leur participation au conseil municipal changera radicalement la vie des "citoyens", alors même que la situation économique générale se dégrade significativement. Ce faisant, ils détournent les ouvriers du combat de classe, de la lutte contre les attaques économiques, contre l'Etat, pour les enfermer dans le cadre mesquin de l'isoloir et de la gestion locale. Car derrière leurs litanies sur la "démocratie participative", sur la nécessité d'un "budget participatif" 2 [50], c'est bien cela qu'ils nous concoctent : faire gérer la misère par ceux qui la subissent ! Voici le budget pour le mois, débrouillez-vous entre vous pour vivre avec ça ! Car si, de leurs fonts baptismaux trotskistes, les "motivé-es" restent très marqués par le gauchisme 3 [51], c'est beaucoup plus dans la mouvance associative anti-mondialiste, sauce Bové et ATTAC, que s'inscrit ce mouvement dont le programme annonçait que "Toulouse préparera, bien sûr, le Forum Social Mondial de Porto Allegre en 2002", ville dont ils ne cessent de chanter les louanges 4 [52].
Quant à la politique "autrement" des "Motivé-e-s", on a vu ce qu'elle voulait dire lorsqu'ils se sont hâtés de fusionner, le soir du premier tour, avec la gauche plurielle PS-PCF-Verts, avec pour objectif de "battre la droite". Rabatteurs, non seulement vers le cirque électoral mais tant qu'à faire vers la gauche plurielle et sa politique antiouvrière au gouvernement.
Le soir des résultats du second tour, les bastons place du Capitole 5 [53], où Douste-Blazy a été chaudement pris à parti, sont la preuve que cette liste n'a pas rameuté que des petits bourges (les "bobos" dont parlait Chevènement) en mal de radicalisme, mais aussi des jeunes des cités qui n'ont pas compris de ne pas avoir "gagné"? puisqu'ils avaient voté.
C'est vrai que la classe ouvrière vit une situation de plus en plus misérable. C'est vrai qu'il n'y a pas de perspective pour les jeunes, qui pour la plupart n'ont toujours pas eu leur premier boulot. C'est vrai que la présence et l'attitude des flics sont insupportables. C'est vrai qu'il est tout à fait légitime de vouloir des transports gratuits, des logements décents, de meilleures chances d'éducation pour les gamins, une culture plus collective qui ne soit pas réservée à une coterie, etc. C'est vrai qu'il y a de quoi vomir cette société tous les jours. Mais s'attacher à la remorque de la démocratie bourgeoise est le plus sûr moyen que tout continue comme avant ! Changer pour de gentils élus ne changera rien quant à l'exploitation capitaliste qui est à la racine de la pauvreté, de la dégradation des conditions de vie, et du caractère de plus en plus inhumain de la vie sociale. S'engager dans le combat de classe en rejetant tout compromis avec l'électoralisme, voilà la seule perspective vraiment radicale.
BTS (22 mars)
1 [54] Le Journal n°4
2 [55]Ibid.
3 [56] Mairie de Toulouse
4 [57]Le Journal n°4
5 [58] Mairie de Toulouse
Si
le mois de mars a été celui des élections municipales, celui d'avril
a montré quels étaient la préocupation principale des prolétaires et
leur véritable centre d'intérêt : la défense de leurs
conditions de vie et de travail contre la violence des attaques
capitalistes. Les journées d'action syndicales organisées en janvier
puis, au lendemain des élections municipales, dès la fin mars n'ont
pas suffi à enrayer la montée de la combativité. Comme la presse
bourgeoise l'a souligné à plusieurs reprises, c'est le "réveil
du social" qui est de plus en plus clairement au coeur de
l'actualité. Finis les discours sur le "tout-va-bien" ouvrant
un avenir radieux au capitalisme et aux ouvriers, enfoncés les bla-bla
affirmant que les problèmes sociaux ne concernaient que quelques
"exclus de la croissance" et balayés encore les mensonges sur
la fin de la classe ouvrière : le développement actuel de ses
luttes, en dépit de leurs limites, vient porter un coup brutal à toute
cette propagande mensongère.
Pas un secteur n'est épargné par cette riposte ouvrière, sur fond de revendications répondant à toutes les attaques du patronat, qu'il s'agisse de celles du patronat privé comme de l'Etat-patron. Et il y a de quoi !
Alors que la bourgeoisie française ne cesse de s'enorgueillir des bons résultats de son économie et d'une prétendue baisse du chômage, les licenciements tombent sans répit (voir article page 2). Quant au budget annoncé par Jospin dans toute la fonction publique, c'est-à-dire des augmentations de salaires de 0,5% -largement au-dessous de l'augmentation réelle du coût de la vie- et un niveau d'embauches dérisoire dans la perspective du passage aux 35 heures, il prépare une aggravation de la charge de travail chez tous ces "nantis" de fonctionnaires.
Tout cela n'empêche pas les statistiques gouvernementales de se prévaloir d'un million de chômeurs en moins et de la création de 888.000 emplois entre 1998 et 2000. En réalité, le travail précaire n'a jamais autant augmenté, "malgré la croissance" comme le dit la presse aux ordres. Alors que les emplois dits stables ont augmenté de moins de 2%, les CDD ont connu une croissance de 65%, le travail par intérim de 130%, les stages et autres contrats-aidés (CES par exemple) de 65%. Et, parmi ce petit 2% d'emplois stables, 40% sont rémunérés à peine un tiers au-dessus du SMIC. Chez les jeunes, qui sont deux fois plus nombreux à être au chômage que le reste de la population, si l'embauche en contrat court concerne 30,7% d'entre eux en 1997, le pourcentage était en 2000 de 36,3% ; tandis que la majorité des 50-59 ans qui trouve du travail effectuent des CDD. Pour clôre ces résultats pharamineux de la politique sociale et plurielle de gauche, et malgré les innombrables traficotages des chiffres auxquels elle s'exerce, le taux de pauvreté n'a pas bougé d'un pouce entre 1997 et 2000.
C'est à cet enfoncement dans la misère et l'exploitation aggravées que la classe ouvrière réagit aujourd'hui de façon ouverte, sur le terrain de la lutte. Et l'expression de cette volonté de ne plus se laisser attaquer sans réagir n'est pas limitée à quelques-uns, comme dans la période passée, mais c'est simultanément dans tous les secteurs qu'elle apparaît clairement, qu'il s'agisse du public comme du privé. Ces divers éléments marquent indéniablement un changement de la situation dans laquelle se trouve l'ensemble de la classe ouvrière en France.
Et, bien que les syndicats fassent leur possible pour bloquer la poussée ouvrière dans certains secteurs en organisant des journées d'action comme ils l'ont fait dans l'armement dans l'Ouest de la France, à l'ANPE en avril, ou des grèves-bidon d'une heure ici et là, ce changement les contraint à adopter un profil plus combatif pour ne pas risquer d'être débordés. Ainsi, aux mouvements les plus médiatisés des conducteurs de train de la SNCF, des sages-femmes, de Danone-Lu et de Marks & Spencer, il faut ajouter les grèves à répétition dans les transports publics de province (avec la grève de trois semaines des traminots à Rennes), celles à La Poste (comme celle du 19e arrondissement parisien), à Moulinex, à l'URSSAF de Toulon, dans les musées nationaux, chez les internes de Franche-Comté, chez Rivoire et Carret, dans les cliniques privées du Sud-Est après celle nationale du mois de mars, ou encore chez Fauchon, etc. Toutes ces luttes ont été et restent marquées d'emblée par une détermination à entrer en grève, non pas pour quelques heures ou une journée, pour "marquer le coup", mais de façon illimitée, avec pour objectif de reconduire la grève en fonction de l'évolution des négociations.
La simultanéité des attaques qui tombent et celle des luttes ouvrières, qu'il s'agisse des salaires, des licenciements ou des conditions de travail, est en train de créer une situation nouvelle. Dans cette situation, les ouvriers doivent se dire qu'ils ne sont plus seuls à se battre. Et c'est là que la faiblesse principale qui sévit dans les rangs ouvriers, celle du corporatisme, est exploitée avec force par la bourgeoisie. Cela a été évident lors de la grève à la SNCF qui, alors qu'elle avait démarré de manière unitaire, s'est prolongée dans une grève dure et de plus en plus isolée des seuls agents de conduite (voir notre article sur le sujet page 3) comme dans le déroulement de la grève des sages-femmes complètement séparées des autres catégories du personnel hospitalier. Ainsi, alors que leurs revendications initiales pour les salaires et le manque d'effectifs étaient une base pour offrir un front commun avec l'ensemble des autres catégories hospitalières (dont beaucoup sont actuellement en lutte), les sages-femmes ont vu leurs revendications dévoyées vers la fausse question de la reconnaissance de leur statut particulier.
L'enfermement et l'épuisement dans des grèves longues et isolées auxquelles conduit le corporatisme sont des dangers qui grèvent l'avenir des luttes ouvrières. L'enjeu n'est pas de se lancer dans des grèves qui durent en étant de plus en plus minoritaires avec la perspective illusoire d'avoir le patron ou l'Etat "à l'usure", mais au contraire de faire de l'élargissement de la lutte la condition de sa prolongation. Les conditions pour le faire sont présentes aujourd'hui. Mieux vaut arrêter une grève avec la conscience claire qu'on est pour le moment trop isolés et qu'on ne pourra pas gagner mais en sachant qu'on pourra bientôt reprendre la lutte dans de meilleures conditions permettant d'instaurer un rapport de forces plus favorable. De même, la mise en place d'une réelle solidarité en vue de l'établissement d'un tel rapport de forces ne se trouve pas dans la pseudo-solidarité du boycott des produits du méchant patron comme à Danone-Lu et autres pétitions populaires comme chez Marks & Spencer. Elle se trouve dans la mise en commun des revendications avec d'autres secteurs, de façon à réaliser l'extension de la lutte avec ces derniers et à former l'unité la plus large, sur le terrain de la classe ouvrière.
Le développement de l'unité et de l'extension ouvrières les plus larges nécessitent encore de ne pas laisser la maîtrise du combat aux mains des prétendus spécialistes de la lutte que sont les syndicats. Les ouvriers doivent tout au contraire nécessairement organiser et diriger eux-mêmes leur lutte à tous les niveaux à travers des assemblées générales souveraines qui prennent toutes les décisions en élisant leurs propres délégués, révocables, et leurs propres comités de grève.
Et il faut encore ouvrir les assemblées générales et toutes les réunions à tous les autres ouvriers, actifs et chômeurs, poussant à l'entrée en lutte du maximum de secteurs, orientant ainsi toute leur activité vers l'extension de cette lutte. C'est la seule façon de créer un rapport de forces en faveur de l'ensemble de la classe ouvrière.
KW (27 avril)
Avec une précipitation des plus suspectes, toutes les composantes de la gauche plurielle se sont empressées de lancer des protestations "de principe" dès l'annonce, coup sur coup, des licenciements et fermetures de sites chez Marks & Spencer et chez Danone. Dame ! Le gouvernement voulait surtout ne pas avoir l'air d'être complice des licencieurs et tâchait de sauvegarder son image de soi-disant défenseur de la justice sociale contre les "abus" du patronat, du "libéralisme" et autres "multinationales". On se rappelle qu'il y a deux ans, au moment des licenciements chez Michelin, la prétention de la gauche à faire croire que son gouvernement serait au service de la défense des conditions d'existence des prolétaires contre les attaques capitalistes, avait eu un peu de mal à être crédible, après que Jospin ait lancé que "il ne faut pas tout attendre de l'Etat". Il avait alors fallu tous les efforts de la "gauche de la gauche" pour redonner un peu de crédibilité au mythe d'un Etat "au dessus des classes", dont le rôle serait de rendre justice aux salariés contre leurs patrons "abusifs". En octobre 1999, le PC et les gauchistes de la LCR et de LO se fendaient d'une belle manifestation sur le thème de "l'interdiction des licenciements aux entreprises qui font des bénéfices", manifestation qui n'était qu'un plébiscite à la gauche plurielle au gouvernement, et le tout avait débouché sur l'annonce par la ministre Aubry d'un "plan de modernisation sociale", grâce auquel les patrons licencieurs allaient voir ce qu'ils allaient voir. On a vu en effet ... les licenciements continuer à tomber un peu partout.
Avec l'accélération que connaît aujourd'hui cette offensive anti-ouvrière (c'est presque chaque semaine depuis un mois qu'une nouvelle série de "plans sociaux" est annoncée), et ce au lendemain d'élections municipales qui ont révélé la profonde (et saine) désillusion vis-à-vis de la gauche dans les rangs ouvriers, le PS et le PC, chacun à leur manière, ont décidé de prendre les devants. "Oui, l'Etat peut et va faire quelque chose", a vite clamé le PS, histoire de faire oublier sa responsabilité dans les suppressions de postes et autres attaques dans le secteur public, où le ministre Sapin vient de refuser les augmentations de salaires aux fonctionnaires. Quant au PC, pendant que le "camarade ministre" Gayssot dénonce et condamne la grève à la SNCF, il prétend aujourd'hui "retrouver des accents de la lutte de classe" (comme l'écrit le journal Le Monde) en prenant la tête d'une "offensive citoyenne" contre Danone. Non seulement ces gens-là ne font rien d'autre qu'essayer de sauver leur image auprès des prolétaires, mais leur investissement sur le terrain de la protestation contre les plans de licenciements est un véritable poison. En effet, le "'soutien" qu'ils apportent aux ouvriers licenciés sert surtout à entraîner ceux-ci en dehors de leur terrain de classe, sur un terrain où ils sont certains de se retrouver isolés et défaits.
Pour commencer, ce n'était pas tant contre les licenciements qu'il fallait, parait-il, se battre, mais contre la "manière brutale" avec lesquels ils ont été annoncés et le fait, en particulier chez Marks & Spencer, qu'ils ne l'avaient pas été selon la "procédure légale" en vigueur en France. En gros, c'est le licencieur "étranger" qui était condamnable pour n'avoir pas licencié.. à la française. Heureusement, grâce à l'intervention du gouvernement qui a finalement condamné l'entreprise pour "délit d'entrave", les salariés de Marks & Spencer sont désormais soumis non plus à une "décision définitive" mais à un "projet" de plan social Dans la mesure où M.& S. a immédiatement fait savoir qu'il n'avait pas l'intention de revenir sur ses intentions de fermer ses magasins en Europe, on ne voit pas très bien ce que cela va changer pour eux. Comme la colère explosait chez Danone et que de nouveaux licenciements tombaient à leur tour chez Valeo, AOM et autres Moulinex, il en fallait plus pour espérer éteindre le feu social. Alors les pompiers sociaux de la gauche et des syndicats ont trouvé autre chose : ok, Danone a respecté la loi, mais ce qui est, dans son cas, "insupportable" c'est qu'une entreprise licencie alors qu'elle est bénéfiaire et qu'elle affiche des profits. On nous refait donc le coup de Michelin. Le PCF et les trosktystes ont donc vite sauté à nouveau sur la formule magique réclamant "'l'interdiction des licenciements dans les boîtes qui font des bénéfices", pendant que Jospin et Guigou, plus modérés (il faut bien se partager le travail), enfourchaient le cheval de bataille de "rendre les suppressions d'emplois plus coûteuses dans de tels cas"[1] [60]. Une nouvelle loi a donc été annoncée qui devrait augmenter les indemnités de licenciements secs et imposer des "reclassements" et autres "obligations de formation" pour les salariés jetés à la rue. Sauf que ce genre "d'amortisseurs" étaient déjà contenus dans le "plan social" Danone et que cela ne change rien à la brutalité et à la violence que celui-ci représente pour les prolétaires concernés qui se retrouvent devant le "choix" suivant : quitter la région où ils vivent, s'ils le peuvent, pour garder un hypothétique emploi au risque de condamner leur conjoint au chômage ou bien aller directement pointer eux-mêmes à l'ANPE. Mais ce qu'il y a de plus pourri dans le terrain de lutte qui est proposé aux victimes des licenciements actuels, c'est bien le discours et les mots d'ordre qui opposent les licenciements à la rentabilité de l'entreprise. Ainsi le caractère plus ou moins "scandaleux" des plans sociaux est jugé à l'aune des profits ou des pertes affichés par la société. Selon ce principe, les prolétaires d'AOM/Air Liberté ou ceux de Job par exemple sont censés accepter sans moufter les licenciements, au nom probablement d'on ne sait quelle solidarité que devraient avoir les salariés avec leur patron quand "les affaires vont mal". Tandis que ceux de Danone auraient raison de se battre et ont droit au "soutien"" empoisonné de tous les pompiers sociaux de la gauche en tout genre, au nom cette fois du fait que le patron de Danone aurait manqué de "solidarité" avec ses employés en leur préférant ses actionnaires. A la tête de ce discours on trouve le PCF et la CGT, appuyés à fond par la LCR et LO qui protestent tous en choeur contre "le libéralisme qui traite les travailleurs comme des Kleenex et qui les jette pour le profit des actionnaires" et qui fustigent la fameuse mondialisation, comme étant responsable du scandale des licenciements. Ce que ces gens cachent au fond, c'est le conflit fondamentalement irrréconciliable entre le capital et le travail. Car lorsque le patron de Danone rétorque que, s'il licencie aujourd'hui, c'est pour préserver la rentabilité actuelle de la boîte menacée par la concurrence, il dit effectivement la vérité. C'est-à-dire que c'est la logique concurrentielle de la production capitaliste qui, dans tous les cas, qu'il y ait des bénéfices ou non, est à la base des licenciements, chez Job comme chez Danone. Le capitalisme, en général, qu'il s'agisse de grandes multinationales ou de petites boîtes autochtones, n'a jamais exploité la force de travail, c'est-à-dire "créé des emplois", par altruisme, mais il l'a toujours fait uniquement et dans la mesure où cela lui permet d'extorquer un profit et d'accumuler encore du capital. De même, il se fiche comme d'une guigne de la valeur d'usage ou de la "qualité" des marchandises produites dans ses usines, seule compte pour lui leur valeur d'échange et la question de savoir s'il pourra les vendre sur le marché en faisant des bénéfices. La crise de surproduction générale que connaît le capitalisme, du point de vue du marché solvable, et la concurrence mortelle qui se joue entre les entreprises capitalistes dans ce cadre, conduit effectivement celles-ci à chercher les moyens de payer des salaires les plus bas possibles et à couper radicalement des branches entières quand l'exige la rentabilité. capitaliste. Voilà la véritable cause des licenciements, elle est contenue dans le principe même du capitalisme qui régit l'ensemble de la société et non pas dans on ne sait quelle mythique "mondialisation". C'est cette réalité qu'occultent les mobilisations orchestrées par le PCF et ses complices, comme à Calais le 21 avril, sur le thème de "la lutte citoyenne contre la mondialisation".
Le dernier thème enfin par lequel la lutte contre les licenciements est dévoyée de son terrain de classe par la gauche et les syndicats, CGT en tête, c'est celui de l'appel à la "solidarité des consommateurs". Les mêmes "consommateurs" (population indéfinie des mangeurs de yaourt) qu'on a invités début avril à aller faire des courses chez Marks & Spencer pour "prouver" à la société britannique que ses boutiques européennes sont viables, ont été ensuite priés de faire l'inverse pour ce qui concerne Danone ! La campagne pour le boycott des produits Danone, lancée par la CGT et le PC avec les soutien du couple LO-LCR et de toutes sortes d'associations, est venue depuis occuper tout le terrain de la situation, escamotant dans les médias la réalité des grèves en France. D'autant plus qu'une grande polémique a été lancée entre fractions de la gauche et entre centrales syndicales sur la question de savoir si le boycott pourrait être une "arme à double tranchant". Pendant que les uns en font la formule toute trouvée pour "obliger Danone à reculer", les autres mettent en garde contre une action qui risquerait de se retourner contre les salariés du groupe en donnant lieu à de nouveaux plans de licenciements, dans le yaourt ou les eaux minérales, en sus de ceux dans le biscuit, au nom des pertes subies par Danone sur le marché. Evidemment, l'argument des seconds voudrait , une fois de plus, nous faire croire qu'il y a une compatibilité d'intérêts entre le travail et le capital. A ce compte là, il faudrait plus encore dénoncer la grève elle-même comme "pouvant se retourner contre les ouvriers", puisque, par définition, les grèves et toute résistance ouvrière à l'aggravation des conditions d'exploitation viennent s'opposer à la compétitivité et aux critères de rentabilité du capital. Pour autant, cela ne donne aucune légitimité ouvrière aux orchestrateurs de cette campagne de boycott. Au contraire, car, au delà du fait que le boycott n'aura guère d'effet sur Danone, ni dans un sens ni dans un autre, cette campagne sert, en réalité et avant tout, à occuper le terrain du réflexe de solidarité envers les prolétaires licenciés avant que la classe ouvière ne s'en empare sur son véritable terrain de classe. L'appel aux "citoyens" ou aux "consommateurs" est comme l'appel aux élus et au gouvernement, il invite les ouvriers en lutte à chercher l'appui de divers lobbies puissants, de préférence à celui de leurs frères de classes en butte à des attaques similaires. Il font du cas Danone un cas à part, assez grave pour "concerner toute la société", mais qui n'aurait rien à voir avec les autres coups qui tombent sur la classe ouvrière. Et face à toutes ces attaques qui s'abattent massivement sur elle, la classe ouvrière doit savoir qu'elle est seule. Les soutiens empoisonnés de la gauche, des syndicats et des élus et des associations de tout poil sont autant de pièges contre elle. Mais si la classe ouvrière est seule et ne peut compter que sur ses propres forces pour se battre, elle doit savoir que ces forces là sont immenses. Les ouvriers de Danone, de Moulinex, de Marks et Spencer, d'AOM et d'ailleurs qui font face aux licenciements, les cheminots, les traminots, les postiers, et les hospitaliers, tous ceux aujourd'hui en lutte pour les salaires, les effectifs et contre l'aggravation de leurs conditions de travail, sont tous engagés dans un même combat, non pas contre tel ou tel patron particulier, ou contre telle ou telle mesure gouvernementale, mais contre le capital. C'est dans le développement et l'unité de leurs luttes que réside le seul terrain où puisse se développer réellement la solidarité ouvrière, contre les pièges dressés par la gauche et les syndicats.
PE (29 avril)[1] [61] Concernant Danone, il faut constater que ce sont pratiquement TOUTES les fractions de la bourgeoisie qui se sont cru obligées d'afficher de la compassion et de la compréhension pour les "petits LU". Même un Madelin y est allé de son couplet, pour épingler lui aussi la "brutalité" d'une annonce "indigne d'une grande entreprise comme Danone". Enfin, il n'a pas trop insisté, parce qu'à trop empiéter sur le terrain occupé par la gauche, il deviendrait vite évident que la gauche et les libéraux sont, au fond, du même bord et que seule l'hypocrisie les anime, les uns comme les autres.
Dans
le numéro 304 de RI (septembre 2000), nous avons pris position sur la campagne
qui avait agité les médias durant l'été autour des luttes à Cellatex et dans
d'autres entreprises (Adelshoffen, Forgeval...). Dans notre article, intitulé
"Un exemple à ne pas suivre", nous avons montré comment et pourquoi
les moyens utilisés dans ces luttes (le déversement d'acide sulfurique dans une
rivière dans le cas de Cellatex, la menace de faire sauter l'usine à
Adelshoffen...) ne pouvaient pas représenter une avancée pour la classe
ouvrière dans son ensemble. Nous avons notamment développé que ce n'est pas par
hasard si justement ces méthodes avaient eu droit à de grands coups de
projecteurs de la part des médias bourgeois et si le gouvernement n'avait pas
hésité à encourager leur exemple en concédant des avantages substantiels,
notamment aux grévistes de Cellatex.
En réaction à notre article, Le Prolétaire n° 455[1] [62], nous adresse une polémique acerbe, dans laquelle nous sommes accusés d'avoir voulu "calomnier cette lutte", soupçonnés de nous ranger "aux côtés des adversaires de la lutte ouvrière" et finalement traités de "pacifistes" qui "craignent en réalité le retour de cette lutte de classe qui ne pourra pas ne pas s'accompagner d'explosions brutales de luttes, d'affrontements violents". Pourquoi ? Parce que nous aurions "violemment condamné" des luttes qui, au contraire pour le PCI, auraient "donné au prolétariat la leçon que seule la lutte véritable peut payer". Pour Le Prolétaire, elles ont constitué un exemple à suivre en ce qu'elle ont été "une contribution de première importance à la rupture avec la collaboration de classe et son pacifisme, son légalisme, ses méthodes bien sages et bien responsables (...), une contribution à la reprise du chemin de la lutte de classe ouverte." C'est bien cette appréciation que nous ne pouvons pas partager avec les camarades du PCI.
Fidèles au Manifeste Communiste qui proclame : "De temps à autre les travailleurs sont victorieux, mais leur triomphe est éphémère. Le vrai résultat de leurs luttes, ce n'est pas le succès immédiat, mais l'union grandissante des travailleurs", nous pensons que ce n'est pas à l'aune du succès immédiat obtenu que les révolutionnaires peuvent apprécier le vrai résultat des luttes ouvrières. Ce que les révolutionnaires encouragent, là où ils voient un réel renforcement et une "contribution à la reprise du chemin de la lutte de classe ouverte" pour le reste de la classe, c'est notamment ce qui, bien au delà du caractère éphémère des gains obtenus, contribue à l'union grandissante des travailleurs.
Or ce qui a "distingué" Cellatex et Adelshoffen, par rapport à d'autres luttes contre des licenciements qui sont restées aussi isolées qu'elles, est-il quelque chose qui, franchement, contribue à cette union grandissante et qui montrerait le chemin pour briser l'isolement ? Quelle que soit la détermination, bien réelle, des prolétaires de Cellatex à ne pas accepter passivement les licenciements et la reprise de la combativité que ces luttes ont exprimé, il faut répondre pourtant non. Nous persistons et signons pour dire que la "violence" qui les a caractérisées et qui excitent tellement le PCI, n'en font pas pour autant un exemple à suivre. Parce que justement elles ne pouvaient pas apporter une réponse au besoin de rompre l'isolement et d'aller chercher la solidarité de classe effective des autres fractions de la classe ouvrière.
Nous sommes certes d'accord avec Le Prolétaire pour dénoncer "l’écœurante idéologie démocratique omniprésente", qui présente l'environnement comme "notre bien à tous", "alors que cet environnement malsain est saccagé en permanence par les ravages du capitalisme". Mais quand le PCI crie que les ouvriers de Cellatex, en versant de l'acide sulfurique dans un affluent de la Meuse, "ont même osé s'attaquer à l'environnement et ils ont eu raison !", on peut se demander si ce ne sont pas les camarades qui ont justement perdu la raison. D'un côté, Le Prolétaire nous dit très justement que "les premières victimes (de la pollution) sont les prolétaires contraints de travailler et de vivre en permanence dans ces environnements désastreux" (ils en sont généralement conscients, d'ailleurs), et que la majorité de la classe ouvrière reste encore hésitante à entrer en lutte. D'un autre côté, les camarades nous assènent que "ce n'est pas vrai que l'utilisation de méthodes de luttes radicales ne peuvent qu'isoler, diviser les travailleurs, les désolidariser les uns des autres". Sauf que, dans le cas qui nous occupe, ils ne voient pas tout ce que la violence de ces "méthodes radicales" avait de désespéré, en quoi elle était moins dirigée contre leurs exploiteurs (qui se fichent pas mal de l'environnement) que contre eux-mêmes. "Tout prolétaire combatif sera à leurs côtés" lance le PCI, et probablement, veut-il dire que tout prolétaire combatif sera encouragé à faire la même chose de son côté, puisque "cela a payé à Cellatex". Mais cela ne fera pas avancer d'un pouce le développement d'une véritable solidarité de classe et encore moins décidera la masse des hésitants à entrer en lutte. Poussons l'argument du PCI plus loin. Si demain, les ouvriers de l'Etang de Berre se trouvent face à la fermeture, et font sauter les immenses complexes pétroliers à côté de Marseille, Le Prolétaire criera-t-il toujours "ils ont osé, ils ont eu raison" ? Et si, après-demain, on fermait une centrale nucléaire ?.. Comme nous a écrit un de nos lecteurs, "Le PCI traite les ouvriers comme des demeurés, ils apprécieront".
En fait, et plus généralement, ce qui fait s'emballer les camarades du Prolétaire, là où ils voient une "contribution à la reprise du chemin de la lutte", c'est dans ce qui, en apparence, rompt avec "la collaboration de classe et son pacifisme, son légalisme, ses méthodes bien sages...". Nous pouvons rassurer les camarades, notre propos n'est nullement de nier le caractère nécessairement violent de la lutte de classe, ni de sombrer dans un quelconque pacifisme. Il est exact, par exemple, que le sacro-saint "respect de l'outil de travail", fait partie traditionnellement de l'arsenal idéologique de l'encadrement syndical. Et ce n'est pas par hasard : les syndicats le font justement pour mieux attacher les prolétaires à LEUR entreprise et les enfermer dans l'illusion que leur combat serait un combat pour revendiquer une partie de la propriété du capital particulier qui exploite leur force de travail (au même titre que le font les idéologies et les pratiques autogestionnaires chères aux anarcho-syndicalistes par exemple). Pour autant cela ne veut pas dire que, pour dépasser l'enfermement syndical, il suffit de prendre le contre-pied de cette idéologie du respect de l'outil de travail en faisant du sabotage de celui-ci une panacée. La radicalité violente de l'action ne contient pas en soi la perspective de briser le cadre étroit de l'usine, de la défense de la région ou de la nation. Toutes les opérations "coup de poing" dont la CGT s'est fait le spécialiste, notamment dans les années 70 et 80 sont là pour le montrer. Les opérations pneus brûlés, les blocages d'autoroute ou de chemin de fer ont été largement prônées et mises en oeuvre à ne plus en finir par les "syndicats collaborationnistes". Et qu'en est-il des leçons de Longwy-Denain en 1979, quand la CGT organisait le renversement des wagons de minerai de fer venant d'Allemagne (méthodes "illégales" et "radicales" s'il en est), afin de détourner la lutte des sidérurgistes vers la défense patriotarde de l'industrie française ? Beaucoup de ces formes d'actions, en soi, auxquelles on peut ajouter la séquestration de dirigeants, font effectivement partie de l'océan de phénomènes de la lutte de classe et de son caractère nécessairement violent, mais la plus ou moins grande violence n'est nullement en soi une garantie de radicalisation sur le fond : c'est-à-dire dans le sens de l'élargissement des moyens et des buts du combat.
Près de la moitié de l'article du Prolétaire est consacrée à des assertions ironiques sur l'idée que "la bourgeoisie (ait) machiavéliquement élaboré un plan diabolique, heureusement percé à jour par le CCI". Il s'amuse notamment à relever des prétendues contradictions dans ce que nous avons écrit sur le rôle joué par les médias et par la politique du gouvernement dans ces événements. "Il faudrait savoir,", ironise-t-il, "ou bien la bourgeoisie s'est montrée 'compréhensive' pour ces méthodes ou bien elle les a dénoncées comme destructrices". Chers camarades, elle a fait effectivement fait les deux, et il n'y a là de "contradictions insolubles" que pour ceux qui ne veulent pas voir.
A n'en pas douter, le PCI lui-même s'est laissé piégé : pour lui, la place accordée par les médias à la grève de Cellatex apporte d'abord la preuve que c'est la force de cette lutte qui aurait contraint la bourgeoisie à s'en faire l'écho et à concéder des résultats appréciables aux grévistes. Ensuite, le fait que la propagande bourgeoise l'ait assimilée au terrorisme et à la destruction de "notre environnement à tous" suffit pour le PCI à démontrer qu'elle voulait empêcher que l'exemple soit repris ailleurs.
"Malgré cela, malgré des situations qui paraissent sans espoir", nous dit le PCI, "les ouvriers de Cellatex et d'ailleurs ont montre à tous leurs frères de classe qu'il est possible de résister et qu'il est possible de remporter des concessions non négligeables". Mais il ne voit pas que ce sont les médias bourgeois qui se sont servis des ouvriers de Cellatex pour "montrer" à leurs frères de classe qu'on peut gagner des concessions par une lutte isolée, à condition de recourir à des moyens désespérés. Encourager l'idée que ces méthodes sont le seul moyen de gagner, tout en dénonçant ce qu'elles ont de destructeur est effectivement ce que voulait faire la bourgeoisie : jeter en pâture ce prétendu "seul moyen" aux prolétaires confrontés aujourd'hui à des plans de licenciements similaires, tout en décourageant la possibilité de solidarité de la part de leurs frères de classe, en comptant bien sur le fait qu'ils ne puissent pas se reconnaître dans ces fameuses "méthodes".
En passant, Le Prolétaire cautionne complètement l'illusion, très présente dans ces luttes, que ce serait parce que les ouvriers de Cellatex "ont osé s'attaquer à l'environnement" qu'ils ont attiré l'attention des médias sur leur sort et réussi à faire connaître à "l'opinion publique" la violence du plan de licenciements dont ils étaient victimes. Or, les révolutionnaires ont le devoir d’expliquer en quoi ceci est une illusion : que les médias ne sont rien d’autre qu’une partie de l’appareil de l’Etat garant de l’ordre social ; et que les ouvriers en lutte ne peuvent attendre aucune aide ni des médias, ni de cette mythique "opinion publique", qui en est la créature.
Mais pourquoi donc les grands médias nationaux ont-ils fait tant de barouf sur Cellatex et Adelshoffen, alors qu'ils ont en général l'habitude d'être très discrets sur les luttes locales et isolées de ce genre ? Parce que la classe dominante aurait réellement craint la menace sur "notre environnement à tous" ou bien parce qu'il était dans son intérêt de leur faire de la publicité ?
Ce n'est sûrement pas Le Prolétaire qui se fait des illusions sur "l'objectivité" et "l'impartialité" des médias bourgeois. C'est le PCI des années 70, rappelons-nous, qui utilisait très justement l'expression "démocratie blindée" pour décrire le pouvoir de coercition idéologique de l'État bourgeois dans les pays occidentaux développés. Un Etat qui, derrière des apparences démocratiques, exerce un contrôle totalitaire sur l'ensemble de la vie sociale et plus particulièrement sur tout ce qui concerne la lutte de classe et la propagande anti-ouvrière. Nous ne croyons pas que les camarades du Prolétaire aient le moindre doute là-dessus : malheureusement, ils n'en tirent aucune conclusion.
C'est ainsi qu'ils n'ont pas vu que la première leçon que la bourgeoisie a voulu faire passer, c'est un des mensonges les plus dangereux des syndicats, staliniens, sociaux-démocrates, gauchistes, et tutti quanti -mais aussi une des illusions les plus dangereuses dans les têtes des ouvriers eux-mêmes. C'est l'idée que la lutte peut être victorieuse en s'enfermant dans l'usine. Cette illusion est en partie responsable de toute une série de grandes défaites de la classe ouvrière : le mouvement des occupations d'usine en Italie dans les années 20 ; la grève massive de 1968 en France, quand les ouvriers ont suivi les consignes d'occupation de la CGT -pour ne pas parler d'une foule de défaites de moindre portée depuis. Par contre, c'est l'ouverture, l'extension vers d'autres ouvriers, qui a permis aux ouvriers polonais (malgré toutes les faiblesses du mouvement que nous avons analysées par ailleurs) de tenir tête à l'Etat et faire trembler la bourgeoisie internationale.
L'intérêt de la bourgeoisie à accréditer cette idée de la possibilité de victoire dans une lutte isolée est tel que l'État a même été prêt à payer de sa poche le supplément de primes octroyé aux ouvriers de Cellatex. Contrairement à ce que la propagande bourgeoise veut nous faire croire, il ne s'agit pas ici d'une lutte offensive qui a réussi à arracher des concessions aux patrons grâce à des méthodes de lutte radicales ; il s'agit d'une lutte défensive que l'appareil de la propagande étatique a su détourner à son profit, au prix (dérisoire par rapport au budget de l'État) de quelques primes.
Pourquoi la bourgeoisie française se donne tant de peine -et de frais, même petits- pour une telle campagne ? Bien sûr, nous ne croyons pas, comme nous fait dire le PCI, que "la classe ouvrière a une belle et pure conscience, au point qu'elle serait sans doute sur le point d'entrer en lutte massivement, voire de faire la révolution, mais patatras, la bourgeoisie n'arrête pas de lui pourrir la conscience, de la déboussoler, de la troubler par des pièges les plus abracadabrantesques (les mêmes pièges que les ouvriers "ont énormément de difficulté à éviter" comme vous le dîtes, camarades ?)". Par contre, nous sommes profondément convaincus que la crise de l'économie bourgeoise va en s'empirant, que les conditions de vie de la classe ouvrière ne cessent de se dégrader, et que c'est la nécessité matérielle qui poussera les ouvriers, y compris ceux qui sont aujourd'hui "encore apathiques, encore hésitants", à entrer en lutte. Nous sommes convaincus que les conditions de la lutte, et -soulignons-le- l'intervention déterminée des communistes, pousseront les ouvriers à chercher les moyens qui permettront à la lutte d'avancer et de gagner en force. Ces moyens s'appellent : solidarité, extension, organisation, envers et contre la légalité, la propagande, et le terrorisme de l'État bourgeois de la "démocratie blindée". Finalement, et peut-être c'est ici que Le Prolétaire ne nous suit pas, nous sommes également convaincus que la classe bourgeoise en est consciente -du moins partiellement- et qu'elle se prémunit dès aujourd'hui contre une telle éventualité. Elle le fait déjà en saucissonnant par tous les moyens les tentatives de luttes, en élevant en "exemple à suivre" des luttes isolées comme celles de Cellatex et Adelshoffen.
D'ailleurs, est-ce que Le Prolétaire ne suggère pas la même chose, quand il parle de "l'action étouffante de toute l'innombrable bande des pompiers sociaux (...) jusqu'aux différentes bonzeries syndicaux (sans oublier les résidus de gauche)..." ? S'il n'y a rien à étouffer, alors pourquoi cette "action étouffante" ?
L'élémentaire solidarité des révolutionnaires avec les prolétaires en grève, ne doit pas les dispenser d'assumer leur devoir de critique à l'égard des faiblesses de la lutte. C’est un devoir que Le Prolétaire échoue lamentablement à remplir, obnubilé qu'il est par un radicalisme de surface et un certain moralisme anarchisant.
Car, le PCI a beau dire que les révolutionnaires "ne cherchent pas à cacher les faiblesses" des luttes, avec leur cri "ils ont eu raison", ils ne font rien d'autre. Et, de ce fait, ils abandonnent complètement le rôle critique des organisations politiques prolétariennes auprès de leur classe. Ils ne font que lui courir derrière.
Le PCI cherche à ridiculiser notre point de vue en prétendant que la seule proposition que nous soyons capable d'opposer à "l'exemple de Cellatex" serait "la perspective fantastique de déclencher, on ne sait comment, un mouvement de l'ampleur de celui de 1980 en Pologne". Il nous explique que, dans le contexte actuel, avec toutes les difficultés liées à l'isolement, avec leurs frères de classe encore hésitants à rentrer en lutte, les ouvriers de Cellatex ont eu le mérite "d'utiliser les seules armes qu'ils avaient sous la main" et qu'on ne peut pas leur reprocher à eux l'apathie des autres prolétaires.
Autrement dit, Le Prolétaire reprend à son compte le message même que la bourgeoisie a adressé à la classe ouvrière à propos de ces événements, c'est-à-dire, en substance : "Les actions désespérées telles que le déversement d'acide sulfurique dans une rivière sont les seuls moyens qui restent aux exclus de la croissance en butte aux licenciements". Le Prolétaire n'a pas plus à dire que la bourgeoisie : dans la période actuelle, la seule arme qu'on ait sous la main, c'est la violence désespérée et isolée, enfermée sur l'usine.
Nous persistons et signons pour dire que ce n'est pas vrai. L'envoi de délégations à d'autres entreprises, la distribution de tracts mettant en avant les objectifs communs avec les autres prolétaires, la recherche d'une solidarité DE CLASSE (et non pas des "citoyens"), sont des perspectives d'actions concrètes que les révolutionnaires doivent défendre DES AUJOURD'HUI dans les luttes défensives actuelles. S'ils ne le font pas, au nom du fait que la grève de masse n'est pas immédiatement à l'ordre du jour, ils ne remplissent pas leur rôle de révolutionnaires. Ils sont de simples observateurs de l'agitation sociale.
A/P[1] [63] Le Prolétaire, organe du Parti Communiste International- Editions Progamme, 3 Rue Basse Combalot 69007 Lyon.
Le ramassis d’assassins qui compose
l’Etat algérien a encore laissé libre cours à sa folie meurtrière. En réprimant
sauvagement les manifestations qua connues la Kabylie entre le 22 avril et le 6
mai, le pouvoir algérien manifeste cet amour si cher de "l’ordre" qui
caractérise la classe bourgeoise dans tous les pays du monde. C’est près de 60
personnes tuées, des jeunes, des enfants encore pour la plupart, et plus de 600
autres blessées, parfois mutilées, pour avoir été tirées comme des lapins par
les unités anti-émeutes de la gendarmerie. Celle-ci a fait feu à balles réelles
sous le prétexte à peine croyable qu’il n’y avait plus de balles en
caoutchouc !
Quelles étaient les causes et les motivations de ces manifestations massives qui ont rapidement pris l’allure d’émeutes et de guerre de rues, d’attaques en règle des bâtiments publics et de gendarmeries notamment ? Les causes immédiates sont simples et brutales : un lycéen s’est fait lyncher dans un commissariat le 18 avril, et l’arrestation musclée de 3 autres lycéens dans la région de Béjaïa le 22 avril pouvait laisser penser qu’ils subiraient le même sort. Ce type de comportement des forces de "sécurité" a rapidement fait penser qu’il pouvait s’agir dune nouvelle provocation de la part des clans qui se partagent l’Etat, d’autant que "depuis trois semaines, la région était chauffée à blanc par de nombreux incidents" (Libération 30 avril 2001). De la même façon, le journal Le Monde du 30 avril faisait état que "la rumeur qui court en Kabylie, c’est qu’il s’agit dune provocation délibérée dune partie du pouvoir qui veut jeter de l’huile sur le feu dans la région, pour trancher des conflits internes en son sein".
De telles provocations ne sont pas impossibles et correspondent effectivement au mode de fonctionnement habituel de l’Etat algérien, dominé par les rivalités entre fractions de l’armée qui détient la réalité du pouvoir, de la sécurité militaire ou de la gendarmerie. En particulier les difficultés actuelles du président Bouteflika, pourtant mis en place par l’armée en remplacement de Zéroual en 1999, montrent qu’il na plus le soutien total de celle-ci. Par exemple, à la différence d’octobre 1988 où c’est l’armée qui avait noyé dans le sang les émeutes, faisant des centaines de victimes, cette fois, elle a laissé les forces de gendarmerie de l’Etat accomplir la sinistre besogne du maintien de l’ordre, tandis que des journaux contrôlés par les militaires n’hésitaient pas à accabler le président.
Par ailleurs, le projet de Bouteflika de "concorde civile" pour en finir avec une guerre civile qui a fait plus de 200 000 morts ces dix dernières années, est un lamentable échec. Tout au plus a-t-il permis à quelques leaders islamistes, assassins notoires, de reprendre place parmi leurs pairs dans le cadre "légal" de l’Etat, tout en aggravant les tensions avec l’armée qui ne veut pas être le dindon de cette farce réconciliatrice. On assiste ainsi ces derniers mois à une augmentation des tueries quotidiennes qui terrorisent la population civile, sans qu’il soit vraiment possible de savoir précisément qui, des GIA, de l’AIS ou de l’armée, se trouve derrière ces massacres.
Il est donc très probable que l’armée prépare déjà l’après-Bouteflika en le discréditant largement dans la population. Ce serait un régime de faveur en comparaison au traitement réservé au président Mohamed Boudiaf, purement et simplement liquidé le 29 juin 1992, alors que c’est l’armée elle-même qui lavait tiré de son exil pour le mettre à la tête du Haut Comité d'Etat, à la suite du coup d’Etat de janvier 1992 qui, en voulant empêcher la victoire du FIS aux élections législatives, a été le déclencheur de la guerre civile.
Si on ne peut écarter que des fractions de la bourgeoisie militaire algérienne aient joué un rôle dans les évènements récents, ce n’est pas pour autant la cause fondamentale du caractère massif et déterminé des manifestations. C’est bel et bien l’effroyable état de décomposition économique et sociale de l’Algérie qui pousse à la révolte des populations de plus en plus désespérées.
Si dans un premier temps, la grande presse algérienne et française (surtout Le Monde et Marianne) a mis en avant la spécificité culturelle berbère, il lui a bien vite fallu reconnaître que "les demandes économiques et sociales ont pris le pas sur la revendication identitaire" (Le Monde 30 avril 2001), revendication identitaire qui existait surtout dans la tête de journalistes toujours plus prompts à évoquer la poésie ancestrale du "peuple berbère" que les misérables conditions de vie que connaissent les ouvriers et leurs familles aujourd’hui, beaucoup plus à l’aise avec les intellectuels qui s’étaient affirmés dans le "printemps berbère" de 1980 qu’avec ces masses anonymes et violentes. Pourtant, déjà en 1980, le mouvement de protestation qui était effectivement parti sur la base identitaire donnée par les étudiants berbères n’avait trouvé sa force réelle que par le soutien du "personnel de l'hôpital de Tizi-Ouzou" et des " ouvriers de la Sonelec (usine de matériel électrique) et de l'usine de textile proche de Dra Ben Khedda" (Le Monde Diplomatique, décembre 1980).
La situation matérielle et morale des ouvriers algériens s’est constamment dégradée ces vingt dernières années : "près de 40% des 30 millions d’algériens vivent aujourd’hui au dessous du seuil de pauvreté" (Le Monde du 13 mars 2001) et "un actif sur trois est au chômage, le revenu par habitant s’est effondré de 3600 dollars à 1600 dollars en dix ans" (Le Nouvel Observateur du 10 au 16 mai 2001) tandis qu "en matière de santé [] on observe un retour en arrière de trente ans dans l’accès aux soins. Le taux de mortalité infantile grimpe en flèche. Et nous avons un million d’enfants mal nourris" (Djillali Hadjadj, auteur de Corruption et démocratie en Algérie, interrogé dans Marianne n° 211). Cela n’empêche pas la classe dominante d’augmenter de 25% le 15 février dernier le lait, aliment de base pour les enfants.
Sans aucun espoir de travail ou de vie sociale acceptable, subissant une pression politique (corruption généralisée, brutalité policière, actes terroristes) et morale étouffantes (dans leur sexualité par exemple et dont le pendant est le développement de la prostitution, y compris la prostitution institutionnelle qu’est le mariage forcé), les jeunes sont atteints de plein fouet par l’idéologie du "no-future", de ce pessimisme propre à la bourgeoisie en décomposition, quelle communique à l’ensemble de la société et qui se traduit par une recrudescence importante des suicides. En même temps qu’ils réclamaient du travail et des logements, beaucoup de jeunes criaient "nous sommes déjà morts" dans les manifestations de Tizi-Ouzou.
Les jeunes générations n’ont d’autre choix que l’exil vers un hypothétique Eldorado économique qu’ils situent quelque part en Europe, ou bien rester et se résigner au chômage, aux expédients et à la contrebande pour survivre, pour ceux qui auront la force de résister aux sirènes islamistes. Et pour ceux qui protesteraient, l’Etat leur expliquera à coup de balles explosives en pleine tête, quelle est la voix du salut d’Allah.
Les partis d’opposition, quant à eux, attendent de l’extérieur des solutions miracles. En cela ils confirment, si besoin était, qu’ils ne défendent en rien les intérêts de la classe ouvrière, dont la force est en elle-même, dans son unité. Le sauveur est évidemment Dieu pour le Front Islamique du Salut qui entend lutter contre "l’aliénation de l’Islam" (déclaration du 30 avril). Pour le Front des Forces Socialistes (FFS) de Hocine Aït-Ahmed, c’est de la communauté internationale que viendra la lumière. Il a donc multiplié les appels aux dignes représentants de la paix que sont l’ONU, Georges W. Bush et l’OTAN. Quant au Parti des Travailleurs (PT), adorateur trotskiste du capitalisme d’Etat, il s’oppose au "démantèlement des bases matérielles de la nation" et lance de vibrantes suppliques au président Bouteflika : "le président de la République est le premier responsable devant le nation. Il doit prendre des mesures politiques d’urgence à même d’éviter le pire, ordonner l’arrêt immédiat de la répression, décréter le tamazight langue nationale. Les président doit exercer ses pouvoirs constitutionnels avant qu’il ne soit trop tard."
L’élément le plus positif est sans doute le surgissement de comités de quartiers, expression confuse de la volonté de la population de prendre ses affaires en main. C’est la réunion générale des délégués de ces assemblées, tenue à Iloula le 17 mai, qui est à l’origine des nouvelles manifestations de ces derniers jours (le 20 mai et la "marche noire" du 21 mai). Il ne faut pas se faire d’illusion sur le niveau de conscience immédiat qui pourrait se manifester dans ces assemblées, très marquées par le poids des traditions. En même temps, la possibilité de jonction entre ces assemblées et les ouvriers qui entrent sporadiquement en grève générale (comme le 19 mai dans la région de Béjaïa) serait de toute évidence un élément favorisant la réflexion dans la classe ouvrière, condition nécessaire pour dépasser le stade dune révolte aveugle vouée à la répression armée ou à la récupération par les partis bourgeois.
Bien sûr les chausse-trappes seront nombreuses, mais comment pourrait-il en être autrement, compte tenu des conditions extrêmement défavorables dans lesquelles la classe ouvrière devra mener la lutte en Algérie ? Le poids de l’illusion démocratique, en particulier, sera un obstacle important dans cette prise de conscience. En faisant de la corruption la cause de la misère, les partis démocratiques, en Algérie, comme en France, masquent que c’est la crise du capitalisme, en poussant jusqu’à l’extrême l’économie de pénurie, qui génère bureaucratisme et corruption (on sait que l’économie algérienne repose essentiellement sur la rente pétrolière qui représente 97% de ses exportations et qu’en retour elle importe à plus de 90% des produits alimentaires de subsistance). Les ouvriers en France ont une responsabilité particulière vis-à-vis de leurs frères de classe de l’autre côté de la Méditerranée, en dénonçant la corruption qui règne largement ici aussi ; en faisant preuve de la plus grande solidarité dans les luttes entre tous les ouvriers, qu’ils soient "d’origine" française ou des pays du Maghreb ; en montrant que les enfants des ouvriers algériens dont la bourgeoisie s’était abondamment servie lors de la reconstruction d’après-guerre connaissent ici aussi chômage et exclusion. Si en France la gendarmerie et les forces spéciales n’interviennent pas systématiquement de façon violente, c’est que dans l’immédiat les forces d’encadrement social que sont les syndicats, les associations, les partis, et tout le cirque démocratique se révèlent bien plus efficaces pour maintenir la domination de classe. Mais sur le fond, bourgeoisies française et algérienne sont de même nature et défendent les mêmes intérêts, comme l’épisode de l’organisation de la fuite du général tortionnaire Khaled Nezzar la récemment illustré[1] [67]. A nous, ouvriers, de prendre en main nos grèves, de renforcer notre unité, de regrouper nos forces, pour redonner une perspective politique seule à même de saper le pouvoir de ces Etats criminels bien plus sûrement que ne pourront jamais le faire les émeutes du désespoir.
BTD (23/05/2001)[1] [68] Lors de sa visite en France le 25 avril dernier, Le Canard Enchaîné du 2 mai 2001 a noté que le ministre français des Affaires Etrangères, Hubert Védrine, a été particulièrement "soft" avec le régime algérien que la France tient à bout de bras : "l’histoire entre la France et l’Algérie ne prédispose pas la France à distribuer des bons et des mauvais points, à dire ce qu’il faut faire, à donner des leçons, à condamner" (déclaration du 29 avril Le Monde 30/04/2001)
Face au déchaînement des massacres impérialistes, comme ceux qui se déroulent aujourd'hui encore au Moyen-Orient, les révolutionnaires ont toujours dénoncé le poison nationaliste inoculé par tous ceux qui, au nom d'une prétendue "juste cause", appellent les prolétaires à soutenir un camp belligérant contre un autre.
Parmi ceux-là, et à côté des organisations de l'extrême-gauche trotskiste, on trouve des prétendus "révolutionnaires" du milieu anarchiste, tel le groupe "Alternative Libertaire" qui vient aujourd'hui apporter sa petite contribution à la mystification nationaliste et à l'embrigadement de la classe ouvrière derrière les drapeaux de la bourgeoisie palestinienne.
Alors que le fonds de commerce du courant anarchiste a toujours été celui de l'antimilitarisme et de l'appel radical à la destruction de l'Etat, voilà ce qu'on peut lire dans un article intitulé "Le sionisme n'a pas d'avenir" du numéro 91 d'Alternative Libertaire : "Nous ne serons pas de ceux qui renvoient dos à dos Etat israélien et Autorité palestinienne" parce qu'"en Palestine il y a un Etat qui occupe militairement les 'territoires occupés' et il y a une population qui subit cette occupation (...) En ce sens, nous soutenons la revendication du peuple palestinien à un Etat indépendant sur l'ensemble des territoires occupés, y compris les colonies de peuplement et Jérusalem Est" (souligné par nous).
Ainsi, une chose sont les principes affichés par les anarchistes, autre chose est la position réelle qu'ils adoptent face à la guerre. Cette position ne souffre d'aucune ambiguïté. C'est celle défendue depuis la première boucherie impérialiste de 1914-18 par tous les va-t'en-guerre qui, au nom de la défense nationale contre l'envahisseur, au nom de la résistance contre l'occupation des armées ennemies, ont appelé les prolétaires à prendre les armes et à se faire massacrer sur les champs de bataille pour une cause qui n'est pas la leur : celle de la défense de l'Etat national, c'est-à-dire de l'Etat capitaliste.
La vieille marchandise frelatée de la lutte des peuples opprimés contre un impérialisme oppresseur que nous servent les gauchistes de tous bords depuis des décennies, on la retrouve aujourd'hui chez les anarchistes. Mais cette position n'est pas un scoop.
C'est justement parce que les anarchistes ne se situent pas du point de vue des intérêts de la classe ouvrière qu'ils sont incapables de comprendre qu'en Palestine comme en Israël, il existe deux classes aux intérêts antagoniques. Dans la société divisée en classes, le prolétariat doit refuser de faire cause commune avec sa propre bourgeoisie nationale qu'elle soit palestinienne ou israélienne. Les prolétaires d'Israël ou de Palestine ne sont utilisés que comme chair à canon pour la défense des intérêts impérialistes de leurs propres exploiteurs.
Tout appel à la "défense nationale" est une position nationaliste bourgeoise. Ainsi, le prétendu "antimilitarisme" d'Alternative Libertaire se révèle aujourd'hui pour ce qu'il est réellement : une mystification anti-ouvrière, un pur mensonge. La prise de position d'Alternative Libertaire sur la guerre au Moyen-Orient révèle que ce groupe du courant anarchiste est un va-t'en-guerre au même titre que tous les autres groupes "radicaux" de l'extrême gauche capitaliste.
Quant à sa revendication d'un Etat palestinien "indépendant", elle révèle que la position classique des anarchistes appelant à la destruction de l'Etat, n'est là aussi qu'une simple position... de principe.
Pour justifier son grand écart, A. L. est contraint de faire une petite contorsion rhétorique en affirmant que "sans nous faire d'illusion, ni sur le fait qu'un tel Etat ne sera sans doute pas synonyme de justice sociale, et qu'il sera difficilement autre chose qu'un satellite économique des puissances occidentales et des intérêts capitalistes d'Israël. Mais, à court terme, quelle autre solution politique pourrait permettre une réconciliation entre les habitants actuels de la Palestine ?".
Pour les vrais révolutionnaires dont le seul drapeau est celui de l'internationalisme prolétarien, la question ne se pose pas en terme de "réconciliation entre les habitants actuels de la Palestine".
La notion d'"habitants" de tel ou tel territoire national est une notion interclassiste qui ne sert qu'à dissoudre la classe ouvrière dans la masse du "peuple national" où se confondent toutes les classes de la société. Encore une fois, en Palestine, comme dans tous les pays, les "habitants" sont divisés en bourgeois et prolétaires, appartenant à deux classes ennemies aux intérêts irréconciliables. Toute volonté de réconcilier ces deux classes est une pure illusion qui ne peut conduire qu'à l'union sacrée, à l'union nationale entre exploiteurs et exploités et à la défense de la paix sociale, c'est-à-dire à enchaîner les prolétaires au char du capital national.
La seule "identité" que les prolétaires de Palestine et de tous les pays ont à défendre, ce n'est pas une quelconque identité nationale, mais leur identité de classe.
La seule "autonomie" qu'ils doivent revendiquer, ce n'est pas celle d'un Etat "indépendant", mais leur autonomie de classe en refusant de se laisser diluer dans le "peuple" ou les "habitants" de Palestine.
La seule "réconciliation" pour laquelle ils doivent se battre sur leur propre terrain contre leur propre bourgeoisie nationale, c'est celle de la fraternisation avec les prolétaires du camp impérialiste ennemi en refusant de prendre les armes contre leurs frères de classe.
La seule "unité" pour laquelle ils doivent se mobiliser, ce n'est pas l'unité de tel ou tel "peuple" derrière des frontières et un quelconque drapeau national, mais celle de leur unité et de leur solidarité de classe internationale qui, contrairement à la bourgeoisie, n'a pas d'intérêts particuliers, nationaux, à défendre. Contre l'unité nationale, que préconisent toutes les cliques bourgeoises et leurs valets gauchistes et anarchistes, les prolétaires de Palestine, d'Israël et de toutes les nations du monde doivent faire leur le mot d'ordre du Manifeste communiste, seul capable de mettre fin à la guerre et aux massacres : "Prolétaires de tous les pays, unissez-vous!".
Mais le développement de l'unité du prolétariat mondial dont dépend la perspective de renversement du capitalisme, de l'abolition des frontières nationales et de la destruction de tous les Etats ne peut se réaliser à court terme. Parce que le prolétariat est une classe historique, la dernière classe exploitée et révolutionnaire de l'histoire, son émancipation ne peut se réaliser que sur le long terme, à travers des avancées et des reculs, des victoires éphémères et des défaites sanglantes.
C'est justement cette vision historique et à long terme qui manque aux anarchistes.
Or, tant que le prolétariat mondial, et notamment ses bataillons les plus expérimentés de la vieille Europe occidentale, n'aura pas développé ses luttes révolutionnaires et renversé le capitalisme, les guerres et les massacres continueront à se déchaîner au Moyen-Orient comme dans d'autres régions de la planète. Tant que survivra la domination bourgeoise, il n'y a pas de solution ni "à court terme", ni locale à la barbarie guerrière. La paix dans le capitalisme ne peut être que la paix des tombes.
Mais les anarchistes d'Alternative Libertaire ne s'en tiennent pas là.
Ils sèment l'illusion qu'il serait possible aujourd'hui, au terme d'un siècle de décadence du capitalisme, de construire un Etat national en Palestine, un Etat qui ne serait pas impérialiste au même titre que l'Etat d'Israël. Ainsi, dans un article d'Alternative Libertaire n°93 (janvier 2001), signé de l'illustre Alain Bihr[1] [70] affirmant que : "Tous ceux qui luttent pour l'émancipation humaine en général ne peuvent que se déclarer hostiles à tout principe national, à la division de l'humanité en Etats-Nations." et qu'ils "se garderont toujours d'épouser la cause de quelque nationalisme que ce soit". Mais immédiatement après cette belle déclaration de principe, Monsieur Bihr, qui n'est pas à une contradiction près, réintroduit brillamment par la fenêtre le poison du nationalisme qu'il a rejeté par la porte. Qu'on en juge : "Est-ce à dire que, dans le conflit israélo-palestinien, il faille renvoyer les deux camps dos à dos, tenir la balance égale entre les deux ? Oui... si toutefois la balance était égale entre eux. Or, elle ne l'est pas : de ces deux principes nationaux et nationalistes qui s'affrontent, l'un est oppresseur et l'autre opprimé".
Ainsi, il existerait un "bon" et un "mauvais" nationalisme, un nationalisme "oppresseur" et un nationalisme "opprimé" que le prolétariat devrait défendre. Ce type d'argument suranné, c'est celui que nous ont servi pendant des décennies les fractions de l'extrême gauche du capital, trotskistes, maoïstes et autres guérilleristes du "tiers-monde", lorsqu'à l'époque de la guerre froide ils envoyaient les prolétaires à l'abattoir au nom des prétendues "luttes de libération nationale" dont le seul objectif consistait à ramener les "pays opprimés" par l'impérialisme américain sous la tutelle du bloc impérialiste russe.
Cette position nationaliste bourgeoise dont se revendique Alternative Libertaire sous la plume de Monsieur Bihr, tourne le dos à la position qu'ont toujours défendue les révolutionnaires depuis le début du siècle. Comme l'affirmait Rosa Luxembourg dans sa brochure La crise de la social-démocratie, dans le capitalisme décadent, "La politique impérialiste n'est plus l'essence d'un pays ou d'un groupe de pays. Elle est le produit de l'évolution mondiale du capitalisme à un moment donné de sa maturation. C'est un phénomène international, un tout inséparable qu'on ne peut comprendre que dans ses rapports réciproques et auquel aucun Etat ne saurait se soustraire."
Ainsi, depuis la Première Guerre mondiale, dans tous les conflits inter impérialistes qui ravagent la planète, les vrais révolutionnaires n'ont aucun camp, aucune nation, aucun Etat à défendre. A l'aube de ce nouveau siècle où le capitalisme étale la barbarie sanglante dans laquelle il continue à enfoncer l'humanité, où des secteurs du prolétariat sont poussés à s'entretuer derrière la folie meurtrière et les appétits impérialistes de leur bourgeoisie nationale, toute organisation politique qui adopte une autre position que celle de la défense intransigeante de ce principe internationaliste se rend complice des crimes perpétrés par le capitalisme et démasque son appartenance au camp bourgeois des massacreurs du prolétariat, quelles que soient ses justifications idéologiques.
En ce sens, un groupe comme Alternative Libertaire est bien de la même veine que les groupes trotskistes. Sa nature bourgeoise ne doit faire aucun doute pour quiconque se situe du point de vue des intérêts de la classe ouvrière.
Camille
[1] [71] Alain Bihr est un universitaire, docteur en sociologie, qui, tout en se présentant comme un révolutionnaire et un défenseur de la classe ouvrière, s’est distingué par la contribution qu’il a apporté (dans ses ouvrages et ses articles publiés dans Le Monde Diplomatique) aux campagnes menées par la bourgeoisie occidentale sur la fin de la classe ouvrière après l’effondrement des régimes dits socialistes d’Europe de l’Est (voir à ce sujet notre article Le prolétariat est toujours la classe révolutionnaire dans la Revue Internationale n° 74).
Après
la parution de nos deux livres "La Gauche communiste d'Italie"
et "La Gauche hollandaise", le CCI vient de publier une
nouvelle brochure de contribution à l'histoire de la gauche communiste :
"La Gauche communiste de France".
Avec
cette brochure, le CCI entend poursuivre le travail de réappropriation
par les nouvelles générations de révolutionnaires de l'histoire dont
elles sont issues.
Au
cours de la période de contre-révolution qui a suivi la première
vague révolutionnaire de 1917-23, les fractions de gauche qui, dans les
différents pays, ont tenté de préserver les acquis prolétariens face
à la dégénérescence de l'Internationale et à la trahison des partis
communistes, se sont inspirées mutuellement. La terrible contre-révolution,
qui s'est abattue sur le prolétariat mondial à partir de la fin des
années 20, a provoqué une dispersion tragique des forces qui ont tenté
de maintenir le cap de la perspective communiste. Mais même dans une
telle situation, c'est le mérite de la Gauche italienne d'avoir conçu
son effort comme un effort du prolétariat international et d'avoir su
reprendre à son compte les apports des autres secteurs nationaux du
prolétariat. Cet effort s'est particulièrement concrétisé en France
où le surgissement des courants de gauche devait bien peu aux courants
politiques issus du Parti communiste lui-même et beaucoup plus à la présence,
comme réfugiés politiques, d'éléments provenant d'autres pays. La
Gauche communiste qui s'est développée en France à partir de 1944,
tout en se considérant comme un courant de la Gauche communiste
internationale impulsée par la Gauche italienne, a poursuivi l'effort
de cette dernière, s'est inspirée de sa méthode, pour intégrer
pleinement les acquis des différents courants de la Gauche communiste
issue de la Troisième internationale. Ce travail de synthèse a été
critiqué par certaines organisations qui se revendiquaient
exclusivement de tel ou tel courant de la Gauche communiste (Gauche
italienne ou Gauche germano-hollandaise). En qualifiant "d'éclectique"
la méthode de la Gauche communiste de France, dont est issu le CCI, ces
organisations faisaient surtout la preuve qu'elles avaient oublié une
des leçons fondamentales de l'histoire du mouvement ouvrier : la
participation de l'ensemble des secteurs nationaux du prolétariat (et
non d'un seul d'entre eux) à l'élaboration de ses positions politiques
et de son programme. C'est en se basant sur l'ensemble des acquis
historiques du mouvement ouvrier, et non seulement sur certains d'entre
eux, que pourra se constituer le futur parti mondial du prolétariat.
En
ce sens, la publication de cette nouvelle brochure s'inscrit dans un
double objectif :
Enfin, on ne peut clore cette courte présentation sans évoquer le nom de Marc Chirik qui fut présent aux différents moments de l'histoire du mouvement ouvrier retracés dans cette brochure. Dans cette période historique qui fut celle de la pire contre-révolution de l'histoire, très peu d'individus ont eu la force de résister, de se maintenir sur les positions de classe pour transmettre les acquis révolutionnaires aux nouvelles générations ouvrières. Ceux qui y sont parvenus ne sont qu'une poignée. Marc Chirik fut de ceux-là. C'est même durant ces années d'épreuves qu'il a forgé et renforcé ses positions politiques en combattant d'abord au sein du PCF, puis dans l'Opposition trotskiste et enfin dans la Gauche italienne. Pendant la guerre, c'est sous son impulsion que se forme le Noyau français de la Gauche communiste qui deviendra, à la fin de 1944, la Fraction française de la Gauche communiste et finalement la Gauche communiste de France dont les publications sont L'Etincelle et Internationalisme. Toute sa vie, Marc Chirik a poussé à la discussion politique et théorique entre les groupes révolutionnaires en vue de leur rapprochement et de leur regroupement.
A
travers le CCI, dont il est l'un des principaux fondateurs, Marc
restera, jusqu'au bout, fidèle à cette ligne politique.
C'est
pour cette raison que, dix ans après sa disparition, nous lui dédions
cette brochure.
Depuis le mois de janvier, les bobards racontés par la classe dominante
sur la "bonne santé de l'économie" et le "bon moral
des Français" n'ont cessé d'être ouvertement contredits
par les faits. Des faits criants de vérité : le capitalisme est
bel et bien en crise et les bourgeois sont bien obligés aujourd'hui de
le reconnaître. La seule chose que ce système capitaliste soit
capable de faire, ce n'est pas d'apporter de plus en plus de "prospérité"
à l'espèce humaine -comme on essaie encore de nous le faire croire-,
mais au contraire toujours plus de misère et de chômage, toujours
plus de barbarie guerrière. Et, pour ceux qui se révoltent, la
répression la plus bestiale, comme en Algérie où les récents
événements nous donnent aujourd'hui un avant-goût de ce
qui arrivera ici lorsque le prolétariat se soulèvera face à
l'Etat bourgeois. Voilà le vrai visage du capitalisme.
Et le seul moyen qu'ait ce système de "gérer" sa crise, c'est de taper toujours plus fort sur ceux qu'il exploite : les salariés, les prolétaires, ceux qui travaillent pour un toujours plus maigre salaire et dont c'est pourtant le travail qui fournit l'essentiel de la richesse sociale. Derrière leurs discours hypocrites, l'Etat et son gouvernement sont, dans tous les pays, les principaux orchestrateurs de ces attaques anti-ouvrières. En France, sous couvert de "réduction du temps de travail", le gouvernement de la gauche plurielle a réussi à imposer partout une aggravation des conditions de travail et des pressions toujours plus fortes sur les salaires. C'est encore lui, en parfaite complicité avec le patronat, qui organise les réductions de remboursements de sécurité sociale, l'attaque contre les chômeurs, les menaces de plus en plus précises sur les retraites, etc.
Jusqu'à présent, c'est par petits paquets que la bourgeoisie et
son Etat ont réussi à faire passer leurs attaques contre les conditions
d'existence des prolétaires. Ainsi, la mise en place des accords de RTT
et leur cortège d'aggravation des conditions de vie s'est faite, non
seulement branche par branche mais même boîte par boîte. Dans
une entreprise "publique" comme la Poste, c'est ville par ville et
même bureau par bureau qu'on a mis en oeuvre les "réorganisations"
liées aux 35 heures. Ce qui fait que la riposte, malgré le fait
qu'elle n'a épargné aucun secteur, privé comme public,
s'est trouvée d'entrée éparpillée, saucissonnée
et donc impuissante. Ceci avec l'active complicité des syndicats qui
ont tout fait pour maintenir ces luttes dans l'isolement.
Mais aujourd'hui la nouvelle plongée dans la crise économique
ne permet plus à la classe dominante de déguiser ses attaques
derrière de prétendues "mesures sociales", ni de les
présenter comme quelque chose de spécifique, s'attaquant à
tel ou tel "corporatisme" ou "privilège" (!) particulier,
ni même de les étaler dans le temps. Non. Les annonces à
répétition de "plans sociaux" (hypocrite vocable pour
désigner les charrettes de licenciements) de ces derniers mois, à
Danone, AOM-Air Liberté, Marks & Spencer, Pechiney, Motorola, Valeo,
Moulinex, Bosch, Alsthom, et derniers en date Philips et Alcatel, ne sont plus
des attaques isolées contre telle ou telle catégorie ouvrière.
C'est une offensive directe, frontale, avouée, contre la classe ouvrière
toute entière. Et cela ne se passe pas seulement en France mais en même
temps, dans tous les pays, et notamment dans tous les pays les plus développés
de la planète. Plus encore, aujourd'hui, chaque prolétaire peut
d'ores et déjà se douter, même si aucun "plan social"
n'est encore annoncé dans "sa" boîte, qu'elle risque
d'être la prochaine à faire la Une des journaux avec en face un
chiffre : combien d'usines à fermer, combien de milliers d'emplois à
supprimer.
La bourgeoisie n'est pas en train d'attaquer des "postiers", des "sages-femmes", des "Pechiney", des "cheminots" ou des "Lu", elle s'attaque à la classe ouvrière toute entière. Et cela pose au prolétariat la question d'une riposte ouvrière à la hauteur de la massivité de cette offensive. La nécessité de rompre avec l'isolement, de se battre ensemble sur notre terrain de classe est contrainte, qu'on le veuille ou non, de commencer à faire son chemin dans les têtes. C'est bien pourquoi toute la bourgeoisie de gauche bien pensante, les représentants de l'Etat, et avec eux les syndicats, n'ont eu de cesse d'essayer de contrer ce besoin et, quand il ne peuvent plus le contrer, de tout faire pour le dévoyer vers des impasses.
Ainsi, le premier souci de la classe dominante quand elle cogne sur les ouvriers, c'est d'épargner l'Etat de la colère ouvrière et de toute critique de son rôle de garant de l'ordre bourgeois. C'est pourquoi tout est fait pour nous dire que les plans de licenciements sont le fait de patrons particuliers, de la "cupidité" des actionnaires et du "libéralisme sauvage", tandis que l'Etat, lui, n'y est pour rien. Non seulement il n'y est pour rien, nous dit-on, mais... il est contre ! La preuve, le gouvernement vient de nous pondre une "loi de modernisation sociale" qui est censée empêcher ce fameux "libéralisme sauvage" de frapper trop "sauvagement". Tu parles !
En fait d'intervention de l'Etat sur la réglementation des licenciements, la "loi Guigou" n'est déjà dans sa forme initiale qu'un bla-bla juridique autour de la procédure qui va accompagner et légaliser les licenciements dans les entreprises. Là-dessus, on assiste à un grand barouf du PCF qui lui reproche "de ne pas aller assez loin" dans la protection sociale des salariés licenciés. Le PC menace alors de mettre le gouvernement en minorité en votant contre l'adoption de cette loi au parlement. Ce qui permet au PCF de lancer un appel national à tous les ouvriers menacés par les plans de licenciements pour descendre dans la rue le 9 juin. Et c'est Arlette Laguiller et ses bataillons de LO qu'on a vu défiler une nouvelle fois au coude-à-coude avec Robert Hue. Mieux, outre le PCF et les gauchistes, ce sont presque tous les syndicats mais aussi les Verts, la plupart des mouvements associatifs et citoyens, et jusqu'au Club de la Gauche Socialiste (courant de la gauche du PS) qui ont appelé à se mobiliser "tous ensemble". Pour réclamer quoi ? Une loi plus sociale du gouvernement. Contre quoi ? "Les abus du libéralisme" et les "licenciements boursiers". Ainsi, la Gauche Socialiste pouvait déclarer dans un tract : "Se mobiliser aux côtés des salariés dont l'emploi est menacé sans véritable motif économique, ce n'est pas seulement manifester de la solidarité, c'est protester contre le libéralisme à tout crin, c'est défendre l'intervention de l'Etat en matière de régulation du marché". Nous y voilà !
Ainsi, on nous a présenté le 9 juin comme "un grand moment
de mobilisation unitaire contre les plans sociaux", alors qu'on a poussé
à l'inverse les ouvriers à se rassembler derrière la défense
d'un "vrai gouvernement de gauche" et donc derrière l'Etat
bourgeois. Tout cela pour voir finalement le PCF voter le 13 juin la loi Jospin-Guigou
assortie d'amendements parfaitement bidons. Ces amendements nous ont pourtant
été présentées comme "une victoire de la mobilisation
de la rue", selon la propagande du PCF. Or, ce qui s'est passé,
c'est tout, sauf une riposte de la classe ouvrière sur son terrain de
lutte. C'est en fait une mesure de la bourgeoisie uniquement destinée
à renforcer ses amortisseurs sociaux au moment où l'accélération
de la crise économique la contraint à des plans de licenciements
massifs contre la classe ouvrière.
D'ailleurs, depuis que la loi Jospin-Guigou
est passée, des nouveaux licenciements ont été annoncés
chez Philips ou Alcatel, sans que cela change quoi que ce soit pour les ouvriers
concernés. En fait, la "mobilisation exemplaire" du 9 juin
ne visait pas autre chose qu'à donner une fausse réponse à
un besoin d'unité et de politisation bel et bien présent dans
les rangs de la classe ouvrière. Mais ce besoin d'unité et de
politisation n'a de sens que dans la seule perspective possible d'un point de
vue prolétarien : le renversement du capitalisme. En aucun cas, ce ne
peut être pour réclamer ou attendre des lois de la part du gouvernement
et de l'Etat.
Cela signifie que pour atteindre cette unité et cette politisation
dans le développement de ses luttes, la classe ouvrière doit prendre
conscience que ceux qui prétendent la défendre sont des ennemis
de classe qui l'entraînent systématiquement dans des impasses stériles.
Les ouvriers doivent assimiler peu à peu l'idée qu'ils ne peuvent
compter que sur leurs propres forces, qu'ils ont besoin de prendre en charge
eux-mêmes leurs luttes à travers des assemblées générales
souveraines, des délégués de grève élus et
révocables en permanence, assurant l'extension vitale de la lutte à
d'autres entreprises, à d'autres secteurs, contre toutes les forces d'encadrement
que sont les partis de gauche et les syndicats. Voilà quels sont les
véritables besoins d'unité et de politisation de la lutte ressenties
au sein de la classe ouvrière.
Loin de lui permettre de circonscrire le mouvement de protestation qui secoue le pays depuis deux mois maintenant, la brutalité de la répression policière dont a fait preuve l'Etat algérien, a servi de catalyseur à la révolte[1] [73]. Ce mécontentement a culminé avec la manifestation monstre du jeudi 14 juin. Celle-ci a réuni plus d'un million de manifestants dans les rues d'Alger, venus d'un peu partout, surtout des régions de l'Est de l'Algérie, et pas seulement de Kabylie. Jamais une telle manifestation ne s'était produite en Algérie depuis 1962. De nouveaux affrontements avec les forces de l'ordre ont alors fait plusieurs morts et des centaines de blessés. Les unités de police anti-émeutes ont chargé avec du gaz et des canons à eau mais surtout elles ont tiré avec des grenades explosives et des balles réelles.
Entre avril et mai, il y eût 52 morts et 1300 blessés, certains d'entre eux arrachés des hôpitaux par la police pour parachever la répression. Depuis, la révolte a pris la forme d'un mouvement tellurique secouant toute la société algérienne, alternant émeutes et manifestations massives, surgissant dans la moindre faille du dispositif policier, d'un bout à l'autre du pays, débordant largement le cadre de la revendication berbérophone dans lequel les médias bourgeois, français notamment, aimaient à nous décrire les événements.
C'est la mort d'un lycéen tué par balles dans une caserne de gendarmerie en Kabylie qui avait mis le feu aux poudres le 18 avril. On peut d'ailleurs se demander si la "raison politique" de cette provocation policière ne réside pas une nouvelle fois dans les luttes intestines des fractions de la bourgeoisie algérienne qui ravagent les coulisses de l'Etat depuis des lustres. Quoi qu'il en soit, si cette explosion de colère a trouvé son détonateur dans une répression aussi absurde que barbare, elle se nourrit essentiellement d'une exaspération sociale qui est à son comble. C'est avec cette phrase terrible que les jeunes décrivent leur existence : "nous sommes déjà morts", dans un pays où plus de 70% de la population a moins de 35 ans et le chômage dépasse largement les 30% !
"Du travail !" a été la première des revendications des manifestants : "Parmi les revendications..., l'accès à un emploi figurait en tête de liste. Ils sont de plus en plus nombreux à réclamer ce droit. C'est le motif de leur colère actuelle contre le système". Ce fléau touche près du tiers de la population : "En hausse de 4 % entre 1997 et 2000, selon le BIT (Bureau International du Travail), le taux de chômage est passé de 26,41 à 30,49 %" (El Watan 26 juin).
"A bas la misère!" la seconde grande revendication avec une pénurie qui hante les régions et s'abat sur les familles à tout moment : rationnements d'eau potable, coupures d'électricité, pénuries de denrées alimentaires de base, abandon des services de santé, caractérisent la vie quotidienne en Algérie où des milliers de pauvres sont transformés en mendiants jour après jour. En 1988, il y eût "la révolte de la semoule" à cause d'une brutale augmentation de prix des denrées de base. Cette révolte, réprimée par l'armée, fit plus de 500 morts. Depuis, la population algérienne non-exploiteuse n'a jamais pu connaître un semblant d'espoir de voir son sort s'améliorer. Le PNB par habitant est passé en dix ans de 3700 à 1600 dollars. Les couches non-exploiteuses d'Algérie sont en train de vivre un processus accéléré de paupérisation.
"A bas la Hogra !", aura été le troisième grand cri des manifestants qui, après deux années d'exercice du "providentiel" Bouteflika, ont vu la corruption se répandre avec toujours plus de mépris pour les besoins les plus élémentaires de la population.
"A bas la répression !" aura été enfin, le dernier grand cri du ras le bol de la société algérienne qui n'en peut plus d'étouffer sous la botte de l'appareil militaire et policier, véritable squelette de l'Etat capitaliste et embrassant dans une mortelle étreinte la moindre respiration de la vie sociale.
Malgré ces légitimes revendications un sentiment de détresse déchire tous les coeurs. Car, malheureusement, après deux mois d'explosion, nous ne voyons pas pointer dans ce mouvement ne serait- ce que l'embryon d'une affirmation prolétarienne indépendante, en termes de conscience et d'organisation, seule force qui pourrait donner à la colère de la rue un sens et une perspective.
Le régime algérien s'assimile à bien des égards aux Etats néo-staliniens qui fleurirent aux quatre coins de la planète dans la deuxième moitié du 20e siècle et dont la maison mère, l'URSS, se vautra à la fin des années 80 dans un océan de décomposition, d'anarchie politique, de corruption, de misère sociale, sans que le prolétariat n'ait pu trouver la force d'intervenir sur son terrain de manière indépendante.
Aujourd'hui, douze ans après, la situation n'a fait qu'empirer. Des années d'une guerre non déclarée entre le pouvoir militaire et les islamistes, faisant plus de 100.000 morts et des milliers de disparus, a terrorisé une population prise en otage entre deux blocs armés, utilisant une sauvagerie inouïe et bien programmée.
L'armée, véritable ossature du pouvoir, après avoir fait taire momentanément ses divisions[2] [74], laisse Bouteflika assumer la responsabilité de la répression et de l'anarchie. Celui-ci, énième pantin de l'Etat capitaliste algérien, après quinze jours d'un pesant silence, n'a eu d'autre position que celle d'un zélé serviteur de la bourgeoisie qu'il est : Appels au calme, à l'unité nationale, etc.
C'est aussi le cas de tous les politiciens embusqués derrière le bois, attendant le moment propice pour récupérer le mécontentement en faveur d'un "projet démocratique" susceptible d'alimenter le crédit politique de l'Etat, même si ce ne sera que pour quelques mois de plus.
On ne voit guère plus les islamistes, d'ailleurs bien intégrés dans les arcanes du pouvoir officiel. C'est bien une preuve de plus que cette manifestation particulièrement rétrograde du niveau de décomposition atteint par la société bourgeoise, n’était qu'une fausse réponse, fabriquée de toutes pièces[3] [75], à la terrible dégradation des conditions de vie de la classe ouvrière et des couches non-exploiteuses ces 12 dernières années.
En avril, on a beaucoup insisté sur les revendications régionalistes berbères : ce serait un mouvement pour la langue et la culture. Cela a obligé même un parti politique, le Rassemblement Culturel Berbère, à quitter le gouvernement Bouteflika pour avoir les mains libres pour " dénoncer la répression ". Quant à l'autre parti bourgeois "démocrate", le Front de Forces Socialistes, il soutient le mouvement pour mieux tenter de le récupérer pour le compte d'un programme de "sauvetage de l'Algérie" qui n'est jamais qu'un programme de défense de l'Etat bourgeois et du capital algérien. Comme les autres forces bourgeoises en présence, il ne fait que disputer au régime militaire le contrôle de l'économie et notamment des rentrées de devises de la rente du gaz et du pétrole algériens.
L'image des politiciens bourgeois d'opposition, qu'ils soient démocrates, ou qu'ils soient islamistes, est presque aussi dégradée que ceux qui occupent le pouvoir, civil ou militaire, qui sont littéralement vomis. Ainsi, il est très peu probable que les "forces d'opposition démocratique", malgré le soutien diplomatique et idéologique que leur apporte l'Etat français, représentent vraiment une alternative à la crise et au régime militaire du FLN, compte tenu de l'arriération des structures algériennes dans un contexte de crise économique mondiale. La seule chose dont la bourgeoisie algérienne sera capable, c'est encore l'utilisation de ces révoltes pour renforcer son pouvoir répressif. A l'heure actuelle, le pouvoir algérien fait tout et va tout faire pour circonscrire cette révolte dans un cadre régional kabyle ou démocratique national, en multipliant les provocations, en accentuant les divisions entre "arabes" et "kabyles" et autres faux choix. A tel point que la seule institution qui parvient à encadrer un tant soit peu la colère de la population en Kabylie sont les "comités des villages", organismes qui sont des vestiges d'un monde révolu et qu'on remet en service -en coordination avec diverses "associations" d'intellectuels du monde éducatif-, pour essayer d'enfermer cette colère dans l'étau de l'identité culturelle berbère d'un côté et de la revendication démocratique de l'autre. Voilà comment la classe dominante algérienne essaye de compenser l'incapacité chronique de son Etat de se doter des oripeaux d'une démocratie bourgeoise à l'occidentale.
Ces comités prônent de fait la paix sociale : "Les membres de la coordination des archs et des comités de daïras et de communes souhaitent, par ailleurs, l'arrêt des émeutes. Le mouvement de contestation doit se poursuivre, de leur avis, dans un pacifisme total afin d'éviter que l'état d'exception ne soit décrété, et par conséquent gêner leurs actions futures." (El Watan 2 juin).
A tout cela s'ajoute la pression des grandes puissances, en premier lieu de la France, mais aussi des Etats-Unis, pour qui l'Algérie est un pays de la plus grande importance stratégique dans l'échiquier impérialiste. Elles aussi participent activement à la prise en otage de la population, dans leur rivalité pour le contrôle de la rive Sud de la Méditerranée, par fractions bourgeoises locales interposées.
Que fait la classe ouvrière dans les événements récents ? Il y a douze ans encore, on a pu voir, du moins au début de la révolte, une classe ouvrière qui exprimait de timides tentatives, à travers ses grèves, d'affirmer son existence. Aujourd'hui, le moins qu'on puisse dire c'est que la mobilisation ouvrière n'apparaît pas de façon claire dans les événements. Même si les émeutes impliquent un grand nombre de jeunes ouvriers et chômeurs, ceux-ci sont mêlés dans une masse plus informe qui inclut aussi bien les petits commerçants et paysans locaux. Et surtout, même si des grèves sont déclenchées de ci de là, elles sont noyées dans le mouvement populaire et restent dans l'ensemble soumises aux mots d'ordres des diverses coordinations de "citoyens" ou des syndicats.
Ceci ne veut pas dire que la bourgeoisie algérienne, au premier chef l'armée, ignore le danger potentiel que représenterait une réelle mobilisation de la classe ouvrière des centres industriels sur son terrain de classe, c'est-à-dire de l'extension de grèves sur la base de revendications élaborées de manière indépendante par des assemblées ouvrières. On a pu voir en mars dernier, un mois avant l'explosion de la révolte, à l'occasion de grèves dans le secteur du gaz et pétrole, que cette préoccupation était tout à fait réelle, puisque syndicats et gouvernement ont été d'une très grande prudence : "La direction de la centrale syndicale, qui, jusque-là, a pratiqué une politique de modération sociale, s'est abstenu de désavouer le mouvement de contestation sociale." (L’Humanité, 14/04/2001).
Mais il faut être lucide, c'est actuellement la révolte de la jeunesse qui tient le haut du pavé. En cela, et bien qu'il exprime des revendications qui concernent le prolétariat (contre la répression, contre le chômage, etc.), ce mouvement -tant que n'émergera pas une réelle mobilisation ouvrière indépendante- ne peut que s'épuiser et finir par servir de masse de manoeuvre aux affrontements entre cliques bourgeoises. Il en est de l'Algérie comme de beaucoup d'émeutes de la misère qui, de plus en plus nombreuses, dans un contexte de crise et de décomposition, explosent de par le monde. La seule force qui puisse leur présenter une perspective, un espoir et empêcher leur récupération sur un terrain bourgeois, c'est la classe ouvrière, dans son combat sur son propre terrain contre l'exploitation capitaliste. C'est pourquoi, pour les prolétaires algériens, il ne s'agit pas de soutenir les émeutiers en venant simplement grossir leurs rangs. Il s'agit d'abord d'affirmer leurs propres revendications, d'affirmer leur autonomie de classe en s'organisant de manière distincte, en dehors de toutes les sirènes syndicales classiques (qui sont les piliers sociaux du régime de capitalisme d'Etat du FLN) comme de toutes les sirènes démocratiques, identitaires ou islamistes. Toutes ces sirènes-là, au delà de leurs luttes intestines, en appellent toutes au même objectif, parfaitement bourgeois : celui de "sauver l'Algérie", c'est-à-dire de défendre l'intérêt du capital algérien. Cet intérêt du capital national qui est, comme partout ailleurs, antagonique à celui du prolétariat. Rompre avec tout objectif national, se battre comme une partie de la classe ouvrière internationale, relier consciemment son combat à tous les combats prolétariens contre l'exploitation capitaliste et son cortège de licenciements, de chômage et d'austérité de part le monde, voilà la tâche de la classe ouvrière en Algérie, comme elle est celle de la classe ouvrière en France, au Japon ou aux Etats-Unis.
Certes dans l'immédiat, cette partie du prolétariat international en Algérie est bien faible. Dans les centres industriels, elle est encore largement prisonnière du carcan syndical qui l'enferme notamment dans l'illusoire "privilège" que serait le fait d'avoir un emploi et un salaire. Cela dit, comme partout ailleurs, elle a potentiellement les moyens de se mobiliser pour ses intérêts immédiats et l'aggravation de la crise économique ne peut que venir alimenter ces potentialités de lutte. Cependant, c'est, bien au delà, la question de la capacité du prolétariat d'affirmer à terme son projet politique propre qui est posée et que viennent nous rappeler les tragiques événements d'Algérie. Alors, à ce niveau, il faut être clair : cette question n'a pas sa réponse en Algérie même, mais d'abord dans le développement du combat ouvrier dans les pays centraux.
Ainsi, dans les pays développés, et notamment en France, la classe ouvrière n'a qu'une manière d'affirmer sa solidarité avec ses frères de classes de l'autre côté de la Méditerranée et de s'opposer à la sauvagerie de la répression qui s'abat sur les manifestants en Algérie. C'est d'abord de ne pas mêler sa voix à celle des bourgeois hypocrites qui réclament du gouvernement français "qu'il aide l'Algérie à se doter d'un régime vraiment démocratique", c'est de refuser tout autant d'aller défiler derrière des drapeaux algériens ou kabyles comme le 17 juin dernier à Paris. C'est ensuite, tout naturellement, de développer ses luttes ici, contre les licenciements, le chômage, les bas salaires, luttes qui seront un puissant révélateur de la réalité internationale du prolétariat. Notamment ce sont ces luttes qui pourront dissiper les illusions sur l'Etat bourgeois démocratique qui pèsent si lourdement à la périphérie[4] [76]. Enfin, sur le plan politique, un travail est à l'ordre du jour : celui de regrouper internationalement la petite minorité d'éléments prolétariens conscients qui peut émerger à l'occasion de la crise sociale en Algérie (comme dans d'autres régions du monde), notamment en s'appuyant sur les liens organiques et historiques forts qui existent entre ces deux parties du prolétariat international de part et d'autre de la Méditerranée. Ceci, d'ores et déjà, constitue la tâche des révolutionnaires. Sans elle, la classe ouvrière mondiale ne pourra pas accomplir sa tâche historique de destruction de l'Etat bourgeois et de renversement des rapports de production capitaliste à l'échelle internationale.
PBP (1er juillet)
[2] [79] Sur le consensus entre les onze généraux qui chapeautent l'Etat algérien, voir l'interview de Hichem Aboud, ancien chef de cabinet du patron de la sécurité militaire algérienne dans Le Nouvel Observateur du 14 juin 2001.
[3] [80] Soit par l'Etat dans la période Chadli pour le FIS, soit par des impérialistes concurrents dans le cas des GIA (Arabie Saoudite et Etat-Unis par exemple).
[4] [81] Cet Etat bourgeois des pays développés dispose d'un arsenal impressionnant d'amortisseurs sociaux qui suffisent pour le moment à maintenir une relative paix sociale. Mais le même Etat n'aura demain pas plus d'états d'âme que la clique de Bouteflika pour réprimer la classe ouvrière des pays centraux quand, ayant brisé ces digues, elle se dressera contre l'ordre capitaliste.
Comme pour toute organisation dans le mouvement ouvrier, le congrès constitue l'instance suprême du CCI. C'est l'occasion par excellence pour tirer un bilan du travail effectué depuis le précédent congrès et tracer les perspectives de celui à entreprendre pour la période qui vient.
Ce bilan et ces perspectives ne sont pas établis en "vase clos". Ils dépendent étroitement des conditions dans lesquelles l'organisation est amenée à faire face à ses responsabilités, et en premier lieu, évidemment, du contexte historique général.
Il appartient donc au Congrès de faire une analyse du monde actuel, des principaux enjeux des événements qui affectent la vie de la société sur le plan de la situation économique (dont les marxistes savent qu'elle détermine en dernière instance tous les autres aspects), de la vie politique de la classe dominante, et donc des conflits qui opposent les différents secteurs de celle-ci, et enfin sur le plan de la vie de la classe qui seule est en mesure de renverser l'ordre existant, le prolétariat.
Dans l'examen de la situation de ce dernier, il appartient aux communistes de se pencher sur l'état et les perspectives des luttes de classe à l'heure actuelle, du degré de conscience dans les masses ouvrières des enjeux de ces luttes, mais il leur appartient de se pencher également sur l'état et l'activité des forces communistes existantes qui sont une partie du prolétariat.
Enfin, et dans ce dernier contexte, le Congrès se doit d'examiner l'activité de notre propre organisation et de mettre en avant des perspectives lui permettant de faire face à ses responsabilités au sein de la classe.
Ce sont ces différents points qui seront abordés dans cet article de présentation de notre 14e congrès international.
Nous avons commencé dans le dernier numéro de notre journal la publication de la résolution sur la situation internationale qui a été adoptée par le congrès et qui synthétisait les différents rapports qui lui ont été présentés ainsi que la discussion menée sur ces rapports. En ce sens, il est inutile de revenir sur chacun des aspects de la discussion qui s'est menée sur la situation internationale. Nous nous contenterons de rappeler le début de cette résolution qui établit le cadre des enjeux du monde actuel :
"L'alternative à laquelle l'humanité est confrontée en ce début du 21ème siècle est la même qu'au début du 20ème : la chute dans la barbarie ou le renouveau de la société par la révolution communiste. Les marxistes révolutionnaires, qui, durant la période tumultueuse de 1914-1923, insistèrent sur ce dilemme incontournable, auraient pu à peine imaginer que leurs héritiers politiques soient encore obligés d'y insister au début du nouveau millénaire.
En fait, même la génération des révolutionnaires "post 68" qui a surgi de la reprise des luttes prolétariennes après la longue période de contre-révolution commencée durant les années 20, ne s'attendait pas vraiment à ce que le capitalisme en déclin fût si habile à survivre à ses propres contradictions, comme il l'a prouvé depuis les années 60.
Pour la bourgeoisie, tout ceci est une preuve de plus que le capitalisme est l'ultime et maintenant la seule forme de société humaine et que le projet communiste n'a jamais été rien de plus qu'un rêve utopique. La chute du bloc " communiste " en 1989-91 a apporté une apparence de vérification historique à cette notion, pierre angulaire nécessaire de toute l'idéologie bourgeoise. (...) (Point 1)
Les générations futures regarderont sûrement avec le plus grand mépris les fausses justifications avancées par la bourgeoisie au cours de cette décennie; elles verront certainement cette période comme une période de cécité, stupidité, horreur et souffrance sans précédent. (...)
Aujourd'hui, ce à quoi l'humanité doit faire face n'est pas simplement la perspective de la barbarie : la descente a déjà commencé et elle porte en elle le danger de saper toute tentative de future régénération sociale. Mais la révolution communiste, logiquement le point culminant de la lutte de la classe ouvrière contre l'exploitation capitaliste, n'est pas une utopie, contrairement aux campagnes de propagande de la classe dominante. Cette révolution demeure une nécessité requise par l'agonie mortelle du mode de production actuel, et en même temps représente une possibilité concrète, étant donné que la classe ouvrière n'a ni disparu ni été vaincue de façon décisive." (Point 2)
En fait, une grande partie de chacun des documents présentés, discutés et adoptés pendant le Congrès[1] [82] est consacrée à une réfutation des mensonges que la bourgeoisie déverse aujourd'hui autant pour se rassurer elle-même que pour justifier aux yeux des masses exploitées la survie de son système. Il en est ainsi parce que les analyses et les discussions des révolutionnaires sur la situation à laquelle ils sont confrontés n'ont pas pour autre objectif que d'aiguiser le mieux possible les armes du combat de la classe ouvrière contre le capitalisme. Le mouvement ouvrier a appris depuis longtemps que la plus grande force du prolétariat est, outre son organisation, sa conscience, une conscience qui s'appuie nécessairement sur une profonde connaissance du monde qu'il s'agit de transformer et de l'ennemi qu'il faut abattre. C'est pour cela que le caractère combattant des documents soumis au congrès et de ses discussions ne signifie nullement que notre organisation soit tombée dans la tentation de se contenter de l'affirmation de simples slogans dénonçant les mensonges bourgeois, au contraire. La profondeur avec laquelle les révolutionnaires abordent les questions est partie intégrante du combat qu'ils mènent. C'est une constante dans le mouvement ouvrier depuis plus d'un siècle et demi mais qui revêt à l'heure actuelle une importance encore plus fondamentale. Dans une société entrée en décadence depuis la première guerre mondiale et qui aujourd'hui est en train de pourrir sur pied, la classe dominante est incapable d'engendrer la moindre pensée sociale cohérente ou rationnelle, encore moins dotée d'une quelconque profondeur. Tout ce qu'elle sait faire c'est de produire une multitude de gadgets idéologiques plus superficiels les uns que les autres, qu'elle présente évidemment comme des "vérités profondes" (la "victoire définitive du capitalisme sur le communisme", la Démocratie comme "valeur suprême", la "mondialisation, etc.) et qui n'ont même pas l'avantage de l'originalité puisque leur prétendue "nouveauté" se résume à des habillages différents de vieilles platitudes éculées. Mais aussi nulle que soit la "pensée" bourgeoise d'aujourd'hui, elle parvient encore, à grands renforts de médias, à bourrer le crâne des prolétaires, à coloniser leur esprit. En ce sens, l'effort des communistes pour aller à la racine des choses n'est pas seulement un moyen pour comprendre du mieux possible le monde actuel, il constitue un contrepoison indispensable face à la tendance à la destruction de la pensée qui est une des manifestations de la décomposition dans laquelle s'enfonce la société d'aujourd'hui. C'est pour cela qu'une des caractéristique majeures des rapports préparés pour le congrès, et qui correspondait à une décision de l'organisation, était qu'ils ne se contentaient d'analyser les trois aspects essentiels de la situation mondiale -la crise économique, les conflits impérialistes, le rapport de forces entre prolétariat et bourgeoisie, et donc la perspective de la lutte prolétarienne- mais qu'ils se penchaient sur la façon dont le mouvement ouvrier avait posé ces questions par le passé.
Une telle démarche était d'autant plus importante, à l'heure où commence un nouveau siècle, que toute une série de caractéristiques de la situation mondiale ont été bouleversée au cours de la dernière décennie du siècle passé.
A la fin de 1989, le bloc de l'Est s'est effondré comme un château de cartes provoquant non seulement une remise en cause complète des alignements impérialistes qui étaient sortis de Yalta en 1945 mais aussi un profond recul de la classe ouvrière confrontée aux formidables campagnes sur "la faillite du communisme". De tels bouleversements exigeaient évidemment de la part des révolutionnaires une actualisation de leurs analyses, et c'est ce que notre organisation a fait au fur et à mesure que se produisaient ces événements. Cependant, nous avons jugé utile de revenir encore sur les implications des formidables événements qui se sont déroulés à la fin de 1989, et particulièrement sur deux aspects :
La plus grande clarté sur ces questions était d'autant plus indispensable qu'il existe aujourd'hui sur elles pas mal de confusion parmi les organisations de la Gauche communiste. C'est aussi à ce type de confusions, qui sont en fait des concessions aux thèmes idéologiques de la bourgeoisie, que répondaient les rapports et la résolution adoptés par le congrès. En particulier, ces différents documents :
En fait, cette préoccupation d'examiner en détail, et éventuellement de critiquer, les analyses de la situation historique présente existant au sein du milieu politique prolétarien fait partie de l'effort permanent de notre organisation pour définir et préciser les responsabilités des groupes révolutionnaires à l'heure actuelle, des responsabilités qui vont évidemment au delà de l'analyse de la situation.
Les rapports, résolution et discussions du congrès ont mis en évidence qu'il existe aujourd'hui, après une décennie de grandes difficultés dans le développement de la conscience dans la classe ouvrière, une certaine maturation souterraine de celle-ci.
"La maturation souterraine de la conscience de classe dans le contexte d'un maintien du cours historique aux affrontements de classe, exprimant un processus de réflexion qui - tout en étant toujours minoritaire - touche de plus grands secteurs de la classe et va plus profond que dans la phase qui a suivi 1989. Les expressions visibles de cette maturation comprennent :
Une telle situation confère aux groupes qui se réclament de la Gauche communiste des responsabilités nouvelles. Le congrès a donc consacré une part importante de ses travaux à examiner l'évolution de ces groupes. Il a mis en évidence une difficulté de ces groupes à faire face à ces responsabilités. D'une part, avec l'interruption de la publication de "Daad en Gedachte" aux Pays-Bas, il n'existe plus de manifestation organisée de la branche germano-hollandaise de la Gauche communiste (le courant "conseilliste"). D'autre part, les courants qui se réclament de la Gauche italienne (les différents groupes de la tradition "bordiguiste" qui s'intitulent tous "Parti communiste international", de même que le Bureau international pour le Parti révolutionnaire) restent grandement enfermés ou se replient de façon croissante dans le sectarisme, comme nous l'avions déjà mis en évidence il y a deux ans suite à leur refus d'une prise de position commune face à la guerre du Kosovo (voir Révolution internationale n°291).
Pourtant, avec l'apparition actuelle de nouveaux éléments qui se tournent vers la Gauche communiste, il est important que celle-ci retrouve pleinement sa tradition dans laquelle elle associait étroitement la plus grande rigueur au niveau des positions politiques à une attitude d'ouverture de chacun de ses groupes à la discussion avec les autres groupes. C'est la condition pour que ces organisations soient réellement partie prenante du processus qui s'annonce d'un nouveau développement de la conscience dans le prolétariat.
C'est pour cela que notre résolution sur la situation internationale inclut les responsabilités spécifiques de notre propre organisation dans celles de l'ensemble du courant révolutionnaire aujourd'hui :
"Les responsabilités auxquelles fait face la classe ouvrière sont immenses : rien moins que le sort de l'humanité entre ses mains. Ceci en conséquence confère d'immenses responsabilité à la minorité révolutionnaire, dont la tâche essentielle dans la période à venir sera :
"Le cours historique vers l'affrontement de classe fournit le contexte pour la formation du parti communiste mondial. Le milieu prolétarien constitue la matrice du futur parti, mais il n'y a aucune garantie qu'effectivement il l'engendrera. Sans une préparation rigoureuse et responsable par les révolutionnaires d'aujourd'hui, le parti sera mort-né, et les conflits massifs de classe vers lesquels nous nous dirigeons ne franchiront pas ce pas essentiel : de la révolte à la révolution." (Point 15)
Le congrès a estimé que, pour sa part, notre organisation pouvait tirer un bilan positif dans l'accomplissement de ces responsabilités au cours de la période passée. Cependant, il a conclu que le CCI, conscient qu'il est soumis, à l'image de l'ensemble de la classe, à la pression délétère de la décomposition croissante de la société, devait maintenir toute sa vigilance face aux différentes manifestations de cette pression, tant au plan de ses efforts dans le domaine de l'élaboration de ses analyses et positions politiques que de sa vie organisationnelle. Plus qu'à toutes les autres périodes du passé, le combat pour la construction de l'organisation communiste, instrument indispensable de la lutte révolutionnaire du prolétariat, est un combat permanent et de tous les jours.
La crise économique
frappe avec une violence redoublée à la porte des grands pays
capitalistes. Personne ne l'a conviée et pourtant elle s'invite partout.
Hier encore, tous les "experts" de la bourgeoisie levaient leur verre
à la bonne santé du plus dynamique des modes de production. La
dernière convive, la "nouvelle économie", était
célébrée sur tous les tons. Le régime idéal
avait été trouvé : une croissance constante sans inflation.
Mais tous ces beaux discours ont dû s'éclipser discrètement
pour laisser la place à celle qui, loin des salons d'apparat, des réceptions
"d'écoptimistes" et des mensonges électoraux, n'avait
jamais cessé son travail de sape. Nous avons toujours affirmé
que, derrière les falsifications des chiffres du chômage, se cachait
la liquidation de pans entiers de l'économie mondiale, que, derrière
la "croissance", se dissimulait, outre l'enfoncement dans une misère
indicible des trois quarts de la planète, un endettement astronomique
porteur de banqueroutes de pays entiers, comme aujourd'hui en Argentine. C'est
l'économie mondiale toute entière qui souffre d'un mal incurable
dont les causes sont dans le mode de production capitaliste lui-même.
Mais un autre mensonge, une autre falsification est aujourd'hui répandue,
destinée à faire croire aux prolétaires qu'il existe des
solutions à cette crise économique et sociale dans le cadre du
capitalisme. Ce sont les discours réformistes des tenants de "l'antimondialisation"
qui prétendent que le mal vient d'un "libéralisme trop sauvage"
et qu'il suffirait de plus de régulation par les Etats-nations pour en
sortir. Toutes ces bonnes âmes "citoyennes" -et leur sillage
de manifestants "globe-trotter" plus ou moins excités- ne font
qu'amuser la galerie pour mieux masquer la seule alternative à la faillite
du capitalisme : celle du renversement de ce système par le prolétariat
international. Seule la classe ouvrière, créatrice de l'essentiel
de la richesse sociale, peut remettre en cause la logique de l'exploitation
capitaliste qu'elle est la première à vivre dans sa chair et en
finir avec ce mode de production, c'est à dire avec le règne de
la marchandise et du salariat, véritable cause des crises, de la misère
et des guerres qui ravagent la planète. Seul le développement
des luttes ouvrières, sur leur terrain de classe, peuvent préparer
la voie à la destruction révolutionnaire de l'Etat bourgeois et
des rapports marchands capitalistes, que ce soit sous leur forme "libérale"
ou "étatisée". Aujourd'hui que c'est par charrettes
de 10.000 ou 20.000 ouvriers que les grands groupes annoncent leurs licenciements,
la question de la riposte de la classe ouvrière revient se poser plus
ouvertement, même si chaque prolétaire n'en a pas encore clairement
conscience. Les révolutionnaires ne peuvent que saluer la crise, car
avec elle, c'est la perspective d'affrontements décisifs entre les classes
qui vient se réaffirmer avec force.
Les conflits meurtriers
continuent à ravager la planète. Les belles promesses sur un "monde
de paix" faites en 1990, à la suite de l'effondrement du bloc de
l'Est, sont bien loin de correspondre à la réalité. Au
contraire, l'humanité s'enfonce dans une barbarie guerrière permanente.
L'actualité nous le démontre jour après jour :
Sans compter les victimes de la guerre larvée qui se poursuit en Tchétchénie ou les massacres qui se perpétuent à travers les luttes entre factions rivales au sein de l'Etat en Algérie...
Dans tous les coins du monde, des hommes, des femmes, des enfants meurent tous
les jours parce que leur bourgeoisie veut conquérir ou défendre
un bout de terre ou de pouvoir, au nom des intérêts de la patrie,
de la religion, de l'indépendance nationale. Des centaines de milliers
de prolétaires sous l'uniforme ou en civil sont sacrifiés pour
des intérêts qui ne sont pas les leurs. Comment arrêter ces
tueries absurdes, comment y mettre fin ?
Ainsi, le Moyen-Orient renvoie à nouveau depuis un an l'image même
de la fuite en avant dans cette folie meurtrière. Et, depuis un an, jour
après jour, la liste des morts et des blessés s'allonge en Israël
comme dans les territoires occupés.
On assiste d'un côté
à la réactivation du terrorisme de l'Etat israélien avec
une série d'attentats ciblés contre les leaders palestiniens du
Fatah, du FPLP ou du Hamas, de l'autre à la multiplication des attentats-suicides
faisant un maximum de victimes (comme à l'entrée d'une discothèque
le 1er juin puis dans une pizzeria en plein centre de Tel Aviv le 9 août).
Tout cela à côté de la poursuite de raids et de bombardements
à coups de missiles sur les cités palestiniennes, dans un climat
d'affrontements et de provocations endémiques sur l'esplanade des mosquées
à Jérusalem qui pousse les populations dans chaque camp vers un
déferlement de haine raciale. Non seulement le gouvernement Sharon pousse
à la colonisation des territoires occupés, mais il encourage les
colons à détruire au passage de façon provocatrice les
habitations des Palestiniens.
Dans cette partie du monde qui a déjà connu cinq guerres ouvertes
depuis la fin de la seconde boucherie mondiale (sans compter les opérations
militaires en temps de "paix"), ce sixième conflit est une
véritable escalade dans la terreur permanente pour les populations, et
se traduit par des massacres aveugles, l'entraînement de jeunes adolescents
dans la pire des hystéries nationalistes et le pire fanatisme religieux.
Aujourd'hui, face à la guerre du Moyen-Orient, de chaque côté, les cliques dirigeantes appellent les ouvriers à "défendre la patrie", qu'elle soit juive ou palestinienne. Des deux côtés, le sang des prolétaires continue à couler. Pour les intérêts exclusifs de leurs exploiteurs.
Mais, des deux côtés coulent également de façon répugnante
les flots de propagande nationaliste, une propagande abrutissante destinée
à transformer des êtres humains en bêtes féroces.
Les bourgeoisies israélienne et arabes n'ont cessé de l'attiser
depuis plus d'un demi-siècle. Aux ouvriers israéliens et arabes,
on n'a cessé de répéter qu'ils devraient défendre
la terre de leurs ancêtres. Chez les premiers, on a développé,
à travers une militarisation systématique de la société,
une psychose d'encerclement afin d'en faire de "bons soldats". Chez
les seconds, on a ancré le désir d'en découdre avec Israël
afin de retrouver un foyer, une nation. Et pour ce faire, les dirigeants des
pays arabes dans lesquels ils étaient réfugiés les ont
maintenus pendant des dizaines d'années dans des camps de concentration,
avec des conditions de vie insupportables, au lieu de les laisser s'intégrer
dans la société de ces pays.
Le nationalisme est une des pires idéologies que la bourgeoisie ait inventées.
C'est l'idéologie qui lui permet de masquer l'antagonisme entre exploiteurs
et exploités, de les rassembler tous derrière un même drapeau
pour lequel les exploités vont se faire tuer au service des exploiteurs,
pour la défense des intérêts de classe et des privilèges
de ces derniers.
Pour couronner le tout, il s'y ajoute le poison de la propagande religieuse, cet "opium du peuple" comme ont toujours dit les révolutionnaires, qui permet de susciter les fanatismes les plus déments, ceux des actuels "kamikaze" palestiniens porteurs de bombes sur le sol israélien.
Malgré toutes les "poignées de mains historiques", les
conférences de "paix" sous patronage américain, les
promesses de renouer les négociations, le ballet incessant des voyages
diplomatiques, la situation n'a fait qu'empirer. Le ministre israélien
de la Défense déclarait le 7 août : "il n'y a pas de
solution militaire au conflit". D'autres responsables politiques israéliens
avouent en privé que cette guerre est une impasse parce qu'il n'y a aucun
moyen qu'elle débouche sur une victoire militaire d'Israël. En fait,
s'il n'y pas de solution sur le terrain militaire pas plus que sur le terrain
diplomatique bourgeois, c'est que toutes les guerres sont des impasses ; des
impasses qui sont inscrites dans la nature même du capitalisme. Les grandes
puissances continuent à faire croire qu'elles veulent la paix. En fait,
elles utilisent ou attisent les affrontements pour la défense de leurs
sordides intérêts impérialistes concurrents. Suivant le
pays et la couleur des gouvernements, on nous engage à prendre fait et
cause pour l'un ou l'autre camp en présence, en particulier en France
où la forte implantation des deux communautés avive les passions.
En même temps, en
particulier en Israël, s'est développé ces derniers mois
un ras-le-bol, une lassitude, voire un écoeurement face à la guerre
qui traduisent un réel rejet de la politique militariste du gouvernement
"d'union nationale". Ce rejet s'appuie avant tout sur la dégradation
croissante, accélérée par la guerre, des conditions de
vie des populations et des prolétaires en particulier. L'aggravation
de la crise économique dans ce pays est spectaculaire : le taux de chômage,
qui touche officiellement plus de 10% de la population, a bondi de près
de 4% en un mois, il est le plus élevé depuis la création
de l'Etat hébreu. Un tiers des entreprises de haute technologie a disparu
en moins d'un an. Le taux de croissance, qui était de 6,2 % en 2000,
a chuté à moins de 1%. Et surtout, au sein d'une société
déjà entièrement militarisée, les budgets de l'armée
et de la police viennent encore d'être revus à la hausse, au détriment,
évidemment, des budgets sociaux. Une fraction de la bourgeoisie israélienne
s'est récemment appuyée sur le mécontentement provoqué
par la politique militariste du gouvernement pour dévoyer ce sentiment
d'exaspération et animer une reprise des mouvements et des manifestations
pacifistes, notamment une marche aux flambeaux, le 5 août dernier, rassemblant
de 5 à 10.000 personnes au centre de Tel Aviv. Le terrain du pacifisme
n'a jamais été une réponse à la guerre car il est
totalement illusoire. Il consiste à mobiliser les populations pour "faire
pression sur les dirigeants", afin de leur demander et les convaincre de
"faire la paix". Ce qui ne sera jamais possible car, si ces dirigeants
se font la guerre, c'est précisément parce qu'ils expriment des
réels intérêts impérialistes concurrents et antagoniques.
Déjà aujourd'hui, chaque nouvel attentat contre les populations
civiles en Israël vient démontrer l'inanité du mouvement
pacifiste, le pulvérise, le replonge dans son inconsistance et transforme
ses anciens partisans en nouveaux apôtres de la croisade belliciste contre
"la férocité de l'ennemi". Dans l'histoire, tout ceux
qui ont emboîté le pas à la démarche du pacifisme
se retrouvent toujours au bout du compte dans un camp contre l'autre, au nom
de la défense de "l'agressé" contre "l'agresseur",
de la défense du "plus faible" contre le "plus fort",
de la défense du "bon qui veut la paix" contre le "mauvais
qui veut la guerre" comme ce fut le cas dans les deux conflits mondiaux.
Et finalement, les pacifistes se sont retrouvés aux côtés
des pires chauvins sous le drapeau de la "défense de l'intérêt
national". C'est pourquoi le pacifisme a toujours été le
meilleur auxiliaire idéologique et le sergent recruteur le plus efficace
de la politique belliciste de la bourgeoisie.
Mais là dedans où se trouvent les intérêts de la
classe ouvrière, celle d'Israël, juive ou arabe, celle de Palestine,
celle des autres pays du monde ? Nulle part.
Ce n'est pas ainsi qu'on peut arrêter la guerre. La seule façon
de se battre contre la guerre, c'est de se battre contre le système qui
l'engendre, contre le capitalisme.
Les prolétaires n'ont pas de patrie. Ils n'ont pas à se mobiliser sur le terrain du nationalisme, de la religion ou du pacifisme, mais leur combat contre la guerre et l'exploitation passe par la lutte de classe, là-bas comme ici. Les ouvriers juifs qui, en Israël, sont exploités par des capitalistes juifs doivent se mobiliser et se battre contre eux. Les ouvriers palestiniens qui sont exploités par des capitalistes juifs ou par des capitalistes arabes doivent se battre contre leurs exploiteurs.
Les ouvriers des "grandes démocraties", dont les dirigeants
ont toujours les mots de "paix" et de "droits de l'homme"
à la bouche, doivent refuser de prendre partie pour un camp bourgeois
ou pour l'autre. En particulier, ils doivent refuser de se laisser berner par
les discours des partis qui se réclament de la classe ouvrière,
les partis de gauche et d'extrême-gauche qui leur demandent d'aller manifester
"leur solidarité avec les masses palestiniennes" en quête
de leur "droit à une patrie". La patrie palestinienne ne sera
jamais qu'un Etat bourgeois au service de la classe exploiteuse et opprimant
ces mêmes masses, comme c'est déjà le cas aujourd'hui à
travers les Arafat et consorts, avec des flics et des prisons. La solidarité
des ouvriers des pays capitalistes les plus avancés ne va pas aux "Palestiniens"
comme elle ne va pas aux "Israéliens", parmi lesquels se mélangent
exploiteurs et exploités. Elle va aux ouvriers et chômeurs d'Israël
et de Palestine, qui d'ailleurs mènent déjà la lutte contre
leurs exploiteurs malgré tout le bourrage de crâne dont ils sont
victimes, comme elle va aux ouvriers de tous les autres pays du monde. Et la
meilleure solidarité qu'ils puissent leur apporter ne consiste certainement
pas à encourager leurs illusions nationalistes. Cette solidarité
passe nécessairement avant tout par le développement de leur combat
contre le système capitaliste responsable de toutes les guerres, un combat
contre leur propre bourgeoisie.
Au Moyen-Orient, comme dans beaucoup d'autres régions du monde ravagées
aujourd'hui par la guerre, il n'y a pas de "juste paix" possible dans
le capitalisme. Pour mettre fin à la guerre, il faut renverser et abolir
le capitalisme, il n'y a pas d'autre voie. La paix, la classe ouvrière
devra la conquérir en renversant le capitalisme à l'échelle
mondiale, ce qui passe aujourd'hui même par le développement de
ses luttes sur son terrain de classe, contre les attaques économiques
de plus en plus dures que lui assène un système plongé
dans une crise insurmontable.
Contre le nationalisme, contre les guerres dans lesquelles veulent vous entraîner
vos exploiteurs,
Prolétaires de tous les pays, unissez-vous !
A Gènes,
pendant la réunion du G8 en juillet, Carlo Giuliani est mort sauvagement
assassiné, après avoir reçu une balle à bout portant
des forces de répression de l'Etat italien et s'être fait écrasé
par une voiture de police. A Göteborg, au sommet de l'Union Européenne
en juillet, la police suédoise -pour la première fois depuis
1931- avait déjà fait usage de balles réelles contre des
manifestants. La mort de Giuliani aura été la première
dans les manifestations "anti-mondialisation" qui se succèdent
de par le monde depuis deux ans, mais cette escalade dans la violence répressive
contre des manifestations de rue montre que la répression étatique
n'est pas l'apanage des "dictatures" du tiers-monde. C'est aujourd'hui
dans les pays "démocratiques", "civilisés"
et développés du cœur du capitalisme, là où,
parait-il, règnent les "droits de l'homme", que l'Etat bourgeois
montre son vrai visage.
Comme prévu, l'Etat italien s'était préparé à réprimer sauvagement, en déployant des milliers de policiers anti-émeutes, des carabinieri para-militaires, des francs-tireurs, une surveillance par satellite, un système de défense anti-missile, des hélicoptères, des avions, des bateaux (y compris au moins un sous-marin), des gaz lacrymogènes, des canons à eau et 200 "body bags", sans parler d'autres armes et tactiques non rendues publiques. Au manifestant tué, il faut ajouter au moins 500 blessés et beaucoup d'hospitalisés. Lors du raid policier contre le Genoa Social Forum, plus de 60 personnes furent blessées. Des dizaines de manifestants arrêtés ont été tabassés et torturés.
Dans les divers milieux organisant les mobilisations antimondialistes, on a entendu toutes sortes d'analyses quant aux événements. Beaucoup de trotskistes ont avancé que la police avait laissé libre cours aux anarchistes des "black blocks", que certains d'entre eux ont été filmés en discussion avec des flics, et qu'au moins pour une partie, il s'agissait de purs et simples agents provocateurs aux ordres de l'appareil répressif. D'autres courants gauchistes s'en sont pris aux "Tute Bianchi", leur reprochant leur discours non violent et leur comportement de clowns. A Göteborg, les staliniens ont semé le doute sur la crédibilité du groupe "Action antifasciste". A Gènes, la gauche "classique" a critiqué sévèrement les manifestants "anticapitalistes". De leur côté, beaucoup d'anarchistes accusent la gauche d'essayer de prendre le train en marche pour récupérer le mouvement, ou lui reproche en général son "autoritarisme". Beaucoup de ces remarques sont fondées. Par exemple, le rôle du "black bloc" paraît en effet plus que louche, et il semble fort possible qu'ils aient eu des liens avec l'Etat. A un autre niveau, l'activité des pacifistes, comme les "Tute Bianchi" en Italie ou les "Wombles" en Grande-Bretagne, est futile face à la répression étatique. Quant aux gauchistes, il n'est guère surprenant de les voir participer dans les actions "antimondialisation". Comme d'habitude, ils sont préoccupés de récupérer les énergies militantes et de les diriger vers des voies sans issue et notamment dans la défense de la démocratie bourgeoise.
Les médias bourgeois ont dit que les confrontations entre manifestants et forces de l'ordre étaient prévisibles et pas du tout spontanées. Ce n'est pas parce que la bourgeoisie préférerait voir des luttes imprévisibles et spontanées, loin de là. Elle cherche à accréditer l'idée que derrière chaque manifestation, il y a une conspiration, et surtout elle tient à faire savoir que les manifestations qui ne rentrent pas dans le cadre classique de l'encadrement syndical sont ennemies des sacro-saintes règles de la démocratie bourgeoise. La leçon sous-jacente est évidemment d'avertir tout un chacun que "cela ne change rien de jeter des pierres - quand vous serez plus vieux, vous vous rendrez compte que le changement ne vient que des urnes". A Gênes, tandis que les chefs d'Etat comme Tony Blair, Chirac et Cie se faisaient forts d'insister sur le fait que les participants à la conférence de Gênes étaient élus démocratiquement, à l'extérieur de la conférence, les antimondialistes se disputaient sur la question de savoir si on pouvait encore considérer les forces de l'Etat comme démocratiques, comme si les événements de Gênes et de Göteborg étaient une nouvelle tendance, alors qu'ils ne font qu'être l'expression typique des attaques de l'Etat bourgeois.
Pour comprendre réellement ce qui se passe avec les manifestations "antimondialistes",
il faut, comme pour toute autre question dans la société de classe,
regarder quelles sont les forces sociales, les classes et les idéologies
qui y sont impliquées. En tant que telle, une manifestation n'a pas de
nature de classe. Les ouvriers peuvent manifester afin de se joindre à
leurs frères de classe, ou pour protester contre les attaques répressives
et sociales de l'Etat capitaliste ; les manifestations peuvent aussi être
un moyen de lutte pour les chômeurs qui n'ont plus les moyens de lutter
sur le lieu de travail. Par contre, les manifestations du Countryside Alliance,
du British National Party (équivalent du FN), ou des campagnes nationalistes
diverses, nous montrent que n'importe quelle mouvance bourgeoise peut monter
une manifestation si elle le veut.
Pour ceux qui ont participé aux escarmouches répétées
à l'occasion des différents sommets, quelles que soient leurs
motivations ou leur origine sociale, les bagarres spectaculaires avec la police
ont été des confrontations futiles, dont l'effet est de stériliser
tout désir de réfléchir sérieusement sur la nature
de la société de classe, et sur comment cette dernière
peut être renversée. Cet effet est même célébré
par Roger Burbach, un prosélyte du "carnaval de la vie" contre
"le monde grotesque et opulent qui nous a été imposé
par les nouveaux seigneurs-voleurs des grandes entreprises", quand il écrit
: "Le plus important, c'est que les anarchistes et les manifestations antimondialisation
offrent une échappatoire aux frustrations et au sentiment d'aliénation
de la nouvelle génération" (in Anti-capitalism : a guide
to the movement). C'est grossier, mais au moins c'est honnête. Quand une
"nouvelle génération" se sent "frustrée"
et "aliénée", alors les échappatoires sont de
grande valeur pour la classe dominante. Et quand on ne se préoccupe que
de la prochaine campagne, la prochaine manifestation, la prochaine bagarre avec
les flics, alors la réflexion politique, les contributions au mouvement
historique de la classe ouvrière, l'analyse de la situation actuelle
et du développement de la conscience de classe ne sont guère des
priorités.
Chaque manifestation "anticapitaliste" offre une gamme importante de thèmes. L'environnement, le changement climatique, le libre-commerce, le rôle des grandes entreprises, les privatisations, la dette du Tiers-Monde, la politique économique du G8, le rôle de l'Organisation Mondiale du Commerce, les programmes de réajustement du FMI et de la Banque Mondiale - tous sont des cibles pour les gauchistes, les anarchistes, les verts, les groupes religieux et les Organisations non gouvernementales qui se mobilisent dans les manifestations "antimondialisation".
On peut prendre n'importe quel thème au programme de ce mouvement, on
ne va y trouver ni diagnostic ni solution qui mettent le capitalisme en question.
Un exemple connu, c'est que sur les 100 entités économiques les
plus importantes au monde, 49 sont de grandes entreprises tandis que 51 sont
des économies nationales. On cherche à suggérer que si
les grandes entreprises étaient moins grandes, alors nous pourrions tous
bénéficier d'une exploitation exclusive de la part des Etats-nations
oppresseurs. Beaucoup disent même que la misère est le résultat
de la privatisation, alors qu'ils passent sous silence la réalité
des programmes d'austérité imposés par l'Etat. Quand les
ouvriers luttent, le statut formel de leur patron ne les intéresse pas
- les ouvriers polonais en 1980-81 engagèrent des grèves massives
contre toutes sortes d'entreprises nationalisées, les mineurs anglais
en 1984-85 se battirent contre le Coal Board nationalisé et, aujourd'hui,
quand les postiers se mettent en lutte, ce n'est pas contre la privatisation
mais contre les conditions imposées par la poste étatisée.
La campagne contre les grandes entreprises est un des exemples les plus frappants,
mais toutes les autres questions posent également le problème
de la nature du capitalisme, de ses crises, de la concurrence et de l'incapacité
à satisfaire les besoins de l'humanité. Alors que certains commencent
à faire le lien entre les différents aspects de la société
capitaliste, le "mouvement antiglobalisation" réduit toutes
les préoccupations à des campagnes pour des changements au sein
du capitalisme.
Dans les manifestations
comme celles de Gênes ou de Göteborg, les groupes religieux, les
organisations caritatives et non gouvernementales ne prétendent pas être
anti-capitalistes. Leurs actions visent à faire pression sur la classe
dominante pour faire en sorte que le système d'exploitation fonctionne
au bénéfice de ses victimes. Toute "concession" accordée
à de tels groupes ne sera que de la propagande.
Cependant, la prétention d'être "anticapitaliste" ne
s'applique pas plus aux gauchistes ni à la plupart des anarchistes. Les
trotskistes (et les résidus du stalinisme) sont des défenseurs
du capitalisme d'Etat. Avec les anarchistes, il y a diverses idéologies
(certaines qui ne se distinguent pas du gauchisme) mais ce qu'ils ont en commun
c'est l'engagement dans la contestation en soi. Ils n'ont pas de perspective,
et certainement pas la reconnaissance que la classe ouvrière est la seule
force capable de renverser la dictature du capital. Aux manifestations du 1er
mai 2001 à Londres, on pouvait lire sur une banderole : "Renverser
le capitalisme et le remplacer avec quelque chose de plus sympa." Une autre
devise est "Notre monde n'est pas à vendre", ce qui absolument
faux, car tout dans ce monde, à commencer par la force de travail, est
devenu une marchandise avec un prix, et ce monde n'est clairement pas le "nôtre",
puisqu'il est soumis à la classe dominante capitaliste. A Gènes,
un slogan à la mode était "un autre monde est possible".
Contre le flou artistique de tels mots d'ordre futiles, le marxisme a toujours
fait une critique claire ancrée dans la réalité matérielle.
Prenons le concept de "mondialisation". Le 23 juillet, avant les évènements
de Gènes, Time magazine a cité en les approuvant ces phrases tirées
du Manifeste Communiste de 1848 : "La grande industrie a créé
le marché mondial (...) Les vieilles industries nationales ont été
détruites et le sont encore chaque jour. Elles sont supplantées
par de nouvelles industries, dont l'adoption devient une question de vie ou
de mort pour toutes les nations civilisées, industries qui n'emploient
plus des matières premières indigènes, mais des matières
premières venues des régions les plus lointaines, et dont les
produits se consomment dans le pays même, mais aussi dans toutes les parties
du globe. A la place des anciens besoins, satisfaits par les produits nationaux,
naissent des besoins nouveaux, réclamant pour leur satisfaction les produits
des contrées et des climats les plus lointains. (...) Tous les rapports
sociaux, figés et couverts de rouille, avec leur cortège de conceptions
et d'idées antiques et vénérables, se dissolvent ; ceux
qui les remplacent vieillissent avant d'avoir pu s'ossifier. Tout ce qui avait
solidité et permanence s'en va en fumée (...)" Le journaliste
de Time prend ceci pour une description valable de la nature du capitalisme
depuis 150 ans. En fait, Marx et Engels voyaient dans l'élimination par
la bourgeoisie des anciens modes de production, féodal et autres, et
dans la création d'une économie mondiale, la tâche historique
du capitalisme. Avec cette réalisation, la révolution internationale
de la classe ouvrière devenait possible. Mais, sans une révolution
prolétarienne et dans un monde entièrement inféodé
au capitalisme, depuis environ 100 ans, l'économie bourgeoise n'a plus
été un système dynamique qui échangeait simplement
des marchandises. Tout au contraire, le capitalisme est devenu depuis longtemps
un obstacle au véritable développement des forces productives,
ce qui est la vraie raison de toutes les guerres et des catastrophes qui ont
décimé l'humanité depuis le début du 20e siècle.
L'économie capitaliste mondiale a été un pas en avant par
rapport à la production pré-capitaliste, parce qu'elle a créé
les bases pour une révolution internationale de la classe ouvrière
et la création d'une société communiste ; mais, si cette
possibilité ne se réalise pas, la survie du capitalisme ne peut
amener l'humanité qu'au désastre.
George Monbiot,
un des principaux défenseurs de "l'antimondialisation" a dit
que "en termes numériques [cette dernière] est le plus important
mouvement de protestation dans l'histoire du monde". (Guardian, 24 juillet
2001) Il arrive à cette conclusion en affimant que "presque tout
le monde est d'accord que le monde serait meilleur" sans les activités
des grandes entreprises et que "la plupart des gens (...) seraient heureux
de voir les sièges de Balfour Beatty ou de Monsanto démantelés
par l'action non-violente". Le "mouvement de protestation" dans
l'esprit de Monbiot est "important" seulement parce qu'il comprend
tous ceux qui sont déçus par un aspect quelconque de la vie moderne.
Cela inclut tout le monde, depuis ceux qui s'inquiètent de la "globalisation",
jusqu'à ceux qui donnent pour l'aide humanitaire, en passant par les
gauchistes qui souhaitent un renforcement du rôle de l'Etat dans le capitalisme,
mais cela inclut aussi ceux qui commencent à ressentir que le seul véritable
"anticapitalisme" est celui qui entraîne la mobilisation de
millions de prolétaires contre la domination de l'Etat bourgeois.
Quant au titre de "plus important mouvement de protestation de l'histoire,
les meilleurs candidats appartiennent à l'histoire du mouvement ouvrier.
Chaque lutte ouvrière est une protestation contre les conditions de l'existence
prolétarienne. Entre 1917 et 1923, par exemple, la classe ouvrière
a pris le pouvoir en Russie, s'est engagée dans des insurrections massives
en Allemagne, a secoué l'Italie, la Hongrie et l'Autriche de fond en
comble, et a mené des luttes acharnées en Grande-Bretagne, en
Espagne, aux Etats-Unis, en Argentine et au Brésil. Plus récemment,
entre 1983 et 1989, il y a eu des luttes ouvrières importantes dans les
pays d'Europe occidentale et aux Etats-Unis, mais aussi en Amérique latine,
en Asie, en Europe de l'Est et en Afrique. Plus importantes en nombre que le
"mouvement de protestation" de Monbiot, la signification réelle
des vagues internationales de luttes ouvrières est bien plus grande encore
parce que la classe ouvrière - au coeur de l'économie capitaliste
- a la capacité de détruire le capitalisme et de construire une
société basée sur des rapports de solidarité. La
lutte de la classe ouvrière a pour perspective ultime l'établissement
d'une commmunauté humaine mondiale. Parce que l'organisation et la conscience
sont les seules armes que détient la classe ouvrière, les luttes
et les discussions d'aujourd'hui sont déjà des pas importants
pour faire de cette perspective une réalité.
La catastrophe économique et sociale actuelle en Argentine n'a rien d'un
phénomène exotique. Elle n'est qu'une expression avancée de la faillite
générale du capitalisme mondial. Mais au delà de la banqueroute générale de
l'économie et de la misère sociale qu'elle engendre, la situation en Argentine
vient rappeler qu'y vit un prolétariat traditionnellement combatif qui, comme
partout ailleurs, cherche à retrouver le chemin d'une perspective de classe.
Ce mois d'août de cet hiver austral, le
gouvernement argentin vient de négocier avec le FMI un nouveau prêt de 9
milliards de dollars. Le FMI, avec d'autres banques étrangères, avait déjà
octroyé un crédit de 40 milliards de dollars en décembre 2000. Mais les
réserves de ce pays sont à nouveau vides, avec une dette publique de… 128
milliards de dollars, soit plus de 44% du PIB !
Cette demande de prêt de l'État argentin s'est accompagné de plongeons à
répétition de la Bourse, une onde de choc qui a des répercussions importantes
dans d'autres pays, comme l'Espagne, le Brésil ou le Chili, avec la crainte de
l'effet domino qu'on a pu voir en d'autres occasions pendant les années 90
(Mexique, crise asiatique, Russie, et en 2000-2001, à côté de l'Argentine, la
Turquie ou le Brésil).
L'Argentine est en récession ouverte depuis trois ans, avec un taux de chômage
d'environ 17 % de la population active (deux millions et demi de personnes).
Mais la situation s'est encore aggravée depuis le début de cette année. Ce mois
de juillet a connu un niveau record de licenciements : ceux-ci ont triplé par
rapport au mois de juillet 2000. À côté de ce 17 % de chômage, il y a plus de
trois millions de personnes qui ne travaillent que quelques heures par semaine
et un Argentin sur trois vit dans la pauvreté.
Durant les années 70-80, l'économie
argentine avait pu profiter, à l'époque de la dictature militaire, du boycott
des céréales soviétiques par l'administration Carter, pour relancer ses
exportations. Les militaires s'occupant des sales besognes, ils avaient mis à
la tête de l'économie un "Chicago-boy", Martínez de la Hoz. La
dictature militaire, visiblement plus à l'aise sur le front de la torture que
sur le front de la guerre, sombra dans la débâcle du conflit des Malouines qui
opposa l'Argentine à la Grande-Bretagne en 1982. La bourgeoisie comprend alors
que le temps est venu de mettre fin au régime de junte militaire : c'est le
retour à la "démocratie" à partir de 1983 et ses chants de sirènes
sur un avenir radieux. Mais la réalité de la crise se charge de dissiper
rapidement toute fausse espérance : c'est l'explosion de la dette et de
l'hyper-inflation. Les illusions véhiculées par la "démocratisation"
se perdent dans les soupes populaires, dans l'ombre des coupures d'électricité
à répétition, dans l'épuisement de la recherche d'un emploi ou dans un
pluri-emploi qui ne donne rien. Même les "classes moyennes" de cet
ancien Eldorado s'appauvrissent à toute vitesse: l'ancien pays d'accueil de
l'immigration devient un pays d'où on partirait si on le pouvait. Avec
l'arrivée au pouvoir du parti péroniste[1] [92]
et de Menem, ancien parti "étatiste", devenu ultra-libéral, la
bourgeoisie argentine essaye de juguler l'hyper-inflation et de désencombrer
l'État.
Mais le processus de privatisations, poursuivi tout au long des années 90 pour
éponger une partie de la dette, pas plus qu'ailleurs, n'a été un remède
miracle. Encore plus qu'ailleurs, ce ne fut qu'une foire d'empoigne où se sont
engouffrés des capitaux extérieurs à la recherche d'une rentabilité rapide.
Face à une inflation à quatre chiffres, le plan de convertibilité (la
"dollarisation" qui impose un peso argentin égal à un dollar
américain) amena une certaine amélioration, sur fond de croissance américaine
artificielle et d'une corruption généralisée, à commencer par celle du
président Menem. Mais cet équilibre très instable n'a pas résisté à la
"crise asiatique" puis "russe" et l'Argentine connaît une
récession ouverte en 1999, avec, à la clé, encore plus de dettes, encore plus
de faillites, et pour la classe ouvrière encore plus de chômage et encore plus
de misère. Dans ce sens, l'Argentine est un raccourci de ce qu'est la crise du
capitalisme : entre le "plus d'Etat" et le "moins d'Etat",
on est toujours de plus en plus bas. C'est toujours sur le dos de la classe
ouvrière que le capitalisme essaie de se dédommager de ses déboires.
En fait, les années 90 ont confirmé la tendance irréversible de la
paupérisation de la classe ouvrière et des couches non-exploiteuses. Le pouvoir
actuel du président De la Rua a changé de ministre de l'Economie deux fois en
un seul mois (mars), pour finalement ressortir Domingo Cavallo, le même qui, il
y a 8 ans, avait mis en place le plan de "dollarisation". Ce super
pompier a été rappelé pour essayer de faire un "nouveau miracle". Le
nouveau plan veut atteindre le "déficit budgétaire zéro". Ce
"plan de réajustement" drastique est présenté comme celui de la
dernière chance face à une banqueroute annoncée. Il est vrai que la situation
est telle, le "crédit pays", comme disent les économistes bourgeois,
est tellement bas, que la banqueroute est le seul avenir. Le catastrophisme
n'est pas seulement une figure de style de la bourgeoisie pour faire avaler ses
recettes et ses plans à répétition. La situation est réellement catastrophique,
la bourgeoisie du pays et ses semblables des pays dominants l'ont très bien
compris. C'est pour cela qu'après quelques tergiversations et quelques
réticences, le FMI vient d'octroyer les 9 milliards.
Quel est donc ce nouveau plan miraculeux de la dernière chance ? Pour
économiser 16 milliards de francs en deux ans, l'État argentin impose la
réduction de 10 % des salaires des employés publics et des pensions de
retraités dépassant 3500 francs par mois ! Déjà très mal en point, la Sécurité
Sociale va réduire ses dépenses, ainsi que l'Éducation. On peut imaginer ce que
cela veut dire dans la vie de tous les jours, en plus des licenciements dans
l'automobile, dans les transports, dans les banques. Avec la menace que s'il n'y
a pas de rentrée d'argent suffisante, l'Etat diminuera encore plus les
salaires.
Un exercice très prisé des intellectuels
argentins est de se torturer les méninges pour comprendre comment se fait-il
qu'un pays qui a été "si riche" ait pu devenir à ce point "si
pauvre". Et de rappeler dans une espèce de tango déchirant que l'Argentine
fut la 8ème, puis la 12ème puissance économique de la planète. Il
est vrai qu'on peut rester perplexe face à la déchéance d'un pays développé,
récepteur d'immigration, d'une grande tradition culturelle et scientifique. La
question qu'on doit se poser c'est : quelle est la situation du capitalisme en
général pour que de telles situations de catastrophe économique arrivent à se
produire ? La situation actuelle de l'Argentine fait suite à une série des
secousses qui ont émaillé la décennie passée et qui ont touché des régions ou
des pays plus ou moins périphériques du capitalisme. Depuis la crise mexicaine
jusqu'à celle de la Russie, en passant par l'Asie du Sud-Est et le Brésil,
toutes ces crises ont quelque chose en commun : la dette et l'impossibilité de
la rembourser. Nous avons développé à maintes reprises les caractéristiques de
la crise actuelle du capitalisme décadent qui essaye de compenser l'absence de
marchés solvables par une accumulation irrationnelle de dettes. Le cas de
l'Argentine, au-delà de certaines spécificités de ce pays, n'est pas une
exception mais la caricature de la règle.
Compte tenu de la crainte d'une récession ouverte dans le monde industrialisé,
le capitalisme ne peut pas se permettre de laisser un pays comme l'Argentine
complètement à la dérive. Mais cette même situation inquiétante nourrit les
réticentes à injecter encore des capitaux dans un pays qui paraît être un
gouffre aussi profond que la pampa est étendue.
En fait de "pays émergent", l'Argentine, pourtant désigné comme le
meilleur élève de la classe du FMI, est un pays s'enfonçant dans le
sous-développement, de la même façon que les pays dits "en voie de
développement" n'ont jamais vu se développer que de la misère.
Depuis un an et demi, cinq grèves
générales ont exprimé l'exaspération de la classe ouvrière argentine. Que les
syndicats se mettent en avant de telles grèves, ce n'est guère étonnant. Qu'il
s'agisse des grandes centrales "péronistes"[2] [93]
avec leurs campagnes nationalistes contre les "capitalistes
étrangers" ou les syndicats radicaux comme la CGT-Rebelle, ils remplissent
leur rôle de flics et de saboteurs des luttes. Ce qui est par contre réellement
significatif, c'est l'ampleur, la radicalisation et la combativité des luttes
ouvrières qui se mènent en Argentine, illustration, si besoin était, que face à
l'écroulement de l'économie capitaliste et aux attaques contre ses conditions
de vie, le prolétariat sera toujours poussé à engager la lutte. Aujourd'hui,
comme hier, et encore plus demain, la crise est et sera l'allié objectif du
prolétariat, même si de façon immédiate, c'est la misère qui impose partout son
visage de désolation. Nous avons vu la relative importance passée de
l'Argentine dans l'économie mondiale, et plus particulièrement à l'échelle de
l'Amérique latine. Parallèlement au formidable développement du capitalisme à
la fin du 19e siècle et au début du 20e siècle, s'est également
développée en Argentine une forte classe ouvrière, éduquée, concentrée, en lien
avec les traditions prolétariennes de l'Europe, bénéficiant notamment de
l'immigration de nombreux ouvriers italiens et espagnols qui amenaient avec eux
leurs traditions politiques, socialistes et anarchistes. On a ainsi pu voir,
pendant la Première Guerre mondiale, en 1917, alors que les Etats-Unis faisaient
une forte pression pour que l'Argentine rejoigne la boucherie impérialiste, la
classe ouvrière entrer massivement en lutte contre la guerre. Les grèves des
cheminots notamment furent nombreuses, s'affrontant avec l'armée, faisant
sauter les ponts, etc. Il est évident que cette mobilisation ouvrière a
fortement pesé sur le maintien de la neutralité de l'Argentine tout au long du
conflit. Même si, depuis 1945, la classe ouvrière a toujours été prise entre
l'enclume péroniste et le marteau de la dictature militaire, elle n'en a pas
moins été capable de s'affirmer de façon autonome à plusieurs reprises, comme
en 1951, où des grèves dans les chemins de fer accompagnées d'occupations et de
manifestations firent l'expérience de la répression péroniste avec plusieurs
morts et 3000 arrestations. Ce furent aussi les évènements de Cordoba en mai
1969 que nous avons toujours salué comme étant un moment fort de la reprise
internationale de la lutte de classe à partir de 1968 : "La grève générale
décrétée le 29 mai à la suite d'émeutes à Corrientes, Tucuman, La Plata, San
Juan et Salta, se transforma rapidement en insurrection à Cordoba même où sous
l'impulsion des ouvriers d'IKA-Renault, les manifestants contrôlèrent tous les
quartiers et le centre de la ville. La police étant débordée, l'armée et
l'aviation intervinrent : pendant 48 heures, elles ratissèrent les rues à la
mitraillette et au bazooka. Les ouvriers résistant avec des tireurs isolés sur
les toits, et par des contre-attaques en masse, eurent plusieurs dizaines de
morts et plus d'une centaine de blessés. A la suite de cette féroce répression,
toute la fin de l'année 69 fut marquée par des mouvements de grève encore
spontanés face auxquels les syndicats et partis traditionnels étaient
dépassés"[3] [94]. Dans
la continuité de cette vague de luttes, "en mars 72, la classe ouvrière de
Mendoza protestant contre la hausse des tarifs d'électricité, s'est heurtée de
nouveau à l'armée. Son combat de plusieurs jours au prix de dizaines de morts a
montré la voie révolutionnaire contre les illusions sur le retour aux
institutions démocratiques"[4] [95].
Aujourd'hui, cette combativité continue de s'exprimer contre les baisses de
salaires[5] [96],
contre la liquidation de la Sécurité Sociale et du système éducatif (un jeune
sur deux ne va plus à l'école), mais surtout face à la véritable
caractéristique de la crise historique du capitalisme : le chômage endémique et
le sous-emploi permanent. Les premières ripostes des ouvriers argentins sont
donc contre les vagues de licenciements qui viennent sans cesse grossir la
masse des 4 millions d'ouvriers au chômage complet ou partiel. Des grèves
éclatent contre les licenciements, comme, par exemple, à Salta ou dans la
province de Córdoba contre les licenciements chez Fiat, ou chez "Aerolineas
argentinas", la compagnie aérienne argentine détenue par l'Etat espagnol
(ce qui encourage les campagnes nationalistes des dirigeants syndicaux qui
appellent au boycott des capitaux espagnols). Ces grèves et ces actions,
massivement suivies, souvent très combatives, restent majoritairement
contrôlées par les centrales syndicales péronistes ou leurs nombreux avatars.
Ils peuvent notamment jouer du radicalisme contre les mesures
"antisyndicales" du gouvernement de De la Rua pour compenser le discrédit
des dirigeants syndicaux, qui ont toujours mangé à tous les râteliers.
Mais ce qui domine "l'actualité sociale" argentine (pour ce que veut
bien en laisser transparaître la presse bourgeoise, à défaut d'une présence
révolutionnaire sur place), c'est le mouvement dit des piqueteros, des groupes
de prolétaires sans travail ou menacés de licenciements. Ces piqueteros,
poussés par le désespoir, regroupés par milliers, bloquent par des barricades
(d'où leur nom) les principaux axes routiers entre provinces argentines ou vers
les pays voisins. C'est souvent au cœur des régions les plus industrialisées et
les plus touchées par la crise, comme La Matanza, où maintenant 40% de la
population vit sous le seuil de pauvreté, que se situent les groupes les plus
importants. Leur dénuement extrême est à l'image de leur volonté d'en découdre.
Nombreux sont ceux qui n'ont plus d'allocations chômage, soit que leurs
"droits" aient pris - rapidement - fin, soit que leur ancien travail
au noir leur interdise toute indemnisation. Couchés dans des tentes de fortune,
dans des cartons, sous-alimentés, frigorifiés, ils doivent néanmoins
régulièrement s'affronter avec la police, comme le 17 juin dans la région de
Salta, au Nord-Est du pays, où il y eu au moins 2 morts et des dizaines de blessés,
avant que les piqueteros et des détachements ouvriers armés[6] [97]
ne se retranchent dans la ville de General Mosconi.
Malgré les tentatives de fédération de ce mouvement de piqueteros sous l'égide
des syndicats ou partis gauchistes en vue d'en faire un "mouvement de
masse national" (Juan Carlos Alderete, dirigeant du Courant de la Classe
Combative et leader piquetero à La Matanza) ou le fait que leurs assemblées
soient un champ de manœuvre pour les groupes trotskistes[7] [98],
nous saluons dans ces grèves à répétition, dans ces barricades qui se dressent,
l'affirmation de la classe ouvrière, la seule classe capable de riposter aux
coups de boutoirs de la crise, ce qui se traduit notamment par la mise en avant
de revendications nettement prolétariennes (augmentation des salaires,
extension des indemnités chômage, emplois). Bien sûr, ce n'est pas du jour au
lendemain que la classe ouvrière se débarrassera de la démagogie péroniste et
de ses sbires syndicaux, des illusions que portent tous les déclassés de la petite
bourgeoisie qui rejoignent ses rangs par pleines vagues. Mais il n'est pas
d'autre chemin que celui de la lutte. Et une des conditions pour le
développement de ces luttes en Argentine sera la capacité des ouvriers à ne pas
se replier sur une forme de lutte mais à assurer l'unité des grèves, des
manifestations, des piquets. De la même façon, le fait de barrer les routes, ne
doit pas se retourner contre les ouvriers en devenant un facteur d'isolement
régionaliste, mais permettre au contraire l'extension des grèves. Quand le
président De La Rua, après l'obtention de la dernière rallonge du FMI, affirme
qu'"il y avait pour la région un intérêt à ce que l'Argentine ne propage
pas sa contagion au reste du monde", il parle bien sûr des risques (déjà
largement vérifiés) de déstabilisation monétaire et économique, mais il est
tout aussi clair que la bourgeoisie est consciente de la nécessité de
circonscrire localement toute combativité ouvrière pour éviter que la
"contagion" ne devienne un facteur de prise de conscience de l'unité
des intérêts de classe des ouvriers argentins, chiliens ou brésiliens.
C'est à l'échelle internationale que la crise frappe les ouvriers. C'est à
l'échelle internationale que la riposte ouvrière doit s'imposer. La combativité
de nos frères de classe en Argentine, leur capacité à s'affronter à l'Etat
comme garant de l'ordre social et gestionnaire de la crise, participent
pleinement de la lente et difficile reprise de l'affirmation d'une perspective
prolétarienne face à la profondeur de la crise économique. La crise va
continuer de s'aggraver, donnant chaque jour un peu plus de raison d'entrer en
lutte, en même temps que chaque jour la bourgeoisie mettra entre les pattes de
la classe ouvrière une nouvelle "sortie du tunnel" dans 6 mois ou un an,
un nouveau syndicat "vraiment ouvrier" pour mieux attaquer toute
expression de conscience de classe. Enfin la bourgeoisie, même
"démocratique" comme en Argentine, n'hésitera pas non plus à recourir
à la répression armée si besoin est. La lutte de classe est un véritable
combat, et dans ce combat les révolutionnaires cherchent à développer l'unité
internationale du prolétariat, ce qui passe également par le regroupement des
forces révolutionnaires qui pourraient surgir des luttes que mène la classe en Argentine.
La classe ouvrière argentine a besoin de ses frères de classe du monde entier,
de la même façon que le prolétariat international a besoin de sa fraction
australe.
[1] [99] Le régime de Péron (1945-55) a été un mélange de populisme social et
syndical, soutenu tant par des fractions de l'armée que par les partis,
socialistes, communistes et trotskistes. A partir de la chute de Péron en 1955,
les Etats-Unis ont largement investi dans l'industrie argentineet les
"Marines" ont régulièrement débarqué en Argentine pour faire régner
l'ordre social, confortant les discours des trotskistes ou des guérilleros
castristes dans les années 1960.
[2] [100] La CGT en particulier était syndicat unique sous Péron, et est
toujours restée un des piliers de la fraction péroniste de la bourgeoisie
argentine.
[3] [101] RI n°2, nouvelle série, février 1973.
[4] [102] Idem, RI n°2, …
[5] [103] Pour ceux qui sont encore payés : 180 000 fonctionnaires n'ont pas
touché de salaire depuis 2 mois. D'autres sont payés en monnaie de singe, les
fameux "patacones" de la province de Buenos Aires, sorte de peso au
rabais, qui ne sont plus convertibles en dollar et dont "personne ne sait
quelle est la valeur exacte" (Le Monde du 22 août).
[6] [104] Il semblerait que la plupart des armes proviennent d'un précédent
soulèvement de piqueteros en novembre 2000 et de l'occupation d'un poste de
police.
[7] [105] La "Liga Obrera Internacionalista" (4e Internationale)
semble avoir joué un certain rôle dans des assemblées ouvrières de Salta.
Plus de
6.000 morts. La terreur qui a envahi le monde depuis les attentats-kamikaze
du 11 septembre qui se sont attaqués pour la première fois depuis
la Seconde Guerre mondiale aux Etats-Unis sur leur territoire et au coeur des
métropoles d'un pays développé ne s'est pas dissipée.
Et les frappes américaines qui se préparent en Afghanistan comme
ailleurs ne peuvent que rajouter de nouvelles monstruosités dans ce déchaînement
de barbarie guerrière. Déjà, l'opération d'abord
baptisée "Justice sans limites" puis "Liberté immuable"
recouvre le déploiement militaire le plus impressionnant depuis plus
d'un demi-siècle. A un crime abominable vont s'ajouter d'autres tueries
contre des populations civiles sans défense. On nous désigne comme
coupables une nébuleuse ou un réseau d'islamistes intégristes
fanatisés aux ordres du milliardaire Ben Laden, ex-agent de la CIA au
temps de la guerre contre le bloc soviétique, aujourd'hui reconverti
en "ennemi public n°1" des Etats-Unis. Derrière "l'ogre"
Ben Laden et ses sanguinaires hommes de main, comme derrière l'histrion
George Bush Junior, ses généraux, ses espions et leurs semblables
européens, derrière chaque Etat et leurs cliques de dirigeants
va-t-en guerre, il y a la classe dominante capitaliste.
Le véritable responsable de la barbarie guerrière, celle qui a
frappé aux Etats-Unis comme celle qui se prépare en Afghanistan
et ailleurs, c'est le capitalisme mondial, un système en décadence
déjà responsable de deux boucheries impérialistes et dont
la survie, gangrène mortelle pour l'humanité, ne fait qu'attiser
toujours plus cette barbarie (voir article page 5 ou ci-après [108]).
Comme lors des bombardements de Londres, de Dresde et de Hambourg. Comme à
Hiroshima et à Nagasaki. Comme l'enfer qui s'est abattu sur la Corée,
le Vietnam ou le Cambodge. Le déluge de bombes sur l'Irak et le Koweït.
Sur la Serbie, le Monténégro et le Kosovo. Comme les massacres
en Algérie, au Rwanda, en Tchétchénie, au Moyen-Orient.
Comme dans tous les conflits impérialistes qui n'ont jamais cessé
depuis la fin de la seconde boucherie mondiale. Avec son lot de populations
prises en otage qui, par dizaines de milliers, cherchent à fuir, à
s'exiler et se retrouvent parquées dans des camps, crevant de faim et
soumises à des conditions d'existence elles aussi effroyables, les plus
inhumaines. On voudrait nous faire croire que les attentats du 11 septembre
sont une attaque "contre la civilisation" et que la riposte qui s'annonce
est "une défense de la civilisation contre la barbarie". Mensonges
!
L'un comme l'autre sont le produit même de la civilisation bourgeoise et de son degré de barbarie. C'est l'oeuvre d'un capitalisme aux abois, aux prises avec une crise économique sans issue, pourrissant sur pied, suintant la guerre sous toutes ses formes, la pollution mortelle, semant la mort et la décomposition et menaçant d'entraîner l'humanité vers son auto-destruction. C'est le capitalisme qui tue et répand la terreur à New-York, comme en Afghanistan, comme à Toulouse. Comme ailleurs. Une nouvelle étape de la guerre impérialiste est née depuis le 11 septembre. Une menace permanente de l'horreur, de la terreur capitaliste. Et comme dans tous les actes de guerre, la classe ouvrière est la principale victime de ces sanglants règlements de compte entre fractions de la bourgeoisie qui prétendent aujourd'hui encore défendre une "juste cause", qu'elle soit la croisade de la "défense de la démocratie, de la justice, de la liberté et de la civilisation" ou la "guerre sainte" pour la "défense de la vraie foi", sur le terrain nationaliste et impérialiste. Dans les attentats contre le World Trade Center, la plupart des victimes étaient des secrétaires, des employés de bureau, des balayeurs, des pompiers. Des prolétaires, des nôtres. Non seulement, le prolétariat est victime de la guerre dans sa chair mais aussi dans sa conscience. Alors que seule la classe ouvrière a la capacité de mettre fin au système responsable de la guerre, la bourgeoisie se sert de celle-ci, encore et toujours, pour appeler à l'union sacrée. L'union sacrée des victimes du capitalisme avec leurs exploiteurs, avec ceux qui en tirent leur domination de classe. La bourgeoisie profite de la situation pour imposer l'unité nationale contre "la terreur venue de l'extérieur". Bush exalte "la grandeur de la nation américaine" et exhorte "le peuple de ce pays" à défendre sa fierté. Le drapeau américain est partout arboré comme signe de défi. C'est la manifestation de la plus écoeurante hystérie chauvine que déploie la bourgeoisie pour sa mobilisation guerrière, pour tenter de mobiliser le prolétariat derrière elle. Comme dans toutes les guerres impérialistes.
En dehors des Etats-Unis, la bourgeoisie profite de l'événement pour nous dire que "nous sommes tous des Américains". On cherche à nous persuader qu'exploiteurs et exploités confondus, nous serions face à la même menace, nous aurions le même ennemi, les mêmes intérêts dans la "défense de la liberté et de la démocratie", ces valeurs présentées comme éternelles que la bourgeoisie exhibe à chaque fois qu'il s'agit de convaincre les ouvriers de défendre des intérêts qui ne sont nullement les leurs. En Europe, les gouvernements profitent de la psychose de guerre pour renforcer les efforts déjà en marche pour constituer des "forces de réaction rapide" capables d'agir indépendamment des Etats-Unis. Tout cela va coûter très cher, et cette note aussi, la classe ouvrière va devoir la payer. Comme ils ont profité de la psychose des attentats pour renforcer la militarisation de la société, conditionner -à travers la réactivation du plan "Vigipirate" en France par exemple- les populations à une surveillance et des contrôles policiers permanents tout en renforçant la coopération des polices au-delà des frontières, ce qui demain pourra être utilisé à son tour contre les luttes ouvrières et les organisations révolutionnaires.
Et dans les pays du Tiers-Monde, où la pseudo-"mondialisation" sous visage américain (FMI, etc.) est rendue responsable de la misère engendrée par le capitalisme, on répand l'idée (reprise aussi en substance en France par l'organisation trotskiste "Lutte Ouvrière) que "les Américains" n'ont eu que ce qu'ils méritaient. C'est encore un moyen de saper au sein de la classe ouvrière la conscience de son unité et de son identité de classe au-delà des frontières, de l'entraîner hors de la défense de l'internationalisme prolétarien, principe intangible de la sauvegarde de ses intérêts de classe.
Aujourd'hui, et particulièrement dans le plus puissant des pays capitalistes, les ouvriers sont soumis à la terreur et à la propagande bourgeoise. La peur que leur a inspiré les attentats de New-York et Washington ne fait que renforcer leur sentiment d'impuissance qui est exploité pour leur faire entrer dans la tête qu'ils doivent s'en remettre à leur Etat, ses flics et ses militaires, pour assurer leur sécurité. La colère qu'ils ressentent depuis ces attentats est détournée contre "l'ennemi extérieur", les terroristes et les "Etats-voyous" qui les couvrent. La solidarité qu'ils ont voulu manifester envers leurs frères de classe victimes des massacres est dévoyée en "solidarité nationale" entre exploités et exploiteurs.
Face à ces appels à resserrer les rangs derrière leurs exploiteurs, les prolétaires d'Europe et d'Amérique doivent refuser de se vautrer dans l'hystérie nationaliste et belliciste de la "civilisation" capitaliste. C'est d'abord en refusant de faire cause commune avec la classe bourgeoise et ses gouvernants, leurs véritables ennemis, en refusant de se ranger derrière les drapeaux de l'union sacrée, que les prolétaires du monde entier pourront trouver la force d'affirmer la véritable solidarité envers leurs frères de classe aux Etats-Unis comme dans les autres pays où ils sont victimes du déchaînement de la barbarie guerrière.
Cette solidarité de classe, ce n'est pas la solidarité "humanitaire" organisée sous les auspices des hommes de bonne volonté de la bourgeoisie. C'est celle qui consiste à mener le combat contre le capitalisme, seul responsable des massacres et de la barbarie. Ce système qui sème la mort, c'est aussi celui qui est responsable de l'aggravation de l'exploitation, de la misère, du chômage. C'est justement pour cela que les prolétaires du monde entier ne peuvent développer leurs solidarité avec leurs frères de classe, victimes de la barbarie guerrière qu'en menant le combat sur leur propre terrain de classe exploitée face à l'aggravation d'une crise économique sans issue qui est à l'origine de la misère et du déchaînement des conflits guerriers.
Ce n'est qu'en engageant et en développant le combat contre leurs exploiteurs et contre les attaques que le capitalisme en crise ne cessera de leur porter que les ouvriers seront capables de surmonter leur sentiment d'impuissance, qu'ils pourront identifier clairement leur véritable ennemi, le capitalisme, qu'ils pourront retrouver et faire vivre la seule solidarité qui soit une force pour eux, la solidarité prolétarienne, sur le terrain de classe de la lutte contre l'exploitation et la misère capitalistes. C'est à cette condition seulement que les ouvriers du monde entier, et particulièrement ceux des pays capitalistes les plus développés et les plus puissants, pourront avancer sur le chemin qui conduit au renversement de ce système barbare avant que celui-ci ne détruise l'espèce humaine.
Le prolétariat est la seule force sociale qui, en s'opposant directement
au capitalisme par ses combats de classe, puisse en même temps s'opposer
au déchaînement de la guerre impérialiste :
Dans la situation présente, comme à la veille de la première guerre mondiale, l'alternative historique à laquelle se trouve confrontée la société en ce début du 21e siècle est exactement la même que celle posée par les révolutionnaires du siècle dernier, de Rosa Luxembourg à la 3e Internationale : victoire du socialisme, de la révolution prolétarienne mondiale ou enfoncement définitif du capitalisme dans la barbarie.
Face à la gravité de la situation actuelle marquée par
l'enfoncement de l'humanité dans un chaos de plus en plus sanglant, plus
que jamais, les révolutionnaires doivent unir leurs forces pour faire
entendre la voix internationaliste. Plus que jamais, ils doivent, par leur intervention,
rappeler le prolétariat à ses responsabilités en lui permettant
de faire le lien entre la crise économique et la guerre, entre l'aggravation
de ses conditions d'exploitation et le déchaînement de la barbarie
guerrière.
21 septembre 2001, 10h15 : une explosion d'une violence
inouïe se fait entendre dans toute la ville et jusqu'à des dizaines de
kilomètres à la ronde. Dans le climat d'après New-York, on pense à "des
bombes un peu partout ". En fait, une seule origine : l'explosion d'un
stock de nitrate d'ammonium de l'usine AZF (ex-Onia). Suivie de près par la
montée dans les cieux de la Ville Rose d'un inquiétant nuage plutôt orange dont
on a craint qu'il ne soit toxique.
Il est bien loin le temps où ces catastrophes se
produisaient, presque par définition, dans un Tiers-Monde où les capitalistes
n'avaient que du mépris pour les populations locales, comme ce fut le cas à
Bhopal, en Inde, quand l'usine de la Union Carbide, où aucune mesure de
sécurité n'existait[1] [109],
lâcha sa "brume étrange" en tuant des milliers de personnes. Ce n'est
plus l'URSS et son appareil industriel rouillé, avec son Tchernobyl. En fait,
l'accident de la dioxine de Seveso de 1976, au nord de l'Italie, qu'on pensait
être un "reste" des temps révolus dans une Europe devenue si policée
et protectrice, ne fut que le signe avant-coureur de ce qui nous attendait.
Depuis quelques années, les accidents sanitaires (le sang
contaminé), les intoxications alimentaires massives (vache folle, dioxines),
les accidents des transports des personnes (accidents à répétition dans les
chemins de fer anglais ; Paddington, 1999, 100 morts) ou des marchandises
("marée noire" de l'Erika, où, déjà, Total-Fina était impliquée) se
sont multipliés dans le cœur du capitalisme.
C'est maintenant au cœur d'une grande ville française que la
catastrophe du capitalisme décadent s'est abattue. Tous ces accidents, ces
catastrophes ont un trait commun, qui en est la raison principale : la
dégradation constante des conditions de travail, de la sécurité, la montée
imparable des accidents, et tout cela à cause de l'implacable loi de la
concurrence capitaliste qui rogne sans relâche tout ce qui paraît inutile à la
réalisation d'une plus-value de plus en plus difficile. Maintenant les
"rassureurs" publics vont encore nous jouer le violon des
"nouvelles mesures". En réalité, la catastrophe de Toulouse est un
pas de plus dans l'horreur d'un capitalisme de plus en plus décadent et
destructeur.
Déjà 29 morts et plus de deux mille blessés. Des
prolétaires, de l'usine même ou des entreprises proches. Un élève du lycée
professionnel Gallieni mort, des enfants très gravement blessés dans les
écoles. Des centaines de blessés hospitalisés, dont plusieurs dizaines très
gravement. Des vies brisées, des enfants traumatisés, tous marqués à vie. Des
milliers de personnes sans logement ou avec un logement ravagé qui connaîtront
des conditions précaires pour des mois. Cinq établissements scolaires seront
purement et simplement rasés. Des constructions faites à l'économie. Une
université, récente et déjà vieille et ruinée, reçoit le coup fatal. De la
faculté à la maternelle, des dizaines de milliers de jeunes dont la scolarité
sera lourdement perturbée. Et encore, faudrait-il s'estimer heureux, puisque ce
serait un vrai miracle qu'il n'y ait pas eu propagation de l'explosion aux
autres stocks de nitrates et d'acides du même site, où à la SNPE (Société
Nationale de Poudrerie et Explosifs) toute proche, ou même une pollution
chimique bien plus importante que celle qui a eu lieu. Mais si le bilan n'est
pas de plusieurs milliers de morts, on ne le doit certes pas à la "bonne
volonté " affichée de la Mairie, de l'Etat et de Total-Fina, propriétaire
de l'usine AZF, tous, comme Chirac, Jospin, Douste et Desmarets, obséquieux
représentants du capital, qui tels des vautours flairant l'odeur du sang chaud,
sont accourus sur les lieux du drame pour étaler leur "solidarité"
toute médiatique.
On peut faire de longs débats sur comment explosent les nitrates. Mais ce qui est clair, c'est que le stockage était fait sans le moindre conditionnement. Des granulés en vrac à même le sol, hautement instables, voilà comment était stocké le produit qui a explosé. Un produit "inerte" certes, mais hautement explosif en présence d'autres produits, parfois quelques gouttes d'huile. On sait qu'il y a déjà eu des explosions de ce type. Ainsi, l'histoire du "scénario pas prévu " est un mensonge criminel. Et il reste 1.000 tonnes entreposées dans les mêmes conditions. Sans compter que derrière l'AZF, dans la SNPE (entreprise de poudrerie), était entreposé un gaz de combat (phosgène), variante du gaz moutarde de sinistre mémoire.
Quelle que soit la cause immédiate de l'explosion, loin
d'être un "accident" comme le proclame le procureur de Toulouse,
c'est bel et bien d'un acte criminel qu'il s'agit. Un acte criminel dicté par
la seule logique que connaisse le capitalisme : celui de la productivité à tout
crin, du profit et de l'accumulation. Et il ne s'agit pas seulement de la
responsabilité de Total-Fina, avec qui la bourgeoisie voudrait bien limiter les
dégâts en le présentant comme seul responsable. On a vu ces crapules, en
commençant par le maire de Toulouse qui se donne des airs de Giulani (le maire
de New York), insinuant sans cesse que "c'est la faute à d'autres" et
qu'il "l'avait déjà dit", etc. En fait, qui a signé les autorisations
successives des agrandissements de l'usine, en sachant pertinemment que le
danger devenait de plus en plus grand ? Il s'agit d'une logique que les Chirac,
Douste, Desmarets, Jospin et ses écolos de service essayent de masquer sous des
dehors très vertueux, poussant l'obscénité charitable jusqu'à faire l'obole
chacun de 10 millions de francs. Leur argent pue la mort. Si les intérêts de
leur classe le commandent, tous signeront demain, le sourire aux lèvres,
l'autorisation d'exploitation d'usines tout aussi dangereuses, tout en parlant
"sécurité", "environnement", "ISO 14001",
"directives Seveso" et autres foutaises !
Qui plus est, depuis de longues années, les pouvoirs publics
ont fomenté une urbanisation autour de l'usine, pour loger les ouvriers de la
reconstruction des années 50-70. En effet, ce sont les quartiers parmi les plus
populaires et les plus denses de Toulouse qui ont été touchés. Une urbanisation
menée par le Conseil général de gauche ou par la Mairie de droite. Ainsi, comme
à Enschede (Pays-Bas) en mai 2000[2] [110], aux
prolétaires morts dans l'accident, s'ajoutent les destructions qui ont dévasté
les quartiers ouvriers du sud de Toulouse. Depuis les effondrements d'Empalot
jusqu'aux trous béants du Mirail, c'est tout l'arc d'habitations ouvrières qui
a été en grande partie ravagé. Ils peuvent se pointer ces politicards dans
leurs hélicoptères, la gueule enfarinée, la larme à l'œil, venir pleurnicher et
offrir des millions pour la "reconstruction". C'est, comme toujours,
la classe ouvrière qui paye le prix fort de l'irresponsabilité meurtrière du
capitalisme. Ce n'est pas vraiment un choix que de vivre à proximité de ces
usines dans des quartiers parfois construits avec du toc, passablement pourris,
parfumées aux arômes de l'Onia, comme par exemple, le quartier Empalot
construit sur l'ancienne décharge de Toulouse.
L'Onia (AZF) avait 3.000 emplois dans les années 70. Il y en
a aujourd'hui 450. Et pourtant, la direction de l'usine et la bourgeoisie
régionale ont joué en permanence sur le chantage à l'emploi devant les
inquiétudes de plus en plus fortes face à un tel danger. Plus il y a avait des
extensions et plus on licenciait. Et les économies se sont aussi faites sur la
sécurité, avec tout ce que cela veut dire de perte de vigilance et de
surveillance de la production ou du stockage. Avec la crise de surproduction,
il faut produire au moindre coût. Le choix imposé aux ouvriers est alors :
accepter le danger permanent (jusqu'à une mort atroce) ou le chômage… Un choix
éminemment "démocratique". D'ailleurs, les ouvriers de l'AZF toujours
vivants sont dramatiquement partagés aujourd'hui entre la défense de "l'
honneur" des camarades morts et le fait qu'ils savent parfaitement que la
direction de l'usine a fait des économies, malgré de prétendues surveillances
ultra sophistiquées, sur tout ce qui concerne la sécurité, surtout humaine. Ils
savent très bien dans quelles conditions se faisaient les transports, ils
savent comment était stocké le nitrate sans la moindre surveillance, comment,
dernièrement, face à une accélération des cadences, les conditions de sécurité
se sont encore détériorées. Les ouvriers de l'AZF ont été ulcérés du fait qu'on
ait pu penser à une "mauvaise manipulation" de l'un de leurs
camarades, comme on a voulu le faire croire au début. Aujourd'hui il faut qu'ils
comprennent qu'il ne s'agit pas de leur "honneur", de leur
"savoir-faire", il s'agit de comprendre pour eux et pour le
prolétariat en général, qu'ils sont victimes d'un capitalisme décadent et
criminel.
Les exemples de catastrophes industrielles à répétition ne
manquent pas. Ils sont le signe, non pas de la nécessité de prendre des risques
pour satisfaire des besoins vitaux de l'humanité, mais des risques pris
délibérément au nom de la productivité et de la concurrence. Finalement, tous
ces morts, blessés et mutilés ne pèsent pas plus lourds qu'une ou deux lignes
de la rubrique "pertes et profits" du macabre livre de compte de la
bourgeoisie. Elle y intègre tout aussi facilement les "faux frais"
que représentent les monceaux de directives du style "Seveso", bel
exemple de la façon dont la bourgeoisie tire des "leçons" des
précédentes catastrophes : quelques vagues "informations" pour
prévenir la panique des populations. Quels mensonges ! Dans le cas présent, les
entrepôts n'avaient pas été inspectés, aucune mesure face à la dangerosité
avérée des nitrates, même pas un plan de l'usine disponible, de prétendus
exercices… qui n'ont jamais existé que sur le papier, pour ne pas parler de ces
mesures de confinement, grotesques, quand on n'a plus un carreau debout, quand
vos portes et vos fenêtres sont soufflées. Au milieu de la tragédie, ces
"conseils" de la mairie apparaissaient comme une sinistre moquerie.
Jamais nous ne pourrons nous réfugier derrière des directives, des normes, des inspections de sécurité, instituées par ceux là même qui gèrent la production, de la même façon que les discours de paix de tous les Etats ne sont que des préparatifs pour de nouvelles boucheries militaires. La seule garantie de sécurité pour l'humanité réside dans la constitution d'une communauté internationale véritablement humaine, c'est-à-dire une société où l'homme et son environnement sont le point de départ et d'arrivée de toutes les préoccupations. Pour cela, il faudra d'abord balayer les décombres de cette société pourrie et meurtrière. C'est le programme révolutionnaire de la classe ouvrière. C'est notre programme, notre combat.
RS (25 septembre)[1] [111] En tout et pour tout en termes de "sécurité" : des affiches rédigées en anglais, langue qu'aucun ouvrier indien ne connaissait.
[2] [112] Un entrepôt de feux d'artifice se trouvait en plein milieu d'un quartier ouvrier de cette ville industrielle de l'est de la Hollande : 20 morts, 700 blessés, des centaines de maisons détruites. Malgré les vieilles inquiétudes, l'usine avait un permis en règle.
Prises de position de nos camarades d'Internationalism, section du CCI aux Etats-Unis,
suite aux tragiques événements du 11 septembre.
Aujourd'hui, chacun de par le monde est au courant des événements tragiques qui ont coûté des milliers de vies et causé de terribles destructions à la ville de New York, la soi-disant "capitale du monde", et au Pentagone, quartier général des forces armées américaines à Washington et symbole de la puissance du capitalisme américain. Ces milliers de morts pour rien (la plupart des ouvriers), les destructions matérielles, ce mépris total pour la vie humaine, la folie de ceux qui ont perpétré ces actes les conduisant eux-mêmes vers la mort, tout cela est l'expression de l'impasse d'un système social qui chaque jour entraîne l'humanité dans la spirale sans fin de la barbarie et s'enfonce de plus en plus dans la décomposition. Jamais auparavant la population américaine n'avait fait l'expérience d'une catastrophe de cette importance, provoquée par des hommes, sur son propre territoire. La guerre et la destruction, c'était toujours pour les "autres", spécialement quand l'impérialisme américain était responsable de la destruction de pays et de leurs populations.
C'est pourquoi, à la suite de ces événements, il règne parmi la classe ouvrière américaine et la population dans son ensemble, un véritable sentiment de terreur, d'impuissance et de désespoir, mêlé à un sentiment de solidarité envers les victimes directes de ces événements barbares. Cependant, l'ambiance qui domine de plus en plus la société aujourd'hui, c'est la manipulation par la classe dominante de la situation créée par cette tragédie, pour réactiver la haine et le patriotisme, pour inciter aux sentiments nationalistes les plus vils, dans le but d'unir les citoyens derrière l'Etat, et donc de faire en sorte que la population accepte la militarisation de la société et les sacrifices requis par les aventures impérialistes américaines dans le monde.
Il ne fait aucun doute que la classe dominante remporte un succès immédiat en tournant cette tragédie à son avantage. La xénophobie la plus écoeurante et les attitudes vengeresses et sanguinaires ont été exprimées par tous les secteurs de la population. Le sentiment d'unité nationale, l'identification de la population avec l'Etat, n'ont jamais été si importants au cours de cette génération. Il y a un grand danger d'accélération et d'escalade dans toutes ces expressions de la barbarie sociale. Dans ce contexte, la classe ouvrière -seule force sociale capable de mettre fin à la folie du capitalisme mondial- doit faire face aujourd'hui à d'énormes responsabilités. Il lui faut comprendre la situation actuelle à partir de sa propre perspective de classe.
Les révolutionnaires ont toujours condamné le terrorisme comme
étranger aux méthodes de lutte de la classe ouvrière contre
le capitalisme. Ils ont toujours dénoncé le terrorisme -quand
il n'est pas lui-même le produit de la manipulation des hauts dirigeants
de l'appareil d'Etat- comme étant au mieux un acte de désespoir
de couches de la société sans avenir, qui n'ont rien de positif
à offrir à la société dans son ensemble, et à
la classe ouvrière en particulier. En dernière analyse, les actes
terroristes ne font que renforcer l'Etat, spécialement son contrôle
sur la société et son appareil répressif, ce que les actes
terroristes étaient supposés attaquer en premier lieu.
Les actions terroristes ont toujours été utilisées par
la classe dominante pour renforcer sa domination sur la société.
D'une part, l'Etat accentue inévitablement sa répression sous
prétexte de lutter contre le terrorisme, entraînant alors une militarisation
de la société, caractéristique du capitalisme décadent.
D'autre part, au niveau idéologique, l'Etat utilise la peur, l'angoisse
et la terreur causées par l'action terroriste comme moyen de rallier
la population autour de la défense de l'Etat national, en s'appuyant
lourdement sur ses "mass media" dans ce but.
Ces vieilles leçons sont confirmées par les récents événements.
Qui tire bénéfice de ce récent carnage, sinon l'Etat américain
?
Dans sa course à la guerre, la classe dominante veut se poser en représentant de la civilisation contre la barbarie, comme une nation pacifique, mue par les plus beaux principes de "démocratie", de "liberté", et autres merveilles du capitalisme. En même temps, elle veut que sa population, et en particulier la classe ouvrière qui va payer de sa personne les sacrifices imposés par la guerre, voit l'"ennemi" comme étant des barbares poussés par le "mal", le "fanatisme" et la folie. La classe ouvrière n'a rien à gagner à choisir un camp contre l'autre. Le capitalisme est mal placé pour se poser en personnification de la civilisation, surtout pas après avoir, pendant un siècle, plongé l'humanité dans des massacres et des destructions en masse, incluant deux guerres mondiales et de nombreux conflits qui ont coûté la vie à plus de cent millions de personnes, et provoqué l'accélération de la décomposition de la société ainsi que la destruction de l'environnement.
En vérité, c'est le capitalisme lui-même qui nourrit et manipule le terrorisme. Il n'y a pas de différence de nature entre, d'un côté les destructions et les morts causées par les actions terroristes des groupes et des Etats islamistes ou de l'IRA en Irlande, et d'un autre côté les destructions rayant des pays entiers de la carte, commises par les démocraties civilisées. Elles sont toutes les deux l'évidence que le capitalisme conduit le monde vers une impasse. De ce point de vue, la tragédie de New York et de Washington, touchant deux endroits situés au centre même du système capitaliste mondial, à qui jusqu'à présent avaient été épargnés les pires effets de la décomposition du capitalisme, signifie en réalité que nous nous enfonçons encore plus profondément dans la spirale de la barbarie capitaliste. A partir de maintenant, il n'y aura plus de "havre protégé", les centres mêmes du capitalisme vont faire l'expérience du chaos et de la folie qui, depuis des décennies, apportent la souffrance aux pays de la périphérie.
L'hypocrisie des démocraties "anti-terroristes" assoiffées de sang, qui en ce moment se préparent à la guerre contre l'Afghanistan, pays frappé par la plus extrême pauvreté, sous le prétexte qu'il abrite Oussama Ben Laden et ses partisans, se révèle par le fait que c'est l'impérialisme américain à travers la CIA, qui a entraîné et financé Ben Laden et les Talibans pour les faire se battre à sa place contre l'impérialisme russe en Afghanistan dans les années 1970-80. Inévitablement, les vraies victimes de cette guerre contre le terrorisme ne seront pas les terroristes eux-mêmes, mais les milliers de paysans innocents et de miséreux dont les morts ne seront considérés que comme "dommages collatéraux". Ces morts, causés par l'impérialisme occidental, ne serviront qu'à justifier plus de terrorisme dans les métropoles, ce qui accélérera encore plus la chute de l'humanité dans la barbarie, sous les auspices du capitalisme mondial.
Les ouvriers du monde entier n'ont ni Etat ni pays à défendre. Contre les cris de guerre de nos exploiteurs, contre leurs tentatives sordides de dénaturer les tendances naturelles vers la solidarité humaine en un nationalisme le plus chauvin et le plus méprisable, notre seul intérêt est de faire revivre la guerre de classe contre l'exploitation et de mettre enfin un terme à cette prétendue "civilisation capitaliste" qui entraîne l'humanité vers la barbarie et sa propre destruction.
Internationalism, organe du CCI aux Etats-Unis (16 septembre)
Le terrible bain de sang du 11 septembre à New-York n'est pas un coup de main inattendu du "fanatisme islamique" surgissant tel l'éclair dans un ciel d'azur. C'est au contraire un nouveau maillon, qualitativement plus grave, de la longue chaîne des guerres, des actes de destruction, du développement du militarisme et des armements, qui ravagent le monde.
Il y a dix ans, le père de l'actuel président américain promettait un "nouvel ordre mondial". L'effondrement de ce que son prédécesseur, Ronald Reagan, avait appelé "l'Empire du Mal", amènerait avec lui le triomphe de la "démocratie" et du capitalisme "libéral", et cela devait permettre une société dont les facteurs de conflit disparaîtraient progressivement et dans laquelle toutes les nations respecteraient le Droit, la Loi et la Justice, avec des majuscules.
Dès que sont apparues les premières convulsions graves de l'ancien bloc soviétique, nous avons annoncé que la perspective serait tout le contraire. "Loin de signifier la paix, l'implosion des blocs issus de Yalta est porteuse, comme la décomposition du système capitaliste qui en est à l'origine, de toujours plus de tensions et de conflits. Les appétits de sous-impérialismes, jusque là déterminés surtout par la division mondiale entre deux camps principaux, que les têtes de blocs ne dominent plus aujourd'hui comme auparavant, vont se développer" ("Présentation des thèses sur la crise économique et politique en URSS et dans les pays de l'Est [116]", Revue Internationale n° 60). Nous n'allions pas vers un "nouvel ordre mondial", mais vers un "monde de désordre meurtrier, de chaos sanglant dans lequel le gendarme américain tentera de faire régner un minimum d'ordre par l'emploi de plus en plus massif et brutal de sa puissance militaire" ("Militarisme et décomposition [117]", Revue Internationale n° 64).
La guerre du Golfe en 1991 a été le premier épisode, puis il y a eu la Yougoslavie, le Moyen-Orient, le Rwanda, la Somalie, le Soudan, la Sierra Leone, le Congo, l'Algérie, l'Angola, l'Afghanistan, le Timor, la Tchétchénie, la Colombie, la Birmanie, le Cachemire... Cette succession de convulsions violentes fait partie de la dynamique qui a conduit à cet attentat terrible sur les Twin Towers : une explosion, sans précédent dans l'histoire, des appétits impérialistes de chaque Etat, petit ou grand (contenus pendant de nombreuses années par la discipline de fer des blocs mais violemment aiguisés par l'aggravation de la crise économique) a déterminé dix ans d'affrontements chaotiques, sans ordre ni concertation, sans perspective ni stratégie ; une explosion qui, si le prolétariat mondial ne réagit pas, finira par déboucher sur la destruction de l'humanité.
Pourquoi cette dynamique ? N'y aurait-il pas un point d'équilibre possible qui permettrait de canaliser les tensions en leur donnant un cadre de négociation ? Les différentes fractions de la classe dominante prêchent évidemment cette idée. Le discours officiel des gouvernants occidentaux nous dit que les grandes puissances "démocratiques" s'évertuent à établir des règles justes permettant un "nouvel ordre mondial", mais que cet effort louable est torpillé par toutes sortes de forces obscures : les dictateurs du genre Saddam Hussein ou Milosevic, le terrorisme international qui possède de terribles armes secrètes, les Etats "voyous" (Corée du Nord, Afghanistan, Libye, etc.). Et pour atteindre avec succès ce "nouveau monde" tant de fois promis, il faudrait se mobiliser dans les croisades guerrières contre ces "nouvelles menaces", contre ces "nouvelles formes de guerre".
Pas moins inconsistantes, mais plus insidieuses, sont les explications données par les partis de gauche de la bourgeoisie. Bien sûr, elles considèrent comme nécessaire de "combattre le terrorisme" et les "nouvelles formes de guerre" et sont, de loin, les plus enthousiastes pour la mobilisation guerrière mais, en même temps, elles ajoutent leur grain de sel "critique" en revendiquant de mettre un terme aux "excès" du "néolibéralisme" et de la "mondialisation" qui empêcheraient un ordre "plus juste".
Enfin, malgré leurs propositions incendiaires, les fractions qui soutiennent les Etats "voyous" et le "terrorisme international" tiennent un discours pas moins répugnant que celui de leurs opposants "civilisés" : elles justifient des actes comme l'attaque sur le World Trade Center comme un "assaut des peuples opprimés contre l'impérialisme" et se réjouissent de façon revancharde que les souffrances que subissent les masses palestiniennes et arabes soient infligées aux populations des métropoles opulentes.
Tous ces courants politiques sont l'expression, dans leurs différentes fractions, du système capitaliste qui conduit l'humanité à la barbarie. Leurs diverses allégations stupides non seulement n'expliquent rien mais visent en plus à enchaîner le prolétariat et la majorité de la population au joug du capitalisme et de l'impérialisme, en rivalisant dans l'excitation des plus bas instincts, de la haine, de la vengeance et du massacre.
Seule la méthode historique du marxisme, comme expression la plus avancée de la conscience de classe du prolétariat, peut donner une explication cohérente du désordre meurtrier qui règne dans le monde et mettre en avant la seule solution possible : la destruction du capitalisme dans tous les pays.
En 1989, face à l'effondrement du stalinisme et plus globalement du bloc impérialiste organisé autour de la Russie, nous avions mis en évidence que ces événements signaient l'entrée du capitalisme dans une nouvelle phase, ultime et terminale, de sa décadence : la phase de la décomposition.
Dans le texte "La décomposition, phase ultime de la décadence capitaliste [118]", que nous avons publié dans la Revue Internationale n° 62, nous avons situé sa racine dans une caractéristique inédite de la période historique ouverte en 1968 : d'une part, le prolétariat a repris ses luttes de classe mais à aucun moment celles-ci n'ont réussi à dépasser un niveau simplement défensif. Cela a empêché la bourgeoisie d'imposer sa réponse, la guerre impérialiste généralisée, à la crise sans issue de son système. Et cela a plongé la société mondiale dans un bourbier : "Alors que les contradictions du capitalisme en crise ne font que s'aggraver, l'incapacité de la bourgeoisie à offrir la moindre perspective pour l'ensemble de la société et l'incapacité du prolétariat à affirmer ouvertement la sienne dans l'immédiat ne peuvent que déboucher sur un phénomène de décomposition généralisée, de pourrissement sur pied de la société".
Ce bourbier a marqué profondément l'évolution du capitalisme dans tous les aspects de son existence : "Dans la mesure où les contradictions et les manifestations de la décadence du capitalisme qui, successivement, marquent les différents moments de cette décadence, ne disparaissent pas avec le temps mais se maintiennent, et même s'approfondissent, la phase de décomposition apparaît comme celle résultant de l'accumulation de toutes ces caractéristiques d'un système moribond, celle qui parachève et chapeaute trois-quarts de siècle d'agonie d'un mode de production condamné par l'histoire." (Ibid.)
Sur le plan de l'évolution des conflits impérialistes, la scène mondiale est dominée par une série d'éléments particulièrement graves et destructeurs :
Tout cela a aggravé le chaos dans les conflits impérialistes car, comme nous l'affirmons dans la Résolution sur la situation internationale de notre 14e Congrès, en mai 2001 "La caractéristique des guerres dans la phase actuelle de la décomposition du capitalisme est qu'elles ne sont pas moins impérialistes que les guerres dans les précédentes phases de sa décadence, mais elles sont devenues plus étendues, plus incontrôlables et plus difficiles à arrêter même temporairement". (Revue Internationale n° 106)
Les Etats-Unis sont les grands perdants de cette situation. Leurs intérêts nationaux s'identifient avec le maintien d'un ordre mondial construit à leur propre avantage. Cependant l'évolution du capitalisme en décomposition démolit tous les piliers qui permettent à cet ordre de se maintenir :
Face à ce conglomérat sanglant d'influences croisées, de forces qui tirent dans tous les sens, les Etats-Unis, le "shérif" mondial, se voient obligés de continuer et de répéter des coups de force, d'authentiques coups de poing sur la table, comme nous l'avons vu dans le Golfe ou au Kosovo. Ces exhibitions de leur puissance militaire époustouflante obligent leurs rivaux à baisser la tête et à s'aligner sur le grand caïd. Cependant, quand cesse l'effet d'intimidation, tous reviennent à leurs agissements antérieurs.
Il est difficile de déterminer avec exactitude qui est derrière l'attaque sanglante du 11 septembre. Ce qui est certain cependant, c'est qu'immédiatement, avec des milliers de cadavres encore chauds, l'Etat américain, à l'unanimité de toutes ses fractions, a fait entendre bruyamment ses tambours de guerre. Profitant du terrible impact émotionnel que le massacre a provoqué dans la population américaine, il a entraîné celle-ci dans une violente hystérie patriotique, dans une mobilisation guerrière sans précédent.
Simultanément, les pays de l'OTAN ont tenu à se montrer fermes et, non seulement cela, mais ils ont dû avaler la couleuvre d'appuyer solennellement l'article 5 du traité qui oblige à la "solidarité" avec tout pays membre qui est attaqué. Les Etats-Unis l'ont dit clairement par la bouche d'un diplomate de haut rang : "celui qui ne rejoint pas la coalition sera considéré comme un ennemi".
Mais il y a une différence notable entre le nouveau déploiement militaire que les Etats-Unis préparent actuellement et celui qu'ils ont réalisé dans le Golfe en 1991. Lors de l'opération "Tempête du désert", il s'agissait fondamentalement d'une démonstration de force alors qu'aujourd'hui, comme l'a précisé Bush : "il ne s'agit pas d'une vengeance, ni d'une réaction symbolique mais de gagner une guerre contre les comportements barbares. "C'est pour cela qu'il a affirmé lors de sa harangue télévisée: "On vous demandera de la patience parce que le conflit ne sera pas bref. On vous demandera de la ténacité parce que le conflit ne sera pas facile. On vous demandera toute votre force parce que le chemin de la victoire sera long".
Ce qui se profile pour les prochaines semaines, c'est une campagne militaire d'envergure qui va impliquer plusieurs théâtres d'opérations. Le choix de l'Afghanistan comme première cible n'est pas un hasard et n'a rien à voir avec Ben Laden. Ce pays a une importance stratégique fondamentale. Il est situé au carrefour entre la Russie, la Chine, l'Inde et, pour ce qui le concerne, ses immenses montagnes sont comme un observatoire et une plate-forme de pression sur le Proche-Orient -Palestine et Israël, Emirats Arabes, Arabie, etc.- qui est un noeud crucial pour le contrôle de l'Europe. Les Etats-Unis, en même temps qu'ils obligent tous les Etats et particulièrement leurs anciens alliés à se rallier à leurs objectifs, cherchent des positions plus stables et solides qui leur permettent un contrôle bien plus grand de la scène mondiale.
L'aggravation de la situation impérialiste mondiale a connu une accélération considérable et particulièrement dramatique :
Le pas qualitatif dans les conflits impérialistes est plus qu'évident. Nous ne sommes pas à la veille d'une troisième guerre mondiale comme l'ont crié certaines proclamations alarmistes. Cependant, cela n'est en rien une consolation car ce que confirment dramatiquement les événements est la tendance que prend la guerre dans la période de décomposition du capitalisme.
Une tendance qui peut conduire à la destruction de l'humanité si le prolétariat ne parvient pas à renverser le capitalisme avant qu'il n'anéantisse la planète.
RI
Au nom de la "liberté des peuples", un déluge de bombes et de feu s'abat depuis plusieurs semaines sur les populations civiles d'Afghanistan, obligeant des dizaines de milliers d'êtres humains, hommes, femmes, enfants, vieillards à fuir l'horreur, à s'entasser comme du bétail dans les camps de réfugiés aux frontières du Pakistan, dans l'espoir d'échapper à une mort effroyable. Ce qui les attend, au bout du voyage, ce sont les épidémies, le froid et la faim qui vont les condamner à une mort lente, non moins effroyable.
Voilà encore une fois mis à nu le vrai visage des expéditions "humanitaires" des grandes puissances dont la barbarie n'a vraiment rien à envier à celle des petits gangsters impérialistes du réseau Ben Laden.
Ceux qui déchaînent aujourd'hui le fer et le feu prétendent encore une fois défendre la loi. Leur loi, c'est celle du capitalisme mondial qui consiste depuis près d'un siècle à faire la guerre au nom de la paix, avec des moyens "propres", "efficaces", et bien "ciblés". Il s'agirait de démanteler le réseau terroriste sans toucher à la population civile. Pour preuve, en même temps que l'aviation américaine et britannique largue ses bombes, des sacs de vivres sont parachutés à l'aveuglette pour donner à cette guerre un visage "humain" et "civilisé". Quand on sait que ces vivres sont réquisitionnées par les militaires talibans et qu'elles sont revendues au marché noir, on mesure tout le mépris des grandes puissances pour les populations civiles. Quant à l'aide humanitaire" des organisations caritatives et autres ONG, elle ne peut être acheminée à cause, nous dit-on, des... difficultés du relief ou de la fermeture des frontières entre l'Afghanistan et le Pakistan. Aujourd'hui, alors que l'offensive américaine et britannique s'intensifie jour après jour, après plus de trois semaines de bombardements intensifs, on nous annonce encore que le terroriste Ben Laden est... "incapturable" !
Jamais le cynisme et l'hypocrisie de la "civilisation" bourgeoise
n'avaient atteint un tel degré !
Cette guerre apparaît aujourd'hui lointaine, exotique, presque irréelle.
Alors que la phase terrestre de l'opération "Liberté Immuable"
a déjà commencé depuis plusieurs semaines, les médias
restent très discrets sur la réalité des massacres. Pas
de sang, pas de morts, pas d'image de combats. On nous parle de quelques "dommages
collatéraux", mais la guerre du Golfe nous a appris ce que cela
signifiait : comme toujours, ce sont les civils qui sont les principales victimes,
et en grand nombre, des "frappes chirurgicales" et des "bombes
intelligentes". La bourgeoisie occidentale, au nom du "secret défense",
a organisé un tel black out de la réalité du bain de sang
que la guerre est aujourd'hui banalisée, noyée au milieu des autres
catastrophes "accidentelles", comme celle de l'explosion de l'usine
AZF à Toulouse, ou celle du tunnel du Gothard en Suisse.
Mais surtout, ce qui fait aujourd'hui la Une de l'actualité, c'est tout le barouf organisé autour du bioterrorisme. Chaque jour, on nous annonce de nouveaux cas d'anthrax, de nouvelles alertes à la mystérieuse "poudre blanche", pour nous faire oublier le pilonnage des villes d'Afghanistan soumises au terrorisme meurtrier des Etats-Unis et de leurs complices européens. Cette campagne hypermédiatisée n'a pas d'autre objectif que de terroriser la classe ouvrière d'Europe et d'Amérique, de lui faire croire qu'elle est quotidiennement attaquée, menacée sur ses lieux de travail par les méthodes sournoises des réseaux terroristes. Etant la principale victime de ces "faits de guerre", elle n'aurait donc pas d'autre choix que d'apporter son soutien à cette guerre "juste" contre le terrorisme.
Voilà comment la bourgeoisie et ses médias aux ordres s'efforcent aujourd'hui de brouiller la conscience des prolétaires : en cherchant à leur faire croire que cette guerre est aussi la leur. Au lendemain du terrible attentat du World Trate Center, ne nous a-t-elle pas dit que nous devions tous "nous sentir américains" ?
Prolétaires, cette guerre n'est pas la nôtre ! C'est celle à laquelle se livrent tous les requins impérialistes, petits et grands, pour des intérêts qui ne sont pas les nôtres. Ceux qui nous exploitent, nous licencient, nous plongent dans une misère croissante sont les mêmes que ceux qui bombardent, ou soutiennent les massacres. Les Bush, Blair, Chirac, Schröder et consorts appartiennent à la même classe d'assassins que Ben Laden. Et c'est toujours sur le dos des exploités et des populations civiles prises en otage que se font leurs sordides règlements de compte. Le capitalisme mondial est le seul responsable du terrorisme et de la folie meurtrière dans laquelle s'enfonce toujours plus l'humanité.
Prolétaires, ne nous faisons aucune illusion ! Le capitalisme, asphyxié par une crise économique insurmontable, ne peut que continuer à mettre la planète à feu et à sang. La prétendue "bonne volonté" des grands de ce monde ne pourra jamais stopper la spirale infernale de la barbarie guerrière. Les opérations de police des Etats-Unis et de leurs alliés européens ne peuvent que continuer à se multiplier. Après la guerre du Golfe de 1991 censée libérer le peuple irakien du "boucher de Bagdad", on a eu droit à la croisade anti-Milosévic au Kosovo. Aujourd'hui, l'homme à abattre, c'est "l'incapturable" Ben Laden. Et on peut être sûr qu'une fois cette guerre terminée, une autre plus meurtrière encore sera en préparation sous un autre prétexte.
Le "nouvel ordre mondial", cette "ère de paix" que le vieux Bush nous avait promise au lendemain de l'effondrement du bloc de l'Est, n'est qu'un pur mensonge. La paix est impossible dans le capitalisme.
La seule issue, la seule perspective d'avenir pour l'espèce humaine, c'est la destruction de ce système avant qu'il ne détruise toute la planète morceau par morceau. Et cette perspective, seule la classe exploitée, qui est la première et principale victime de la guerre, la détient entre ses mains. Pour cela, elle doit refuser de faire cause commune avec ses propres exploiteurs et de s'en remettre aux lois barbares des gouvernements qui prétendent la protéger du terrorisme. Elle doit au contraire rester sur son propre terrain de classe, développer ses luttes contre la dégradation de ses conditions de vie, ne pas se laisser intimider et paralyser par la terreur que la bourgeoisie cherche à semer dans ses rangs, que ce soit par le renforcement du quadrillage policier de toute la vie sociale son couvert de plan "Vigipirate", ou la psychose des attentats renforcée par la campagne sur la maladie du charbon.
C'est avec une rapidité extraordinaire que la police et les services
secrets américains ont montré du doigt les coupables des attentats du 11
septembre : Oussama Ben Laden et son réseau terroriste Al-Qaida. Ils
désignaient du même coup l'objet des représailles guerrières : le régime
taliban et le pays qui servait de base aux terroristes : l'Afghanistan.
Les USA ont donc réagi en incriminant la responsabilité des "Etats-voyous". Pourtant, si une puissance a pu retirer des bénéfices impérialistes des attentats du 11 septembre, c'est bien les Etats-Unis.
Les attentats terroristes auront permis à la bourgeoisie américaine de réaliser un gigantesque coup de force dans l'arène mondiale au nom de l'anti-terrorisme. Ils auront fourni un prétexte rêvé pour prendre pied aux portes de l'Asie en occupant militairement l'Afghanistan et les pays limitrophes, c'est-à-dire les anciennes places fortes de son grand rival impérialiste d'il y a vingt ans, l'URSS. C'est là une spectaculaire percée stratégique américaine vers les terres et les mers chaudes d'Asie. Pour la première fois, l'impérialisme américain est à même d'investir toute l'Asie Centrale et ne se limite plus à chercher à conserver et renforcer un contrôle direct de la Méditerranée, à partir du Proche et du Moyen-Orient. Les Etats-Unis en annonçant une "guerre longue et dure" entendent légitimer le renforcement de leur présence militaire permanente dans la région (déjà assurée dans le Golfe par la présence de leur bases à Dharan en Arabie), au détriment direct de leurs rivaux déclarés ou potentiels et en forçant leur consentement.
En occupant militairement l'Ouzbékistan et le Tadjikistan, deux ex-républiques de l'empire éclaté de l'URSS, les Etats-Unis supplantent la Russie dans ses anciennes chasses gardées moyennant un "deal" qu'ils lui imposent désormais pieds et poings liés en mettant en avant des intérêts communs pour agir contre le "terrorisme intégriste".
Les Etats-Unis coupent ainsi en même temps l'herbe sous le pied des ambitions nouvelles de la Chine d'étendre son influence sur l'Asie Centrale. Du même coup, ils barrent désormais la route aux avancées impérialistes réalisées par l'Allemagne vers l'Est ces dernières années, que ce soit dans les Balkans et dans la zone faisant partie de l'ancien glacis russe ou par le jeu d'alliances que la bourgeoisie germanique cherche à s'aménager au Proche ou au Moyen-Orient, de la Turquie à l'Iran, indispensable pour prétendre se poser en futur rival principal des Etats-Unis.
Ils ont également démontré aux yeux de toutes les autres puissances leur
capacité à intervenir militairement en n'importe quel point de la planète.
Il n'est pas à écarter que la menace terroriste ait été délibérément ignorée et
que les "négligences incompréhensibles" des services de renseignement
américain face au danger d'actes terroristes aient été voulues[1] [121].
De toutes façons, ce qui est clair, c'est que l'ancien espion Ben Laden formé et recruté par la CIA en 1979 dans le conflit contre l'URSS continue à rendre de fieffés services aux Etats-Unis. Il joue pratiquement le même rôle de bouc émissaire que le dictateur Saddam Hussein qui avait permis aux Etats-Unis de monter leur opération militaire dans le Golfe visant en fait à remettre au pas ses anciens alliés après la dislocation du bloc occidental.
La guerre du Golfe avait pour vocation de faire taire les velléités de contestation de l'hégémonie américaine qui s'étaient manifestées après l'éclatement du bloc russe, en particulier de la part de la France et de l'Allemagne. Et c'est pour préserver leur rôle de gendarme du monde que les Etats-Unis avaient effectué cette spectaculaire opération militaire.
Depuis, il y a eu l'éclatement de l'ex-Yougoslavie sous la pression de l'Allemagne poussant la Slovénie et la Croatie à proclamer leur indépendance qui a permis à l'impérialisme germanique de marquer des points dans sa poussée vers l'Est et la Méditerranée aux dépens de la Serbie. Puis dans l'extension du conflit des Balkans en Bosnie, au Kosovo, en Macédoine, les "seconds couteaux" britanniques et français se sont démarqués de la tutelle américaine pour défendre leurs intérêts propres en se retrouvant également opposés à l'Allemagne.
Ce développement de la contestation généralisée envers les Etats-Unis oblige ces derniers à utiliser toujours davantage leur force brute et leur suprématie militaire écrasante pour préserver leur statut de gendarme du monde. C'est pourquoi si l'opération guerrière "Liberté immuable" menée sous la bannière de la croisade anti-terroriste a vu battre le rappel des "alliés" de la guerre du Golfe, contrairement à cette époque où "l'alliance" incorpora les forces militaires de plusieurs Etats européens et arabes (notamment l'Arabie Saoudite et la Syrie), ils affichent leur détermination à assumer leurs responsabilités militaires essentielles sans l'aide de la plupart des puissances européennes (à l'exception de la Grande-Bretagne). Ils ne peuvent bien entendu qu'obliger ces dernières à les soutenir mais la France et l'Allemagne notamment se retrouvent écartées du coeur des opérations militaires. Pour maintenir leur présence sur le terrain, elles sont contraintes d'accepter de se voir reléguées à des rôles subalternes de services de renseignements ou des actions secondaires de commando. Les Etats-Unis leur signifient clairement qu'ils ne supporteront aucune entrave à leur action armée.
D'ailleurs, le positionnement actuel des autres grandes puissances vis-à-vis de l'intervention des Etats-Unis en Afghanistan sont aujourd'hui tout aussi révélatrices des prétentions impérialistes de chacune d'entre elles.
Aujourd'hui comme lors de la guerre du Golfe, la bourgeoisie britannique a tout intérêt à se positionner comme le meilleur lieutenant des Etats-Unis, se retrouvant même aux avant-postes au niveau militaire avec 25.000 hommes directement engagés dans les combats. Ce rapprochement avec les Etats-Unis s'explique par une connivence d'intérêts impérialistes et aussi par la rivalité d'intérêts directement antagoniques avec ceux de la France dans la région. Comme lors de la guerre du Golfe, la région de l'Afghanistan, de même que l'Irak, fait partie de la zone de domination traditionnelle de l'impérialisme anglais. Grâce à sa vieille expérience colonisatrice, la Grande-Bretagne connaît très bien la région et les cliques en présence. Elle sait que les Etats-Unis ont besoin d'elle et qu'elle a un rôle majeur à jouer. Pour les opérations terrestres, elle dispose des meilleures troupes spécialisées au sol et connaît parfaitement les régions difficiles concernées, contrairement aux Américains. Elle estime avoir davantage d'atouts pour préserver sa part de gâteau que lors de la guerre du Golfe où son aide aux Etats-Unis ne lui avait rien apporté et ce ressentiment avait largement contribué à opérer sa nette démarcation par rapport aux Etats-Unis dans les années suivantes. Mais la lucidité remarquable de la bourgeoisie britannique lui permet de comprendre qu'aujourd'hui son intérêt exige une coopération fidèle avec la bourgeoisie américaine.
L'impérialisme français a des intérêts diamétralement opposés. Il tente de reprendre pied au Liban dont il a été évincé par les Etats-Unis depuis les années 1980. Il entretient des liens avec la Syrie et montre sa constante sollicitude et sa "préoccupation" envers "le sort du peuple palestinien". Aujourd'hui, l'impérialisme français n'a pas d'autre choix pour pouvoir garder un pied au Moyen-Orient que de proposer ses services sur le terrain de l'antiterrorisme. Un de ses atouts majeurs était précisément l'Afghanistan où la France a été en pointe pour appuyer à fond le francophile commandant Massoud avant son assassinat en septembre dernier. Celui-ci avait d'ailleurs été reçu avec les honneurs dus à un chef d'Etat en avril dernier à Paris et la bourgeoisie française l'avait même à cette occasion imposée au parlement européen de Strasbourg. Donc la carte de la France est avant tout celle de l'Alliance du Nord, même si Védrine s'est déclaré partisan d'une mise en place d'une coalition gouvernementale plus large sous l'égide du vieux roi Zaher.
La Russie de Poutine a également assorti son aval humiliant à l'entreprise militaire des Etats-Unis d'un soutien déclaré à l'Alliance du Nord qui fut pourtant l'ennemi le plus irréductible et le plus ancien de l'ex-URSS depuis l'invasion de l'Afghanistan en 1979.
L'Allemagne, derrière ses offres de service (la mobilisation de 35.000 hommes), entend profiter de l'occasion pour développer une nouvelle intervention de la Bundeswehr à l'extérieur de ses frontières et elle mise sur cette présence sur le terrain pour renforcer sa coopération avec des pays comme la Turquie d'un côté, l'Iran de l'autre. Mais on l'a vu, la percée de l'Allemagne va s'avérer plus délicate dans le contexte de l'occupation militaire américaine. Dans cette région, la bourgeoisie germanique ne peut que jouer le même rôle que la France : tenter de déstabiliser plus ou moins ouvertement la mainmise américaine.
Tout cela augure déjà des futures dissensions au sein de la vaste coalition actuelle.
Pour s'opposer à la dynamique de "chacun pour soi", les Etats-Unis sont obligés de s'impliquer de plus en plus sur le terrain directement militaire. Ainsi, ils sont également contraints de taper à chaque fois de plus en plus fort, sous peine de perte de leur leadership, devenant ainsi les premiers responsables d'une constante fuite en avant dans la logique guerrière du capitalisme.
Sur place, les Etats-Unis sont contraints de miser avant tout sur l'aide du Pakistan, qui ne veut à aucun prix une arrivée au pouvoir de l'Alliance du Nord en Afghanistan. Il est clair aujourd'hui que les Etats-Unis n'apportent aucune aide à cette dernière pour percer le front des talibans mais au contraire paralysent au maximum ses combattants dans leur réduit pour les empêcher de s'emparer de Kaboul. Ils ne misent ainsi nullement sur la principale "force de résistance" du pays. A l'inverse, leurs laborieuses tractations diplomatiques visent à installer au pouvoir un vieux roi fantoche et à instaurer une coalition gouvernementale allant jusqu'à inclure des " talibans modérés ". Ce plan qui passera certainement par un écrasement au moins partiel (ou un affaiblissement considérable) des forces de l'Alliance du Nord n'est pas sans rappeler dans son cynisme la guerre du Golfe lorsque les Etats-Unis avaient laissé intacte une partie de l'armée irakienne pour qu'elle puisse écraser au nord et au sud du pays les rébellions des minorités kurdes et chiites (qu'ils avaient auparavant exhorté à se soulever) parce que leur intérêt était d'assurer la stabilité politique future du pays.
Cette nouvelle donne dans les rapports de force inter-impérialites ne peut qu'aviver partout les tensions guerrières. Et cette accélération du chaos est déjà perceptible actuellement.
Le soutien de la Maison Blanche au régime pakistanais a suscité la colère de l'Inde qui craint de se voir lésée dans leur conflit sur le Cachemire. En réponse a cela, l'Inde a déclenché à nouveau des bombardements en territoire pakistanais.
La situation au Moyen-Orient se dégrade à toute vitesse, comme une traînée de poudre. Les Etats-Unis pensaient profiter de leur intervention pour imposer la relance d'un processus de paix entre Palestiniens et Israéliens au Moyen-Orient appuyé par Blair qui venait d'assurer publiquement devant Arafat "la légitimité d'un Etat palestinien viable dans la région". Au contraire, alors qu'Israël manifestait quelques velléités conciliatrices, provoquant le départ de la coalition gouvernementale de deux fractions d'extrême-droite, l'assassinat du ministre du tourisme israélien (en réponse au " meurtre ciblé et commandité" d'un chef du FPLP) déclenchait une nouvelle vague de violences dans les territoires autonomes (la plus meurtrière depuis les accords d'Oslo), avec l'occupation par Tsahal de Bethléem et le blocus de Jénine.
L'intervention militaire en Afghanistan ne peut apporter ni la paix, ni la liberté, ni la justice, ni la moindre stabilité, pas plus que la "fin du terrorisme" mais au contraire ne peut qu'entraîner un surcroît de guerre, de barbarie et de misère en aspirant les populations dans un tourbillon insensé de désespoir, de vengeance et de haine. Elle prépare en même temps une rivalité plus directe des Etats-Unis avec les autres Etats européens dans la région.
Les différentes bourgeoisies nationales aux prises en Afghanistan démontrent à quel point leur prétendue croisade anti-terroriste est une foutaise, un répugnant mensonge idéologique. Elles démontrent quotidiennement qu'elles se fichent éperdument des victimes du terrorisme comme des morts de la guerre et du sort des populations locales bombardées. Les 6.000 morts des Twin Towers sont cyniquement exploités à seule fin de propagande guerrière. Comme les "body bags" annoncés de la soldatesque en action, ils font partie de la dette de sang de plus en plus lourde d'un système d'exploitation inhumain en pleine putréfaction. Derrière la défense de leurs sordides intérêts de vautours impérialistes qui anime chaque bourgeoisie nationale, il y a le capitalisme qui, en précipitant la planète dans un chaos sanglant, est le véritable responsable de ce déchaînement de barbarie. Cette exacerbation du chaos est bien le seul avenir que nous réserve le capitalisme.
CB[1] [122] Ce ne serait pas la première fois dans l'histoire des Etats-Unis. Le 8 décembre 1941, le projet d'attaque de la base américaine de Pearl Harbour à Hawaï où était regroupée la majorité des forces américaines par les forces aéronavales japonaises étaient connues par les services secrets qui en avaient informé les plus hautes autorités politiques du pays et celles-ci avaient laissé faire en n'en informant pas l'état-major militaire. Le "choc" de cette attaque et les pertes provoquées avaient permis de justifier l'entrée des Etats-Unis dans la Seconde Guerre mondiale et d'obtenir l'adhésion de la population américaine et de tous les secteurs de la bourgeoisie nationale.
Bien que la guerre tende de plus en plus à être banalisée, à devenir une "habitude" et une fatalité à laquelle chacun est appelé à se résigner, elle suscite une inquiétude bien réelle dans la population, et notamment parmi la classe ouvrière.
Livré à sa propre dynamique, le capitalisme ne peut échapper à la guerre impérialiste. Tous les bavardages sur la paix, toute la prétendue "bonne volonté" de ceux qui nous gouvernent n'y peuvent rien et les périodes de "paix" ne sont que les moments où la bourgeoisie se prépare pour des affrontements encore plus destructeurs et barbares.
Depuis l'entrée du capitalisme dans sa période historique de décadence,
avec l'éclatement de la Première Guerre mondiale, les révolutionnaires
ont toujours dénoncé la guerre comme étant le mode de vie
permanent de ce système qui ne peut engendrer que des destructions de
plus en plus massives. A la suite de l'Internationale Communiste, le CCI a toujours
affirmé qu'avec la décadence du capitalisme s'était ouverte
"l'ère des guerres impérialistes et des révolutions
prolétariennes". La guerre impérialiste est, en ce sens,
la manifestation la plus significative de la faillite historique du mode de
production capitaliste. Elle met en évidence la nécessité
et même l'urgence du dépassement de ce mode de production avant
qu'il n'entraîne l'humanité dans l'abîme ou la destruction
définitive.
Contrairement au 19e siècle où la guerre, notamment les conquêtes coloniales, était le moyen indispensable au capitalisme lui ouvrant des possibilités de développement ultérieur, les guerres de la période de décadence du capitalisme sont l'expression du fait que ce mode de production a épuisé toutes ses possibilités d'expansion. La conquête de nouveaux marchés et des positions stratégiques par les grandes puissances ne peut qu'engouffrer dans l'abîme les forces productives et accumuler à un rythme accéléré ruines sur ruines. Contrairement aux guerres de la période ascendante du capitalisme qui ne touchaient que des zones limitées du globe et ne déterminaient pas toute la vie sociale de chaque pays, la guerre impérialiste du capitalisme décadent implique une extension mondiale et une soumission de toute la société à ses exigences, et en premier lieu évidemment de la classe productrice de l'essentiel de la richesse sociale : le prolétariat. C'est bien ce qu'ont tragiquement illustré les deux guerres mondiales du 20e siècle qui n'ont pu avoir lieu que grâce à l'embrigadement massif de la classe ouvrière comme chair à canon derrière les drapeaux nationaux.
C'est justement parce que la classe ouvrière est en première ligne des sacrifices imposés par la guerre impérialiste qu'elle porte en elle la fin de toutes les guerres et le seul avenir possible pour la société, le communisme. Exclu de toute propriété, n'ayant aucune patrie et aucun intérêt économique national à défendre, le prolétariat est la seule classe réellement internationale de la société. C'est la seule classe qui puisse donc offrir une perspective d'avenir à toute l'humanité en s'opposant à la tendance inéluctable du capitalisme vers la guerre, seule réponse que la bourgeoisie puisse apporter à l'aggravation de la crise de son système, une crise permanente et sans issue.
Ainsi, c'est la crise économique, et la capacité du prolétariat à y apporter sa propre réponse qui détermine l'évolution du cours historique. De sa capacité à réagir sur son propre terrain de classe aux attaques imposées par la crise du capitalisme, dépend l'alternative historique mise en évidence par les révolutionnaires depuis près d'un siècle : socialisme ou barbarie, révolution prolétarienne mondiale ou destruction de l'humanité.
Les deux holocaustes du siècle dernier ont révélé que la préparation de la guerre impérialiste suppose pour le capitalisme le développement d'une économie de guerre dont le prolétariat, évidemment, a supporté le plus lourd fardeau. Ainsi, c'est en luttant déjà contre les mesures d'austérité imposées par la bourgeoisie qu'il entrave ces préparatifs guerriers et qu'il fait la démonstration de son refus des sacrifices encore plus terribles exigés lors d'une guerre impérialiste. Pratiquement la lutte de classe, même pour des objectifs limités, représente pour le prolétariat, une rupture de la solidarité avec "sa" bourgeoisie nationale, solidarité que celle-ci lui demande justement dans la guerre. Les luttes ouvrières expriment également une tendance à la rupture avec les idéaux bourgeois comme la "légalité", la "patrie", "l'Etat démocratique", le faux "socialisme" pour la défense desquels la classe dominante a appelé les ouvriers dans le passé à se faire massacrer et à massacrer leurs frères de classe. La lutte de classe, contre l'austérité et l'exploitation capitalistes, permet enfin au prolétariat de se confronter aux ennemis dans ses rangs, les syndicats, afin de développer son unité qui constitue la condition indispensable de sa capacité à s'opposer, à l'échelle internationale, aux règlements de compte entre gangsters impérialistes.
A l'issue de la période de reconstruction qui a suivi le second après-guerre, la classe ouvrière a repris le chemin de sa lutte contre le capitalisme dès les premiers signes du retour de la crise économique. Ainsi, la formidable grève générale de mai 68 en France et toute la vague de luttes ouvrières internationales qui l'ont suivie a montré que, après quatre décennies de contre-révolution triomphante, le géant prolétarien avait relevé la tête et avait montré sa détermination à résister à la dégradation de ses conditions de vie. La bourgeoisie n'avait plus les mains libres désormais pour déclencher une nouvelle guerre mondiale. En effet, dès la fin du deuxième conflit mondial, le partage du gâteau impérialiste entre les deux principales puissances militaires, l'URSS et les Etats-Unis n'était qu'une étape vers la préparation d'une troisième guerre mondiale. C'est bien ce qu'ont révélé tant le développement faramineux de la course aux armements que les tensions opposant les deux blocs impérialistes rivaux, celui de l'URSS et des Etats-Unis, à travers la multiplication des conflits guerriers en Asie, en Afrique et en Amérique latine. La "guerre froide" n'était rien d'autre qu'une étape vers une nouvelle guerre impérialiste généralisée. Les "trente glorieuses" résultant de la période de reconstruction qui a suivi la Seconde Guerre mondiale n'étaient qu'une pause éphémère dans la descente inexorable du capitalisme dans l'abîme. Avec la fin de cette période de relative "prospérité", la dynamique même du capitalisme ne pouvait que pousser la bourgeoisie vers une nouvelle guerre mondiale, à bouleverser l'ordre des accords de Yalta à travers l'affrontement armé entre le bloc russe et le bloc occidental.
Et si cette 3e guerre mondiale n'a pas eu lieu, c'est bien parce que, suite au resurgissement de la lutte de classe à la fin des années 60, notamment dans les grandes métropoles d'Europe occidentale, la bourgeoisie n'a pas été en mesure d'imposer au prolétariat sa propre réponse au retour de la crise économique.
Dans le passé, le terrain principal sur lequel s'est décidé le cours historique était l'Europe (notamment ses grandes concentrations industrielles d'Allemagne, d'Angleterre, de France, d'Italie). C'est l'Europe qui a été le théâtre du déclenchement des deux guerres mondiales. C'est ce continent qui a constitué l'enjeu essentiel de l'affrontement entre les deux blocs impérialistes rivaux après 1945. C'est de l'extension de la révolution prolétarienne en Europe (et notamment en Allemagne) que dépendait l'avenir de la révolution d'Octobre 1917 en Russie. C'est donc le rapport de forces entre bourgeoisie et prolétariat en Europe qui détermine l'alternative historique : guerre mondiale ou victoire de la révolution prolétarienne.
La reprise de la lutte de classe dans la vieille Europe occidentale a ainsi
ouvert un nouveau cours historique, un cours aux affrontements de classe, radicalement
opposé et faisant obstacle à la dynamique du capitalisme vers
une nouvelle guerre mondiale. En effet, le fait que, grâce à sa
capacité à reprendre le chemin de ses combats de classe, le prolétariat
ait clairement manifesté sa capacité à refuser la logique
du capitalisme en crise (notamment les baisses de salaires et la perspective
d'un retour du chômage à la fin des années 60) signifiait
qu'il était encore moins disposé à accepter le sacrifice
ultime, celui de verser son sang sur les champs de bataille du capital. Par
ailleurs, si la bourgeoisie n'a pu embrigader la classe ouvrière dans
une troisième guerre mondiale, c'est parce qu'elle n'a pas été
en mesure d'infliger au préalable à la nouvelle génération
de prolétaires, qui n'a pas connu la période noire de la contre-révolution,
une profonde défaite idéologique et physique comme ce fut le cas
lors des deux guerres mondiales. Au contraire, aux cours des trois grandes vagues
de luttes ouvrières qui se sont déroulées pendant deux
décennies depuis Mai 68, non seulement la classe ouvrière des
pays centraux du capitalisme n'a pas manifesté une adhésion enthousiaste
aux idéaux bourgeois (tels la défense de "l'Etat démocratique",
"l'anti-fascisme" ou le mythe de la "patrie socialiste"
à l'Est), mais elle a eu tendance, au contraire, à se détourner
de ces mystifications qui avaient permis son embrigadement dans les deux guerres
mondiales :
Avec la fin de la reconstruction du second après-guerre, la bourgeoisie
ne disposait donc plus de cet atout considérable pour entraîner
le prolétariat derrière la défense du drapeau national.
Ainsi, du fait de l'usure des mystifications bourgeoises qui avaient permis
l'embrigadement de dizaines de millions d'ouvriers dans la guerre en 1914 et
1939, le prolétariat, en développant ses luttes de résistance
à la crise ouverte du capitalisme à la fin des années 60,
a constitué le seul et unique obstacle au déclenchement d'une
3e guerre mondiale.
Si, tout au long des années 70 et 80 la classe ouvrière, grâce
aux développement de ses luttes, a pu empêcher la bourgeoisie de
déchaîner une nouvelle guerre mondiale (laquelle aurait probablement
signifié la fin de l'humanité compte tenu de la puissance de destruction
des armements modernes), elle n'a pas trouvé la force d'affirmer sa propre
alternative historique : le renversement du capitalisme et l'instauration d'une
nouvelle société basée non sur l'exploitation et la recherche
du profit mais sur la satisfaction des besoins de l'humanité. Cette difficulté
résulte de plusieurs facteurs :
Malgré cette gigantesque contre-offensive de la bourgeoisie mondiale, celle-ci n'est pas parvenue à inverser le cours historique aux affrontements de classe ouvert à la fin des années 60. Ainsi, les années 80 ont véritablement été les "années de vérité" venant confirmer l'incapacité de la bourgeoisie à apporter sa propre réponse à la crise. Des années de vérité parce que l'alternative historique - guerre généralisée ou révolution mondiale -non seulement est devenue plus claire mais était en un sens décidée par les événements de la décennie qui s'ouvrait. Et effectivement, les événements inaugurant cette décennie l'ont montré concrètement : d'un côté l'invasion russe en Afghanistan a mis cruellement en lumière la "réponse" de la bourgeoisie à la crise et ouvrait une période de tensions militaires aiguës entres les deux blocs impérialistes rivaux, d'un autre côté, la grève de masse des ouvriers de Pologne en août 80 faisait clairement entrevoir la réponse prolétarienne. Le mouvement des ouvriers de Pologne a montré comment le prolétariat pouvait se poser en force sociale unifiée capable non seulement de résister aux attaques du capital mais aussi de montrer la perspective du pouvoir ouvrier, un danger bien réel identifié par la bourgeoisie qui a mis de côté ses rivalités impérialistes pour étouffer le mouvement, en particulier par la mise en place du syndicat Solidarnosc. Cette grève de masse a apporté ainsi la preuve définitive que la lutte de classe est la seule force qui puisse constituer un frein à la guerre. En particulier, elle a montré que le bloc russe était incapable de répondre à la crise économique croissante par une politique d'expansion militaire. Il était clair que les ouvriers de l'ex-bloc de l'Est ne pouvaient absolument pas être enrôlés comme chair à canon dans une quelconque guerre future pour la gloire du "socialisme". Ainsi, la grève de masse en Pologne est venu confirmer la perspective historique ouverte par la grève générale de mai 68, celle de la confrontation entre les deux classes fondamentales de la société, la bourgeoisie et le prolétariat, dont dépend l'avenir de l'humanité.
Confrontée à l'approfondissement de la crise économique, la lutte de classe, bien qu'elle ait continué à avancer tout au long des années 80 dans les pays centraux du capitalisme, malgré la défaite et la répression des ouvriers de Pologne, n'a pas réussi à se hisser au niveau requis pour que le prolétariat puisse s'affirmer en tant que force révolutionnaire. Bien que les combats de la classe ouvrière aient constitué un frein à la guerre, ils ne sont pas parvenus à dépasser le niveau de simples luttes défensives, de résistance aux attaques capitalistes. Cette situation où, face à une crise sans cesse plus profonde, ni la bourgeoisie, ni le prolétariat n'ont été en mesure d'apporter leur propre réponse aux convulsions du capitalisme, s'est traduite par un blocage de l'alternative historique "guerre mondiale ou révolution prolétarienne". Après 20 ans de crise ouverte, ce blocage a donné naissance au phénomène de décomposition, de pourrissement sur pied du capitalisme que nous avons mis en évidence à la fin des années 80. Cette décomposition a culminé dans les gigantesques événements de 1989 qui ont marqué l'ouverture définitive d'une nouvelle phase dans la longue chute du capitalisme en faillite, une phase durant laquelle tout l'édifice social a commencé à craquer, trembler et s'écrouler.
L'effondrement du bloc de l'Est et des régimes staliniens a donné
un coup d'arrêt à la dynamique générale de la lutte
de classe ouverte depuis mai 68. Il a permis à la bourgeoisie de développer
toute une série de campagnes autour du thème de la "mort
du communisme" et de la "fin de la lutte de classe" qui ont profondément
affecté la capacité de la classe ouvrière à développer
ses luttes dans la perspective de la construction d'une nouvelle société,
à se présenter en force autonome et antagonique au capital, ayant
ses propres intérêts à défendre. Le fait que la lutte
de classe n'ait joué aucun rôle dans l'effondrement du stalinisme
a profondément entamé la confiance en soi du prolétariat.
Sa combativité et sa conscience ont toutes deux subi un recul considérable,
permettant à la bourgeoisie de regagner du terrain. Ainsi, la classe
dominante des pays centraux du capitalisme a pu profiter de ces événements
pour développer ses campagnes sur les "bienfaits" du capitalisme
démocratique à l'occidentale présenté comme la seule
alternative possible à la terreur stalinienne. Sur le terrain de la lutte
de classe, elle a pu de nouveau profiter de la perte de confiance en soi de
la classe ouvrière pour remettre en selle ses syndicats (et, plus généralement,
l'idéologie syndicaliste) qui ont pu faire un retour triomphal (notamment
lors des grèves de l'automne 95 en France -cf. notre brochure Luttes
dans la fonction publique de décembre 95) comme "seuls et véritables
défenseurs des intérêts ouvriers".
Néanmoins, le profond recul que le prolétariat a subi avec les
campagnes sur la "faillite du communisme", n'a nullement remis en
cause le cours historique aux affrontements de classe ouvert à la fin
des années 60.
Et si aujourd'hui la bourgeoisie des grandes puissances "démocratiques" s'engage, derrière le gendarme américain, dans des guerres toujours plus sanglantes, comme on l'a vu avec celle du Golfe, au Kosovo et maintenant en Afghanistan, ce n'est pas parce qu'elle aurait emporté l'adhésion enthousiaste des grandes masses ouvrières d'Europe occidentale. Le fait que ce ne soient pas des ouvriers en uniformes, enrôlés derrière les drapeaux nationaux, mais des troupes professionnelles qui sont mobilisées dans ces nouveaux massacres, signifie que le prolétariat n'a pas capitulé devant la logique barbare du capital et qu'il n'est pas disposé à verser son sang pour servir les croisades "humanitaires" de "sa" bourgeoisie nationale au nom du "droit international" ou de "la lutte contre le terrorisme". Bien qu'il ne soit pas en mesure aujourd'hui de freiner le déchaînement des massacres et qu'il assiste, impuissant, à cette orgie des hyènes impérialistes, il détient toujours la clef de la situation historique. L'avenir de l'humanité est toujours entre ses mains.
Malgré toutes les difficultés auxquelles elle a été confrontée pour développer ses luttes depuis l'effondrement du bloc de l'Est et le profond recul qu'elle a subi dans sa conscience, la classe ouvrière n'est pas défaite. De plus, toutes les mystifications que la bourgeoisie a mises en avant depuis dix ans ont été rapidement balayées une par une par l'accélération de la crise économique et la multiplication de conflits guerriers. Il en est ainsi du mensonge du "nouvel ordre mondial", de "l'ère de paix et de prospérité" que le capitalisme à l'occidental était censé offrir à l'humanité après l'effondrement de "l'Empire du Mal". Il en est ainsi également du mythe des "guerres propres" et "humanitaires" que les Etats-Unis et leurs acolytes européens ont essayé de nous faire avaler depuis la guerre du Golfe. Aujourd'hui, la croisade "humanitaire" pour libérer le monde du terrorisme montre encore plus ouvertement le vrai visage de la "civilisation" bourgeoise. Elle met de plus en plus clairement en lumière le cynisme sans nom de ces grandes puissances démocratiques qui, au nom de la "paix" et de la "liberté des peuples", massacrent les populations civiles, les terrorisent, les condamnent à l'exode massif en les livrant à la famine et aux épidémies. A tel point que les médias eux-mêmes sont obligés aujourd'hui de reconnaître que les représailles de l'Oncle Sam en Afghanistan vont se solder par une véritable "catastrophe humanitaire".
Plus la bourgeoisie est poussée à s'engager dans des aventures
militaires de plus en plus sanglantes, plus elle dévoilera aux yeux du
prolétariat la barbarie sans fin du capitalisme.
Ainsi, l'aggravation de la crise économique et la multiplication des
croisades militaires des grandes démocraties d'Europe et d'Amérique
ne pourront que continuer à révéler au grand jour la faillite
irrémédiable du capitalisme et constituer pour le prolétariat
un facteur de prise de conscience de la nécessité d'en finir avec
ce système.
Avec le recul de sa conscience résultant des campagnes anticommunistes qui ont suivi l'effondrement du bloc de l'Est, le prolétariat a pris un retard considérable. Alors que le capitalisme s'enfonce chaque jour plus dans le chaos et la barbarie, le prolétariat n'a pas encore retrouvé le chemin de sa perspective révolutionnaire. Mais ce profond recul ne signifie nullement que le cours aux affrontements de classe soit remis en cause. En effet, la gravité de la situation historique ouverte avec l'effondrement du stalinisme a suscité au sein d'une minorité de la classe ouvrière une réflexion en profondeur qui a conduit un certain nombre d'éléments en recherche à se rapprocher des positions révolutionnaires, et même à y adhérer. Cela confirme que la situation actuelle contient aussi des potentialités pour une prise de conscience de la faillite du capitalisme et de la nécessité de la révolution communiste, même si cette prise de conscience est aujourd'hui encore très minoritaire.
De plus, avec l'aggravation des attaques contre ses conditions de vie, avec les vagues de licenciements massifs qui vont accompagner la récession, le prolétariat dans son ensemble n'aura pas d'autre alternative que de développer ses luttes. Ce n'est que dans et par la lutte qu'il pourra retrouver son identité de classe, reprendre confiance en lui-même, en ses propres forces, et dans la perspective historique que portent ses combats. La crise reste, aujourd'hui plus que jamais, la meilleure alliée du prolétariat.
CF
Avec la "libération" de Kaboul, la bourgeoisie tente aujourd'hui de donner un autre visage à la guerre en Afghanistan. Grâce aux bombardements de l'aviation américaine, qui ont permis la prise de la capitale par les troupes de l'Alliance du Nord, le régime des talibans s'est effondré.
Avec cette victoire de l'opération "Liberté Immuable", on cherche aujourd'hui à nous faire croire que les massacres et les bombardements massifs auraient été le prix que la population afghane devait payer pour un avenir meilleur. La preuve : les femmes afghanes, enfin libérées du joug du régime islamiste, vont enfin pouvoir enlever le voile ! Comme si cette formidable "victoire" de la civilisation pouvait les empêcher de pleurer leurs morts, leur faire oublier l'atrocité des massacres, des bombardements, de l'exode et de la misère sans nom que femmes, hommes et enfants vont continuer à subir quelle que soit la clique bourgeoise qui va succéder aux talibans. On veut nous faire croire que ce pays va enfin pouvoir connaître la paix après plus de vingt ans de guerre permanente. On nous présente le régime honni des mollahs, qui aurait fait le lit du terrorisme, comme le seul responsable de la barbarie et de l'oppression de cette population exsangue.
Mensonges ! En Afghanistan, comme au Moyen-Orient, comme au Kosovo et dans toutes les expéditions militaires menées au nom des droits de l'homme, les populations civiles ont toujours été les otages des conflits impérialistes entres les différents Etats et fractions bourgeoises. C'est le capitalisme mondial qui est le vrai responsable de la barbarie guerrière.
La chute des talibans ne parviendra pas à nous faire oublier l'enfer du pilonnage des villes afghanes, la fuite éperdue de dizaines de milliers d'êtres humains qui s'entassent comme du bétail dans des camps de réfugiés, le blocage de l'aide humanitaire aux frontières, les massacres de civils par les bandes armées des différentes cliques rivales. Cette victoire ne porte avec elle aucune perpective de paix ni à court ni à long terme. Au contraire, les conflits ethniques vont continuer à s'accentuer, aggraver la déstabilisation du pays et de toute la région. Avec la libération de Kaboul, c'est déjà à un chaos inextricable que l'on assiste et qui ne peut que continuer à se développer quelles que soient les "solutions" négociées sous l'égide de l'ONU ou sous la houlette des grands requins impérialistes qui ont pris pied dans la région sous le prétexte hypocrite de l'aide "humanitaire".
La guerre au nom de la paix, ce n'est pas nouveau. C'est un refrain que la classe dominante nous a servi maintes fois tout au long du 20e siècle.
Lors des deux guerres mondiales qui ont ensanglanté le 20e siècle, la coalition des grands vainqueurs avait justifié l'holocauste au nom de la démocratie contre le fascisme, de la civilisation contre la barbarie. Bilan : plus de 60 millions de morts, des villes ouvrières comme Dresde et Hambourg entièrement rasées sous les bombardements des "libérateurs" anti-nazi, deux bombes atomiques larguées sur Hiroshima et Nagasaki faisant près de 100 000 morts.
Aujourd'hui, c'est encore au nom d'une soi-disant "juste cause", la lutte contre le terrorisme, que la civilisation capitaliste prétend avoir libéré le peuple afghan de l'oppression des talibans dont le pouvoir a été mis en place en 1996 par les Etats-Unis eux-mêmes pour y défendre leurs propres intérêts dans la région contre les autres cliques locales (notamment l'Alliance du Nord de Massoud devenue pro-russe après le retrait de l'URSS du bourbier afghan).
Les massacres des populations civiles, les destructions provoquées par les bombardements intensifs nous montrent le vrai visage de cette "civilisation" et de cette "démocratie" qui ont toujours déchaîné la guerre au nom de la paix, au nom de la libération des peuples opprimés par les "forces du mal".
En Afghanistan comme au Moyen-Orient, la seule paix que peut apporter cette nouvelle opération de police de l'oncle Sam, c'est la paix des tombes. Quant aux intentions "humanitaires" des grandes puissances européennes, elles ne sont rien d'autre que celles de charognards qui cherchent à empêcher le shérif américain de s'emparer à lui tout seul de cette zone stratégique située aux portes de l'Asie.
La curée impérialiste à laquelle se livrent aujourd'hui les grandes puissances montre que l'après-talibans ne sera pas synonyme de "paix". Au contraire, la seule perspective, c'est celle de nouveaux conflits armés et de l'enfoncement de toute la région dans un chaos sanglant.
La paix est impossible dans le capitalisme décadent. La guerre est devenue depuis près d'un siècle le mode de vie permanent de ce système moribond et les périodes de "paix" n'ont jamais servi qu'à préparer de nouvelles guerres toujours plus meurtrières.
Depuis la Première Guerre mondiale, le capitalisme à révélé qu'il avait épuisé toutes ses possibillités d'expansion sur la planète. En entrant dans sa crise permanente de surproduction, il ne peut engendrer que la guerre qui est le théâtre des rivalités entre les différentes nations, petites ou grandes.
Et plus le capitalisme s'enfonce dans cette crise sans issue, plus les guerres se multiplient et révèlent la faillite de ce système qui n'a plus rien à offrir à l'humanité qu'une misère et une barbarie croissantes.
Le seul moyen de mettre fin à cette spirale infernale, c'est de détruire le capitalisme avant qu'il ne détruise toute la planète. Seule la classe ouvrière, en développant ses luttes contre les effets de la crise économique, contre la misère, le chômage, l'intensification de l'exploitation et en affirmant sa propre perspective révolutionnaire, peut mettre un terme aux bains de sang. Seule l'instauration d'une nouvelle société sans classes, sans frontières et sans nations, une société basée sur la satisfaction des besoins humains et non sur l'expoitation et la recherche du profit, pourra apporter une paix réelle et durable sur toute la planète.
RI (23 novembre)
Le monde capitaliste sombre jour après jour dans un chaos plus terrifiant. Les manifestations de la barbarie de ce système décadent qui se sont illustrées récemment par les attentats du 11 septembre aux Etats-Unis et par la guerre en Afghanistan traduisent l'impasse d'une société en train de courir à sa perte. Aux guerres et aux massacres viennent s'ajouter d'autres manifestations de la décomposition de ce système dont l'agonie prolongée ne peut engendrer que destructions sur destructions.
Plus d'un millier de victimes (735 morts officiels et entre 200 et 500 " disparus " à ce jour) ensevelies ou emportées par un océan de boue qui a dévasté le 10 novembre le coeur des quartiers populaires d'Alger et du nord du pays. En apparence, une nouvelle catastrophe " naturelle " provoquée par les pluies torrentielles qui se sont abattues sur la région. En réalité, une nouvelle horreur dont le capitalisme est responsable.
Les pouvoirs publics ont depuis des années laissé s'édifier, dans les quartiers algérois de Bab-el-Oued, de Oued Koriche, de Frais Vallon ou de Beau Fraisier, des dizaines de milliers d'habitations précaires, de taudis, voire de véritables bidonvilles sur des terrains en pente non constructibles, objets d'une véritable frénésie spéculative face à la pénurie endémique de logements dans la capitale. De surcroît, des routes et des habitations ont été édifiées à même le lit de rivières asséchées. Une déforestation anarchique, permettant d'élargir cette zone sur les hauteurs de la ville, a détruit les digues naturelles des arbres sur les hauteurs au niveau d'anciens cours d'eau ou de canalisations. Des torrents de boue se sont formés et ont dévalé des collines entourant la ville, charriant et emportant tout sur leur passage. Alors que des bulletins météo annonçant des vents à plus 90 km/h et des pluies exceptionnelles avec les risques de tempête que cela comportait avaient été communiqués à tous les ministères trois jours auparavant, les autorités ont négligé de prévenir les populations des risques encourus et de prendre la moindre mesure de prévention. De plus, le gouvernement avait fait boucher depuis 1997 les sorties d'égouts et bétonner des galeries souterraines de ce secteur afin d'empêcher les groupes islamistes armés de se réfugier dans les sous-sols de la capitale. La classe dominante, non contente de chercher à se dédouaner de ce drame dont elle est pleinement responsable, y ajoute le mépris le plus écoeurant.
Le président Bouteflika -se présentant d'ordinaire comme un champion de la laïcité- n'a prononcé une allocution télévisée que trois jours après le drame et n'a rien trouvé de mieux que de déclarer : " Ce n'est ni le gouvernement ni un parti qui est responsable de ce qui est arrivé. C'est une épreuve envoyée par Dieu, ceux qui ne l'acceptent pas ne sont pas de bons musulmans. " Pour couronner le tout, des dizaines de milliers de familles se retrouvant sans abri sont privées de toute aide des pouvoirs publics et du gouvernement qui les traitent avec le plus souverain mépris. Leur hypothétique relogement s'effectue au compte-gouttes sous le prétexte "de filtrer et d'écarter les profiteurs qui cherchent à obtenir un nouveau logement". Dans un pays où le bakchich et la corruption sont rois, c'est le comble du cynisme de la bourgeoisie et du gouvernement. Il est d'ailleurs estimé que 7 millions de logements seraient à construire dans le pays pour faire face à l'insalubrité des habitations et au surpeuplement, alors que le taux de chômage atteint 35% et que 40% de la population vit avec moins de deux dollars par jour.
Pour une bonne partie de la population, il est clair aujourd'hui que l'attentat du 20 novembre à la gare routière d'Alger qui a fait 30 blessés à l'heure où elle était la plus fréquentée (au moment où les ouvriers se rendaient à leur travail et au moment du passage des bus scolaires) a été une opération de diversion du gouvernement pour détourner la colère des populations et des prolétaires en particulier envers les autorités vers la piste terroriste.
Ce mépris et ce cynisme, sont les mêmes que ceux qui se manifestent après l'explosion de l'usine AZF à Toulouse le 21 septembre qui a fait 30 morts et qui privent encore 15.000 familles ouvrières de foyer décent à l'entrée de l'hiver (voir article dans ce même n°).
Le "crash" de l'Airbus A-300 d'American Airlines sur un quartier résidentiel de New York le 12 novembre qui a provoqué la mort de 265 personnes est tout aussi significatif. L'enquête issue de l'analyse des boîtes noires n'a pu avancer que deux éléments d'explication. D'une part, le crash serait dû à un "effet de sillage", au décollage de l'avion trop rapproché du précédent (105 secondes seulement) qui aurait déstabilisé l'appareil. D'autre part, la rupture brutale de la dérive en carbone, lors de sa mise en action ne peut s'expliquer vraisemblablement que par une fissure imputable à un défaut de fabrication. D'un côté, cela met en cause la gestion aberrante par le capitalisme de l'intensité du trafic aérien. De l'autre, la fragilité de la chaîne et les difficultés de contrôle des infrastructures de plus en plus sophistiquée des moyens de transport soumis aux lois de la rentabilité. Ce nouveau choc psychologique et traumatique énorme survenait deux mois après l'écroulement des Twin Towers, surtout auprès de la population américaine et particulièrement new-yorkaise. La couverture médiatique de l'événement a cependant été vite étouffée, dès que la piste d'un nouvel attentat pour expliquer l'accident a été écartée. On le comprend d'autant mieux que cette catastrophe n'est nullement de nature à rehausser le prestige de la première puissance mondiale alors qu'elle se produit en pleine démonstration de force avec l'intervention militaire américaine en Afghanistan. La classe dominante aux Etats-Unis démontre qu'elle n'est pas capable de maîtriser ses infrastructures et renvoie l'image d'un espace intérieur aérien peu sûr et peu fiable. Là encore, la responsabilité de l'accident repose entièrement sur la course effrénée au profit capitaliste qui s'avère de plus en plus incapable d'en gérer et d'en contrôler les conséquences. Qu'il s'agisse d'accidents ou de cataclysmes naturels, l'ampleur des dégâts matériels et surtout le bilan humain de ces catastrophes résultent entièrement de la loi du profit capitaliste le plus rapide et au coût le plus bas au mépris des vies humaines. Non seulement le capitalisme produit des forces technologiques avant tout canalisées et exploitées pour fabriquer les armes monstrueuses susceptibles d'anéantir la planète, développe de façon incontrôlée des sources d'énergie qui détruisent l'environnement souvent de manière irréversible[1] [124], mais il condamne des populations entières à la mort parce que sa loi du profit maximum le pousse à réduire et même à détruire toute protection contre les catastrophes, naturelles ou pas. Ce n'est donc pas le produit d'une quelconque fatalité, d'une "loi des séries" ou autre "erreur humaine" si souvent invoquées lors des "accidents" ou "catastrophes" du même genre de plus en plus fréquents sur la planète. Toutes ces tragédies de plus en plus nombreuses qui font la "une" macabre de l'actualité sont la manifestation de la faillite totale du mode de production capitaliste. Elles sont l'expression criante d'un système qui entraîne aveuglément l'humanité vers des catastrophes toujours plus tragiques et meurtrières. Elles ont les mêmes causes : la décomposition générale qui gangrène l'ensemble du corps de la société capitaliste. Et c'est la survie du capitalisme qui est devenu une menace permanente pour la survie de l'humanité.
CB (25 novembre)[1] [125] Tous les aspects de la décomposition se trouvent de plus en plus mêlés aujourd'hui : on se souvient du crash du Boeing 747 le 4 octobre 1992 sur des immeubles d'une cité près d'Amsterdam, comparable à celui du Queens. Il y a quelques mois, on apprenait que des habitants du quartier avaient été touchés par le "syndrome du Golfe" et que le fuselage était lesté avec de l'uranium appauvri, servant de contrepoids pour équilibrer les gouvernes des appareils. Au passage, on apprenait aussi qu'en février 2001, près de 7 tonnes d'uranium appauvri servaient encore de lest à 60 % des avions de ligne de la compagnie Air France. De la même façon, les ruines de Twin Towers révélaient que les tours étaient bourrées d'amiante.
Aujourd'hui, le régime des Talibans a basculé dans la défaite. C'est à peine en trois jours que les adeptes du mollah Omar et de Oussama Ben Laden se sont vus refoulés irrésistiblement de Mazar-I-Charif jusqu'au-delà de Kaboul. Pourtant, on nous avait annoncé que la bataille allait être longue et rude entre l'Alliance du Nord et les Talibans, en particulier pour la prise de la capitale afghane. Les Talibans ont reflué sans affrontement réel, écrasés sous les bombardements américains, tandis que les derniers combattants ont poursuivi une résistance sans trop d'espoir à Kunduz au nord et dans la région de Kandahar au sud.
Devant la rapidité des événements apparemment inattendue de la part des puissances occidentales, les ministres des affaires étrangères des pays membres de l'ONU déjà assemblés à New-York se réunissaient le 12 novembre en urgence pour "ralentir" l'action militaire et "accélérer" l'action politique ; tandis que parallèlement la pression américaine se faisait de plus en plus forte pour au contraire "aller vite, vite, vite" selon un diplomate américain. Et, devant la situation d'anarchie qui se profile, au lieu de voir la satisfaction s'étaler de la part de tous ces requins "vainqueurs" d'un des principaux foyers du terrorisme international, c'est un appel inquiet en direction de l'Alliance du Nord et des autres forces d'opposition antitalibanes qui émergeait du Conseil de Sécurité de l'ONU leur demandant de se mettre "devant leurs responsabilités en ce qui concerne le respect des droits de l'homme" et d'exercer le pouvoir "dans le respect des personnes et (de façon) à y assurer la paix civile". On ne peut que souligner une fois de plus ici l'hypocrisie écoeurante de ces criminels prêts à faire la leçon aux petits gangsters sanglants et autres cliques qu'ils excitent et soutiennent pour leurs propres intérêts, alors que ce sont eux les principaux fauteurs de guerre et que leurs rivalités sont les responsables directes des plus grands massacres de l'histoire.
Ce qui s'exprime une fois encore autour de la situation dramatique de l'Afghanistan, c'est la foire d'empoigne entre les grandes puissances. Il n'existe nul consensus entre elles pour éradiquer le terrorisme islamiste international, qui n'est pas de toutes façons le véritable enjeu, pas plus qu'elles ne sont intéressées à faire de "l'humanitaire", infâme prétexte pour venir régler leurs comptes sur le dos de populations de plus en plus exsangues.
L'attentat contre les Twin Towers a été le prétexte rêvé (voir RI n° 317 [127]) pour appliquer une politique militaire dont les termes définis dès cet été par le secrétaire à la défense, Donald Rumsfeld, consiste à présent à porter les priorités stratégiques "sur l'Asie, et non plus sur l'Europe et le Bassin méditerranéen" (citation du International Herald Tribune par Courrier International n°564 du 23 au 29 août 2001). Afin d'affirmer clairement leur autorité dans cette région du monde en faisant une démonstration de force, les Etats-Unis ont décidé seuls d'aller casser du Taliban en Afghanistan, avec leurs propres méthodes, ne laissant qu'un maigre strapontin à sa meilleure alliée, la Grande-Bretagne, et écartant les pays comme la France qui piaffait d'impatience pour prêter la main à l'Amérique, en fait pour placer leurs propres pions. Depuis le 11 septembre, Bush n'a pas cessé de répéter que cette guerre allait être longue, pas seulement contre les Talibans en Afghanistan mais dans le monde entier qui devient le théâtre véritable de la chasse aux terroristes : "Nous avons eu un bon début en Afghanisatan, mais beaucoup reste à faire (...) nous les traquerons jusqu'à la fin." a-t-il déclaré une semaine après la prise Kaboul. Les Etats-Unis peuvent aujourd'hui se vanter d'avoir acquis certains avantages, même s'ils ne sont que momentanés. Par la rapide victoire des "anti-Talibans", ils ont par exemple cloué le bec à ceux des pays européens, France en tête, qui critiquaient la validité des frappes aériennes et donc au-delà l'ensemble de la stratégie américaine. Par la même occasion, ils ont engrangé un certain succès auprès de leur propre "opinion publique" par la conduite d'une politique de "zéro mort" débouchant sur la défaite de "l'ennemi" taliban. Ceci permet à Washington de mieux justifier l'envoi de 3200 commandos de marine en plus des 500 hommes des "forces spéciales" officiellement sur place ainsi qu'une véritable armada militaire hautement sophistiquée et destructrice.
Cependant, tout est loin d'être joué pour la Maison blanche. Contrairement à la guerre du Golfe où la puissance américaine avait pu imposer sa loi à l'Arabie Saoudite et faire rentrer dans le rang les puissances occidentales hostiles à cette intervention, les Etats-Unis ont visiblement décidés de n'agir que pour leur propre compte. Si l'on regarde les différentes démonstrations de force qu'ils ont effectuées depuis la guere du Golfe, qu'il s'agisse de la défaite spectaculaire qu'ils ont essuyée en Somalie en 1992, de leur tentative de faire régner l'ordre américain dans l'ex-Yougoslavie ou encore de la guerre massive menée contre la Serbie en 1999, au nom de la défense du peuple kosovar, ils se sont trouvés systématiquement en butte dans leurs tentatives d'avancées à l'opposition de la part de leurs anciens alliés du bloc de l'Ouest. C'est donc à l'égard de ces premiers bien plus encore que des forces "d'anarchie" afghanes qu'ils montrent une défiance active.
Dans un tel contexte, il est certain que dans la percée actuelle qu'ils font en Afghanistan, leur politique est de faire cavalier seul et de s'en donner les moyens. C'est dans le but de bloquer la poussée de ses "alliés" que l'on voit ainsi le gouvernement américain apporter un soutien momentané à l'Alliance du Nord jusqu'ici plutôt soutenue par la Russie, et que Washington n'avait à dessein pas armé, car non fiable, au bénéfice d'un appui plus important donné aux factions pachtounes plus proches du Pakistan.
Ainsi, alors que Bush avait officiellement demandé à l'Alliance du Nord le 10 novembre de ne pas entrer dans Kaboul, le secrétaire à la défense Rumsfeld lui disait de façon pernicieuse dans le même temps de faire ce qu'elle voulait, mais "sans commettre d'exactions" ! En clair, contre les rivales qui s'annoncent, l'Amérique jette de l'huile sur le feu d'une situation déjà ouverte sur un chaos difficilement contrôlable.
La bourgeoisie la plus empressée de toutes, la bourgeoisie française, s'était déjà vue évincée par le vote de la première résolution de l'ONU, et c'est après tout un forcing lors du 12 novembre à New-York qu'elle a pu justifier sa venue en Ouzbekistan, au nom de l'humanitaire. Ce n'est donc pas un hasard si Paris développe toute une campagne dans sa presse sur le danger d'anarchie, comme entre 1992 et 1996, que représente le retour au pouvoir des seigneurs de la guerre afghans. Védrine ne s'est pas gêné pour adresser une menace à "ceux qui vont exercer le pouvoir en Afghanistan", "désormais sous le regard vigilant de la communauté internationale". Et les médias français, comme d'ailleurs les médias de la plupart des pays occidentaux qui hier encore n'avaient pas assez de mots pour les dénoncer, de trouver soudainement des vertus bénéfiques aux Talibans qui avaient "au moins" su établir un Etat et une situation sociale stables. Encore un exemple de la crapulerie de cette classe bourgeoise dont les vérités varient en fonction de ses intérêts immédiats.
L'armée française, actuellement isolée et laissée pour compte par le meneur de jeu américain, se retrouve donc impuissante, gros jean comme devant, aux frontières de l'Ouzbekistan dont le chef d'Etat, soutenu par les Etats-Unis, fait traîner les choses en attendant de monnayer sa part du gâteau afghan.
Les perspectives tant d'apaisement de la situation dans le pays que de possible consensus entre les grandes puissances sont tellement incertaines que la Grande-Bretagne elle-même, pourtant en première ligne dès le premier jour du conflit, a décidé de ne pas "mettre des forces en place sans l'accord des Etats-Unis et d'une entente claire de ce que nos troupes feront dans le cadre de la coalition militaire", prévoyant carrément de retirer rapidement les troupes déjà en place. En fait, la bourgeoisie anglaise n'apprécie pas du tout que Bush ait clairement mis Blair de côté, malgré ses déclarations d'allégeance, dans toutes les décisions prises par rapport à l'Afghanistan depuis deux mois.
La déconvenue de la France et de la Grande-Bretagne est significative de la politique des Etats-Unis dans ce conflit : susciter la "solidarité" de ses anc iens alliés du temps de la guerre froide autour de ses propres visées stratégiques mais les priver de toute contrepartie qu"ils pourraient espérer de cette solidarité. Il est clair que les puissances européennes qui ont annoncé leur soutien à l'opération "Liberté immuable" ne l'ont pas fait pour les beaux yeux de Bush mais parce que c'était le seul moyen de ne pas être écartées du partage du gâteau le moment venu. La petite part de ce gâteau qu'espérait Blair ou Chirac, c'est de pouvoir disposer certaines de leurs troupes ssur place pour ne pas laisser au parrain américain le moopole d'une présence militaire dans cette partie du monde qui lui laisserait les mains entièrement libres pour mener sa politique en conformité avec ses intérêts exclusifs. Et c'est même ces quelques miettes que Bush ne paraît pas décidé à leur accorder : la seule "solidarité" que le brigand américain apprécie de la part de ses seconds couteaux, c'est l'obéissance.
Voilà qui en dit long sur la volonté de tous de venir à la rescousse des populations affamées et victimes de la guerre, qu'il s'agisse de celle qui s'achève comme de celle à bien plus long terme qui se prépare.
La conférence de Bonn prévue le 26 novembre entre l'Europe et les différentes factions afghanes pour chercher à établir un régime "multi-ethnique représentatif de la diversité du pays", ne va être qu'un épisode de la foire d'empoigne qui s'annonce en Afghanistan. Par exemple, les Pachtounes n'en font pas partie, refusant catégoriquement toute "ingérence étrangère" et menaçant de protéger les derniers Talibans comme moyen de chantage pour leurs propres intérêts. Mais cette conférence va surtout être un moment de l'affrontement et du chacun pour soi des grandes puissances qui prétendent "régler" le problème et apporter une solution politique en Afghanistan. Les clivages vont apparaître de plus en plus au grand jour, derrière les grands discours sur l'humanitaire, et montrer le vrai visage de ces crapules aux prises les uns avec les autres.
Il est d'ailleurs significatif que cette conférence s etienne en Allemagne et non pas en Grande-Bretagne ou en France qui ont jusqu'à présent été plus active dans l'opération militaire (même si modestement). En laissant à l'Allemagne le prestige diplomatique de l'organisation de cette conférence, la puissance essaie d'enfoncer un coin dans la "solidarité" des différents pays européens.
Aussi, non seulement la poudrière afghane devient une des nouvelles zones d'affrontement entre les grandes puissances, un enjeu majeur du rapport des forces impérialistes dans la période à venir, mais elle ccontient au-delà d'elle-même l'extension du chaos capitaliste plus loin vers l'Orient. Car si l'Afghanistan a toujours représenté une région clé entre le Moyen et l'Extrême-Orient, de même qu'entrte trois grands pays, la Russie, la Chine et l'Inde, une région qui a toujours été un enjeu entre les blocs de l'Est et de l'Ouest à l'époque de la guerre froide, la bataille qui s'y mène est pleine de conflits qui vont se déporter vers les région savoisinantes. Ainsi, les pays du nord du pays, Ouzbekistan et Tadjikistan qui vont chercher à tirer leur épingle du jeu, en jouant par exemple les différents entre la Russie et les Etats-Unis. Ainsi la Russie qui ne pourra pas voir s'installer ces derniers sans leur mettre des bâtons dans les roues. Mais il s'agit encore du Pakistan dont les fractions rivales, déjà fortement aiguisées dans la période précédent l'intervention américaine, vont se déchirer plus violemment que jamais. Et, derrière l'instabilité du Pakistan pris entre les pressions des Etats-Unis mais aussi de la Chine qui lui a fourni généreusement l'arme atomique, se joue également celle de l'Inde dont les prétentions impérialistes ne pourront que la pousser à s'opposer à une présence américaine directe dans une région où elle prétend être une des puissances prépondérantes.
L'avenir qui s'annonce avec l'arrivée de tous ces rapaces qui se déchirent avant même de se trouver les uns en face des autres sur le terrain est bien sombre. Une fois de plus, ils vont semer la mort et le chaos, au nom de la paix, au nom de l'humanitaire, de la civilisation, etc., pour le compte du capitalisme décadent et moribond.
KW (24 novembre)
La première année de ce deuxième millénaire que
la bourgeoisie avait inauguré en grandes pompes vient de se terminer
dans le sang. Les feux d'artifice de l'an 2000 ont maintenant cédé
la place au déchaînement des massacres et de la barbarie guerrière,
dévoilant le vrai visage du capitalisme et de l'avenir qu'il réserve
à l'humanité.
A la guerre ne peut que succéder et s'ajouter de nouvelles guerres, toujours
plus meurtrières et insolubles. Ainsi, alors que les bombardements intensifs
de l'aviation américaine se sont poursuivis en Afghanistan après
la chute du régime taliban, le conflit israélo-palestinien a été
de nouveau relancé avec une violence décuplée.
Aux effroyables attentats de Jérusalem et Haïfa contre la population
civile lors du premier week-end de décembre, la soldatesque de Sharon
a su, comme le parrain américain en Afghanistan, apporter une riposte
à la mesure des ambitions impérialistes de Tsahal : bombardements
massifs des bâtiments symbolisant l'autorité palestinienne, dénonciation
d'Arafat comme principal responsable du terrorisme débridé du
Hamas et du Jihad islamique, bouclage total des territoires palestiniens, incursions
massives dans les villages de Cisjordanie et de la bande de Gaza, "nettoyage"
des poches de résistance abritant des chefs du Hamas à coups de
tirs de mortiers, d'assassinats, de tabassages, d'arrestations sommaires de
tous les "suspects" etc. Sharon a promis de venger les enfants d'Israël
sauvagement assassinés par les attentats-suicides des 1er et 2 décembre.
Chose promise, chose due : ce sont maintenant les enfants palestiniens qui,
sur le chemin de l'école, ont été fauchés par les
balles perdues des blindés de l'armée israélienne. L'ordre
de la terreur règne dans les territoires palestiniens tandis que la population
d'Israël vit dans l'angoisse permanente de nouvelles ripostes du Hamas.
Mais au-delà de l'escalade de la violence aveugle illustrant la folie
meurtrière des deux camps belligérants, qui a fait déjà
plus d'un millier de morts depuis le début de la deuxième Intifada,
c'est à une véritable offensive impérialiste que se livre
aujourd'hui l'Etat d'Israël. Une offensive qui, sous couvert de lutte contre
le terrorisme, révèle sa volonté de ne pas tolérer
la constitution d'un quelconque Etat palestinien. Et cela avec la bénédiction
de l'oncle Sam qui a immédiatement apporté son plein soutien aux
représailles sanglantes du gouvernement Sharon. Quant aux grandes démocraties
européennes, malgré leurs timides protestations, elles ont été
contraintes de s'aligner derrière la croisade antiterroriste de Bush
et Sharon (voir article ri319/guerre_en_Afganisthan [128]).
Ainsi, les visées expansionnistes d'Israël viennent aujourd'hui
confirmer toute la validité des analyses mises en avant par le CCI :
Aujourd'hui, il est clair que cette nouvelle flambée de violence aveugle
a mis définitivement un terme aux accords d'Oslo. Et même si la
bourgeoisie mondiale appelle maintenant Arafat et Sharon à s'asseoir
de nouveau à la table des négociations, elle est obligée
de reconnaître qu'il n'y a pas de solution au conflit israélo-palestinien
comme l'a révélé l'impuissance du médiateur de la
Maison Blanche, Zinni, à imposer une trêve qui a duré moins
de 48 heures.
Par ailleurs, au moment même où cette région du Moyen-Orient
était en train de basculer dans l'horreur, on commence à nous
sortir au compte- gouttes les chiffres (toujours non officiels !) des victimes
civiles des "dommages collatéraux" en Afghanistan : plus d'un
millier de cadavres ont été découverts aux alentours de
l'aéroport de Kandahar, détruit par les frappes américaines.
De même, dans les régions montagneuses où se déroule
la traque de Ben Laden par les justiciers de la démocratie occidentale,
des villages entiers ont été détruits et de nombreuses
"bavures" ont occasionné des centaines de morts parmi la population
civile. Sans compter les milliers de réfugiés, victimes de la
faim et du froid, et fuyant désespérément les zones de
combat.
Ainsi, l'accélération brutale des conflits impérialistes,
la barbarie qui se déchaîne aujourd'hui est un concentré
de la réalité du système capitaliste. Cette barbarie ne
fait qu'annoncer l'avenir que ce système réserve à l'humanité
au cours de ce nouveau siècle. Cette barbarie n'est que la manifestation
la plus effroyable de la faillite du mode de production bourgeois, incapable
de trouver la moindre issue à sa crise économique. C'est bien
ce que révèle encore l'effondrement catastrophique d'un des pays
les plus développés d'Amérique latine, l'Argentine (voir article ri319/crise_Argentine [129]
).
Bombardements intensifs, massacres des populations civiles, déchaînement
aveugle du terrorisme, montée du fanatisme religieux et de la haine inter-ethnique,
marasme économique, voilà ce qu'est aujourd'hui le capitalisme
: un système qui n'a aucune perspective d'avenir à offrir à
l'humanité.
C'est dans la boue et dans le sang que se vautre la société bourgeoise.
A ce chaos inextricable qui ne peut continuer qu'à s'aggraver, il n'existe
qu'une seule alternative : la lutte révolutionnaire de la seule force
sociale capable de sortir l'humanité de cette impasse, la classe ouvrière
mondiale. Tant que le prolétariat n'aura pas hissé ses luttes
à la hauteur de la gravité de l'enjeu contenu dans la situation
historique mondiale, le capitalisme ne peut que continuer à faire ses
ravages aux quatre coins de la planète. Voilà le défi que
les prolétaires des pays centraux d'Europe occidentale doivent relever.
Le mot d'ordre de l'Internationale Communiste "socialisme ou barbarie",
"révolution communiste mondiale ou destruction de l'humanité"
révèle, plus que jamais, toute sa validité.
C'est au moment où nous mettions sous presse notre journal que l'Argentine
est venue au devant de la scène mondiale avec une aggravation spectaculaire de
sa crise économique, sociale et politique. Cet article n'est donc qu'une
première prise de position "à chaud".
Une économie en banqueroute totale : une récession persistante depuis 3 ans,
un chômage de près de 20% (atteignant 40% dans de nombreuses provinces), 150
milliards de dollars de dette extérieure ce qui oblige de consacrer les trois
quarts des exportations à rembourser les intérêts de celle-ci.
Une situation sociale et politique chaotique : malgré l'état de siège des
manifestations massives quotidiennes qui tournent à l'émeute aux quatre coins
du pays aux cris de "Nous voulons manger !", plus de 20 morts et une
centaine de blessés en quelques jours, des pillages systématiques de magasins,
un appareil politique qui disparaît dans les airs à l'image de l'ex-président
De la Rua, obligé de quitter son palais en hélicoptère, après que la démission
du ministre de l'économie, puis du gouvernement, n'aient pu calmer la
situation.
Ce qui se passe à l'heure actuelle en Argentine est révélateur, non pas tant
de la situation spécifique de ce pays, mais de la situation du capitalisme
mondial. En fait, à cause de certaines spécificités, l'Argentine constitue une
sorte de caricature des maux qui accablent la planète aujourd'hui.
Certains nous disent que le problème est un endettement excessif. C'est vrai
que l'endettement extérieur a plus que doublé en dix ans (de 62 milliards de
dollars en 1991 à 148 milliards de dollars en 2001). Mais c'est là une
expression de l'économie mondiale qui vit à crédit, dont la poursuite de la
croissance se base sur un endettement toujours plus faramineux. La croissance
des "glorieuses" années 90, notamment pour l'économie américaine,
s'était alimentée d'une véritable fuite en avant tant dans l'endettement des
pays dits "émergents" que dans une spéculation effrénée autour de la
"nouvelle économie" (Internet, télécommunications, etc.). Depuis
1997, avec la "crise asiatique", puis "russe", puis
"brésilienne", les pays "émergents" ont eu tendance à
devenir des pays "submergents". En 2001, la "nouvelle
économie" a connu une débâcle magistrale. Et finalement, suivant les
experts, l'économie mondiale est maintenant en récession, à commencer par son
plus beau fleuron, l'économie des Etats-Unis.
L'économie argentine avait aussi connu des "heures de gloire". Par
exemple, entre 1991 et 1994, ses taux de croissance annuels étaient compris
entre 6 et 9%. En 1997 et 1998, ils étaient encore respectivement de 8 et 4%.
Et si, en 1999, c'était la chute (-3,2%) laquelle s'est poursuivie depuis, cela
ne faisait qu'anticiper ce qui est devenu en 2001 le lot commun de la plupart
des pays du monde. Pendant toutes les années où le capitalisme a vécu dans
l'euphorie de la "croissance", les banques ne se sont pas fait prier
pour prêter à l'Argentine : après tout, la croissance économique (qui était justement
fondée sur le crédit) devait permettre de rembourser. Mais lorsqu'on construit,
étage après étage, un édifice sur du sable, il finit par s'écrouler, même si au
début il avait l'air solide.
Pour certains "spécialistes", les maux actuels de l'Argentine
seraient la conséquence d'une politique erronée suivie par son ministre de
l'économie, Domingo Cavallo, décrit comme un homme arrogant, sûr de lui et
entêté. En particulier, il se serait accroché de façon absurde à sa politique
financière, la parité automatique du peso par rapport au dollar, qui, en
rendant les marchandises argentines trop chères à l'exportation (notamment face
au Brésil qui avait dévalué son real de moitié), avait fait exploser le déficit
commercial. Pourtant, c'est le même Cavallo qui, ministre de l'ancien président
Menem, était le "père de la prospérité" du début des années 90. En
fait, cette politique financière visait à se prémunir contre l'inflation
galopante qui était encore de 175% en 1991, après qu'elle ait atteint 5000% (!)
en 1989.
D'autres voix (notamment celles qui ont fait de
"l'anti-mondialisation" leur fonds de commerce) nous disent que la
responsabilité de la catastrophe actuelle revient au Fonds monétaire
international qui, en imposant des politiques d'austérité (dites de
"réajustement structurel") a cassé la croissance économique de
l'Argentine. C'est vrai que les "spécialistes" du FMI ne méritent pas
toujours la réputation de "meilleurs économistes du monde" que leur
avait décerné son ex-directeur général, Michel Camdessus en 1998[1] [130]. On
l'a vu notamment lors de la crise asiatique de 1997 qui avait surpris ces
"experts". Cela dit, ils ne font que faire appliquer les lois du
capitalisme : leur objectif est de permettre que les pays surendettés
continuent à être capables de rembourser leurs créanciers, et c'est pour cela
qu'ils prônent de façon invariable la réduction des "dépenses
excessives", c'est-à-dire une austérité draconienne pour les populations
pauvres, et particulièrement pour les ouvriers. Ce n'est pas le FMI qu'il faut
donc remettre en cause, mais le système dont il est un des principaux
défenseurs.
Les mêmes qui dénoncent le FMI font également grand cas de la corruption :
"Les institutions, des trois pouvoirs étatiques jusqu'aux syndicats, en
passant par l'armée et la police, le parlement et les partis politiques sont
les acteurs répétés de scandales de corruption, de malversation, de
clientélisme, de procédures anti-démocratiques et de toutes sortes de délits
d'une envergure et d'une arrogance telles que, s'ils ne provoquaient pas des
résultats aussi désastreux, on pourrait en faire les sujets d'une série
télévisée ou d'une opérette à l'italienne." ("Le lent naufrage de
l'Argentine", Le Monde diplomatique, octobre 1999)
C'est vrai que la corruption en Argentine est spectaculaire, mais c'est tout
simplement la caricature d'une situation qui prévaut dans le monde entier où
les "scandales" ne cessent de faire le pain béni des journalistes.
Le marasme économique dans lequel plonge l'Argentine aujourd'hui ne peut que se
solder par une aggravation encore plus terrible de la misère de la population,
alors que déjà 2000 personnes passent chaque jour en dessous du seuil de
pauvreté. Et bien évidemment, cet accroissement de la misère va frapper encore
plus durement la classe ouvrière. Une classe ouvrière qui se retrouve
aujourd'hui noyée au milieu des émeutes de la faim dans un grand mouvement de
"protestation populaire" interclassiste au sein duquel elle ne peut
ni affirmer son autonomie de classe ni mettre en avant ses propres méthodes de
luttes. Car les pillages des magasins et les saccages de vitrines ne sont
nullement une manifestation de la force du prolétariat et de ses méthodes de
lutte contre le capitalisme. Ces actes de violence ne font qu'exprimer le
désespoir des couches sociales les plus cruellement frappées par la misère et
dont la révolte, aussi légitime soit-elle, n'est qu'un feu de paille qui ne
peut déboucher sur aucune perspective.
Les nouvelles vagues de licenciements et les baisses de salaires qui
s'annoncent ne peuvent que créer les conditions pour un ressurgissement massif
des luttes ouvrières dans ce pays.
Depuis la fin des années 60, le prolétariat en Argentine a manifesté à
plusieurs reprises son énorme combativité face aux attaques capitalistes. En
1969, les ouvriers de Cordoba ont tenu la deuxième ville du pays pendant
plusieurs jours. En novembre 1992, puis en août, septembre et décembre 1996, de
même que l'été dernier (voir ri315/Argentine_lutte_de_classe [131]) l'Argentine a été ébranlée par
plusieurs vagues de grève générale qui, à chaque fois, avaient mobilisé des
dizaines de milliers d'ouvriers. Mais malgré leur énorme combativité, ces
grèves massives n'ont pas été en mesure d'empêcher l'Etat argentin d'appliquer ses
plans d'austérité successifs. Cette difficulté résulte de la très forte
influence du syndicat péroniste, la CGT, et notamment du poids considérable de
l'idéologie nationaliste, vestige du péronisme. De plus, après les sept années
de plomb du pouvoir des généraux qui se sont achevés en 1983, les illusions
démocratiques pèsent encore très lourdement sur la conscience de la classe
ouvrière de ce pays. C'est ainsi que la bourgeoisie continue à exploiter les
illusions nationalistes et démocratiques du prolétariat en lui faisant croire
que ce serait le FMI le responsable de la banqueroute de l'Etat argentin et
qu'un changement de gouvernement pourrait apporter une amélioration de
l'économie nationale.
Et on peut donc être sûr que, une fois encore, les forces d'opposition et les
syndicats se préparent à dévoyer la colère des masses ouvrières sur le terrain
pourri de l'alternance du jeu démocratique bourgeois, c'est-à-dire vers les
isoloirs électoraux.
Le chaos économique et social qui ébranle aujourd'hui l'Argentine annonce,
même si c'est de façon caricaturale, ce que sera la situation de la classe
ouvrière demain dans les pays développés. Car l'Argentine était un pays
développé, le plus développé de toute l'Amérique latine (avec un PNB de 7750
dollars par habitant en 1999, contre 3970 pour le Mexique, 3680 pour le
Vénézuela et 4350 pour le Brésil). Aujourd'hui, la plongée de l'économie
capitaliste dans le gouffre d'une nouvelle récession mondiale ne peut que se
solder par la banqueroute des Etats qui n'ont pu jusqu'à présent développer
leur économie qu'au prix d'un endettement faramineux.
Plus la classe dominante va continuer à tricher avec les lois du capitalisme,
notamment en vivant sur le crédit, pour masquer la faillite de son système,
plus elle va continuer à créer les conditions pour de nouvelles convulsions
comme celles que connaît l'Argentine aujourd'hui.
A cette situation d'impasse économique, de chaos social et de misère croissante
pour la classe ouvrière, celle-ci n'a qu'une seule réponse à apporter : développer
massivement ses luttes sur son propre terrain de classe dans tous les pays. Car
aucune "alternance démocratique", aucun changement de gouvernement,
en Argentine, comme en France et partout ailleurs, ne peut apporter un
quelconque remède à la maladie mortelle du capitalisme. La généralisation et
l'unification des combats du prolétariat mondial, vers le renversement du
capitalisme, est la seule alternative capable de sortir la société de cette
impasse.
[1] [132] "L'équipe des économistes du FMI est certainement la meilleure du monde parce qu'il est normal que le monde s'offre ça" (Michel Camdessus, le 19 octobre 1998 sur France Inter)
L'économie capitaliste mondiale est en pleine crise ouverte. A son tour,
l'Allemagne, après les Etats-Unis et le Japon est entrée officiellement
en récession. Tous les indicateurs économiques sont repartis dans
le rouge. Le taux de croissance dans les 30 pays de l'OCDE ne devrait pas dépasser
1% en 2002. Et ce ne sont pas les prévisions "optimistes"
des "experts" qui annoncent un redressement pour le second semestre
de l'année qui peuvent rassurer, alors que depuis trente ans, ils annoncent
régulièrement " la sortie du tunnel ".
L'accélération de la dégradation des conditions de vie
des ouvriers est manifeste partout dans le monde. A commencer par l'aggravation
du chômage. Aux Etats-Unis, 2 millions d'emplois ont été
perdus au cours de l'année 2001. De gigantesques nouveaux plans de licenciements
concernant le cœur des pays industrialisés sont annoncés,
dans tous les secteurs de l'industrie, de l'automobile (60.000 chez Ford aux
Etats-Unis) à l'aéronautique (6000 pour Airbus après les
"dégraissages" massifs pour Boeing et les compagnies aériennes)
en passant par les secteurs de pointe comme l'informatique, la "high tech" ou par l'électroménager (Brandt) au même titre que
les secteurs plus traditionnels (les mines en Espagne, la sidérurgie
en Allemagne). Sans parler de l'effondrement de la "net économie" dont les bulles de savon liées à la frénésie
de spéculation financière immédiate crèvent les
unes après les autres. Le démantèlement des restes de l'Etat-Providence
se fait sentir dans le secteur de la santé en France après la
Grande-Bretagne. Les retraites sont diminuées brutalement en Allemagne
ou en Italie et le seront bientôt en France. La flexibilité du
travail et sa précarisation sont imposées partout sous diverses
formes. Depuis l'été 2001, le passage à l'Euro sert de
justification à une accélération brutale du coût
de la vie dans les Etats concernés.
Après plus de trois ans de récession, la plongée dans la
banqueroute de l'Argentine, naguère présentée comme "un modèle de redressement économique" par la Banque mondiale,
est révélatrice de l'avenir que nous réserve la société
capitaliste. Or, la seule promesse du "nouveau" président
Duhalde pour obtenir un nouveau prêt conditionnel du FMI, c'est la suppression
de 100.000 emplois supplémentaires. Non seulement d'autres Etats latino-américains
comme le Brésil ou le Chili sont menacés de connaître le
même sort mais après le krach de 1997 des tigres et des dragons
du Sud-Est asiatique, ces mêmes pays connaissent de nouvelles alertes.
La faillite de l'Argentine comme la faillite du géant américain
Enron sont des indicateurs de la faillite GLOBALE du système capitaliste.
C'est à cause de cet enfoncement dans une crise sans issue que la bourgeoisie
est partout poussée à exprimer les rivalités entre nations
suscitées par la course concurrentielle vers le profit sur un terrain
d'affrontements militaires. Dans le cadre d'un marché mondial sursaturé,
les contradictions insurmontables du système précipitent les Etats
dans des conflits où les enjeux stratégiques prennent le pas sur
les intérêts économiques immédiats. Tous les Etats,
des plus grands aux plus petits, en manifestant leur nature impérialiste,
sont condamnés à une fuite en avant dans l'augmentation des budgets
militaires, dans la course aux armements et finalement dans l'engrenage d'une
implication militaire et guerrière de plus en plus importante. C'est
pour cela que depuis plus de soixante ans, se révèle un autre
visage du capitalisme : la guerre permanente. La guerre est devenue un phénomène
inséparable de la survie même du mode de production capitaliste.
Mais depuis douze ans, après l'effondrement du bloc capitaliste russe
et la dissolution de la discipline issue de l'ancienne politique des blocs,
on a assisté à une brutale accélération des tensions
impérialistes dominée par une tendance au chaos et au "chacun
pour soi" et à une multiplication des foyers de conflits. L'intervention
militaire en Afghanistan des grandes puissances qui se présentent comme
les gendarmes du monde est aujourd'hui un concentré saisissant des contradictions
du système. Menée au nom de la "pacification" et de
la "lutte contre les nouvelles menaces terroristes", elle ne fait
que semer davantage la mort, la barbarie et le chaos. Plus que jamais, la planète
se retrouve mise à feu et à sang. Ces opérations musclées
de "maintien de l'ordre" qui sont des démonstrations de force
militaire de plus en plus brutales, contribuent à attiser, entretenir
et aggraver les foyers de conflits non seulement en Asie Centrale mais aussi
au Moyen-Orient où la spirale de la violence aveugle ne fait que s'élargir
de jour en jour, d'attentats-kamikazes en représailles disproportionnées.
En s'appuyant sur telle ou telle nation, sur telle ou telle ethnie ou sur telle
ou telle bande armée, elles réactivent d'anciens conflits comme
celui entre l'Inde et le Pakistan. De même, l'intervention des "boys" américains aux Philippines, leurs menaces face à d'autres
pays désignés comme "des protecteurs des terroristes"
ne peuvent qu'élargir dans les mois qui viennent le champ de nouvelles
tueries. Et, chaque fois, ce sont les populations civiles locales qui en sont
les principales victimes. Ce sont elles qui sont massacrées, bombardées,
pourchassées ; ceux qui en réchappent sont condamnés à
l'exode, croupissant dans des camps où ils sont à nouveau décimés
par la misère, la faim, le froid, les épidémies. Cette
fuite en avant dans la barbarie la plus effroyable n'est qu'une autre manifestation
de la faillite historique du capitalisme et de la menace d'anéantissement
que la survie de ce mode de production fait courir à l'humanité.
C'est le même système décadent qui rejette sur le pavé
du chômage des millions de prolétaires qu'il est incapable d'intégrer
à sa production que ce soit au cœur du système ou à
sa périphérie, et qui, dans les Etats sous-développés,
massacre les populations civiles dans des conflits guerriers sans fin.
Mais c'est en menant le combat contre les racines mêmes de la guerre,
contre la crise économique et ses effets dévastateurs, c'est en
s'affirmant sur son propre terrain de classe, c'est en résistant pied
à pied aux attaques qu'elle subit, contre la dégradation de ses
conditions d'existence, contre les licenciements, c'est en se donnant les moyens
de développer massivement ses luttes, que la classe ouvrière pourra
à terme mettre fin au déchaînement de la barbarie guerrière
en renversant le capitalisme avant qu'il ne détruise la planète.
C'est parce qu'elle est la seule classe de la société porteuse
de la réalisation de cette perspective, c'est parce que le développement
de ses combats sont une véritable alternative à la misère
et à la guerre engendrées par le capitalisme que la classe ouvrière
détient le sort de l'humanité entre ses mains.
Bien que les attentats terroristes du 11 septembre et le déchaînement
de la riposte américaine en Afghanistan ait polarisé l'attention
de la classe ouvrière, celle-ci ne s'est pas laissée totalement
paralyser par les campagnes bellicistes de la bourgeoisie. Ainsi, depuis deux
mois, c'est dans tous les secteurs que les ouvriers ont manifesté leur
mécontentement et leur volonté de ne pas courber l'échine
face à la dégradation de leurs conditions de vie. C'est bien ce
dont témoigne la multiplication, ces deux derniers mois, des grèves
dans le public comme dans le privé : à l'usine de textiles DIM
à Autun contre les licenciements début décembre, chez Mc
Donald (où la grève se poursuit depuis le mois de novembre), dans
les bureaux de Postes de la région parisienne contre l'intensification
du travail avec le passage à l'Euro; à l'usine Scholtès
Thionville pour des augmentations de salaires, chez les employés du Musée
de l'Homme à Paris, dans les transports parisiens et en province, chez
les employés municipaux (telle la grève de 9 jours des employés
de la ville de Tours contre les 35 heures), chez les enseignants et les personnels
administratifs, ouvriers et de service de l'Education Nationale, dans les banques
contre la dégradation des conditions de travail, à Renault Flins
contre l'application des 35 heures, etc.
Avec le succès de la grève des gendarmes qui ont obtenu, début
décembre, 1000 francs d'augmentation de salaire et un renforcement de
leurs effectifs, la bourgeoisie a mis a profit ce mouvement hypermédiatisé
non seulement pour dénaturer la lutte de classe (voir RI n°319),
mais pour pousser une fois encore la classe ouvrière derrière
les syndicats. Dans tous ces conflits sociaux, dans le public comme dans le
privé, les syndicats exhortent les ouvriers à engager le combat
en semant l'illusion que la lutte sur un terrain corporatiste paie, et même
qu'elle peut rapporter gros, comme l'aurait démontré la grève
des gendarmes. Ainsi, par exemple, au lendemain de la "victoire" des
gendarmes, la CGT appelle à la mobilisation des ouvriers de l'usine Scholtès
Thionville en mettant en avant une revendication démagogique calquée
sur celle des gendarmes : 1000 francs par mois (ce qui représente une
augmentation de plus de 15% pour des salaires d'environ 6000 à 6500 francs
!), et une prime de fin d'année de 3000 francs.
Alors que tous les secteurs sont confrontés aux mêmes attaques,
notamment la dégradation des conditions de travail et la mise en place
des 35 heures, partout les syndicats se sont efforcés d'émietter
la combativité ouvrière, en enfermant et isolant les différents
foyers de lutte les uns des autres, en planifiant dans le temps les journées
d'action (notamment dans l'Education Nationale ou dans les hôpitaux) afin
d'éviter un mouvement massif et uni de toute la classe ouvrière.
Une fois encore, face à la montée du mécontentement des
ouvriers, les syndicats prennent les devants et occupent tout le terrain social.
Ce sont eux qui organisent, contrôlent et dirigent les grèves,
les assemblées générales et les manifestations avec comme
seul objectif de lâcher un peu la vapeur en période préélectorale.
En canalisant et défoulant la colère des ouvriers dans l'impasse
du corporatisme, leurs manoeuvres, comme toujours, ne visent qu'un seul but
: permettre au patronat et au gouvernement de faire passer leurs attaques.
Aujourd'hui, ce sont les grèves et manifestations dans le secteur de
la santé qui font l'objet de toutes sortes de manoeuvres de la bourgeoisie.
Ainsi, alors que le protocole Guigou d'application des 35 heures dans la Fonction
publique hospitalière provoque une flambée de colère dans
ce secteur, les médias ont monté en épingle la grève
des médecins généralistes revendiquant une augmentation
de leurs honoraires. A la suite des journées "sans toubibs",
on a vu également les infirmières libérales se mobiliser
à leur tour pour le même type de revendications que celles des
médecins libéraux. Les médias ne se sont pas privés
d'étaler leur énorme combativité révélées
par des échauffourées avec les CRS lors de leur manifestation
du 23 janvier à Paris. Grâce à la médiatisation de
ces mouvements de colère de la petite-bourgeoisie libérale (confrontée
elle aussi à l'aggravation de la crise et aux restrictions imposées
par l'Etat), la bourgeoisie cherche aujourd'hui à semer la confusion
dans les rangs ouvriers en masquant l'attaque constituée par l'application
des 35 heures dans la Fonction publique. Elle cherche non seulement à
noyer la colère des travailleurs des hôpitaux dans un vaste mouvement
protéiforme de tous les "professionnels de la santé",
mais encore à saboter leur riposte contre l'application de la loi Aubry.
Ainsi, l'ouverture des négociations locales, début janvier, dans
tous les hôpitaux a permis au gouvernement Jospin de laisser toute latitude
aux syndicats pour organiser la division et la dispersion des luttes dans ce
secteur. Alors que la loi Aubry sur les 35 heures n'a qu'un seul objectif, l'annualisation
et la flexibilité du temps de travail en fonction des besoins non pas
des ouvriers mais des entreprises, leur application dans la Fonction publique
hospitalière est présentée par tous les syndicats non signataires
de cet accord (CGT, FO, CFTC, SUD) comme un "acquis social" qu'il
faudrait maintenant imposer chacun dans son coin, chacun dans "sa boîte"
en faisant pression sur les directeurs d'hôpitaux ! Depuis la fin de l'année
2001, ce sont les travailleurs de plus d'une trentaine d'hôpitaux qui
ont été appelés par les syndicats CGT, FO, CFTC, SUD à
se mobiliser pour que l'ARTT (qui ne sera effective qu'à partir du 1er
avril), "ne soit pas un leurre".
Pour enfermer les ouvriers dans "leur" hôpital et empêcher
une riposte massive et unie de tout le secteur hospitalier, le principal thème
revendicatif des syndicats (qui sont bien sûr les seuls à négocier
avec les directions) consiste à polariser les ouvriers sur le "maintien
des acquis locaux" ( jours de congés supplémentaires, intégration
du temps de repas dans le temps de travail, etc.). En mettant en avant la défense
de ces "acquis locaux", les syndicats ont organisé partout
la dispersion, l'émiettement et l'enfermement des luttes et ont défoulé
la colère des hospitaliers dans des actions locales : mise en place par
les syndicats de comité de grève et autres "collectifs de
lutte" au sein de chaque hôpital, manifestations locales y compris
dans l'enceinte-même des hôpitaux (comme au centre hospitalier Sainte-Anne
à Paris où le 15 janvier, les syndicats ont organisé une
manifestation à l'intérieur des murs de l'hôpital afin d'exiger
du directeur qu'il sorte de son bureau pour s'expliquer devant les grévistes,
etc. !
Partout, ces forces d'encadrement capitalistes sèment l'illusion qu'en
faisant pression sur les directeurs pour obtenir des effectifs supplémentaires
permettant une véritable réduction du temps de travail, en luttant
chacun dans "sa" boîte, les travailleurs pourraient éviter
de "se faire arnaquer" !
Grâce au protocole Guigou d'application de la loi Aubry, grâce aux
manoeuvres syndicales d'isolement et d'émiettement de la combativité
dans le secteur de la santé, la bourgeoisie cherche aujourd'hui à
imposer l'annualisation et la flexibilité du temps de travail en évitant
une riposte massive de toute la Fonction publique hospitalière.
En appelant à la "grève reconductible", en poussant
les hospitaliers dans des grèves longues (certains hôpitaux, comme
les CHU de Rennes et Clermont-Ferrand, sont en grève depuis plus de six
semaines), les syndicats visent à épuiser la combativité
ouvrière et à empêcher ainsi toute réflexion sur
l'attaque que représente en réalité la loi Aubry sur les
35 heures. Une attaque qui, quels que soient les protocoles de mise en application
suivant les secteurs, n'est pas spécifique aux travailleurs des hôpitaux.
C'est toute la classe ouvrière, dans le public comme dans le privé,
qui est aujourd'hui victime de l'escroquerie des 35 heures. Ce n'est qu'en développant
une riposte unie de tous les secteurs, en brisant l'enfermement et la division
organisée par ces défenseurs de l'ordre capitaliste que sont les
syndicats, que la classe ouvrière pourra lutter efficacement contre toutes
les attaques et les "arnaques" de la bourgeoisie.
Dans les numéros précédents de RI[1] [133], nous avons fait une analyse du processus qui a amené à la banqueroute totale de l'Argentine: une dette qui représente aujourd'hui plus de la moitié du PNB. Un chômage qui atteint aujourd'hui la moitié de la population active. Un pays qui, en dix ans, est passé de l'hyper-inflation à l'hyper-endettement. Après trois ans de récession, après le plan de "sauvetage" de mars 2000, le FMI refuse en novembre de débloquer les milliards de dollars promis. Sans la moindre liquidité pour payer le service d'une dette gigantesque, le gouvernement impose le "corralito " : les gens ne pourront sortir que 1000 pesos (dollars) au maximum par mois. Epargne bloquée et salaires kidnappés par l'Etat lui-même. Après trois ans de récession, trois ans d'augmentation galopante du chômage, de la pauvreté, de la précarité, après les baisses de salaires et des pensions du mois de mars, maintenant le peu que les gens possèdent à la banque se retrouve confisqué par l'Etat. Partout, économistes, scribouillards de toutes sortes, se mettent à proposer des solutions, à faire des analyses sur la "mauvaise étoile" des Argentins, dans une espèce de mauvais tango sur un disque rayé. En fait, la "solution" de la bourgeoisie est toujours la même : faire payer les prolétaires, exploiter encore plus, saigner à blanc et, ce faisant, transformer certaines parties du monde en terrains vagues habités par des clochards. Où que ce soit dans le monde (les tigres et autres dragons du Sud-est asiatique, en Russie ou au Mexique), à chaque fois, à chaque "nouveau plan", c'est toujours les mêmes qui trinquent.
L'Argentine n'est pas une exception, elle n'est même plus le signe avant-coureur, mais l'image à peine déformée de ce qui attend, à plus ou moins longue échéance, de plus en plus larges parties du monde.
Dans le cas de l'Argentine, le FMI est en train de mettre la pression pour éviter la contamination aux pays voisins et même à l'Europe. Le FMI sait très bien que de nouveaux crédits n'auraient engendré que de nouvelles dettes dans une fuite en avant sans fin, suicidaire, et qui auraient contaminé à coup sûr les pays voisins et l'Europe.
Ainsi, la seule façon de procéder a été, comme toujours, la même : écraser encore plus les salariés et les classes non-exploiteuses. Au passage, le FMI, en tant que représentant de la bourgeoisie occidentale, a mis au pied du mur sa consœur argentine, bourgeoisie particulièrement corrompue et arrogante. Si, au mois de mars 2001, c'étaient trois ministres des finances qui se sont succédés en 10 jours, maintenant, en 15 jours, ce sont… 5 présidents qui sont passés les uns après les autres ! On a eu droit à toutes les nuances du péronisme, depuis l'histrion populiste de service qui a promis "l'immédiate cessation de payement de la dette" et "de suite, un million d'emplois" (Rodríguez Sáa), jusqu'au populiste bon teint Duhalde qui, lui, a été le candidat péroniste contre De La Rúa, et qui se permet maintenant de critiquer "tous ces stupides et corrompus qui nous ont mis dans un tel état", faisant référence, entre autres, à son coreligionnaire Menem.
A côté de la mesure de blocage de l'épargne, le nouveau gouvernement a décidé de dissocier le peso du dollar, ou plutôt de faire deux "pesos", un équivalent au dollar, l'autre "flottant". La mesure est présentée avec son mode d'emploi démagogique : il s'agit d'arrêter la fuite des capitaux ; ainsi pour ceux qui veulent acheter des dollars, ce sera toujours 1$ = 1peso. Par contre, pour acheter des produits à l'étranger, ce sera la valeur du peso "réel". Déjà, actuellement, le peso réel vaut 0,7 $ avec la dévaluation. Le résultat pour une population où la paupérisation se propage sans entrave est l'augmentation des produits de première nécessité. Le "faiseur de miracles" Cavallo (ex-ministre de l'Economie) avait inventé, il y a dix ans, la "dollarisation" pour juguler l'hyper-inflation. Dix ans après, le même Cavallo était de retour pour juguler l'hyper-endettement. Maintenant que Cavallo a été remercié, on va assister à un retour de l'inflation et à une augmentation du coût de la vie, avec le blocage des salaires. Mais il est bien évident qu'il n'y a plus de "retour en arrière possible" : aujourd'hui la situation a évolué en bien pire. Et, plus important encore, le monde entier est en récession. Ainsi, la crise argentine n'est qu'un signe majeur de la situation actuelle de l'économie mondiale, dans laquelle elle s'inscrit pleinement.
C'est le 20 décembre 2001 que le gouvernement de De La Rúa a pris la décision de la confiscation de l'épargne. A partir de là, toute une série d'émeutes vont se produire en Argentine jusqu'à récemment.
Augmentation du chômage et précarité ont été le quotidien depuis trois ans pour la classe ouvrière argentine. En fait, la dégradation de ses conditions de vie, déjà ancienne, est entrée en chute libre. En mai 2001, la bourgeoisie a porté une attaque en règle contre les fonctionnaires retraités.
Un autre aspect de la crise argentine a été l'appauvrissement constant de ce que les sociologues appellent la "classe moyenne", fierté de la "nation" argentine, où l'on mélange petits commerçants, petits patrons, professions libérales avec les employés de l'Etat. Il est vrai que le "corralito" a été un sérieux coup sur la tête de la petite bourgeoisie argentine, une petite-bourgeoisie très paupérisée, amère, désespérée. La loi de confiscation des avoirs la touche de plein fouet. Mais elle-même se considère pour ce qu'elle est : une "classe moyenne". À côté des émeutes de la faim, des assauts contre les supermarchés et les transports de denrées, les "cacerolazos" (les concerts de casseroles) ont été très clairement marqués par ces couches sociales, quand ils ne furent pas, dans la plupart des cas, montés par des organisations leur appartenant : à Cordoba, les manifestations violentes sont organisées par les PME. A Buenos Aires, à côté des petits commerçants, ce sont les avocats qui ont dirigé les manifestations contre les "juges corrompus" de la Cour Suprême. Cette révolte populaire qui a commencé par des émeutes d'un "peuple affamé", avec une classe ouvrière noyée dans le désespoir, est en train de finir en manifestations d'une petite bourgeoisie, misérable certes, où la classe ouvrière, en tant que telle, est complètement dévoyée. Les couches moyennes en Argentine sont en train de vivre un processus de paupérisation galopante, de désespoir total, ce qui n'empêche qu'elles imprègnent ces mouvements de protestation, ces émeutes, de toutes les caractéristiques de ces couches : un avenir inexistant enrobé d'une idéologie nationaliste hystérique. Voilà dans quelle situation difficile se trouve aujourd'hui la classe ouvrière en Argentine qui a eu par le passé une expérience de lutte autonome exemplaire. Un dernier événement vient illustrer cette situation. Vendredi 11 janvier, 600 "piqueteros" ("coupeurs de route") appartenant à un groupe d'ouvriers et de chômeurs très combatifs se sont présentés devant le Marché Central de Buenos Aires pour décharger des cageots de victuailles des camions et les porter dans un quartier populaire. Un millier d'ouvriers manutentionnaires du Marché Central, sous-payés, les ont expulsés à coup de bâton, les poursuivant dans les champs, blessant grièvement plusieurs d'entre eux. Cette bagarre n'est pas une anecdote. Comme le fait remarquer un journal argentin : "L'affrontement entre exploités et affamés, synthèse pathétique à la base de la crise argentine, a débouché, après la bastonnade sur les "piqueteros", sur l'assaut de la direction du Marché Central par la troupe même des manutentionnaires." Soit dit en passant, cette lutte contre la direction actuelle du Marché se fait pour le compte d'autres coteries du pouvoir dans le monde privilégié des combines et du clientélisme. D'un côté, les "piqueteros" qui épuisent leur combativité dans des blocages de routes et autres actions radicales sans le moindre lendemain. De l'autre, les manutentionnaires entre les mains des syndicats péronistes, utilisés comme troupes de choc pour le compte des politiciens plus ou moins mafieux.
Aujourd'hui, face à la situation de misère à laquelle elle est confrontée, la colère de la classe ouvrière en Argentine est noyée au milieu de toutes les autres couches sociales sans avenir. Prétendre aider la classe ouvrière de ce pays en s'excitant et en applaudissant ce mouvement de révolte populaire interclassiste, parce qu'il a l'air de s'opposer aux intérêts de la bourgeoisie, c'est la jeter encore plus dans les bras d'une petite-bourgeoisie passablement décomposée. Ce n'est qu'en développant ses luttes sur son propre terrain de classe, en s'affirmant comme classe autonome avec ses propres moyens de lutte dans les grèves et manifestations massives autour de revendications communes à toute la classe exploitée, que celle-ci pourra intégrer dans son combat les autres couches sociales victimes de la misère et de l'austérité capitaliste. Le combat sur son propre terrain de classe est la seule voie qui puisse permettre à la classe ouvrière d'en finir avec la misère, en construisant par et dans la lutte un rapport de force capable de renverser le capitalisme à l'échelle mondiale. Seule l'affirmation de sa perspective révolutionnaire pourra permettre au prolétariat de construire une autre société basée non sur l'exploitation et le profit, sur les lois du marché, mais sur la satisfaction des besoins humains. Ce n'est que dans une société communiste mondiale que la distribution de biens de consommation pourra être réellement effective en se développant à l'échelle de l'histoire et de toute l'humanité.
En ce sens, les révolutionnaires doivent être clairs ; ils ne sont pas là pour consoler leur classe, pour la pousser dans des impasses, mais pour lui montrer le chemin de sa perspective et défendre ses propres intérêts en la mettant en garde contre les dangers qui la menacent : en particulier celui de se laisser dévoyer dans des révoltes interclassistes et dans les illusions démocratiques.
Comme nous l'avons toujours mis en évidence, cette perspective révolutionnaire dépend essentiellement du développement du combat des bataillons les plus concentrés et expérimentés du prolétariat mondial, et notamment ceux de la vieille Europe occidentale. Du fait de sa longue expérience des pièges de l'Etat démocratique, de son jeu parlementaire et des manoeuvres de ses syndicats, seul le prolétariat des pays les plus industrialisés, peut ouvrir une dynamique vers la généralisation mondiale des combats de classe en vue du renversement du capitalisme. C'est dans la vieille Europe que le capitalisme est né et a créé son propre fossoyeur. C'est dans cette partie du monde que le géant prolétarien lui portera les premiers coups décisifs.
Voilà pourquoi les communistes ne doivent pas céder à l'impatience en refusant de voir les difficultés auxquelles est confronté le prolétariat en Argentine qui, malgré son énorme combativité, n'a pas la force politique, du fait de son manque d'expérience historique, de développer un mouvement révolutionnaire en s'affirmant comme classe autonome.
Face à la faillite du capitalisme, les communistes ont donc le devoir de mettre en avant les buts généraux du mouvement prolétarien dans son ensemble en soulignant l'énorme responsabilité qui repose sur les épaules du prolétariat des pays centraux du capitalisme.
Pn (20 janvier)
Depuis la guerre du Golfe, la classe ouvrière mondiale a été
confrontée sans cesse à la réalité de la guerre
: les innombrables conflits en Afrique et en Yougoslavie, celui du Kosovo, du
Kargil (région du Cachemire indien où les affrontements entre
l'Inde et le Pakistan ont fait plus de 30.000 morts, pour la plupart des civils,
en 1998), l'intervention militaire en Afghanistan et, maintenant, les préparatifs
de guerre entre l'Inde et le Pakistan, nations qui possèdent l'arme nucléaire
et se livrent un face à face menaçant.
Cette réalité du système capitaliste en décomposition,
constamment déchiré par la guerre, est horrifiante. Considérée
en dehors du cadre historique du marxisme, elle conduit au désespoir.
Seule l'analyse historique et matérialiste de la réalité
du capitalisme aujourd'hui, fournit une clef pour comprendre les guerres et
les crises qui ravagent le système capitaliste mondial.
Les guerres qui ont ravagé le système capitaliste depuis le début
du 20e siècle ne peuvent être comprises que dans le cadre de la
décadence de ce système, à partir de 1914. Cependant, le
cadre immédiat dans lequel se déroulent les guerres actuelles
est défini par l'effondrement des blocs impérialistes à
la fin des années 1980 et par la décomposition du capitalisme.
Comme nous l'avons montré à maintes reprises, l'effondrement du
bloc russe en 1989 a entraîné l'effondrement du bloc occidental.
Ceci a éliminé la discipline de bloc qui empêchait que des
conflits entre puissances de moindre importance n'éclatent de façon
incontrôlée. La réalité, telle qu'elle apparaît
depuis lors, se définit le mieux par le règne du "chacun
pour soi". Ce sont toutes les puissances, petites ou grandes, qui cherchent
à satisfaire leurs appétits impérialistes, quel qu'en soit
le coût. De ce fait, les grandes puissances, en particulier la seule superpuissance
mondiale, les Etats-Unis, ont de plus en plus de difficultés à
contenir les conflits entre les gangsters de moindre importance.
Les guerres auxquelles nous faisons référence ci-dessus ont été
le produit de cette tendance au chacun pour soi. Les roulements de tambours
annoncent la guerre qui se prépare entre l'Inde et le Pakistan aujourd'hui.
Cette guerre, tout en trouvant ses racines dans leur passé, se situe
dans ce cadre historique global du chaos généralisé, de
la tendance au chacun pour soi.
Depuis l'attentat terroriste du 13 décembre 2001 contre le Parlement
indien, la bourgeoisie indienne réclame à grands cris la guerre
contre le Pakistan. A la suite de cet attentat, toutes les fractions de la bourgeoisie
indienne se sont réunies au Parlement le 18 décembre et ont déclaré
soutenir toute action diplomatique et militaire, y compris la guerre, que leur
gouvernement serait amené à entreprendre pour "punir",
à l'instar des Américains, les "terroristes et ceux qui leur
apportent leur soutien".
Immédiatement après, la bourgeoisie indienne a commencé
une campagne de propagande belliciste. Les politiciens ont fait des déclarations
visant à développer une hystérie guerrière et les
médias ont stimulé cette frénésie chauvine par des
reportages patriotiques sur la préparation de la guerre. Ceci a été
accompagné par une mobilisation en vue de la guerre tout le long de la
frontière. Près d'un demi-million de soldats ont été
déplacés vers la frontière entre les deux pays. Réciproquement,
les Pakistanais ont fait de même. La machine de guerre de chacun des deux
Etats s'est mise en marche vers la frontière.
L'Inde et le Pakistan ont déplacé les populations civiles en-dehors
de la zone frontalière et, de chaque côté, les champs de
blé ont été transformés en champs de mines.
Ces bruits de bottes ont été accompagnés par une offensive
diplomatique de la part de l'Inde, un jeu dans lequel le Pakistan est, pour
le moment, en position d'infériorité. La bourgeoisie indienne
a rappelé son ambassadeur à Islamabad ; chacun des deux Etats
a demandé à l'autre de réduire les membres de son personnel
diplomatique de 50% et a restreint leurs déplacements aux seules capitales.
Chacun a interdit à l'autre l'utilisation de son espace aérien
pour les vols civils et toutes les voies de transport ont été
coupées. Il est aussi question d'abroger un vieux traité sur le
partage de l'eau de l'Indus. On peut dire que les préparatifs de guerre
sont terminés : les deux armées se font face, prêtes à
s'entre-tuer à n'importe quel moment.
De façon superficielle, tout ceci n'est que le résultat de l'attentat
du 13 décembre contre le Parlement indien. Mais si cette guerre finit
par éclater, elle ne sera pas le première entre l'Inde et le Pakistan.
Depuis leur naissance, en 1947, les deux Etats ont mené pas moins de
quatre guerres ouvertes ( 1948, 1965, 1971 et 1999 ) et s'en sont approchés
en maintes autres occasions. Quand ils ne se font pas ouvertement la guerre,
ils la font par ethnies interposées, comme au Cachemire, ou bien avant
au Pendjab indien (le Pendjab a été séparé en deux
provinces portant le même nom, l'une au Pakistan et l'autre en Inde, lors
de la partition en 1947 et où les affrontements ont été
très violents) et à Karachi (capitale de la province de Sindh
au sud-est du Pakistan).
C'est dans la naissance même de ces deux Etats que la guerre prend ses
racines. Leurs relations - dans l'esprit de leur bourgeoisie dirigeante - semble
se résumer à cette simple équation de leur lutte à
mort : "C'est vous ou nous." C'est cette équation qui a caractérisé
les relations entre les deux blocs impérialistes durant la "guerre
froide" et qui s'est résolue par la destruction du bloc russe. La
bourgeoisie du Pakistan parle de "saigner l'Inde par mille plaies"
(guerre quotidienne au Cachemire, au Khalistan et ailleurs). En Inde, la bourgeoisie
ne cesse d'évoquer la nécessité d'une "guerre terminale"
avec le Pakistan, seule façon de ramener la "paix". Ce type
de discours, non seulement exprime leur haine mutuelle, mais aussi révèle
leurs forces respectives et leurs calculs stratégiques.
Immédiatement après cet attentat contre le Parlement indien,
qui a fait 14 victimes, la bourgeoisie indienne a décidé et déclaré
qu'il avait été perpétré par deux groupes terroristes
basés au Pakistan, Let et Jaish, avec l'aide des services secrets pakistanais,
l'ISI. L'Inde a demandé au Pakistan d'entamer une action contre ces deux
groupes et simultanément a commencé sa mobilisation en vue de
la guerre. Ceci n'est pas sans rappeler l'attitude de la bourgeoisie américaine
après le 11 septembre, concernant Ben Laden et l'Afghanistan.
Ces affirmations de la bourgeoisie indienne sur les deux groupes, Let et Jaish,
ont été acceptées par la bourgeoisie mondiale : les Etats
américain et britannique les ont interdits peu après les déclarations
de l'Inde. Sous leurs pressions, le Pakistan a aussi interdit ces deux groupes
et a arrêté leurs dirigeants. Il semble clair que cet attentat
n'a pas profité à la bourgeoisie pakistanaise. En fait, l'Inde
s'en est servi habilement pour mettre le Pakistan au pied du mur. Cependant,
il est possible que Let et Jaish l'aient accompli avec la complicité
d'éléments dissidents au sein de l'Etat pakistanais, qui pensaient
qu'une guerre pourrait servir leurs intérêts. Il est aussi possible
que l'Etat indien l'ait favorisé. Il s'en est servi avec succès
pour mettre le Pakistan en accusation. Même avant cela, l'Etat indien
avait renforcé son offensive au Cachemire : chaque jour le nombre de
morts ne fait que s'accroître.
Mais la tournure qu'ont pris les événements en Afghanistan a représenté
un encouragement bien plus concret pour la bourgeoisie indienne lui permettant
de passer à l'offensive. Depuis des années, le régime des
talibans se comportait comme une extension de l'Etat pakistanais. Celui-ci utilisait
l'Afghanistan, sous la coupe des talibans, comme un centre d'entraînement
pour les mouvements séparatistes fanatiques au Cachemire, mais aussi
en Asie centrale et en Tchétchénie. Pour le Pakistan, comme pour
les Etats-Unis, l'Afghanistan représentait un passage obligé pour
étendre son influence vers l'Asie centrale. Les stratèges pakistanais
disaient que le contrôle sur l'Afghanistan donnerait à leur pays
une supériorité stratégique sur l'Inde.
La chute de ces derniers a représenté un coup sévère
porté contre le Pakistan. Sa position s'en est trouvé relativement
affaiblie, sa bourgeoisie a été plongée dans le désarroi
et des divisions sont apparues dans ses rangs.
La bourgeoisie indienne a tiré avantage de cette situation et a accéléré
son offensive contre le Pakistan.
Si on la laissait faire, la bourgeoisie indienne serait déjà
en guerre. Mais ceci ne va pas dans le sens des intérêts des Etats-Unis.
Ils se sont engagés en Afghanistan dans une "guerre contre le terrorisme".
Bien que le régime des talibans ait été détruit,
ils ont encore besoin du soutien du Pakistan, que celui-ci le veuille ou non,
pour atteindre leurs buts stratégiques : élimination totale des
talibans, installation d'un régime sous leur contrôle absolu, utilisation
du pays comme base pour pénétrer dans les républiques d'Asie
centrale et surveiller tous les territoires qui l'entourent. Dans l'immédiat,
une guerre entre le Pakistan et l'Inde pourrait tout compromettre. Les Etats-Unis
seraient obligés de choisir leur camp et leurs plans à long terme
visant à la domination de cette partie du monde seraient réduits
à néant.
Les Etats-Unis ont aussi conscience qu'une guerre entre l'Inde et le Pakistan,
compte tenu de leur hostilité, pourrait dégénérer
en une conflagration à plus grande échelle, d'autant plus que
la bourgeoisie indienne est vraiment poussée à bout. Si une guerre
met en danger le Pakistan, le risque est que la Chine soit amenée à
faire une démonstration de force, ce qui entraînerait les Etats-Unis
à réagir. De fait, la Chine a déjà exprimé
son "inquiétude grandissante" concernant les tensions entre
l'Inde et le Pakistan et des mouvements de troupes chinoises ont été
signalés à la frontière sino-indienne.
Compte tenu de cette situation, les Etats-Unis ont accru leurs pressions à
la fois sur l'Inde, pour qu'elle fasse preuve de "retenue", et sur
le Pakistan, pour qu'il entreprenne des actions contre les terroristes. Il semble
peu probable qu'une guerre soit sur le point d'éclater dans cette partie
du monde.
Mais, même si la "paix" qui règne pour le moment et si
les intérêts impérialistes des grandes puissances peuvent
avec succès obliger l'Inde et le Pakistan à se désengager
et à démobiliser, ce ne sera qu'un intermède temporaire.
Et cela n'a rien à voir avec le fait que l'Inde et le Pakistan sont des
"ennemis héréditaires", c'est uniquement parce que la
logique même du capitalisme, c'est la guerre.
Dans ses préparatifs de guerre, la bourgeoisie a essayé d'activer le sentiment de haine nationaliste et la frénésie patriotique. Mais la classe ouvrière n'a rien à gagner de cette guerre, comme elle n'a rien à gagner de tous les conflits impérialistes dans lesquels veulent l'entraîner ses exploiteurs. Les ouvriers doivent refuser de se laisser embrigader par la propagande de la bourgeoisie. La classe ouvrière ne peut mettre en avant ses propres intérêts que par le développement de la lutte de classe contre ses exploiteurs, contre la bourgeoisie, et en affirmant son unité de classe par delà les frontières nationales. La classe ouvrière et son avant-garde révolutionnaire, les communistes, n'ont aucun camp à choisir. L'ennemi de classe est dans tous les camps impérialistes. Face aux menaces de guerre, ils doivent, dans cette région du monde comme partout ailleurs, appeler à l'unité internationale de la classe ouvrière pour la destruction du capitalisme.
Communist Internationalist,Il y a dix ans, en décembre 1991, on assistait à l'éclatement
de l'URSS. Voici ce que nous écrivions à l'époque à
propos de cet événement :
"C'est sur une nouvelle accélération brutale de l'histoire
que vient de s'achever l'année 1991 : l'URSS, ce gigantesque Etat capitaliste
qui fut pendant plus d'un demi-siècle la deuxième puissance mondiale
a été définitivement rayée de la carte du monde
le 21 décembre avec la création de la Communauté des Etats
Indépendants (CEI) au sommet d'Alma-Ata. Depuis deux ans les événements
qui ont secoué l'ex-empire soviétique, la rapidité vertigineuse
avec laquelle ils se sont succédé, n'ont cessé de mettre
en relief l'extrême gravité de la nouvelle situation historique
ouverte avec la fin de la 'guerre froide'. Le monde capitaliste entre aujourd'hui
de plain-pied dans une ère nouvelle, celle de la décomposition
du capitalisme ..."
Dans un autre article paru en octobre 1991 intitulé "URSS : ce n'est
pas le communisme mais le capitalisme qui s'effondre", nous ajoutions :
"Et cet irréversible processus déliquescent qui affecte chaque
jour davantage un Etat bourgeois (...) est l'éclatante manifestation
une fois de plus de la faillite totale du système capitaliste".
A l'opposé des déclarations de George Bush (le père) du
25 décembre 1991 : "L'Union Soviétique n'est plus. C'est
une victoire pour la démocratie et la liberté. Nous sommes ce
soir devant un nouveau monde d'espoirs et de possibilités pour nos enfants",
nous annoncions déjà : "Pour tenter de freiner le chaos mondial
et continuer à s'affirmer comme seul gendarme du monde, l'Etat américain
risque d'être amené, dans le futur, à utiliser une fois
encore les 'grands moyens' (...) L'anarchie qui gangrène ce gigantesque
territoire ne peut que favoriser, partout, la dissémination des armes
nucléaires, qui risquent d'être utilisées par n'importe
quel docteur Folamour local (...) Voilà ce qui se profile derrière
tous les projets de 'désarmement nucléaire' des dirigeants occidentaux
: de nouvelles guerres du Golfe sont aujourd'hui en gestation. Face à
la gravité des enjeux, on peut être sûr que s'il déclenche,
dans l'avenir, une nouvelle 'Tempête du Désert', le gendarme US
aura pour objectif essentiel d'exhiber aux yeux de tous (en particulier de ses
principaux concurrents impérialistes) son gigantesque potentiel militaire
et éventuellement nucléaire. C'est bien le sens qu'il faut donner
aux discours menaçants de Bush lorsqu'il affirme que la guerre du Golfe
aurait été une 'guerre pour rien', laissant entendre avec un cynisme
sans nom que 'les USA n'ont peut être pas été assez loin'.
Ainsi, de la même façon que la guerre du Golfe avait constitué
une conséquence directe de l'effondrement du bloc de l'Est, le déchaînement
du chaos et du 'chacun pour soi' résultant de la disparition de l'Etat
soviétique vient aujourd'hui aggraver à une échelle considérable
la menace de nouveaux bains de sang sur toute la planète. Une telle situation
ne peut que contraindre, à terme, les grandes puissances, et en premier
lieu les USA, à se lancer dans l'engrenage de la barbarie guerrière.
Voilà l'avenir que nous promet le 'nouvel ordre mondial' : la fin de
'l'équilibre de la terreur' tant saluée par la classe dominante
a cédé la place au déchaînement de la terreur où,
aux massacres, ne peuvent que succéder de nouvelles boucheries encore
plus sanguinaires. Et cette catastrophe planétaire contenue en germe
dans la situation historique présente n'est certainement pas le résultat
de la faillite du communisme. Si l'URSS a explosé, c'est parce qu'elle
constituait le bastion le plus fragile du système capitaliste décadent,
un bastion qui était condamné à s'effondrer sous les coups
de boutoir de la crise économique mondiale. La disparition de cet Etat
n'est qu'une des manifestations extrêmes de la décomposition générale
du mode de production capitaliste. En continuant à pourrir sur pied,
ce système moribond et barbare porte avec lui la menace de destruction
de toute la planète."
De fait, à quoi a-t-on assisté depuis une décennie ? Certes
pas à une explosion atomique mais bel et bien à une dissémination
de l'arsenal nucléaire issue de l'ex-URSS, alimentée par une décomposition
de l'armée (comme la revente incontrôlée d'armes radioactives
ou le pourrissement de déchets nucléaires dans la mer Baltique).
Et surtout au réveil de conflits entre Etats dotés de la bombe
atomique comme l'Inde et le Pakistan qui continuent à faire planer la
menace d'une destruction massive. Mais ce que ces dix années ont pleinement
démontré et confirmé, c'est l'accélération
et l'enfoncement du monde dans la barbarie guerrière et dans un chaos
sanglant. On a ainsi assisté à l'éclatement de la Yougoslavie,
notamment sous la pression de certaines puissances européenne comme l'Allemagne,
qui en suscitant de nouveaux appétits impérialistes, a marqué
les années 1990 et débouché sur l'extension du chaos guerrier
aux portes de l'Europe occidentale en Croatie, en Bosnie puis au Kosovo. On
a vu la réaffirmation sanglante et brutale de l'impérialisme russe
qui, avec le soutien de toutes les puissances occidentales, perpètre
depuis huit ans des tueries sans fin en Tchétchénie. On a eu droit
à une succession quasi-ininterrompue de massacres en Afrique depuis l'intervention
américaine en Somalie en 1993 jusqu'aux tueries inter-ethniques au Rwanda,
au Burundi, au Zaïre, au Congo, particulièrement alimentées
par les intérêts impérialistes de la France et de la Grande-Bretagne
tandis que les guérillas armées téléguidées
par tel ou tel impérialisme se poursuivent de plus belle sur tout le
continent, de l'Angola au Soudan en passant par le Sahara occidental. On assiste
depuis deux ans à une escalade vertigineuse de la violence au Moyen-Orient,
d'attentats-kamikazes de nationalistes palestiniens en raids de représailles
de plus en plus atroces de l'armée israélienne qui plongent la
région dans un chaos sanglant. Et ce n'est pas la dernière proposition
de Sharon de créer des "zones tampons" pas plus que celle de
la gauche israélienne de construire un mur en Cisjordanie autour de l'enclave
palestinienne (treize ans après la démolition du mur de Berlin,
présentée comme le symbole du "triomphe de la démocratie
et de la paix") qui peut permettre de limiter l'accélération
des affrontements meurtriers.
La fuite en avant dans les aventures guerrières de l'impérialisme
américain pour préserver son statut de gendarme du monde s'est
pleinement confirmée, au nom de la nouvelle croisade anti-terroriste.
Les attentats du 11 septembre 2001 ont fourni un fabuleux prétexte, sous
couvert de traque aux "suppôts du terrorisme" et de combat implacable
contre "l 'axe du Mal" réaffirmé par Bush (le fils)
lors de son discours sur l'état de l'Union le 29 janvier dernier, au
déclenchement d'une guerre exterminatrice illimitée susceptible
de se déchaîner en n'importe quel endroit de la planète.
Cela constitue d'ores et déjà une menace imminente contre des
cibles favorites des Etats-Unis que sont toujours l'Irak comme il y a onze ans
lors de la guerre du Golfe ("le problème n'est pas de savoir si
nous interviendrons mais quand" a déclaré le secrétaire
d'Etat américain à la Défense), l'Iran ou la Corée
du Nord (alors que 37 000 soldats américains occupent déjà
la pseudo- "zone démilitarisée " entre les deux Corées
et que la tournée du président américain en Asie du Sud-Est
n'a pas apaisé les tensions). Elle a permis dans la foulée le
débarquement de 400 GI's aux Philippines. Et bien évidemment,
cette démonstration à la face du monde de la force militaire du
gendarme américain a justifié et justifie encore le bombardement
de l'Afghanistan (déjà au cœur des enjeux impérialistes
entre les blocs et dont la population subissait les ravages de la guerre depuis
son invasion par l'URSS en décembre 1979).
Dans ce contexte, plus que jamais, les "accords de paix", ne sont
que des moments de surenchères dans les rapports de force inter-impérialistes
qui engendrent à leur tour de nouvelles haines nationalistes et de nouveaux
massacres, démontrant que la guerre est irrémédiablement
devenu le mode de survie permanent du capitalisme décadent. Ainsi, en
Afghanistan, le gouvernement provisoire installé par la Maison Blanche
ne fait qu'intensifier les massacres entre bandes armées rivales pachtounes,
ouzbeks et tadjiks au sein desquelles différents impérialismes
occidentaux et régionaux placent leur pion et agissent en sous-main.
C'est ainsi que nous pouvions déjà affirmer dans notre Manifeste
"Révolution communiste ou destruction de l'humanité"
du 9e Congrès du CCI, rédigé en septembre 1991 : "Si
on laisse le capitalisme en place, il finira, même en l'absence d'une
guerre mondiale par détruire définitivement l'humanité
à travers l'accumulation des guerres locales". L'enjeu de cette
situation est patent aujourd'hui. Il est clair que la menace d'anéantissement
de l'humanité ne vient pas seulement d'une guerre atomique ou d'une catastrophe
nucléaire mais que le capitalisme précipite le monde dans un abîme
de chaos et de barbarie guerrière généralisée.
Si les événements ultérieurs ont confirmé et validé
en grande partie et même l'essentiel de nos pronostics, c'est parce que
les efforts du CCI pour comprendre la nouvelle période historique qui
s'ouvrait avec l'éclatement de l'URSS (nos analyses sur la phase de décomposition
du capitalisme, nos thèses sur le militarisme et la décomposition,
la mise en relief de la dynamique du chacun pour soi qui contrecarre la tendance
vers la reformation de blocs impérialistes, etc.) n'ont jamais cessé
de s'appuyer fermement sur la méthode, la vision révolutionnaire
et l'expérience historique du marxisme. Ces analyses sont une confirmation
de la faillite historique du mode de production capitaliste à laquelle
le combat révolutionnaire de la classe ouvrière mondiale, seule
classe porteuse d'un autre avenir pour l'humanité, peut mettre fin, à
travers le développement de ses luttes contre la crise économique.
La candidate à l'élection présidentielle Arlette Laguiller prétend que son programme est l'expression de la défense des intérêts de la classe ouvrière. Mensonges ! Duperie sur toute la ligne ! Ses grands thèmes martelés tout au long de la campagne électorale sont non seulement destinés à engager un maximum d'ouvriers sur le terrain électoral bourgeois mais aussi à enfermer les prolétaires dans de dangereuses illusions réformistes et à dénaturer le sens même de la lutte de classe. Quel est donc ce "programme" ?
"faire payer le patronat", "prélever l'argent sur les
profits patronaux" ou "sur la fortune des actionnaires" pour
"redistribuer les richesses sociales et financer les emplois" , autrement
dit la formule qu'emploie également LO : "faire payer les riches
" . Cette bonne vieille recette de la gauche dans l'opposition a fait en
son temps les choux gras du PCF, en particulier quand le parti stalinien s'en
prenait aux "200 familles" dans les années 1930. Ce n'est rien
d'autre qu'une vaste entreprise de mystification qui revient à faire
croire que la solution au chômage et à la misère engendrés
par le capitalisme se trouverait dans une meilleure gestion de ce système.
Cela ne fait que renvoyer en permanence aux prolétaires l'idée
d'un capitalisme viable, un système qu'il suffirait de réformer,
qu'il serait possible d'orienter dans un sens favorable aux travailleurs et
surtout qu'il n'est pas nécessaire de détruire. Pour exploiter
ce filon électoral, notre "Arlette nationale" va jusqu'à
reprendre aujourd'hui à son compte la vieille idée d'autogestion
galvaudée par les anarchistes d'un côté, par le "modèle
yougoslave" à la Tito de l'autre en passant par les courants ouvertement
réformistes comme le PSU à la fin des années 1960 et dans
les années 1970, reprise par un syndicat comme la CFDT à l'époque.
Quelle que soit la couleur au goût du jour de la façade : au nom
plus libertaire de l'autogestion ou au nom d'une phraséologie empruntée
au marxisme comme l'appropriation collective des moyens de production, le fonds
de commerce reste le même : LO et sa candidate répandent le mythe
que la misère croissante engendrée par le capitalisme n'est pas
le résultat d'un système aux abois mais une simple question de
gestion et de "répartition des richesses". Elles prétendent
que les inégalités sociales et le chômage viennent de ce
que les "riches" amassent du fric qu'ils ne veulent pas partager,
et non pas de la logique même des rapports de production capitalistes.
Depuis Marx dans sa brochure "Salaire, prix et profit", tous les révolutionnaires
n'ont jamais cessé de combattre l'illusion qu'il n'y a pas de société
juste et équitable dans le cadre du capitalisme, que la seule réponse
historique que puisse apporter le prolétariat face aux iniquités
engendrées par ce système, c'est de le détruire, d'abolir
le salariat en développant les luttes contre l'exploitation de la force
de travail et les rapports capitalistes de production. En masquant le caractère
antagonique et inconciliable des intérêts des ouvriers avec ceux
du capital, LO cherche à ramener les ouvriers derrière la défense
de leur entreprise et de l'Etat bourgeois. Quand il arrive à LO de parler
de crise, ce n'est jamais pour y voir la manifestation de la faillite du système
qui fonde la nécessité et la possibilité de la révolution
prolétarienne. C'est pour la présenter soit comme un mythe inventé
par les méchants patrons pour s'en mettre davantage plein les poches,
soit comme le produit d'une mauvaise gestion de l'entreprise. En même
temps, en désignant la poche des "patrons privés" comme
cause de la misère des exploités, LO dédouane le premier
responsable de l'austérité capitaliste et du chômage, le
premier donneur d'ordre des licenciements et de la régression sociale
: l'Etat de la société bourgeoise qui ne peut être qu'un
Etat bourgeois, capitaliste. Pour LO, la solution est toute trouvée :
il suffirait de concentrer les moyens de production aux mains de l'Etat. Car
cet Etat et par voie de conséquence son gouvernement sont présentés
comme un arbitre au-dessus des classes sociales, qui pourraient indifféremment
pencher en faveur de l'une ou de l'autre classe : la bourgeoisie ou le prolétariat.
Le reproche qu'adresse LO à la gauche au gouvernement, c'est "de
se mettre au service des patrons", de "faire des cadeaux au patronat".
LO masque ainsi la nature de l'Etat capitaliste en faisant croire que c'est
lui qui sert les patrons privés alors que c'est la politique des patrons
privés qui est bel et bien au service de la défense du capital
national dont l'Etat représente le garant, le meilleur et le plus rigoureux
représentant. En réalité, le gouvernement "n'obéit"
nullement aux patrons mais ce sont les patrons qui sont contraints d'obéir
à l'Etat et aux intérêts du capital national. Cette recette
miracle c'est la même camelote, les mêmes vieilles recettes que
le PCF a servi pendant des décennies : mieux gérer le capitalisme,
c'est marcher vers une économie rationnellement organisée et planifiée,
capitaliste d'Etat, il suffit que l'Etat "s 'approprie et contrôle
les moyens de production" sur le modèle stalinien au nom de "l'Etat
ouvrier" qui en URSS aurait fait pendant 70 ans "la preuve de sa supériorité
économique". La raison profonde de cette mystification, c'est que
LO a pris la place et le flambeau du PC stalinien pour apparaître aujourd'hui
comme le plus fervent défenseur, le champion du capitalisme d'Etat.
Mais le grand dada de LO, c'est "la réquisition des entreprises
qui licencient" avec sa proposition de faire une loi promulguant l'interdiction
de licencier pour les entreprises qui font des profits. En s'en prenant aux
entreprises qui licencient tout en faisant des bénéfices, LO ignore
les dizaines de milliers de prolétaires jetés sur le pavé
pour cause de faillite pure et simple des entreprises. LO reprend le discours
mystificateur de toute la bourgeoisie qui présente le financement des
emplois comme une part prise sur les profits des capitalistes, et voudrait nous
faire croire que l'embauche des ouvriers serait un "cadeau" qui leur
serait fait en "sacrifiant" une partie des profits capitalistes. C
'est exactement le contraire qui est vrai : les richesses sont produites par
le travail, pas par le capital et c'est ce dernier qui s'en approprie une partie
sur le dos de la classe ouvrière à travers la plus-value. Le capitalisme
vit avant tout de l'exploitation du travail des prolétaires, sans cela,
il ne peut tirer aucun profit. La condition indispensable pour que cette plus-value
se réalise, c'est la vente des produits du travail des ouvriers dans
le cadre du marché. La véritable origine des plans de licenciements
massifs qui s'abattent sur le dos de la classe ouvrière, c'est bel et
bien la crise de surproduction affectant globalement le système, avec
l'exacerbation de la concurrence capitaliste sur le marché mondial saturé
de marchandises. Quand les capitalistes peuvent accroître leurs parts
de marché, ils embauchent davantage de main-d'oeuvre. A l'inverse, ils
réduisent les salariés au chômage pour diminuer leurs coûts
de production en fonction d'une mévente réelle ou anticipée.
C'est pourquoi le "financement des emplois" ne peut pas être
une question de répartition de profits.
Quant au fait que LO appelle les ouvriers à faire confiance à
l'Etat en lui demandant de prendre des mesures de coercition contre "le
patronat privé" quand il licencie, c'est de la poudre aux yeux.
Dans le cadre du capitalisme, les réquisitions d'usine ont toujours été
une contrainte par la force dirigée contre la classe ouvrière,
par l'appareil répressif de l'Etat (police ou armée) pour briser
directement les luttes ouvrières et faire redémarrer la production.
Elles ont toujours correspondu à une militarisation du travail, fusil
dans le dos. Et LO voudrait faire croire aux prolétaires que cette contrainte
pourrait s'exercer aussi contre le capitalisme en masquant toujours la même
réalité que l'Etat n'est que l'instrument docile aux mains de
la classe dominante et de ses rapports de production.
Le reste n'est qu'un accommodement de cette sauce réformiste au goût
du jour. LO réclame donc la levée du secret bancaire et l'ouverture
des livres de compte des entreprises :
"Il faut le contrôle de la population sur tous les accords financiers,
sur tous les grands centres dans le pays et hors du pays. Il faut lever ce secret
commercial et ce secret bancaire qui ne servent qu'à cacher aux yeux
de la population les énormes profits de ces quelques trusts qui font
et défont les emplois" (éditorial de LO du 2 décembre
1998). Conclusion : travailleurs, inutile de détruire l'Etat bourgeois,
il suffit de "moraliser" l'économie ; allez dans le secret
des banques étudier les balances comptables et tout ira mieux. Cette
"recette" est de la même eau que la taxe Tobin (voir RI n°317,
novembre 2001) que LO se permet pourtant de critiquer. La spéculation
et les trafics financiers ne sont nullement la cause de la crise, ils ne sont
que la conséquence directe de l'impasse où est acculé le
mode de production capitaliste. Aucune mesure étatique, "populaire"
ou pas, n'empêchera la crise de se poursuivre et d'étendre ses
ravages sur toute la planète. Voilà ce que la propagande de LO
cherche à cacher à la classe ouvrière. Elle participe d'un
discours populiste totalement démagogique qui surfe sur la vague de dénonciation
des magouilles et des affaires des politiciens, en semant les mêmes illusions
que les "antimondialistes" sur la possibilité d'un capitalisme
propre en évitant de mettre en cause les racines de ces phénomènes
: la décomposition et le pourrissement sur pied du capitalisme agonisant.
Le ton radical et le verbiage pseudo-révolutionnaire "d'Arlette" ne sont qu'un leurre : LO n'a rien d'une organisation ouvrière, la place que lui accorde la bourgeoisie dans cette campagne électorale ne sert qu'à dénaturer le marxisme aux yeux des prolétaires, à les empêcher de prendre conscience de la faillite du mode de production capitaliste et à les enfermer dans le cadre gestionnaire, réformiste et parfaitement bourgeois, à préserver l'ordre capitaliste existant et à faire obstacle au combat de classe pour le renversement du capitalisme.
CB (16 février)Parce que dans le meilleur des cas il exprime une influence de l'idéologie petite-bourgeoise dans les rangs du prolétariat (quand il n'est pas directement une composante de la bourgeoisie au travers de ses organisations les plus établies comme la FA - Fédération Anarchiste), l'anarchisme, même s'il peut condamner fermement la guerre impérialiste, ne peut offrir de réelle perspective révolutionnaire au prolétariat.
Notons d'abord la grande variété de la nébuleuse anarchiste.
Au nom de la sacro-sainte autonomie individuelle, chacun n'engage que lui-même.
Au sein d'un même groupement politique, chaque "compagnon",
"cercle" ou "unité régionale" y va de son
interprétation du monde, sans qu'il soit possible de savoir précisément
quelle est la position officielle de l'organisation et quelles sont les tendances
politiques alternatives qui s'y opposent. C'est déjà un aspect
fondamental qui s'oppose aux intérêts profonds du prolétariat
qui tend toujours à faire émerger une réponse unie et internationale
face à la guerre, comme expression de l'unité de la classe ouvrière
et de la nature globale de son combat. Et quand cela n'est pas possible du fait
de divergences politiques momentanément insurmontables, c'est une responsabilité
des organisations révolutionnaires de présenter clairement face
à la classe leurs positions respectives comme facteur actif de clarification
et de décantation du milieu politique et de développement de la
conscience de classe.
Le courant anarchiste, quand il s'essaie à une déclaration commune
(contre la guerre en Afghanistan), ne peut guère produire que des déclarations
pacifistes et contre-révolutionnaires. Pour autant, au sein de certaines
tendances de l'anarcho-syndicalisme, se font jour des positions plus "radicales"
et nettement influencées par des positions de classe.
C'est le cas en particulier de l'article "Socialisme ou Barbarie"
paru dans l'édition nationale de Combat Syndicaliste, septembre-octobre
2001, (CS). Cet article se place du point de vue de la classe ouvrière,
principale victime de l'attentat du 11 septembre comme de la croisade guerrière
qui l'accompagne depuis, et fait une critique argumentée du capitalisme
et de sa frénésie d'accumulation, rappelle les innombrables guerres
qui ont ponctué le 20e siècle, dénonce l'Union Sacrée
et l'hypocrisie de la bourgeoisie. Il pose clairement que les Etats-Unis sont
des "terroristes comme les autres", et que "l'attentat sert déjà
de justification à de futures atrocités" (CS, p.3). Il perçoit
que "malgré l'unité de façade, chaque Etat dans ces
guerres cherche à défendre ses propres intérêts"
(CS, p.6). Ce numéro de CS campe donc sur une position internationaliste
: "Nous sommes tous les victimes d'un même système, le capitalisme,
qui exploite, licencie et cherche à nous enrôler dans des conflits
qui ne sont pas les nôtres" (CS, éditorial) et plus loin :
"Internationalistes, nous n'avons jamais versé dans 'l'anti-américanisme',
et nous avons toujours été solidaires des américains qui
luttent contre l'exploitation capitaliste, comme nous le sommes avec tous les
travailleurs, tous les opprimés du monde, en lutte contre un même
système économique, celui qui exploite et licencie de New York
à Pékin, en passant par Moscou. Et dans cette ambiance d'union
sacrée, nous restons ce que nous avons toujours été, non
pas américains, français ou arabe mais des travailleurs, des membres
de la classe mondiale des exploités et qui ont un même intérêt
contre les capitalistes de toute nationalité" (CS, p.4).
Mais ce radicalisme "prolétarien" de façade ne fait
plus illusion lorsqu'on découvre la position de ce même groupe
dans l'édition Midi-Pyrénées de CS : "qui peut penser
sérieusement qu'à l'intérieur même des Etats-Unis,
un hispanique, un noir, un pauvre, sont traités à égalité
avec un riche ? Où est la démocratie là-dedans, où
est la justice ?" (CSMP, p.9). Ainsi, il n'est plus question ici de dénoncer
le capitalisme et de poser le problème en termes d'antagonisme entre
les classes, celle des exploités et celle des exploiteurs. dans son édition
Midi Pyrénées, CS révèle en fait le vrai fond de
commerce du courant anarchiste : l'interclassisme dont l'une des variantes est
l'antiracisme. Les "opprimés", ce ne sont pas les prolétaires
quelle que soit leur race, mais les "noirs" et les "hispaniques".
Mais, pire encore, nos libertaires radicaux se fendent, dans cet article, d'une
dénonciation pleurnicharde des inégalités sociales entre
les "riches" et les "pauvres" tout en se lamentant sur l'absence
de "démocratie" et de "justice" !
Au-delà de l'idéologie réformiste que véhicule la
composante anarcho-syndicaliste du courant libertaire, ce qui caractérise
essentiellement ce dernier c'est sa démarche non pas scientifique, mais
idéaliste et morale. Une telle approche ne peut que le situer, à
l'instar des trotskistes, dans le camp de la bourgeoisie.
C'est bien ce dont témoigne encore la façon pour le moins ambiguë
dont cet article dénonce le terrorisme, en disant une chose et son contraire
: "Il est nécessaire de préciser que le terrorisme n'a jamais
été un moyen de lutte prolétarienne, cela n'a jamais été
une arme au service des exploités et des opprimés. Si certaines
situations historiques ont imposés ou imposent la lutte armée,
elle s'est toujours, lorsqu'elle a été menée par des militants
ouvriers, opposée au terrorisme. Les luttes de partisans contre le fascisme,
les attentats contre le tsar ou contre Franco n'ont jamais visé le peuple
ni même un peuple, mais les têtes couronnées, les bouchers,
les oppresseurs" (CS, p.3). En effet il est nécessaire de préciser
! Car le terrorisme sorti en grande pompe par la porte, contre " un peuple",
revient par la fenêtre au nom de la lutte contre " les bouchers,
les oppresseurs". Il ne s'agit pas ici d'une question de morale. Les révolutionnaires
n'ont jamais eu d'états d'âme quand des généraux,
des "bouchers", etc., se sont fait exécuter. La question n'est
pas de savoir si la victime du terrorisme est un "oppresseur", mais
bien plutôt de savoir ce qui renforce ou pas la conscience et le combat
de la classe ouvrière. C'est pour cela par exemple que la construction
d'un courant marxiste et authentiquement révolutionnaire en Russie s'est
effectué, y compris contre les terroristes qui pourtant n'hésitaient
pas à s'en prendre au tsar ou à son ministre Stolypine. A contrario,
face à l'immensité des difficultés de la révolution,
on a vu les SR (Socialistes-Révolutionnaires) de gauche revenir à
leurs premières amours et attenter à la vie de Lénine,
caractérisé comme "l'oppresseur" du jour (à l'été
1918). Ainsi, pour les anarcho-syndicalistes, si "l'oppresseur" du
jour est le fascisme, alors, adieu l'internationalisme .et vive la lutte des
partisans ! N'en déplaise à la CNT-AIT, la lutte des partisans
contre le fascisme était une lutte nationale, rouage essentiel de la
boucherie impérialiste, et elle n'était pas " menée
par des militants ouvriers" mais par les traîtres et les bourreaux
du prolétariat, les staliniens !
C'est à juste raison que ce numéro de Combat Syndicaliste affirme
: "Le capitalisme est en décomposition, une décomposition
qui entraîne l'humanité dans la spirale sanglante de la barbarie.
Pour mettre fin à cette barbarie, il est plus que jamais nécessaire
de lutter pour une autre organisation de la société, d'abolir
ce despotisme de l'atelier lié au chaos du marché qu'est l'économie
capitaliste (...) Pour en finir avec les ignominies du capitalisme, la perspective
de la révolution sociale est plus que jamais d'une brûlante actualité."
(CS, p.6)
C'est pour cela que le prolétariat doit se détourner résolument
de ces marchands d'illusion que sont les anarchistes. Le courant "libertaire"
n'a jamais de mots assez durs pour dénigrer et discréditer le
marxisme, qui est le seul courant capable de défendre un point de vue
de classe. Contrairement aux anarchistes de tout poil, le marxisme, de par sa
méthode scientifique et non idéaliste ou morale, a toujours mis
en évidence que le prolétariat est la seule classe exploitée
qui soit également une classe révolutionnaire. C'est pour cela
que contrairement aux anarchistes, il a toujours défendu que le prolétariat
doit mener son combat en vue du renversement du capitalisme en affirmant son
autonomie de classe, en refusant de se dissoudre dans le "peuple"
en général et dans les mouvements interclassistes (pacifistes,
antiracistes, etc.).
Depuis ses origines, le mouvement
ouvrier a dû faire face à la répression de la bourgeoisie. Cependant, ce serait
une grave erreur - une naïveté extrême - que de croire que cette répression ne
prend que la forme d'une répression physique exercée contre les grèves ou les
soulèvements ouvriers.
La révolution prolétarienne est la première de l'histoire dont le succès
dépendra fondamentalement de la conscience de la classe révolutionnaire de ses
propres buts, de la finalité de son combat contre le capitalisme : le
communisme. Inévitablement dans la société capitaliste, cette conscience
historique se développe de façon hétérogène au sein du prolétariat, et c'est
pourquoi la conscience de classe révolutionnaire est cristallisée d'abord dans
des organisations politiques, avant-gardes minoritaires de la classe ouvrière.
Ironie de l'histoire, la bourgeoisie s'est souvent montrée plus clairvoyante que les masses ouvrières elles-mêmes quant au rôle fondamental des organisations révolutionnaires. Depuis toujours, elle prête une attention particulière aux organisations politiques qui se réclament de la révolution communiste, même dans des périodes où celles-ci sont ultra-minoritaires, voire complètement inconnues du prolétariat dans son ensemble. Ceci reste vrai quel que soit le régime politique du moment. Pour ne donner que deux exemples qui nous concernent directement :
Une seule fois dans l'histoire, les méthodes de la police politique ont pu être
examinées de manière exhaustive par les révolutionnaires : après la révolution
d'octobre 1917, quand les archives de la police secrète tsariste -l'Okhrana-
sont tombées entre les mains des bolcheviks. C'est à partir de ces archives que
Victor Serge a écrit son livre "Ce
que tout révolutionnaire doit savoir de la répression", qui reste un
exposé d'une grande valeur pour la compréhension des méthodes policières. Comme
disait Victor Serge, l'Okhrana était "le
prototype de la police politique moderne". Cependant, comme nous allons
voir, l'espionnage et la provocation policière ne sont pas nés avec l'Okhrana,
et les révolutionnaires n'ont pas attendu le livre de Serge pour comprendre
l'intérêt dont ils étaient l'objet.
Quel est le but de cet intérêt policier ? Ce n'est pas simplement d'espionner,
réprimer et détruire les organisations révolutionnaires. La bourgeoisie - et
ses polices politiques - sait très bien que les organisations politiques du
prolétariat naissent non pas dans les têtes des individus qui les composent,
mais des conditions mêmes de la lutte de classe et de l'opposition permanente
entre la classe ouvrière et la société capitaliste.
Ce n'est donc pas par hasard si le personnage de l'agent provocateur a toujours
été honni dans le mouvement ouvrier, à la fois dans ses organisations
politiques et dans les organismes que fait surgir la classe ouvrière au cours
de ses luttes (assemblées générales, comités d'usines, etc.). Dès leurs
origines, les organisations politiques de la classe ouvrière ont essayé de se
prémunir contre l'activité de l'agent provocateur. Ainsi, nous pouvons lire la
règle suivante, introduite dans les statuts de la London Corresponding Society
(l'une des premières véritables organisations politiques ouvrières) en 1795 :
"Tous ceux qui essaient de nuire à
l'ordre, sous le prétexte de montrer leur zèle, leur courage, ou pour toute
autre raison, sont à soupçonner. Un caractère bruyant n'est que rarement signe
de courage, et un zèle extrême cache souvent la trahison"[1] [140]. De la même façon,
la Ligue des Communistes (dont Marx a écrit le fameux Manifeste en 1848) énonça
dans l'article 42 de ses statuts : "Les
individus écartés ou exclus, ainsi qu'en général les sujets suspects, sont à
surveiller par la Ligue et à mettre hors d'état de nuire"
Cependant, l'efficacité du provocateur a ses limites. Comme l'affirme encore
Victor Serge : "(…) la provocation
ne peut jamais nuire qu'à des individus ou à des groupes (...) elle est à peu
près impuissante contre le mouvement révolutionnaire considéré dans son
ensemble.
Nous avons vu un agent provocateur se charger de faire entrer en Russie (1912)
la littérature bolchevique ; un autre (Malinovsky) prononcer à la Douma des
discours rédigés par Lénine (…) Or, qu'une brochure de propagande soit répandue
par les soins d'un agent secret ou par ceux d'un militant dévoué, le résultat
est le même : l'essentiel est qu'elle soit lue (...) Quand l'agent secret
Malinovsky fait retentir à la Douma la voix de Lénine, le ministère de
l'Intérieur aurait bien tort de se réjouir du succès de son agent stipendié. La
parole de Lénine a pour le pays beaucoup plus d'importance que la voix d'un misérable n'en a par
elle-même".
Bien pire que la provocation en elle-même est le soupçon, la méfiance qui
peuvent s'installer au sein même de l'organisation quand ses membres se sentent
les cibles de la provocation. C'est d'autant plus le cas parce que - en dehors
de ce cas unique que fut la saisie des archives de l'Okhrana - les
révolutionnaires n'ont évidemment pas les moyens de chercher des preuves dans
les archives de la police, et la police elle-même fait tout pour brouiller les
pistes et pour protéger les véritables espions. Au pire, la police n'a même pas
besoin d'agir, elle n'a qu'à laisser la méfiance et la suspicion s'installer et
en récolter les fruits : la paralysie, voire l'éclatement de l'organisation
révolutionnaire. Le livre de Thompson nous donne un exemple frappant de cette
paralysie qui touche la London Corresponding Society : "En 1794 un certain Jones, de Tottenham, fut
accusé (à tort) d'être un espion, à cause de ses résolutions violentes, que
l'on soupçonnaient 'd'avoir comme but de piéger la Society'. Comme nous le
rapporte Groves (le véritable espion), non sans un certain humour malicieux,
Jones s'est plaint : 'Si un citoyen propose une Résolution un tant soit peu
énergique, on le prend pour un espion envoyé par le gouvernement. Si un citoyen
s'assoit dans un coin et ne dit rien, c'est qu'il regarde ce qui se passe pour
en faire un rapport (...) les citoyens ne savent plus comment ils doivent agir'"[2] [141].
Si la méfiance au sein de l'organisation est facteur de paralysie et de
désagrégation d'une organisation prolétarienne, le soupçon est un fardeau
terrible et parfois insupportable pour le militant individuel (Serge cite des
exemples de militants qui se sont suicidés, ou ont commis des actes désespérés,
parce qu'ils n'ont pas pu se laver d'un soupçon injustifié). Un militant
communiste se met en opposition à toute la société bourgeoise et aux attributs
de celle-ci. Il est mis au ban de la société, il est montré du doigt par toute
la machine de la propagande bourgeoise comme un illuminé au mieux, un criminel
sanglant au pire. Il peut être traqué impunément comme une bête à abattre. Pour
garder la tête haute, le militant communiste doit non seulement maintenir une
conviction inébranlable dans la cause historique du prolétariat, dans le futur
de l'humanité, dans la nécessité et la possibilité d'une révolution communiste
; il doit aussi préserver son honneur de militant, le respect et la confiance
de ses camarades de combat. Il n'y a pas pire honte pour un militant communiste
que d'être désigné comme un traître. Le soupçon est facile à semer,
terriblement difficile à effacer. C'est pour cela que les militants communistes
ont le devoir de défendre leur dignité face aux soupçons et à la calomnie, de
même que l'organisation a la responsabilité de ne pas tolérer en son sein ce
poison qui détruit son unité et la solidarité entre camarades.
Ce n'est pas pour rien qu'en 1860, Karl Marx a publié sa dénonciation de Karl
Vogt, un espion à la solde de Napoléon III qui avait lui-même accusé Marx
d'être un agent de la police. Les commentateurs bourgeois "bien
intentionnés" voient souvent dans ce texte une faiblesse de Marx, une
distraction de son œuvre "philosophique" pour s'attaquer à un
individu méprisable, et ils considèrent que le texte -avec son attention
minutieuse aux détails les plus lamentables de l'activité de Vogt- représente
un exemple de "l'autoritarisme" de Marx qui n'aurait pas supporté la
contradiction. C'est ne rien comprendre à l'action de Marx, qui détestait
parler en public de lui-même ou de ses affaires personnelles, mais qui s'est
senti obligé de consacrer une année entière à ce travail indispensable afin de
défendre à la fois son honneur personnel de révolutionnaire, mais aussi et
surtout le mouvement dont il faisait partie.
Victor Serge avait bien raison quand il écrivait : "(…) c'est une tradition : les ennemis de l'action, les lâches, les
biens installés, les opportunistes ramassent volontiers leurs armes dans les
égouts ! Le soupçon et la calomnie leur servent à discréditer les
révolutionnaires."
Le danger du soupçon incontrôlé au sein de l'organisation était bien compris
par les révolutionnaires du passé comme en témoignaient déjà les statuts de la
Ligue des Justes, prédécesseur de la Ligue des Communistes (ce brouillon des statuts
date de janvier 1843) : "Si
quelqu'un veut se plaindre de personnes ou de questions appartenant à la Ligue,
il doit le faire ouvertement dans la réunion [de la section]. Les dénigreurs seront exclus."
(Point 9)
Vers la fin du 19e siècle, cette position de base est encore affinée. Il ne
suffit pas d'exclure le dénigreur, il faut trouver le moyen de traiter les
accusations éventuelles sans que celles-ci nuisent à l'organisation si elles
s'avèrent infondées. Cette méthode du mouvement ouvrier est préconisée dans les
statuts de la section berlinoise du parti social-démocrate allemand, qui
déclarait en 1882 (alors que le parti travaillait dans l'illégalité) : "Chaque militant -même s'il s'agit d'un
camarade bien connu- a le devoir de maintenir la discrétion sur les sujets discutés
au sein de l'organisation -quelle que soit la matière. Si un camarade entend
une accusation de la part d'un autre camarade, il a le devoir en premier lieu
de la traiter confidentiellement, et il doit exiger de même de la part du
camarade qui l'a informé de l'accusation ; il doit établir les raisons de l'accusation,
et savoir qui en est à l'origine.
Il doit en informer le secrétaire [de la section], qui doit clarifier la
question dans une confrontation avec l'accusé et l'accusateur (...) Toute autre
action, comme par exemple semer le soupçon sans preuves attestées par les
secrétaires [c'est-à-dire les responsables de la section] provoquera des dégâts
importants. Puisque la police a un intérêt notoire à promouvoir la division
dans nos rangs en semant des dénigrements, tout camarade qui ne se tient pas à
la procédure décrite ci-dessus risque d'être considéré comme une personne
travaillant pour la police"[3] [142].
Il est évident que dans les conditions d'illégalité de l'époque, les
révolutionnaires étaient préoccupés au jour le jour par le danger de
l'infiltration de la police dans leurs rangs. Mais le soupçon au sein de
l'organisation n'était pas systématiquement l'œuvre de la police, il pouvait
naître sans la moindre provocation. Même lorsque ces accusations sont lancées
avec les meilleures intentions de protéger l'organisation, la méfiance qu'elles
suscitent peut être encore plus dangereux pour la santé de l'organisation, et
pour la sécurité des militants eux-mêmes, que la véritable provocation. C'est
ce que Victor Serge met encore en évidence : "Des accusations sont murmurées, puis formulées tout haut, le plus
souvent impossibles à tirer au clair. Il en résulte des maux infinis, plus
graves à certains égards que les maux infligés par la provocation réelle (...)
Ce mal -le soupçon, la défiance entre nous- ne peut être circonscrit que par un
grand effort de volonté.
Il faut -et c'est d'ailleurs la condition préalable de toute lutte victorieuse
contre la provocation véritable dont chaque accusation calomnieuse portée
contre un militant fait le jeu- que jamais un homme ne soit accusé a la légère,
et que jamais une accusation formulée contre un révolutionnaire ne soit
classée. Chaque fois qu'un homme aura été effleuré d'un pareil soupçon, un jury
de camarades doit statuer et se prononcer sur l'accusation ou sur la calomnie.
Règles simples à observer avec une inflexible rigueur si l'on veut préserver la
santé morale des organisations révolutionnaires."
Dans cette première partie, nous avons essayé de démontrer :
L'organisation communiste n'a pas sa place "naturelle" dans la société bourgeoise, au contraire elle est un corps étranger dans cette société. L'antagonisme entre les principes communistes et l'idéologie bourgeoise ne se jouent pas seulement à l'extérieur de l'organisation, mais aussi à l'intérieur. L'infiltration de cette idéologie étrangère au prolétariat peut se manifester à travers les positions politiques opportunistes que peut prôner une partie de l'organisation, mais aussi et de façon beaucoup plus insidieuse par des comportements individuels empruntés à la classe dominante (ou à certaines couches sociales sans devenir historiques) et diamétralement opposés au comportement qui doit être celui d'un militant communiste.
Le CCI a toujours mis en évidence que la question du comportement politique
des militants est une question en lien avec les principes de la classe porteuse
du communisme. Contre le poison de la méfiance et de la suspicion, nous
réaffirmons que "les rapports qui se
nouent entre les militants de l'organisation, s'ils portent nécessairement les
stigmates de la société capitaliste, ne peuvent être en contradiction flagrante
avec le but poursuivi par les révolutionnaires. Ils s'appuient sur une
solidarité et une confiance mutuelles qui sont une des marques de
l'appartenance de l'organisation à la classe porteuse du communisme."
(Plate-forme du CCI) Déjà, nos statuts insistent sur le fait que le
comportement d'un militant ne peut pas être en contradiction avec le but pour
lequel nous combattons, et que les débats au sein de l'organisation "soient menés avec le plus de rigueur
possible, mais en se gardant des attaques personnelles qui ne sauraient se
substituer à l'argumentation politique cohérente" Oublier ces règles
de comportement, se laisser happer par l'esprit de concurrence inoculé par la
société capitaliste peut amener des militants encore plus loin hors du terrain
du débat entre communistes, les amener même dans certaines circonstances (par
exemple lorsqu'ils ont été mis en minorité et se sont retrouvés à court
d'arguments dans un débat) à entreprendre des campagnes de calomnie contre
leurs camarades, vus comme des adversaires à abattre.
L'utilisation de campagnes de calomnie contre des militants au sein des
organisations révolutionnaires a jalonné l'histoire du mouvement ouvrier depuis
ses origines. Il suffit de se remémorer les calomnies de Bakounine contre Marx
au sein de l'AIT accusé d'être un "dictateur" (du fait qu'il était...
juif et allemand !), celles déversées après le congrès de 1903 du POSDR par les
mencheviks contre Lénine, accusé de vouloir "faire régner la terreur dans
le parti comme Robespierre". On peut également citer le cas extrême des
campagnes de dénigrement contre Rosa Luxembourg, entreprises par des éléments
opportunistes du parti social-démocrate allemand qui allaient trahir les
principes de la classe ouvrière en 1914. Ainsi, Rosa Luxemburg fut accusée dans
les couloirs du parti d'avoir des moeurs de "libertine" (et même
d'être un agent de la police tsariste, l'Okhrana) par ces militants qui,
quelques années plus tard, allaient organiser en janvier 1919 son assassinat :
le "chien sanglant" Noske et ses complices Ebert et Scheidemann.
Pour ne prendre qu'un dernier exemple, nos prédécesseurs de la Gauche
Communiste de France ont dû faire face aussi à la calomnie au sein de
l'organisation, comme on peut voir dans cette résolution adoptée à la
conférence de la GCF de juillet 1945 :
"Approuvant la résolution de
l'assemblée générale du 16 juin qui enregistrait la rupture de ces éléments
avec l'organisation, la conférence (...) s'élève tout particulièrement contre
la campagne de basse calomnie devenue l'arme préférée de ces éléments contre
l'organisation et contre les militants individuellement.
En recourant à de telles méthodes, ces éléments, tout en illustrant leur dite
politique, créent une atmosphère empoisonnée en introduisant la suspicion, la
menace de pogromes (selon leur propre expression), le gangstérisme, et
perpétuent ainsi la tradition infâme qui était à ce jour l'apanage du
stalinisme.
Estimant urgent de mettre un terme, de ne pas permettre à la calomnie de tenir
lieu de débats politiques dans les rapports entre militants révolutionnaires,
la conférence décide de s'adresser aux groupes révolutionnaires leur demandant
d'instituer un tribunal d'honneur, se prononçant sur la moralité
révolutionnaire des militants calomniés, et d'interdire le droit de cité à la
calomnie ou aux calomniateurs dans les rangs du prolétariat".
Ainsi, notre organisation, en rejetant de ses rangs la calomnie et les
calomniateurs se situe pleinement dans la continuité du combat des
révolutionnaires du passé pour la défense de l'organisation face à toutes les
tentatives visant à la détruire. La calomnie non seulement n'a aucun droit de
cité dans les rangs du prolétariat, mais elle est encore une des armes
préférées de la bourgeoisie pour discréditer les organisations communistes et
semer la méfiance généralisée envers les positions qu'elles défendent. Il
suffit pour s'en convaincre de citer, par exemple, les campagnes de calomnie
dirigées contre Lénine (accusé par le gouvernement Kerenski d'être un agent du
Kaiser et de l'impérialisme allemand) pour discréditer le parti bolchevik à la
veille de la révolution russe, et celles menées contre Trotski (accusé par le
stalinisme d'être un agent d'Hitler et du fascisme) pour dénigrer tout combat
contre le stalinisme dans les années 30.
Le combat contre la calomnie n'est pas seulement une nécessité vitale pour les
militants et l'organisation à laquelle ils appartiennent. Il concerne toutes
les organisations du mouvement communiste. C'est pour cela que, face à ce type
de comportement destructeur, faisant le jeu et favorisant le travail de l'Etat
bourgeois, le CCI se doit de mettre en garde l'ensemble du milieu politique
prolétarien. "Lorsque de tels
comportements sont mis en évidence, il est du devoir de l'organisation de
prendre des mesures non seulement en faveur de sa propre sécurité, mais
également en faveur de la sécurité des autres organisations communistes"
(Revue Internationale n°33,
"Rapport sur la structure et le fonctionnement de l'organisation").
Le CCI vient d'exclure un de ses membres. Une telle mesure n'est pas fréquente de la part de notre organisation. La dernière exclusion d'un membre du CCI remonte à 1995 et la précédente avait eu lieu en 1981. En effet, nous n'appliquons une telle sanction que face à des fautes extrêmement graves, et c'est pour cela qu'en général, nous l'accompagnons d'un communiqué dans la presse parce que nous considérons que l'élément qui est sanctionné représente un danger, non seulement pour notre organisation mais également pour l'ensemble du milieu politique prolétarien et les sympathisants de la Gauche communiste.
Celui qui fait aujourd'hui l'objet d'une telle sanction, Jonas (qui avait également signé des articles dans notre presse des initiales JE) s'est en effet rendu coupable de comportements absolument indignes d'un militant communiste. Nous reproduisons ci-dessous des extraits de la résolution adoptée par notre organisation à son sujet :
"Jonas a présenté sa démission en mai 2001 avec l'argument que sa santé ne lui permettait pas de poursuivre le combat politique au sein de notre organisation alors que celle-ci était menacée à ses dires par une 'entreprise de démolition'. En réalité, le CCI a pu constater que si Jonas s'était mis en retrait, il n'en a pas pour autant cessé toute activité envers notre organisation. Bien au contraire. Il est établi que cette mise en retrait était un moyen de mener secrètement et impunément une politique hostile au CCI consistant notamment :
Un des aspects les plus intolérables et répugnants de son comportement est la véritable campagne qu'il a promue et menée contre un membre de l'organisation (...) l'accusant dans les couloirs et même devant des personnes extérieures au CCI de manipuler son entourage et les organes centraux pour le compte de la police et de n'avoir participé [aux combats passés pour la défense de l'organisation] que pour détourner les soupçons alors [qu'il] aurait été en réalité le complice de Simon [un élément aventurier exclu du CCI en 1995] avec qui il se serait, en quelque sorte, "partagé le travail".
Il peut arriver qu'un militant sincère d'une organisation communiste ait, à tort ou à raison, des soupçons envers un autre militant. Il lui appartient alors d'en faire part aux organes que s'est donné l'organisation pour traiter ce genre de problèmes et qui examinent alors, avec le maximum d'attention, de prudence et de discrétion les éléments sur lesquels se base une telle conviction. Mais telle n'a pas été l'attitude de Jonas. En effet, il a refusé catégoriquement de rencontrer la commission chargée d'examiner ce genre de problèmes alors qu'en même temps il continuait à distiller son poison.
Il faut préciser que le membre du CCI accusé par Jonas d'être un "flic complice de Simon" a demandé que soit menée une enquête approfondie sur son propre compte afin de pouvoir continuer à militer dans nos rangs. Cette enquête a abouti à la conclusion formelle que ces accusations n'avaient absolument aucun fondement et mis en évidence leur caractère mensonger et malveillant. Cela n'a pas empêché Jonas de poursuivre ses calomnies.
"Le fait que Jonas ait refusé de rencontrer le CCI pour s'expliquer sur ses comportements constitue en soi un aveu du fait qu'il est conscient d'être devenu un ennemi de notre organisation malgré ses déclarations théâtrales à 'ses camarades' qu'il présente en réalité (à l'exception de ceux qu'il a réussi à entraîner dans son sillage) soit comme des 'flics', soit comme des 'Torquemada', soit comme de pauvres crétins 'manipulés'".
Aujourd'hui, Jonas est devenu un ennemi acharné du CCI et il a adopté des comportements dignes de ceux d'un agent provocateur. Nous ne savons pas quelles sont ses motivations profondes, mais ce dont nous sommes sûrs, c'est qu'il représente un danger pour le milieu politique prolétarien.
Le CCI (24 février 2002)
Le carnaval électoral est de retour en France avec son cortège
inépuisable de bluff, de magouilles politiciennes, de mensonges, d'illusions.
En réalité, les dés sont pipés d'avance : c'est
toujours la bourgeoisie qui gagne les élections. Sur ce terrain pourri,
les ouvriers n'ont rien à y défendre. L'expérience est
déjà faite depuis longtemps pour les prolétaires : que
la gauche ou la droite l'emporte, tel candidat ou tel autre, cela signifie pour
eux la même politique d'attaques incessantes de toutes les conditions
de vie ouvrière.
C'est pourquoi aujourd'hui encore les révolutionnaires appellent les
ouvriers à déserter toute participation électorale au nom
de la défense de leurs intérêts immédiats et historiques.
Ce n'est qu'en développant leurs luttes sur leur propre terrain de classe,
contre la misère, sur les lieux de travail, dans les grèves et
manifestations qu'ils peuvent réellement exprimer leur colère.
Cette attitude des révolutionnaires n'est pas spécifique aux élections
qui se déroulent aujourd'hui en France. C'est depuis le début
du siècle précédent que, contrairement au 19e , les ouvriers
n'ont plus aucune possibilité d'utiliser les élections pour défendre
leurs intérêts.
A la fin du 19e siècle et au début du 20e siècle par contre, le capitalisme ayant désormais étendu sa domination à l'ensemble de la planète, il ne peut plus être un système progressiste. Il ne peut plus parvenir à surmonter les contradictions économiques qui l'assaillent, il ne peut plus résoudre ses crises cycliques de surproduction car il se heurte aux limites d'un marché mondial de plus en plus saturé. Tous les rapports sociaux de production, propriété privée, salariat, nation, qui avaient constitué le cadre à partir duquel le capitalisme a pu se généraliser à toute la planète et qui avaient permis un formidable développement des forces productives, se transforment en autant d'entraves à ce développement.
Le capitalisme entre définitivement dans une crise historique permanente. Il ne peut désormais survivre qu'à travers un cycle infernal de crise, guerre, reconstruction, nouvelle crise plus aigüe..., entraînant avec lui l'ensemble de l'humanité dans une barbarie et une misère toujours plus grandes.
Ces contradictions insurmontables qui assaillent le capitalisme depuis le début du 20e siècle acquièrent de par leur intensité, leur durée, leur généralisation à tous les pays, une dimension qualitativement nouvelle. Elles placent la classe ouvrière devant la nécessité et la possibilité d'oeuvrer directement au renversement du capitalisme.
Désormais, la survie du capitalisme, compte tenu de l'âpreté de la concurrence entre les différentes fractions nationales de la bourgeoisie qui se disputent les débouchés de plus en plus rares sur le marché mondial, implique une intensification de l'exploitation et des attaques contre toutes les conditions de vie ouvrière. Désormais, il est hors de question pour la bourgeoisie d'accorder dans quelque domaine que ce soit, économique ou politique, des réformes réelles et durables à la classe ouvrière. C'est l'inverse qu'elle lui impose : toujours plus de sacrifices, de misère, d'exploitation et de barbarie.
Dans ces conditions, il n'est plus possible pour le prolétariat de se
défendre sur le terrain des institutions bourgeoises. Sa seule tâche
est maintenant de se préparer à affirmer sa propre perspective
révolutionnaire afin de détruire ce système agonisant de
fond en comble.
Pour y parvenir, il doit rejeter toutes ses méthodes de lutte passées,
devenues désormais caduques : la lutte dans les syndicats et sur le terrain
électoral. Ces moyens qui, au 19e siècle, lui avaient permis de
s'affirmer et de se constituer en classe sont devenus des armes de la bourgeoisie,
des forces de mystification qui ne servent qu'à désarmer les ouvriers,
à les détourner du terrain réel de leurs luttes contre
le capital.
Ainsi, aujourd'hui la classe ouvrière n'a pas le choix. Ou bien elle
se laisse entraîner sur le terrain électoral, sur le terrain de
l'Etat bourgeois qui organise son exploitation et son oppression, terrain où
elle ne peut être qu'atomisée, donc sans force pour résister
aux attaques du capitalisme en crise. Ou bien, elle développe ses luttes
collectives, de façon solidaire et unie, pour défendre ses conditions
de vie. Ce n'est que de cette façon qu'elle pourra développer
sa force de classe, s'unifier et s'organiser en dehors des institutions bourgeoises
pour mener le combat en vue du renversement du capitalisme. Ce n'est que de
cette façon qu'elle pourra, dans le futur, édifier une nouvelle
société débarrassée de l'exploitation, de la misère
et des guerres.
En Israël et en Palestine, les morts se comptent par 40, 50, tous les jours. Jamais auparavant la barbarie quotidienne n'avait atteint un tel degré dans la région. Depuis le déclenchement de la deuxième Intifada en septembre 2000, ce sont 1600 morts qui jonchent le sol de cette région, particulièrement chez les jeunes et les adolescents des zones de populations hyper-concentrées de la bande de Gaza et de Cisjordanie.
La soldatesque de Tsahal, la peur au ventre et excitée par le nationalisme, tire sur tout ce qui bouge, dynamite des quartiers entiers, fouille les maisons, bombarde et entre dans les camps de réfugiés, détruit les infrastructures vitales comme les canalisations d'eau, tire sur les ambulances et les hôpitaux. Elle arrête tout homme de plus de 14 ans sous prétexte de "chasse aux terroristes" en puissance, alimentant d'autant la haine anti-juive des Palestiniens.
Côté palestinien, on assiste à un accroissement sans précédent des attentats aveugles frappant la population d'Israël, arabes israéliens compris : des jeunes désespérés, fanatisés, embrigadés par des groupes islamistes, utilisés comme arme "percutante" par l'Autorité palestinienne (les Brigades de Al-Aksa, par exemple) qui les pousse à jouer les kamikazes au milieu de la foule.
Depuis septembre 2000, c'est bel et bien, en réalité, d'une guerre qu'il s'agit, après les quatre guerres "déclarées" de 1956, 1967, 1973 et 1982 qu'on a vues depuis la création de l'Etat d'Israël en 1948 (sans compter les multiples opérations de police et autres attentats qui n'ont jamais cessé en temps de "paix"). Des deux côtés, de véritables flots de propagande nationaliste s'écoulent, transformant tout un chacun en tueur patenté. Et au déversement massif de cette idéologie abrutissante s'ajoute celui de la religion qui permet d'opposer plus fortement encore les deux "camps" et d'attiser la violence meurtrière.
"De chaque côté, les cliques dirigeantes appellent les ouvriers à "défendre la patrie", qu'elle soit juive ou palestinienne. Ces ouvriers juifs qui en Israël sont exploités par des capitalistes juifs, ces ouvriers palestiniens qui sont exploités par des capitalistes juifs ou par des capitalistes arabes (et souvent de façon bien plus féroce que par les capitalistes juifs puisque dans les entreprises palestiniennes le droit du travail est encore celui de l'ancien empire ottoman).
Les ouvriers juifs ont déjà payé un lourd tribut à la folie guerrière de la bourgeoisie au cours des cinq guerres qu'ils ont subies depuis 1948. Sitôt sortis des camps de concentration et des ghettos d'une Europe ravagée par la guerre mondiale, les grand-parents de ceux qui aujourd'hui portent l'uniforme de Tsahal avaient été entraînés dans la guerre entre Israël et les pays arabes. Puis leurs parents avaient payé le prix du sang dans les guerres de 67, 73 et 82. Ces soldats ne sont pas d'affreuses brutes qui ne pensent qu'à tuer des enfants palestiniens. Ce sont de jeunes appelés, ouvriers pour la plupart, crevant de trouille et de dégoût qu'on oblige de faire la police et dont on bourre le crâne sur la "barbarie" des arabes.
Les ouvriers palestiniens aussi ont déjà payé de façon horrible le prix du sang. Chassés de chez eux en 1948 par la guerre voulue par leurs dirigeants, ils ont passé la plus grande partie de leur vie dans des camps de concentration, enrôlés de gré ou de force à l'adolescence dans les milices du Fatah et autres FPLP ou Hamas. Leurs plus grands massacreurs ne sont d'ailleurs pas les armées d'Israël mais celles des pays où ils étaient parqués comme la Jordanie et le Liban : en septembre 1970 (le "septembre noir"), le "petit roi" Hussein les extermine en masse, au point que certains d'entre eux vont se réfugier en Israël pour échapper à la mort ; en septembre 1982, ce sont des milices arabes (certes chrétiennes et alliées à Israël) qui les massacrent dans les camps de Sabra et Chatila, à Beyrouth." (Révolution Internationale n°307, janvier 2001)
Aujourd'hui, après la conférence de Madrid, les accords d'Oslo
en 1996, les différents sommets de Camp David aux Etats-Unis et de Charm-El-Cheik
en Egypte, le tout enrobé du caramel idéologique de l'octroi du
prix Nobel de la paix à Arafat, Perès et Rabin (ceux-là
mêmes qui n'avaient cessé de fomenter guerres et attentats depuis
des décennies), après tous les discours sur la "paix en marche"
dans la région "grâce" aux efforts américains
(auxquels les pays européens, France en tête, se sont empressés
de s'opposer au maximum), on peut une fois de plus voir ce que le mot "paix"
signifie dans la bouche de la bourgeoisie : la guerre. Cette réalité
est le mode de vie de ce système moribond depuis plus d'un siècle
et ne peut que s'accentuer dans ce siècle, si le prolétariat n'y
met pas fin par la révolution communiste mondiale.
La classe dominante s'inquiète de la possibilité que la crise
économique qui conduit l'économie argentine à la faillite,
ne s'étende à d'autres pays d'Amérique Latine, notamment
le Venezuela, la Colombie, et l'Uruguay. Elle craint le retour d'une crise comme
celle qui a frappé le Sud-Est asiatique en 1997, voire quelque chose
de pire qualitativement et quantitativement.
Le Fonds Monétaire International ayant écarté toute possibilité
de nouveaux emprunts, la seule alternative qui reste pour l'Etat argentin, est
de frapper encore plus durement la classe ouvrière et les autres couches
non-exploiteuses par ses mesures d'austérité.
Une série d'attaques contre les conditions de vie de la classe ouvrière
a provoqué des grèves, des manifestations, et d'autres formes
de lutte. Dans RI n°316 nous en avons donné des exemples, tout en
soulignant les obstacles auxquels la classe ouvrière fait face : la force
des syndicats, le poids des idéologies nationalistes et autres, le danger
de se laisser emporter dans la marée d'un mouvement incluant d'autres
classes sociales, avec d'autres intérêts et d'autres méthodes
de lutte.
Depuis lors, les ouvriers ont été de plus en plus submergés dans un mouvement général qui englobe les sans ressources, la petite-bourgeoisie, les professions libérales et d'autres parties de la population. Les actions spectaculaires - dont aucune n'est caractéristique de la classe ouvrière - comme le pillage, les émeutes, les attaques de banques, les incendies, se sont largement répandues. La police a dispersé des manifestations réunissant toutes les classes sociales au moyen de gaz lacrymogènes et de balles en caoutchouc, sans pour cela provoquer une montée des luttes ouvrières.
Cette situation pose des difficultés considérables pour la classe
ouvrière en Argentine. Comme nous l'avons écrit dans notre presse
:"Face à une attaque énorme contre son niveau de vie, et
une véritable crise sociale et politique, la classe ouvrière n'a
pas été capable jusqu'ici d'affirmer ses propres intérêts
de classe ni sa confiance en elle-même en tant que force sociale distincte,
et s'est laissé emporter par une marée de colère sans direction."
(World Revolution, mars 2002)
Si nous devons comprendre la sévérité de la crise qu'affronte
le capitalisme en Argentine, nous devons comprendre également les limites
de l'intervention de l'impérialisme américain et du FMI face à
l'effondrement économique argentin. Ces limites reflètent la confiance
de la bourgeoisie dans le fait que, dans la situation actuelle, il n'y a aucun
danger significatif à craindre du côté de la classe ouvrière.
La classe ouvrière n'a pas à avoir peur de comprendre la vérité
de sa situation. Mais toute tentative de découvrir la réalité
de la situation sociale réelle en Argentine se heurte à la propagande
des gauchistes, qui ont salué les derniers évènements comme
une "révolution".
Le Weekly Worker du 10 janvier 2002 (hebdomadaire trotskiste en Grande-Bretagne)
prétend que "l'Argentine se trouve dans une situation pré-révolutionnaire
en ébullition. Les partis capitalistes établis -les Radicaux
et les Péronistes- sont incapables de diriger comme avant : la masse
de la population n'est plus prête à être dirigée ainsi".
Workers' Power (février 2002) en fait l'écho : "A partir
de la fin novembre toutes les conditions objectives d'une situation révolutionnaire
ont mûri - la classe dominante était au bord de la paralysie politique.
Quand le FMI rejeta les requêtes répétées de De La
Rua pour des emprunts, et exigea un programme d'austérité encore
plus draconien, les partis de la classe dominante démontrèrent
qu'ils étaient 'incapables de régner comme avant'.
En même temps la classe ouvrière, la petite-bourgeoisie, les secteurs
paupérisés de la société n'étaient pas prêts
de tolérer une situation économique qui allait en empirant, de
même qu'une austérité croissante dictée par le FMI.
La décision de geler les retraits bancaires a exaspéré
les classes moyennes".
Dans ses diverses publications, le plus important des groupes gauchistes en Grande-Bretagne, le Socialist Workers' Party, se montre généralement plus prudent, se demandant (à la une du Socialist Worker, 12 janvier 2002) "Est-ce que la révolte peut mener à la révolution ?". Ceci dit, il soutient l'avis de ses rivaux gauchistes : "Les 19/20 décembre est venue cette fusion d'amertume qui marque le début d'une situation révolutionnaire - les pauvres s'attaquant aux supermarchés pour s'emparer de la nourriture, les couches inférieures des classes moyennes frappant leurs casseroles, les petits commerçants exprimant leur solidarité, et la jeunesse ouvrière en colère dans la rue (…) deux des éléments clés dans la description que donne Lénine d'une situation révolutionnaire sont présents : les masses populaires ne veulent plus continuer comme avant, et la classe dominante ne le peut plus".
Ces groupes se basent sur les remarques de Lénine à propos des
"symptômes d'une situation révolutionnaire", dans La
faillite de la 2e Internationale, publié en septembre 1915. Mais les
gauchistes mentionnent rarement les "trois symptômes principaux".
Cela vaut la peine de les rappeler.
Quels sont, d'une façon générale, les indices d'une
situation révolutionnaire ? Nous sommes certains de ne pas nous tromper
en indiquant les trois principaux indices que voici :
Le seul point dans ce cadre qui demande à être explicité est un point central du marxisme, considérant que, dans la société capitaliste, la seule classe opprimée capable d'une action indépendante est bien la classe ouvrière. Sur tout le reste, la contribution de Lénine reste valable jusqu'à ce jour.
Pour commencer par le premier point de Lénine : il est évident que la classe dirigeante argentine est en désarroi face aux coups portés par trois ans de récession. La succession des présidents, et les "ajustements" budgétaires à la queue leu leu sont le résultat de la force de la crise et le résultat de la politique du FMI. La bourgeoisie s'inquiète de la situation sociale, mais elle ne subit pas la pression de la lutte ouvrière.
Les gauchistes indiquent d'autres facteurs qui détermineraient l'action de l'Etat. Le Weekly Worker (10 janvier 2002) parle des "pillages massifs des supermarchés par les affamés, et des confrontations combatives avec la police en armes devant le parlement et les ministères - des actions dont le soutien massif évident a suffit pour faire tomber les gouvernements du radical De La Rua et de son successeur Péroniste Rodriguez Saa". Il existe bien, selon les mots de Lénine, "le mécontentement et l'indignation des classes opprimées", et la bourgeoisie argentine n'est pas contente du désordre social dans le pays, mais sa capacité de gouverner n'est pas menacée tant que les énergies de la classe ouvrière ne se dirigent pas vers une lutte autonome.
Si on prend le deuxième point mis en avant par Lénine, il est important de prendre en considération la situation des classes opprimées en Argentine. Comme nous l'avons montré dans notre presse, il ne peut y avoir aucun doute quant à la sévérité croissante de chaque régime d'austérité imposé par le gouvernement argentin. Alors que la situation n'a fait qu'empirer, comment la population s'est-elle débrouillée ? Avec une crise alimentaire croissante, est venu le pillage des supermarchés ; avec la pénurie d'argent liquide, on a vu l'émergence de marchés de troc où on échange les produits de première nécessité. Dans chaque cas on voit une tentative désespérée de satisfaire les besoins individuels, mais non pas une lutte collective afin de faire avancer les intérêts de classe. Pour que "la souffrance et la misère des classes opprimées" deviennent un facteur de la situation, elles doivent devenir un stimulant à l'action de classe. La classe ouvrière en Argentine n'a pas été en mesure de distinguer sa lutte de celle des autres couches sociales opprimées.
Ceci nous amène au troisième "symptôme" évoqué par Lénine. Comme nous l'avons souligné, toutes les couches de la population ont souffert des effets de la crise sur l'économie argentine. Cela va "des secteurs les plus exploités - tels ceux qui trouvent leur subsistance dans les monceaux d'ordures - jusqu'aux petits entrepreneurs", comme disait Workers' Power (janvier 2002). Ainsi la crise a frappé des gens de toutes sortes de conditions sociales, avec des intérêts de classe différents et aussi avec des façons différentes de les défendre.
Par exemple, pour ceux qui sont en bas de l'échelle -sans-abri ou habitant les bidonvilles, et qui n'ont jamais été intégrés dans les rapports de travail associé de la classe ouvrière- la vie est une existence au jour le jour, qui ne donne aucune raison de penser qu'on peut travailler avec ou faire confiance aux autres. D'un autre côté, il y a les "classes moyennes", petits commerçants ou marchands, dont la position sociale est saturée d'individualisme. Par contre, la classe ouvrière - la classe du travail associé au cœur de la production capitaliste, et qui n'a que sa force de travail à vendre - est la seule classe capable d'une action indépendante, même si certains des chômeurs ont été repoussés vers les marges de la société. L'histoire a montré que les autres couches sociales n'ont aucune existence indépendante, et tendent à se rallier à l'une des deux classes principales : la classe exploiteuse, ou le prolétariat exploité. En Argentine, du fait que la classe ouvrière ne s'est pas battue sur son propre terrain de classe autonome, elle n'a pas donné une direction au mouvement permettant d'entraîner derrière elle les autres couches sociales. Le 8 août 2001, un des organisateurs d'une grande manifestation à Buenos Aires s'est félicité du fait que "Les Argentins de toutes les classes se rassemblent".
Pour des marxistes, c'est un grave problème que la classe ouvrière doit surmonter. Mais ce mouvement interclassiste ne pose aucun problème pour les gauchistes. "Une coalition de fait s'est créée dans la rue, entre les classes moyennes, la classe ouvrière, et le sous-prolétariat paupérisé… Les classes moyennes sont rentrées sur la scène politique, se sont solidarisées ouvertement avec le pillage des supermarchés par les chômeurs, et se sont opposées à l'état d'urgence qui supprimait leur droit de protester." (Workers' Power, février 2002). La seule classe révolutionnaire au sein de la société capitaliste est la classe ouvrière, mais elle ne peut pas prendre l'initiative si elle se noie dans la masse sans perspective des autres couches sociales.
Malgré tout leur baratin sur la "révolution", les gauchistes ne peuvent pas s'empêcher de révéler certains aspects de la situation qui démentent ce qu'ils disent. Bien qu'il parle des "journées révolutionnaires", Workers' Power (février 2002) est obligé de reconnaître que "de façon générale, la classe ouvrière s'est jointe aux actions du 19 et du 20 décembre en tant qu'individus, ou dans des lieux de travail spécifiques, mais non pas en tant que force organisée". Socialist Worker (9 février 2002) avoue que "Alors que les ouvriers ont été impliqués dans les protestations et les assemblées, en général cela n'a pas été en tant que groupes organisés".
Les diverses assemblées qui se sont formées ont rencontré un mélange d'enthousiasme et de réserve de la part des gauchistes. Pour Workers' Power (février 2002), les assemblées de quartier "représentent l'implication croissante des masses dans la politique", mais "les classes moyennes y jouent un rôle disproportionné", et "les cols-bleus y sont largement absents" : ces dernières "ne doivent pas être confondues avec des conseils ouvriers".
Socialist Worker (9 février 2002) donne un exemple parlant : "Dans un quartier anciennement huppé de Buenos Aires, Belgrano, où quasiment aucun ouvrier n'habite, une assemblée animée se réunit presque chaque soir. Elle a voté pour l'annulation de la dette étrangère, la nationalisation des banques et des industries privées, etc."
Ce qui est intéressant dans cet exemple, c'est que l'assemblée
a voté pour les mêmes mesures capitalistes d'Etat que les assemblées
dans les quartiers ouvriers. Quand les marxistes considèrent une formation
sociale, ils examinent ses revendications, sa composition sociale, et sa façon
d'agir afin de déterminer où elle se place dans la lutte entre
les classes. Dans le cas des assemblées en Argentine, de façon
générale, celles-ci mettent en avant des revendications en faveur
de l'action de l'Etat capitaliste (bien qu'il y ait aussi beaucoup d'opposition
à la répression étatique), leur composition est interclassiste,
et leur mode d'action ne vise pas à l'organisation et à l'indépendance
de la lutte des ouvriers. Quelques assemblées semblent avoir adopté
des axes pour l'organisation d'actions plus radicales, mais ce sont des exceptions.
Le mouvement des piquets (les piqueteros) est un autre phénomène
qui est apparu en Argentine. Regroupant "les chômeurs, les syndicalistes,
les comités de quartier, les militants des droits de l'homme, et les
mouvements régionaux" (International Viewpoint, décembre
2001), il s'est généralisé à tout le pays à
travers le blocage des principales routes. La nature interclassiste du mouvement
a fait que l'action des piquets est restée stérile. Les piquets
délégués par des assemblées ouvrières pour
étendre la lutte font partie intégrante de la lutte de classe.
Mais en Argentine, les barrages routiers ont désorganisé la vie
sociale sans amener la moindre avancée de l'organisation ou de la confiance
de la classe ouvrière en elle-même, sans encourager le moindre
pas en avant dans le développement d'un sentiment d'identité de
classe.
Faire ainsi ressortir les principales caractéristiques de la situation en Argentine ne veut pas dire sous-estimer la combativité du prolétariat. Ces dernières années il a mené des luttes d'ampleur qui ont représenté une force dans la société, malgré leur enfermement dans le cadre syndical. Mais les révolutionnaires ne doivent pas hésiter à mettre en garde la classe ouvrière contre les dangers de se laisser emporter dans des mouvements interclassistes, ou de se laisser tromper pas les illusions démocratiques.
Il est bien typique des gauchistes de proclamer une "situation révolutionnaire"
limitée à un seul pays. En ceci, ils restent conséquents
avec leur célébration des "révolutions" en Indonésie
en 1998 et en Serbie en 2000 - des "révolutions" où
la classe ouvrière a suivi les drapeaux du nationalisme et de la démocratie,
et où l'appareil de l'Etat capitaliste est resté intact. Les marxistes,
par contre, insistent sur le fait que la crise économique est une crise
du capitalisme planétaire, que la force de la classe ouvrière
est celle d'une classe internationale, et que le rapport de force entre les
classes ne peut être déterminé qu'au niveau international.
Parler d'une "situation révolutionnaire" en Argentine, c'est
cacher la réalité des luttes que la classe ouvrière sera
obligée d'entreprendre.
Quand les gauchistes présentent
une image fausse de ce qui se passe en Argentine, ils restent fidèles
à une pratique établie depuis des décennies. C'est le contraire
qui est vrai concernant l'intervention du Bureau International pour le Parti
Révolutionnaire (BIPR), un groupe qui fait partie du camp de la classe
ouvrière. Dans une prise de position récente ("La crise et
le libéralisme économique ont mis l'Argentine à genoux.
Le prolétariat relève la tête"), le BIPR démontre
la gravité de la crise économique, sa nature internationale, les
attaques dévastatrices contre les conditions de vie de la masse de la
population, et le besoin d'éviter les pièges des syndicats.
Quand il décrit la nature de la réponse à ces attaques, le BIPR affirme que "la colère et la violence ont grandi en même temps que la faim, la misère sociale et économique, le désespoir face à la réalité quotidienne, et le manque de perspectives pour l'avenir". Evidemment, le mouvement est très hétérogène, puisque "les jeunes et les étudiants, les ouvriers, les chômeurs, et la petite bourgeoisie prolétarisée d'abord et paupérisée ensuite, sont descendus spontanément dans la rue".
C'est une description juste des évènements, mais quand le BIPR parle des attaques contre les banques, les bureaux, et les supermarchés pour dire que "la faim et la colère (…) restent à la base de ce dernier surgissement insurrectionnel", il abuse d'un terme clé du mouvement marxiste. Lénine suivait Marx, en décrivant l'insurrection comme un art, qui exige l'analyse attentive et l'intervention des révolutionnaires au sein des luttes montantes de la classe ouvrière. Pour les marxistes, "insurrection" ne veut pas dire le pillage et les incendies.
En parlant de la classe ouvrière, le BIPR nous dit que "la réponse a été typiquement prolétariennne", puisque "dans toute l'Argentine des grèves et des occupations ont surgi". C'est comme si la classe ouvrière avait pu entrer en lutte en ignorant l'action des autres couches sociales. En réalité, la classe n'a pas été engagée dans des luttes "typiquement prolétariennes", et les révolutionnaires ne doivent pas essayer de cacher le danger pour les ouvriers d'être emportés dans un mouvement stérile du point de vue social.
Il est vrai, comme dit le BIPR, que "des masses énormes de prolétaires et de déshérités ont été poussés à l'action", mais "l'action" de la classe ouvrière n'est pas la même que celle des autres couches sociales, et dans le contexte argentin il faut distinguer les caractéristiques du mouvement.
Le BIPR affirme que "le contenu de classe d'un mouvement ne dépend pas seulement de son aspect sociologique, c'est-à-dire de la présence de prolétaires, mais surtout des buts politiques qu'il contient et qui s'y développent". Mais il ne dit rien sur ce fait que le poids des autres couches peut avoir une forte influence, qui peut entraver la capacité de la classe ouvrière de développer sa propre identité de classe, sans parler de ses propres "buts politiques". La situation dans laquelle se trouvent les ouvriers est un facteur matériel que les marxistes ont le devoir d'examiner.
Pour le BIPR, "deux éléments sont clairement absents" de la situation, dont "un véritable resurgissement de la lutte de classe". C'est vrai, mais en tant que marxistes nous devons expliquer pourquoi, face à des attaques massives de l'Etat, il n'existe pas de réponse claire de classe. Et une des raisons principales en est que la classe ouvrière a été submergée par un mouvement interclassiste.
Le BIPR évite cette réalité en disant qu'un parti révolutionnaire "peut transformer la colère, la détermination de lutter, et la révolte spontanée, en révolution sociale". Une telle idée met le marxisme sur la tête. Cette idée suggère que, quelle que soit la nature du mouvement -qu'il soit sur un terrain de classe, ou qu'il ait dévoyé les énergies de la classe ouvrière- le parti peut transformer la situation sans tenir compte de la réalité sociale. Et une telle idée relève d'une démarche idéaliste.
Par contre, quand le BIPR dit "qu'il doit y avoir une conscience des antagonismes
de classe", c'est tout à fait juste. La question de savoir comment
les ouvriers reconnaissent leurs intérêts de classe, les moyens
de leur lutte, et la nature de leurs ennemis de classe, est fondamentale. C'est
un processus qui ne saurait être réduit à l'influence des
organisations révolutionnaires, puisqu'il dépend également
de la nature du mouvement dans lequel ils interviennent, et l'existence ou non
déjà de tentatives vers la clarification au sein de la classe
ouvrière elle-même. Les très grandes difficultés
auxquelles s'affronte le prolétariat ne peuvent être abolies de
façon volontariste par des proclamations idéalistes sur la capacité
du parti à transformer la situation.
Le score électoral de Le Pen
au premier tour des présidentielles a constitué un événement
historique de portée internationale. Pour la première fois, le
FN arrive à menacer la "démocratie" française.
Et c'est sous le signe de la "honte" que s'est immédiatement
déchaînée la campagne anti-Le Pen, polarisant l'attention
de toute la population, réveillant dans tous les esprits le spectre du
fascisme.
Dès le soir du premier tour, on a assisté au déferlement de l'hystérie démocratique aux quatre coins du pays avec la multiplication des manifestations massives pour "faire barrage" à l'extrême-droite. Et ce sont toutes les forces de gauche (partis de gauche et d'extrême-gauche, syndicats, MRAP, associations des droits de l'homme, Ras l'front, SOS racisme, etc.) qui ont agité frénétiquement l'épouvantail Le Pen pour rassembler dans la rue des dizaines de milliers de manifestants, en grande majorité des jeunes, étudiants et lycéens. Par ailleurs, l'ensemble des forces démocratiques de l'Etat bourgeois, depuis le PC jusqu'à l'Eglise, appellent à voter "utile" au second tour pour le candidat de droite Chirac (le slogan des jeunes manifestants était "Votez escroc, pas facho !").
Malgré les ratés de la campagne électorale et la débandade de la classe politique française (voir ici [152]), la bourgeoisie n'a pas raté l'occasion de mettre à profit cet événement pour porter un nouveau coup à la conscience de la classe ouvrière en lui faisant croire, une fois encore, que la démocratie est son bien le plus précieux, sa seule planche de salut et qu'elle n'a donc pas d'autre choix que de se mobiliser massivement pour la sauver.
Quand la classe dominante n'a plus de pain à offrir aux prolétaires, elle lui offre des jeux pour la distraire et lui faire oublier que, face à l'enfoncement de l'économie mondiale dans une crise économique sans issue, quelle que soit la clique capitaliste au gouvernement, celle-ci ne peut qu'accentuer ses attaques contre toutes les conditions de vie ouvrières.
En exploitant la défaite cuisante de Jospin et la montée du FN,
toutes les fractions de la bourgeoisie, à droite comme à gauche,
cherchent aujourd'hui à entraîner les ouvriers derrière
la fausse alternative : démocratie contre fascisme.
Elles cherchent à intoxiquer la conscience des prolétaires et
à les dévoyer de leur propre terrain de classe en les embrigadant
dans le raz-de-marée interclassiste de l'union sacrée anti-Le
Pen.
On veut nous faire croire que l'avenir de la société se joue sur
le terrain du cirque électoral.
Ainsi, on a eu droit, dès les premières heures de l'après premier tour, à une analyse extrêmement pernicieuse du score de Le Pen : à coups d'interviews hypermédiatisés, on nous rabâche que si le FN a eu un tel succès, ce serait en grande partie la faute aux abstentionnistes. Cette campagne visant à faire porter "la honte" sur les ouvriers qui, par leur refus des isoloirs électoraux, ont clairement manifesté leur rejet et leur dégoût des partis bourgeois, ne vise qu'un seul objectif : culpabiliser la classe ouvrière en lui faisant croire que ce sont les mauvais "citoyens" abstentionnistes qui mettent en danger la démocratie. Moralité : il faut rattraper le coup et aller voter massivement au second tour pour défendre, non pas nos propres intérêts de classe exploitée, mais la démocratie capitaliste, présentée comme un "moindre mal".
Mais le cynisme de la propagande bourgeoise ne s'arrête pas là. La classe dominante et ses médias aux ordres ont encore profité de la montée du FN dans les villes ouvrières dominées pendant des décennies par le PC pour déchaîner une campagne visant à culpabiliser, démoraliser et diviser les ouvriers en les montant les uns contre les autres. En témoignent ces titres du journal Le Monde du 25 avril : "Ces travailleurs qui ont voté Le Pen", "Les enfants perdus de la classe ouvrière". En présentant les prolétaires comme des "fachos", réactionnaires, nationalistes et xénophobes, la propagande bourgeoise vise à discréditer le prolétariat et à semer l'illusion suivant laquelle l'avenir de la société n'est pas dans la lutte de classe entre exploiteurs et exploités mais dans un front uni du "peuple de la France républicaine", toutes classes confondues, contre la "peste brune".
La classe ouvrière ne doit pas tomber dans ce piège ! Elle doit refuser la fausse alternative "fascisme ou démocratie" !
Elle ne doit jamais oublier les leçons de l'une des plus grandes tragédies
du 20e siècle : c'est grâce à la mobilisation de dizaines
de millions de prolétaires derrière les drapeaux de l'antifascisme
dans les années 1930 que les partis de gauche ont pu embrigader la classe
ouvrière dans la Seconde Guerre mondiale pour la défense du capital
national. C'est au nom de la défense de la démocratie contre le
fascisme que les prolétaires ont fait le sacrifice du sang et ont été
utilisés comme chair à canon pour une cause qui n'était
pas la leur (voir article page 8).
Aujourd'hui, la situation historique est radicalement différente de celle
qui prévalait à la veille de la Seconde Guerre mondiale . La classe
ouvrière n'a pas subi de défaite sanglante, elle n'est pas prête
à faire le sacrifice de sa vie pour la défense du drapeau tricolore,
elle n'est pas disposée à se faire trouer la peau sur les champs
de bataille impérialistes et dans les croisades "humanitaires"
de la bourgeoisie démocratique.
Mais le danger de se laisser enchaîner au char de l'Etat bourgeois n'en est pas moins grand. Aujourd'hui, la menace que fait peser sur la classe ouvrière la mystification de l'antifascisme, ce n'est pas le risque d'embrigadement dans une guerre mondiale comme ce fut le cas dans les années 1930, mais celui de perdre son identité de classe, de se laisser noyer dans des mouvements "citoyens", interclassistes, derrière les illusions démocratiques répandues par la bourgeoisie (avec le relais des étudiants et des intellectuels) et de ne pouvoir retrouver le chemin de sa propre perspective révolutionnaire : la destruction de l'Etat bourgeois sous toutes ses formes, démocratique et "totalitaire".
Les prolétaires ne doivent jamais oublier que la démocratie et le fascisme sont les deux faces de la même médaille, les deux visages de la même dictature implacable du capital. C'est le capitalisme décadent qui a donné naissance au fascisme. C'est la respectable république démocratique de Weimar qui, grâce à la trahison du parti social-démocrate et au massacre de milliers de prolétaires dans la révolution allemande en 1919-23, a fait le lit du nazisme.
C'est ce même capitalisme moribond qui a permis la montée en flèche du parti de Le Pen. C'est le socialiste Mitterrand qui, en instituant le suffrage à la proportionnelle, a permis au FN d'obtenir des sièges au Parlement et de devenir un parti électoral.
C'est ce système pourri qui est le seul et unique responsable de la décomposition généralisée de toute la société et qui entretient l'insécurité permanente, la violence aveugle, la xénophobie, le racisme, la haine inter-ethnique, le terrorisme.
La seule alternative, la seule solution porteuse d'avenir pour l'humanité, c'est le combat de la classe ouvrière pour le renversement du capitalisme et la construction d'une nouvelle société. Une société sans exploitation, sans crise, sans misère, sans frontières nationales, sans guerre. Une société humaine unifiée où les hommes n'auront plus aucune raison de vivre dans la peur du voisin et de l'étranger. Une société basée non sur l'exploitation et la recherche du profit, mais sur la satisfaction des besoins humains. Seule une telle société pourra débarrasser à jamais l'humanité de toutes les tares de la barbarie capitaliste qui la déchire et dont l'idéologie ultra-nationaliste et xénophobe de l'extrême-droite n'est qu'une caricature.
Et ce n'est certainement pas dans les isoloirs électoraux que la classe ouvrière pourra affirmer sa propre perspective révolutionnaire comme le prétendent les trotskistes de Lutte Ouvrière, du Parti des Travailleurs ou de la Ligue Communiste Révolutionnaire.
Le seul moyen de combattre l'extrême-droite et son programme national-capitaliste, c'est de mener la lutte contre le système capitaliste, contre la démocratie bourgeoise, contre tous les gouvernements de droite comme de gauche qui n'ont qu'un seul programme à nous proposer : toujours plus de misère, de chômage, d'exploitation et de barbarie.
Contrairement aux campagnes mensongères de la bourgeoisie, la classe ouvrière, lorsqu'elle se bat de façon solidaire et unie sur son propre terrain pour la défense de ses conditions de vie n'est pas une classe réactionnaire. C'est la seule classe révolutionnaire de la société, la seule force capable de sortir l'humanité de l'impasse dans laquelle la plonge le capitalisme. L'alternative historique n'est pas entre fascisme ou démocratie, mais entre révolution prolétarienne mondiale ou enfoncement de l'espèce humaine dans la barbarie et la décomposition sociale. L'arène électorale de l'Etat démocratique n'est que la feuille de vigne derrière laquelle se masque la dictature du capital. C'est pour cela que les révolutionnaires n'appellent ni à l'immobilisme abstentionniste, ni à la mobilisation électorale en faveur du "démocrate" Chirac.
Ils n'ont qu'un seul mot d'ordre à donner à la classe ouvrière : "Prolétaires, ne votez pas. Luttez !"
RI
"Votez escroc, pas facho !" Ce slogan repris massivement par les jeunes
au cours des manifestations qui se sont déroulées tous les soirs
depuis le premier tour des élections présidentielles en France,
symbolise assez bien la situation qui prévaut aujourd'hui dans ce pays.
En effet, Jacques Chirac, celui que les "Guignols de l'info" à
la télévision ont caricaturé en "Super Menteur",
celui qui risquait d'être mis en examen s'il n'avait pas été
réélu, et dont la plus grande qualité comme homme politique
est d'être "sympatoche", comme dit sa marionnette, sera probablement
au soir du 5 mai le président le mieux élu de l'histoire de la
Ve République. Et cela malgré le fait qu'il n'a pas réussi
à atteindre 20% des voix au premier tour. En même temps, ce slogan
qui appelle à participer le plus massivement possible à la mascarade
électorale pour "faire barrage au fascisme", alors que l'abstention
a battu ses records historiques, rend compte de l'intensité de la campagne
démocratique et antifasciste qui se développe actuellement (voir
notre article en première page).
D'emblée, une question se pose : puisque le résultat du premier tour des présidentielles, qui a vu la qualification pour le second tour de Le Pen, permet à l'heure actuelle la mise sur pieds d'une formidable campagne de mystification contre la classe ouvrière, ce résultat n'a-t-il pas, d'une façon ou d'une autre, été voulu (et donc préparé) par les forces dominantes de la bourgeoisie française ? Celles-ci, ayant à leur disposition les organismes de sondage, les auraient utilisés pour minimiser la "menace Le Pen" jusqu'au dernier moment afin d'aboutir au résultat qui est sorti des urnes le 21 avril. Ce ne serait pas la première fois que la classe dominante, en s'appuyant notamment sur des sondages et surtout sur les campagnes médiatiques, manipule les élections afin que le résultat soit conforme à ce qu'elle en attend, notamment d'être le plus à même d'affaiblir la classe ouvrière. Dans les pays du Tiers-Monde, la pratique est courante de bourrer les urnes afin de leur faire dire ce qu'on attend d'elles. Dans les pays les plus avancés, on procède avec plus de subtilité. Même s'il arrive que quelques scrutins soient "bidouillés" ici ou là (le PCF au temps de sa splendeur était devenu un grand spécialiste de ce genre d'exercice), ce n'est pas tant les urnes qu'on bourre, que le crâne des électeurs. Et puisque les résultats du premier tour permettent une manoeuvre d'ampleur contre la conscience des prolétaires, il est légitime de se demander si finalement, malgré les mines effarées qu'arborent tous les politiciens et autres bavards qui se succèdent sur les écrans de télévision, le succès de Le Pen n'est pas un coup monté.
Pour répondre à cette question, il est donc nécessaire d'examiner plus en détail les intérêts des différents partis politiques face à cette élection, de même, et fondamentalement, les intérêts globaux de la bourgeoisie. En d'autres termes, il faut se poser la question, comme nous l'avions fait dans notre presse après les attentats du 11 septembre, "à qui le crime profite ?".
Pour répondre à cette question, on peut déjà éliminer
les petits partis ou les petits candidats (comme le candidat des chasseurs et
des pêcheurs, la candidate écologiste de droite, celle des radicaux
de gauche ou le tenant d'un "vrai libéralisme") qui, même
s'ils participent pleinement, avec leurs moyens, à la défense
de l'ordre capitaliste, n'ont pas un rôle déterminant dans la conduite
des affaires et des manoeuvres de la classe dominante.
Il est clair que le résultat du 21 avril profite au Front national, le
parti de Le Pen. Ce dernier, depuis plus de 20 ans, rêvait d'être
qualifié pour le second tour des présidentielles. Cela dit, ce
n'est pas un concurrent sérieux du point de vue de la gestion du capital
national français. Son programme, s'il était appliqué,
coûterait l'équivalent de la moitié du budget de l'État
et la France se mettrait hors jeu en Europe, et pas seulement du point de vue
politique mais aussi du point de vue économique puisque Le Pen propose
le retour au Franc, la sortie de l'Union européenne, la fermeture des
frontières avec un rétablissement massif des barrières
douanières (pour un pays qui exporte plus qu'il n'importe !).
Pour ce qui concerne le Parti socialiste, celui qui pendant les cinq dernières
années a dirigé l'État et qui a occupé cette place
pendant 15 ans depuis 1981, il est difficile de considérer que l'élimination
de son champion dès le premier tour de l'élection est une victoire.
C'est vrai qu'une défaite électorale peut être bénéfique
pour un parti bourgeois à certains moment de sa vie et une défaite
au second tour n'aurait pas constitué pour le PS une catastrophe irrémédiable.
Mais ici on voit le principal parti du pays se trouver éliminé
dès le premier tour, tout comme la démocratie chrétienne
de Bayrou ou le "pôle républicain" de Chevènement.
Plus globalement, la gauche bourgeoise sera absente de l'affrontement électoral
décisif alors qu'elle a monopolisé le pouvoir pratiquement en
permanence depuis 21 ans. On ne peut pas dire que c'est là une situation
glorieuse propre à rehausser le prestige de cette partie de l'appareil
politique de la classe dominante. Plus précisément, le parti phare
de cette gauche, celui qui avait en permanence dicté ses propres conditions
à ses alliés, risque dans l'avenir (au delà de la nécessité
immédiate de ne pas se déchirer trop à l'approche des élections
législatives du mois de juin) d'avoir des difficultés à
se faire obéir désormais. Le magazine "Marianne" qui,
en général, voit assez clair dans le jeu des différents
partis titre un de ses articles : "Les socialistes se sentent morveux".
Pour ce qui est du parti "communiste" (qui au lendemain de la guerre
était le premier parti de France avec 26% des voix aux législatives),
il est difficile de dire que ces élections comportent quelque chose de
positif. Si son score avait été honorable, le PCF aurait pu tirer
parti de la présence de Le Pen au second tour et de l'échec de
Jospin :
Mais avec moins de 3,5% des voix (c'est-à-dire sous la barre des 5% ce
qui le prive même du remboursement de ses frais de campagne et lui procure
des ennuis financiers notables), le PCF apparaît comme l'un des grands
perdants de cette élection. Et cela d'autant plus qu'une bonne partie
des voix qui se sont portées sur Le Pen provenait de ses anciens électeurs.
Pour ce qui concerne la droite, il est clair que le résultat du premier
tour assure à Chirac une élection facile au second tour. Il est
même probable qu'il battra le record établi par Pompidou, son parrain
en politique, lors des élections de 1969.
Cela dit, c'est une maigre consolation pour Chirac et pour la droite dans son
ensemble.
En premier lieu, la réélection de Chirac, même "triomphale"
n'assure pas à la droite une victoire automatique aux élections
législatives du mois de juin puisque, fort de son succès actuel,
le FN risque d'être présent dans plusieurs centaines d'élections
triangulaires. En 1997, ce sont justement ces triangulaires qui avaient permis
la victoire de Jospin. On risque alors de se retrouver dans une nouvelle cohabitation
avec un président de droite et un gouvernement de gauche. Cette formule
a fonctionné pendant cinq ans, mais une des raisons pour lesquelles,
de façon presque unanime, les partis bourgeois ont décidé
de modifier la durée du mandat présidentiel en l'alignant sur
celui des députés était de pouvoir synchroniser les échéances
électorales présidentielles et législatives afin justement
de s'éviter désormais une nouvelle cohabitation. Pour des raisons
que nous verrons plus loin, c'est un cas de figure dont la bourgeoisie ne veut
plus, comme d'ailleurs ses principaux représentants l'ont dit et répété
sur toutes les antennes. En tous cas, Chirac et ses amis ne souhaitaient certainement
pas cette formule qui les a déjà privés du pouvoir gouvernemental
pendant cinq ans.
Par ailleurs, même au cas où la droite remporterait les élections
législatives, son chef Chirac ne sera pas l'élu de la droite mais
de l'ensemble des forces "antifascistes", ce qui, qu'il le veuille
ou non, risque d'entraver sa liberté de manœuvre lorsqu'il voudra
faire adopter des mesures ayant quelque ressemblance avec celles que proposait
Le Pen (notamment sur la sécurité et vis-à-vis des immigrés).
C'est pour ces raisons qu'on n'assiste à aucun triomphalisme de la part
des hommes politiques de la droite qui, dès à présent,
sont à la recherche des moyens (comme la création d'un "grand
parti de la majorité présidentielle") pour limiter les effets
délétères du succès de Le Pen.
Mais au-delà de l'intérêt des différents partis bourgeois,
ce sont les intérêts de l'ensemble de la bourgeoisie française
qui ont été affectés par les résultats du 21 avril,
non pas du point de vue de sa capacité à faire face à la
classe ouvrière mais sur l'arène internationale où le gouvernement
français va traîner pendant longtemps le boulet de la prestation
ridicule que ses forces politiques ont accomplie. Qu'il soit flanqué
d'un premier ministre socialiste ou d'un premier ministre de son camp, Chirac
n'aura pas beaucoup d'autorité pour faire valoir les intérêts
de la bourgeoisie française dans les rencontres régulières
où les chefs de bande capitalistes négocient leurs prérogatives
autant sur le plan économique que diplomatique. Il faut d'ailleurs voir
à la fois la stupéfaction et la lourde ironie que les journaux
européens ont affichées le 22 avril pour comprendre que la bourgeoisie
des autres pays mise sur une révision à la baisse pour le futur
des prétentions françaises (en particulier quand elle se fait
le principal porte-parole des mesures contre l'Autriche de Haider), tout en
manifestant une certaine inquiétude devant le "foutoir" auquel
ressemble de plus en plus la vie politique de la 5e puissance mondiale.
Ainsi, on doit considérer que les mines consternées de la majorité
des hommes politiques et des journalistes au soir du 21 avril n'étaient
pas de la simple comédie (comme ils en sont capables en d'autres circonstances)
: le jeu électoral français venait d'accoucher d'un résultat
qui est loin de satisfaire les attentes de la classe dominante et qui risque
de lui créer pas mal de difficultés.
A la suite de l'élection de Mitterrand en 1981, alors que dans les principaux pays d'Europe (comme en Allemagne, en Grande-Bretagne et en Italie, et sous l'égide des États-Unis de Reagan) la bourgeoisie jouait la carte de la gauche dans l'opposition afin de pouvoir mieux saboter de l'intérieur les luttes ouvrières, le CCI avait analysé cette "exception française" non pas comme une carte délibérée de la classe dominante mais comme un "accident" résultant d'une faiblesse historique et d'un archaïsme de son appareil politique. Les résultats du 21 avril constituent une nouvelle manifestation de cette faiblesse d'un appareil politique qui n'est pas capable, contrairement à celui d'autres bourgeoisies, comme celles d'Allemagne ou de Grande-Bretagne, de faire dire aux urnes ce qu'il attend de chaque élection.
Les commentateurs bourgeois (journalistes et politiques) ont commencé
à proposer des analyses qui, pour la plupart contiennent une part de
vérité :
Toutes ces explications sont valables. On peut y ajouter aussi les effets des attentats du 11 septembre dans un pays où l'immigration maghrébine et musulmane est importante (et d'où provient le seul accusé vivant ayant participé à la préparation des attentats), ce qui a fait évidemment le jeu de Le Pen.
Cela dit, on ne peut se contenter de ces explications circonstancielles face à l'ampleur de cette nouvelle montée de l'extrême-droite (près de 20% si on additionne les voix de Le Pen et celles de Mégret). Il s'agit d'un phénomène qui a des sources profondes et que la scission du Front national de 1999 n'a pas réussi à éliminer. Cette scission avait été orchestrée (comme nous l'avions relevé dans notre presse, voir RI n°287 de février 1999) par tous les secteurs de la bourgeoisie, de droite comme de gauche, alors que cette dernière était pourtant la principale bénéficiaire du vote FN et que c'est Mitterrand qui, dans les années 80, avait mis en selle Le Pen. Cependant, après le recul enregistré par l'extrême-droite aux dernières européennes, on assiste aujourd'hui à son retour en force. Plus généralement, il faut noter que la montée des partis xénophobes et "sécuritaires" n'est pas propre à la France mais qu'elle affecte aussi des pays aussi différents que l'Autriche, la Belgique, l'Italie, le Portugal, même si c'est en France qu'elle a revêtu sa forme la plus spectaculaire. C'est donc un phénomène historique, qui a des racines profondes et face auquel il appartient aux révolutionnaires de donner un cadre d'analyse global concernant l'ensemble de la vie de la société.
Depuis la fin des années 80, le CCI a tenté d'élaborer un tel cadre en analysant le moment actuel de la vie du capitalisme comme celui de la décomposition, celle où la décadence de ce système, inaugurée par la Première Guerre mondiale et qui a fait du 20e siècle le siècle le plus barbare de l'histoire, a atteint sa phase terminale. Depuis plus de 10 ans, c'est dans ce cadre de la décomposition que nous avons expliqué des phénomènes aussi variés que la montée de la violence urbaine, de la drogue, de l'intégrisme religieux, de la corruption de la classe dominante, du développement des mafias, du "chacun pour soi" qui affecte aussi bien les individus que la classe dominante, au sein de chaque pays comme à l'échelle internationale dans la multiplication de conflits guerriers plus absurdes et barbares les uns que les autres. En particulier, nous avons analysé l'événement historique le plus considérable des 20 dernières années, l'effondrement des régimes staliniens et du bloc de l'Est, comme la manifestation la plus spectaculaire de cette décomposition du système capitaliste. Et c'est aussi dans ce cadre qu'il est nécessaire de replacer les résultats du 21 avril et la montée de l'extrême-droite.
Déjà, si on s'en tient à un certain nombre d'aspects circonstanciels
qui ont favorisé le succès de Le Pen, on peut constater qu'ils
sont en lien avec la décomposition :
Mais plus fondamentalement, il faut voir que Le Pen représente le parti de la peur, du désespoir, de la haine, de l'irrationnel et du repliement sur soi, c'est-à-dire les effets typiques sur les cerveaux de la décomposition de la société capitaliste. Une société dont l'avenir apparaît de plus en plus bouché, qui pourrit sur pied, qui sombre dans la violence et la barbarie, qui engendre chez un nombre croissant d'être humains un sentiment d'insécurité et de désespoir. Et la classe ouvrière n'échappe pas aux effets délétères de la décomposition. Dans l'ambiance idéologique où elle baigne, la misère qui se développe de plus en plus, la précarité, la peur du chômage, la montée de la violence, favorisent parmi un nombre important d'ouvriers, notamment ceux qui pendant des décennies ont été abreuvés des discours chauvins du PCF, le progrès des thèmes lepénistes. Et ce phénomène n'a pu que s'accentuer avec les formidables campagnes idéologiques qui se sont développées après 1989 sur le thème "le communisme est mort", "la lutte de classe, voire la classe ouvrière, n'existe plus". En ce sens, les campagnes bourgeoises sur le thème de la "victoire de la démocratie sur le communisme" qui se sont développées après l'effondrement du bloc de l'Est sont en partie responsables de la montée actuelle de l'extrême droite. Ce ne serait pas la première fois que la démocratie bourgeoise fait le lit idéologique des courants fascistes ; c'est même une constante dans l'histoire depuis le début des années 20 avec l'arrivée de Mussolini. Cela ne fait que souligner encore plus l'hypocrisie de ces mêmes forces "démocratiques" qui aujourd'hui s'agitent sur toutes les chaînes de télévision et dans presque tous les journaux.
A l'heure actuelle, contrairement aux années 20 et aux années 30 dans certains pays, le programme fasciste n'est pas adapté aux besoins de la bourgeoisie (voir notre article page 8). C'est pour cela qu'il n'existe pas de "menace d'un régime fasciste" comme se plaisent à le répéter l'ensemble des partis bourgeois, y compris et surtout ceux d'extrême-gauche. Cela dit, l'impact important des campagnes de Le Pen dans les milieux ouvriers est clairement une manifestation de la faiblesse de la classe ouvrière. Cette faiblesse, les ouvriers ne pourront pas la surmonter en se mettant à la traîne des campagnes démocratiques. Bien au contraire. Seule la reprise de leurs combats sur un terrain de classe contre les attaques croissantes que leur assène un capitalisme en crise pourra leur redonner confiance en eux-mêmes et en l'avenir sapant ainsi les effets pernicieux des discours dont les abreuvent les démagogues de tous ordres, les "fascistes" du style Le Pen, mais aussi les politiciens "démocrates".
Fabienne (27 avril)Face au danger de dégénescence
La tâche principale de cette Conférence a été d'affronter une crise organisationnelle, la plus sérieuse depuis la naissance du CCI, qui a brutalement éclaté au grand jour au lendemain de son 14ème Congrès International en avril 2001.
Nos lecteurs ont pris connaissance dans notre presse qu'un ex-militant, Jonas, a été exclu du CCI pour indignité politique, consistant entre autres à détruire le tissu organisationnel en faisant circuler de façon persistante et en sous-main les rumeurs les plus calomnieuses sur des camarades de l'organisation afin de semer le trouble dans plusieurs sections du CCI.
Cet individu a regroupé autour de lui, et en grande partie sur la base de ces rumeurs, d'autres militants qui se sont mobilisés pour mener une guerre totale contre l'organisation, essayant de détruire ses principes statutaires de fonctionnement centralisé, menaçant l'existence même du CCI.
Cette "camarilla" dirigée par l'individu Jonas s'est autoproclamée "fraction", bien qu'elle ait été totalement incapable de mettre en avant la moindre divergence programmatique justifiant l'utilisation du titre de "fraction". Le seul "principe" qui a animé la politique de ces éléments fut un déchaînement de haine destructrice et une soif insatiable de vengeance. Parce qu'ils ont été mis en minorité, et se sont eux-mêmes discrédités en étant incapables de développer la moindre argumentation politique, leurs agissements ont consisté à fomenter un complot contre l'organe central du CCI à travers des réunions secrètes, puis à saboter systématiquement l'activité de l'organisation par des manœuvres, des provocations, des campagnes de calomnie, par le chantage et la menace de déverser leurs calomnies à l'extérieur, comme en témoigne le contenu de leurs infâmes "bulletins internes" qui sont maintenant envoyés à certains groupes et sympathisants de la Gauche communistes.
Après un an de comportements destructeurs visant à déstabiliser l'organisation (comme le disait explicitement un membre de la "fraction" dans une réunion secrète : "Il faut les déstabiliser") et à pousser les militants à la rébellion contre les organes centraux du CCI, la "camarilla" de Jonas a accompli sa dernière action la plus misérable contre l'organisation. Elle a refusé de se présenter à la Conférence internationale, à moins que l'organisation ne reconnaisse par écrit cette "fraction" et retire les sanctions qu'elle avait prises conformément à nos statuts (et notamment l'exclusion de Jonas). Face à cette situation, toutes les délégations du CCI, bien que prêtes à entendre en appel les arguments de ces éléments (à cet effet, elles avaient d'ailleurs constitué, à la veille de la tenue de la Conférence, une commission internationale de recours, composée de militants de plusieurs sections du CCI afin de permettre aux quatre membres parisiens de la "fraction" de présenter leurs arguments), n'ont pas eu d'autre alternative que de reconnaître que ces éléments s'étaient eux-mêmes mis en dehors de l'organisation. Face à leur refus de se défendre devant la conférence et de faire appel devant la commission de recours, le CCI a pris acte de leur désertion et ne pouvait donc plus les considérer comme membres de l'organisation.
La Conférence a également condamné àl'unamimité les méthodes de voyous utilisées par la "camarilla" de Jonas consistant à "kidnapper" (avec leur complicité ?), à leur arrivée à l'aéroport, deux délégués de la section mexicaine, membres de la "fraction", venus à la Conférence pour y défendre leurs positions. Alors que le CCI avait payé leurs billets d'avion afin de leur permettre d'assister aux travaux de la conférence et d'y défendre les positions de la "fraction", ces deux délégués mexicains ont été accueillis par deux membres parisiens de la "fraction" qui les ont amenés avec eux et les ont empêchés de se rendre à la Conférence. Devant nos protestations et notre exigence de remboursement des billets d'avion au cas où les deux délégués mexicains (qui avaient reçu un mandat de leur section) n'assisteraient pas à la Conférence, l'un des deux membres parisiens de la "fraction" (ex-membre de l'organe central du CCI) nous a ri au nez en affirmant avec un cynisme incroyable : "ça, c'est votre problème !" Face au détournement des fonds de l'organisation et au refus de rembourser au CCI les deux billets d'avion payés par l'organisation, révélant les méthodes de gangsters utilisées par la "camarilla" de Jonas, tous les militants du CCI ont manifesté leur profonde indignation en adoptant une résolution condamnant ces comportements. Ces méthodes qui n'ont rien à envier à celles de la tendance Chénier (qui avait volé le matériel de l'organisation en 81) ont fini par convaincre les derniers camarades encore hésitants de la nature parasitaire et anti-prolétarienne de cette prétendue "fraction".
La Conférence s'est donc trouvée face à deux nécessités. La première et la plus urgente était de continuer à défendre le CCI et ses principes organisationnels de la manière la plus intransigeante et la plus rigoureuse contre les attaques et les provocations répétées de ce regroupement parasitaire. La seconde était de tirer de façon approfondie les leçons de ces événements : sur quelles faiblesses de l'organisation ce regroupement parasitaire constitué à l'instigation de Jonas est-il apparu et s'est-il développé de manière aussi rapide et destructrice ? C'est ce deuxième aspect que le présent article se propose de développer (pour le premier aspect, nos lecteurs pourront se reporter à l'article "Une attaque parasitaire dirigée contre le CCI" publié sur notre site Internet ).
D'après la propagande bourgeoise, les organisations révolutionnaires du prolétariat sont condamnées à l'échec puisque les principes communistes qui assurent leur cohésion, la solidarité prolétarienne et la confiance mutuelle au sein du prolétariat, entrent inévitablement en conflit avec les motivations égoïstes et l'esprit de compétition qui animent les individus qui les composent. Selon cette vision, les organisations révolutionnaires ne peuvent être que le miroir de la corruption qui règne au sein des partis politiques de la bourgeoisie. Celle-ci ne se contente pas de faire une propagande incessante pour l'idéologie du "chacun pour soi", mais elle apporte à cette idéologie un support pratique par la répression ouverte, quand nécessaire, et en semant la discorde parmi les organisations révolutionnaires, en encourageant, directement ou indirectement, le travail des agents provocateurs, des aventuriers et des parasites.
Le fait que la classe ouvrière soit une classe exploitée rend ses organisations révolutionnaires extrêmement vulnérables aux pressions destructrices de la société bourgeoise. La construction des organisations révolutionnaires a toujours nécessité un effort permanent, une vigilance constante, une attitude critique, et d'autocritique, sans lesquels elles courent le risque d'être détruites, anéantissant des années d'efforts et faisant reculer le processus révolutionnaire.
Le combat des marxistes dans la 1ère Internationale pour le principe de centralisation et contre les intrigues destructrices de Bakounine, le combat de Lénine et des bolcheviks contre l'opportunisme en matière d'organisaion et "l'anarchisme de grand seigneur" des mencheviks en 1903, le combat de la Gauche Communiste contre la dégénérescence de la 3ème Internationale dans les années 20 et 30, ont tous préfiguré la série des combats que le CCI a menés depuis sa création pour l'application en son sein des règles de fonctionnement centralisé, contre l'esprit de cercle et de clan, contre l'individualisme et le démocratisme petit-bourgeois.
Dans le même esprit, le CCI, contrairement aux autres groupes de la Gauche communiste qui eux aussi ont été ébranlés par des scissions, a toujours rendu compte de ses problèmes internes afin de permettre au mouvement révolutionnaire d'en tirer des enseignements qui puissent contribuer à renforcer l'ensemble du milieu politique prolétarien. Bien que nous soyons parfaitement conscients que les groupes et éléments du milieu parasitaire vont une fois encore se jeter comme des vautours sur cette crise organisationnelle du CCI pour alimenter leurs ragots sur la prétendue "dégénérescence stalinienne" de notre organisation, nous continuons à affirmer que le CCI a su tirer les enseignements de chaque crise qu'il a traversée et qu'il en est à chaque fois sorti renforcé politiquement.. Etant donnée la difficulté de construire les organisations révolutionnaires, il est évident que l'idée qu'elles puissent être immunisées contre la dégénérescence opportuniste, que ce soit au niveau programmatique ou organisationnel, qu'elles puissent se développer paisiblement et sans heurts, est particulièrement dangereuse.
C'est précisément le développement d'une telle illusion
au sein du CCI, l'idée suivant laquelle dorénavant l'organisation
pourrait se construire sans combats politiques majeurs en son sein, que la Conférence
internationale a stigmatisée. Ainsi, le CCI a fait preuve d'une naïveté
certaine et d'un manque de vigilance face à la persistance en son sein
de l'esprit de cercle avec l'illusion que cette faiblesse issue des circonstances
historiques de fondation du CCI (marquées par le poids de la petite-bourgeoisie
soixantehuitarde avec ses composantes gauchistes et anarchisantes) avait été
éradiquée à jamais grâce au combat que nous avons
mené en 93-95.
Cette faiblesse n'a pas seulement révélé une amnésie
envers l'histoire du mouvement marxiste, mais aussi une perte de vue des conditions
extrêmement difficiles dans lesquelles se maintient le CCI dans la période
actuelle de décomposition sociale du capitalisme.
En fait, un des facteurs autour duquel s'est cristallisée la crise récente du CCI a été constitué par une discussion sur la confiance et la solidarité au sein de l'organisation qui, dès le départ, a été orientée par la majorité de membres du Secrétariat international (la commission permanente de l'organe central) avec une méthode étrangère à celle que le CCI a toujours mis en œuvre dans ses débats. En effet, dès l'ouverture de cette discussion, ces derniers ont développé une véritable campagne visant à discréditer des camarades minoritaires afin de les mettre "hors CCI" (selon les propres termes d'un membre de la prétendue "fraction"). Ils ont commencé à introduire au sein de l'organe central une conception monolithiste, totalement étrangères aux principes du CCI, allant même jusqu'à s'opposer à la publication dans les bulletins internes des contributions de camarades ayant des divergences avec la politique de la majorité du Secrétariat international . Face à cette grave dérive, risquant de conduire à l'abandon des principes de fonctionnement du CCI et à une dégénérescence organisationnelle, l'organe central du CCI a pris la décision, ratifiée au 14ème congrès international, de nommer une Commission d'investigation chargée de faire la clarté sur les dysfonctionnements au sein de son Secrétariat international.
Et c'est face au désaveu de la politique de ce dernier que Jonas a immédiatement annoncé sa démission en se présentant comme une victime d'une "entreprise de démolition de l'organisation". Selon Jonas, si le Secrétariat international (dont il était membre) avait fait l'objet d'un tel désaveu par l'organe central du CCI, cela ne pouvait être que l'oeuvre d'un "flic". Au lendemain de sa démission, Jonas (qui n'a pas eu le courage de venir au 14ème congrès du CCI pour y défendre ses positions) a immédiatement poussé sept camarades les plus proches de lui à se réunir secrètement pour constituer une "fraction". Il a affirmé auprès d'une délégation du BI : "Puisqu'on n'est plus aux commandes, le CCI est perdu". Ainsi, la vision mise en avant par Jonas (celle d'être "aux commandes") n'est pas la conception du CCI du rôle des organes centraux. Cette vision, c'est celle des cliques bourgeoises, des petits bureaucrates, des aventuriers et des staliniens qui ne peuvent tolérer la moindre divergence et qui, faute d'arguments, utilisent la méthode de la calomnie pour semer le trouble à l'intérieur et aujourd'hui au sein du milieu politique prolétarien.
Face à cette politique manœuvrière de Jonas et ses supporters, visant à étouffer toute divergence au nom de la "confiance" envers la majorité du secrétariat international (en fait il s'agissait d'appeler le CCI a lui accorder une foi aveugle et sans principe), le débat sur la confiance et la solidarité a dû être réorienté par l'organe central au lendemain du 14ème congrès du CCI à partir d'un cadre historique et théorique que la "camarilla" de Jonas n'a cessé de dénigrer sans aucune argumentation politique comme a pu le constater la Conférence. Cette orientation a permis à la Conférence de commencer à développer un débat sérieux et argumenté, au sein duquel tous les militants sans exception ont pu défendre leur position, exprimer leurs doutes ou désaccords avec un état d'esprit constructif et fraternel visant non pas à calomnier les camarades qui ne partagent pas leur point de vue, mais à clarifier les désaccords dans le seul objectif de renforcer l'organisation comme corps politique uni et donc centralisé.
Parmi les autres faiblesses de l'organisation sur lesquelles Jonas et sa "camarilla" se sont appuyés, la Conférence a mis en évidence le poids non seulement de l'esprit de cercle mais également de l'idéologie démocratiste au sein de l'organisation. Dans le CCI, le démocratisme s'est récemment manifesté à travers une tendance opportuniste à la remise en cause de nos principes de centralisation, notamment à travers l'idée que la confiance ne peut se développer, au sein de l'organisation, qu'en proportion inverse de sa centralisation.
Une fois que le CCI a pris conscience du danger de liquidation de nos principes
de centralisation sous le poids de l'idéologie démocratique, seul
le clan de Jonas a persisté dans la défense de cette vision révisionniste
et liquidatrice qui l'a mené jusqu'à sa pitoyable conclusion.
Ainsi, dès le 31 janvier, la prétendue "fraction" a
adressé à tous les militants du CCI une déclaration (publiée
dans son bulletin interne) affirmant sa rupture de toute loyauté envers
le CCI. Au lieu d'un débat centralisé, posant clairement les divergences
en respectant les statuts du CCI, cette "camarilla" a exigé
que l'ensemble des militants du CCI reprennent à leur compte sa propre
litanie d'insultes et de calomnies contre les organes centraux du CCI et certains
de leurs membres. En résumé, le clan des amis de Jonas a revendiqué
toute la série des droits bourgeois : le droit de colporter les pires
mensonges et calomnies contres des militants et contre les organes centraux
au nom de la "liberté d'expression", le droit de déstabiliser
l'organisation en complotant dans son dos, le droit de s'asseoir sur toutes
les règles de fonctionnement du CCI, le droit de ne verser que 30% de
leurs cotisations, le droit de déserter les réunions auxquelles
ils étaient convoqués, le droit de voler le fichier d'adresses
de nos abonnés, le droit de voler les notes des organes centraux pour
les falsifier, le droit de voler l'argent du CCI et de séquestrer deux
délégués de la section mexicaine pour les empêcher
d'assister à la conférence (de peur que celle-ci ne les convainque).
Et tout cela au nom de "liberté" d'"expression",
en fait la liberté de sabotage et de destruction ! La Conférence
a clairement mis en évidence que les manoeuvres de Jonas ont démoli
des militants en les transformant en une bande d'imposteurs et de faussaires.
Ces éléments ont poussé la naïveté jusqu'à
croire qu'en s'autoproclamant "fraction", ils allaient pouvoir masquer
leur démocratisme petit-bourgeois et leur individualisme destructeur
contre nos principes de centralisation. En d'autres termes, le clan des amis
de Jonas a suivi les mots d'ordres libertaires des étudiants de Mai 68
: il a pris ses désirs pour la réalité. Et lorsque le CCI
se défend, n'accepte pas de se laisser détruire par leurs méthodes
puschistes, et applique les sanctions prévues dans ses statuts, il est
dénoncé de façon hystérique comme une secte dégénérescente,
stalinienne manipulée par un "flic" et des "Torquemada"
(selon les propres termes de Jonas) ! Voilà la force motrice, sordide,
qui a animé la formation de cette prétendue "fraction"
qui n'est rien d'autre que l'arme de guerre du citoyen Jonas contre le milieu
politique prolétarien, le clan le plus honteux et le plus dangereux de
toute l'histoire du CCI. Analyser ses racines idéologiques et politiques
fut la tâche entamée par la Conférence extraordinaire du
CCI.
Les débats de cette conférence furent très riches et ont
révélés que, contrairement aux calomnies de la "fraction"
et de tout le milieu parasitaire anti-CCI, notre organisation, loin d'étouffer
les divergences a, au contraire, exhorté tous les militants à
assumer leur responsabilité et à exprimer leurs désaccords.
La profondeur politique et la passion qui ont animé les débats
de cette Conférence a montré la détermination du CCI à
se mobiliser pour la défense de l'organisation et de ses principes. Enfin
la Conférence a pris conscience de la gravité de l'enjeu pour
le milieu politique prolétarien contenu dans les méthodes de la
"camarilla" de Jonas (qui cherche aujourd'hui à infiltrer le
BIPR afin de l'entraîner dans sa politique de destruction du CCI).
Bien que le CCI, au cours de son histoire, ait fait l'expérience de plusieurs scissions, il a su résister à leurs effets négatifs. Malgré les pertes numériques, le CCI a été capable de maintenir et de renforcer sur le plan politique une organisation centralisée à l'échelle internationale, comprenant des sections dans quatorze pays. Bien que cette crise ait été la plus grave de toute l'histoire du CCI et que les manoeuvres de la "camarilla" de Jonas aient failli détruire nos sections aux USA et au Mexique (tout comme la tendance Chénier, lors de la crise de 81, avait failli détruire toute la section du CCI en Grande-Bretagne), le CCI a été capable de limiter les dégâts et nos pertes numériques ont été relativement faibles au regard des ambitions de la "fraction" de Jonas. Nous avons perdu quelques militants mais nous avons sauvé l'organisation et ses principes.
C'est avec la plus profonde consternation que la Conférence a constaté la folie destructrice et suicidaire dans laquelle Jonas a entraîné des militants qui furent durant de longues années nos camarades de combat, en particulier l'un d'entre eux qui, depuis son entrée dans l'organisation au début des années 70, avait toujours fait preuve jusqu'à présent de la plus grande loyauté envers le CCI, de la plus grande confiance envers son organe central, et d'une détermination exemplaire dans les différents combats pour la défense et la construction de l'organisation. Le CCI n'a pu sauver que deux camarades qui avaient participé activement aux réunions secrètes du "collectif" (devenu par la suite "fraction"). En prenant conscience du caractère particulièrement destructeur et suicidaire de leur dérive, ces deux camarades ont rapporté en détail à la Commission d'investigation comment ils avaient été entraînés dans cette sordide aventure. Deux autres militants que Jonas présentait comme des "centristes" et qui avaient également participé aux réunions secrètes du "collectif", ont préféré démissionner plutôt que d'adhérer à la "fraction" et de suivre la lamentable trajectoire de ce regroupement parasitaire.
Nous sommes pleinement conscients que ce que le CCI a accompli est bien modeste face à l'hostilité capitaliste qui nous environne. Mais cela ne retire rien au fait que le travail de défense de l'organisation réalisé par la récente Conférence extraordinaire ne contient pas seulement d'importantes leçons pour le renforcement du CCI, mais aussi pour poursuivre un débat élargi au sein du milieu politique prolétarien sur les dangers qui pèsent sur les organisations révolutionnaires. L'ensemble du milieu doit être capable de résister aux forces de destruction de la société bourgeoise, à la tentation de l'opportunisme et aux sirènes du parasitisme auxquels il est confronté, aujourd'hui et dans la période à venir.
CCI (19 avril 2002)
Le premier tour des élections présidentielles a réactualisé
de façon spectaculaire et assourdissante le bourrage de crâne orchestré
par la bourgeoisie sur la "dangereuse montée de l'extrême-droite"
et sur le développement de la "gangrène fasciste". Le
"péril brun" serait en train de menacer la "civilisation"
et les "valeurs démocratiques" des grands Etats occidentaux,
et le retour de régimes fascistes et nazis qu'on a connu dans les années
1930 réprésenterait le principal danger planant sur le nouveau
siècle à venir.
Y a-t-il un "danger fasciste" aujourd'hui ? Le développement
électoral du Front National en France et la montée des idéologies
racistes et xénophobes en général annoncent-ils le retour
du fascisme du siècle dernier ? Quel est le but des campagnes de mobilisation
"antifascistes" actuelles ?
L'interprétation historique officielle bourgeoise, de la droite à
l'extrême- gauche, présente toujours le fascisme comme une espèce
d'aberration historique, comme une manifestation de forces obscurantistes complètement
étrangères au capitalisme et à son mode de vie "civilisé".
Selon elle, le fascisme aurait pris le pouvoir dans les années 1920 et
1930 contre la volonté de la bourgeoisie ou de ses secteurs les plus
progessistes. Cela permet à la classe dominante de se laver du péché
d'avoir engendré le fascisme et en même temps de cacher les véritables
conditions historiques dans lesquelles elle a effectivement eu recours à
lui, en tant que forme alors la mieux adaptée à ses besoins et
à ceux de l'Etat capitaliste.
Cela lui permet d'autant mieux de masquer le fondement historique réel
du fascisme.
Entre les deux guerres, les régimes fascistes ont été avant
tout l'expression fondamentale des besoins du capitalisme confronté à
la violence de sa crise. Les ravages de la crise économique, surtout
dans les pays vaincus et lésés par l'issue du premier conflit
mondial, vont placer la bourgeoisie de ces pays devant l'évidence : pour
survivre, il fallait redistribuer les parts du gâteau impérialiste
et la seule issue était de s'acheminer, et vite, vers une nouvelle guerre
mondiale. Pour cela, il fallait concentrer tous les pouvoirs au sein de l'Etat,
accélérer la mise en place de l'économie de guerre et de
la militarisation du travail, faire taire les conflits internes à la
bourgeoisie. Les régimes fascistes vont se constituer directement en
réponse à cette exigence du capital national. En cela, ils n'ont
été qu'une des expressions les plus brutales, comme l'a été
également le stalinisme, de la tendance générale au capitalisme
d'Etat qui est la caractéristique de la domination du capital dans sa
période historique de décadence, ouverte depuis 1914. Loin d'être
la manifestation de la petite bourgeoisie dépossédée et
aigrie par la crise, même si cette dernière lui a largement servi
de masse de manoeuvre, le fascisme a bel et bien constitué le programme
de la bourgeoisie et du capitalisme dans des conditions déterminées.
C'est bel et bien la grande bourgeoisie industrielle qui favorisa la montée
du fascisme et lui confia les rênes de l'Etat, en Allemagne comme en Italie.
Mais si la crise économique, la nécessité du capitalisme
d'Etat et la marche à la guerre constituent des conditions historiques
fondamentales du fascisme, elles sont loin d'être les seules. L'autre
condition préalable, majeure et incontournable, pour l'instauration du
fascisme, c'est la défaite du prolétariat. Jamais la bourgeoisie
n'a pu recourir au fascisme face à une classe ouvrière mobilisée
sur son terrain de classe. Que ce soit en Italie ou en Allemagne, pays où
la vague révolutionnaire ouverte par Octobre 17 s'était propagée
avec le plus d'ampleur, le fascisme n'a pu s'imposer avant que les forces "démocratiques",
et surtout la gauche de la bourgeoisie déguisée en faux amis des
ouvriers, ne se soient chargées d'écraser, physiquement et politiquement,
la flambée révolutionnaire. Les massacreurs de la révolution
allemande ne sont pas les nazis, mais les très socialistes Noske et Scheidemann,
qui, au nom du gouvernement social-démocrate, firent réprimer
dans le sang la mobilisation prolétarienne et assassinèrent sauvagement
Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht, en se servant des corps francs, embryons
des futures milices nazies. En 1919-1920, l'Italie aussi s'embrase. La première
vague de répression sera l'oeuvre du très démocratique
gouvernement Nitti et de sa Garde Royale, mise en place pour réprimer
les grèves et qui fera plusieurs centaines de victimes ouvrières.
Mais, bien plus que la répression directe, ce qui brisera l'élan
prolétarien, c'est son enfermement, grâce aux syndicats et au PSI,
dans les fameuses occupations d'usines et dans l'illusoire gestion ouvrière
de la production. Le mouvement des occupations était voué à
l'échec, et ce n'est qu'après sa défaite à l'automne
1920 que la répression massive s'abat sur la classe ouvrière,
répression qui est menée conjointement, et par les forces légalement
constituées de l'Etat démocratiques et par les escadrons fascistes.
C'est seulement après la défaite de la classe ouvrière
que les "faisceaux" de Mussolini vont se développer pleinement,
avec l'aide du patronat qui les finance et de l'Etat qui les encourage. Là
comme ailleurs, c'est l'étouffement de la vague révolutionnaire
internationale qui permettra au fascisme de prendre le pouvoir.
Dans les autres pays d'Europe, pays vainqueurs de la Première Guerre
mondiale, l'économie de guerre, le renforcement du capitalisme d'Etat
et les préparatifs de la Seconde Guerre mondiale, n'ont pas été
moins présents. Cependant, le prolétariat, moins engagé
dans la vague révolutionnaire que ses frères de classe d'Allemagne
et d'Italie, n'y avait pas connu de défaite physique. La bourgeoisie
avait besoin de la mystification démocratique pour obtenir la soumission
politique de la classe ouvrière et l'amener à la guerre. Ainsi,
dans ces années 1930, alors que les effets de la grande dépression
poussaient des millions de prolétaires à réagir contre
la misère capitaliste, ce sont les "Fronts populaires" qui
vont se charger, tant de mettre en place l'économie de guerre que d'embrigader
le prolétariat pour la boucherie mondiale derrière l'idéologie
antifasciste.
Il est tout à fait vrai que l'actuelle plongée de la société
capitaliste dans la décomposition nourrit le développement de
toutes sortes d'idéologies cherchant des boucs émissaires à
la faillite générale de la société et compensant
l'absence de perspective par des programmes populistes et ouvertement xénophobes
et racistes. A ce niveau, Le Pen ou les groupuscules néo-nazis en Allemagne
font pleinement partie de ces autres manifestations de la décomposition
que sont la drogue ou les sectes, expressions d'une société capitaliste
sans avenir, qui pourrit littéralement sur pied.
Pour autant, cela ne suffit pas à expliquer ce fameux "phénomène
Le Pen". Il est désormais admis, y compris dans les discours bourgeois,
que le FN ne serait jamais arrivé là sans la volonté délibérée
de la bourgeoisie française qui, de scrutin proportionnel en coups de
pouce répétés dans les médias, a fait d'un pantin
inconsistant une véritable vedette nationale.
D'autre part et surtout, même avec son succès populaire et la publicité
médiatique qui lui est faite, ce n'est pas cela qui fait de Le Pen un
nouvel Hitler, pas plus que le "désespoir populaire" n'explique
la prise du pouvoir par ce dernier en 1933.
Contrairement au parti nazi à l'époque, le FN, et les autres partis
d'extrême-droite existant en Europe, sont loin d'être les représentants
d'un quelconque programme de sortie de la crise pour le capital national. Si
Hitler et son parti ont pris le pouvoir, c'est bien parce que leur programme
de capitalisme d'Etat et de fuite en avant vers la guerre, constituait la seule
issue possible pour le capital allemand et qu'il a effectivement résorbé
en quelques années le chômage à travers sa politique de
grands travaux et d'économie de guerre. Aujourd'hui, outre le fait que
la bourgeoisie n'a pas actuellement les moyens de s'engager vers une nouvelle
guerre mondiale face à une classe ouvrière qui n'est pas défaite,
les politiques de grands travaux, de commandes publiques basées sur un
endettement gigantesque des finances publiques sont DEJA derrière nous.
S'il y a quelque chose d'utilisable dans le programme de Le Pen, c'est la politique
de limitation de l'immigration et d'utilisation des travailleurs immigrés
comme boucs émissaires, et cela, la bourgeoisie française, de
droite comme de gauche, n'a pas eu besoin de nommer un président ou un
ministre FN pour le mettre en place.
Mais, surtout, la bourgeoisie a bien trop besoin aujourd'hui de son paravant
démocratique pour affronter la classe ouvrière. Nous ne sommes
pas dans les années 30, années où le prolétariat
payait le prix de la terrible défaite de la vague révolutionnaire.
Quelles que soient les difficultés actuelles de la classe ouvrière,
c'est une classe qui n'a pas connu la défaite et dont la capacité
de résistance sur son terrain de classe aux attaques du capital n'est
pas entamée. Un pantin comme Le Pen au pouvoir serait bien incapable
de contrôler la situation sociale, alors que le mode "démocratique"
de domination du capital, avec ses syndicats divers et variés, son parlement,
son jeu opposition-gouvernement et ses médias "libres" est
d'une bien plus terrible efficacité pour conserver le contrôle
social, pour assurer un encadrement serré des luttes ouvrières
et pour mener à bien les manipulations idéologiques. Et c'est
bien là la seule raison pour laquelle Le Pen existe et qui fait que la
bourgeoisie a besoin de lui : il sert de faire valoir à l'Etat démocratique.
(D'après RI n°267, avril 1997)
Au soir du 5 mai, l'immense "Ouf !" de soulagement poussé
par les médias (ces simples trois lettres étaient par
exemple le titre qui barrait la "une" de l'édition
du lundi 6 mai du journal Libération) clôturait le faux
suspense entretenu pendant les quinze jours entre les deux tours des
élections présidentielles françaises par toute
la bourgeoisie, y compris à l'échelle internationale.
A entendre les commentaires unanimes sur cette élection, la
France l'avait échappé belle, grâce à ce
"sursaut national" qui consacrait la réélection
de Chirac avec 82 % des suffrages exprimés. Le résultat
ne faisait pourtant aucun doute, surtout après l'énorme
battage médiatique anti-Le Pen. Un quasi-plébiscite, un
score inédit que même un De Gaulle à son apogée
n'aurait pu rêver d'atteindre !
Toute la bourgeoisie avait ainsi utilisé à fond le coup
de théâtre, la surprise (réelle !) des résultats
du premier tour pour organiser une gigantesque campagne de mobilisation
contre le "danger fasciste", pour "sauver la république
et la démocratie". Bref, il s'agissait à tout prix
de prendre partie et de se prononcer "pour ou contre Le Pen",
un fameux filon en agitant une fois de plus un personnage qui, au sein
de la bourgeoisie, joue à merveille le rôle d'épouvantail
qui lui a été octroyé depuis les années
1980. Dans quel but ? Un seul et unique : ramener au maximum l'électorat
vers les urnes.
Rien n'illustre mieux l'objectif de cette campagne que le détournement
et la récupération du vieux slogan de mai 1968 "élections
: piège à cons" devenu dans la bouche des médias
bourgeois : "abstention : piège à cons".
Ce "Ouf !" signifie que la bourgeoisie est globalement parvenue
à ses fins : entraîner massivement dans le piège
électoral, alors que pendant toute la période précédant
le premier tour, la campagne électorale s'était déroulée
sans aucun débat politique, dans un climat général
d'indifférence et d'ennui.
Aujourd'hui, à la veille d'une nouvelle échéance
électorale, les législatives, et cinq semaines après
le dénouement de la précédente, à quoi assiste-t-on
? A l'agitation d'un nouveau débat politique, dramatisé
à souhait et présenté comme un choix crucial qui
se retrouve placé au coeur de cette nouvelle campagne électorale
: pour ou contre la cohabitation. Chacun est invité à
prendre parti et à se ranger derrière tel ou tel argument.
Pour les uns, il faut une alternance du pouvoir sinon une nouvelle cohabitation
entraînerait une paralysie des décisions de l'appareil
politique. Mais cela alimenterait aussi le discrédit des grands
partis démocratiques et continuerait à faire le jeu de
Le Pen en lui apportant de nouveaux partisans pour les prochaines échéances
électorales de 2007.
Pour les autres, "il ne faut pas laisser les mains libres à
la droite pendant 5 ans". Surtout, voter pour un gouvernement de
gauche offrirait une légitime revanche aux frustrations de "ce
peuple de gauche" qu'on a persuadé de voter Chirac pour
faire barrage à Le Pen et au FN, "peuple de gauche"
qui s'est rendu aux urnes pour voter du bout des gants, en se bouchant
le nez, voire en prenant des anti-vomitifs. Même si le thème
de la cohabitation a beaucoup moins d'impact émotionnel que le
danger de l'extrême droite, l'objectif de la bourgeoisie reste
fondamentalement le même : tout ce ramdam ne vise toujours qu'à
attirer au maximum la population dans la mascarade électorale.
La classe ouvrière n'a rien à faire dans ce cirque électoral,
contrairement à ce qu'affirment les LCR, LO et autres PT qui
ne font qu'entretenir les pires illusions à ce sujet pour enfermer
les prolétaires sur le terrain bourgeois. C'est un leurre. Les
prolétaires n'ont rien à attendre des élections,
rien à gagner en tombant dans ce piège des isoloirs.
Au contraire, en poussant chaque ouvrier à s'exprimer comme citoyen,
individuellement, de façon la plus atomisée possible,
il s'agit toujours de la même manoeuvre de la bourgeoisie qui
tente de faire obstacle à la prise de conscience que seule la
lutte organisée et collective pour la défense de ses conditions
de vie sur un terrain de classe ouvre au prolétariat une autre
perspective que l'exploitation capitaliste. Les élections font
partie de la vie de la bourgeoisie au service exclusif de ses intérêts
de classe, où l'alibi des "élections démocratiques"
ne fait que masquer la dictature du capital. Pour les ouvriers, elles
ne sont qu'une mystification pure et simple.
Peu importe le résultat des élections il ne changera
rien pour la classe ouvrière, quelle que soit l'équipe
gouvernementale qui sera mise en place, quelle que soit son étiquette
politique.
C'est d'ailleurs, dès aujourd'hui, une évidence avec le
gouvernement "de transition" Raffarin qui, sous couvert de
s'être "mis immédiatement au travail avec de nouvelles
claires priorités", n'apporte aucune rupture par rapport
à la précédente équipe ministérielle.
Les soi-disant nouvelles mesures qu'il a adoptées sont en réalité
en parfaite continuité avec le gouvernement Jospin.
Ainsi, quand on examine de près "la priorité des priorités", les mesures sur la sécurité, on s'aperçoit que le Conseil de Sécurité Intérieure, qui a été présenté comme une innovation, avait été créé sous Mitterrand en 1988, par son premier ministre Rocard et en 1997, c'est Jospin qui l'avait réactivé. De même, la police de proximité dont le zélé Zébulon Sarkozy fait la promotion en payant de sa personne sur le terrain pour escorter les virées nocturnes de sa flicaille avait été mise sur le terrain par Chevènement en 1997 et, en 1999, Jospin avait déjà prévu le déploiement des gardes mobiles et des CRS dans les banlieues.
Autre opération publicitaire du tout-sécuritaire Sarkozy
: les "groupes opérationnels de soutien". Ces fameuses
brigades d'intervention associant aux forces de police, des fonctionnaires
de justice, des douanes et des impôts existaient déjà
sur des opérations ponctuelles. Leur systématisation a
été mise en place il y a plus de trois mois par le précédent
ministre de l'Intérieur du PS Vaillant, lors de sa "réforme
de la police", en pleine campagne sur "l'insécurité
des banlieues" afin de lutter contre la délinquance juvénile,
les trafics de drogue et autres commerces illicites dans les cités.
Quant au gadget des "flash-ball", qu'a-t-il de plus "scandaleux"
que les balles réelles utilisées lors des multiples "bavures"
qui ont émaillé périodiquement l'action de la police
du gouvernement "socialiste" ?
Que va changer pour les ouvriers la nomination d'un grand patron privé
au ministère des Finances alors que les plans de licenciements
ne cessent de tomber depuis des années ? Que va changer un autre
gouvernement alors qu'avant même ce changement, malgré
le traficotage des chiffres du chômage et la multiplication des
emplois précaires par 10 en 5 ans, le chômage officiel
était reparti à la hausse de 0,8 % en mars (17 700 chômeurs
supplémentaires en un mois), faisant passer le taux de chômage
chez les jeunes entre 18 et 25 ans à 17,5 %, alors qu'également
le nombre de personnes vivant en dessous du SMIC atteignait 8 millions
dans le pays ? Une fois de plus, les promesses électorales de
baisses d'impôts, même si elles sont tenues, ne peuvent
toucher que les hauts revenus dans la logique implacable du système.
Avant même les élections, la hausse officielle du coût
de la vie augmentait de 0,4 à 0,5 % chaque mois depuis le début
de l'année. Avant même les élections, le principe
de l'allongement de la durée des cotisations pour les retraites
dans la fonction publique avait été décidé
conjointement par Jospin et Chirac au sommet de Barcelone. Le déficit
de l'UNEDIC ayant été rendu public, c'est à une
nouvelle attaque à la fois contre les prolétaires réduits
au chômage et contre les salariés qu'il faut s'attendre
pour combler ce déficit.
Quel que soit le gouvernement qui sortira des urnes, les prolétaires
devront faire face à une multiplication des attaques et devront
subir l'intensification de la même exploitation capitaliste. La
seule réponse possible pour la classe ouvrière, c'est
de développer ses luttes contre le système capitaliste,
contre l'Etat bourgeois, contre tous les gouvernements de droite comme
de gauche qui n'ont qu'un seul programme à lui proposer : toujours
plus de misère, de chômage et d'exploitation.
Dans un grand élan d'enthousiasme républicain, démocratique
et citoyen, le 1er Mai 2002 aura été présenté
par la bourgeoisie comme une journée historique de mobilisation
populaire, venant effacer la honte que les résultats du premier
tour des élections présidentielles ont infligée
à la France éternelle, patrie des Droits de l'Homme.
La gauche plurielle, avec quelques ministres, les gauchistes et les
anarchistes, les syndicats et une soixantaine d'associations, tous s'étaient
donné rendez-vous dans la rue pour clamer leur attachement aux
valeurs de la république.
Ce sont toutes les forces réunies de la classe capitaliste qui
ont réussi à faire sortir le "peuple dans la rue".
Cette mobilisation massive n'a absolument rien eu d'une journée
de la classe ouvrière. Voilà bien longtemps que le 1er
Mai, qui représentait pour les ouvriers de tous les pays l'affirmation
de l'unité et de la solidarité internationales du prolétariat,
est devenu un enterrement de la lutte ouvrière mené par
les corbillards de la gauche, des syndicats et des gauchistes (voir
notre article page 2). Mais cette année, en plein milieu du cirque
électoral, loin d'être une mobilisation du "monde
du travail", elle a été une entreprise de fusion
dans la démagogie "citoyenne"qui visait à noyer
les prolétaires dans le raz de marée d'une manifestation
interclassiste en défense de l'Etat démocratique.
Contrairement aux amalgames mis en avant par les médias, cette
manifestation n'a rien eu à voir avec le 14 juillet 1935, qui
marquait une étape majeure de l'avènement du Front populaire,
où le prolétariat était embrigadé pour la
marche à la guerre derrière l'antifascisme, pas plus qu'avec
le 13 mai 1968 qui marquait le resurgissement du prolétariat
sur son terrain de classe et qui ouvrait une perspective vers un nouveau
cours historique d'affrontements de classe.
La signification politique à donner à chacune de ces manifestations
ne peut être appréhendée en dehors de la méthode
marxiste exigeant de les replacer dans le cours historique qui leur
est propre.
Dès le début des années 1930, l'anarchie de la
production capitaliste est totale. La crise mondiale jette sur le pavé
des millions de prolétaires. Seule, l'économie de guerre,
pas seulement la production massive d'armement mais aussi toute l'infrastructure
nécessaire à cette production, se développe puissamment.
La réponse de le bourgeoisie à la crise est donc la guerre
impérialiste. Les régimes politiques mis en place par
le capitalisme dans les principaux pays européens correspondent
à cette nécessité historique, et non pas à
un accident de l'histoire comme on le prétend de l'avènement
du fascisme en Italie ou en Allemagne, ou à une victoire électorale
du prolétariat comme on veut présenter le Front populaire
en France.
En effet, afin de préparer l'embrigadement de la classe ouvrière
dans l'économie de guerre et dans la militarisation du travail
qui l'accompagne, la bourgeoisie utilisera le poison le plus efficace
: le nationalisme et la plus colossale duperie et escroquerie idéologique,
l'antifascisme.
Déjà, le 14 juillet 1935 a montré l'efficacité
de cette mystification : "C'est sous le signe d'imposantes manifestations
de masses que le prolétariat français se dissout au sein
du régime capitaliste… Ce 14 juillet marque un moment décisif
dans le processus de désagrégation du prolétariat…
Les ouvriers ont …applaudi les ministres capitalistes, qui ont
solennellement juré de 'donner du pain aux travailleurs, du travail
à la jeunesse et la paix au monde' ou, en d'autres termes, du
plomb, des casernes et la guerre impérialiste pour tous."
(Bilan n° 21, juillet-août 1935)
Moins d'un an après, alors qu'explosait une vague de grèves
ouvrières spontanées contre l'aggravation de l'exploitation
provoquée par la crise économique et le développement
de l'économie de guerre, le triomphe du gouvernement du Front
populaire consacrera l'anéantissement de la conscience de classe
des ouvriers qui défilent derrière les drapeaux tricolores,
la disparition de toute résistance prolétarienne organisée
au régime bourgeois.
Le 3 mai 1936, le Front populaire obtient la majorité à
la Chambre, le 4 juin Léon Blum forme son gouvernement, le 11
sont votés les congés payés, le 13 les 40 heures.
Le 14 juillet, après le défilé militaire du matin,
ce sont près d'un million de manifestants qui vont converger
vers la place de la Nation, à Paris, où sur une immense
estrade drapée de blanc seront acclamés les principaux
dirigeants du Front populaire.
Le 17 juillet sera votée la "nationalisation des fabrications de guerre".
Ce jour là, près d'un million de personnes, en majorité des ouvriers, défilèrent à Paris dans une énorme manifestation, sur laquelle flottaient des drapeaux rouges, et non pas tricolores contrairement à 1936, et parmi les slogans les plus en vogue, c'est "Elections, piège à cons" qui est particulièrement entendu.
Contrairement à ce que la bourgeoisie veut nous faire croire, mai 68 fut bien plus qu'une série de manifestations étudiantes, mais avant tout, le plus grand mouvement de grèves qu'ait jamais connu l'Europe : 10 millions d'ouvriers se mirent en grève, avec plus de quatre millions pendant trois semaines et plus de deux millions un mois durant.
Non, mai 1968 n'est pas une révolte de la jeunesse contestataire ni une révolte des consciences, mais la fin d'une période de contre révolution ouverte avec la défaite de la vague révolutionnaire des années 1920, et qui s'était poursuivie et approfondie avec l'action simultanée du fascisme et du stalinisme, ainsi que de l'anti-fascisme et des fronts populaires. Le milieu des années 1960 marque la fin de la période de reconstruction d'après la deuxième guerre mondiale et le début d'une nouvelle crise ouverte du système capitaliste. Mais surtout, les événements de mai 68 constituent le début de la reprise historique de la lutte de classe et l'ouverture d'un nouveau cours historique vers l'affrontement décisif entre les classes antagoniques de notre époque : le prolétariat et la bourgeoisie. Ce nouveau cours historique se trouvera confirmé par les événements internationaux qui suivirent le Mai français. Et c'est justement pour cela que dans les rues flottaient les drapeaux rouges et qu'on chantait l'Internationale (et non la Marseillaise), symboles historiques des luttes passées de la classe ouvrière.
Qu'avons-nous vu ce jour là ? C'est le peuple de France qui est descendu dans la rue dans un grand rassemblement interclassiste. Nous avons vu les familles défiler, avec leurs enfants dans les poussettes, même un chien avec un 'NON' scotché sur le dos, les 'gens', la 'population', des bandes de gamins se tenant par la main et chantant et surtout, depuis le lendemain du premier tour, les lycéens et les étudiants, en grande partie la jeunesse sur laquelle les médias avaient mis le paquet.
Ce fut donc un défilé bon enfant, les banderoles et les slogans scandés par les manifestants ne manquaient pas d'humour et quelques orchestres apportant de cette "bonne humeur" qui fait les rendez-vous populistes.
En fait, ce fut tout sauf une journée de lutte du prolétariat,
tout sauf une manifestation de la classe ouvrière. Au-delà
des aspects folkloriques, quelle signification donner alors à
cette manifestation ? Celle d'une manifestation en défense de
la démocratie bourgeoise, mais derrière les banderoles
de laquelle on ne retrouvait pas massivement la classe ouvrière
comme en 1935 et 1936.
Elle n'a pas défilé en tant que classe, et ne s'est même
pas mobilisée derrière les syndicats. Et si de nombreux
prolétaires, français et immigrés, se sont rendus
à cette manifestation, c'est uniquement en tant que "citoyens",
atomisés, noyés au milieu de la masse de toutes les couches
sociales du "peuple de France".
Aujourd'hui la bourgeoisie utilise à son profit les effets de la période de décomposition pour entraîner la classe ouvrière dans un combat qui n'est pas le sien.
Mais nous ne sommes ni dans une période de contre-révolution ni dans un cours à la guerre mondiale et la classe ouvrière, non défaite malgré ses difficultés réelles et importantes, n'est pas résignée, soumise à la défense des intérêts du capitalisme en crise.
Depuis le début de la campagne électorale et les appels aux votes "révolutionnaires" venant de l'extrême gauche, suivis des plus écœurants appels aux votes démocratiques et citoyens, il était de la responsabilité des organisations révolutionnaires d'être présentes à cette manifestation pour dénoncer l'hystérie démocratique et l'union sacrée antifasciste. Elles se devaient de montrer clairement la signification de cette mystification que constitue la démocratie bourgeoise dans la période de décadence du capitalisme et plus particulièrement dans la période actuelle de décomposition. Dénoncer et contrer les efforts de la bourgeoisie pour détourner la classe ouvrière de son terain de lutte en la diluant dans le magma de ce type de manifestations interclassistes et démocratistes. Aussi le CCI était-il présent, à Paris comme en province, aux manifestations du premier mai, pour dénoncer par un tract la mystification électorale, présenter et défendre ses positions en vendant sa presse, en poussant à la discussion des éléments qui, malgré l'hostilité de certains individus, ont accueilli notre position sur la question électorale avec sympathie et ont acheté notre presse.
Contrairement à tous ceux qui présentent notre organisation comme une secte dégénérescente et qui n'avaient strictement rien à dire à la classe ouvrière face à cette gigantesque campagne antifasciste, le CCI a pleinement assumé ses responsabilités comme groupe du milieu révolutionnaire.
Le fait que les révolutionnaires aient pu diffuser leur presse et leur tract dans cette manifestation sans risquer de se faire lyncher, comme c'était le cas dans les années 30, par les ouvriers, est un signe indubitable que, malgré les efforts de l'Etat bourgeois pour détruire la conscience de la classe ouvrière et l'enchaîner derrière son idéologie, celle-ci n'est pas embrigadée pieds et poings liés derrière les intérêts du capital. Et, cela malgré toutes ses difficultés actuelles à développer ses luttes et à retrouver le chemin de sa perspective révolutionnaire vers la destruction du capitalisme mondial et de l'Etat bourgeois sous toutes ses formes.
Thierry (25 mai)Le samedi 4 mai le CCI a tenu une réunion publique à Paris sur le thème
"La défense des organisations communistes, une tâche difficile mais
indispensable".
Bien que les résultats du premier tour des élections présidentielles en France
et la gigantesque campagne antifasciste qui les ont suivis auraient pu
justifier que nous modifiions le thème de cette réunion publique, notre
organisation a pris la décision de maintenir le thème initial. Cette décision,
comme nous l'avons dit au cours de la présentation, était motivée par la gravité
de l'attaque que subit notre organisation à l'heure actuelle avec la campagne
de calomnies de la part de quelques ex-membres du CCI regroupés sous le nom de
"fraction interne du CCI" autour du citoyen Jonas, exclu de notre
organisation pour indignité politique[1] [154]. Face
à cette situation, il était de la responsabilité du CCI d'assurer de façon
prioritaire sa défense en même temps que celle des principes de fonctionnement
des organisations communistes. En effet, sans organisation, il n'y a pas
d'intervention possible et c'est justement ce que visent l'État bourgeois et
ses complices du milieu parasitaire : détruire les organisations
révolutionnaires de l'intérieur et les discréditer face à la classe ouvrière en
semant le trouble et la confusion auprès des éléments à la recherche d'une
perspective de classe.
Une soixantaine de personnes, venues de plusieurs villes de province, mais également de Suisse, d'Allemagne, de Grande-Bretagne, de Belgique ont jugé la question suffisamment importante pour faire le déplacement en vue d'entendre les arguments du CCI et de les confronter à ceux de la "fraction". D'autres contacts, n'ayant pu être présents à cette réunion publique, nous ont adressé des lettres de soutien et de solidarité qui ont été portées à la connaissance des participants.
Le choix du thème de cette réunion publique a fait pousser de hauts cris à l'un de nos calomniateurs (ex-membres du BIPR qui a quitté récemment cette organisation), estimant irresponsable et scandaleux que le CCI n'ait pas consacré sa réunion publique à la situation en France alors que la classe ouvrière de ce pays était confrontée à une gigantesque campagne antifasciste.
A cette critique sur notre prétendue irresponsabilité nous avons été amenés à
rappeler que, en 1872, alors que la classe ouvrière venait de vivre les deux
événements historiques les plus importants de cette période - la Guerre
franco-prussienne de 1870 et la Commune de Paris -, le Congrès de la Haye (le
seul où Marx et Engels étaient personnellement présents) s'était donné comme
principal objectif la question de la défense de l'organisation.
En fait, si l'intervention de cet élément a mis en évidence une
irresponsabilité, c'est bien de la sienne propre. Cela n'a pas surpris le CCI
qui avait déjà souligné lors d'une réunion publique précédente qu'il était
effectivement irresponsable de sa part de quitter le BIPR parce qu'il avait des
désaccords avec l'analyse de cette organisation des événements du 11 septembre.
Il est évident qu'on ne devait pas attendre la moindre rigueur principielle sur
les questions d'organisation de la part d'un élément qui a passé ces 20
dernières années à naviguer dans pratiquement tous les groupes du milieu
politique prolétarien, démontrant par là l'élasticité de ses convictions. On
peut cependant noter une constante au milieu de ses positions à géométrie
variable : son hostilité indéfectible au CCI pour la raison que celui-ci ne
l'avait pas intégré en 1982 parce qu'il estimait que cet élément n'avait pas
encore surmonté toutes les confusions politiques provenant de son appartenance
antérieure à un groupe trotskiste. Une hostilité qui a conduit cet élément,
lors de notre réunion publique à faire cause commune avec les membres de la
"fraction" des "amis" de Jonas, lesquels depuis plusieurs
mois manifestent à son égard une sympathie ostensible[2] [155].
Nous n'avons pas la place dans le cadre de cet article de fournir un état
civil détaillé du cercle parasitaire auto-proclamé "Fraction interne du
CCI". Dans le précédent numéro de RI nous avons rendu compte de la
Conférence extraordinaire du CCI qui s'est tenue à la fin du mois de mars. Une
bonne partie de cet article traite des agissements de cette prétendue
"fraction" et nous engageons le lecteur à s'y reporter de même qu'à
notre communiqué "Une attaque parasitaire dirigée contre le CCI"
publié sur notre site Internet à la suite des premières calomnies publiques que
ces glorieux chevaliers sans peur et sans reproche ont crachées sur le CCI.
De façon succincte on peut présenter ainsi les états de service de cette
héroïque "fraction" :
Le seul exemple de tels comportements de la part de militants du CCI est celui de la tendance Chénier, en 81. A cette époque, le CCI avait mis en évidence que ces comportements gangstéristes avaient comme principal inspirateur l'individu Chénier (exclu en septembre 81) et qui s'était révélé par la suite être un agent de l'État bourgeois. Aujourd'hui, il est clair pour le CCI que les comportements de voyous des membres de la "fraction" ont pour principal inspirateur Jonas qui joue un rôle tout à fait comparable à celui de Chénier (même si le CCI ne peut pas encore se prononcer sur les raisons profondes de son comportement et a reconduit le mandat de la Commission d'investigation lors de notre Conférence extraordinaire afin de faire la plus grande clarté sur cette question).
L'exposé introductif à la discussion avait pour objectif, avant que de
rapporter les comportements particulièrement destructeurs de Jonas et ses amis,
d'affirmer la position du CCI et de l'ensemble du mouvement ouvrier sur la
question de la défense des organisations communistes contre les attaques
qu'elles subissent de la part de la classe dominante ou qui font directement
son jeu. Il s'est penché plus particulièrement sur les question suivantes
auxquelles la nature des agissements de la soi-disant "fraction" ont
donné une actualité particulière :
Après cette introduction, le CCI a donné la parole à l'ensemble des présents et en priorité aux membres de la "fraction". Son porte parole a commencé par déclarer que celle-ci demandait sa réintégration dans le CCI tout en affirmant continuer à mener un "travail politique" avec un élément exclu du CCI (comme nous l'avons appris dans une lettre que nous a adressée la "fraction", Jonas est aujourd'hui officiellement membre de la "fraction") ! Ensuite, il a fait une longue intervention (dont l'essentiel figurait sur un tract distribué aux participants) dont la préoccupation principale, à travers des analogies historiques absolument hors de propos, était de justifier les actes d'indiscipline et le viol des statuts. Concernant les réunions secrètes, le porte-parole de la "fraction" a eu le culot de les justifier en s'appuyant notamment sur l'exemple des oppositions de gauche du parti bolchevik au cours des années 20, à une époque où les membres de ces oppositions risquaient la prison, alors que le CCI, misant sur la capacité des militants à se ressaisir (ce que deux d'entre eux ont d'ailleurs fait) n'a pas pris la moindre sanction après la découverte de ces réunions secrètes et de leur contenu scandaleux. A part ce point, le porte-parole de la "fraction" n'a pas donné la moindre réponse sur les questions soulevées dans l'exposé du CCI.
La prestation des trois "sympathisants" de la "fraction" n'a fait que confirmer à la fois la nullité politique de ce clan parasitaire et le caractère destructeur de son action.
Le premier est un ex-militant du CCI qui a démissionné en septembre 2001 après avoir participé aux réunions secrètes qui s'étaient tenues au cours de l'été 2001. Son intervention n'était qu'une suite de jérémiades totalement mensongères sur les "mauvais traitements" qu'il aurait subis de la part du CCI et qui l'auraient contraint, à ses dires, à la démission. Ces "mauvais traitements" sont une pure invention, à moins de considérer comme scandaleux que l'organisation demande des comptes à des militants qui font preuve d'une complète déloyauté à son égard et lui mentent effrontément. En effet, comme le présidium l'a fait remarquer, lorsque nous avons demandé à cet élément, au moment de la découverte des réunions secrètes combien il s'en était tenues, il avait dit un gros mensonge en répondant "deux", alors qu'il y en avait eu cinq et qu'il le savait pertinemment. Ce gros menteur est aussi un gros vantard puisque, lors de la 4e réunion secrète (dont le procès-verbal est tombé par hasard aux mains de l'organisation), il s'était vanté auprès de ses acolytes d'avoir réussi à bien duper un membre de l'organe central de notre section en France. De toute évidence, ce qui désormais préoccupe cet ex-militant ce n'est plus la défense des principes du CCI, mais la défense de sa petite personne et de ses "copains" de la "fraction" pour de ne pas défaillir à la "solidarité de fer entre nous" (selon les termes employés par un membre de la "fraction" dans une réunion secrète). A cette solidarité "de fer" d'un corps parasite au sein de l'organisation, le CCI a opposé la solidarité de classe qui doit unir les militants d'une organisation communiste.
Ce n'est pas la première fois qu'un militant, lassé par plusieurs années d'engagement, n'arrive pas à assumer sa passion nouvelle pour les pantoufles et le bonnet de nuit et ce faisant essaie de faire porter à l'organisation la responsabilité de son accès de fatigue. A ces ex-militants, un de nos abonnés a adressé dans une lettre au CCI le conseil suivant : "s'ils sont fatigués, qu'ils aillent se coucher". Nous pouvons ajouter : c'est le meilleur service qu'ils puissent rendre au prolétariat.
Le deuxième supporter de la "fraction" est également un ancien militant du CCI qui a démissionné en 1996. Il a fait la leçon au CCI sur la question de la défense de l'organisation en déclarant que celle-ci passait en premier lieu par la défense de ses principes. Ce sont de fortes paroles mais cet élément n'est jamais venu à une réunion publique du CCI depuis 1996, même quand celles-ci étaient consacrées à la défense des principes communistes face à la barbarie impérialiste lors de la guerre au Kosovo et plus récemment à l'occasion de la guerre en Afghanistan. Ce n'est que récemment que cet élément, tel la belle au bois dormant, s'est réveillé d'un long sommeil pour venir nous faire des leçons de morale. En fait, nous savons pertinemment que ce sont les attaques publiques de la "fraction" contre le CCI qui ont fait à cet élément le même effet que le baiser du Prince. En effet, une des caractéristiques de cet élément, c'est toute sa démarche politique qui l'a amené à réapparaître aujourd'hui à nos réunions publiques pour y semer le trouble auprès de nos contacts. En effet, lors de la crise de 1993 de notre organisation (qu'il avait qualifiée de "guerre des chefs"), cet ancien combattant du CCI s'était particulièrement distingué par ses conduites manœuvrières, son double langage et ses dénigrements dans les couloirs contre d'autres militants, notamment des membres des organes centraux. Cela lui avait valu d'ailleurs à cette époque une résolution spéciale, adoptée par tous les membres de l'actuelle "fraction", lui demandant de cesser ces comportements et d'en faire la critique. C'était trop lui demander et il a préféré quitter l'organisation peu après en gardant un état d'esprit de profonde hostilité à l'égard du CCI, hostilité que tous nos sympathisants présents à cette réunion publique ont pu constater.
Dans son intervention, cet élément a affirmé que le CCI avait refusé sa demande
de convoquer un jury d'honneur pour le laver de l'accusation d'être un agent de
l'État. Si telle avait été l'opinion du CCI sur son compte comme il l'a affirmé
(en allant même jusqu'à déclarer qu'il détenait des "preuves" !), cet
élément aurait été exclu et dénoncé publiquement par un communiqué dans notre
presse, ce qui n'est nullement le cas comme pourront le vérifier nos lecteurs.
Par ailleurs, ce n'était pas au CCI de demander un jury d'honneur pour un
militant dont il avait certes critiqué les comportements manœuvriers mais qui a
quitté l'organisation de son propre gré.
Voilà le type de "sympathisants" que la fraction "réveille"
aujourd'hui : des éléments qui sont venus à cette réunion publique non pour
défendre les principes du mouvement ouvrier et du CCI en prenant position sur
notre exposé introductif, mais pour régler leurs vieux comptes personnels avec
notre organisation. Ce supporter de la "fraction" a réussi le tour de
force consistant, après avoir esquivé toute prise de position sur l'exposé du
CCI (et sur les comportements de Jonas), à se présenter comme une grande
victime des calomnies du CCI. C'est donc le CCI qui serait le calomniateur
patenté et non l'individu qu'il a exclu de ses rangs. Il faut encore noter que
dans son intervention, cet élément a pris subtilement (et à mots couverts) la
défense de J.J. (que le CCI avait exclu en 1995) et dont les amis de l'époque
ont constitué le groupement parasitaire dénommé "Cercle de Paris".
Faut-il s'attendre à un rapprochement entre ce dernier et la
"fraction" ? En tout cas, celle-ci a commencé à envoyer ses
"bulletins internes", qu'elle affirme désormais destiné à la
"discussion au sein du milieu politique prolétarien" (Bulletin n°9 de
la "Fraction"), à des membres de ce cercle. Les amis de Jonas
considèrent-ils maintenant que le Cercle de Paris appartient au milieu
politique prolétarien et non au parasitisme comme ils l'affirmaient quand ils
étaient encore militants du CCI ?
Le troisième "sympathisant" de la fraction (il s'est ainsi désigné) est également un ancien membre du CCI qui avait démissionné en 1993. Mais, contrairement au deuxième supporter de la "fraction", cet élément était resté jusqu'à présent l'un de nos plus fidèles compagnons de route, qui est toujours intervenu à nos côtés et nous a apporté pendant des années un soutien inestimable. C'est avec une profonde consternation que tous les militants du CCI et certains sympathisants présents à notre réunion publique ont assisté au triste spectacle de sa dérive vers le parasitisme. Cet élément a fait une intervention incompréhensible pour quiconque l'a entendue mais la seule chose qu'il a clairement démontrée c'est qu'il est devenu violemment hostile au CCI. C'est là un succès de la politique menée délibérément par Jonas et sa "fraction": détruire notre milieu de contacts en transformant les sympathisants du CCI en ennemis de celui-ci.
Les nombreux contacts du CCI qui sont intervenus ont soutenu le cadre politique donné par l'exposé introductif et ont interpellé la "fraction" afin qu'elle prenne position sur cette présentation. Plusieurs interventions ont vigoureusement protesté contre le vol du fichier d'adresses de nos abonnés, affirmant que c'est au CCI comme groupe politique qu'ils ont confié leurs adresses et non à Monsieur Jonas et sa camarilla.
Face aux interventions de nos contacts qui ont, avec différents arguments, affirmé la nécessité pour une organisation révolutionnaire de défendre ses statuts et de condamner fermement les méthodes de Jonas, quelle fut la réponse de la "fraction" ? Le silence ! Les membres de cette soi-disant "fraction" ont refusé de prendre la parole pour répondre aux questions qui leur étaient posées par les abonnés à qui ils avaient envoyé leur prose parasitaire.
Face à cette attitude d'esquive, l'un de nos contacts les a interpellés une deuxième fois pour leur demander de répondre aux arguments du CCI et aux questions des abonnés. Quelle fut l'attitude de la "fraction" ? Celle de... s'éclipser discrètement (suivis par ses supporters) en prétextant que leur départ groupé était motivé par des... "obligations familiales" (leurs familles sont décidément très bien synchronisées) !
En réalité, s'ils ont préféré quitter la salle tous ensemble sur la pointe des pieds, c'est justement parce qu'ils savaient qu'ils ne pouvaient pas vendre leur camelote frelatée auprès des éléments sérieux du milieu politique prolétarien venus à cette réunion publique.
Suite à la remarquable prestation de cette soi-disant "fraction", plusieurs de nos contacts et abonnés qui n'étaient pas intervenus dans la discussion, ont fini par prendre la parole pour apporter leur plein soutien au CCI. Comme l'a affirmé un de nos abonnés à la fin de cette réunion publique : "je ne voyais pas très clair en arrivant à cette réunion publique. J'apporte mon soutien au CCI. C'est l'attitude de cette 'fraction' qui m'a convaincue. Ces gens-là se sont discrédités eux-mêmes en quittant la salle lorsqu'on leur a demandé de répondre aux questions et de prendre position sur ce que dit le CCI"
Avant le départ de la "fraction", l'un de nos camarades (ex-membre de la camarilla de Jonas) avait pris la parole pour témoigner du caractère manœuvrier et conspirateur de cette entreprise de destruction du CCI dans laquelle il avait lui-même été entraîné. L'un de nos contacts a salué cette intervention et a affirmé que, contrairement aux démissionnaires revanchards et aux fractionnistes pleurnichards, "le vrai courage, c'est celui de ce militant" qui a été capable de mettre les intérêts historiques du prolétariat au-dessus de son orgueil personnel, pour rester un militant loyal, non pas à un chef de bande, mais à l'organisation communiste dans laquelle il voulait continuer à militer.
Cette réunion publique a mis clairement en évidence que les comportements parasitaires de cette "fraction", animés par la loyauté envers des éléments déclassés devenus des aventuriers, sont un pur reflet de la décomposition sociale du capitalisme. Comme l'a mis en évidence l'intervention d'une sympathisante venue d'Allemagne, les calomnies proférées et répétées avec insistance par Jonas et sa "fraction" contre des membres de l'organisation dans le but de les détruire (ou de "les déstabiliser", selon les propres termes utilisés par un participant à une réunion secrète), s'apparentent au phénomène du "mobing". Cette sympathisante a affirmé avoir été elle-même victime de mobing et a témoigné de sa propre expérience[3] [156].
La discussion a mis également en évidence le danger que représente cette
camarilla pour le milieu politique prolétarien comme le révèle leur rencontre
avec le BIPR (dont la "fraction" a rendu compte dans le numéro 9 de
son "bulletin interne" envoyé à tous nos abonnés).
L'un de nos sympathisants a clairement affirmé que cette politique de la
camarilla de Jonas consistant à "mouiller" le BIRR publiquement pour
l'obliger à prendre fait et cause pour la "fraction" contre le CCI
"n'est pas seulement de l'opportunisme. C'est du pur manoeuvrisme !".
Pour notre part, nous estimons que cette manœuvre consistant à rendre publique
la discussion que la "fraction" a eue avec le BIRR ne peut que contribuer
à discréditer ce dernier au sein du milieu politique prolétarien[4] [157].
A l'issue de cette réunion publique certains contacts du CCI sont venus nous trouver pour nous proposer leur aide estimant que le CCI doit, comme il l'a fait en 81, récupérer le matériel et l'argent volé par les "fractionnistes".
Les sympathisants du CCI ne peuvent en effet que se sentir directement concernés dans la mesure où les fonds de l'organisation émanent non seulement des cotisations des militants mais également de leurs propres souscriptions en tant que sympathisants du CCI. C'est donc en partie l'argent de nos souscriptions qui a été volé sans le moindre scrupule par la "fraction". C'est bien pour cela que le CCI continuera à exiger que la camarilla de Jonas restitue cet argent volé à la classe ouvrière (et nous ne voyons aucun inconvénient à ce que ces racketteurs ouvrent, s'ils le souhaitent, une souscription auprès de leurs sympathisants afin de les aider à rembourser leur dette). Cette question est une position de principe sur laquelle le CCI ne fera aucune concession, quelles que soient les justifications "théoriques" et "historiques" alambiquées que nos "fractionnistes" vont devoir élaborer pour couvrir leurs mœurs de petits malfrats.
Cette réunion publique a clairement révélé que, face aux méthodes du lumpen utilisées par la camarilla de Jonas, la méthode marxiste "a fait le poids". (5)
Jamais le CCI n'avait reçu autant de lettres de soutien (dont certaines ont été lues à cette réunion publique). Comme l'a d'ailleurs fait remarquer, avec dépit, l'ex-membre du BIRR, "on a jamais vu autant de monde dans une réunion publique du CCI à Paris" ! [5] [158]
[158]Cette réunion publique était une étape dans le combat du CCI pour la défense des principes communistes. Mais nous savons que le combat n'est pas terminé car les organisations révolutionnaires, comme ennemies irréductibles de l'ordre capitaliste, seront toujours l'objet de toutes les tentatives de la classe bourgeoise pour les détruire ou les discréditer. Ces attaques peuvent être portées par les organes spéciaux de l'État bourgeois ou par des individus déclassés, mais aussi par d'anciens militants dont l'usure des convictions peut déboucher sur la haine de l'organisation à laquelle ils ont appartenu et de leurs anciens camarades de lutte. C'est cette usure de leurs convictions qui les poussent à la démission suite à la moindre égratignure, à la capitulation face à la pression de l'idéologie dominante et jusqu'à la trahison des principes prolétariens. C'est cette trahison des principes organisationnels du CCI que nos "fractionnistes" essaient encore de masquer en se décernant un certificat de "véritables continuateurs des principes du CCI" et de toutes les fractions de gauche du mouvement ouvrier. Un enfant de 5 ans peut bien se prendre pour Superman, Wonderwoman ou un héros de la Guerre des étoiles. Cela ne veut pas dire que ce soit la réalité et les adultes ne sont pas dupes. Nos chevaliers de la sainte "fraction" peuvent bien raconter et se raconter qu'eux aussi ils sont des "héros" (de la défense des principes communistes). Leur comportement politique et leur intervention dans cette réunion publique ont montré qu'ils étaient loin du compte, comme ont pu le constater tous nos sympathisants. "C'est dans la pratique que l'homme fait la preuve de la vérité" disait Marx. La pratique des fractionnistes a fait la preuve de la vérité, la vérité de leur imposture.
CCI (25 mai)[1] [159] Voir à ce sujet le "Communiqué à nos lecteurs" dans Révolution internationale n° 321 (ici [160]). Dans ce communiqué nous écrivions entre autres : "Un des aspects les plus intolérables et répugnants de son comportement est la véritable campagne qu'il a promue et menée contre un membre de notre organisation l'accusant dans les couloirs et même devant des personnes extérieures au CCI de manipuler son entourage et les organes centraux pour le compte de la police"
[2] [161] Qui se ressemble s'assemble : cet élément, qui lors de sa première réapparition depuis au moins 10 ans à une réunion publique du CCI, l'hiver dernier, avait commencé par dénigrer le BIPR nous a affirmé lors de la dernière réunion, et à deux reprises, que l'éclatement en 1982 du Parti communiste international (la principale organisation du courant "bordiguiste") était à saluer ! La destruction des organisations révolutionnaires, même si elles sont gangrenées par l'opportunisme, est toujours un coup porté au prolétariat et les communistes ne saluent jamais un tel événement. Les amabilités échangées entre cet élément et les membres de la soi-disant "fraction" ont en réalité une base politique commune : l'hostilité de l'un et des autres, non seulement au CCI, mais à l'ensemble du milieu politique prolétarien, même si, évidemment, la soi-disant "fraction" affirme le contraire.
[3] [162] Ce phénomène du mobing propre à la décomposition du capitalisme se retrouve d'ailleurs dans certains faits divers mettant en évidence les jeux sataniques très à la mode dans certains établissements scolaires où des bandes d'adolescents s'amusent à prendre pour cible un de leur camarade et lui font subir toutes sortes de tortures pouvant même aboutir à son assassinat. Bien que ce type de jeux pervers révèle de toute évidence un profond déséquilibre mental (tout comme chez les serial killers), ils sont avant tout la manifestation de la barbarie d'une société pourrissante qui introduit aujourd'hui le sadisme des hordes nazies ou des tortionnaires de la guerre d'Algérie jusque dans les cours de récréation.
[4] [163] Et c'est bien l'objectif que visait Monsieur Jonas : piéger le BIRR et le discréditer tout en semant la zizanie entre les groupes du courant de la Gauche communiste !
[5] [164] Lorsqu'une délégation du CCI a rencontré la "fraction" pour discuter des modalités de récupération du matériel appartenant à l'organisation et exiger le remboursement de l'argent volé au CCI, le courageux porte-parole de la camarilla de Jonas a proféré des propos menaçants contre nos camarades, illustrant encore la mentalité de voyou de cette soi-disant "fraction" : "De toute façon, à Paris, vous ne faites pas le poids !"
Au grand "Ouf" de
soulagement poussé par la bourgeoisie démocratique au soir du 5 mai pour avoir
réussi à écarter le "danger" Le Pen, a succédé un autre
"Ouf" au soir du deuxième tour des élections législatives le 15 juin.
En effet, sur sa lancée, la "vague bleue" a réussi à écarter un autre
danger, celui d'une nouvelle cohabitation droite-gauche. Aussi, malgré le fait
que sa stratégie initiale consistant à faire passer Jospin à la tête de l'Etat
ait lamentablement capoté (voir RI n°323 - ici [167]), la
bourgeoisie française a fait contre mauvaise fortune bon coeur et a oeuvré à
limiter les dégâts en replaçant toute la droite au pouvoir.
En effet, depuis 1981, avec l'arrivée alors accidentelle de Mitterrand à
l'Elysée et de la gauche au gouvernement, la classe dominante a dû se résoudre
à s'accommoder de toute une série de cohabitations qui néanmoins l'embarrassent
de plus en plus. Non pas qu'il existe des désaccords profonds entre la gauche
et la droite concernant les attaques à porter contre la classe ouvrière ou
encore la nécessité de défendre les intérêts impérialistes de la France sur
l'arène mondiale. Concernant les attaques anti-ouvrières, la
"différence" tient dans l'enrobage "réformateur" dont la
gauche est capable, mieux que la droite, pour faire passer la pilule. Le
problème, pour la bourgeoisie, avec les cohabitations à répétition depuis plus
de vingt ans, c'est qu'elles mettent particulièrement en évidence que droite ou
gauche, c'est bonnet blanc et blanc bonnet. Le résultat en a été une décrédibilisation
importante de la gauche, mais aussi du jeu démocratique lui-même, laissant
ainsi un créneau au discours lepéniste et au développement de son influence.
Il aura d'ailleurs fallu toute la campagne anti-Le Pen pour réveiller dans la population un intérêt envers la campagne présidentielle, dont le premier tour avait vu 28% d'abstentions, autrement dit plus que le candidat arrivant en tête des suffrages !
Le "danger" ayant été écarté par les résultats du second tour des présidentielles, l'intérêt pour les urnes est brusquement retombé. En effet, ce sont 46% d'abstentions qui ont été enregistrées au second tour des législatives, un record. Au terme de celles-ci, la gauche a dû céder sa place à la droite aux rênes de l'Etat. Voici une alternance qui ne peut que redorer le blason de la démocratie. La gauche aussi y trouve son compte puisqu'elle va pouvoir entreprendre, dans l'opposition, une cure de jouvence. Elle en avait besoin pour atténuer le discrédit résultant du fait que, pendant plus de vingt ans, elle a dû assumer, à la tête de l'Etat, la responsabilité des mesures anti-ouvrières, même si, bien sûr, elle s'est efforcée de mettre sur le dos du patronat une partie d'entre elles.
Le PS a d'ailleurs besoin de se requinquer car, s'il se maintient électoralement à 35% des suffrages exprimés, c'est parce qu'il a bénéficié du vote de tous ceux qui sont allés laver leur conscience en soutenant les candidats socialistes aux législatives après être allés voter Chirac en se pinçant le nez, par discipline antifasciste. La cure d'opposition risque de ne pouvoir être suffisante pour le PC, littéralement laminé et qui, malgré le report des voix du PS en sa faveur au second tour, exhale péniblement encore quelques soupirs avec ses 3,26% des voix. En perte de vitesse depuis Mai 68, la participation de ce parti à la dernière cohabitation a encore accéléré sa descente aux enfers. Quel que soit son avenir, sa sortie du gouvernement n'est donc pas une mauvaise chose pour lui, hormis le fait qu'il perd une source de financement importante. Quant aux Verts, leur poids politique s'est lui aussi nettement réduit au gouvernement.
Une chose cependant doit rester claire. Ce départ des partis de gauche du gouvernement ne correspond nullement à une stratégie de la bourgeoisie pour affronter un développement massif des luttes ouvrières. Autant la pression pour le vote Chirac était destinée à faire face à Le Pen (et le coup a réussi puisque ce dernier n'a même pas aujourd'hui un député), autant c'est par défaut que toute la gauche se retrouve à présent dans l'opposition, même si elle saura oeuvrer utilement au sein de cette nouvelle donne politique, tant pour son propre compte que pour celui de l'Etat.
"Libérés" du fardeau du pouvoir, on peut s'attendre avec certitude à ce que ces partis développent un discours progressivement plus radical et plus critique à l'égard du gouvernement. Les syndicats, eux aussi, vont se trouver plus à l'aise du fait que leurs partis de tutelle n'ont plus en charge la responsabilité directe de décider et faire appliquer les attaques anti-ouvrières. Il est utile de rappeler ici les contorsions de la CGT contrainte depuis sept ans, et avant cela dans la période comprise entre 1981 et 1984, de "s'affranchir" du PC et de louvoyer entre ses liens connus avec ce parti au gouvernement et son rôle de syndicat "de lutte", "ouvrier".
Tout ce joli monde va retrouver les accents "combatifs" des années 70. Il ne faudra pas s'étonner qu'il répéte à tue-tête, "c'est la faute à la droite, la droite attaque les ouvriers".
TOUTES les mesures anti-ouvrières que la droite prend et se prépare à prendre ont été préparées par la gauche. C'est cette dernière qui les aurait assumées si elle était restée au gouvernement. Avec les syndicats, elle s'offusque et s'indigne aujourd'hui de ce que le SMIC n'ait pas eu un coup de pouce supérieur à l'inflation, prétendant que les négociations prévues par la gauche sur les bas salaires contenaient la prévision d'une augmentation plus importante que celle décidée par la droite. Qui pourra le vérifier ? En tout cas, les ouvriers savent que les négociations salariales de l'an dernier dans la fonction publique, comme les précédentes depuis plus de dix ans, ont débouché sur le gel des salaires et que la loi Aubry sur les 35 heures a créé six types de SMIC différents dont aucun n'est favorable aux ouvriers, mais tous le sont au patronat et à l'Etat. Et la gauche nous parle maintenant de "cadeau au patronat" ! La mise en place par la gauche de la "flexibilité du travail" et des 35 heures elle-même a été une énorme attaque contre toute la classe ouvrière et il en a résulté une "France d'en bas" dans laquelle on trouve une proportion de plus en plus importante d'ouvriers, au chômage ou avec un emploi faiblement rémunéré, jetés à la rue et dans la misère.
Ces mêmes partis de gauche hurleront demain contre les conditions faites aux chômeurs, comme celles qu'a préparées la signature en catimini, le 19 juin, d'un accord entre le patronat et certains syndicats concernant le PARE (Plan d'Aide au Retour à l'Emploi) et qui prévoit une aggravation des conditions d'indemnisation du chômage, sous différentes formes. Or, il ne faut pas oublier que c'est la gauche qui a mis en place le PARE (voir RI n°303, juillet-aôut 2000) dont la création s'accompagnait de toute une série de mesures particulièrement scélérates contre la classe ouvrière, tendant notamment à exclure purement et simplement les ouvriers sans travail de la vie sociale. Et lorsqu'elle montrera du doigt l'augmentation des cotisations sociales, il faudra se souvenir que c'est la gauche qui a introduit et ensuite régulièrement augmenté, pour les besoins du capital, la CSG et autres joyeusetés qui représentent une attaque et une baisse draconienne de notre niveau de vie.
Tous ces partis de gauche vont désormais chercher à se faire passer pour les amis des ouvriers et même pour leurs meilleurs défenseurs. Les prolétaires ne doivent pas se laisser duper : ennemie de la classe ouvrière au gouvernement, la gauche le demeure dans l'opposition, même s'il est alors plus difficile de s'en rendre compte. C'est pourquoi elle y est encore plus dangereuse.
RI.
Le CCI n'est pas la seule organisation du milieu de la Gauche communiste
à être l'objet d'attaques parasitaires dans la période
actuelle. Une attaque similaire a été lancée par
le groupe Los Angeles Workers Voice (LAWV) contre le Bureau International
pour le Parti Révolutionnaire (BIPR). Tout ceci fait suite à
l'effondrement de la branche américaine du BIPR, mise en place
à la conférence nord-américaine des sympathisants
du BIPR, qui s'était tenue à Montréal en avril
2000. Cette section des sympathisants du BIPR était un regroupement
du Los Angeles Workers Voice avec un autre sympathisant, AS, alors basé
dans le Wisconsin, maintenant dans l'Indiana.
Ce regroupement aux Etats-Unis, organisé sous le nom d'Internationalist
Notes (une lettre d'information publiée depuis plusieurs années
par AS) a commencé rapidement à se défaire.
A partir de l'été 2001, on a pu avoir un bref aperçu
d'âpres disputes internes au sein d'Internationalist Notes, qui
devaient couver depuis le début même, sur des questions
fondamentales concernant le fonctionnement de l'organisation, la centralisation
et l'intervention dans la lutte de classe. Vers décembre, leurs
chemins se sont séparés, le LAWV ayant rompu avec les
orientations et les pratiques organisationnelles du BIPR, et donc avec
celles de la Gauche communiste. Cependant, quelque temps après,
ayant été accusé de façon outrancière
de pratiques dictatoriales, le BIPR dénonçait le LAWV
pour "avoir recours à la calomnie, ce qui interdit toute
discussion ultérieure."
Les dissensions qui ont déchiré la branche américaine du BIPR se sont centrées sur une question organisationnelle de base, clarifiée depuis longtemps déjà par le mouvement ouvrier révolutionnaire. Il semble qu'il y ait eu un profond désaccord sur la nécessité d'une presse paraissant régulièrement, de la tenue périodique de réunions publiques et d'une intervention cohérente et réfléchie dans la lutte de classe, ainsi que sur la nécessité d'une organisation centralisée.
De ce que nous pouvons saisir du débat, il semble que le LAWV, un groupe engagé dans un processus de rupture avec le gauchisme, était embourbé dans le localisme, l'immédiatisme et l'activisme. Selon les termes même du BIPR, "ce à quoi ils sont opposés, ce n'est pas à une organisation de type de celle des Bolcheviks, mais à toute organisation qui irait au-delà de leur groupuscule. Tel qu'il est, United States Workers Voice (comme le LAWV s'appelle maintenant) reste un regroupement d'individus, sans cohésion aucune, et en conséquence sans positions politiques claires et incapable de travailler avec quiconque en dehors de leur cercle immédiat." (Déclaration sur les relations entre le LAWV et le BIPR).
Toutes ces confusions politiques de la part du LAWV ne sont pas une surprise. Ce groupe est arrivé à la Gauche communiste après une terrible expérience bourgeoise gauchiste, de fait staliniste, portant un bagage politique extrêmement négatif, ce qui a affecté son évolution politique et aurait nécessité une ferme discussion politique. Leurs faiblesses immédiatistes et localistes ont pu se voir clairement au cours de la période qui a précédé leur affiliation formelle au BIPR, à travers les distributions systématiques et volontaristes de tracts au cours de meetings et de manifestations gauchistes ou syndicales, sans aucune évaluation politique du caractère approprié ou non d'une telle intervention. C'est bien là une de leurs faiblesses qui ont fait l'objet des critiques de la part d'AS, dans les textes du débat publiés dans la presse du BIPR.
Mais durant la brève et tumultueuse période d'affiliation avec le BIPR, les actions du LAWV ont clairement reflété qu'il était dominé par des idéologies étrangères à la classe ouvrière. Le LAWV a mené des intrigues et des manœuvres politiques au sein du BIPR, ayant tenu en privé des discussions secrètes politiques et organisationnelles à Los Angeles, sans y faire participer AS ou le reste du BIPR, et sans les tenir au courant. Ils ont fait fi des règles et du mode de fonctionnement des organisations révolutionnaires et du comportement de camarades appartenant à une organisation prolétarienne.
Les conséquences de ce mode de fonctionnement bourgeois gauchiste ont été la prise de décisions unilatérales dans le domaine de l'organisation, des annonces définitives de changement brutal de ligne politique de classe, sans le moindre murmure de discussion au sein de l'organisation. Le LAWV a répondu à des critiques sur ces grossières violations des règles organisationnelles par des attaques personnelles contre AS et par des calomnies contre le BIPR.
Quelles que soient les divergences qui séparent les organisations
du milieu de la Gauche communiste, l'héritage politique commun
et les principes que nous partageons l'emportent de loin. Dans cette
affaire, nous tenons à exprimer notre solidarité envers
AS et le BIPR.
Nous aussi sommes habitués à ce type de conduite venant
d'un milieu parasitaire dont l'existence se résume à attaquer
et jeter le discrédit sur les organisations communistes. Et cette
accusation toute vertueuse de pratiques antidémocratiques et
staliniennes au sein du BIPR n'est pas sans nous rappeler les immondices
que l'autoproclamée "fraction interne du CCI" a déversés
récemment sur le CCI.
Il est évident qu'il y a des différences entre le LAWV et la prétendue "fraction" formée par d'anciens membres du CCI. Il y a néanmoins de remarquables similitudes entre les comportements de ces deux regroupements : ils subissent la même influence d'idéologies étrangères à la classe ouvrière, ils ont la même tendance à compenser la vacuité de leurs arguments politiques par des attaques personnelles au cours des débats, à couvrir leurs violations des règles organisationnelles de base par les dénonciations de stalinisme et de pratiques antidémocratiques dont eux et l'ensemble de l'organisation seraient victimes, et tous deux vont proclamant que ce sont eux les continuateurs de la tradition de la Gauche communiste. En un mot, ils ont la même conduite parasitaire.
Une fois que le LAWV eut induit une dynamique négative dans sa
relation avec le BIPR, il sombra dans une brusque régression
politique. C'est ainsi que, par exemple, alors qu'il avait confirmé
son plein accord avec la plate-forme du BIPR depuis le milieu des années
90, le LAWV a brutalement adopté cette vision ridicule selon
laquelle dès 1918 la Révolution russe aurait dégénéré
en capitalisme d'Etat et les bolcheviks seraient devenus contre-révolutionnaires.
La régression politique du LAWV s'est poursuivie par la publication
de leur plate-forme dans leur nouvelle revue, le New Internationalist
(sous la pression du BIPR le nom Internationalist Notes a été
abandonné car il a déjà été utilisé
dans l'histoire par Battaglia Comunista). La plate-forme est un document
assez mal écrit de deux pages et demie, présenté
en un seul interminable paragraphe. A son début, le texte du
LAWV semble suivre d'assez près les positions de base telles
qu'elles apparaissent dans chaque publication de la presse du CCI, et
leur emprunte maintes formules.
Le CCI n'est en rien flatté par cette imitation aguichante de la part d'un groupe parasite. Nous avons tout à fait conscience que les parasites se cherchent souvent une légitimité par des tentatives d'ouverture en direction des groupes déjà établis du milieu politique prolétarien, et ce afin de pouvoir les dresser les uns contre les autres. De toute façon, le LAWV a remodelé et a ajouté de nombreux points aux formules tirées de nos positions de base, ce qui reflète leur inconsistance, leurs confusions et leur régression politique qui les fait s'éloigner des traditions de la Gauche communiste.
Par exemple, au lieu de parler de décadence du capitalisme, le LAWV fait référence à une période de barbarie introduite par la guerre mondiale en 1914. Mais plus loin dans le document, on fait référence au 'capitalisme décadent', sans expliquer ce que signifie cette décadence. Le document n'est pas clair aussi sur le capitalisme d'Etat : n'existe-t-il que dans les pays staliniens ou représente-t-il une tendance universelle dans la période de décadence du capitalisme ? La "dictature du prolétariat", un acquis fondamental du mouvement ouvrier révolutionnaire, qui remonte à Marx et Engels, est totalement absente de ce document.
Malheureusement, aujourd'hui aux Etats-Unis, nous avons non seulement un affaiblissement de la présence du BIPR, mais avec lui, c'est la présence de toute la Gauche communiste qui est affaiblie.
En outre, nous nous trouvons face à la présence d'un groupe parasitaire, composé d'anciens gauchistes, n'ayant qu'une compréhension parcellaire des positions de la Gauche communiste, lourdement imbibé d'un amalgame de conceptions idéologiques localistes, immédiatistes et activistes, héritées de leur passé staliniste, d'un manque de confiance libertaire envers la centralisation et la Révolution russe, et qui s'affirme comme étant le porte-parole de la Gauche communiste aux Etats-Unis.
Et en même temps, ils dénaturent les positions de cette
tradition politique et calomnient l'une des plus importantes organisations
internationales qui s'en revendique, le BIPR.
Il est à craindre que dans un avenir proche, le CCI aussi sera
sujet aux calomnies et aux diffamations venant de ces éléments
parasites.
Un an après,
quel bilan peut-on tirer de la "guerre contre le terrorisme" déclarée
au monde entier, et en particulier aux nations désignées comme "l'axe du
Mal" par les Etats-Unis au lendemain des attentats du 11 septembre ?
Il est clair que le renversement du régime des
talibans et la guerre contre Al Qaida en Afghanistan n'ont rien réglé : la
large coalition internationale anti-terroriste mise en place sous le contrôle
étroit de la Maison Blanche n'est plus de mise.
Mais surtout on a assisté depuis un an à une montée des tensions guerrières
notamment à travers une forte aggravation de la situation au Moyen-Orient et à
la montée de la pression pour une nouvelle intervention guerrière en Irak afin
de renverser le régime de Saddam Hussein, en dehors même de la réactivation des
risques de conflit nucléaire entre l'Inde et le Pakistan (voir RI n° 325). En
contrepartie, les Etats-Unis se sont installés en maître au coeur de l'Asie
Centrale, en Afghanistan, au Tadjikistan et en Ouzbékistan, ont pris position
en Géorgie (qui, en réaction directe à cette avancée américaine, fait
aujourd'hui l'objet de fortes pressions russes) tout en poursuivant des
objectifs stratégiques beaucoup plus vastes et globaux.
Le but est d'assurer leur contrôle non seulement sur cette région, ancienne possession de la Russie, mais sur le Moyen-Orient et le sous-continent indien. En plaçant la Corée du Nord dans les pays de "l'axe du Mal", il est clair que les Etats-Unis lancent également un défi à la Chine et au Japon. Ce qui leur permet de développer leur stratégie d'encerclement des puissances européennes occidentales et notamment de bloquer l'avancée impérialiste de l'Allemagne, son plus dangereux rival impérialiste, vers les territoires slaves et orientaux.
Cependant, malgré cette offensive, la tendance
irrémédiable au déclin et à l'affaiblissement du leadership américain sur le
monde se fait jour.Dès janvier 1991, la guerre du Golfe montrait que "face à la tendance au chaos généralisé propre à la phase de décomposition du
capitalisme, et à laquelle l'effondrement du bloc de l'Est avait donné un coup
d'accélérateur considérable, il n'y a pas d'autre issue pour le capitalisme,
dans sa tentative de maintenir en place les différentes parties d'un corps qui
tend à se disloquer, que l'imposition d'un corset de fer que constitue la force
des armes. En ce sens, les moyens même qu'il utilise pour tenter de contenir un
chaos de plus en plus sanglant sont un facteur d'aggravation considérable de la
barbarie guerrière dans laquelle est plongé le capitalisme" ("Militarisme et décomposition", Revue Internationale n°64, 1er trimestre
1991).
L'actualité n'a fait que confirmer la croissance de cette barbarie permanente
dans un monde capitaliste dominé par le 'chacun pour soi' dans la concurrence
généralisée que se livrent les puissances impérialistes, grandes ou petites.
C'est le seul moyen décisif pour les Etats-Unis d'imposer leur autorité. S'ils
renoncent à la mise en oeuvre ou à l'étalage de leur supériorité militaire,
cela ne peut qu'encourager les nations qui contestent leur autorité à aller
encore plus loin dans cette contestation. Mais en même temps, lorsqu'ils font
usage de leur force brute, même si ce moyen aboutit momentanément à contraindre
et forcer les autres puissances à ravaler leurs velléités, cela ne peut ensuite
que pousser davantage ces dernières à prendre leur revanche à la première
occasion et à tenter de se dégager de cet étau américain. La première
conséquence de cette situation est que cela conduit la bourgeoisie américaine à
agir de plus en plus seule.
Si la guerre du Golfe a été conduite "
légalement " dans le cadre des résolutions de l'ONU, la guerre du Kosovo a
été faite " illégalement " dans le cadre de l'OTAN et la campagne
militaire en Afghanistan a été menée sous la bannière de "l'action
unilatérale" des Américains. Cette politique ne fait évidemment que
renforcer le sentiment d'hostilité des autres Etats envers l'Oncle Sam. C'est
cette contradiction qui se reflète dans les débats et les "désaccords" qui ont surgi au sein de la bourgeoisie américaine.
Certes, au début de la Seconde Guerre mondiale, étaient déjà apparues des
divergences au sein de la bourgeoisie américaine sur la nécessité ou non de
l'entrée en guerre des Etats-Unis entre "isolationnistes" et "interventionnistes"; le camp républicain était globalement sur des
positions "isolationnistes" tandis que les
"interventionnistes" se recrutaient essentiellement au sein du parti
démocrate. En 1941, le désastre de Pearl Harbor délibérément provoqué par
Roosevelt (voir "Le machiavélisme de la bourgeoisie" dans la Revue
Internationale n° 108, 1er trimestre 2002) avait alors permis aux "
interventionnistes " de l'emporter. Aujourd'hui, cet ancien clivage a
disparu. Mais les contradictions de la politique américaine suscitent un
nouveau différend interne qui ne recoupe plus vraiment celui des partis
traditionnels. Dans la bourgeoisie américaine, il n'existe bien entendu aucun
désaccord sur le fait que les Etats-Unis doivent être capables de préserver
leur suprématie impérialiste mondiale, et d'abord sur le terrain militaire. La
différence d'appréciation porte sur le fait suivant : les Etats-Unis
doivent-ils accepter la dynamique qui les pousse à agir seuls ou doivent-ils
essayer de garder autour d'eux et ménager un certain nombre d'alliés, même si
cette alliance n'a aujourd'hui aucune stabilité ? Ces deux positions
apparaissent clairement au sujet des deux principaux foyers de préoccupation :
le conflit israélo-palestinien et le projet d'intervention militaire en Irak.
Ainsi, les oscillations de la politique américaine au Moyen-Orient concernant
aussi bien le soutien total à Sharon que l'intention parallèle de se
débarrasser d'Arafat ou les discours sur la création inéluctable d'un Etat
palestinien témoignent de ces contradictions. Sur la lancée du 11 septembre,
les Etats-Unis ont poursuivi une politique de soutien quasi-inconditionnel à
Israël mais il est clair que la fuite en avant de Sharon et des fractions
encore plus radicales de la bourgeoisie israélienne dans la politique de la
canonnière, entraînant le conflit dans une absurde spirale sans fin de violence
aveugle, contribue à un isolement suicidaire d'Israël et indirectement des
Etats-Unis. Les difficultés économiques d'Israël conditionnant le
mécontentement croissant face à d'énormes sacrifices de la population dans le
gouffre de l'économie de guerre, poussent à la fissure de la politique d'union
nationale en Israël même comme le montre la démission de son mandat de député
de l'ancien ministre travailliste de Ehoud Barak, Shlomo Ben Ami. De surcroît,
même si beaucoup d'Etats arabes ne sont pas des inconditionnels d'Arafat, la
politique américaine de soutien ouvert à Sharon les irrite. Cela pourrait
rapprocher de larges secteurs de la bourgeoisie arabe (Egypte, Arabie Saoudite,
Syrie, notamment) des puissances de l'Union européenne. Ces dernières en
déclarant ouvertement leur hostilité à l'élimination d'Arafat, bien qu'elles
aient prouvé leur impuissance à jouer un rôle de "faiseur de paix",
viennent jouer les trouble-fête et tentent de retirer les marrons du feu dans
leurs menées diplomatiques.
La pomme de discorde qui donne lieu aux tergiversations américaines encore plus
médiatisées autour de l'opération militaire projetée en Irak pour renverser
Saddam Hussein ne porte que sur l'échéance et la manière d'agir. Le secrétaire
d'Etat à la Défense Donald Rumsfeld, le vice-président Dick Cheney et la
conseillère d'Etat Condoleeza Rice défendent l'idée qu'il faut intervenir seuls
et le plus vite possible, tandis que d'autres éminents membres du "staff" républicain tels que Colin Powell, James Baker et Henry Kissinger
(appuyés par certains milieux d'affaires qui s'inquiètent du coût de l'opération
si les Etats-Unis devaient en porter seuls la charge dans la "conjoncture
de crise économique actuelle") sont beaucoup plus réticents ou nuancés,
préférant poursuivre encore l'usage alternatif de la carotte et du bâton. Le
clivage n'est plus entre démocrates et républicains mais à l'intérieur de
chaque camp. Quel est l'intérêt de cette entreprise guerrière ? Par cette
nouvelle démonstration de force, les Etats-Unis entendent renforcer
efficacement leur crédibilité et leur autorité dans la région comme sur la
planète, à commencer sur le plan idéologique. Alors que pendant la guerre du
Golfe, l'axe essentiel de la propagande avait été de chasser du pouvoir "le boucher de Bagdad", le fait que la Maison Blanche ait dû s'accommoder
de le laisser en place pouvait être considéré comme un échec relatif. Mais
aujourd'hui, contrairement à 1991, les Etats-Unis peuvent assumer le
renversement de Saddam Hussein dont ils n'ont plus besoin en tant que gendarme
local, étant donné la volonté américaine d'imposer leur présence directe sur le
terrain. Et surtout, malgré les difficultés de sa mise en oeuvre, un mérite
essentiel de l'opération contre l'Irak est de dissocier le front européen,
c'est un excellent moyen de diviser les puissances européennes, notamment la Grande-Bretagne
d'un côté, la France et surtout l'Allemagne de l'autre. La Grande-Bretagne
reste le principal soutien d'une guerre contre l'Irak, même si Londres a pris
ses distances avec Washington. Ce n'est pas par solidarité envers les
Etats-Unis que la bourgeoisie britannique réagit ainsi mais la Grande-Bretagne
a toujours misé résolument sur le renversement de Saddam Hussein et sur un
changement d'équipe au pouvoir en Irak pour réaffirmer ses prétentions
vis-à-vis de cette ancienne colonie anglaise en dédommagement de sa
contribution militaire. A l'inverse, la France a toujours affirmé son hostilité
envers une nouvelle intervention militaire sur le sol irakien et a cherché à
maintenir des liens avec Saddam Hussein (comme avec le Liban et la Syrie), même
depuis la guerre du Golfe. Ainsi, elle a toujours réclamé au sein de l'ONU la
fin de l'embargo contre l'Irak. Quant à l'Allemagne, elle a également toujours
cherché à s'affirmer au Moyen-Orient à travers un axe terrestre Berlin-Bagdad
via la Turquie.
Les "faucons" partisans de la manière
forte et d'une intervention rapide des Etats-Unis contre l'Irak semblent
l'avoir emporté, même si Bush déclare que l'action n'est pas imminente[1] [168].
Déjà, d'incessantes frappes aériennes anglo-américaines sont déclenchées
quotidiennement pour servir de répétition générale à l'opération guerrière au
nord comme au sud de l'Irak, sous divers prétextes (par exemple, le 27 août, la
détection de radars dans une zone démilitarisée a servi à prendre pour cible
l'aéroport de Mossoul). Pour cela, la Maison Blanche s'est assurée les bases
stratégiques d'une intervention (près de 50 000 soldats américains sont
stationnés au Koweït). Elle peut désormais compter sur les appuis des uns pour
combler les défections des autres par rapport à la guerre du Golfe de 1991.
Ainsi, la Turquie a d'ores et déjà accepté de servir de base arrière aux
escadres américaines, moyennant des aides financières conséquentes. Les
Emirats, le Koweït, Oman, Bahreïn et surtout le Qatar devraient servir de bases
stratégiques régionales[2] [169]. La
Jordanie prêterait son territoire pour neutraliser la frontière occidentale de
l'Irak, toute proche d'Israël. Néanmoins, l'entreprise s'annonce encore plus
périlleuse que les menées guerrières en Afghanistan, car les Etats-Unis ne
peuvent plus dans le cas présent laisser faire le sale travail sur place par
quelqu'un d'autre (comme avec l'Alliance du Nord afghane) et le syndrome du
Vietnam risque de resurgir alors qu'ils ont pu se retirer de l'opération
militaire en Afghanistan avec "zéro mort". De même, la mise en
place d'une large opposition démocratique sur le terrain pour "
l'après-Saddam Hussein " est loin d'être une évidence. Le fiasco de
l'opération commando à l'ambassade d'Irak à Berlin en témoigne[3] [170]. Une
autre difficulté est la multiplicité bien plus grande qu'en Afghanistan
d'influences contraires, y compris sur le plan régional. Les minorités kurdes
et chiites ne sont pas fiables, du point de vue américain, les unes étant
influençables aux pressions de plusieurs puissances européennes, les autres
étant inféodées à l'Iran et à la solde des intérêts de cet Etat ; s'y ajoutent
les réticences probables a posteriori de la Turquie étant donné d'une part sa
sensibilité sur la question kurde où Saddam Hussein assure encore la police aux
frontières et surtout l'attirance de la Turquie envers l'Union Européenne qui
multiplie les pressions sur elle. L'autre risque est que la bourgeoisie
américaine va ternir définitivement son image de "faiseuse de paix"
au Moyen-Orient vis-à-vis de l'ensemble des Etats arabes et affaiblit par là à
terme ses positions acquises dans la région.
L'évolution de la situation s'inscrit ainsi pleinement dans la poursuite de la
même politique guerrière que lors de la guerre du Golfe, puis dans
l'ex-Yougoslavie, et en Afghanistan, mais à un niveau supérieur d'aléas et de
risque de chaos. La politique du gendarme de l'ordre mondial est un facteur
actif d'un chaos guerrier grandissant, d'un enfoncement dans la barbarie et a
des conséquences de plus en plus incontrôlables. Elle fait courir des risques
de plus en plus déstabilisateurs, en particulier sur tout le continent
asiatique du Proche-Orient à l'Asie Centrale, du sous-continent indien jusqu'au
Sud-Est asiatique, révélateurs du danger mortel que font courir à l'humanité
entière les affrontements guerriers des puissances impérialistes dans la
période de décomposition du capitalisme.
[1] [171] Les problèmes soulevés par cette intervention au sein de la bourgeoisie américaine sont cependant tels qu'aucune certitude n'est possible. Ce qui est certain, c'est que, comme le martèlent plusieurs membres du gouvernement, notamment Dick Cheney : "Plus nous tardons à intervenir, plus ce sera difficile de le faire". Mais, de toutes façons, que l'intervention américaine puisse se réaliser ou pas, la barbarie guerrière et le chaos ne peuvent que se déchaîner de plus en plus.
[2] [172] Les réticences de l'Arabie Saoudite notamment qui ne voit pas d'un bon oeil une participation des chiites à un futur gouvernement "démocratique" irakien ont été prises en compte et la plate-forme d'Al-Kharg qui a été si largement utilisée par les forces américaines pendant la guerre du Golfe et la guerre en Afghanistan notamment, a commencé à être démontée pour être transférée sur une nouvelle base en construction à Al-Udeid, sur la côte orientale qatarie, au sud de Doha, qui est appelée à jouer le même rôle stratégique qu'Al Kharg pour les Etats-Unis.
[3] [173] Par ailleurs, cet épisode en dit long, sur l'opposition de l'Allemagne de Schröder aux visées américaines à travers la rapidité avec laquelle la bourgeoisie allemande a mis fin à la prise d'otages, et sur l'efficacité de sa coopération avec le gouvernement irakien (même s'il existe des désaccords sur ce sujet qui ont été au coeur de la campagne électorale allemande avec les critiques du candidat CDU Stoiber lors du débat télévisé face à Schröder).
Nous avons déjà traité dans notre presse de la soi-disant "Fraction interne du CCI" (FICCI). Il s'agit d'un groupe parasitaire qui s'est constitué au sein de notre organisation avec comme vocation, sous couvert de grandes phrases sur sa volonté de "redresser et de sauver le CCI", de saboter son travail et de tenter de le détruire.
La conférence extraordinaire internationale du CCI qui s'est tenue fin mars 2002 a constaté que les éléments parisiens constituant cette soi-disant "fraction" (qui a également des ramifications au Mexique) s'étaient eux-mêmes et délibérément placés en dehors de notre organisation par :
Dès janvier 2002, alors que ses membres appartenaient formellement à notre organisation, la FICCI a commencé à déverser systématiquement à l'extérieur de celle-ci les calomnies qu'elle avait colportées auparavant en son sein. Aujourd'hui, c'est sur un site Internet (membres.lycos.fr/bulletincommuniste) ainsi que dans des documents qu'elle envoie aux abonnés de notre presse dont les adresses ont été volées par un des membres de la FICCI, que celle-ci poursuit son entreprise de calomnies contre le CCI et de tentative de destruction du milieu politique prolétarien.
Nous n'allons pas revenir dans ce court article sur la totalité des mensonges et des calomnies que la FICCI déverse à l'encontre de notre organisation et de ses militants. Nous nous sommes déjà largement exprimés dessus et nous y reviendrons ultérieurement si nécessaire. Nous voulons simplement prendre rapidement position sur un "communiqué" dont la FICCI demande la publication "dans tous les organes de presse du milieu politique prolétarien, y compris dans les publications et sur le site du CCI comme droit de réponse".
Le "communiqué" affirme : "Suite aux articles parus dans la presse du CCI, nous démentons toutes les accusations portées par le CCI contre notre fraction et ses membres". En fait, ce "démenti" n'est lui-même qu'un tissu de mensonges. Quelques exemples.
Dans notre communiqué publié dans RI n°321(ici [160]), nous écrivions qu'un des comportements motivant l'exclusion de Jonas consistait "à faire circuler, y compris à l'extérieur du CCI, toute une série d'accusations extrêmement graves contre un certain nombre de ses militants, alors qu'en même temps il s'est toujours refusé à rencontrer (et même à reconnaître) la commission (…) chargée d'examiner ce type d'accusations". Et le communiqué précisait : "Un des aspects les plus intolérables et répugnants de son comportement est la véritable campagne qu'il a promue et menée contre un membre de l'organisation (...) l'accusant dans les couloirs et même devant des personnes extérieures au CCI de manipuler son entourage et les organes centraux pour le compte de la police..."
Il faut noter qu'aucun membre de la FICCI n'a jamais démenti les faits qui sont rapportés ici. D'ailleurs, dans les réunions publiques du CCI où nous avions invité les membres de la FICCI à venir présenter leur position (à Paris le 4 mai 2002 et à Mexico le 3 août 2002), ces derniers ont soigneusement refusé de se prononcer sur la véracité de ces faits comme le leur demandaient le présidium et des participants ou bien ils s'en sont sortis par un mensonge. A Paris, ils ont courageusement quitté la salle en bloc (en motivant "des obligations familiales" !) après qu'un sympathisant ait insisté pour qu'ils se prononcent et à Mexico un membre de la FICCI a affirmé que Jonas avait effectivement porté ce type d'accusations mais devant "l'organe approprié".
Mais peut être la FICCI considère-t-elle que le fait pour un militant d'une organisation communiste d'accuser un autre militant d'être un "flic" (suivant l'expression de Jonas), et cela dans les couloirs et non devant les organes responsables de ce type de questions constitue un comportement tout à fait correct ? Il faudrait que la FICCI se prononce là-dessus et notamment qu'elle dise ce qu'elle pense aujourd'hui des affirmations suivant lesquelles : "... depuis le début du mouvement ouvrier, ses organisations politiques ont toujours fait la preuve de la plus grande sévérité (consistant bien souvent dans l'exclusion) contre les auteurs, même de bonne foi, d'accusations calomnieuses contre leurs militants..."
"... tout soupçon, même fondé, sur un membre de l'organisation doit être communiqué exclusivement à une instance formelle chargée de ce genre de problème (organe central ou commission spécialisée) et certainement pas faire l'objet de discussions ou de spéculations dans l'ensemble de l'organisation. Tout comportement visant soit à titre individuel, soit à titre "collectif" mais en dehors des structures formelles de l'organisation à "faire sa propre enquête" sur une question de ce genre constitue une faute organisationnelle de la plus grande gravité et s'apparente à un travail de provocation policière (même s'il est inspiré par des intentions sincères). Elle doit donc être sanctionnée comme telle."
Ces passages sont extraits d'une résolution adoptée en janvier 2002 par une réunion plénière de l'organe central du CCI avec le plein soutien des deux membres de la FICCI qui y participaient. Notons à ce propos que le passage de notre communiqué sur Jonas affirmant qu'il "a adopté des comportements dignes de ceux d'un agent provocateur" s'inspirait directement de cette résolution.
Nous n'avons jamais écrit que les membres de la FICCI avaient "refusé de payer leurs cotisations" mais nous avons signalé ce qu'eux mêmes reconnaissent dans ce communiqué : ils ont refusé de payer l'intégralité de leurs cotisations. C'est une méthode aussi vieille que la malhonnêteté que d'attribuer frauduleusement aux autres des mensonges afin de mieux pouvoir les "dénoncer". Par ailleurs, sous la plume des membres de la FICCI, la "tradition dans le mouvement révolutionnaire" a bon dos pour justifier n'importe quel manquement aux règles de fonctionnement de l'organisation. C'est ainsi que les statuts du CCI précisent que : "Le fait pour des membres de l'organisation de défendre des positions minoritaires ne saurait les dégager d'aucune de leurs responsabilités en tant que militants de celle-ci." Ce qui vaut également pour le paiement de l'intégralité de la cotisation qui constitue une des responsabilités majeures de chaque militant. Il faut noter que les statuts du CCI ont été adoptés par la totalité des membres parisiens de la FICCI et que les membres mexicains de celle-ci ont affirmé vouloir les respecter lorsqu'ils ont rejoint notre organisation, comme le fait d'ailleurs tout militant qui intègre nos rangs.
Concernant l'affirmation que les membres de la FICCI n'ont jamais volé de l'argent du CCI, c'est un mensonge énorme. Oui ou non ont-ils refusé de rembourser le coût des billets d'avion qui ont permis à deux membres mexicains de la FICCI de venir en France, non pas pour participer à la conférence extraordinaire du CCI de mars 2002 comme ils en avaient reçu le mandat de leur section et comme ils s'étaient engagés à le faire, mais pour participer à une réunion de la FICCI ? Comme nous l'avons déjà écrit, il semblerait que la FICCI fasse sienne cette affirmation de Goebbels, responsable de la propagande nazie : "Un mensonge énorme porte avec lui une force qui éloigne le doute".
Avant de conclure, nous voudrions évoquer les soutiens que reçoit aujourd'hui la FICCI.
Le "Communiqué" a été publié avec "son soutien et sa compréhension" par une petite feuille gratuite intitulée Le prolétariat universel (PU). Pierre Hempel, responsable de publication et unique rédacteur de cette feuille ajoute : "... le CCI a fonctionné pendant 20 ans avec une pleine liberté de critique interne... c'était à une époque il est vrai où était encore vivant un représentant de la vieille tradition révolutionnaire ni sectaire ni intolérante (Marc Chiric). Cet esprit... s'est enfui du CCI. C'est pourquoi je me suis moi-même enfui de cette secte en 1996." En juillet 1984, notre camarade MC avait rédigé un article (RI n°123) à propos de la publication par un ancien membre du CCI, RC, d'une petite revue intitulée Jalons comparable au PU à la différence qu'elle n'était pas gratuite et ne remplissait pas ses colonnes d'attaques contre le CCI ni de commérages dignes d'un concierge. A son propos, MC écrivait : "Cette histoire présente un intérêt qui dépasse largement la personne de ce camarade. Elle touche le fond de ce qui sépare le marxisme de l'anarchisme. Le marxisme est la théorie d'une classe au travail associé, la classe ouvrière, qui tend vers l'unité, vers une activité collective, vers le rétablissement de la communauté humaine. L'anarchisme, sous toutes ses formes, est l'idéologie de la petite bourgeoisie, de l'artisanat, du travail individuel, et qui aspire à l'individualisme débridé, à l'Unique de Stirner...
Le camarade RC se voudrait être en théorie marxiste, mais n'arrive pas à se décrotter de l'anarchisme individualiste dans la pratique qui lui colle à la peau, et qui, comme un autre anarchiste, prétendait faire la grève générale à lui tout seul." Cette appréciation correspond assez bien également à Hempel. D'ailleurs, MC avait critiqué sévèrement dans des contributions de nos bulletins internes l'individualisme tant de RC que de Hempel. Ce n'est pas non plus un hasard si RC et Hempel ont fait un bout de chemin ensemble après la "fuite" de ce dernier du CCI, avant, très logiquement comme il sied à des individualistes indécrottables, que de se séparer. Incapable de supporter la discipline d'une organisation prolétarienne, frustré qu'on ne reconnaisse pas ses talents littéraires à la hauteur de l'idée qu'il s'en faisait, mécontent qu'on critique ses comportements (les critiques que MC avait portées ou qu'il avait soutenues, il ne les a plus supportées après la disparition de celui-ci), Hempel n'a rien trouvé de mieux que d'aller planter ses choux tout seul, reprenant contre le CCI, pour justifier sa "fuite", une vieille accusation du milieu parasitaire que la FICCI fait sienne aujourd'hui : notre organisation serait une "secte". C'est-à-dire l'accusation classique de la propagande bourgeoise contre les organisations qui luttent pour la révolution communiste, une propagande à laquelle le parasitisme apporte sa contribution.
Contrairement à ce que dit Hempel, et que reprend aujourd'hui la FICCI, il n'y a pas eu de changement dans le CCI quant à la "liberté de critique interne"[1] [174]. Hempel pouvait tout à fait exprimer son point de vue et ses désaccords, ce dont les membres qui ont constitué la FICCI étaient d'ailleurs convaincus. En revanche Hempel comme la FICCI étaient tenus, quels que soient leurs désaccords, de respecter les statuts du CCI[2] [175].
En soi, le type de soutiens que rencontre la FICCI dans ses campagnes en dit long sur le rôle qu'elle joue maintenant, non pas au service du prolétariat, mais en faisant le jeu de la classe dominante.
CCI
[1] [176] Nous tenons à affirmer que nous ne nous estimons nullement dans l'obligation de publier un document de la FICCI "comme droit de réponse". Notre presse, si elle est ouverte à l'expression des désaccords ou critiques formulées par des lecteurs ou d'autres groupes du milieu politique prolétarien n'a pas vocation à véhiculer les calomnies d'un groupe parasitaire visant, non le "redressement" comme il l'affirme, mais la destruction de notre organisation. Il ne s'agit donc aucunement là de "censure" de notre part contre les positions d'un groupe de la Gauche communiste comme se plaît à nous en accuser la FICCI. Et cela d'autant moins que, grâce en bonne partie au matériel que ses membres ont dérobé au CCI, celle-ci dispose des moyens de faire connaître largement ses affirmations.
[2] [177] Voir à ce sujet notre article "Les fractions face à la question de la discipline organisationnelle" dans la Revue Internationale n°110.
Il y a cent trente ans, en septembre 1872, se tenait à La Hayes le cinquième Congrès de l'AIT, l'Association Internationale des Travailleurs (Première Internationale). Il s'agit certainement de l'un des épisodes de l'histoire de la classe ouvrière parmi les plus calomniés. Connu pour la décision qu'il prit d'exclure de l'AIT Bakounine, James Guillaume et la Fédération Jurassienne, ce Congrès est pour les uns, sans intérêt, s'étant occupé exclusivement de "dissensions internes". Pour d'autres (tels les anarchistes, mais aussi les historiens bourgeois), il s'agissait d'une "guerre des chefs" où Marx aurait utilisé des mesures administratives pour régler des désaccords sur des questions théoriques (comme celle de l'Etat). Rien n'est plus faux.
Ce Congrès au contraire est l'un des plus
importants de l'histoire du mouvement ouvrier. Il constitue le point culminant
d'une longue bataille au sein de l'AIT pour la construction d'une organisation
conforme à la nature de classe et aux besoins historiques du prolétariat. Il
lègue aux générations suivantes de révolutionnaires des leçons qui restent
fondamentales aujourd'hui :
La fondation de l'AIT en 1864 à Londres marque une nouvelle étape dans l'affirmation du mouvement ouvrier. Tirant les leçons de la période précédente, les nouveaux éléments prolétariens se séparent de la bourgeoisie en affirmant la nécessité de l'autonomie de la classe ouvrière par rapport aux autres classes de la société non seulement politiquement en adoptant un programme propre mais aussi organisationnellement en reprenant et en développant les principes prolétariens déjà présents dans certaines organisations précédentes. Ils définissent l'organisation comme un organisme conscient, collectif, uni et centralisé ; la phase antérieure des sectes politiques concevant leur activité sur la séparation entre la base inconsciente de la vie politique réelle de l'organisation et la direction des conspirateurs professionnels était désormais dépassée. D'emblée, la nouvelle organisation se dota d'une structure de centralisation qui prendra en 1866 le nom de Conseil Général.
Jusqu'à la Commune de Paris de 1871, l'AIT a
regroupé un nombre croissant d'ouvriers et a constitué un facteur de premier
plan de développement des deux armes essentielles du prolétariat, son
organisation et sa conscience. C'est à ce titre qu'elle fera l'objet d'attaques
de plus en plus acharnées de la part de la bourgeoisie : calomnies dans la
presse, infiltration de mouchards, persécution contre ses membres, etc. Mais ce
qui a fait courir le plus grand danger à l'AIT, ce sont des attaques qui sont
venues de ses propres membres et qui ont porté contre le mode d'organisation de
l'Internationale elle-même.
Déjà au moment de la fondation de l'AIT, les statuts provisoires qu'elle s'est
donnée sont traduits par les sections parisiennes, fortement influencées par
les conceptions fédéralistes de Proudhon, dans un sens qui atténue
considérablement le caractère centralisé de l'Internationale. Mais les attaques
les plus dangereuses viendront plus tard avec l'entrée dans les rangs de l'AIT
de "l'Alliance de la démocratie socialiste ", fondée par Bakounine,
et qui allait trouver un terrain fertile dans les secteurs importants de
l'Internationale du fait des faiblesses qui pesaient encore sur elle et qui
résultaient de l'immaturité politique du prolétariat à cette époque, un
prolétariat qui ne s'était pas encore totalement dégagé des vestiges de l'étape
précédente de son développement, et notamment des mouvements sectaires.
Cette faiblesse était particulièrement accentuée dans les secteurs les plus
arriérés du prolétariat européen, là où il venait à peine de sortir de
l'artisanat et de la paysannerie, notamment dans les pays latins. Ce sont ces
faiblesses que Bakounine, qui n'est entré dans l'Internationale qu'en 1868, a
mises à profit pour essayer de la soumettre à ses conceptions "anarchistes"
et pour en prendre le contrôle. L'instrument de cette opération était
"l'Alliance de la démocratie socialiste", qu'il avait fondée comme
minorité de la "Ligue de la Paix et de la Liberté". Cette dernière
était une organisation de républicains bourgeois, fondée à l'initiative
notamment de Garibaldi et de Victor Hugo, et dont un des principaux objectifs
était de faire concurrence à l'AIT auprès des ouvriers. Bakounine faisait
partie de la direction de la "Ligue" à laquelle il prétendait donner
une "impulsion révolutionnaire" et qu'il a incitée à proposer une
fusion avec l'AIT, laquelle l'a refusée à son congrès de Bruxelles en 1868.
C'est après l'échec de la "Ligue de la Paix et de la Liberté" que
Bakounine s'est décidé à entrer dans l'AIT, non pas comme simple militant, mais
pour en prendre la direction.
L'Alliance était donc une société à la fois publique et secrète et qui se proposait en réalité de former une Internationale dans l'Internationale. Sa structure secrète et la concertation qu'elle permettait entre ses membres devait lui assurer le "noyautage" d'un maximum de sections de l'AIT, celles où les conceptions anarchistes avaient le plus d'écho. En soi l'existence de plusieurs courants de pensée n'était pas un problème. En revanche les agissements de l'Alliance, qui visait à se substituer à la structure officielle de l'Internationale, ont constitué un grave facteur de désorganisation de celle-ci et lui ont fait courir un danger de mort. L'Alliance avait tenté de prendre le contrôle de l'Internationale lors du Congrès de Bâle, en septembre 1869 en essayant de faire adopter, contre la motion proposée par le Conseil Général, une motion en faveur de la suppression du droit d'héritage. C'est en vue de cet objectif que ses membres notamment Bakounine et James Guillaume, avaient appuyé chaleureusement une résolution administrative renforçant les pouvoirs du Conseil Général. Mais ayant échoué, l'Alliance, qui pour sa part s'était donnée des statuts secrets basés sur une centralisation extrême, a commencé à faire campagne contre la "dictature" du Conseil Général qu'elle voulait réduire au rôle "d'un bureau de correspondance et de statistiques" (suivant les termes des alliancistes), d'une "boîte aux lettres" (comme leur répondra Marx). Contre le principe de centralisation exprimant l'unité internationale du prolétariat, l'Alliance préconisait le "fédéralisme", la complète "autonomie des sections" et le caractère non obligatoire des décisions des congrès. En fait elle voulait pouvoir faire ce qu'elle voulait dans les sections dont elle avait pris le contrôle. C'était la porte ouverte à la désorganisation complète de l'AIT. C'est à ce danger que devait parer le Congrès de La Haye de 1872."[2] [179]
Si ce combat de l'AIT est souvent évoqué comme
celui de Marx et d'Engels, c'est avant tout parce que l'intransigeance de ces
deux militants au sein du Conseil Général est exemplaire du combat mené par
toute l'organisation collectivement. La détermination du seul Conseil Général
dans la lutte contre Bakounine n'aurait pu aboutir si elle n'avait pas exprimé
-tout en la stimulant- celle de l'organisation dans son ensemble. D'ailleurs,
le caractère secret de l'Alliance s'explique en partie par le fait que ses
fondateurs "savaient parfaitement
que la grande masse des internationaux ne se soumettrait jamais sciemment à une
organisation comme la leur, dés qu'ils en auraient connu l'existence."[3] [180].
Ainsi, lorsque face au Congrès de La Haye, l'Alliance tenta un ultime coup de
force, à la Conférence de Rimini en août 1872, proposant un congrès opposé à
celui de l'AIT, ce projet dut bientôt être retiré faute de réussir à entraîner
des forces nombreuses dans cette aventure.
La Suisse, là où Bakounine avait ses bases les plus solides, est l'un des
exemples qui montrent le combat actif de tous les militants. Lorsque Bakounine
lança ses manœuvres pour la prise de contrôle de la section suisse en avril
1870, il se heurta à la résistance des sections ouvrières de Genève.
L'usurpation par Bakounine du nom de l'organe central pour son groupe
d'intrigants conduisit les militants suisses à l'exclure (déjà !), lui et ses
acolytes les plus actifs, de la fédération romande.
D'autre part, après que le Conseil Général eut rendu publics dans
l'organisation les agissements des membres de l'Alliance pour les dénoncer et
les réduire à l'impuissance, le combat des ex-alliancistes, réaffirmant leur
loyauté à l'AIT, a été décisif pour détacher un maximum de militants dupés par
l'influence parasitaire de Bakounine et pour reconstruire, en Espagne, une
fédération loyale à l'AIT.
Et pour sa part la section Ferré de Paris non représentée au Congrès de La Hayes
adressa à ce dernier ce message de fermeté : "Citoyens, jamais congrès ne fut plus solennel et plus important que
celui dont les séances vous réunissent à La Haye. Ce qui va en effet s'agiter,
ce n'est pas telle ou telle insignifiante question de forme, tel ou tel banal
article de règlement, c'est la vie même de l'Association. (…) des intrigants
honteusement expulsés de notre sein, des Bakounine, des Malon, des Gaspard
Blanc et des Richard essayent de fonder nous ne savons quelle ridicule
fédération, qui, dans leurs projets ambitieux doit écraser l'Association. Eh
bien citoyens, c'est ce germe de discorde grotesque par ses visées
orgueilleuses mais dangereux par ses manœuvres audacieuses, c'est ce germe
qu'il faut anéantir à tout prix. Sa vie est incompatible avec la nôtre et nous
comptons sur votre impitoyable énergie pour remporter un décisif et éclatant
succès."
Les manœuvres répétées des alliancistes
expliquent que le Congrès ait dû prendre trois jours de ses travaux pour la
vérification des mandats des délégués, c'est-à-dire vérifier que chaque section
se trouve en conformité avec les obligations statutaires de l'AIT
(particulièrement la première d'entre elles : le versement des cotisations à
l'organisation) pour exercer ses droits de membre. Le Congrès dut menacer les
délégués de plusieurs sections contrôlées par l'Alliance qui refusaient de
payer leurs cotisations au Conseil Général d'invalider leur mandat afin qu'ils
s'acquittent de la dette de leur section.
Ensuite, après avoir entériné les propositions de la Conférence de Londres
tenue un an auparavant sur la nécessité pour la classe ouvrière de se doter
d'un parti politique (ce qui exigeait une centralisation accrue et plus de
pouvoirs pour le Conseil Général), le Congrès a débattu de la question de
l'Alliance sur la base du rapport d'une Commission d'enquête qu'il avait
nommée.
Certains membres de l'Alliance refusèrent de coopérer avec la Commission élue
voire même de la reconnaître, en la traitant notamment de "Sainte Inquisition".
Ce que reprochait le Congrès à l'Alliance c'était, non pas la propagande en faveur de ses positions, mais le viol flagrant des statuts et des conditions de son admission dans l'AIT, tout comme l'hostilité affichée et la volonté manifeste de nuire à l'organisation. Dans l'attitude de l'Alliance, l'AIT identifia pour la première fois dans le mouvement ouvrier la menace du parasitisme politique. "Pour la première fois dans l'histoire des luttes de la classe ouvrière, nous rencontrons une conspiration secrète ourdie au sein même de cette classe et destinée à miner non le régime exploiteur existant mais l'Association même qui le combat le plus énergiquement." [4] [181]. La classe ouvrière se confrontait à des parasites qui prétendaient appartenir au camp du communisme et adhérer à son programme mais qui concentraient tous leurs efforts pour dénigrer l'organisation communiste et œuvrer à sa destruction en ne s'embarrassant d'aucun principe ni d'aucun scrupule. L'enjeu du Congrès était donc "de mettre fin une fois pour toutes aux luttes intestines provoquées toujours de nouveau au sein de notre Association par la présence de ce corps parasite. Ces luttes ne font que gaspiller des forces destinées à combattre le régime bourgeois actuel. L'Alliance en tant qu'elle paralyse l'action de l'Internationale contre les ennemis de la classe ouvrière, sert admirablement la bourgeoisie et les gouvernements." [5] [182]
Le Congrès condamna l'organisation secrète de
l'Alliance conçue pour prendre la direction de l'organisation en séparant les
militants en deux catégories dont l'une doit diriger l'autre à son insu ainsi
que l'attitude de ses adeptes d'avoir systématiquement utilisé le mensonge et
la dissimulation pour tromper l'AIT sur l'existence de l'organisation
clandestine et sur le but même de leurs paroles et de leurs actions.
Aucune sanction ne fut retenue contre les délégués qui déclarèrent rompre avec
l'Alliance.
La véritable bataille dans l'AIT a donc eu lieu entre :
L'action des marxistes a également consisté à
dénoncer les mœurs politiques de l'Alliance qui "Pour arriver à ses fins […] ne recule devant aucun moyen, aucune
déloyauté ; le mensonge, la calomnie, l'intimidation, le guet-apens lui siéent
également. Enfin en Russie, [l'Alliance] se substitue entièrement à l'Internationale et commet, sous son nom,
des crimes de droit commun, des escroqueries, un assassinat, dont la presse
gouvernementale a rendu notre Association responsable."[7] [184] ;
cette action a aussi consisté à en exposer le contenu de classe ("des déclassés sortis des couches supérieures
de la société") et à rejeter la morale politique qui se trouve à leur
base : la morale jésuitique selon laquelle "la fin sanctifie tous les
moyens" inscrite dans les statuts secrets de l'Alliance qui, fascinée par
la pègre, considère "le monde
aventurier des brigands" comme "les véritables et uniques révolutionnaires" pour lui emprunter
ses méthodes d'action.
Au contraire, non seulement le prolétariat doit développer ses propres armes,
mais pour lui, il y a une interdépendance entre le but inhérent à sa nature, le
communisme, et les moyens qu'il doit mettre en œuvre pour l'atteindre. A la
suite de Marx, nous affirmons avec Trotsky que "ne sont admissibles et obligatoires que les moyens qui accroissent la
cohésion du prolétariat (…), le pénètrent de la conscience de sa propre mission
historique (…). Il découle de là précisément que tous les moyens ne sont point
permis. (…) il en résulte pour nous que la grande fin révolutionnaire repousse,
d'entre ses moyens, les procédés et les méthodes indignes qui dressent une partie
de la classe ouvrière contre les autres ; (…) ou qui diminuent la confiance des
masses en elles-mêmes et leur organisation en y substituant l'adoration des
'chefs'." [8] [185].
Ce Congrès, le plus important de l'AIT, fut en
même temps "son chant du cygne du
fait de l'écrasement de la Commune de Paris et la démoralisation que cette
défaite avait provoquée dans le prolétariat. De cette réalité Marx et Engels
étaient conscients. C'est pour cela qu'en plus des mesures visant à soustraire
l'AIT de la mainmise de l'Alliance, ils ont proposé que le Conseil Général soit
installé à New York, loin des conflits qui divisaient de plus en plus
l'Internationale. C'était aussi un moyen de permettre à l'AIT de mourir de sa
belle mort (entérinée par la Conférence de Philadelphie de juillet 1876) sans
que son prestige ne soit récupéré par les intrigants bakouninistes." [9] [186]
Il nous enseigne que la construction de l'organisation prolétarienne est un
combat permanent et n'est pas un processus paisible qui se mène à l'abri de l'influence
destructrice des ennemis de la classe ouvrière, comme s'il se situait en dehors
des rapports sociaux capitalistes que le prolétariat doit abolir. Une fois la
défaite de la Commune surmontée par le prolétariat, les apports de l'AIT, son
intransigeance dans la défense des principes prolétariens en matière
d'organisation allaient former la base pour la fondation des partis
révolutionnaires de la Seconde Internationale. Les leçons politiques que l'AIT
a forgées doivent continuer à inspirer le combat des révolutionnaires
d'aujourd'hui et seront fondamentales pour la construction du Parti de demain.
[1] [187] "L'Alliance de la démocratie socialiste et l'Association Internationale des Travailleurs", rapport rédigé par Marx, Engels, Lafargue et autres militants sur mandat du Congrès de La Haye.
[2] [188] Revue Internationale n°110
[3] [189] Rapport présenté au Congrès de La Haye par Engels
[4] [190] Rapport présenté au Congrès de La Haye par Engels
[5] [191] "Le Conseil Général à tous les membres de l'AIT" , 4-6 août 1872
[6] [192] Revue Internationale n°110
[7] [193] "L'Alliance de la démocratie socialiste et l'Association Internationale des Travailleurs", rapport rédigé par Marx, Engels, Lafargue et autres militants sur mandat du Congrès de La Haye.
[8] [194] "Leur Morale et la nôtre"
[9] [195] Revue Internationale n°110
Les bruits de bottes guerrières de la bourgeoisie des pays développés résonnent de plus en plus brutalement sur la planète. La fameuse promesse de 1990 faite par Bush père, et relayée par les médias bourgeois, d'un "nouvel ordre mondial" s'est révélée n'être qu'un cynique mensonge masquant l'ouverture d'une période où c'est la guerre qui est plus que jamais devenue permanente et menaçante pour toute l'humanité. Ce sont ceux qui n'ont dans la bouche que les mots de "paix", "d'humanitaire", de "lutte contre le terrorisme international" et autres vocables lénifiants pour justifier leurs exactions guerrières qui sont en réalité les dignes défenseurs d'un système résolument dirigé vers la destruction de masse d'êtres humains, un système pris dans une fuite en avant inexorable vers la barbarie sans fin. Chaque "règlement" d'un conflit en amène un autre, à une vitesse sans cesse accélérée. Ainsi, la terrible démonstration de force américaine en Afghanistan a eu pour résultat immédiat la déstabilisation aggravée des pays alentour, avec la menace permanente d'un conflit entre deux puissances nucléaires, l'Inde et le Pakistan. A peine cette intervention meurtrière, à laquelle se seraient jointes volontiers les autres puissances occidentales si les Etats-Unis leur en avaient laissées le loisir, est-elle terminée que c'est l'Irak qui est visé, ouvrant la voie à de nouveaux massacres. Car si les grandes puissances sont pour l'instant divisées sur la nécessité de cette intervention, ce n'est nullement de leur part par souci de préserver des vies humaines, mais parce que les intérêts de ces vautours sont de plus en plus aiguisés, irréconciliables et porteurs de nouveaux champs de bataille, même si c'est par puissances secondaires interposées.
Barbares sont les Bush et Blair qui appellent une nouvelle fois à la croisade anti-Saddam Hussein, onze ans après les massacres en Irak qui ont vraisemblablement fait un demi-million de morts (plus de 200 000 sont officiellement reconnus) dans la population irakienne. Mais tout aussi barbares sont les Etats qui, au sein de l'ONU, n'ont à la bouche, comme la France, que le prétendu respect de la "légalité internationale" pour s'opposer à l'intervention militaire américaine en Irak. Il n'y a dans cette opposition aucune volonté d'éviter à la population irakienne une nouvelle plongée dans l'horreur, mais l'expression des luttes intestines auxquelles se livrent tous ces rapaces. Rappelons-nous qu'à l'époque, avant de participer pleinement et sans réserve à la boucherie, la France, par la voix de Mitterrand, avait été récalcitrante à se plier aux plans américains. De même que, afin de mieux légitimer a posteriori la guerre contre le "sanguinaire tyran" de Bagdad, tous les alliés de la coalition se sont retrouvés d'accord et sans état d'âme pour précipiter les minorités chiite et kurde dans une rébellion qui sera écrasée dans le sang par les troupes d'élite de Saddam Hussein, soigneusement épargnées par les "alliés". Ce dernier n'a en effet rien à leur envier comme massacreur mais son régime de terreur et d'exactions de tous ordres sur la population sert d'autant mieux de justification à l'offensive et aux pressions de l'Amérique en vue d'une intervention "préventive".
Moins de six mois après la fin des bombardements sur l'Irak en mars 1991, ce sont les mêmes requins que l'on a retrouvé aux prises dans le conflit instigué en ex-Yougoslavie par les appétits impérialistes grandissants de l'Allemagne réunifiée qui appelait la Croatie (après la Slovénie) à proclamer son indépendance vis-à-vis du pouvoir de Belgrade. C'est au nom du "droit d'ingérence" et de "l'humanitaire" qu'on pouvait voir France, Grande-Bretagne, Etats-Unis, et Allemagne en catimini, armer et avancer leurs pions locaux respectifs, pendant que se déroulait un génocide dont ces infâmes hypocrites se moquaient éperdument mais sur lequel tous s'appuyaient pour "justifier" leur présence militaire. Pendant huit ans, ils n'ont fait que semer la désolation, la misère et provoquer la mort de centaines de milliers de personnes pour achever leur "œuvre" dans la guerre au Kosovo et en Serbie en 1999, destinée à "sauver" les populations albanaises d'un autre "tyran" tout trouvé, Milosevic, que les Etats-Unis eux-mêmes et surtout la France avaient activement soutenu pendant la "purification ethnique" contre la population bosniaque.
Le Proche-Orient est une autre région mise à feu et à sang. On nous parle du conflit irréductible entre Juifs et Arabes, de la folie aventurière de Sharon et de celle des fractions islamistes radicales comme les "martyrs" d'Al Aqsa, le Hamas ou le Djihad. Bien sûr, autant les uns que les autres sont des crapules cyniques qui embrigadent et fanatisent des prolétaires pour les envoyer au massacre : soldats de Tsahal terrorisés, abreuvés de discours nationalistes, qui tirent même sur des enfants ; kamikazes palestiniens qui se font exploser au milieu de la foule. Mais une fois encore, les premiers responsables du déchaînement de cette horreur quotidienne qui a fait 2500 morts depuis le déclenchement de la deuxième Intifada en septembre 2000, ne sont autres que ceux qui composent le "quartet" (Etats-Unis, France, Grande-Bretagne, ONU) censé servir d'interlocuteur diplomatique entre les différentes fractions en présence pour "trouver une issue" au conflit.
En Afrique, les monstrueux massacres de 1994 au Rwanda, perpétrés sous la houlette de l'Etat français aux prises avec l'avancée des Etats-Unis via le Burundi dans la région des Grands Lacs, ont été le signe indubitable de la plongée définitive de ce continent dans une décomposition irrémédiable. La barbarie sous toutes ses formes constitue le lot commun de tous les pays, comme viennent encore l'illustrer les récents affrontements en Côte d'Ivoire. L'avenir de ce pays c'est la RDC (ex-Zaïre) qui l'indique, la désagrégation totale de toute la société.
Sur toute la planète s'étend le "war game" capitaliste, décadent, décomposé. Massacres innombrables d'êtres humains, déchaînement de la fureur guerrière, montée des pires fanatismes religieux et des haines raciales, misère galopante sur tous les continents, voilà la seule perspective que le capitalisme et sa bourgeoisie qui le défend bec et ongles peuvent offrir aux six milliards d'êtres humains qui peuplent le monde.
Et seul le prolétariat international peut y mettre fin. C'est lui qui a pu mettre fin à la Première Guerre mondiale par le développement de luttes révolutionnaires de même que c'est l'ouverture de ses combats de classe qui, depuis 1968, a empêché le déclenchement d'une troisième guerre mondiale entre les blocs de l'Est et de l'Ouest. C'est la classe ouvrière qui, plus que toute autre partie de la population, paie dans sa chair le prix de la guerre. Des prolétaires sont embrigadés de gré ou de force dans les boucheries auxquelles se livrent les nations capitalistes. Tous subissent l'aggravation de l'austérité et la dégradation des conditions de travail qui sont le prix à payer pour le renforcement des budgets militaires.
C'est en luttant pied à pied contre les attaques de la bourgeoisie, pour la défense de ses conditions de vie et de travail, sur son terrain de classe, celui de la défense de ses revendications en tant que classe exploitée, que le prolétariat prendra conscience de sa force. Et ce n'est qu'en développant son unité internationale et la conscience de sa responsabilité historique face à la guerre et à la barbarie capitaliste qu'il pourra préparer la seule réelle solution aux maux actuels de l'humanité : la destruction du capitalisme par la révolution communiste mondiale.
Mulan (28 septembre)
"Le gouvernement ouvre la voie à un retour aux 39 heures"
titre la presse bourgeoise après l'annonce, le 6 septembre, d'un
projet de loi du ministre Fillon qui "assouplirait les 35 heures"
en augmentant le contingent annuel d'heures supplémentaires.
En écho, la CGT, par la voix de son secrétaire général,
Bernard Thibault, dénonce "la mise à mort des 35
heures" alors que Seillère, le patron aristocrate, critique
la timidité d'un tel projet. Depuis sa mise en place, en 1997,
on nous a présenté cette loi Aubry comme un enjeu entre
droite et gauche, entre syndicats et patronat. Maintenant que la droite
est revenue au pouvoir, contrairement à ce qu'on aurait pu croire,
il n'y a aucune intention de la part du gouvernement de remettre en
cause la loi Aubry car : "Contrairement aux discours fréquemment
repris par les patrons disant que passer aux 35 heures n'est pas possible,
ils y arrivent très bien" observe une étude récente
de la BNP-Paribas. Alors finalement, cette loi de "réduction
de temps de travail", que l'on dit favorable aux travailleurs... arrange
bien les patrons, et le patron des patrons, l'Etat. Dans un article
de notre précédent numéro de RI, nous avions dénoncé
le bilan des mesures sociales de la gauche au gouvernement comme "un
bilan globalement positif... pour le capitalisme".
Et, s'il y a une loi dont le gouvernement de gauche peut se féliciter, c'est bien celle de la mise en place des 35 heures censées réduire le temps de travail, avec à la clé des promesses du style lutte contre le chômage, création d'emplois et enfin plus de temps libre pour les travailleurs pour se reposer, se détendre et se cultiver. Paroles trompeuses de ces hypocrites, car ce qui les motive ce n'est pas l'intérêt des travailleurs, mais bien l'intérêt du système capitaliste. Dans RI n° 275, nous avions publié la déclaration de l'instigatrice de cette loi, la ministre Aubry, devant un parterre de chefs d'entreprises lors d'un déplacement en Alsace : "Nous n'avons jamais dit 35 heures payées 39. C'est justement ça qu'il ne faut pas faire. Il faut plus de souplesse. Cette réduction du temps de travail doit être l'occasion, comme pour la loi Robien, de réorganiser le travail, de retrouver de la souplesse, d'être plus réactif". Et elle rajoute en parlant des 35 heures : "durée légale ne veut pas dire durée réelle". A l'attention de la classe ouvrière, il s'agit de tenir un autre discours, celui du mensonge, relayé par toutes les forces de gauche et d'extrême gauche du capital. Et pour donner plus de poids à ce mensonge, à cette vaste entreprise de mystification anti ouvrière, les patrons, de leur côté, crient au scandale, décidés à se battre. Au-delà de toute cette mise en scène orchestrée par toutes les forces de la bourgeoisie, cette loi vise à donner un cadre pour appliquer la flexibilité et l'annualisation du temps de travail, déjà mises en place dans de nombreux pays. D'ailleurs certains patrons en France n'avaient pas attendu la loi , comme le témoigne la déclaration du PDG de l'entreprise Colas, leader mondial de la construction de route : "Nous n'avons pas attendu la loi Aubry pour réduire le temps de travail. Bien avant 1998, l'adoption progressive d'une organisation du travail basée sur l'annualisation nous a permis de baisser, dans bon nombre de nos entreprises, après négociations, les volumes des heures de travail. La mise en place de cette organisation annuelle du temps de travail est particulièrement adaptée aux spécificités de nos métiers de travaux publics (saisonalité de l'activité liée aux conditions climatiques et aux carnets de commandes)". Cela montre à quel point il est nécessaire d'adapter la main d'oeuvre aux nécessités économiques du capitalisme, dont la crise exacerbe la concurrence. C'est un ministre de droite, de Robien, en 1996, qui va jeter les bases d'une telle loi, et c'est un gouvernement de gauche qui va l'appliquer en utilisant des armes idéologiques puantes sous le vocable "réduction du temps de travail" ; pourquoi alors la droite irait-elle remettre en cause une telle loi ? Le discours idéologique s'accompagne d'une stratégie sur le terrain pour faire passer une des mesures les plus féroces contre la classe ouvrière. Quelle méthode la bourgeoisie va-t-elle employer ? Car il ne s'agit pas d'attaquer de front l'ensemble de la classe ouvrière, ceci risquerait d'unir les revendications derrière des intérêts généraux partagés par tous les secteurs. Tout d'abord il y a distribution des rôles pour obtenir un dispositif bien huilé afin de tromper les ouvriers : le gouvernement, auteur de la loi et arbitre dans les négociations, leurs complices syndicaux "défenseurs des ouvriers et des 35 heures", le méchant patronat qui ne veut pas entendre parler de réduction de temps de travail. Tout doit se jouer alors dans les négociations, le résultat va dépendre du rapport de force local, à savoir au niveau de la branche, du secteur, de l'entreprise. Car il s'agit d'enfermer l'attaque dans le cadre le plus restreint possible. Les ouvriers ne sont plus confrontés à la même offensive de toute la bourgeoisie, mais uniquement à la mauvaise volonté de leur patron. Les intérêts de l'entreprise A ne sont plus forcément les mêmes que ceux de l'entreprise B. La classe ouvrière est divisée et enfermée dans le corporatisme. Tous les ouvriers touchés subissent la même attaque contre leurs conditions de travail et sur les salaires, mais alors que tout vient d'une seule et même loi, la bourgeoisie maquille son offensive en la saucissonnant avec des milliers de négociations, donnant l'impression que chaque entreprise met en place un dispositif différent. C'est le même scénario lorsqu'il s'agit de passer aux 35 heures dans la Fonction Publique dont l'Etat est le patron. Ce sont les ministres qui jouent le rôle du méchant patron, et Allègre, ministre de l'Education Nationale il y a deux ans, s'est particulièrement bien illustré. C'est après une campagne médiatique particulièrement répugnante, où les 5 millions de fonctionnaires étaient accusés de ne pas travailler plus de 30 heures, ce qui est une façon de dresser les ouvriers les uns contre les autres, que l'Etat patron de gauche a pu ouvrir les négociations sur les 35 heures. Et le gouvernement de gauche, comme n'importe quel patron, va utiliser les critères de rentabilité, d'efficacité, de qualité des services, ce qui est loin du langage démagogique et mensonger qu'il avait utilisé lorsque, avec son relais syndical, il déclarait que la loi est bonne, mais ce sont les patrons qui l'utilisent pour leur intérêt. Et là aussi, les négociations se feront atelier par atelier, établissement par établissement, bureau par bureau. Et là aussi les ouvriers seront confrontés au blocage des salaires, aux suppressions de postes, à des horaires de plus en plus contraignants, à une augmentation de la productivité. Et lorsque des ouvriers tenteront de riposter comme à la Poste ou à la SNCF, ils seront incapables de briser le cordon sanitaire établi par les syndicats afin d'éviter toute extension. La bourgeoisie a bien manoeuvré ! Les ouvriers dans leur ensemble n'ont pas perçu une telle attaque comme une attaque frontale, les empêchant donc d'agir de manière massive.
Alors qu'en est-il de cette fameuse "réduction du temps
de travail" ? Ce terme est une vaste supercherie, le contingent
d'heures supplémentaires mis en place par la gauche et repris
par la droite, fait monter les heures de travail bien au-delà
des 35 heures : dans la métallurgie et dans d'autres branches,
les semaines s'étalent jusqu'à 39 heures, voire plus comme
dans l'hôtellerie où cela peut atteindre 41 heures, et
le pire c'est dans l'agro-alimentaire. Qu'on en juge : un contingent
de 220 heures supplémentaires par an dans la charcuterie, 318
dans la boucherie ou 320 dans la pâtisserie ! Mais de plus, flexibilité
oblige, certains salariés sont contraints de venir travailler
le samedi. Et la bourgeoisie peut remercier ses syndicats qui ont signé
tous ces accords de branche. Il y a bien sûr certains ouvriers
qui bénéficient de jours de repos supplémentaires,
mais il ne leur est possible de les prendre qu'en fonction des besoins
de l'entreprise ; il arrive donc que certains les perdent. Car voilà
le maître mot de la bourgeoisie de gauche et de droite, il s'agit
d'aménagement du temps de travail afin que le travailleur soit
pieds et poings liés aux besoins de l'entreprise. C'est ainsi
qu'il s'agit de faire la chasse aux temps morts sur les lieux de production,
de fliquer les horaires, d'exploiter au maximum les ouvriers. Les 35
heures étaient censées lutter contre le chômage,
la gauche se vante aujourd'hui d'avoir créé près
de 2 millions d'emplois. Quel mensonge quand on voit aujourd'hui le
chômage grimper, les départs à la retraite dans
la Fonction Publique qui ne sont pas remplacés. Ces "emplois"
créés sont surtout des emplois à temps partiel
(de 7,7% en 1997 à 14,7% fin 2000), des intérimaires (1997 : 330 169, fin 2001 : 605 238), sans compter les milliers de CDD,
CES ou autres emplois bidons. Mais ce qui est le plus frappant du décalage
entre le discours de la bourgeoisie et la réalité vécue
par les ouvriers, c'est le manque d'effectifs dans les entreprises ou
dans le secteur public.
En fait, un des objectifs de la flexibilité est de rendre la
force de travail ouvrière moins chère et plus productive
: dans de nombreuses entreprises le taux de productivité a augmenté
de 48 % en 2001 et 40 % en 2002. Ce qui génère une dégradation
très forte des conditions de travail multipliant les accidents
de travail, les dépressions, les maladies.
Quant aux salaires, ils ont carrément baissé. Ainsi en
2000 la masse salariale a diminué de 0,2 point par rapport à
1999. Sans parler du développement de la précarité
qui entraîne un développement de la pauvreté : en
2001 on recense 1,7 millions de travailleurs pauvres contre 1,3 millions
en 1996, et encore ce sont les chiffres que la bourgeoisie veut bien
nous donner. Et quand de "nombreux ouvriers voudraient faire des
heures supplémentaires pour améliorer leur salaire",
ils se font carrément escroquer : celles-ci ne sont plus majorées
que de 10% au lieu de 25% jusqu'à présent, une mesure
qui était déjà envisagée par la gauche.
La gauche a promis un débat sur les 35 heures cet automne afin
de dénoncer le gouvernement dans la remise en cause de la loi
Aubry qu'elle défendra à tout prix ! ! Elle veut continuer
à instiller son poison idéologique dans la tête
des ouvriers pendant que Raffarin et consorts, dans la continuité
de la loi Aubry, généralisent à l'ensemble du monde
ouvrier l'annualisation et la flexibilisation du temps de travail, ce
qu'aurait fait la gauche si elle était restée au pouvoir.
Août 2002 : depuis la Russie jusqu'en Europe centrale,
des pluies interminables font gonfler les fleuves. Depuis les rives
de la mer Noire jusqu'aux régions de l'Allemagne de l'Est, la
Bavière, la République Tchèque, l'Autriche se trouvent
noyées par les eaux débordées de l'Elbe, du Danube
et de leurs affluents. Les inondations ont touché les campagnes,
les grandes et les petites villes. On a dû évacuer plus
de 100 000 personnes à Dresde. Des quartiers entiers sont dévastés
à Prague, à Vienne. En Hongrie, à Budapest, le
Danube n'avait jamais atteint, de mémoire d'homme, un tel niveau
et les évacuations de populations une telle ampleur. Ponts de
chemins de fer détruits, complexes chimiques menacés,
les pertes pourraient atteindre le chiffre pharamineux de 20 milliards
d'euros. Et surtout, les morts se comptent par dizaines un peu partout.
Septembre 2002 : une gigantesque montagne d'eau descend des Cévennes,
dévastant tout ce qui se trouve sur son passage dans le Sud-Est
de la France. Une véritable bombe liquide a tout fait exploser
sur son passage. Bilan: une quarantaine de morts, ponts effondrés,
chemins de fer, autoroutes, lignes téléphoniques coupés.
Toute une région couvrant trois départements transformée
en marécage. Des vies perdues, des pertes énormes dans
toutes les activités.
Cette catastrophe s'est produite dans une région particulièrement
meurtrie par les inondations : Nîmes, Vaison-la-Romaine, l'Aude.
Depuis plus de dix ans, les catastrophes se sont succédées
sans relâche, à chaque fois plus meurtrières, plus
destructrices. De violents orages "tout à fait exceptionnels",
disent les experts, et qui en fait le deviennent de moins en moins.
En effet, que ce soit les inondations "lentes" des plaines d'Europe centrale, que ce soit celles de la Méditerranée après celles de la Somme l'an dernier, il devient de plus en plus difficile pour les gouvernements de cacher un fait : ces catastrophes se multiplient et sont devenues, et c'est le plus inquiétant, de plus en plus meurtrières. Il y a encore quelques années, on pouvait entendre les experts nous parler de "la mémoire courte" des humains concernant le climat. En fait, depuis quelques années, les inondations se sont constamment amplifiées sur tous les continents, de la Chine à l'Amérique Latine.
La nature a bon dos. Lors des inondations de la Somme en 2001 (voir le n° 312, mai 2001 de RI), on nous a dit par exemple que la catastrophe était due à la nature du sol. Mais c'est le capitalisme, dans sa gestion totalement anarchique des resources naturelles qui en est responsable : modifications à répétition des lits des fleuves pour qu'ils deviennent des autoroutes pour le transport fluvial, crues qui ne trouvent plus d'expansion plus ou moins naturelle, mais qui deviennent obligatoirement des trombes d'eau lancées dans des lits artificiels et emportent tout ce qu'elles trouvent sur leur chemin ; haute montagne dépouillée de son manteau forestier par les activités humaines incontrôlées et les pluies acides qui envoient des quantités immenses d'eau vers les ruisseaux et les rivières, les transformant en torrents meurtriers. La terre a de moins en moins de surface perméable pour absorber les masses d'eau qui dévalent. A tout cela s'ajoute un urbanisme incontrôlé, qui pourrait apparaître comme une spécialité du Tiers-Monde: après celles de la Somme, les inondations du Sud de la France ont montré la quantité de constructions faites dans des zones inondables. Pas seulement des maisons d'habitation, mais aussi des équipements collectifs comme des écoles et même… une caserne des pompiers ! Comme on a pu le voir avec l'explosion d'AZF à Toulouse, pendant des années, on a construit en dépit du bon sens, dans les lieux qu'on savait potentiellement dangereux.
La bourgeoisie dit toujours qu'elle va tirer des leçons. Elle souhaite "une vraie réflexion locale et nationale pour que l'on puisse tirer les leçons" de cette catastrophe. Le maire de Sommières (bourg médiéval régulièrement inondé qui vient de connaître sa plus forte crue) demande que "l'Etat réfléchisse une bonne fois pour toutes aux équipements à mettre en place pour faire face à ces intempéries". La bourgeoisie a bien eu le temps de réfléchir, de mettre en place des normes encore plus strictes pour l'occupation des sols (POS), pour la prévention des risques, plus d'alertes météo, etc. Rien n'y fait. Il y en a même qui, comme Bush, proposent de… raser les forêts pour éviter le feu. Mais, dans toute sa sinistre stupidité, la proposition de Bush est un bon raccourci de toutes les propositions que font les différentes fractions de la bourgeoisie face aux catastrophes "naturelles": ne montrer du doigt qu'un aspect du problème pour qu'on ne voie pas le problème véritable.
Il en est ainsi du réchauffement de la planète sur lequel
nombre de ces charlatans et défenseurs de la classe dominante
disent ne pas pouvoir se prononcer, tout simplement pour ne pas incriminer
la classe bourgeosie et son système capitaliste, pour masquer
sa responsabilité dans les dérèglements climatiques,
résultant de la pollution atmosphérique et des gaz à
effet de serre.
Plus le capitalisme, basé sur le profit et la rentabilité
et non sur la satisfaction des besoins humains, s'enfonce dans sa propre
décomposition, moins il est capable de maîtriser les formidables
forces technologiques qu'il a développées pour maîtriser
la nature. Et si aujourd'hui la nature "reprend ses droits",
c'est bien parce que le mode de production bourgeois n'est plus capable
de dominer la nature, d'apporter le moindre progrès, la moindre
perspective d'avenir à l'humanité. Face à toutes
les balivernes de la bourgeoisie, seuls les marxistes (qui, eux ne croient
ni en Dieu, ni en la "fatalité", ni au mythe de la
"revanche de la nature sur la culture") sont en mesure d'apporter
une explication scientifique et rationnelle permettant de dénoncer
le vrai responsable des catastrophes dites "naturelles". Seul
le marxisme peut donner une perspective d'avenir à l'humanité
face à l'impasse du capitalisme dévoilée par l'impuissance
et la perplexité des "experts" de l'Etat bourgeois
devant le caractère "atypique" de telles inondations.
Aussi, la lutte contre la destruction de l'environnement est au plus haut point politique, et il n'appartient qu'au prolétariat international de pouvoir trancher la question du danger mortel que porte en lui le système capitaliste et sa perpétuation pour toute l'humanité : par la révolution mondiale.
CP (27 septembre)
Nous publions ci-dessous de larges extraits d'une lettre de lectrice très préoccupée par la question de l'émancipation de la femme, suivis de notre réponse.
Notre lectrice aborde une question qui a préoccupé le mouvement ouvrier depuis ses origines parce qu'elle ne peut être appréhendée que comme un problème de l'humanité, et non comme une question particulière. Dans ses Manuscrits parisiens de 1844, Marx posait ainsi la question : "Le rapport immédiat de l'homme à l'homme est le rapport de l'homme à la femme (…) Il permet de juger de tout le degré du développement humain. Du caractère de ce rapport, on peut conclure jusqu'à quel point l'homme est devenu pour lui-même un être générique, humain et conscient de l'être devenu." Cette vision a été reprise et développée dans toute l'évolution de la pensée marxiste et par les révolutionnaires au 19 siècle qui se sont penchés sur la question de l'oppression de la femme dans la société capitaliste (Bebel, Engels, Clara Zetkin, Rosa Luxemburg, Alexandra Kollontaï et Lénine).
Le "féminisme" : une idéologie au service de la bourgeoisie
Près de deux siècles après que les marxistes eurent posé cette question de l'oppression de la femme, celle-ci reste toujours d'actualité. En témoignent ses formes particulièrement barbares dans les Etats islamistes, infligeant aux femmes l'obligation de porter le voile (voire l'interdiction de travailler ou de s'instruire) ou dans les nombreux pays où elles sont victimes des pires mutilations sexuelles. Et ce n'est certainement pas l'intervention des grandes démocraties occidentales qui peut résoudre ce problème, comme a pu le faire croire le déchaînement de la propagande bourgeoise au moment de la "libération" de Kaboul par les justiciers du monde civilisé après la chute du pouvoir des Talibans. Dans ces mêmes pays de l'Occident "civilisé", avec la prolifération des réseaux de prostitution, une masse croissante de jeunes filles à peine sortie de l'enfance (souvent originaires d'Afrique ou des pays de l'ancien bloc de l'Est) sont contraintes, faute de pouvoir trouver un travail, de vendre leur corps pour survivre et échapper à la misère. Bien qu'aujourd'hui, avec le développement du capitalisme, les femmes aient été intégrées dans la production, et qu'elles aient acquis le droit de participer à la gestion des affaires publiques (et même de tenir les rênes du gouvernement), l'oppression des femmes reste toujours une réalité. Mais cette réalité ne trouve pas ses sources dans la domination "naturelle" et "biologique" d'un sexe sur l'autre.
Seul le marxisme, sa méthode scientifique, matérialiste, historique et dialectique peut permettre de comprendre l'origine de cette oppression, et surtout est à même d'apporter une réponse à la résolution de ce problème.
Comme l'ont mis en évidence Marx et Engels, les institutions et les fondations de l'ordre bourgeois ont une histoire. Elles ont émergé à travers un long et tortueux processus lié à l'évolution de la société humaine. Elles trouvent leurs sources dans les fondements économiques des rapports sociaux de production et dans l'apparition de la propriété privée. Nous ne pouvons dans le cadre de cette réponse rappeler toute l'argumentation développée par le marxisme au 19e siècle. Nous renvoyons notre lectrice au livre d'Engels "L'origine de la famille, de la propriété privée et de l'Etat" qui analyse de façon très minutieuse cette évolution historique, ainsi qu'à nos articles parus dans la Revue Internationale n° 81 et 85.
Bien que notre lectrice pose une question fondamentale pour le mouvement ouvrier, la démarche qu'elle emprunte pour y répondre, avec une certaine naïveté, est identique à celle des mouvements "féministes" qui ont fleuri à la fin des années 1960, notamment aux Etats-Unis. Cette vision propre à l'idéologie féministe consistant à croire que l'oppression de la femme dans la société bourgeoise (comme d'ailleurs dans toutes les sociétés de classes) trouve son origine dans le "désir de domination d'un sexe contre l'autre" est non seulement fausse mais dangereuse. Une telle vision la conduit à y apporter une réponse tout aussi erronée : les femmes doivent revendiquer des "espaces pour femmes, sans cela nous ne parviendront jamais à un vrai communisme". Pour le marxisme, l'histoire de l'humanité, c'est l'histoire de la lutte de classe et non de la lutte des sexes. Contrairement à la vision féministe (qui n'est rien d'autre qu'une variante du gauchisme tout comme l'anti-racisme), le marxisme a toujours combattu tous les clivages que la bourgeoisie s'efforce en permanence d'opérer au sein de la seule classe capable d'édifier à l'échelle mondiale une véritable societé communiste : le prolétariat. Car ce qui constitue la force de la classe ouvrière et déterminera sa capacité à renverser l'ordre bourgeois, c'est d'abord et avant tout sa capacité à défendre son unité de classe et à combattre toutes les divisions (raciales, nationales, sexuelles) que la bourgeoisie essaie d'introduire dans ses rangs. Par ailleurs, notre lectrice évoque à juste raison l'existence d'assemblées et clubs de femmes du temps de Rosa Luxemburg. Il faut préciser tout d'abord qu'il ne s'agissait pas d'associations interclassistes regroupant indistinctement l'ouvrière et la femme de son patron, mais d'organisations de "femmes socialistes"[1] [199]. Mais ce qui était encore valable à la fin du 19e siècle, dans la période ascendante du capitalisme, ne l'est plus aujourd'hui. A l'époque où le capitalisme pouvait encore accorder des réformes significatives à la classe exploitée, il était légitime pour les révolutionnaires de mettre en avant des revendications immédiates pour les femmes, y compris le droit de vote, tout en mettant en garde contre toute illusion interclassiste[2] [200].
C'est dans ce contexte que les partis sociaux démocrates se devaient d'appuyer les revendications spécifiques des femmes, dans la mesure où elles permettaient non pas de libérer immédiatement celles-ci de l'oppression capitaliste mais de renforcer le prolétariat en intégrant les femmes ouvrières dans sa lutte générale contre l'exploitation et pour le renversement du capitalisme. Ainsi, même à cette époque où les revendications des femmes avaient un sens du point de vue du combat prolétarien et permettaient de renforcer le mouvement ouvrier, les marxistes se sont toujours opposés au féminisme bourgeois. Car loin de contribuer à l'unification de la classe ouvrière, il ne faisait qu'aiguiser les divisions en son sein tout en favorisant l'idéologie interclassiste jusqu'à la conduire hors de son terrain de classe.
Avec l'entrée du capitalisme dans sa période de décadence rendant totalement obsolète toute lutte pour des réformes, les mouvements spécifiques des femmes ne peuvent être que récupérés par la classe dominante et faire le jeu de l'Etat bourgeois. En fin de compte, les "espaces pour femmes" souhaités par notre lectrice risquent d'être un nouveau ghetto isolant les ouvrières du reste du prolétariat, tout comme les "mouvements en faveur des immigrés" tendent à couper les ouvriers immigrés du combat général de leur classe.
Notre lectrice affirme également que dans la société capitaliste "la femme reste le prolétaire de l'homme même si l'institution bourgeoise du mariage est passée de mode". Cette affirmation contient une idée juste que Marx et Engels avaient d'ailleurs mise en évidence dès 1846, dans L'Idéologie allemande en levant ainsi le mythe de l'égalité des sexes : "La première division du travail est celle de l'homme et de la femme pour la procréation". Par la suite, Engels a ajouté que "la première opposition de classe qui se manifeste dans l'histoire coïncide (souligné par nous) avec le développement de l'antagonisme entre l'homme et la femme dans le mariage conjugal, et la première oppression de classe avec l'oppression du sexe féminin par le sexe masculin."
Et c'est justement à partir du constat de cette coïncidence historique qu'il a cherché à comprendre le lien qui pouvait exister entre l'antagonisme des sexes dans le mariage monogamique et l'apparition de la société divisée en classe. La découverte du rôle de la propriété privée a constitué la clef de voûte de toute la vision du marxisme qui est la seule méthode permettant de comprendre les racines matérielles, économiques de ce qui fut, et est encore, à l'origine de l'oppression de la femme. Dans son étude sur l'origine de la famille, Engels écrit : "La famille conjugale moderne est fondée sur l'esclavage domestique, avoué ou voilé, de la femme, et la société moderne est une masse qui se compose exclusivement de familles conjugales, comme d'autant de molécules. De nos jours, l'homme dans la grande majorité des cas, doit être le soutien de la famille et doit la nourrir, au moins dans les classes possédantes ; et ceci lui donne une autorité souveraine qu'aucun privilège juridique n'a besoin d'appuyer. Dans la famille, l'homme est le bourgeois ; la femme joue le rôle du prolétariat."
Mais cette formulation d'Engels que notre lectrice reprend à son compte (et que l'idéologie féministe ne s'est pas privée d'extraire de son contexte et d'exploiter pour la dénaturer) n'a rien à voir avec une démarche "sexiste". Ce qu'Engels s'est efforcé de mettre en évidence, c'est essentiellement qu'avec l'apparition de la propriété privée, la famille monogamique individuelle est devenue la première entité économique de la société au sein de laquelle se trouvaient déjà contenus en germes les futurs antagonismes entre les classes du fait de la division sexuelle du travail. Ainsi, Marx pouvait-il affirmer que la famille patriarcale issue de la "grande défaite historique du sexe féminin", le renversement du droit maternel, "contient en miniature tous les antagonismes qui, par la suite, se développeront largement dans la société et dans son Etat".
Marx et Engels ont donc clairement démontré que l'oppression du sexe féminin a fait son apparition dans l'histoire de l'humanité avec le surgissement de la monogamie (et ses corollaires, l'adultère et la prostitution) qui a constitué la première forme de famille basée non sur des conditions naturelles, mais sur des conditions économiques, c'est-à-dire la victoire de la propriété privée sur la propriété commune primitive et spontanée : "Souveraineté de l'homme dans la famille et procréation d'enfants qui ne puissent être que de lui et qui étaient destinés à hériter de sa fortune, tels étaient, proclamés sans détours par les Grecs, les buts exclusifs du mariage conjugal (…) La monogamie est née de la concentration des richesses importantes dans une même main - la main d'un homme , et du désir de léguer ces richesses aux enfants de cet homme et d'aucun autre. Il fallait pour cela la monogamie de la femme, non celle de l'homme." (Engels). Ainsi, contrairement à la démarche de notre lectrice et de l'idéologie féministe, le marxisme a mis en évidence que l'inégalité des sexes que nous avons héritée de conditions sociales antérieures n'est pas la cause, mais la conséquence de l'oppression économique de la femme avec l'apparition de la propriété privée d'abord au sein des sociétés archaïques qui, avec l'accumulation des richesses et le développement des moyens de productions, ont par la suite cédé la place à la société divisée en classes. Si la femme est ainsi devenue "le prolétaire de l'homme", ce n'est pas à cause de la volonté de pouvoir du sexe masculin, mais parce que, avec la famille patriarcale (qui est apparue comme une nécessité historique permettant à l'humanité de passer de l'état sauvage à la "civilisation"), et plus encore avec la famille individuelle monogamique, la direction du ménage a perdu le caractère public qu'elle avait dans l'ancienne économie domestique du "communisme primitif". Alors que dans ces sociétés archaïques l'économie domestique était une "industrie publique de nécessité sociale" confiée aux femmes (au même titre que la fourniture des vivres était confiée aux hommes), dans la famille monogamique patriarcale, elle est devenue un "service privé". La femme a, dès lors, été écartée de la production sociale et est devenue une "première servante" (Engels). Et ce n'est qu'avec l'apparition de la grande industrie dans la société capitaliste que la voie de la production sociale a pu être de nouveau ouverte à la femme. C'est pour cela que le marxisme a toujours mis en avant que la condition de "l'émancipation" de la femme se trouve dans son intégration dans la production sociale comme prolétaire. C'est dans sa place au sein des rapports de production, et dans sa participation active, en tant que prolétaire, dans la lutte unie de toute la classe exploitée que se trouve la clef du problème. C'est uniquement en posant la question en termes de classes et d'un point de vue de classe que le prolétariat pourra y apporter une réponse.
En renversant le capitalisme et en construisant une véritable société communiste mondiale, le prolétariat aura entre autres tâches celle de rétablir la socialisation de la vie domestique en la développant à l'échelle universelle (notamment à travers la prise en charge de l'éducation des enfants par l'ensemble de la société et non par la cellule familiale conçue comme première entité économique). Seul le prolétariat mondial, en brisant le carcan de la propriété privée des moyens de production pourra faire faire un bond gigantesque aux forces productives, mettre définitivement un terme à la pénurie, et faire passer l'humanité du règne de la nécessité à celui de la liberté. Grâce à l'édification d'une nouvelle société basée sur l'abondance, le prolétariat pourra alors achever sa mission historique de fossoyeur du capitalisme en réalisant enfin le vieux rêve de l'humanité que le communisme primitif n'était pas en mesure de réaliser.
Contrairement à la vision erronée de notre lectrice, l'émancipation de la femme ne sera pas l'oeuvre de la lutte des femmes, avec leurs revendications spécifiques, mais de toute la classe ouvrière. Car cette oppression fait partie intégrante de l'exploitation et de l'oppression d'une classe sociale privée de tout moyen de production et qui ne pourra se libérer elle-même qu'en libérant l'ensemble de l'humanité du joug de l'exploitation capitaliste. Qu'il soit contraint de vendre sa force de travail ou de se prostituer pour survivre (et dans le capitalisme décadent, la prostitution n'est pas d'ailleurs le seul "apanage" des femmes), le prolétaire, homme ou femme n'est, dans un système basé sur la recherche du profit, rien d'autre qu'une marchandise.
Louise
[1] [201] Il faut d'ailleurs préciser que, contrairement à son amie Clara Zetkin qui était présidente du mouvement des femmes socialistes et rédactrice en chef du journal féminin socialiste Die Gleichheit (L'Egalité), Rosa Luxemburg ne s'est jamais impliquée dans cette activité. Toute son énergie a été consacrée au combat pour le marxisme révolutionnaire contre le réformisme. Quant à Clara Zetkin elle-même, son nom dans l'histoire, bien plus qu'à son activité "féministe", reste attaché à son combat, aux côtés notamment de Rosa, Karl Liebknecht et Leo Jogisches contre la guerre impérialiste dès 1914 et pour la fondation du parti communiste d'Allemagne.
[2] [202] A cette même époque, certains pays étaient le théâtre de campagnes bourgeoises pour le droit de vote des femmes. En Angleterre, pays le plus affecté par ce mouvement, la revendication avait été appuyée dès ses origines par le philosophe bourgeois John Stuart Mill et le premier ministre conservateur Disraeli. La femme de Churchill était une ancienne "suffragette" : c'est dire que la revendication, comme telle, n'avait rien de spécifiquement prolétarien !
Le 12 octobre, des touristes en flammes tentent de fuir l'incendie de la discothèque de Bali prise pour cible par un attentat à l'explosif. Un peu plus d'un an auparavant, des victimes de l'attentat du World Trade Center se jetaient dans le vide pour échapper à l'atrocité de la mort sous les décombres incandescents des tours en train de s'effondrer. A Bali, le terrorisme a fait plus de 187 morts et 300 blessés, dont 90 grièvement. On est loin des milliers de morts de l'attentat du 11 septembre à New York dont Bush avait dit qu'il constitue un acte de guerre. Néanmoins, ces deux attentats sont des actes barbares, des actes de la guerre impérialiste dont est responsable le capitalisme. Le plus souvent, ce sont des populations civiles qui sont victimes des attentats terroristes, arme de plus en plus utilisée dans la guerre que se livrent les fractions rivales de la bourgeoisie.
Nous avions déjà mis en évidence, à l'occasion des attentats terroristes qui s'étaient produit à Paris en 1986 que ceux-ci constituaient une des manifestations de l'entrée du capitalisme dans une nouvelle phase de sa décadence, celle de sa décomposition. Depuis, l'ensemble des convulsions qui ont secoué la planète, notamment l'effondrement du bloc impérialiste russe à la fin des années 1980, sont venus illustrer abondamment cet enfoncement de la société capitaliste dans la décomposition et le pourrissement sur pied (cf. notre texte "La décomposition, phase ultime de la décadence du capitalisme" in Revue Internationale n° 62, 1990, republié dans le n° 107). Le développement du terrorisme, des prises d'otages comme moyen de la guerre entre Etats, au détriment des "lois" que le capitalisme s'était données par le passé pour "réglementer" les conflits entre fractions de la classe dominante est la marque de cette décomposition sur les rivalités entre Etats.
En tant qu'arme utilisée dans la guerre entre Etats, le terrorisme n'est pas une nouveauté. Ce qui en est une, c'est l'ampleur qu'a pris le phénomène ces dernières années. Ainsi, rien que dans les quelques mois ayant précédé l'attentat à Bali, d'autres attentats ont eu lieu visant différents intérêts : celui contre des techniciens français de l'armement à Karachi (Pakistan) en mai et, tout récemment, contre le pétrolier français Limbourg, dans le golfe d'Aden, par exemple. Les grands Etats, et dans leur sillage les plus petits, ont multiplié les rapports avec toutes sortes de groupes mafieux ou terroristes, ou les deux à la fois, tant pour contrôler les multiples trafics illégaux qui rapportent de juteux profits que pour les utiliser comme moyens de pression sur des Etats rivaux. L'utilisation de l'IRA par les Etats-Unis pour faire pression sur la Grande-Bretagne, celle de l'ETA par la France pour faire pression sur l'Espagne en sont deux exemples significatifs.
L'enquête en cours par les autorités indonésiennes pour tenter de déterminer l'origine de l'attentat à Bali a mis sur le devant de la scène différents types de regroupements tout à fait typiques de ce que la société actuelle est capable de produire et où se recrutent, entre autres, les exécutants des actes terroristes. Ainsi, nous trouvons à la fois : une "police religieuse", composée de vandales, que la police a longtemps laissé opérer (cf. Le Monde des 20 et 21 octobre) et dont le chef, Jafar Umar Thalib, vient d'être mis sous les verrous ; une milice armée qui fait la chasse aux chrétiens et aux Célèbes, dirigée par Abou Bakar Bashir, lequel vient d'accepter, à la demande de ses commanditaires (d'anciens généraux), de dissoudre son mouvement (ibid) : la Jeemah Islamiyah, réseau régional lié à Al-Qaida. On ne sera donc pas surpris de trouver, parmi les groupements opérant en Indonésie des représentants de l'intégrisme islamique qui révèle, dans toute une série de pays musulmans, la décomposition du système et dont la contrepartie, dans les pays avancés, peut être trouvée dans la montée de la violence urbaine, de la drogue et des sectes. Quant à la connexion de l'islamisme avec les services secrets, elle est de notoriété publique. Avant de se retourner contre leur parrain américain, Ben Laden et ses fidèles fondamentalistes islamistes avaient été recrutés par la CIA pour mener la guerre sainte, la djihad, contre l'occupant russe en Afghanistan.
Ainsi, l'existence de groupes fanatisés ayant tout à fait le profil pour commettre des attentats, ne dégage en rien les grandes puissances d'aucune responsabilité dans la barbarie actuelle. Tout au contraire, celles-ci en constituent l'épicentre. Nous seulement, comme on vient de le voir avec la guerre en Afghanistan, les attentats terroristes contre les tours jumelles ont constitué le prétexte que cherchait la bourgeoisie américaine pour une intervention partout dans le monde où elle le jugerait nécessaire pour la défense de ses intérêts impérialistes, sous prétexte de lutte contre le terrorisme mondial. Mais de façon plus cynique et machiavélique encore, comme le mettent en évidence des sources même de la bourgeoisie, il apparaît aujourd'hui clairement que la bourgeoisie américaine a délibérément laissé se dérouler les préparatifs d'une attaque terroriste sur son propre territoire par Al Qaïda[1] [205]. Ces sources ne vont pas jusqu'à en donner la raison qu'elles connaissent pourtant, susciter dans la population américaine la révolte contre une horreur inique et insoutenable pour la canaliser dans l'adhésion à une politique qui sera nécessairement de plus en plus belliciste. Les éléments dont on dispose aujourd'hui ne permettent pas encore de mettre en évidence à qui le crime profite et donc qui avait tout intérêt à ce que l'attentat de Bali soit commis. Il en est de même concernant deux autres attentats qui viennent de se produire aux Philippines : le 17 octobre, une explosion dans un supermarché de la ville de Zamboanga faisant 7 morts et plus de 160 blessés ; le 18 octobre, une bombe dans un autobus de Manille faisant au moins 3 morts et 22 blessés.
En tout cas, ces attentats sont vraisemblablement à mettre en lien avec l'existence de facteurs de déstabilisation dans une région aujourd'hui globalement sous influence américaine mais fragilisée par les difficultés que connaissent certains pays du fait de la désagrégation de la société ou par les aspirations séparatistes de la part de fortes minorités locales existant en particulier en Indonésie, Thaïlande, Birmanie et Malaisie. C'est justement une telle menace qui permet d'expliquer les massacres que les milices au service de l'armée indonésienne avaient perpétrés au Timor Oriental en 1999. Au lendemain d'un référendum patronné par l'ONU ayant donné un vote massif en faveur de l'indépendance vis à vis de l'Indonésie, ces hordes recrutées parmi les voyous timorais s'étaient livrées à l'extermination systématique de populations civiles sur la base de leur appartenance ethnique, ce qui n'est pas sans rappeler le génocide, opéré avec la bénédiction de la France, des Tutsis au Rwanda en 1994 et le massacre des populations kosovares en 1998. La non intervention de l'ONU pendant toute une période avait alors été justifiée par les Etats-Unis par la nécessité que ce soit l'Indonésie elle-même qui reprenne le contrôle des différentes factions au sein de la population. Il s'agissait en fait de laisser le temps à la saignée de s'opérer, de manière à ce qu'elle serve d'exemple à quiconque serait tenté par des velléités indépendantistes, à commencer par les populations de Sumatra du Nord, des Célèbes ou des Moluques traversées par des mouvements nationalistes. Les Etats de la région ne pouvaient eux aussi que partager cet objectif de la bourgeoisie indonésienne, de même la bourgeoisie américaine qui s'inquiétait de la déstabilisation de cette région du monde qui viendrait s'ajouter à celle de toute une série d'autres régions (cf. notre article "Timor, Tchétchénie, Le capitalisme, synonyme de chaos et de barbarie" dans la Revue Internationale n° 99). Dans l'opération de "retour à l'ordre" du Timor oriental qui a finalement eu lieu, les Etats-Unis ont délégué le travail à l'Australie, ce qui représentait pour eux l'avantage de pousser en avant leur plus fidèle et solide allié dans cette région. Ce fut réciproquement une bonne occasion pour l'Australie de concrétiser ses projets de renforcement de ses positions impérialistes dans la région (même au prix d'une brouille temporaire avec l'Indonésie). Pour la première puissance mondiale, il était fondamental, et cela le demeure aujourd'hui, de maintenir une forte présence, par alliés interposés, dans cette partie du monde sachant que le développement général des tensions impérialistes contenues dans la situation historique actuelle porte avec lui la menace d'une avancée de l'influence des deux autres grandes puissances qui peuvent jouer un rôle dans la région, le Japon et la Chine.
Fk (21 octobre)[1] [206] Un article du journal Le Monde du 5 octobre fait le compte-rendu d'un article de l'hebdomadaire allemand Die Zeit qui "dresse la liste tragique des coupables négligences qui ont jalonné le travail d'enquête des services spéciaux américains sur Al-Qaida. Beaucoup d'éléments sont troublants" (présentation du Monde). Le Monde cite l'hebdomadaire : "Les enquêteurs américains savaient que des attaques terroristes étaient en préparation, mais ils ont laissé agir les suspects" et écrit que "l'hebdomadaire allemand assure que la CIA et le FBI auraient pu tout empêcher".
Alors que la crise économique se déchaîne avec son cortège de licenciements et d'austérité accrue pour la classe ouvrière, poussant sans vergogne, les plus vulnérables des prolétaires, vers la mendicité, la prostitution, la paupérisation absolue comme disait Marx, le capitalisme révèle tous les jours un peu plus sa faillite. C'est l'image d'un monde baignant dans la violence, sans avenir, un monde au bord du gouffre qui tend à s'imposer à toute la société. Aux guerres meurtrières qui se propagent sur tous les continents, répond en écho la nécessité pour la bourgeoisie d'encadrer et de réprimer ce qui fait désordre sur le plan social. En effet, chaque pays, du fait de l'impasse économique, est confronté à la dislocation du corps social qui gangrène toute la société et plus particulièrement ses couches les plus défavorisées. C'est pour cela que les gouvernements de droite comme de gauche n'ont de cesse ces dernières années de brandir la question de "l'insécurité" pour justifier des mesures de plus en plus répressives. Après la loi d'orientation sur la justice votée au mois d'août, qui s'est traduite par une augmentation considérable des effectifs policiers (cf. RI n°326), le pitbull Sarkozy récidive avec son projet de "sécurité intérieure", avec l'aval de Daniel Vaillant, l'ancien ministre de l'intérieur de Jospin qui déclare à propos de Sarkozy, que son successeur réalise "des choses que j'aurais sans doute faites si j'étais resté aux responsabilités. On est dans une continuité" (Le Monde du 7 octobre).
N'ayons aucune illusion à ce propos, quand il s'agit de défendre l'état bourgeois, et l'ordre républicain, ils sont tous complices !
Pour justifier ce nouveau tour de vis sécuritaire, la clique à Raffarin bénéficie en plus de la couverture médiatique des faits divers les plus sordides dont les médias aux ordres, n'ont de cesse de nous abreuver jusqu'à la nausée : de la mort tragique d'une adolescente brûlée vive à Vitry au meurtre raciste de Dunkerque ; des multiples reportages sur les réseaux d'exploitation de la mendicité de la population roumaine aux mafias de la prostitution de jeunes femmes des pays de l'Est. A chaque fois, les images effrayantes, les commentaires nauséabonds et les multiples débats de société stériles, ont pour but de nous renvoyer un sentiment d'impuissance, d'empêcher notre réflexion sur la faillite de ce système, de nous faire accepter les mesures répressives de l'État, qui dit vouloir "protéger" les bons citoyens des mauvais.
Les ouvriers ne doivent pas se laisser abuser par cette intoxication idéologique. Accepter aujourd'hui que l'État s'en prenne aux plus défavorisés d'entre nous, c'est lui donner les moyens de faire passer de nouvelles mesures qui sont en préparation et qui n'ont comme seul objectif que d'empêcher que la classe ouvrière ne développe sa lutte en réponse aux attaques économiques, seule réponse possible à l'agonie moribonde du capitalisme.
Jospin avait promis durant la campagne électorale qu'il n'y aurait
plus de SDF d'ici 2004, Sarkozy le met en oeuvre. Dorénavant
l'exploitation de la mendicité " agressive " devient
passible de 3 à 5 ans de prison, et les "mendiants",
premières victimes, sont passibles de 6 mois de prison et 7500
euros d'amende, quel que soit le type de mendicité. La prostitution,
dans laquelle les notables se sont largement vautrés du temps
des maisons closes, devient un délit puni de 6 mois de prison.
Le gouvernement souhaite également protéger "le droit
à la propriété", ce qui est l'essence même
du capitalisme. Tout rassemblement dans les halls d'immeubles sont dorénavant
interdits quel qu'en soit le motif. Les gens du voyage, les squatters
et les sans-logis, occupant des terrains privés, y compris ceux
qui n'ont comme seule habitation de fortune que leur voiture, sont passibles
de 6 mois de prison. Dans le dernier cas, le véhicule sera saisi
et le permis de conduire suspendu pour une période de 3 ans.
Toute insulte ou injure à agent de l'autorité ou de la
force publique sera sanctionnée d'une peine d'emprisonnement.
Quant aux étrangers, en séjour temporaire de 3 mois dont
le comportement est fauteur de trouble, ils feront l'objet d'une reconduite
à la frontière. Ainsi les ouvriers sans papiers ou en
précarité sont particulièrement visés, puisque
la loi leur interdit de participer à quelque manifestation que
ce soit, sous peine d'être expulsés.
Comme Ceaucescu qui déclarait honteusement que le sida n'existait
pas en Roumanie, ou les staliniens qui niaient l'existence du chômage
dans les pays de l'Est avant l'effondrement du mur de Berlin, la clique
à Raffarin a décidé que désormais il n'y
aurait plus de pauvreté.
Mais la chasse aux pauvres ne s'arrête pas là. Certaines
familles dont les enfants sont malheureusement tombés dans la
délinquance, se voient déjà refuser la prolongation
de leur bail locatif dans certaines cités HLM de la région
parisienne. Un groupe de travail de l'éducation nationale est
chargé de faire des propositions pour lutter contre l'absentéisme
scolaire, et l'on parle déjà d'une amende de 2000 euros
pour les parents d'élèves absentéistes.
Si l'addition est déjà lourde, la partie la plus significative du renforcement policier est en préparation et celle-ci concerne plus particulièrement les ouvriers qui ne vont pas manquer de faire entendre leur colère face aux attaques massives dont ils sont déjà l'objet et les militants révolutionnaires qui seront à leur côté dans le combat de classe.
Dès 2003, le ministre de la justice présentera, sous couvert de lutte contre la criminalité, une loi qui supprimera la présence de l'avocat dès la première heure de garde à vue, et allongera la durée de cette garde à vue. La police aura accès à tous les fichiers nominatifs détenus par des organismes publics ou privés, et le fichier des empreintes génétiques sera étendu au delà des crimes sexuels, notamment pour les personnes dont la mise en examen pour crimes ou délits serait passible d'une peine d'au moins 3 ans d'emprisonnement. Le projet de loi pérennise le dispositif sur la sécurité quotidienne votée par la gauche en novembre 2001 qui permet aux forces de police de perquisitionner sans le consentement de la personne, y compris de nuit. Il élargit aussi le droit de fouiller des voitures, qu'elles soient à l'arrêt ou en stationnement pour les affaires de vol, terrorisme et trafic de stupéfiants.
N'ayons aucune illusion, le grand banditisme et le terrorisme sont les
alibis tous désignés pour permettre aux forces de répression
de faire comme bon leur semble. Rappelons nous les écoutes téléphoniques
tous azimuts sous le gouvernement Mitterrand.
C'est bien parce que le système capitaliste est dans une impasse
sur le plan économique, que son lent processus de décomposition
génère autant de violence, de misère, de barbarie,
que la seule solution qu'il soit capable de mettre en oeuvre est l'imposition
d'un corset de fer, d'un renforcement permanent du blindage policier.
Si l'insécurité est un pur produit de la crise et de la
décomposition capitaliste, elle ne disparaîtra pas en raisonnant
en tant que "citoyen responsable" qui fait confiance à
cet État qui en est le géniteur. Seul le développement
le plus large possible de nos luttes en réponse aux attaques
de la bourgeoisie peut nous permettre d'affirmer en tant que prolétaires,
que nous refusons le fatalisme de l'insécurité, le nihilisme
et la violence que nous fait vivre le capitalisme. Le prolétariat
est la seule classe capable de pouvoir transformer le monde ; c'est
cette perspective que les mesures sécuritaires voudraient bien
faire avorter.
Depuis la Seconde
Guerre mondiale, jusqu'à l'effondrement du bloc de l'Est la presque
totalité des conflits dont la planète a été
la théâtre ont résulté de la rivalité
entre le deux blocs ennemis se faisant face, le bloc russe et le bloc
américain. Avec la dissolution du bloc de l'Ouest, les enjeux
des conflits ont changé. Dans ceux-ci, ce qui s'exprime c'est
une tendance au chacun pour soi où chaque pays, en dehors des
Etats-Unis, délié de toute contrainte de discipline de
bloc, cherche à défendre ses intérêts impérialistes
au jour le jour (ce qui est à relativiser pour l'Allemagne candidate
à la tête d'un bloc impérialiste rival des Etats-Unis),
au gré d'alliances changeantes. Seuls les Etats-Unis suivent
une ligne totalement cohérente sur l'arène impérialiste
: maintenir leur leadership mondial à travers une politique offensive
sur le plan diplomatique mais surtout sur le plan militaire en mettant
à profit l'énorme supériorité qu'ils ont
dans ce domaine par rapport à n'importe quel autre pays. En fait,
les démonstrations de force américaines de la dernière
décennie, Guerre du Golfe, interventions en Somalie, en Bosnie,
au Kosovo et dernièrement en Afghanistan s'adressaient fondamentalement
à leurs anciens alliés du bloc de l'Ouest, les principales
puissances occidentales qui, n'ayant plus à redouter la menace
du bloc de l'Est, n'étaient de ce fait plus disposées
à se soumettre à l'autorité des Etats-Unis qu'elles
ont d'ailleurs contestée de plus en plus fortement. Et si les
Etats-Unis ont dû enchaîner les démonstration de
force, c'est parce que tout relâchement de la pression qu'il exercent
sur le monde est immédiatement mis à profit par leur rivaux
pour remettre en question leur leadership.
Ce faisant, les Etats-Unis sont entraînés, et le monde
avec eux, dans une spirale guerrière qui n'a pas de solution
dans le capitalisme sinon la ruine de l'humanité. Chaque nouvelle
démonstration de force qu'ils effectuent, si elle parvient effectivement
à remettre leurs rivaux à leur place rend en retour de
plus en plus insupportable, pour beaucoup de pays, l'hégémonie
américaine et en favorise la remise en question. Et cela d'autant
plus que chaque croisade des Etats-Unis est l'occasion pour eux d'exercer
une présence directe sur des positions stratégiques :
en Europe même (au Kosovo et en Bosnie) ; en Asie centrale (Afghanistan,
Ouzbékistan et Tadjikistan) permettant d'exercer une pression
sur la Russie, la Chine, l'Inde, le Pakistan mais surtout d'encercler
l'Europe. Avec l'occupation de l'Irak, enjeu de la prochaine guerre
programmée, les Etats-Unis escomptent exercer une pression renforcée
sur l'Europe et le Moyen- Orient.
Les opérations de police du gendarme mondial ne s'improvisent pas. Il faut créer un prétexte, leur fabriquer une légitimation idéologique. C'est ainsi que l'opération Tempête du Désert en 1991 a été réalisée au nom de la défense du droit international pour bouter Saddam Hussein hors du Koweït qu'il venait d'envahir (avec l'autorisation tacite des Etats-Unis qui lui ont ainsi tendu un piège). L'intervention au Kosovo s'est abritée derrière l'alibi humanitaire, contre l'épuration ethnique des Kosovars qui, jusque là, ne dérangeait pas outre mesure les Etats-Unis et qui s'est considérablement aggravée avec la guerre. De même, c'est l'attentat contre les Twin Towers (dont la préparation par les terroristes a bénéficié d'un bienveillant laisser faire de la part des services secrets américains) qui a légitimé la guerre déclarée au terrorisme international par les Etats-Unis, leur servant de prétexte pour frapper en tout point de la planète supposé abriter des terroristes ou tout Etat soupçonné de les soutenir. Ainsi, dans tous ces conflits, et contrairement à ce que la réalité immédiate peut laisser apparaître, l'antagonisme de fond ne réside pas entre un dictateur local ou un leader islamiste fanatisé, d'une part, et les grandes puissances démocratiques, d'autre part. Il oppose les Etats-Unis à tout ou partie de ces puissances démocratiques. Et c'est bien un tel antagonisme qui s'affiche aujourd'hui de façon à peine masquée sur la scène internationale. Les Etats-Unis avaient réussi à imposer que l'intervention dans le Golfe en 1991 soit conduite sous les auspices de l'ONU. Ils avaient par contre subi un revers en 1998 lorsque, sous le l'impulsion de la France et de la Russie, cet organisme avait mis en échec les plans de Clinton prévoyant une nouvelle intervention en Irak sous prétexte du non respect par Saddam Hussein des résolutions de l'ONU (lequel s'était alors judicieusement empressé d'écouter les bons conseils pour qu'il accepte la venue des enquêteurs de l'ONU). Cette institution leur étant devenue trop difficilement utilisable à leur gré ils semblaient désormais décidés à s'en passer.
C'est la raison pour laquelle, afin de déclencher la guerre au Kosovo, ils ont fait fi, de façon tout à fait illégale du point de vue du droit bourgeois international, de l'organisation internationale et placé leur entreprise sous le patronage de l'OTAN, un organisme militaire sur lequel ils ont un plus grand contrôle. Quant à l'opération en Afghanistan c'est de façon tout à fait unilatérale qu'elle a été décidée et dirigée par les Etats-Unis.
C'est selon les mêmes modalités qu'en Afghanistan, une partie de la bourgeoisie américaine avait décidé l'intervention consistant à renverser Saddam Hussein. Aujourd'hui, même si ce n'est pas de façon définitive, cette option est écartée du fait de l'isolement international auquel elle risque de conduire les Etats-Unis.
Il est évident que les Etats-Unis seraient largement en mesure d'assumer seuls militairement une opération destinée à renverser Saddam Hussein. Par contre, une telle opération pose un autre problème bien plus difficile qui est celui de la gestion de l'après Saddam Hussein dans un contexte de possible déstabilisation totale de la région, les Etats-Unis risquant de devoir prendre en charge, seuls ou presque, l'administration du pays dans un environnement hostile. Peu de pays ont intérêt à rallier une nouvelle entreprise guerrière américaine en Irak et ils se laisseront d'autant moins imposer une bienveillante neutralité que la justification idéologique américaine sera faible. Or c'est aujourd'hui manifestement le cas comme le traduisent ces propos tenus par l'ambassadeur d'Afrique du Sud (qui dirige le groupe des 77) lors de la séance du 15 octobre à la tribune de l'ONU : "Voilà un pays, l'Irak, qui dit : 'je veux me soumettre aux résolutions du conseil de sécurité'. Et on ne saisirait pas cette occasion ? Si elle fait cela, l'ONU entre dans un territoire inconnu". Le même orateur dénonce sans détour la tentative des Etats-Unis d'utiliser l'ONU pour leurs objectifs propres en Irak : "Tout se passe comme si les Nations Unies étaient invitées à déclarer la guerre à l'Irak".
Et pourtant, malgré l'hostilité que suscite la position américaine dans l'institution internationale, en dépit du fait que le congrès américain a donné son autorisation le 11 octobre au président Bush pour déclarer une guerre contre l'Irak sans l'aval des Nations Unies, la bourgeoisie américaine s'obstine à tenter de faire parrainer son projet par cette institution. Cela est révélateur du point auquel elle estime difficile la voie du cavalier seul ou en compagnie de la Grande-Bretagne. L'obstacle que rencontrent les Etats-Unis à l'ONU n'est pas tant représenté par les déclarations tonitruantes que nous venons de citer, émanant de pays du "tiers monde", mais bien par l'attitude de la France, et aussi de la Russie, deux membres permanents du conseil de sécurité qui font obstacle à l'adoption d'une résolution qui permettrait aux Etats-Unis de s'emparer du moindre faux pas de Saddam Hussein pour attaquer l'Irak. De même, les prises de position récentes en défaveur des Etats-Unis, comme celle de l'Allemagne, ne peuvent pas être ignorées par le Etats-Unis.Si c'est aujourd'hui la tribune de l'ONU qui constitue l'arène principale de la contestation du leadership américain, elle n'en est cependant pas le seul théâtre. Chirac dans sa visite en Egypte du 20 octobre plaçait quelques peaux de banane sous les pas de l'oncle Sam en déclarant : "Cette région n'a pas besoin d'une guerre supplémentaire". Jusqu'aux Emirats Arabes Unis qui expriment une timide réprobation à la politique américaine à laquelle ils seraient néanmoins contraints de se plier si elle s'imposait. C'est ce qu'illustrent ces paroles du ministre des affaires étrangères s'adressant le 7 octobre à son homologue irakien : "Les Emirats sont pour le retour de inspecteurs et ne voient pas la nécessité d'une nouvelle résolution." (référence à la résolution demandée par les Etats-Unis permettant des représailles automatiques contre l'Irak en cas de non respect des modalités décidées pour le travail des inspecteurs de l'ONU).
Dans une autre région du monde où l'hégémonie des Etats-Unis est aussi contestée, le Japon prend ses marques : le récent processus de normalisation des relations avec la Corée du Nord est accléléré, ce qui constitue un défi aux Etats-Unis qui placent ce pays au banc de la communauté internationale. Parallèlement à cela, le Japon est actuellement le théâtre d'une vague d'antiaméricanisme, à gauche comme à droite. Un porte parole, le gouverneur de Tokyo, déclarait : "Les Etats-Unis sont en train de devenir un autre empire mongol dont l'ambition est moins de gouverner le monde que de le dominer par la force."Loin de constituer un rééquilibrage à l'échelle du monde porteur de paix, le développement tous azimuts de la contestation du leadership américain, de même que la reprise en main de la situation par ces derniers qui suivra, sont l'expression de l'aggravation inexorable des tensions impérialistes dans la situation mondiale héritée de l'effondrement du bloc de l'Est. Seul le renversement du capitalisme peut mettre un terme au chaos croissant qui en résulte, menaçant de plus en plus la survie même de l'humanité.
F (22 octobre)
Dans son numéro 463 (août-septembre 2002), le journal Le Prolétaire, organe du Parti communiste international (PCI)[1] [209] publie un article intitulé : "A propos de la crise dans le CCI" qui mérite un certain nombre de rectifications.
En premier lieu, l'article affirme que l'un des membres de la soi-disant "fraction interne" qui s'était constituée dans le CCI[2] [210] est "dénoncé dans RI comme un probable 'agent provocateur'". Voici ce que nous écrivions dans Révolution Internationale n° 321 [160] concernant l'exclusion de Jonas (auquel se réfère implicitement Le Prolétaire) :
"Un des aspects les plus intolérables et répugnants de son comportement est la véritable campagne qu'il a promue et menée contre un membre de l'organisation (...) l'accusant dans les couloirs et même devant des personnes extérieures au CCI de manipuler son entourage et les organes centraux pour le compte de la police (...) Aujourd'hui, Jonas est devenu un ennemi acharné du CCI et il a adopté des comportements dignes de ceux d'un agent provocateur. Nous ne savons pas quelles sont ses motivations profondes, mais ce dont nous sommes sûrs, c'est qu'il représente un danger pour le milieu politique prolétarien."
Il est clair que les comportements du citoyen Jonas sont plus que troublants et tous les militants du CCI sont convaincus que ses agissements visaient à détruire notre organisation ou tout au moins à provoquer en son sein le plus de dégâts possibles comme aurait pu le faire un agent provocateur[3] [211]. Cela dit, tout lecteur aura pu lire que "nous ne savons pas quelles sont ses motivations profondes" et pourra donc constater que, jusqu'à présent, nous n'avons jamais dit que Jonas est un "probable agent provocateur". Une telle accusation, même sous la forme d'hypothèse, est extrêmement grave et même si les organisations révolutionnaires peuvent être amenées à la porter contre un de leurs anciens membres, ce ne peut être qu'à la suite d'une enquête très approfondie. C'est pour cela d'ailleurs que notre Conférence extraordinaire qui s'est tenue au printemps dernier a mandaté une Commission spéciale pour poursuivre les investigations sur le compte de Jonas. Quant au PCI, nous pensons qu'il aurait mieux fait de s'appuyer strictement sur ce que nous avons réellement écrit jusqu'à présent plutôt que de se livrer à des extrapolations qui aboutissent à une falsification de nos affirmations.
Par ailleurs, le PCI nous dit que : "Il est évidemment exclu que, comme on nous l'a demandé, nous prenions position pour l'un ou l'autre camp - que ce soit pour les dissidents au nom de la démocratie, ou pour la majorité au nom de la 'défense des organisations du milieu prolétarien'..."
Cette phrase appelle plusieurs remarques.
En premier lieu, telle qu'elle est formulée, elle laisse penser (même si ce n'est pas dit explicitement) que le CCI comme la "FICCI" aurait demandé au PCI de prendre parti pour son camp. Rien n'est plus faux. La "FICCI" a effectivement demandé au PCI, dans une lettre qu'elle lui a adressée le 27 janvier 2002, en même temps qu'à d'autres groupes de la Gauche communiste, de prendre position en sa faveur contre le CCI :
"Aujourd'hui nous ne voyons plus qu'une seule solution : nous adresser à vous pour que vous demandiez à notre organisation d'ouvrir les yeux et de retrouver le sens de ses responsabilités. (...) Parce que nous sommes en désaccord, aujourd'hui le CCI fait tout pour nous marginaliser et nous démolir moralement et politiquement." [4] [212]
Pour ce qui nous concerne, nous avons effectivement envoyé le 6 février 2002 un courrier au PCI, comme à d'autres organisations de la Gauche communiste (BIPR[5] [213], PCI-Il Programma Comunista, PCI-Il Parti-to) concernant la "FICCI". Mais contrairement à celle de la prétendue "fraction", notre lettre ne demande nullement aux groupes destinataires de prendre position pour un camp contre l'autre ; son objectif est de rectifier un certain nombre de mensonges et de calomnies à l'encontre de notre organisation qui étaient contenus dans la lettre de la "fraction" du 27 janvier.
Cela dit, la principale remarque que l'on doit faire concernant l'affirmation du PCI suivant laquelle "il est évidemment exclu" qu'il prenne "position pour l'un ou l'autre camp", c'est qu'elle est contredite tout de suite après. En effet, on peut lire quelques lignes plus loin :
"Cela ne nous empêche pas cependant de relever que les méthodes employées par le CCI face à ses dissidents actuels, et qui ne datent sans doute pas d'hier, sont malheureusement trop connues : 'criminaliser' les opposants par des accusations infamantes afin de les isoler complètement, parer à tout doute éventuel ou à toute demande d'explication politique de la part des militants par la création d'un climat de 'forteresse assiégée' qui permet de les mobiliser 'en défense de l'organisation' contre les opposants qui finissent par être dépeints comme étant au service de la bourgeoisie. Ces procédés de sinistre mémoire n'ont jamais été employés ni par Marx ni par Lénine ; ils sont en fait caractéristiques d'organisations gangrenées par l'opportunisme et/ou travaillées par les graves contradictions qui existent entre leurs analyses et la réalité. Ils seraient mortels dans un parti révolutionnaire parce qu'ils détruisent inévitablement l'homogénéité politique qui en constitue le ciment, en croyant l'assurer au moyen d'un caporalisme bureaucratiquement réglementé : étouffant la vie politique interne, ce dernier tend à empêcher d'affronter et de résoudre les problèmes politiques que ne peuvent pas ne pas se poser les militants révolutionnaires et à transformer ceux-ci en simples perroquets. Les interrogations politiques refoulées continuent cependant inévitablement à agir souterrainement et elles finissent tôt ou tard par réapparaître avec d'autant plus de virulence, sous la forme de crises organisationnelles destructrices."
En fait, le PCI qui dit avoir lu "le matériel publié par les deux parties", épouse presque à la lettre les thèses calomnieuses répandues par la "FICCI" et prend donc bien position en faveur de celle-ci contre le CCI.
Il faut saluer le fait qu'aujourd'hui le PCI condamne "l'étouffement de la vie politique interne par un caporalisme bureaucratiquement réglementé empêchant d'affronter et de résoudre les problèmes politiques que ne peuvent pas ne pas se poser les militants révolutionnaires".
C'est une idée que notre courant ne cesse de répéter notamment contre les conceptions du PCI. En effet, voici ce qu'écrivaient déjà, en 1947, nos camarades de la Gauche communiste de France (ancêtre politique du CCI) à propos des conceptions organisationnelles du PCI :
" Sur cette base commune [les critères de classe et le programme révolutionnaire] et tendant au même but, bien des divergences surgissent immanquablement en cours de route. Ces divergences expriment toujours, soit l'absence de tous les éléments de la réponse, soit des difficultés réelles de la lutte, soit l'immaturité de la pensée. Elles ne peuvent être ni escamotées ni interdites mais au contraire doivent être résolues par l'expérience de la lutte elle-même et par la libre confrontation des idées. Le régime de l'organisation consiste donc, non à étouffer les divergences mais à déterminer les conditions de leur solution. C'est-à-dire, en ce qui concerne l'organisation, de favoriser, de susciter leur manifestation au grand jour au lieu de les laisser cheminer clandestinement. Rien n'empoisonne plus l'atmosphère de l'organisation que les divergences restées dans l'ombre. Non seulement l'organisation se prive ainsi de toute possibilité de les résoudre, mais elles minent lentement ses fondations. A la première difficulté, au premier revers sérieux, l'édifice qu'on croyait en apparence solide comme un roc, craque et s'effondre, laissant derrière lui un amas de pierres. Ce qui n'était qu'une tempête se transforme en catastrophe décisive. " (Internationalisme n° 25, "La discipline… force principale…", republié dans la Revue internationale n° 34)
Au début 1983, nous ne tenions pas un langage différent face à la crise que venait de connaître le PCI :
"Où est donc le fameux parti 'bloc monolithique' ? Sans failles ? Ce 'monolithisme', revendiqué par le PCI, n'a jamais été qu'une invention stalinienne. Il n'y a jamais eu d'organisation 'monolithique' dans l'histoire du mouvement ouvrier. La discussion constante et la confrontation politique organisées dans un cadre unitaire et collectif sont la condition d'une véritable solidité, homogénéité et centralisation d'une organisation politique prolétarienne. En étouffant tout débat, en cachant les divergences derrière le mot de 'discipline', le PCI n'a fait que comprimer les contradictions jusqu'à l'éclatement. Pire, en empêchant la clarification à l'extérieur comme à l'intérieur de l'organisation, il a endormi la vigilance de ses militants. La sécurisation bordiguiste de la vérité pyramidale, la direction des chefs a laissé les militants dépourvus d'armes théoriques et organisationnelles devant les scissions et les démissions. C'est ce que le PCI semble reconnaître lorsqu'il écrit : 'Nous entendons traiter [ces questions] de façon plus ample dans notre presse, en mettant nos lecteurs devant les problèmes qui se posent à l'activité du parti'" ("Le Parti Communiste International à un tournant de son histoire", Revue internationale n° 32)".
Lorsque nous défendions ces idées, le PCI n'avait pas de mots assez méprisants pour stigmatiser notre "démocratisme"[6] [214] mais en comparant ce que nous écrivions il y a plus de 50 ans et il y a 20 ans avec ce que nous dit maintenant le PCI on ne peut qu'être frappé par la ressemblance des idées. En vérité, c'est presque une copie conforme. On peut au moins en déduire une chose : les camarades du PCI, malgré leurs grands discours sur "l'Invariance", ont été capables d'entendre nos arguments. Qu'ils se rassurent, nous ne leurs demanderons pas des droits d'auteur. Cela dit, nous pensons que plus que nos propres arguments, c'est la dure réalité des faits, et particulièrement l'effondrement dramatique du PCI en 1982, qui a été l'élément décisif ayant permis à une poignée de militants se réclamant des positions de Bordiga de comprendre l'absurdité de certains dogmes "invariants" sur le prétendu "monolithisme" du parti dont ils se réclamaient[7] [215].
Pour ce qui nous concerne, nous maintenons aujourd'hui ce que nous disions il y a 20 ou 50 ans et nous rejetons catégoriquement les accusations du PCI à propos de nos prétendues "méthodes face à nos dissidents actuels". Aujourd'hui comme hier, nous considérons que les désaccords politiques qui surgissent dans l'organisation doivent être réglés par le débat le plus large en son sein et non par des mesures administratives ou "bureaucratiques". Comme il y a 20 ans, nous faisons nôtres et nous appliquons les règles suivantes face aux divergences qui peuvent surgir dans notre organisation :
Cela dit, comme il y a 20 ans, nous estimons indispensable le respect des règles suivantes :
C'est donc en stricte application de ces principes, et non pour "criminaliser les opposants par des accusations infamantes afin de les isoler complètement" que le CCI a procédé au début 2002 à l'exclusion de l'élément Jonas et à la publication d'un communiqué dans sa presse à ce propos. C'est exactement de la même façon que nous avions agi en 1981 à propos de l'individu Chénier qui était entré dans notre organisation quelques années auparavant. Quelques mois à peine après son exclusion, Chénier a commencé une carrière officielle dans un syndicat et dans le parti socialiste (c'est-à-dire le parti qui dirigeait le gouvernement de cette époque) pour le compte de qui il travaillait probablement depuis longtemps en secret. Il est clair que le communiqué que nous avions publié dans la presse à son propos lui interdisait désormais toute possibilité de poursuivre le travail de destruction qu'il avait mené pendant plusieurs années au sein du CCI et des autres organisations par où il était passé auparavant, notamment le PCI. Si ce dernier s'était donné la peine de rendre publique sa propre décision d'exclure Chénier et les raisons de celle-ci (que nous n'avons apprises par un militant du PCI qu'après l'exclusion de Chénier du CCI) il est évident que nous n'aurions jamais laissé un tel élément entrer dans notre organisation. C'est bien pour cette raison que nous mettons en garde nos lecteurs contre Jonas "dont nous sommes sûrs... qu'il représente un danger pour le milieu politique prolétarien" tout comme Chénier en son temps, même si c'est peut-être pour d'autres motivations.
De même, les mesures disciplinaires que nous avons adoptées à l'encontre des autres membres de la "FICCI" n'ont rien à voir avec une "volonté d'étouffer le débat". C'est bien le contraire qui est vrai : c'est parce que ces militants se sont depuis le début refusé à mener le débat (parce qu'ils savaient qu'ils n'avaient pas d'argument sérieux pour convaincre les militants du CCI) qu'ils ont systématiquement violé les statuts de l'organisation : les mesures disciplinaires que celle-ci ne pouvait pas ne pas prendre leur ont alors servi de prétexte pour faire des scandales et crier à tue tête que "le CCI fait tout pour [les] marginaliser et [les] démolir moralement et politiquement".
Que le PCI nous dise si c'est faire preuve de "caporalisme bureaucratiquement réglementé" que de prendre des mesures disciplinaires lorsque des militants (parmi beaucoup d'autres infractions) :
Ce n'est pas parce qu'une "direction liquidatrice" (suivant les termes de la "FICCI") a créé "un climat de 'forteresse assiégée' qui permet de mobiliser les militants 'en défense de l'organisation' contre les opposants", comme l'écrit le PCI, que notre Conférence extraordinaire a ratifié unanimement les sanctions contre Jonas et les autres membres de la soi-disant "fraction" ; c'est tout simplement parce que TOUS les militants du CCI, autres que les membres de cette "fraction", ont été convaincus de la nécessité de telles sanctions face à l'évidence et l'accumulation des agissements volontairement destructeurs de ces éléments. Les militants du CCI ne sont ni des "perroquets" ni des zombies. Si quelques uns d'entre eux ont décidé de piétiner les principes qu'ils avaient défendus jusqu'à présent en suivant aveuglément un individu particulier, en l'occurrence Jonas (pour des raisons de liens affinitaires, d'orgueil blessé, de frustrations, de règlements de compte personnels ou de perte de leurs convictions), tous les autres rejettent un tel comportement et sont capables de se faire une opinion par eux-mêmes sans qu'il ait fallu leur forcer la main.
Croyant sur parole ce que raconte la "FICCI" à propos des "méthodes staliniennes du CCI" (et ayant apparemment oublié la phrase de Lénine "Celui qui croit sur parole est un indécrottable idiot"), le PCI enchaîne sur ce thème :
"Il est inévitable que le climat qui s'est créé dans le CCI se répercute à l'extérieur. C'est ainsi qu'un de nos camarades qui avait eu le malheur de critiquer dans une réunion publique de cette organisation de telles méthodes (tout en réaffirmant qu'il ne défendait aucunement la Fraction), s'est vu en conséquence signifier la 'rupture de tout lien politique' avec lui. La signification de cette curieuse déclaration est apparue quelques jours plus tard, lorsqu'il s'est fait injurier et bousculer lors d'une vente par un militant du CCI. Nous ne voulons pas accorder une importance démesurée à cet incident, qui est peut-être dû à la surexcitation de militants locaux. Mais il doit être clair que nous n'entendons pas nous laisser dicter les limites de notre critique par quiconque, et par quelques mesures d'intimidation, y compris physiques, que ce soit.
A bon entendeur, salut."
De même que le PCI aurait dû mieux se renseigner avant que d'emboucher les mêmes trompettes que la "fraction", il aurait mieux fait de ne pas croire sur parole ce qu'a pu lui raconter son militant de Toulouse, W., à propos des incidents qui se sont produits entre lui et nos militants.
Une première chose : nous avons toujours et en tous lieux manifesté une attitude fraternelle envers les militants du PCI. Et cela pour la bonne raison que nous considérons que cette organisation, malgré ses erreurs programmatiques, appartient au camp de la classe ouvrière. La réciproque n'a pas toujours été vraie. Ainsi, en 1979, alors que les militants du PCI étaient impliqués dans le soutien du mouvement des résidents des foyers d'immigrés SONACOTRA, il leur est arrivé à plusieurs reprises, dans des rassemblements et des manifestations de rue, de constituer une sorte de "front unique" avec des militants maoïstes de l'UCFML (avec qui ils participaient aux service d'ordre) afin d'empêcher, y compris par la menace physique, les militants du CCI de prendre la parole et de diffuser la presse. C'est vrai qu'à cette époque, le PCI était dominé, notamment en France, par un courant gauchiste et tiers-mondiste qui allait faire scission quelques années plus tard en emportant la caisse et les moyens matériels. Les militants actuels du PCI ont fait la critique de cette tendance tiers-mondiste, mais à notre connaissance ils n'ont jamais condamné le comportement des membres du PCI de l'époque qui avaient empêché, à la grande satisfaction des staliniens de l'UCFML, que s'expriment les positions internationalistes au sein d'une lutte de la classe ouvrière.
Concernant W., membre du PCI à Toulouse et que nous connaissions depuis longtemps, nous avons manifesté à son égard la même attitude fraternelle qu'aux autres membres du PCI lorsqu'il est revenu dans cette ville après plusieurs années d'absence. Nous lui avons proposé d'exposer la presse du PCI dans nos réunions publiques et nous l'avons toujours invité à y prendre la parole. De même, nous avons incité les membres d'un cercle de discussion auquel nous participons d'inviter également le PCI, c'est-à-dire W., pour qu'il puisse y présenter ses positions. Pendant toute une période, d'ailleurs, sa propre attitude à l'égard de nos militants était également cordiale et il était toujours volontaire pour engager avec eux de longues discussions.
C'est depuis le début de cette année que l'attitude de W. a changé complètement :
Malgré la politique d'ouverture que nous menons envers les autres groupes de la Gauche communiste il peut arriver que tel ou tel de nos militants perde son sang froid et commette un dérapage[10] [218]. Cependant, dans ce cas précis, il n'y a pas eu de la part de nos militants ni dérapage, ni "surexcitation" et si quelqu'un a dérapé, et même à de nombreuses reprises, c'est bien le militant du PCI. Nous ne savons pas à quoi il faut attribuer son attitude au cours de la dernière année : est-elle le résultat de la tonalité des discussions au sein du PCI ou plutôt d'une certaine "surexcitation" (suivant les termes du Prolétaire) propre à W. ? [11] [219]
De même, nous considérons comme vraisemblable que W. a donné à son organisation une version des faits différente de celle que nous venons d'exposer. C'est donc la parole de nos militants (et de nos sympathisants) contre celle du militant du PCI. Cependant, nous sommes sûrs de ce que nous avançons et nous pouvons le prouver car la plupart des agissements de W. que nous avons relatés ont eu lieu en présence de plusieurs personnes extérieures au CCI qui pourront témoigner. Nous souhaitons qu'il y ait une confrontation devant les autres militants du PCI entre leur militant W. et nos camarades ainsi que les personnes extérieures au CCI qui ont été témoins des incidents que nous avons évoqués. Nous sommes disposés, si nécessaire, à appeler à la constitution d'une commission spéciale de militants de la Gauche communiste chargée de faire la lumière sur ces faits.
Nous sommes particulièrement déterminés à ce que la vérité soit faite sur cette question car notre organisation est aujourd'hui la cible d'une campagne sans précédent de calomnies de la part d'un petit groupe d'anciens militants, ceux qui constituent la "FICCI", animés par un élément aux comportements troubles et dangereux pour les groupes de la Gauche communiste. Et le plus lamentable, dans cette affaire, c'est qu'un groupe comme le PCI apporte sa contribution, malgré sa volonté affichée de "ne pas prendre parti", à ce type de campagne, notamment en évoquant des incidents dont il est clair qu'il a une connaissance erronée.
D'ailleurs, les effets de l'article du PCI ne se sont pas fait attendre puisque, immédiatement après sa publication, il a été repris sur le site Internet de la FICCI accompagné d'une prise de position où l'on peut lire ce qui suit :
"D'abord nous condamnons l'attitude du CCI actuel et tenons à nous démarquer totalement de ses méthodes présentes. Nous nous solidarisons avec le militant du PCI victime de cette agression. Indépendamment de la réaction de soutien politique que nous apportons aux camarades du PCI, nous ressentons un choc douloureux face à ce nouvel épisode : il en dit long en effet, sur l'état de désarroi et de déboussolement des membres du CCI ; il est significatif de la profondeur de la dérive sectaire qui s'empare aussi rapidement du CCI. (...)
On aurait tort de banaliser cet incident ou de l'analyser comme un malheureux dérapage d'un militant. En effet, il n'est que la dernière illustration d'une dynamique opportuniste et sectaire qui s'est ouvertement développée d'abord au sein du CCI dès le lendemain de son 14e congrès (mai 2001) et de l'explosion ouverte de sa crise organisationnelle, puis publiquement toujours vis-à-vis des membres du CCI qui s'opposaient à cette nouvelle politique, et aujourd'hui vis-à-vis de tout le milieu politique vu comme un ennemi de classe.
(...) nous saluons cet article qui dénonce les mesures bureaucratiques et d'intimidations qui se sont instaurées à l'intérieur du CCI. Ça n'a jamais été l'attitude et les pratiques de Marx ni de Lénine, ni d'aucune organisation prolétarienne."
Nous ne ferons pas de commentaires supplémentaires sur la prose de la FICCI qui est dans la lignée de ses écrits précédents. Nous voudrions juste relever l'insondable hypocrisie de la phrase "nous ressentons un choc douloureux face à ce nouvel épisode". En réalité, l'attitude des membres de la "FICCI" que nous avons croisés quelques jours après la publication de l'article du Prolétaire parle d'elle-même : ce n'est pas la "douleur" qu'on pouvait lire sur leur visage, mais une jubilation ostensible.
Si c'est de façon sincère que les militants du PCI ne souhaitaient pas "prendre parti", on peut donc constater qu'ils ont singulièrement manqué leur coup.
Dans notre communiqué sur l'exclusion de Jonas, nous écrivions, comme on l'a déjà vu plus haut : "ce dont nous sommes sûrs, c'est qu'il (Jonas) représente un danger pour le milieu politique prolétarien". Cette affirmation s'est pleinement confirmée avec la politique manœuvrière que Jonas et sa "fraction" ont menée en direction des groupes de la Gauche communiste. Après avoir refusé de se défendre en faisant appel devant un Jury d'honneur, Jonas s'est servi de sa "fraction" pour tenter de "mouiller" le BIPR et le pousser à participer à la campagne de calomnies contre le CCI. Comme nous l'écrivions dans RI n° 324, la "manœuvre consistant à rendre publique la discussion que la 'fraction' a eue avec le BIPR ne peut que contribuer à discréditer ce dernier au sein du milieu politique prolétarien. Et c'est bien l'objectif que visait Monsieur Jonas : piéger le BIPR et le discréditer tout en semant la zizanie entre les groupes du courant de la Gauche communiste."
Aujourd'hui, c'est au tour du PCI de se laisser enrôler dans la guerre de la "fraction" de Monsieur Jonas contre le CCI. En entraînant les groupes de la Gauche communiste dans ses campagnes contre le CCI, Jonas, avec le soutien de ses fidèles, ne fait que poursuivre à l'extérieur la politique ignoble - une politique parfaitement consciente, délibérée et planifiée -qu'il avait menée à l'intérieur du CCI lorsqu'il avait tenté de semer la suspicion entre les militants pour les monter les uns contre les autres[12] [220].
Les questions restent posées : pourquoi le PCI a-t-il fait preuve d'une telle complaisance envers la prétendue "fraction" ? Pourquoi s'est-il précipité pour publier un article prenant fait et cause pour la "fraction" et portant de graves accusations contre le CCI, sans nous avoir demandé plus de précisions comme nous lui en faisions la proposition dans notre lettre du 6 février 2002 qui se terminait ainsi : "Nous sommes évidemment à votre disposition pour vous donner plus d'éléments sur cette affaire si vous le souhaitez." ? Pourquoi a-t-il cru sur parole son militant de Toulouse et a-t-il fait état publiquement de ses dires sans même nous demander des explications ?
On comprend que la "FICCI", dès qu'elle a pris connaissance de l'article du Prolétaire et sans savoir de quoi il s'agissait, se soit précipitée comme une nuée de vautours pour "se solidariser avec le militant du PCI victime de cette agression" et pour conclure que cet incident était "la dernière illustration d'une dynamique opportuniste et sectaire qui s'est ouvertement développée d'abord au sein du CCI… et aujourd'hui vis-à-vis de tout le milieu politique vu comme un ennemi de classe." Pour Jonas et ses acolytes, tout ce qui peut jeter la boue sur le CCI est bon à prendre.
Mais qu'en est-il pour le PCI ?
Faut-il penser que cette organisation a été sensible aux campagnes de séduction que la "FICCI" a lancées en direction des groupes de la Gauche communiste afin de "se les mettre dans la poche" contre le CCI ?
De ce type de campagne, plusieurs militants du PCI ont pu être témoins lors de la réunion de lecteurs tenue par cette organisation le 28 septembre à Paris. Dans cette réunion consacrée à la question palestinienne, un militant du PCI a commencé par présenter la position classique de son organisation (qu'on peut retrouver dans un long article du Prolétaire n° 463, "Aux prolétaires israéliens, Aux prolétaires palestiniens, Aux prolétaires d'Europe et d'Amérique"). Les militants du CCI présents ont à leur tour présenté leur propre position critiquant celle du PCI. Et c'est justement au cours d'une intervention d'un de nos camarades, que la représentante de la "FICCI", Sarah, lui a coupé la parole à deux reprises pour dire en substance "mais ce n'est pas ce que dit le PCI", à quoi notre camarade a répondu, à deux reprises, que le PCI était assez grand pour rectifier lui-même si c'était nécessaire. En revanche, elle n'a à aucun moment pris la parole pour défendre la position du CCI sur la question nationale et coloniale (dont pourtant la "FICCI" continue de se réclamer). Ce n'est qu'à la fin de la réunion, et après un coup de chapeau à la présentation faite par le PCI sur la question palestinienne (même si elle admettait du bout des lèvres qu'il y ait des désaccords), que Sarah a fait une intervention, mais sur un sujet qui n'était pas directement à l'ordre du jour : la situation en Argentine. Et cette intervention était consacrée à dénoncer avec véhémence "l'indifférentisme" du CCI à propos des mouvements qui s'étaient produits dans ce pays à la fin 2001. Il faut d'ailleurs noter qu'elle n'a pas dit un mot de critique sur l'article publié dans Le Prolétaire n° 460 ("Les cacerolazos ont pu renverser les présidents, Pour combattre le capitalisme, il faut la lutte ouvrière") qui présente pourtant une analyse très proche de la nôtre (voir "Argentine, Une manifestation de la faillite du capitalisme", RI n° 319). La référence à "l'indifférentisme" du CCI était évidemment une grosse ficelle puisque c'est ainsi que le PCI qualifie souvent notre position sur la question nationale.
Sincèrement, les manœuvres de séduction de la part de Sarah étaient si grossières et empreintes d'une telle démagogie que nous avons peine à croire qu'elles aient pu avoir un impact sur les militants du PCI. Un militant communiste sérieux n'est pas comme le Corbeau sur son arbre et lorsqu'on vient le flatter comme l'a fait, tel le Renard de la fable, la représentante de la "FICCI", sa réaction normale doit être plutôt le scepticisme et la prudence pour ne pas lâcher son fromage au premier parasite venu !
C'est pour cela qu'il existe sûrement d'autres causes à la bienveillance manifestée par le PCI envers la "FICCI". Une de ces causes est peut-être que les militants du PCI, traumatisés par le régime interne qui existait par le passé dans l'organisation bordiguiste où le "monolithisme" était la règle officielle, ont tendance à prendre spontanément le parti de ceux qui se présentent comme "opprimés par les méthodes staliniennes du CCI", sans chercher à en savoir plus. En fait, leur réaction serait un peu sur le même modèle que celle des conseillistes qui, parce que les partis communistes sont devenus à un moment donné des ennemis du prolétariat, en déduisent que tout parti est destiné à trahir celui-ci et qu'il faut donc rejeter par principe toute tentative de constituer un parti révolutionnaire.
Mais il existe probablement une autre raison, plus fondamentale, à la démarche du PCI. Celui-ci, comme tous les autres PCI (Programma et Il Partito) considère qu'il est LE Parti, tous les autres groupes du courant de la Gauche communiste n'étant que des usurpateurs. La conception bordiguiste, contrairement à celle du CCI et de la Gauche italienne de la période de Bilan, considère qu'il ne peut exister qu'une seule organisation révolutionnaire au monde. La conséquence logique de cette vision est de renvoyer dos à dos le CCI et la "fraction" qui officiellement défendent la même position. C'est d'ailleurs ce que prétend faire le PCI dans son article. Mais s'il prend en réalité parti pour la "fraction", comme on l'a vu, c'est que la conception du "PCI seul au monde" conduit à la vision que les seuls rapports pouvant exister entre deux organisations se réclament de la Gauche communiste sont des rapports de rivalité et de concurrence. De ce fait, on aboutit à l'idée que tout ce qui peut discréditer les autres organisations est positif puisque cela "fait de la place" pour sa propre organisation. Si la "FICCI" peut créer des ennuis au CCI, considéré par le PCI comme un concurrent, et le discréditer, c'est bon à prendre. Telle est probablement la logique, même si elle n'est pas totalement consciente, qui explique l'accès spontané de sympathie qu'à provoqué la "FICCI" auprès des militants du PCI.
En 1978, lorsque le PCI avait été invité à participer à la deuxième conférence des groupes de la Gauche communiste, il avait annoncé son refus par un article publié dans Programma Comunista[13] [221] sous le titre élégant de "La lutte entre Fottenti et Fottuti" (littéralement, entre "enculeurs et "enculés"). Pour le PCI, cette conférence n'avait d'autre signification que de permettre à chacun des groupes d'essayer de "baiser" les autres. Voilà la vision qu'avait cette organisation des rapports entre groupes de la Gauche communiste.
Le PCI d'aujourd'hui ne tient plus ce même langage et il a fait la critique de certaines de ses erreurs passées. Cependant, nous pensons qu'il lui reste encore un effort à faire pour se dégager totalement de la logique des "fottenti" et "fottuti" sachant que, jusqu'à présent, il n'a jamais fait la moindre critique de cette conception exprimée par le peu glorieux article de Programma Comunista.
En tout cas, même si le PCI n'avait pas l'intention d'être le "fottento" du CCI, ce qui est sûr c'est qu'il est bien parti pour être le "fottuto" de Jonas et de sa "fraction" !
CCI (21 octobre 2002)
[1] [222] Il s'agit du PCI qui publie en Italie Il Comunista à ne pas confondre avec le PCI qui publie dans ce pays Il Programma Comunista et les Cahiers internationalistes en France ni avec le PCI qui publie Il Partito Comunista et La Gauche Communiste, chacun de ces trois PCI se désignant comme le véritable représentant du courant de la Gauche communiste d'Italie animé par Amadeo Bordiga après la seconde guerre mondiale.
[2] [223] Voir à ce propos nos articles "Le combat pour la défense des principes de fonctionnement de l'organisation", "Le combat pour la défense des principes du mouvement ouvrier" et "Un groupe parasitaire qui sert admirablement la bourgeoisie" respectivement dans Révolution internationale n° 323 [224], 324 [225] et 326 [226] ainsi que "Le combat pour la défense des principes organisationnels [227]" dans la Revue internationale n° 110.
[3] [228] Voir à ce sujet notre article "Le combat des organisations révolutionnaires contre la provocation et la calomnie" dans RI n° 321 [229].
[4] [230] Malgré cette lettre, la FICCI a le culot d'écrire dans son Bulletin n°13 : "nous voulons affirmer que pour notre part, nous n'avons jamais demandé à personne de prendre parti entre le CCI et la Fraction". C'est un nouveau mensonge éhonté de la "FICCI" bien dans la tradition de ce regroupement qui semble avoir fait sienne la devise de Goebbels, chef de la propagande nazie : "Un mensonge mille fois répété devient une vérité".
[5] [231] BIPR (Bureau International pour le Parti Révolutionnaire - www.ibrp.org [232]) : groupe se revendiquant de la Gauche communiste italienne constitué par le Partito Comunista Internazionalista en Italie et la Communist Workers' Organisation en Angleterre.
[6] [233] Il faut noter que ces attaques étaient portées essentiellement de façon verbale par les militants du PCI et qu'on en trouve très peu d'exemples dans ses publications. En effet, à cette époque, alors que le PCI représentait à l'échelle internationale l'organisation la plus importante se réclamant de la Gauche communiste et qu'il affichait un dédain transcendantal à l'égard du CCI, sa presse ne daignait pas polémiquer avec la nôtre, sinon de façon exceptionnelle. Ce n'est plus le cas aujourd'hui, ce qu'évidemment nous saluons, sauf lorsque cette polémique se base sur des rumeurs infondées et non sur des réalités.
[7] [234] Néanmoins, les camarades du PCI semblent toujours se revendiquer de ce "monolithisme" conduisant à exclure les "dissidents". C'est bien ce dont témoigne ce passage de l'article que Le Prolétaire a publié récemment, "En mémoire de Suzanne Voute" :
"Marginalisée dans le Parti, Suzanne cessa dès lors sa participation à la presse et aux organes centraux. De plus en plus réticente à l'activité qui était menée, elle bascula dans l'opposition ouverte à la fin des années soixante dix, quand commencèrent à se manifester les premiers signes d'une nouvelle crise politique, en accusant le Parti d'être tombé dans l'activisme et la direction de se faire l'agent d'influences opportunistes. Les divergences étaient telles qu'elles poussèrent Suzanne et les camarades qui la suivaient à constituer une sorte de groupe fractionniste à l'intérieur du Parti. L'impossibilité du travail en commun et la volonté de sa part et des militants qui partageaient ses orientations de ne pas quitter l'organisation en dépit de la rupture politique advenue dans les faits, conduisirent à la décision de les exclure en 1981." (Le Prolétaire n° 461, mars-avril 2002). Nous voulons relever ici que, aux dires même du Prolétaire, l'exclusion de Suzanne Voute était basée sur le fait qu'elle exprimait des désaccords avec l'orientation du PCI à cette époque et non sur ses comportements au sein de l'organisation. Le Prolétaire pourrait d'ailleurs nous dire si Suzanne, par exemple, racontait dans les couloirs ou à l'extérieur que tel militant du PCI était un "flic", etc. Pour ce qui concerne le CCI, les seules exclusions qu'il ait prononcées faisaient suite à la mise en évidence de "comportements indignes d'un militant communiste" (Chénier en 1981, Simon en 1995, Jonas au début 2002). Pour ce qui concerne l'exclusion de Jonas, la seule que nous ayons prononcée dernièrement (puisque, contrairement à ce qu'ils racontent, les autres membres de la "fraction" n'ont pas été exclus), le critère retenu n'avait rien à voir avec des "divergences politiques" qu'il n'a d'ailleurs jamais exprimées, mais sur le fait, comme c'est dit plus haut, qu'il avait "adopté des comportements dignes de ceux d'un agent provocateur".
[8] [235] Il faut mesurer la gravité d'une telle accusation contre des militants communistes, surtout après les campagnes orchestrées par la bourgeoisie assimilant la Gauche communiste qui a refusé de marcher dans l'antifascisme au cours de la seconde guerre mondiale aux écoles "révisionnistes" qui remettent en cause l'extermination des juifs par les nazis et alimentent la propagande de l'extrême droite. Lorsque le PCI avait subi, il y a quelques années, une attaque sur ce thème (du fait qu'il avait publié l'excellente brochure "Auschwitz ou le grand alibi"), nous lui avions apporté, évidemment, notre pleine solidarité.
[9] [236] A Toulouse, depuis l'explosion de l'AZF l'an dernier, il est extrêmement difficile de trouver des salles de réunion.
[10] [237] Ainsi, lors de la fête de Lutte Ouvrière du printemps 2000, un de nos militants, Juan, aujourd'hui membre éminent de la "fraction", s'était montré très agressif (et de plus publiquement sous les yeux des militants de LO qui assistaient au "spectacle"), envers un vieux camarade qui voulait quitter notre organisation avec la perspective d'intégrer le BIPR. Nous lui avions demandé de se calmer et par la suite nous avons fait la critique de son comportement inadmissible. En même temps, nous avions fait nos excuses au camarade qui avait été rudoyé et qui estimait que le comportement agressif de Juan traduisait un certain "sectarisme" de notre part envers le BIPR. C'est d'ailleurs le même Juan qui s'est jeté rageusement sur l'un de nos camarades et lui a donné un coup de pied lorsqu'une délégation du CCI s'est présentée chez un membre de la "fraction" pour faire l'inventaire des documents appartenant au CCI qui étaient entreposés chez lui. Cette agression physique envers notre militant a fait suite à une provocation de Jonas. En effet, alors qu'il n'avait pas à participer à cet inventaire, Jonas était présent (à notre grande surprise !) et prenait ostensiblement des notes de la discussion entre nos camarades et les membres de la FICCI. C'est après que l'un de nos camarades ait pris des mains de Jonas (sans même effleurer celui-ci) le bout de papier sur lequel il écrivait que Juan s'est violemment jeté sur notre militant.
[11] [238] A l'appui de cette hypothèse, il y a notamment son obsession, sans le début d'une preuve, sur le prétendu "antisémitisme" de certains de nos militants et les insultes grossières qu'il adresse à nos militants et sympathisants.
[12] [239] D'ailleurs, comme par hasard, c'est après la publication de cet article du Prolétaire, que Jonas est enfin sorti de l'ombre, comme en témoigne le fait qu'il a trouvé l'audace de signer une "contribution" (sur les élections en Allemagne) publiée sur le site Internet de la FICCI (alors que pendant les trois décennies qu'il a passées dans le CCI, il n'a JAMAIS fait la moindre contribution écrite aux débats). Convaincu qu'il a maintenant des "alliés" parmi les groupes de la Gauche communiste, l'éminence grise de la FICCI peut désormais se donner une respectabilité en faisant sa première apparition "publique" à travers cet article (même s'il reste confortablement installé dans ses pantoufles et préfère envoyer ses amis de la FICCI aux permanences du PCI). Pour notre part, nous continuons à exiger que Jonas fasse appel à un Jury d'honneur. Tant qu'un tel jury n'aura pas statué sur son cas, nous estimons que cet individu n'a aucun droit de cité dans le milieu politique prolétarien.
[13] [240] Qui était son journal en Italie avant la scission entre Il Comunista et Programma.
La presse s'est récemment fait
l'écho de prétendus bouleversements du système de l'échange, en particulier en
Argentine où pendant des mois il n'était plus possible de retirer des pesos et
plus généralement de l'argent dans les banques."En Argentine, le troc est devenu un moyen de survie face à la crise
économique. Ils sont plus de 6 millions, près du quart de la population à s'y
adonner et à participer ainsi à une véritable économie parallèle. Un essor
exceptionnel qui accompagne celui du chômage et de la pauvreté." (Libération du 22 août 2002) D'après cet
article,"il existe à présent 8 000
clubs (de troc) dans le pays. Le premier d'entre eux est né en 1995, dans la
banlieue de Buenos Aires, à l'initiative d'une dizaine de personnes (...) La
vitesse avec laquelle (cette expérience) se développe en Argentine est sans
précédent." En quoi consiste ce "troc" ? "Pour faciliter les échanges, les membres
peuvent échanger des biens contre des creditos, une monnaie officieuse qui se
présente sous forme de coupons d'une à cinquante unités. On peut s'en servir
pour acheter des biens ou se procurer des services, s'offrir des leçons
d'anglais, des consultations de médecins ou d'avocats."
Que signifie ce "retour au troc" ? Le
troc direct peut-il exister dans la société actuelle ? Non, car le troc
véritable ne correspond qu'à une forme ancestrale, à une forme primitive de la
production et de l'échange. Marx soulignait que "le troc direct qui est la
forme primitive de l'échange représente plutôt le début de la transformation
des valeurs d'usage en marchandises que celle des marchandises en argent. C'est
seulement lorsqu'elles dépassent la quantité exigée pour la consommation que
les valeurs d'usage deviennent des moyens d'échange(...) ; l'extension
progressive du troc, la multiplication des échanges et la diversification des
marchandises échangées font évoluer la marchandise vers la valeur d'échange,
poussent à la création de la monnaie et exercent par-là une action dissolvante
sur le troc direct." (Critique de l'Economie politique, Editions La Pléiade, Œuvres économiques, vol 1,
p.302)
Ces temps définitivement révolus correspondent historiquement à la première
manifestation de la nécessité vitale pour les sociétés humaines de surmonter
leur état de dépendance envers les forces de la nature, la pénurie
conditionnant leur soumission aux lois de l'économie. Cette première étape vers
la division du travail et vers l'apparition des sociétés de classes constituait
déjà le début de la privation, de l'aliénation des produits du travail social.
Marx écrivait :"L'échange ou le troc
est l'acte social, l'acte générique, la communauté, le commerce social et
l'intégration des hommes au sein de la propriété privée. C'est un rapport
aliéné. C'est pourquoi il apparaît comme troc et il est à la vérité le
contraire du rapport social." (Manuscrits de 1844, Economie et
philosophie, Œuvres, Editions La Pléiade
vol. 2, p. 25). Marx établit qu'il s'agit d'une première ébauche de la
dépossession de l'homme de ses outils et de sa production matérielle :"de même que l'échange des produits de
l'activité humaine apparaît comme troc ou trafic, de même l'intégration
réciproque et l'échange de l'activité humaine apparaissent comme division du
travail qui change l'homme en un être abstrait, en une machine-outil pour le
réduire en un monstre physique et intellectuel." (Manuscrits de 1844,
p. 27) C'est pourquoi il n'y a aucun idyllisme à avoir par rapport à cette
phase nécessairement transitoire, produit d'un certain stade de la division du
travail, qu'ont pu exprimer à un moment historiquement déterminé et
irrémédiablement dépassé les communautés primitives.
La presse bourgeoise est d'ailleurs contrainte de reconnaître une telle partie de la réalité qui crève les yeux : "le mot 'troc' souvent employé, séduit par son côté archaïque évoquant l'achat direct d'une tranche de jambon contre une coupe de cheveu. (…) Mais il ne faut pas s'y tromper : le crédito, destiné à organiser ce troc à grande échelle est avant tout une monnaie, tout comme l'euro ou le dollar.(...) Plus de 200 millions de coupures de 'creditos' du réseau sont en circulation, soit 80 % des monnaies existant en Argentine (…) Monnaie privée, parallèle, alternative, l'image d'expériences de plus en plus nombreuses menées partout dans le monde depuis une quinzaine d'années, de Toulouse à l'Australie, en passant par l'Angleterre (…) Ainsi, en Angleterre, les LETS (local exchange trading systeme) se sont fortement développés dans les quartiers pauvres de Manchester ou Liverpool. (…) A chaque fois, le principe est le même : une communauté, plus ou moins étendue géographiquement, crée sa propre unité de compte pour échanger hors du circuit marchand classique, avec sa banque centrale, ses impôts et sa circulation monétaire. L'exemple le plus connu est celui des SEL (systèmes d'échange local), un modèle né à Vancouver, au Canada en 1983. En France, le premier est apparu en 1994. Aujourd'hui, le site Internet Selidaire en recense plus de 300 avec 25.000 membres."
Cependant, il n'en fallait pas plus pour qu'un certain nombre d'adeptes de la "lutte contre la mondialisation" se jettent sur ce "nouveau phénomène de société"en prônant cette forme d'échange qui permet "une certaine redistribution des richesses pour les plus démunis", semant ainsi un certain nombre de vieilles illusions sur la possibilité de transformer la répartition des richesses en agissant sur la monnaie. Ainsi, au Forum social mondial qui s'est tenu précisément à Buenos Aires le 22 août dernier (inspiré par les forums de Porto Alegre) et qui a accueilli plus de 400 ONG (dont Médecins du Monde, Greenpeace, Amnesty International) et 500 délégations étrangères issues du "mouvement citoyen" dont Attac, ce système a été présenté comme "un moyen de contester le système économique libéral", "un défi à la globalisation" et une "alternative possible au capitalisme". On nage là en pleine idéologie mensongère et mystificatrice.
Ainsi, dans une interview au journal Libération, un zélé propagandiste du modèle argentin du troc se targue d'avoir contribué à créer "une monnaie qui serve exclusivement à échanger et non pas à spéculer". Ces vantardises ne sont que des élucubrations qui ont été dénoncées et balayées il y a près d'un siècle et demi par Marx dès qu'il a amorcé l'étude du capital et la critique de l'économie politique.
Pour démontrer l'inanité de tels propos, il faut d'abord comprendre de quel processus est issue la monnaie en revenant à la démarche et à la méthode de Marx lui-même. “Un produit est d'abord le produit d'une activité humaine, d'un travail humain. Dès qu'il se présente sous la forme d'une marchandise à échanger contre une autre, il revêt une valeur d'échange. Et la valeur d'échange de cette marchandise est déterminée par la quantité de travail nécessaire pour la produire. Sa valeur est liée au temps de travail matérialisé, cristallisé en elle (y compris dans la fabrication de l'outil ou de la machine nécessaire à sa production). Marx ajoute que "la valeur d'échange de la marchandise, forme d'existence autonome à côté de la marchandise, c'est la monnaie (...) forme à laquelle se réduisent toutes les marchandises et se dissolvent : l'équivalent général"(Fondements de la Critique de l'Economie politique "Grundrisse", vol 1, p.129, Ed 10/18). Il est donc fondamental de rappeler que "le rapport selon lequel telle marchandise s'échange contre de l'argent, autrement dit, la somme d'argent nécessaire à l'échange d'une certaine quantité de marchandise, est déterminé par le temps de travail matérialisé en elle" (Ibid , p. 157). La monnaie représente ainsi deux choses : d'une part, elle est une marchandise comme une autre, d'autre part elle sert d'équivalent général dans l'échange, c'est-à-dire que la monnaie sert d'équivalent à la valeur du temps de travail contenu dans toute marchandise. De ce fait, la monnaie acquiert une valeur particulière, indépendante mais en même temps elle est étroitement liée aux autres marchandises et au temps de travail qu'elle matérialise. La monnaie constitue ainsi une base essentielle et indispensable du développement de l’échange, de l'achat, de la vente des biens et des services, bref du commerce marchand. Parce qu'elle a cette double dimension contradictoire, qu'elle est à la fois une marchandise qui peut être stockée et thésaurisée pour elle-même comme une autre marchandise et parce qu'elle constitue en même temps la mesure de l'échange, la monnaie devient rapidement un objet autonome de commerce (développement des prêts, de l'usure, des banques, du capital financier en général). La monnaie se trouve au cœur de l'échange : avoir plus de monnaie, c'est pouvoir acquérir davantage de marchandises, mais c'est aussi la base de l'accumulation du profit et de la réalisation de la plus-value à travers l'exploitation de la force de travail et le salariat. C'est pourquoi la monnaie est par excellence objet de spéculation.
Par conséquent, le projet d'une monnaie qui serve à échanger et non pas à spéculer est une pure fumisterie idéologique, de la vulgaire poudre aux yeux.
Une des conclusions et des conséquences de cette analyse marxiste, c'est que, du fait que "la valeur d'échange du produit crée donc l'argent à côté du produit, il est impossible d'abolir les implications et les contradictions résultant de l'existence de l'argent à côté des marchandises particulières, en modifiant simplement la forme de l'argent." (Grundrisse, p. 135)
Comme Marx écrivait dans les Grundrisse que "l'anatomie de l'homme donne la clé de l'anatomie du singe" (p. 67), on pourrait dire que la généralisation de la monnaie de singe, caractéristique des délires du marché capitaliste actuel en crise permanente (développement effréné des actions, de la Bourse, de la "nouvelle économie" et de ce qu'on peut appeler une "économie de casino") donne la clé du rôle spéculatif de la monnaie.
A l'époque Marx raillait impitoyablement un
certain Darrimon et les proudhoniens qui imaginaient qu'il suffisait de prendre
un autre équivalent général que l'or ou l'argent dans l'échange pour réguler le
marché financier ou pour redistribuer les richesses[1] [241] :
"Nous touchons ici à la question
fondamentale : (...) en termes généraux, elle se pose ainsi : est-il possible
de révolutionner les rapports de production et de distribution existants en
transformant l'instrument et l'organisation de la circulation ? En outre,
est-il possible de réaliser une telle transformation de la circulation sans
toucher aux conditions de production établis et aux rapports sociaux qui en
découlent ?" (Grundrisse p.
95). Et Marx établit qu'à partir du moment où l'homme est devenu marchandise en
étant contraint de vendre sa force de travail, c'est-à-dire ce qui constitue la
spécificité universelle de la société capitaliste entièrement vouée au profit,
il existe "la possibilité d'échanger
n'importe quel produit, activité et rapport contre autre chose qui peut
s'échanger à son tour contre n'importe quoi, sans distinction aucune ;
autrement dit, le développement de la valeur d'échange et des rapports
monétaires correspond à une vénalité et une corruption générales. La
prostitution générale -ou si l'on veut s'exprimer plus poliment : le principe
général d'utilité- est une phase nécessaire de l'évolution générale des
dispositions, facultés et capacités humaines" (Grundrisse, p. 164).
Marx démontrait alors que "tant
qu'elle reste une forme de l'argent et tant que l'argent reste un rapport
essentiel de la production, aucune de ces formes ne peut abolir les
contradictions inhérentes au rapport monétaire lui-même : elle ne peut que les
reproduire sous une forme ou sous une autre." (Grundrisse p. 56)
Non seulement, il n'est pas possible d'échapper aux lois générales du marché : "du fait que le produit du travail et le travail lui-même sont soumis à l'échange, (...) comme la monnaie s'introduit dans l'échange, je suis obligé d'échanger mon produit contre la valeur d'échange générale ou contre l'objet dont l'échangibilité est universelle, ainsi mon produit tombe sous la dépendance du commerce général et se trouve arraché à ses limites locales" (Grundrisse Trad. La Pléiade, vol. 2, p. 202) mais il est illusoire de croire qu'il suffit d'agir sur la monnaie, ou bien sa circulation ou encore qu'il suffit de changer d'équivalent général permettant l'échange, qu'on remette en cause l'or, l'argent, le dollar ou le peso, pour abolir ou réformer les rapports marchands, comme pour redistribuer les richesses sociales.
Une telle vision ne saurait être que totalement idéaliste parce que "pas plus que l'Etat, la monnaie n'est le fruit d'une convention, car elle surgit spontanément de l'échange dont elle est le produit" (Grundrisse, 10/18, p. 168). Et cette illusion rejoint la vision idéologique bourgeoise des économistes à laquelle Marx s'en prend dès son Introduction aux Grundrisse : "Les économistes prétendent que la production, par rapport à la distribution est soumise à des lois éternelles de la nature indépendantes de l'histoire : bonne occasion pour insinuer que les rapports bourgeois sont des lois naturelles et indestructibles de la société conçue in abstracto.Dans la distribution en revanche les hommes pourraient se permettre toutes sortes de fantaisies. C'est introduire une coupure brutale entre la production et la distribution et leur rapport réel (...) or, un produit ne devient réellement produit que dans la consommation qui crée à son tour, anime la production parce qu'elle crée le besoin d'une production nouvelle et que sans besoin, nulle production. C'est ainsi que la consommation représente un élément de la production."(p. 37)
En fait Marx explique que "la circulation proprement dite, ce n'est qu'un moment déterminé de l'échange, ou bien, c'est l'échange considéré dans son ensemble (...) mais il n'y a pas d'échange sans division du travail, l'échange privé implique la production privée et l'intensité comme l'extension de l'échange et sa structure sont déterminées par le développement et l'organisation de la production. La production englobe et détermine directement l'échange sous toutes ses formes."
Aujourd'hui, le pseudo-troc qui nous est présenté comme un modèle par certains n'est que la caricature parfaitement réactionnaire d'un prétendu retour aux temps précapitalistes, cette "forme" est de fait parfaitement intégrée aux rapports capitalistes actuels avec l'illusion anarchisante de petites communautés fédéralistes fonctionnant en autarcie. D'ailleurs, les médias bourgeois sont bien obligés de reconnaître d'emblée que "ces monnaies ne sont pas à l'abri des faux-monnayeurs, comme c'est déjà le cas en Argentine, des détournements de fonds par les gestionnaires de l'unité de compte ou autres dérapages. "Dès que ce simili troc s'affirme, il se fond dans les lois du marché mondial qui signifie une adaptation résignée à une pauvreté généralisée."(En Argentine), des 'créditos' falsifiés se répandent dans les pays. Parfaitement imités, ils sont couramment acceptés dans les clubs. La confiance, clé du système, est ébranlée." Et la loi du profit capitaliste comme l'ensemble de ses mécanismes s'y illustrent de manière éclatante. Dans certains clubs de Buenos Aires, les prix flambent. D'un endroit à l'autre, le prix du litre d'huile peut varier de 15 à 1000 'creditos'.
De fait, la prétendue "nouvelle économie parallèle" n'est qu'une forme particulière du vulgaire "marché noir" qui prospère particulièrement en temps de guerre ou aux plus beaux jours des régimes staliniens, mais qui est un phénomène général, indissociable du capitalisme d'Etat, forme de domination universelle du capitalisme décadent. Aujourd'hui elle est un produit d'un système en crise permanente qui signifie que le développement des forces productives est en contradiction ouverte et permanente avec les rapports de production capitalistes depuis près d'un siècle. C'est non seulement une belle mystification mais un vrai révélateur de la faillite du capitalisme et de l'impossibilité de le réformer ou de l'aménager. Face à cette faillite, pour abolir la pauvreté et le chômage auxquels le capitalisme réduit une partie croissante de l'humanité, il est nécessaire de détruire de fond en comble ce système d'exploitation et d'anéantir le salariat et ses rapports de production. La classe ouvrière est la seule classe ayant la responsabilité historique et la capacité d'affirmer comme de réaliser cette perspective permettant la libération des forces productives accumulées au cours des siècles du carcan dans lequel les enferme le capitalisme décadent. De son émancipation dépendent le sort et l'émancipation de toute l'humanité. Son programme ne peut être que l'édification d'un nouveau type de société, le communisme, basé non sur le profit et l'exploitation mais sur la satisfaction des besoins de chacun au sein de la collectivité et permettant le plein épanouissement des ressources et des activités humaines.
Wim (23 octobre)[1] [242] Si l'or a longtemps servi d'équivalent général de référence du fait de sa valeur comme métal, il est significatif que les Etats-Unis aient pu imposer le dollar comme valeur monétaire d'échange sur le commerce mondialisé lors des accords de Brettons Wood en 1972, concrétisant ainsi leur domination économique mais aussi impérialiste. De même, la reconnaissance générale du papier-monnaie, puis des chèques et aujourd'hui des cartes de crédit démontre que la forme de l'argent est tout à fait secondaire et ne change rien aux rapports de production capitalistes.
Depuis la fin des années 1980, le terrorisme occupe régulièrement la une de l’actualité internationale. Pour la bourgeoisie des grandes puissances, il est devenu” l’ennemi public numéro un”. Et c’est au nom de la lutte contre la barbarie du terrorisme que les deux principales puissances qui étaient à la tête des blocs de l’Ouest et de l’Est, les États-unis et la Russie, ont déchaîné la guerre en Afghanistan et en Tchétchénie.
De façon générale, le terrorisme se définit comme l’action violente de petites minorités en révolte contre la domination écrasante de l’ordre social existant et de son État. Ce n’eut pas un phénomène nouveau dans l’histoire. Ainsi, à la fin du 19e siècle, les populistes russes avaient fait du terrorisme un instrument de premier plan de leur combat contre la domination du tsarisme. Peu après, dans des pays comme la France et l’Espagne par exemple, il avait été repris à leur compte par certains secteurs de l’anarchisme. Tout au long du 20e siècle, le terrorisme a continué à se développer et a notamment accompagné de façon assez fréquente les mouvements d’indépendance nationale, comme on a pu le voir avec l’IRA irlandaise, I’ETA du Pays basque, le FLN pendant la guerre d’Algérie, l’OLP palestinienne, etc. Il a même été utilisé au lendemain de la seconde guerre mondiale par certains secteurs du mouvement sioniste en vue de la constitution de l’État d’Israël (Menahem Begin, un des plus célèbres premiers ministres d’Israël -et signataire des accords de Camp David en 1979- avait été dans sa jeunesse un des fondateurs de l’Irgoun, groupe terroriste juif qui s’était illustré par ses attentats contre les anglais).
Ainsi, le terrorisme, non seulement a pu se présenter (surtout à la fin du 19e et au début du 20e siècle) comme un moyen de la lutte des opprimés contre la domination de l’État, mais il a constitué (principalement au 20e siècle) un instrument de premier choix de certains mouvements nationalistes en vue de la constitution de nouveaux États. Il est clair qu’il ne peut rien exister de commun entre ces dernières formes de terrorisme et la lutte du prolétariat puisque celle-ci, qui est par essence internationaliste, n’a pas pour vocation de participer à la création de ces institutions bourgeoises que sont les États nationaux.
Qu’en est-il cependant de l’utilisation d’actes de terrorisme pour mener le combat contre l’État bourgeois? La question vaut d’être posée puisque, aussi bien certains mouvements anarchistes qui affirmaient lutter pour l’émancipation de la classe ouvrière, que, plus récemment, des groupes se réclamant de la révolution communiste ont revendiqué le terrorisme comme arme du combat de la classe ouvrière et ont pu, de ce fait entraîner derrière eux des groupes d’ouvriers sincères. Ce fut notamment le cas, au cours des années 1970, des Brigades Rouges en Italie.
En réalité ce terrain de la violence et de la lutte armée minoritaire, n’est pas celui de la classe ouvrière. C’est celui de la petite bourgeoisie désespérée, c’est-à-dire d’une classe sans devenir historique qui ne peut jamais s’élever à des actions de masse et qui est l’émanation de volontés individuelles et non de l’action généralisée d’une classe révolutionnaire. En ce sens, le terrorisme ne peut rester que sur un plan individualiste. “Son action n’est plus dirigée contre la société capitaliste et ses institutions, mais seulement contre des individualités (ou des symboles, telles les Tours jumelles, symbole de la puissance économique des États-Unis) représentatives de cette société. Il prend donc inévitablement l’aspect d’un règlement de compte, d’une vengeance, d’une vendetta, de personne à personne et non celui d’un affronte ment révolutionnaire de classe contre classe. D’une façon générale, le terrorisme tourne le dos à la révolution qui ne peut être que l’oeuvre d’une classe déterminée, engageant de larges mas ses dans une lutte ouverte et frontale contre l’ordre existant et pour la transformation sociale”. (Revue Internationale n° 15, “Terrorisme, terreur et violence de classe”).
Ainsi, le prolétariat ne peut jamais développer sa lutte contre le capitalisme à travers les méthodes conspiratives et individualistes propres au terrorisme. Le terrorisme, comme pratique, reflète parfaitement son contenu: quand il n’est pas un instrument de certains secteurs de la bourgeoisie elle-même, il est l’émanation des couches petites-bourgeoises. Il est la pratique stérile des couches sociales impuissantes et sans devenir.
De tous temps la classe dominante a utilisé le terrorisme comme instrument de manipulation, aussi bien contre la classe ouvrière que dans ses propres règlements de comptes internes.
Du fait que le terrorisme est une action qui se prépare dans l’ombre de la petite conspiration, il offre ainsi “un terrain de prédilection aux manigances des agents de la police et de l’État et en général à toutes sortes de manipulations et d’intrigues les plus insolites”. (Revue Internationale n° 15).
Déjà au siècle dernier, les actions terroristes des anarchistes avaient été utilisées par la bourgeoisie pour renforcer sa terreur d’État contre la classe ouvrière. On peut rappeler par exemple les “lois scélérates” votées par la bourgeoisie française suite à l’attentat terroriste de l’anarchiste Auguste Vaillant qui, le 9 décembre 1893, avait lancé une bombe dans l’hémicycle de la Chambre des Députés, faisant une quarantaine de blessés. Cet attentat avait été manipulé par l’État lui-même. En effet, Vaillant avait été contacté par un agent du Ministère de l’Intérieur qui, s’étant fait passer pour un anarchiste, lui avait prêté de l’argent et expliqué comment fabriquer une bombe artisanale (avec une marmite et des clous) à la fois fracassante et pas trop meurtrière[1] [243]. Dans la mesure où l’aile gauche de la bourgeoisie (notamment les radicaux) aiguillonnée par le groupe socialiste, représenté au Parlement et dirigé par Jaurès, se serait inévitablement opposé aux restrictions du droit d’association, les secteurs les plus réactionnaires de la bourgeoisie devaient contourner, avec un incroyable machiavélisme, les règles de la démocratie parlementaire pour faire adopter des mesures contre la classe ouvrière. L’attentat d’Auguste Vaillant avait ainsi servi de prétexte à la classe dominante pour faire voter immédiatement des mesures d’exception contre les socialistes réprimant la liberté d’association et de la presse.
De même, dans les années 1970, les gigantesques campagnes anti-terroristes orchestrées par la bourgeoisie suite aux affaires Schleyer en Allemagne et Aldo Moro en Italie ont servi de prétexte à l’État pour renforcer son appareil de contrôle et de répression contre la classe ouvrière.
Il a été démontré par la suite que la bande à Baader et les Brigades Rouges avaient été infiltrées respectivement par les services secrets de l’Allemagne de l’Est, la Stasi, et les services secrets de l’État italien. Ces groupuscules terroristes n’étaient en réalité rien d’autre que les instruments des rivalités entre cliques bourgeoises.
L’enlèvement d’Aldo Moro par un commando d’une efficacité militaire et son assassinat le 9 mai 1978 (après que le gouvernement italien ait refusé de négocier sa libération) n’étaient pas l’oeuvre de quelques terroristes illuminés. Derrière l’action des Brigades Rouges, il y avait des enjeux politiques impliquant non seulement l’État italien lui-même mais aussi les grandes puissances. En effet, Aldo Moro représentait une fraction de la bourgeoisie italienne favorable à l’entrée du PC dans la majorité gouvernementale, option à la quelle s’étaient fermement opposés les États-Unis. Les Brigades Rouges partageaient cette opposition à la politique du “compromis historique” entre la Démocratie Chrétienne et le PC défendue par Aldo Moro et faisaient ainsi ouvertement le jeu de l’État américain. Par ailleurs, le fait que les Brigades Rouges aient été directement infiltrées par le réseau Gladio (une création de l’OTAN qui avait pour mission de constituer des réseaux de résistance au cas où l’URSS envahirait l’Europe de l’Ouest) révèle que dès la fin des années 1970, le terrorisme a commencé à devenir un instrument de manipulation dans les conflits impérialistes.
Au cours des années 1980, la multiplication des attentats terroristes (comme ceux de 1986 à Paris) exécutés par des groupuscules fanatiques, mais qui étaient commandités par l’Iran, ont fait apparaître un phénomène nouveau dans l’histoire. Ce ne sont plus, comme au début du 20e siècle, des actions armées menées par des groupes minoritaires, visant à la constitution ou à l’indépendance nationale d’un État, mais ce sont des États eux-mêmes qui prennent en charge et utilisent le terrorisme comme arme de la guerre entre États.
Le fait que le terrorisme soit devenu un instrument de l’État en vue de mener la guerre marque un changement qualitatif dans l’évolution de l’impérialisme.
Dans la dernière période, on a pu constater que ce sont les deux principales puissances, les États-Unis et la Russie, qui ont utilisé le terrorisme comme moyen de manipulation pour justifier leurs interventions militaires. Ainsi, les médias eux-mêmes ont révélé que les attentats à Moscou de l’été 1999 avaient été perpétrés avec des explosifs fabriqués par des militaires et que Poutine, le chef du FSB (ex-KGB) à l’époque, en était probablement le commanditaire. Ces attentats étaient un prétexte pour justifier l’invasion de la Tchétchénie par les troupes russes.
De même, et comme nous l’avons amplement analysé dans notre presse, l’attentat du 11 septembre contre les Tours jumelles à New York, a servi de prétexte à la bourgeoisie américaine pour larguer ses bombes sur l’Afghanistan au nom de la lutte contre le terrorisme et contre les “États voyous”.
Même si l’État américain n’a pas directement commandité cet attentat, il est inconcevable d’imaginer que les services secrets de la première puissance mondiale aient été pris par sur prise, comme n’importe quelle république bananière du tiers-monde.
De toute évidence l’État américain a laissé faire, quitte à sacrifier ses Twin Towers et près de 3000 vies humaines. C’était le prix que l’impérialisme américain était prêt à payer pour pouvoir réaffirmer son leadership mondial en déclenchant l’opération “Justice illimitée” en Afghanistan. Cette politique délibérée de la bourgeoisie américaine consistant à laisser faire pour justifier son intervention militaire n’est pas nouvelle.
Elle avait déjà été utilisée en décembre 1941 lors de l’attaque japonaise à Pearl Harbor[2] [244] pour justifier l’entrée des États-Unis dans la seconde guerre mondiale et, plus récemment, lors de l’invasion du Koweït par les troupes de Saddam Hussein en août 1990[3] [245] pour déchaîner la guerre du Golfe sous la houlette de l’oncle Sam.
Mais cette politique du “laisser faire” ne consiste plus, comme en 1941 ou en 1990, à laisser l’ennemi attaquer le premier selon les lois classiques de la guerre entre États.
Ce n’est plus la guerre entre États rivaux, avec ses propres règles, ses drapeaux, ses préparatifs, ses troupes, ses champs de bataille et ses armements, qui servent de prétexte à l’intervention massive des grandes puissances.
Ce sont les attaques terroristes aveugles, avec leurs commandos de kamikazes fanatisés, frappant directement les populations civiles qui sont utilisées par les grandes puissances pour justifier le déchaînement de la barbarie impérialiste.
L’utilisation et la manipulation du terrorisme ne sont plus seulement le lot de petits États, tels la Libye, l’Iran ou d’autres du Moyen-Orient. En balayant les règles classiques de la guerre, en devenant le lot commun de toutes les nations, petites ou grandes, le terrorisme comme moyen de la guerre entre États est devenu l’une des manifestations les plus criantes du pourrissement sur pied du système capitaliste.
Aujourd’hui, le terrorisme est inséparable de l’impérialisme. Cette forme que prend désormais la guerre impérialiste est le résultat du déchaînement du chaos mondial dans lequel est entré le capitalisme depuis l’effondrement du bloc de l’Est et la dislocation du bloc occidental. Cet événement, comme nous l’avons mis en évidence, a marqué de façon spectaculaire l’entrée du capitalisme dans la phase ultime de sa décadence, celle de la décomposition[4] [246].
Depuis que nous avons développé cette analyse au milieu des années 1980[5] [247] (5), ce phénomène n’a fait que s’amplifier. C’est bien ce que traduit le développe ment et l’utilisation, sans précédent dans l’histoire, du terrorisme à l’échelle planétaire.
Le fait même que “l’arme du pauvre” qu’est le terrorisme soit désormais utilisée par les grandes puissances dans la défense de leurs intérêts impérialistes sur l’échiquier mondial est particulièrement significatif de l’enfoncement de la société dans la décomposition capitaliste.
Jusqu’à présent la classe dominante était parvenue à repousser à la périphérie du capitalisme les manifestations les plus caricaturales de la décadence de son système et de sa crise. Il en avait été ainsi des manifestations les plus brutales de la crise économique du capitalisme qui avaient d’abord affecté les pays de la périphérie. En même temps que revient en force cette crise insoluble, touchant de plein fouet le coeur même du capitalisme, les formes les plus barbares de la guerre impérialiste font maintenant leur apparition dans les grandes métropoles comme New York ou Moscou.
Par ailleurs, cette nouvelle expression de la guerre impérialiste révèle la dynamique suicidaire de la société bourgeoisie en pleine putréfaction. En effet, l’utilisation du terrorisme comme arme de la guerre s’accompagne de l’acceptation de sacrifices. Il en est ainsi non seule ment des kamikazes dont le sacrifice de leur vie est à l’image d’un monde qui se suicide, mais également de la classe dominante des États frappés par les attaques terroristes, telle la bourgeoisie américaine. La diffusion sur tous les écrans du monde des images hallucinantes des Tours jumelles s’écroulant comme des châteaux de cartes ne nous ont-elles pas renvoyé la vision d’un monde en pleine apocalypse ? En laissant faire les attentats du 11 septembre, la première puissance mondiale a délibérément décidé de sacrifier les Tours jumelles, symbole de sa suprématie économique. Elle a délibérément sacrifié près de 3000 citoyens américains sur son propre territoire national. En ce sens, les morts de New York ont non seulement été massacrés par la barbarie d’Al Qaida, mais ils l’ont été avec la froide et cynique complicité de l’État américain lui-même. Au-delà des vies humaines dont la bourgeoisie se moque éperdument, c’est encore sur le plan économique que se mesure surtout le sacrifice que l’État américain était disposé à faire pour justifier sa gigantesque démonstration de force en Afghanistan. Pour cela, l’oncle Sam était prêt à payer (et surtout à faire payer à la classe ouvrière) le prix de la reconstruction du Word Trade Center et de toute la désorganisation économique et sociale occasionnée par l’effondrement des Tours jumelles. L’utilisation du terrorisme comme arme de la guerre impérialiste, dans la période historique actuelle de décomposition du capitalisme, révèle que tous les États sont des “États voyous” dirigés par des gangsters impérialistes. La seule différence qui distingue les grands caïds, tel le parrain américain, et les petits malfrats poseurs de bombes, réside dans les moyens de destruction dont ils disposent pour déchaîner la guerre.
A New York, à Moscou, en Afghanistan, en Irak, au Moyen-Orient, à Bali, ce sont les populations civiles qui sont aujourd’hui terrorisées par la folie meurtrière du capitalisme.
Cette situation constitue un appel à la responsabilité du prolétariat mondial. Celui-ci est la seule force de la société capable, par sa lutte révolutionnaire pour le renversement du capitalisme, de mettre fin à la guerre, aux massacres, et à la terreur capitaliste sous toutes ses formes.
Louise
[1] [248] Voir Bernard Thomas, “Les provocations policières” (chapitre IV), Éditions Fayard, 1972.
[2] [249] Voir la Revue Internationale n° 108, Pearl Harbor 1941, les Twin Towers 2001, le machiavélisme de la bourgeoisie.
[3] [250] Voir notre brochure sur “La guerre du Golfe”.
[4] [251] Voir notre brochure sur “L’effondrement du stalinisme”.
[5] [252] Voir la Revue Internationale n° 57, “La décomposition du capitalisme” et n°62 et 107 “La décomposition, phase ultime de la décadence du capitalisme.”
Selon le bilan officiel, la prise d'otages dans un théâtre en plein centre de Moscou entre le 23 et le 26 octobre dernier s'est soldée par la mort de 128 otages, dont 5 par balles et 123 des suites de l'inhalation d'un gaz diffusé par les forces de l'ordre. Près d'un mois plus tard, 27 ex-otages sont toujours hospitalisés dont 4 dans "un état grave". Et ce bilan ne tient pas compte des 41 membres abattus du commando, ni de quelque 80 personnes qui seraient portées "disparues" (selon un site Internet).
La première question à poser, c'est à qui profite le crime ? Il est clair
que malgré la bavure des gaz utilisés par les forces spéciales pour donner
l'assaut qui a directement provoqué la mort de la majorité des otages, le seul
bénéficiaire de l'opération a été le Kremlin.
Alors que la guerre en Tchétchénie s'enlisait depuis de longs mois, qu'elle
tendait à se transformer comme dans les années 1980 en "nouveau bourbier
afghan", source de démoralisation accrue pour les troupes russes et de
désintérêt, voire d'impopularité au sein de la population, l'événement a permis
de relancer une gigantesque campagne anti-terroriste dans tout le pays. Il a en
effet suscité un regain de peur permanente de nouvelles opérations terroristes
au sein de la population russe. C'était le meilleur moyen de resserrer les
rangs autour du nationalisme et de remobiliser une large union nationale autour
du président Poutine dont l'intransigeance (malgré le prix payé en vies
humaines durant l'assaut), symbole d'un Etat fort, est présentée comme la seule
en mesure d'assurer "la défense du peuple russe". Il faut d'ailleurs
rappeler que Poutine a bâti sa popularité et s'est fait élire sur ce seul
programme : restaurer l'autorité du pouvoir central en apparaissant comme le
champion de l'éradication du terrorisme tchétchène, ayant promis en septembre
1999 d'aller "buter les terroristes tchétchènes jusque dans les
chiottes".
Les nouvelles lois anti-terroristes que le gouvernement s'est empressé de faire
adopter par le parlement permettent non seulement de justifier le flicage et le
quadrillage en règle de la population, d'organiser un véritable état de siège
en poursuivant la chasse au faciès caucasien dans tout le pays, mais elles
délivrent aussi en la matière les pleins pouvoirs au gouvernement. Avec le
soutien de près des deux tiers de la population, l'Etat échappe désormais à
tout contrôle et à toute enquête avec notamment l'interdiction de la remise aux
familles des corps de terroristes tués ou la répression de "tout ce qui
peut nuire aux enquêtes antiterroristes ou les entraver".
La bourgeoisie russe justifie enfin la recrudescence de ses opérations
militaires en Tchétchénie, c'est-à-dire l'intensification effrénée des pires
massacres et des exactions de l'armée.
A tous les niveaux, la bourgeoisie est poussée à recourir systématiquement
au terrorisme. En Russie, la ficelle est si grosse que la presse elle-même,
nationale comme internationale, est amenée à s'interroger ouvertement sur la
manoeuvre manipulatrice, sur comment une cinquantaine de personnes ont pu se
rassembler et pénétrer dans un lieu public au coeur de la capitale en
transportant un arsenal impressionnant, dans une ville où un Tchétchène peut se
faire contrôler et arrêter plusieurs fois par jour dans la rue.
Parmi les hypothèses mises en avant dans Le Monde du 16 novembre sont évoquées
soit une infiltration du commando par les services secrets russes, soit que ces
derniers étaient au courant de l'opération et ont laissé faire dans le but de
relancer la guerre en Tchétchénie. En effet, selon certaines fuites, des agents
des services secrets avaient informé leur hiérarchie des mois à l'avance de la
préparation d'actions à Moscou par le groupe de Movsar Baraev, mais l'information
"se serait perdue comme toujours dans les méandres des échelons
supérieurs". On imagine pourtant mal une information de cette importance
passer inaperçue... Le 29 octobre, le quotidien Moskovski Komsomolets a cité un
informateur anonyme du FSB (ex-KGB) selon lequel le commando était depuis
longtemps "infiltré" par les services russes qui auraient directement
contrôlé quatre des preneurs d'otages.
Le commando était dirigé par le clan Baraev dont les hommes de main ont déjà
joué un rôle éminent dans la guerre en Tchétchénie. Sous couvert de défense
d'un islamisme radical, son ancien chef (assassiné il y a deux ans), oncle du
commandant des preneurs d'otages, entretenait des liens directs avec le
Kremlin. Ses troupes ont en effet été les seules à être épargnées au cours des
bombardements et des massacres de l'armée russe[1] [253].
C'est lui qui avait par ailleurs permis le massacre des principaux chefs de
guerre nationalistes tchétchènes encerclés dans Grozny en les attirant dans un
guet-apens, leur donnant le feu vert pour s'enfuir dans un passage où les
attendaient les troupes russes.
Il faut rappeler le pourquoi de la guerre en Tchétchénie. C'est un territoire
que la Russie ne peut pas lâcher sous peine de nouvelle implosion et d'ouvrir
la voie à des forces incontrôlables. La guerre en Tchétchénie devait servir
d'avertissement pour arrêter net les revendications indépendantistes d'une
multitude de petites républiques tentées de faire sécession avec le risque d'un
nouveau délitement des restes de la Russie, puissant facteur d'accélération du
chaos mondial.
A nouveau, comme lors des épisodes précédents du conflit tchétchène, la Russie
bénéficie aujourd'hui de la complicité et de l'accord tacite des bourgeoisies
occidentales qui, si elles se sont une nouvelle fois émues hypocritement sur
les méthodes brutales de la Russie, approuvent au fond l'opération. Lors du
sommet commun du 11 novembre à Bruxelles avec la Russie, Poutine a fait signer
"un plan d'action commun pour combattre le terrorisme" dans lequel
chaque partie s'engage à renforcer la coopération de leur police et de leur
justice pour livrer les terroristes, sur le même modèle que celui signé entre
l'Union Européenne et les Etats-Unis. Le secrétaire général de l'OTAN, Lord
Robertson, cautionnait d'ailleurs dans une conférence de presse l'argument de
Poutine : "Il devient de plus en plus clair que des éléments terroristes
extérieurs sont impliqués dans l'insurrection en Tchétchénie (...) La Russie a
le droit d'affronter les violations de la loi et de l'ordre sur son
territoire." Toutes les puissances occidentales expriment ainsi leur
soutien et le même intérêt fondamental : éviter par dessus-tout une nouvelle
désintégration de la Fédération de Russie.
La première guerre en Tchétchénie de janvier 1995 à fin 1996 a fait plus de 100
000 morts.
La deuxième guerre en Tchétchénie dès 1999 s'est illustrée par encore davantage
de barbarie : le siège et la quasi-destruction de la capitale, Grozny, par la
traque et les massacres des populations civiles par l'armée d'occupation dans
tout le pays, par l'exode massif des populations civiles se réfugiant dans des
camps de fortune dans les républiques voisines.
Dès l'été 1999, la Russie a systématiquement utilisé la provocation et le
terrorisme au service de la défense de ses intérêts impérialistes.
Ainsi, le chef de la branche islamiste radicale Bassaev (celui là-même qui a
finalement revendiqué la récente prise d'otages de Moscou) envahissait le
Daghestan aux côtés du Saoudien Khattab avec leurs bandes armées composées d'un
millier de Tchétchènes sous couvert de venir en aide à des islamistes locaux.
C'était le premier prétexte tout trouvé par Moscou pour relancer la guerre en
Tchétchénie. Le provocateur Bassaev était notoirement lié au milliardaire
mafieux Berezowski, ancien ami personnel du clan Eltsine. Le second élément
étroitement lié au premier et qui avait servi à justifier la deuxième guerre en
Tchétchénie en 1999 avait été la série d'attentats qui ont fait près de 300
morts à Moscou, au Daghestan et dans la ville de Volgodonsk au sud de la
Russie. L'implication directe dans tous ces attentats du FSB (les services
secrets russes) dont Poutine était l'ancien patron ne fait plus aujourd'hui
aucun doute (Le Monde des 17 et 18 novembre)[2] [254]. Cela
a permis l'arrivée comme premier ministre de Poutine, héritier désigné
d'Eltsine, faisant de la "guerre à mort contre le terrorisme
tchétchène" le tremplin de son élection comme président en décembre 2000.
Cela démontre que le terrorisme est devenu une arme privilégiée dans les règlements
de compte entre Etats et entre fractions bourgeoises (cf. article en première
page).
Mais les intérêts de la bourgeoisie russe à utiliser les actes terroristes
ne s'arrêtent pas là. Cela lui fournit surtout un argument de poids pour
pourchasser les bases et les nids terroristes dans les républiques voisines.
Elle vise en particulier la préparation d'une intervention militaire en
Géorgie, accusée de servir de "base arrière au terrorisme", et
s'avère un objectif majeur de la Russie.
Même si l'approvisionnement de la Russie en pétrole de la mer Caspienne
représentait une ressource économique majeure pour elle, l'appropriation de la
"rente pétrolière" n'est pas sa principale préoccupation. L'Etat
russe a perdu le contrôle des voies d'acheminement du pétrole en 2000 lorsque
les Etats-Unis ont remporté la mise avec l'accord sur l'oléoduc entre la
Turquie et la Caspienne, traversant les trois Etats du Sud-Caucase :
Azerbaïdjan, Arménie, Géorgie, évitant ainsi un tracé à travers la Russie ou
l'Iran, malgré les efforts de Moscou pour torpiller cet accord. Les tentatives
d'intimidation russes le prouvent : pression depuis quelques années sur la
Géorgie (tentatives d'assassinat du président Chevarnadzé, ex-ministre de
Gorbatchev, notamment en février 1998), sur l'Azerbaïdjan (là aussi accusé de
servir de base arrière au terrorisme tchétchène) et l'Arménie (la main du
Kremlin est patente derrière la tuerie de 1999 en plein parlement arménien où
le premier ministre et le président de l'assemblée parlementaire furent
assassinés). Cependant le sud du Caucase est un axe stratégique central
beaucoup plus large auquel la Russie n'a pas renoncé, en particulier en faisant
pression sur la Géorgie qui en est le pivot central. L'occupation militaire de
la Géorgie permettrait à la Russie de récupérer une partie de son ancienne
influence impérialiste dans le sud du Caucase. Dans le cadre du chacun pour soi
qui domine les rivalités impérialistes actuelles, la Russie a engagé un
véritable bras de fer avec les Etats-Unis en revendiquant les mêmes droits
qu'eux d'envahir d'autres territoires au nom de la lutte antiterroriste.
L'attitude du Kremlin remet en cause l'accord tacite imposé par la Maison
Blanche : "A vous le contrôle du Nord-Caucase, à nous celui du Sud".
La prise d'otages de Moscou constitue un pas de plus vers une expédition
militaire en Géorgie, marquant une opposition russe au refus catégorique du
gouvernement américain de faire la moindre concession à la Russie sur le
Sud-Caucase. Il est édifiant que les deux principales puissances militaires de
la planète (pour la Russie, il s'agit surtout de son potentiel nucléaire encore
impressionnant) revendiquent les mêmes prérogatives.
Il y a une similitude frappante entre l'utilisation de l'alternative terrorisme
/ antiterrorisme aujourd'hui par la bourgeoisie russe depuis 1999 et celle de
la bourgeoisie américaine depuis le 11 septembre. Quels que soient les liens
réels ou la parenté entre Al Qaida et les islamistes tchétchènes radicaux, les parallèles
entre la bourgeoisie russe et la bourgeoisie américaine sont ici multiples,
notamment au travers des bénéfices que ces Etats ex-têtes de bloc, en butte au
chacun pour soi et à la contestation de leur autorité respective, peuvent
retirer des actions terroristes. La guerre en Tchétchénie est un modèle réduit
de la guerre en Afghanistan, à la différence notable près que les Etats-Unis
ont bel et bien posé les pieds en Asie Centrale alors que la Russie ne fait que
rêver de reprendre pied dans le Sud-Caucase d'où elle a été chassée.
La Russie comme caïd régional obéit aux mêmes règles et à la même logique
impérialiste que le grand parrain américain à l'échelle mondiale, la fuite en
avant dans les menées guerrière pour faire respecter sa domination sur les
puissances vassales. Comme pour les Etats-Unis, cette logique la conduit à
rallumer d'autres foyers de conflits interimpérialistes qui risquent de se
propager non seulement dans tout le Caucase mais bien au-delà. Cette poudrière
militariste et guerrière permanente qu'est devenu le monde capitaliste menace
d'entraîner des pans entiers de la planète dans un déchaînement de chaos
sanglant et de barbarie guerrière sans autre perspective pour les populations
prises en otages que de nouveaux massacres.
[1] [255] L'oncle de Mosvar Baraev,
Arbi, avait d'ailleurs obtenu un sauf-conduit de la part d'un responsable des
services secrets (limogé par la suite) lui permettant de circuler librement
dans la région en pleine guerre.
[2] [256] Des poseurs de bombes à Ryazan
pris sur le fait et arrêtés suite à une alerte d'un témoin se sont révélés être
des membres du FSB. Les explosifs trouvés avec eux étaient de même nature que
ceux utilisés lors des attentats, l'hexogène, dont l'armée a le monopole de
fabrication, de stockage et d'utilisation. Les agents ont été désavoués et
radiés par leurs chefs. Par la suite, les autorités ont déclaré qu'il ne
s'agissait que de sucre. Quelques temps après, en plein conflit tchétchène, cet
épisode a été purement et simplement enterré, le dossier étant devenu
"secret défense".
Après la
loi sur la "sécurité intérieure" de Sarkozy
(voir RI n°328), le projet de réforme de la loi de modernisation
sociale (LMS) promulguée par la "gauche plurielle",
et les projets de réforme des retraites et de la sécurité
sociale montrent clairement la détermination du gouvernement
Raffarin à accélérer les attaques contre la classe
ouvrière.
Raffarin et ses ministres ne s'en cachent pas et ne cessent de déclarer,
à travers les médias, qu'il faut se préparer à
la "rigueur", alors que dans tous les secteurs sont annoncés
des licenciements, sur fond de prévisions particulièrement
pessimistes concernant l'état de l'économie.
Mais ce discours de "vérité" de la droite annonçant
une politique d'austérité ouverte permet à l'ancienne
gauche plurielle de rebondir pour "dénoncer" cette
entreprise de "démolition des acquis sociaux et des mesures
positives de la gauche" (dixit Jack Lang). Qu'ont représenté
en réalité ces mesures de gauche ? La mise en place de
dispositions permettant le déploiement d'attaques en profondeur
de la classe ouvrière. Aussi, non seulement la droite est loin
de les jeter au panier, mais tout au contraire elle prend appui dessus
pour mettre les bouchées doubles dans les attaques contre la
classe ouvrière. Qu'on regarde par exemple la "loi de modernisation
sociale", sortie du chapeau de la gauche au moment des licenciements
chez Michelin, Lu-Danone, Mark and Spencer, etc., afin d'alimenter l'illusion
dans la classe ouvrière que cela pourrait constituer un moyen
d'empêcher les patrons de licencier. Cette loi "sociale"
n'a, dans la réalité, aucunement freiné les licenciements,
mis à part dans les petites entreprises, mais bien plutôt
permis de les faire passer plus facilement en chloroformant les ouvriers.
On l'a vu dans les grandes entreprises qui ont continué à
virer en masse leurs salariés ! Les annonces des derniers plans
de licenciement montrent bien qu'il n'était pas nécessaire
d'attendre le gel de la LMS proposé par Fillon.
C'était cela la vraie politique de la gauche : exhiber d'une
main des lois "sociales" aux intitulés ronflants pour
mieux frapper de l'autre.
Au premier semestre 2002, les entreprises françaises ont procédé
à 150 000 licenciements, portant à 2,4 millions le nombre
de sans-emploi officiel, dont 50% à peine sont indemnisés.
Qui était aux rênes du pouvoir jusqu'au 5 mai ? La gauche.
Depuis septembre 2001 (donc plus de huit mois sous le règne PS-PC-Verts),
le chômage aura augmenté de 20% dans la région la
moins touchée jusqu'alors, la région parisienne. Et cela,
alors même que les radiations en masse de chômeurs des listes
de l'ANPE augmentaient de 72,8%. Il faut d'ailleurs signaler que ce
procédé, dans l'art duquel le PS est passé maître,
a été tellement apprécié par la bourgeoisie
allemande qu'elle l'a copié outre-Rhin. Le PS peut prétendre
nous faire "découvrir" que la suppression de sept articles
de la LMS ouvre la porte à la multiplication de "charrettes
de licenciements" et le PC voir la preuve dans le projet Fillon
que cette loi était bien l'expression d'une "politique anti-droite",
tout cela n'est destiné qu'à brouiller les cartes. Il
en est ainsi des attaques contre les conditions de vie des chômeurs
-que la gauche "dénonce" aujourd'hui- comme des licenciements
massifs : la gauche, avant la droite, avait déjà accéléré
le mouvement. En effet, le PS n'a eu de cesse, lorsqu'il était
au gouvernement, à travers des "aménagements"
multiples du chômage (le plus récent étant le PARE),
de s'attaquer au chômage... en attaquant les chômeurs par
leur éviction pure et simple des statistiques, puis du circuit
du travail ou en installant des masses grandissantes d'ouvriers dans
une pseudo-assistance et la précarité réelle.
La "remise en cause" des 35 heures, vaste réforme "historique"
censée lutter contre le chômage, fait encore partie de
la panoplie des accusations de la gauche à l'encontre de la droite.
La gauche se vantait même d'avoir créé à
travers elle près de 2 millions d'emplois ! Une fois de plus,
il suffit de se pencher sur les chiffres du chômage et sur le
nombre de licenciements effectués depuis plus d'un an pour se
rendre compte qu'il s'agit d'un énorme mensonge. Mais la gauche
de la bourgeoisie n'est plus à cela près, son cynisme
et son culot constituant justement deux de ses forces permettant de
mieux mystifier les ouvriers. La loi Aubry, au-delà des discours
mensongers, c'est tout simplement la flexibilité accrue du travail.
Tout cela la droite ne peut pas le renier, elle ne peut qu'en remercier
la gauche … mais pas publiquement (voir RI n° 327).
Parallèlement à ce battage de la gauche, les syndicats
sont à l'offensive pour pourrir le terrain des luttes. Depuis
la manifestation d'EDF-GDF d'octobre (voir RI n°328), on les voit
organiser des journées d'action dans tout un tas de secteurs,
annonçant l'entrée dans une période où ils
vont prétendre contraindre le gouvernement Raffarin à
un bras de fer. D'ailleurs, devant la multiplication des conflits qui
s'annoncent fin novembre et début décembre, routiers,
paysans, fonction publique, etc., les médias nous répètent
que Raffarin cherche à tout prix à éviter "la
contagion des conflits". Le "spectre de 1995" est même
régulièrement et de plus en plus clairement mis en avant,
manière d'accréditer la détermination des syndicats
à en découdre. En réalité, il s'agit de
la poursuite d'une stratégie de dispersion et d'éparpillement
des ouvriers pour faire passer les attaques en évitant les tentatives
réelles de s'y opposer. S'ils multiplient les appels à
la mobilisation derrière eux, par secteurs, par corporations,
les uns après les autres avec des revendications spécifiques,
c'est afin de pousser à la division et à l'isolement et
mieux saboter les potentialités de riposte ouvrière. Et
lorsqu'ils prétendent faire "l'unité", c'est
en fait pour dévoyer les inquiétudes des ouvriers sur
de fausses questions comme celle de la "défense du service
public" (mobilisation du 3 octobre dernier) et pour orchestrer
la dispersion à travers la mise en avant d'une collection de
revendications spécifiques et de cas "particuliers".
C'est ce qu'ils préparent à nouveau avec la journée
d'action du 26 novembre, dont le résultat escompté est
le déboussolement, le sentiment d'impuissance. Initialement planifiée
par cinq fédérations de cheminots sur la question de "moyens
humains, matériels et financiers" et contre la libéralisation
du secteur ferroviaire, elle se transforme à présent en
une journée d'action de différents secteurs aux objectifs
informes, en un fatras où les revendications légitimes
sur les retraites dans la fonction publique vont être soigneusement
noyées au milieu de mystifications telles que la "défense
du service public" contre les privatisations et la "politique
ultralibérale" du gouvernement. Un tel amalgame présente
un triple avantage pour ces ennemis de la classe ouvrière. Tout
d'abord la mise en œuvre de la dispersion totale de la journée
d'action et de la manifestation, chaque syndicat appelant à la
mobilisation sur tel ou tel aspect catégoriel comme cela se dessine
pour les salariés d'Air France, de la RATP, de France Telecom
ou encore les hospitaliers. Puis la division entre différentes
catégories, tous les syndicats n'appelant pas forcément
à la manifestation à l'instar de la FSU qui veut mobiliser
les enseignants le dimanche 8 décembre. Enfin, l'isolement des
ouvriers du public de ceux du privé, faisant de la revendication
légitime des premiers sur les retraites une spécificité
ne concernant pas les seconds. Or, si les salariés du secteur
privé ont déjà connu une attaque en profondeur
contre leurs retraites - allongement de la durée de temps de
travail allié au développement du travail à temps
partiel - la perspective annoncée est d'imposer à tous
les ouvriers, du public comme du privé, 42 ans de cotisations.
Cette fausse unité est un véritable poison pour la classe
ouvrière, tout autant que les mobilisations ouvertement sectorielles.
Elle fait partie d'un travail de pourrissement de la conscience ouvrière
et du terrain de ses luttes, de manière à affaiblir ses
capacités de riposte face aux attaques massives à venir.
Il ne faut pas être dupes, suivre les syndicats, écouter
les sirènes de la gauche, c'est se livrer pieds et poings liés
à une aggravation sans précédent de toutes les
conditions de vie et de travail.
"C'est ainsi, dans le fracas de l'artillerie, dans l'obscurité, au milieu des haines, de la peur et de l'audace la plus téméraire, que naquit la nouvelle Russie (…) Pareils à un fleuve noir emplissant toute la rue, sans chants ni rires, nous passions sous l'Arche Rouge (…) De l'autre côté de l'Arche, nous priment le pas de course, nous baissant et nous faisant aussi petits que possible, puis, nous rassemblant derrière le piédestal de la colonne d'Alexandre (…) Après être restés quelques minutes massée derrière la colonne, la troupe, qui se composait de quelques centaines d'hommes, retrouva son calme et, sans nouveaux ordres, d'elle-même, repartit en avant. Grâce à la lumière qui tombait des fenêtres du Palais d'Hiver, j'avais réussi à distinguer que les deux ou trois cents premiers étaient des gardes rouges, parmi lesquels étaient disséminés seulement quelques soldats (…) Un soldat et un garde rouge apparurent dans la porte, écartant la foule : ils étaient suivis d'autres gardes, baïonnette au canon, escortant une demi-douzaine de civils qui avançaient l'un derrière l'autre. C'était les membres du Gouvernement provisoire (…) Nous sortîmes dans la nuit glacée, toute frémissante et bruissante de troupes invisibles, sillonnées de patrouilles (…) Sous nos pieds, le trottoir était jonché de débris de stuc de la corniche du Palais qui avait reçu deux obus du croiseur "Aurora". C'était les seuls dégâts causés par le bombardement. Il était trois heures du matin. Sur la Nevski, tous les becs de gaz étaient de nouveau allumés; le canon de 3 pouces avait été enlevé et seuls les gardes rouges et les soldats accroupis autour des feux rappelaient encore la guerre (…) A Smolny, des bureaux du Comité Militaire Révolutionnaire semblaient jaillir des éclairs, comme d'une dynamo travaillant à trop grande puissance."
"J'ai lu avec un immense intérêt et la même attention jusqu'au bout le livre de John Reed, Dix jours qui ébranlèrent le monde. Je le recommande du fond du cœur aux ouvriers de tous les pays. Je voudrais que cet ouvrage fut répandu à des millions d'exemplaires et traduit dans toutes les langues, car il donne un tableau exact et extraordinairement vivant d'événements qui ont une si grande importance pour l'intelligence de ce qu'est la révolution prolétarienne, de ce qu'est la dictature du prolétariat."
L 'année 2003 commence avec la menace de plus en plus pressante d'un nouveau déluge de feu sur l'Irak, onze ans après la guerre du Golfe. Cette menace est pleinement révélatrice de la gravité des enjeux actuels qui pèsent sur le monde. Déjà, à travers un déploiement stratégique et une occupation militaire qui se traduisent par un quadrillage, un encerclement complet de l'Irak de Saddam Hussein, adversaire désigné, nous assistons à une concentration massive d'armements et au déploiement d'une logistique de destruction des plus impressionnantes, largement du niveau de celles des opérations militaires majeures depuis 1990. Si cette nouvelle entreprise guerrière était déclenchée, elle serait porteuse non seulement d'un enfoncement de la planète dans la barbarie guerrière avec son sinistre lot de nouveaux massacres de population à grande échelle mais aussi d'une accélération considérable des rivalités et des affrontements impérialistes dans le bras-de-fer permanent que se livrent les principales puissances de la planète entre elles depuis l'effondrement des blocs impérialistes.
Ce qui s'annonce sur le seul terrain de la barbarie guerrière est un des signes les plus patents de l'impasse dans lequel le capitalisme entraîne toute l'humanité et dont l'année 2002 offre elle-même un tableau édifiant.
Ce début de millénaire aura été déjà marqué par l'accélération des conflits armés sur la planète comme par une nouvelle aggravation de la crise économique mondiale. Sur le plan impérialiste, des pans entiers de la population civile sont les otages soit de bombardements intensifs, soit sous la menace constante des attentats terroristes qui sont devenus une arme de guerre dans les règlements de compte entre fractions de la bourgeoisie (voir RI n° 329). Ainsi, le 11 septembre 2001 et l'attentat qui a détruit les Tours Jumelles ont été le prétexte à des bombardements massifs de l'Afghanistan et à une contre-offensive américaine avec l'occupation stratégique de l'Asie Centrale sous prétexte d'une traque à Ben Laden, au mollah Omar et leurs séides d'Al Qaida. Au Moyen-Orient, un cycle infernal d'attentats-kamikaze palestiniens et de représailles de l'Etat israélien concrétise le basculement irrémédiable de la région dans le chaos sanglant. La menace de conflit nucléaire entre l'Inde et le Pakistan, désamorcé de justesse l'été dernier, représente désormais un danger permanent tandis que les manoeuvres stratégiques et militaires se développent autour des deux Corées, cernées par leurs puissants voisins, la Chine et le Japon.
La prise d'otages dans un théâtre de Moscou par un commando tchétchène qui s'est achevé en carnage avec l'intervention des troupes d'élite, a permis de relancer les massacres en Tchétchénie. Loin de freiner la multiplication des actes terroristes, la croisade mondiale contre le terrorisme a, de fait, signifié la recrudescence de ceux-ci, de Bali au Kenya. Et pour cause, le terrorisme est aujourd'hui devenu une arme de guerre de tous les Etats, y compris les plus puissants.
Le continent africain se retrouve mis à feu et à sang, de la Côte d'Ivoire à la Corne de l'Afrique et du Nord au Sud, en proie à des tueries interethniques attisées en sous-main par des puissances impérialistes rivales. En même temps, avec les ravages conjugués de la misère et de la décomposition y sévissent partout famine et pandémies comme celle du sida.
Depuis les secousses financières et les plongées boursières de l'été dernier, ce ne sont plus seulement les Etats-Unis qui sont frappés par la récession. Des puissances économiques comme l'Allemagne et le Japon connaissent aujourd'hui les pires difficultés économiques et le niveau de leur croissance est proche de zéro. Tous les Etats s'enfoncent dans une politique de surendettement. L'Argentine a ouvert la voie aux Etats, notamment d'Amérique latine, qui se retrouvent en faillite ouverte sans espoir de remise à flots, alors même que le FMI et la Banque mondiale s'avèrent de plus en plus incapables de colmater les brèches ouvertes. L'effondrement des valeurs spéculatives de la "nouvelle économie" comme la faillite de géants comme Enron ou Worldcom laissent sur la paille des milliers de salariés (et de surcroît parfois actionnaires forcés). Tant dans le secteur de la dite nouvelle économie, que dans celui dit traditionnel, incapables de se relancer dans un marché mondial sursaturé, les entreprises se livrent à des guerres commerciales à mort à coups de mégafusions, d'OPA, d'opérations boursières et spéculatives tous azimuts, débouchant la plupart du temps sur des liquidations brutales et sur des plans de "restructuration" drastiques.
Tout cela démontre la faillite irrémédiable du capitalisme et dévoile l'impasse que ce système représente pour l'humanité entière.
La principale victime du capitalisme, c'est toujours la classe ouvrière. C'est elle qui subit de plein fouet les attaques de plus en plus frontales et massives de la bourgeoisie et de son Etat. C'est elle qui devra payer en définitive la note faramineuse des opérations militaires et guerrières qu'engage sa bourgeoisie nationale. Et cette charge vient encore alourdir considérablement la facture de la crise économique en termes d'exploitation et de "sacrifices" que le capitalisme exige du prolétariat avec les vagues toujours plus massives des licenciements, le poids du chômage dans les familles ouvrières, la dégradation accélérée de son niveau de vie et de ses conditions de travail. Ces attaques aujourd'hui quasiment simultanées réduisent d'ailleurs une partie croissante du prolétariat à la misère au coeur même des pays centraux du capitalisme.
Non seulement la classe ouvrière subit l'insécurité permanente et les effets gangrènants de la décomposition de la société capitaliste dans son ensemble qui affectent toutes les classes de la société, mais elle est aussi la première victime de la loi du profit. Celle-ci qui se trouve être à l'origine de la crise économique, est aussi à l'origine de la multiplication des catastrophes et de l'ampleur inégalée des ravages provoqués par les catastrophes, celles présentées comme "naturelles" (inondations, tremblements de terre, dérèglements climatiques...) comme d'autres telles les marées noires, les explosions dans les pôles chimiques ou le naufrage de vieux rafiots surchargés.
Mais la nature de la classe ouvrière ne se résume pas à celle d'une classe qui concentre sur elle tous les maux de la société.
Malgré toutes les attaques idéologiques qu'elle subit depuis l'effondrement des régimes staliniens, malgré ses difficultés actuelles à reconnaître et affirmer ses intérêts de classe, malgré tout le chemin qu'elle a encore à parcourir pour se réapproprier ses expériences de lutte, la classe ouvrière est en même temps la seule classe porteuse d'une perspective d'avenir pour l'humanité (voir article page 8), capable de balayer ce système en pleine putréfation qui ne peut engendrer que toujours davantage de misère et de barbarie, de guerre et de destruction. D'ailleurs, la bourgeoisie ne s'y trompe pas car elle sait bien que, face à elle et à la défense de son système, elle trouvera la seule classe sociale qui se pose comme son ennemi irréductible et son futur fossoyeur. C'est pour cela qu'elle prend mille précautions pour la mystifier, pour masquer l'ampleur des attaques qu'elle doit porter contre ses conditions de vie, pour dévoyer ses mobilisations à travers une série de manœuvres syndicales. C'est pour cela qu'elle consacre autant de soin et fournit autant d'efforts pour l'empêcher de prendre conscience de la force qu'elle représente dans la société, non seulement pour s'opposer aux attaques capitalistes mais aussi, à plus long terme, pour renverser le capitalisme.
W.
Les Etats-Unis affichent
clairement leur détermination à faire la guerre en Irak.
Chacun des actes et chacune des paroles des membres de l'administration
américaine vont résolument dans ce sens, ne laissant aucune
ambiguïté sur leur résolution à intervenir
militairement dans ce pays devenu le symbole de la capacité de
l'Amérique à imposer son leadership sur le monde. Car
la nouvelle croisade contre Saddam Hussein est l'occasion pour les Etats-Unis,
après leur intervention en Bosnie, au Kosovo et en Afghanistan,
d'assurer leur présence directe et d'exercer leur contrôle
sur des objectifs stratégiques. L'objectif irakien leur permet
de parachever leurs manœuvres d'encerclement de l'Europe et d'affirmer
par la même occasion leur mainmise sur une partie importante des
réserves pétrolières européennes. Dès
janvier 2002, la dénonciation par Bush de "l'axe du Mal"
visait en première ligne Bagdad, bouc émissaire désigné
pour justifier une nouvelle démonstration de force américaine.
Il y a onze ans, c'est l'invasion irakienne du Koweït qui avait
servi de justification à l'intervention massive et aux massacre
de centaines de milliers de vies humaines de la part d'une puissance
américaine venant à la "rescousse du peuple koweitien".
Aujourd'hui, les Etats-Unis poussent à une guerre dite "préventive"
ne s'appuyant même pas sur une menace imminente, mais sur le danger
hypothétique que représenterait l'Irak, quintessence des
pires maux de la terre et que Washington s'apprête à exorciser
par les armes, "afin que le monde soit plus en sécurité".
La population est même prévenue que si l'Irak ne désarme
pas "pacifiquement", il le sera "militairement".
On peut donc voir se mettre en place un véritable encerclement
de l'Irak, déjà quasiment digne de la guerre du Golfe
de 1990-91. 70 000 hommes des trois armes principales, soumis à
un entraînement intensif et abondamment équipés
de la technologie américaine dernier cri, cernent le pays : au
nord en Turquie, au sud au Koweït, au Bahreïn, au Qatar, Oman,
dans les Emirats Arabes Unis, en Arabie Saoudite et à Djibouti.
Avec la constitution de cette armada, dont les effectifs doivent atteindre
150 000 hommes courant janvier, c'est un véritable cordon militaire
ne laissant aucune chance à Bagdad, mais aussi un contrôle
serré de tout le Golfe persique, de la mer Rouge avec une partie
importante de la corne de l'Afrique, qui est mis en place par les bourgeoisies
américaine et britannique. D'ores et déjà, avant
même le déclenchement presque annoncé de cette guerre,
la Grande-Bretagne et les Etats-Unis multiplient les raids aériens
meurtriers dans le Sud du pays, qui se chiffrent maintenant à
une soixantaine depuis 1996. Bassorah est une cible stratégique
privilégiée pour son pétrole, mais où tombent
sous les bombes les ouvriers qui y travaillent ! Voilà pour la
sécurité du monde, tandis que ces mêmes puissances,
pour mieux "sauver" les irakiens de leur dictateur, durcissent
avec brutalité les conditions des accords "pétrole
contre nourriture" afin de rendre les armées du tyran moins
aptes à se défendre en cas d'invasion, interdisant en
particulier les antidotes de gaz innervants et toxiques ou les antibiotiques
qui permettraient de limiter les dégâts d'une éventuelle
attaque à l'anthrax par exemple ! Et ce sont ces mêmes
pourfendeurs de terrorisme qui ont aussi perfectionné les armements
les plus destructeurs de toute nature, de façon à laminer,
écraser et terroriser la population irakienne, sous prétexte
de lui apporter la "liberté démocratique". Comble
du cynisme, l'armée américaine a mis au point des "mini
-bombes" nucléaires, destinées à pénétrer
le béton des bunkers, et dont les émanations radioactives
futures en cas d'utilisation pourront être mise sur le dos de
Saddam Hussein !
De tels éléments ne peuvent que servir les rivaux des
Etats-Unis dont le discours ne manque pas d'exploiter tout ce qui permet
de faire apparaître l'oncle Sam comme fauteur de guerre. Sous
couvert d'une opposition de principe ou morale à la politique
hégémonique des Etats-Unis, ou du strict respect du rôle
souverain de l'ONU, ceux-ci, France, Allemagne et Russie en tête,
ne perdent pas une occasion, au Conseil de Sécurité des
Nations Unies ou en toute autre circonstance, d'exprimer leur détermination
à faire échec aux visées militaires des Etats-Unis
en Irak. La dénonciation par l'Amérique des omissions
accusatrices pour ses auteurs, les autorités irakiennes, de la
"déclaration d'armement irakienne" a donné lieu
à des déclarations contradictoires illustrant cet antagonisme
entre brigands impérialistes. Pour Bush, qui les a qualifiées
de "violation flagrante", elles suffiraient à justifier
l'emploi de la force. Pour les autres, qui tentent d'en minimiser l'importance,
il ne peut en être question.
Si tous ces impérialismes petits ou grands sont contre cette
guerre, ce n'est pas, contrairement à ce qu'ils aimeraient faire
croire, parce qu'ils voudraient la paix ! La France, en première
ligne dans ce concert international d'hypocrisie et de mensonges, tout
en n'hésitant pas, pour la galerie, à critiquer Saddam
Hussein afin de mieux se mettre dans le camp des pourfendeurs de terrorisme,
ne cesse de se féliciter de l'avancée vers une solution
"diplomatique" qu'a représentée la résolution
1441 de l'ONU. Et de relancer plus que jamais les campagnes anti-américaines,
dont elle s'était fait la championne toutes catégories
depuis l'éclatement du bloc de l'Ouest après 1989, mais
qu'elle avait été contrainte de mettre sous le boisseau
après l'attentat du 11 septembre. Les médias français
étaient ainsi tout contents de pouvoir publier un sondage américain
exhibant la perte de crédibilité des Etats-Unis dans le
monde depuis deux ans. Quant à la prétendue volonté
"humanitaire" de la France d'éviter des massacres en
Irak, on peut mesurer ce qu'elle vaut à l'aulne des 500 000 morts
rwandais en 1994 à mettre en grande partie sur le compte des
menées de l'impérialisme français en Afrique. Celle
de la Russie qui "rejette la menace d'un recours à la force"
ne vaut pas mieux, tandis qu'elle s'acharne avec une rare férocité
à écraser la Tchétchénie dans un bain de
sang interminable. Et que dire de l'hypocrisie de l'Allemagne dont les
relations diplomatiques avec l'administration Bush sont "exécrables",
selon Donald Rumsfeld lui-même, qui est irréductiblement
contre le principe même d'une guerre, mais d'accord pour s'engager
militairement sous couvert de "mission de paix" comme au Kosovo
(dont elle va assurer prochainement la direction du contingent militaire
international) ou au Koweït (où des hommes de troupe et
des chars allemands sont cantonnés de longue date).
Ce qui motive tous ces gangsters, ce n'est pas la paix du monde, mais
la défense de leurs propres intérêts impérialistes,
laquelle est la clé véritable de leur opposition systématique
à la rivale américaine. Ceci est une donnée fondamentale
de la période aujourd'hui qui résume à elle seule
tous les risques d'éruptions guerrières. A l'instar de
Bush qui, début décembre, avec une perversité sans
égale, souhaitait ses "vœux de bonheur" aux populations
arabes, tout en déployant une armada dans le Golfe, la bourgeoisie
internationale prétend œuvrer pour la paix tout en préparant
la guerre.
Le regroupement parasitaire autoproclamé "Fraction interne du CCI" et qui s'est constitué autour de l'individu Jonas, exclu du CCI pour ses comportements indignes d'un militant communiste (voir notre communiqué dans RI n° 321) dévoile aujourd'hui ouvertement sa vraie nature.
Sur le site Internet de la FICCI, viennent d'être publiés deux textes qui en disent long sur les agissements destructeurs de cette prétendue "fraction".
Le premier texte est la lettre que la section du CCI au Mexique a adressée le 15 novembre aux quatre membres de la prétendue "fraction" vivant dans ce pays. La publication du contenu de cette lettre ne nous pose évidemment aucun problème. Par contre, ce qui nous pose problème (et devrait poser problème à l'ensemble des groupes du courant de la Gauche communiste), c'est le fait que la FICCI ait rendu publique à l'avance la date à laquelle devait se tenir une réunion interne du CCI (la Conférence territoriale de notre section mexicaine). Dans cette lettre, la section du CCI au Mexique a en effet donné aux membres de la "fraction" la date de cette Conférence afin de leur permettre de se défendre et de faire appel devant celle-ci (ce qu'ils ont refusé de faire).
En publiant l'intégralité de cette lettre sur son site Internet, la camarilla des amis de Jonas a ainsi délibérément mis à la disposition de toutes les polices du monde la date à laquelle devait se tenir notre Conférence au Mexique en présence de militants venus d'autres pays (puisque notre presse a toujours signalé que des délégations internationales participaient à ce type de conférences). Cela signifie que les organes de police concernés pouvaient renforcer et cibler leurs contrôles et leur surveillance dans les aéroports et aux frontières. Cet acte répugnant de la FICCI consistant à faciliter le travail des forces de répression de l'État bourgeois contre les militants révolutionnaires est d'autant plus ignoble que les membres de la FICCI savaient pertinemment que certains de nos camarades ont déjà, dans le passé, été directement victimes de la répression et que certains ont été contraints de fuir leur pays d'origine 1 [259].
Mais les méthodes policières de ce regroupement parasitaire ne s'arrêtent pas là.
En effet, dans le Bulletin Interne n° 14 de la FICCI, publié sur son site Internet, nos lecteurs pourront également trouver un texte intitulé "Une ultime mise au point" qui a la prétention (et surtout l'hypocrisie) de vouloir défendre le PCI ("Le Prolétaire") contre "l'attaque inqualifiable" dont cette organisation serait victime de la part du CCI. En réalité, nos lecteurs pourront constater par eux-mêmes que ce texte n'est nullement un article de défense du PCI, comme le révèle l'absence totale d'argumentation réfutant les éléments que nous avons mis en évidence dans notre réponse au "Prolétaire" (voir RI n°328 et 329).
Ce texte de la FICCI se consacre essentiellement à déverser les pires calomnies sur deux de nos camarades (et donc sur l'ensemble des militants du CCI accusés d'être à la botte de "celui qui dirige le CCI" et de sa compagne sur laquelle Jonas a fait courir le bruit, au sein du CCI, qu'elle était un "flic"). En même temps, il révèle une fois encore les méthodes abjectes des amis de Jonas.
Dans son "Ultime mise au point", la FICCI commence par affirmer "nous sommes toujours restés sur un terrain strictement politique". Nos lecteurs peuvent eux-mêmes en juger à la lumière de toute l'argumentation "politique" de la FICCI mettant clairement en évidence ses "divergences de fond" avec le CCI, lesquelles auraient justifié la constitution d'une "fraction interne" ayant la prétention de se situer dans la continuité de toutes les fractions de gauche du mouvement ouvrier, depuis la Ligue Spartakus jusqu'à la fraction de la Gauche italienne. Nous ne citerons ici qu'un petit extrait de cette argumentation, faisant la preuve que cette FICCI est toujours restée "sur un terrain strictement politique". Qu'on en juge !
"Ce texte est de la main de CG, alias Peter, ce que prouve le style et surtout la référence (plutôt fantaisiste) à une lamentable opération de récupération menée sous sa direction. Ce même Peter est celui qui dirige le CCI et qui, après avoir exclu ou poussé dehors la plus grande partie des membres fondateurs du CCI, se prétend le seul héritier de MC. Mais il faut aussi savoir que si Peter mène cette cabale haineuse contre notre camarade Jonas, c'est pour la raison bien simple que Louise (alias Avril), la militante à propos de laquelle Jonas a osé exprimer clairement des doutes, n'est autre que la compagne du chef." 2 [260]
En fait, ce texte de la FICCI aurait dû s'intituler, comme celui publié par P. Hempel dans sa feuille de chou Le Prolétariat universel, "Conciergerie universelle" 3 [261]. Sous le prétexte fallacieux de vouloir prendre la défense du PCI, la camarilla de Jonas dévoile aujourd'hui son fond de commerce et les vraies "divergences de fond" se situant "sur un terrain "strictement politique" qui étaient à l'origine de la fondation de cette prétendue "fraction" : le CCI est dirigé par un "petit Staline" (le "chef") manipulé par "la compagne du chef" qui est un élément douteux (un "flic" suivant les termes de Jonas).
Comme nous l'avions souligné dans notre article de RI n° 321 ("Le combat des organisations révolutionnaires contre la provocation et la calomnie"), le mouvement ouvrier a mis en évidence que ces méthodes consistant à introduire le soupçon au sein de l'organisation afin de détruire la confiance entre militants sont justement celles utilisés dans le passé par les agents provocateurs (notamment la Guépéou dans le mouvement trotskiste des années 1930).
Aujourd'hui, à travers cette "Ultime mise au point", la camarilla des amis de Jonas poursuit à l'extérieur du CCI le même sale travail qu'elle faisait à l'intérieur du CCI, cela afin de semer le trouble et la suspicion dans tout le milieu politique prolétarien. Il est clair que, faute d'avoir pu convaincre les militants du CCI de la nécessité d'exclure le "chef" et la "compagne du chef", ce groupuscule parasitaire se donne aujourd'hui comme objectif d'entraîner derrière ses calomnies les autres groupes de la Gauche communiste afin d'établir un cordon sanitaire autour du CCI et le discréditer (comme on peut d'ores et déjà le constater à la lecture de la presse du PCI).
Mais là où la FICCI dévoile encore plus ouvertement la nature policière de ses agissements réside dans l'insistance avec laquelle cette "Ultime mise au point" livre publiquement les initiales de celui qu'elle appelle le "chef" ("Ce texte est de la main de CG, alias Peter"). Quel intérêt se situant "sur un terrain strictement politique", Jonas et ses amis, peuvent-ils trouver à mettre sur la place publique les initiales d'un militant. Au-delà du fait qu'il s'agit là encore d'un véritable travail d'indicateur (de même nature que celui consistant à livrer à toutes les polices du monde la date de notre Conférence territoriale au Mexique), nous avons à faire ici à des méthodes de maître chanteur visant à intimider les militants. En livrant publiquement sur Internet les véritables initiales d'un de nos camarades (à quand le nom complet et l'adresse ?), Jonas et ses amis cherchent en réalité à faire passer le message suivant : quiconque osera soutenir le CCI sera dénoncé aux services de police. C'est notamment pour cela que les fichiers d'adresses des militants et de nos abonnés ont été volés au CCI plusieurs mois avant la constitution de la FICCI : outre que ce vol permettait d'abreuver nos camarades et abonnés de dénigrements crapuleux contre le CCI, il permet d'exercer sur eux une intimidation permanente. Sinon, comment expliquer que la FICCI, alors que ses bulletins se trouvent maintenant sur Internet, continue à les envoyer par la poste, y compris à ceux qui lui ont explicitement demandé de cesser ses envois ? 4 [262]
Par ailleurs, quel intérêt politique la FICCI trouve-t-elle à clamer sur tous les toits : "ce texte est de la main de CG, alias Peter, ce que prouve le style" ? Du point de vue de la méthode prolétarienne, ce qui intéresse le lecteur sérieux c'est d'abord et avant tout le contenu politique de nos articles et non quel individu est derrière telle signature ou tel "style". Par contre, il est vrai que, grâce à l'analyse du "style", les forces de répression de l'État bourgeois peuvent effectivement chercher à identifier les rédacteurs de la presse révolutionnaire (même si, comme c'est le cas pour le CCI, les articles publiés dans notre presse sont discutés et corrigés collectivement). Ce qui permet à la bourgeoisie, dans les périodes de répression, de tenter de paralyser la publication de la presse révolutionnaire en arrêtant et emprisonnant les militants dont on a (ou on croit avoir) reconnu le "style".
Avec de telles méthodes consistant à faire le travail des mouchards de la police, cette "ultime mise au point" est en réalité une ultime menace : si le CCI continue à mettre en garde le milieu politique prolétarien contre les manœuvres de Jonas et ses amis (comme il l'a fait dans son article de réponse au PCI), alors la FICCI va publier à l'extérieur les fameux "documents" faisant la preuve que "la compagne du chef" est un élément douteux afin de convaincre le milieu politique prolétarien. Ainsi, on peut lire dans le texte de la FICCI : "le camarade Jonas n'était pas le seul (et de loin) à avoir des raisons de douter de cette militante ; là encore de nombreux documents écrits du CCI que nous avons en notre possession, le montrent."
Cette menace, nous ne la connaissons que trop. C'est désormais à l'extérieur du CCI que la FICCI fait le même chantage qu'elle a pratiqué pendant près d'un an à l'intérieur de notre organisation pour tenter de l'obliger à accepter le viol permanent de nos Statuts de même que les mœurs de voyous des membres de la "fraction" (vol de documents et de l'argent du CCI, menace, chantage, calomnies contre des militants diffusées à travers des correspondances et réunions secrètes, etc.).
Cette méthode consistant à utiliser le chantage et l'insinuation, à répandre la calomnie contre deux de nos camarades et à affirmer haut et fort "Encore une fois nous sommes en possession de documents qui prouvent ce que nous avançons." n'est effectivement pas nouvelle de la part de la FICCI. Lorsque ses membres étaient encore dans le CCI, ils avaient eu pendant des mois le même comportement à propos d'un document intitulé "Histoire du SI" (Secrétariat International, commission permanente de l'organe central du CCI) qu'ils faisaient circuler de façon sélective et qu'ils présentaient comme faisant la preuve des accusations qu'ils portaient contre certains de nos camarades, particulièrement Louise et Peter. Malgré l'importance qu'ils attribuaient à ce document (qu'ils qualifiaient "d'historique"), ils avaient toujours refusé de le remettre à l'organisation, y compris à la Commission d'Investigation qui avait été nommée par le 14e congrès du CCI pour faire la lumière sur ce genre de problèmes. Finalement, ce document a été publié dans le n° 10 du Bulletin de la FICCI, après que les membres de celle-ci se soient placés délibérément en dehors de notre organisation. Il a été lu, à la demande expresse de l'organe central du CCI, par tous nos camarades qui comprenaient la langue française. Toutes les sections et tous les camarades ont été indignés et ont éprouvé la nausée devant l'avalanche de mensonges et d'interprétations crapuleuses contenues par ce document, de même que par le déballage qu'il fait de la vie privée des militants.
Voilà le type de document que la FICCI menace de rendre public !
Les organisations du mouvement ouvrier ont souvent été confrontées à ce type de chantage : "Nous avons des documents qui prouvent nos accusations !" Face à ces méthodes, l'attitude des organisations prolétariennes a toujours été d'exiger la publication de ces fameux documents afin qu'ils puissent être réfutés publiquement. Concernant ceux que la FICCI évoque frénétiquement, il est clair que le CCI est parfaitement capable de les réfuter également. Cependant, ces documents traitent des détails du fonctionnement de notre organisation et de la vie privée de ses militants, et leur publication ne pourrait être que pain béni pour les services de police. Cela dit, le CCI est tout à fait disposé à ce qu'ils soient portés à la connaissance d'une commission constituée par des militants de confiance des organisations de la Gauche communiste et qu'ils soient discutés dans ce cadre.
Le CCI n'a rien à craindre de la vérité parce que cette vérité ne peut que :
- mettre en évidence le fait que notre organisation, aussi bien au niveau de ses positions que de ses principes de fonctionnement reste totalement fidèle à son expérience passée ainsi qu'à celle de la Gauche communiste ;
- faire ressortir le caractère consciemment destructeur et anti-prolétarien des agissements de Jonas et de ses supporters comme la publication du Bulletin 14 de la FICCI et notamment le texte "Une ultime mise au point" vient d'en faire une nouvelle fois la preuve.
CCI
1 [263] Nous lisons ou nous entendons souvent que les organes spéciaux de l'État bourgeois n'ont rien à faire des activités d'une toute petite organisation comme la nôtre dans la mesure où aujourd'hui la classe dominante n'a pas conscience du rôle qu'est appelé à jouer la Gauche communiste dans un futur mouvement révolutionnaire. C'est faire preuve d'une énorme naïveté comme l'ont montré par exemple les campagnes "antirévisionnistes" qui visaient à mettre dans un même sac les groupes de ce courant qui dénonçaient l'antifascisme et l'extrême droite antisémite. Toute l'histoire du mouvement ouvrier atteste que les services spécialisés de l'État bourgeois ne sous estiment jamais le danger potentiel que représentent les groupes révolutionnaires, aussi réduites que soient, à un moment donné, leur taille ou leur influence sur la classe ouvrière. D'ailleurs, malgré le fait que pour le moment l'État "démocratique" n'exerce pas en général la répression ouverte contre les groupes de la Gauche communiste, ces derniers on déjà eu à subir des actions de répression (comme les perquisitions qui ont frappé le Parti Communiste International dans les années 1970). Le CCI lui-même n'a pas été épargné puisque certains de nos militants, y compris dans les pays les plus "démocratiques", ont fait l'objet de perquisitions, de gardes à vue, d'interrogatoires prolongés à des postes de frontière, de surveillances policières ostensibles en vue d'intimidation, d'actions de commando d'éléments armés probablement de mèche avec l'Etat. Tout cela, les membres de la "FICCI" le savaient parfaitement.
2 [264] MC est notre camarade Marc Chirik, mort en 1990. Il avait connu directement la révolution de 1917 dans sa ville natale de Kichinev en Moldavie. Membres dès l'âge de 13 ans du parti communiste de Palestine, exclu du PCF en 1928, il a poursuivi le combat pour la défense des positions révolutionnaires dans différentes organisations de la Gauche communiste, notamment la Fraction italienne où il est entré en 1938 et la Gauche communiste de France à partir de 1945. A partir de 1964 au Venezuela et de 1968 en France, MC a joué un rôle décisif dans la formation des premiers groupes qui allaient être à l'origine du CCI auxquels il a apporté l'expérience politique et organisationnelle qu'il avait acquise dans les différentes organisations communistes dont il avait été membre auparavant. On trouvera plus d'éléments sur la biographie politique de notre camarade dans notre brochure "La Gauche communiste de France" et dans l'article que la Revue Internationale lui a consacré lors de sa disparition (n°65 et 66). Quant à l'affirmation ridicule suivant laquelle Peter "se prétend le seul héritier de Mc" (complétée par une note s'exclamant "c'est dire, au passage, la conception qu'il se fait de l'organisation révolutionnaire"), les membres de la FICCI auront bien du mal à la prouver. Elle ne fait que révéler l'imagination malade et la hargne stupide des membres de la FICCI, ainsi d'ailleurs que leur propre conception tordue de l'organisation.
3 [265] Sur les convergences entre la FICCI et P. Hempel, voir notre article "Un groupe parasitaire qui sert admirablement la bourgeoisie" dans RI 326.
4 [266] Dans son Bulletin n° 11, la FICCI publie une réponse à un courrier que nous avions adressé à chacun de ses membres lui demandant de restituer les documents internes en sa possession. Dans cette réponse, elle écrit : "Quant au double des adresses du fichier des abonnés, il est pour le moins frappant que vous revendiquiez, tel un boutiquier jaloux de ses clients, une "propriété" sur des personnes. (…) Mais peut-être votre souci est-il la sécurité même de ces documents qui pourraient tomber dans des mains "indélicates" ? (…) nous pouvons vous assurer qu'ils sont à l'abri et en sécurité… et qu'il serait difficile, pour ne pas dire impossible, à des "gens indélicats" de mettre la main dessus." On peut se faire une idée aujourd'hui, après les mouchardages de la FICCI à la police, de la confiance qu'on peut lui accorder !
Dans les discussions
menées par les différentes sections du CCI lors des réunions
publiques, des permanences ou des ventes de la presse, nos interlocuteurs
tombent en général assez vite d'accord avec notre appréciation
de la situation mondiale et reconnaissent que le capitalisme entraîne
l'humanité vers l'abîme. Mais quand il s'agit de comprendre
que la classe ouvrière est la seule force capable de sortir l'humanité
de cette impasse par un soulèvement révolutionnaire, de
gros doutes apparaissent rapidement : " La classe ouvrière
est aujourd'hui elle-même désespérément divisée.
Les secteurs centraux ne vivent plus maintenant aux limites du minimum
vital comme au siècle dernier, mais ont accès aux 'acquis'
de notre culture moderne et au bien-être, même si c'est
dans une mesure modeste. La plupart des ouvriers ne se sentent plus
des ouvriers et ressentent même l'expression 'ouvrier' comme insultante.
Les 'vrais prolétaires' comme il y a cent ans sont aujourd'hui
en partie éliminés et remplacés par les employés
du secteur des services qui ne sont plus productifs et, en tout cas,
ne sont plus de 'vrais' ouvriers. Avec l'effondrement de l'Est ainsi
qu'avec l'identification entretenue par les médias bourgeois
entre le communisme et le stalinisme, le dernier reste de sympathie
du monde du travail pour la théorie de la lutte des classes et
l'hostilité délibérée au capital s'est éteint
définitivement."
Nous pensons que nous devons répondre énergiquement à
de tels arguments. Aujourd'hui, pour les révolutionnaires, l'un
des devoirs les plus importants consiste justement à les réfuter,
surtout que de telles idées ne sont plus seulement colportées
par les habituels petits-bourgeois qui se croient supérieurs,
mais par des ouvriers conscients et combatifs, par des camarades qui
se dressent pour la disparition de ce système. En outre, ces
arguments aboutissent à une prétendue "réfutation
du marxisme", dont la défense revient en premier lieu à
l'organisation communiste.
La conception actuellement en vogue affirme que l'interprétation par Marx et Engels de la nature et du rôle du prolétariat pouvait correspondre à la réalité du siècle passé, mais n'a aujourd'hui plus aucune validité. Une telle conception ne s'appuie pas seulement sur le mépris coutumier de l'idéologie bourgeoise dominante pour la classe productrice, mépris qui a atteint de nouveaux sommets dans le dénigrement du socialisme par son identification avec le stalinisme. Elle repose également sur la méconnaissance fort répandue de ce que Marx, Engels et le mouvement ouvrier ont effectivement dit de la nature de la classe. Ainsi, leur conviction que le prolétariat est la dernière classe de l'histoire de l'humanité, et la plus révolutionnaire, ne se fonde aucunement sur les particularités de son exploitation à cette époque-là. Aujourd'hui, on répand partout l'affirmation selon laquelle, dans l'optique de Marx, la vocation révolutionnaire du prolétariat se fondait sur le fait que les ouvriers de son époque devaient s'éreinter jusqu'à 18 heures par jour, accomplir de durs travaux physiques, alors qu'ils ne disposaient d'aucune sorte d'assurance maladie, de retraite, ni de congés annuels. Le fait que tout cela ne concerne plus la majorité des ouvriers, au moins dans les pays industrialisés, signifierait que les rêves révolutionnaires sont dépassés. Voilà la fausse conclusion que l'on veut nous faire avaler. Tant que l'on se tient sur le terrain, indigent au possible, de ce genre "d'explications" que les critiques bourgeois de Marx affectionnent, il est impossible d'avancer. Qu'a dit réellement le marxisme à ce sujet ?
Dans un texte fondamental, "L'Anti-Dühring", Engels
a caractérisé la contradiction du capitalisme entre le
caractère social du processus de production et la forme privée
de l'appropriation capitaliste : "La production sociale est appropriée
par des capitalistes individuels, (une) contradiction fondamentale d'où
naissent toutes les contradictions dans lesquelles la société
actuelle se meut et que la grande industrie a mis ouvertement au jour."
Ce point est absolument décisif pour comprendre la nature révolutionnaire
de la classe ouvrière. Le capitalisme n'a pas seulement bouleversé
le processus de production, les moyens de production techniques et scientifiques,
mais il a créé de la sorte, pour la première fois,
les conditions pour un monde sans pénurie ni détresse
matérielle. Il a, en lien avec cela, radicalement transformé
et révolutionné la nature de la classe exploitée,
productrice, autant à travers la socialisation du travail que
par la séparation complète des producteurs par rapport
aux moyens de production. A travers ces deux mutations, le prolétariat
se différencie fondamentalement des classes productrices qui
l'ont précédé comme les esclaves ou les serfs,
lesquels étaient sans doute exploités, mais ne représentaient
pas une classe révolutionnaire qui porte en elle une nouvelle
société.
Fondamentalement, les esclaves ou les serfs ne produisaient pas dans
la perspective de l'échange, du marché, mais pour satisfaire
les besoins locaux et personnels de leurs maîtres. Dans les sociétés
esclavagistes et féodales, les instruments de travail étaient
des instruments individuels. La base de la production était,
de ce fait, le travail isolé, limité localement, individuel.
C'est principalement par la violence que les producteurs étaient
contraints de travailler. Ces derniers n'avaient aucun intérêt
pour leur travail et ne possédaient aucune véritable instruction.
Et avant tout, ils étaient à peine unis les uns aux autres,
alors qu'ils étaient assujettis à leurs maîtres
par une relation personnelle.
Le bouleversement majeur apporté par le capital provient justement
du remplacement, en tant que base prépondérante de la
production, du travail individuel par le travail collectif. Cela signifie
que, pour la première fois dans l'histoire, presque tous les
producteurs sont, par l'échange et une division du travail toujours
plus prononcée, réunis les uns et les autres dans le processus
de production. A la place du travail individuel isolé, la fabrication
de biens s'est développée par l'association dans le travail
de milliers d'êtres humains, souvent accompagnée d'une
division du travail réalisée à l'échelle
du globe terrestre (par exemple, une automobile moderne se compose de
pièces détachées produites dans d'innombrables
usines et pays). Avec l'arrivée de l'ère du machinisme,
le capital a remplacé les instruments de travail individuels
par des systèmes de production collectifs, mis en mouvement par
de véritables armées du travail. De cette sorte, le capital
a créé, à la place des exploités éparpillés,
isolés les uns des autres, une classe qui se trouve unie par
son travail collectif (et ceci à un niveau mondial) et qui ne
peut vivre et travailler que grâce à cette union. C'est
avant tout cette socialisation du travail qui a permis au capital de
renforcer autant la compétitivité de ses produits et de
faire reculer les autres formes de production précapitalistes.
C'est seulement ainsi qu'il a pu commencer sa marche triomphale dans
la production et son expansion géographique. Mais, en même
temps, il a engendré, avec le prolétariat moderne, son
propre fossoyeur.
Par la généralisation de la production marchande, le capital
a bouleversé en même temps les rapports politiques entre
les classes. Les capitalistes ne produisent plus pour des besoins individuels,
mais pour le marché. De ce fait, les rapports entre exploiteurs
et exploités sont totalement dépersonnalisés, tout
en devenant hautement politiques. Les rapports des esclaves et des serfs
avec leurs maîtres étaient principalement des relations
personnelles, c'est-à-dire que les conditions de l'exploitation
dépendaient en premier lieu de la capacité de l'exploiteur
à mobiliser un certain nombre de soldats et de gardiens des travaux
pour s'attacher des forces de travail et les contraindre à produire.
A l'opposé dans le capitalisme, les conditions de production,
de travail et d'exploitation dépendent fondamentalement du marché,
c'est-à-dire selon que l'économie est en plein boom, en
récession, ou que les forces de travail inondent le marché
ou ne sont disponibles qu'en quantités limitées. Fondamentalement,
les travailleurs ne sont plus exploités et mis au supplice par
des individus mais, au contraire, par le système lui-même.
De ce fait, la lutte des classes entre exploiteurs et exploités
dans sa forme actuelle, pleinement développée, classe
contre classe, est devenue possible. En même temps, la séparation
complète entre les producteurs (en tant que travailleurs salariés)
et les moyens de production (en tant que capital) entraîne le
remplacement de la violence par une coercition économique dans
la contrainte au travail. Les ouvriers doivent vendre leur force de
travail pour pouvoir travailler et vivre.
C'est seulement de la naissance d'une main d'oeuvre "libre",
"mobile", "librement" motivée par la contrainte
économique, que peut résulter la possibilité de
généraliser et d'exploiter systématiquement la
science et la technique dans le processus de production. Il en découle
que le prolétariat moderne ne se distingue pas par sa grossièreté
et son ignorance (comme le pensent les nostalgiques des révolutions
romantiques qui postulent que la disparition des ouvriers des premiers
temps du capitalisme équivaut désormais à l'impossibilité
de la révolution), mais par un haut niveau d'instruction et d'éducation.
La voiture, l'assurance maladie et les congés annuels ne sont
pas des cadeaux ni des tentatives de corruption par le capital, mais
les conditions minimales pour que les ouvriers puissent produire et
reconstituer leurs forces dans le monde du travail d'aujourd'hui, très
complexe et exigeant.
Selon Marx et Engels, la principale contradiction du capitalisme réside
dans l'opposition entre, d'un côté, la prédominance
du travail social et, de l'autre, l'orientation totalement privée
et dirigée vers le profit maximal de la vie économique,
sur la base de la propriété privée. En apparence,
il s'agit d'une contradiction entre les choses. En vérité,
cette contradiction s'exerce à l'intérieur de la société,
entre les classes.
Ainsi, le caractère social du travail est incarné par
le prolétariat. La classe ouvrière se distingue par son
caractère collectif, organisé, discipliné, méthodique,
unitaire et avant tout conscient, caractère visible autant dans
le processus de travail lui-même que dans le combat collectif.
La société actuelle, privée, individuelle, chaotique,
anarchique, avec son caractère concurrent et guerrier, représentée
et incarnée par la bourgeoisie, en est le pôle contraire.
Alors que le monde du travail se montre toujours plus méthodique,
scientifique, "rationnel" et discipliné, l'anarchie
de la production capitaliste explose et le chaos s'exacerbe, conditionné
par la concurrence. Chaque secteur capitaliste, et particulièrement
chaque capital national, continue sa guerre contre tous, et cela prend
des formes toujours plus destructrices. En fin de compte, c'est l'existence
de l'humanité qui est menacée par la survivance d'un tel
système.
Cette contradiction entre le travail toujours plus productif et l'appropriation
privée toujours plus destructrice ne peut être réglée
que par son dépassement opéré par la lutte des
classes. Il revient au prolétariat la tâche de résoudre
cette contradiction, en associant au caractère social de la production
l'appropriation sociale des produits.
Cela veut dire que, pour parvenir à une conscience révolutionnaire,
il ne s'agit pas pour la classe ouvrière de laisser pénétrer
en son sein une théorie venue de l'extérieur ou des données
étrangères à sa propre vie. Pour elle, il s'agit
"seulement" de comprendre sa nature propre.
Puisque le prolétariat n'est pas propriétaire de moyens
de production et comme il est intégré dans la trame mondiale
du travail social, il ne peut accomplir sa tâche qu'en contrôlant
et en socialisant les moyens de production en tant que représentant
de l'humanité, non pas en agissant individuellement mais seulement
collectivement. Face aux couches qui produisent encore sur la base d'une
organisation individuelle du travail, comme les paysans, les artisans,
les professions libérales, les "producteurs intellectuels",
etc., et qui revendiquent encore les fruits de leur travail individuel
- voulant ainsi faire tourner la roue de l'histoire à l'envers,
le prolétariat est, par la force des choses, tourné vers
le futur. Comme il ne peut trouver de solution à la crise du
capital, puisqu'une telle solution n'existe pas, il lui faut forcément
rechercher et trouver une solution en dehors de ce système.
Il doit être clair que ni ses conditions d'exploitation, ni sa
composition (sociologique) momentanée, ni la nature des instruments
employés au travail, ni l'opinion que tel ouvrier "moyen"
a de lui-même ou de sa classe, ne permettent de comprendre la
nature profonde du prolétariat. C'est quelque chose de bien plus
important qui autorise à le faire : la nature collective, consciente,
massive, internationale et tournée vers le futur du prolétariat.
Une nature qui apparaît spontanément dans sa théorie
révolutionnaire, mais qui, aussi, resurgit dans ses gigantesques
combats. La classe, dans son ensemble, ne peut révéler
au grand jour sa véritable nature à volonté, n'importe
quand, dans n'importe quelles conditions. Il est nécessaire pour
cela qu'elle approfondisse et étende sa théorie et son
programme ; qu'elle se mobilise massivement sous les coups de la crise
; qu'il y ait des actions de masse créatrices dans les luttes.
Il n'y a absolument aucune garantie que le prolétariat trouvera
son chemin à temps avant que le capitalisme ne détruise
l'humanité. Ce que nous savons cependant, c'est que si les conditions
subjectives et objectives se réunissent dans cette perspective,
si la classe entre en bouillonnement révolutionnaire, sa nature
se dévoilera comme le socialisme scientifique l'a annoncé
il y a cent cinquante ans.
(D'après Weltrevolution n°53)
Lors de ses "bons"
vœux exprimés "aux Français" le 6 janvier,
et particulièrement en direction de la classe ouvrière
que le chef de l'Etat a appelé à "l'effort partagé
et juste" et à "renouer avec les fils de la solidarité",
Jacques Chirac donnait le coup d'envoi à une accélération
du "chantier" des retraites, qui devra être achevé
au mois de juin.
En ce sens, on a donc vu le gouvernement Raffarin se préparer
à mettre les bouchées doubles pour faire travailler plus
longtemps les ouvriers en leur faisant payer toujours plus le prix fort
de la crise et du chômage.
Et si les salariés du secteur privé avaient vu passer
en 1993 le nombre d'annuités ouvrant les droits à la retraite
à 40 ans, les gouvernements successifs, de droite et de gauche,
n'avaient pas achevé leur sale besogne dans le secteur de la
fonction publique.
Ainsi, c'est Raffarin qui, en l'occurrence, va s'efforcer de réaliser
le but de Jospin de réformer les retraites des fonctionnaires
et des régimes spéciaux.
Ces derniers, EDF et GDF en première ligne, vont justement servir de ballon d'essai et de tremplin pour généraliser l'attaque à tout le secteur public. Et ce ne sont bien évidemment pas les grandes phrases démagogiques de Chirac ou la détermination affichée des Raffarin et autres Fillon, pas plus que les provocations du Medef sur les "nantis" de la fonction publique, qui vont faire avaler la pilule aux prolétaires, mais le travail de sabotage des syndicats au sein même de la classe ouvrière. Déjà, la manifestation des agents d'EDF et de GDF du 3 octobre 2002, appelée par l'ensemble des syndicats sur le thème de "Tous ensemble pour le secteur public nationalisé" et à laquelle avait été conviées d'autres entreprises du public (SNCF, La Poste, Air France, France Telecom), a constitué un moment fort de ce sale travail syndical. En mettant l'accent sur la "défense du service public", les syndicats enfonçaient le clou de la division entre les ouvriers du privé et les "privilégiés" du secteur public accrochés à leurs prérogatives et entraînaient encore ces derniers sur le terrain particulièrement pourri de l'opposition à la privatisation pour la défense du secteur nationalisé, esquivant la question centrale des attaques d'ampleur contre toutes leurs conditions de vie et de travail, et dont les retraites sont un axe principal (voir RI n°328).
La mascarade du vote organisé à EDF et GDF en janvier
dernier a vu éclater toute la duplicité syndicale pour
faire passer la réforme des retraites. Mis sur pied par la CGT
et en accord avec le gouvernement, soi-disant pour avoir l'avis des
salariés et pour servir de "test" à l'avenir
de la réforme dans les autres entreprises publiques et chez les
fonctionnaires, le "non" des agents a eu pour résultat…
une détermination accrue du Premier ministre déclarant
que ce prétendu "revers majeur" (selon le PS) ne "remettait
nullement en cause le choix du gouvernement de réformer les retraites"
! Il ne pouvait en être autrement car il y avait là tous
les ingrédients pour le rassurer sur la voie royale ouverte par
les syndicats. Ceux-ci se sont en effet partagés le travail afin
de semer le maximum de confusion et de tuer dans l'oeuf toute tentative
de riposte des agents d'EDF-GDF.
Tout d'abord, le travail de sabotage de la CGT, sous prétexte
de se mettre à l'écoute de la base, a consisté
à enfermer les ouvriers dans l'isoloir, chacun avec son bulletin
de vote, seul et atomisé, écartant la tenue d'assemblées
générales, seuls lieux à même de développer
une véritable expression de la réflexion collective de
la classe ouvrière. Ensuite, le prétendu cafouillage de
la CGT qui, tout en étant à l'initiative de la consultation
électorale, s'était prononcée auparavant, par la
voix de son leader à EDF-GDF, en faveur de l'accord, puis qui,
par souci "démocratique", s'est ralliée au vote
majoritaire du "non", a permis d'entretenir le désarroi
et le déboussolement.
A ce travail de sape de la CGT sont venues s'ajouter les déclarations
de Blondel s'étant opposé dès le début à
l'accord, non pas en soi contre celui-ci, mais parce que la "réforme
des retraites était le préalable nécessaire à
l'ouverture du capital d'EDF". Autrement dit, attaquer le système
de retraites, oui, mais si EDF reste nationalisée, poussant les
ouvriers dans le faux choix mortel : être nationalisés
ou privatisés. Et pour jeter un peu plus le trouble dans la réflexion
des ouvriers, la CFDT qui, quant à elle, soutient la réforme
gouvernementale, se chargeait de rajouter une couche de confusion en
regrettant haut et fort que "les salariés se soient trompés
sur l'objectif du texte (de la réforme) qui visait à alléger
l'entreprise des charges de retraite à un moment où l'on
ouvre le marché à la concurrence".
On a ainsi vu de la part des syndicats se mettre en place tout l'éventail des positions possibles de façon à éparpiller autant que faire se peut la réflexion des ouvriers. Et les partis de gauche et d'extrême gauche ne se sont pas privés d'apporter leur aide active à cette opération de sabotage. Ainsi, le PS à travers François Hollande se félicitait que les salariés aient dit "non à l'ouverture du capital d'EDF" pour conseiller au gouvernement de "traiter globalement (le dossier général des retraites) et non pas par bouts comme il a tenté de la faire". En clair : plus fort, plus vite et plus large pour attaquer la classe ouvrière !
Dans ce concert tonitruant des ennemis des ouvriers, la LCR voyait même que "le vote des salariés de l'énergie montre que l'on peut battre la politique de régression sociale du gouvernement". Ben voyons ! C'est tout le contraire qui est vrai : une accumulation de mauvais coups plus pernicieux les uns que les autres contre les ouvriers, dont le vote à EDF-GDF a été une phase particulière afin de provoquer le désarroi dans toute la fonction publique et au-delà dans toute la classe ouvrière. Car ce "ballon d'essai" a eu pour objectif d'offrir l'image d'une classe ouvrière impuissante et déboussolée, incapable de s'organiser, de façon à mieux faire passer l'attaque à venir contre tous les autres secteurs et toutes les catégories d'ouvriers.
Il ne faut pas être dupe. Toute cette opposition de façade n'a aucunement l'intention d'empêcher le gouvernement de réformer les retraites. Elle est tout au contraire sur le devant de la scène pour lui préparer le terrain. La manifestation et la journée d'action du 1er février prochain auxquelles appellent les syndicats comme les partis de gauche et d'extrême gauche contre la réforme Raffarin et du Medef va s'avérer être un moment de plus dans le sabotage du terrain de la riposte ouvrière. Et demain, comme pour les 35 heures, ils viendront nous dire pour les uns que la réforme des retraites est une bonne chose pour la solidarité ouvrière, pour les autres qu'ils n'en voulaient pas mais en rendront responsables les ouvriers eux-mêmes, incapables de s'y opposer.
Mulan (21 janvier)
Au milieu des flots de propagande déversés aujourd'hui par les gouvernements et les partis politiques à propos des préparatifs de guerre au Moyen-Orient, deux thèmes se distinguent particulièrement. Le premier attribue la responsabilité essentielle d'une telle guerre aux "Etats voyous", tel l'Irak, désignés comme des menaces pour la paix et la sécurité mondiale. L'autre thème met en cause, au contraire, de "mauvais" pays capitalistes, la première puissance mondiale en particulier, laquelle n'aurait dans cette affaire d'autre objectif que de s'accaparer les revenus de la vente du pétrole irakien. Face à ces campagnes, il appartient aux révolutionnaires de défendre la position internationaliste du prolétariat en débusquant les mensonges dont nous abreuvent les différents camps bourgeois en présence.
Depuis la Première Guerre mondiale, la bourgeoisie a toujours pris un soin particulier à masquer les causes réelles de la guerre. Si bien que les fondements de ce fléau auquel le 20e siècle doit en bonne partie d'avoir été le siècle le plus barbare de l'histoire de l'humanité demeurent complètement incompréhensibles aux grandes masses de la population, totalement mystifiées par un discours dégageant le capitalisme et la bourgeoisie comme un tout de leurs responsabilités dans cette situation. C'est le propre de la bourgeoisie, en tant que classe dominante d'un système entré en décadence depuis maintenant un siècle et qui, dans son agonie, entraîne l'humanité vers le néant, de faire passer pour des vertus les pires monstruosités en les drapant du voile idéologique de la défense de la "civilisation", de la "démocratie", des "droits de l'homme", du "droit international", de la "lutte contre le terrorisme". Sa préoccupation est de cacher ce fait que les conflits qui ont ensanglanté la planète depuis un siècle ont tous été, sans exception, des conflits impérialistes, c'est-à-dire l'expression au plus haut niveau des antagonismes entre fractions rivales de la bourgeoisie mondiale.
Le mobile réel de la Première Guerre mondiale n'était
autre que le repartage du marché mondial. Pour des pays comme
la France et surtout la Grande-Bretagne dont l'économie pouvait
bénéficier d'un empire colonial, il s'agissait de défendre
un statu quo à leur avantage contre la volonté de l'Allemagne
en particulier, moins bien lotie sur ce plan, de vouloir le remettre
en cause. C'est ce dernier pays qui a poussé à la guerre
alors que le manque de débouchés résultant de sa
situation géopolitique et la crise de surproduction en développement
handicapaient de façon croissante sa capacité à
écouler une production industrielle importante. Tous les belligérants,
y compris les vainqueurs à l'exception des Etats-Unis, ont sur
le plan économique été des perdants de cette guerre.
En fait, si les Etats-Unis ont pu acquérir à travers elle
une position dominante au niveau mondial, c'est parce que, éloignés
du terrain des opérations, ils ont eu à fournir un effort
de guerre relativement moins important que les puissances européennes
et ont été épargnés par les destructions
massives.
La Seconde Guerre mondiale est elle aussi le produit des mêmes
contradictions et l'enjeu des tueries est de nouveau le repartage du
monde. C'est ce que traduit clairement le slogan de Hitler pour justifier
la politique expansionniste de l'Allemagne : "Exporter ou mourir".
Les destructions occasionnées par le second conflit mondial ont
impliqué, de façon plus nette encore que le premier, un
recul de l'économie mondiale, avec des répercussions sur
tous les protagonistes, même si encore une fois les Etats-Unis
s'en sont mieux sortis que les autres. En fait, ceux-ci ont, à
cette occasion, encore renforcé leur position de première
puissance mondiale, fondamentalement grâce aux positions stratégiques
qu'ils venaient d'acquérir, notamment suite à la défaite
de l'Allemagne et du Japon mais aussi suite à la ruine des principaux
pays d'Europe. De même, c'est également grâce à
la défaite de l'Allemagne que la Russie put occuper elle aussi
des zones stratégiques essentielles, dont une partie de l'Europe,
lui permettant ainsi de se hisser au rang de seconde puissance mondiale,
à la tête du bloc impérialiste rival des Etats-Unis.
Et pourtant la Russie était alors, et restera, un pays dont l'économie
a plus à voir avec celle des pays sous-développés
que celle des grands pays industrialisés. Ainsi la Seconde Guerre
mondiale illustre clairement cette tendance, qui s'accentue au sein
de la décadence du capitalisme, selon laquelle les gains de la
guerre s'expriment en terme de positions stratégiques payées
au prix fort sur le plan économique. La conquête de telles
positions tend à devenir essentiellement un but en soi, contrairement
au passé où elle constituait surtout un moyen de conquêtes
à caractère économique. A mesure que se prolonge
la période de décadence du capitalisme, la guerre prend
un caractère de plus en plus irrationnel sur le plan économique
même (sans parler pour l'humanité !), pour le capital comme
un tout, mais aussi pour chaque capital national pris séparément.
C'est ce que montrent les quatre décennies du face à face
entre le bloc de l'Est et celui de l'Ouest avec son cortège de
guerres locales, la plupart du temps pour des objectifs strictement
stratégiques ayant englouti en pure perte des sommes considérables
(et fait plus de morts que la Seconde Guerre mondiale). L'URSS, économiquement
plus faible que ses rivaux du bloc occidental, ne pouvait plus supporter
le coût de l'effort de guerre, si bien qu'elle n'a pas résisté
à l'aggravation de la crise économique et s'est effondrée.
Tout ce qui précède n'enlève rien au fait que ce
sont toujours les déterminations économiques qui constituent
le moteur de la guerre. En effet, c'est l'aggravation de la crise économique
qui pousse chaque bourgeoisie nationale à vouloir résoudre
les contradictions qui en découlent dans la fuite en avant dans
le militarisme et vers la guerre. Bien qu'une telle politique constitue
à son tour un facteur d'aggravation de la crise, aucun pays ne
peut y échapper sous peine de présenter une vulnérabilité
accrue face aux appétits impérialistes des autres nations.
Ainsi, si au début du 20e siècle, la guerre est conçue
par ses protagonistes comme un moyen de repartage des marchés,
elle s'est progressivement imposée à leur conscience comme
étant désormais le moyen de défendre son rang dans
l'arène impérialiste mondiale. C'est ce qu'a montré
de manière éclatante la guerre du Vietnam entre 1962 et
1975 où l'absence totale d'objectif économique n'a pas
empêché une implication massive et terriblement coûteuse
de la part des Etats-Unis. De même, toute la période écoulée
depuis la fin des blocs constitue une illustration frappante de ce fait.
En effet que ce soit en Irak en 1991, en Yougoslavie, en Afghanistan,
aucune des opérations militaires, pour ne citer que les principales,
des Etats-Unis et de leurs "alliés", n'a en aucune
façon permis une rentabilisation ultérieure (évanoui
le bluff de la reconstruction de la Yougoslavie !) mais le fait réel
de dépenses énormes sur fond de relance de la course aux
armements. En revanche, toutes ces opérations participaient d'un
enjeu stratégique qui constitue la toile de fond à la
préparation d'une nouvelle guerre en Irak.
La fin des blocs en 1990 inaugure un accroissement considérable
des conflits et du chaos à l'échelle de la planète.
La dynamique et l'enjeu de ceux-ci se résume de la sorte : "Face
à un monde dominé par le 'chacun pour soi', où
notamment les anciens vassaux du gendarme américain aspirent
à se dégager le plus possible de la pesante tutelle de
ce gendarme qu'ils avaient dû supporter face à la menace
du bloc adverse, le seul moyen décisif pour les Etats-Unis d'imposer
leur autorité est de s'appuyer sur l'instrument pour lequel ils
disposent d'une supériorité écrasante sur tous
les autres Etats : la force militaire. Ce faisant, les Etats-Unis sont
pris dans une contradiction :
- d'une part, s'ils renoncent à la mise en œuvre ou à
l'étalage de leur supériorité militaire, cela ne
peut qu'encourager les pays qui contestent leur autorité à
aller encore plus loin dans cette contestation ;
- d'autre part, lorsqu'ils font usage de la force brute, même,
et surtout, quand ce moyen aboutit momentanément à faire
ravaler les velléités de leurs opposants, cela ne peut
que pousser ces derniers à saisir la moindre occasion pour prendre
leur revanche et tenter de se dégager de l'emprise américaine."
(Résolution du 12e congrès du CCI [270], Revue Internationale
n°90).
Une telle analyse permet de comprendre non seulement les raisons de
la première guerre du Golfe en 1991 mais aussi pourquoi, depuis
lors, les Etats-Unis se trouvent contraints de renouveler et amplifier
les démonstrations de force face à celles, aussi de plus
en plus téméraires, lancées contre leur autorité.
Les interventions militaires américaines n'ont cependant pas
pour fonction unique de rappeler de façon menaçante qui
est le seul gendarme du monde et qui, seul, a les moyens de l'être.
A travers elles, ce sont aussi un ensemble de positions stratégiques
que conquièrent les Etats-Unis. L'Irak constitue en l'occurrence
un maillon d'importance au sein d'une stratégie d'encerclement
des puissances européennes occidentales visant notamment à
bloquer l'avancée impérialiste de l'Allemagne, leur plus
dangereux rival impérialiste, vers les territoires slaves et
orientaux. Une telle importance se trouve encore accrue du fait des
réserves pétrolières de son sous-sol, et plus globalement
de celui du Moyen-Orient dont dépend en grande partie l'économie
du Japon mais aussi de certains pays européens. Si les Etats-Unis
parvenaient à un contrôle absolu sur les fournitures de
l'Europe ou du Japon en hydrocarbures, cela voudrait dire qu'ils seraient
en mesure d'exercer le plus puissant des chantages sur ces contrées
en cas de crise internationale grave : ils n'auraient même pas
besoin de les menacer de leurs armes pour soumettre ces pays à
leur volonté.
Pour prendre la mesure de l'évolution de la contestation de l'autorité
des Etats-Unis par leurs anciens alliés depuis la disparition
des blocs, il suffit de se remémorer les timides tentatives effectuées
en 1990 par l'Allemagne et la France visant à "saboter la
guerre" en dépêchant en Irak leurs propres conciliateurs
en vue de faire reculer Saddam Hussein. On était alors loin des
déclarations tonitruantes actuelles de la part de l'Allemagne
et de la France contre la politique américaine. Plus spectaculaire
encore, et également significative de la situation actuelle,
est l'attitude de la Corée du Nord qui, en paroles et en actes,
défie ouvertement l'autorité américaine non seulement
en remettant en cause unilatéralement les accords qui lui interdisent
la poursuite de son programme nucléaire mais aussi en accusant
publiquement les Etats-Unis d'être à l'origine d'une telle
mesure discriminatoire à son encontre. Sachant les Etats-Unis
occupés par d'autres problèmes, il s'agit pour la Corée
de profiter de la situation afin de renégocier avec l'Oncle Sam,
à des meilleures conditions, le respect des accords aujourd'hui
dénoncés avec force publicité. Néanmoins,
il y a tout lieu de penser qu'elle a été poussée
dans cette démarche par d'autres puissances régionales,
elles aussi intéressées à pouvoir défier
l'autorité américaine. Ainsi, dans le sillage des déclarations
de Pyongyang, la Chine et la Russie se sont précipitées
pour déclarer qu'il ne fallait pas dramatiser la situation et
qu'elles-mêmes prenaient en charge son règlement pacifique.
Et dans le même temps la Russie mettait de nouveau à profit
l'étroitesse de la marge de manœuvre actuelle des Etats-Unis
en déclarant ouvertement qu'elle va aider l'Iran dans la poursuite
de son programme nucléaire, lequel pourtant a déjà
valu à ce pays des menaces explicites de représailles
de la part des Etats-Unis.
Jamais à la veille d'une intervention militaire programmée
des Etats-Unis, on n'avait assisté à une telle contestation
de leur leadership mondial. Ce fait a toute son importance dans la mesure
où il pourrait avoir des incidences, non pas sur la capacité
des Etats-Unis à renverser militairement Saddam Hussein, même
à eux seuls, mais sur les implications d'une telle intervention
et surtout de ses suites. En effet, l'hostilité qu'elle suscite
dans le monde est aussi présente dans la population américaine
où elle pourrait prendre un nouvel élan s'il devait y
avoir des morts du côté américain. Comme la bourgeoisie
américaine l'a clairement annoncé, son intention est de
prendre pied en Irak et d'administrer le pays. Il y a là le risque
d'un enlisement dans un environnement qui sera d'autant plus agressif
que l'opposition à l'intervention américaine aura dès
le départ suscité une forte hostilité, tant dans
la région que dans le monde.
La bourgeoisie américaine est parfaitement consciente des difficultés
qui sont devant elle. Il s'est d'ailleurs exprimé en son sein
des divergences portant non pas sur la nécessité de poursuivre
l'offensive mais sur la meilleure manière de le faire en évitant
de se retrouver isolés sur la scène internationale. C'est
d'ailleurs la prise en compte de ce facteur qui a amené les Etats-Unis
à changer leur fusil d'épaule à l'automne dernier
en tentant de faire parrainer par l'ONU une intervention militaire en
Irak (voir à ce propos notre article "Menaces de guerre
contre l'Irak" dans la Revue Internationale n°111 [271]).
La détermination de fer qu'ils ont jusqu'à présent
affichée en faveur d'une telle intervention les autorise à
présent difficilement à reculer maintenant pour tenter
de se créer des conditions plus favorables. C'est une des raisons
pour laquelle ils tentent d'obtenir un départ "négocié"
de Saddam Hussein, lui proposant, à lui et à sa famille,
un sauf-conduit en déclarant renonçer par avance à
toute poursuite contre sa personne. Une telle issue serait tout bénéfice
pour les Etats-Unis qui ne manqueraient pas d'en attribuer les mérites
à leur fermeté et leur permettrait d'entrer en Irak à
moindre risque.
En dépit de leur hostilité actuelle affichée à
l'encontre de la politique américaine, on ne sait pas encore
quelle sera l'attitude de pays comme la France face à l'entrée
en guerre des Etats-Unis. Il est possible que certains opéreront
une volte face, en prétextant par exemple telle trouvaille de
dernière minute à charge de Saddam Hussein faite par les
inspecteurs en désarmement. S'ils participaient alors à
la guerre, ce serait non pas par allégeance aux Etats-Unis mais
parce que ce serait la condition pour continuer à pouvoir jouer
un rôle dans la région, voire un moyen de contrecarrer
les plans américains sur place. C'est d'ailleurs pour cette première
raison que la Grande-Bretagne a répondu présent depuis
le début, et non pas pour honorer une alliance "historique"
avec les Etats-Unis qui a fait long feu comme on l'a vu en Yougoslavie
depuis le début des années 1990.
Partout dans le monde, la thèse de l'administration américaine
selon laquelle le renversement de Saddam Hussein se justifie par la
menace que représente son programme de fabrication d'armes de
destruction massive perd, jour après jour, de sa crédibilité.
Même aux Etats-Unis, où la population ne s'est pourtant
pas encore totalement remise de l'accès de patriotisme suscité
à dessein suite à l'attentat du 11 septembre, elle rencontre
un scepticisme croissant.
Et c'est là qu'intervient le mythe mensonger du pacifisme. Il
a pour fonction de canaliser la protestation contre la guerre sur un
terrain permettant d'éviter qu'elle ne débouche sur une
remise en cause radicale du système. Pour sauver la mise au capitalisme,
le pacifisme est capable de mettre en cause la responsabilité
de fractions "inadaptées" de la bourgeoisie, de condamner
de prétendues "aberrations du système", qu'il
suffirait de corriger. C'est fondamentalement d'une telle stratégie
idéologique de la bourgeoisie que relève l'explication
suivant laquelle la guerre préparée par le gouvernement
américain serait une "guerre pour le pétrole".
Un élu de Californie déclarait lors de la manifestation
pacifiste du 19 janvier dernier à San Francisco : "La Corée
du Nord possède l'arme nucléaire, mais l'on n'y va pas.
L'Irak ne l'a pas, mais l'on s'y précipite. La différence
? Voyons … Le pétrole !" En d'autres termes, ce qui
intéresserait fondamentalement les Etats-Unis conduits par un
président lui-même lié aux pétroliers américains,
c'est de faire main basse sur les réserves de pétrole
de l'Irak pour s'approprier les profits faciles de sa vente.
Une telle explication est totalement en contradiction avec la réalité
même des précédents conflits en Afghanistan, en
Yougoslavie et même en Irak en 1991 qui, on l'a vu, ont coûté
énormément et n'ont pas permis aux vainqueurs de se payer
en nature, que ce soit avec du pétrole ou autre chose. Elle vise
en fait à masquer la réalité de la dynamique actuelle
d'une spirale infernale mue par les forces aveugles du capitalisme en
crise et qui entraînent tous les pays dans la guerre. Si aucun
pays n'échappe à cette course folle, ce sont néanmoins
les grandes puissances qui sont à l'offensive, soit de façon
conventionnelle, soit par la manipulation du terrorisme, et qui détiennent
entre leurs mains des moyens de destruction capables de créer
des dommages croissants et irréparables à la civilisation.
Luc (23 janvier)
Partout dans le monde et plus particulièrement en ce moment dans le carré des grands pays industrialisés, les prolétaires peuvent entendre cette mauvaise rengaine que jouent la bourgeoisie et ses sous-fifres de journalistes et d'économistes aux ordres : "Salariés, vous vivez au-dessus de vos moyens, il va falloir vous serrer la ceinture." Ainsi, non contente d'avoir depuis plus de trente ans licencié, rogné par tous les moyens les salaires et les revenus sociaux, la bourgeoisie continue de cogner mais cette fois-ci avec une violence redoublée.
Aujourd'hui, les coups que la bourgeoisie assène aux prolétaires
n'ont d'égal que ceux des années 1930. Cependant, à
nous tous, il est donné de voir dans les pays dits "riches"
des supermarchés remplis d'objets de consommation, des magasins
regorgeant de produits en tout genre, des entreprises capables de tout
fabriquer mais qui, en dernière analyse, se heurtent à
une difficulté : de moins en moins de consommateurs peuvent acheter
leurs marchandises. En conséquence, cela se traduit dans tous
les secteurs par des faillites et donc des licenciements. Aucune branche
d'activité, depuis l'agriculture jusqu'à l'informatique
en passant par l'automobile, n'est épargnée, aucun État
n'y échappe. Comme le soulignait déjà Marx en 1848
dans le Manifeste Communiste : "La société se voit
rejetée dans un état de barbarie momentané ; on
dirait qu'une famine, une guerre de destruction universelle, lui ont
coupé les vivres ; l'industrie, le commerce semblent anéantis.
Et pourquoi ? Parce que la société a trop de civilisation,
trop d'industrie, trop de commerce." Voici donc, décrit
par Marx, ce type de crise jusqu'alors inédit dans l'histoire
et devenu pratiquement permanent au 20e siècle : la surproduction.
Si, désormais, des millions d'êtres humains sont jetés
à la rue, souffrent de famine, ce n'est plus parce que la société
ne produit pas assez mais au contraire parce qu'elle produit trop et
qu'elle ne trouve pas d'acheteurs. Jamais dans l'histoire humaine, une
telle situation ne s'était rencontrée. Car, s'il est vrai
qu'au 14e siècle, l'Europe était ravagée par les
disettes, c'est fondamentalement parce que les structures sociales médiévales
étaient incapables de subvenir aux besoins des populations. A
l'époque, il eût paru totalement invraisemblable qu'un
jour, l'humanité pourrait souffrir d'indigence à cause
d'un excès de production invendue. Pourtant, de nos jours, c'est
bel et bien le cas.
Contrairement, donc, à tout ce que peut affirmer la bourgeoisie,
nous ne vivons pas au-dessus de nos moyens mais largement en dessous.
Prenons un exemple, particulièrement significatif puisqu'il concerne
la nourriture, le secteur agricole. A l'aube du 18e siècle, c'est-à-dire
juste avant la révolution industrielle qui naît en Angleterre,
un paysan européen nourrit 1,7 personne, de sorte qu'il s'alimentait
lui-même et fournissait les trois quarts de l'alimentation d'une
autre personne ; en 1975, un travailleur agricole aux États-Unis
pouvait nourrir 75 individus (ce chiffre doit approcher la centaine
en 1992). Selon d'autres sources, il semblerait aujourd'hui que la seule
agriculture des Pays-Bas, hypercompétitive, soit suffisante à
nourrir l'Europe ! De même, à présent, l'agriculture
mondiale pourrait ravitailler près de trois fois toute l'humanité,
soit environ 18 milliards d'êtres humains.
Comble de l'absurde, le capitalisme réduit à la famine
et à la malnutrition endémique environ la moitié
de la population mondiale, soit 3 milliards d'hommes. Et, comme le capitalisme
ne produit pas pour satisfaire les besoins humains mais pour vendre
et réaliser du profit, les excédents agricoles sont détruits
mais surtout pas distribués sinon ils feraient chuter les cours
du marché (qui se situent déjà bien bas). Ainsi,
désormais, subventionne-t-on dans la CEE les paysans pour qu'ils
mettent en jachère leurs terres. Des millions d'hectares capables
de fournir des millions de quintaux de blé (15% des terres céréalières)
vont retourner à la friche.
Encore une fois, la description d'une telle société eût
semblé totalement délirante pour le paysan du Moyen Âge,
lui qui, patiemment depuis l'an mil, n'avait eu de cesse laborieusement
que défricher, assécher les marais. Bien sûr, cela
ne concerne pas que la vieille Europe, puisqu'aux États-Unis
même, on incendie les champs d'orangers pour cause de surproduction.
Pourtant, l'humanité n'en finit pas de crever de faim et, dans nos supermarchés, tous ces produits agricoles sous leurs diverses formes sont toujours aussi chers comparativement à nos salaires. Une question vient donc immédiatement à l'esprit : pourquoi de telles crises de surproduction ? Comment se fait-il que le capitalisme ne parvienne pas à écouler les marchandises qu'il crée ? Pourquoi l'offre (la production) est-elle plus importante que la demande (la consommation) ?
Marx a, de son temps, clairement mis en évidence que le travail
humain, ou plus exactement la force de travail, est une marchandise
qui s'achète et qui se vend. Et, ce qui détermine le prix
de la force de travail, à savoir le salaire que va verser le
capitaliste à l'ouvrier, c'est, comme toute marchandise, la quantité
de travail nécessaire à sa production. Qu'est-ce que cela
veut dire ? Simplement que le salaire versé à l'ouvrier
par l'entrepreneur est le strict minimum servant à l'éduquer,
le nourrir, le loger, le vêtir. Quant aux congés hebdomadaires
et annuels, ils ne servent qu'à permettre au prolétaire
de reconstituer sa force de travail ; d'être suffisamment en forme
pour produire de nouveau et dans les mêmes conditions qu'avant.
Mais Marx a percé le mystère du prétendu salaire
juste, équitable. Il a mis en évidence que l'ouvrier travaille
plus qu'il n'est rétribué, qu'il y a exploitation du travail,
non pas au sens moral mais bien scientifiquement. Le salaire n'est-il
pas l'équivalent exact, sous forme d'argent, du travail fourni
par l'ouvrier ? Non, pas du tout, cette réalité de l'exploitation
salariale, même si elle n'est pas a priori apparente n'en est
pas moins vraie. Elle est simplement masquée.
Dans la Rome antique, celle de l'Empire qui a succédé
à la République, lorsque les maîtres utilisaient
de la force de travail sous forme d'esclaves capturés au gré
des conquêtes militaires, l'exploitation était visible
: les maîtres nourrissaient et logeaient cette main-d'œuvre
; celle-ci appartenait aux maîtres et travaillaient jusqu'à
la mort sur les terres des villas.
Ce fut la même chose au Moyen Age. Lorsque, durant la période
carolingienne des 8e et 9e siècles, le mode de production esclavagiste
a disparu et a été remplacé par les structures
de la seigneurie, ici aussi le servage a laissé clairement apparaître
l'exploitation. Selon les rapports établis avec le seigneur de
l'endroit, chaque semaine, le serf devait travailler deux ou trois jours
sur la réserve, c'est-à-dire sur la terre du seigneur
féodal, et effectuer des corvées gratuitement.
Dans le capitalisme, qui est également une société
de classes, la tricherie se situe désormais au niveau des salaires.
Prenons un exemple totalement théorique : un ouvrier travaillant
sur une chaîne de montage ou derrière un micro-ordinateur
et qui, à la fin du mois, est payé 800 euros. En fait,
et c'est ce que Marx a démontré, il a produit non pas
pour l'équivalent de 800 euros, ce qu'il reçoit, mais
pour la valeur de 1200 euros. Il a effectué un surtravail, une
plus-value, qui se traduit pour le capitaliste en profit. Que fait le
capitaliste des 400 euros qu'il a volés à l'ouvrier ?
Il en met une partie dans sa poche, admettons 150 euros, ce qui lui
permet généralement de vivre beaucoup mieux qu'un simple
ouvrier, et les 250 euros restant, il les réinvestit dans le
capital de son entreprise, le plus souvent sous forme de l'achat de
machines plus modernes, etc.
Mais pourquoi le capitaliste procède-t-il ainsi ? Parce qu'il
n'a pas le choix. Le capitalisme est un système concurrentiel,
il faut vendre les produits moins cher que le voisin qui fabrique le
même type de produits. En conséquence, le patron est contraint
non seulement de baisser ses coûts de production, c'est-à-dire
les salaires (ou, dit autrement, le capital variable), mais encore d'utiliser
une part croissante du surtravail dégagé pour le réinvestir
prioritairement dans les machines (le capital fixe), afin d'augmenter
la productivité (quantité produite en un temps donné)
de son capital. S'il ne le fait pas, il ne peut pas réinvestir,
se moderniser, et, tôt ou tard, son concurrent, qui, lui, le fera,
vendra moins cher et remportera le marché. Le patron philanthropique
qui, par hypothèse, se refuserait à exploiter toujours
plus ses ouvriers serait vite conduit à faire faillite.
Le système capitaliste est donc à la fois dynamique, dans
le sens où il doit constamment s'élargir, accumuler, pousser
au maximum l'exploitation de la force de travail, et affecté
par un phénomène contradictoire : en effet, en ne rétribuant
pas les ouvriers par l'équivalent de ce qu'ils ont effectivement
fourni comme travail et en contraignant les patrons à renoncer
à consommer une grande part du profit ainsi extorqué,
le système produit plus de valeur qu'il n'en distribue. Jamais
ni les ouvriers ni les capitalistes réunis ne pourront à
eux seuls absorber toutes les marchandises produites. Et pour cause,
puisqu'une partie du produit du travail de l'ouvrier, celle qui n'est
ni reversée sous forme de salaires ni consommée par les
capitalistes, mais qui est destinée à être réinvestie,
c'est-à-dire transformée en nouveau capital, ne peut trouver
d'acheteurs dans la sphère capitaliste. Ce surplus de marchandises,
qui va le consommer ?
C'est là justement qu'intervient la nécessité
pour ce système de trouver de nouveaux débouchés
en dehors du cadre de la production capitaliste ; c'est ce qu'on appelle
les marchés extra-capitalistes (au sens d'en dehors du capitalisme).
En quelque sorte, un marché extra-capitaliste, c'est un débouché
économique solvable, en d'autres termes capable de payer les
marchandises, mais qui ne fonctionne pas de manière capitaliste,
puisque quand c'est le cas, on ne peut acheter tous les biens fabriqués.
Il en est ainsi depuis la genèse de ce mode de production. Le
capitalisme n'a pas conquis la planète entière du jour
au lendemain. Prenons l'exemple de l'Angleterre. Lorsque, en 1733, John
Kay met au point son fameux métier à tisser qui multiplie
par quatre la productivité, les étoffes tissées,
désormais abondantes et bien moins chères, n'ont pas été
vendues aux seuls ouvriers et entrepreneurs anglais. Elles étaient
également consommées par des paysans ainsi que par des
nobles qui avaient la possibilité d'acheter. Ces paysans, ces
nobles, n'appartenaient pas à la sphère de production
capitaliste qui, à elle seule, eût été incapable
de tout absorber. Voilà donc un exemple de marché extracapitaliste
à l'intérieur même du pays où est née
la révolution industrielle. Dans une certaine mesure, des poches,
des unités de production capitalistes, sont apparues et ont progressivement
gagné le reste du monde. Par là même se trouvaient
résolues, momentanément, les crises de surproduction.
Certes, il y en avait, mais celles-ci, aux 18e et 19e siècles,
duraient deux à trois ans, le temps que de nouveaux débouchés
soient conquis. Après quoi la machine économique repartait
de plus belle.
Ainsi ce système a-t-il pu, dans les contrées où
il est né, c'est-à-dire en Europe, trouver les conditions
de sa croissance. Toutefois, en conquérant ce type de marché
avec des produits défiant toute concurrence, le capitalisme contraignait
les sphères de production extra-capitalistes à produire
de la même façon que lui. Pourquoi ?
Qui pouvait en effet continuer à produire des étoffes
artisanalement alors que les manufactures, ces ancêtres des usines
modernes, faisaient les mêmes mais à bien moindre coût
? Personne. En conséquence, le capitalisme ne faisait que détruire
ce qui lui servait momentanément de ballon d'oxygène.
Ces marchés extérieurs adoptaient à leur tour le
mode de production capitaliste et le même problème se retrouvait
posé encore et toujours à une échelle chaque fois
supérieure : à qui vendre ?
C'est ce processus dynamique et contradictoire qui anime toute l'histoire
de ce monde, tel l'ogre du conte qui a besoin d'enfants pour vivre mais
qui les dévore. Ainsi, au 19e siècle, une fois qu'à
l'intérieur des grands pays industrialisés, le mode de
production capitaliste s'était imposé avec violence, il
lui a fallu partir à la conquête du monde pour trouver
de nouveaux débouchés. C'est l'entreprise coloniale dont
Rosa Luxemburg met clairement en évidence les motivations. La
dernière décennie du 19e siècle, qui voit la fin
de l'ascendance du capitalisme, est désormais marquée
par le déchaînement de l'impérialisme.
A partir de 1897, la Grande-Bretagne règne sur un empire de 33
millions de kilomètres carrés peuplé de 450 millions
d'habitants comprenant le Canada, l'Australie, l'Inde, l'axe africain
allant du Caire au Cap, etc. La France, plus modeste, étend son
empire sur près de 10 millions de kilomètres carrés
et sur 48 millions d'habitants (Afrique de l'Ouest et Indochine surtout).
La Chine est dépecée, les puissances impérialistes
obtenant l'octroi de territoires à bail, de zones d'influence,
de concessions de mines et de chemin de fer. Idem pour l'empire ottoman
et l'Amérique latine, qui n'ont conservé que l'apparence
d'une indépendance économique et politique. Vers 1890,
le partage territorial du monde entre les grandes puissances capitalistes
est à peu près achevé. Or ces pays conquis adoptent
à leur tour le mode de production capitaliste. En conséquence,
on ne sait plus où écouler le surplus de marchandises,
faute de nouveaux territoires extra-capitalistes de quelque importance.
Le marché mondial est saturé.
De fait, au crépuscule du 19e siècle, l'heure n'est plus
à l'exploration de nouvelles terres et au libre-échange
; c'est à présent le temps des canons et du protectionnisme
qui a sonné. L'ère des guerres mondiales qui visent au
repartage du marché planétaire entre les différents
États bourgeois s'ouvre. Le capitalisme vient d'entrer dans sa
phase de décadence, c'est-à-dire la pire période
que l'humanité ait jamais endurée. C'est cette époque,
dans laquelle nous sommes toujours, actuellement, qui pose au prolétariat
international l'alternative suivante : communisme ou barbarie.
D'après RI n°217
Il y a soixante dix ans, en janvier 1933, un événement d'une portée historique mondiale est venu frapper la "civilisation" capitaliste : l'arrivée d'Hitler au pouvoir et l'instauration du régime nazi en Allemagne. A en croire la bourgeoisie, le fascisme se serait imposé brutalement à la société capitaliste, à son "corps défendant". Ce mensonge ne tient pas un seul instant à l'épreuve des faits historiques. En réalité, le nazisme en Allemagne, comme le fascisme en Italie, est le produit organique du capital. La victoire du nazisme s'est effectuée démocratiquement. Quant au racisme répugnant, l'hystérie nationaliste ou la barbarie qui, toujours selon la bourgeoisie démocratique, caractériseraient en propre les régimes fascistes, ils ne sont pas du tout spécifiques à ces régimes. Ils sont au contraire le produit du capitalisme, en particulier dans sa phase de décadence, et l'attribut de toutes les fractions de la bourgeoisie, démocrates, staliniennes ou fascistes.
La terrible réalité de l'holocauste est souvent utilisée, en faisant appel à l'émotion plus qu'à l'objectivité, pour étayer l'idée d'une nature du fascisme qui le différencierait dans le fond du capitalisme en général et de la démocratie en particulier. L'examen objectif des faits eux-mêmes montrent que la barbarie n'est pas l'exclusivité du fascisme mais que la démocratie capitaliste, si prompte à dénoncer les crimes nazis, est directement responsable de millions de morts et de souffrances équivalentes pour l'humanité (bombardements de Dresde et Hambourg, bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki). Le comble du cynisme criminel est d'ailleurs allé jusqu'au refus catégorique des puissances "démocratiques", notamment anglo-américaine, de toute proposition visant à faire libérer plusieurs centaines de milliers de juifs des camps hitlériens. D'ailleurs, contrairement à la propagande officielle accréditant la thèse de la découverte des camps d'extermination à la fin de la guerre, les états-majors alliés étaient parfaitement au courant de leur existence dès 1942 (voir notre brochure "Fascisme et démocratie, deux expressions de la dictature du capital".)
Le mensonge selon lequel la classe dominante ne savait pas quels étaient
les vrais projets du parti nazi, en d'autres termes qu'elle se serait
fait piéger, ne tient pas un seul instant face à l'évidence
des faits historiques. L'origine du parti nazi plonge ses racines dans
deux facteurs qui vont déterminer toute l'histoire des années
1930 : d'une part l'écrasement de la révolution allemande
ouvrant la porte au triomphe de la contre-révolution à
l'échelle mondiale et d'autre part la défaite essuyée
par l'impérialisme allemand à l'issue de la première
boucherie mondiale. Dès le départ, les objectifs du parti
fasciste naissant sont, sur la base de la terrible saignée infligée
à la classe ouvrière en Allemagne par le Parti social-démocrate,
le SPD des Noske et Scheidemann, de parachever l'écrasement du
prolétariat afin de reconstituer les forces militaires de l'impérialisme
allemand. Ces objectifs étaient partagés par l'ensemble
de la bourgeoisie allemande, au-delà des divergences réelles
tant sur les moyens à employer que sur le moment le plus opportun
pour les mettre en œuvre. Les SA, milices sur lesquelles s'appuie
Hitler dans sa marche vers le pouvoir, sont les héritiers directs
des corps francs qui ont assassiné Rosa Luxemburg, Karl Liebknecht
ainsi que des milliers de communistes et de militants ouvriers. La plupart
des dirigeants SA ont commencé leur carrière de bouchers
dans ces mêmes corps francs. Ils ont été "la
garde blanche" utilisée par le SPD au pouvoir pour écraser
dans le sang la révolution, et cela avec l'appui des très
démocratiques puissances victorieuses. Celles-ci d'ailleurs,
tout en désarmant l'armée allemande, ont toujours veillé
à ce que ces milices contre-révolutionnaires disposent
des armes suffisantes pour accomplir leur sale besogne. Le fascisme
n'a pu se développer et prospérer que sur la base de la
défaite physique et idéologique infligée au prolétariat
par la gauche du capital, laquelle était seule en mesure d'endiguer
puis de vaincre la vague révolutionnaire qui submergea l'Allemagne
en 1918-19. C'est ce qu'avait compris parfaitement l'état-major
de l'armée allemande en donnant carte blanche au SPD afin de
porter un coup décisif au mouvement révolutionnaire qui
se développait en janvier 1919. Et si Hitler ne fut pas suivi
dans sa tentative de putsch à Munich en 1923, c'est parce que
l'avènement du fascisme était jugé encore prématuré
par les secteurs les plus lucides de la classe dominante. Il fallait,
au préalable, parachever la défaite du prolétariat
en utilisant jusqu'au bout la carte de la mystification démocratique.
Celle-ci était loin d'être usée et bénéficiait
encore, au travers de la République de Weimar (bien que présidée
par le junker Hindenburg), d'un vernis radical grâce à
la participation régulière, dans ses gouvernements successifs,
de ministres venant du soi-disant parti "socialiste".
Mais dès que la menace prolétarienne fut définitivement
conjurée, la classe dominante, sous sa forme - soulignons le
- la plus classique, au travers des fleurons du capitalisme allemand
tels Krupp, Thyssen, AG Farben, n'aura de cesse de soutenir de toutes
ses forces le parti nazi et sa marche victorieuse vers le pouvoir. C'est
que, désormais, la volonté de Hitler de réunir
toutes les forces nécessaires à la restauration de la
puissance militaire de l'impérialisme allemand, correspondait
parfaitement aux besoins du capital national. Ce dernier, vaincu et
spolié par ses rivaux impérialistes suite à la
Première Guerre mondiale, ne pouvait que chercher à reconquérir
le terrain perdu en s'engageant dans une nouvelle guerre. Loin d'être
le produit d'une prétendue agressivité congénitale
germanique qui aurait enfin trouvé dans le fascisme le moyen
de se déchaîner, cette volonté n'était que
la stricte expression des lois de l'impérialisme dans la décadence
du système capitaliste comme un tout. Face à un marché
mondial entièrement partagé, ces lois ne laissent aucune
autre solution aux puissances impérialistes lésées
dans le partage du "gâteau impérialiste" que
celle d'essayer, en engageant une nouvelle guerre, d'en arracher une
plus grosse part. La défaite physique du prolétariat allemand
d'une part, et le statut de puissance impérialiste spoliée
dévolu à l'Allemagne suite à sa défaite
en 1918 d'autre part, firent du fascisme - contrairement aux pays vainqueurs
où la classe ouvrière n'avait pas été physiquement
écrasée - le moyen le plus adéquat pour que le
capitalisme allemand puisse se préparer à la seconde boucherie
mondiale. Le fascisme n'est qu'une forme brutale du capitalisme d'Etat
qui était en train de se renforcer partout, y compris dans les
Etats dits "démocratiques". Il est l'instrument de
la centralisation et de la concentration de tout le capital dans les
mains de l'Etat face à la crise économique, pour orienter
l'ensemble de l'économie en vue de la préparation à
la guerre. C'est donc le plus démocratiquement du monde, c'est-à-dire
avec l'aval total de la bourgeoisie allemande, qu'Hitler arrive au pouvoir.
En effet, une fois la menace prolétarienne définitivement
écartée, la classe dominante n'a plus à se préoccuper
de maintenir tout l'arsenal démocratique, suivant en cela le
processus alors déjà à l'œuvre en Italie.
"Oui, peut-être..." nous dira-t-on, "mais ne faites-vous
pas abstraction de l'un des traits qui distinguent le fascisme de tous
les autres partis et fractions de la bourgeoisie, à savoir, son
antisémitisme viscéral, alors que c'est justement cette
caractéristique particulière qui a provoqué l'holocauste
?" C'est cette idée que défendent en particulier
les trotskistes. Ceux-ci, en effet, ne reconnaissent formellement la
responsabilité du capitalisme et de la bourgeoisie en général
dans la genèse du fascisme que pour ajouter aussitôt que
ce dernier est malgré tout bien pire que la démocratie
bourgeoise, comme en témoigne l'holocauste. Selon eux donc, devant
cette idéologie du génocide, il n'y a pas à hésiter
un seul instant : il faut choisir son camp, celui de l'antifascisme,
celui des Alliés. Et c'est cet argument, avec celui de la défense
de l'URSS, qui leur a servi à justifier leur trahison de l'internationalisme
prolétarien et leur passage dans le camp de la bourgeoisie durant
la Seconde Guerre mondiale (non sans avoir traficoté pour certains
d'entre eux dans la milice en France au temps du pacte Germano-soviétique,
défense de l'URSS oblige). Il est donc parfaitement logique de
retrouver aujourd'hui en France, par exemple, les groupes trotskistes
- la Ligue Communiste Révolutionnaire et son leader Krivine avec
le soutien discret, mais bien réel, de Lutte Ouvrière
- en tête de la croisade antifasciste et "anti-négationniste",
défendant la vision selon laquelle le fascisme est le "mal
absolu" et, de ce fait, qualitativement différent de toutes
les autres expressions de la barbarie capitaliste ; ceci impliquant
que, face à lui, la classe ouvrière devrait se porter
à l'avant-garde du combat et défendre voire revitaliser
la démocratie.
Que l'extrême droite (le nazisme en particulier) soit profondément
raciste, cela n'a jamais été contesté par la Gauche
communiste pas plus d'ailleurs que la réalité effrayante
des camps de la mort. La vraie question est ailleurs. Elle consiste
à savoir si ce racisme et la répugnante désignation
des juifs comme boucs émissaires, responsables de tous les maux,
ne seraient que l'expression de la nature particulière du fascisme,
le produit maléfique de cerveaux malades ou s'il n'est pas plutôt
le sinistre produit du mode de production capitaliste confronté
à la crise historique de son système, un rejeton monstrueux
mais naturel de l'idéologie nationaliste défendue et propagée
par la classe dominante toutes fractions confondues. Le racisme n'est
pas un attribut éternel de la nature humaine. Si l'entrée
en décadence du capitalisme a exacerbé le racisme à
un degré jamais atteint auparavant dans toute l'histoire de l'humanité,
si le 20e siècle est un siècle où les génocides
ne sont plus l'exception mais la règle, cela n'est pas dû
à on ne sait quelle perversion de la nature humaine. C'est le
résultat du fait que, face à la guerre désormais
permanente que doit mener chaque Etat dans le cadre d'un marché
mondial sursaturé, la bourgeoisie, pour être à même
de supporter et de justifier cette guerre permanente, se doit, dans
tous les pays, de renforcer le nationalisme par tous les moyens. Quoi
de plus propice, en effet, à l'épanouissement du racisme
que cette atmosphère si bien décrite par Rosa Luxemburg
au début de sa brochure de dénonciation du premier carnage
mondial : "(...) la population de toute une ville changée
en populace, prête à dénoncer n'importe qui, à
molester les femmes, à crier : hourrah, et à atteindre
au paroxysme du délire en lançant elle-même des
rumeurs folles ; un climat de crime rituel, une atmosphère de
pogrom, où le seul représentant de la dignité humaine
était l'agent de police au coin de la rue." Et elle poursuit
en disant : "Souillée, déshonorée, pataugeant
dans le sang, couverte de crasse, voilà comment se présente
la société bourgeoise, voilà ce qu'elle est..."
(La Crise de la Social-démocratie). On pourrait reprendre exactement
les mêmes termes pour décrire les multiples scènes
d'horreur en Allemagne durant les années 1930 (pillages des magasins
juifs, lynchages, enfants séparés de leurs parents) ou
évoquer, entre autres, l'atmosphère de pogrom qui régnait
en France en 1945 quand le journal stalinien du PCF titrait odieusement
: "A chacun son boche !". Non, le racisme n'est pas l'apanage
exclusif du fascisme, pas plus que sa forme antisémite. Le célèbre
Patton, général de la très "démocratique"
Amérique, celle-là même qui était censée
libérer l'humanité de "la bête immonde",
ne déclarait-il pas, lors de la libération des camps :
"Les juifs sont pires que des animaux" ; tandis que l'autre
grand "libérateur", Staline, organisa lui-même
des séries de pogroms contre les juifs, les tziganes, les tchétchènes,
etc. Le racisme est le produit de la nature foncièrement nationaliste
de la bourgeoisie, quelle que soit la forme de sa domination, "totalitaire"
ou "démocratique". Son nationalisme atteint son point
culminant avec la décadence de son système.
La seule force en mesure de s'opposer à ce nationalisme qui
suintait par tous les pores de la société bourgeoise pourrissante,
à savoir le prolétariat, était vaincue, défaite
physiquement et idéologiquement. De ce fait, le nazisme, avec
l'assentiment de l'ensemble de sa classe, put s'appuyer notamment sur
le racisme latent de la petite-bourgeoisie pour en faire, sous sa forme
antisémite, l'idéologie officielle du régime. Encore
une fois, aussi irrationnel et monstrueux que soit l'antisémitisme
professé puis mis en pratique par le régime nazi, il ne
saurait s'expliquer par la seule folie et perversité, par ailleurs
bien réelles, des dirigeants nazis. Comme le souligne très
justement la brochure publiée par le Parti Communiste International,
"Auschwitz ou le grand alibi", l'extermination des juifs "...
a eu lieu, non pas à un moment quelconque, mais en pleine crise
et guerre impérialistes. C'est donc à l'intérieur
de cette gigantesque entreprise de destruction qu'il faut l'expliquer.
Le problème se trouve de ce fait éclairci : nous n'avons
plus à expliquer le 'nihilisme destructeur' des nazis, mais pourquoi
la destruction s'est concentrée en partie sur les juifs."
Pour expliquer pourquoi la population juive, même si elle ne fut
pas la seule, fut désignée tout d'abord à la vindicte
générale, puis exterminée en masse par le nazisme,
il faut prendre en compte deux facteurs : les besoins de l'effort de
guerre allemand et le rôle joué dans cette sinistre période
par la petite-bourgeoisie. Cette dernière fut réduite
à la ruine par la violence de la crise économique en Allemagne
et sombra massivement dans une situation de lumpen-prolétarisation.
Dès lors, désespérée et en l'absence d'un
prolétariat pouvant jouer le rôle de contrepoison, elle
donna libre cours à tous les préjugés les plus
réactionnaires, caractéristiques de cette classe sans
avenir, et se jeta, telle une bête furieuse, encouragée
par les formations fascistes, dans le racisme et l'antisémitisme.
Le "juif" était supposé représenter la
figure par excellence de "l'apatride" qui "suce le sang
du peuple" ; il était désigné comme le responsable
de la misère à laquelle était réduite la
petite-bourgeoisie. Voilà pourquoi les premières troupes
de choc utilisées par les nazis étaient issues des rangs
d'une petite-bourgeoisie en train de sombrer. Et cette désignation
du "juif" comme l'ennemi par excellence aura aussi comme fonction
de permettre à l'Etat allemand, grâce à la confiscation
des biens des juifs, de ramasser des fonds destinés à
contribuer à son réarmement militaire. Au début,
il dut le faire discrètement pour ne pas attirer l'attention
des vainqueurs de la Première Guerre mondiale. Les camps de déportation,
au départ, eurent la fonction de fournir à la bourgeoisie
une main-d'œuvre gratuite, tout entière dédiée
à la préparation de la guerre.
C'est au nom de cette barbarie nazie que le camp des forces démocratiques
alliées a pu tenter de justifier aux yeux des ouvriers son implication
dans la boucherie mondiale et tous ses crimes. Loin de permettre d'éviter
à l'avenir de nouveaux holocaustes, la défense des valeurs
démocratiques de la classe dominante ne peut que servir la survie
d'un système à l'agonie, le capitalisme, qui depuis le
début du siècle dernier n'a cessé d'accumuler les
massacres et les génocides.
RI
A nos lecteurs : Suite à une erreur de notre part dans l'utilisation du code à barres, ce numéro de RI, qui succède directement au numéro 331, ne porte pas le numéro 332 mais 333.
Le 15
février dernier, dans le monde entier, les rues des
principales métropoles sur tous les continents ont résonné
de slogans tels que "Non à la guerre !", "Pas
de sang pour le pétrole !", "Refusons une nouvelle
Busherie !", " Bush, Sharon, assassins !", "Quelle
connerie, la guerre !" et bien d'autres de la même
veine.
Ces cortèges "pacifistes" ont drainé
des foules immenses, établissant un peu partout des records de
mobilisation, notamment dans les pays où les gouvernements se
sont ralliés à l'entreprise belliciste de Bush contre
l'Irak : près de 3 millions de participants à Rome, 1
million et demi à Londres, à Barcelone comme à
Madrid. Mais dans les autres Etats où les manifestations ont
pris des accents et des allures "d'union nationale" en
soutien au "front anti-guerre" des bourgeoisies nationales,
les rassemblements ont été presque aussi gigantesques :
500 000 personnes à Berlin, et autant en France 1 [273],
plus de 200 000 à Bruxelles. Même aux Etats-Unis, la
protestation organisée dans la plupart des grandes villes du
pays, a atteint une ampleur comparable aux défilés
contre la guerre du Vietnam (250 000 manifestants à New-York).
Jamais la même "cause" n'avait mobilisé autant
le même jour à l'échelle planétaire.
Que la guerre soit une abomination et un déchaînement
de barbarie, cela ne fait aucun doute. Elle est d'autant plus
insupportable et écœurante pour la classe ouvrière que
c'est elle qui en a toujours payé le prix le plus élevé,
dans ses conditions d'existence, dans sa chair, dans son sang.
Mais
soyons clairs : cette mobilisation pacifiste générale à
laquelle on a assisté n'était qu'un moment fort d'une
campagne idéologique d'envergure, mensongère et
criminelle que développe partout la bourgeoisie et en
particulier dans les pays où la classe ouvrière est la
plus forte et la plus concentrée.
Les grand-messes
pacifistes n'ont jamais empêché les guerres
impérialistes. Elles n'ont fait que les préparer et les
accompagner.
D'abord, les rassemblements actuels, quelle que soit leur ampleur, ne peuvent peser sérieusement sur le cours des événements. Ils ne vont nullement empêcher la guerre dans la mesure où les Etats-Unis ont déjà décidé de la faire seuls ou presque, si nécessaire. Mais surtout leur fonction première, essentielle, est précisément de masquer les enjeux réels de la situation et d'empêcher de prendre conscience du véritable problème au sein de la population en général, et de la classe ouvrière en particulier : la responsabilité de la guerre n'incombe pas à tel ou tel Etat ou groupe de pays. La guerre est inscrite dans le mode de vie du système de production capitaliste dans son ensemble, dans sa globalité. Le camp de "la paix" n'existe pas, il n'est qu'une illusion. Faire croire que la "paix" est possible dans le capitalisme est une vaste mystification. La "paix" n'est toujours qu'un moment de la préparation d'une nouvelle guerre car celle-ci est devenue un mode de vie permanent dans le capitalisme décadent. C'est pourquoi il ne peut y avoir de lutte contre la guerre qui ne soit lutte contre le capitalisme.
La vraie question, c'est à quoi correspond et à qui
sert ce phénomène "pacifiste" qui dépasse
de loin l'ampleur des rassemblements "anti-guerre" au
moment de la première guerre du Golfe en 1991 ? Il est suscité
et encouragé par la classe dominante elle-même en
désignant tel ou tel pays ou telle ou telle fraction de la
bourgeoisie comme "fauteur" de guerre. C'est ainsi que les
"bellicistes" et les "pacifistes", se renvoient
la balle pour mystifier "l'opinion publique", d'un côté,
l'ennemi principal, c'est l'Irak, de l'autre, ce sont les Etats-Unis.
Il s'agit pour la bourgeoisie de persuader qu'il y a toujours un camp
impérialiste à choisir (en l'occurrence, peu importe
que l'adversaire désigné par les pacifistes soient les
Etats-Unis, le gouvernement américain, ou la seule fraction
Bush). D'ailleurs, un des slogans mis en avant dans les
manifestations faisait cet aveu révélateur : "la
paix est patriotique", ce qui révèle clairement
que le "camp belliciste" n'a pas le monopole de la défense
de l'intérêt national capitaliste.
Aussi, cela ne
traduit qu'une hypocrisie et un cynisme sans nom que le soi-disant
"front anti-guerre" soit de façon inédite
dans l'histoire représenté aujourd'hui directement par
certains Etats qui osent se présenter comme les colombes de la
"paix". Même des fractions de droite que l'on ne peut
soupçonner de trahison envers l'ordre bourgeois, se laissent
désigner comme chefs de file d'un courant "pacifiste".
N'est-il pas grotesque de voir Chirac proposé comme futur
"prix Nobel de la paix" alors que le gouvernement français
est responsable du chaos guerrier en ce moment même en Côte
d'Ivoire ? Dans le même "camp", on trouve la Russie
de Poutine qui ne cesse de commettre les pires massacres et perpétrer
les pires horreurs à travers son armée en Tchétchénie,
et aussi l'Allemagne où les prédécesseurs de
Schröder n'ont pas hésité il y a dix ans à
encourager l'éclatement de la Yougoslavie qui a provoqué
trois ans de génocides et de guerres atroces dans les Balkans,
tout cela dans l'intérêt de leurs sordides intérêts
impérialistes nationaux particuliers. Aujourd'hui, ces
dirigeants tout aussi sanguinaires que les autres sont amenés
à surfer sur le "courant pacifiste" pour jouer les
matamores et mettre des bâtons dans les roues de la bourgeoisie
américaine. Ils proclament : "Demandons, exigeons,
imposons la paix au gouvernement Bush !", uniquement afin
d'affirmer leurs intérêts qui les poussent dans une
attitude ouvertement contestataire envers les Etats-Unis. De plus,
une bonne partie d'entre eux dans cette coalition de façade
sont prêts à changer d'avis et à participer à
la guerre contre l'Irak sous conditions, soit si la pression
américaine l'exige, soit si "certaines règles du
droit international sont respectées", comme une nouvelle
résolution de l'ONU. Aucun gouvernement ne peut être
réellement contre la guerre mais uniquement contre les
conditions formelles dans laquelle les Etats-Unis l'imposent.
Ces rassemblements ont pour fonction d'empêcher la remise en
cause du capitalisme, de comprendre que la guerre est l'expression
des rivalités inter-impérialistes entre tous les Etats,
engendrées par la concurrence capitaliste dans la défense
de leurs intérêts nationaux respectifs.
Pour certains
Etats, il s'agit carrément d'une véritable "union
sacrée" derrière sa propre bourgeoisie nationale
qui est proposée. C'est le cas de la France où domine
nettement la tonalité antiaméricaine, encouragée
et soutenue par la quasi-totalité des fractions politiques de
la bourgeoisie nationale, de Le Pen jusqu'aux organisations
gauchistes qui "poussent" Chirac à s'opposer encore
davantage à la politique des Etats-Unis 2 [274].
Sa première fonction est de nourrir dans les populations un
sentiment anti-américain en désignant les Etats-Unis
comme les seuls "fauteurs de guerre", l'adversaire
impérialiste numéro 1 par excellence pour dévoyer
leur hostilité envers la guerre sur un terrain bourgeois.
Il n'y a pas des guerres "justes" et d'autres
"injustes", des formes acceptables pour faire la guerre et
d'autres non, quel que soit le camp en présence. Le résultat
est d'ailleurs le même pour les populations prises en otage qui
seront massacrées, bombardées, gazées, avec les
armes le plus nocives et les plus meurtrières sans la moindre
considération "humanitaire".
Aujourd'hui, comme
toujours dans le passé, le pacifisme est le meilleur complice
du bourrage de crâne belliciste. Cette idéologie
bourgeoise est un véritable poison pour la classe ouvrière.
Au-delà de la crapulerie de tous ceux qui colportent une telle
mystification pour masquer leur idéologie nationaliste, le
pacifisme vise un objectif bien particulier : récupérer
la crainte et l'aversion des ouvriers devant la menace de guerre pour
empoisonner leur conscience et amener à soutenir un camp
bourgeois contre un autre.
C'est pour cela que le pacifisme fait
partie, comme chaque fois que la bourgeoisie a eu besoin de faire
accepter aux prolétaires sa logique meurtrière, d'un
vaste partage des tâches entre les différentes fractions
impérialistes du capital mondial.
Ce qui définit le
pacifisme, ce n'est pas la revendication de la paix. Tout le monde
veut la paix. Les va-t-en guerre eux-mêmes ne cessent de clamer
qu'ils ne veulent la guerre que pour mieux rétablir la paix.
Ce qui distingue le pacifisme, c'est de prétendre qu'on peut
lutter pour la paix, en soi, sans toucher aux fondements du monde
capitaliste. Les prolétaires qui, par leur lutte
révolutionnaire en Russie et en Allemagne, mirent fin à
la Première Guerre mondiale, voulaient eux aussi la fin de la
guerre. Mais s'ils ont pu faire aboutir leur combat, c'est parce
qu'ils ont su mener leur combat non pas AVEC les "pacifistes"
mais malgré et CONTRE eux. A partir du moment où il
devint clair que seule la lutte révolutionnaire permettait
d'arrêter la boucherie impérialiste, les prolétaires
de Russie et d'Allemagne se sont trouvés confrontés non
seulement aux "faucons" de la bourgeoisie mais aussi et
surtout à tous ces pacifistes de la première heure
(mencheviks, socialistes-révolutionnaires, sociaux-patriotes)
qui, armes à la main, ont défendu ce dont ils ne
pouvaient plus se passer et ce qui leur était le plus cher :
rendre inoffensive pour le capital la révolte des exploités
contre la guerre. Tel a toujours été le but réel
du pacifisme !
Sur ces manœuvres, l'histoire nous livre des
expériences édifiantes. La même entreprise que
nous voyons à l'œuvre aujourd'hui, les révolutionnaires
du passé le dénonçaient déjà avec
énergie : "La bourgeoisie a précisément
besoin de phrases hypocrites sur la paix par lesquels on détourne
les ouvriers de la lutte révolutionnaire", énonçait
Lénine en mars 1916. L'usage du pacifisme n'a pas changé
: "En cela réside l'unité de principe des
sociaux-chauvins Plekhanov, Scheidemann) de des sociaux-pacifistes
(Turati, Kautsky) que les uns et les autres, objectivement parlant,
sont les serviteurs de l'impérialisme : les uns le servent en
présentant la guerre impérialiste comme la 'défense
de la patrie', les autres défendent le même impérialisme
en le déguisant par des phrases sur la 'paix démocratique',
la paix impérialiste qui s'annonce aujourd'hui. La bourgeoisie
impérialiste a besoin de larbins de l'un et de l'autre sorte,
de l'une et de l'autre nuance : elle a besoin des Plékhanov
pour encourager les peuples à se massacrer en criant 'A bas
les conquérants' ; elle a besoin des Kautsky pour consoler et
calmer les masse irritées par des hymnes et dithyrambes en
l'honneur de la paix", écrivait déjà
Lénine, en janvier 1917. Et il ajoutait : "En fait, la
politique de Kautsky (pour l'Allemagne) et celle de Sembat-Henderson
(pour la France et la Grande-Bretagne) aident de façon
identique leurs gouvernements impérialistes respectifs, en
attirant principalement l'attention sur les intrigues ténébreuses
du concurrent et adversaire, et en jetant un voile de phrases
nébuleuses et de pieux souhaits sur les activités tout
aussi impérialistes de ' leur' bourgeoisie. Nous cesserions
d'être des marxistes, nous cesserions d'être en général
des socialistes, si nous nous contentions d'une méditation
chrétienne pour ainsi dire, sur la vertu des bonnes petites
phrases générales, sans mettre à nu leur
signification."
Ce qui était vrai au moment de la Première Guerre
mondiale s'est depuis invariablement confirmé. Aujourd'hui
encore, face aux préparatifs guerriers dans le Golfe, la
bourgeoisie a plus que jamais puissamment organisé sa machine
pacifiste dans tous les pays.
Pour les révolutionnaires, il
ne suffit pas de dénoncer la guerre impulsée par les
Etats-Unis mais il faut en même temps montrer l'hypocrisie de
tous les autres Etats qui ne mobilisent la population contre cette
guerre que pour s'opposer aux Etats-Unis et défendre leurs
propres intérêts nationaux.
Pour les révolutionnaires, non seulement les préparatifs
d'un nouveau conflit dans le Golfe opposent des bandes de brigands
impérialistes, mais la classe ouvrière n'a aucun
intérêt à soutenir un camp ou l'autre, donc elle
doit absolument se démarquer aujourd'hui des entreprises
"pacifistes" animées par d'autres brigands
impérialistes.
C'est pourquoi l'hostilité à
la guerre du prolétariat doit rester sans la moindre
concession, liée à une position de principe que les
révolutionnaires ont toujours défendu :
L'INTERNATIONALISME PROLETARIEN, le refus de faire cause commune avec
sa propre bourgeoisie nationale. Alors que pour chaque fraction
concurrente de la classe dominante, son positionnement est dicté
par le fait qu'elle a tel ou tel intérêt impérialiste
à défendre en Irak ou plus largement dans cette région
du Moyen-Orient, la classe exploitée quant à elle n'a
AUCUN intérêt à s'aligner derrière les
prétendues "justes causes" de ses exploiteurs,
qu'elles soient "défensives" ou "pacifistes".
La classe ouvrière doit s'appuyer sur son expérience
historique pour prendre conscience que les chants de sirène du
pacifisme ne servent qu'à l'attirer dans un piège, sur
un terrain strictement bourgeois. Non seulement elle ne peut qu'être
enchaînée à la défense d'un camp
impérialiste contre un autre, mais elle ne peut que perdre sa
propre identité en se laissant noyer dans la "population"
en général, toutes classes confondues, au milieu d'un
gigantesque mouvement "citoyen" dans lequel il lui est
totalement impossible d'affirmer ses propres intérêts de
classe. Une classe qui n'a pas de patrie, pas de frontières et
d'intérêts nationaux à défendre.
Aujourd'hui comme hier, la seule réponse que la classe
ouvrière puisse apporter à la guerre et à son
corollaire, le pacifisme, c'est la LUTTE DE CLASSE. La lutte contre
la guerre ne peut être que la lutte contre le capitalisme
mondial, contre ce système d'exploitation dont elle est la
principale victime. Car c'est ce même système, dont les
Bush, Blair, Chirac, Schröder, Saddam et consorts sont les
dignes représentants, qui d'un côté exploite les
prolétaires, les réduit au chômage et à la
misère, de l'autre, les massacre, les condamne à
l'exode massif, à la famine, aux épidémies. Ce
n'est qu'en développant massivement leurs combats sur leur
propre terrain de classe exploitée, en unifiant leurs luttes à
l'échelle internationale dans les usines et dans la rue, que
les prolétaires de tous les pays, et notamment ceux des pays
les plus industrialisés d'Europe et d'Amérique,
pourront ouvrir une perspective d'avenir pour l'humanité :
celle du renversement du capitalisme.
La paix est impossible
dans le capitalisme. Le capitalisme, c'est la guerre !
Contre
l'union sacrée de tous les exploiteurs, contre toutes les
manœuvres d'intoxication idéologique et de division du
prolétariat mondial : Prolétaires de tous les pays,
unissez-vous !
Wim (21 février)
1 [275] Bien que la mobilisation sur Paris (250 à 300 000 manifestants) ait été affaiblie par le fait que des "initiatives citoyennes" la semaine précédente l'ont disséminé en quelques 70 cortèges provinciaux et que le jour choisi tombait en pleine période de vacances scolaires.
2 [276] Dans ce cadre, même si le pacifisme est traditionnellement véhiculé par les partis de gauche et d'extrême gauche qui restent les moteurs des mouvements pacifistes, en particulier afin d'y enrôler spécifiquement les ouvriers, son influence va bien au-delà des clivages traditionnels au sein de la bourgeoisie. De même, la mobilisation des "chrétiens" est liée au rôle éminent du pape dans la croisade antiaméricaine.
Pour Bush,
Blair et leurs supporters dans le monde, la guerre qui se prépare
contre l'Irak est une "guerre pour la paix", laquelle
serait menacée par les "armes de destruction massive"
de Saddam Hussein. Pour Chirac, Schröder et leurs "fans",
c'est le désarmement "pacifique" de Saddam qui
permettra le mieux de garantir cette "paix mondiale".
L'histoire nous a appris depuis longtemps ce que valent les discours
des gouvernements bourgeois, qu'ils soient "bellicistes" ou
"pacifistes" : dans le capitalisme d'aujourd'hui, la "paix"
comme la guerre ne préparent jamais la paix mondiale mais
toujours de nouvelles guerres. Et si les grandes démocraties,
anciennes alliées de la "guerre froide" sont
aujourd'hui divisées, ce n'est certainement pas à cause
de désaccords sur la meilleure solution pour garantir la
paix.
En réalité, lorsque la France et les
Etats-Unis se prennent violemment à partie et que, déchirée
par les oppositions entre ses Etats membres, l'UE révèle
au grand jour qu'elle ne constitue rien de plus qu'une entente
économique dénuée de toute cohésion
politique, ce sont des intérêts impérialistes
antagoniques qui s'affrontent, d'autant plus fortement que chaque
pays se trouve assailli par des contradictions de plus en plus
insurmontables sur le plan économique.
Depuis le début des années 1990, de telles tensions
n'ont cessé de se manifester à travers en particulier
une série des démonstrations de force des Etats-Unis.
Comme nous l'avons déjà mis en évidence dans nos
colonnes (et celles de la Revue Internationale), celles-ci ont pour
objectif, à travers l'usage de leur écrasante
supériorité militaire, de faire taire la contestation
de leur leadership mondial tout en conquérant des positions
stratégiques renforçant encore leur suprématie
vis-à-vis de leurs rivaux, européens principalement. En
ce sens, l'Irak constitue une position clé que les Etats-Unis
se proposent de contrôler directement. Ce pays constitue un
maillon de l'encerclement de l'Europe. Son contrôle ne peut
qu'affaiblir les positions de la France (le plus turbulent rival des
Etats-Unis) et de l'Allemagne, potentiellement le plus dangereux du
fait de sa puissance économique et de son rayonnement
géographique et historique en direction de l'Est.
L'effondrement de l'Empire ottoman ("l'homme malade de
l'Europe") qui s'est accéléré à la
fin du 19e siècle et au début du 20e a attisé
les convoitises des puissances de l'époque envers les régions
qu'il contrôlait, notamment les Balkans (d'où est partie
la Première Guerre mondiale) et le Proche-Orient qui est
devenu un carrefour stratégique entre plusieurs continents.
Alors que la France et l'Angleterre visaient au contrôle de
cette région à travers la Méditerranée
(c'est la France qui construit le canal de Suez achevé en
1869) et, pour l'Angleterre, à partir de l'Empire des Indes
(via l'Afghanistan et la Perse), l'Allemagne de Guillaume II se donne
le même objectif à travers une voie continentale, un axe
Berlin-Istambul-Bagdad. Ainsi, c'est l'Allemagne qui finance la ligne
de chemin de fer de Bagdad, commencée en 1903, visant à
relier Berlin au Golfe persique (via l'Orient-Express et la Turquie).
Evidemment, l'importance de cette région (et la convoitise à
son égard de la part des grandes puissances) s'accroît
encore au début du 20e siècle avec la mise en
exploitation de ses réserves pétrolières : c'est
à la veille de la Première Guerre mondiale que l'or
noir commence à couler en Iran et en Irak (encore dominé
par l'Empire ottoman). Les ambitions impérialistes de
l'Allemagne ont subi un coup d'arrêt avec la défaite de
ce pays dans la Première Guerre mondiale et c'est à
l'Angleterre qu'échoit le protectorat de l'Irak à
partir de 1920. Cette domination anglaise est pratiquement sans
partage jusqu'au renversement de la monarchie hachémite par un
coup d'Etat le 14 juillet 1958. Mais à la suite de ce dernier,
l'Irak échappe au contrôle de la puissance anglaise pour
passer des accords économiques, politiques et militaires avec
l'URSS, la France et l'Allemagne. L'effondrement du bloc de l'Est a
légué à ces deux derniers pays l'essentiel de
l'influence étrangère en Irak, une influence que ne
parvient pas à abolir la guerre du Golfe de 1991, ni l'embargo
et les bombardements anglo-américains infligés depuis à
ce pays. Cela explique pourquoi la France et l'Allemagne,
contrairement à la Grande-Bretagne et aux Etats-Unis (qui ont
perdu avec la chute du Shah d'Iran en 1979 une position essentielle
dans la région) ont tout intérêt au statu quo en
Irak.
Ces éléments permettent à eux seuls de
comprendre pourquoi c'est l'Irak qui a constitué, après
l'Afghanistan, l'objectif prioritaire des Etats-Unis. Il en existe
d'autres, stratégiques également. En choisissant l'Irak
comme cible suivante de leurs opérations militaires, les
Etats-Unis savaient qu'ils rallieraient à eux la
Grande-Bretagne, qui elle non plus ne peut retrouver une influence en
Irak tant que Saddam Hussein est en place. Du même coup se
trouvait écarté le scénario de la guerre en
Yougoslavie à partir de 1991 où la France et la
Grande-Bretagne ont fait alliance pour la défense d'intérêts
impérialistes communs, face aux Etats-Unis. Le volume
considérable des réserves pétrolières de
l'Irak accentue évidemment de façon majeure
l'importance stratégique de ce pays situé au coeur
d'une région qui fournit la plus grande partie du pétrole
consommé au Japon et en Europe. Comme nous l'avons déjà
développé, si les Etats-Unis parvenaient à un
contrôle absolu sur les fournitures de l'Europe ou du Japon en
hydrocarbures, cela voudrait dire qu'ils seraient en mesure d'exercer
le plus puissant des chantages sur ces contrées en cas de
crise internationale grave.
Le contrôle direct de l'Irak
(une clé pour la domination de tout le Moyen-Orient) constitue
également une étape nécessaire pour le
renforcement de l'autorité américaine dans la région,
en particulier à travers la "normalisation" de la
situation en Arabie Saoudite et la remise au pas de l'Iran, qui
pourrait bien constituer la prochaine cible de l'offensive
américaine. Ainsi, ce qui se profile derrière la
mainmise sur l'Irak par les Etats-Unis, c'est tout un remodelage de
la carte géopolitique du Moyen-Orient avec, en perspective, le
"règlement" de la question palestinienne. En fait de
règlement, ce qui est visé ce n'est ni plus ni moins
que la création du Grand Israël, cher à Sharon, au
moyen de l'expulsion des populations des territoires occupés,
au delà du rempart que constitue le Jourdain, pour les parquer
en Jordanie.
Dans la crise irakienne actuelle, le refus de la
France et de l'Allemagne des plans des Etats-Unis traduit leur
volonté de défendre leurs propres intérêts.
Mais si cela a pris la forme d'une opposition aussi ouverte et
véhémente, témoignant d'une contestation du
leadership américain à un niveau inégalé
jusqu'ici, c'est parce que ces pays ont exploité à fond
la faiblesse des justifications idéologiques de cette nouvelle
croisade américaine. La scène où de Villepin est
applaudi à l'assemblée de l'ONU et où Powell,
déstabilisé, ne parvient pas à trouver ses mots,
symbolise parfaitement cet affront fait à la première
puissance mondiale et que cette dernière ne peut que faire
payer très cher, sous peine d'en subir d'autres aux
conséquences coûteuses sur le plan impérialiste.
On ne sait pas encore aujourd'hui si la résistance de la
France et de l'Allemagne aux plans américains va se poursuivre
à l'ONU, ni sous quelle forme. On ne sait pas non plus encore
comment les Etats-Unis s'arrangeront avec le "droit
international" au cas où ils n'obtiendraient pas de l'ONU
la majorité pour intervenir en Irak. Par contre, ce qui est
d'ores et déjà acquis c'est que, en isolant la France
et l'Allemagne de la presque totalité des pays européens,
les Etats-Unis ont marqué des points très importants
qui compteront dans le futur. Ainsi certains pays "amis" de
la France et de l'Allemagne, comme l'Espagne et l'Italie en
particulier, leur ont fait faux bond.
C'est pour l'Allemagne que
les dommages apparaissent pour l'instant les plus importants. Alors
que depuis sa réunification, c'est en direction de l'Europe de
l'Est qu'elle avait, non sans succès, tenté d'élargir
sa zone d'influence, on voit des pays comme la Hongrie et la
Tchéquie, fer de lance de la pénétration de
l'Allemagne au niveau économique, lui faire des
infidélités.
En fait, si certains pays ont lâché
la France et l'Allemagne, c'est par crainte, d'une part des
représailles américaines, d'autre part de l'affirmation
de voisins plus puissants, et donc plus aptes à faire valoir
leurs propres intérêts sur l'échiquier
impérialiste mondial. Jouer sur deux tableaux à la
fois, tant que c'est possible, est vu par ces pays comme un moyen de
ne pas se faire phagocyter par des "amis" géographiquement
trop proches.
Quant à la France, elle ne perd rien pour
attendre au niveau des représailles que la bourgeoisie
américaine va exercer sur elle. Déjà ses
positions en Afrique sont soumises à une pression accrue à
laquelle les Etats-Unis ne sont pas étrangers 1 [277].
Même
si, pour un temps, l'action de la France et de l'Allemagne risque de
perdre en efficacité contre la politique américaine, ce
n'est pas sans difficultés que les Etats-Unis s'engagent au
Moyen-Orient. Les alliances qui se nouent sont toujours de
circonstance (contrairement à celles qui pouvaient exister au
sein des deux anciens blocs de l'Est et de l'Ouest), et de fait sont
soumises aux fluctuations des intérêts particuliers des
uns et des autres. C'est ce que vient illustrer le marchandage imposé
par la Turquie qui accepte de mettre à la disposition des
Etats-Unis ses installations militaires aéroportuaires,
moyennant une rétribution que, jusqu'à ce jour, l'Oncle
Sam a jugé excessive. Il n'est pas un pays dont les Etats-Unis
n'aient pas à se méfier. Jusqu'à la
Grande-Bretagne, alors qu'elle leur avait damé le pion au
Kosovo en 1999, au dernier moment, dans la répartition des
protectorats.
Depuis le début des années 1990, les
offensives américaines successives, même si elles sont
parvenues à contenir momentanément la contestation de
leur leadership, n'ont en définitive abouti qu'à
renforcer encore cette contestation. C'est la raison pour laquelle la
première puissance mondiale doit en permanence être à
l'offensive avec des moyens de plus en plus importants. C'est à
cette nécessité qu'avait correspondu l'exploitation des
attentats du 11 septembre (que les services secrets américains
n'ont pas tenté d'empêcher alors qu'ils étaient
au courant de leur préparation) en libérant la
bourgeoisie américaine du syndrome du Vietnam, c'est-à-dire
lui laissant les mains libres pour engager les troupes américaines
sans devoir rendre des comptes sur le coût en vies humaines :
selon sa propagande, l'exigence du "zéro mort américain",
à laquelle ils se soumettaient avant, a été
balayée par les 3 000 morts du World Trade Center.
Quel que
soit le consensus que les Etats-Unis obtiendront, ou pas, pour
intervenir en Irak, quelles que soient la facilité ou les
difficultés militaires de cette guerre, toutes les
frustrations suscitées par cette nouvelle opération de
police des Etats-Unis ne pourront que rejaillir par la suite et
participer d'une nouvelle aggravation des tensions impérialistes.
Une fois encore, ce seront les populations civiles locales qui vont
faire les frais de la boucherie impérialiste et ce sera, comme
toujours, la classe ouvrière qui va devoir supporter le coût
de la guerre et du militarisme.
Luc (20 février)
1 [278] Dans les manifestations anti-françaises en Côte d'Ivoire à la fin du mois de janvier, des drapeaux américains ont fait leur apparition dans la foule, traduisant ainsi l'activité sur place de différents services "spécialisés" américains.
Les guerres modernes ont la propriété d'être présentées
mensongèrement comme des guerres "défensives"
: défense de la "civilisation" contre le terrorisme
et la barbarie des "Etats voyous", défense de la démocratie
contre le totalitarisme. C'était déjà la grande
mystification que dénonçaient les militants du parti social-démocrate
russe avec Lénine dont nous publions des extraits d'un article
de 1914, intitulé "L'Internationale et la défense
nationale".
L'article de Lénine démontre comment la question de la
guerre n'est pas un problème indifférent aux débats
des deux premières Internationales, le problème y est
constamment envisagé. Il affirme que le combat contre la guerre
est une composante essentielle avec le combat contre l'exploitation
économique de la lutte du prolétariat pour mettre à
bas le capitalisme. Mais mieux encore, contre tous les juges modernistes
et contre-révolutionnaires de l'histoire qui se lamentent à
dessein sur l'impuissance et la faillite de la 2e Internationale face
à la guerre mondiale, Lénine démontre que le coeur
du combat des Internationales a été maintenu, même
après leur disparition ou leur faillite, par le noyau de militants
qui n'avaient cessé de combattre l'opportunisme des futurs traîtres
chauvins. C'est cette continuité et pugnacité du combat
qui ont permis de renforcer l'éruption du prolétariat
révolutionnaire contre la guerre en 1917 et de constituer la
3e Internationale.
Ainsi, même dans une période aussi dramatique, une poignée
de révolutionnaires, seuls héritiers de la tradition marxiste
bafouée, a prouvé que ce n'est qu'en maintenant le flambeau
de l'Internationalisme contre les social-chauvins qui les accusaient
de défendre des conceptions "surannées", qu'il
était possible de se préparer à mettre fin à
la guerre par la perspective de la révolution.
Il n'est pas vrai que l'Internationale ait consacré trop peu
d'attention au problème de la guerre. Presque tous les congrès
internationaux s'en sont occupés. Un rappel des faits suffira.
L'ancienne Internationale a consacré à ce problème
deux résolutions en deux congrès. La 2e Internationale
s'y est arrêtée dans huit congrès et huit résolutions.
Elle a, en outre, traité, dans cinq résolutions, la question
coloniale.
Il est inexact que l'Internationale ait enseigné aux ouvriers
qu'ils n'avaient qu'à se demander si une guerre était
défensive pour que la question fût tout de suite tranchée
et qu'il ne leur restât qu'à mettre le fusil sur l'épaule
et à exterminer "l'ennemi". Quiconque prendra la peine
de parcourir les résolutions authentiques de la 1ère et
2e Internationale se convaincra que rien d'analogue n'a jamais été
résolu. Examinons ces résolutions.
En 1867, au congrès de Lausanne, la 1ère Internationale
élabore une motion détaillée sur la guerre. Le
point essentiel est dans l'indication qu'il "ne suffit pas de supprimer
les armées permanentes pour en finir avec les guerres, mais qu'une
transformation de tout l'ordre social est à cette fin également
nécessaire". En 1867, au congrès de Bruxelles, l'Internationale
"recommande tout particulièrement aux ouvriers de cesser
le travail dans leur pays en cas de guerre".
Le Conseil général de la 1ère Internationale adopte,
en 1866, au début de la guerre austro-prussienne, une résolution
dans laquelle il recommande aux prolétariats de considérer
ce conflit comme celui de deux despotes et de tirer parti de la situation
pour leur propre émancipation.
Dans un manifeste aux trade-unions, en juillet 1868, le même Conseil
général, dans lequel on n'ignore pas que Karl Marx exerçait
une influence prépondérante, écrivait : "Les
bases de la société doivent être dans la fraternité
des travailleurs, libérés des mesquines rivalités
nationales. Le travail n'a pas de patrie."
Telles sont les résolutions de la 1ère Internationale.
A la conférence de Londres, en 1888, les députés
social-démocrates reçoivent le mandat de travailler à
l'institution de cours d'arbitrage pour la liquidation des conflits
entre Etats.
Au premier congrès de la 2e Internationale (Paris, 1889), une
résolution antimilitariste précise est prise. Revendication
principale : la substitution des milices populaires aux armées
permanentes. En 1891, le congrès de Bruxelles, "considérant
que la situation de l'Europe devient chaque année plus menaçante(...),
considérant les campagnes chauvines des classes dirigeantes,
invite tous les travailleurs à protester, par une agitation incessante,
contre toutes les tentatives de guerre et (...) déclare que la
responsabilité des guerres retombe en tout cas (...) sur les
classes dirigeantes".
En 1893, le congrès de Zurich déclare : "La social-démocratie
révolutionnaire internationale doit s'insurger avec la plus grande
énergie contre les aspirations chauvines des classes dirigeantes.
Les représentants des partis ouvriers sont tenus de refuser tous
les crédits militaires et de protester contre le maintien des
armées permanentes."
En 1900, au congrès de Paris, l'Internationale décide
catégoriquement que : "Les députés socialistes
de tous les pays sont inconditionnellement tenus de voter contre toutes
les dépenses militaires, navales, et contre les expéditions
coloniales."
En 1907, à Stuttgart, après avoir examiné la question
sous tous ses aspects, l'Internationale adopte une résolution
circonstanciée, dont le passage le plus important est celui-ci
: "Si la guerre éclate pourtant, les socialistes ont pour
devoir d'intervenir pour en hâter la fin et tirer de toute façon
parti de la crise économique et politique, pour soulever le peuple
et précipiter par là même la chute de la domination
capitaliste."
En 1910, à Copenhague, la résolution de Stuttgart est
confirmée et l'Internationale déclare une fois de plus
que c'est "le devoir invariable" des députés
socialistes de refuser tous les crédits de guerre.
En novembre 1912, au congrès de Bâle, réuni pendant
la guerre des Balkans, l'Internationale formule une claire menace de
révolution si les gouvernements criminels vont jusqu'à
la guerre mondiale. "Que les gouvernements n'oublient pas, déclare
le congrès de Bâle, que la guerre franco-allemande a provoqué
l'éruption révolutionnaire de la Commune, que la guerre
russo-japonaise a mis en mouvement les forces révolutionnaires
des peuples de la Russie. Les prolétaires considèrent
comme un crime de se tirer les uns sur les autres pour les bénéfices
capitalistes, les rivalités dynastiques et les traités
diplomatiques secrets." Tel était jusqu'à présent,
le langage de l'Internationale. On chercherait en vain dans ces motions
une approbation de la guerre même défensive.
L'Internationale disait comment combattre la guerre, comment agir quand
la guerre éclate. Elle disait : "Votez contre les crédits,
appelez les masses au combat, préparez la guerre civile (la Commune
donnée en exemple) ; rappelez-vous que les guerres ne sont que
violences des classes dirigeantes contre les ouvriers, qu'elles sont
enfantées par l'ordre capitaliste. Elle appelait à la
lutte contre la guerre moderne". (...) Mais aujourd'hui !... Comme
les social-chauvins de tous les pays l'ont déshonorée,
l'Internationale !
L'Internationale n'a jamais dit que les socialistes dussent participer
à la "défense nationale" dans toute guerre défensive.(...)
Dans les guerres impérialistes qui caractérisent toute
notre époque, l'assaillant peut demain se trouver en état
de défense et vice versa. Pour cette raison déjà,
l'Internationale ne pouvait conseiller en toutes occasions la guerre
défensive. Il ne faut pas confondre les fâcheuses déclarations
isolées de quelques leaders socialistes avec l'opinion de l'Internationale.(...)
La différence entre une guerre offensive et la guerre défensive
est, dans la majorité des cas, tout à fait douteuse, écrivait
Kautsky lui-même en 1905. Et, en 1907, au congrès de la
social-démocratie allemande, à Essen, Kautsky, répliquant
à Bebel, disait encore :
"En réalité, la question ne se posera pas pour nous
en cas de guerre par rapport à telle ou telle nation isolée,
car la guerre entre les grandes puissances deviendra une guerre mondiale
et ne se limitera pas à deux Etats. Il arrivera qu'un beau jour
le gouvernement allemand tentera de berner les travailleurs allemands,
en leur assurant que la France est l'agresseur. Le gouvernement français
fera de même de son côté. Et nous serons les témoins
d'une guerre dans laquelle les ouvriers français et allemands,
également enthousiastes et suivant leurs gouvernements, s'égorgeront
entre eux."
(...) L'Internationale n'a jamais justifié ni préconisé
ce qu'ont fait les social-chauvins en Allemagne, en Autriche, en France
et en Belgique. Le simple recueil des résolutions de l'Internationale
constituerait le meilleur réquisitoire contre les opportunistes
qui les ont déchirées, amenant l'Internationale même
au krach. Les opportunistes étaient très forts dans l'Internationale,
mais pas assez pour affirmer, sous son égide, le patriotisme
d'aujourd'hui claironné par Haase et Vaillant, Hervé et
Sudekum. Au moment où l'opportunisme et le chauvinisme ont temporairement
triomphé dans les plus grands partis européens, la 2e
Internationale a cessé de vivre.
Une autre Internationale la remplacera.
Lénine (12 décembre 1914)
La bourgeoisie et ses médias présentent le chômage comme une fatalité, tout en "proposant" des "solutions". Ils peuvent ainsi justifier les sacrifices imposés aux ouvriers, sous la forme d'un véritable chantage à l'emploi, en cherchant à culpabiliser les "actifs", en leur demandant de "partager" travail et salaire. Bref, ils généralisent la misère, au nom de la "solidarité".
Le chômage qui affecte aujourd'hui la classe ouvrière n'est pas un phénomène nouveau. Depuis ses origines, le capitalisme a connu des crises périodiques qui, à chaque fois, se traduisaient par une poussée du chômage et une violente attaque contre les conditions de vie des ouvriers.
Au moment le plus aigu des crises cycliques du 19e siècle, certains
secteurs, comme le textile, pouvaient licencier jusqu'à 50% de
leur main-d'oeuvre. Plus largement, lorsque le patron ne parvenait pas
à vendre ses marchandises sur un marché ponctuellement
saturé, il se voyait dans l'obligation de jeter à la rue
la classe laborieuse.
L'exode rural forcé ainsi que la ruine de milliers d'artisans
incapables de concurrencer les grandes entreprises capitalistes qui
produisaient moins cher, faisait qu'une énorme masse de sans-travail
affluait vers les grandes villes pour garnir les rangs du prolétariat.
Cette gigantesque "armée industrielle de réserve"
permettait alors à la bourgeoisie de faire pression sur les salaires
pour les maintenir au niveau le plus bas. Si le chômage est également
resté particulièrement élevé avant 1850
dans le pays industriel le plus puissant à l'époque, l'Angleterre,
c'est que ses marchandises ne parvenaient pas à être écoulées
de manière suffisante. Ceci, tant sur le marché intérieur
saturé, que dans les pays du continent qui adoptaient des mesures
"protectionnistes". La France et l'Allemagne avaient en effet
tendance à fermer la porte aux produits anglais, pour ne pas
être concurrencés et favoriser les débuts de leur
propre révolution industrielle.
Mais à partir de la seconde moitié du 20e siècle,
le fait que le capitalisme n'ait pas encore conquis la planète
permettait de résoudre les effets les plus dévastateurs
de la concurrence et, surtout, de surmonter momentanément les
crises de surproduction, grâce à la découverte de
nouveaux débouchés obtenus par les conquêtes coloniales.
Les marchandises ainsi vendues pouvaient permettre de réaliser
la plus-value, c'est-à-dire le profit, et d'assurer le processus
d'accumulation du capital. Cette expansion permettait non seulement
d'écouler les surplus de marchandises dans ces zones pré-capitalistes
mais aussi, par la même occasion, d'étendre le mode de
production capitaliste, faisant des anciens producteurs de nouveaux
prolétaires.
Cette marche forcée, au prix d'épisodes sanglants, conduisait
l'industrie à absorber et intégrer à peu près
partout une main-d'oeuvre toujours plus nombreuse et concentrée.
C'est durant cette période que l'Europe continentale et les Etats-Unis
entraient de plain-pied dans la révolution industrielle. La colonisation
et le développement du capital américain absorbèrent
donc nombre de chômeurs potentiels par le biais de l'émigration
européenne (50 millions d'européens quittèrent
le "vieux continent" entre 1850 et 1914).
Ainsi, dans l'ascendance du capitalisme, pour les prolétaires, malgré la misère et la surexploitation qu'ils subissaient, les conditions d'expansion du capitalisme leur permettaient non seulement de vendre leur force de travail, mais encore de se constituer en classe, de s'organiser, de développer leur unité et d'arracher aux exploiteurs des réformes et des améliorations durables. De plus les conquêtes de zones extra-capitalistes dans toutes les régions du globe permettaient de limiter le chômage grâce à l'ouverture et à l'élargissement du marché mondial. Durant cette période, malgré son caractère inhumain, le chômage n'avait pas la signification tragique qu'il a aujourd'hui, où il apparaît comme un véritable cancer social.
La Première Guerre mondiale, dont l'origine est liée
au repartage des marchés entre les différentes bourgeoisies
nationales, sanctionne la fin de cette phase dynamique du capitalisme
et annonce sa décadence.
Si, au lendemain de la "Grande Guerre", le taux de chômage
est resté assez peu élevé, c'est avant tout du
fait que des millions de prolétaires avaient été
fauchés sur le front. La période de reconstruction qui
a suivi a permis provisoirement d'absorber une main-d'oeuvre diminuée.
Dix ans après le conflit, la surproduction qui entraînait
la catastrophe de 1929 provoquait une montée dramatique du chômage
dans tous les pays industriels. Le chômage est passé de
5,9 % à 13,1 % au Royaume-Uni entre 1929 et 1932 et de 5,9 %
à 17,2 % pour la même période en Allemagne. L'exemple
le plus significatif est son bond spectaculaire aux Etats-Unis, où
il est passé de 3% en 1929 à 25% en 1933 ; situation caractérisée
par ses grèves "dures" et ses longues files d'attente
aux soupes populaires.
Si par la suite, on enregistre une légère décrue
dans la plupart des pays jusqu'au déclenchement de la Seconde
Guerre mondiale, cela n'est dû essentiellement qu'au développement
du capitalisme d'Etat, à la production d'armement et à
la politique de grands travaux d'inspiration keynésienne qui
marquent la fuite en avant du capitalisme vers la préparation
directe d'une nouvelle boucherie impérialiste, comme seule "réponse"
à ses contradictions mortelles. Ces politiques appliquées
aussi bien par les régimes démocratiques ("New Deal"
aux Etats-Unis et programme du Front Populaire en France) que par les
régimes "totalitaires" (plan quinquennaux en URSS,
mise en place de l'Institut pour la Reconstruction Industrielle -IRI-
en Italie, plan de quatre ans en Allemagne), à coup de déficits
budgétaires et d'endettement, permettaient de maintenir et de
créer une activité artificielle.
Tous les Etats poussaient violemment les prolétaires à
se sacrifier pour les intérêts de l'économie nationale.
Et de ce point de vue, les staliniens de l'URSS, de la fameuse "patrie
du socialisme", n'étaient pas en reste. La glorification
des "héros du travail", conduisant à la construction
du mythe Stakhanov, faisait partie de l'arsenal idéologique bourgeois
pour pressurer au maximum la force de travail. Si les staliniens se
targuaient de ne "pas connaître le chômage", la
mobilisation dans les vastes camps de production de l'industrie lourde,
au service de l'armement et du capital russe, où les prolétaires
devaient s'épuiser pour des conditions de vie misérables
en était le prix à payer. Ceci, sans compter la masse
des travailleurs entassés dans les goulags !
Si, de 1945 jusqu'à la fin des années soixante, le taux
du chômage est resté encore relativement faible, c'est
grâce à la phase de reconstruction d'après guerre.
Mais à la fin des années soixante, celle-ci est terminée.
Les nations dont le potentiel industriel avait été détruit,
comme l'Allemagne, peuvent de nouveau produire et, surtout, encombrer
le marché mondial. Le chômage, jusque là repoussé
ou atténué momentanément par l'économie
de guerre, la reconstruction, les mesures étatiques et le développement
du crédit, revient alors avec fracas. Contrairement à
la veille de la Première et de la Seconde Guerre mondiale, la
bourgeoisie ne peut embrigader derrière les drapeaux nationaux
une masse ouvrière qui, depuis Mai 68, a retrouvé le chemin
de la lutte sur son propre terrain de classe. L'aggravation de la crise
économique entraîne alors un inexorable mouvement de licenciements,
dans tous les pays industriels. De récessions en récessions,
les chômeurs ne cessent de s'entasser par millions.
Avec le début des années quatre-vingt, le chômage est devenu massif et chronique, ouvrant une ère de paupérisation absolue. Désormais, les différents capitaux nationaux ne peuvent survivre qu'en rejetant dans le chômage un nombre toujours plus grand de prolétaires. Alors que la surproduction atteint des niveaux inégalés et que les Etats croulent sous les dettes, que les secousses monétaires et boursières se multiplient en fréquence et en intensité, que la guerre commerciale se déchaîne tous azimuts, la perspective de "résorber" le chômage par le biais de "sacrifices nécessaires" s'avère être un odieux mensonge. En réalité, face à la concurrence, toutes les bourgeoisies nationales sont obligées de "rationaliser" leur production. Cela signifie qu'elles doivent dès maintenant fermer les usines les moins rentables, augmenter la productivité du travail, diminuer les effectifs, accélérer les cadences, baisser les salaires. La crise et le chômage ainsi engendré ne sont ni cycliques, ni conjoncturels. Alors que le capitalisme avait pour raison d'être essentielle de développer les forces productives en généralisant le salariat comme c'était le cas dans le passé, son incapacité évidente aujourd'hui à donner du travail à des dizaines de millions de prolétaires signifie que ce système est arrivé au bout du rouleau.
Au début du 21e siècle, le drame du chômage illustre de façon éclatante la faillite du mode de production bourgeois. Il témoigne de la nécessité pour la classe ouvrière de renverser ce système moribond et de mettre fin, par la révolution communiste mondiale, à la misère capitaliste.
Dans le concert des gigantesques manifestations pacifistes au cours de ces dernières semaines, un des slogans les plus fédérateurs et consensuels de l'anti-américanisme ambiant était "Non à la guerre pour le pétrole !". En France par exemple, on a pu voir placardées partout des affiches où l'organe du PCF, L'Humanité soignait sa publicité en se présentant comme "le journal des anti-guerre" avec une photo représentant un tuyau de pompe à essence appuyé comme un revolver en plein milieu du front d'une petite fille irakienne. La plupart des organisations gauchistes à commencer par la LCR et le PT comme les "altermondialistes" d'Attac, les "mouvements citoyens", les Verts et tous les porte-parole de la gauche n'ont pas cessé de marteler la même idée, amplement relayée par tous les grands médias eux-mêmes du Monde au Nouvel Observateur en passant par Libération et toutes les chaînes de télévision, publiques ou privées, que cette nouvelle guerre du Golfe était avant tout une guerre pour le pétrole au profit exclusif des trusts et des grands groupes pétroliers américains. Ainsi, Arlette Laguiller devait entamer le 21 mars une tournée de meetings dans le pays sur le thème "Pas de sang dans le pétrole !" et écrivait par exemple dans l'éditorial du n° 1806 de Lutte Ouvrière daté du 14 mars : "Le pétrole du Moyen-Orient et les bénéfices que les trusts américains peuvent tirer de la guerre ont bien plus d'importance aux yeux de Bush que les milliers de victimes civiles, mortes ou handicapées à vie que sa croisade contre l'Irak ne manquera pas de provoquer". Qu'y a-t-il derrière cette larmoyante démagogie antiaméricaine ? En d'autres termes, tous ces discours reviennent à dire que ce qui intéresserait fondamentalement les Etats-Unis conduits par un président lui-même lié aux groupes pétroliers américains, c'est de faire main basse sur les réserves de pétrole de l'Irak pour s'approprier les produits faciles de sa rente.
Tout les bons apôtres qui répètent qu'il s'agit
d'une guerre pour le pétrole feraient bien de regarder d'un peu
plus près l'histoire de ces 50 dernières années
avant de proférer et de colporter ce genre d'inepties. Une telle
explication simpliste visant à faire croire que l'objectif de
cette guerre serait une question de rente pétrolière que
chercheraient à s'assurer certains Etats est en contradiction
flagrante avec la réalité même des précédents
conflits en Afghanistan ou en Yougoslavie, et même avec la première
guerre du Golfe en 1991 qui ont coûté énormément
d'argent et n'ont pas permis aux vainqueurs de se payer en nature (les
produits pétroliers irakiens sont restés depuis 12 ans
sous embargo), que ce soit avec du pétrole ou autre chose. Au-delà,
est-ce qu'on peut expliquer ainsi les guerres du 20e siècle à
commencer par les deux boucheries mondiales : quel était l'intérêt
strictement économique de ces conflits ? Qui aurait osé
prétendre que de précédentes guerres menées
par les Etats-Unis comme la guerre de Corée et la guerre du Vietnam
étaient "une guerre pour le riz" ?
Si, à la fin du 19e siècle, le but des guerres coloniales
était l'acquisition de matières premières à
bas prix ainsi que l'ouverture de nouveaux marchés capitalistes,
il est aujourd'hui absurde de continuer à penser que l'objectif
d'une guerre se limite à de stricts intérêts économiques
ou à un approvisionnement en matières premières.
Au début de l'année (voir Le Monde daté du 4 janvier
2003), les experts américains en analysant l'impact possible
de la guerre sur l'économie américaine dégageaient
trois hypothèses : la plus optimiste prévoyait des effets
négatifs limités et d'assez courte durée, la deuxième
aurait comme conséquence un taux de croissance proche de zéro
sur une assez longue période, la dernière débouchait
sur une plongée dans une récession durable. Alors que
tous les scénarios dégageaient un effet négatif,
ces perspectives contredisent les assertions de tous ceux qui nous racontent
que l'économie américaine escompte tirer de fabuleux profits
de la guerre. D'ailleurs, l'économiste en chef d'une agence financière
américaine déclarait alors : "Les faits sont têtus.
Quand vous commencez une guerre, beaucoup de choses peuvent se produire,
la plupart du temps, elles ne sont jamais bonnes". C'est d'ailleurs
pour cela que les milieux industriels et financiers américains
se sont montrés pendant des mois si réticents, voire hostiles
au projet de Bush sur l'Irak.
Il est évident que la guerre commerciale que se livrent les grands
trusts pétroliers est sans merci, que des groupes américains
ou anglais comme Chevron Texaco, Exxon Mobil, RD/Shell ou BP ne peuvent
qu'exploiter la situation pour chercher à évincer du Moyen-Orient
de dangereux concurrents comme le Français Total Elf Fina ou
le Russe Lukoil qui étaient parvenus à s'implanter dans
la région, et que les compagnies américaines entendent
ensuite profiter du rapport de force militaire pour régler le
compte de leurs concurrents britanniques. Mais cela ne saurait constituer
un motif sérieux et crédible de mobiliser une telle armada
terrifiante et de mettre toute la région à feu et à
sang.
Aujourd'hui l'Irak n'assure que 3,3 % de la production pétrolière
mondiale. En admettant que l'objectif qui est clairement avoué
soit un doublement de la production en fonction de ses réserves
importantes (l'Irak détiendrait 11 % des réserves mondiales
et un sixième de l'ensemble du Proche-Orient), ces bénéfices
économiques immédiats attendus peuvent-ils expliquer une
guerre d'une telle envergure ? Pas le moins du monde.
La propagande officielle est à peine un peu plus subtile : en
faisant main basse sur les réserves pétrolières
irakiennes, les Etats-Unis veulent se libérer d'une trop grande
dépendance vis-à-vis de l'Arabie Saoudite. Nous avons
déjà répondu dans notre presse au manque de crédibilité
de cet argument (voir RI n° 330, "Le bluff de la rente pétrolière",
janvier 2003) en montrant que la part des importations en pétrole
saoudien ne représentait qu'entre 5 et 8 % de la consommation
pétrolière américaine et plus largement que pour
l'ensemble des ressources énergétique (pétrole
+ gaz + charbon + nucléaire + hydroélectricité),
les Etats-Unis assurent déjà 82% de leurs propres besoins
sans recourir aux importations.
Si le pétrole était d'un intérêt tellement
vital, pourquoi encourir les risques énormes actuel de le dilapider
et de faire partir en fumée cette manne ? Le déclenchement
de la guerre fait courir un danger évident de destruction ou
de pollution des champs pétroliers par les bombardements ou par
Saddam lui-même qui, de façon tout a fait prévisible,
pouvait être poussé ainsi à se livrer à des
opérations de sabotage (comme cela s'est déjà produit
au Koweït en 1991 où il aura fallu des mois et dépenser
des sommes colossales pour éteindre les foyers, remettre en état
et dépolluer les quelque 700 puits incendiés). D'ailleurs,
les premières heures du conflit n'ont pas tardé à
confirmer ce danger et semblent dans une certaine mesure accréditer
cette hypothèse. Quant au coût pour protéger les
sites pétrolifères ainsi menacés, son prix à
payer en termes de moyens matériels, financiers, économiques,
militaires, humains mis en oeuvre dépassera sans doute de beaucoup
les bénéfices que la bourgeoisie pourra jamais en tirer.
S'il s'agissait d'une guerre de rapine, il est dès à présent
clair que le camp des belligérants ne pourra jamais se rembourser
des coûts astronomiques de la guerre. Cela souligne et fait ressortir
le caractère totalement irrationnel des guerres impérialistes,
notamment d'un point de vue économique.
Même si tous les Etats, des Etats-Unis à l'Europe en passant
par le Japon sont intéressés à se procurer du pétrole
bon marché, cela ne saurait expliquer l'incroyable concentration
et l'utilisation de moyens militaires d'une telle envergure par la première
puissance mondiale dans la mesure où la guerre ne peut que creuser
encore les déficits commerciaux comme budgétaires considérables
des Etats-Unis.
Si le volume des réserves pétrolières de l'Irak
joue un rôle dans l'importance stratégique de ce pays,
c'est avant tout parce que ce pays est situé au coeur d'une région
qui fournit la plus grande partie du pétrole consommé
en Europe et au Japon (l'Europe- en dehors de la Russie- en est tributaire
à 25% en moyenne, très inégalement selon les pays,
mais un des plus dépendants est l'Allemagne, le rival impérialiste
le plus sérieux pour la Maison Blanche et le Japon en dépend
à 95% !). Si les Etats-Unis parvenaient à contrôler
étroitement les fournitures de l'Europe et du Japon en hydrocarbures,
ce serait un atout majeur pour préserver son statut de gendarme
du monde. Cela permettrait à la bourgeoisie américaine
d'exercer le plus puissant des chantages sur ces pays en cas d'aggravation
des conflits impérialistes vis-à-vis d'eux ou d'avancée
stratégique de ses principaux rivaux impérialistes. Ainsi,
le véritable but de la guerre est d'ordre stratégique
et militaire. Et cette stratégie consiste avant tout à
déstabiliser l'adversaire, exploiter les faiblesses ou les dépendances
des puissances rivales les plus dangereuses, les priver de leurs atouts
ou de moyens comme de matières premières de telle sorte
que cette privation puisse porter un coup fatal à son économie
ou bien encore le placerait dans l'incapacité d'assurer efficacement
sa protection et ses fonctions militaires. C'est cela qui est la caractéristique
la plus révélatrice de la logique du capitalisme aujourd'hui
et des rapports impérialistes réels dans le monde.
Tous ces arguments fallacieux de la guerre pour le pétrole ont
pour fonction essentielle de constituer un instrument de propagande
et un rideau de fumée idéologique. Leur premier rôle
est de servir de cache-sexe à l'idéologie pacifiste bourgeoise,
dont l'anti-américanisme est l'élément moteur et
qui tente de camoufler l'existence d'une autre coalition, d'un autre
camp tout aussi impérialiste, belliciste et monstrueusement cynique.
C'est d'ailleurs la raison pour laquelle cet argument était beaucoup
moins mis en avant en 1991, alors que les Etats et les fractions de
la bourgeoisie qui l'invoquent si volontiers aujourd'hui participaient
à ce moment-là à la coalition militaire autour
des Etats-Unis et aux bombardements contre l'Irak. L'objectif fondamental
de cette campagne d'intoxication mystificatrice est d'essayer de masquer
les antagonismes impérialistes réels entre toutes les
grandes puissances et de tenter de dégager la responsabilité
de tous les Etats dans l'engrenage de la folie meurtrière du
capitalisme qui ravage le monde. La fable de la guerre pour le pétrole
sert en définitive à empêcher de comprendre au sein
de la classe ouvrière les contradictions insurmontables du capitalisme
et de prendre conscience de l'impasse que représente le capitalisme
qui sème partout sur la planète la misère, la barbarie
et la mort et dont tous les Etats portent la responsabilité.
Au moment où le gouvernement impose brutalement et sans fards à la classe ouvrière les attaques les plus massives et frontales possibles, touchant tous les secteurs et tous les aspects de ses conditions de vie et de travail, les syndicats apparaissent étrangement en retrait, singulièrement mous et divisés sur le terrain social, en complet décalage par rapport à l'ampleur et à la multiplication des attaques actuelles.
Mais en même temps, tout-un-chacun peut constater que les syndicats appellent unitairement à la mobilisation la plus large possible, contre ... "la guerre de Bush". Ils se sont placés aux avants-postes sur le terrain du pacifisme et derrière cette "union nationale" que Chirac et Raffarin réclament ardemment dans tous leurs discours. Ainsi, des syndicats comme SUD et la CGT se mettent en campagne dans les entreprises, tracts et pétitions à l'appui, pour appeler à réagir vigoureusement contre la guerre, appels directement en soutien du gouvernement français. Pourquoi une telle attitude face à la situation ?
Il est clair que toute la bourgeoisie profite de l'actuelle préoccupation légitime de la classe ouvrière, de son inquiétude sur la question de la guerre et de sa polarisation sur les événements internationaux pour faire passer une série d'attaques antiouvrières. Déjà, le gouvernement se prépare à utiliser le prétexte que la conjoncture internationale guerrière est une grande épreuve pour l'économie nationale et qu'elle va le contraindre à renforcer ses plans d'austérité, et à réduire les budgets sociaux. S'il est vrai que la guerre constitue un puissant facteur d'accélération de la crise économique, ce que veut cacher la bourgeoisie, c'est que la récession était déjà une réalité concrète bien avant la perspective de déclenchement d'une guerre en Irak. Ce n'est pas la première fois que la bourgeoisie utilise ce genre de stratagème pour masquer la crise de son système et cela lui permet d'avoir les mains encore plus libres pour cogner encore plus fort sur les ouvriers. Dans ce contexte, la tentative par les syndicats d'entraîner un maximum d'ouvriers sur le terrain interclassiste du pacifisme et surtout dans "une union sacrée" derrière toute la bourgeoise nationale prend tout son sens. Elle participe d'une opération idéologique concertée pour anesthésier leur conscience de classe.
Mais cette manœuvre ne s'arrête pas là. Elle est
parallèlement accompagnée d'une activité plus classique
mais aussi pernicieuse de sabotage sur le terrain social. Les syndicats
poursuivent et intensifient leur sale travail habituel en organisant
et en assurant l'éparpillement, la dispersion et la division
de la riposte ouvrière aux attaques qui s'abattent tous azimuts.
Quelques exemples suffisent pour montrer comment syndicats et gouvernement,
main dans la main, agissent pour faire passer de nouvelles mesures.
Pour les fonctionnaires qui sont particulièrement en ligne de
mire avec simultanément l'attaque sur les retraites, les suppressions
de poste, le gel des salaires, le projet de modernisation et de "décentralisation"
de la fonction publique qui va se traduire par une "mobilité"
et une "flexibilité" nouvelle, ils mettent à
part des autres attaques, la plus explosive d'entre elles, celle sur
les retraites (qui va faire progressivement passer, entre 2004 et 2007,
la durée de cotisations et de travail de 37 annuités et
demi à 40 pour tous les agents de la fonction publique). De plus
chaque secteur a eu sa propre journée d'action. Par exemple,
le ministère des finances le 10 mars, l'Education nationale le
18 (la quatrième en deux mois), en mettant en avant et en martelant
en chaque occasion la "défense du service public".
La défense et l'amélioration du service public, une administration
moins bureaucratique et plus efficace au service des usagers servent
à nouveau d'emballage-cadeau au chantage à la mise en
place d'une nouvelle attaque, chantage exercé en retour par le
ministre de tutelle Delevoye contre tous les fonctionnaires : "augmentation
de salaires, pourquoi pas ? Mais à une condition préalable,
le salaire au mérite, en fonction de votre productivité,
de votre "flexibilité", de votre zèle à
contribuer aux économies de l'Etat, de votre docilité
à accepter des sacrifices, et donc la réduction du nombre
de fonctionnaires".
Et, pour accentuer le déboussolement, la démobilisation
et le sentiment d'impuissance, les syndicats se présentent en
désaccord et divisés sur la question des retraites pour
la journée de mobilisation prévue le 3 avril prochain.
Dans le privé, au milieu d'une pluie de plans de licenciements,
les syndicats enferment de plus belle les ouvriers dans le cadre de
l'usine ou de l'entreprise (Métaleurop, Danone, Grimaud, Daewoo,
Alstom, Aubert et Duval, ...) en encourageant des actions isolées,
focalisées sur tel ou tel patron particulier, tel ou tel problème
spécifique à "la boîte". On a vu resurgir,
comme dans les années 1970, des actions-commandos téléguidées
par la CGT : pour pousser les ouvriers d'une entreprise de textile,
dans la voie du nationalisme le plus exacerbé, à s'en
prendre aux camions transportant des vêtements faits "à
l'étranger" ; pour encourager ceux de Metaleurop à
aller casser les vitrines du siège social de la société
"étrangère" Glencore. Pendant ce temps-là,
on fait croire que ceux d'Air-Lib, licenciés "légalement
et à la française" seront repris par Air France ou
par… la RATP.
Dans ces manoeuvres d'émiettement, l'objectif poursuivi par les
syndicats n'est pas seulement d'étouffer, de défouler,
d'isoler ou de canaliser la combativité des ouvriers, mais elle
est aussi de minimiser et de masquer l'ampleur des attaques, d'empêcher
les ouvriers de prendre conscience que ces attaques concernent et touchent
de la même façon et partout tous les prolétaires.
Quand les officines syndicales laissent entendre que le meilleur moyen
de lutter contre la régression sociale, ce serait de lutter d'abord
en priorité contre la guerre, aux cotés des pacifistes
qui organisent des rassemblements massifs un peu partout dans le monde,
ils participent au premier plan à une offensive idéologique
entreprise par toute la bourgeoisie pour dénaturer dans la conscience
des ouvriers le lien entre les attaques économiques qu'ils subissent
de toutes parts et la guerre en les poussant à agir à
l'exact opposé de leurs intérêts de classe.
Ils les empêchent de comprendre que le seul moyen de refuser la
guerre pour le prolétariat, c'est de se battre et de développer
ses luttes de la façon la plus unitaire possible sur son terrain
de classe. C'est tout le contraire que de participer au grand carnaval
des pacifistes qui revient à la défense des intérêts
impérialistes du capital national, à apporter son soutien
à un camp contre un autre sur le terrain des rivalités
et des dissensions impérialistes de la bourgeoisie. C'est la
faillite même du système capitaliste dans son ensemble,
entraîné dans une crise irréversible, que les syndicats
comme l'ensemble de la bourgeoisie s'attachent à masquer aux
yeux des ouvriers en les empêchant de prendre conscience que c'est
le même ennemi de classe qui, d'un côté, livre au
massacre et à la barbarie des populations entières et,
de l'autre, les condamne à une exploitation de plus en plus féroce,
à une misère toujours plus grande.
Les actuelles manœuvres de la bourgeoisie, Etat et syndicats en
tête, pour minimiser les attaques en cherchant à entraîner
les ouvriers derrière le char bourgeois du pacifisme constituent
une attaque importante contre le développement de la conscience
ouvrière. C'est la fonction essentielle de ces défenseurs
du capitalisme que sont les syndicats d'y faire barrage. Leurs manœuvres
visent toujours le même objectif : empêcher la mobilisation
massive contre les attaques économiques qui, seule, peut permettre
aux ouvriers de s'opposer en tant que classe au système et à
terme de le renverser, en mettant fin à la guerre comme à
l'exploitation capitaliste
Tous les conflits
majeurs qui ont ensanglanté la planète depuis la disparition
des blocs ont impliqué les principales puissances de l'ex-bloc
de l'Ouest. L'image qui en a été donnée est celle
d'une solide unité entre ces pays, sur un plan politique et même
dans des opérations militaires, au service de la défense
du droit international, de l'humanitaire, de la lutte contre "le
terrorisme international". Depuis bientôt un an qu'a surgi
la présente crise irakienne, le monde découvre avec stupéfaction
la force des dissensions, brutalement propulsées sur le devant
de la scène, qui opposent ces pays entre eux. Des alliances,
qui étaient qualifiées d'historiques, sont rompues, comme
celle entre la France et les Etats-Unis. On assiste au développement
de campagnes xénophobes anti-américaines, anti-françaises,
orchestrées par les médias à la solde des Etats,
et qui évoquent les pires moments de l'histoire du 20e siècle.
En fait, déjà avant la crise actuelle, les antagonismes
entre ces grandes puissances étaient présents, mais ils
se sont considérablement aggravés, au point que se déchire
aujourd'hui le voile d'hypocrisie qui a pu donner à ces guerres
l'apparence de la respectabilité. Ainsi, s'il devient difficile
à la bourgeoisie de cacher "qui est le véritable
ennemi de qui", sa propagande belliciste ne peut pas non plus s'empêcher
d'invoquer l'enjeu réel de la guerre : le contrôle de positions
stratégiques essentielles dans le rapport de force entre ces
puissances.
Les principaux brigands impérialistes ne sont pas d'accord sur
la manière dont ils vont se partager le monde, et pour le caïd,
le plus fort d'entre eux, les Etats-Unis, il n'est évidemment
pas question de partager sa suprématie.
En fait tout au long du 20e siècle, c'est la question du partage
du monde entre les différents impérialistes, les plus
puissants secondés par les moins forts, qui est à l'origine
des alliances, des blocs, des guerres mondiales ou des guerres localisées
qui ont jalonné les trois décennies de la période
de la guerre froide.
Polarisées pendant toute la période de la guerre froide
par le face-à-face entre les deux blocs impérialistes
rivaux, celui de l'Est et celui de l'Ouest, les tensions impérialistes
ne cessent pas avec la disparition de ceux-ci. Tout au contraire. L'impasse
économique totale et de plus en plus évidente du mode
de production capitaliste ne peut qu'attiser de façon croissante
les antagonismes guerriers entre nations.
Très tôt après la dissolution du bloc de l'Ouest,
les Etats-Unis organisent la guerre du Golfe. En laissant croire à
Saddam Hussein qu'il peut envahir le Koweït sans risque de rétorsion,
ils se créent ainsi délibérément l'occasion,
sous prétexte de libérer le Koweït au nom de la défense
du droit international, d'une démonstration de force sans précédent
depuis la Seconde Guerre mondiale. Les anciens alliés des Etats-Unis
au sein du bloc de l'Ouest n'ont alors d'autre choix, s'ils veulent
pouvoir maintenir leur rang dans l'arène impérialiste
mondiale, que de se soumettre en participant à la première
guerre du Golfe, ou en la finançant. Bien conscients qu'ils sont
entraînés dans cette guerre contre leurs intérêts,
la plupart de ces pays, à l'exception de la Grande-Bretagne,
font plus que traîner les pieds pour s'aligner sur la position
des Etats-Unis et s'associer à leur effort de guerre. C'est ainsi
qu'ont eu lieu diverses tentatives, notamment de la France et de l'Allemagne,
pour torpiller, à travers des négociations séparées
menées au nom de la libération des otages, la politique
américaine dans le Golfe.
Cette guerre a mis en relief une réalité qui n'a fait
que se confirmer depuis lors : l'incapacité totale des Etats
européens à mettre en avant une politique extérieure
commune indépendante qui aurait pu constituer les prémices
politiques de la constitution, à terme, d'un bloc "européen"
dirigé par l'Allemagne. De même, elle a illustré
le fait, qui n'a pas non plus été démenti, que
la première puissance mondiale doit en permanence être
à l'offensive, en faisant usage de son écrasante suprématie
militaire, si elle veut maintenir son leadership mondial face à
la contestation de celui-ci en particulier de la part de ses anciens
alliés du bloc de l'Ouest.
La crise irakienne actuelle illustre que bien des étapes importantes
ont été franchies de la part de ces mêmes puissances
dans l'affirmation de leurs intérêts impérialistes
propres.
Quelques mois à peine après la guerre du Golfe en 1991,
le début des affrontements en Yougoslavie est venu illustrer
le fait que ces mêmes puissances, et particulièrement l'Allemagne,
étaient bien déterminées à faire prévaloir
leurs intérêts impérialistes au détriment
de ceux des Etats-Unis.
C'est pour se constituer un débouché vers la Méditerranée
que l'Allemagne a encouragé la sécession des républiques
du nord de la Yougoslavie, la Slovénie et la Croatie, ouvrant
ainsi une boîte de Pandore des les Balkans qui redevenaient un
des foyers des affrontements entre les puissances impérialistes
en Europe. En effet, les autres Etats européens, ainsi que les
Etats-Unis, qui étaient opposés à cette offensive
allemande ont directement, ou indirectement par leur immobilisme, encouragé
la Serbie et ses milices à déchaîner la "purification
ethnique" au nom de la défense des minorités.
A la faveur de ce qui constituait une étape supplémentaire
dans l'aggravation de la situation mondiale, les Etats-Unis surent mettre
en évidence l'impuissance de l'Union européenne par rapport
à une situation où elle était pourtant la première
concernée et les divisions régnant dans les rangs de cette
dernière, y compris entre les "meilleurs alliés"
du moment, la France et l'Allemagne. Ils ne parvinrent néanmoins
pas à contenir réellement l'avancée de certains
impérialismes, particulièrement la bourgeoisie germanique
qui, dans l'ensemble, est parvenue à ses fins dans l'ex-Yougoslavie.
La manifestation la plus spectaculaire de cette crise de l'autorité
du gendarme mondial a été constituée par la rupture
de son alliance historique avec la Grande-Bretagne, à l'initiative
de cette dernière, à partir de 1994. Si, après
1989, la bourgeoisie britannique s'était montrée dans
un premier temps la plus fidèle alliée de sa consœur
américaine, notamment au moment de la guerre du Golfe, le peu
d'avantages qu'elle avait retiré de cette fidélité,
de même que la défense de ses intérêts spécifiques
en Méditerranée et dans les Balkans, lui dictaient une
politique pro-serbe et la conduisirent à prendre des distances
considérables avec son alliée et à saboter systématiquement
la politique américaine de soutien à la Bosnie. Dans ce
contexte, la bourgeoisie britannique réussissait à mettre
en œuvre une solide alliance tactique avec la bourgeoisie française.
Un tel échec était évidemment grave pour la première
puissance mondiale puisqu'il ne pouvait que conforter la tendance de
nombreux pays, sur tous les continents, à mettre à profit
la nouvelle donne mondiale pour desserrer l'étreinte que leur
avait imposée l'Oncle Sam pendant des décennies. C'est
pour tenter de compenser cette position de faiblesse que les Etats-Unis
développent alors un activisme autour de la Bosnie, après
avoir fait étalage de leur force militaire à deux reprises
durant l'année 1992 :
- lors du massif et spectaculaire déploiement "humanitaire"
en Somalie, qui n'était qu'un prétexte et un instrument
de l'affrontement des deux principales puissances s'opposant en Afrique
: les Etats-Unis et la France ;
- lors de l'interdiction de l'espace aérien du sud de l'Irak,
sous prétexte de défendre la population chiite persécutée
par le régime de Bagdad, qui constituait principalement un message
en direction de l'Iran dont la puissance militaire montante s'accompagnait
du resserrement de ses liens avec certains pays européens, notamment
la France. Par rapport à la guerre de 1991, ce n'est que péniblement
que les Etats-Unis ont pu obtenir un accord autour de ce projet (le
troisième larron de la coalition, la France, se contentant cette
fois-ci d'envoyer des avions de reconnaissance).
La suite de la guerre en Yougoslavie s'est concrétisée
jusqu'à l'été 1995 par la longue impuissance des
Etats-Unis sur ce terrain majeur des affrontements impérialistes.
Néanmoins, Washington revient en force dans cette région
à partir de l'été 1995 sous couvert de l'IFOR devant
prendre le relais de la FORPRONU, laquelle avait constitué pendant
plusieurs années l'instrument de la présence prépondérante
du tandem franco-britannique. La victoire finalement obtenue par les
Etats-Unis à travers les accords de Dayton de 1996 ne constituait
pas une victoire définitive dans cette partie du monde ni un
arrêt de la tendance générale vers la perte de son
leadership comme première puissance mondiale. En effet, cette
tendance devait se manifester à nouveau très tôt
à deux reprises :
- en septembre 96, par les réactions presque unanimes d'hostilité
envers les bombardements de l'Irak par 44 missiles de croisière
de la part de pays qui avaient soutenu les Etats-Unis en 1990-91 ;
- l'ajournement lamentable en février 1998 de l'opération
"Tonnerre du désert" visant à infliger une nouvelle
punition à l'Irak et, au-delà de ce pays, aux puissances
qui le soutenaient, notamment la France et la Russie. Saddam Hussein
ayant tiré les leçons de sa cuisante défaite de
1991 et bien conseillé par ces deux pays, il a eu tôt fait
d'accéder formellement aux exigences de l'ONU (concernant l'inspection
des sites dit présidentiels) pour mettre en échec le plan
américain.
Les Etats-Unis reprennent l'offensive en 1999 en ex-Yougoslavie en ne
laissant d'autre issue à leurs alliés que la guerre face
à la nouvelle cible désignée, Milosevic. La guerre
du Kosovo qui vient d'éclater, menée cette fois dans le
cadre de l'OTAN, constitue l'événement le plus important
sur la scène impérialiste mondiale depuis l'effondrement
du bloc de l'Est à la fin des années 1980. Ayant pour
théâtre non plus un pays de la périphérie,
comme ce fut le cas de la guerre du Golfe en 1991, mais un pays européen,
elle donne lieu à des bombardements de l'OTAN sur la Serbie,
le Kosovo et le Monténégro. Ainsi, c'était la première
fois depuis la Première Guerre mondiale qu'un pays d'Europe -et
notamment sa capitale- était bombardé massivement. C'était
aussi la première fois à cette date que le principal vaincu
de cette guerre, l'Allemagne, intervenait directement avec les armes
dans un conflit militaire.
Pour les autres puissances qui se sont retrouvées impliquées
dans la guerre, notamment la Grande-Bretagne et la France, il existait
une contradiction entre leur alliance traditionnelle avec la Serbie,
qui s'était manifestée de façon très claire
pendant la période où l'ex-FORPRONU était dirigée
par ces puissances, et cette opération dans le cadre de l'OTAN.
Néanmoins, pour ces deux pays, ne pas participer à l'opération
"Force déterminée" signifiait être exclus
du jeu dans une région aussi importante que celle de Balkans
; le rôle qu'ils pouvaient jouer dans une résolution diplomatique
de la crise yougoslave était conditionné par l'importance
de leur participation aux opérations militaires.
En avril 2002, nous écrivions : " la "guerre contre
le terrorisme" signifie beaucoup plus que le simple remake des
interventions précédentes des Etats-Unis dans le Golfe
et dans les Balkans. Elle représente une accélération
qualitative de la décomposition et de la barbarie :
- Elle ne se présente plus comme une campagne de courte durée
avec des objectifs précis dans une région particulière,
mais comme illimitée, comme un conflit presque permanent qui
a le monde entier pour théâtre.
- Elle a des objectifs stratégiques beaucoup plus globaux et
plus vastes, qui incluent une présence décisive des Etats-Unis
en Asie Centrale, ayant pour but d'assurer leur contrôle non seulement
dans cette région mais sur le Moyen-Orient et le sous-continent
indien, bloquant ainsi toute possibilité d'expansion européenne
(allemande en particulier) dans cette région. Cela revient effectivement
à encercler l'Europe. Cela explique pourquoi, par opposition
à 1991, les Etats-Unis peuvent maintenant assumer le renversement
de Saddam alors qu'ils n'ont plus besoin de sa présence en tant
que gendarme local étant donné leur intention d'imposer
leur présence de façon directe. C'est dans ce contexte
qu'on doit inscrire les ambitions américaines de contrôler
le pétrole et les autres sources énergétiques du
Moyen-Orient et de l'Asie Centrale." (Résolution sur la
situation internationale adoptée par la conférence extraordinaire
du CCI).
Un tel pas en avant des Etats-Unis n'aurait pas été possible
sans les attentats du 11 septembre 2001 que, de toute évidence,
les services secrets américains n'ont pas cherché à
empêcher alors même qu'ils étaient informés
de leur préparation. En effet, les victimes des Twin Towers ont
constitué face au monde la justification idéologique nécessaire
au déploiement de la présence militaire américaine
sur la planète. Sur le plan intérieur, ils ont aussi été
le moyen visant à éliminer le dit "syndrome du Vietnam",
c'est-à-dire la réticence de la classe ouvrière
américaine à se sacrifier directement pour les aventures
impérialistes des Etats-Unis.
"Toute cette situation renferme la potentialité d'un développement
en spirale hors de contrôle, forçant les Etats-Unis à
intervenir toujours plus pour imposer leur autorité, mais multipliant
chaque fois les forces qui sont prêtes à se battre pour
leurs propres intérêts et à contester cette autorité.
Cela n'est pas moins vrai quand il s'agit des principaux rivaux des
Etats-Unis" (Ibid.) Et effectivement, l'escalade sans commune mesure
de la part des Etats-Unis pour maintenir leur leadership s'est accompagnée
d'une contestation elle aussi inégalée de celui-ci de
la part de ces même rivaux impérialistes.
Les tensions ont atteint un niveau tel qu'elles ne peuvent plus être
dissimulées. Il n'y a pas de limite au chaos que cette dynamique
peut engendrer sur la planète, cette dernière pouvant
de ce fait subir des dommages irréversibles rendant impossible
le dépassement du capitalisme par une société communiste.
Une telle perspective ne contient néanmoins pas la possibilité
d'une confrontation militaire directe entre certaines de ces puissances
d'une part, et les Etats-Unis d'autre part. Ainsi, "frustrées
à cause de leur infériorité militaire et des facteurs
sociaux et politiques qui rendent impossible une confrontation directe
avec les Etats-Unis, les autres grandes puissances redoubleront dans
leurs efforts de contestation de l'autorité des Etats-Unis grâce
aux moyens qui sont à leur portée : les guerres par pays
interposés, les intrigues diplomatiques, etc" (Ibid.)
Le facteur social, commun à toutes ces puissances, Etats-Unis
y compris, est le fait qu'il existe dans chacune d'elles un prolétariat
qui n'est pas prêt à supporter, tant au niveau de son exploitation
que du sacrifice de sa vie, les implications d'une guerre totale. En
ce sens, y compris dans la situation actuelle de grande difficulté
qu'il connaît depuis le début des années 1990, le
prolétariat constitue un frein à la guerre. Lui seul constitue
le seul espoir pour l'humanité, puisque lui seul est capable,
à travers ses luttes, de s'affirmer dans cette société
en décomposition comme une force porteuse d'une alternative à
la barbarie capitaliste.
Les partisans de la guerre nous avaient raconté que l'Irak de Saddam Hussein détenait un stock d'armes de destruction massive et en particulier des armes chimiques qu'il fallait trouver et détruire pour sauver la "paix du monde".
Intox ! Mensonges ! Ce qui est vrai, c'est que le sol irakien se retrouve
maintenant jonché et infesté de ces fameuses armes de
destruction massive par les tenants de cette propagande, notamment les
bombes à fragmentation, largement utilisées au cours des
20 000 raids aériens des forces américano-britanniques
qui ont largué à jets quasi-continus pendant 21 jours
d'affilée 33 000 bombes (sans compter des dizaines de missiles
Tomahawk et des dizaines de milliers d'autres obus déversés
dans les combats terrestres). Celles qui sont tombées sans éclater
menacent encore pour des années à tout moment la vie des
populations. Ils avaient également promis "la liberté
pour le peuple irakien", débarrassé du joug de l'odieux
dictateur Saddam Hussein.
Intox ! Mensonges encore ! Certes aujourd'hui, ils sont parvenus à
renverser l'affreux tyran sanguinaire mais la "libération"
du pays se traduit par de véritables troupes d'occupation qui
se sont empressées de réinstaller les anciens responsables
des forces de police et de répression de l'ancien régime
pour rétablir l'ordre. De l'autre côté, la seule
"libération" effective, c'est celle des appétits
et des rivalités de tous les nouveaux prétendants au pouvoir
en Irak, factions rivales au sein de chaque communauté, chefs
de tribus ou chefs religieux, leaders d'opposition ramenés dans
les valises des Etats-Unis, tous cherchant à imposer leur autorité,
qui sur une ville, qui sur une région, avec le soutien de tel
ou tel Etat voisin, ou de telle ou telle grande puissance. Pour la population,
cela ne peut lui apporter qu'un avenir fait d'insécurité,
d'instabilité, de chaos et de nouveaux massacres. C'est une véritable
boîte de Pandore qui s'est ouverte pour ce pays avec les futurs
affrontements politiques, interethniques, religieux qui se dessinent
déjà aujourd'hui, au lendemain de la guerre.
Ainsi, aucun de ces deux si nobles principaux objectifs proclamés
en faveur de cette guerre n'a été réalisé,
pas même sur le plan de la croisade anti-terroriste (à
part la capture d'un terroriste palestinien retiré de toute activité
depuis des années) puisque les preuves du lien entre le pouvoir
irakien et Al Qaïda que la coalition anglo-américaine prétendait
aussi détenir étaient des faux fabriqués de toutes
pièces. Il est clair que ces arguments étaient en réalité
de vulgaires prétextes idéologiques, des moyens de propagande
auprès des populations pour déclencher une guerre dont
le seul résultat aura été d'ajouter de nouvelles
nombreuses victimes à la longue liste des massacres de population
perpétrées par le capitalisme et une nouvelle manifestation
édifiante du déchaînement d'horreurs et de barbarie
par ce système.
Mais le même cynisme et la même hypocrisie se retrouvent
étalés au sein des principales puissances qui ont animé
un front anti-guerre. Dès que l'issue rapide de la guerre n'a
plus fait aucun doute, les grands principes et les idéaux dont
ils se réclamaient ont été aussi prestement abandonnés,
en particulier le fameux "respect du droit international"
devant "permettre de préserver la paix". Celui qu'on
a fait passer pour le chef de file mondial de la cause anti-guerre,
Chirac, déclarait "il faut savoir être pragmatique"
en se félicitant publiquement de la chute de Saddam. La France
prouve qu'il ne s'agissait que d'un sordide prétexte idéologique
quand elle prétendait vouloir agir dans le strict respect du
cadre des résolutions de l'ONU et des missions de ses inspecteurs.
C'était en fait pour pouvoir prendre la tête d'une campagne
dirigée directement contre les Etats-Unis. Le véritable
objectif de ce vernis anti-guerre, c'était de pouvoir affirmer
ses propres ambitions impérialistes en cherchant à contrecarrer
la domination de l'impérialisme américain sur la région.
La surenchère à laquelle on assiste aujourd'hui, dans
laquelle chaque grande puissance démocratique fait assaut de
"projets humanitaires" rivaux, est le vecteur d'un âpre
combat où l'enjeu réel pour chacun est de maintenir et
de justifier sa présence impérialiste dans la région.
Le même Chirac a poussé cette écoeurante démagogie
jusqu'à proposer la construction d'un pont aérien pour
sauver les enfants irakiens victimes de la guerre alors qu'en Irak,
il n'existe même plus d'infrastructure pour rétablir l'eau
et de voie praticable pour acheminer les ressources vitales élémentaires.
Ce n'est pas nouveau. Mitterrand était le premier à proposer
au milieu des années 1990 une aide humanitaire à la Bosnie
alors que la France venait de se faire sur le terrain la complice des
massacres des populations bosniaques à Srebrenica. D'ailleurs,
si la fonction idéologique de l'humanitaire fait de moins en
moins illusion pour voiler les pires massacres et aventures guerrières
ou pour réparer les crimes les plus odieux que les grandes puissances
ont elles-mêmes commis, les missions humanitaires sont devenues,
comme en Bosnie pour les Etats-Unis ou en Somalie pour la France, des
moyens indispensables pour assurer une présence impérialiste
et font partie intégrante de la machine de guerre des grandes
puissances.
Dans le même registre du cynisme, les puissances européennes
ont du mal à masquer leur dépit devant le fait que les
troupes américaines n'aient pas rencontré davantage de
difficultés en Irak car elles avaient misé sur une guerre
plus longue et meurtrière, sur davantage de résistance
dans les populations ou l'armée de Saddam, sur un exode massif
des populations et un grand nombre de réfugiés, espérant
ainsi que les méthodes et le manque d'efficacité des Etats-Unis
seraient discrédités.
Ce fut pourtant un enfer et un nouveau témoignage accablant
de la barbarie du capitalisme. D'innombrables images de tanks calcinés
et de ruines fumantes ont souligné l'ampleur de la désinformation
dans chacun des deux camps pour minimiser les pertes en vies humaines.
Un officier a pourtant parlé de "carnage" dans les
rangs de l'armée irakienne tandis que les ONG n'ont évoqué
qu'un nombre manifestement sous-évalué de victimes civiles.
Pendant trois semaines, des images terrifiantes se sont succédées,
des énormes cratères creusés en pleines zones d'habitation,
des hôpitaux débordés, dépourvus de moyens
matériels et sanitaires, regorgeant de blessés ensanglantés,
manquant de moyens au point de pratiquer des opérations sans
la moindre anesthésie, populations du Sud du pays privées
d'eau buvant à même le sol le contenu de flaques non potables,
au risque des pires épidémies.
Quant au coût économique et financier de la guerre, il
est à peine moins évasif. Le coût brut officiel
de l'opération militaire pour les Etats-Unis déjà
imprécis, au moins autour de 60 milliards de dollars (ou d'euros)
ne tient pas compte de l'entretien d'une armée d'occupation ni
du coût des investissements pour reconstruire le pays (qui, selon
la Maison Blanche, va être une mise à fonds perdus pendant
au moins deux ans pour l'économie américaine). Mais si
les Etats qui n'ont pas pris part à la guerre ont aussi refusé
de la financer, la mesure de rétorsion immédiate de la
bourgeoisie américaine a été la menace d'annuler
les dettes anciennes de l'Irak, ce qui va pénaliser les adversaires
des Etats-Unis créanciers de Saddam depuis des années,
et notamment la France. Qui va payer la note ? Bien entendu, la classe
ouvrière à qui dans chaque pays on va demander des sacrifices
en fonction de cette "conjoncture défavorable".
La guerre en Irak faisait partie depuis des années des plans de la bourgeoisie américaine. Les attentats du 11 septembre lui ont permis d'en accélérer la programmation au nom de la "guerre contre le terrorisme". Après l'Afghanistan, l'Irak était en tête de liste des pays désignés comme porteurs de "l'axe du mal". Au lendemain de cette guerre, ce qui ressort de la situation, c'est une escalade des périls, des risques accrus d'instabilité, d'affrontements et de chaos. Comme en Afghanistan où la guerre n'a rien réglé, où, en dehors de Kaboul, le pays reste aux prises aux luttes des fractions qui cherchent à établir leur contrôle, l'Irak et la région restent un baril de poudre. La Syrie, l'Iran, allié des Chiites, la Turquie avec l'épineuse question kurde, les différentes fractions en Irak même, tous vont chercher à défendre leurs intérêts contradictoires. Les Etats Unis vont poursuivre leur croisade sanglante pour maintenir leur place prépondérante. Et les Etats européens, vont leur mettre de plus belle des bâtons dans les roues en attisant de nouvelles tensions, en défendant chacun leurs propres intérêts. La guerre en Irak ne fait ainsi que marquer une étape dans la spirale guerrière où s'enfonce le capitalisme et va, à son tour, engendrer d'autres conflits meurtriers. Le monde capitaliste réserve partout le même avenir à l'humanité : la guerre et la barbarie, la misère et l'exploitation. Seule la destruction de ce système par la lutte internationale de la classe ouvrière pourra y mettre fin.
Wim (26 avril)
La classe ouvrière
a toutes les raisons d'être inquiète concernant les mesures
actuellement en projet sur les retraites dans la fonction publique.
En effet, elles constituent une attaque qui va aggraver brutalement
les conditions de vie de toute la classe ouvrière, et pas seulement
des fonctionnaires à qui elles s'adressent directement aujourd'hui.
En effet, elles constituent un tremplin pour une attaque de l'ensemble
de la classe ouvrière qui, après des décennies
d'exploitation va devoir travailler plus longtemps pour des retraites
de plus en plus maigres.
En 2008, tous les fonctionnaires devront avoir cotisé pendant
40 ans, au lieu de 37,5 ans pour pouvoir "bénéficier"
d'une retraite aux conditions actuelles. D'ici à cette date,
la mise en application de la mesure devrait être progressive.
Les critères permettant le calcul du montant de la retraite (inclusion
de primes, prise en compte des meilleures années travaillées,
…) vont être revus de manière à ce que nos
exploiteurs, l'Etat capitaliste en l'occurrence, puisse dépenser
moins une fois que ses salariés ne seront plus productifs.
L'objectif, déjà avoué, est qu'en 2012, tous les
salariés en reprendront encore pour une année supplémentaire
et davantage dans les années qui suivent.
Des cadeaux sont prévus pour faire avaler la pilule : ceux qui
iront au-delà des 40 ans de cotisations bénéficieront
d'une amélioration de leur pension, sans doute pour mieux payer
leurs funérailles.
En même temps, les cotisations prélevées sur les
salaires vont être fortement augmentées. Pour les jeunes
générations, l'obtention d'une pension de retraite "décente"
va devenir un véritable parcours du combattant. L'allongement
des études de plus en plus nécessaires pour intégrer
un poste de travail, les difficultés pour avoir un travail plus
ou moins fixe, les galères diverses par lesquelles il faut passer
pour "s'installer" dans un boulot plus ou moins acceptable,
les longues périodes de chômage, le travail à temps
partiel qui a explosé dans les derniers temps, tout cela va rendre
de plus en plus illusoire le "rêve" d'une fin de vie
à l'abri du besoin.
Un des principaux pans de ce qu'on appelle le "salaire social"
est en train de tomber en miettes puisque la hausse des cotisations
et la chute libre des pensions vont aboutir à ce qu'une grande
majorité de ces dernières descendent en dessous du niveau
du salaire minimum. Ainsi, il va arriver avec les retraites ce qui est
arrivé dans tous les domaines de l'exploitation capitaliste :
l'insécurité et la précarité s'installent.
L'indécence du pouvoir capitaliste, quelle que soit la fraction
de la bourgeoisie au gouvernement, de droite ou de gauche, a depuis
longtemps présenté cette attaque comme "nécessaire
pour sauvegarder le système de retraites" et "éviter
un lourd fardeau pour les générations futures". En
réalité, ces mesures n'ont d'autre cause que l'aggravation
de la crise du système capitaliste qui oblige la bourgeoisie
à porter des coups de plus en plus tranchants contre le "salaire
social". Qu'on en juge.
C'est Mitterrand qui avait institué en 1983 la retraite à
60 ans, après 37,5 ans d'activité. Il ne s'agissait pas
alors d'une avancée sociale, comme cela avait été
présenté mais d'une mesure démagogique destinée
à masquer l'ampleur du développement du chômage,
qui constitue la plus sévère des attaques contre la classe
ouvrière. C'est Rocard, autre "socialiste" qui, en
1991, prenait l'offensive sur les retraites en proposant, dans son fameux
"Livre blanc", de faire passer à 42 ans la durée
de cotisation pour être en droit d'obtenir une retraite à
taux plein. Balladur concrétisait en partie ce projet en portant
ces cotisations à 40 ans pour le secteur privé pendant
l'été 1993. Jospin le présidentiable, attentif
à réaliser ce que Juppé n'avait pu faire passer
frontalement en s'attaquant, en 1995, aux régimes spéciaux
du secteur public, avait envisagé une ensemble de "réformes
progressives" visant tout le secteur public et destinées
à allonger jusqu'à 42,5 ans la durée nécessaire
de cotisation. On peut être certain que si Jospin avait été
élu président, c'est un gouvernement de gauche qui aurait
pris en charge "l'œuvre" que Raffarin est aujourd'hui
en train d'accomplir.
Syndicats et patronat se déclarent d'accord pour constater qu'il
existe un problème des retraites. Même s'ils contestent
la validité de la réforme du gouvernement Raffarin, déclament
que c'est à l'Etat et au patronat de mettre davantage la main
à la poche pour financer les pensions, les syndicats partagent
dans le fond, et depuis longtemps, l'idée que quelque chose doit
être fait pour "sauver le système des retraites",
alors qu'il y aura de plus en plus de retraités et de moins en
moins de salariés actifs pour les payer.
Rien que la manière qu'ils ont en commun de poser le problème
démontre que, sur le fond, ils sont d'accord. En effet, pour
les syndicats, il s'agit aussi de demander aux exploités qu'ils
prennent en compte les contradictions du système qui les exploite,
non pas pour lui porter un coup fatal à travers la lutte, mais
bien pour faire en sorte qu'il puisse se perpétuer à travers
de nouveaux sacrifices.
Depuis le début du 20e siècle, la classe ouvrière
est contrainte de lutter, non pas pour améliorer ses conditions
de vie au sein du capitalisme mais pour freiner les attaques qu'elle
subit de la part de ce système en crise. Accepter la logique
de gestion du capital, c'est capituler d'emblée, c'est accepter
les licenciements car il n'y a plus assez de débouchés
à la productions capitaliste, c'est accepter la diminution du
salaire social (pensions, remboursement des soins, …), pour ne
pas affaiblir le capital national face à la concurrence internationale,
c'est accepter en fait toute attaque antiouvrière.
Jamais les syndicats ne reconnaîtront évidemment qu'ils
sont les serviteurs zélés du capital. Et pourtant cela
est amplement confirmé par la manière édifiante
dont ils se sont positionnés depuis plus de dix ans dans la nécessaire
lutte de résistance contre l'attaque sur les retraites.
En 1993, la majorité d'entre eux signaient en catimini les accords
avec Balladur, mais tous appelaient à la mobilisation contre
les mesures du même Balladur. Tout en divisant les ouvriers par
corporation au sein du privé, ils se sont particulièrement
appliqués à faire en sorte qu'au sein de la classe ouvrière
cette réforme soit considérée spécifiquement
comme celle du privé, de manière à opérer
une division entre les ouvriers du privé et ceux du public sur
la questions des attaques contre les retraites.
Le résultat de ce travail a été que les ouvriers
du privé ne se sont nullement sentis concernés par les
mobilisations syndicales de décembre 1995 contre la loi Juppé
visant les régimes spéciaux de retraites dans la fonction
publique.
Plus récemment, au mois de janvier, on a vu la CGT tenter de
faire adopter par la base un accord avec le gouvernant visant à
attaquer les retraites à EDF.
Beaucoup d'ouvriers, surtout dans la fonction publique, ont, sans doute,
pensé que face à cette attaque particulièrement
dure de la bourgeoisie contre la classe ouvrière, les manifestations
"unitaires" des syndicats comme celles du 3 avril pouvaient
constituer un levier pour résister. Il n'en est rien.
Face à l'attaque qui, simultanément, concerne l'ensemble
de la classe ouvrière, les syndicat ne pouvaient faire autrement,
sous peine de se démasquer, que de lancer des appels unitaires.
Mais derrière cette façade d'unité, il se poursuit
le même travail de division, basé pour l'instant sur la
division syndicale, certains syndicats acceptant en partie la réforme
gouvernementale, les autres remettant aujourd'hui en question la réforme
Balladur, d'autres mettant l'accent sur le niveau des pensions ou encore
l'augmentation des cotisation, etc… Tout cela de manière
à décourager dans la classe ouvrière une dynamique
de lutte unitaire.
Quelle que soit la capacité de la classe ouvrière, relativement
faible actuellement, de s'opposer de façon unitaire, malgré
le sabotage syndical, à la marche vers une dégradation
considérable des ses conditions de vie, il est de la plus haute
importance que, pour se renforcer dans sa lutte face aux attaques de
la bourgeoisie, soit prise en charge la discussion des questions fondamentales
suivantes :
- c'est la crise historique du capitalisme qui porte avec elles des
attaques de plus en plus lourdes contre toute la classe ouvrière
;
- c'est elle qui est aussi à l'origine de la fuite en avant du
monde dans la guerre et le militarisme, et qui implique aussi une intensification
de l'exploitation ;
- loin de renforcer la nécessaire riposte de la classe ouvrière,
l'action des syndicats ne fait que l'affaiblir.
Pto (25 avril)
Derrière
sa posture d'Etat-défenseur du droit international, de la
légalité onusienne et porte-parole des Etats victimes
des abus américains, c'est la défense de ses intérêts
impérialistes bien compris que la France cherche avant tout à
préserver.
Dans ce bras de fer, qui était joué
d'avance face au rouleau compresseur américain, les médias
français de tout bord politique ont appuyé à
fond la classe dominante au pouvoir, déversant à gros
bouillons un nationalisme abject et un pacifisme misérable
pour tenter d'obtenir le soutien de la population en général
et de la classe ouvrière en particulier, à ses
objectifs impérialistes.
Avec le commencement des
opérations guerrières et l'utilisation des armes de
destruction massive contre l'Irak, la télévision et la
radio sont passées à une autre phase : celle de
l'information "objective" sur le déroulement des
opérations, celle du compte-rendu en continu de l'avancée
des forces anglo-américaines sur le terrain où les
envoyés spéciaux ont pu avoir "accès aux
champs de bataille" et avoir "l'impression de pouvoir
travailler librement" comme l'affirmait un reporter de TF1, qui
ajoutait cependant : "J'espère que ce n'était pas
une illusion." (Le Monde, 18 avril 2003) Honnêtes,
objectifs, libres, les médias bourgeois ? Quelle odieuse
tromperie et quelle auto-mystification pour de nombreux journalistes
! En effet, la propagande la plus cynique et la manipulation la plus
subtile trouvent leur expression la plus achevée, la plus
efficace, sous l'apparence du masque démocratique. Cette
propagande idéologique est d'autant plus mystificatrice que
ses ficelles échappent à ceux qui se croient immunisés
contre la manipulation. Elle est d'autant plus efficace que les
médias, grâce aux finances et aux moyens d'Etats
puissants, parviennent à donner l'illusion de la "pluralité"
et de "l'indépendance". C'est un fait certain que,
pour cette guerre, des images, il y en a eu. Contrairement à
la première Guerre du Golfe en 1991 où la presse en
était réduite à photographier... les seules
images autorisées par le Pentagone : les écrans
télévisés de CNN, organe médiatique
officiel de l'Etat américain. A cette époque, ce que
l'on nous a donné à voir ressemblait à un
"wargame", un gigantesque jeu électronique
inlassablement commenté par d'éminents "spécialistes"
! Quant à savoir réellement ce qui se passait sur le
terrain, rien ne filtrait. Cette guerre était une GUERRE
PROPRE, sans mort ! Rien donc sur les 2000 bombes-laser ayant
"manqué" leur cible, pas une image sur le "résultat"
des tapis de bombes larguées depuis 10 000 mètres
d'altitude. Lorsque les journalistes évoquaient l'emploi de
fuel-air bombs (qui font éclater les poumons de tout être
vivant sur plus d'un km) c'était pour s'extasier devant la
sophistication des armes de haute technologie ! Comme toujours, ce
n'est que BIEN APRES le conflit que les "révélations"
et autres "découvertes" furent livrées, de
façon planifiée et au compte-gouttes, par les médias.
Soudain, on nous donnait le nombre de morts de cette boucherie : de
200 000 à 500 000 tués ! (voir notre Revue
Internationale n°105 et Révolution Internationale n°292).
Un tel bilan ne pouvait être rendu public immédiatement
car la France, entre autres, était impliquée dans la
croisade anti-irakienne.
Aujourd'hui, à les en croire, il
n'y aurait plus désormais de place pour la manipulation et la
désinformation. Cette guerre-ci n'aurait été
couverte qu'avec un véritable souci de "transparence"
et "d'objectivité.
Il est vrai que la tonalité
des commentaires a différé selon l'appartenance de
telle ou telle équipe de journalistes, à tel ou tel
pays. Si les médias américains ont d'un bout à
l'autre soutenu et applaudi la progression des forces américaines,
les journalistes français et ceux du "front du refus"
d'avant-guerre ont, quant à eux, "nuancé"
leurs appréciations des opérations, donnant ainsi
l'apparence d'une information plus "éclairée",
plus "posée", en un mot plus "objective".
Qu'en a-t-il été réellement ? En premier lieu,
pour couvrir cette guerre, les journalistes ont dû se soumettre
à des règles édictées par Washington, ils
ont dû accepter de signer ".. un document de trois pages
lors de leur 'incorporation', en février. Ils se sont ainsi
engagés à ne pas 'donner des informations détaillées',
ni à dire 'ce qu'ils vont faire'. Les 'intégrés'
peuvent se voir interdits de diffusion pour des 'raisons de
protection opérationnelle', la décision revenant au
chef d'unité" (Le Monde du 25 mars 2003). Quant aux
journalistes indépendants (les "wild cats"), ils ne
pouvaient que suivre les troupes. Comme l'avouait une journaliste
"indépendante" : "Nous nous sommes
auto-intégrés ( !)" On voit ce qu'il en est à
la base de la "liberté d'action et de mouvement" des
reporters ! En second lieu, il est également vrai que les
nouvelles du front sur la progression des troupes américaines
ont, de façon constante, été accompagnées
de la comptabilité des pertes militaires, concernant bien sûr
les troupes américaines et irakiennes mais aussi concernant la
population civile. C'est ainsi que nous sont parvenues des
informations sur les dommages "collatéraux" comme
l'explosion d'une bombe sur un marché de Bagdad, des images de
blessés irakiens dans les hôpitaux mais tout cela étant
filmé sous l'encadrement très strict des militaires et
policiers irakiens avant la chute de la capitale. Rien de plus
objectif que l'image d'horreur de ce petit enfant irakien amputé
et gravement brûlé comme de nombreux autres, nous
rétorquera-t-on ! A ceci près que l'insistance
appesantie et délibérée sur cette scène,
comme il en existe des milliers relevant de la même barbarie
dans toutes les guerres, loin de n'être qu'objective, visait en
fait à servir idéologiquement la cause du prétendu
"camp de la paix" contre les Etats-Unis. La publicité
accordée par la France, non sans une certaine jubilation à
peine dissimulée, à des déclarations et
informations semblant attester des risques d'enlisement de l'armée
américaine, faisait elle aussi partie de la guerre idéologique
dont les reporters de guerre sont les premiers soldats 1 [281].
Plus encore qu'en 1991, au nom de la "liberté de la
presse", cette guerre a vu se déployer massivement
propagande et contre-propagande. Ainsi il semble bien que les médias
français se soient pour le moins laissés aller (ou
berner) sur cette question de l'enlisement américain, sans se
soucier du peu de vraisemblance d'une telle thèse, les
capacités militaires irakienne ayant été
quasiment anéanties lors de la Guerre du Golfe de 1991 et
suite aux raids incessants qu'elles ont subis pendant les dix années
qui ont suivi. Quant au moral des troupes irakiennes, il était
au plus bas. On comprend ainsi l'embarras avec lequel les médias
français ont couvert la chute de Bagdad sous les acclamations
d'une foule probablement mobilisée à cet effet et, par
la suite, l'évidence de la victoire américaine sans que
se produisent les exodes massifs "redoutés" en
paroles, espérés en réalité par le "camp
de la paix".
Malgré la "transparence totale"
avec laquelle a été couverte cette guerre, il y a fort
à parier que, comme à l'accoutumée, on en
apprendra plus dans les mois et les années qui viennent. On
cherchera alors à nous faire croire que le capitalisme
"démocratique" est le seul système qui soit
aussi foncièrement honnête avec l'histoire puisque tout
peut être dit. En fait, ce "tout peut être dit en
démocratie" sert à justifier les moments où
tout doit être manipulé, déformé, caché.
Gage suprême d'impartialité, toutes les informations
distillées tout au long de l'expédition guerrière
l'ont en général été au "conditionnel",
avec les réserves d'usage dorénavant prescrites aux
journalistes, concernant les dégâts réels. Et ces
derniers ont été présentés comme étant
le résultat inévitable de toute guerre afin que ne
transparaisse pas trop ouvertement l'opposition persistante de la
bourgeoisie française à la politique américaine,
mais aussi afin de préserver l'avenir quant à une
éventuelle participation française à la
"reconstruction" de l'Irak ou dans les opérations
des vautours humanitaires. C'est le sens des propos hypocrites de
Raffarin mettant en garde contre l'anti-américanisme, après
l'avoir implicitement favorisé.
Sur le fond, les médias
ont toujours joué à la perfection le rôle que
l'on attendait d'eux : en mentant sur les mobiles réels de
l'opposition "du camp de la paix" à cette guerre
avant son déclenchement ; en cachant ce qui se passait sur le
terrain lors de la Guerre du Golfe de 1991 ; ou encore par
l'exposition crue des massacres qu'on nous a servie dans le cadre de
la préparation et du déroulement de la guerre du Kosovo
ou en Somalie. A chaque fois, ils ont braqué les projecteurs
sur l'événement sous un angle permettant de l'insérer
dans un scénario au service idéologique des plans et
intérêts impérialistes du moment et de tel ou tel
camp.
Le recours à géométrie variable au
droit international, aux opérations de sauvetage humanitaire
ne sont que le cache sexe d'une défense virulente, de la part
de la France, comme des autres pays, de ses propres intérêts
impérialistes, comme on l'a vu au Rwanda, où c'est la
France essentiellement qui a armé et entraîné les
escadrons de la mort, bourreaux de centaines de milliers de victimes
! Dans ce contexte, le rôle des médias est essentiel
pour servir la propagande de l'Etat, et il est d'autant plus efficace
quand il est assumé par des gens qui peuvent prétendre
à "l'indépendance" et qui, en général,
croient eux-mêmes à leur propre discours sans même
se rendre compte à quel point il leur est dicté. C'est
là la supériorité du mode "démocratique"
de domination bourgeoise par rapport aux méthodes dites
"totalitaires".
SB (26 avril)
1 [282] Dans tous les sens du terme d'ailleurs puisque beaucoup d'entre eux, présents sur le front dans des conditions particulièrement dangereuses, l'ont payé de leur vie. Morts au service du capital !
Moins d'un mois après le début de l'engagement des troupes de la coalition anglo-américaine en Irak, celles-ci maîtrisaient totalement la situation sur le plan militaire. Ainsi, une fois de plus, les Etats-Unis viennent de démontrer leur écrasante suprématie militaire et surtout leur capacité à la mettre en œuvre au service de leurs objectifs politiques. En effet, les troupes américaines d'occupation en Irak ont sous leurs pieds la deuxième réserve de pétrole mondiale, dont dépend de façon significative l'économie du Japon et de certains pays industrialisés en Europe occidentale, lesquels se trouvent ainsi en partie à la merci de Washington pour leurs sources d'approvisionnement énergétique. Le succès militaire que viennent de remporter les Etats-Unis en Irak inspire la crainte et le respect et les met plus que jamais en position dominante au Moyen-Orient. Signe de l'ascendant qu'ils viennent de prendre sur tous ceux qui contestaient leur hégémonie mondiale, la croisade anti-américaine s'est fortement atténuée. Et pourtant, c'est maintenant que vont commencer les vraies difficultés pour les Etats-Unis, à la faveur desquelles va renaître de plus belle la contestation de leur leadership, comme cela a été le cas depuis le début des années 1990, les contraignant à des déploiements militaires et des démonstrations de force de plus en plus gigantesques, prenant le monde pour champ de bataille.
La disproportion des forces en présence ne
pouvait que conduire à une victoire militaire écrasante
des Etats-Unis. D'un côté, une armée de métier,
bien entraînée, bien encadrée et bien nourrie,
sans états d'âme pour aller faire son "job",
dotée d'une puissance de feu inégalée avec à
son service des moyens technologiques eux aussi inégalés.
De l'autre, une armée en déroute, sans aviation, avec
un armement dépassé et en mauvais état de
fonctionnement, et peu encline à se faire massacrer pour
défendre un régime honni. Avant le conflit, les
prévisions américaines rendues publiques tablaient sur
une guerre éclair grâce au soulèvement attendu de
la population irakienne dès l'entrée en scène de
ses "libérateurs". Cela ne s'est pas produit, mais
tout laisse à penser que cette "erreur de pronostic"
a été délibérément commise au
service de la propagande destinée à vaincre des
réticences à entrer en guerre. De même,
lorsqu'après une semaine de guerre, Bush avait averti qu'il
fallait s'attendre à ce que le conflit soit long et difficile,
c'était également une tromperie destinée à
ce que soit accueilli avec soulagement une victoire américaine,
plus rapide et moins meurtrière que ce qui avait été
annoncé. Aucune guérilla urbaine n'a transformé
les villes conquises, notamment Bagdad, en un enfer pour
l'envahisseur. Des milliers d'Irakiens ont été tués
ou atrocement mutilés, les conditions de survie de la
population irakienne se sont considérablement aggravées,
mais les troupes américaines n'ont eu à confronter
aucun mouvement populaire d'hostilité. Les exodes massifs,
pour lesquels des camps sommaires de réfugiés avaient
été prévus dans certains pays limitrophes, ne se
sont pas produits non plus.
La réunion du "camp de la
paix" à Moscou le 11 avril, après la prise de
Bagdad mais avant la chute de Tikrit tablait d'ailleurs encore sur
l'irruption de difficultés de cet ordre affectant gravement la
politique américaine au Moyen-Orient. C'est ce dont témoignent
ces paroles de Poutine parlant en ces termes des forces d'occupation
en Irak : "Je crois qu'elles font leur possible pour éviter
une catastrophe humanitaire, mais le problème est d'une telle
ampleur qu'elles en sont incapables." Lors de cette même
réunion il avait d'ailleurs qualifié le projet
américain de "colonialisme" (cité par Le
Monde du 13-14 avril). Depuis lors, l'évolution de la
situation en Irak plaçant les Etats-Unis en position de force,
les critiques à leur encontre revêtent une forme
beaucoup plus "constructive".
Dans ces circonstances, il n'est pas étonnant
que les Etats-Unis aient rejeté catégoriquement et sans
ménagement les prétentions européennes à
vouloir jouer, à travers l'ONU, un rôle important en
Irak, avec l'argument massue et implacable que l'Europe n'avait aucun
projet, réalité que ses divisions venaient
effectivement de démontrer.
Néanmoins, la mise sur
pied par les Etats-Unis, en Irak, d'un gouvernement de transition
relève d'un véritable casse-tête tant il existe
des facteurs antagoniques qui doivent être pris en compte et
qui résultent soit de caractéristiques propres au pays
lui-même, soit de son environnement géopolitique.
Le
régime de Saddam Hussein avait dû faire face, lui aussi,
à certaines de ces contradictions sur le plan intérieur,
à commencer par l'existence de trois communautés
importantes, les Kurdes, les Chiites et les Sunnites avec à
leur tête des dirigeants peu enclins à composer entre
eux. Qu'à cela ne tienne, les communautés Kurdes et
Chiites avaient été écartées de
l'exercice du pouvoir, à tous les échelons. Son régime
étant lui-même haï de toute la population, Saddam
Hussein n'avait pu le maintenir en place que par l'exercice renforcé
de la terreur. Et lorsque, dans un tel contexte, le verrou saute
alors ce sont les forces poussant à l'éclatement et au
chaos qui tendent à l'emporter sur toutes les autres, comme on
l'a constaté en Yougoslavie en 1991 par exemple 1 [283].
C'est donc cette situation que les Etats-Unis doivent gérer
sans avoir la possibilité immédiate, comme Saddam
Hussein, de ligoter l'Irak dans un nouveau corset de fer, puisqu'ils
sont venus "apporter la démocratie". Même
s'ils sont inévitablement amenés à jouer un rôle
direct et prépondérant dans la gestion des affaires du
pays pendant toute une période, cette dernière doit
être mise à profit pour préparer la transition
vers une administration plus autonome vis-à-vis de l'Oncle
Sam. Et là, c'est plutôt mal parti si on en juge par la
première réunion du 15 avril à Nassiriya devant
réunir les opposants de l'exil et ceux de l'intérieur,
boycottée par plusieurs partis irakiens dont celui de Ahmed
Chalabi, chef du CNI (Congrès national Irakien) et considéré
juqu'alors comme l'homme des Américains. En fait, cet épisode
démontre non seulement que la diplomatie américaine ne
peut contenter tout le monde, mais aussi qu'elle ne peut pas faire
autrement que de s'appuyer sur une partie de la base de l'appareil de
Saddam Hussein, encore en place et constituée en particulier
par les chefs de tribu. C'est une des raisons pour lesquelles des
chefs du parti Baas (le parti de Saddam Hussein) avaient été
conviés à cette réunion. Une telle option
apparemment prise par les Etats-Unis n'est pas sans inconvénients
puisqu'elle ne peut que cristalliser un sentiment anti-américain
latent, comme en a témoigné le jour même de la
réunion à Nassiriya, une manifestation d'irakiens
renvoyant dos-à-dos "l'Amérique" et "Saddam".
Se trouvant dans l'impossibilité de faire jaillir du néant
un appareil d'Etat au niveau local, les Etats-Unis n'ont en effet pas
d'autre alternative que de tenter de s'appuyer sur ce qui existe, et
donc aussi, concernant la communauté chiite, le pouvoir des
chefs religieux, lesquels ont fait preuve ces derniers temps d'une
intense mobilisation pour "occuper le vide social" créé
par la chute de Saddam Hussein.
Bien que divisés, certains
leaders de cette communauté ont clairement averti les
Etats-Unis que gouverner sans les associer au pouvoir risquait de
"jeter les Chiites dans la rue et de provoquer un chaos dont ils
seraient, cette fois, les seuls responsables" (cf. les propos de
Sayyid Imad, un "homme fort" de Bassora, cités par
Le Monde du 13-14 avril). La récente démonstration de
force chiite réalisée depuis lors à l'occasion
du pèlerinage de Kerbala est venue ponctuer la mise en garde.
Outre la difficulté pour faire cohabiter les responsables de
la communauté chiite avec leurs anciens persécuteurs du
parti Baas, plus problématique encore est la question des
liens de ces premiers avec l'Iran chiite. En effet, faisant partie de
"l'axe du mal", selon la classification opérée
par les Etats-Unis, ce pays a de plus été mal inspiré
en développant des liens privilégiés avec
certains pays européens. Washington va-t-il devoir revoir ses
plans vis-à-vis de ce pays en vue de résoudre la
quadrature du cercle irakien ? C'est certainement une hypothèse
"à l'étude" dont vient de témoigner le
récent bombardement "secret" par les forces
américaines des bases, situées en Irak, de la guérilla
d'un mouvement d'opposition au gouvernement iranien.
Le problème
chiite n'étant pas résolu, il faut simultanément
prendre en compte celui posé par les Kurdes. Leur accorder
trop de poids au sein du nouvel Etat irakien contient le risque de
leur permettre d'assumer leur suprématie dans la région
où ils sont majoritaires et sur la ville de Kirkouk située
au cœur de riches gisements pétrolifères. Or, de cette
situation, la Turquie voisine n'en veut en aucun cas, à cause
de la menace que contient pour sa propre stabilité la création
d'un Etat kurde à ses frontières, compte tenu de
l'importante minorité kurde qu'elle comporte elle-même
en son sein. Jusqu'à aujourd'hui, les craintes turques ont été
prises en compte par les autorités américaines, qui ne
peuvent se permettre de se mettre Ankara à dos du fait de la
position stratégique de ce pays et de ses accointances
certaines avec l'Allemagne. Ainsi, les autorités américaines
ont demandé à leurs alliés peshmergas
(combattants kurdes), et obtenu d'eux, qu'ils retirent leurs forces
de Kirkouk. Mais, si une telle situation d'exclusion des Kurdes
devait se prolonger et se confirmer, ils pourraient alors être
tentés de compenser leur frustration de ne pas tirer parti de
la chute de Saddam Hussein en s'ouvrant à toute influence
opposée aux plans américains.
Des années d'un soutien presque
inconditionnel accordé par les Etats-Unis à Israël,
y inclus lorsque ce dernier impose sa férule de fer sur les
territoires occupés au prix d'exactions quotidiennes contre la
population palestinienne, ont nourri dans le monde arabe un sentiment
anti-américain et anti-israélien que l'occupation
américaine de l'Irak risque à présent de
cristalliser en hostilité ouverte. Face au développement
d'une telle situation que les rivaux des Etats-Unis ne manqueraient
pas d'exploiter, Washington n'avait d'autre choix, pour le
désamorcer, que d'imposer brutalement à son plus fidèle
et puissant allié dans la région qu'il renonce à
ses colonies et accepte la création d'un Etat palestinien. Y
parviendra-t-il à terme ? Ceci est une autre question.
Toujours est-il qu'en agissant de la sorte, les Etats-Unis
démontrent qu'ils sont conscients qu'ils doivent à tout
prix éviter l'isolement au Moyen-Orient mais aussi
internationalement. Sur ce plan aussi, ils ont des craintes à
avoir compte tenu des distances que la Grande-Bretagne est en train
de prendre vis-à-vis d'eux, et cela de façon presque
obligée si elle ne veut pas être vassalisée par
son ancienne colonie. C'est ainsi qu'on la voit affirmer plus
explicitement ses différences avec Washington sur des
questions clés comme celle de l'occupation de l'Irak, où
elle ne veut pas rester militairement plus de 6 mois et dont elle
commence à retirer ses troupes, et comme celle aussi du rôle
de l'ONU dont elle veut qu'il soit essentiel en Irak. Face à
cela, les Etats-Unis ont déjà envisagé une
parade consistant à tenter de mettre sur pied une armée
d'occupation et de maintien de l'ordre en Irak recrutée parmi
les pays européens ne s'étant pas opposés à
l'intervention américaine.
La stabilisation de la
situation à laquelle vient d'aboutir la victoire américaine
en Irak a permis aux Etats-Unis de réaffirmer leur leadership
mondial. Mais, en même temps, comme on vient de le voir, les
facteurs d'instabilité qui demain seront à l'œuvre
sont dès aujourd'hui clairement identifiables 2 [284].
Ainsi donc le calme après la victoire n'est que le prélude
à un chaos encore plus important porté par
l'antagonisme impérialiste entre les Etats-Unis et leurs
principaux rivaux. Et si ces derniers sont pour l'instant contraints,
du fait de la situation en leur défaveur, de mettre en
sourdine leurs propres prétentions, c'est une situation qui ne
durera pas. Pour s'en convaincre, il suffit de se souvenir comment,
quelques mois seulement après la victoire américaine de
la guerre du Golfe en 1991, l'Allemagne remettait en cause l'ordre
mondial en provoquant l'explosion de la Yougoslavie par son appui à
la sécession de la Slovénie et de la Croatie. Et si,
sur ce plan, le même phénomène ne peut que se
répéter c'est néanmoins à chaque fois sur
une échelle beaucoup plus large et de façon toujours
plus dévastatrice.
Luc (22 avril)
1 [285] C'était d'ailleurs pour que "le verrou ne saute pas" que les Etats-Unis avaient délibérément laissé Saddam Hussein en place en 1991 après leur victoire militaire. C'était alors possible dans la mesure où les enjeux impérialistes ne commandaient pas encore de leur part une présence militaire directe sur le terrain. Saddam Hussein s'était alors pleinement acquitté de sa mission peu de temps après en infligeant une saignée meurtrière aux communautés chiites et kurdes.
2 [286] Aux difficultés auxquelles la bourgeoisie américaine doit faire face, il faut ajouter la reconstruction de l'Irak. Elle est contrainte de la mettre en oeuvre, au moins très partiellement, si elle ne veut pas se discréditer. Une source de financement possible pour celle-ci pourrait provenir de l'exploitation du pétrole à un niveau au moins équivalent à la production d'avant 1991. Or, pour en arriver là, deux ans de coûteux travaux de remise en état de marche des installations pétrolifères sont nécessaires. Qui va les financer ? Qui garantit que, ces travaux étant réalisés, l'exploitation du pétrole à un niveau supérieur à 1990 ne sera pas pénalisée par une baisse des cours de l'or noir?
Le 13 mai dernier,
plus d'un million de manifestants étaient dans la rue pour s'opposer
à l'attaque du gouvernement Raffarin contre le régime
des retraites.
Les médias ont largement évoqué la comparaison
de ce mouvement avec les grèves de novembre-décembre 1995
dans le secteur public contre le gouvernement Juppé qui avait
donné lieu à des rassemblements comparables. Ils ont même
évoqué la date hautement symbolique de la gigantesque
manifestation du 13 mai 1968 qui avait lancé le plus grande grève
de masse jamais connue dans le pays.
C'est une évidence, nous ne sommes pas dans la même période
qu'en mai 1968 de réaffirmation d'un combat de classe généralisé
qui fait irruption sur la scène de l'histoire après un
demi-siècle de contre-révolution. Mais nous ne sommes
plus dans la même situation qu'en 1995 non plus.
Où est la différence ?
En 1995, l'objectif essentiel du gouvernement était de renforcer
et recrédibiliser l'appareil d'encadrement syndical, en gommant
toute l'expérience accumulée des luttes ouvrières
entre 1968 et les années 1980, notamment sur la question syndicale
(voir l'article publié au verso). Une telle entreprise exploitait
pleinement le recul de la lutte de classe suite à l'effondrement
des régimes staliniens et à la campagne idéologique
de toute la bourgeoisie sur la pseudo-faillite du marxisme et du communisme.
Même si une partie économique du plan Juppé (consacré
à la réforme du financement de la sécurité
sociale et à l'institution d'un nouvel impôt appliqué
à tous les revenus) est passée en catimini et a été
parachevée sous le gouvernement Jospin dans les mois qui ont
suivi, le volet consacré précisément à la
retraite (suppression des régimes spéciaux du secteur
public) n'a pu aboutir et a même été délibérément
sacrifiée par la bourgeoisie pour faire passer cela comme une
"victoire des syndicats".
Aujourd'hui, le
niveau de la crise économique n'est plus le même. C'est
parce que la crise s'aggrave que la bourgeoisie doit désormais
cogner très fort. Ainsi, la remise en cause du régime
des retraites n'est qu'une des premières mesures d'une longue
série de nouvelles attaques massives et frontales en préparation.
Tous les salariés se retrouvent concernés par ces mesures.
Pour tous les ouvriers, c'est une attaque qui ne peut les laisser sans
réaction alors qu'ils sont déjà confrontés
en permanence à des conditions de vie qui empirent de manière
dramatique, face à des problèmes quotidiens affrontés
plus ou moins isolément dans le cadre de la cellule familiale
ou de l'entreprise : chômage, plans de licenciements, suppressions
de poste, précarité, perte du pouvoir d'achat, dégradation
générale des conditions de travail, du tissu social, augmentation
de la productivité, problèmes de santé, d'éducation,
de logement, d'environnement, remise en cause de la protection sociale.
Cette attaque a valeur d'exemple et constitue un verrou essentiel à
faire sauter pour la bourgeoisie dans la défense de la logique
de son système. On nous présente faussement le facteur
démographique (l'augmentation de l'espérance de vie et
le vieillissement de la population) comme étant déterminant
dans la crise qui menace d'entraîner les caisses de retraite vers
la faillite. Cela permet de masquer que le facteur fondamental, celui
qui a le plus de poids et qui fait une nécessité absolue
pour la bourgeoisie de s'attaquer aux retraites des salariés
c'est l'ampleur du chômage : il est évident que lorsque
le chômage en augmentation quasi-constante dépasse officiellement
les 10 % de la population active, l'assiette des cotisants se trouve
singulièrement rétrécie. Cela révèle
l'incapacité croissante du système capitaliste d'intégrer
la population dans le salariat. En fait, face à sa crise, la
bourgeoisie cherche à réduire toujours plus drastiquement
la part des dépenses improductives comme le sont, de son point
de vue, les retraites, les allocations chômage ou le RMI. La bourgeoisie
cherche en fait à masquer une réalité sociale beaucoup
plus directement accusatrice du système capitaliste derrière
des facteurs purement démographiques.
Malgré l'ampleur des attaques qu'elle a imposé à
la classe ouvrière (en particulier sa loi sur les 35 heures qui
a permi d'instaurer une flexibilité généralisé),
la Gauche au gouvernement n'a pas pu mener à bien l'attaque sur
les retraites. Rocard avait pourtant été le premier, en
1989, dans son livre blanc sur les retraites, à préconiser
cette attaque en proposant de porter progressivement à 42 ans
la durée minimale de cotisations et il avait largement préparé
le terrain et ouvert la voie à travers d'autres rapports ou audits
sur le sujet. Déjà le candidat Jospin lors des présidentielles
de 2002 avait déclaré que la réforme des retraites
allait constituer son objectif majeur.
C'est pourquoi l'aspect provocateur du gouvernement a priori comparable
à 1995, n'a en fait plus du tout le même sens.
Aujourd'hui la stratégie
de la bourgeoisie n'a plus les mêmes objectifs qu'en 95. Elle
savait bien que son attaque actuelle sur les retraites allait provoquer
d'inévitables réactions au sein de la classe ouvrière.
C'est la raison pour laquelle elle a planifié son attaque en
fonction des contraintes d'un calendrier très précis pour
pouvoir faire passer ses projets avec force de loi au meilleur moment
pour elle : au début des vacances d'été. Elle sait
bien aussi qu'elle bénéficie pour l'heure d'un contrôle
global des syndicats sur les luttes, que la classe ouvrière est
affaiblie. Malgré le mécontentement général
que ne manquera pas de susciter l'attaque et que celle-ci est à
même d'alimenter une remontée de la combativité
ouvrière, elle a aussi conscience de ne prendre qu'un minimum
de risques car une large partie des prolétaires sont encore dominés
par un sentiment d'impuissance et de résignation. Elle entendait
également tirer profit du surcroît de déboussolement
et de désorientation dans les rangs ouvriers apporté juste
auparavant par sa politique d'union nationale face à "la
guerre de Bush" puis par le déroulement de la guerre en
Irak elle-même. Face à cette réaction ouvrière
inévitable, la stratégie de la bourgeoisie était
de faire crever l'abcès, au moment choisi par elle. La méthode
de ce passage en force a été déjà largement
éprouvée en misant sur un scénario écrit
à l'avance.
C'est pour cela qu'on vient de voir Raffarin casser son image de paternalisme
rassurant et se départir de son air patelin déclarer quelques
jours avant que "ce n'est pas la rue qui gouverne", ce qui
ne pouvait avoir pour effet que de doper la mobilisation. Pas plus que
les déclarations provocatrices de Juppé en 1995, il ne
s'agit d'une gaffe ni d'une maladresse de Raffarin mais de paroles mûrement
pesées dans une interview préparée. Dans le même
sens, quand on lui a demandé, à lui qui se présentait
volontiers depuis un an comme le tenant de la main tendue vers "la
France d'en-bas", si le gouvernement allait faire un effort pour
les bas salaires au lieu d'abaisser le seuil des retraites à
75 % du SMIC, sa réponse a été catégorique
: "il n'en est pas question". Enfin, le gouvernement a délibérément
dévoilé son intention de reculer encore davantage l'âge
de la retraite jusqu'en 2020 et même au-delà et du même
coup il affichait clairement que tous les salariés, et plus seulement
les fonctionnaires, étaient impliqués dans l'attaque alors
que rien n'obligeait à le faire.
La méthode est claire : annoncer le pire et afficher sa fermeté
et sa détermination afin que le mécontentement s'exprime
dans un premeir temps. On se ménage aussi la possibilité
de casser le mouvement en laissant une ouverture dans la négociation
et à des reculs sur des points mineurs du projet afin que les
syndicats les plus "modérés" s'y engouffrent
moyennant des concessions mineures (et peu coûteuses pour l'Etat)
pour les bas salaires, ou pour ceux qui ont cotisé au maximum
en travaillant plus longtemps. C'est ce qui n'a pas manqué de
se produire rapidement. Le scénario est d'ailleurs un brin convenu
et caricatural, car est-il crédible de voir le syndicat des cadres,
la CGC-CFE se laisser convaincre par les concessions gouvernementales
pour les smicards dont il ne prétend nullement défendre
les intérêts ? Quant à la CFDT qui, depuis le début,
s'est fait le porte-parole des seules revendications précisément
accordées par le gouvernement, elle s'est chargée pour
cette fois encore (comme Notat en 1995) de porter le chapeau de l'impopularité
en "pactisant avec la droite". Il faut néanmoins remarquer
que ce partage des tâches entre syndicats est purement circonstanciel
: dans le passé et notamment au cours des années 1970,
ce rôle de "syndicat jaune" était dévolu
à FO. Il faut aussi se souvenir qu'en 1968, c'est à l'appareil
de la CGT lui-même qu'est revenu le "privilège"
de jouer ouvertement les "briseurs de grève" pour casser
le mouvement social. On en revient donc aujourd'hui à un schéma
beaucoup plus classique dans l'histoire de la lutte de classes : le
gouvernement cogne, les syndicats s'y opposent et prônent l'union
syndicale dans un premier temps pour embarquer massivement des ouvriers
derrière eux et sous leur contrôle. Puis le gouvernement
ouvre des négociations et les syndicats se désunissent
pour mieux porter la division et la désorientation dans les rangs
ouvriers. Cette méthode qui joue sur la division syndicale face
à la montée de la lutte de classe est la plus éprouvée
par la bourgeoisie pour préserver globalement l'encadrement syndical
en concentrant autant que possible le discrédit et la perte de
quelques plumes sur l'un ou l'autre appareil désigné d'avance.
Cela signifie aussi que les syndicats sont à nouveau soumis à
l'épreuve du feu et que le développement inévitable
des luttes à venir va reposer le problème de l'usure de
l'encadrement syndical pour la bourgeoisie.
Dans ce contexte, les syndicats qui revendiquent aujourd'hui d'être
partie-prenante de la lutte participent en fait étroitement à
étouffer consciencieusement toute vie ouvrière en faisant
mine de reprendre à leur compte les besoins réels de la
lutte. Ainsi, sous prétexte d'en assurer l'extension, ils s'attachent
à convaincre les ouvriers qu'il faut d'abord étendre la
lutte au sein du secteur ou de la corporation. Et quand ils consentent
à aller trouver d'autres entreprises hors de leur secteur, ce
n'est jamais avec des délégations massives d'ouvriers,
mais toujours à travers des délégations syndicales
réduites qui vont, dans la plupart des cas, trouver d'autres
syndicalistes.
Des ouvriers se sont laissés embarquer dans la fausse solidarité impulsée par les syndicats dans les services publics et notamment dans les transports (SNCF, RATP, bus urbains) dont les grèves ont paralysé pendant plusieurs jours le trafic des transports en commun. En fait de solidarité celles-ci constituent un obstacle supplémentaire à l'extension du mouvement en limitant la participation aux manifestations autrement qu'en s'y rendant avec les bus affrétés par les syndicats. Elles ont aussi contribué à rendre la grève encore plus impopulaire auprès des non grévistes.
Le secteur de l'éducation nationale est particulièrement
attaqué puisque, aux mesures sur les retraites s'ajoute pour
des dizaines de milliers de fonctionnaires le démantèlementde
leur statut, au nom de la "décentralisation". Il n'est
donc pas étonnant que ce secteur se retrouve aujourd'hui à
la pointe de la mobilisation. Mais, de plus en plus isolés du
reste de leur classe, les salariés de cette branche courent le
risque de se retrouver rapidement entraînés dans une lutte
jusqu'au-boutiste, encouragée par les gauchistes et syndicalistes
"radicaux" de tout poil, et de s'épuiser et se démoraliser,
compromettant ainsi pour un temps la possibilité de leur participation
aux futures mobilisations. D'ailleurs, à l'heure actuelle, de
nombreux établissements scolaires sont déjà en
grève depuis plus de trois semaines.
Cette expérience va inévitablement laisser des traces
profondes et le goût amer de la défaite chez des dizaines
de milliers de prolétaires. Cela aussi est inévitable.
Néanmoins, la période qui s'ouvre est telle que la classe
ouvrière sera de plus en plus amenée à comprendre
qu'elle n'a pas d'autre choix que de lutter, de retrouver et de réaffirmer
son chemin de classe face à l'accélération des
attaques massives de la bourgeoisie dirigées contre elle. La
crise économique mondiale actuelle du capitalisme atteint un
niveau de gravité qui contraint partout la bourgeoisie et son
Etat à porter de plus en plus des attaques massives et frontales.
Ainsi, par exemple, dès l'automne, la bourgeoisie française
a annoncé la couleur : elle prépare une autre attaque
générale d'envergure concernant les assurances sociales.
Contrairement aux années 90, l'aspect patent de la crise va constituer
un puissant révélateur de la faillite du système
aux yeux des prolétaires. Aux conséquences de la crise
économique s'ajoute pour les prolétaires le prix à
payer pour des dépenses de guerre et d'armement en augmentation
croissante.
Il n'y a aucune illusion à se faire sur ce qui attend les ouvriers
: toujours plus de misère et d'exploitation. Mais sous les coups
de la crise et des attaques qui en résultent, les prolétaires
sont poussés à réagir massivement et ensemble.
Ainsi se créent les conditions pour que le prolétariat
reprenne confiance en lui, retrouve sa véritable identité
de classe et s'oppose massivement et unitairement aux attaques de la
bourgeoisie comme classe ayant des intérêts propres et
distincts à défendre contre ceux de la bourgeoisie.
L'avenir appartient au prolétariat !
Wim (17 mai)
"Un autre monde est possible." Ce slogan nous le connaissons tous, il est devenu la marque de fabrique de ce fameux courant anti-mondialisation dans lequel la Ligue Communiste Révolutionnaire occupe, du moins en France, une place de choix.
C'est donc sans surprise que nous retrouvons cette profession de foi
dans le récent bouquin (Révolution ! 100 mots pour changer
le monde) du porte-parole de la LCR, Olivier Besancenot.
"…'un autre monde est possible'. Penser la révolution,
c'est commencer à expliquer quel type d'autre monde est possible."
C'est tout l'objet de ce livre et de ce point de vue, il faut bien l'avouer,
le défi est largement relevé. Bravo Monsieur Besancenot
!
Si ce dernier nous donne "100 mots pour changer le monde",
derrière chacun de ces mots, il en est un, seul et unique, qui
les résume tous : démocratie !
Voilà donc cette terre promise dont il nous fait un éloge
baveux tout au long de ses 320 pages.
Ainsi, la LCR nous offre son "alternative anti-capitaliste"
une "révolution…", certes, mais "… démocratique"
tout de même.
"L'accusation principale que nous lançons contre la démocratie
libérale, c'est que précisément les choix politiques,
sociaux et économiques échappent à la volonté
populaire." La perspective de lutte est alors toute tracée,
il faut conquérir la "vraie démocratie" confisquée
par les méchantes multinationales. Et pour les mécréants
ou autres Saint Thomas, récalcitrant aux sirènes démocratiques
de la LCR, Monsieur Besancenot les rattrape au collet en leur servant
sur un plateau la preuve irréfutable que ce "chambardement
démocratique" est le seul avenir possible en exhibant fièrement
la ville mythique du mouvement anti-mondialisation : Porto Alegre. "C'est
une ville du sud du Brésil, Porto Alegre, dirigée par
la gauche du Parti des travailleurs, qui a rallumé la flamme
des espérances démocratiques (…) Porto Alegre pratique
la démocratie participative. Depuis plus de dix ans, (…)
la municipalité laisse à la population le soin de décider
de l'utilisation du budget de la ville."
Mais c'est justement à travers l'exemple de Porto Alegre que
l'on s'aperçoit le mieux de toute la supercherie échafaudée
par les gauchistes de l'alter-mondialisme. La démocratie participative
dans cette "ville laboratoire" (et ce "depuis plus de
dix ans" !) ne correspond en rien à la remise en cause du
système capitaliste mais se résume simplement à
la participation de la population à la gestion de la misère
et de la pénurie engendrée par ce dernier.
De plus, il ne s'agit là, dans le fond, que d'une resucée
des mystifications autogestionnaires dont les ouvriers, notamment en
Europe dans les années 1970, ont fait les frais puisqu'elle s'est
révélée n'être qu'une gestion de leur propre
exploitation et non sa remise en cause. Ce n'est pas par hasard si Besancenot
nous ressort l'exemple de la lutte des ouvriers de Lip en 1973 et son
slogan, inspiré par les syndicalistes de la CFDT : "On contrôle,
on fabrique, on vend, on se paie." Ce que les trotskistes présentent
comme le summum de l'émancipation ouvrière, la démocratie
directe ou autogestion, est en fait une arme de la bourgeoisie contre
le prolétariat. Ce que le CCI a résumé dans le
point 12 de sa plateforme :
"- arme économique du capital, [l'autogestion] a pour finalité
de faire accepter par les travailleurs le poids des difficultés
des entreprises frappées par la crise en leur faisant organiser
les modalités de leur propre exploitation.
- arme politique de la contre-révolution, elle a pour fonction
:
de diviser la classe ouvrière en l'enfermant et l'isolant usine
par usine, quartier par quartier, secteur par secteur ;
d'attacher les travailleurs aux préoccupations de l'économie
capitaliste qu'ils ont au contraire pour tâche de détruire;
de détourner le prolétariat de la première tâche
qui conditionne son émancipation : la destruction de l'appareil
politique du capital et l'instauration de sa propre dictature au niveau
mondial."
En fin de compte, la tentative de la LCR n'est ni plus ni moins que
de distiller la perspective révolutionnaire de la classe ouvrière
dans le vieil alambic réformiste, d'enrayer sa conscience en
lui faisant croire qu'elle peut atteindre pacifiquement son émancipation
dans une sorte de nirvana démocratique sans remettre en cause
violemment les fondements même de la société capitaliste.
"Les révolutionnaires sont favorables aux réformes,
tout progrès, toute amélioration pour la majorité
de la population, toute nouvelle conquête sociale et démocratique
est bonne à prendre. Nous ne sommes pas partisans du tout ou
rien." Voilà qui est clairement énoncé et
illustre le "projet révolutionnaire" de Monsieur Besancenot
: "redonner un sens à la démocratie".
Et après cela, la LCR ose encore se prétendre l'héritière
de Trotsky ! Mais il n'existe pas de pire insulte pour celui qui fut
l'une des plus grandes figures de la Révolution russe, l'organisateur
de l'insurrection et de la prise de pouvoir de la classe ouvrière
en Octobre 1917.
Amender le capitalisme, le rendre plus humain en le rendant "plus
démocratique" alors qu'il est devenu, depuis son entrée
dans sa phase de décadence annoncée par le déclenchement
de la première boucherie mondiale de 1914-1918, une menace permanente
pour l'humanité, est un piège dans lequel la LCR (entre
autres) souhaite voir le prolétariat s'empaler.
Non content d'orienter les ouvriers vers une lutte stérile pour
l'amélioration de ce système, les trotskistes de la LCR
ajoutent l'appel à la défense de la démocratie,
non seulement contre les vilains patrons "qui braquent la démocratie
comme on braque une banque" mais aussi contre les courants néofascistes
qui "ne tolèrent aucune forme d'expression démocratique".
Comme si les ouvriers avaient quelque chose à défendre
dans ce monde, des acquis à préserver. Besancenot pense
notamment au suffrage universel qui serait "un acquis démocratique
précieux", c'est pourquoi "il mérite qu'on ne
le boude pas, la LCR se présente donc aux élections"
et en profite par la même occasion pour entretenir dans la classe
ouvrière les pires illusions sur la nature de ce monde. Les "élections
démocratiques" ne sont en réalité que la feuille
de vigne servant à masquer la dictature du capital.
"La démocratie est en danger ! Vite ! Prenons les armes
pour nous porter à son secours". Autant demander au prolétariat
de se suicider. La démocratie n'est qu'une forme (la plus efficace
d'ailleurs) de la dictature qui réprime la classe ouvrière
et défend la bourgeoisie et ses privilèges de classe exploiteuse.
C'est ce que rappelle Lénine dans ses Thèses sur la démocratie
bourgeoise et la dictature du prolétariat écrites en mars
1919 pour le premier congrès de l'Internationale Communiste :
"…dans aucun pays civilisé, dans aucun pays capitaliste,
il n'existe de démocratie en général : il n'y a
que la démocratie bourgeoise." et "…plus la démocratie
est évoluée, 'pure', (…) plus le joug du capitalisme
et la dictature de la bourgeoisie se manifeste dans toute leur pureté."
"Ainsi, il se confirme une fois de plus, de façon absolument
évidente, que tous ces cris en faveur de la démocratie
ne servent en réalité qu'à défendre la bourgeoisie
et ses privilèges de classe exploiteuse." C'est exactement
le cas de Monsieur Besancenot, de son organisation, et du mouvement
anti-mondialiste dans lequel il s'inscrit. Leur objectif est clair,
dévoyer la classe ouvrière de son terrain, lui faire perdre
son identité, son histoire, celle d'une classe révolutionnaire
dont la perspective est le communisme, en la gavant de guimauve interclassiste,
de lutte citoyenne pour la démocratie.
"Seattle a rassemblé des syndicalistes coréens, des
paysans sans-terre du Brésil, des étudiants des campus
américains, des féministes du Maghreb, des réseaux
de lutte pour l'annulation de la dette du Tiers-monde, des cinéastes
et même des défenseurs de tortues…" C'est l'"internationalisme
renaissant" qui "élargit ses horizons", c'est
vraiment le moins que l'on puisse dire ! Monsieur Besancenot est donc
fin prêt pour ériger l'internationale fourre-tout des "citoyens
du monde".
Comme tout groupe trotskiste, la LCR n'a de révolutionnaire que
les mots ! Besancenot veut faire croire qu'il joue au "chamboule
tout", notamment pour happer les éléments qui ressentent
une révolte vis-à-vis d'un système incapable d'engendrer
autre chose que misère et barbarie, mais en fait il ne chamboule
rien du tout. Bien au contraire, le rôle de la LCR, en tant que
"gauche authentique, une gauche 100% à gauche"…du
capital comme elle oublie chaque fois de le préciser, est de
masquer qu'un autre monde est à la fois possible et nécessaire
pour la survie de l'humanité et que cet avenir, c'est la classe
ouvrière exclusivement qui le porte dans le développement
de ses luttes.
Marx et Engels dès 1848 dans le Manifeste du Parti communiste
montraient déjà que "Les prolétaires n'ont
rien à perdre que leurs chaînes" qu'"ils ont
un monde à gagner", que ce monde, c'est le communisme et
qu'ils ne le gagneront que par le "renversement violent de tout
l'ordre social passé".
Les médias font largement écho à ce sentiment selon lequel, face à l'attaque actuelle sur les retraites, il faudrait un nouveau décembre 1995. A différentes reprises, les syndicats ont brandi cette "menace". Pour la classe ouvrière, la référence en positif à décembre 1995 ne peut représenter, à la différence de mai 1968, qu'une faiblesse importante de leur capacité de riposte aux attaques. En effet, contrairement aux proclamations de toutes les officines gou-vernementales et syndicales, non seulement cet événement n'a pas constitué une victoire de la classe ouvrière mais bien une défaite de celle-ci où, à aucun moment, elle n'a eu l'initiative et le contrôle de sa mobilisation qui sont toujours restés entre les mains des syndicats.
Il y a un bientôt huit ans, la méga-mobilisation syndicale
contre le plan Juppé battait son plein en France et donnait lieu
à un battage médiatique sans précédent à
l'adresse des prolétaires. Les trois semaines de grèves
dans la fonction publique, la paralysie complète des transports,
les "records" de mobilisation des manifestations, les commentaires
appuyés des médias sur la "popularité"
de la grève, enfin la "victoire" finale des cheminots,
tout cela avait laissé la classe ouvrière dans une espèce
d'euphorie grisante.
Le mouvement n'avait-il pas été victorieux ? Juppé
n'avait-il pas tremblé devant la masse des manifestants ? La
classe ouvrière n'avait-elle pas retrouvé "sa dignité"
et renoué avec la "solidarité" et "l'unité
dans la lutte" ? A cette époque, celui qui émettait
le moindre doute là-dessus passait au mieux pour un rabat-joie,
au pire pour un "jaune". Et pour mieux envelopper la classe
ouvrière dans cette euphorie de la victoire et dans ce sentiment
trompeur de puissance retrouvée, la bourgeoisie mettait les bouchées
doubles. Des syndicats aux médias, des gauchistes aux instances
patronales et gouvernementales, tous s'accordaient à voir dans
l'événement un "nouveau mai 68", le prototype
de futures "explosions sociales" du même acabit qu'il
fallait s'attendre à voir surgir un peu partout. Loin de la conspiration
du silence des médias qu'on a connue dans les années 1980
vis-à-vis des luttes ouvrières qui se développaient
partout en Europe, ce mouvement-là a eu droit à une publicité
médiatique phénoménale. La classe ouvrière
dans tous les pays était ainsi invitée à faire
du "décembre 95 français", l'exemple à
suivre, la référence incontournable de tous ses combats
à venir et, surtout, à voir dans les syndicats, qui avaient
été si "combatifs", si "unitaires"
et si déterminés tout au long des événements,
leurs meilleurs alliés pour se défendre contre les attaques
du capital.
Loin d'avoir constitué une "gaffe", l'annonce, simultanément
au plan Juppé sur la sécurité sociale, d'attaques
ciblant spécifiquement les cheminots était une provocation
parfaitement calculée qui allait permettre de lancer le mouvement.
Les syndicats allaient se servir de la combativité existant chez
les cheminots pour pousser par tous les moyens le maximum d'ouvriers
à se mobiliser dans un mouvement parfaitement encadré,
que ces derniers n'étaient pas prêts à mener et
qu'ils ne contrôlaient pas.
A cette fin, les syndicats ont systématiquement agi à
l'inverse de leurs pratiques habituelles de sabotage. Ils ont arboré
un langage hyper-radical et contestataire vis-à-vis du gouvernement,
contrairement à la période où la gauche était
au pouvoir.
Tous les principaux syndicats se sont immédiatement portés
à la tête du mouvement, poussant systématiquement
les ouvriers à s'engager dans la lutte, à la SNCF, puis
à la RATP et dans l'ensemble du secteur public. Unis, ils ont
lancé des appels aux manifestations, poussant ainsi de plus en
plus de travailleurs à entrer en grève. Ils se sont imposés
en mettant d'emblée en avant les besoins vitaux de la lutte,
ressentis comme tels par les ouvriers depuis des années et ceci
afin de les dénaturer, et notamment le besoin primordial de l'extension
du mouvement.
Ainsi, les intersyndicales se sont démenées pour l'extension
de la grève au-delà du secteur, en particulier en organisant
des délégations massives de cheminots dans les centres
de tri et les Télécoms, en éludant l'essentiel
: pour être réellement au service de la lutte, le besoin
vital de prise en charge de l'extension ne pouvait que venir des assemblées
ouvrieres et être assumé par elles-mêmes. C'est derrière
les intersyndicales et les "unions syndicales" qu'ils ont
appelé à "lutter tous ensemble". Ils ont mis
en avant la "souveraineté des AG" et laissé
les ouvriers "décider" au sein de celles-ci, mais dans
un cadre et selon des modalités d'actions déjà
décidés et contrôlés par leurs appareils.
Un tel simulacre était destiné dans le fond à éluder
l'antagonisme irréconciliable entre d'un côté le
souveraineté des AG, la lutte autonome du prolétariat
et, de l'autre, la présence des syndicats dans la lutte.
Dans de nombreux secteurs, comme dans la plupart des centres de tri
postaux, dans les Télécoms, à l'EDF-GDF, les syndicats
ont manipulé un minimum de grévistes pour entraîner
un maximum d'ouvriers dans la grève et dans les manifestations.
Il a suffi que, 3 semaines plus tard, Juppé retire les attaques
concernant la SNCF pour que toute cette mobilisation, sous-contrôle,
retombe aussitôt comme un soufflé.
Alors qu'en trente ans d'expérience de luttes, les syndicats
s'étaient toujours partagé le travail entre "modérés"
appelant à la reprise du travail et "radicaux" jusqu'au-boutistes
pour parachever la défaite en suscitant un maximum de divisions
dans les rangs ouvriers, permettant le retour au travail dans la démoralisation,
paquets par paquets, cette fois, les syndicats ont veillé à
assurer un repli général en bon ordre (sauf cas isolés
et ponctuels comme le centre de tri de Caen ou les traminots de Marseille).
La bourgeoisie a pu ainsi mener les opérations à sa guise
: elle a fait partir le mouvement comme elle le voulait et elle a pu
le faire cesser, quasiment du jour au lendemain, quand elle l'a voulu,
juste à la veille de la trêve des confiseurs. Tout était
donc bien réglé comme du papier à musique !
Comment s'y est-elle prise ?
- à travers une focalisation médiatique sur la lassitude
manifestée par une partie des ouvriers qui voulaient reprendre
le travail et surtout sur les AG où était votée
la reprise;
- alors que les syndicats n'avaient cessé de pousser systématiquement
un maximum de nouveaux secteurs à rentrer dans la grève,
il a suffi qu'ils cessent cette pression pour faciliter la reprise.
Cela démontre d'ailleurs que la "combativité syndicale"
n'était pas liée à une quelconque "pression
de la base", contrairement à la propagande alimentée
par les médias et entretenue par les groupes gauchistes. Le travail
s'est alors partagé entre la CFDT et les syndicats modérés
qui ont appelé directement à la reprise du travail tandis
que la CGT et FO ont dit qu'ils suivraient les décisions des
AG ;
- les syndicats ont joué sur l'absence de centralisation du mouvement
qu'ils avaient provoquée et entretenue : le fait que chaque AG
décide dans son coin de la poursuite ou non de la grève
a permis une propagation "spontanée" de la vague de
reprise.
De fait, la CGT et FO ne sont jamais apparus comme divisés, ni
surtout comme des diviseurs. Les deux principaux syndicats "combatifs"
n'ont, au contraire, pas cessé de proclamer la nécessité
pour les ouvriers de rester unis et ont même largement mis en
garde contre le développement d'une division entre "jusqu'au
boutistes" et ouvriers voulant reprendre le travail.
Contrairement à ce qui avait pu se passer dans certains conflits
des années 70 ou 80, la fin de la grève n'a pas permis
que soit mis en évidence le rôle de saboteurs de la lutte
que sont les syndicats. Le maintien du plan Juppé a été
attribué à la seule et unique intransigeance du gouvernement
et non pas à un quelconque manque de détermination des
syndicats. Par contre, les médias ont largement relayé
l'idée du manque de solidarité des secteurs qui ne se
sont pas ou que peu mis en grève, le secteur privé notamment,
et toute une entreprise de division et culpabilisation basée
sur celle-ci.
Après trois semaines de grève, un grand nombre d'ouvriers
ont repris le travail avec un sentiment de fierté "de ne
pas s'être laissés faire", d'avoir été
capables de relever la tête. L'idée suivant laquelle ce
mouvement a contribué à renforcer la classe ouvrière
est totalement fausse. Elle représente un poison pour la conscience
du prolétariat.
Les syndicats n'ont nullement changé de nature. S'ils ont adopté
un profil si radical, c'est pour faire oublier leur sale travail passé
et pour renforcer leur capacité à saboter les luttes ouvrières
dans l'avenir, comme dans le but présent et permanent de permettre
au gouvernement de faire passer ses attaques.
Face à l'usure accélérée des syndicats et
à la défiance envers eux qu'avaient suscitée dans
les rangs ouvriers 35 ans de sabotage syndical de leurs luttes, il était
urgent pour la bourgeoisie d'imprimer une nouvelle image positive de
ses officines d'encadrement de la classe ouvrière et de pousser
les ouvriers à leur faire confiance. Pour ce faire, les syndicats
ont pris l'initiative de lancer un mouvement qui, du début à
la fin, est resté sous leur parfait contrôle, et dans lequel
ils se sont offert une image inhabituellement "radicale",
"combative" et "unitaire".
Aux cris de triomphe des syndicalistes d'hier clamant que, grâce
à eux, le mouvement avait fait reculer Juppé et la classe
ouvrière s'était renforcée, s'oppose le constat
d'évidence : le plan Juppé sur la sécurité
sociale est passé. Quant à l'illusion que cette "expérience"
aurait permis à la classe ouvrière de se renforcer en
réapprenant à se défendre, qu'elle y aurait retrouvé
ses réflexes de lutte, de solidarité de classe et d'unité,
elle aussi s'est révélée une chimère. Depuis
lors, les attaques gouvernementales et patronales n'ont fait que redoubler
de violence : outre la mise en place, mois après mois, des mesures
du plan Juppé, les hausses de prélèvements et baisses
des allocations sociales, la bourgeoisie a déchaîné
sur la classe ouvrière une avalanche de coups sans précédents,
sous forme de plans sociaux à répétition et leurs
charrettes de licenciements et de suppressions de postes dans la fonction
publique, de développement de la précarité et de
la flexibilité du travail.
A tout cela les ouvriers ont été incapables d'opposer
la moindre résistance sérieuse, et pour cause. Pris dans
la nasse de syndicats renforcés par leur nouvelle image, les
ouvriers en butte aux attaques se sont retrouvé baladés,
atomisés, dispersés dans des actions syndicales impuissantes
et isolées, sans trouver la force de contester et encore moins
de déborder cet encadrement syndical omniprésent. Bref,
les syndicats ont eu les mains plus libres que jamais, dans les années
suivantes, pour faire leur sale boulot habituel de saucissonnage, de
division et de sabotage ouvert.
Le capitalisme est
rentré dans sa sixième phase de récession ouverte
depuis le resurgissement de la crise sur la scène de l'histoire
à la fin des années 60 : 1967, 1970-71, 1974-75, 1980-82,
1991-93, 2001- ?, sans compter l'effondrement des pays du Sud-Est asiatique,
du Brésil, etc., dans les années 1997-1998. Depuis, chaque
décennie se solde par un taux de croissance inférieure
à la précédente : 1962-69 : 5,2% ; 1970-79 : 3,5%
; 1980-89 : 2,8% ; 1990-99 : 2,6% ; 2000-2002 : 2,2%. En 2002, la croissance
de la zone Euro atteint péniblement + 0,7% alors qu'elle se maintenait
encore à 2,4% aux Etats-Unis, chiffre néanmoins moins
élevé que dans les années 1990.
Ce qui caractérise la récession actuelle, aux dires des
commentateurs bourgeois eux-mêmes, c'est la rapidité et
l'intensité de son développement. Les Etats-Unis, la première
économie du monde, ont très rapidement plongé dans
la récession. Le repli du PIB américain est plus rapide
que lors de la récession précédente et l'aggravation
du chômage atteint un record inégalé depuis la crise
de 1974. Le Japon, la deuxième économie du monde, ne se
porte pas mieux. Malgré des plans de relance massifs, l'économie
nippone vient de replonger dans la récession pour la troisième
fois. C'est la plus forte crise depuis 20 ans et, selon le FMI, le Japon
pourrait connaître, pour la première fois depuis l'après-guerre,
deux années consécutives de contraction de l'activité
économique. Avec ces multiples plans de relance successifs, le
Japon rajoute à son endettement bancaire astronomique, un endettement
public qui est devenu le plus élevé de tous les pays industrialisés.
Ce dernier représente aujourd'hui 130% du PIB et devrait atteindre
153% en 2003.
Au XIXe siècle, dans la période ascendante du capitalisme,
le solde budgétaire des finances publiques (différence
entre les recettes et les dépenses) de six grands pays (Etats-Unis,
Japon, Canada, France, Grande-Bretagne, Italie) n'est que ponctuellement
en déficit, essentiellement pour cause de guerres, il est par
ailleurs stable et en constante amélioration entre 1870 et 1910.
Le contraste est saisissant avec la période de décadence
dans laquelle le déficit est quasiment permanent, exceptées
4 années à la fin des années 20 et une vingtaine
d'années entre 1950 et 1970 et se creuse tant pour des raisons
guerrières que lors des crises économiques.
Le poids de la dette publique en pourcentage du PIB diminue tout au
long de la période ascendante. En général, ce pourcentage
ne dépasse jamais 50. Il explose lors de l'entrée en période
de décadence pour ne refluer qu'au cours de la période
1950-80, mais sans jamais redescendre au dessous de 50%. Il remonte
ensuite au cours des années 1980-90. Cette montagne de dettes
qui s'accumulent non seulement au Japon mais aussi dans les autres pays
développés constitue un véritable baril de poudre
potentiellement déstabilisateur à terme. Ainsi, une grossière
estimation de l'endettement mondial pour l'ensemble des agents économiques
(Etats, entreprises, ménages et banques) oscille entre 200 et
300% du produit mondial. Concrètement, cela signifie deux choses
: d'une part, que le système a avancé l'équivalent
monétaire de la valeur de deux à trois fois le produit
mondial pour pallier la crise de surproduction rampante et, d'autre
part, qu'il faudrait travailler deux à trois années pour
rien si cette dette devait être remboursée du jour au lendemain.
Si un endettement massif peut aujourd'hui encore être supporté
par les économies développées, il est par contre
en train d'étouffer un à un les pays dits "émergents".
Cet endettement phénoménal au niveau mondial est historiquement
sans précédent et exprime à la fois le niveau d'impasse
dans lequel le système capitaliste s'est enfoncé mais
aussi sa capacité à manipuler la loi de la valeur afin
d'assurer sa pérennité.
On essaie de nous faire croire qu'avec la libéralisation et
la mondialisation, les Etats n'ont pratiquement plus rien à dire,
qu'ils ont perdu leur autonomie face aux marchés et aux organismes
supranationaux comme le FMI, l'OMC, etc., mais lorsqu'on consulte les
statistiques, force est de constater que malgré vingt années
de "néo-libéralisme", le poids économique
global de l'Etat (plus précisément du secteur dit "non
marchand" : dépenses de toutes les administrations publiques,
y compris les dépenses de sécurité sociale) n'a
guère reculé. Il continue de croître, même
si c'est à un rythme moins soutenu, pour atteindre une fourchette
de + 45 à 50% pour les 32 pays de l'OCDE avec une valeur basse
autour de 35% pour les Etats-Unis et le Japon et une valeur haute de
60 à 70% pour les pays nordiques.
Oscillant autour de 10% tout au long de la phase ascendante du capitalisme,
la part de l'Etat (dépenses de toutes les administrations publiques,
y compris les dépenses de sécurité sociale) dans
la création de valeur ajoutée grimpe progressivement au
cours de la phase de décadence pour avoisiner 50% en 1995 dans
les pays de l'OCDE (source : Banque Mondiale, rapport sur le développement
dans le monde, 1997).
Quant au poids politique des Etats, il s'est bel et bien accru. Aujourd'hui,
comme tout au long du XXe siècle, le capitalisme d'Etat n'a pas
de couleur politique précise. Aux Etats-Unis, ce sont les républicains
(la "droite") qui prennent l'initiative d'un soutien public
à la relance et qui subventionnent les compagnies aériennes.
La Banque Centrale pour sa part, très étroitement liée
au pouvoir, a baissé ses taux d'intérêt au fur et
à mesure que la récession se précisait afin d'aider
à la relance de la machine économique : de 6,5% à
2% entre le début et la fin 2001. Au Japon, les banques ont été
renflouées à deux reprises par l'Etat et certaines ont
même été nationalisées. En Suisse, c'est
l'Etat qui a organisé la gigantesque opération de renflouement
de la compagnie aérienne nationale Swissair, etc. Même
en Argentine, avec la bénédiction du FMI et de la Banque
Mondiale, le gouvernement a recours à un vaste programme de travaux
publics pour essayer de recréer des emplois. Si, au XIXe siècle,
les partis politiques instrumentalisaient l'Etat pour faire passer prioritairement
leurs intérêts, dans la période de décadence,
ce sont les impératifs économiques et impérialistes
globaux qui dictent la politique à suivre quelle que soit la
couleur du gouvernement en place. Cette analyse fondamentale, dégagée
par la Gauche communiste, a été amplement confirmée
tout au long du XXe siècle et est plus que jamais d'actualité
aujourd'hui que les enjeux sont encore plus exacerbés. "Les
causes directes du renforcement de l'Etat capitaliste à notre
époque traduisent toutes les difficultés dues à
l'inadaptation définitive du cadre des rapports capitalistes
au développement atteint par les forces productives". ("La
décadence du capitalisme", brochure du CCI).
Ce qui est absolument certain, c'est qu'avec le développement
de la récession au niveau international, la bourgeoisie imposera
une nouvelle et violente dégradation du niveau de vie de la classe
ouvrière. Sous prétexte d'état de guerre et au
nom des intérêts supérieurs de la nation, la bourgeoisie
américaine en profite pour faire passer ses mesures d'austérité
déjà prévues depuis longtemps, car rendues nécessaires
par une récession qui se développait : licenciements massifs,
efforts productifs accrus, mesures d'exception au nom de l'anti-terrorisme
mais qui servent fondamentalement comme terrain d'essai pour le maintien
de l'ordre social. Après l'effondrement du bloc de l'Est, la
course aux armements s'était ralentie pendant quelques années
mais très rapidement, vers le milieu des années 1990,
elle est repartie. Le 11 Septembre a permis de justifier le développement
encore plus énorme des armements. Les dépenses militaires
des Etats-Unis représentent 37% des dépenses militaires
mondiales qui sont en hausse dans tous les pays. Partout dans le monde,
les taux de chômage sont de nouveau fortement orientés
à la hausse alors que la bourgeoisie avait réussi à
camoufler une partie de son ampleur réelle par des politiques
de traitement social - c'est-à-dire des gestions de la précarité
- et par des manipulations grossières des statistiques. Partout
en Europe, les budgets sont révisés à la baisse
et de nouvelles mesures d'austérité sont programmées.
Au nom de la stabilité budgétaire, dont le prolétariat
n'a que faire, la bourgeoisie européenne est en train de revoir
la question des retraites (abaissement des taux et allongement de la
vie active) et de nouvelles mesures sont envisagées pour faire
sauter "les freins au développement de la croissance"
comme disent pudiquement les experts de l'OCDE, à savoir "atténuer
les rigidités" et "favoriser l'offre de travail"
via une précarisation accrue et une réduction de toutes
les indemnisations sociales (chômage, soins de santé, allocations
diverses, etc.). Au Japon, l'Etat a planifié une restructuration
dans 40 % des organismes publics : 17 vont fermer et 45 autres seront
privatisés. Enfin, pendant que ces nouvelles attaques viennent
frapper le prolétariat au cœur du capitalisme mondial, la
pauvreté se développe de façon vertigineuse à
la périphérie du capitalisme. La situation des pays dits
"émergents" est significative à cet égard
avec la situation dans des pays comme l'Argentine, le Venezuela. La
Turquie et la Russie sont toujours sous perfusion et suivies à
la loupe.
A cette situation d'impasse économique, de chaos social et de
misère croissante pour la classe ouvrière, celle-ci n'a
qu'une réponse à apporter : développer massivement
ses luttes sur son propre terrain de classe dans tous les pays. Aucune
"alternance démocratique", aucun changement de gouvernement,
aucune autre politique ne peut apporter un quelconque remède
à la maladie mortelle du capitalisme. La généralisation
et l'unification des combats du prolétariat mondial qui ne peuvent
aller que vers le renversement du capitalisme, sont la seule alternative
capable de sortir la société de cette impasse. Rarement
dans l'histoire, la réalité objective n'avait aussi clairement
mis en évidence que l'on ne peut plus combattre les effets de
la crise capitaliste sans détruire le capitalisme lui-même.
Le degré de décomposition atteint par le système
et la gravité des conséquences de son existence sont tels
que la question de son dépassement par un bouleversement révolutionnaire
apparaît et apparaîtra de plus en plus comme la seule issue
"réaliste" pour les exploités. L'avenir reste
dans les mains de la classe ouvrière.
CCI
Sources
Croissance du PIB (1962-2001) : OCDE
Ratio solde budgétaire/PIB (en % du PIB) : Paul Masson et Michael
Muss : "Long term tendencies in budget deficits and Debts",
document de travail du FMI 95/128 (décembre 1995)
Alternatives Economiques (Hors série) : "L'état de
l'économie 2003".
Maddison : "L 'économie mondiale 1820-1992", OCDE et
"Deux siècles de révolution industrielle", Pluriel
H 8413.
Face à la riposte de la classe ouvrière contre l'attaque sans précédent qu'elle vient de subir avec le projet de réforme du régime des retraites, les révolutionnaires se devaient d'être présents aussi bien dans les manifestations que dans les différents secteurs en lutte où ils pouvaient intervenir, notamment dans le mouvement des travailleurs de l'Education nationale.
Ainsi, dès que le mouvement a commencé à prendre de l'ampleur avec la manifestation du 13 mai, la section du CCI en France a pris la décision de sortir un supplément à son principal outil d'intervention, le journal RI. Ce supplément s'est donné comme axe principal de dénoncer l'ampleur de l’attaque contre l'ensemble de la classe ouvrière, d'analyser les manoeuvres de la bourgeoisie pour faire passer cette attaque et de dénoncer le rôle des syndicats face à la remontée de la combativité ouvrière. Le sens de notre intervention visait à permettre à la classe ouvrière de mener une réflexion sur la profondeur de la crise du capitalisme et sur la nécessité de cette expérience de lutte lui permettant de reprendre confiance en elle et de retrouver son identité de classe. C'est justement face à la nécessité de fournir un cadre général d'analyse afin de favoriser la réflexion sur le sens de cette première riposte contre les attaques de la bourgeoisie que nous avons décidé de diffuser un supplément et non un tract agitatoire. Dans toutes les manifestations, à Paris comme en province, le CCI a mobilisé toutes ses forces, regroupant autour de lui ses sympathisants pour diffuser sa presse le plus largement possible.
Le bilan de cette mobilisation a été très positif : les chiffres de nos ventes ont battu des records. De toute l'histoire du CCI, jamais notre organisation n'avait vendu autant d'exemplaires de sa presse dans les manifestations. En particulier, dans toutes les manifestations où le CCI était présent, notre supplément s'est vendu comme des petits pains. Un tel constat n'a pour but ni de nous décerner des médailles, ni de nous emballer sur l'imminence du "grand soir".
Les chiffres de nos ventes, de même que les nombreuses discussions que nous avons pu avoir dans ces manifestations ne font que confirmer que, malgré les difficultés auxquelles elle est encore confrontée pour développer sa lutte et créer un rapport de force capable de faire reculer la bourgeoisie, la classe ouvrière est à la recherche aujourd'hui d'une perspective. Le fait que de nombreux grévistes puissent aujourd'hui faire le geste politique d'acheter un journal intitulé "Révolution Internationale" ou un supplément titrant sur "L'avenir appartient à la lutte de classe" est particulièrement significatif d'un changement dans la situation de la lutte de classe. Cela signifie qu'aujourd'hui commence à germer au sein de la classe ouvrière un réel questionnement sur l'avenir que nous réserve le capitalisme. Ce questionnement, cette quête d'une perspective, même si elles sont encore très confuses et embryonnaires, constituent un démenti cinglant à toutes les campagnes de la bourgeoisie qui ont succédé l'effondrement des régimes staliniens (campagnes sur la prétendue faillite du communisme et sur la fin de la lutte de classe).
Ainsi, cette attaque massive contre l'ensemble de la classe ouvrière ne fait que confirmer la validité de ce que notre organisation a toujours mis en avant dans sa presse depuis 1968 : malgré les souffrances qu'elle va lui infliger, la crise économique reste la meilleure alliée du prolétariat.
L'intervention du CCI ne s'est pas limitée à la diffusion de sa presse dans les manifestations de rue.
Dans les luttes elles-mêmes, dans les les AG, et particulièrement celles des enseignants, nos camarades et sympathisants sont intervenus à chaque fois qu'ils le pouvaient pour tenter de contrer les manoeuvres des syndicats et de leur base "radicale" animée par les gauchistes. Toutes nos interventions ont mis en avant :
- la nécessité vitale de l'extension géographique de la lutte dès le début du mouvement contre les manoeuvres des syndicats et des gauchistes visant à enfermer les ouvriers dans leur secteur ou leur corporation;
- la nécessité de la souveraineté des AG qui doivent être des lieux de discussion, de décision des moyens de développer la lutte et non des chambres d'enregistrement des décisions syndicales prévues d'avance;
- la dénonciation claire et concrète des orientations des centrales syndicales, de la pratique réelle des syndicats sur le terrain qui, sous couvert d'unité, ont été autant d'obstacles aux nécessités de la lutte.
Ainsi, par exemple, dès le 13 mai, dans une AG départementale regroupant près de 500 grévistes à Lyon et dirigée par l'intersyndicale FSU, FO, CGT, SUD, CNT, nos camarades ont pu intervenir à deux reprises malgré l'agressivité de l'intersyndicale qui présidait l'AG (et notamment un ponte local de la LCR, représentant de la FSU, qui a tenté de leur couper la parole par des altercations du style: "Abrège", "Commence par mettre d'abord ton école en grève"). Malgré le tir de barrage des syndicats pour tenter de nous faire taire, un autre camarade travaillant dans le secteur hospitalier est venu dans cette AG des enseignants et a insisté sur la nécessité impérative de traverser la rue pour aller chercher les autres secteurs ouvriers qui subissent la même attaque sur les retraites. Son intervention très suivie et écoutée a obligé le présidium à se concerter et à couper le micro. Mais malgré cette manoeuvre, notre camarade poursuit son intervention en haussant la voix. Il est chaudement applaudi. C'est à ce moment que le présidium se voit contraint de reprendre à son compte l'orientation que nos camarades ont mis en avant : la nécessité de l'extension géographique mais... en perspective (ce que les gauchistes feront un peu partout, une fois que le mouvement commencera à s'essouffler). Cette parodie d'extension sera concrétisée par l'envoi de délégations de syndicalistes auprès de syndicalistes des autres secteurs.
Ainsi, cette AG départementale a clairement révélé que les syndicats "radicaux", pour ne pas être débordés par l'impact de nos interventions, ont été contraints d'adapter leurs manoeuvres.
Par ailleurs, nos interventions dans les AG, quand elles étaient possibles, devaient donner le maximum de chair à ces perspectives et si possible se concrétiser dans des motions proposées aux AG. Cela fut fait à plusieurs reprises, notamment dans les AG départementales. A Lyon, par exemple, nos camarades ont pu proposer cette motion sous les quolibets de l'intersyndicale : "L'AG départementale réunie le 22/05, appelle les AG de secteurs à mettre en actes l'appel à l'extension de la lutte par des délégations les plus fortes aux secteurs public et privé comme Alstom, Ateliers SNCF Oullins, RVI, TCL, Hôpitaux, Ville de Lyon etc… L'AG départementale considère que les appels syndicaux tardifs à la lutte pour les autres secteurs, les uns pour le 27 Mai, d'autres pour le 2 Juin, d'autres encore pour le 3 Juin, le silence dans d'autres secteurs, sont des actes concrets de division et d'éparpillement et vont contre le besoin d'unité et de mobilisation nécessaires depuis longtemps.". Cette motion devait recueillir 24 voix pour, 137 contre et 53 abstentions. Le vote sur cette motion a révélé un début de questionnement vis-à-vis de la mainmise des syndicats sur la lutte et sur leurs manoeuvres de sabotage. Bien que ce questionnement soit resté encore très minoritaire, l'intervention de nos militants n'a pas été un coup d'épée dans l'eau. A plusieurs reprises, nos camarades ont été interpellés pour qu'ils développent le sens de leur intervention, avec parfois même des invitations à venir faire ces interventions dans d'autres AG de secteurs où des questions de ce même type se posaient. De nombreuses discussions ont eu lieu et continuent d'avoir lieu. Dans d'autres AG départementales, comme par exemple celle du 21 mai à Nantes, nos camarades se sont directement affrontés aux syndicats en affirmant haut et fort "L'unité de la lutte ne passe pas par l'unité des syndicats !". Ils ont été copieusement sifflés tout au long de leur intervention. A l'issue de l'AG, seuls quatre grévistes se retrouvent en accord avec notre position. Ce que nous avons pu constater sur le terrain, et à travers l'écho de nos interventions suivant les régions, c'est une énorme hétérogénéité du mouvement, tant sur le plan de la mobilisation que sur celui de la méfiance envers les syndicats.
Dans un deuxième temps et assez rapidement, lorsqu'il s'est avéré que toute possibilité de développement massif de la lutte était verrouillée par les forces d'encadrement syndicales, nos camarades ont alors réorienté clairement leur intervention :
- mise en évidence du piège que représentait le mot d'ordre de "grève reconductible" risquant de conduire à l'épuisement et la démoralisation ;
- dénonciation du jusqu'au-boutisme des syndicats et des gauchistes avec leurs actions commandos, stériles et minoritaires (tel le blocage des examens) qui ne servent qu'à renforcer la division entre grévistes et non grévistes ;
- nécessité de se regrouper pour éviter la confusion, pour discuter le plus collectivement possible de la poursuite ou non de la grève afin d'éviter la démoralisation et se préparer à reprendre le combat plus tard en gardant nos forces intactes ;
-nécessité de maintenir régulièrement des AG, avant ou après le travail, pour commencer à tirer les leçons de cette lutte, et discuter des raisons des obstacles rencontrés dans ce combat ;
-nécessité pour les minorités les plus combatives, les plus conscientes de se regrouper afin de pouvoir élargir leur réflexion à partir des questions soulevées par ce mouvement. Déjà quelques réunions regroupant des éléments combatifs de différents secteurs rencontrés pendant la grève ont eu lieu à Lyon, Marseille ou Nantes par exemple.
Par ailleurs, le CCI était également présent, comme tous les ans, à la fête de Lutte Ouvrière où il a pu intervenir dans les forums organisés par les gauchistes pour y dénoncer leurs manoeuvres de sabotage de la lutte et mettre en avant la nécessité de tirer les leçons de la défaite des enseignants. Le CCI était d'ailleurs la seule organisation révolutionnaire à être intervenue contre les manoeuvres des trotskistes et à assumer sa responsabilité, malgré les sifflements des syndicalistes de base de LO et la LCR 1 [288]. Au cours des jours suivants, le CCI a tenu dans plusieurs villes des réunions publiques sur la situation sociale en France qui furent très animées.
Il est clair aujourd'hui que le mouvement n'a pas été en mesure de faire reculer la bourgeoisie. C'est donc une défaite cuisante que vient de subir la classe ouvrière. Encore une fois, la classe dominante ne va pas manquer l'occasion de tenter de faire tirer de fausses leçons à la classe ouvrière, notamment en s'efforçant de lui faire croire que lutter ne sert à rien. Il est donc de la responsabilité des révolutionnaires de contribuer dès aujourd'hui à faire obstacle à cette ultime manoeuvre de la bourgeoisie.
C'est la raison pour laquelle, le CCI a décidé de diffuser un tract tirant le bilan de cette expérience de lutte afin de permettre à l'ensemble de la classe ouvrière de tirer le maximum de leçons de cette défaite, la pousser à approfondir sa réflexion pour l'armer du mieux possible lorsqu'elle devra reprendre le combat face à l'accélération des attaques qui s'annoncent déjà avec le dossier sur la Sécurité sociale.
L'avenir appartient effectivement à la lutte de classe.
SM
1 [289] Malgré aussi les ricanements d’éléments que nous qualifions de parasites, parce que, tout en revendiquant leur appartenance au camp prolétarien, ils n’ont d’autre raison d’exister et n’ont d’autre souci dans leurs interventions que de nuire à la réputation des organisations révolutionnaires, et en particulier, à celle du CCI. D’ailleurs, lors de la fête de LO, ces éléments n'étaient présents qu'en spectateurs et n'ont pas ouvert la bouche pour combattre les forces d'extrême-gauche du capital.
“Il faut défendre nos retraites et assurer leur financement en s’en prenant au profits capitalistes” (Rouge du 16 mai).
La solution est pourtant si évidente, comment ne pas y avoir pensé plus tôt ? Bien heureusement toute la clique gauchiste est là pour nous montrer le chemin des luttes en nous assurant que les attaques que subit la classe ouvrière (dont l’actuelle remise en cause des retraites) n’est pas le fruit de la faillite du capitalisme mais plus simplement celui d’une mauvaise répartition des richesses.
“Réformons, réformons le capitalisme des patrons pour un capitalisme social, un capitalisme à visage humain.”
Franchement, nous n’en attendions pas moins de la part des troupes gauchistes, qu’elles fardent la réalité du capitalisme, l’aggravation irréversible de sa crise pour empêcher que les ouvriers en arrivent à conclure que ce système est sans avenir.
Dès la fin du mois d’avril, Lutte Ouvrière endossait, en prévision du déclenchement de la lutte, sont rôle oh combien éprouvé de rabatteur des syndicats : “Les confédérations syndicales appellent à faire du 1er mai une protestation contre l’ensemble de ces attaques, et elles programment un certain nombre de journées de grève et de manifestations pendant le mois de mai. Les travailleurs, les retraités, les chômeurs, toutes les catégories de la population laborieuse ont intérêt à se saisir de chaque manifestation, de chaque grève pour en faire un succès… Lutte Ouvrière appelle chacun à se mobiliser et à participer à toutes ces initiatives pour en assurer partout le plus grand succès."
“Quelles que soient les motivations des différentes confédérations, il est indispensable que ces actions [de protestations] soient massivement suivies par tous les travailleurs.” (Lutte Ouvrière du 25 avril).
LO (tout comme la Ligue Communiste Révolutionnaire) nous rejoue le fameux couplet du soutien critique aux syndicats cherchant à persuader les prolétaires, que même si l’appareil syndical est pourri par sa direction bureaucratique, le syndicalisme reste une arme de la classe ouvrière, la seule forme de combat qui puisse aboutir à quelque chose alors qu’il est, en fait, le principal fossoyeur de la lutte de classe (lire notre brochure Les syndicats contre la classe ouvrière).
De surcroît, il est remarquable que durant tout le mois de mai, les forces gauchistes sont restées extrêmement discrètes au sein du mouvement.
Aucun cortège de LO, de la LCR ou du Parti des Travailleurs dans les différentes manifestations du 13, 19 ou 25 mai. Et pourtant tous les cortèges syndicaux étaient truffés de militants de ces organisations.
Si les officines trotskistes ne sont jamais apparues en tant qu’organisations politiques distinctes à l’intérieur du mouvement alors que leurs militants y étaient omniprésents, c’est pour mieux dissimuler le grand coup de main qu’elles ont donné dans la pratique aux “directions syndicales pourries” et à la bourgeoisie.
L’encartage syndical des trotskistes ne date pas d’hier, c’est même un véritable sacerdoce qui marque leur volonté de drainer un maximum d’illusions sur la nature des syndicats.
Ainsi, on sait qu’habituellement les trotskistes de la LCR se syndiquent chez les cheminots plutôt à la CGT et chez les postiers et les hospitaliers à SUD (syndicat “devenu le canal historique des revendications de l’extrême gauche”, Libération du 6 juin).
Plus fort, on retrouve les trotskistes jusque dans les directions syndicales honnies à l’instar de Monsieur Cyroulnik à la fois membre du secrétariat de la FSU, majoritaire chez les enseignants, et membre du comité central de la LCR.
C’est donc tapis dans l’ombre, dilués dans divers syndicats FSU, FO, CGT… et évidemment dans les syndicats dit “radicaux” comme SUD ou la CNT que trotskistes et anarcho-syndicalistes ont participé à la consolidation de l’encadrement syndical pour mieux canaliser la combativité ouvrière.
De ce point de vue, l’attitude des groupes trotskistes est tout à fait symptomatique.
Ces organisations n’ont eu de cesse de se faire passer pour les chantres de l’extension de la lutte : “Oui, c’est une bonne chose que des postiers en grève aillent vers les travailleurs d’une entreprise privée ou que des enseignants aillent vers les cheminots ou vers les agents de la RATP. Oui, c’est une bonne chose que se tissent ainsi des liens entre les uns et les autres et que, progressivement, se forge la conscience commune que les travailleurs ont tous les mêmes intérêt.” (allocution d’Arlette Laguiller à la fête de LO le 7 juin).
La chose est bonne, certes, on pourrait même ajouter vitale pour que la classe ouvrière puisse opposer à la bourgeoisie un rapport de force véritablement digne de ce nom.
Mais de quelle extension veut réellement nous parler Madame Laguiller ?
Si on y regarde d’un peu plus près, dans la pratique, la convergence d’ouvriers en lutte, promue par les gauchistes, se résume à la simple rencontre de délégations syndicales. Des syndicalistes allant retrouver les syndicalistes d’en face ! Nos champions de l’extension des luttes se révèlent n’être que les champions de l’encadrement syndical.
A La Courneuve, par exemple, “l’extension des contacts [s’est faite] quasiment exclusivement dans les réseaux CGT pour le moment.” Rouge du 5 juin. Le morceau est lâché mais ce n’est pas sans arrière-pensées. Ici, ce que critique la LCR n’est pas tant le contrôle syndical de “l’extension” que sa prise en charge “exclusivement dans les réseaux CGT”. Autrement dit, pour franchir un pas supplémentaire, il faut élargir le combat à d’autres “réseaux”… FSU, FO, SUD, etc. Et voilà nos gauchistes surpris en pleine promotion de l’intersyndicale comme summum de l’union des ouvriers en lutte !
Empêcher que la classe ouvrière prennent en charge ses luttes, qu’elle en contrôle le but et les moyens dans le cadre d’assemblées générales souveraines, on peut concevoir que “Oui, c’est une bonne chose” pour les gauchistes mais certainement pas pour les prolétaires.
Lorsque les enseignants (secteur le plus en pointe dans cette lutte) furent suffisamment épuisés par plus d’un mois (parfois deux) de grèves reconductibles, le moment était alors venu pour les gauchistes de sortir du bois pour impulser une "radicalisation" du mouvement.
Le but, ici, est très clairement de mettre à genoux les enseignants qui n’ont pas été vidés de toute leur combativité. Ce qu’avoue par maladresse, lors de la fête de LO, un de ses militants rennais dans un forum consacré à la grogne des enseignants en mettant en avant le fait que son organisation “milite pour relancer le mouvement alors que l’essoufflement se fait sentir” dans sa région. Ou bien cet autre affidé de LO qui affirme qu’on “emportera pas le morceau mais il faut aller jusqu’au bout” c’est-à-dire jusqu’à ce qu’épuisement s’ensuive.
Pour ce faire est fabriqué un climat d’euphorie comme nous avons pu le constater, lors de cette même fête, dans la totalité des forums traitant du mouvement social dans l’éducation nationale, chez les hospitaliers, à la SNCF ou à la RATP.
Le mot d’ordre trotskiste était de nier purement et simplement la réalité de l’état du mouvement c’est-à-dire l’essoufflement. “Ce n’est pas le mouvement qui s’essouffle, c’est le gouvernement qui manque d’air” exposé de LO au forum de l’Education nationale. Mieux encore dans Rouge du 12 juin, on peut lire “Depuis le 13 mai, la mobilisation va crescendo, la liaison s’est faite avec les enseignants. Le déclic semble en train de se produire […] Comme si l’inversion du rapport de forces était à portée de mains”. Ainsi en faisant croire aux enseignants que la grève se “généralise” et que le gouvernement est sur le point de céder ( ce qui est illustré par une soi-disant reculade sur le projet de décentralisation), les trotskistes compte emmener les prolétaires en lutte dans un voyage jusqu’au bout de la démoralisation.
Par ailleurs LO trouve, dans cette entreprise, un véhicule de choix avec la coordination nationale des enseignants, sous son influence depuis le début du mouvement, qui le 17 juin appelait toujours à “poursuivre la grève reconductible” et à faire “pression sur les exams”. C’est dans ce sens que sous la poussée des gauchistes, le mouvement éclate dans une multitude d’actions commandos “interprofessionnelles” plus stériles les unes que les autres, occupations de voies ferrées (Paris Nord, Saint-Lazare, Nice), blocage d’accès routiers, des dépôts de bus, incendie du siège du MEDEF à La Rochelle, échauffourée avec la maréchaussée à la manifestation du 12 juin à Paris ou menaces sur la tenue des épreuves du bac.
Comme elle l’a affirmé explicitement lors de sa traditionnelle fête au Château de Presles, LO “soutient les minorités qui font des opérations coup de poing” se hissant de la sorte à la hauteur de la CGT des années 1980 qui était particulièrement friande de ce type d’actions-commando. Actions désespérées, sans aucun effet si ce n’est d’ancrer chez les ouvriers un sentiment d’impuissance, d’inutilité de la lutte et d’alimenter la division en leur sein. Comme en 1984 lorsque la CGT poussait à la fois les métallos de Dunkerque a bloquer le port après l’annonce d’une charrette de licenciements et en même temps soufflait sur la colère des dockers réclamant la réouverture du port.
Aujourd’hui, les gauchistes font exactement la même politique que la CGT d’il y a une vingtaine d’années car, en poussant des minorités d’ouvriers à bloquer les transports et les examens, il cherchent essentiellement à monter les ouvriers les uns contre les autres.
Dans cet objectif, les grands cris gauchistes appelant à l'extension de la lutte aux autres secteurs, à l'image de ce tract de la LCR diffusé dans les manifestations du mois de juin : "Le 3 juin n'est qu'un début ; grève générale! ; c'est le moment : privé, public, par millions, jusqu'à satisfaction.", ne peuvent être compris autrement que comme la volonté d’amplifier le sentiment d’isolement des enseignants, les faire retomber de plus haut pour rendre la défaite la plus démoralisante possible.
Ainsi, la prochaine étape consistera certainement, avec la mise en place de la réforme des retraites, à suggérer aux ouvriers qui sont entrés en lutte que l’échec du mouvement est venu non pas de l’encadrement syndical mais du manque de soutien des ouvriers non grévistes. Voici une façon supplémentaire de diviser secteur public et privé, c’est-à-dire avec exactement le même discours que celui des syndicats qui ont toujours rejeté la responsabilité de la défaite sur le manque de mobilisation des ouvriers eux-mêmes.
Durant le conflit de ce printemps, à l’intérieur des syndicats comme au sein des coordinations, on peut dire que les forces gauchistes ont assumé leur part du travail dans l’œuvre d’épuisement et de division de la classe ouvrière.
Le prolétariat doit impérativement tirer les leçons de cette lutte, ce que par ailleurs les agents gauchistes tentent d’empêcher à tout prix via le piège du jusqu’auboutisme.
Pour développer son combat, la classe ouvrière ne pourra pas faire l'économie de l’affrontement avec ces fers de lance de la bourgeoisie que sont les syndicats et les gauchistes de tous poils.
Azel (15 juin)
Les leçons du formidable mouvement de grève massive de l’été 1980 en Pologne demeurent d'une brûlante actualité. C'est à la lueur de celles-ci qu'il convient d'examiner des faiblesses importantes qui se sont manifestées dans le mouvement de grève du printemps dernier en France.
Dans le secteur des transports, et même à l’Education nationale, pourtant à la pointe de la mobilisation, la classe ouvrière n'a pas été en mesure de prendre sa lutte en mains, laissant ainsi toute latitude aux syndicats pour effectuer leur sale travail de sabotage.
En particulier, ceux-ci ont dénaturé la nature et les moyens de ce besoin vital de la lutte qu'est l'extension. En effet, c'est à un simulacre de solidarité prolétarienne et d'extension géographique de la lutte qu'a correspondu l'organisation de délégations composées de quelques syndicalistes ou d’éléments gauchistes entraînant derrière eux, ça et là, des minorités d'ouvriers plus ou moins nombreux. En 1980, en Pologne, c’est dès le début du mouvement que les ouvriers polonais sont sortis du cadre de l’usine et du secteur, envoyant des délégations massives, décidées et contrôlées par les assemblées générales, en direction des entreprises les plus proches géographiquement. C’est l’ensemble de la classe ouvrière en lutte, à travers le MKS, comité de grève à l’échelle nationale qui décidait des actions à mener en fonction des besoins de la lutte. A contrario, c'est l'absence d'un tel contrôle du mouvement de ce printemps qui a permis à toutes les forces hostiles à son réel développement de l'affaiblir de l'intérieur.
Ainsi, dans le mouvement de ce printemps en France, l'arme de la grève à répétition dans les transports, contrôlée par les syndicats, a été utilisée contre les intérêts généraux du mouvement. Largement handicapés dans leurs déplacements pour se rendre à leur travail des ouvriers ont, en nombre croissant, été animés par une hostilité grandissante vis-à-vis d'actions dont ils ne comprenaient pas le sens. De plus, la quasi-paralysie des transports pendant les manifestations a limité la participation ouvrière à celles-ci dans la mesure où le seul moyen de s'y rendre était bien souvent d'emprunter les cars syndicaux pour ensuite se trouver parqués derrière les banderoles de tel ou tel syndicat.
Pire encore. En laissant le contrôle du mouvement aux syndicats, les enseignants se sont laissés piéger dans une grève longue, isolées des autres secteurs, de plus en plus minoritaire.
Le 1er juillet 1980, à la suite de fortes augmentations du prix de la viande, des grèves éclatent à Ursus (banlieue de Varsovie) dans l'usine de tracteurs qui s'est trouvée au coeur de la confrontation avec le pouvoir en juin 1976, ainsi qu'à Tczew dans la région de Gdansk. A Ursus, les ouvriers s'organisent en assemblées générales, rédigent un cahier de revendications, élisent un comité de grève. Ils résistent aux menaces de licenciements et de répression et vont débrayer à de nombreuses reprises pour soutenir le mouvement. Entre le 3 et le 10 juillet, l'agitation se poursuit à Varsovie (usines de matériel électrique, imprimerie), à l'usine d'aviation de Swidnick, à l'usine d'automobiles de Zeran, à Lodz, à Gdansk. Un peu partout, les ouvriers forment des comités de grève. Leurs revendications portent sur des augmentations de salaires et l'annulation de la hausse des prix. Le gouvernement promet des augmentations : 10 % d'augmentation en moyenne accordées généralement aux seuls grévistes afin de calmer (!) le mouvement. A la mi juillet, la grève gagne Lublin. Les cheminots, les transports puis l'ensemble des industries de cette ville arrêtent le travail.
Le travail reprend dans certaines régions mais des grèves éclatent ailleurs. Krasnik, l'aciérie Skolawa Wola, la ville de Chelm (près de la frontière russe), Wroclaw sont touchées durant le mois de Juillet par la grève ; le département K-1 du chantier naval de Gdansk a débrayé, également le complexe sidérurgique de Huta-Varsovie. Partout les autorités cèdent en accordant des augmentations de salaires. Vers la fin juillet, le mouvement semble refluer; le gouvernement pense avoir stoppé le mouvement en négociant au coup par coup, usine par usine. Il se trompe car les ouvriers vont déjouer le piège des divisions en catégories professionnelles, en régions, par usines, avec prétendument leurs "problèmes propres". En effet, après une accalmie, la grève reprendra pour s'étendre géographiquement, et non par branches d'industrie.
Le 14 août, le renvoi d'une militante des syndicats "libres" provoque l'explosion d'une grève au chantier Lénine à Gdansk. L'assemblée générale dresse une liste de 11 revendications ; les propositions sont écoutées, discutées, votées. L'assemblée décide l'élection d'un comité de grève mandaté sur les revendications : réintégration des militants, augmentation des allocations sociales, augmentation des salaires de 2000 zlotys (salaire moyen : 3000 à 4500 zlotys), dissolution des syndicats officiels, suppression des privilèges de la police et des bureaucrates, publication immédiate des informations exactes sur la grève, etc. ! Tous les ouvriers licenciés du chantier naval depuis 1970 doivent pouvoir revenir à leurs postes. La direction stalinienne cède sur les augmentations de salaire et garantit même la sécurité aux grévistes.
Le 15 août, la grève générale paralyse la région de Gdansk. Les chantiers navals "La Commune de Paris" à Gdynia débrayent. Les ouvriers occupent les lieux et obtiennent 2100 zlotys d'augmentation immédiatement. Ils refusent cependant de reprendre le travail car "Gdansk doit gagner aussi". Le 18 août dans la région de Gdansk Gdynia Sopot, 75 entreprises sont paralysées Il y a environ 100 000 grévistes; on signale des mouvements à Szczecin et à Tarnow à 80 km au sud de Cracovie. Le comité de grève organise le ravitaillement : des entreprises d'électricité et d'alimentation travaillent à la demande du comité de grève. Les négociations piétinent, le gouvernement se refuse à parler avec le comité inter entreprises. Le 20 août, 300 000 ouvriers sont en grève. Le bulletin du comité de grève du chantier Lénine "Solidarité" est quotidien, des ouvriers de l'imprimerie aidant à imprimer des tracts et les publications.
Le 26 août, les ouvriers réagissent avec prudence aux promesses du gouvernement, restent indifférents aux discours de Gierek. Ils refusent de négocier tant que les lignes téléphoniques sont coupées à Gdansk. Le 28 août, les grèves s'étendent, elles touchent les usines de cuivre et de charbon en Silésie dont les ouvriers ont le niveau de vie le plus élevé du pays. Les mineurs se mettent en grève "pour les revendications de Gdansk". Trente usines sont en grève à Wroclaw, à Poznan (les usines qui ont commencé le mouvement en 1956), aux aciéries de Nowa-Huta et à Rzeszois, la grève se développe. Partout, des comités inter-entreprises se forment par région. Toute la classe ouvrière se dresse contre la classe capitaliste concentrée dans l'État.
En affirmant dès le début : "NOUS SOMMES TOUS NOS REPRÉSENTANTS", ou bien "NOUS N'AVONS CONFIANCE QU'EN NOUS-MÊMES", les ouvriers ont manifesté une conscience de classe aiguë. C'est pourquoi ils ont été capables de se doter d'organisations propres, à travers les assemblées générales et les comités de grève. Ainsi à Gdansk, le comité de grève rend compte de son mandat devant les ouvriers l'après-midi et les informe sur les réponses de la direction. L'assemblée décide la formation d'une milice ouvrière et de saisir l’alcool. Une seconde négociation avec la direction reprend. Les ouvriers installent un système de sonorisation pour que toutes les discussions puissent être entendues. Mais bientôt on installe un système qui permet aux ouvriers réunis en assemblée de se faire entendre dans la salle des négociations. Des ouvriers saisissent le micro pour préciser leurs volontés. Pendant la plus grande partie de la grève, et ce jusqu'au dernier jour avant la signature du compromis, des milliers d'ouvriers interviennent du dehors pour exhorter, approuver ou renier les discussions du comité de grève.
Peu après le 15 août, le mouvement des chantiers navals à Gdansk connaît un moment de flottement : des délégués d'atelier hésitent à aller plus loin et veulent accepter les propositions de la direction. Des ouvriers venus d'autres usines de Gdansk et de Gdynia les convainquent de maintenir la solidarité. On demande l'élection de nouveaux délégués plus à même d'exprimer le sentiment général. Les ouvriers venus de partout forment à Gdansk un comité inter-entreprises national dans la nuit du 15 août et élaborent un cahier de 21 revendications. Le comité de grève compte 400 membres, 2 représentants par usine; ce nombre atteindra 800 à 1000 quelques jours plus tard. Des délégations font le va et vient entre leurs entreprises et le comité de grève central, utilisant parfois des cassettes pour rendre compte de la discussion. Les comités de grève dans chaque usine se chargent de revendications spécifiques, l'ensemble se coordonne. Le comité d'usine des chantiers Lénine comporte par exemple 12 ouvriers, un par atelier, élus à main levée après débat. Deux sont envoyés au comité de grève central et rendent compte de ce qui se passe 2 fois par jour. Ces comités de grève inter-entreprises qui se créent et forment le MKS ne sont pas composés de "professionnels" de la lutte, comme les syndicalistes, mais ils englobent tous les ouvriers, quels que soient leur métier, leur qualification, leur secteur ou leur corporation. Ils sont la réelle émanation de la volonté ouvrière en lutte. Contre les idées galvaudées par les suppôts de la propagande bourgeoise, la constitution de ces comités de grève ne représentait pas l’anarchie mais un plus grand ordre, mettant en place des services de ravitaillement pour la population et une milice ouvrière contre les provocations et la répression de l’Etat. Dans la grève de masse, la volonté de tous –toute la classe- prédomine sur la volonté de quelques-uns. Le MKS avait toute prérogative pour conduire la grève. Il décidait si certaines entreprises devaient continuer à travailler pour assurer les besoins des grévistes. Ainsi, la raffinerie produisant au ralenti l’essence nécessaire aux transports, des bus et des trains circulaient ; l’industrie alimentaire dépassait quant à elle les plus hautes normes fixées par les bureaucrates auparavant, pour assurer l’approvisionnement de la population.
Outre les limites fondamentales imposées par le mouvement ouvrier international de l’époque qui laissaient les luttes en Pologne isolées, les illusions sur le "syndicalisme libre" ont participé à la défaite que subiront par la suite les ouvriers.
Ce sont en définitive les démocrates du KOR et les syndicalistes à la Walesa qui s’autoproclameront permanents et videront de toute sa substance le MKS pour en faire un organe permanent de la lutte, le MKZ, puis un syndicat, appelé cyniquement "Solidarité". On verra dans les années 1980 ce qu’il deviendra : un organe de gouvernement bourgeois, ouvertement anti-ouvrier.
Cependant, les leçons de la Pologne 1980 restent fondamentales pour le développement des luttes ouvrières dans le futur. C’est pourquoi la classe ouvrière doit dès aujourd’hui se les réapproprier et en faire une boussole dans son combat contre toutes les forces de la bourgeoisie.
D’après notre brochure "Grève de masse en Pologne"
L'attaque contre
les retraites en France qui vient d'être officialisée à
travers l'adoption par le parlement de la loi Fillon a constitué,
par son ampleur et sa profondeur, une expression particulièrement
significative de la faillite du système capitaliste, contraint
d'amputer toujours davantage les dépenses d'entretien des exploités.
Son objectif n'est pas tant de faire travailler plus longtemps les ouvriers
que de leur supprimer, ni plus ni moins, leur retraite.
Seuls les ouvriers sont capables, à travers leur mobilisation,
de s'opposer à cette logique. C'est pourquoi les luttes ouvrières
massives du printemps dernier revêtent une signification toute
particulière. En effet, elles démontrent que de nouveau
le prolétariat est en train de retrouver sa capacité à
se reconnaître en tant que classe luttant pour des intérêts
communs, et ce malgré l'impact négatif très important
qu'ont eu sur sa conscience les campagnes idéologiques massives
sur "la fin de la lutte de classe" pendant toutes les années
1990, suite à l'effondrement du stalinisme. Une telle dynamique
de la lutte de classe est porteuse de luttes de plus en plus massives
et surtout d'un développement de la conscience de la faillite
du capitalisme, de la possibilité de lutter contre ce système
jusqu'à son renversement. Une telle perspective implique aussi
de la part de la classe ouvrière qu'elle tire les leçons
de ses défaites en apprenant à combattre son ennemi et
à déjouer ses pièges. C'est une nécessité
vitale comme l'illustre le fait que c'est sans avoir été
inquiétée que la bourgeoisie a pu faire passer son attaque
contre les retraites et cela malgré la forte mobilisation des
enseignants. C'est en permanence que la bourgeoisie manœuvre contre
son ennemi mortel, de manière à affaiblir ses ripostes.
Cette fois-ci, elle a su habilement focaliser le mouvement sur une revendication
spécifique à l'Education Nationale, la lutte contre la
décentralisation, de manière à empêcher le
développement d'une lutte massive de tous les secteurs contre
la réforme des retraites. Quant à l'encadrement de la
lutte elle-même, il a pu être assumé sur le terrain
sans difficulté par les syndicats et des organismes divers, dont
des coordinations autoproclamées, mis sur pied par les gauchistes.
Malgré sa victoire, la bourgeoisie ne pouvait néanmoins
pas laisser les choses en l'état et se devait d'occuper le terrain
afin de faire obstacle à la réflexion des ouvriers sur
ce qui venait de se passer. Alors que le mouvement des enseignants agonisait,
les projecteurs médiatiques se braquaient, dès le 27 juin,
sur la lutte des intermittents du spectacle. Pendant une bonne partie
du mois de juillet et de façon récurrente le mois suivant,
l'annulation ou le maintien des festivals ont tenu le public du petit
écran en haleine. Tout le battage sur ce conflit, lui accordant
une importance aussi grande que les mobilisations du printemps dont
elle apparaissait constituer le prolongement, n'avait d'autre objet
que de dénaturer la lutte de classe en renvoyant une image de
celle-ci fortement emprunte de l'individualisme et des préjugés
élitistes et petit-bourgeois propres aux artistes. De même,
le rendez-vous altermondialiste (du 8 au 10 août) dans le Larzac
devenu pour l'occasion la "Mecque de la contestation sociale"
a fait lui aussi l'objet de toute l'attention des médias. Ce
type de rassemblement constitue également une offensive idéologique
contre la classe ouvrière en substituant à sa lutte sur
un terrain de classe un fatras de luttes interclassistes, citoyennes
à qui mieux, réclamant l'amélioration de la démocratie
bourgeoise.
Un autre spectacle a été monté en grandes pompes
par la bourgeoisie cet été, face à une situation
dont il lui était impossible de dissimuler la réalité,
l'hécatombe en vies humaines provoquée par la canicule.
Là aussi, il s'est agi pour la bourgeoisie de détourner
les consciences de la signification profonde d'un événement
qui est le produit des coupes claires effectuées depuis plus
de vingt ans, par tous les gouvernements, dans les budgets de santé
et sociaux, et qui constitue une illustration accablante de l'impasse
dans laquelle se trouve le capitalisme, tout juste bon à préparer
nos cercueils. A cette fin, nous avons eu droit à d'interminables
bavardages sur le devoir d'alerte, la responsabilité ou non du
gouvernement, et à une entreprise de culpabilisation de la population
sur le thème de "l'égoïsme qui nous fait abandonner
nos aînés", celle-ci préparant le terrain au
projet d'une nouvelle attaque des conditions de vie de la classe ouvrière
visant à lui enlever un jour par an de congés pour financer
des mesures en faveur des plus vieux.
L'aggravation de la crise économique mondiale, est illustrée,
par exemple, par la récession ouverte qui frappe des puissances
comme l'Allemagne et la Hollande. Et c'est bien entendu à la
classe ouvrière que la bourgeoise compte faire payer la note.
La période estivale ayant toujours été mise à
profit pour faire passer un maximum d'attaques contre la classe ouvrière,
l'été 2003 ne pouvait d'autant moins déroger à
cette règle : hausse des tarifs des services publics (transports,
gaz, électricité, téléphone, etc.) ; cascade
ininterrompue de plans sociaux, les vacances étant le moment
tant attendu par les entreprises pour lâcher la bonde du licenciement.
Depuis juin, ce sont plus de 8000 emplois qui se retrouvent sur la sellette
dans tous les secteurs : automobile, électronique, chimie, aérospatiale,
prêt-à-porter … Et pour que l'économie réalisée
par le capital sur le dos des prolétaires licenciés soit
plus conséquente, le calcul de leur indemnisation est révisé
en leur défaveur suite à un décret du 27 juillet
paru au Journal Officiel. Ainsi, le plafond maximum des indemnités
a été divisé par deux.
Dans le secteur public, les plans de suppressions de postes sont de
plus en plus agressifs. Ainsi le budget 2004 prévoit une suppression
de 5000 postes de fonctionnaires. Après avoir annoncé
au printemps le chiffre astronomique de 30 000, le gouvernement est
revenu au mois de juillet à un ordre de grandeur plus "raisonnable".
Quel soulagement ! D'abord on vous annonce l'amputation d'un bras et
finalement la main suffira. C'est tout l'art de couper une main en en
faisant presque une bonne nouvelle. Pour l'heure, la rentrée
scolaire 2003, avec la suppression de postes de surveillants et d'aides-éducateurs,
prétendument compensée par des assistants d'éducation,
se fera au bout du compte avec un déficit de 10 000 postes.
L'aggravation de la crise atteint un tel niveau que la bourgeoisie ne
se limite pas à se débarrasser d'une main-d'œuvre
devenue pléthorique. Aujourd'hui, elle n'est même plus
capable de maintenir son système de protection sociale qui agissait
jusqu'à présent comme un frein à une explosion
tous azimuts de la pauvreté. Les ouvriers au chômage, malades
ou retraités, tous ceux dont la force de travail n'est plus exploitable,
tous ceux dont le capitalisme ne peut extraire de la plus-value seront
de plus en plus abandonnés à leur propre sort, la misère.
C'est toute la signification du programme de réformes du gouvernement
Raffarin baptisé "agenda 2006" en écho à
celui de Schröder en Allemagne.
Le prochain dossier, celui de la réforme de la Sécurité
sociale, quant à lui, relève de la même logique.
Déjà 617 médicaments avaient vu leur taux de remboursement
passer de 65 à 35%, en plein week-end de Pâques, pour cause
de Service Médical Rendu (SMR) "faible". Le 17 juillet,
le ministre de la santé, Mattei, poursuivait en rendant public
une liste de 84 médicaments qui ne seront plus remboursés
car cette fois le SMR est "insuffisant" et, d'ici 2005, 650
autres médicaments subiront le même traitement. "Cette
décision est la conséquence directe de la réévaluation
des 4500 médicaments de la pharmacopée commandée
par Martine Aubry en 1999" d'après Mattei. Et oui, c'est
bien le gouvernement Jospin qui a mis en place cette notion de SMR avec
l'idée que "les médicaments à SMR insuffisant
sortiront du remboursement…", annonce faite par Aubry en septembre
2000. Comme pour les retraites, il existe une véritable continuité
entre gauche et droite pour préparer et mettre en œuvre
les mesures anti-ouvrières nécessaires au capital. Face
à celles-ci, les ouvriers qui le pourront vont de plus en plus
être contraints de payer, en plus de leurs cotisations sociales
actuelles, des cotisation à des "mutuelles" afin de
ne pas se trouver dans le plus complet dénuement face à
la maladie ou la vieillesse.
Parmi les milliers de dépôts de bilan d'entreprises qui
émaillent la plongée dans la crise, l'un au moins, et
pas des moindres, aura participé de remettre les pendules à
l'heure par rapport à tous les mensonges véhiculés
sur le prétendu rôle de rempart joué par l'Etat
contre les abus du libéralisme, en particulier si le gouvernement
est de gauche. En effet, Alstom vient d'être sauvé de la
faillite début août par l'Etat, désormais détenteur
d'un tiers du capital du groupe. Ainsi, comme au Japon ou aux Etats-Unis,
c'est un gouvernement de droite qui intervient directement dans les
affaires d'un capital privé pour le nationaliser en d'autres
termes, et met la main à la poche, non pas pour faire des cadeaux
à des actionnaires, mais bien pour maintenir en vie un secteur
jugé stratégique pour le capital national. Pas non plus
pour sauver des emplois, puisque le projet d'en supprimer 5000 est maintenu.
Ainsi donc, c'est bien l'Etat capitaliste comme un tout qui est le représentant
suprême des intérêts du capital, et non pas la fraction
particulière de celui-ci que constitue le patronat. Et c'est
contre lui, comme un tout, que les ouvriers doivent diriger leurs luttes.
La corde passée autour du cou du prolétariat par un système
capitaliste moribond se resserre inexorablement chaque jour. Face à
la dégradation brutale de ses conditions de vie, la classe ouvrière
n'a pas d'autre alternative que de lutter, contrairement à ce
que veut lui faire croire la bourgeoisie. C'est encore un message de
ce type que celle-ci a envoyé dés le mois de juin avec
l'annonce de la retenue sur le salaire des personnels de l'Education
Nationale du paiement des samedis, dimanches et jours fériés
lorsqu'ils ont été encadrés par des jours de grève.
Revenue dans l'actualité vers la fin août, à travers
la question de savoir si les dimanches et jours fériés
seront effectivement concernés, cette nouvelle attaque, dont
la raison d'être n'est pas économique mais bien politique,
est de faire mordre la poussière à des salariés
exténués part plus d'un mois de grève. C'est aussi
un avertissement à toute la classe ouvrière : "lutter
peut vous coûter très cher!"
Si la classe dominante cherche à ce point à démoraliser
et à détourner le prolétariat de la lutte, c'est
qu'elle y perçoit très nettement une menace pour la survie
de son système.
Et pour cause, c'est à travers le développement de luttes
massives que la classe ouvrière retrouvera confiance en elle,
renouera avec sa perspective révolutionnaire, tout en prenant
conscience du rôle anti-ouvrier des syndicats, des gauchistes
de toutes nuances.
Il y a deux ans,
l'attentat du 11 septembre sur les Twin Towers à New York ouvrait
la voie à une accélération sans précédent
des tensions guerrières depuis la fin de la Guerre froide. Ce
pas de plus du monde dans le chaos a trouvé sa justification
dans l'affirmation d'une prétendue "lutte contre le terrorisme
international", doublée d'un "combat pour la défense
de la démocratie". Cette propagande mensongère ne
peut plus masquer la réalité d'une aggravation des tensions
impérialistes entre les grandes puissances et tout particulièrement
entre les Etats-Unis et leurs anciens alliés du bloc de l'Ouest
(voir les Revue Internationale n°113 et 114).
Ainsi que nous l'avons déjà maintes fois développé
dans nos colonnes, les Etats-Unis sont contraint en permanence d'affirmer
sur le plan militaire leur leadership mondial que leur contestent leurs
anciens alliés. Les principaux conflits où ont été
impliquées ces puissances depuis l'effondrement du bloc de l'Est
relèvent de cette logique. C'est avec plus de netteté
encore que celle-ci s'est affirmée en Afghanistan et en Irak.
Dans ces deux pays, les Etats-Unis jouent un rôle majeur de maintien
de l'ordre et connaissent des difficultés croissantes face à
une situation que l'on peut déjà qualifier d'enlisement.
Afin d'empêcher leur principaux rivaux de leur mettre des bâtons
dans les roues en Irak et au Moyen-Orient, les Etats-Unis ont fait en
sorte d'être les seuls maîtres à bord. C'est la raison
pour laquelle ils dénient à l'ONU la possibilité
de pouvoir jouer le moindre rôle politique dans l'administration
de l'Irak. Toutes les autres composantes de la force internationale
présente militairement dans ce pays étant à ce
jour soumises à leur autorité, l'entreprise américaine
a été couronnée de succès. Et pourtant,
non seulement il n'existe pas à l'heure actuelle de perspective
tangible d'un allègement de leur dispositif militaire sur place,
fort actuellement de 145 000 hommes, mais encore celui-ci apparaît
de plus en plus insuffisant pour contrôler la situation. Les objectifs
qu'ils s'étaient fixés, en prenant le monde à témoin
au lendemain de leur victoire militaire, semblent s'éloigner
de jour en jour alors que la perspective de remise sur pied de la société
irakienne n'a jamais été aussi éloignée.
Quoi qu'en dise la bourgeoisie américaine, elle ne contrôle
pas la situation en Irak. C'est une réalité dont se délecte
la propagande anti-américaine qui fait flèche de tout
bois pour montrer du doigt la nocivité de la présence
américaine dans ce pays.
Les conditions de vie de la population déjà déplorables
sous le règne de Saddam Hussein se sont encore aggravées
à cause de la guerre et de l'incapacité de l'occupant
à améliorer l'approvisionnement en biens de consommation
et de première nécessité, à remettre sur
pied le minimum d'infrastructures indispensables à la vie quotidienne.
Du fait de la famine, des émeutiers prennent pour cible les rares
magasins approvisionnés.
Des attaques de gangsters ont lieu contre les banques, tandis que la
gabegie et la spéculation en tous genres essaiment dans tout
le pays.
L'insécurité et l'instabilité se développent,
sous l'effet en particulier du terrorisme tous azimuts. Ce dernier frappe
essentiellement les forces américaines ou leurs alliés,
comme l'illustre l'attentat perpétré à Bagdad contre
l'ambassade de Jordanie. Mais il prend aussi pour cible les intérêts
économiques vitaux de l'Irak, comme des oléoducs acheminant
l'eau ou le pétrole.
Les troupes d'occupation paient quotidiennement un lourd tribut à
la défense des intérêts impérialistes de
la bourgeoisie américaine. C'est ce dont témoignent les
62 GI's qui ont trouvé la mort dans des attentats ou des embuscades
depuis la fin de la guerre. Terrorisées pour la plupart, les
troupes américaines terrorisent à leur tour la population
en générant à leur encontre une hostilité
croissante. L'effort de guerre américain, en dollars et en vies
humaines, est loin d'être achevé, d'autant plus que 78
GI's ont également été tués, dans des "accidents"
cette fois, depuis la "victoire".
Malgré le corset de fer qu'essaient de tisser les Etats-Unis
sur les débris de la société irakienne, c'est l'anarchie
la plus totale qui règne. Quant à une relève irakienne
relayant sur le terrain la domination américaine, elle risque
de se faire attendre aussi longtemps que la constitution d'un gouvernement
"démocratique", projet phare de la propagande de la
Maison Blanche et justification à la guerre. Bush a beau proclamer
que, jamais dans l'histoire, une coalition gouvernementale n'avait réuni
autant de partis différents que le "Conseil de Gouvernement
Provisoire", "preuve" s'il en est de sa volonté
de mettre en place la "démocratie", cette coalition
n'est en rien un squelette de gouvernement futur mais un véritable
panier de crabes. Les intérêts les plus divers et concurrents
s'y entredéchirent, sans souci aucun de l'intérêt
"national". Pire, certaines fractions pro-chiites présentes
en son sein sont de plus en plus enclines à mener un combat de
front contre l'Amérique, excluant ainsi de fait toute possibilité
pour que cette coalition puisse prétendre jouer le moindre rôle.
Quant à la terre promise, la reconstruction de l'Irak, elle prend
du plomb dans l'aile avec une évidence qui s'impose de plus en
plus : les revenus pétroliers escomptés ne pourront participer
à celle-ci que dans une proportion minime, à peine suffisante
pour financer la remise sur pied des installations pétrolières.
Se trouve donc posée la question de savoir qui va en supporter
le fardeau financier.
Ainsi donc, bien que parvenus à éliminer totalement l'influence
leur rivaux en Irak, les Etats-Unis se trouvent aujourd'hui prisonniers
de contradictions dont ils cherchent à sortir. L'occupation de
l'Irak est un gouffre financier et les pertes en vie humaines parmi
les troupes américaines vont à terme poser des problèmes
sérieux la bourgeoisie américaine. Celle-ci ne peut néanmoins
pas se désengager sans avoir stabilisé la situation à
son avantage, ce qui relève d'une gageure. Elle cherche donc
à impliquer d'autres puissances dans l'effort financier et militaire
tout en gardant le monopole du commandement, avec la Grande-Bretagne
dans le rôle de second couteau. Compte tenu de l'opposition française
et allemande à un retour de l'ONU comme simple banquier et pourvoyeur
de chair à canon, sans tenir les manettes de commande, la tension
monte à nouveau entre les principaux rivaux impérialistes.
Les attentats contre les GI's comme ceux frappant des personnalités
enclines à une coopération avec la Maison Blanche sont
destinés à faire monter la pression contre "l'envahisseur
yankee". Le piétinement actuel des Etats-Unis ne peut qu'encourager
dans leur la détermination tous les groupements agissant sur
place ou depuis les pays voisins hostiles à la présence
américaine. L'attentat contre un dignitaire chiite modéré
le 29 août à Nadjaf, avec ses 82 morts et 230 blessés,
est un coup supplémentaire porté à la crédibilité
de la bourgeoisie américaine concernant sa capacité à
parvenir à mettre en place une solution politique en Irak. Il
fait clairement le jeu des principaux rivaux des Etats-Unis, sans que
ceux-ci en soient nécessairement les commanditaires.
Tous les actes terroristes en Irak ne sont néanmoins pas dirigés
contre les intérêts américains comme l'a illustré
l'attentat contre le siège de l'ONU à Bagdad le 12 août
qui a tué plus de vingt personnes, dont le représentant
spécial en Irak du secrétaire général de
l'ONU, grand ami de la France (ses gardes du corps étaient tous
français et des éléments rapportés par les
médias montrent qu'il était particulièrement visé).
Sur bien des plans, cet attentat fait l'affaire des Etats-Unis. Bien
qu'il constitue une illustration supplémentaire de leur incapacité
à maintenir l'ordre dans ce pays, il vient néanmoins alimenter
fort à propos leur propagande selon laquelle "c'est en Irak
que se combat le terrorisme international qui, on le voit, n'est pas
dirigé uniquement contre les intérêts américains".
Il constitue aussi un prétexte pour faire pression sur les grandes
démocraties, rivales de Etats-Unis, afin qu'elles prennent leurs
responsabilités et s'engagent dans la cause de la pacification
et l'édification de l'Irak démocratique. Ce n'est certainement
pas une coïncidence si cet attentat intervient au moment où
la Grande-Bretagne et les Etats-Unis avaient déjà engagé
une démarche dans le sens de faire assumer par davantage de membres
de la "communauté internationale" le poids militaire
et économique de la situation en Irak. Néanmoins, la France
et l'Allemagne ont pu retourner la situation à leur profit en
invoquant l'impossibilité pour l'ONU de prendre une part plus
active sur le terrain humanitaire en Irak sans une association à
la direction des affaires de ce pays qui lui permette d'assurer la sécurité
de ses personnels. S'exprimant en ce sens, on a pu entendre la semaine
suivante le ministre des affaires étrangères français,
de Villepin, se répandre en un plaidoyer "pour une solution
politique" en Irak, relayé fortement par un Chirac qui appelait
devant 200 ambassadeurs à la fois au "transfert du pouvoir…aux
Irakiens eux-mêmes" et à la mise en œuvre "d'un
processus auquel les Nations Unies seules sont en mesure de donner toute
sa légitimité", le tout enrobé dans la dénonciation
de "l'unilatéralisme", à savoir des Etats-Unis.
Les contradictions auxquelles est soumise la bourgeoisie américaine
n'épargnent pas la bourgeoisie britannique, d'autant plus alarmée
qu'elle a peu à gagner dans cette alliance avec l'Oncle Sam.
Les péripéties autour de la mort de David Kelly, un des
principaux conseillers de l'ONU pour les questions des Armes de Destruction
Massives irakiennes, expriment l'existence un désaccord de fractions
significatives de la bourgeoisie anglaise avec la politique poursuivie
par Blair.
A proximité du bourbier irakien, Washington doit faire face
à une situation endémique qui perdure et s'aggrave depuis
des décennies maintenant, le conflit israélo-palestinien.
Aucun des plans de paix américains n'a pu jusqu'alors en venir
à bout. Il était cependant urgent et de la plus haute
importance que les Etats-Unis éliminent un foyer de tension à
même de cristalliser à l'encontre d'Israël et d'eux-mêmes
l'hostilité du monde arabe. La fameuse "feuille de route"
dont l'administration Bush est à l'origine a été
la marque de la détermination de Washington à contraindre
Israël à faire des concessions significatives. Avec elle,
il ne s'agissait plus cette fois de pourparlers entre Israël et
l'Autorité palestinienne comme à l'époque des accords
d'Oslo inaugurés par Clinton en 1993. C'était purement
et simplement une injonction de la Maison Blanche pour qu'Israël
ne fasse plus obstacle, sous quelque prétexte que ce soit, à
la création d'un Etat palestinien. Vis-à-vis du camp palestinien
adverse, les mêmes méthodes autoritaires ont été
employées pour éliminer tout ce qui apparaissait constituer
un obstacle à la solution finale. C'est ainsi qu'Arafat, jusqu'ici
un bon allié des Etats-Unis dans la mise en œuvre du processus
de paix, a été écarté au profit de son rival
Mahmoud Abbas. Malgré la pression de Bush, Sharon, tout en faisant
semblant d'accepter diverses trêves, a continué sa politique
d'ouverture des territoires palestiniens aux colons israéliens,
d'incursions meurtrières dans les territoires occupés
et d'assassinats des chefs du Hamas et du Djihad islamiste. Ces organisations
quant à elles n'attendaient que les provocations de l'Etat israélien
pour perpétrer une nouvelle série d'attentats anti-israéliens.
La "feuille de route" a réussi un temps à faire
baisser la tension, mais le nouvel embrasement actuel signe son échec.
Révélateur de cette situation de faiblesse de la diplomatie
musclée des Etats-Unis, Arafat fait une tentative de retour sur
le devant de la scène en se présentant comme un acteur
incontournable de la paix avec Israël. Aux difficultés grandissantes
de la Maison Blanche en Irak fait écho son impuissance à
influer sur le conflit israélo-palestinien.
A la veille du deuxième anniversaire de l'attentat contre les Twin Towers et du troisième anniversaire de l'Intifada en Palestine, la perspective qu'offre le capitalisme, tant aux populations des régions laminées par les guerres, soumises à la terreur et à une misère sans nom, qu'à l'ensemble de la planète, c'est toujours plus de chaos, toujours plus d'horreurs et de massacres.
Mulan (30 août)
Le
rassemblement du Larzac était prévu, au départ,
pour fêter le trentième anniversaire de la première
manifestation contre l'extension d'un camp militaire et, du même
coup, pour lancer la mobilisation des militants altermondialistes
contre le nouveau sommet de l'Organisation mondiale du commerce (OMC)
qui doit se tenir du 10 au 14 septembre à Cancun (Mexique).
Grâce à la grande médiatisation dont il a
bénéficié, "Larzac 2003" est devenu,
un Woodstock anti-OMC, mais aussi le carrefour de la contestation
sociale pour un grand nombre de militants de gauche, suite aux grèves
et manifestations massives du printemps dernier. Face au
questionnement réel d'un certain nombre d'éléments,
le CCI était présent sur place pour diffuser sa presse
et défendre les positions marxistes de la Gauche Communiste
face au poison de l'idéologie altermondialiste. Avec plus de
150 000 personnes, ce rassemblement est sans aucun doute un succès
pour la bourgeoisie, notamment pour ses partis de gauche, gauchistes
et syndicats, tous regroupés pour l'occasion derrière
le charismatique José Bové, que M. Mélenchon,
figure de proue du PS, décrit comme l'homme providentiel pour
ranimer l'idéologie de gauche bien mal en point : "Il
faut rendre grâce à José Bové de ce qu'il
fait pour notre pays et pour la gauche…C'est un véritable
cadeau du bon Dieu pour nous qu'il existe actuellement un mouvement
de contestation aussi puissant" (Le Monde du 14 août).
Jusqu'à présent José Bové et ses acolytes
de la nébuleuse alter-mondialiste s'étaient distingués
comme les pourfendeurs de la "mal bouffe", de la
"marchandisation" de la vie, des OGM, de l'OMC et ses
sommets, appelant avec des accents radicaux le peuple de gauche à
défendre les produits français, à défendre
le capital national contre l'ogre américain 1 [293].
Cette fois-ci, grâce au soutien du gouvernement, des partis
de gauche, des syndicats et des gauchistes, Bové, fraîchement
sorti de prison, après une arrestation "musclée"
largement médiatisée, s'est fait le porte-parole de
l'ensemble de la contestation sociale. La façon dont la
bourgeoisie française utilise le syndicaliste Bové
n'est pas sans rappeler d'ailleurs l'attitude du gouvernement
polonais en 1980 à l'égard de Lech Walesa, patron du
syndicat Solidarnosc. L'Etat l'emprisonne pour crédibiliser
son action et le libère quand la situation le nécessite.
En récompense de sa contribution décisive à la
défaite de la lutte des ouvriers polonais, Lech Walesa sera
élu prix Nobel de la paix, puis président de la
république en décembre 1990. Pour Bové ce
rassemblement du Larzac fait "la jonction entre le gigantesque
mouvement social du printemps et ceux qui refusent les projets de
l'OMC". (Le Monde du 10/11 août). La CGT surenchérit
par la bouche de sa responsable nationale, Gisèle Vidallet "le
rassemblement du Larzac ne fait pas la liaison entre les mouvements
sociaux du printemps et de l'automne, il en fait partie intégrante".
(La Dépêche du Midi du 10 août). Après
avoir joué la carte de la division syndicale lors des grèves
du printemps, provoquant la défaite de la classe ouvrière,
les syndicats continuent leur sale boulot et voudraient nous vendre
maintenant l'altermondialisation comme une expression politique du
combat de la classe ouvrière.
Ne nous laissons pas abuser !
La lutte de la classe ouvrière n'a rien à voir, de prés
ou de loin avec "Larzac 2003".
Depuis plusieurs années,
Bové et sa clique sont sponsorisés par la gauche
plurielle pour tenter de redorer le blason passablement terni de
celle-ci, suite aux attaques anti-ouvrières menées par
les différents gouvernements de gauche. Ce n'est pas un hasard
si les principaux dirigeants de l'altermondialisation sont issus des
partis de gauche 2 [294].
Ainsi, il n'y a rien de surprenant à ce que Bové
déjeune avec le président PS de la région
Midi-pyrénées durant "Larzac 2003", ni à
ce qu'il soit courtisé par le PCF et les Verts ou qu'il
s'acoquine avec les syndicalistes et les divers groupes gauchistes.
Bien qu'il s'en défende, se disant indépendant des
partis politiques, Bové, est le complice actif de cette gauche
anti-ouvrière qui lui verse même des subventions pour
organiser la kermesse du Larzac. C'est pour cela qu'il s'est empressé
de faire remonter le stand du PS, par le service d'ordre de la
Confédération Paysanne, démonté
pacifiquement par des militants du DAL, car ce même PS, avec la
bénédiction des élus de la LCR du conseil
régional de Midi-Pyrénées, lui a octroyé
une subvention de 50 000 euros.
N'en déplaise à ses
fans, Bové et sa clique ont beau nous promettre que "d'autres
mondes sont possibles", sa prestation sur le Larzac a pour
objectif de récupérer le maximum de mécontents,
notamment, les déçus des partis de gauche. C'est aussi
une tentative de dévoyer vers une impasse, la combativité
et la réflexion qui se sont développées dans la
classe ouvrière lors des luttes du printemps.
Après
l'échec des manifestations massives de la classe ouvrière
contre la réforme des retraites, "Larzac 2003"
représente une tentative de dénaturer et de diluer dans
une vaste mobilisation citoyenne de gauche ce que des centaines de
milliers d'ouvriers ont commencé à ressentir dans ce
mouvement : le fait d'appartenir à une classe, qui représente
une force lorsqu'elle lutte collectivement.
Ce que nous proposent
le citoyen Bové et ses compères, c'est de lutter contre
l'OMC et pour cela il faut un Etat fort qui sache défendre les
intérêts du pays, notamment des petits producteurs comme
les paysans ou autre catégorie de citoyens. Ceci n'a rien à
voir avec la lutte de la classe ouvrière. Pour défendre
leurs conditions d'existence, les ouvriers ne peuvent que s'affronter
à l'Etat qui prend les mesures d'austérité. Du
fait qu'elle est exploitée et qu'elle produit les richesses,
la classe ouvrière est la seule classe capable de s'unir par
et dans la lutte pour défendre ses intérêts de
classe et faire reculer les attaques du gouvernement. Le prolétariat
est la seule classe capable de donner une autre perspective à
l'humanité face à la barbarie capitaliste et pour
réaliser cela, il devra détruire l'Etat capitaliste.
Avec "Larzac 2003", la bourgeoisie cherche aussi, à
pourrir la réflexion et dissiper l'inquiétude qui
commence à se développer dans la classe ouvrière,
notamment sur le fait que le capitalisme n'a pas d'issue à sa
crise, que les attaques anti-ouvrières vont se poursuivre et
qu'il n'y a pas d'autre solution que de lutter. Cette stratégie
est dans la continuité de la pratique de la mouvance ATTAC.
Lors des grèves du printemps, ATTAC a été
largement sollicité par la gauche et les syndicats pour
expliquer aux ouvriers que le capitalisme n'est pas en crise, qu'il
suffit de faire pression sur l'Etat pour que celui-ci garde le
contrôle de l'économie et empêche les grandes
entreprises financières de s'accaparer les richesses du pays,
de détruire les services publics.
Certes, il ne s'agit pas
de nier le poids économique que représentent les grands
groupes industriels et financiers. Par contre, prétendre que
se sont les multinationales qui gouvernent la planète n'est
qu'une version frelatée des slogans populistes du PCF qui,
dans les années 1970, appelait le prolétariat à
lutter contre les 300 familles les plus riches du territoire
national.
Ce sont les Etats, quelle que soit la couleur de leur
gouvernement, qui prennent les mesures nécessaires pour faire
face à la lente agonie du capitalisme au niveau mondial. Et
c'est la classe ouvrière qui en fait les frais.
Les
ouvriers doivent rejeter le pacte que sont en train de conclure les
syndicats avec le mouvement altermondialiste, selon lequel toute
revendication ouvrière ne peut avoir pour débouché
politique que la lutte altermondialiste. Sous couvert de radicalité,
celui-ci tente de redonner corps à la propagande démocratique
selon laquelle "le capitalisme est réformable" ; il
suffirait d'un "bon contrôle citoyen" sur les
affaires du pays et celui-ci serait viable. C'est une nouvelle
escroquerie pour nous faire avaler ce que la gauche nous promet
chaque fois qu'elle est dans l'opposition : "un capitalisme à
visage plus humain". Lorsqu'elle est au gouvernement, elle
montre alors son vrai visage : une fraction bourgeoise qui défend
les intérêts du capital national et qui attaque sans
vergogne les conditions de vie du prolétariat.
S'il est
vrai que le prolétariat n'est pas le seul à subir les
conséquences des aberrations d'un capitalisme de plus en plus
criminel, il n'en reste pas moins vrai qu'il est le seul à
pouvoir développer la force et la conscience politique
permettant la transformation révolutionnaire de ce monde. Sur
son chemin, la classe ouvrière est confrontée au poison
de l'ennemi de classe et c'est l'ensemble des partis de gauche,
gauchistes et syndicats qui sont chargés de lui inoculer. Face
au nationalisme et au réformisme qui se cachent sous le label
altermondialiste, le prolétariat doit réaffirmer par la
lutte de classe qu'il est la seule classe révolutionnaire
capable de s'unir au niveau international pour renverser le
capitalisme moribond n'ayant aucune autre alternative que la barbarie
à offrir à l'humanité.
Donald (27 août)
1 [295] Lire "Mensonges autour du sommet de l'OMC à Seattle" dans Révolution Internationale n° 297
2 [296] Lire "José Bové, ATTAC et consorts, défenseurs du capital national" dans Révolution Internationale n° 304.
Le CCI a pris la décision d'interdire la présence à ses réunions publiques et à ses permanences des membres de la prétendue "Fraction interne" du CCI (FICCI) 1 [297]. C'est la première fois que notre organisation prend une décision de ce type et il est nécessaire qu'elle en fasse connaître publiquement les raisons face aux éléments et groupes du milieu politique prolétarien de même que devant l'ensemble de la classe ouvrière.
Cette décision fait suite à l'exclusion de ces mêmes membres de la FICCI lors de notre XVe congrès, au printemps 2003 2 [298] et résulte des motifs de cette exclusion : l'adoption par ces éléments d'une politique de mouchardage contre notre organisation.
Pour que les choses soient bien claires : ce n'est pas en soi parce que ces éléments ont été exclus du CCI qu'il ne peuvent pas participer à ses réunions publiques. Si le CCI était conduit à exclure un de ses membres à cause, par exemple, d'un mode de vie incompatible avec l'appartenance à une organisation communiste (comme la toxicomanie), il ne l'empêcherait pas ensuite de venir à ses réunions publiques.
C'est bien parce que ces éléments ont décidé de se comporter comme des mouchards que nous ne pouvons tolérer leur présence à celles-ci. Cette décision du CCI s'applique à tout individu qui se consacre à rendre publiques des informations pouvant faciliter le travail des services de répression de l'Etat bourgeois.
Notre décision n'a rien d'exceptionnel dans l'histoire des organisations du mouvement ouvrier. Celles-ci ont toujours eu comme principe d'écarter les mouchards pour préserver la sécurité des organisations révolutionnaires et de leurs militants 3 [299].
Bien que nous ayons déjà traité de la question dans les colonnes de notre presse (voir RI n°330 : "Les méthodes policières de la FICCI"), nous ne pouvons faire l'économie d'un bref rappel des faits qui ont déterminé le 15e Congrès à exclure les membres de cette prétendue "Fraction" :
1° La publication sur Internet de la date d'une conférence de la section du CCI au Mexique (dans le n°14 du "Bulletin" de la "Fraction"), une semaine avant la tenue de cette conférence. Cela signifiait que toutes les polices du monde pouvaient renforcer et cibler leurs contrôles et leur surveillance dans les aéroports et aux frontières (puisque notre presse a toujours signalé que des délégations internationales participaient à ce type de conférences). De plus, les membres de la FICCI savaient pertinemment que certains de nos camarades ont déjà, dans le passé, été directement victimes de la répression et que certains ont été contraints de fuir leur pays d'origine.
Face à notre dénonciation de leur comportement, les membres de la "Fraction" ont répondu que la publication était intervenue le même jour que la tenue de notre conférence et qu'il n'y avait pas là de quoi "fouetter un chat". Cette réponse est un mensonge éhonté qui peut être vérifié par n'importe qui sur le site Web de la "Fraction". Le n°14 de son bulletin est daté du 24 novembre 2002, c'est-à-dire 6 jours avant la date prévue de notre réunion interne. Le CCI lui-même a eu connaissance de cette publication le 26 novembre et il s'est alors interrogé sur l'opportunité d'envoyer certains de ses délégués à cette conférence 4 [300].
2° La publication des véritables initiales d'un de nos militants, attachées à son pseudonyme actuel. La "Fraction" ne pouvant nier les faits, a cherché à esquiver l'accusation : "Rappelons simplement ici que les initiales C.G. ont signé de nombreux articles dans Révolution internationale et dans la Revue internationale tout au long des années 1970. C'est sous les initiales de C.G. que le militant Peter d'aujourd'hui, est largement connu dans le camp prolétarien." (Bulletin de la FICCI n° 18) Que signifie la dernière phrase ? Que la FICCI voulait que les groupes du milieu politique prolétarien sachent bien QUI était ce Peter dont ses textes parlent en long, en large et en travers. On peut déjà se demander en quoi cette information permet à ces groupes de mieux comprendre les questions politiques qui sont posées. Mais même en supposant que ce soit le cas, la FICCI savait parfaitement que, de tous ces groupes, seul le BIPR connaissait C.G., ce même BIPR qui avait déjà été informé depuis sept mois de la véritable identité de Peter lors d'une réunion avec la FICCI (Cf. Bulletin de la FICCI n° 9). Pour ce qui concerne les autres groupes révolutionnaires (tel le PCI), contrairement à la police, ils ne savent tout simplement pas qui est C.G. Quant au fait que dans les années 70 de nombreux articles étaient signés C.G., c'est tout fait vrai, mais pourquoi ces initiales ont-elles disparu depuis plus de 20 ans de notre presse ? Les membres de la FICCI le savent parfaitement : parce que le CCI avait jugé que c'était faciliter le travail de la police que de publier les vraies initiales d'un militant. Si effectivement la FICCI avait estimé indispensable sur le plan politique de signaler comment le militant Peter signait ses articles, elle aurait pu indiquer ses signatures les plus récentes et non la plus ancienne. Mais ce n'était pas là son objectif : ce qu'il fallait, c'était "balancer" C.G. afin que les autres militants du CCI en prennent de la graine et sachent ce qu'il en coûtait que de combattre la FICCI. Les arguments filandreux de celle-ci pour tenter de justifier son forfait ne font que mettre en relief la mentalité de mouchards et de maîtres chanteurs qui s'empare de plus en plus de ses membres.
Au vu de ses bulletins, les ragots et les mouchardages sur le CCI et ses militants sont un des principaux fonds de commerce de la "Fraction" :
- dans le n°13 de son bulletin, on peut lire que le CCI a loué une "salle luxueuse" pour une réunion publique ;
- dans le n°18, nous trouvons un rapport détaillé sur une réunion publique du PCI-Le Prolétaire, où sont détaillés tous les faits et gestes de "Peter alias C.G.".
- dans le n°19, on revient à la charge sur Peter "qui diffusait seul" dans telle ou telle manifestation et on soulève une question "hautement politique" : "Enfin, et vous comprendrez que nous posions aussi cette question : où est Louise ? Absente des manifestations, absente des réunions publiques, est-elle de nouveau 'malade' ?".
En fait, la principale préoccupation des membres de la FICCI lors de leur participation aux manifestations et aux réunions publiques du CCI est de savoir QUI est absent, QUI est présent, QUI fait quoi et QUI dit quoi afin de pouvoir par la suite faire état publiquement de tous les faits et gestes de nos militants. C'est un travail digne des agents des Renseignements généraux ! Nous ne pouvons pas interdire aux membres de la FICCI de sillonner les manifestations de rue pour nous surveiller. En revanche, nous pouvons les empêcher de faire leur sale besogne de flicage dans nos réunions publiques. A ces dernières, ils n'ont pas la possibilité de s'exprimer depuis que nous avons exigé comme condition à leur prise parole qu'ils nous restituent d'abord l'argent volé au CCI. La seule raison motivant leur présence est la surveillance de type policier et le racolage des éléments intéressés par nos positions.
Une des illustrations les plus évidentes et irréfutables de la démarche policière de la FICCI nous la trouvons dans le texte "Une ultime mise au point" publié dans le n°14 de son bulletin où l'on peut lire : "Il faut d'abord savoir que ce texte [notre article "Le Parti communiste international à la remorque de la 'fraction' interne du CCI" publié dans RI 328] est de la main de CG, alias Peter, ce que prouve le style" (souligné par nous). Dans sa célèbre brochure "Ce que tout révolutionnaire devrait savoir sur la répression", Victor Serge conseille aux militants communistes de "Ne jamais oublier le : 'donnez-moi trois lignes de l'écriture d'un homme et je vous le ferai pendre', expression d'un axiome familier de toutes les polices." Aujourd'hui, alors que la plupart des textes sont directement saisis sur clavier, l'analyse du "style" d'un document constitue pour la police le meilleur moyen d'en identifier l'auteur et la FICCI lui apporte clairement ses bons et loyaux services.
Il faut préciser que nous n'avons pas de raison de penser que les membres de la "Fraction" sont payés par la police, à la ligne en quelque sorte, ni même qu'ils seraient "tenus" par elle. Mais en quoi le fait de moucharder gratis et de son plein gré pour ses raisons propres enlève quoi que ce soit de la gravité de l'acte?
Certains nous diront, peut-être, que toutes ces informations ne peuvent être d'aucune aide à la police. C'est ne rien comprendre aux méthodes de cette dernière, qui met à profit le moindre indice afin de maintenir à jour un organigramme complet des organisations de la classe ouvrière. Les procédés de la police sont très bien décrit par Victor Serge dans son étude de l'Okhrana russe. 5 [301] Pouvons-nous sérieusement imaginer que les Etats modernes sont moins au point en la matière que leur prédécesseur tsariste?
Il y en aura peut-être aussi pour nous dire que cette interdiction pour les membres de la FICCI ne sert à rien, puisque la police peut toujours envoyer un inconnu se renseigner dans nos réunions publiques. Cela est évidemment parfaitement vrai. Mais est-ce que ça veut dire pour autant que nous devons laisser faire lorsque des gens qui ont déjà démontré qu'ils sont prêts à publier n'importe quoi, qui ont déjà déclaré qu'ils ne se sentent tenus par aucune loyauté envers le CCI ni envers ses militants dont ils ont une connaissance détaillée, viennent dans nos réunions en remplissant leur calepins de copieuses notes? Est-ce que, en somme, nous devrions laisser venir des mouchards ouverts et avérés sous prétexte que nous ne pouvons pas détecter les mouchards cachés?
On pourrait nous objecter que les organes spéciaux de l'État bourgeois n'ont rien à faire des activités d'une toute petite organisation comme la nôtre. Toute l'histoire du mouvement ouvrier atteste que les services spécialisés de l'État bourgeois ne sous estiment jamais le danger potentiel que représentent les groupes révolutionnaires, aussi réduite que soit, à un moment donné, leur taille ou leur influence sur la classe ouvrière. D'ailleurs, malgré le fait que pour le moment l'État "démocratique" n'exerce pas en général la répression ouverte contre les groupes de la Gauche communiste, ces derniers ont déjà eu à subir des actions de répression (comme les perquisitions qui ont frappé le Parti Communiste International dans les années 1970). Le CCI lui-même n'a pas été épargné puisque certains de nos militants, y compris dans les pays les plus "démocratiques", ont fait l'objet de perquisitions, de gardes à vue, d'interrogatoires prolongés à des postes de frontière, de surveillances policières ostensibles en vue d'intimidation, d'actions de commando d'éléments armés probablement de mèche avec l'Etat. Tout cela, les membres de la "FICCI" le savaient parfaitement.
Une des grandes faiblesses des organisations révolutionnaires, et de leurs militants, aujourd'hui, c'est l'oubli de toutes ces mesures élémentaires de sécurité qui avaient permis aux organisations révolutionnaires du passé de maintenir leur activité et de faire face à la répression de l'Etat bourgeois qu'il soit démocratique ou "totalitaire". Aujourd'hui comme hier, les organisations révolutionnaires se doivent d'appliquer quelques règles élémentaires "d'hygiène politique" si on peut dire. Et l'une de ces règles consiste justement à chasser les mouchards de leurs lieux de réunion..
Le CCI (30 août)
1 [302] Il s'agit des éléments suivants : Aglaé, Alberto, Jonas, Juan, Leonardo, Olivier, Sergio, Vicente et éventuellement d'autres membres de la FICCI qui auraient adhéré récemment et qui soutiennent les comportements des précédents.
2 [303] Voir à ce sujet nos articles "XVe Congrès du CCI, Renforcer l'organisation face aux enjeux de la période" [304] dans la Revue internationale n° 114 et "Les méthodes policières de la FICCI" [305] dans Révolution internationale n° 330.
3 [306] Voir à ce propos notre article "Le combat des organisations révolutionnaires contre la provocation et la calomnie [229]", RI n° 321.
4 [307] Avant le Congrès qui a prononcé l'exclusion des membres de la "Fraction", nous avons écrit deux fois à chacun de ces anciens militants, leur demandant s'ils assumaient personnellement la publication de cette information, où s'il s'agissait d'une action avec laquelle ils n'étaient pas d'accord à titre individuel. Ils avaient donc largement la possibilité de revenir dessus. Comme on peut le constater dans leurs lettres de réponse, publiées sur leur site Web, nous n'avons reçu aucune réponse à cette question pourtant précise. Ce n'est qu'après le Congrès que nous pouvons lire que "c'est de bonne grâce que nous [la fraction] reconnaissons que nous aurions dû être plus attentifs en reproduisant votre lettre et en supprimer ce passage". Là aussi, c'est de l'hypocrisie pure : pour être publiée en français sur Internet, notre lettre a dû être traduite de l'espagnol. La "Fraction" a-t-elle fait cela en dormant ?
5 [308] "Ce que tout révolutionnaire devrait savoir sur la répression"
Depuis l'attaque énorme contre les retraites en France au printemps dernier, cela n'arrête pas. C'est une véritable déferlante ininterrompue d'attaques que la bourgeoisie et son gouvernement lancent contre toute la classe ouvrière. Déjà, ces attaques n'ont pas cessé pendant tout l'été et elles ont continué en redoublant encore de violence depuis la rentrée de septembre. Elles se sont succédées en n'épargnant aucune catégorie d'ouvriers, ni aucun secteur. Le gouvernement ne prend même plus de gants pour faire passer ses mesures anti-ouvrières. Jamais encore les prolétaires n'avaient dû subir si brutalement de tels coups de massue à répétition. Cela signifie, en premier lieu, que la crise économique mondiale connaît une telle accélération qu'elle ne laisse plus d'autre choix à la classe dominante que de cogner durement, de manière frontale et massive, à visage découvert. Mais c'est surtout la nature même des attaques que porte la bourgeoisie qui démontre que le système capitaliste se trouve dans une impasse, qu'il exprime sa faillite et révèle toutes ses contradictions en impliquant une détérioration dramatique des conditions de vie de toute la classe ouvrière.
Déjà, depuis plus de deux décennies,
la montée inexorable du chômage est le principal
révélateur de la faillite du capitalisme. L'attaque
contre les retraites du printemps en constituait une confirmation
édifiante. Aujourd'hui, l'attaque directement portée
contre les ouvriers licenciés et réduits au chômage
signifie non seulement que le capitalisme jette une masse croissante
de prolétaires à la rue mais qu'en plus, elle les
affame et les réduits à la misère, ouvrant la
voie à une paupérisation massive.
Des centaines de
milliers de familles ouvrières vont se retrouver brutalement
plongées dans la misère noire. Dès janvier 2004,
850 000 chômeurs seront directement frappés. Entre 130
et 250 000 perdront immédiatement leurs droits de toucher leur
allocation Assedic et, à terme, ce sont non seulement tous les
chômeurs mais toutes les futures victimes des licenciements qui
seront concernées.
En décembre 2002, un accord
cosigné par le patronat et les syndicats CGC, CFDT et CFTC
avait réduit la durée des allocations chômage
dans le but "d'équilibrer les comptes de l'Unedic"
(la caisse d'indemnisation des chômeurs), variables selon les
catégories et l'âge des chômeurs (de 30 à
23 mois pour les moins de 50 ans, de 45 à 36 mois au-delà)
en même temps qu'il augmentait les prélèvements
sur les salaires réservés au chômage de tous les
salariés. Mais ce n'est pas tout, car pour la première
fois, la bourgeoisie se permet une mise en application rétroactive
à cette attaque qui ne s'appliquera pas seulement aux nouveaux
chômeurs mais à tous ceux qui percevaient déjà
leur allocation sous le régime précédent qui
perdront du même coup entre 7 et 15 mois
d'allocations.
Aujourd'hui, c'est, à son tour, l'allocation
de solidarité spécifique (ASS) qui servait de
complément à l'Assedic (jusqu'ici versée sans
condition de durée au-delà de l'indemnisation de
l'Unedic aux chômeurs en fin de droits) que le gouvernement
prévoit de limiter à deux ans pour ceux qui vont tomber
dans cette catégorie à partir de 2004 et à trois
ans pour ceux qui bénéficiaient déjà de
l'ASS auparavant tandis que les plus âgés vont perdre
les 40% de majoration dont ils bénéficiaient jusque
là.
Cette allocation complémentaire, désormais
plafonnée à 925 euros de revenu par personne ou à
1500 euros pour un couple, indemnisant les ménages pouvant
justifier d'une activité salariée de cinq ans dans les
10 années précédant la mise au chômage,
allait de 13,56 euros par jour pour les moins de 55 ans à
19,47 euros pour les autres et était perçue par 420 000
personnes sur les 2,5 millions de chômeurs encore indemnisés.
Cette nouvelle mesure va condamner les chômeurs concernés
à vivre du seul RMI et à la clochardisation directe. Le
gouvernement ne va pas s'arrêter là. A l'horizon, se
prépare une refonte des organismes de chômage et
plusieurs ministres, de Sarkozy à Fillon ont déjà
annoncé qu'une fusion entre les agences pour l'emploi (ANPE,
où les chômeurs doivent à la fois pointer et se
voir contrôler) et les caisses d'allocation-chômage (les
Assedics regroupés dans l'Unedic) était à
l'étude, dans le but d'effectuer un filtrage encore plus serré
des chômeurs indemnisés.
Dans la foulée, le
gouvernement se prépare à modifier la législation
du travail rendant les contrats à durée déterminée
(CDD) plus "flexibles" et accentuant fortement leur
précarité. Au lieu de contrats d'une durée de 18
mois, ce seront désormais des contrats de "mission"
ou de "projet", autrement dit des contrats à durée
indéterminée, limités à l'accomplissement
d'un chantier, d'un programme précis ou d'une opération
ponctuelle. Les titulaires de ces contrats déjà
largement sous-payés pourront maintenant être débauchés
du jour au lendemain par n'importe quelle entreprise publique ou
privée.
En même temps, les restrictions annoncées
dans le budget 2004 poursuivent et intensifient les coupes claires
chez les fonctionnaires : 5000 emplois seront supprimés dans
les ministères, sans parler du blocage des salaires. Face à
cela, le gouvernement exerce un chantage de plus en plus ouvert : il
revient à la charge pour instaurer un salaire "au mérite"
indexé sur la notation des chefs de service qui conditionnera
également les promotions dans l'administration. Les coups
pleuvent tous azimuts : 900 bureaux de poste dans des zones rurales
sont en passe d'être supprimés tandis qu'à la
SNCF les recrutements sont à nouveau gelés et 2000
emplois seront supprimés.
Les plans de licenciements
continuent de plus belle. Dans tous les secteurs, dans toutes les
branches, dans toutes les régions, les entreprises de toutes
tailles ferment ou licencient, jetant chaque mois dehors de nouvelles
dizaines de milliers de prolétaires. Au cours du 1er semestre
2003, 28 410 entreprises ont été déclarées
en faillite en France et quelque 60 000 emplois dans le seul secteur
de l'industrie ont officiellement disparu. Ce sont autant de
prolétaires qui vont grossir les rangs des chômeurs et
se retrouvés exposés rapidement au sort de la majeure
partie d'entre eux, à la rue, sans abri.
Mais ce qui attend aussi les prolétaires, ce
n'est pas seulement de crever de faim, de froid ou de chaud en plus
grand nombre, c'est aussi de crever de maladie. C'est la perspective
ouverte par le projet de réforme de la Sécurité
Sociale, qui a déjà commencé à se
traduire concrètement par une série de mesures
drastiques.
L'étalement des chiffres et des statistiques
concernant le déficit de la Sécurité Sociale a
permis au gouvernement de relancer une grande campagne idéologique,
aidé par un rapport de la Cour des Comptes qui pointe "la
dérive des dépenses de santé", visant à
conditionner "l'opinion publique" pour faire admettre la
nécessité et l'inéluctabilité de cette
attaque. On pointe du doigt l'irresponsabilité et les abus, le
gaspillage des patients et des médecins, les arrêts de
travail trop fréquents qui seraient complaisamment délivrés
par les médecins, et, également, le coût du
vieillissement de la population.
Dès aujourd'hui, sont
imposées "des mesures d'urgence" censées
combler une partie du "trou". On voit aussitôt
émerger l'augmentation du forfait hospitalier de 10%, forfait
institué en 1983 par le "camarade ministre PCF de la
Santé", Jack Ralite et dont la dernière hausse
remontait à 1996, ainsi que la poursuite de la politique de
"déremboursement" des médicaments. La hausse
du prix du tabac de 20% le 20 octobre (qui sera suivi d'une autre de
1 euro par paquet au 1er janvier 2004) est également présentée
comme une mesure en faveur de la Sécurité Sociale. On
nous prévient déjà : cela ne suffira pas et de
nouvelles mesures sont envisagées. Le gouvernement s'arrange
pour nous dire : vous échappez à pire puisqu'on vous
épargne -pour l'instant- d'autres mesures comme la taxe de 50
cents par boîte de médicament délivrée, la
taxe d'un euro par feuille de soin, ou une augmentation de la CSG.
De
façon concomitante, la bourgeoisie exploite cyniquement les
méfaits de la canicule. La grande campagne lancée et
qui doit se traduire par un "plan gouvernemental" en
octobre fustige le comportement des familles envers les parents âgés,
qu'on abandonne chez elle, dans les maisons de retraite ou dans les
hôpitaux au lieu de les prendre en charge et de les soigner
dans un cadre familial. Mais la "trouvaille" la plus
percutante du programme de solidarité en faveur du troisième
âge est la suppression d'un jour férié par an
pour les salariés (probablement le lundi de Pentecôte).
Non
seulement la bourgeoisie démontre son incapacité à
entretenir les ouvriers à la retraite comme ceux qu'elle
licencie mais elle ne tolère plus les ouvriers malades et les
met dans l'impossibilité de se soigner. Ainsi, elle n'est même
plus capable de veiller à la reproduction de la force de
travail des ouvriers alors que, depuis l'aube du capitalisme, le
souci "social" le plus élémentaire de son
système d'exploitation était de veiller à ce que
l'ouvrier reste physiquement apte à revenir travailler le
lendemain pour assurer sa productivité.
La bourgeoisie profite actuellement de la moindre
occasion pour grappiller ici et là sur le dos des salariés.
Déjà, durant l'été, elle a profité
de la période estivale pour décider une série de
hausses sur tous les principaux services publics (eau, gaz,
électricité, téléphone, transports,...)
et sur les loyers.
Tous les moyens sont bons et on assiste à
une attaque directe au porte-monnaie : augmentation de 2,5 % de le
taxe d'habitation, hausse de 3 cents par litre du gazole et de
l'essence, amendes majorées pour des "infractions"
de toute nature etc.
Le gouvernement étale avec le plus
grand cynisme et une arrogance sans bornes son mépris du sort
des prolétaires. Mais s'il adopte une telle attitude, s'il
cherche à afficher au grand jour sa toute puissance et à
habituer la classe ouvrière à courber l'échine
sous les coups, c'est parce qu'il profite de la cuisante défaite
infligée à la classe ouvrière au printemps
dernier. Et cette défaite n'a été rendue
possible qu'avec la complicité des syndicats avec lesquels le
gouvernement s'est partagé le travail. Ce sont eux qui sont
les vrais responsables de la défaite, ayant épuisé
et dévoyé la combativité ouvrière,
notamment dans le secteur de l'Education nationale (voir notre
précédent numéro et notre tract diffusé
fin juin et reproduit dans RI 338) 1 [309].
Ces mêmes syndicats n'avaient pas cessé de brailler
pendant les mois d'été que "la rentrée
serait chaude" tout en baladant les ouvriers avec la lutte des
intermittents du spectacle et les rassemblements "citoyens"
des altermondialistes. Le fait qu'au plus fort des attaques ils
soient aujourd'hui remarquablement absents du devant de la scène
est une nouvelle preuve édifiante de leur complicité
avec le gouvernement.
Voilà ce qui attend la classe
ouvrière quand elle accepte de lutter derrière les
syndicats. Face aux attaques massives de la bourgeoisie, les ouvriers
n'auront pas d'autre choix que de riposter massivement. Mais pour
pouvoir se battre efficacement la classe ouvrière ne peut pas
faire l'économie de tirer les leçons de sa défaite
du printemps dernier et comprendre quels sont tous les ennemis
auxquels elle devra se confronter.
Wim (24 sept.)
1 [310] Il n'est pas surprenant d'ailleurs que le gouvernement puisse enfoncer le clou de la défaite la plus amère pour les salariés dans le secteur de l'Education avec le prélèvement intégral des jours de grève sur leur paie, y compris les samedis. Pour couronner le tout, le gouvernement se permet d'annoncer la suppression pour l'année prochaine de 2500 postes de professeurs stagiaires et de 1500 postes de titulaires dans les établissements secondaires.
Si depuis l'attentat du 11 septembre sur les Twin Towers à New York la barbarie guerrière ne connaît qu'une accélération continue, nous le devons en premier lieu à l'affrontement impérialiste devenu aujourd'hui permanent entre les plus grandes puissances capitalistes de ce monde en putréfaction. Il n'y a plus de pause possible dans l'horreur. Les tensions inter-impérialistes ont atteint un niveau tel que chaque grande puissance met à profit tout moment de faiblesse ponctuel de l'adversaire pour lui porter de nouveaux coups. Telle est la vie quotidienne du système capitaliste mondial, dans sa sénilité avancée. Après l'effondrement du bloc soviétique en 1989, la bourgeoisie mondiale nous promettait un avenir radieux. Les prolétaires du monde entier ne devaient plus s'en faire. Maintenant débarrassé du "communisme", le capitalisme allait répandre la paix et la concorde à la surface de la planète. En fait de paix, le monde a connu depuis plus de dix années l'enfoncement dans la barbarie. L'effondrement du bloc soviétique et l'éclatement du bloc américain ont ouvert la boîte de Pandore du déchaînement inter-impérialiste de tous contre tous, des plus petits aux plus puissants. "Dans la nouvelle période historique où nous sommes rentrés (...) le monde se présente comme une immense foire d'empoigne où jouera à fond la tendance au 'chacun pour soi', où les alliances entre Etats n'auront pas, loin de là, le caractère de stabilité qui caractérisait les blocs, mais seront dictées par les nécessités du moment. Un monde de désordre meurtrier, de chaos sanglant dans lequel le gendarme américain tentera de faire régner un minimum d'ordre par l'emploi de plus en plus massif et brutal de sa puissance militaire." ("Militarisme et décomposition", Revue Internationale n°64) L'impérialisme américain, dominant de manière écrasante le reste de la planète, se devait d'assurer son maintien de superpuissance unique depuis l'effondrement du bloc de l'Est. Il se devait de faire régner de par le monde son leadership et de se préserver, autant que possible, de toute remise en cause de la part des autres grandes puissances impérialistes rivales. L'attentat du 11 septembre à New York allait donner le prétexte qu'il lui fallait pour lancer sa fameuse campagne internationale anti-terroriste, autour de ce qui était dorénavant qualifié d'axe du Mal et qui comprenait essentiellement l'Irak, la Syrie, l'Iran et la Corée du Nord. En réalité la concrétisation de cette politique à travers la guerre en Afghanistan et en Irak avait un tout autre but. Il s'agissait pour les Etats-Unis de démontrer concrètement aux autres grandes puissances rivales (Allemagne, France et dans une moindre mesure Russie, Chine, Japon) leur incroyable supériorité militaire. Il s'agissait de faire passer un message clair et net : "Il y a un seul maître à bord, les Etats-Unis, et toute contestation de cet état de fait ne pourra qu'entraîner des représailles à la hauteur de l'affront subi."
La démonstration de force effectuée par les Etats-Unis en Irak, la facilité avec laquelle ils ont anéanti aux yeux du monde entier l'armée de Saddam Hussein pouvait laisser entrevoir une période de relative accalmie sur le front inter-impérialiste. Mais rien de tel ne s'est produit, contrairement à l'après-première guerre du Golfe. Il faut dire que depuis leur victoire militaire en Afghanistan et en Irak, les Etats-Unis ne cessent de s'engluer toujours plus profondément dans une situation de moins en moins contrôlable. Les attentats y deviennent presque monnaie courante. Chaque jour des soldats de la coalition et notamment des soldats américains se font tuer. Les Etats-Unis s'enlisent en Irak, leur impuissance pour y établir un minimum de sécurité et de reconstruction se montre au grand jour. Les 170 000 soldats américains ne suffisent pas, au minimum 10 000 soldats de plus sont demandés. Le coût humain et financier exorbitant de la guerre en Irak a obligé les Etats-Unis a proposé une nouvelle résolution à l'ONU, celle-ci demandant aide militaire et financière aux grandes puissances rivales ! La réponse ne s'est pas fait attendre. The Irish Times, cité par le Courrier International résume bien la question : "La France et l'Allemagne divergent des Etats-Unis sur le futur de l'Irak" et le Financial Times de dire : "Les Américains affrontent une opposition européenne sur le plan de paix en Irak." Hypocritement, les dirigeants français et allemands font valoir qu'en l'état actuel des choses le projet de résolution n'est pas assez abouti et Gerhard Schröder d'avancer : "La proposition américaine n'est ni assez dynamique, ni suffisante" et Jacques Chirac de surenchérir : "le plus urgent est de transférer rapidement la responsabilité politique à un gouvernement irakien." Tout est bon à ces crapules capitalistes pour mettre encore plus dans l'embarras le bandit rival. Le sort de la population irakienne ou des soldats tués, ils s'en moquent totalement. Ce qui compte, ce sont les coups portés à l'impérialiste rival. C'est cela et rien d'autre que les prolétaires doivent comprendre. Les Etats-Unis sont maintenant en grande difficulté en Afghanistan et en Irak, mais comme le dit le titre de The Independant : "Les Etats-Unis ne sont pas encore assez désespérés pour imaginer de confier à l'ONU le pouvoir de gérer ses troupes." Soyons sûrs que la France ou l'Allemagne entre autres feront tout pour que les Etats-Unis s'enlisent au maximum en Irak. Soyons sûrs que les Etats-Unis feront tout pour faire payer dans un très proche avenir cette nouvelle contestation de leur leadership. Une réelle stabilisation de l'Irak nécessiterait que les grandes puissances abandonnent leurs velléités impérialistes grandissantes. Cela nécessiterait la coopération des impérialismes des pays du Sud-Ouest asiatique, région limitée par le Caucase, la Turquie, l'Iran et l'Egypte. Tout cela relève de l'utopie la plus totale, c'est exactement l'inverse qui va se passer : cette région ne peut s'enfoncer que dans un chaos grandissant.
Le 2 septembre dernier, Yasser Arafat a déclaré à CNN que "la feuille de route n'existait plus." Le Moyen-Orient connaît une nouvelle vague de violence, d'assassinats et d'attentats. Dans cette région du monde qui connaît la guerre, en fait depuis la création du "foyer national Juif" en Palestine en 1920, cela paraîtrait presque banal. Pourtant cela fait maintenant plus de six mois que l'impérialisme américain embourbé en Irak tente de faire pression sur l'Autorité palestinienne, mais surtout sur Ariel Sharon pour que celui-ci accepte cette fameuse feuille de route, et donc reconnaisse la création d'un Etat palestinien autonome. Peine perdue, le premier ministre Mhamoud Abbas, alias Abou Mazen a dû démissionner. Celui-ci a expliqué son départ en raison des divergences avec le président Yasser Arafat. Il a également mentionné la tiédeur de l'aide américaine pour soutenir "le processus de paix." La décomposition du capitalisme n'offre de fait qu'une seule perspective, celle de la logique de l'affrontement. Depuis l'attentat suicide palestinien à Jérusalem du 19 août, l'Etat israélien a de son coté mené plusieurs attaques de missiles héliportés dans les territoires occupés. Enfin le 6 septembre, le gouvernement Sharon tente de liquider le chef spirituel du Hamas, mettant en effervescence les rues palestiniennes. Les propos de Sharon "d'éliminer politiquement" Yasser Arafat, tout en crédibilisant le leader palestinien, s'inscrivent dans une montée irrésistible de la violence et de la guerre au Moyen-Orient. Et ce n'est pas la nomination au poste de premier ministre d'Ahmed Qorei, alias Abou Alaa, "ami d'Arafat" qui va calmer la situation. Parallèlement à la dégradation politique au Moyen-Orient, l'escalade militaire est évidente. L'échec de la "feuille de route" américaine est patente, les difficultés que rencontrent les Etats-Unis à contrôler le gouvernement Sharon et l'Etat israélien (qui est le plus fidèle allié des américains) est la meilleure illustration des difficultés croissantes des Etats-Unis à imposer leur loi sur la scène impérialiste mondiale.
Les tentatives incessantes de la superpuissance américaine d'imposer son autorité se traduisent aujourd'hui par un déploiement militaire gigantesque qui s'étend des confins de la Russie et de la Chine à tous les pays du Moyen-Orient excepté la Lybie, la Syrie et l'Iran. Jamais une superpuissance n'aura dominé militairement une telle étendue géographique. De l'Afrique au Pacifique, l'impérialisme américain impose sa puissance militaire. Mais loin de stabiliser le monde, chaque coup de force militaire des Etats-Unis renforce inévitablement le chaos et l'instabilité. Ainsi en va-t-il des deux dernières guerres menées dernièrement par la Maison Blanche. A Kaboul, Ahmed Karzai et l'armée américaine sont impuissants face aux guerres incessantes que se livrent les différentes ethnies et autres chefs de guerre. En Irak, chaque jour apporte son lot croissant de misère et de désolation pour la population, d'assassinats et d'actes de guerre toujours plus nombreux. Tout pas en avant sur le terrain militaire effectué par les Etats-Unis provoque immédiatement une réaction de bon nombre des autres grandes puissances impérialistes de ce monde. Les Etats-Unis sont pour le moment en difficulté. La France, l'Allemagne, la Russie et d'autres encore ne manquent pas de saisir tous les moments de faiblesse de l'Oncle Sam pour essayer de les accentuer au maximum. Il n'y a plus de règles dans cette période de décomposition avancée du capitalisme. La situation actuelle le démontre encore clairement. Chacun défend ses intérêts et passe les alliances qui lui sont les plus favorables sur le moment. Mais les Etats-Unis ne pourront en aucun cas en rester là. Plus ils seront contestés, attaqués dans leur rôle de superpuissance dominatrice, plus ils auront recours inévitablement à ce qui fait leur force : la puissance militaire. Laisser à sa seule logique le capitalisme en putréfaction ne nous promet que toujours plus de barbarie, de chaos et de conflits guerriers.
Tino (24 septembre)En quelques années seulement, le mouvement "alter-mondialiste" a pris une ampleur et occupé une place importante dans le dispositif "contestataire" au niveau mondial. Depuis sa naissance autour du Monde Diplomatique, le mouvement est arrivé aujourd'hui à englober une contestation multiforme, largement ouverte, cherchant la caution scientifique de "spécialistes" tout en n'oubliant pas d'afficher sa radicalité par quelques actions d'éclat devant la presse : affrontement avec la police, regroupement autour d'évènements d'envergure comme le contre-sommet de Larzac 2003 made in José Bové.
Tout, dans ses discours, ses écrits et ses revendications veut donner l'impression que l'altermondialisme porte une nouvelle théorie de l'analyse du monde actuel et qu'il offre à la fois la compréhension de tous ses dysfonctionnements et de la base à leur dépassement. Témoin de cette ambition, aujourd'hui le mouvement ne se limite plus à contester, ce que montre la transformation de son nom d'anti-mondialisation en alter-mondialisation. Désormais, le mouvement propose aussi. Il propose une alternative et une perspective, un autre monde possible.
Au delà de l'inanité de ses théories "scientifiques", le plus important reste de montrer en quoi ce mouvement est une émanation idéologique de la bourgeoisie, s'intégrant parfaitement dans son paysage politique, et dont la mission est de détourner toute tentative de la classe ouvrière pour comprendre le monde et en tirer les conséquences en terme de perspective, pour les ramener sur le terrain bourgeois de la défense de la démocratie, de l'Etat, etc. Il faut clairement dénoncer ce caractère anti-prolétarien et montrer en quoi il représente aujourd'hui un réel danger pour la classe ouvrière.
L'analyse des altermondialistes part d'une dénonciation du monde libéral qu'ont construit les grandes puissances dans les années 1980 et qui a mis le monde entre les mains des grandes firmes multinationales, offrant à leurs profits des ressources et services qui échappaient auparavant à leur emprise, voire au monde marchand : l'agriculture, mais aussi les ressources naturelles, l'éducation, la culture, etc. De là est venue une standardisation de produits telle la nourriture (la fameuse malbouffe) et un processus de marchandisation, de la culture par exemple.
Cette domination globale a conduit le monde à s'orienter sur la logique de profit et à se soumettre à la dictature du marché. Cette dictature retire le pouvoir politique des mains des Etats, et donc des citoyens : le gouvernement du monde par les multinationales est donc l'atteinte majeure faite à la démocratie.
Pour les alter-mondialistes, donc, "le monde n'est pas une marchandise", la loi du marché ne doit pas guider les orientations politiques. Celles-ci doivent revenir dans les mains légitimes des citoyens, et cette perspective doit guider chacun dans la défense de la démocratie contre le diktat financier.
Voyons quelle valeur on peut donner à cette analyse rapidement brossée ci-dessus. Disons-le tout de suite : les alter-mondialistes ont redécouvert la lune. En effet, quelle découverte que celle du fait que les entreprises capitalistes ne recherchent que le profit ! Quelle découverte que celle du fait que dans le capitalisme, tout bien se transforme en marchandise ! Quelle découverte, enfin, que celle du fait que le développement du capitalisme entraîne la mondialisation des échanges ! Le mouvement ouvrier n'a pas attendu les années 1990 et ces grosses têtes universitaires pour en faire l'analyse : tout est déjà dans le Manifeste Communiste, publié la première fois en 1848 :
"Elle [ la bourgeoisie] a dissout la liberté de la personne dans la valeur d'échange, et aux innombrables franchises garanties et bien acquises, elle a substitué une liberté unique et sans vergogne : le libre-échange (…) La bourgeoisie a dépouillé de leur sainte auréole toutes les activités jusqu'alors vénérables et considérées avec un pieu respect. Elle a changé en salariés à ses gages le médecin, le juriste, le prêtre, le poète, l'homme de science."
"poussée par le besoin de débouchés toujours plus larges pour ses produits, la bourgeoisie envahit toute la surface du globe. Partout elle s'incruste, partout il lui faut bâtir, partout elle établit des relations."
"En exploitant le marché mondial, la bourgeoisie a donné une forme cosmopolite à la production et à la consommation de tous les pays. Au grand regret des réactionnaires, elle a déroulé le marché mondial sous les pieds de l'industrie".
Ainsi, les altermondialistes peuvent parler d'un autre monde sans même une seule fois faire référence à deux siècles de lutte et de construction théorique par la classe ouvrière à propos justement de cet autre monde. Et pour cause : cet autre monde proposé par les alter-mondialistes s'appuie sur la période qui va des années 1930 à la fin des années 1970, période qui pour eux constitue un moindre mal par rapport à la libéralisation qui a débuté au début des années 1980, en ce sens que l'Etat y avait une place importante d'acteur économique direct (ce qui résulte de l'application des préceptes de l'économiste anglais Keynes).
Cependant, "préférer" les années 1930-1970, c'est passer l'éponge un peu vite sur un certain nombre de caractéristiques de cette période.
C'est notamment "oublier" la deuxième guerre mondiale, "oublier" que la politique keynésienne aura été incapable de résoudre la crise de 1929, laissant la plupart des pays occidentaux à la fin des années 1930 avec un chômage massif et une production stagnante voire en baisse, "oublier" la situation catastrophique de la classe ouvrière après la guerre et ce pendant plusieurs années, "oublier" que sur cette période, pas un seul jour ne s'est déroulé sans guerre, faisant parmi les populations des dizaines de millions de morts.
C'est "oublier" aussi et surtout qu'à la fin des années soixante, le capitalisme tombe dans une crise qui engendrera un développement inexorable du chômage.
Voilà à quoi ressemblait ce monde qu'il ne fallait pas changer ! Voilà l'exemple que nous donnent les alter-mondialistes d'un "paradis perdu" à retrouver, que la libéralisation des années 1980 a anéanti !
De tels "oublis", qui bien sûr n'en sont pas, sont en fin de compte le fondement d'une manipulation idéologique classique de la bourgeoisie : celle qui consiste à systématiquement opposer deux alternatives en apparences contraires, mais dont aucune ne sort du cadre capitaliste.
Un des exemples de cette fausse alternative réside dans l'argument selon lequel l'Etat s'est retiré de l'économie, laissant le terrain libre aux firmes qui dès lors sabordent l'intérêt général et la démocratie. Cet argument laisse pantois. En effet, jamais l'Etat n'aura été aussi présent dans l'économie qu'aujourd'hui ! C'est lui qui régente les échanges mondiaux en fixant les taux d'intérêt, les barrières douanières, etc. Il est lui-même un acteur économique incontournable, avec une dépense publique qui ne cesse de prendre une part toujours plus importante dans le PIB et des déficits budgétaires toujours plus présents ! Voilà l'Etat "impuissant", "absent" : dans le pays montré en modèle de libéralisme, les Etats-Unis. Bien malin serait celui qui pourrait citer un secteur économique, politique, social, dans lequel l'Etat n'a pas un rôle important voire prépondérant.
L'Etat n'est pas le garant d'un monde meilleur, où les richesses seraient mieux réparties : c'est lui qui fait ce monde, par la guerre, les attaques sur les conditions de vie des ouvriers en réduisant les pensions, les couvertures sociales, etc. C'est lui qui saigne la classe ouvrière pour tenir sous les coups de la crise de son système !
Ce que recherchent ici les alter-mondialistes, c'est de laisser un seul choix possible à ceux qui mettent en question la situation mondiale : soit le libéralisme sauvage, soit le capitalisme d'Etat. Cette fausse alternative fait écran à la seule alternative possible : socialisme ou barbarie.
La source des guerres, de la misère, du chômage, ce n'est pas une soi-disant révolution libérale imposée par des firmes surpuissantes, mais bien la crise du capitalisme, une crise mortelle qu'aucune option politique de la bourgeoisie, du keynésianisme au libéralisme, n'a pu enrayer et ne pourra enrayer.
Pour autant, les altermondialistes, tout en criant leur "anticapitalisme", se limitent à dénoncer les excès de ce monde et à émettre des propositions de réformes destinées à sauvegarder la démocratie "en danger".
Les propositions des altermondialistes pour un "autre monde" révèlent un aspect important de cette idéologie. En effet, derrière ce qui semble être un patchwork de propositions, se dessine un point commun qui ne doit pas nous étonner : toutes ces idées annoncées comme nouvelles ne sont qu'une resucée du traditionnel réformisme de gauche que le mouvement ouvrier n'a de cesse de combattre.
Arrêtons-nous d'abord sur la promotion de l'économie solidaire, autrement dit la généralisation à toute la planète d'expériences d'autogestion et de coopératives qui chaque fois se résument à l'auto-exploitation des ouvriers. Derrière cette idée, il y a fondamentalement la question de l'initiative citoyenne selon laquelle chaque individu peut participer à l'amélioration des conditions de vie dans le monde. Cette conception nie la division de la société en classe et livre les prolétaires pieds et poings liés à la bourgeoisie en qualité de citoyens. Ainsi, engagés dans les méandres de la démocratie participative, les ouvriers devenus citoyens s'éloignent de leur prise de conscience en tant que classe, leur combat représentent la seule issue à la barbarie actuelle.
De même, l'idée d'une meilleure répartition et d'une meilleure gestion de l'économie est une illustration exemplaire de la remise à neuf que les altermondialistes opèrent sur le réformisme. En effet, cette idée, c'est celle des sociaux-démocrates depuis des décennies, celle d'une meilleure répartition des fruits de la croissance. Ce discours nie délibérément que le capitalisme est en crise et que la bourgeoisie n'en est pas à répartir les fruits de la croissance, mais à faire payer les pots cassés de la crise à la classe ouvrière.
Mais surtout, on en revient toujours aux mêmes questions : en effet, qui peut assurer cette meilleure répartition, meilleure que le marché, sinon l'Etat ? Derrière ces questions de répartition, se trouve donc un élément essentiel de la propagande altermondialiste : celle de la défense de l'Etat et du service public. Voilà le discours neuf ; celui du capitalisme d'Etat à la mode stalinienne, juste remis au goût du jour par un vernis scientifique.
Finalement, derrière cette défense de l'Etat comme acteur de la vie sociale, il y a fondamentalement une défense de la démocratie, contre la dictature des multinationales.
Dernier aspect qu'il nous faut pointer, c'est le prétendu internationalisme du mouvement altermondialiste. Certes, des organisations existent dans plusieurs pays, et sont en relation entre elles. Leurs orientations sont communes. Pour autant, on cherchera longtemps le rapport avec l'internationalisme prolétarien selon lequel tous les ouvriers à travers le monde ont les mêmes intérêts et qu'en cela ils forment une unité qui constitue un élément fondamental dans le rapport des forces avec la bourgeoisie.
Ce qui unit les altermondialistes n'est qu'une opposition systématique aux Etats-Unis. Fondamentalement, leur action est anti-américaine. Chaque fois, ce qui est visé dans la dénonciation des travers du marché mondial, c'est la domination américaine sur ce marché. Et dans la revendication d'un Etat plus fort, il y a avant tout la revendication d'Etats concurrents pour entraver au maximum le leadership des Etats-Unis. Là encore, les altermondialistes se placent à la remorque de l'Etat et invitent la classe ouvrière à abandonner tout principe internationaliste, toute unité et solidarité de classe, et à les suivre dans le nationalisme, qui a toujours conduit à faire du prolétariat la chair à canon de l'impérialisme.
Le fait que des thèmes réformistes aussi anciens soient dépoussiérés de la sorte par la bourgeoisie doit nous interroger sur les mobiles de la classe dominante : pourquoi a-t-elle poussé à ce point le mouvement altermondialistes sur le devant de la scène ?
La réponse se trouve à deux niveaux. D'abord, l'idéologie démocratique se fonde avant tout sur une opposition politique : l'électeur citoyen doit pouvoir choisir entre deux options qui doivent s'opposer significativement. Les expériences de la gauche au pouvoir ont amoindri la force de cette alternative et l'effondrement de l'URSS a coulé la perspective stalinienne. Face à une droite qui cogne, face à une gauche accusée de trahir ses principes quand elle est au pouvoir, la bourgeoisie doit pouvoir redorer le blason de son idéologie de gauche. L'altermondialisme fournit une explication et une alternative "crédible". La revendication d'une "vraie gauche" peut ainsi s'y retrouver, et exploiter ses vieilles recettes, tout particulièrement la critique des excès du capitalisme, évitant de critiquer le capitalisme en lui-même.
Ensuite, le développement de ce mouvement manifeste l'intérêt que porte la bourgeoisie au développement de la prise de conscience de la classe ouvrière. Il existe actuellement au sein du prolétariat une émergence d'éléments en recherche de cohérence politique face au tableau qu'offre la planète. Cette génération n'est en général que peu, voire pas du tout politisée, et en ce sens, largement méfiante à l'égard des appareils classiques de la bourgeoisie.
Par sa structure multiforme, politique de quasiment tous bords, associative, syndicale, libertaire, le mouvement altermondialiste est un moyen d'attirer les éléments en recherche dans le giron bourgeois. En cela, il détourne leurs questionnements légitimes vers les impasses classiques de la gauche et du gauchisme, cachant ainsi la seule perspective capable de dépasser l'inéluctable destruction de l'humanité offerte par le capitalisme, la société communiste, dont l'unique porteur est le prolétariat Il masque aussi que, dans son combat contre le capitalisme, la classe ouvrière sera amenée, non pas à défendre l'Etat, la gauche, la démocratie, mais bien à les combattre sans la moindre illusion sur leur nature bourgeoise.
C'est en comprenant la vraie nature de ce mouvement que le prolétariat pourra se dégager de ce carcan mortel et retrouver le chemin de la seule perspective possible pour l'humanité : celle de la révolution, celle du communisme.
L'aggravation de la crise économique mondiale a fait revenir depuis cinq ans la question du rôle de l'Etat dans l'économie sur le devant de la scène. En effet, son intervention est appelée avec insistance par certains secteurs de la bourgeoisie pour réglementer et relancer l'activité économique. Pour la gauche et les tenants du "plus d'Etat", des plus modérés style Jospin aux plus "radicaux" style trotskistes et staliniens, prônant la mise en place de mesures d'étatisation de la société comme à l'Est avant la chute du stalinisme, la crise actuelle serait avant tout celle du libéralisme. Un tel mensonge est en réalité destiné à masquer aux exploités la faillite du système qui s'exprime en particulier par la tendance inexorable du capitalisme depuis le début du siècle au développement du capitalisme d'Etat. Ce développement, s'il permet d'aplanir certaines contradictions du système, ne constitue en rien une solution à celles-ci.
La bourgeoisie essaie de nous rejouer le même air qu'au début
des années 1990 où, en pleine récession, elle rejetait
la responsabilité de celle-ci sur les fractions libérales
jusque là au pouvoir dans les plus grands pays industrialisés.
Elle doit absolument trouver des thèmes de mystification présentant
aux exploités une prétendue alternative, au sein du système,
afin de limiter les possibilités de remise en question de celui-ci.
Ainsi, afin d'éviter que l'aggravation de la crise et des attaques
ne favorisent au sein de la classe ouvrière une remise en cause
en profondeur du système, les fractions de gauche et d'extrême
gauche de la bourgeoisie cherchent à intoxiquer la conscience
des prolétaires en proclamant que les des solutions sont possibles
en redonnant notamment à l'Etat un rôle plus central que
le libéralisme lui aurait prétendument confisqué.
Or, c'est justement l'Etat lui-même, qu'il soit géré
par des partis de droite ou de gauche, qui orchestre les attaques les
plus massives depuis la fin des années soixante. C'est dans le
but de masquer cette réalité qu'on tente aujourd'hui de
raviver l'illusion que plus d'Etat, c'est, malgré tout, plus
de justice et de social. Toutes les démarches des Etats pour
sauver des entreprises, comme celle du gouvernement français
afin de faire sortir Alstom de la plongée dans la faillite totale
n'ont rien de social. En témoigne la prévision maintenue
de 3850 licenciements à Alstom en France ou bien des 10 500 à
venir dans quinze des banques japonaises qui perçoivent des fonds
publics.
L'Etat, garant de l'ordre social, est à la pointe de la défense
des intérêts de toute la bourgeoisie contre la classe ouvrière
et c'est donc lui qui les prend en charge.
Cette intervention grandissante de l'Etat dans l'économie n'est
nullement une nouveauté, celui-ci s'étant trouvé
être le principal acteur des sauvetages les plus spectaculaires
d'établissements financiers. Ainsi, par exemple, au début
des années 1990, c'est au contribuable américain que le
gouvernement du très libéral Bush a confié le soin
de renflouer les caisses d'épargne en faillite. Lors de la plongée
dans la crise de 1998, on a pu voir l'Etat japonais voler au secours
des institutions bancaires pour leur éviter la faillite. En septembre
de la même année, la Réserve fédérale
américaine, la toute-puissante FED, a fait de même en organisant
le sauvetage du fonds d'arbitrage "Long Term Capital Management",
au bord du dépôt de bilan.
Ce rôle central de l'Etat pour éviter des catastrophes
économiques constitue l'expression d'une loi générale
qui concerne autant le libéralisme qu'elle concernait feu le
stalinisme. Celle-ci, caractéristique du capitalisme décadent,
consiste à recourir à la force étatique pour faire
fonctionner une machine économique qui, spontanément,
livrée à elle-même, serait condamnée à
la paralysie, du fait de ses contradictions internes.
Depuis la Première Guerre mondiale, depuis que la survie de chaque
nation dépend de sa capacité à se faire une place
par la force dans un marché mondial devenu trop étroit,
l'économie capitaliste n'a cessé de s'étatiser
en permanence. Dans le capitalisme décadent, la tendance au capitalisme
d'Etat est une tendance universelle. Suivant les pays, suivant les périodes
historiques, cette tendance s'est concrétisée à
des rythmes et sous des formes plus ou moins accentués. Mais
elle n'a pas cessé de progresser, au point de faire de la machine
étatique le coeur même de la vie économique et sociale
de toutes les nations.
Le militarisme allemand du début du siècle, le stalinisme,
le fascisme des années 1930, les grands travaux du New Deal aux
Etats-Unis au lendemain de la dépression économique de
1929 ou ceux du Front populaire en France à la même époque,
ne sont que des manifestations d'un même mouvement d'étatisation
de la vie sociale. De même, les politiques de reconstruction après
la Seconde Guerre mondiale ont été prises en charge par
l'Etat avec, dans beaucoup de pays, y compris la libérale Grande-Bretagne,
la nationalisation de secteurs clés de l'économie. Et
depuis la réapparition de la crise ouverte à la fin des
années 60, c'est encore l'Etat qui prend en charge les politiques
de fuite en avant dans l'endettement ou de recours à la planche
à billets. Dans le capitalisme décadent, chaque pays doit
tricher avec la loi de la valeur s'il ne veut pas voir son économie
se désagréger sous le poids de contradictions insurmontables.
Ainsi, par exemple, les pays dits socialistes ont dû, pour survivre
malgré leur arriération économique, s'isoler du
marché mondial et pratiquer une politique de prix totalement
déconnectée de celui-ci. Autre exemple qui s'est trouvé
au centre des désaccords du récent sommet de Cancun, celui
de la politique de soutien complètement artificiel à son
agriculture menée par les pays de la PAC (Politique agricole
commune) européenne de façon à ce que cette dernière
reste compétitive et puisse se vendre sur le marché mondial.
Aux Etats-Unis, les "reaganomics", supposés constituer
un retour à un capitalisme "libéral", moins
étatisé, n'ont pas interrompu cette tendance à
l'emprise croissante de l'Etat dans la vie économique. Au contraire,
le "miracle" de la reprise américaine au cours des
années 1980 n'a pas eu d'autre fondement qu'un doublement du
déficit de l'Etat et une augmentation spectaculaire des dépenses
d'armements commandés par l'Etat.
De même, les politiques de "dérégulation"
et "privatisations" destinées à renforcer la
compétitivité nationale et appliquées pendant ces
années dans l'ensemble des pays industrialisés, ont été
décidées par l'Etat qui en a retiré également
un certain nombre d'avantages. Sur le plan social, elles ont facilité
le recours aux licenciements, puisqu'en apparence la responsabilité
n'en revenait plus en propre à l'Etat mais se trouvait diluée
sur autant de capitalistes privés.
Ainsi, non seulement l'Etat a-t-il une place prépondérante
au sein de l'économie nationale, en tant que principal client
et employeur de celle-ci, mais il détient entre ses mains un
ensemble de prérogatives qui lui en permettent le contrôle
absolu : il est le principal pourvoyeur de crédit et c'est lui
qui fixe le coût de tous les emprunts ; il édicte les règles
de la concurrence entre les différents agents économiques
au sein du pays et lui seul est en mesure de négocier de telles
règles vis-à-vis des autres pays ; il est le vecteur obligé
de l'obtention de gros contrats à l'export ; il détient
les moyens de faire ou défaire des montages et rachats industriels
et financiers ; il décide des nationalisations ou privatisations
; il fixe les impôts, gère le budget et édicte le
code du travail, instrument au service du capital pour organiser l'exploitation
et dont dépend la compétitivité du capital national.
A ce titre, le budget 2004 du gouvernement Raffarin est tout à
fait éloquent : c'est l'Etat qui désigne les priorités
de la politique économique, priorités visant à
stimuler la production en baissant les coûts de production, celui
de la main-d'œuvre au premier chef. L'orientation décidée
du gouvernement français en direction des chômeurs, sur
les retraites et la Sécurité Sociale met en évidence
comment l'Etat prend en charge la politique concertée d'attaques
antiouvrières, de même que les plans de licenciements approuvées
sinon carrément concoctées, même dans les entreprises
centrales du secteur privé, par l'Etat lui-même.
Contrairement à une légende savamment entretenue par la
bourgeoisie, il n'y a donc pas qu'à l'Est, avant l'effondrement
du stalinisme, que l'Etat a joué un rôle déterminant
dans l'économie, même s'il existe des différences.
Dans les autres pays du monde capitaliste, le contrôle étatique
sur la vie de la société n'est pas antagonique avec l'existence
de secteurs privés et concurrentiels qui empêchent une
hégémonie totale des couches parasitaires engendrées,
dans tous les cas, par la mainmise de l'Etat sur la vie sociale. Dans
les pays staliniens par contre, le développement extrême
de ces couches parasitaires issues de la bureaucratie étatique,
ayant pour seule préoccupation de se remplir les poches individuellement
au détriment des intérêts de l'économie nationale,
a conduit à cette aberration, du point de vue du fonctionnement
du capitalisme, qui devait nécessairement s'effondrer avec l'accélération
de la crise économique mondiale.
Ce que démontre toute l'histoire du 20e siècle c'est que, si effectivement l'Etat joue un rôle déterminant dans le fonctionnement du capitalisme, ce n'est pas, contrairement à ce que la gauche veut faire croire, dans l'intérêt des exploités, mais bien dans le seul but de prolonger la vie, coûte que coûte, de ce système décadent.
A l'occasion du trentième anniversaire du coup d'Etat sanglant de Pinochet au Chili le 11 septembre 1973 qui a mis fin au gouvernement de l'Unité Populaire d'Allende, toute la bourgeoisie "démocratique" a mis à profit la célébration de cet événement pour tenter une fois encore de dévoyer la classe ouvrière de son propre terrain de lutte. A cette occasion, la classe dominante cherche à faire croire aux ouvriers que le seul combat dans lequel ils doivent s'engager, c'est celui de la défense de l'Etat démocratique contre les régimes dictatoriaux dirigés par des voyous sanguinaires. C'est bien le sens de la campagne orchestrée par les médias consistant à faire le parallèle entre le coup d'Etat de Pinochet le 11 septembre 1973 et l'attentat contre les Tours jumelles à New York (voir le titre du journal Le Monde du 12 septembre : "Chili 1973 : l'autre 11 septembre"). Et dans ce chœur unanime de toutes les forces démocratiques bourgeoises, on trouve au premier plan les partis de gauche et les officines gauchistes (notamment les trotskistes de LO et de la LCR) qui avaient pleinement participé, aux côté du MIR chilien, à embrigader la classe ouvrière derrière la clique d'Allende, les livrant ainsi pieds et poings liés au massacre (voir notre article dans RI nouvelle série n° 5 : "Le Chili révèle la nature profonde de la gauche et des gauchistes"). Face à cette gigantesque mystification consistant à présenter Allende comme un pionnier du "socialisme" en Amérique latine, il appartient aux révolutionnaires de rétablir la vérité en rappelant les faits d'armes de la démocratie chilienne. Car les prolétaires ne doivent jamais oublier que c'est le "socialiste" Allende qui a envoyé l'armée pour réprimer les luttes ouvrières et a permis ensuite à la junte militaire de Pinochet de parachever le travail.
En considérant la coalition d'Allende comme celle de la classe
ouvrière, en l'appelant "socialiste", toute la "gauche"
a essayé de cacher ou de minimiser le rôle réel
d'Allende et aidé à perpétuer les mythes créés
par le capitalisme d'État au Chili.
Toute la politique de l'Unité Populaire consistait à
renforcer le capitalisme au Chili. Cette large fraction du capitalisme
d'État, qui s'est appuyée sur les syndicats (aujourd'hui
devenus partout des organes capitalistes) et sur les secteurs de la
petite bourgeoisie et de la technocratie s'est scindée depuis
quinze ans dans les partis communiste et socialiste. Sous le nom de
Front des Travailleurs, FRAP ou Unité Populaire, cette fraction
voulait rendre le capital arriéré chilien compétitif
sur le marché mondial. Une telle politique, appuyée sur
un fort secteur d'État, était purement et simplement capitaliste.
Recouvrir les rapports de production capitalistes d'un vernis de nationalisations
sous "contrôle" ouvrier n'aurait rien changé
à la base : les rapports de production capitalistes sont
restés intacts sous Allende, et ont même été
renforcés au maximum. Sur les lieux de production des secteurs
public et privé, les travailleurs devaient toujours suer pour
un patron, toujours vendre leur force de travail. Il fallait satisfaire
les appétits insatiables de l'accumulation du capital, exacerbés
par le sous-développement chronique de l'économie chilienne
et une insurmontable dette extérieure surtout dans le secteur
minier (cuivre) dont l'État chilien tirait 83% de ses revenus
dans l'exportation.
Une fois nationalisées, les mines de cuivre devaient devenir
rentables. Dès le début, la résistance des mineurs
contribua à détruire ce plan capitaliste. Au lieu d'accorder
crédit aux slogans réactionnaires de l'Unité Populaire
:"Le travail volontaire est un devoir révolutionnaire",
la classe ouvrière industrielle du Chili, particulièrement
les mineurs, a continué à lutter pour l'augmentation des
salaires, et a brisé les cadences par l'absentéisme et
les débrayages. C'était la seule façon de compenser
la chute du pouvoir d'achat pendant les années précédentes,
et l'inflation galopante sous le nouveau régime qui avait atteint
300% par an à la veille du coup d'État.
La résistance de la classe ouvrière à Allende a
débuté en 1970. En décembre 1970, 4000 mineurs
de Chuquicamata se mirent en grève réclamant des augmentations
de salaires. En juillet 1971, 10 000 mineurs du charbon se mirent en
grève à la mine de Lota Schwager. Dans les mines d'El
Salvador, El Teniente, Chuquicamata, La Exotica et Rio Blanco, de nouvelles
grèves s'étendirent à la même époque,
réclamant des augmentations de salaire.
La réponse d'Allende fut typiquement capitaliste : alternativement,
il calomnia puis cajola les travailleurs. En novembre 1971 Castro vint
au Chili pour renforcer les mesures anti-ouvrières d'Allende.
Castro tempêta contre les mineurs, et les traita d'agitateurs
"démagogues" ; à la mine de Chuquicamata, il
dit que "cent tonnes de moins par jour signifiait une perte de
36 millions de dollars par an".
Peu nombreux (les mineurs représentaient 4% de la force de travail,
c'est-à- dire environ 60 000 ouvriers) mais très puissants
et conscients de l'être, les mineurs obtinrent de l'État
l'échelle mobile des salaires et donnèrent le signal de
l'offensive sur les salaires qui surgit dans toute la classe ouvrière
chilienne en 1971. Toute la presse bourgeoise était d'accord
pour affirmer que "la voie chilienne au socialisme" était
une forme de "socialisme" qui a échoué. Les
staliniens et les trotskistes bien sûr ont acquiescé, en
conservant leurs différences talmudiques. De ces derniers, le
capitalisme d'Allende a reçu un "soutien critique".
Les anarchistes n'ont pas été en reste : "La seule
porte de sortie pour Allende aurait été d'appeler la classe
ouvrière à prendre le pouvoir pour elle-même et
de devancer le coup d'État inévitable" écrivait
le Libertarian Struggle (octobre 1973). Ainsi Allende n'était
pas seulement "marxiste". C'était aussi un Bakounine
raté. Mais ce qui est vraiment risible, c'est d'imaginer qu'un
gouvernement capitaliste puisse jamais appeler les travailleurs à
détruire le capitalisme !
En mai-juin 1972, les mineurs ont recommencé à bouger
: 20 000 se mirent en grève dans les mines d'El Teniente et Chuquicamata.
Les mineurs d'El Teniente revendiquèrent une hausse des salaires
de 40%. Allende plaça les provinces d'O Higgins et de Santiago
sous contrôle militaire, parce que la paralysie d'El Teniente
"menaçait sérieusement l'économie". Les
managers "marxistes", membres de l'Unité Populaire
ont vidé des travailleurs et envoyé des briseurs de grève.
500 carabiniers attaquèrent les ouvriers avec des gaz lacrymogènes
et des canons à eau. 4000 mineurs firent une marche sur Santiago
pour manifester le 14 juin, la police les chargea sauvagement. Le gouvernement
traita les travailleurs "d'agents du fascisme". Le PC organisa
des défilés à Santiago contre les mineurs, appelant
le gouvernement à être ferme. Le MIR, "opposition
loyale" extraparlementaire à Allende, critiqua l'utilisation
de la force et prit parti pour la "persuasion". Allende nomma
un nouveau ministre des mines en août 1973 : le général
Ronaldo Gonzalez, le directeur des munitions de l'armée.
Le même mois, Allende alerta les unités armées dans
les 25 provinces du Chili. C'était une mesure contre la grève
des camionneurs, mais aussi contre quelques secteurs d'ouvriers qui
étaient en grève, dans les travaux publics et les transports
urbains. Pendant les derniers mois du régime d'Allende, la politique
à l'ordre du jour devint celle des attaques généralisées
et des meurtres contre les travailleurs et les habitants des bidonvilles,
par la police, l'armée et les fascistes. En décembre 1971,
Allende avait déjà laissé Pinochet, l'un des nouveaux
dictateurs du Chili, se déchaîner dans les rues de Santiago.
L'armée avait imposé des couvre-feux, la censure de la
presse, et des arrestations sans mandat. En octobre 1972, l'armée
(la chère "armée populaire" d' Allende) fut
appelée à participer au cabinet. Allende avouait par là
l'incapacité de la coalition à mater et écraser
la classe ouvrière. Il avait durement essayé mais avait
échoué. Le travail dût être continué
par l'armée sans fioritures parlementaires. Mais au moins l'Unité
Populaire avait aidé à désarmer les travailleurs
idéologiquement : cela facilita la tâche des massacreurs
le 11 septembre 1973.
En réalité, Allende a pris le pouvoir en 1970 pour sauver
la démocratie bourgeoise dans un Chili en crise. Après
avoir renforcé le secteur d'État d'une façon qui
rentabilise la totalité de l'économie chilienne en crise,
après avoir mystifié une grande partie de la classe ouvrière
avec une phraséologie "socialiste" (ce qui était
impossible aux autres partis bourgeois) son rôle était
terminé. Exit the King. L'aboutissement logique de cette évolution,
un capitalisme totalement contrôlé par I'État, n'était
pas possible au Chili qui restait dans la sphère d'influence
de l'impérialisme américain et devait commercer avec un
marché mondial hostile dominé par cet impérialisme.
La "gauche" et tous les libéraux, humanistes, charlatans
et technocrates se sont lamentés sur la chute d'Allende. Ils
ont encouragé le mensonge du "socialisme" d'Allende
pour tenter de mystifier la classe ouvrière. Ils ont ressorti
le slogan pourri de l'anti-fascisme, pour détourner la lutte
de classe, pour cacher que les prolétaires n'ont rien à
gagner en luttant et mourant pour une quelconque cause bourgeoise ou
"démocratique". En France, Mitterrand et le "Programme
Commun de la Gauche", tous les curés progressistes et les
canailles bourgeoises ont entonné le chœur antifasciste.
Sous couvert de "l'antifascisme" et de soutien à l'Unité
Populaire, les divers secteurs de la classe dirigeante ont tenté
de mobiliser les travailleurs pour leur replâtrage parlementaire.
Face à cette nouvelle "brigade internationale" de la
bourgeoisie, la classe ouvrière ne peut que montrer du mépris
et de l'hostilité.
Les fractions de "l'extrême gauche" du capitalisme d'État
ont joué le même rôle dans ce concert que le MIR
dans celui d'Allende. Mais, leur soutien était "critique".
Or, la question n'est pas "parlement contre lutte armée",
mais capitalisme contre communisme, antagonisme entre la bourgeoisie
du monde entier et les travailleurs du monde entier. Les prolétaires
n'ont qu'un seul programme : l'abolition des frontières, l'abolition
de l'État et du parlement, l'élimination du travail salarié
et de 1a production marchande par les producteurs eux-mêmes, la
libération de l'humanité tout entière amorcée
par la victoire des conseils ouvriers révolutionnaires. Tout
autre programme est celui de la barbarie, la barbarie et la duperie
de la "voie chilienne au socialisme".
D'après RI "Nouvelle série" n°6
(4 novembre 1973)
"Prolétaires,
serrez-vous la ceinture ! Travaillez plus, plus longtemps, soignez-vous
moins et moins bien ! Etc." Dans tous les pays, c'est le même
discours qui est tenu aux ouvriers, et les mêmes attaques qui
leur sont portées à travers l'adoption de "réformes"
qu'il fallait, nous dit-on, "avoir le courage de prendre".
Dans quel but ? Afin de "sauver l'accès pour tous à
une retraite digne, aux soins, etc." Au-delà de nuances
exprimées pour la forme, la gauche aussi bien que la droite soutiennent
ces paroles hypocrites destinées à faire passer une pilule
amère pour la classe ouvrière. Toutes les deux sont en
faveur de ces attaques et c'est de façon très conséquente
qu'elles en assument la mise en place lorsqu'elles se trouvent au gouvernement,
au moment où il s'impose de les prendre.
Un tel constat est tout à fait conforme à la nature bourgeoise
de ces partis. Si des "réformes" sont nécessaires,
c'est-à-dire s'il faut diminuer les dépenses affectées
à l'entretien de la force de travail, c'est bien dans l'intérêt
de l'économie nationale contre celui de la classe ouvrière,
en vue de maintenir la compétitivité nationale sur l'arène
internationale. C'est encore la même logique qui est à
l'œuvre lorsque, face à la contraction du marché
mondial, les entreprises se débarrassent d'une partie de leurs
effectifs alors que, dans le même temps, des mesures sont prises
partout pour revoir à la baisse les conditions d'indemnisation
du chômage. Ici aussi, droite et gauche sont en phase : après
les attaques contre l'indemnisation du chômage, au printemps dernier,
par l'Etat allemand, gouverné par la gauche, c'est au tour de
l'Etat français, gouverné par la droite, de radier par
milliers des ouvriers des listes du chômage, en application d'une
loi adoptée quelques mois auparavant.
L'évolution de la situation économique ne laisse pas d'autre
choix à la bourgeoisie de chaque pays que d'attaquer toujours
davantage les conditions de vie des prolétaires, ce qui à
terme ne peut qu'aggraver la crise. En effet, la misère croissante
dans laquelle la classe ouvrière est plongée va aussi
constituer une entrave à l'exploitation, et donc à l'accumulation
capitaliste, pour la simple et bonne raison qu'un ouvrier affaibli par
l'âge, la maladie ou la sous-alimentation peut d'autant moins
être productif qu'un ouvrier en bonne santé. C'est là
une illustration de l'impasse totale dans laquelle se trouve le capitalisme.
Le phénomène du chômage massif croissant en constitue
une autre, plus frappante encore. En rejetant du processus de production
une partie de ceux-là mêmes qui constituent la source presque
exclusive du profit, la bourgeoisie se prive de la richesse que pourrait
procurer leur exploitation. En quelque sorte, elle scie la branche sur
laquelle elle est assise. Alors que la fonction historique du capitalisme
avait été, pendant toute sa phase ascendante jusqu'au
début du 20e siècle, d'étendre les rapports de
production capitalistes à l'ensemble de la planète, à
travers un formidable développement des forces productives et
de la classe ouvrière, ce système constitue au contraire,
depuis qu'il est entré dans sa phase de décadence, une
entrave croissante à un tel développement. Ainsi donc,
le phénomène planétaire du chômage massif,
celui de la désindustrialisation des pays les plus développés,
n'ont d'autre cause que la crise irréversible du capitalisme.
Les contradictions insurmontables de ce système l'entraînent
à sa perte, et avec lui l'humanité tout entière.
En effet, la crise économique constitue le soubassement de toutes
les autres calamités qui menacent aujourd'hui la survie de l'humanité
:
- depuis l'entrée du capitalisme dans la période de décadence
au début du 20e siècle, la guerre et le militarisme expriment,
avant tout, la fuite en avant des différents pays face à
l'impasse économique dans un marché mondial saturé
; ils sont devenus le mode de vie permanent du capitalisme comme en
attestent les deux guerres mondiales et la chaîne ininterrompue
des conflits locaux, de plus en plus destructeurs, depuis la fin de
la Seconde Guerre mondiale ;
- dans sa fuite en avant, le capitalisme imprime sa marque à
toutes les sphères de l'activité humaine, y inclus ses
rapports avec la nature. C'est ainsi que, pour maintenir ses profits,
il se livre massivement, depuis plus d'un siècle, au saccage
et au pillage à grande échelle de l'environnement. Si
bien qu'aujourd'hui, sous l'effet de l'accumulation de pollutions de
tous ordres, le désastre écologique constitue une menace
tangible pour l'écosystème de la planète.
Afin d'éviter que l'aggravation de la crise et des attaques ne
favorise au sein de la classe ouvrière une remise en cause en
profondeur du système, la bourgeoisie tente de semer des illusions
dans la tête des prolétaires sur les bienfaits d'une future
reprise qui aurait comme condition "d'accepter les sacrifices aujourd'hui
afin que cela aille mieux demain". Cette vieille rengaine nous
est servie régulièrement par la bourgeoisie depuis les
années 1970, et depuis lors la situation n'a cessé de
se dégrader ! Ses fractions de gauche et d'extrême gauche
s'emploient à intoxiquer la conscience des prolétaires
en proclamant que des solutions sont possibles au sein du capitalisme,
notamment en redonnant à l'Etat le rôle plus central que
le libéralisme lui aurait confisqué. Une telle mystification
ne résiste pas à la réalité présente
où c'est l'Etat lui-même, avec à sa tête des
gouvernements de gauche comme de droite, qui orchestre les attaques
les plus massives contre la classe ouvrière depuis la fin des
années soixante.
La classe ouvrière ne peut et ne doit compter que sur ses propres
forces (et ses organisations révolutionnaires, aussi réduites
soient elles aujourd'hui), pour avancer dans la voie d'une résistance
croissante, à travers la lutte, aux attaques capitalistes et
prendre conscience de la nécessité de renverser ce système.
Ce n'est qu'ainsi qu'elle sera en mesure de s'affirmer comme la seule
force dans la société à même de présenter
une autre perspective à l'humanité que l'impasse et la
barbarie capitalistes.
Empêtré
dans ses déficits publics, le ministre français délégué
au budget, Alain Lambert, a relancé récemment la polémique
au sujet des 35 heures. Selon lui, certains de ses collègues
de la majorité et même quelques socialistes hésitants,
la réduction du temps de travail mise en œuvre par le gouvernement
Jospin en 1998 et 1999 a déstabilisé l'économie,
désorganisé les entreprises, poussé les ouvriers
à l'oisiveté pour finalement creuser les déficits
publics.
Immédiatement, la gauche a fait entendre sa voix en défendant
l'efficacité de sa politique sur l'emploi et la satisfaction
d'une majorité d'ouvriers, et en dénonçant une
droite libérale prête à détruire ce prétendu
grand acquis social.
De leur côté, certains membres du gouvernement de droite,
Chirac en tête, ont eux-aussi rapidement réagi pour clairement
affirmer que les lois Aubry ne seraient pas remises en cause.
Cette dernière réaction n'est pas plus étonnante
que la première : en effet, bien loin de pousser les ouvriers
à l'oisiveté et les entreprises à la faillite,
les lois Aubry ont au contraire pleinement répondu aux nécessités
d'adaptation des entreprises à la crise économique.
Le nom du concept est en lui-même parlant : les lois Aubry ne
parlent pas de réduction du temps de travail en tant que telle,
mais également, et même en premier lieu, d'aménagement
du temps de travail. Et pour cause : le fameux "challenge"
des 35 heures tenait dans la possibilité offerte aux entreprises
de profiter de ces lois pour réorganiser leurs cycles de production
et accroître la flexibilité du travail tout en en réduisant
le coût.
Une des façons d'y parvenir est l'annualisation du temps de travail.
Cette technique permet en effet d'adapter le temps de travail des ouvriers
à la fluctuation de la production : ainsi, les ouvriers peuvent
cumuler jusqu'à 48 heures par semaine en période pleine,
et ne travailler que de 20 à 28 heures par semaine en période
creuse. De cette façon, il n'est plus nécessaire de recourir
aux heures supplémentaires pendant le "coup de feu",
ni d'utiliser du personnel en deçà de sa productivité
maximale lors des périodes plus creuses. Le travail s'adapte
alors pleinement au rythme des commandes : c'est ce qu'on appelle la
"flexibilité".
Par conséquent, lorsque les lois Aubry contingentaient les heures
supplémentaires, ce n'était pas pour contenir les excès
du patronat, mais bien pour rester en cohérence avec l'objectif
général du dispositif et inciter les entreprises à
l'adopter rapidement, en transformant les heures supplémentaires
en temps de travail normal, compensé par un repos forcé
quand le carnet de commande se vide.
Par ailleurs, les lois Aubry ont aménagé le SMIC, c'est-à-dire
le salaire minimum : d'un minimum horaire universel, on est arrivé
à cinq modulations selon la date du passage aux 35 heures et
les modalités de leur mise en œuvre. A cette mesure s'est
ajouté le blocage des salaires sur plusieurs années, censé
compenser l'effort fait pour réduire le temps de travail. Le
travail s'adapte et, d'un point de vue global, il coûte moins
cher.
Dès lors, on comprend que la droite ne soit pas encline à
revenir sur ce "progrès", un progrès pour la
bourgeoisie qui dispose grâce à ces lois d'une force de
travail souple et disponible à la demande sans surcoût.
Le résultat à ce jour est d'ailleurs plutôt satisfaisant
: pour un coût "modique" d'environ 5 milliards d'euros,
la gauche a réussi à inverser une tendance de l'économie
en relançant la productivité à la hausse dès
1999 et à maintenir cette hausse jusqu'à aujourd'hui (source
: INSEE, comptes nationaux).
Certes, il y a les fameuses "journées ARTT" offertes
en contrepartie à certains ouvriers touchés par le dispositif.
Mais ces journées ne sont d'ailleurs "données"
en contrepartie que dans les secteurs où l'annualisation n'a
pas été mise en place. La plupart du temps, il s'agit
de secteurs où le niveau de production fluctue assez peu (comme
dans l'administration), et où les gains de productivité
peuvent plus facilement être atteints par une intensification
du rythme sur un temps de travail plus court, compensé par un
blocage des salaires. C'est également dans ces secteurs que l'hypothèse
est développée de "capitaliser" ces journées
ARTT sur des "compte épargne temps", ce qui repousse
la réduction effective du temps de travail sine die, quand cette
"épargne" pourra être liquidée, c'est-à-dire
en général au moment de la retraite.
Finalement, comment donner tort à Martine Aubry, lorsqu'elle
affirme que "les 35 heures n'ont donc pas déstabilisé
notre économie, ni désorganisé nos entreprises"
? (Le Monde du 9 octobre 2003). En créant les 35 heures, la gauche
a mis en œuvre une des plus importantes attaques sur les conditions
de travail des ouvriers depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale.
Et cette attaque a payé, puisqu'elle a permis aux entreprises
d'augmenter de façon significative leur taux d'exploitation.
En dehors de critiques quasiment isolées, la droite n'a aucunement
l'intention, comme elle l'a très clairement dit, de remettre
en cause ces dispositions. Au contraire, sur cette base, elle entend
bien prolonger l'attaque : après la "journée de solidarité"
qui va forcer les ouvriers à travailler un jour de plus pour
financer l'aide aux personnes âgées dépendantes,
la bourgeoisie se prépare à intensifier les mesures liées
aux 35 heures et destinées à accroître l'exploitation
: après avoir instauré la flexibilité et le blocage
des salaires, la classe dominante va maintenant revenir sur les "jours
ARTT" et les limitations du recours aux heures supplémentaires
non payées : le beurre avec l'argent du beurre.
Pourquoi aller encore plus loin, alors que les 35 heures ont montré
leur efficacité en l'état ? Parce que pendant ce temps,
la crise du capitalisme ne cesse de s'aggraver. Dès lors, toutes
les solutions, aussi efficaces qu'elles puissent paraître, n'ont
qu'une efficacité limitée, tant en ampleur que dans le
temps. Il faut donc chaque fois que la bourgeoisie trouve le moyen de
frapper un peu plus fort sur la classe ouvrière pour tenir sous
la pression croissante de la crise.
Face à cette attaque, il ne faut pas tomber dans le piège
de la défense des 35 heures. Il s'agit bien de la même
attaque, venant du même ennemi : la bourgeoisie qui, de gauche
comme de droite, fait payer au prolétariat le désastre
que son système en crise répand sur la planète.
Quand Lutte Ouvrière
rend hommage à ses frères d'armes, le moins que l'on puisse
dire, c'est qu'elle n'y va pas par quatre chemins. Ainsi, dans son éditorial
du 19 septembre 2003, Arlette Laguiller, après avoir salué
chaleureusement la sempiternelle fête de l'Humanité qui
"a été, une fois de plus un succès",
faisant remarquer au passage que "le PCF reste capable de réunir
plusieurs centaines de milliers de participants à sa fête,
qui est toujours la plus importante des fêtes populaires organisées
par un parti politique", en arrive à ce brillant requiem
: "Ce n'est cependant pas sur la base de sa politique actuelle
que le PCF a conquis une telle audience qui, pendant longtemps, a fait
sa force. La politique de sa direction dilapide, au contraire, le crédit
que le PCF a hérité du passé(…)".
Quel est ce donc ce "crédit hérité du passé"
dont nous parle LO ? Il est à mettre entièrement au compte
de la bourgeoisie, mais certainement pas de la classe ouvrière
! Quel était donc cet âge d'or du PCF que regrette tant
LO ? Là où son audience était à son comble
et sa force sans commune mesure avec la période actuelle, c'est,
bien sûr, l'époque bénie des dieux pour la bourgeoisie
des années 1930-1940, celles des années sombres de la
contre révolution, quand il était "minuit dans le
siècle" pour la classe ouvrière. Une période
où le PCF s'est révélé un ardent défenseur
du capital national doublé d'un féroce prédateur
de la classe ouvrière comme en témoigne sa politique active
d'embrigadement du prolétariat dans la Seconde Guerre mondiale
au nom de l'antifascisme. Les grandes heures du PCF ont aussi été
celles de la Résistance et de la Libération où
il pouvait donner la pleine mesure de son hystérie chauvine en
scandant "A chacun son Boche !" et "Vive la France éternelle
!" tout en massacrant impitoyablement tous ceux qui refusaient
de marcher derrière le drapeau national en les accusant d'être
des "hitléro-trotskistes". Souvenons-nous également
des fameux "Retroussez vos manches !" ou "la grève
est l'arme des trusts !", lancés par Thorez dans l'immédiat
après-guerre à une classe ouvrière exsangue, frappée
par la pénurie alimentaire et que l'on poussait encore à
se sacrifier pour la "reconstruction nationale". C'était
encore ce plus fidèle et zélé apôtre de la
contre-révolution stalinienne, bourreau et exploiteur patenté
de plusieurs générations de prolétaires (voir notre
brochure Comment le PCF est passé au service du capital) qui
prit ainsi largement sa part dans la chasse aux révolutionnaires
orchestrée par la Guépéou et dont fit notamment
les frais à Paris en 1937 le fils aîné de Trotsky,
Léon Sédov. C'est donc avec l'aplomb le plus écoeurant
que LO, tout en se faisant le supporter de Duclos et de ses tueurs à
gages, se proclame en même temps digne héritière
de Trotsky.
Voilà sur quoi repose "le crédit que le PCF a hérité
du passé" et qui lui vaut l'honneur d'être rangé
au Panthéon bourgeois des plus zélés serviteurs
du capital. Si LO fait l'éloge d'un si redoutable ennemi de la
classe ouvrière, c'est parce que celui-ci bénéficie
frauduleusement depuis la fin des années 1920 du prestige de
l'héritage de la révolution d'Octobre et de l'Internationale
communiste de mars 1919. Et c'est bien entendu sur cette monumentale
escroquerie que s'appuie LO pour poursuivre son entreprise de mystification
pour le compte de la bourgeoisie auprès de la classe ouvrière.
Entre autres multiples exemples, dans son éditorial du 21 novembre
1998, LO montait déjà au créneau pour défendre
la mémoire de feu Georges Marchais (dernier dinosaure stalinien
français et légataire de Thorez) contre ses détracteurs
posthumes. Pour LO, ce que ces derniers ne supportaient pas, "c'est
ce qui rattachait Marchais au mouvement ouvrier et au mouvement communiste."
En faisant la promotion prétendument "ouvrière"
de Marchais, LO réaffirmait son soutien sans faille aux régimes
capitalistes d'Etat staliniens tout en apportant sa contribution à
la campagne idéologique de toute la bourgeoisie pour semer la
confusion entre la contre-révolution stalinienne et la révolution
communiste. Une fois de plus aujourd'hui, en exhumant le fabuleux passé
stalinien du PCF, il s'agit de perpétuer ce qui reste du plus
grand mensonge du 20e siècle et de confisquer aux ouvriers leur
histoire et leur perspective révolutionnaire. Toujours fidèle
à elle-même et à son camp, celui de la bourgeoisie,
LO nous montre une fois de plus qu'elle sait reconnaître les siens
et les défendre.
Dans le numéro 468 du Prolétaire (août-septembre 2003), organe de presse du Parti Communiste International (PCI), nous trouvons un article intitulé "Après les grèves du printemps, se préparer aux luttes futures" dans lequel cette organisation du courant de la Gauche communiste se livre, au passage, à une attaque en règle contre le CCI. Notre organisation y est en effet mise dans le même sac que les organes d'encadrement de l'Etat bourgeois (les syndicats et les groupuscules trotskistes) et est ouvertement dénoncée comme saboteur de la lutte prolétarienne. La réponse que nous apportons dans le présent article se propose de réfuter les "arguments" du PCI et de rétablir la vérité face à ses falsifications calomnieuses.
Mais
avant de répondre aux attaques du Prolétaire contre le
CCI, il n'est pas inutile d'examiner son analyse du mouvement de
grèves du printemps dernier et de s'arrêter au passage
sur l'analyse qu'il nous donne aujourd'hui des grèves de
décembre 1995.
Ainsi, dans le numéro 468 du Prolétaire,
on peut lire, à propos du mouvement de grèves du
printemps dernier : "Par rapport à 1995, il faut
cependant noter un fait positif : à l'époque, la grande
majorité des grévistes et des participants aux
manifestations n'avaient pu se rendre compte du rôle réel
des appareils syndicaux et avaient au contraire jugé
positivement leur engagement dans la lutte". Et le PCI en tire
la conclusion suivante : "le réformisme était
ressorti politiquement renforcé de cette grande vague de
lutte."
Ainsi, c'est avec huit
ans de retard (mais mieux vaut tard que jamais !) que le PCI a fini
enfin par comprendre que le mouvement de décembre 1995 n'était
pas un remake de mai 1968. En effet, à l'époque, le PCI
avait apporté sa petite contribution aux campagnes de la
bourgeoisie en affirmant que ce mouvement était "le plus
important du prolétariat français depuis la grève
générale de mai-juin 1968". (voir Le Prolétaire
n°435).
Aujourd'hui le PCI révise son analyse et nous
ne pouvons que nous réjouir de l'entendre affirmer que ce
n'est pas la classe ouvrière qui a été renforcée
par ce mouvement mais bien le réformisme bourgeois (bien qu'il
soit dommage qu'une organisation qui a la prétention de se
situer à l'avant garde de la classe ouvrière mette huit
ans avant de pouvoir adopter une analyse claire !). Néanmoins,
il faut quand même signaler que ce ne sont pas seulement les
grévistes qui "ont jugé positivement leur
engagement dans la lutte". C'est aussi hélas ! le PCI
puisque ce dernier, à l'instar de toutes les forces
d'encadrement de la bourgeoisie, avait à l'époque
présenté cette défaite de la classe ouvrière
comme une victoire en saluant la "force" du mouvement qui
aurait, à ses dires, imposé un "recul partiel du
gouvernement" (Le Prolétaire n°435).
Une
organisation révolutionnaire peut se tromper et revoir a
posteriori une analyse qu'elle estimait erronée. C'est
peut-être le cas pour le PCI concernant le mouvement de grèves
de décembre 1995.
Mais lorsqu'on examine son analyse des
grèves du printemps dernier contre les attaques du
gouvernement Raffarin, on ne peut être que perplexe de
découvrir des contradictions qui ne permettent en aucune façon
au lecteur de se faire une idée claire de la position du PCI
sur ce mouvement. Ainsi, dans le numéro 467 du Prolétaire
(juillet-août 2003) nous pouvons lire que "Quelle que soit
l'issue du mouvement en cours au moment où nous écrivons,
il ne constitue qu'une escarmouche dans l'affrontement social, dans
la lutte des classes (…) Mais si cette lutte de classe est menée
de façon consciente et scientifiquement organisée du
côté de la classe dominante, il n'en est pas de même
du côté de la classe dominée (…) Au-delà de l'issue contingente du mouvement actuel
(…) un progrès décisif en direction de la reprise de
la lutte de classe aura été accompli lorsque des
prolétaires d'avant-garde auront su tirer de l'expérience
amère des trahisons des prétendus chefs ouvriers et de
l'expérience enthousiasmante de la combativité des
masses, la conscience et la volonté de s'atteler au travail de
réorganisation classiste du prolétariat"
L'analyse que fait le PCI de ce mouvement qualifié à
juste raison d'"escarmouche" est malheureusement
immédiatement démentie non pas huit ans plus tard
(comme ce fut le cas pour son analyse du mouvement de décembre
1995), mais à peine un mois plus tard. En effet, dans le
numéro suivant du Prolétaire (août-septembre
2003), le PCI affirme que "Dans ce mouvement du printemps on a
vu pour la première fois depuis longtemps des employés
de l'Éducation Nationale, des enseignants, se mobiliser et
faire grève non pas sur des revendications corporatistes (…)
mais en tant que salariés, en tant que prolétaires.
Pour la première fois depuis longtemps on a vu les secteurs
combatifs essayer de se donner des formes d'organisation nécessaires
à leur lutte (souligné par nous) pour contrer les
blocages des appareils syndicaux. Il faut saluer et reconnaître
ce que cela représente de positif pour les luttes futures (…).
C'est dans cette direction, dans la direction indépendante de
classe des travailleurs, de l'utilisation des méthodes et des
moyens de lutte classistes (souligné par nous) que devra
passer et que passera la reprise de la lutte prolétarienne (…)
Il appartiendra aux prolétaires d'avant garde, sur la base des
bilans des luttes passées, de s'en pénétrer et
de s'en faire les vecteurs au sein de la classe."
Ainsi, d'un
côté le PCI affirme que les grèves du printemps
dernier n'étaient qu'une "escarmouche" puisque,
contrairement à la bourgeoisie, la classe ouvrière n'a
pas mené la lutte "de façon consciente et
scientifiquement organisée", de l'autre il salue le fait
que les travailleurs de l'Éducation nationale se soient dotés
de "formes d'organisation nécessaires à leur
lutte" (et qu'il se sont donc engagés "dans la
direction de l'organisation indépendante de classe"
!).
Cette analyse à géométrie variable révèle
non seulement l'incohérence de la pensée du PCI, mais
surtout la vacuité de son analyse.
Et c'est justement parce
que le PCI est totalement incapable d'élaborer la moindre
analyse du rapport de forces entre les classes qu'il se livre à
de telles contorsions. D'ailleurs il reconnaît lui-même
l'indigence de sa pensée lorsqu'il écrit dans le numéro
467 du Prolétaire : "En réalité la
gouvernement Raffarin était conscient des risques de
déclencher des mouvements de protestation et de grève,
et il s'est efforcé de préparer le terrain pour faire
passer avec un minimum de vagues son projet. Nous n'en ferons pas ici
une analyse détaillée" .
Effectivement, si le PCI s'était donné la
peine de mener une petite réflexion sur la façon dont
le gouvernement a préparé le terrain pour faire passer
ses attaques, il aurait peut-être été amené
à reconnaître que la bourgeoisie a élaboré
une gigantesque manœuvre "scientifiquement organisée"
(comme il l'affirme lui-même très justement) pour faire
passer l'attaque sur les retraites. Mais la répulsion primaire
et viscérale du PCI pour la méthode marxiste consistant
à faire une analyse scientifique de la façon dont la
bourgeoisie manoeuvre pour affronter la lutte de classe, ne pouvait
que le paralyser et le rendre impuissant à faire une "analyse
détaillée" des manœuvres de la classe dominante.
Le lecteur ne peut que rester sur sa faim. Si le PCI s'était
creusé un peu les méninges, il aurait pu éclairer
le lecteur et lui démontrer comment, concrètement, le
gouvernement Raffarin "s'est efforcé de préparer
le terrain pour faire passer avec un minimum de vagues son projet".
Peut-être aurait-il alors compris que pour faire passer
l'attaque sur les retraites, le gouvernement, avec la complicité
des syndicats et des gauchistes, avait réussi à isoler
les travailleurs de l'Education nationale en portant une attaque
spécifique à ce secteur (la décentralisation)
pour noyer l'attaque centrale contre le système des retraites
et empêcher une riposte massive et unie de toute la classe
ouvrière.
C'est une responsabilité primordiale des révolutionnaires que d'analyser scientifiquement la stratégie manoeuvrière de la bourgeoisie visant à saboter la lutte prolétarienne et à infliger des défaites cuisantes à la classe ouvrière. La démarche sibylline du PCI consistant à dire les choses à moitié, à ne jamais aller jusqu'au bout de son raisonnement, c'est justement celle de l'opportunisme qui a toujours affiché le plus grand mépris pour la théorie et l'approfondissement politique. C'est bien ce mépris propre au matérialisme vulgaire qu'on trouve dans le sarcasme adressé au CCI dans l'article du Prolétaire n°468. Ainsi le CCI aurait "justifié son refus d'appeler les travailleurs à prendre la lutte en main au nom d'une 'savante analyse' selon laquelle on aurait été en présence d'une manoeuvre de la bourgeoisie visant à infliger une défaite cinglante à la classe ouvrière". Ici le PCI ne se contente pas seulement de colporter le grossier mensonge (sur lequel nous reviendrons plus loin) suivant lequel le CCI aurait refusé d'appeler les travailleurs à prendre la lutte en main, mais il se permet encore de faire de l'ironie sur notre "savante analyse" des manœuvres de la bourgeoisie. Quand on est incapable de faire la moindre analyse cohérente comme le révèle les contradictions contenues dans les numéros 467 et 468 du Prolétaire (et c'est d'autant plus grotesque pour une organisation qui se réclame de "l'invariance" de son programme !), on est mal placé pour faire la leçon au CCI. Le PCI n'aime pas les analyses "savantes". C'est le seul "argument" qu'il est capable d'avancer pour réfuter l'analyse du CCI. Le PCI affirme platoniquement que les "prolétaires d'avant-garde" doivent tirer "des bilans des luttes passées" (Le Prolétaire n°468). Ce ne sont malheureusement que des paroles creuses. Quel bilan le PCI peut-il tirer du mouvement du printemps dernier alors qu'il n'est même pas capable aujourd'hui de répondre à cette question élémentaire : cette lutte s'est-elle oui ou non soldée par une défaite pour la classe ouvrière et quelles leçons cette dernière doit-elle en tirer pour ses combats futurs ? Ce B-A/BA du marxisme, le PCI ne l'a, de toute évidence, pas encore assimilé. C'est bien pour cela que, pour cacher l'indigence de sa pensée et l'incohérence de son "analyse", il ne peut que se gausser de la "savante analyse" du CCI. Cela frise l'indécence que de se réclamer du marxisme tout en affichant son mépris pour les "analyses savantes". Pour sa gouverne, il n'est pas inutile de rappeler au PCI que toute sa vie, Marx a bataillé pour donner à la classe ouvrière les instruments théoriques les plus développés, les plus acérés. Comme il le disait lui-même, c'est pour les ouvriers qu'il a écrit Le Capital et tous ses autres textes. De même, il a lutté avec la plus grande énergie contre ceux, notamment les "artisans communistes" (dans la Ligue des Justes), qui méprisaient la réflexion théorique dans le combat du prolétariat 1 [314].
Quant à l'affirmation de nos "artisans
communistes" du PCI suivant laquelle les travailleurs de
l'Éducation nationale se seraient dotés de "formes
d'organisation nécessaires à leur lutte" allant
dans la direction d'une "indépendance de classe",
elle appelle plusieurs remarques :
- de quelles formes
d'organisation s'agissait-il ? Là encore le PCI reste muet,
incapable d'en faire la moindre "analyse détaillée".
S'il évite de se prononcer clairement c'est encore pour
masquer son opportunisme indécrottable sur la question
syndicale et son rôle de porteur d'eau du syndicalisme
"radical", "à la base";
- en effet,
les seules formes d'organisation que nous avons vu apparaître
dans ce mouvement (assemblées générales, comités
de grève, coordinations) étaient totalement mises en
place, contrôlées et dirigés par les syndicats et
leurs bases trotskistes. Les AG étaient-elles souveraines ?
Les travailleurs en lutte se sont-ils organisés en dehors et
contre les syndicats ? Certainement pas ! En se refusant à
admettre la réalité des faits, le PCI veut nous faire
prendre des vessies pour des lanternes;
- ce que le PCI dénonce
dans sa presse, ce ne sont pas les syndicats et le syndicalisme sous
toutes ses formes, mais uniquement les "appareils syndicaux"
les "bonzeries syndicales", les "directions
syndicales";
- ce faisant, il ne fait rien d'autre que
reprendre à son compte le même refrain que les
trotskistes. Et c'est justement pour cela qu'il a vu dans ce
mouvement des "formes d'organisation nécessaires à
la lutte pour contrer les blocages des appareils syndicaux".
C'est exactement la position défendue par les amis d'Arlette
Laguiller dans le forum qu'il ont tenu à la dernière
Fête de LO sur la grève des travailleurs de l'Education
nationale. Ce n'est pas un hasard si le PCI (qui était
pourtant présent sur les lieux) ne s'est pas donné la
peine de faire entendre sa voix dans ce forum pour dénoncer
les manœuvres des trotskistes et les "formes d'organisation"
(notamment les coordinations) qu'ils avaient mises en place pour les
vider de tout contenu de classe et pour empêcher toute
tentative de prise en main de la lutte par les ouvriers eux-mêmes.
Faire croire, comme le fait le PCI, que grâce à ces
"formes d'organisation", les travailleurs de l'Education
nationale se seraient engagés dans la voie de "l'indépendance
de classe" est une attitude totalement irresponsable et indigne
d'une organisation révolutionnaire. C'est du pur
collaborationnisme avec les forces d'encadrement de l'Etat bourgeois
!
Lénine disait que "la patience et
l'humour sont les principales qualités des révolutionnaires."
Pour notre part, nous sommes prêts à donner rendez-vous
au PCI dans huit ans : peut-être sera-t-il capable, comme pour
le mouvement de décembre 1995, de réviser sa copie et
de comprendre que la lutte menée par les travailleurs de
l'Éducation nationale était en réalité
totalement contrôlée et encadrée par les
syndicats et leurs valets trotskistes (et qu'elle n'a pas "renforcé
la classe ouvrière" mais le réformisme bourgeois
!). Nous ne désespérons pas de voir un jour le PCI
surmonter ses ambiguïtés et aller un peu plus loin dans
sa réflexion. Avec un peu de chance, peut-être
finira-t-il un jour par reconnaître clairement que le mouvement
du printemps dernier (tout comme celui de décembre 1995) s'est
soldé par une défaite cinglante pour la classe ouvrière
qui a permis à la classe dominante, grâce à sa
stratégie "consciente et scientifiquement organisée"
non seulement de faire passer son attaque sur les retraites, mais
encore d'annoncer, sans risque d'explosion sociale, toute une série
de mesures anti-ouvrières dès la rentrée de
septembre.
Pour notre part, nous estimons que c'est la condition
pour que le PCI puisse se hisser à la hauteur de ses ambitions
: devenir LE parti "compact et puissant" dont a besoin la
classe ouvrière pour remplir sa mission historique de
renversement du capitalisme.
Dans la deuxième partie de cet
article qui paraîtra dans le prochain numéro de RI, nous
répondrons aux calomnies déversées par Le
Prolétaire n°468 contre le CCI.
GL
1 [315] C'est sur cette question que s'est produite la rupture entre Marx et Engels d'un côté, et Weitling de l'autre, le 30 mars 1846, lors d'une réunion du comité de correspondance communiste de Bruxelles. Weitling n'était pourtant pas n'importe qui : c'était un des principaux fondateurs de la Ligue des Justes qui devint par la suite la Ligue des Communistes sur mandat de laquelle Marx et Engels ont rédigé rien de moins que le Manifeste communiste. Mais à cette réunion, Weitling avait affirmé que, dans le combat contre la société capitaliste, les ouvriers n'arriveraient à rien par des analyses abstraites (ou des "analyses savantes"). Comme l'écrit un participant à cette réunion : " A ces derniers mots, Marx, absolument furieux, frappa du poing sur la table, si fort que la lampe en trembla et, se levant d'un bond, il s'écria : "Jusqu'à présent l'ignorance n'a jamais servi à personne !'" ( Voir La vie de Karl Marx par Boris Nicolaïevski).
Après l'Argentine en 2001/2002, c'est aujourd'hui au tour de la Bolivie d'être le théâtre de sanglantes révoltes "populaires". Avec 70% de la population (constituée de 8,8 millions d'habitants) vivant au dessous du seuil de pauvreté, la Bolivie est l'Etat le plus pauvre de l'Amérique du Sud.
Comme de nombreux pays aujourd'hui, la Bolivie vit sous perfusion
des crédits dispensés par le FMI en contrepartie de la
mise en place de politiques d'austérité pour rembourser
les dettes qui ne cessent de s'accroître. Après
l'effondrement de l'économie argentine, manifestation
éclatante de la faillite du capitalisme 1 [316],
la Bolivie (dont la presse bourgeoise nous dit qu'elle bénéficie
d'un programme spécifique d'aide, pour les pays pauvres très
endettés) ne cesse pourtant de s'enfoncer dans le marasme.
Depuis 1999, le taux de chômage a été multiplié
par deux. Dans un contexte où la majorité de la
population dispose de moins de 2 dollars par jour, l'exaspération
peut basculer à tout moment vers l'explosion sociale. Déjà
en janvier-février 2003, l'armée avait réprimé
des manifestations ouvrières, faisant plus de 20 morts, suite
à l'annonce d'un budget de rigueur et d'un impôt de 12,5
% sur les salaires des 750 000 fonctionnaires que compte le
pays.
Cette fois, c'est le projet d'exportation de gaz naturel
bolivien vers les Etats-Unis et le Mexique, via le Chili qui a
provoqué le soulèvement de la population, les paysans
se mobilisant plus particulièrement contre le projet du
gouvernement, soutenu par les Etats-Unis, d'éradiquer la
culture de la coca. Cette révolte populaire majoritairement
paysanne, dans laquelle se sont mêlés des étudiants,
des ouvriers de l'enseignement et des mines, a éclaté
dans la ville de La Paz, là où siège le
gouvernement, et à El Alto, dans la banlieue pauvre de la
capitale. Elle s'est ensuite propagée aux principales villes
boliviennes. Les affrontements entre la population et l'armée,
qui ont duré plus d'un mois, ont donné lieu à un
véritable massacre : plus de 80 morts et des centaines de
blessés.
Les révolutionnaires ne peuvent que
dénoncer une telle barbarie et affirmer leur pleine
solidarité, en particulier avec les ouvriers et leurs
familles, victimes de cette boucherie. Mais, en même temps, ils
doivent affirmer que cette lutte ne constitue pas un renforcement
pour le prolétariat dans la mesure où celui-ci a été
dilué dans un mouvement de "protestation populaire".
La démission du gouvernement de Sanchez de Lozada n'est pas "
une victoire pour la Bolivie d'en bas ", comme le titre le
journal Libération du 22 octobre, mais une victoire pour les
partis de la gauche bourgeoise bolivienne qui ont contrôlé
et suscité cette révolte "populaire".
Contrairement aux luttes du mois de février, dont la presse
bourgeoise a peu parlé, où les ouvriers ont réagi
sur leur propre terrain de classe en défense de leurs
conditions de vie, cette fois-ci, ils ont été noyés
dans un mouvement où ils n'ont aucun intérêt à
défendre. C'est la gauche bolivienne qui a entraîné
la population et les ouvriers dans la lutte nationaliste pour la
défense du gaz bolivien. C'est la centrale ouvrière
bolivienne (COB), la confédération syndicale unique des
travailleurs paysans de Bolivie (CSUTCB) et le mouvement vers le
socialisme (MAS) dirigé par Evo Morales (figure de la lutte
contre la mondialisation en Amérique du Sud et leader indien
défenseur des petits producteurs de feuilles de coca) qui sont
responsables de ce bain de sang, au même titre que le
gouvernement et son armée. En appelant à manifester sur
le thème " le gaz bolivien aux Boliviens " la gauche
bolivienne n'a fait que réactiver le séculaire
sentiment nationaliste anti-chilien (la Bolivie a perdu au 19e siècle
une partie de son territoire et notamment un accès à
l'océan Pacifique au profit du Chili, lors d'une guerre
opposant ces deux pays) dans la mesure où la construction du
gazoduc devait se faire en direction d'un port chilien pour exporter
le gaz vers les Etats-Unis 2 [317].
A ce nationalisme abject que la gauche bourgeoise bolivienne
répand comme un poison dans la classe ouvrière, il faut
ajouter que la question de l'éradication de la coca, même
si elle va précipiter encore plus de paysans dans la misère,
n'a rien à voir avec le combat de la classe ouvrière,
ni en Bolivie ni ailleurs. De même, la convocation prochaine
par le nouveau gouvernement bolivien de Carlos Mesa d'une assemblée
constituante qui permettrait en fait aux ethnies indiennes d'être
beaucoup plus représentées au sein du parlement
bourgeois, constitue un renforcement pour la démocratie
bourgeoise, mais en aucun cas de la classe ouvrière. C'est
dans cette assemblée constituante que seront élaborées,
n'en doutons pas, les prochaines mesures d'austérité
contre la classe ouvrière au nom de la défense de
l'Etat et de la patrie bolivienne.
Ainsi les événements
en Bolivie ne représentent en aucune façon une victoire
pour le prolétariat mais sont au contraire une victoire pour
la démocratie bourgeoise et notamment ses partis de gauche et
d'extrême gauche. On ne peut s'empêcher de comparer ce
mouvement en Bolivie avec le mouvement de 2001 en Argentine où
la classe ouvrière avait été noyée dans
un mouvement interclassiste 3 [318].
Ce
n'est pas à un mouvement de force du prolétariat
entraînant derrière lui les autres couches
non-exploiteuses que nous venons d'assister en Bolivie. Au contraire,
ce sont notamment les paysans et les "cocaleros"
(producteurs de coca), sous l'égide des syndicats et partis de
gauche, qui ont dirigé cette révolte. Les ouvriers ont
été noyés dans le mouvement dont le résultat
ne pouvait être qu'un renforcement de la démocratie
bourgeoise.
Dans une révolte "populaire"
interclassiste, la classe ouvrière ne peut qu'être
utilisée comme chair à canon, ce que vient d'illustrer
la récente répression. Sa perspective propre ne peut
qu'y être niée. Seule, la lutte autonome du prolétariat,
même embryonnaire, ouvre de véritables perspectives et
peut représenter une alternative pour les autres couches
exploitées de la société.
Donald (24 octobre)
1 [319] Voir l'article : " Révoltes 'populaires' en Argentine : seule l'affirmation du prolétariat sur son terrain de classe peut faire reculer la bourgeoisie [320] " dans notre Revue Internationale n°109, 2e trimestre 2002.
2 [321] On peut citer à ce sujet une prise de position que nous avons reçue ces jours derniers sur " La Révolte bolivienne " d'un groupe argentin qui vient de surgir, le "Nucleo Comunista International : "On a beau essayer de présenter cette "guerre pour le gaz" pour ce qu'elle n'est pas, celle-ci n'a aucun contenu prolétarien ni la moindre tendance vers une perspective contre le capitalisme décadent (…) La nationalisation ou étatisation des puits de gaz, ou la modification de la loi sur les hydrocarbures, tout cela ne signifie absolument pas socialisation des forces productives. Ce sont des politiques de l'Etat capitaliste pour prendre en charge, conserver et maintenir les lois de base du capitalisme et de l'exploitation. "
3 [322] Comme le signale encore le groupe argentin "Nucleo Comunista Internacional" :"Les événements de Bolivie ont une grande ressemblance avec ceux d'Argentine en 2001, dans lesquels le prolétariat s'est retrouvé noyé non seulement sous les mots d'ordre de la petite-bourgeoisie, mais encore sous le fait que de tels "mouvements populaires" ont, dans le cas de l'Argentine, comme dans celui de la Bolivie, une tendance assez réactionnaire lorsqu'ils posent la question de la reconstruction de la nation, ou celle d'expulser les "gringos" et réclament que les ressources naturelles reviennent à l'Etat bolivien."
Nous publions ci-dessous des extraits d'un courrier de lecteur qui entreprend de défendre l'anarcho-syndicalisme aujourd'hui et le combat de la CNT durant la guerre d'Espagne en 1936-1939. Nous nous limiterons dans notre réponse aux questions essentielles que soulève ce courrier.
"( …) il est très difficile de dire
à des collègues qui ont perdu un mois de salaire environ
que ce mouvement isolé a été nocif, mais c'est
aussi avec cette sincérité-là que nous pourrons
faire reculer la Poste sur ses projets de désorganisation. Il
ne s'agit pas de condamner le jusqu'au boutisme comme vous le faites
mais de cerner, dès le départ, les revendications sans
occulter la stratégie de l'employeur. Ceci en mettant en place
tous les principes qui font la force de la démocratie directe
(AG souveraines, mandatés révocables sur des revendications
précises, syndiqués ou non). C'est ce que tentent de faire
les anarcho-syndicalistes partout où ils sont présents.
Ce n'est pas la révolution tous les jours mais c'est un moyen
de vivre ses idées et de participer au sabotage du profit capitaliste.
Enfin, il serait juste de rappeler que la CNT espagnole a mené
le plus loin le mouvement d'auto-émancipation humaine jamais
réalisé au XXe siècle en 1936-39, même s'il
faut y soulever toutes ses insuffisances. Pour ma part, l'anarcho-syndicalisme
n'entre pas en contradiction avec le mouvement des conseils mais doit
le favoriser (...)".
Concernant les luttes ouvrières et l'intervention des révolutionnaires
dans ces luttes, notre lecteur fait référence à
une grève dans un centre de tri postal de l'agglomération
rouennaise dont nous nous étions fait l'écho de façon
critique dans RI n° 329 daté de décembre 2002 et qui
avait déjà suscité un précédent courrier
de lecteur auquel nous avions répondu dans RI n° 333.
Certes, nous ne pouvons qu'approuver quelques remarques de ce lecteur.
C'est vrai qu'il n'est pas facile "de dire à des collègues
qui ont perdu un mois de salaire environ" dans une grève
que ce mouvement a été nocif parce qu'il est resté
isolé. Nous sommes totalement d'accord avec lui quand il ajoute
que dire la vérité aux autres ouvriers est pourtant le
seul moyen de faire reculer la bourgeoisie. Cependant nous nous demandons
pourquoi il ne reste pas conséquent avec cette affirmation en
nous reprochant aussitôt après "de condamner le jusqu'au
boutisme".
Pour nous, le jusqu'au boutisme "est nocif pour la lutte"
précisément parce qu'il pousse la lutte dans l'isolement
et ne peut entraîner que la défaite la plus amère
et démoralisante. Et nous devons toujours avoir la sincérité
de dire cette vérité-là à tous les ouvriers.
Notons qu'avec ces propos contradictoires, il est difficile de savoir
ce que pense vraiment notre lecteur des positions défendues par
le CCI dans cette grève.
Mais les contradictions de notre lecteur sont pourtant révélatrices
d'une divergence de point de vue. Le CCI, dans ses prises de position
et ses interventions, se revendique clairement du marxisme et de sa
méthode. Notre lecteur se réclame, lui, ouvertement de
l'anarchisme et plus précisément de l'anarcho-syndicalisme
dont il cherche à défendre les positions.
Certes, l'anarchisme se prétend révolutionnaire et proclame
bien haut et fort sa volonté de changer le monde. Cependant,
l'anarchisme et le marxisme s'opposent sur deux aspects essentiels :
d'une part, sur la vision du but à atteindre, c'est-à-dire
pour quelle transformation de la société nous nous battons
et, d'autre part, sur la conscience du monde dans lequel nous vivons
qui implique de comprendre par quels moyens parvenir à le transformer.
Sur le premier point, l'anarchisme se fourvoie sur toute la ligne quant
à la perspective de ce qu'est une société sans
classes quand il réclame fondamentalement une société
égalitaire dont les rapports sociaux seraient fondés sur
la liberté individuelle et des principes fédéralistes
entre diverses communautés autonomes. Le marxisme se bat dans
une tout autre perspective car il a une autre compréhension de
la société communiste : il s'agit d'un stade supérieur
d'accomplissement de l'humanité. L'organisation même de
la société communiste, parce qu'elle est conditionnée
par la satisfaction des besoins humains ne peut être assumée
que collectivement et de façon centralisée.
Sur le second point, le marxisme met en avant que nous vivons dans une
société de classes, une société d'exploitation
et que la lutte de classe est le seul moteur possible du combat prolétarien
contre la bourgeoisie pour renverser l'exploitation, là où
l'anarchisme ne comprend pas la place centrale de la classe ouvrière
dans les rapports de production et son rôle historiquement révolutionnaire
qui porte en lui l'émancipation des chaînes de l'exploitation
pour toute l'humanité. L'anarchisme, au lieu de considérer
qu'il existe un rapport de forces entre des classes sociales, préconise
pour tout un chacun de se battre avant tout contre des rapports d'autorité
d'où qu'ils viennent.
Ce que ne comprennent pas en particulier les anarchistes, c'est la nature
révolutionnaire, et par conséquent la dimension politique
essentielle du prolétariat comme classe, qui est à la
fois fossoyeur du capitalisme et porteur d'un autre projet de société.
Les anarcho-syndicalistes séparent les revendications économiques
et la dimension politique et, de ce fait, enferment les ouvriers sur
un terrain purement revendicatif en les empêchant de faire le
lien avec la dimension politique de leurs luttes. Cela revient à
ne pas comprendre la nécessité de la révolution
prolétarienne, à ne pas reconnaître le rôle
émancipateur du prolétariat dans la société.
Les marxistes ont toujours combattu le vieux fonds de commerce de l'anarchisme
selon lequel la révolution pouvait se décréter.
Rosa Luxembourg en particulier a consacré toute une brochure,
Grève de masses, parti et syndicats, essentiellement dirigée
contre la vision de la grève générale prônée
à la fois par Bakounine (vieux credo récurrent du viatique
anarchiste) et par tout le courant réformiste au sein de la 2e
Internationale. Elle met en avant, à travers l'exemple vivant
de 1905 en Russie, la dynamique de la grève de masses qui démontre
l'interaction constante entre revendications économiques et affirmation
du prolétariat sur le terrain politique. Chaque lutte porte inévitablement
à la fois des revendications économiques immédiates
et un niveau de réflexion et de maturité politique. Les
notions et les principes abstraits mis en avant par l'anarchisme tels
que la démocratie directe, le sabotage du profit capitaliste,
leurs recettes sur la grève générale ne renvoient
pas seulement à une terminologie particulière mais relèvent
d'une conception de la lutte par des actions individuelles ou minoritaires
totalement étrangère au marxisme. Cela a des répercussions
qui ne restent pas dans le domaine abstrait mais qui sont éminemment
pratiques.
L'évolution du capitalisme depuis son entrée en décadence
au début du siècle précédent, n'a fait que
confirmer l'incapacité pour le prolétariat d'obtenir des
conquêtes durables sur le plan économique.
C'est pourquoi la défense de ses intérêts immédiats
acquiert d'emblée une dimension politique pour la classe ouvrière,
allant dans le sens d'une remise en question de la société
capitaliste. Ce qui entraîne non seulement la faillite historique
du syndicalisme du point de vue de la défense des intérêts
prolétariens mais condamne irrémédiablement celui-ci
à être totalement intégré dans les rouages
de l'Etat capitaliste et à assumer une fonction essentiellement
mystificatrice d'encadrement et de sabotage des luttes ouvrières
au service du capitalisme.
Nous ne partageons nullement l'appréciation de notre lecteur
qui estime que "l'anarcho-syndicalisme n'entre pas en contradiction
avec le mouvement des conseils" et même "le favoriserait".
Même si nous accordons une importance de premier ordre aux assemblées
générales et au caractère souverain des décisions
qu'elles prennent, nous n'y donnons pas du tout le même sens et
n'y mettons pas le même contenu que l'anarchisme. Ce n'est pas
parce qu'elles seraient l'expression d'un quelconque besoin abstrait
d'un "principe de démocratie directe" mais parce qu'elles
sont la forme spontanée dans laquelle s'exprime le développement
de la lutte de classe, elles sont l'expression de la classe en lutte
qui se rassemble et s'organise de façon unitaire et qui tente
de se donner les moyens d'affronter la bourgeoisie.
Les AG ne portent pas en soi la conscience de classe mais expriment
en fait un degré tout à fait variable de maturité
et de conscience. Ce niveau se traduit à travers leurs discussions
et leurs décisions concrètes, leurs perspectives, les
délégués révocables qu'elles élisent.
Elles sont l'expression à un moment donné de la dynamique
unitaire et collective de la classe, de la grève de masse. Les
AG, parce qu'elles sont une condition indispensable de l'affirmation
révolutionnaire du prolétariat en lutte, ouvrent la possibilité
de développer la dynamique d'extension de la lutte, la conscience
des enjeux et l'unité de la classe au-delà des divisions
corporatistes ou sectorielles. Et c'est dans les moments les plus forts
de cette dynamique d'extension de la lutte et de confrontation avec
son ennemi de classe dans les périodes révolutionnaires,
que le prolétariat est capable de s'organiser en conseils ouvriers.
Cette expression unitaire et collective de la lutte s'oppose en réalité
à la conception fédéraliste des anarchistes. C'est
pourquoi les AG et les conseils ouvriers représentent tout autre
chose pour le prolétariat qu'un instrument au service d'un simple
"sabotage du profit capitaliste". Il ne s'agit pas de réduire
les luttes et leurs AG comme le font la plupart du temps les anarcho-syndicalistes
à une accumulation additionnelle de grèves juxtaposées,
une fédération de grèves autonomes, chacune mobilisée
autour de ses propres revendications, quand ils ne la réduisent
pas à une couverture falsificatrice qui sert tout bonnement aux
agissements d'une minorité syndicale ou gauchiste. Ainsi, la
vision anarchiste participe pleinement à la dénaturation
du rôle des AG car elle masque que ces AG, comme les autres organes
de la lutte de classe, sont à la fois le lieu et l'enjeu d'une
confrontation politique dans laquelle le prolétariat doit affirmer
et imposer les besoins de sa lutte contre les entreprises bourgeoises
de contrôle et de dévoiement du combat de classe.
La révolution n'est pas seulement une affaire de sincérité
des individus mais le produit d'un rapport de forces et d'un développement
de la conscience de classe au sein de la classe ouvrière dans
son ensemble. L'hétérogénéité de
cette maturation de la conscience au sein du prolétariat détermine
l'engagement et le rôle des organisations révolutionnaires
dont la responsabilité essentielle est de toujours mettre en
avant et défendre les intérêts communs comme les
buts historiques de la classe ouvrière et de ses luttes. La conscience
de classe n'est pas le seul produit mécanique du développement
ou du reflux des luttes ouvrières mais d'une expérience
historique, d'une maturation au sein des conditions sociales, historiques,
matérielles à un moment donné.
Si notre lecteur admet qu'il faut tenir compte de l'état du rapport
des forces entre les classes en énonçant "qu'il ne
s'agit pas de faire la révolution tous les jours", il réintroduit
aussitôt par la fenêtre ce qu'il vient de faire sortir par
la porte en ajoutant qu'on peut au jour le jour "participer au
sabotage du profit capitaliste". Pour l'anarchisme, il s'agit non
de se battre collectivement, de développer un rapport de forces
en tant qu'exploités contre l'exploitation capitaliste mais de
"saboter le profit capitaliste", soit individuellement, soit
par une minorité combative et déterminée. De ce
fait, pour l'anarchisme, la révolution est possible à
tout moment. Pour les marxistes, le combat de classe n'est pas "un
combat pour faire vivre ses idées", relevant d'un "libre
choix individuel". Contre cette vision totalement idéaliste
propre à l'anarchisme, nous affirmons que le combat de classe
et l'abolition de l'exploitation capitaliste correspondent à
une nécessité matérielle pour le prolétariat,
dans un monde où l'histoire de l'humanité se confond jusqu'ici
avec l'histoire de la lutte des classes.
L'anarchisme en général, et l'anarcho-syndicalisme en
particulier, sont incapables de s'appuyer sur une vision historique.
Ce point de vue néglige de tirer les leçons des luttes
précédentes et ignore superbement l'expérience
historique du mouvement ouvrier, qui est le point d'appui essentiel
du marxisme. Les intérêts et les positions de classe sont
en fait les produits de l'expérience du mouvement ouvrier, de
la maturation de la conscience de classe.
C'est pourquoi l'anarchisme, en se privant de la seule véritable
boussole permettant de mener le combat de classe, en est réduit
à s'accrocher à des principes abstraits, à une
vision moralisante quand il entreprend de s'engager dans ce combat.
Les anarchistes agissent à partir de jugements de valeur, de
principes moraux parce qu'ils ignorent ou méconnaissent les fondements
matériels des principes prolétariens. Les corollaires
de l'anarchisme, qu'il porte dans son patrimoine génétique,
sont toujours l'immédiatisme et l'activisme.
C'est aussi pourquoi, face aux situations concrètes, les anarchistes
choisissent toujours ce qui leur paraît être le moindre
mal, ce qui en fonction de leurs critères est la solution ou
la voie la moins "autoritaire", ce qui les amène à
tomber dans tous les pièges tendus par la bourgeoisie, à
choisir la "démocratie" contre le "fascisme"
et, comme on l'a vu dans la guerre d'Espagne, à s'enrôler
activement dans le camp républicain contre Franco. Autrement
dit, ils sont le plus souvent amenés à choisir entre deux
fractions bourgeoises, et à se laisser happer par l'une d'elles
en désertant et en trahissant le camp du prolétariat.
Nous reviendrons dans la deuxième partie de notre réponse
(qui paraîtra dans le prochain numéro de RI) sur les appréciations
de notre lecteur concernant la CNT et la guerre d'Espagne pour démontrer
que le courant anarchiste n'a pas davantage de boussole face à
la guerre impérialiste que dans la lutte de classe et nous mettrons
en avant les leçons que doivent en retirer les ouvriers sur le
rôle réel joué par la CNT pendant la période
1936-39.
Dans la première partie [324] de cet article, nous avons vu que le communisme n'était pas seulement un vieux rêve de l'humanité ou le simple produit de la volonté humaine, mais qu'il se présentait comme la seule société capable de surmonter les contradictions qui étranglent la société capitaliste. Après un formidable développement des forces productives, le capitalisme est entré dans sa phase de décadence au moment où il a conquis le marché mondial. Depuis, le communisme est devenu une possibilité matérielle. La barbarie permanente, les deux guerres mondiales et aujourd'hui la décomposition de la société même font que le communisme est resté plus que jamais nécessaire : pas seulement pour les progrès de l'humanité mais aussi et surtout pour sa survie même. Aussi, contrairement au discours de ceux qui nous ont annoncé en grandes pompes la "mort du communisme" au moment de l'effondrement du stalinisme, ancien bastion du capitalisme décadent, il est impossible "d'adapter" ou de "réformer" le capitalisme pour le rendre "plus humain". Dans cette deuxième partie, nous allons examiner les conceptions de ceux qui, en admettant une critique du stalinisme, pensent que, de toutes façons la société telle que Marx l'envisageait est impossible à réaliser comme l'illustrerait le déchaînement de l'égoïsme, de la soif de pouvoir et le "chacun pour soi", véritables manifestations d'une prétendue "nature humaine".
Cette "nature" est un peu comme la pierre philosophale que les alchimistes ont recherchée pendant des siècles. Jusqu'à présent, toutes les études sur les "invariants sociaux" (comme le disent les sociologues), c'est-à-dire sur les caractéristiques du comportement humain valables dans tous les types de société ont fait surtout apparaître à quel point la psychologie et les attitudes humaines étaient variables et liées au cadre social dans lequel s'est développé chaque individu considéré. En fait, s'il fallait définir une caractéristique fondamentale de cette fameuse "nature humaine" qui la distingue de celle des autres animaux, c'est bien l'énorme importance de "l'acquis" par rapport à "l'inné", c'est bien sûr le rôle décisif que joue l'éducation, et donc l'environnement social dans ce qu'est l'homme adulte.
"L'abeille confond par la structure de ses cellules de cire l'habileté de plus d'un architecte ; mais ce qui distingue dès l'abord le plus mauvais architecte de l'abeille la plus experte, c'est qu'il a construit la cellule dans sa tête avant de la construire dans la ruche", remarquait Marx. C'est de façon génétiquement programmée que l'abeille possède l'aptitude de construire des hexagones parfaits, comme le pigeon voyageur de retrouver son nid à 1000 km de distance ou que l'écureuil emmagasine des noisettes qu'il est par la suite incapable de retrouver. Par contre, la forme finale de l'édifice que va concevoir notre architecte sera déterminée bien moins par un quelconque héritage génétique que par toute une série d'éléments qui lui seront fournis par la société dans laquelle il vit. Qu'il s'agisse du type d'édifice qui lui a été commandé, des matériaux et des outils utilisables, des techniques productives des divers corps de métier pouvant participer au produit, des connaissances scientifiques auxquels il doit se conformer, c'est le milieu social qui les détermine.
A côté de cela, la part de ce qui revient à un "inné" transmis génétiquement par les parents de l'architecte se mesure essentiellement au fait que le fruit de leur accouplement n'a pas été une abeille ou un pigeon mais, comme eux, un homme, c'est-à-dire un individu appartenant à l'espèce humaine chez qui, justement, la part de l'acquis entrant dans la formation du sujet adulte est de loin la plus importante.
Il en est de la nature des comportements comme de la nature des produits du travail. Ainsi le vol est un crime, c'est-à-dire une perturbation du fonctionnement de la société qui, si elle était généralisée, deviendrait pour elle catastrophique. Celui qui vole ou plus encore, qui menace, enlève ou tue des personnes est un criminel, un être considéré presque unanimement comme malfaisant, asocial, qu'il s'agit "d'empêcher de nuire" (à moins qu'il ne le fasse dans le cadre des lois existantes, auquel cas son habileté à extorquer la plus-value aux prolétaires sera louée et grassement récompensée et son efficacité dans le massacre de ceux-ci lui vaudra galons et médailles). Mais le comportement "vol" et les criminels "voleurs", "ravisseurs" ou "assassins crapuleux" ainsi d'ailleurs que tout ce qui s'y rapporte : lois, juges, policiers, prisons, films policiers, romans de la "série noire", pourraient-ils exister s'il n'y avait rien à voler parce que tous les biens matériels, de par l'abondance permise par le développement des forces productives, seraient à la libre disposition de tous les membres de la société ? Évidemment non ! Et on pourrait multiplier les exemples illustrant à quel point les comportements, les attitudes, les sentiments, les relations entre les hommes sont déterminés par le milieu social.
Des esprits chagrins objecteront que, s'il existe des comportements asociaux, quelle que soit la forme qu'ils revêtent, en fonction des formes de société, c'est qu'il existe au tréfonds de la "nature humaine" une part d'attitude anti-sociale, d'agressivité contre autrui, de "criminalité potentielle". Et de dire : "Bien souvent le voleur ne l'est pas par nécessité matérielle", "le crime gratuit existe", ou bien, si "les nazis ont pu commettre de telles horreurs, c'est que l'homme porte en lui le mal, lequel s'épanouit pour peu que les conditions lui soient favorables". Mais que signifient de telles objections sinon qu'il n'existe pas une "nature humaine" en soi "bonne" ou "mauvaise", mais bien un homme social dont les multiples potentialités s'expriment différemment suivant les conditions dans lesquelles il vit. Les statistiques à cet égard sont éloquentes : est-ce la "nature humaine" qui devient pire lors des périodes de crise de la société où l'on voit se développer la criminalité et tous les comportements morbides ? Le développement d'attitudes "asociales" chez un nombre croissant d'individus n'est-il pas au contraire l'expression d'une inadéquation croissante de la société existante à l'égard des besoins humains, lesquels, éminemment sociaux, ne trouvent plus à se satisfaire au sein de ce qui justement devient de moins en moins une société, une communauté ?
Les mêmes esprits chagrins ou leurs congénères basent leur rejet de la possibilité du communisme sur l'argument suivant : "Vous parlez d'une société qui satisfera vraiment les besoins humains, mais justement la propriété, le pouvoir sur autrui sont des besoins humains essentiels et le communisme, qui les exclut, est vraiment mal adapté pour une telle satisfaction. Le communisme est impossible parce que l'homme est égoïste".
Dans l'Introduction à l'économie politique, Rosa Luxemburg décrit les émois des bourgeois anglais qui, lors de la conquête de l'Inde, découvrent des peuples qui ne connaissent pas la propriété privée. Ils se consolaient en se disant que c'étaient des "sauvages", mais ceux-là même à qui toute l'éducation avait appris que la propriété privée est "naturelle" étaient bien embarrassés de constater que c'étaient des "sauvages" qui avaient justement le mode de vie le plus "artificiel". De fait, l'humanité avait "un tel besoin naturel de propriété privée" qu'elle s'en est passée pendant plus d'un million d'années. Et dans bien des circonstances, c'est à coups de massacres, comme ce fut le cas des Indiens cités par Rosa Luxemburg, qu'on fit découvrir aux hommes ce "besoin naturel". Il en est de même d'ailleurs du commerce, forme "naturelle et unique" de circulation des biens et dont l'ignorance par des autochtones scandalisait le colonisateur : indissociable de la propriété privée, il apparaît avec elle et disparaîtra avec elle.
L'idée est également courante que si le profit n'existait pas comme stimulant de la production et de son progrès, si le salaire individuel n'était pas la contrepartie des efforts dépensés par le travailleur, plus personne ne produirait. Effectivement, plus personne ne produirait de façon capitaliste, c'est-à-dire dans un système basé sur le profit et le salariat, où la moindre découverte scientifique doit être "rentable", où le travail, par sa durée, son intensité, sa forme inhumaine est devenu une malédiction pour la très grande majorité des prolétaires. Par contre, le savant qui, par ses recherches, participe au progrès de la technique a-t-il besoin d'un "stimulant matériel" pour travailler ? En général, il est moins payé que le cadre commercial qui lui, ne fait faire aucun progrès à la connaissance. Le travail manuel est-il nécessairement désagréable ? A quoi rimerait alors l'expression "amour du métier" ou l'engouement pour le bricolage et toutes sortes d'activités manuelles qui souvent reviennent fort cher ? De fait, le travail, quand il n'est pas aliéné, absurde, épuisant, quand ses produits ne deviennent pas des forces hostiles aux travailleurs, mais des moyens de satisfaire réellement des besoins de la collectivité, devient le premier besoin humain, une des formes essentielles d'épanouissement des facultés humaines. Dans le communisme, les hommes produiront pour leur plaisir.
De l'existence aujourd'hui généralisée de chefs, de représentants de l'autorité, on déduit qu'aucune société ne peut se passer de chefs, que les hommes ne pourront jamais se passer d'autorité subie ou exercée sur autrui.
Nous ne reviendrons pas ici sur ce que le marxisme a depuis longtemps dit sur le rôle des institutions politiques, sur la nature du pouvoir étatique et qui se résume dans l'idée que l'existence d'une autorité politique, d'un pouvoir de certains hommes sur les autres est le résultat de l'existence dans la société d'oppositions et d'affrontements entre groupes d'individus (les classes sociales) aux intérêts antagoniques.
Une société où les hommes se font concurrence entre eux, où leurs intérêts s'opposent, où le travail productif est une malédiction, où la coercition est permanente, où les besoins humains les plus élémentaires sont foulés aux pieds pour la grande majorité, une telle société a "besoin" de chefs (comme elle a besoin d'ailleurs de policiers ou de religion). Mais qu'on supprime toutes ces aberrations, et on verra si les chefs et le pouvoir sont toujours nécessaires. "Oui, répond l'esprit chagrin, l'homme a besoin de dominer autrui ou d'être dominé. Quelle que soit la société, le pouvoir de certains sur les autres existera". Il est vrai que l'esclave qui a toujours porté des chaînes aux pieds a l'impression qu'il ne pourrait pas s'en passer pour marcher. Mais l'homme libre n'a jamais cette impression. Dans la société communiste, les hommes libres ne feront pas comme ces grenouilles qui voulaient un roi. Le besoin pour les hommes d'exercer un pouvoir sur autrui est le complément de ce que l'on pourrait appeler "la mentalité d'esclave" : l'exemple de l'armée où l'adjudant bête et discipliné est en même temps celui qui aboie en permanence après ses hommes, est à cet égard significatif. De fait, si les hommes ont besoin d'exercer un pouvoir sur d'autres, c'est qu'ils exercent bien peu de pouvoir sur leur propre vie et sur l'ensemble de la marche de la société. La volonté de puissance de chaque homme est à la mesure de son impuissance réelle. Dans une société où les hommes ne sont les esclaves impuissants ni des lois de la nature, ni des lois de l'économie, où ils se libèrent des secondes et utilisent de façon consciente les premières à leurs propres fins, où ils sont des "maîtres sans esclaves", ils n'ont plus besoin de ce piètre ersatz de puissance que constitue la domination d'autres hommes.
Et il en est de l'agressivité comme de la "soif de pouvoir". Face à l'agression permanente d'une société qui marche sur la tête, qui lui impose une angoisse perpétuelle et un refoulement constant de ses propres désirs, l'individu est nécessairement agressif : c'est la simple manifestation, bien connue chez tous les animaux, de l'instinct de conservation. Des psychologues savants affirment que l'agressivité serait une pulsion inhérente à toutes les espèces du règne animal, et ayant besoin de se manifester en toutes circonstances : même si c'est le cas, que les hommes aient l'occasion de l'employer à combattre les obstacles matériels qui entravent un épanouissement chaque jour plus grand, et nous verrons s'ils ont encore besoin de l'exercer contre d'autres hommes !
Le "chacun pour soi" serait une caractéristique de l'homme. C'est incontestablement une caractéristique de l'homme bourgeois, du "self made man", de celui "qui s'est fait tout seul", mais cela n'est qu'une expression idéologique de la réalité économique du capitalisme et n'a rien à voir avec la "nature humaine". Sinon il faudrait considérer que cette "nature humaine" s'est transformée radicalement depuis le communisme primitif ou même depuis le féodalisme avec sa communauté villageoise. De fait, l'individualisme fait une entrée massive dans le monde des idées quand les petits propriétaires indépendants font leur apparition à la campagne (abolition du servage) et à la ville. Petit propriétaire qui a réussi - notamment en ruinant ses voisins - le bourgeois adhère avec fanatisme à cette idéologie et lui décerne le titre de "naturelle". Par exemple, il ne s'embarrasse pas de scrupules pour faire de la théorie de Darwin une justification de la "lutte pour la vie", de la "lutte de tous contre tous".
Mais avec l'apparition du prolétariat, classe associée par excellence, une faille s'ouvre dans la domination sans partage de l'individualisme. Pour la classe ouvrière, la solidarité est en premier lieu un moyen élémentaire d'assurer une défense élémentaire de ses intérêts matériels. A ce stade du raisonnement, on peut déjà répondre à ceux qui prétendent que "l'homme est naturellement égoïste" : s'il est égoïste, il est également intelligent et la simple volonté de défendre son intérêt bien compris le pousse à l'association et à la solidarité dès que les conditions sociales le permettent. Mais ce n'est pas tout encore : chez cet être social par excellence, la solidarité et l'altruisme sont, tant dans un sens que dans l'autre des besoins essentiels. L'homme a besoin de la solidarité des autres, mais il a autant besoin de leur manifester sa solidarité. Et c'est quelque chose qui se manifeste de façon fréquente dans notre société aussi aliénée qu'elle soit et qui est reconnu de façon simple et courante par l'idée que "chacun a besoin de se sentir utile aux autres". Certains diront que l'altruisme est encore une forme d'égoïsme puisque celui qui le pratique se fait en premier lieu plaisir à lui-même. Soit ! Mais c'est là une autre formulation de l'idée défendue par les communistes qu'il n'y a pas par essence opposition - bien au contraire - entre l'intérêt individuel et l'intérêt collectif. Une opposition entre l'individu et la société se manifeste dans les sociétés d'exploitation, dans les sociétés qui connaissent la propriété privée (c'est-à-dire privée aux autres) et il n'y a rien là que de très logique : comment pourrait-il y avoir harmonie entre, d'une part, des hommes qui subissent l'oppression et, d'autre part, les institutions qui garantissent et perpétuent cette oppression. Dans une telle société, l'altruisme ne peut essentiellement se manifester que sous forme de charité ou sous forme de sacrifice, c'est-à-dire de négation de soi-même, et non comme affirmation, épanouissement communs et complémentaires de soi et de l'autre.
Contrairement à ce que voudrait faire croire la bourgeoisie, le communisme n'est donc pas négation de l'individualité : c'est le capitalisme où le prolétaire devient un appendice de la machine qui opère une telle négation et qui la pousse à l'extrême dans cette expression spécifique de son pourrissement, le capitalisme d'État. Dans le communisme, dans cette société débarrassée de cet ennemi de la liberté par excellence qu'est l'État, dont l'existence est devenue sans objet, c'est le règne de la liberté qui s'instaure pour chaque membre de la société. Parce que c'est socialement que l'homme réalise ses multiples potentialités et parce que disparaît l'antagonisme entre intérêt individuel et intérêt collectif, c'est un champ nouveau qui s'ouvre pour l'épanouissement de chaque individu.
De même, bien loin d'accentuer encore la morne uniformité généralisée par le capitalisme, comme le soutiennent les bourgeois, le communisme, parce qu'il permet de rompre avec une division du travail qui fige chaque individu dans un rôle qui lui colle à la peau toute sa vie durant, est par excellence la société de la diversité. Désormais, tout nouveau progrès de la connaissance ou de la technique n'est plus l'occasion d'une spécialisation encore plus poussée, mais au contraire élargit chaque fois plus le champ des multiples activités à travers lesquelles chaque homme peut s'épanouir ! Comme l'écrivaient Marx et Engels : "Dès l'instant où le travail commence à être réparti, chacun a une sphère d'activité exclusive et déterminée qui lui est imposée et dont il ne peut sortir ; il est chasseur, pêcheur, ou berger ou critique critique, il doit le demeurer s'il ne veut pas perdre ses moyens d'existence ; tandis que dans la société communiste, où chacun n'a pas une sphère d'activité exclusive, mais peut se perfectionner dans la branche qui lui plaît, la société réglemente la production générale, ce qui crée pour moi la possibilité de faire aujourd'hui telle chose, demain telle autre, de chasser le matin, de pêcher l'après midi, de pratiquer l'élevage le soir, de faire de la critique critique après le repas, selon mon bon plaisir, sans jamais devenir chasseur, pêcheur ou critique" (l'Idéologie allemande).
Oui, et n'en déplaise aux bourgeois et à tous les esprits sceptiques ou chagrins, le communisme est fait pour l'homme, l'homme peut vivre dans le communisme et le faire vivre !
Reste un dernier argument à examiner : "Oui le communisme est nécessaire et matériellement possible ! Oui, l'homme pourrait vivre dans une telle société ! Mais il est aujourd'hui tellement aliéné dans la société capitaliste que jamais il n'aura la force de réaliser un aussi gigantesque bouleversement que la révolution communiste !" C'est ce que nous ferons dans la suite de cet article.
D'après RI n° 62, juin 1979
La bourgeoisie française
n'a de cesse de proclamer que si les temps sont difficiles aujourd'hui,
cela ira mieux demain. Il n'est pas un seul jour sans que les journalistes
et autres experts bourgeois ne nous promettent une reprise économique
pour l'année prochaine. Le message est clair : la classe ouvrière
doit courber l'échine et se serrer la ceinture dans l'attente
de lendemains meilleurs. Cela fait maintenant des dizaines d'années
que la bourgeoisie nous tient régulièrement les mêmes
discours alors que les conditions d'existence des prolétaires,
elles, n'ont cessé de se dégrader.
Ces six derniers mois, c'est une véritable déferlante
de plans sociaux qui s'est abattue sur la classe ouvrière. On
a compté en France (selon les statistiques officielles de la
bourgeoisie), au cours de ces derniers mois, 25 000 faillites d'entreprises,
60 000 suppressions d'emplois, 220 000 demandeurs d'emploi supplémentaires,
tandis que la courbe du chômage devrait passer la barre des 10%
en fin d'année. Une masse croissante d'ouvriers n'ayant plus
aucun droit est rayée des statistiques du chômage. Contrairement
à ce que prétend la bourgeoisie, ce n'est pas 2,5 millions
de chômeurs que compte actuellement la France mais bien plus de
5 millions. Et que dire de cette nouveauté, le RMA (revenu minimum
d'activité) ? Un RMA, "qui devrait entrer en vigueur, début
2004, et dont l'objectif est d 'améliorer l'insertion des allocataires
du RMI ? La réforme de M. Fillon puise ses racines dans une philosophie
précise :'il n'apparaît pas sain qu'une allocation-chômage
puisse, sans limitation de durée, indemniser l'absence d'emploi'."
(Le Monde du 22 octobre). Quel cynisme ! La réalité est
tout autre : avec cette nouvelle attaque frontale contre la classe ouvrière,
les chômeurs qui ne pourront retrouver du travail (et qui, avec
l'aggravation de la crise, seront de plus en plus nombreux) ne toucheront
tout simplement plus rien pour vivre.
Pendant ce temps, un nombre croissant de grandes entreprises licencient
massivement : Aventis, STMicroelectronic, Alcatel, Giat-Industries,
Eramet, les Télécoms, Alstom... Le rythme de fermeture
d'usines s'accélère et, contrairement aux mensonges de
la bourgeoisie, cette accélération se poursuivra encore
dans les années à venir. Même les plus petites entreprises
tant vantées pour leur pseudo-dynamisme économique dégraissent
à tour de bras. Frédéric Bruggeman (cité
par Le Point et spécialisé dans l'assistance aux comités
d'entreprise) ne peut même plus cacher la réalité
: "Ce qui est nouveau c'est l'ampleur du mouvement et le fait qu'aucun
secteur n'y échappe." En réalité, ce qui est
nouveau, c'est l'ampleur de la dégradation des conditions de
vie de la classe ouvrière. Ce qui est nouveau, c'est que tous
les secteurs ouvriers sont aujourd'hui frontalement et massivement attaqués.
Mais la bourgeoisie ne se contente pas de jeter de plus en plus massivement
les ouvriers à la rue. Elle a fait des coupes sombres sur les
pensions de retraites, amenant les ouvriers à vieillir dans une
misère croissante. En s'attaquant à la Sécurité
sociale, c'est la capacité des ouvriers à se soigner qui
est désormais radicalement remise en cause.
Cette accélération brutale des attaques contre les conditions
d'existence de la classe ouvrière signe aujourd'hui la faillite
du capitalisme contraignant la classe dominante à démanteler
de façon irrémédiable l'Etat "providence".
Malgré l'accélération des mesures anti-ouvrières prises par le gouvernement Raffarin depuis la rentrée de septembre, les syndicats sont restés très discrets. Aucune agitation, aucun appel à reprendre la lutte alors qu'en juin dernier, après la grande mobilisation du printemps contre la réforme du système des retraites, les syndicats, FO et CGT en tête, n'ont cessé de claironner que "la rentrée de septembre serait chaude" et que le combat allait redémarrer dès la fin de l'été. Cette rentrée s'est déroulée d'une manière parfaitement calme, les syndicats sont restés parfaitement silencieux. Aucun appel à la mobilisation, aucun appel à la lutte. Ce silence de la part des appareils d'encadrement de la bourgeoisie n'est pas pour nous surprendre. Il est une claire confirmation de la manœuvre de l'Etat bourgeois et de ses syndicats lors des luttes du printemps dernier visant à faire passer l'attaque sur les retraites : provoquer les ouvriers du secteur de l'Education nationale, les enfermer dans une lutte sectorielle et isolée en polarisant leur combativité sur le problème de la décentralisation (voir RI n° 337 et 338). Grâce à cette manœuvre, la bourgeoisie a réussi à infliger une défaite cinglante à toute la classe ouvrière. Elle a réussi à enfoncer un coin dans la tête des prolétaires en leur faisant croire qu'il ne sert à rien de lutter ! Voilà pourquoi les syndicats n'ont pas bronché face aux nouvelles attaques annoncées dès la rentrée. Ils savaient qu'ils avaient réussi leur coup et étaient parvenus à leurs fins : démoraliser la classe ouvrière et lui insuffler un sentiment d'impuissance.
Cependant, si la bourgeoisie a remporté une victoire au printemps dernier, elle sait pertinemment qu'elle n'a pas gagné la guerre de classe. C'est pour cela qu'elle n'est pas restée inactive depuis la rentrée de septembre. La manœuvre entamée au printemps autour de la question des retraites s'est poursuivie à travers une campagne idéologique d'envergure visant en empêcher la classe ouvrière de tirer les leçons de cette défaite et de développer sa prise de conscience de la faillite historique du capitalisme. Voilà les raisons réelles du battage médiatique développé massivement autour de la tenue des journées du Forum Social Européen. A travers le mouvement altermondialiste, la bourgeoisie s'efforce en premier lieu d'empêcher la classe ouvrière de retrouver le chemin de sa propre perspective révolutionnaire face à la faillite du capitalisme. C'est pour cela qu'elle met en avant qu'un "autre monde est possible" mais… uniquement dans le cadre du capitalisme qu'il s'agirait de "réformer"! (voir article sur le FSE).
Les prolétaires doivent le savoir, si la bourgeoisie française
ne relâche à aucun moment sa pression si, de manière
continue, elle développe des campagnes d'intoxication idéologique,
c'est justement parce que, malgré la défaite de juin dernier,
la classe ouvrière garde potentiellement toute sa combativité.
Avec ses attaques brutales, massives et simultanées, la bourgeoisie
démontre ouvertement que le capitalisme n'a plus rien à
offrir à la classe exploitée. Elle est parfaitement consciente
du danger que représenterait une telle avancée de la conscience
au sein des masses ouvrières. Partout, y compris dans les Etats
les plus industrialisés, la misère se répand dans
les familles ouvrières en même temps que se déchaînent
la barbarie guerrière et le chaos sanglant dans les pays périphériques.
Il revient au prolétariat de ne pas accepter cette situation.
Lui seul est capable de s'opposer au pourrissement de la société
capitaliste. Le prolétariat doit refuser de tomber dans le piège
de l'idéologie altermondialiste. Il doit refuser de se laisser
entraîner par les trotskistes sur le terrain bourgeois des élections
(voir article page 4).
Face à la faillite du capitalisme, un seul monde est nécessaire
et possible : la construction de la société communiste.
Face à la faillite du capitalisme, une seule force peut changer
le monde et offrir un avenir à l'humanité : la classe
ouvrière mondiale.
Tino (29 novembre)
Après Porto Alegre en janvier 2001, Florence en novembre 2002 et le Larzac l'été dernier, le grand show altermondialiste a une fois de plus fait salles combles du 12 au 15 novembre dans les villes de Paris, Ivry, Bobigny et Saint-Denis à l'occasion de la seconde édition de son Forum Social Européen. Des centaines de "débats" programés pour lesquels 50 000 personnes sont venues des quatre coins de l'Europe. Une manifestation le 15 novembre, sorte de bouquet final du Forum, qui a rassemblé environ 80 000 personnes. Avec un pareil bilan, on peut dire que le mouvement altermondialiste a le vent en poupe. Et cela n'est pas pour déplaire à la bourgeoisie, bien au contraire. Mieux, c'est elle qui en est le commanditaire en titre.
Dès les origines, avec le Forum Social Mondial de Porto Alegre, la classe dominante est apparue comme le principal bailleur de fonds de l'altermondialisme. Ainsi, le journal Le Monde Diplomatique et l'association ATTAC, emblème de ce mouvement, s'étaient vu octroyer en janvier 2002 la somme de 80 000 euros par le ministère français des affaires étrangères afin de soutenir financièrement l'organisation du 2ème FSM au Brésil. De même, il y a quelques mois, au Larzac, le Conseil régional de Midi-Pyrénées s'était fendu d'une généreuse contribution de 50 000 euros. Pour le FSE de novembre à Paris, le moins que l'on puisse dire, c'est que la bourgeoisie française n'a pas lésinée sur les moyens. Matignon a arrosé le rendez-vous altermondialiste avec 500 000 euros. Les Conseils généraux de Seine-Saint-Denis, du Val de Marne et de l'Essonne ont quant à elles déboursées plus de 600 000 euros. Enfin, la Mairie de Paris a déposé sur la table 1 million d'euros et celle de Saint-Denis 570 000 euros. Tout cela sans compter l'énorme logistique fournie gracieusement : annexe de mairie, théâtre, bibliothèques, gymnase et même des locaux de préfecture ! "L'effort financier et logistique décidé par le Conseil de Paris, les maires d'arrondissement et les services de la Ville (mise à disposition d'un lieu pour l'organisation de cet événement, subvention pour l'aménagement du site de la Villette, ouvertures d'espaces de réunion et d'hébergement…illustre, je crois, une volonté à la hauteur des enjeux de ce rassemblement."(Bertrand Delanoë).
L'implication de la bourgeoisie au sein du mouvement altermondialiste est tellement criante que ce sont les maires des villes d'accueil, estampillés PCF, ou PS pour Paris, qui ont eu l'immense honneur de prononcer le 12 novembre les discours d'ouverture du FSE. Le ton était donné ! Pas de quoi s'étonner dès lors de l'importante présence des forces bourgeoises d'encadrement de la classe ouvrière que sont les syndicats ainsi que des partis de gauche et d'extrême gauche du capital dans ce FSE. Effectivement, de nombreux syndicats comme la CGT, FO, CFDT, CFTC, le G10Solidaires dont fait parti SUD, la FSU et bien d'autres, de l'allemand IGMetall à la CUT brésilienne, tous rompus au sabotage de la lutte de classe et aux techniques de mystification de la classe ouvrière, ont non seulement animé un grand nombre de débats mais se trouvaient être, pour certains d'entre eux, co-organisateur du Forum. C'est tout dire !
Idem pour les partis bourgeois hypocritement interdits de participation mais qui dans les faits étaient présents et sont intervenus massivement sous couvert d'associations, fondations ou organes de presse sous leur contrôle. Ainsi, le PS pouvait bénéficier du Mouvement des Jeunes Socialistes, de la Fédération nationale Léo Lagrange ou de la Fondation Jean Jaurès comme porte-parole. Le PCF, quant à lui, était présent dans les débats notamment par le biais de son journal L'Humanité et sa fondation Espace Karl Marx. La LCR avait aussi droit de cité dans le Forum via son hebdomadaire Rouge (devenu le temps du FSE quotidien distribué gratuitement) et ses Jeunesses Communistes Révolutionnaires.
Voilà quel est le vrai visage des animateurs et organisateurs de l'altermondialisme. Voilà ce qui se cache derrière le prétendu "renouveau" de la scène politique porteur d'alternative, toute la vieille quincaillerie bourgeoise des syndicats, de la social-démocratie en passant par le trotskisme et autres composantes du gauchisme.
Mais pourquoi la bourgeoisie accorde t-elle autant d'argent et déploie tant d'énergies pour animer un mouvement qui chante sur tout les tons qu'un autre monde (voire plusieurs) est possible et nécessaire puisque celui-ci ne tourne pas rond ? La bourgeoisie serait-elle tombée sur la tête ? Bien sûr que non ! Si elle a créé de toutes pièces le mouvement altermondialiste, le finance, l'organise et lui octroie une telle publicité à l'échelle planétaire, c'est parce que, derrière ses airs de "chamboule-tout", se cache une puissante arme de mystification contre la classe ouvrière.
La faillite du capitalisme est mise en lumière par le développement croissant de la barbarie guerrière dans les quatre coins du globe. Elle est aussi patente à travers l'aggravation de sa crise économique insoluble, dont découlent de violentes attaques contre le prolétariat. La récente remise en cause des retraites et du système de santé en France et en Allemagne en témoignent. Tout cela suscite inévitablement des interrogations quant à l'avenir que nous réserve le capitalisme. Pour la classe dominante, il est impératif de couper court à ce type de réflexion. C'est justement à cela que sert l'altermondialisme. De ce point de vue, la physionomie du FSE parle d'elle-même. Quatre villes différentes, un casse-tête pour se déplacer, des salles de "débats" dispersées d'un bout à l'autre de chaque villes façon labyrinthe. Bref, tout était prévu pour qu'il y ait le moins de rencontres, de discussions possible en dehors des "débats" officiels. "Débats" qui, soit dit en passant, étaient complètement verrouillés. En effet, les prises de parole étaient exclusivement réservées aux experts (philosophes, journalistes, syndicalistes…) se répartissant les rôles d'"orateurs" et de "modérateurs" pour reléguer le public au rang de simple spectateur juste bon à se faire bourrer le crâne.
"Un autre monde est possible"… "oui, mais lequel ?". C'est la critique commune et convenue faite à l'altermondialisme et que l'on retrouve un peu partout, des journaux aux plateaux télé. Et pour cause, elle permet aux papes du mouvement comme Bernard Cassen pour ATTAC et José Bové pour la Confédération paysanne, de venir expliquer et légitimer pourquoi l'altemondialisme ne se fonde sur aucune perspective précise. "On est en train d'y réfléchir" répondent ces messieurs, et c'est là le but des rendez-vous type FSE ; un gignatesque "brain-storming" pour définir les contours de cet "autre monde" ou encore plus évasif, "ces mondes possibles".
En fait, si l'altermondialisme reste dans le flou artistique le plus complet et s'en revendique, c'est précisément parce qu'il ne véhicule aucune alternative au capitalisme mais bien une véritable impasse pour la classe ouvrière.
"Contre la mondialisation libérale, il faut agir ICI et MAINTENANT pour une nouvelle logique économique et sociale !" tract du Mouvement Républicain et Citoyen. Voilà l'archétype du propos altermondialiste dont nous avons été abreuvé jusqu'à la lie durant le FSE. Si le monde va mal, braves gens, c'est la faute de ces fers de lance du "néo-libéralisme" que sont les méchantes multinationales sans scrupules et assoiffées de profits. Bref, un discours gauchiste dans toute sa splendeur qui consiste a crier haro sur les vilains patrons "qui organisent le système à leur profit" pour mieux blanchir le système capitaliste et semer l'illusion qu'il est inutile de le renverser puisqu'il suffit simplement d'échanger sa "logique libérale" contre une logique plus "humaine".
Mais c'est bien sûr ! Comment ne pas y avoir songé avant toutes ces crises et ces guerres qui ont ravagé et ravagent encore aujourd'hui l'espèce humaine ? Il est des fois où les mensonges éhontés de la bourgeoisie frisent le ridicule.
"Le processus de production capitaliste est déterminé par le profit. Pour chaque capitaliste la production n'a de sens et de but que si elle permet d'empocher tous les ans un "bénéfice net" …Mais la loi fondamentale de la production capitaliste à la différence de toute autre forme économique fondée sur l'exploitation n'est pas simplement la poursuite d'un profit tangible mais d'un profit toujours croissant." (Rosa Luxembourg, Critique des critiques).
"La croissance du capital apparaît comme le commencement et la fin, la fin en soi et le sens de toute la production…la production pour le profit devient la loi sur toute la terre et la sous consommation, l'insécurité de la consommation et par moments la non-consommation de l'énorme majorité de l'humanité deviennent la règle." (Rosa Luxembourg, Introduction à l'économie politique).
C'est cette loi d'airain, cette logique immuable, qui fonde la nature du capitalisme que cherche à escamoter l'altermondialisme pour asseoir son idéologie réformiste, à savoir l'illusion d'un capitalisme à visage humain.
La bourgeoisie a suffisamment d'expérience en matière de mystification pour savoir que c'est toujours dans les vieilles marmites que l'on fait les meilleures soupes. Et la soupe altermondialiste qu'elle sert au prolétariat, malgré une présentation en apparence nouvelle, n'en sent pas moins le réchauffé de cette bonne vieille marmite qu'est le réformisme.
Faire croire qu'une autre gestion du capitalisme, une gestion plus humaine, est possible, c'est ici la monumentale escroquerie portée par ce mouvement soi-disant "plein d'espoir". Un mouvement qui ne vise qu'une chose : empêcher la classe ouvrière d'en arriver à la conclusion que le capitalisme se trouve dans une situation de banqueroute historique irréversible. Un système incapable d'engendrer autre chose que misère et barbarie et ce depuis son entrée dans sa période de décadence au début du 20e siècle.
Un problème se pose tout de même pour la classe dominante : que faire de tous ceux qui ne se sentaient pas attiré ou qui n'ont pu être convenablement gavé par un FSE trop clairement réformiste ? Que faire de tous ceux qui sont restés dubitatifs devant cette vaste mascarade d'inspiration stalinienne où tous les "débats" étaient courus d'avance. Heureusement l'altermondialisme a pensé à tout, y compris à organiser son propre "contre-forum". A l'image du Forum Social Libertaire qui se déroulait à Saint-Ouen au même moment.
"Les libertaires proposent des revendications immédiates en rupture avec le capitalisme". Ils réclament non "une réforme de l'économie capitaliste mais son abolition", contrairement au FSE qui "ne remet pas au cause l'économie de marché" (site de présentation du FSL).
C'est donc avec un vocabulaire emprunté aux révolutionnaires que le FSL, animé par les organisations officielles de l'anarchisme (CNT, Alternative Libertaire, Fédération Anarchiste, OCL…), se présente et fait sa promotion. Mais très clairement, il ne s'agit là que d'une vitrine dont l'objectif est d'attirer les éléments plus perplexes, en recherche d'une perspective tranchante, pour finalement les ramener dans le giron réformiste de l'altermondialisme. Pour preuve, les thèmes débattus et les propositions de ce FSL "pour tenter de construire des alternatives" comme "l'accès pour tous à la culture", "l'éducation égalitaire pour tous" ou "une meilleure répartition des richesses" des thèmes identiques mot pour mot à ceux programmés par le FSE et relevant du réformisme le plus plat.
Tout ceci sans parler de l'idéologie autogestionnaire si chère à l'anarchisme et largement reprise par l'altermondialisme dans son ensemble avec la fameuse notion de "démocratie participative". Une idéologie dangereuse incitant les ouvriers à organiser dans les usines leur propre exploitation ou conduisant les populations à gérer directement la misère sans jamais pouvoir la résoudre comme à Porto Alegre.
Ce n'est pas un hasard si les libertaires ont rejoint le cortège de la manifestation altermondialiste du 15 novembre, s'ils ont animé via Alternative Libertaire un débat au sein du FSE sur "l'actualité de l'autogestion" ou si leur Forum à Saint-Ouen était prévu dans le cadre même du FSE. En effet, sur le site internet du FSE, dans la rubrique "Autour du FSE" se trouvent toutes les informations concernant le "contre forum anarchiste". L'anarchisme officiel est donc une composante à part entière de l'altermondialisme. Un maillon de la chaîne tenant un rôle clé, celui de rabatteur des éléments les plus critiques et les plus révoltés par la barbarie du monde capitaliste, vers le piège réformiste de l'altermondialisme.
"Un autre monde est possible…mais surtout pas le communisme". C'est ici le point de mire du mouvement altermondialiste : entraver la classe ouvrière dans son difficile effort de réappropriation de sa conscience de classe. Dans l'idéologie altermondialiste, pas question de classe ouvrière mais de "multitudes"…de citoyens évidemment. Pas question de lutte de classe mais de luttes citoyennes, toutes plus interclassistes les unes que les autres, allant de la lutte pour le droit des homosexuels, des femmes, jusqu'au combat pour "monde sans pesticides" ou pour protéger les animaux de laboratoire. Pas question de révolution prolétarienne mais d'amendement de la démocratie bourgeoise (c'est-à-dire la forme la plus avancée de la dictature de la bourgeoisie contre ceux qu'elle exploite).
Face à l'offensive altermondialiste contre le prolétariat visant à brouiller son identité et sa conscience de classe, les révolutionnaires ne peuvent rester les bras ballants. Ils ont pour responsabilité de réaffirmer que seule la société communiste constitue un avenir pour l'humanité, et seule la classe ouvrière est porteuse de ce nouveau monde. "Dans la mesure où l'abolition de l'exploitation se confond, pour l'essentiel, avec l'abolition du salariat, seule la classe qui subit cette forme spécifique d'exploitation, c'est-à-dire le prolétariat, est en mesure de porter un projet révolutionnaire."…"Le projet communiste du prolétariat…est parfaitement réaliste, non seulement parce que le capitalisme a créé les prémisses d'une telle société, mais aussi parce qu'il est le seul projet qui puisse sortir l'humanité du marasme dans laquelle elle s'enfonce". (Revue Internationale n°73 [325])
C'est tout le sens de l'intervention du CCI contre le piège du FSE : vente de sa presse (en 6 langues) et la diffusion d'un tract sur les sites du FSE et lors de la manifestation du 15 novembre ; prises de parole dans les débats du FSL. Tout cela illustre la farouche volonté du CCI de défendre les positions marxistes et de démontrer en quoi l'altermondialisme (depuis ATTAC jusqu'au anarchistes du FSL) est un piège dirigé contre le prolétariat.
C'est seulement en étant capable de développer ses luttes sur son propre terrain revendicatif contre le système capitaliste que la classe ouvrière pourra tracer clairement la perspective qu'un seul autre monde est possible : le communisme.
Azel (26 novembre)
Au
moment de la chute du régime de Saddam Hussein au printemps
dernier, Bush déclarait : "Le monde est plus sûr
!". En réalité, le monde n'a jamais été
moins sûr. En témoigne la vivacité de la vague
actuelle de terrorisme qui s'est déchaînée dans
toute la région du Moyen et du Proche-Orient depuis la fin
officielle de la guerre en Irak. Quasiment pas une semaine ne se
passe sans qu'un attentat, voire plusieurs simultanément
(comme le quintuple attentat de Bagdad fin octobre ou les deux
doubles attentats d'Istanbul mi-novembre), ne viennent frapper
aveuglément. Les attaques au moyen de véhicules chargés
d'explosifs et conduits par des kamikazes fanatisés se
répètent, avec leurs cortèges d'horreurs. Visant
les intérêts américains autant que ceux d'autres
pays de la coalition, y inclus l'ONU et le CICR pourtant opposés
à l'intervention de Washington, ces attentats frappent tout
aussi aveuglément la population irakienne. Ils sont le
résultat d'une situation qui dégénère à
grande vitesse et qui encourage et favorise les actions terroristes
de toutes sortes de groupes : résistance des hommes de
l'ex-dictateur irakien, infiltration grandissante d'éléments
de la "mouvance" islamiste (Al-Qaïda, Jihad islamique,
Brigades d'Al-Aqsa, Hamas), provenant d'Iran, de Syrie, du Yémen,
d'Arabie Saoudite ou d'ailleurs.
Comme le dit Robert Baer, ancien
agent de la CIA chargé de l'infiltration dans divers groupes
terroristes, dont Al- Qaïda, la situation de chaos créée
en Irak est considérée par les terroristes comme une
"situation idéale de Jihad". D'autres facteurs y
contribuent : les Etats-Unis ont été incapables de
s'allier aussi bien la population sunnite, à nouveau bombardée
aujourd'hui, que la population chiite qui n'a pas vu dans l'Amérique
un "libérateur" ; les rivales européennes de
Washington, comme la France et l'Allemagne, sont prêtes à
profiter de tout ce qui peut gêner la politique américaine.
Ainsi, la boîte de Pandore ouverte par la
politique militaire des Etats-Unis en Afghanistan et en Irak, et sans
cesse alimentée par les dissensions entre les grandes
puissances, continue à produire ses effets dévastateurs.
Le terrorisme ne se cantonne déjà plus au seul
territoire irakien et gagne les régions limitrophes. Les
attentats de la mi-novembre à Ryad en Arabie Saoudite puis à
Istanbul en Turquie contre deux synagogues puis contre le consulat et
une banque britanniques, quels qu'en soient les auteurs et leurs
buts, n'ont pour résultat que de créer un climat de
terreur qui va bien au-delà des seules zones où ils ont
été perpétrés. Ils ne peuvent en effet
dans un premier temps que pousser à une déstabilisation
plus grande que jamais de l'ensemble de cette région du monde
qui est une véritable poudrière. Les antagonismes
religieux, ethniques, raciaux ou nationaux, attisés ou créés
de toutes pièces par les grandes puissances depuis le 19e
siècle et surtout durant tout le 20e siècle, sont plus
que jamais prêts à exploser tous azimuts. Mais cet
"élargissement" des attentats en-dehors de la zone
de conflit en Irak vise également non seulement les Etats-Unis
et leurs alliés de la coalition mais les pays centraux dans
leur ensemble et remet avec brutalité sur le devant de la
scène le risque terroriste dans les grandes métropoles
industrielles, avec tous les ingrédients d'une violence
redoublée.
Illustration sans équivoque,
l'Organisation Maritime Internationale (OMI), organisme de l'ONU, est
convaincue que des attaques terroristes se servant de pétroliers
ou de cargos comme armes de destruction massive et visant les grands
ports vont avoir lieu, en particulier dans le Sud-Est asiatique.
Aussi, les titres des médias sont éloquents : "Guerre
sans fin contre le terrorisme", "Le front du terrorisme
s'étend", etc. Ils sont révélateurs de
l'inquiétude de la bourgeoisie des pays développés
devant la voie ouverte et annoncée par la "lutte contre
le terrorisme international" vers une plongée dans la
barbarie aggravée et dans le chaos le plus inextricable.
L'utilisation de l'arme terroriste n'est cependant
pas une nouveauté. Elle n'est d'ailleurs pas non plus
l'apanage de cliques religieuses incontrôlées. Elle fait
partie intégrante des moyens de la guerre entre Etats. Ce qui
est nouveau, c'est l'ampleur que ce phénomène a prise
ces dernières années et qu'il prend de façon
accélérée aujourd'hui. Ce sont les grands Etats,
et dans leur sillage les plus petits, qui ont multiplié les
rapports avec toutes sortes de groupes mafieux ou terroristes, ou les
deux à la fois, tant pour contrôler les trafics illégaux
que pour les utiliser comme moyens de pression contre les Etats
rivaux (voir Revue Internationale n°112 [326]). En atteste l'histoire
de l'ennemi public n°1, Ben Laden, qui a commencé sa
carrière de terroriste international comme agent de la CIA
dans la lutte des Etats-Unis contre l'URSS en Afghanistan dès
le début des années 1980.
Le développement du
terrorisme est ainsi une conséquence directe de la tendance
croissante à la violation de toutes les règles
minimales établies entre Etats. Comme nous l'écrivions
en 1990 dans la Revue Internationale n°62 dans nos "Thèses
sur la décomposition", la situation mondiale se
caractérise par "le développement du terrorisme,
des prises d'otage, comme moyens de la guerre entre Etats, au
détriment des lois que le capitalisme s'était données
par le passé pour réglementer les conflits entre
fractions de la classe dominante".
Les bourgeoisies
européennes rivales des Etats-Unis comme la France et
l'Allemagne se complaisent à épingler les erreurs
politico-stratégiques de la Maison Blanche, pour souligner
l'évidence actuelle de la politique guerrière à
outrance de Washington. C'est aussi un moyen pour elles de se
dédouaner des atrocités qu'elles ont à leur
actif au service de la défense de leurs propres intérêts
impérialistes (en Yougoslavie, au Rwanda pour la France en
particulier, etc.). Ainsi, si elles apparaissent moins "mouillées"
que les États-Unis dans le bourbier sanglant irakien, leur
part de responsabilité dans le chaos mondial ne saurait être
évacuée. Derrière tous leurs discours
hypocrites, elles sont à l'affût de difficultés
accrues des États-Unis pour concrétiser leurs
intentions de retrouver une influence dans la région et
accourir à la curée.
C'est justement pour ne pas
laisser prise aux pressions grandissantes de ces rivales que les
Etats-Unis ne peuvent se dégager du bourbier irakien. Faute
d'avoir pu lever des troupes suffisantes chez leurs alliés de
la coalition, ils sont contraints de "racler les fonds de
tiroir" afin de maintenir leur présence sur le terrain.
85 000 soldats et 43 000 réservistes vont donc recevoir leur
ordre de mission pour début 2004, dont une partie dans le
cadre de la rotation des troupes. Ce qui renvoie à une
échéance non encore définie la perspective
affichée par l'état-major américain de réduire
le contingent à 100 000 hommes 1 [327].
La
proposition d'établir un calendrier pour la constitution d'un
gouvernement irakien à l'horizon juillet 2004, qui n'est pas
plus crédible que la feuille de route israélo-palestinienne,
signifie que les États-Unis ne sont pas prêts de pouvoir
se retirer en ayant "accompli leur job". Elle s'inscrit
dans le cadre du projet délirant de Bush d'une "révolution
démocratique globale" dans les pays de la région,
l'instauration d'une démocratie en Irak en constituant la
première étape. Ce projet n'a aucune consistance, en
premier lieu parce que la "démocratisation" des
"tyrannies" visées par les Etats-Unis, comme
l'Arabie Saoudite, n'aurait pour résultat que de jeter plus
sûrement encore ces Etats dans le giron de l'islamisme radical
et anti-américain.
Pour maintenir leur leadership mondial,
les Etats-Unis n'ont d'autre issue que de s'engager dans des
offensives militaires toujours plus déstabilisatrices pour le
monde. Néanmoins, une telle escalade n'a pas été
à même d'empêcher les puissances rivales de
Washington de contester de façon chaque fois plus virulente la
domination américaine. La dernière offensive américaine
en date qui, à travers l'occupation de l'Irak, devait
constituer une étape de l'encerclement de l'Europe, est
clairement un échec. Et la position actuelle de faiblesse
relative qui en résulte pour les Etats-Unis n'est en rien
synonyme de stabilité mondiale, comme le démontre
clairement la situation actuelle.
Il s'agit en fait ici d'un
démenti à la propagande des impérialismes rivaux
des Etats-Unis selon laquelle la paix dans le monde aurait tout à
gagner d'un rééquilibrage mondial (bien sûr à
leur avantage). En fait, de paix dans le monde, il ne peut y avoir
tant qu'existeront des puissances impérialistes nécessairement
rivales, c'est-à-dire aussi longtemps qu'existera le
capitalisme.
Mulan (29 novembre)
1 [328] En l'occurrence, les dirigeants ont fait une erreur de calcul de taille : Eric Shinseki, chef d'état major de l'armée en février 2003, en pleins préparatifs de l'offensive en Irak, avait averti le Congrès, avant de démissionner, qu'il faudrait plusieurs centaines de milliers d'hommes pour organiser l'après-guerre en Irak. Ce que Wolfowitz avait récusé au prétexte qu'il était "difficile de concevoir (...) plus de troupes pour garantir la stabilité dans l'Irak post-Saddam qu'il n'en faudra pour mener la guerre elle-même".
C'est à grand renfort de publicité que l'ensemble des médias ont annoncé l'accord électoral survenu entre Lutte Ouvrière (LO) et la Ligue Communiste Révolutionnaire (LCR) en novembre dernier. Afin de redonner du crédit au cirque électoral auprès des ouvriers, l'ensemble des médias bourgeois ont littéralement propulsé sur le devant de la scène l'alliance entre Arlette Laguiller et Olivier Besancenot comme ce que l'on fait de mieux en ce moment du point de vue de l'opposition aux attaques du gouvernement Raffarin. Ce "bloc anticapitaliste" nous dit-on, incarnerait la défiance vis-à-vis de la gauche officielle. Comme gage de la sincérité du couple trotskiste, la propagande insiste sur le fait que cette fois, contrairement aux élections passées il n'y aura pas de consigne de vote à gauche au second tour, sauf dans les cas où Le Pen serait en mesure de l'emporter. Comme le dit le député européen de la LCR, Krivine, "c'est à la gauche d'aller elle-même gagner ses voix. Nous ne serons plus ses ramasseurs de balles".
Face à une telle promotion (commerciale), quel crédit les ouvriers peuvent-ils accorder à ce produit électoral que constitue le tandem Laguiller-Besancenot. Autrement dit, LO et la LCR sont-elles des organisations révolutionnaires comme elles le prétendent ?
D'abord, lorsque les médias bourgeois font autant de publicité autour d'un événement, en l'occurrence pour promouvoir le vote trotskiste aux prochaines élections régionales et européennes, les ouvriers ne peuvent qu'exprimer d'emblée une certaine méfiance. Si LO et la LCR étaient réellement des organisations authentiquement révolutionnaires cherchant à détruire le capitalisme, comment expliquer que l'Etat bourgeois fasse autant de publicité à de tels "adversaires". Au-delà des paillettes médiatiques et des slogans enflammés, la nature de classe d'une organisation politique du prolétariat se juge sur sa défense de l'internationalisme prolétarien, sa filiation historique et sa pratique politique.
LO et la LCR comme la plupart des organisations trotskistes depuis la Seconde Guerre mondiale et jusqu'à l'effondrement du stalinisme à la fin des années 1980, ont toujours défendu de façon "critique" que les régimes staliniens du bloc de l'Est et en particulier la Russie n'étaient pas capitalistes et qu'ils représentaient quelque chose de progressiste pour le prolétariat. C'est au nom d'ailleurs de la soi-disant défense des "acquis" de la révolution d'Octobre que la plupart des groupes trotskistes dont les ancêtres de LO et de la LCR, trahiront l'internationalisme prolétarien pour participer à l'embrigadement des ouvriers dans la Deuxième Guerre mondiale, véritable boucherie qui a fait plus de 50 millions de victimes 1 [329]. En laissant planer un doute sur le fait que le stalinisme puisse avoir quelque chose de commun avec la révolution de 1917, le trotskisme a participé activement au plus grand mensonge du siècle visant à assimiler le stalinisme au communisme. Pour la Gauche communiste, c'est dès les années 1930 qu'elle affirmait sans ambiguïté qu'il ne subsistait plus en URSS le moindre acquis de la révolution d'Octobre et qu'elle dénonçait le stalinisme. Dans toute l'histoire humaine, le stalinisme constitue le phénomène certainement le plus tragique et haïssable qui ait jamais existé. Outre qu'il est responsable du massacre de dizaines de millions d'êtres humains, il a instauré pendant des décennies une terreur implacable sur près d'un tiers de l'humanité, mais aussi, et surtout, parce qu'il s'est illustré comme le pire ennemi de la révolution communiste, falsifiant la réalité en se prétendant être le continuateur de la révolution bolchevik de 1917 alors qu'il en est son fossoyeur 2 [330].
Avec l'effondrement du bloc stalinien sous les effets de la crise économique mondiale, LO n'a pas modifié son soutien critique au stalinisme, au contraire, elle persiste et renouvelle sa profession de foi. "Nous continuerons à défendre que l'Union Soviétique représentait une réalité sociale positive, même au temps de Staline ou après, car son développement industriel plus rapide qu'ailleurs (…) était dû à l'héritage de la révolution prolétarienne de 17" (Lutte de Classe n°50, novembre 1992). LO continue donc à défendre le capitalisme d'Etat stalinien. Quant à la LCR, dès l'effondrement du bloc de l'Est, elle avait effectué un virage à 180° dénonçant haut et fort "l'abomination stalinienne qui a détruit les conquêtes d'Octobre" alors que jusqu'en 1989 elle défendait bec et ongles que l'URSS était un "Etat ouvrier dégénéré". Depuis, la LCR n'a eu de cesse de gommer progressivement ses attributs staliniens. L'abandon par son dernier congrès de la dictature du prolétariat dans son programme, au grand dam de LO, n'est que l'aboutissement d'une démarche qui vise à attirer un public plus large dans ses rangs. Outre les déçus de tous les partis de gauche, la LCR a élargi son fonds de commerce au mouvement altermondialiste. Pour autant, la LCR n'a pas abondonné son soutien critique au stalinisme. Dans un article publié dans la rubrique débats de son site Internet intitulé "Alors, toujours trotskistes ?", la LCR perpétue le mythe de "l'Etat ouvrier bureaucratiquement dégénéré" en déclarant à propos de l'effondrement des partis staliniens dans les pays de l'Est que "Les révolutions démocratiques n'ont pas débouché sur la révolution politique, le retour des conseils ouvriers que nous pronostiquions, mais sur la restauration du capitalisme !" La LCR persiste et signe. En URSS, ce n'était pas du capitalisme d'Etat, mais quelque chose qui aurait à voir avec la lutte du prolétariat.
Et c'est la même attitude de soutien critique que LO et la LCR emploient vis-à-vis des partis de gauche du capital.
Depuis un certain nombre d'années, les trotskistes sont obligés de dénoncer et critiquer les différents gouvernements de la gauche plurielle, du fait de la méfiance croissante de la classe ouvrière à l'encontre de ces mêmes partis de gauche qui n'ont eu de cesse d'attaquer les conditions de vie du prolétariat. Ce radicalisme verbeux ne doit pas nous faire oublier que, par le passé, ils n'ont pas hésité à soutenir ouvertement cette gauche invoquant comme prétexte que la classe ouvrière avait encore des illusions sur celle-ci. Ainsi lors des élections présidentielles de 1974 et 1981, LO a appelé à voter Mitterrand au second tour, même si en 1981 c'était un appel "sans illusion mais sans réserve". En 1988, LO proposait une alliance électorale au PCF pour les législatives et en 1995, LO et le PCF faisaient des listes communes pour les municipales dans trois villes, dont Sochaux, grande cité ouvrière. La LCR de son côté a régulièrement frayé avec les partis de gauche, et systématiquement elle proposait la fusion de ses listes avec l'ensemble des partis de gauche au second tour, quelle que soit l'élection. C'est d'ailleurs ce que regrette ouvertement une tendance dans la LCR, qui s'est exprimée dans le sens de maintenir cette position lors de son dernier congrès. (cf. Rouge du 6 novembre).
Aujourd'hui, le discrédit des partis de gauche est tellement profond dans la classe ouvrière que les trotskistes n'ont pas d'autre choix de se démarquer de cette gauche s'ils veulent garder un certain crédit auprès des ouvriers. En même temps, ils continuent leur sale boulot anti-ouvrier en maintenant l'ambiguïté sur la nature de ces mêmes partis de gauche. Ainsi la LCR affirme qu'elle "n'a jamais tiré de trait d'égalité entre la gauche et la droite" ou mieux encore, Krivine se défend, suite à son alliance avec LO, de vouloir s'en prendre à l'ex-gauche plurielle. "Ce n'est pas Hollande notre adversaire, mais Raffarin et le baron Seillère" (Libération du 4 novembre). LO va même jusqu'à dire à propos de la gauche que dans l'opposition aujourd'hui "elle se garde bien de prendre des engagements vis-à-vis des travailleurs, ne serait-ce que celui de supprimer dés son retour éventuel au pouvoir toutes les mesures anti-ouvrières prises par le gouvernement Chirac-Raffarin" ( Lutte Ouvrière du 7 novembre). Mais de qui se moque t'on ? La gauche au gouvernement non seulement n'est jamais revenue sur les mesures prises par des gouvernements de droite, mais elle a pris des mesures similaires voire pire, conformément aux besoins du capital français.
En guise de "programme commun", les trotskistes ont repris les éléments de ce qu'ils ont appelé pour d'autres élections le "programme d'urgence pour les travailleurs" où les revendications essentielles sont "l'interdiction absolue des licenciements collectifs et la réquisition des entreprises qui licencient tout en faisant du profit, et surtout, le contrôle public de la collectivité sur la comptabilité des grandes entreprises, etc…". (Le Monde du 1er novembre) Ce qui est édifiant dans ce programme, c'est qu'il ressemble à ce que la gauche avait promis aux ouvriers dans les années 1970 (Mitterrand disait en 1981 qu'il fallait "opérer une rupture avec le capitalisme"). Le PCF ne disait pas autre chose quand il parlait de "faire payer les riches" où de s'attaquer aux "200 familles" qui gouvernent le pays. Selon nos trotskistes, en s'opposant à la logique capitaliste au sein du système, à travers des mesures visant à le rendre moins injuste, on ferait faire à la classe ouvrière des pas en avant vers l'instauration du socialisme. Tous les partis de gauche ont semé par le passé le même type d'illusions, poussant les ouvriers à lutter pour réformer le capitalisme. Des générations d'ouvriers se sont épuisés dans cette impasse et les trotskistes appellent à continuer dans cette logique. Faire croire que le chômage est le fait de la cupidité des patrons, c'est masquer à la classe ouvrière la situation réelle de la crise du capitalisme. S'il jette sur le pavé des millions de prolétaires, alors que c'est justement de l'exploitation de ceux-ci qu'il tire ses profits, c'est justement parce que la réalisation de tels profits est de plus en plus limitée du fait de la crise mondiale de surproduction. 3 [331] Contrairement aux mensonges que véhiculent LO et la LCR, le prolétariat ne peut conquérir de réformes et d'avantages durables dans le capitalisme. Sa capacité de résister aux attaques capitalistes, il ne peut la trouver que dans ses luttes de résistance, dans son unité croissante, dans le développement de sa conscience de la faillite du système qui entraîne l'humanité à sa perte.
Comme nous venons de le voir, les ouvriers n'ont rien à attendre du point de vue de la défense de leurs intérêts de l'alliance LO-LCR. La médiatisation de la candidature trotskiste s'inscrit pleinement dans le dispositif anti-ouvrier que la bourgeoisie française met en place pour les prochaines échéances électorales. Il s'agit de redonner un certain crédit à la campagne électorale, compte tenu de l'usure des programmes des partis de droite et de gauche et du fort taux d'abstention que suscitent les élections européennes. Par ailleurs, l'approfondissement de la crise économique et les attaques frontales contre la classe ouvrière (retraite, santé, chômage) ne peuvent que provoquer une réflexion en profondeur et donc une conscience croissante de la faillite du capitalisme parmi les ouvriers. Même si les syndicats ont démontré leurs capacités de pouvoir encadrer pour le moment la situation sociale, comme nous l'avons vu lors des grèves du printemps dernier, cela n'est pas suffisant. Pour empêcher et dévier cette prise de conscience naissante dans la classe ouvrière un réformisme "radical", la bourgeoisie a besoin de ses fractions d'extrême gauche. En effet le PCF s'enfonce dans une irrémédiable agonie depuis la chute du stalinisme et le PS malgré ses capacités gouvernementales, ne s'est pas remis de la défaite de Jospin et il est incapable pour le moment d'avoir un langage crédible en tant qu'opposition au gouvernement.
C'est la raison essentielle de cette candidature unie des trotskistes : venir au secours de la gauche. C'est ce que dit Krivine, "Aujourd'hui on est dans une situation où les attaques de la droite et du patronat sont sans précédent et où, en face, on a une gauche paralytique car plombée par son bilan. Il faut répondre à cela." ( Le Monde du 1er novembre) C'est clair, LO et la LCR viennent combler un vide idéologique du fait des difficultés de la gauche. Effectivement, les trotskistes ne sont pas que des "ramasseurs de balles" pour la gauche. L'Etat bourgeois ne s'y trompe pas et c'est pour cela qu'il n'hésite pas à confier les premiers rôles du prochain cirque électoral au tandem trotskiste. Compte tenu de leur verbiage pseudo-révolutionnaire et du fait qu'ils n'ont jamais participé à un gouvernement, l'alliance trotskiste est le cheval de Troie idéal pour répandre le poison réformiste dans la classe ouvrière alors que la faillite du capitalisme pose la nécessité de sa destruction.
Donald ( 27 novembre)
1 [332] Voir notre brochure "Le Trotskisme contre la classe ouvrière [333]"
2 [334] Voir notre Revue Internationale n°60 [335], consacrée à l'effondrement du bloc de l'Est et à la faillite définitive du stalinisme.
3 [336] Voir notre article "Seule l'abolition du salariat en finira avec les licenciements", RI n°314, juillet/août 2001
Dans le numéro 468 du Prolétaire (août-septembre 2003), organe de presse du Parti Communiste International (PCI), nous trouvons un article intitulé "Après les grèves du printemps, se préparer aux luttes futures" dans lequel cette organisation de la Gauche communiste se livre, au passage, à une attaque en règle contre le CCI. Dans la première partie de notre réponse au Prolétaire (publiée dans le précédent numéro de RI [337]), nous avions mis en évidence les zigzags opportunistes du PCI dans son analyse de la lutte de classe. La deuxième partie de notre réponse se propose de réfuter les "arguments" du PCI et de rétablir la vérité face aux calomnies déversées par le Prolétaire n°468 contre le CCI.
L'article du Prolétaire n°468, après avoir critiqué le rôle anti-ouvrier des "appareils syndicaux" et des trotskistes dans le mouvement de grève du printemps dernier, affirme en effet : "A une autre échelle, le mouvement a agi également de révélateur pour les positions d'un groupe qui s'affirme être un représentant de la 'Gauche communiste', le Courant Communiste International. Comme lors des grèves de 1995, le CCI a en substance réagi devant le mouvement de ce printemps par une condamnation : la lutte était perdue d'avance, elle allait laisser 'le goût amer de la défaite chez des dizaines de milliers de prolétaires', 'les grèves qui ont paralysé les transports en commun constituent un obstacle supplémentaires à l'extension du mouvement'; il ne manquait même pas à ce couplet le refrain sur les 'préjudices' que feraient subir aux enfants de la classe ouvrière un blocage des examens ! Le CCI verrait-il dans les examens la voie de l'émancipation sociale pour les enfants de la classe ouvrière ? Les militants du CCI ne se cachent pas (et se glorifient même) d'avoir été 'hués' en divers endroits lorsqu'ils ont appelé à la reprise du travail. Ils justifient leur refus d'appeler les travailleurs à prendre leur lutte en main (comme nous le faisions), au nom d'une savante analyse selon laquelle on aurait été en présence d'une manœuvre de la bourgeoisie pour infliger une sévère défaite aux prolétaires ; voilà pourquoi il était nécessaire selon eux d'avertir les prolétaires du piège et de les inviter à ne pas se lancer dans une longue lutte. Le caractère spécieux de ces arguments que nous sert à chaque fois le CCI pour condamner les luttes ouvrières saute aux yeux : la pire des défaites est la défaite sans combat."
Ces attaques contre le CCI ne sont pas nouvelles. En effet, déjà
lors du mouvement de décembre 1995, le PCI avait publié
dans le n°435 du Prolétaire un article intitulé
"Le CCI contre les grèves" dans lequel il
accusait notre organisation :
- d'être "l'émule
de Thorez", le dirigeant stalinien français, qui
déclarait au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, que "la
grève est l'arme des trusts" ;
- de s'exprimer comme
"n'importe quel jaune" ;
- d'être des
"proudhoniens modernes" et des "déserteurs
(souligné par Le Prolétaire) de la lutte
prolétarienne".
Dans les numéros 258 et 259 de
RI nous avions largement répondu à ces attaques.
De toute évidence, notre réponse n'a pas convaincu nos
détracteurs puisque aujourd'hui le PCI persiste et signe.
Comme nous l'avons démontré dans le précédent
numéro de RI, les zigzags du PCI concernant l'analyse du
mouvement de grèves du printemps dernier révèlent
qu'il est incapable d'avoir la moindre continuité dans son
analyse du rapport de forces entre les classes. La seule continuité
dont sait faire preuve le PCI, c'est celle des attaques calomnieuses
contre le CCI :
- le CCI aurait réagi par une
"condamnation" du mouvement du printemps dernier. Cette
affirmation purement mensongère n'est fondée sur aucune
citation de notre presse. N'importe quel lecteur un peu sérieux
pourra lui-même se rendre compte de la façon dont le CCI
a "condamné" le mouvement : "Face aux
attaques capitalistes, la lutte est nécessaire (…) Il est
clair aujourd'hui que la classe ouvrière n'a pas d'autre choix
que de lutter. Car si elle ne le fait pas, la bourgeoisie va
continuer à cogner toujours plus fort, sans retenue (…) Ce
n'est qu'en reprenant le chemin de la lutte que le classe ouvrière
pourra retrouver son identité en tant que classe, reprendre
confiance en elle-même, développer sur le terrain son
unité et sa solidarité (…) Malgré la défaite
qu'elle vient de subir, malgré le fait que cette lutte n'a pas
fait reculer le gouvernement (en particulier sur la question des
retraites), la classe ouvrière ne doit pas céder à
la démoralisation. Elle doit résister à l'idée
que la bourgeoisie veut lui mettre dans la tête : 'lutter ne
sert à rien'." (Tract diffusé par le CCI en
juin 2003 et publié dans RI n°337).
- le CCI aurait,
selon le PCI, refusé "d'appeler les travailleurs à
prendre leur lutte en main". Là encore sur quelle
citation de notre presse le PCI s'est-il appuyé pour asseoir
une telle affirmation ? Aucune ! Voilà en réalité
comment nous avions défendu concrètement (contrairement
au PCI qui s'est révélé incapable de faire la
moindre proposition concrète) la nécessité pour
la classe ouvrière de prendre ses luttes en main :
"Aujourd'hui, elle [la classe ouvrière] vient de perdre
une bataille, mais elle n'a pas perdu la guerre (…) Pour être
plus forts demain, développer un combat massif et uni, il
faudra :
- mettre en avant des revendications communes à
toute la classe ouvrière et ne pas se focaliser sur une
attaque spécifique à tel ou tel secteur ;
- étendre
immédiatement la lutte dès le début en envoyant
des délégations massives aux entreprises les plus
proches ;
- défendre la souveraineté des assemblées
générales qui doivent être des lieux où
les ouvriers doivent se regrouper massivement, des lieux de
discussion ouverts aux ouvriers de tous les secteurs ;
- déjouer
les syndicats visant à contrôler les assemblées
générales pour saboter la lutte et toute véritable
tentative d'extension.
Ce n'est que dans et par la lutte que la
classe ouvrière pourra prendre conscience de sa force,
retrouver confiance en elle-même. C'est en se confrontant aux
manoeuvres de sabotage des syndicats et des gauchistes, dans la lutte
elle-même, que les ouvriers prendront conscience qu'ils ne
peuvent compter que sur eux-mêmes." (Tract du CCI, publié
dans RI n°337).
"Les militants du CCI ne se cachent pas (et se glorifient
même) d'avoir été hués lorsqu'ils ont
appelé à la reprise du travail". Pour remettre
les pendules à l'heure, nous tenons à rappeler au PCI
que nos militants, n'ont pas seulement été hués
lorsqu'ils ont "appelé à la reprise du travail".
Au début du mouvement, ils ont été hués
parce qu'ils ont dénoncé au sein des assemblées
générales les manœuvres des syndicats et ont défendu
la nécessité d'étendre la lutte aux autres
secteurs ouvriers. Pour le vérifier, nos lecteurs peuvent se
reporter au bilan de notre intervention publié dans RI n°337.
Ils pourront y lire les deux passages suivants dans lesquels nous
relatons les circonstances dans lesquelles nous avons été
"hués" :
"Dès le 13 mai, dans une
AG départementale regroupant près de 500 grévistes
à Lyon et dirigée par l'intersyndicale FSU, FO, SUD,
CNT, nos camarades ont pu intervenir à deux reprises malgré
l'agressivité de l'intersyndicale qui présidait l'AG
(et notamment un ponte local de la LCR, représentant de la
FSU, qui a tenté de leur couper la parole par des altercations
du style : "Abrège. Commence d'abord par mettre ton école
en grève !"). Malgré le tir de barrage des
syndicats pour tenter de nous faire taire, un autre camarade
travaillant dans le secteur hospitalier est venu dans cette AG des
enseignants et a insisté sur la nécessité
impérative de traverser la rue pour aller chercher les autres
secteurs ouvriers qui subissent la même attaque sur les
retraites." (…)
"Dans d'autres AG
départementales, comme par exemple celle du 21 mai à
Nantes, nos camarades se sont directement affrontés aux
syndicats en affirmant haut et fort "L'unité de la lutte
ne passe pas par l'unité des syndicats !". Ils ont été
copieusement sifflés tout a long de leur
intervention".
D'autre part, nos camarades ont
effectivement été "hués" par les
syndicats et les gauchistes lorsqu'ils ont appelé à la
reprise du travail dès lors qu'il est apparu clairement que
les forces d'encadrement capitalistes avaient réussi leurs
manoeuvres visant à isoler les travailleurs de l'Éducation
nationale. Si nos militants les ont alors appelés à
cesser la grève, c'est justement parce que les manoeuvres
syndicales avaient entraîné celle-ci dans une impasse.
Poursuivre la grève, avec le blocage des examens, ne pouvait
conduire qu'à épuiser la combativité des
travailleurs en lutte, les conduire à une cinglante défaite
et à la démoralisation.
Voilà en réalité
les vraies raisons pour lesquelles nos militants ont été
"hués" par les syndicats et leurs appendices
trotskistes. Si les militants du PCI ne sont pas d'accord avec nos
interventions dans les AG, s'ils estiment que les syndicats avaient
raison de nous "huer" et de nous traiter de "jaunes",
qu'ils le disent franchement au lieu de raconter n'importe quoi dans
le seul but de nous calomnier (et de masquer leur propre opportunisme
vis-à-vis des syndicats !). Pour notre part, nous avons plus
d'une fois été dénoncés par la CGT comme
des "jaunes" et des "briseurs de grève" à
chaque fois que nos camarades prenaient la parole pour dénoncer
ses manœuvres de sabotage. Ce type d'insultes de la part des
défenseurs de l'ordre bourgeois n'est pas pour nous
surprendre. Mais il est lamentable et scandaleux que le PCI reprenne
à son compte les mêmes propos. Avant de nous faire des
leçons de morale, il serait préférable que les
militants du PCI assument leurs responsabilités face à
la classe ouvrière en disant ouvertement et publiquement
quelle était leur propre orientation dans la lutte face au
"barrage des bonzes syndicaux". Nous ne pouvons que
regretter que nos détracteurs n'aient pas fait entendre leur
voix dans la lutte elle-même, et notamment dans les AG. Comme
dit le proverbe "la critique est aisée mais l'art est
difficile" et "quand on veut tuer son chien, on dit qu'il a
la rage".
Et pour boucler sa belle démonstration de
la "condamnation" du mouvement par le CCI, le PCI nous
adresse cette dernière tirade : "voilà pourquoi il
était nécessaire selon eux [les militants du CCI]
d'avertir les prolétaires du piège et de les inviter à
ne pas se lancer dans une longue lutte".
Décidément,
le PCI n'a pas fini de nous surprendre. Voilà ce qu'il
affirmait dans le numéro précédent du
Prolétaire, lorsqu'il dénonçait à juste
raison les manœuvres de sabotage syndicales : "ne pas avertir
les prolétaires, mais leur dire l'inverse, c'est tout
simplement se rendre complice de l'action anti-ouvrière du
collaborationnisme politique et syndical". Le virage à
180 degré que le Prolétaire a été obligé
d'opérer d'un numéro sur l'autre, avec pour objectif
d'attaquer le CCI en faisant flèche de tout bois, ne pouvait
que le conduire à dévoiler une fois encore
l'inconsistance de sa pensée. En tout état de cause, si
la véritable position du Prolétaire est celle de son
article du n°468, alors il est clair que le PCI se rend lui-même
"complice de l'action anti-ouvrière du collaborationnisme
politique et syndical" puisqu'il estime que nous n'avions pas à
avertir les ouvriers des pièges qui leur étaient
tendus. Le PCI nous reproche encore d'inviter les prolétaires
à "ne pas se lancer dans une longue lutte". Il est
clair que le PCI apporte aujourd'hui, de façon implicite, son
soutien à cette manœuvre syndicale que la CGT a toujours
promue : épuiser la combativité des ouvriers dans des
luttes longues et isolées. Visiblement le PCI a oublié
ce qu'il écrivait dans un tract diffusé dans les
manifestations du 16 décembre 1995 : "Et si FO et la CGT
se démènent bruyamment, c'est afin que la détermination
des grévistes s'épuise peu à peu dans une grève
interminable au lieu de se concentrer dans un affrontement généralisé
avec la bourgeoisie et son État." (souligné par
nous).
Et pour justifier une fois de plus son accord avec les méthodes
de lutte "radicale" des syndicats, le PCI affirme encore
que le CCI verrait "dans les examens la voie de
l'émancipation sociale pour les enfants de la classe ouvrière"
!
Là encore, le PCI falsifie ce que nous disons. Voici ce
qui est écrit dans le passage de notre article évoqué
par Le Prolétaire : "L'approche de la période
des examens est utilisée comme nouveau facteur de division du
mouvement : alors que les deux principaux syndicats dans l'éducation
nationale s'opposent résolument à tout boycott des
examens de fin d'année et à tout blocage des salles
d'examen, les éléments les plus combatifs sont poussés
au contraire par les syndicalistes les plus radicaux et par les
gauchistes à multiplier des actions-commandos de ce type. De
telles actions ne peuvent évidemment contribuer qu'à
isoler ces éléments combatifs et à les
discréditer en même temps aux yeux de l'ensemble de la
classe ouvrière dont les enfants sont exposés à
subir directement les préjudices du blocage des examens."
(RI n° 336)
Contrairement à ce que laisse
entendre Le Prolétaire, nous ne suggérons nullement que
les examens seraient "la voie de l'émancipation sociale
pour les enfants de la classe ouvrière". La seule
émancipation sociale pour la classe ouvrière et pour
ses enfants passe par le renversement du capitalisme ; et c'est ce
que les révolutionnaires doivent rappeler en permanence. Cela
dit, avec l'aggravation de la crise du capitalisme, chaque prolétaire
sait très bien que ses enfants seront de plus en plus menacés
par le chômage. Les études et les diplômes ne sont
pas considérés par les ouvriers comme le moyen d'une
"émancipation" ou même d'une "promotion"
sociale pour leurs enfants mais tout simplement comme le moyen de
leur éviter une misère noire et l'exclusion. Et une
telle préoccupation concerne y compris les ouvriers qui
pensent nécessaire la révolution communiste. Le royal
mépris avec lequel Le Prolétaire traite cette
préoccupation des familles ouvrières ne fait
qu'exprimer le point de vue anarchiste petit bourgeois qui est le
sien.
L'imbécillité de cet "argument" révèle au moins une chose : le PCI est d'accord avec les actions minoritaires et jusqu'au-boutistes des syndicats visant à rendre la grève impopulaire. Le blocage des examens, comme tout autre "action commando" (tels les barrages sur les routes ou le blocage des voies de chemin de fer qui ont la faveur de la CGT). C'est une conception de la lutte propre au "radicalisme" des anarchistes pour lesquels une petite minorité jusqu'au-boutiste peut par ce type d'action s'opposer au capitalisme. Là aussi, le point de vue du PCI rejoint celui des anarchistes.
Le lecteur pourra juger par lui-même du manque de sérieux
de ce groupe révolutionnaire qui se permet encore de faire au
CCI un cours de marxisme en nous rappelant (merci pour la leçon
!) que "la pire des défaites est la défaite sans
combat" (Le Prolétaire n°468). Que le PCI nous
permette de lui renvoyer l'ascenseur en lui rappelant ce que le
mouvement ouvrier nous a enseigné : la pire attitude que
puisse adopter un groupe révolutionnaire est justement celle
qui consiste à entraîner les ouvriers derrière
les méthodes de lutte des syndicats, à les embarquer
dans des aventures qui peuvent leur être fatales, accentuant
leur démoralisation et faisant le jeu de la bourgeoisie. Et
surtout, la pire faute que puissent commettre les militants
communistes, c'est de présenter les défaites de la
classe ouvrière comme des victoires (comme l'a fait le PCI
lors du mouvement de décembre 1995). C'est justement cette
démarche que la Gauche communiste (dont le PCI se réclame)
avait dénoncée en mettant en évidence qu'un des
principaux moyens avec lesquels la bourgeoisie avait infligé
au prolétariat la plus terrible contre-révolution de
son histoire a été justement de lui présenter
comme des "victoires" ses plus grandes défaites : la
"construction du socialisme en URSS" (c'est-à-dire
la victoire de la contre-révolution stalinienne), les "Fronts
populaires" des années 1930 (la "victoire de la
démocratie contre le fascisme" lors de la Seconde Guerre
mondiale).
Nous réaffirmons ici, n'en déplaise au
PCI, que la lutte longue et isolée des travailleurs de
l'Éducation nationale au printemps dernier s'est soldée
par une défaite. C'est grâce à cette défaite
cuisante pour toute la classe ouvrière que le gouvernement
Raffarin a pu non seulement faire passer son attaque contre les
retraites comme une lettre à la poste, mais s'est encore
permis d'en porter d'autres dès la rentrée de
septembre.
Lors du mouvement de décembre 1995, le PCI nous avait
traités de "jaunes", de "briseurs de grèves"
etc. sur la base d'une analyse du mouvement qu'aujourd'hui il rejette
(si l'on en croit ce qu'il écrit dans le n°468 du
Prolétaire) pour adopter une analyse proche de celle du
CCI (à moins qu'il ait encore changé sa position depuis
lors !). Avant de continuer à déverser ses calomnies
sur notre organisation, ce serait la moindre des choses :
- que le
PCI ait l'honnêteté d'admettre qu'il a commis une erreur
d'analyse lors du mouvement de décembre 1995 dans son article
du Prolétaire n°435 ;
- qu'il retire les
insultes déversées contre le CCI dans son article
intitulé "Le CCI contre les grèves"
(Le Prolétaire n°435) puisque les accusations qu'il avait
portées à l'époque contre notre organisation
n'ont aujourd'hui plus de raison d'être.
La méthode
avec laquelle le PCI mène la polémique avec le CCI, la
démarche qui l'anime (et qui est un pur produit de son
sectarisme), ce n'est pas celle d'un débat en vue de la
clarification sérieuse et argumentée des divergences
afin de dégager les orientations les plus claires pour le
combat de la classe ouvrière. Sa principale préoccupation,
c'est d'abord et avant tout de dénigrer le CCI en faisant
usage de la falsification, du mensonge et de la diffamation. Et pour
atteindre cet objectif, le PCI n'est pas à une contradiction
près. Peu lui importe la cohérence et la continuité
de son analyse de la lutte de classe. Ce qui lui importe c'est la
continuité dans son entreprise de dénigrement du CCI.
Nous tenons ici à rappeler que le mouvement ouvrier a toujours
banni de ses débats la calomnie, le mensonge et la
diffamation. Ce que Marx, Engels, Lénine, Rosa Luxemburg nous
ont enseigné, c'est que la polémique au sein du
mouvement ouvrier, aussi cinglante puisse-t-elle être, doit
toujours s'attacher à réfuter de façon
scientifique et avec des arguments sérieux les positions
erronées. La calomnie en guise d'arguments est une méthode
propre au milieu parasitaire dont la seule raison d'être est de
discréditer les organisations révolutionnaires. Que le
PCI s'approprie de plus en plus cette méthode du parasitisme
n'est pas pour nous surprendre. Il n'est pas inutile de rappeler à
nos lecteurs que cette organisation de la Gauche communiste n'a eu
aucun scrupule à flirter avec des éléments
parasites regroupés sous le nom pompeux de "Fraction
Interne du CCI" (voir notre article "Le PCI à la
remorque de la 'Fraction Interne du CCI'" dans RI n°328 )
Pour défendre sa petite boutique contre le CCI, tout est bon à
prendre pour le PCI (y compris la complaisance avec des voleurs et
des mouchards !) au mépris de tout principe. Voilà ou
mènent l'opportunisme et le sectarisme : à s'acoquiner
avec n'importe quel petit groupe de voyous qui vient lui lécher
les bottes pour l'entraîner dans un "front unique"
anti-CCI.
Encore une fois, nous ne pouvons que mettre en garde le
PCI contre cette dangereuse dérive.
GL
Dans le précédent
numéro de RI [338], nous avons commencé à répondre
à un lecteur affichant ses sympathies envers l'anarchisme en
montrant l'incohérence des anarchistes quant à leurs méthodes
dans les luttes ouvrières et leur absence de boussole.
Dans cette seconde partie, nous nous attacherons essentiellement à
démentir l'assertion totalement fausse de notre lecteur selon
laquelle " la CNT espagnole a mené le plus loin le mouvement
d'auto-émancipation humaine jamais réalisé au 20e
siècle en 1936-39 ".
D'emblée, l'affirmation " d'un mouvement d'auto-émancipation
humaine " en Espagne dans la période 1936-39 laisse
perplexe. Que veut dire notre lecteur à travers cette expression
lapidaire utilisée à l'emporte-pièce ? Veut-il
évoquer toute la période que les anarchistes (entre autres
!) appellent plus simplement celle de " la révolution espagnole
" ? Fait-il allusion à la capacité de mobilisation
du prolétariat sur un terrain révolutionnaire ? A une
transformation significative de la société capitaliste
? A des pas vers la destruction de l'Etat bourgeois ? Fait-il l'apologie
des expériences concrètes d'autogestion ? Nous ne le savons
pas.
La seule chose que nous pouvons affirmer, en revanche, c'est que, du
point de vue des révolutionnaires, l'émancipation humaine,
c'est l'abolition du salariat et la fin des rapports d'exploitation
capitalistes, la réalisation d'une société sans
classes. Nous savons que cette transformation révolutionnaire
de la société peut seulement passer par une révolution
mondiale accomplie par l'union d'une classe spécifique, le prolétariat.
Nous devons alors considérer la situation de 1936-39 en Espagne
et le rôle de la CNT selon certains critères. Le rapport
de force est-il favorable au prolétariat ? A-t-il exercé
un pouvoir politique ? A-t-il fait un pas vers l'abolition des rapports
capitalistes d'exploitation et la destruction de l'Etat bourgeois ?
A-t-il été capable d'arrêter la guerre comme l'avait
fait la révolution en Russie en 1917 ? Et bien entendu, la CNT
qui, selon notre lecteur, aurait été l'avant-garde de
" ce mouvement " et " l'aurait mené le plus loin
possible " a-t-elle joué un rôle révolutionnaire
? A chacune de ces questions, la réponse est NON. Pourquoi ?
Il est en effet impossible d'évoquer la situation en Espagne
sans rappeler brièvement quel était le contexte global
de la période et de la situation pour la classe ouvrière
au niveau international.
Ces événements se situent en pleine période contre-révolutionnaire,
notamment illustrée par l'émergence du fascisme en Italie,
du nazisme en Allemagne, du stalinisme en URSS, sur les décombres
de la vague révolutionnaire de 1917-23. Les révolutionnaires
sont systématiquement pourchassés, emprisonnés,
torturés, exilés, massacrés partout. Et partout,
toutes les bourgeoisies nationales préparent activement la guerre
mondiale, idéologiquement à travers la fausse alternative
fascisme ou démocratie, matériellement à travers
le développement intensif d'une économie de guerre menée
sous la houlette de l'Etat capitaliste.
Ce qui s'est joué en Espagne, ce n'est pas le sort de la révolution
mondiale du prolétariat comme semble le croire notre lecteur.
Ce qui s'y est déroulé, c'est le basculement du monde
dans la barbarie de la Deuxième Guerre mondiale. C'est une féroce
bataille entre deux camps bourgeois dans lequel le prolétariat
va se faire tragiquement happer.
L'Espagne restait dans les années 1930 un Etat capitaliste d'Europe
occidentale parmi les plus arriérés, héritant des
structures féodales des siècles précédents,
largement dominé par l'agriculture. Le prolétariat du
pays est alors très concentré, combatif, mais totalement
inexpérimenté, encore fortement marqué par ses
origines petites-bourgeoises, paysannes ou artisanales. Ce qui explique
l'attrait pour la révolte individualiste et, de ce fait, le poids
particulier de l'anarchisme et de l'anarcho-syndicalisme en son sein.
Dès le début des années 1930, la CNT représente
un syndicat majoritaire, notamment en Catalogne et elle exerce également
une grande influence en Aragon. La CNT apparaît d'autant plus
comme la principale force syndicale oppositionnelle crédible
que le syndicat socialiste, l'UGT, est discrédité par
sa collaboration active avec le gouvernement dictatorial de Primo de
Rivera installé au pouvoir depuis 1923. Cela dit, dès
1930, la CNT s'associe à son tour, aux côtés de
l'UGT, au " pacte de San Sebastian " qui jette préventivement
les bases d'une " alternative républicaine " au pouvoir
monarchiste pour la bourgeoisie espagnole. Suite à une montée
de mouvements sociaux et surtout à un raz-de-marée en
faveur des partis de gauche aux élections municipales, le roi
Alphonse XIII prend la fuite en avril 1931. La république est
proclamée. D'emblée, les élections qui suivent
portent au pouvoir une coalition de " centre gauche ", socialo-républicaine.
Le nouveau gouvernement ne tarde pas à donner la véritable
mesure de sa nature antiouvrière. La répression s'abat
violemment sur les mouvements de grève qui surgissent face à
la montée rapide du chômage et des prix, faisant des centaines
de morts et de blessés parmi les ouvriers, notamment en janvier
1933 à Casas Viejas en Andalousie. Au cours de cette répression,
le " socialiste " Azana ordonne à la troupe : "
Ni blessés, ni prisonniers ! Tirez au ventre ! "
Cette répression sanglante des luttes ouvrières, effectuée
au nom de la défense de la démocratie, va durer deux années,
discrédite rapidement la coalition gouvernementale et va permettre
aux forces de droite de s'organiser. Une fraction du Parti Socialiste
va tenter, de son côté, de se recrédibiliser en
opérant un tournant à gauche. En avril-mai 1934, les grèves
ouvrières reprennent de l'ampleur. Les métallurgistes
à Barcelone, les cheminots et surtout les ouvriers du bâtiment
à Madrid, engagent des luttes très dures. Face à
ces luttes, la gauche et l'extrême gauche comme dans les autres
pays européens se servent de l'idéologie antifasciste
pour entraîner les ouvriers hors de leur terrain de classe dans
une politique de " front uni de tous les démocrates ".
Quelle est l'attitude de la CNT ? Non contente de participer à
cette entreprise, visant à faire abandonner aux ouvriers leur
terrain de classe et à les entraîner derrière leur
bourgeoisie, elle y joue un rôle de premier plan. Toute sa propagande
est axée sur " l'antifacisme ". Le prolétariat
est alors pris dans un piège : d'un côté, ses luttes
sont dévoyées par la propagande antifasciste qui affaiblit
la résistance ouvrière et pousse massivement les ouvriers
vers le terrain électoral et la perspective d'un " programme
de front populaire pour faire face au péril fasciste ".
D'un autre côté, les bataillons les plus combatifs de la
classe ouvrière sont poussés à s'affronter isolément
et de façon suicidaire directement à l'appareil d'Etat.
En octobre 1934, les ouvriers des Asturies, poussés par toutes
les forces de gauche, tombent dans ce piège qui va les saigner
à blanc. Leur insurrection puis leur résistance dans les
zones minières et dans la ceinture industrielle d'Oviedo et de
Gijon est totalement isolée par les manoeuvres du PSOE et de
l'UGT qui ont empêché par tous les moyens que la lutte
ne s'étende au reste de l'Espagne. Pendant ce temps le gouvernement
déploie l'armée avec 30 000 hommes, ses chars et ses avions
pour écraser impitoyablement les ouvriers, ouvrant une nouvelle
période de répression sanglante dans le pays. Le 15 janvier
1935, l'alliance électorale du Frente Popular est signée
par l'ensemble des organisations de gauche ainsi que par les gauchistes
trotskisants du POUM. Les dirigeants anarchistes de la CNT et de la
FAI dérogent à leurs " principes anti-électoraux
" et manifestent leur soutien à cette entreprise en s'abstenant
de toute critique envers cette élection. En février 1936
le premier gouvernement de Front Populaire est élu. Alors qu'une
nouvelle vague de grèves se développe, le gouvernement
et le parti stalinien lancent des appels pour la reprise du travail,
disant que les grèves sont des actes de sabotage et font le jeu
du fascisme.
La mobilisation idéologique massive des ouvriers derrière
l'antifascisme, hors de leur terrain de classe, est en marche.
La bourgeoisie peut passer à une deuxième phase, l'embrigadement
direct derrière un camp capitaliste contre un autre, en défense
de la république du Front Populaire, la plongée du prolétariat
dans l'enfer des massacres de la guerre impérialiste.
Suffisamment assurées de leur succès, les forces militaires
se lancent dans un " pronunciamiento " parti du Maroc. Elles
sont commandées par un Franco qui a fait ses premières
armes de général en dirigeant la répression antiouvrière
de 1934 dans les Asturies, sous les ordres de Largo Caballero qui va
devenir la principale " figure " de la république du
Front Populaire. La riposte ouvrière est immédiate : le
19 juillet 1936, les ouvriers se mettent en grève contre le soulèvement
de Franco et se rendent massivement dans les casernes pour désarmer
cette tentative, sans se préoccuper des directives contraires
du Front Populaire et du gouvernement républicain. Ils endiguent
l'action franquiste, notamment à Barcelone et dans plusieurs
villes de Catalogne. Mais, dans la majorité des cas où
les ouvriers suivent les consignes d'attente du gouvernement, ils se
font massacrer dans un horrible bain de sang, comme notamment à
Séville. Les forces de gauche du capital déploient alors
pleinement leurs manoeuvres d'embrigadement. En 24 heures, le gouvernement
central qui négociait avec les troupes franquistes et organisait
avec elles le massacre des ouvriers cède la place à un
gouvernement plus à gauche et plus antifasciste qui prend la
tête du soulèvement ouvrier pour l'orienter exclusivement
sur un terrain militaire et vers l'affrontement avec Franco.
La CNT qui n'avait cessé de pousser les ouvriers à choisir
le camp de la république contre celui de Franco va donner un
nouveau coup de main au gouvernement de Front Populaire en poussant
les ouvriers dans des " expériences d'autogestion "
qui ne sont mises en oeuvre qu'après le soulèvement des
troupes franquistes et le départ précipité de nombreux
patrons d'usine et de propriétaires terriens effrayés
par la perspective de guerre civile. A quoi aura servi la fameuse "
expérience autogestionnaire " dont les anarchistes continuent
à se revendiquer et dont ils tirent autant de fierté ?
Elle aura contribué à enfermer les prolétaires
chacun dans leur coin, dans " leur " usine, " leur "
entreprise, " leur " campagne ou " leur " village
en paralysant toute réaction unitaire de la classe ouvrière,
absorbant et stérilisant ses énergies. Elle aura aussi
bloqué tout développement d'une réflexion politique
sur la situation générale et semé dans les consciences
les pires illusions sur le rapport de forces entre les classes qui se
jouait à un niveau global. Cette " autogestion " va
se propager rapidement. Plus de 70% de la production industrielle et
commerciale sera " collectivisée " à des degrés
divers en Catalogne, souvent pendant près de 14 mois, notamment
l'industrie du bois, le textile, la métallurgie mais aussi les
services et les transports publics. La CNT se retrouve aussi à
la pointe de la collectivisation des terres et encourage activement
la formation de communes ou de communautés agraires, notamment
en Aragon.
A travers l'antifascisme, la CNT et la FAI prennent alors une part décisive
et prépondérante pour rabattre les ouvriers dans les bras
du Front Populaire. Cette caution abrite les menées de l'Etat
capitaliste républicain qui profite de la confiance que font
les ouvriers aux leaders anarchistes. CNT et FAI embrigadent les ouvriers
à travers des organismes comme le Comité Central des Milices
Antifascistes et le Conseil Central de l'Economie qui créent
l'illusion d'un " pouvoir ouvrier ". Les ouvriers vont ainsi
se livrer définitivement aux mains de leurs bourreaux. Dès
lors, des centaines de milliers d'ouvriers sont directement enrôlés
dans les milices antifascistes des anarchistes et des poumistes et sont
envoyés se faire tuer sur le front impérialiste "
antifranquiste " par le gouvernement du Front Populaire. Dans ce
but, la CNT et la FAI sont appelés à participer au gouvernement
régional de Catalogne (la Generalidad), là où les
ouvriers paraissaient concentrer le plus de force. Elles acceptent sans
rechigner la main tendue par Companys et les postes de ministres proposés
(notamment les plus stratégiques, la défense et l'économie),
ce qui va permettre au gouvernement de récupérer les armes
dont s'étaient emparées les ouvriers tandis que la collectivisation
de la production va s'étendre par décrets, directement
assurée par " l'Etat catalan ". Fort de cette expérience,
le gouvernement central va à son tour appeler les anarchistes
au pouvoir. La CNT et la FAI y répondront tout aussi favorablement
avec le même empressement. Avec le même succès pour
les manoeuvres de la bourgeoisie. Les anarchistes ont tenu un rôle
de premier plan pour le compte de la bourgeoisie et dans sa manoeuvre
pour tromper les prolétaires sur la nature de classe du gouvernement
de Front Populaire et de son Etat : " Tant sur le plan des principes
que par conviction, la CNT a toujours été anti-étatiste
et ennemie de toute forme de gouvernement. Mais les circonstances ont
changé la nature du gouvernement espagnol et de l'Etat. Aujourd'hui,
le gouvernement en tant qu'instrument de contrôle des organes
de l'Etat a cessé d'être une force d'oppression contre
le classe ouvrière, de même que l'Etat ne représente
plus un organisme qui divise la société en classes. L'un
et l'autre opprimeront moins le peuple maintenant que des membres de
la CNT y sont intervenus " (Federica Montseny, 4 novembre 1936).
Dès ce moment, la bourgeoisie peut tendre un nouveau piège
idéologique dont les ministres et la plupart des leaders anarchistes
vont se faire les plus ardents apôtres et les représentants
les plus crédibles : faire croire aux ouvriers que l'Etat est
réduit en miettes, qu'il n'existe plus, que tout le pouvoir est
passé aux mains des ouvriers et des paysans.
La CNT, intégrée dans les rouages de l'appareil d'Etat,
donne la pleine mesure de ses services. Elle est très active
dans toutes les entreprises " collectivisées " pour
orienter toute la production vers le front impérialiste : l'armement,
le textile, la métallurgie, destinés à équiper
les milices ouvrières qu'elle envoie en grand nombre se faire
tuer contre l'armée franquiste. Les syndicalistes de la CNT jouent
un rôle éminent dans la militarisation de la production
: par exemple, à Hispano-Suiza, " les ateliers de cette
entreprise sont parmi ceux qui travaillent avec le plus d'intensité
et dans les branches les plus diverses pour le ravitaillement des Milices
ouvrières. Les organisations syndicales procédèrent,
dès les premiers moments de la saisie de l'usine, à l'organisation
des travaux sous la direction intégrale des organismes créés
par le prolétariat, afin d'adapter la fabrication aux nécessités
imposées par la guerre civile. Jamais une modification des services
n'aura été aussi complète et aussi rapide en vue
de transformer une production de paix en production de guerre. Les travaux
qui sortent de tous les établissements de l'industrie métallurgique
pour le service de la guerre, étant soumis au contrôle
du Comité des Milices, celui-ci fonctionne sous la forme d'un
délégué direct spécialement nommé
à cet effet. Le camarade qui remplit ces fonctions si complexes
est un des membres les plus en vue du Syndicat Unique de la Métallurgie
(CNT). Il a ses bureaux installés à l'intérieur
de l'usine Hispano-Suiza." (A. Souchy, Collectivisations : L'Oeuvre
constructive de la révolution espagnole 1936-39, cité
par C. Semprun-Maura, Révolution et contre-révolution
en Catalogne, pp. 106/107).
Après avoir abandonné ainsi son terrain de classe et s'être
vus imposer une féroce surexploitation au nom de l'économie
de guerre antifasciste par le Front Populaire : réduction des
salaires, inflation, rationnement, réquisitions, allongement
de la journée de travail, militarisation du travail, le prolétariat
devait subir la répression comme les massacres sur le front.
Les sanglants massacres en Aragon, à Oviedo, à Madrid
sont aussi le résultat de cette manoeuvre criminelle qui entoure
la tragédie des journées de mai 1937 à Barcelone
par le gouvernement de Front Populaire, troupes du PCE et de sa succursale
catalane du PSUC en tête, tandis que les hordes franquistes arrêtaient
volontairement leur avance pour permettre aux bourreaux staliniens d'écraser
les ouvriers. Là encore, ce sont l'appareil de la CNT et les
leaders anarchistes au gouvernement, tels que Federica Montseny et Garcia
Oliver qui vont, dès le début, appeler les ouvriers insurgés
à rendre leurs armes alors même que nombre de prolétaires
envoyés au front manifestaient leur intention de revenir leur
prêter main-forte.
Dans cette sanglante tragédie, la CNT, la FAI le POUM, en poussant
les ouvriers à quitter leur terrain de classe au nom du "
front antifasciste " les ont jetés pieds et poings liés
dans les bras de leurs assassins et au coeur de la mêlée
impérialiste. La présence de ministres anarchistes dans
le gouvernement de Catalogne puis dans le gouvernement central de Caballero
a représenté un puissant facteur dans la mystification
des ouvriers par le Front Populaire.
Tous les organismes dirigeants de la CNT déclarèrent une
guerre féroce contre les éléments des rares courants
qui, même dans une terrible confusion, luttaient pour défendre
un point de vue de classe, en les envoyant sur les positions les plus
exposées du front ou en les faisant emprisonner par la police
des " forces républicaines ".
La guerre d'Espagne n'était pas une révolution, mais bien
la guerre entre deux camps bourgeois, première étape de
la Seconde Guerre mondiale entre deux blocs impérialistes qui
étaient encore en voie de constitution.
Ce n'est certainement pas à l'avant-garde de " l'émancipation
de l'humanité " que s'est trouvée la CNT, mais au
contraire elle s'est illustrée par son rôle clairement
contre-révolutionnaire complémentaire à celui des
sociaux-démocrates et des staliniens.
La guerre d'Espagne avec ses répercussions idéologiques
immenses sur le prolétariat européen aura constitué
la première étape de la seconde boucherie impérialiste
mondiale. Elle se prolongea jusqu'en 1939, s'achevant par la victoire
de Franco, au moment où les autres fractions du prolétariat
mondial, servaient à leur tour de chair à canon dans l'affrontement
impérialiste généralisé derrière
leur bourgeoisie nationale respective.
Le plus haut moment d'émancipation révolutionnaire de
l'humanité du 20e siècle, c'est dans la révolution
prolétarienne en Russie de 1917 que notre lecteur doit aller
la chercher s'il veut se dégager de l'absence de repères
de l'anarchisme qui a conduit le prolétariat vers les pires défaites
et les pires massacres. C'est là que le prolétariat a
vécu ses plus riches expériences historiques à
travers le pouvoir des conseils ouvriers, qu'il a été
capable d'arrêter la barbarie guerrière et d'engendrer
une vague révolutionnaire au niveau mondial qui, même si
elle a été vaincue, a fait trembler la bourgeoisie et
a su ébranler le monde capitaliste.
Pour juger de l'état
du monde, il suffit d'évoquer la question :
quels sont les événements
qui auront marqué le plus profondément l'année
2003 ?
Que traduisent-ils ?
La nouvelle guerre meurtrière en Irak en mars dernier aura précipité
ce pays dans un chaos sanglant qui n'est pas prêt d'être
contrôlé ni surmonté, et ce n'est pas l'arrestation
récente de Saddam Hussein qui va changer quoi que ce soit à
cette réalité. Le Proche-Orient a continué à
être la proie d'une escalade de la violence dans un conflit israélo-palestinien
qui apparaît de plus en plus sans issue.
Le déchaînement des actions kamikazes et les attentats
terroristes frappant aveuglément les populations se sont généralisés
à un point tel qu'ils sont susceptibles de s'abattre en n'importe
quel endroit de la planète.
Il est manifeste que, bien loin de tous les discours officiels rassurants
et des promesses de paix, le monde s'enfonce dans une barbarie guerrière
de plus en plus sanglante. Ce sont des populations de plus en plus nombreuses
qui sont les principales victimes de cette aggravation de la barbarie.
A l'enfer de la terreur, de la destruction, des massacres, des mutilations
qu'elles subissent dans les pays livrés à ces carnages
s'ajoutent une plongée dans une misère effroyable.
Cette domination de la barbarie sur une large partie de la planète
converge avec une accélération sans précédent
des attaques contre la classe ouvrière dans les pays centraux
du capitalisme.
Ce sont les mêmes mesures qui sont mises en place partout par
tous les gouvernements, qu'ils soient de gauche ou de droite, que ce
soit en France, en Autriche, en Allemagne, au Brésil, et aujourd'hui
en Italie. Alors que le chômage ne cesse de s'aggraver et que
continuent à s'intensifier des plans de licenciements à
répétition, alors que la précarité de l'emploi
s'est généralisée, la nature même de ces
attaques dévoile encore plus crûment la faillite du système.
Non seulement le capitalisme jette à la rue de plus en plus larges
fractions de la classe ouvrière, mais il s'avère de plus
en plus incapable de leur assurer les moyens de survie les plus élémentaires.
C'est aux retraites et à la santé des prolétaires,
c'est aux allocations de tous ceux qui sont déjà réduits
au chômage que la bourgeoisie s'en prend désormais de façon
simultanée, massive et frontale, alors même que les conditions
de travail empirent et que le pouvoir d'achat se dégrade à
toute vitesse. C'est à une plongée en accéléré
dans la misère que sont déjà confrontées
de plus en plus de familles ouvrières.
L'ampleur et la profondeur sans précédent des attaques
de la bourgeoisie contre la classe ouvrière révèlent
l'enfoncement inexorable du capitalisme dans les convulsions de sa crise
mondiale. Quant à la bourgeoisie, elle démontre de plus
en plus clairement qu'elle n'a plus les moyens d'étaler ses attaques
contre les conditions de vie les plus vitales de la classe ouvrière.
Le capitalisme est contraint de dévoiler de plus en plus ouvertement
sa faillite. L'accélération dramatique de cette situation
sur la terre entière démontre clairement que, non seulement
ce système d'exploitation est incapable d'assurer un meilleur
sort pour l'humanité mais qu'il constitue au contraire, de façon
permanente, une menace d'engloutir la planète dans un gouffre
de misère et de barbarie.
Face à la gravité d'un tel enjeu, il existe une seule
issue : le renversement de ce système par la seule classe qui
n'a rien d'autre à perdre que les chaînes de son exploitation,
le prolétariat. La classe ouvrière détient toujours
la clef de l'avenir.
Elle seule a les moyens de sortir l'humanité de cette impasse.
Elle est bien la seule classe aujourd'hui comme hier, comme demain,
capable de s'opposer à la perpétuation de ce système
d'exploitation. Elle est la seule classe de l'histoire porteuse d'une
autre société dont le moteur ne serait plus le profit
et l'exploitation mais la satisfaction des besoins humains. Face à
l'enfoncement inéluctable dans la misère et la barbarie,
le développement de ses luttes sur son terrain de classe pour
résister aux attaques de la bourgeoisie pourra faire éclore
une autre perspective pour l'humanité.
Malgré la défaite que les prolétaires ont subi,
les luttes ouvrières qui ont commencé au printemps dernier
en Autriche ou en France ont démontré non seulement que
la classe ouvrière a la capacité de relever la tête
face aux attaques mais aussi qu'elle a conservé sa capacité
à affirmer sa propre perspective révolutionnaire
Les craintes de la bourgeoisie sont pleinement révélatrices
des potentialités du prolétariat. La bourgeoisie sait
bien qu'elle va devoir l'attaquer encore plus fortement dans les années
à venir et que la classe ouvrière n'aura pas d'autre choix
que de développer ses luttes. C'est justement pour y faire obstacle
et pour empêcher la classe ouvrière de prendre conscience
de la faillite définitive du capitalisme qu'elle a entrepris
de manière préventive de brouiller sa conscience en développant
l'idéologie altermondialiste. Cette mystification qui vise essentiellement
à faire croire qu'un "autre monde" serait possible
dans le cadre d'une "gestion différente" du capitalisme,
est directement destinée à semer la confusion pour entraver
le développement de la prise de conscience qu'il n'existe aucune
possibilité d'améliorer ni de réformer le système.
L'avenir du monde est bien entre les mains de la classe ouvrière.
Comme le rappellent déjà le titre et le préambule
du Manifeste du CCI écrit il y a plus de douze ans et qui est
plus que jamais valable pour les années à venir : "Révolution
communiste ou destruction de l'humanité : Jamais dans l'histoire,
les enjeux n'ont été aussi dramatiques et décisifs
que ceux d'aujourd'hui. Jamais une classe sociale n'a dû affronter
une responsabilité comparable à celle qui repose sur le
prolétariat." Mais au-delà de cette nécessité,
la classe ouvrière doit prendre conscience qu'elle a pleinement
les moyens de développer son combat et de mener à bien
cette tâche gigantesque.
Après un
été de canicule, sur un sol asséché, ces
dernières semaines ont apporté à nouveau leur lot
de catastrophes dites naturelles avec les inondations dans diverses
régions de France et particulièrement dans le Sud-Est,
région "abonnée" depuis plusieurs années
à de telles situations dramatiques, ayant coûté
la vie à des dizaines de personnes, ravageant villages, habitations,
infrastructures routières, ferroviaires, cultures…. Aujourd'hui,
ce sont encore des vies humaines qui ont été emportées,
noyées par des torrents surgis en quelques instants et emportant
tout sur leur passage. En Arles, à Marseille, mais aussi dans
seize départements différents, de fortes pluies se sont
à nouveau transformées en catastrophes. La faute à
pas de chance ? Les caprices de la nature ? La fatalité ? Non,
mille fois non. Encore une fois, tout était prévisible.
En effet, depuis quinze ans, les inondations, particulièrement
dans le Sud-Est de la France, se sont succédées année
après année :
Toutes ces crues sont chaque fois présentées comme la
conséquence de la "force imprévisible de la nature"
ou de la "nature du sol", tout comme certains experts ont
insisté sur l'été de canicule et des sols desséchés
dans le Sud-Est pour mieux justifier les nouveaux ravages de l'eau ces
dernières semaines. Désolation encore l'année dernière
en Europe centrale avec les inondations en Allemagne, en Tchéquie.
Et la liste des inondations est longue dans la dernière période
: Indonésie, Haïti, Venezuela, Québec.
Les inondations de la décennie ou du siècle, quand elles
se renouvellent tous les ans ou presque ne peuvent que poser question
!
Les comités d'experts et organismes d'Etat patentés hésitent
encore à reconnaître que les dérèglements
climatiques sont dus à l'effet de serre, multipliant les phénomènes
météorologiques aux conséquences désastreuses.
Oui, c'est vrai, affirment-ils, le réchauffement de la planète
est une réalité mais il serait trop tôt pour l'incriminer
à partir d' "évènements ponctuels" !
Reconnaître ces dérèglements climatiques liés
à l'activité industrielle impliquerait le constat de la
pollution atmosphérique généralisée, de
l'augmentation des gaz à effet de serre. Ce serait reconnaître
de manière ouverte la responsabilité du fonctionnement
anarchique du capitalisme et l'hypocrisie de TOUS les Etats multipliant
les conférences environnementales et leur lot de promesses écologiques
pour mieux les enterrer dans les secondes qui suivent : la loi de la
concurrence et du profit restent les seuls maîtres !
Ceci est typique d'un système décadent, irrationnel, comme
le capitalisme, incapable de prévenir, guérir ou dépasser
les problèmes. Pire, il en est le principal responsable : gaz
à effet de serre, urbanisation sauvage dans des zones inondables
connues de tous les responsables, cours d'eau non entretenus, modifications
des lits des fleuves, etc. Plus le capitalisme, basé sur le profit
et la rentabilité et non sur les besoins humains, s'enfonce dans
sa propre décomposition, moins il est capable de maîtriser
les formidables forces technologiques qu'il a développées
pour maîtriser la nature. Et si, aujourd'hui, la nature "reprend
ses droits", c'est bien parce que le mode de production capitaliste
n'est plus capable de dominer cette nature, d'apporter le moindre progrès,
la moindre perspective d'avenir à l'humanité.
Et pourtant, les mesures à prendre pour atténuer sinon
éliminer de telles inondations sont connues depuis longtemps.
Mais en matière de prévention, de telles dépenses
sont considérées pratiquement comme du "luxe"
pour l'Etat et sa gestion à courte vue. Ceci n'est pas nouveau
: "…Non seulement la civilisation bourgeoise peut provoquer
directement des catastrophes par sa soif de profit…mais elle se
révèle incapable d'organiser une protection efficace dans
la mesure où la prévention n'est pas une activité
rentable…" (Amadeo Bordiga, Espèce humaine et croûte
terrestre)
L'actualité en apporte une confirmation supplémentaire
: on apprenait par la presse tout dernièrement qu'un rapport
technique établi pour le compte de l'Etat, disponible dès
novembre 2002, établissait en détail tous les dangers
d'une nouvelle crue dans le delta du Rhône et recommandait les
mesures adéquates pour restreindre les dégâts :
renforcement des digues, construction d'ouvrages de rétention
d'eau, création d'un déversoir en Camargue. Bien évidemment,
cette étude n'a pas été rendue publique, et pour
cause ! Ce qui était proposé impliquait nécessairement
pour l'Etat et autres institutions de débourser quelques milliards
d'euros de travaux ! Des ministères, des conseils généraux,
des communes, de la SNCF : chacun se renvoie la balle quant à
l'entretien des digues et autres infrastructures !
Aujourd'hui, dans le Sud-Est, la colère des sinistrés
est montée d'un cran : la plupart n'ont pas encore épongé
les conséquences des crues de l'année dernière,
n'ont pas été remboursés par leurs assurances qu'ils
doivent à nouveau évacuer et voir leurs habitations ravagées
par les flots. En Arles, la majorité des entreprises paralysées
par les eaux ont recouru au chômage technique dans une ville où
le taux de chômage est déjà de 15% !
Les indemnisations des dégâts par les assurances sont déjà
estimées à au moins quatre fois le prix qu'auraient coûtés
les travaux préconisés. Qu'importe ! les cotisations des
assurés seront augmentées au nom de la "solidarité
nationale".
Les ministres du gouvernement, Chirac lui-même, se sont succédés
sur les lieux, comme de coutume, pour compatir et affirmer que tout
sera mis en œuvre pour éviter de telles catastrophes à
l'avenir.
Voyons les mesures proposées : "allègements fiscaux
en faveur des populations et entreprises sinistrées. Les contribuables
concernés pourront faire l'objet d'un examen au cas par cas et
se voir accorder des délais de paiement (sic) ou même d'une
remise totale des cotisations de taxe d'habitation." (ministère
des finances, le 10 décembre 2003). Une loi de juillet 2003 prévoit
"un renforcement des mesures de prévention des risques naturels…le
financement de mesures permettant de réduire la vulnérabilité
des habitations existantes…en facilitant les initiatives des collectivités
territoriales notamment dans le registre du ralentissement des crues".
On peut donc être rassurés : les objectifs sont clairs,
précis et limpides ! Mme Bachelot, ministre de l'environnement,
a même insisté pour que la loi "renforce l'information
préventive et la conscience du risque des populations".
Plus gonflé, tu meurs ! Ce que ces bourgeois affirment en fait
sans vergogne c'est que les catastrophes vont continuer : les constructions
vont se poursuivre dans ces zones, le béton va s'étendre,
les risques se multiplier. Mais chacun aura été prévenu
! La classe dominante, non contente de chercher à se dédouaner
de tels drames dont elle est pleinement responsable, y ajoute le mépris
et le culot le plus écoeurant.
Et il y a toutes les chances de voir tous ces ministres, élus,
aux premières loges du prochain concert de J.J. Goldmann en soutien
aux sinistrés, clamant à tue-tête : "Plus jamais
ça !"
Mais la nature à bon dos. C'est le capitalisme qui tue et qui
va continuer à tuer. Il condamne des populations à la
mort, des régions à de nouveaux sinistres inéluctables
parce que sa loi du profit maximum le pousse à réduire
et même à détruire toute protection contre les catastrophes,
naturelles ou pas. Il n'y a pas de fatalité. Toutes ces tragédies
de plus en plus nombreuses sont la manifestation de la faillite totale
du mode de production capitaliste. Elles ont les mêmes causes
: la décomposition générale qui gangrène
l'ensemble du corps de la société capitaliste. La survie
du capitalisme est devenue une menace permanente pour la survie de l'humanité.
Le prolétariat doit en prendre pleinement conscience.
Dans la première partie de cet article publiée dans RI n°339, nous avons mis en évidence que le communisme n'est pas seulement un vieux rêve de l'humanité ou le simple produit de la volonté humaine, mais qu'il se présente comme la seule société capable de surmonter les contradictions qui étranglent la société capitaliste. Dans la deuxième partie de cet article (publiée dans RI n°340) nous avions réfuté les arguments de ceux qui pensent que la société communiste définie par Marx est impossible à réaliser du fait de l'égoïsme, de la soif de pouvoir et du "chacun pour soi" qui seraient des caractéristiques inhérentes à la prétendue "nature humaine". Cette troisième partie, que nous publions ci-dessous, se donne pour objectif de mettre en évidence que le prolétariat est la seule classe de la société capable de détruire le capitalisme et d'édifier le communisme à l'échelle mondiale.
De même que les caractéristiques du capitalisme avaient permis de résoudre les contradictions qui avaient terrassé la société féodale (comme cela avait été déjà le cas de cette dernière vis-à-vis de la société antique), les caractéristiques de la société appelée à résoudre les contradictions mortelles qui assaillent le capitalisme découlent du même type de nécessité. C'est donc en partant de ces contradictions qu'il est possible de définir les caractéristiques de la future société.
On ne peut, évidemment, dans le cadre de cet article, revenir en détail sur ces contradictions. Depuis plus d'un siècle, le marxisme s'y est employé de façon systématique et notre propre organisation y a consacré de nombreux textes [1] [341]. Cependant on peut résumer à grands traits les origines de ces contradictions. Elles résident dans les caractéristiques essentielles du système capitaliste : c'est un mode de production qui a généralisé l'échange marchand à tous les biens produits alors que, dans les sociétés du passé, seule une partie, souvent très minime, de ces biens était transformée en marchandises. Cette colonisation de l'économie par la marchandise a même affecté, dans le capitalisme, la force de travail mise en oeuvre par les hommes dans leur activité productive. Privé de moyens de production, le producteur n'a d'autre possibilité, pour survivre, que de vendre sa force de travail à ceux qui détiennent les moyens de production : la classe capitaliste, alors que dans la société féodale par exemple, où existait déjà une économie marchande, c'est le fruit de son travail que l'artisan ou le paysan vendait. Et c'est bien cette généralisation de la marchandise qui est à la base des contradictions du capitalisme : la crise de surproduction trouve ses racines dans le fait que le but de ce système n'est pas de produire des valeurs d'usage, mais des valeurs d'échange qui doivent trouver des acheteurs. C'est dans l'incapacité de la société à acheter la totalité des marchandises produites (bien que les besoins soient très loin d'être satisfaits) que réside cette calamité qui apparaît comme une véritable absurdité : le capitalisme s'effondre non parce qu'il produirait trop peu, mais parce qu'il produit trop.
La première caractéristique du communisme sera donc l'abolition de la marchandise, le développement de la production de valeurs d'usage et non de valeurs d'échange.
En outre, le marxisme, et particulièrement Rosa Luxemburg, a mis en évidence qu'à l'origine de la surproduction réside la nécessité pour le capital, considéré comme un tout, de réaliser, par la vente en dehors de sa propre sphère, la part des valeurs produites correspondant à la plus-value extirpée aux prolétaires et destinée à son accumulation. A mesure que cette sphère extra-capitaliste se réduit, les convulsions de l'économie ne peuvent prendre que des formes de plus en plus catastrophiques.
Ainsi, le seul moyen de surmonter les contradictions du capitalisme réside dans l'abolition de toutes les formes de marchandises, et en particulier de la marchandise force de travail, c'est-à-dire du salariat.
L'abolition de l'échange marchand suppose que soit aboli également ce qui en constitue la base : la propriété privée. Ce n'est que si les richesses de la société sont appropriées par celle-ci de façon collective que pourra disparaître l'achat et la vente de ces richesses (ce qui existait déjà, sous une forme embryonnaire, dans la communauté primitive). Une telle appropriation collective par la société des richesses qu'elle produit, et en premier lieu, des moyens de production, signifie qu'il n'est plus possible à une partie d'elle-même, à une classe sociale (y compris sous la forme d'une bureaucratie d'Etat), de disposer des moyens d'en exploiter une autre partie. Ainsi l'abolition du salariat ne peut être réalisée sur la base de l'introduction d'une autre forme d'exploitation, mais uniquement par l'abolition de l'exploitation sous toutes ses formes. Et contrairement au passé, non seulement le type de transformation qui puisse aujourd'hui sauver la société ne peut désormais aboutir sur de nouveaux rapports d'exploitation, mais le capitalisme a réellement créé les prémices matérielles d'une abondance permettant le dépassement de l'exploitation. Ces conditions d'une abondance, elles aussi, se révèlent dans l'existence des crises de surproduction (comme le relève le Manifeste communiste).
La première caractéristique de cette classe est d'être exploitée car seule une telle classe peut être intéressée à l'abolition de l'exploitation. Si dans les révolutions du passé, la classe révolutionnaire ne pouvait, en aucune façon, être une classe exploitée, dans la mesure où les nouveaux rapports de production étaient nécessairement des rapports d'exploitation, c'est exactement le contraire qui est vrai aujourd'hui. En leur temps, les socialistes utopistes (tels Fourier, Saint-Simon, Owen) avaient caressé l'illusion que la révolution pourrait être prise en charge par des éléments de la bourgeoisie elle-même. Ils espéraient qu'il se trouverait, au sein de la classe dominante, des philanthropes éclairés et fortunés qui, comprenant la supériorité du communisme sur le capitalisme, seraient disposés à financer des projets de communautés idéales dont l'exemple ferait ensuite tâche d'huile. Comme l'histoire n'est pas faite par des individus mais par des classes, ces espérances furent déçues en quelques décennies. Même s'il s'est trouvé quelques rares membres de la bourgeoisie pour adhérer aux idées généreuses des utopistes, l'ensemble de la classe dominante, comme telle, s'est évidemment détournée, quand elle n'a pas combattu, de telles tentatives qui avaient pour projet sa propre disparition.
Cela dit, le fait d'être une classe exploitée ne suffit nullement, comme on l'a vu, pour être une classe révolutionnaire. Par exemple il existe encore aujourd'hui, dans le monde, et particulièrement dans les pays sous-développés, une multitude de paysans pauvres subissant l'exploitation sous forme d'un prélèvement sur le fruit de leur travail qui vient enrichir une partie de la classe dominante, soit directement, soit à travers les impôts, soit par les intérêts qu'ils versent aux banques ou aux usuriers auprès desquels ils sont endettés. C'est sur le constat de la misère, souvent insupportable de ces couches paysannes que reposaient toutes les mystifications tiers-mondistes, maoïstes, guévaristes, etc. Lorsque ces paysans ont été conduits à prendre les armes, c'était comme fantassins de telle ou telle clique de la bourgeoisie qui s'est empressée, une fois au pouvoir, de renforcer encore l'exploitation, souvent sous des formes particulièrement atroces (voir, par exemple, l'aventure des Khmers rouges au Cambodge, dans la seconde moitié des années 70). Le recul de ces mystifications (que diffusaient tant les staliniens que les trotskistes et même certains "penseurs radicaux" comme Marcuse) n'est que la sanction de l'échec patent de la prétendue "perspective révolutionnaire" qu'aurait porté la paysannerie pauvre. En réalité, les paysans, bien qu'ils soient exploités de multiples façons et qu'ils puissent mener des luttes parfois très violentes pour limiter leur exploitation, ne peuvent jamais donner comme objectif à ces luttes l'abolition de la propriété privée puisqu'ils sont eux-mêmes de petits propriétaires ou que, vivant aux cotés de ces derniers, ils aspirent à le devenir [2] [342]. Et même lorsque les paysans se dotent de structures collectives pour augmenter leur revenu à travers une amélioration de leur productivité ou de la commercialisation de leurs produits, c'est, en règle générale, sous la forme de coopératives, lesquelles ne remettent en cause ni la propriété privée, ni l'échange marchand. En résumé, les classes et couches sociales qui apparaissent comme des vestiges du passé (exploitants agricoles, artisans, professions libérales, etc.), qui ne subsistent que parce que le capitalisme, même s'il domine totalement l'économie mondiale, est incapable de transformer tous les producteurs en salariés, ne peuvent porter de projet révolutionnaire. Bien au contraire, la seule perspective dont elles puissent éventuellement rêver est celle d'un retour à son mythique "âge d'or" du passé : la dynamique de leurs luttes spécifiques ne peut être que réactionnaire.
En réalité, dans la mesure où l'abolition de l'exploitation se confond, pour l'essentiel, avec l'abolition du salariat, seule la classe qui subit cette forme spécifique d'exploitation, c'est-à-dire le prolétariat, est en mesure de porter un projet révolutionnaire. Seule la classe exploitée au sein des rapports de production capitalistes, produit du développement de ces rapports de production, est capable de se doter d'une perspective de dépassement de ces derniers.
Pour accomplir cette tâche, la force potentielle du prolétariat est considérable.
D'une part, dans la société capitaliste développée, l'essentiel de la richesse sociale est produite par le travail de la classe ouvrière même si, encore aujourd'hui, celle-ci est minoritaire dans la population mondiale. Dans les pays industrialisés, la part du produit national qu'on peut attribuer à des travailleurs indépendants (paysans, artisans, etc.) est négligeable. C'est même le cas dans les pays arriérés ou, pourtant, la majorité de la population vit (ou survit) du travail de la terre.
D'autre part, par nécessité, le capital a concentré la classe ouvrière dans des unités de production géantes, qui n'ont rien à voir avec ce qui pouvait exister du temps de Marx. En outre, ces unités de production sont elles-mêmes, en général, concentrées au cœur ou à proximité des villes de plus en plus peuplées. Ce regroupement de la classe ouvrière, tant dans ses lieux d'habitation que de travail, constitue une force sans pareille dès lors qu'elle sait le mettre à profit, en particulier par le développement de sa lutte collective et de sa solidarité.
Enfin, une des forces essentielles du prolétariat est sa capacité de prise de conscience. Toutes les classes, et particulièrement les classes révolutionnaires, se sont données une forme de conscience. Mais celle-ci ne pouvait être que mystifiée, soit que le projet mis en avant ne puisse aboutir (cas de la guerre des paysans de 1525 en Allemagne, par exemple), soit que la classe révolutionnaire se trouve obligée de mentir, de masquer la réalité à ceux qu'elle veut entraîner dans son action mais qu'elle va continuer à exploiter (cas de la révolution bourgeoise de 1789 avec ses slogans "Liberté, Égalité, Fraternité"). N'ayant, comme classe exploitée et porteuse d'un projet révolutionnaire qui abolira toute exploitation, à masquer ni aux autres classes, ni à lui-même, les objectifs et les buts ultimes de son action, le prolétariat peut développer, au cours de son combat historique, une conscience libre de toute mystification. De ce fait, celle-ci peut s'élever à un niveau de très loin supérieur à celui que n'a jamais pu atteindre la classe ennemie, la bourgeoisie. Et c'est bien cette capacité de prise de conscience qui constitue, avec son organisation de classe, la force déterminante du prolétariat.
D'après Révolution Internationale n° 73[1] [344] Voir notamment notre brochure La décadence du capitalisme.
[2] [345] Il existe un prolétariat agricole dont le seul moyen d'existence est de vendre contre salaire sa force de travail aux propriétaires des terres. Cette partie de la paysannerie appartient à la classe ouvrière et constituera, au moment de la révolution, sa tête de pont dans les campagnes. Cependant, vivant son exploitation comme conséquence d'une "malchance" qui l'a privé de l'héritage d'une terre, ou qui lui a attribué une parcelle trop petite, le salarié agricole, qui souvent est saisonnier ou commis dans une exploitation familiale, tend, la plupart du temps, à se rallier au rêve d'une accession à la propriété et d'un meilleur partage des terres. Seule la lutte, à un stade avancé, du prolétariat urbain, lui permettra de se détourner de ces chimères en lui proposant comme perspective la socialisation de la terre au même titre que des autres moyens de production.
[3] [346] A l'aube du développement de la classe ouvrière, certains secteurs de celle-ci, mis au chômage à cause de l'introduction de nouvelles machines, avaient dirigé leur révolte contre ces machines en les détruisant. Cette tentative de retour en arrière n'était qu'une forme embryonnaire de la lutte ouvrière qui fut vite dépassée par le développement économique et politique du prolétariat.
L'arrestation
de l'ancien boucher et président irakien Saddam Hussein a provoqué
immédiatement une mobilisation générale des états-majors
politiques des principales puissances impérialistes du monde.
Toutes ont salué l'événement mais, pour les principales
rivales des Etats-Unis, c'était bien à contre cœur
puisque, à travers celui-ci, la première puissance mondiale
a pu redorer son blason. Et la plupart d'entre elles font une nouvelle
fois la preuve de leur veulerie en vouant aux gémonies celui
qui, hier encore, était un allié respectable, voire un
pion sur lequel on misait particulièrement (comme Chirac) alors
qu'il était déjà un boucher et un " dictateur
".
Le message est clair, les Etats-Unis ont été au bout
de leurs intentions, ils ont renversé et fait prisonnier un des
pires dictateurs sanguinaires de la planète. Plus encore, dans
la guerre contre le terrorisme international, Bush et les siens ont
eu raison, ils ont vaincu un des leaders important du front terroriste
contre les démocraties. En septembre dernier, Bush ne déclarait-il
pas : "L'Irak est le front central de la guerre contre le terrorisme."
Cette arrestation tombe tellement bien pour l'administration américaine,
que l'on ne peut s'empêcher de se demander si celle-ci n'était
pas prévue, mise au point depuis déjà un certain
temps, sa réalisation concrète ne dépendant en
fin de compte que du choix du moment le plus propice pour l'Etat américain,
lui permettant de l'exploiter le plus efficacement.
Le monde entier était en train d'assister depuis plusieurs mois
à l'enlisement de plus en plus important de l'armée américaine
dans le bourbier irakien. Il ne se passait pas un jour sans que l'armée
de la coalition ne soit la cible de groupes terroristes. Les attentats,
tuant de nombreux soldats américains, se succédaient à
un rythme régulier s'étendant même au delà
de l'Irak et gagnant progressivement toute la région (Arabie
saoudite, Turquie, etc.). L'impuissance grandissante de l'impérialisme
américain à stabiliser la situation se révélait
ainsi au grand jour. Cette situation d'enlisement des Etats-Unis en
Irak avait conduit l'administration américaine a adopté
un profil bas au plan diplomatique par rapport à ses principaux
rivaux impérialistes que sont notamment l'Allemagne, la France
et la Russie. C'est ce qui les a obligés à demander par
l'intermédiaire de Colin Powell un engagement supplémentaire
de "leurs alliés" pour leur permettre d'opérer
un désengagement en douceur avant novembre 2004. Même un
" faucon " tel que Donald Rumsfeld a été amené
publiquement à soutenir cette demande, la décision devant
être prise les 28 et 29 juin 2004 au sommet de l'OTAN à
Istanbul. Si des pays comme la France, l'Allemagne ou la Belgique n'ont
pas réagi publiquement en défaveur de cette demande américaine,
ils se sont empressés d'affirmer que " celle-ci avait été
présentée comme une idée qui mérite réflexion
". Pendant ce temps, à Bruxelles, à la réunion
de l'OTAN, les tractations apparaissaient au grand jour : la participation
des forces armées françaises, allemandes et belges devait
pouvoir se faire à condition que Washington accepte la création
de structures européennes indépendantes au sein de l'OTAN.
Et ce ne sont pas les déclarations de Wolfowitz (secrétaire
d'Etat adjoint à la défense) et de Bush sur l'exclusion
de la France, de l'Allemagne, de la Russie ou du Canada de la "
reconstruction " de l'Irak qui pouvaient masquer la perte d'initiative
de l'impérialisme américain dans l'affrontement inter-impérialiste
mondial.
Avec l'arrestation de Saddam Hussein, Bush peut savourer une revanche
immédiate. Cette arrestation donne le beau rôle à
l'Amérique. La ligne " dure " de l'administration Bush
incarné par Rumsfeld et Wolfowitz va sans aucun doute en sortir
renforcée. Comme le dit Hubert Vedrines, ancien ministre français
des Affaires Etrangères, "avec cette capture, les Américains
retrouvent une autorité politique et une légitimité."
Cela leur permet également de reprendre l'initiative en matière
diplomatique. L'administration Bush est pour un certain temps dans une
position plus favorable pour pousser des Etats comme la France à
accepter un gel ou un moratoire sur les dettes irakiennes. C'est elle
qui peut plus librement imposer les conditions d'une participation éventuelle
des entreprises allemandes ou françaises à la reconstruction
en Irak. Même le conseil intérimaire de gouvernement irakien
piloté en grande partie par les Américains se trouve ainsi
revalorisé aux yeux de l'opinion publique internationale. Et
cela, même si le nouveau plan américain de transition politique
pour l'Irak relève d'un compromis avec la Fatwa du grand ayatollah
de Nadjaf, Ali Sistani, chef religieux chiite le plus influent en Irak.
Plus directement en Europe, l'Espagne et la Pologne qui étaient
accusées d'avoir fait capoter la réforme des institutions
européennes vont pouvoir bénéficier d'un regain
de crédibilité en lien avec les pays européens
ayant participé (telles l'Angleterre ou l'Italie) à la
guerre en Irak. C'est ponctuellement le couple franco-allemand qui se
trouve affaibli. Il n'y a aucun doute à avoir : cette arrestation
tombe à pic pour l'impérialisme américain et comme
l'affirme Seguillon, journaliste à LCI : "C'est en effet
quasiment en direct et selon un scénario préparé,
pensé et calibré, que le Pentagone a donné à
voir au monde entier et plus particulièrement au monde arabe
le terrible spectacle de la mise à mort médiatique de
l'ancien tyran irakien."
Cependant, il n'a pas fallu attendre longtemps pour assister à
de nouveaux attentats en Irak. Ceux-ci ont été perpétrés
dès le lendemain de l'annonce de l'arrestation de Saddam Hussein.
Quels que soient les protagonistes de ces attentats, ceux-ci viennent
rappeler que rien n'est résolu en Irak. Les rivalités
entre Sunnites, Chiites et Kurdes, libérées par l'effondrement
du gouvernement Saddam et attisées par la présence militaire
massive américaine, ne pourront que continuer à se développer
dans l'avenir. La population irakienne ne doit pas s'attendre à
bénéficier des retombées éventuelles de
la reconstruction. Celle-ci sera extrêmement limitée, très
certainement, aux infrastructures étatiques et routières,
ainsi qu'à la remise en ordre, pour des raisons stratégiques,
des champs pétroliers. En Irak, la guerre va se poursuivre et
s'amplifier, les attentats se multiplier. Dans cette situation de chaos
grandissant, malgré le renforcement ponctuel de l'impérialisme
américain, la perspective qui s'offre en Irak est celle de la
misère et la désolation. Ce qui attend l'Irak, c'est la
situation qui règne en Afghanistan ou au Liban depuis le début
des années 1980.
Quant au renforcement ponctuel actuel de la position américaine,
il pourrait bien, dans le futur, se tourner en son contraire. En effet,
le chaos que les Etats-Unis seront incapables d'endiguer ne pourra plus
être imputé à la main d'un Saddam Hussein agissant
dans l'ombre. Il risque alors d'apparaître de façon encore
plus évidente comme étant le résultat de l'intervention
américaine, ce que ne manqueront pas d'exploiter les bourgeoisies
rivales des Etats-Unis. En tout état de cause, quelle que soit
la forme que sera amenée à prendre la présence
militaire américaine en Irak, quelle que soit l'implication militaire
que des puissances européennes pourront éventuellement
avoir dans une force de " maintien de la paix ", les enjeux
et les tensions guerrières entre les Etats-Unis et leurs rivales
européennes ne pourront que s'accroître dramatiquement
dans la région.
Il revient aux organisations révolutionnaires de dénoncer
clairement tous les discours hypocrites faisant croire que la stabilité
et la paix sont possibles dans cette société. Si la classe
ouvrière n'est pas en mesure pour le moment d'empêcher
le développement des guerres et de la barbarie, elle n'en est
pas moins la seule force sociale capable par la révolution communiste
de s'opposer à la destruction à terme de toute l'humanité.
Quelque 700 dirigeants, intellectuels et personnalités de tous pays se sont réunis le 1er décembre à Genève, pour lancer officiellement ce qui est dénommé "l'initiative Genève", initiative pour un énième plan de paix israélo-palestinien. La classe ouvrière dans l'ensemble de l'Europe et dans le monde ne devait pas passer à coté de cet évènement présenté comme historique par une grande partie de la bourgeoisie mondiale.
Ce type de campagnes idéologiques faisant croire à la paix possible, n'est pas nouveau. L'histoire du capitalisme, le système le plus barbare de tous les temps, est là pour le prouver. Jamais il n'y a eu de paix dans le capitalisme, jamais dans l'histoire il n'y a eu autant de traités d'arrêt des hostilités guerrières signés par des belligérants de toutes nationalités. Encore pire, dans la période actuelle de décadence du capitalisme, de décomposition de la société, les périodes de paix apparente ne sont que des moments de préparation de la généralisation de conflits futurs. La guerre au Moyen-Orient dure depuis maintenant plus de cinquante ans. Des accords, des traités de paix sous le parrainage hypocrite des grandes puissances impérialistes, combien y en a t-il eu ? Qui ne se souvient des accords d'Oslo ou de Camp David ? La réalité dramatique des faits est venue démentir ces discours mystificateurs. A l'image de toutes les guerres impérialistes à l'échelle de la planète, le conflit israélo-palestinien n'a fait, ces dernières années, que s'amplifier, gagner en violence et en atrocité. Quels que soient les discours de certains secteurs de la bourgeoisie internationale, ce conflit ne pourra à l'avenir que s'enliser encore plus fortement dans la guerre permanente. D'ailleurs, il n'a pas fallu longtemps pour s'en rendre compte. Coté palestinien, l'Autorité palestinienne et Yasser Arafat ont soutenu cet accord du bout des lèvres. De leur coté le Hamas et les brigades d'Al Aqsa (branche armée du Fatah) ont fait immédiatement savoir qu'ils rejetaient ce plan de paix. Telle a été également la position affirmée haut et fort du gouvernement israélien d'Ariel Sharon. Quant au grand parrain américain, la manière extrêmement tiède avec laquelle il a reçu cette initiative en dit long sur la réalité de sa politique impérialiste qu'il continuera à soutenir au Moyen-Orient. Quant à l'Allemagne et à la France qui semblent soutenir cette initiative de paix, il leur revient d'avancer masquées au Moyen-Orient. Tout ce qui peut affaiblir la politique américaine et donc israélienne dans cette région est bon à prendre ! Tous ces bandits impérialistes se moquent royalement de la paix.
Il n'y a jamais eu de guerre à cause de la méchanceté
des hommes ou de quelques uns comme aime à nous le répéter
sans cesse la bourgeoisie. La Deuxième Guerre mondiale ne serait-
elle pas due à ce fou d'Hitler ? Et la guerre israélo-palestinienne
à l'irresponsabilité de gens comme Sharon ou Arafat ?
Ce que veut cacher à tout prix la bourgeoisie aux yeux des ouvriers,
c'est que les guerres capitalistes sont des guerres impérialistes
qui s'imposent au capitalisme moribond comme à sa classe dominante.
Laissé à sa seule logique, le capitalisme en décomposition
entraînera inéluctablement toute l'humanité dans
la généralisation de la barbarie et des guerres. Masquer
la faillite du système capitaliste, faire croire à une
paix possible, voilà le ressort caché de cet accord de
Genève. Ressortir Lech Walesa, ancien prix Nobel de la paix,
montrer sur tous les écrans des embrassades entre israéliens
et palestiniens ne sont qu'autant d'images visant à renforcer
cette idée dans la tête des prolétaires. Pour la
classe ouvrière la réalité à saisir est
exactement à l'inverse de ce message mensonger de la bourgeoisie.
Seul le prolétariat, par sa prise du pouvoir à l'échelle
mondiale, par le renversement du capitalisme sera capable de mettre
fin aux guerres impérialistes. Pour le prolétariat, pour
l'humanité, il n'y a qu'une seule alternative possible, opposée
à la guerre impérialiste : la guerre de classe.
Bruno Maffi est mort à Milan le mercredi 20 août.
Né à Turin en 1909, il était le neveu de Fabrizio
Maffi, député socialiste "maximaliste" qui entrera
tardivement au PC d'Italie en 1924. Bruno est d'abord socialiste et
membre du comité central de "Giustizia e Libertà",
une organisation "antifasciste". Il est arrêté
une première fois en 1930. Chargé en 1934 de la reconstruction
du "centre socialiste" pour l'Italie, il collabore à
Nuovo Avanti et à Politica socialista. Il écrit dans cette
période ses Appunti per una politica socialista. Il est arrêté
de nouveau en 1935 et c'est à partir de ce moment là que,
sous l'influence notamment d'Onorato Damen, un des principaux militants
de la Gauche communiste restés en Italie et qu'il a rencontré
en prison, il commence à se rapprocher des positions de ce courant
et finit par rompre avec son passé "antifasciste" pour
adopter des positions de classe. En 1943, il participe avec Damen à
la fondation du Partito Comunista Internazionalista, dont il sera l'un
des responsables. En 1945, cette organisation accueille dans ses rangs
toute une série de nouveaux militants dont :
L'hétérogénéité de cette organisation aboutit après 1947 à de nombreuses défections et à la scission de 1952 entre la tendance animée par Damen (qui conserve les organes de presse Battaglia comunista et Prometeo) et celle animée par Bordiga qui publie Il programma comunista. Perrone et Maffi se rallient à cette dernière tendance. Après la disparition de Bordiga, en 1970, Bruno Maffi devient le principal dirigeant du "Partito comunista internazionale" qui a pris ce nom en 1965 pour se distinguer du "Partito comunista internazionalista" de Damen et pour rendre compte de son extension à d'autres pays, notamment en France. Cette organisation connaît une première scission importante en 1974 avec la formation d'un autre "Partito comunista internazionale" qui publie à Florence Il Partito comunista. En 1982, le PCI de Maffi connaît une véritable explosion qui détruit complètement l'organisation internationale, dilapidant tout un patrimoine de militants et d'expériences uniques à l'échelle mondiale. A partir de ses débris se reconstituent plusieurs petits groupes se réclamant de la tradition "bordiguiste" dont les plus importants sont le "Partito comunista internazionale" qui publie Il Comunista en Italie et Le Prolétaire en France et le "Partito comunista internazionale" animé par Bruno Maffi qui reprend (grâce à une action de justice devant les tribunaux bourgeois) la publication de Il Programma comunista. Depuis ses débuts, notre organisation a publié des articles de polémique contre certaines des positions défendues par l'organisation de Bruno Maffi, tout en affirmant cependant son appartenance au camp du prolétariat et de la Gauche communiste. C'est pour cela que nous ne reviendrons pas ici sur les divergences que nous avions avec ce camarade et avec l'ensemble du courant "bordiguiste". Nous nous contenterons de signaler que peu avant de disparaître, Maffi a commis une faute politique particulièrement grave : il a participé à la fondation, le 27 mai 2000, d'une "Fondation Amadeo Bordiga" subventionnée par l'Etat italien. A son propos, nous écrivions dans notre publication en Italie : "L'intervention introductive des travaux de la conférence, par la voix du président de l'association, Bruno Maffi, a essentiellement tenu à 'rendre hommage au combattant, à l'honnêteté de l'homme qui avait su dédier son énergie à la politique sans aucun intérêt personnel' et en disant cela, il était explicitement fait référence aux politiciens actuels qui sont tout sauf désintéressés sur le plan personnel. Naturellement, il n'est pas venu le moins du monde à l'idée du vieux Maffi que sur la base de cette prise de position, le révolutionnaire Bordiga finissait par être assimilé au héros de Mani Pulite, Di Pietro. (...) Ce manque de clarté a conduit à déformer sérieusement la figure de Bordiga : de révolutionnaire, on en a fait un combattant pour la démocratie. Pauvre Bordiga !" (Rivoluzione internazionale n° 117, "Fondation Amadeo Bordiga, ou comment démocratiser et momifier la figure d'un grand révolutionnaire")
Malgré ses erreurs politiques qui proviennent en partie du fait
que ce n'est que tardivement (après 1935) que Bruno Maffi s'est
rallié à la Gauche communiste (dont il n'a jamais assimilé
pleinement le combat) et malgré les errements graves que nous
venons d'évoquer, nous tenons ici à rendre hommage à
ce militant pour avoir conservé et défendu jusqu'au terme
de sa longue vie ses convictions communistes.
A ses camarades de Programma comunista, nous transmettons toute notre
solidarité.
Nous publions ci-dessous la
traduction de larges extraits tirés d'un article d'Internationalism n°43, notre
publication aux Etats-Unis. Le but de cet article est de combattre l'illusion
qu'il puisse subsister dans la période actuelle une forme de syndicalisme
révolutionnaire. Nombre de ceux qui défendent cette thèse mettent volontiers en
avant le rôle et l'expérience des IWW (Industrial Workers of the World) aux
Etats-Unis. C'est pourquoi il est nécessaire de montrer que la prétendue
intransigeance révolutionnaire des IWW repose entièrement sur un mythe.
Il est clair que les camarades qui ont pris cette décision sont persuadés que les IWW représentent une authentique organisation révolutionnaire de la classe ouvrière américaine qui est malheureusement tombée sous l'influence des gauchistes et de leurs idées confuses, et qu'ils peuvent lui restituer sa grandeur passée. Avant que des révolutionnaires puissent entreprendre un plan pour le futur, ils doivent soumettre l'histoire de leur mouvement à la plus impitoyable critique et analyse révolutionnaire, afin de s'approprier ce qu'il y a de positif, d'éloigner ce qui est négatif et faux, et de débarrasser le mouvement de ses mythes.
A leur création, les IWW étaient une organisation authentiquement
prolétarienne comprenant des éléments ouvriers parmi les plus militants et les
plus conscients des Etats-Unis à la fin du 19e siècle, et qui voulaient de tout
leur cœur renverser le système d'exploitation capitaliste et le remplacer par
une communauté d'ouvriers où les moyens de production seraient contrôlés par
les producteurs eux-mêmes.
Les IWW ont constitué une réaction syndicaliste -avec certaines spécificités
nord-américaines- à l'impasse électoraliste du réformisme tel qu'il était
pratiqué par les partis de la 2e Internationale. Le syndicalisme
révolutionnaire a surgi à la fin du 19e siècle, alors que le capitalisme
approchait de la fin de sa période ascendante, au cours de laquelle il était
encore historiquement progressiste, capable de développer les forces
productives. Au cours de cette phase ascendante, les ouvriers pouvaient
arracher à la classe dominante des réformes, conduisant à des améliorations
durables de leur niveau de vie, par une activité au sein des syndicats et des
parlements. Mais quand le système est entré dans sa phase de décadence, quand
il est devenu progressivement une entrave au développement des forces
productives, la marge de manœuvre en son sein s'est de plus en plus réduite. Le
combat pour les réformes s'est transformé en carriérisme au sein de la
bureaucratie des syndicats et des partis socio-démocrates.
En réaction aux théories de la transition pacifique vers le socialisme au moyen
du bulletin de vote, les IWW virent la nécessité de la lutte ouverte sur les
lieux de production. Par là, les IWW ont apporté une authentique contribution
au mouvement ouvrier dans son combat sur le terrain économique : par leur
tactique de refus des négociations avec les patrons, d'utilisation de la grève
de masse, son extension à travers les villes et les branches industrielles,
quand c'était possible, par leur capacité à rassembler dans la lutte les
différents groupes d'immigrés, par leurs discours contre la suppression des
libertés politiques, par leur volonté d'utiliser la violence organisée comme
moyen d'autodéfense contre la classe dominante, par leur insistance à
développer la solidarité de classe dans le combat et en ne cachant jamais leur
but : le renversement révolutionnaire du capitalisme.
Quelles que furent leurs erreurs, leur abnégation et leur courage au cours de
leurs premières années, depuis leur création jusqu'au milieu des années 1920,
ne peuvent être mis en doute. Les hommes et les femmes qui composaient les IWW
à leur début furent des héros prolétariens de premier ordre.
Parce qu'ils proclamaient haut et fort leur haine du système d'exploitation, la
bourgeoisie ne leur fit pas de cadeaux. Les organisateurs furent maintes fois
arrêtés, accusés de meurtres et de sédition, parfois à tort, et emprisonnés.
Nombre d'entre eux furent tabassés, passés au goudron et aux plumes, lynchés ou
mutilés.
Toutes ces affirmations sont vraies et aucune des insuffisances des IWW ne
sauraient en diminuer l'importance. C'est certainement sur cette histoire que
se sont bâtis les mythes et les légendes. Mais les révolutionnaires doivent
s'appuyer plus que sur de simples récits de hauts faits accomplis pour libérer
la classe ouvrière et l'humanité des liens de l'exploitation. Il nous faut comprendre
les leçons du passé, à la fois positives et négatives, pour s'en servir de
bases. Tout ce qui est positif dans l'histoire des IWW appartient à l'héritage
du mouvement ouvrier, mais il nous faut aussi comprendre ce qui est négatif. La
mythologie n'a pas sa place dans notre mouvement.
Les débuts mêmes des IWW ont été marqués par de sérieuses insuffisances qui
ont entravé leur objectif avoué de travailler pour la révolution prolétarienne.
En particulier ils présentaient une "double nature", essayant de
jouer deux rôles en même temps : celui d'un organe unitaire de l'ensemble de la
classe et celui d'une organisation de militants révolutionnaires.
Les IWW se voyaient à la fois comme un syndicat qui devait regrouper l'ensemble
de la classe ouvrière sur une base économique, embryon d'une forme
d'organisation de la société post-capitaliste, et comme organisation
révolutionnaire de militants cherchant à élever le niveau de conscience au sein
de l'ensemble de la classe. Leur incapacité à reconnaître l'impossibilité à
être les deux choses à la fois fut décisive.
Ce caractère hybride (mi-syndicat, mi-regroupement de révolutionnaires) des IWW
à leur début, créa des tensions constantes et des problèmes au sein de
l'organisation. Les débats politiques n'étaient jamais sérieusement
approfondis, et cette nécessité vitale pour une organisation révolutionnaire,
en fait sa principale responsabilité, de s'engager dans un débat en vue de
l'élaboration théorique d'un cadre pour le combat révolutionnaire, n'était pas
clairement reconnue. Les IWW ouvraient bien les pages de leur presse à des
discussions, mais il fallait couper court aux débats avant qu'ils atteignent
leurs conclusions et les syndicalistes demandaient à ce qu'on cessât de perdre
du temps à couper les cheveux en quatre et qu'on s'attelât aux tâches
organisationnelles. Le résultat fut que les IWW ne produisirent aucun texte
programmatique, si ce n'est le préambule de leurs statuts, un énoncé minimal de
principes révolutionnaires, de nature essentiellement syndicaliste, et inadapté
aux tâches énormes du combat révolutionnaire.
Il y avait des tensions constantes entre ce qui s'appelait "bureaux locaux
de propagande", de petits groupes de militants révolutionnaires sans base
organisée sur les lieux de travail, et ceux qu'on appelait "jobbites"
et qui étaient des groupes qui en fait représentaient les ouvriers en lutte
contre leurs patrons. Les bureaux de propagande étaient plus radicaux dans
leurs orientations politiques, comme par exemple lors de l'entrée en guerre des
Etats-Unis. Les "jobbites" ou " bureaux de travail ",
tendaient plus vers une orientation syndicale classique, se concentrant sur la
lutte "économique".
Du fait de leur manque de clarté sur le type d'organisation qui était la leur
(minorité révolutionnaire ou organisation unitaire de toute la classe) les IWW
se condamnaient à une instabilité organisationnelle. Le nombre de leurs
adhérents était en constante fluctuation. Les ouvriers qui n'étaient pas
complètement d'accord ou qui ne comprenaient pas réellement les buts
révolutionnaires des IWW adhéraient en masse durant les grèves, pour abandonner
l'organisation sitôt le combat terminé. Alors que les IWW eux-mêmes ne
revendiquèrent jamais plus de quarante mille membres payant leurs cotisations
régulièrement, ils avaient délivré plus d'un million de cartes d'adhérents vers
le début des années 1920, et certains ouvriers les avaient même rejoints plus
de dix fois. Pendant la grève de l'industrie textile à Lawrence, qui fut
peut-être la plus grande victoire des IWW, on compta plus de 14 000 adhésions.
Cependant, trois ou quatre mois après la fin de la grève, la section locale ne
comptait plus que 400 membres.
Il ne faut pas sous-estimer l'importance de l'échec des IWW à comprendre la
différence entre une organisation révolutionnaire et un syndicat de même que
les tâches qui leur incombent respectivement. La seule combativité ne peut
représenter les bases de la révolution. L'arme principale sur laquelle doit
compter le prolétariat est sa conscience, et c'est pourquoi le travail
d'élaboration théorique est d'une absolue nécessité pour une organisation
révolutionnaire. Les IWW ont pitoyablement échoué dans ce domaine. La cause en
est principalement les préjugés vis-à-vis de l'engagement politique des
fondateurs des IWW, qui confondaient l'électoralisme du bulletin de vote avec
l'action politique en soi et ne virent pas la nécessité pour les ouvriers
révolutionnaires de constituer une organisation politique ayant pour fonction
d'accélérer la prise de conscience de la classe. Une autre cause réside dans la
compréhension insuffisante du marxisme révolutionnaire aux Etats-Unis au début
du 20e siècle. Bien qu'au début ils fissent référence à Marx et à
ses œuvres, les IWW ne comprenaient pas la méthode d'analyse marxiste, ce qui
les conduisit inévitablement à adopter des positions erronées. Il leur fut
impossible de comprendre que pour le marxisme, les syndicats n'ont jamais été
considérés comme révolutionnaires mais plutôt comme des organisations qui regroupaient
la classe ouvrière autour d'intérêts économiques en conflit avec la classe
capitaliste, et que le combat économique devait être subordonné au combat
politique. Marx a clairement reconnu, après l'expérience de la Commune de Paris
en 1871, que c'était la tâche politique du prolétariat mondial que de détruire
l'Etat capitaliste. Au moment même où les IWW étaient créés, les socialistes de
gauche, comme Rosa Luxemburg, tiraient les leçons de la grève de masse en
Russie et reconnaissaient la fusion du combat politique et économique dans la
nouvelle période de décadence du capitalisme qui s'ouvrait. Mais la majorité
des membres des IWW ne l'ont pas compris. Leur aversion pour le réformisme
électoraliste leur faisait commettre une autre erreur.
Une organisation de la classe ouvrière doit être jugée sur trois niveaux de
combat : économique, politique et théorique. Au niveau économique, le seul que
les IWW n’aient jamais reconnu, ils ont fait d'importantes contributions, comme
nous l'avons vu précédemment. Mais au niveau du combat politique (le combat
pour la destruction de l'Etat capitaliste et pour son remplacement par la
dictature du prolétariat) et au niveau du combat théorique (le combat pour la
compréhension des luttes passées, de l'évolution de la société et pour
l'élaboration du cadre théoriques pour la lutte) les IWW n'ont apporté qu'une
très faible contribution positive. En fait, leur contribution a été plutôt
négative, entravant la classe ouvrière dans son mouvement pour libérer
l'humanité.
Le débat sur l'action politique était très confus au sein des IWW. Dans la
convocation à une conférence secrète sur la possibilité d'organiser les IWW, en
janvier 1905, il était reconnu la nécessité d'une "action politique".
Le document reconnaissait "la capacité de la classe ouvrière, si elle
était correctement organisée, à la fois sur une ligne politique et
industrielle, à prendre possession des industries du pays et à les gérer avec
succès ", et soutenait que "l'expression politique de la classe
ouvrière, par le vote socialiste devait, afin d'être entendu, avoir sa
contrepartie économique dans une organisation des travailleurs bâtie comme la
structure de la société socialiste, rassemblant en son sein la classe ouvrière
d'une manière correspondant approximativement à la manière dont celle-ci
administrerait la Communauté Coopérative". Tout en faisant allusion à
l'action politique, cet appel n'explorait pas la relation entre le combat
économique et le combat politique, autrement dit, la relation entre les IWW
tels qu'ils se proposaient d'être et les organisations de la classe ouvrière.
Lors du congrès fondateur des IWW, il y eut beaucoup de militants et de
discours révolutionnaires, remplis d'espoir et de vagues descriptions de la
mission révolutionnaire de la nouvelle organisation. " Big Bill "
Haywood, un leader de la "Western Federation of Miners", dans son
discours d'adresse à la convention décrivait l'assemblée comme "congrès de
la classe ouvrière sur le continent américain". Il continua par ces mots :
"nous sommes ici aujourd'hui pour fédérer les travailleurs dans un
mouvement de la classe ouvrière qui aura pour but l'émancipation de la classe
ouvrière des chaînes de l'esclavage du capitalisme". Orateurs après
orateurs dénoncèrent la Fédération américaine du Travail (American Federation
of Labor - AFL) pour sa collaboration de classe et firent allégeance à
l'objectif de la révolution. Mais, mis à part un accord sur la nécessité
d'organiser des syndicats militants de la lutte de classe sur des lignes
industrielles, il n'y eut réellement aucun accord sur comment atteindre
l'objectif révolutionnaire ni sur les problèmes politiques.
Parmi les participants à ce congrès, se trouvaient des représentants de
certains syndicats déjà établis, en désaccord avec la direction de l'AFL. En
fait, beaucoup de ces syndicats avaient officiellement adopté le programme du
"Socialist Party of America". Bien que ce parti ne fût pas
officiellement présent au congrès des IWW (en fait bon nombre de ses dirigeants
étaient opposés à la formation d'un nouveau syndicat, préférant transformer de
l'intérieur les vieux syndicats affiliés à l'AFL) l'aile gauche du parti était
présente en la personne de Haywood et d'Algie Simons, rédacteur en chef du
journal "International Socialist Review". Eugene Debs, qui occupait
une position proche du centre du SPA, qui avait été par deux fois candidat du
parti à la Présidence, et qui se faisait depuis longtemps l'avocat du
syndicalisme industriel, participait aussi à ce congrès. Daniel DeLeon et
d'autres membres du "Socialist Labor Party", rival politique du SPA,
étaient aussi présents. Un petit nombre d'anarchistes et de syndicalistes, très
influents, comme le Père Thomas J. Hagerty, un prêtre catholique libéré des
obligations de sa charge, et William E. Trautmann, rédacteur en chef du journal
du syndicat des ouvriers des brasseries, étaient aussi présents.
Il y avait un profond désaccord sur l'action politique, mais qui fut réglé par
un compromis dans les termes du préambule de la constitution du mouvement,
arrangé par la coalition des deleonistes[2] [351] (2)
et des syndicalistes qui étaient venus pour dominer les travaux. Dans son
premier discours à la convention, DeLeon mit l'accent sur le fait que la
puissance économique du prolétariat devait renforcer le vote socialiste. Il
n'exprima aucun accord avec le concept de grève générale ou avec la notion
selon laquelle le prolétariat pourrait faire la révolution par une action
directe purement économique, ce qui était une notion chère aux syndicalistes.
La première version du préambule, préparée par Hagerty, disait que le
prolétariat devait "prendre et garder ce qu'il produisait par son travail,
à travers une organisation économique de la classe ouvrière". Hagerty
s'était opposé à l'appel de DeLeon pour soutenir le vote socialiste, en disant
que "déposer un bout de papier dans l'orifice d'une urne n'avait jamais
accompli l'émancipation de la classe ouvrière, et, à mon avis, jamais ne
l'accomplirait". La clef, d'après Hagerty, était pour les ouvriers de
"s'emparer des outils industriels".
Le désaccord sur le préambule fut résolu en comité. DeLeon, qui avait déjà
accepté certains principes syndicalistes de base, reconnaissait que le
prolétariat pourrait éventuellement faire la révolution par le moyen de
syndicats, mais le préambule reconnaissait la nécessité d'entreprendre des
actions politiques, tout en interdisant à l'organisation de s'affilier à un
parti socialiste. Pour finir, les termes du préambule adoptés en 1905
soulignaient la nécessité de l'agitation "au niveau politique comme au
niveau industriel… sans affiliation à aucun parti politique". DeLeon
prononça aussi un discours, proclamant son soutien à la grève générale, quelque
chose qu'il avait toujours minimisé, tout cela pour cimenter son alliance
branlante avec les syndicalistes anti-politiques contre le Parti Socialiste.
C'est peut-être le délégué Clarence Smith, de l'American Labour Union, un
syndicat organisé par le WFM, qui a le mieux résumé la véritable nature du
préambule en disant :"Il me semble que ce paragraphe, la clause politique
du préambule, est un peu flagorneur en direction des trois différentes
fractions de cette convention : envers l'homme qui ne croit absolument pas à la
politique, envers les socialistes et aussi envers les anarchistes". Au
lieu de forger des principes essentiels, absolument nécessaires à une
organisation révolutionnaires, les différences principielles ont été simplement
laissées de côté. DeLeon réussit au moins à empêcher toute tentative des IWW de
rejoindre ses rivaux du SPA, qui était plus probable qu'une adhésion au SLP
moribond, et se garantit un rôle au sein des IWW pour les années à venir.
Que les fondateurs des IWW n'aient pas réellement compris ce qu'ils avaient
fait est attesté par l'histoire houleuse de leurs trois premières années. Bien
qu'ils fussent tous d'accord sur le fait qu'ils créaient une organisation dont
le but était le renversement du capitalisme en organisant l'ensemble de la
classe ouvrière américaine sur une base industrielle, aucun des leaders de
premier plan du congrès fondateur n'était présent pour assumer une position
dirigeante dans la nouvelle organisation, à cause de leurs obligations dans
leurs syndicats d'origine. Haywood, qui mena les débats lors du premier
congrès, n'occupa de position officielle dans les IWW qu'en 1911. Ni Debs ni
DeLeon, pas plus qu'aucun des membres éminents de la coalition entre
syndicalistes et deleonistes qui contrôlait la convention ne devinrent
dirigeants, à l'exception de Trautmann. La présidence des IWW revint à Charles
Sherman des "United Metal Workers", qui avait des liens avec l'aile
droite du Parti socialiste. Dans les années qui suivirent, plutôt que de
préparer le renversement du capitalisme, Sherman et d'autres furent plus préoccupés
à détourner des fonds des IWW. Lors de la convention de 1906, tous les efforts
déployés avaient pour but la prise de contrôle sur l'organisation et ses
rentrées d'argent, les opposants obtenant une décision de justice contre
Sherman lui interdisant l'accès à son bureau.
Ainsi, dès le début, bien qu'ils soient apparus sur un terrain résolument de
classe, les IWW se sont développés en entretenant en leur sein les pires
confusions politiques et organisationnelles. Nous verrons dans un prochain
article que ces faiblesses et ces confusions congénitales constitueront une
très lourde hypothèque pour le maintien de positions révolutionnaires dans la
période de décadence du capitalisme.
[1] [352] FOCUS était un groupe prolétarien proche des positions du FOR (Ferment Ouvrier Révolutionnaire) fondé par G. Munis et qui publiait dans les années 1970 Alarme en France et Alarma en Espagne. Issu du trotskisme dont il s'est malheureusement incomplètement dégagé, une des caractéristiques du FOR est qu'il n'a jamais reconnu l'existence de la crise du capitalisme.
[2] [353] Sur DeLeon et le deleonisme, voir la série d'articles publiés dans RI n° 309, 311 et 316.
Fin 2003, Chirac nous a annoncé que 2004 serait "l'année de la lutte contre le chômage", le tout sur fond de campagne prévoyant la reprise économique dans la plupart des pays développés. Faut-il croire que le gouvernement va s'atteler à la tâche d'améliorer le sort des ouvriers au chômage ou de réduire les licenciements ? Loin s'en faut ! 2004 sera en réalité l'année d'une nouvelle série d'attaques contre les chômeurs et d'une nouvelle aggravation des conditions de vie de la classe ouvrière.
Toutes les mesures qui se dessinent vont clairement dans ce sens : pression
accrue sur les salaires avec l'augmentation de la CSG censée
réduire le trou de la sécurité sociale, plan de
démantèlement du système de protection sociale,
licenciements dans le secteur privé, suppressions d'emploi dans
le secteur public, etc. D'un côté, les "actifs"
sont pressurés au nom de la "solidarité", de
l'autre, ce sont ceux qui ne servent plus au système capitaliste,
les chômeurs, qui sont purement et simplement rejetés.
A défaut de les faire disparaître physiquement, la bourgeoisie
les élimine des comptes du chômage et trouve toutes les
raisons pour diminuer puis supprimer leurs maigres allocations.
Les mesures prises durant l'année 2003 et les résultats
auxquels est parvenu l'Etat français dans la "gestion du
chômage" sont significatifs de ce qui attend les chômeurs
pour 2004.
Ainsi, depuis le 1er janvier, plus de 250 000 chômeurs ne touchent
plus l'indemnité que leur versaient les Assedic, suite à
l'accord passé le 20 décembre entre le Medef, la CFDT,
la CGC et la CFTC réduisant de 30 à 23 mois la durée
d'indemnisation-chômage. Dès lors, un tiers d'entre eux
n'aura plus aucun revenu. 40 000 devront se contenter temporairement
de l'ASS, Allocation Spécifique de Solidarité, puisque
cette dernière a été aussi réformée
dans le sens d'une limitation de la durée d'indemnisation (deux
ans maximum). Enfin, le dernier tiers touchera un RMI remanié
dans le même esprit avec l'introduction du RMA (Revenu Minimum
d'Activité). Le revenu minimum étant maintenant conditionné
par la réinsertion professionnelle.
Alors que le gouvernement ne cesse de vanter les mesures prises en faveur
de l'emploi des jeunes comme la mise en place de 125 500 "contrats
jeunes en entreprise", le chômage de cette catégorie
d'ouvriers a augmenté de 7,2% entre novembre 2002 et novembre
2003. Signe des temps, alors qu'on nous parlait de reprise à
tout va dès l'automne 2003, l'ANPE parlait de "fin de l'embellie"
pour les cadres commerciaux et technico-commerciaux dont le chômage
a augmenté de 23% et celui des informaticiens de 66% pour l'ensemble
de l'année passée.
Pour ce qui concerne le chômage dit de longue durée, où
les ouvriers de plus de 50 ans sont les plus nombreux, le nombre de
ceux ayant plus de deux ou trois ans d'incription a augmenté
de 14%. Ce qui signifie en clair leur disparition rapide des statistiques
du chômage, celles-ci ne comptabilisant que les demandeurs d'emploi
touchant encore les indemnités.
Grâce aux tripatouillages en tous genres poursuivis par tous les
gouvernements, de gauche et de droite, depuis plus de vingt ans, le
chômage n'excède pas aujourd'hui officiellement le chiffre
de 2,5 millions. En fait, si l'on compte les dispensés de recherche
d'emploi et les rayés des listes de l'ANPE, ce sont au moins
4 millions qu'il faudrait recenser aujourd'hui, sans compter tous ces
"pauvres" vivotant tant bien que mal d'expédients et
de petits boulots.
Cette situation de chômage endémique et massif que connaît
la classe ouvrière n'est pas une exception française.
En Allemagne, l'ancienne locomotive de l'Europe, plus de 4 millions
de chômeurs étaient recensés fin 2003. La bourgeoisie
estime d'ailleurs qu'avec les centaines de milliers d'ouvriers en "formation",
autre moyen de masquer le chômage, le sous-emploi se monte à
7 millions, c'est-à-dire à 16% de la population active.
Et si dans des pays comme les Etats-Unis, avec moins de 6% de chômeurs
ou encore la Grande-Bretagne qui, après le bond des années
1980, n'en comptent "que" 3%, ce n'est nullement grâce
à un soi-disant retour au "plein emploi". C'est le
résultat de la généralisation tous azimuts du travail
à temps partiel et du travail précaire, imposés
par l'Etat comme seule condition à la survie des prolétaires.
Ainsi, c'est tout le prolétariat mondial qui est frappé
par le chômage avec une brutalité et une durée sans
précédent dans l'histoire du capitalisme.
A cette question obsédante que se posent les prolétaires
de savoir comment échapper à la menace grandissante du
chômage, la bourgeoisie répond en appelant à lui
faire confiance. Elle prétend que si tout le monde se serre la
ceinture, cela ira mieux demain. Il faudrait donc accepter les sacrifices
et courber l'échine, être solidaire des gouvernements.
Voilà plus de trente ans que l'on nous sert le même mensonge
régulièrement. Les différents gouvernements se
sont appliqués à nous faire croire que les ouvriers eux-mêmes
étaient responsables de leur propre malheur. Ainsi Fillon s'insurgeait
récemment du fait "inacceptable" que 300 000 emplois
n'étaient pas pourvus et se proposait de prendre des mesures
pour "convaincre les chômeurs d'accepter les postes proposés"
! La menace n'est même pas voilée et les effets d'annonce
sur la redémarrage de l'économie viennent d'ailleurs à
point nommé pour mieux la justifier.
La vérité n'est pas que les chômeurs seraient des
profiteurs et qu'il y aurait une solution au problème du chômage.
La vérité c'est que la crise économique du système
capitaliste n'a pas d'issue et que le chômage ne peut aller qu'en
s'aggravant... La crise ouverte en 1968 a vu le chômage enfler
régulièrement jusqu'à devenir massif et chronique
au début des années 1980. Désormais, les capitaux
nationaux ne peuvent survivre qu'en rejetant un nombre toujours plus
grand de prolétaires dans le chômage. De récessions
en récessions successives, les chômeurs se sont accumulés
comme jamais. Alors que la surproduction a explosé, que les Etats
croulent sous les dettes, la perspective de résorber le chômage
est un odieux mensonge. Les sacrifices d'aujourd'hui ne font ainsi que
préparer ceux de demain. L'Etat et les patrons licencient, suppriment
des emplois, réduisent les salaires parce que la bourgeoisie
française, comme celle de tous les pays, est contrainte de rationaliser
la production, d'éliminer les secteurs non compétitifs,
face à l'aggravation de la concurrence internationale.
Cette situation n'a rien de cyclique ou de conjoncturelle. Le chômage
est une illustration frappante de la faillite du capitalisme. Il témoigne
de la nécessité de renverser ce système moribond
et de mettre fin à la misère qu'il impose par la révolution
communiste mondiale.
Ces dernières
semaines, l'actualité au niveau international et en France a
été marquée par une accumulation de "faits
divers" que les médias présentent comme des catastrophes
naturelles, comme le produit de la fatalité. Tremblement de terre
en Iran, crash aérien en Egypte, accident industriel en Chine,
épidémie de légionellose en France et l'on pourrait
continuer la liste. Au moment même ou nous terminons cet article,
des accidents mortels viennent d'avoir lieu dans l'industrie du gaz
en Algérie et dans la pétrochimie en Indonésie.
Pour le marxisme, ces catastrophes, accidents, épidémies
à répétition, illustrent le degré de décomposition
du capitalisme et notamment son incapacité chronique à
prévenir de telles tragédies, voire sa tendance à
les susciter, alors qu'il a accumulé les sciences et technologies
nécessaires, sinon pour les éradiquer, du moins pour en
limiter les effets les plus destructeurs. Le tableau apocalyptique de
ces récents "faits divers" est une nouvelle illustration
de ce que le CCI a régulièrement mis en évidence
dans les colonnes de sa presse: le capitalisme en pleine décomposition
est une véritable catastrophe et un fléau mortel pour
l'humanité.
Fin décembre, c'est une immense tragédie humaine qui
s'est déroulée en Iran. Un séisme a détruit
en quelques secondes la ville de Bam et ses villages environnants, faisant
plus de 40.000 morts, 35.000 blessés et des dizaines de milliers
de sans-abri. Une fois encore, ce sont les couches les plus pauvres
de la population qui ont tout perdu dans cette tragédie. Le tremblement
de terre autour de la ville de Bam vient s'ajouter à une liste
déjà longue de séismes qui, rien qu'en Iran, sur
les trente dernières années, ont fait plus de 150.000
morts.
Certes, on ne peut reprocher au capitalisme d'être à l'origine
d'un tremblement de terre. En revanche, on peut mettre à son
passif le fait qu'un séisme qui ne fut pourtant pas parmi les
plus violents de ces dernières années, se transforme en
une immense catastrophe sociale. Alors que des progrès considérables
sont réalisés en sismologie au niveau mondial et que l'Iran
possède des compétences et de l'expérience dans
ce domaine, l'incurie de la classe politique est notoire ! Comme le
souligne un architecte iranien, "ce qui fait défaut, c'est
une volonté politique sans faille, un contrôle public systématique
et strict de l'application des normes, des moyens à la hauteur
du problème" (L'Humanité du 3 janvier). On est passé
de 30 millions d'habitants à dominante rurale à plus de
70 millions d'habitants majoritairement urbains, ce qui conduit en Iran
à une hypertrophie accélérée de beaucoup
de villes. "Dans ce contexte, les responsabilités en chaînes
sont nombreuses : inconscience ou impuissance des plus démunis
obligés d'auto construire leurs logements avec des moyens rudimentaires,
l'appétit vorace des promoteurs, des plus petits aux plus grands,
la gabegie et la corruption à certains niveaux, la pure négligence
criminelle à d'autres" (ibid., L'Humanité). A ces
multiples négligences criminelles, il faut ajouter que la ville
de Bam était en plus construite pour la plupart de ses habitations
en pisé ( mélange de terre argileuse et de paille) ou
en briques crues et lorsque de telles maisons s'effondrent, cela s'apparente
au déversement sur ses occupants d'un camion de gravats, laissant
à priori peu d'espoirs de retrouver des rescapés sous
les ruines.
Comme en Turquie il y a quelques années, l'Etat iranien a démontré
qu'il n'avait tiré aucune leçon des précédents
séismes qui ont secoué la région, laissant construire
de manière anarchique et n'imposant pas le respect de normes
de construction antisismique. Cette incurie des pouvoirs publics et
religieux, leur mépris pour la population, s'est traduit par
le fait que le séisme a eu lieu à 4h30 du matin et les
premiers secours ne sont arrivés qu'en fin de journée
vers 17h. Alors que l'ensemble des habitants des grandes métropoles
iraniennes se sont mobilisés, notamment à Téhéran
pour apporter leur solidarité sous la forme de vêtements,
nourriture, tentes pour les survivants, les autorités étaient
incapables de les acheminer vers la zone sinistrée. Pire encore
! Face à cet élan de solidarité humaine de la population,
la bourgeoisie iranienne n'a rien trouvé de mieux à faire
que d'utiliser cette tragédie pour ses mesquins intérêts
électoraux. Dés les premières heures du séisme,
alors que des élections législatives sont prévues
en février, on a vu les deux clans politiques rivaux, les réformateurs
de Mohamed Khatami et les conservateurs religieux de Ali Khamenei se
précipiter vers le lieu de la catastrophe en hélicoptère,
alors que les secours n'avaient pas les moyens d'acheminer de l'aide,
ni la capacité d'évacuer les blessés. Tels les
charognards, c'est sur les décombres et au milieu des cadavres
qu'ils ont rivalisé de rapidité pour annoncer aux sinistrés
que leur ville et leur citadelle seraient reconstruites, alors que ces
crapules sont responsables du carnage, car même les bâtiments
récemment construits, notamment les hôpitaux et les écoles,
se sont effondrés du fait du non-respect des normes antisismiques.
Au même moment où la ville de Bam était dévastée par le séisme, une explosion de gaz dans le sud-ouest de la Chine, faisait 191 morts dont la moitié sont des enfants, des centaines de blessés et plus de 3000 personnes intoxiquées à des degrés divers. Cet accident n'a rien de fatal. Il est le résultat immédiat d'une course effrénée au profit capitaliste, au mépris des conditions élémentaires de sécurité sur les lieux de production. Pour la seule année 2003, "13 283 personnes ont été tuées sur des chantiers, dans des usines ou des mines en Chine, soit une hausse de 9,6% par rapport à 2002" (Le Monde du 27 décembre 2003). A chaque fois pour cacher sa responsabilité, pour préserver sa domination de classe, la bourgeoisie met en exergue à coup de campagnes médiatiques que c'est la faute d'un tel ou tel. C'est le mensonge qu'elle nous raconte depuis la fin décembre, à propos du crash d'un Boeing au large de Cotonou faisant plus d'une centaine de morts et disparus et pour le Boeing 737 qui s'est écrasé à Charm El-Cheikh en Egypte faisant 148 morts dont la plupart était des ressortissants français. Dans les deux cas, elle a accusé sans vergogne les compagnies libanaises et égyptiennes qui avaient affrété ces avions et s'il est vrai que ces appareils ne remplissaient pas toutes les conditions de sécurité, c'est le prix à payer aujourd'hui dans le capitalisme pour obtenir des voyages à des tarifs préférentiels, les fameux charters. Mais contrairement à ce que raconte le ministre des transports français, cela n'est pas une spécificité des compagnies "exotiques", ni des compagnies spécialisées dans le dumping aérien. Il suffit de rappeler le crash du concorde d'Air France en juillet 2000 à Roissy avec ses 113 victimes ou la collision entre un Tupolev et un avion cargo au-dessus du lac de Constance en Suisse (71 morts), dont l'enquête a conclu à une défaillance du contrôle aérien suisse ou bien encore les déboires juridiques des familles des victimes de l'Airbus A-320 qui a fait 87 morts sur le Mont Sainte Odile en Alsace il y a 10 ans, alors que l'on sait pertinemment qu'il y a eu des négligences techniques sur cet avion. Ces accidents, qui ne peuvent que se multiplier, sont la conséquence de la guerre commerciale à outrance que se livrent les compagnies aériennes pour garder leurs parts de marché. De fait, cela les oblige à réduire les dépenses qui concernent la sécurité et l'entretien des infrastructures nécessaires au bon fonctionnement de ce moyen de transport. Mais le transport aérien n'est pas une exception, il suffit de voir les accidents de train à répétition, de métro ou de bateaux ( les marées noires de l'Erika ou du Prestige) ces dernières années aussi bien dans les pays du tiers monde qu'en Europe. A toutes ces horreurs, s'ajoute l'apparition d'épidémies mortelles qui sont une autre manifestation de la faillite du capitalisme. Alors que l'épidémie de "SRAS" n'est toujours pas maîtrisée en Asie ( cf. RI n°336, juin 2003) une épidémie de légionellose sans précédent se développe en France, dans le Pas-de-Calais, avec 76 personnes touchées dont 10 décès. Ce sont les tours aéroréfrigérantes de l'usine Noroxo qui sont en cause, nous dit-on. En fait, comme le révèle un spécialiste, le nombre annuel de cas en France est passé de moins de 50 à plus d'un millier et c'est à chaque fois la négligence de telle ou telle usine dans l'entretien des infrastructures de refroidissement qui est en cause. Ces négligences récurrentes font que les hôpitaux censés soigner la population sont devenus des lieux d'épidémies et d'infections. 800.000 personnes sont touchées chaque année par des infections nosocomiales et 4000 meurent de leurs suites.
Face à de telles tragédies, les révolutionnaires
se doivent de dénoncer le cynisme crapuleux de la classe dominante
et réaffirmer leur solidarité de classe avec les victimes
de ces catastrophes, et particulièrement envers les prolétaires
en Iran, frappés par le séisme de Bam. A ce que la bourgeoisie
présente comme une énième catastrophe naturelle,
la fatalité ou le fait qu'il ne puisse exister de "risque
zéro", le marxisme oppose une analyse beaucoup plus pertinente.
"A mesure que le capitalisme se développe puis pourrit sur
pied, il prostitue de plus en plus cette technique qui pourrait être
libératrice à ses besoins d'exploitation, de domination
et de pillage impérialiste, au point d'en arriver à lui
transmettre sa propre pourriture et à la retourner contre l'espèce
(…) Le capitalisme n'est pas innocent non plus des catastrophes
dites "naturelles". Sans ignorer l'existence de forces de
la nature qui échappent à l'action humaine, le marxisme
montre que bien des catastrophes ont été indirectement
provoquées ou aggravées par des causes sociales(…)Non
seulement la civilisation bourgeoise peut provoquer directement ces
catastrophes par sa soif de profit et par l'influence prédominante
de l'affairisme sur la machine administrative(…) mais elle se révèle
incapable d'organiser une protection efficace dans la mesure où
la prévention n'est pas une activité rentable". (Espèce
humaine et croûte terrestre d'A. Bordiga (Ed. PBP), préface).
Encore une fois, ce n'est pas la nature, la malchance ou la volonté
d'une quelconque "divinité religieuse" qui est responsable
de telles tragédies. Le propre même du système capitaliste,
c'est de donner des explications partielles ou circonstancielles pour
éviter que le prolétariat ne prenne conscience que c'est
la logique même du capitalisme qui est porteuse de tant d'horreurs
et de tragédies humaines. Le responsable de cette barbarie, c'est
le capitalisme, ses règles, ses lois et sa classe dominante,
tout juste capable de comptabiliser les morts et de dénaturer
ce que représente la réelle solidarité humaine.
Voilà le monde barbare et inique que le capitalisme nous impose
aujourd'hui. Ce nouveau cortège de catastrophes dévoile
une nouvelle fois le degré de putréfaction atteint par
ce système et celui-ci ne laisse d'autre alternative aux exploités
que de le détruire avant qu'il ne détruise l'humanité.
Face à la tragédie de Bam, l'Etat iranien a lancé un appel au niveau international et c'est au nom de la soi-disant solidarité humaine que les grandes puissances de ce monde ont envoyé des équipes de secouristes.
Comme le soulignent plusieurs membres des ONG (organisations non gouvernementales), on a assisté à une véritable ruée des secours internationaux dont les équipes ont joué des coudes pour s'imposer sur le terrain. Leur manque de coordination est venu ajouter un peu plus de pagaille aux secours locaux. On a vu ainsi lors des journaux télévisés, la France, la Russie, l'Angleterre faire une publicité indécente pour leurs équipes de secouristes et leurs chiens renifleurs. Cette tragédie a même été l'occasion de grandes retrouvailles entre les Etats-Unis et l'Iran. Quoi qu'en disent les médias, l'envoi de secouristes américains est le prétexte "humanitaire" qui sert cyniquement de masque à la bourgeoisie américaine, comme aux autres puissances, pour travestir leurs visées impérialistes. Effectivement les discours des Etats-Unis sur l'aspect strictement humanitaire de leur aide est un pur mensonge. Le tremblement de terre est une aubaine pour les autorités américaines qui ont tout intérêt à se rapprocher de l'Iran qui a une grande influence sur la communauté chiite d'Irak (qui pose des difficultés aux Américains). Quant aux Iraniens, ils espèrent que les Etats-Unis vont mettre au pas leur ennemi héréditaire, l'opposition armée des moudjahidin. Non seulement le séisme est utilisé comme couverture des appétits et stratégies diplomatiques des grandes puissances, mais le show médiatique de l'aide humanitaire aura été de courte durée. Trois semaines seulement après la catastrophe, les différentes équipes de secours sont reparties aussi vite qu'elles étaient venues. Les rescapés, eux, n'ont qu'à se débrouiller ! Ils vont devoir maintenant survivre dans ce champ de ruines en ne comptant que sur eux-mêmes, pendant que les gouvernements continuent en coulisse leurs tractations et leurs sordides marchandages.
La véritable histoire de Lutte Ouvrière. Le livre est récent et son titre pour le moins alléchant.
La question est d'autant plus légitime que l'on juge du camp auquel appartient une organisation politique dans un premier temps de sa filiation. Ce recueil d'entretiens réalisé par Christophe Bourseiller (écrivain et journaliste bourgeois intronisé pour l'occasion spécialiste de l'extrême gauche) avec le méconnu gourou de LO, Robert Barcia (alias Hardy), s'il sert avant tout de "coming out" pour ce dernier, une façon de polir l'image trop sectaire de son groupe, aborde tout de même le chapitre de l'origine historique de l'Union Communiste (nom politique de LO).
Cette naissance se fait dans un contexte historique brûlant qui représente pour
l'ensemble de la mouvance trotskiste, au niveau international, une véritable
mise à l'épreuve après dix ans de dérives opportunistes dont le point culminant
aura été le soutien au camp impérialiste républicain lors de la guerre
d'Espagne en 1936.
La trahison de l'internationalisme prolétarien était dans l'air et se posera
définitivement au cours de la Seconde Guerre mondiale.
"Les prolétaires n'ont pas de patrie", en tant que classe exploitée,
non possédante, la classe ouvrière n'a pas de capitaux à défendre. Pourtant,
c'est elle qui subit les massacres au front comme à l'arrière. "La
transformation de la guerre impérialiste en guerre civile", comme le
proclamait les bolchéviks à partir de la première guerre mondiale, devient le
"seul slogan prolétarien juste" dans un monde capitaliste en
banqueroute. Dans ces conditions, toute organisation révolutionnaire venant à
exhorter les prolétaires à se draper de leur couleur nationale respective pour
finalement les voir s'entretuer, franchit le Rubicon séparant la classe ouvrière
de la bourgeoisie et perd à jamais son caractère prolétarien. Ce qui fut le cas
de la grande majorité de la social-démocratie qui vota les crédits de guerre en
août 1914, des PC stalinisés se vautrant dans les préparatifs guerriers dans
les années 1930 et enfin de la quasi totalité de la IVe Internationale
trotskiste[1] [355] pendant
la seconde conflagration mondiale.
En automne 1939, les deux principales fractions trotskistes existantes en France
sont le Comité français pour la IVe Internationale (composé d'anciens militants
du POI[2] [356] et un
groupe d'ex-militants du PCI[3] [357].
Chacune de ces deux chapelles prendra fait et cause pour l'un et l'autre des
camps impérialistes en présence, signant ainsi leur allégeance à la classe
dominante.
Ainsi, le groupe issu de l'ex-PCI, autour de Roger Foirier et Henri Molinier,
jouera un rôle dans les mouvements (tel le RNP[4] [358] de
Marcel Déat) favorable au nazisme. En fait, les trotskistes de l'ex-PCI misent sur
la victoire de l'Allemagne. Etant donné qu'avec ce pronostic les organisations
fascistes seront amenées de plus en plus à encadrer les masses, la conclusion
de ce savant calcul, pour ne pas se couper de ces dernières, est de travailler
"à l'intérieur d'une organisation fasciste et dans ses milieux
dirigeants" (sic). De son côté le Comité (redevenu POI entre temps), animé
par Marcel Hic, vole au secours de la nation française occupée par
l'envahisseur allemand. La France étant présentée comme une nation "opprimée"
cela permet à Hic et ses acolytes de satisfaire à loisir leurs pulsions
chauvines au nom de la "libération nationale", comme en témoigne cet
extrait de leur journal La Vérité du 1er octobre 1940 : "Nous intégrer
dans le mouvement de patriotisme populaire, élargir notre base d'action, (…) ne
peut que nous permettre de progresser et d'enraciner notre activité dans les
masses. (…) C'est de l'initiative du peuple de France que dépend le relèvement
de notre pays. (…) Seule l'initiative populaire peut rendre la vie à la
France."
Il faudra l'entrée en guerre de l'URSS en juin 1941 pour que les trotskistes,
au nom de la sacro-sainte "défense de la mère patrie socialiste", se
rejoignent pour épouser les intérêts d'un seul et même camp bourgeois, celui
des alliés. Là encore, le journal La Vérité dans son n°18 du 1/08/1941 est on
ne peut plus explicite : "C'est l'intérêt et le devoir de tout ouvrier
français qui n'est pas aveuglé par ses intérêts de classe ou vendu aux nazis de
tout mettre en œuvre pour affaiblir dans son rayon d'action, les forces
étrangères qui nous oppriment en même temps qu'elles agressent l'URSS."
(Article au titre incantatoire : "IL FAUT DEFENDRE L'URSS"). C'est
sur ce terrain pourri et abondamment mystificateur que les trotskistes, tout au
long de la guerre, ont encouragé le prolétariat à abandonner ses intérêts de
classe et à se faire étriper pour des intérêts qui ne sont pas les siens.
En 1944, les principaux groupes trotskistes reformeront un PCI. Union qui sera
célébrée par le massacre d'ouvriers lors de la "Libération" de Paris.
C'est ici, en compagnie des staliniens du PCF, dans la Résistance, que les
trotskistes ont atteint le sommet de leur rôle de pourvoyeur de chair à canon
pour le camp allié sur fond d'appel à "l'insurrection nationale". Ce
zélé défenseur des intérêts impérialistes de l'URSS que fût le PCI éclatera par
la suite mais aura tout de même une descendance digne de ses hauts faits
d'armes. Le PT[5] [359] et la LCR[6] [360] voilà
qui sont ses fameux héritiers.
"Derrière Hic, elles [les organisations de la IVe Internationale en
France] ont quasiment abandonné la position internationaliste de Trotski […] se
justifie ainsi la rupture qu'il [Barta] a accomplie en 1939 d'avec tous ces
éléments 'pour se délimiter d'un milieu petit-bourgeois aux pratiques
social-démocrates et non communistes.'" (Entretien de Hardy avec
Bourseiller). La légende du groupe de David Korner dit Barta est en marche. Un
groupe très faible numériquement qui serait resté à l'écart du mouvement
trotskiste traditionnel pour ne pas salir le drapeau internationaliste et
garder les deux pieds bien cimentés dans le camp du prolétariat.
"En octobre 1942, le 'groupe Barta' […] lance une feuille de propagande,
La Lutte de classes, qui se présente à l'origine comme l'organe du 'Groupe
communiste (IVe Internationale)'. Le groupe intervient sous d'autres étiquettes
: 'Collection IVe Internationale' ou 'Un groupe de militants communistes'.
Pendant la totalité du conflit, il dénonce les belligérants, appelle à la
fraternité à la base, martèle les slogans communistes...".
Cette fable colportée depuis longtemps par LO, et aujourd'hui par son nouveau
scribe, est un classique très répandu de la mythologie trotskiste que l'on
retrouve par ailleurs. Ainsi, Jacques Roussel qui, dans son livre Les enfants
du prophète paru en 1972, dénonce les activités patriotiques des trotskistes
français pendant la Deuxième Guerre mondiale, nous fredonnait déjà la chanson
de l'héroïque Barta. "Le groupe Barta reprochait violemment au POI ses
positions social-patriotiques de 40, qu'il considérait comme une véritable
trahison du communisme". (...) [Pour lui] les mots d'ordre nationalistes
doivent être énergiquement repoussés".
Le conte est fort joli, mais il n'en est pas moins à dormir debout. Si on se
penche d'un peu plus près sur l'attitude du groupe Barta face à la guerre,
notamment au travers de ses prises de positions dans sa feuille La lutte de
classe, on s'aperçoit que le somptueux carrosse internationaliste que l'on
cherche à nous vendre n'est en réalité qu'une vilaine citrouille nationaliste.
"Travailleurs, vous tous qui n'avez que vos chaînes à perdre et un monde à
gagner : EMPECHEZ PAR TOUS LES MOYENS LA MACHINE DE GUERRE IMPERIALISTE DE
FONCTIONNER CONTRE L'URSS". "Vive l'armée rouge !", tract du 30
juin 1941 diffusé par la clique Barta.
Nous y voilà ! La fameuse défense de la "patrie socialiste", dit
autrement des intérêts impérialistes du capital stalinien et, par ricochet, de
ceux du camp allié.
Au bout du compte, la prétendue rupture de Barta en 1939 avec les autres
groupes trotskistes n'a jamais entamé, ne serait-ce d'un pouce leur cause
commune: la défense de l'URSS.
Quand Hardy soutient que "sur le fond Barta renvoyait dos à dos les belligérants",
ce n'est par conséquent que pure foutaise ! Comme les autres groupes
trotskistes, l'ancêtre de LO a appelé les ouvriers à aller se faire massacrer
pour la sauvegarde des intérêts impérialistes du camp stalinien. "La
Quatrième Internationale [une des nombreuses dénomination du groupe Barta à
l'époque est Groupe communiste (IVe Internationale)] vous appelle pour la
défense de l'Union soviétique…" (tract cité plus haut.)
Ainsi, ce groupe, non seulement appellera les ouvriers au sabotage de l'effort de
guerre allemand mais ira jusqu'à le mettre en pratique par le biais d'un de ses
militants Mathieu Bucholz chargé du sabotage du STO (leur logique voulant qu'un
ouvrier français ne partant pas pour le travail obligatoire, dans les usines
allemandes, empêchait de libérer un ouvrier allemand qui aurait pu alors partir
se battre sur le front Est contre l'URSS).
Voilà un bel exemple de résistance contre l'envahisseur qui, il faut bien
l'avouer, est fort éloigné de la dénonciation de tous les camps impérialistes
et de l'appel à la classe ouvrière pour quelle retourne ses armes contre ses
exploiteurs !
Concernant la Résistance, LO s'est toujours enorgueillie que son ancêtre s'en
soit abstenu à l'inverse du reste du mouvement trotskiste français qui
rejoindra activement le maquis en 1944. Mais là encore les apparences sont
trompeuses. Et c'est Hardy en personne qui lâche le morceau : "Mais
entendons-nous : Barta était absolument partisan de la lutte contre le nazisme
[…] Ses écrits exhortaient les travailleurs à engager une telle lutte. Mais
avec leurs propres méthodes, sous leur propre drapeau et pas sous la bannière
d'un général réactionnaire…".
C'est effectivement sur ce registre que Barta s'adressait aux ouvriers :
"Si vous ne voulez plus être la chair à canon de cette guerre, il faut non
seulement résister à Vichy et à l'impérialisme allemand, mais le faire sous
votre propre drapeau de classe, le drapeau rouge. Où que vous soyez, en
Allemagne si vous n'avez aucun moyen de vous soustraire à la déportation, dans le
maquis ou dans les groupes de "partisans" si vous ne pouvez pas vous
cacher dans les villes et les villages, n'oubliez pas que vous êtes les fils de
la classe ouvrière.
En Allemagne, liez-vous avec les travailleurs allemands pour saboter la machine
de guerre et les aider à renverser le régime capitaliste défendu par Hitler.
Dans les groupes de résistance, dans le maquis, exigez votre armement et
l'élection démocratique des chefs par les membres des groupes." (La Lutte
de classes n°24 du 6 février 1944).
En bref, oui à la défense de l'Etat stalinien (et du camp des
Roosevelt-Churchill), oui à la Résistance, pourvu que ce soit les prolétaires
eux-mêmes qui la prenne en charge. Une auto-organisation de la classe ouvrière
pour la défense de l'impérialisme russe, indépendamment de la bourgeoisie, et
alors le massacre des prolétaires peut se dérouler légitimement. Merci Monsieur
Barta !
De l'abjecte trahison de l'internationalisme et par conséquent de la cause
prolétarienne voilà où LO prend sa source.
Dans la préface de son bouquin, Bourseiller nous dit que "En dépit des
vents contraires, des marées montantes et des sirènes de la mode, elle [l'Union
Communiste de Barcia et Laguiller] est demeurée fidèle à un trotskisme pur ou,
si l'on préfère, à un "communisme" que l'on peut estimer ou bien
haïr, mais qui n'en demeure pas moins authentique."
Il faut vraiment se contenir pour ne pas avoir la nausée à la lecture de tels
mensonges.
L'attitude de la IVe Internationale emmenée par le SWP (1) américain se
vautrant dans le chauvinisme le plus crasse, à laquelle fait bien entendu écho
le petit groupe de Barta bien que non officiellement rattaché à cette
Internationale, est diamétralement opposée à celle de ceux qui ont su rester
fidèle à l'héritage internationaliste de cette immense figure de la Révolution
russe que fût Trotsky. Ce sont, par exemple : la majorité de la section
espagnole de la IVe Internationale autour de Munis ou des individus comme
Natalia Trotsky. Pour eux, rompre avec le trotskisme, passé définitivement au
service de la bourgeoisie, devenait la seule issue possible pour ne pas trahir
la classe ouvrière.
Si LO est digne de quelque chose ce n'est certainement pas de Trotsky ou de quelque
chose qui aurait trait avec le combat de la classe ouvrière. Sa plus grande
fierté c'est plutôt d'avoir toujours servi fidèlement les besoins de la classe
dominante.
LO, mais aussi la LCR (et les autres groupuscules trotskistes) ont à maintes
reprises fait honneur à leurs aïeux. Dans les différents conflits de l'après
guerre ils ont systématiquement incité les ouvriers à choisir un camp
impérialiste contre un autre. Pendant la guerre froide ils ont confirmé leur
soutien inconditionnel à l'URSS et aux prétendues "luttes de libération
nationale" (Cambodge, Vietnam, Cuba) contre les Etats-Unis. Plus
récemment, lors de la guerre en Irak, ils ont déterminé que le "bon
camp" était ... "le camp du peuple irakien face aux agresseurs
anglo-américains " ! (Lutte de Classe n°72). Ce faisant, les trotskistes
ont invité les ouvriers à épouser non seulement la cause de la nation irakienne
mais surtout les intérêts des rivaux des Etats-Unis, à savoir en premier lieu
l'impérialisme français.
C'est sur le tas de fumier du nationalisme que LO, d'abord sous la forme du groupe Barta, a vu le jour et c'est tout logiquement dans ce terrain bourgeois que plongent ses racines l'abreuvant depuis plus de cinq décennies de sève contre-révolutionnaire.
Azel[1] [361] C'est en septembre 1938, sur la base d'une vision erronée du cours historique, que Trotsky fonde la IVe Internationale. Pour lui, la révolution est encore à l'ordre du jour dans les années 1930. Les évènements de 1936 en Espagne et en France sont, dès lors, interprétés non comme des préparatifs pour la guerre qui s'approche mais plutôt comme les prémisses d'une nouvelle vague révolutionnaire après celle de 1917-1923. Cette lourde erreur conduira à cette aberration qu'est la construction d'une Internationale en pleine contre-révolution.
Avec à sa tête le Socialist Worker's Party américain, et après l'assassinat de Trotsky en août 1940, la IVe Internationale passera avec armes et bagages dans le camp bourgeois en s'alignant sur la défense de l'impérialisme russe.
[2] [362] Parti Ouvrier Internationaliste
[3] [363] Parti Communiste Internationaliste
[4] [364] Rassemblement National Populaire
[5] [365] Parti des Travailleurs
[6] [366] Ligue Communiste Révolutionnaire
Au milieu de l'année 2002, il y a eu des préparations de guerre intensive dans le sub-continent indien. Les cliques dirigeantes à la fois du Pakistan et de l'Inde étaient au bord d'une guerre ouverte. Ces deux Etats impérialistes ont procédé à une mobilisation militaire sans précédent, des milliers de soldats équipés jusqu'aux dents d'armes meurtrières ont été déployés des deux côtés de la frontière, des menaces d'utiliser des armes atomiques ont été proférées par différentes fractions politiques dans les deux pays. La bourgeoisie indienne s'était montrée beaucoup plus agressive et avait semblé être acculée à la guerre ouverte en réponse à une activité belliqueuse beaucoup plus cachée à travers les activités terroristes soutenues par la bourgeoisie du Pakistan. Mais la pression de la "communauté internationale", celle des Etats-Unis en particulier, avait contraint la bourgeoisie indienne à freiner sa marche vers la guerre.
Peut-il y avoir une quelconque paix réelle entre ces deux Etats impérialistes dont la naissance s'est faite dans les entrailles d'une période de conflits impérialistes intenses ? Peut-il y avoir de réelle paix et des relations harmonieuses entre deux Etats capitalistes récents qui, comme tous les Etats, sont nécessairement impérialistes dans la phase de décadence du capitalisme ? NON, mille fois NON ! La guerre et la "paix" dans la société décadente sont deux aspects inséparables de la même stratégie impérialiste. La "paix" dans cette époque n'est rien d'autre qu'un moment particulier entre deux phases de guerre ouverte. Elle est utilisée par les Etats impérialistes guerriers pour la préparation politique et militaire d'une nouvelle guerre encore plus meurtrière et dévastatrice. La "paix" et les "initiatives de paix" ne sont rien d'autre que la continuation de la guerre sous une forme différente et sont une partie importante de l'offensive diplomatique d'un camp contre l'autre. Il ne peut y avoir de paix réelle et permanente dans le capitalisme agonisant. Dans le subcontinent indien, la "paix" a toujours été suivie de déclenchements de guerre ouverte. La guerre de Kargil a été précédée et préparée par la "paix" de Lahore. La "paix" d'Agra a été suivie par une situation proche de la guerre en janvier et juin 2002. La "paix" de Tashkent fut suivie par la guerre sanglante de 1971 dont il a résulté le démembrement de la partie orientale du Pakistan et la constitution du Bangladesh. Le Bangladesh est né à la fois comme le produit d'un conflit intense entre deux factions de la bourgeoisie pakistanaise, le produit du conflit impérialiste entre les bourgeoisies indienne et pakistanaise et le produit du conflit global entre les blocs impérialistes russe et américain. Ainsi, les efforts de "paix" et la guerre ne sont rien d'autre que les deux faces de la même réalité.
La dernière initiative de "paix" ne peut pas être
différente. Ce n'est rien qu'un paravent en vue d'une nouvelle
intensification de ce conflit impérialiste. Elle est indissociablement
liée à une offensive diplomatique où chacune des
deux parties entreprend de séduire la "communauté
internationale", et en particulier la superpuissance. Ce ne sont
rien que des pas supplémentaires en direction d'une future guerre.
En juin 2002, quand les initiatives de guerre dans le subcontinent indien
atteignaient leur paroxysme, les Etats-Unis n'ont ménagé
aucun effort pour éviter le déclenchement de la guerre
et maintenir la "paix" dans la région. La "paix"
dans cette partie du monde est nécessaire pour la stratégie
impérialiste globale actuelle de l'Amérique. Elle vise
à consolider sa position stratégique en Afghanistan, en
Irak et sur des parties de l'Asie centrale. La situation délicate
des Etats-Unis en Irak et en Afghanistan -avec l'extension et le renforcement
des attaques armées contre les forces d'occupation américaines
a renforcé davantage le besoin de stabilité dans le subcontinent
indien. Ainsi les intérêts impérialistes de la Maison
Blanche nécessitent d'apparaître comme des "colombes
de la paix" dans certaines aires stratégiques, afin d'accroître
sa capacité à entreprendre des aventures militaires ailleurs,
et pour intensifier son offensive contre ses plus dangereux rivaux potentiels
- l'Allemagne, la France et d'autres grandes puissances.
Il en va de même pour les autres puissances impérialistes,
qu'elles soient grandes ou petites. On a vu le rôle "d'apôtres
de la paix" qu'ont joué les bourgeoisies française,
allemande, russe et chinoise dans la guerre en Irak, tout comme on a
vu le bellicisme plus ouvert de ces mêmes puissances dans d'autres
conflits. Dans tous les cas, le conflit entre les plus petites puissances
et l'unique superpuissance, qu'il soit caché ou ouvert, ne peut
que s'accroître. La bourgeoisie indienne est contrainte d'être
ambivalente vis-à-vis de la politique américaine quand
il s'agit de la lutte contre le terrorisme international. La bourgeoisie
indienne ne peut ni totalement soutenir la politique impérialiste
des Etats-Unis ni totalement s'y opposer. Mais elle est obligée
de maintenir des relations avec ce géant militaire et économique
et l'initiative récente de "paix" est intimement liée
à la stratégie que le capitalisme indien doit adopter
dans ses relations avec les Etats-Unis.
L'agressivité téméraire de la bourgeoisie indienne
avec son insistance pour une confrontation militaire ouverte avec la
bourgeoisie pakistanaise et les efforts de cette dernière pour
éviter une guerre ouverte avec l'Inde, a mené à
un certain isolement diplomatique de l'Etat indien vis-à-vis
de la "communauté internationale". La classe dominante
indienne n'a pas eu beaucoup de succès pour convaincre la "communauté
internationale" du bien-fondé de ses récriminations
incessantes envers le Pakistan, proclamant que ce dernier était
la seule source de terrorisme, pas seulement au Cachemire mais aussi
dans d'autres parties de l'Inde et à l'étranger.
L'Inde n'est pas les Etats-Unis. Elle doit se donner beaucoup de mal
pour plaire à la "communauté internationale".
La première et la seconde guerre d'Irak et la situation présente
des Etats-Unis ont poussé l'Etat indien à prendre l'initiative
de la "paix". La bourgeoisie indienne a réalisé
qu'elle paierait très cher toute agression ouverte contre le
Pakistan sans le consentement de la "communauté internationale"
et des Etats-Unis en particulier. En plus de ceci, le rôle de
la bourgeoisie indienne dans la guerre en Irak n'a pas satisfait Washington.
Les intérêts de la bourgeoisie indienne l'ont donc obligée
à recourir à l'initiative de "paix" comme le
meilleur atout dans la situation présente. Cette initiative a
connu une soudaine impulsion juste avant la visite dans le subcontinent
indien de Richard Armitage, le représentant du Secrétariat
d'Etat américain qui est aussi une personnalité très
importante dans l'administration Bush. L'Etat pakistanais a lui aussi
besoin de plaire au gendarme américain, suite au rôle qu'il
a joué durant la guerre en Irak. Le Pakistan a vraiment été
identifié internationalement comme un Etat qui abritait des terroristes
islamistes et il y a eu des rumeurs insistantes sur des connexions entre
les services secrets pakistanais et des bandes comme Al-Qaida. De plus,
la bourgeoisie pakistanaise a tiré d'amères leçons
de son passé de guerres ouvertes contre l'Inde. D'où la
floraison actuelle d'initiatives de "paix" de la part des
deux Etats ennemis. Ces initiatives se sont aussi accélérées
après le retour de Chine du ministre indien de la Défense
à la suite d'"un voyage cordial et très fructueux".
Ce ministre a ensuite fait une série de déclarations qui
font de lui l'un des plus pro-chinois de la classe politique indienne.
Du fait de l'évolution du rapport de force à l'échelle
internationale, la Chine est conduite à encourager à la
fois l'Inde et le Pakistan à "faire la paix", plutôt
que de poursuivre sa politique classique consistant à jouer la
carte du Pakistan contre l'Inde.
Mais les tensions impérialistes et les rivalités guerrières
sous-jacentes s'amoncellent sous le mince voile des initiatives de paix.
Le 2 juin 2003, le Premier Ministre indien a déclaré en
Suisse : "Avant, on nous demandait d'établir des relations
avec le Pakistan. Maintenant le monde entier leur dit d'arrêter
leurs incursions terroristes sur notre territoire". Selon Brajesh
Mishra, le conseiller indien à la sécurité, "un
noyau constitué de sociétés démocratiques
doit peu à peu émerger de notre coalition actuelle pour
prendre à bras-le-corps la lutte contre le terrorisme international
de manière homogène et ciblée". Le président
pakistanais, Pervez Musharraf, disait dans une interview le 16 juin
2003 : "Le problème avec l'Inde est qu'ils sont trop conscients
de leur plus grande taille et qu'ils croient qu'ils peuvent contraindre
à l'obéissance leurs voisins. Ils veulent nous imposer
leurs diktats. Nous n'accepterons pas ça, empêchons-les
de nous traiter comme n'importe quel petit pays périphérique.
Nous sommes une nation puissante". Selon une résolution
adoptée par le BJP, le parti politique dominant dans la coalition
qui dirige l'Inde, la base pour tout dialogue avec l'autorité
pakistanaise serait le retour dans le giron indien de la partie du Cachemire
qu'ils appellent POK, c'est-à-dire le Cachemire occupé
par le Pakistan. Selon une information parue dans The Telegraph du 19
juin 2003, l'Inde a interdit l'accès du Pakistan au célèbre
Forum Régional Asiatique et le ministre indien des Affaires étrangères
a joué un rôle de premier plan dans cette entreprise. Yashwant
Sinha a déclaré devant un parterre d'officiers d'état-major
et de diplomates le 19 octobre 2003 : "Qui est ami ou ennemi dans
cette bataille contre le terrorisme est une question cruciale. Si on
permet à nos ennemis de se déguiser en amis, le terrorisme
international ne renoncera jamais". Il a ensuite ajouté
: "Le penchant de certains à traiter avec les régimes
autoritaires pour des gains à court terme sera aussi de courte
durée." Les implications sont assez claires. Dans la même
réunion le Premier Ministre indien a vomi du venin contre la
bourgeoisie pakistanaise : "Est-ce que le Pakistan a une démocratie
? Est-ce qu'il a un gouvernement élu ? Ceux qui dirigent l'arme
au poing parlent d'auto-détermination (au Cachemire)". The
Statesman, un journal sérieux de la bourgeoisie indienne, a récemment
titré : "Rocca tance Islamabad". Dans cet article est
reporté que l'assistante du Secrétaire d'Etat américain,
Christina Rocca, a dit que l'Inde était une victime du terrorisme
et que le Pakistan devrait redoubler d'efforts pour mettre un terme
à ses infiltrations frontalières.
Quant au cessez-le-feu, il a été planifié comme
un exercice de propagande pour coïncider avec la visite de Vajpayee
à Islamabad. Ershad Mahmud de l'institut d'études politiques
à Islamabad a déclaré : "Ce voyage a été
plus symbolique que consistant". Un membre des groupes militants
du Cachemire à Muzzafarabad a exprimé toute la suspicion
que lui inspirait le cessez-le-feu : "Le Pakistan peut retirer
quelque bénéfice politique du cessez-le-feu parce qu'il
en a été à l'origine, mais le grand bénéficiaire
en est l'Inde qui renforcera ainsi ses positions et à qui cela
permettra d'améliorer ses défenses" (Yahoo! News
le 26 novembre 2003). Une fois encore, la paix impérialiste pave
la route pour la guerre impérialiste.
Par dessus tout, en aucun cas, la menace de la guerre nucléaire
n'a été éliminée. Le président pakistanais
Pervez Musharraf a dit à Séoul en Corée du Sud
le 7 novembre 2003 : "Je pense qu'il était parfaitement
justifié de développer nos capacités nucléaires
et nos missiles parce que s'il y avait une menace externe et même
si cette menace surgissait dans n'importe quelle autre région,
nous y répondrions d'une manière identique dans le futur."
Le premier ministre indien a ajouté à Londres le 7 novembre
:"C'est un sujet de préoccupation pour nous que ce programme
[le programme d'armement nucléaire pakistanais] soit sans ambiguïté
dirigé seulement contre l'Inde". A travers tout cela, le
sens de "l'initiative de paix" apparaît clairement.
Il y a cent ans, en 1903, au second congrès du Parti Ouvrier Social-Démocrate Russe - le Congrès historique qui a débouché sur la scission entre Bolcheviks et Mencheviks-, une résolution était adoptée en réponse à une vague de pogroms en Russie.
Une fois de plus, les Juifs étaient utilisés comme boucs
émissaires des problèmes de la société,
dans le but d'empêcher les classes opprimées de voir où
sont leurs véritables ennemis. C'est pour cette raison que le
marxiste allemand Bebel appelait l'antisémitisme le socialisme
des imbéciles.
Cent ans de "progrès" capitaliste plus tard, un siècle
qui a été marqué par l'holocauste des Juifs européens
au cours de la Seconde Guerre mondiale, le nombre de ceux qui sont dupés
par le vieux mythe antisémite n'a pas diminué, même
si la focalisation antisémite s'est déplacée dans
une large mesure vers le monde "musulman".
Le discours de départ du premier ministre malaisien Muhatir Mohamad,
en octobre 2003, illustre clairement cela, brossant le tableau de musulmans
dans le monde oppressés par une petite minorité, les Juifs,
qui aurait le contrôle principal de l'empire américain;
Muhatir a tenté de se démarquer des terroristes islamistes
radicaux, mais son langage est exactement le même que celui de
Ben Laden et compagnie : le devoir des musulmans partout dans le monde
est de combattre les Juifs. C'est cette idéologie qui justifie
les attaques à la bombe sans discrimination contre des Juifs
en Israël, en Tunisie, au Maroc et même en Argentine. Elle
se base sur la republication de la fameuse falsification de la police
secrète tsariste, le Protocole des Sages de Sion, qui peut être
consultée gratuitement sur de nombreux sites Internet islamistes,
et qui prétend nous informer sur le fonctionnement interne de
la conspiration juive mondiale.
Tout cela démontre que ces cent années n'ont pas été
des années de progrès, mais de décadence capitaliste,
qui a produit et propagé les haines les plus absurdes et irrationnelles
sur toute la planète. Surtout lors de ces deux dernières
décennies, l'esprit de pogrom est devenu universel.
Au 20e siècle, il y a eu bien sûr aussi des pogroms contre
d'autres minorités -le massacre de près d'un million d'Arméniens
par l'armée turque pendant le premier conflit mondial étant
le plus horrible- et c'était déjà une expression
claire de la décadence de la société bourgeoise.
Mais aujourd'hui, dans la phase d'accélération de la décadence,
que nous appelons la décomposition du capitalisme, le nombre
de ces massacres augmente chaque jour.
Aujourd'hui, les Juifs eux-mêmes ont leurs propres fauteurs de
pogroms. Le groupe Kach en Israël, fondé par le rabbin américain
Meir Kahane, applaudit l'action de Baruch Goldstein, un Juif colon américain
affilié au Kach, qui en 1994 a ouvert le feu sur des fidèles
à la mosquée Il-Jibrihimi de Hébron, tuant 29 personnes
et faisant 125 blessés; son idéologie a inspiré
le massacre d'enfants palestiniens par trois colons juifs en plaçant
des bombes dans leur école en septembre dernier; il préconise
une "solution finale" à la manière nazie pour
le problème palestinien, leur expulsion de tout le territoire
du "Grand Israël".
Officiellement, Kach et son satellite Kahan Chai sont des groupes terroristes,
mis hors la loi par la Knesset. Mais ils bénéficient du
climat politique général actuel en Israël. Ariel
Sharon, le chef du gouvernement, a lui-même un passé de
massacreur ethnique. En 1953, il a dirigé une attaque commando
sur le village palestinien de Kibya, suite au meurtre de trois civils
juifs. Soixante-neuf résidents, dont la moitié étaient
des femmes et des enfants, ont été tués, quarante-cinq
maisons détruites. En 1982, Sharon a joué un rôle
central dans la boucherie abominable des camps de Sabra et Chatila au
Liban: avec la complicité directe de l'armée israélienne,
des milliers de Palestiniens ont été assassinés
durant trois jours d'horreur par l'aile droite des milices chrétiennes.
Sharon, qui était ministre de la Défense à ce moment-là,
a été réprimandé plus tard par un comité
d'enquête de haut niveau, comme porteur d'une "responsabilité
indirecte" dans ce crime monstrueux. Et aujourd'hui, Sharon dirige
un Etat qui produit des discours enflammés en faveur d'un "Grand
Israël" -les colonies juives dans les territoires occupés,
un Etat qui dresse un "mur anti-terroriste", qui s'étend
le long des frontières d'Israël mais boucle une mosaïque
de territoires appartenant aux Palestiniens. En bref, le régime
de Sharon est un régime d'épuration ethnique, un régime
poussant aux pogroms.
L'épuration ethnique est une expression inventée pour
décrire le meurtre, les intimidations et l'expulsion forcée
de diverses minorités dans les Balkans pendant les sept années
de guerre qui ont ravagé la région dans les années
1990. Que ce soient les forces serbes attaquant les Croates, les Bosniaques,
les Albanais, ou les civils serbes subissant les mêmes horreurs
de la part des forces croates, bosniaques ou albanaises, le résultat
était le même, réintégrant en Europe les
pires excès de la barbarie raciste depuis la Seconde Guerre mondiale.
Pas moins horrifiant, il y a aussi eu le génocide de centaines
de milliers de Tutsis par les escadrons de la mort hutus au Rwanda,
en l'espace de quelques semaines en 1994.
Ces massacres ont été menés au nom de différentes
idéologies, de différentes bannières : dans les
Balkans, le nationalisme serbe, croate ou albanais, mélangé
à de vieilles divisions religieuses entre musulmans, chrétiens
orthodoxes ou catholiques romains. Au Rwanda et dans d'autres pays africains,
comme au Congo actuellement, ce sont souvent les appartenances tribales
qui ont été mises en avant, alors qu'au Soudan, en Ouganda
ou en Algérie, le carnage d'innocents est souvent justifié
par des raisons religieuses. En Inde, des foules "hindouistes"
ont déchaîné leur violence contre des musulmans;
en Indonésie, des brutes "musulmanes" ont agressé
et assassiné des chrétiens.
Le plus souvent, ces horreurs sont présentées dans "le
monde civilisé" comme l'expression de rivalités tribales
et religieuses incompréhensibles. Le plus souvent, on nous raconte
qu'elles ne peuvent être arrêtées que par l'intervention
humanitaire des forces les plus éclairées de la "démocratie".
Cela fut le prétexte, en particulier, des attaques de l'OTAN
sur la Serbie en 1999.
Mais exactement de la même manière que les forces tsaristes
manipulaient les bandes des "Cent-Noirs" à l'origine
des pogroms en Russie il y a une centaine d'années, la même
main sinistre de l'Etat se retrouve toujours derrière les pogroms
d'aujourd'hui. Dans les Balkans, des troupes serbes incontrôlées
comme les Tigres fascistes d'Arkan ont commis quelques-unes des pires
atrocités. Mais ils agissaient avec la bénédiction
du président serbe Milosevic.
Et derrière Milosevic, depuis des années, se tenaient
la France, la Russie et la Grande-Bretagne, intéressées
à préserver leur sphère d'influence dans cette
région face aux avancées de l'Allemagne et des Etats-Unis.
Au Rwanda, le génocide n'était pas simplement une explosion
spontanée de folie; il avait été préparé
depuis des mois par l'Etat, qui avait créé les escadrons
de la mort hutus. Et ces mêmes escadrons de la mort étaient
entraînés par rien de moins que l'armée française
qui, après les massacres, avait mis sur pied sa propre intervention,
au nom de raisons humanitaires.
Il est vrai que le climat moral d'une société en putréfaction
engendre désespoir et irrationalité à une échelle
effrayante. Cette fuite vers les idéologies les plus rétrogrades
empoisonne l'esprit de toutes les classes de la société.
Cela inclut la classe dominante dans les pays les plus avancés.
Le degré de pourriture de l'actuelle administration Bush a été
montré par les révélations selon lesquelles le
nouveau sous-secrétaire d'Etat à la Défense pour
les services secrets, le lieutenant-colonel William Boykin, croit que
l'Islam est une religion idolâtre que tous les chrétiens
doivent combattre au nom du Christ. L'islamophobie est bien sûr
l'image miroir en Occident de l'antisémitisme et de l'antiaméricanisme
qui s'insinue dans tout le monde "islamique".
Mais, même quand elle poursuit sa descente abyssale dans une absurdité
apocalyptique, la classe dominante des "démocraties libérales"
est toujours parfaitement capable d'attiser froidement et cyniquement
les plus sombres affects sociaux comme le racisme et la xénophobie
dans son propre intérêt, que ce soit pour ses intérêts
impérialistes, comme dans les Balkans et en Afrique, ou pour
semer la division dans les rangs de son ennemi mortel, le prolétariat.
Un exemple patent en est la campagne répugnante contre les demandeurs
d'asile dans les tabloïds anglais, qui constitue l'arrière-plan
idéologique du nombre croissant d'attaques physiques contre les
réfugiés dans ce pays. Reprocher à un petit nombre
de demandeurs d'asile le déclin général des conditions
de vie de la classe ouvrière est un exemple classique de désignation
raciste d'un bouc émissaire, consciemment destinée à
saper l'identité et la solidarité de classe.
Le regain de l'esprit de pogrom pose un problème de vie ou de
mort à la classe ouvrière. Si celle-ci se laisse diviser,
si elle succombe à l'ambiance délétère de
la décomposition capitaliste, elle sera perdue, et avec elle,
l'humanité tout entière. Parce que le prolétariat
est la classe sociale qui existe à travers des rapports de solidarité,
parce qu'elle est une classe internationaliste qui a les mêmes
intérêts matériels partout dans le monde, il est
la seule force pouvant agir comme une barrière à la fuite
en avant vers l'autodestruction, caractérisée par l'épidémie
grandissante des émeutes ethniques et religieuses.
En 1903, nous avons vu les socialistes russes dénoncer les pogroms
contre les Juifs, essentiellement parce qu'ils étaient utilisés
pour entraver l'émergence d'une conscience de classe révolutionnaire
au sein du prolétariat. En 1905, cette maturation souterraine
de la conscience de classe s'exprima au grand jour sous la forme de
la grève de masse et des premiers Soviets. Et comment Trotsky
(le révolutionnaire qui avait vu à l'époque l'importance
de ces organes embryonnaires du pouvoir prolétarien plus clairement
que quiconque) définissait le rôle immédiat des
Soviets ?
"Quelle était la nature essentielle de cette institution,
qui en si peu de temps avait pris une telle importance dans la révolution
et marqué la période de son pouvoir? Les Soviets organisaient
les masses travailleuses, dirigeaient les grèves et manifestations
politiques, armaient les travailleurs, et protégeaient la population
des pogroms" (1905, traduit de l'anglais par nos soins).
Aujourd'hui, à une échelle mondiale, la classe ouvrière
reste la seule force sociale capable de protéger la population
du monde contre la nouvelle vague de pogroms. Non pas parce que c'est
une classe qui n'agit que pour des idéaux purs, mais parce qu'elle
a un intérêt matériel à agir de la sorte.
Le prolétariat ne peut pas se défendre s'il est divisé;
toutes les formes de racisme, toutes les sortes de nationalisme le divisent
et l'affaiblissent. La classe ouvrière ne peut assumer son avenir
révolutionnaire qu'en rejetant, en théorie et en pratique,
toutes les divisions que le capitalisme lui impose.
C'est aussi vrai en Israël que partout ailleurs : les coûts
énormes du budget de la défense israélien, combinés
aux effets de la crise économique mondiale, génèrent
un phénomène de sans-abri et une pauvreté croissante
parmi les ouvriers israéliens. Ils créent aussi les conditions
pour un renouveau de combativité de la classe : dans la période
récente, nous avons vu, par exemple, des protestations contre
des coupes claires dans les allocations de chômage et une grève
sauvage parmi les bagagistes de l'aéroport de Tel Aviv. Ces réactions
limitées mais significatives prouvent que les ouvriers israéliens
ne sont pas une sorte d'élite privilégiée; au contraire,
ils rejoignent de plus en plus les niveaux de misère et d'insécurité
qui pèsent sur la classe ouvrière palestinienne. Certes,
le terrorisme impitoyable du Hamas ou du Jihad islamique est utilisé
pour convaincre la majorité des ouvriers israéliens que
leur "protection" ne peut être assurée que s'ils
s'identifient à la politique de fermeté militaire de l'Etat
israélien, exactement comme les opprimés et les exploités
de la population palestinienne sont renvoyés à la terreur
d'Etat israélienne pour percevoir l'OLP et les islamistes comme
leurs défenseurs (malgré des protestations de la part
de chômeurs palestiniens contre des promesses non tenues du proto-Etat
palestinien). Il serait stupide de sous-estimer l'importance de la peur
et du désir de vengeance engendrés par la spirale de la
terreur et de la contre-terreur dans la région. Mais la seule
issue à cette situation est de dépasser le piège
de la solidarité nationale et de retrouver le chemin de la solidarité
de classe. Les travailleurs des pays capitalistes plus développés,
qui sont dans l'ensemble les moins contaminés par le poison des
divisions raciales, ont la responsabilité fondamentale de démontrer
en pratique ce que signifie la solidarité de classe en développant
les luttes défensives contre les attaques sur leurs conditions
de vie, en ouvrant la voie à la grève de masse et à
l'offensive révolutionnaire contre l'Etat capitaliste. Seul un
tel exemple peut définitivement éliminer l'esprit de pogrom
et ouvrir une perspective pour les prolétaires qui se trouvent
sous sa menace la plus directe.
Nous publions ci-dessous des extraits de la réponse faite par Acción Proletaria (AP), section du CCI en Espagne, à Comunistas Revolucionarios (CR), un regroupement d'éléments "radicaux" de la ville de Ferrol en Galice qui rejettent très justement les syndicats et appellent à leur destruction mais sur une base largement erronée.
Ce débat n'est évidemment pas un débat "espagnol". Certains conflits ont eu une grande répercussion en Espagne, en lien avec l'extrême précarisation de la main d'œuvre mise en place dans ce pays depuis longtemps. Mais les questions qui s'en dégagent sur le rôle et la fonction des syndicats sont posées, se posent et se poseront aussi partout dans le monde. Notamment en France, ces questions ne peuvent que traverser l'esprit des milliers d'ouvriers confrontés à la précarisation de leurs conditions de travail et qui, à la suite du mouvement du printemps, se sont sentis floués par les agissements des syndicats.
Du texte de CR publié dans AP nº 172 (15 sept.-15 nov. 2003) paraît se
dégager l'idée suivante : si les syndicats sont ce qu'ils sont c'est parce
qu'ils seraient l'expression d'une minorité de travailleurs en CDI[1] [367],
privilégiés, une "aristocratie ouvrière". Voyons quelques citations
significatives de ce texte :
"Ses connivences avec le patronat sont la démonstration la plus grave du
corporatisme syndical et aristocratique de ce secteur de travailleurs, dont les
conditions de travail sont bien supérieures à celles de la majorité des
salariés, et qui à aucun moment n'essaie, même de façon minoritaire, de
s'opposer ne serait-ce qu'à ses dirigeants syndicaux (lesquels, soit dit en
passant, trahissent ce secteur depuis des années). Ces travailleurs sont même
arrivés à changer un jour de congé pour éviter le retard dans la livraison des
nouvelles frégates qui se construisent dans les chantiers navals de Ferrol,
pour ainsi ne pas 'porter préjudice à la compétitivité de l'entreprise'."
Par rapport à l'attitude des syndicats, CR avance : "Eux aussi ont tiré
leurs leçons : ils savent parfaitement que notre précarité et surexploitation
sont à la base de leur fonction de serviteurs du capital, et de leur position
dirigeante grâce à l'accommodement de la couche de la classe qu'ils
représentent (…) dans ce contexte de stratification de la classe entre un secteur
avec un travail garanti et un autre en emploi précaire, avec des conditions de
travail et de vie largement différenciées et encadrées par les syndicats dans
le cadre institutionnel et légal établi, les luttes ouvrières chez Izar[2] [368] sont,
par leur nature même, des luttes réactionnaires pour conserver une position
privilégiée", contrairement aux luttes des précaires 'essentiellement
révolutionnaires', car ils luttent pour l'égalité des conditions de travail
avec les ouvriers de l'entreprise principale et contre les fondements du
capitalisme actuel".
Nous n'allons pas réfuter ici les racines historiques de la fausse théorie de
"l'aristocratie ouvrière". Nous l'avons déjà fait dans notre presse[3] [369]. Ce
que nous nous proposons de traiter ici, c'est la thèse selon laquelle les
syndicats représenteraient une minorité de travailleurs privilégiés, ce qu'on
appelle "l'aristocratie ouvrière".
Cette position n'est pas propre aux camarades de CR. En effet, beaucoup de
jeunes ouvriers précaires affirment clairement que les syndicats ne les
représentent pas, en ajoutant que cela est dû au fait qu'ils "ne défendent
que les travailleurs en CDI". Dans le même sens, on n'a pas arrêté de nous
rabâcher que les chômeurs sont méprisés par les syndicats, lesquels ne s'occuperaient
que des fonctionnaires et des travailleurs en CDI.
Nous vivons sous le poids de l'idéologie démocratique. Cette idéologie sert
à la bourgeoisie pour justifier toutes les agressions contre les ouvriers et
l'humanité tout entière. Si le gouvernement espagnol envoie des troupes en Irak
et mène une politique économique mauvaise pour la majorité, ce serait la faute
des "citoyens" (les ouvriers y inclus) qui auraient voté pour lui. De
toutes les formes d'Etat qui ont existé dans l'histoire, c'est la forme
démocratique de domination et d'exploitation la plus cynique et mystificatrice.
L'Etat démocratique défend les intérêts de la classe capitaliste et, en son
nom, il prend des mesures de licenciements, de misère et de guerre, mais il
justifie tout avec l'argumentation universelle selon laquelle il
"représente" la "majorité", il exprime la
"volonté" des citoyens.
Le catéchisme de l'idéologie démocratique dit aussi que toute couche de la
population possède une "représentation propre", et dans le cas des
ouvriers, elle serait constituée par les syndicats. Par conséquent, si les
syndicats signent des pactes et des conventions contre les intérêts des
travailleurs, s'ils sabotent les grèves, s'ils avalisent des mesures qui vont
provoquer immanquablement des accidents de travail mortels, ce serait "la
faute aux ouvriers" qui les auraient mandatés pour les représenter.
Il y a des prolétaires qui réagissent contre les syndicats, mais encore sous
l'influence de l'idéologie démocratique, ils s'entêtent à leur trouver à tout
prix une représentativité quelconque. Et où voient-ils cette représentativité ?
Quand ils disent que les syndicats sont des traîtres parce qu'ils représentent
une couche spéciale d'ouvriers (l'aristocratie ouvrière), laquelle aurait trahi
sa classe pour quelques miettes et le petit privilège d'avoir une garantie de
l'emploi[4] [370].
Le piège se trouve dans le fait de penser que l'Etat démocratique est
"représentatif" et que les syndicats sont représentatifs, autrement
dit, d'accepter, même à contrecoeur, la mystification la plus dangereuse avec
laquelle le capitalisme justifie sa domination. Contre tout cela, le marxisme a
montré que l'Etat ne représente que le capital, qu'il ne protège que l'intérêt
national du capital, qu'il ne sert, en exclusivité, que la minorité constituée
par la classe capitaliste dans son ensemble.
Dans ce sens, les syndicats ne représentent aucune catégorie d'ouvriers, mais
représentent l'Etat capitaliste, ils sont l'expression de l'intérêt du capital
national. Leur rôle consiste à imposer dans les lieux de travail ce dont les
capitalistes comme classe ont besoin.
L'Etat démocratique du capital prétend intégrer en son sein tous les secteurs
de la société, en tant que prétendu organe neutre "au dessus des
classes". En fait, sa fonction est justement le contraire : il étend ses
tentacules dans tous les secteurs sociaux (et plus particulièrement au sein de
la classe ouvrière) pour qu'ils soient bien contrôlés. Ce que l'idéologie
démocratique appelle "intégration" et "représentation"
n'est, en réalité, que contrôle, oppression, subordination au service de
l'exploitation.
Au sein de cette entreprise étatique, les syndicats jouent un rôle particulier
: contrôler la classe ouvrière, la diviser, briser ses luttes, lui faire avaler
les plans de licenciements et de destruction des salaires sociaux que l'intérêt
national du capital exige, tel un dieu despotique et insatiable.
Est-ce que la division entre les "intérimaires" (CDD) et ceux qui ont
un contrat à durée indéterminée (CDI) est née de la "volonté" des CDI
de prétendre "conserver leurs privilèges" ? Cette
"explication" nie l'histoire des 80 dernières années de la classe
ouvrière, histoire qui fait apparaître les syndicats comme ennemis de toutes
les catégories d'ouvriers, qu'ils soient employés dans le secteur public ou
dans celui du privé, travailleurs en CDI, précaires, journaliers, émigrés, etc.
Rappelons seulement quelques expériences : en 1968, en France, à un moment où
il n'existe pratiquement pas d'emploi précaire, ils se sont consacrés avec
acharnement à saboter la grève de 10 millions d'ouvriers. Et ce fut la même
chose en Grande-Bretagne, en Italie, en Argentine etc. En Espagne, ils firent
tout pour saboter les grèves en 1971-76 (à une époque où ils n'étaient même pas
légalisés par le franquisme), par la suite, ils ont soutenu le Pacte de la
Moncloa, signé les accords de reconversion, la réforme de la Sécurité Sociale.
Face aux grèves de 1983-87 contre les "reconversions" et les
restructurations dans l'industrie (qui entraînèrent près d'un million de
licenciements), ils ont fait aux "CDI" la pire des choses : ils ont
contribué à leur mise à la porte, ils les ont reconvertis en chômeurs.
Comment s'est développé le travail précaire ? Est-ce qu'il a été la
concrétisation d'une "aspiration sociale" où convergerait l'intérêt
du patronat et des "aristocratiques" travailleurs en CDI ? Une
pareille "explication" est de celles dont raffole l'idéologie
démocratique et avec laquelle elle nous abreuve tous les jours. La précarité a
été imposée par les besoins du capitalisme face à l'aggravation inexorable de
sa crise mondiale. En Espagne, les premières mesures dans ce sens furent
imposées par le Gouvernement "socialiste"[5] [371] en
1984, en développant la loi que, deux ans auparavant, les syndicats Commissions
Ouvrières (proches du PC) et l'UGT (proche du Parti socialiste) avec le
gouvernement de droite d'alors avaient imposée (l'ANE, Accord National sur
l'Emploi). En 1992 (sous le gouvernement "socialiste" du PSOE) et,
par la suite, en 1997 (sous le gouvernement actuel d'Aznar), avec l'aval des
deux syndicats, d'autres mesures furent imposées pour favoriser encore plus le
travail intérimaire et les contrats pourris.
Le moyen le plus important dont dispose le capitalisme pour répondre à la crise
qui le frappe est celui de réduire les coûts de la force de travail. Pour cela,
d'un coté, il élimine ou réduit des "prestations sociales" : santé,
pensions, allocations chômage, primes de licenciement, etc. ; d'un autre coté,
il prend des mesures qui rendent l'emploi de plus en plus précaire. Mais, alors
que les coups de hache sur les "prestations sociales" sont une
attaque contre tous les travailleurs (les intérimaires, les CDI, les chômeurs,
les immigrés), les mesures de précarisation apportent au capital un grand
avantage politique : elles lui servent à semer la zizanie au sein de la classe
ouvrière, en attisant la concurrence dans ses rangs.
Les syndicats se sont consacrés avec acharnement à accroître cette zizanie
qu'ils ont contribué à semer. Ils ont deux discours : aux travailleurs en CDI
ils disent que les travailleurs temporaires, ceux des entreprises
sous-traitantes, les jeunes avec un contrat pourri, sont leurs rivaux dont l'aspiration
intime est de "leur prendre ce qu'ils possèdent". Mais, aux
travailleurs précaires, ils tiennent un autre discours totalement opposé : les
travailleurs avec CDI seraient une bande de fainéants privilégiés et sans la
moindre solidarité, une "aristocratie du travail", avec qui on ne
peut pas compter au moment de se lancer dans une grève.
Dans la situation actuelle, où la combativité et la conscience ouvrières
mûrissent avec d'énormes difficultés, le plus grand triomphe des syndicats
(sous toutes leurs formes et quelle que soit leur étiquette) est celui de
lancer les ouvriers les uns contre les autres. Pour l'instant, la combativité
n'est pas du tout homogène dans la classe dans son ensemble : il y a des
secteurs bien plus combatifs que d'autres. Les syndicats tirent profit de cette
difficulté pour empêcher que les plus combatifs ne contaminent le reste de la
classe avec leur esprit combatif. Le travail "sanitaire" des
syndicats pour arrêter l'épidémie consiste à enfermer les plus combatifs dans
des luttes isolées et dirigées non pas contre le capitalisme ou l'Etat, mais
contre les autres ouvriers.
À Puertollano, cela a été on ne peut plus clair. En août 2003, dans une grande
raffinerie (Repsol), quand les ouvriers des entreprises sous-traitantes se sont
mis en grève, les syndicats ont fait tout leur possible pour que les
"travailleurs fixes" de l'entreprise principale restent passifs, en
organisant une campagne ignoble de calomnies contre les intérimaires.
Cependant, en octobre, ils ont fait l'inverse : ils ont entraîné exclusivement
les intérimaires dans la grève en disant à ceux-ci que les travailleurs de
Repsol "ne voulaient pas lutter", "qu'ils ne bougeaient
pas", "qu'ils avaient des problèmes différents". Alors, la campagne
de calomnies a été dirigée contre les travailleurs en CDI[6] [372].
Il y a, à l'heure actuelle, en Espagne, deux grandes générations ouvrières :
d'un coté, ceux qui ont 45-55 ans, qui ont vécu les grandes luttes autonomes
des années 70 et les combats contre les reconversions du gouvernement
"socialiste" des années 80. Ces ouvriers connaissent bien, par
expérience, ce que sont les syndicats et ce qu'est la lutte directe en dehors
de ces outils castrateurs au service de l'Etat capitaliste. Mais, en même
temps, ils sont atteints de scepticisme, ils sont désorientés, ils sont
réticents vis-à-vis de la lutte, tenaillés par la peur de recevoir un coup
supplémentaire. D'un autre coté, il y a les jeunes, intérimaires et précaires
dans une grande majorité d'entre eux, qui supportent des conditions de travail
très dures, avec beaucoup de questions sur l'avenir que cette société leur
offre. Beaucoup d'entre eux veulent se mettre en lutte, mais ils n'ont que peu
d'expérience et gardent des illusions sur les syndicats. Ce dont la classe
ouvrière a besoin c'est l'unité de ces deux générations, c'est le débat et la
lutte commune, pour pouvoir unir expérience et combativité, pouvoir forger sa
conscience pour ainsi avancer ensemble vers une lutte révolutionnaire. Tout
l'intérêt de la bourgeoisie -et par conséquent de ses syndicats- va évidemment
dans le sens contraire : il s'agit pour elle de créer une muraille entre une
génération et l'autre, en les opposant, en les séparant, en les lançant l'une
contre l'autre. Voilà la raison des deux discours différents que tiennent ces
cyniques et fidèles serviteurs de l'Etat capitaliste que sont les syndicats.
[1] [373] Contrat à durée indéterminée. En Espagne, on parle de "travailleurs fixes", plus particulièrement pour les ouvriers des grandes entreprises, privées comme d'Etat.
[2] [374] Entreprise de Chantiers navals en Espagne, anciennement "publique".
[3] [375] Voir notamment Revue Internationale n° 25 (2e trimestre 1981).
[4] [376] Il y a des éléments qui rejettent la "démocratie" et l'idéologie démocratique, mais qui n'admettent pas l'explication matérialiste de la trahison des syndicats, croyant la trouver dans cette idée selon laquelle ils représenteraient les intérêts économiques mesquins de "l'aristocratie ouvrière". Cette vision économiste et sociologique prétendument "matérialiste" est, en fait, du matérialisme vulgaire, soumise à l'idéologie démocratique qui voit les institutions de l'Etat (et parmi elles, les syndicats) comme représentantes des catégories sociologiques. Le fait que les différentes couches sociales aient des intérêts économiques "légitimes", c'est-à-dire compatibles avec l'intérêt général du capital national, n'est pas contraire à l'idéologie démocratique.
[5] [377] Le ministre du Travail de l'époque, Joaquín Almunia, (qui aux élections de 2000 s'est présenté à la tête d'une coalition "radicale" avec le PC) avait déclaré la guerre aux travailleurs en disant qu'"il fallait en finir avec la propriété privée du poste de travail".
[6] [378] Voir l'article publié dans Révolution internationale, n° 339, octobre 2003.
Dans le présent article, nous poursuivons cet examen de la perspective du communisme en nous penchant sur un certain nombre d'aspects de la révolution communiste : le mode d'organisation de la classe révolutionnaire et l'orientation des mesures qu'elle est appelée à prendre.
Depuis qu'avec l'apparition de la classe ouvrière a surgi sa conscience du fait qu'elle était le sujet de la révolution communiste, s'est posé le problème de son organisation en vue de cette tâche. Longtemps, et les révolutionnaires avec lui, le prolétariat a balbutié sur cette question. Dans un premier temps (de Babeuf à Blanqui) les petites sectes conspiratrices ont eu sa faveur. Ensuite, les différentes sociétés ouvrières, coopératives professionnelles ou syndicales, telles que celles rassemblées dans l'Association Internationale des Travailleurs (1ère Internationale fondée en 1864) ont semblé constituer cette auto-organisation de la classe ouvrière en vue de son émancipation. Puis les grands partis de masse rassemblés dans la 2e Internationale (1889-1914) et les syndicats s'y rattachant se sont présentés comme le levier de la transformation de la société. Mais l'histoire devait montrer que si ces formes d'organisation correspondaient à des étapes du développement tant de la capacité de la classe ouvrière à lutter contre l'exploitation que sa conscience des buts historiques et immédiats, aucune d'entre elles n'était appropriée pour l'accomplissement de sa tâche historique : la destruction du capitalisme et l'instauration du communisme. C'est lorsque les conditions de vie du capitalisme lui-même ont mis à l'ordre du jour la révolution prolétarienne que la classe ouvrière a trouvé la forme d'organisation apte à accomplir cette révolution : les conseils ouvriers. Leur apparition en Russie en 1905 signifiait qu'on était à un tournant de l'histoire de la société capitaliste : la fin de son époque progressiste, son entrée dans la décadence, dans "l'ère des guerres impérialistes et des révolutions prolétariennes", comme devaient le comprendre les révolutionnaires par la suite. De même, si depuis Blanqui, les révolutionnaires avaient compris la nécessité de l'instauration de la dictature du prolétariat comme levier de la transformation de la société, ils n'ont compris la forme concrète que prendrait cette dictature qu'avec l'expérience de la classe elle-même, et encore avec du retard. Emboîtant le pas aux anciennes conceptions de Marx et Engels, Trotsky, qui pourtant avait joué un rôle décisif à la tête du Soviet (Conseil ouvrier) de Pétrograd, pouvait encore écrire en 1906, trente-cinq ans après 1871 :
Ainsi, pendant longtemps, une "véritable république démocratique" dans laquelle le parti prolétarien aurait joué le rôle dirigeant fit-elle figure de forme de la dictature du prolétariat. Ce n'est qu'avec la révolution de 1917 en Russie que les révolutionnaires, et en premier lieu Lénine, comprennent clairement que la "forme enfin trouvée" de la dictature du prolétariat n'est autre que le pouvoir des conseils ouvriers, ces organes apparus spontanément dès 1905 au cours de la lutte révolutionnaire et qui se caractérisent par :
Cette forme spécifique d'organisation de la classe ouvrière est directement adaptée aux tâches qui attendent le prolétariat dans la révolution.
En premier lieu, il s'agit d'une organisation générale de la classe, regroupant l'ensemble des travailleurs. Auparavant, toutes les formes d'organisations ayant existé, y compris les syndicats, ne regroupaient qu'une partie de la classe. Si cela était suffisant pour que le prolétariat puisse exercer une pression sur le capitalisme afin de défendre au mieux ses intérêts dans le système, c'est seulement en s'organisant en totalité que la classe est en mesure d'accomplir sa tâche historique de destruction du système capitaliste et d'instauration du communisme. Si l'action et le pouvoir d'une partie de la bourgeoisie (ses partis politiques) était possible et même nécessaire dans l'accomplissement de sa révolution, c'est que cette classe elle-même ne constituait qu'une partie infime de la population, qu'elle était une classe exploiteuse, et que par ailleurs, seule une minorité d'elle-même pouvait se hisser au-dessus des conflits d'intérêts qui l'ont toujours traversée du fait des rivalités économiques existant entre ses divers secteurs. Par contre, tant du fait qu'il n'existe pas d'antagonismes ni de rivalités au sein du prolétariat que du fait que la société qu'il est appelé à instaurer abolit toute exploitation et toute division en classes, que le mouvement qu'il conduit est "celui de l'immense majorité au bénéfice de l'immense majorité" (Manifeste Communiste), seule son organisation générale est en mesure d'accomplir cette tâche historique.
En deuxième lieu, l'élection et la révocabilité à tout moment des différentes charges, expriment le caractère éminemment dynamique du processus révolutionnaire, le perpétuel bouleversement tant de la société que celui qui traverse la classe elle-même, notamment dans le développement de sa conscience : ceux qui avaient été nommés pour telle ou telle tâche, ou parce que leurs positions correspondaient à tel niveau de conscience de la classe ne sont plus nécessairement à leur place lorsque surgissent de nouvelles tâches ou que ce niveau de conscience a évolué. Elles expriment également le rejet par la classe en action de toute spécialisation définitive, de toute division en son sein entre "masses et chefs", la fonction essentielle de ces derniers (les éléments les plus avancés de la classe ) étant justement de tout faire pour que disparaissent les conditions qui ont provoqué leur apparition : l'hétérogénéité du niveau de conscience dans la classe.
Si dans les syndicats, même quand ils étaient encore des organes de la classe ouvrière, il pouvait exister des fonctionnaires permanents, c'était dû au fait que ces organes de défense des intérêts ouvriers dans la société capitaliste portaient en eux certaines des caractéristiques de cette société. De même qu'il utilisait des instruments spécifiquement bourgeois comme le suffrage universel et le Parlement, le prolétariat reproduisait en son propre sein certains traits de son ennemi bourgeois tant qu'il cohabitait avec lui et que l'heure de sa destruction n'avait pas encore sonné. La forme d'organisation statique des syndicats exprimait le mode de lutte de la classe ouvrière lorsque la révolution n'était pas encore possible. La forme d'organisation dynamique des conseils ouvriers est à l'image de la tâche qui est enfin à l'ordre du jour : la révolution communiste.
De même, l'unité entre la prise de décision et son application exprime ce même rejet de la part de la classe révolutionnaire de toute spécialisation institutionnalisée, elle traduit le fait que c'est toute la classe qui non seulement prend les décisions essentielles qui la concernent mais aussi participe à l'action de transformation de la société.
En troisième lieu, l'organisation sur une base territoriale et non plus professionnelle ou industrielle exprime la nature différente des tâches prolétariennes. Lorsqu'il s'agissait de faire pression sur un patron ou sur un syndicat patronal en vue d'une augmentation des salaires ou de meilleures conditions de travail, l'organisation par métier ou par branche industrielle avait un sens. Même une organisation aussi archaïque que celle du métier permettait une réelle efficacité des travailleurs contre l'exploitation ; notamment, elle empêchait les patrons de faire appel à d'autres ouvriers d'une profession lorsque certains étaient en grève. La solidarité entre typographes, cigariers ou doreurs sur bronze était un embryon d'une réelle solidarité de classe, une étape dans l'unification de la classe ouvrière en même temps qu'elle pouvait faire reculer les patrons. Même si pesaient sur elle les distinctions et divisions propres à l'économie capitaliste, l'organisation syndicale était donc un moyen réel de lutte dans le système. Par contre, lorsqu'il s'agira non plus de faire reculer tel ou tel secteur du capitalisme, mais de s'affronter à lui en totalité, de le détruire et d'instaurer une autre société, l'organisation spécifique des typographes ou des ouvriers du caoutchouc ne saurait avoir le moindre sens. Pour prendre en main l'ensemble de la société, c'est sur une base territoriale que s'organise la classe ouvrière même si les assemblées de base se tiennent au niveau des entreprises.
Une telle tendance existe déjà à l'heure actuelle dans les luttes de résistance contre l'exploitation qui, loin de se donner une forme syndicale, rejettent cette forme pour s'organiser en assemblées générales souveraines, nommer des comités de grève élus et révocables, briser le carcan professionnel ou industriel pour s'étendre au niveau territorial.
D'une part, cette tendance exprime le fait que, dans sa période de décadence, le capitalisme prenant une forme de plus en plus étatique, l'ancienne distinction entre luttes politiques (qui étaient l'apanage des partis ouvriers du passé) et luttes économiques (dont les syndicats avaient la responsabilité) a aujourd'hui de moins en moins de sens : toute lutte économique sérieuse devient politique en s'affrontant à l'Etat : soit à ses policiers, soit à ses représentants dans l'usine, les syndicats. D'autre part, elle indique la signification profonde des luttes présentes comme préparatifs des affrontements décisifs de la période révolutionnaire : même si c'est un aiguillon économique (la crise, l'aggravation intolérable de l'exploitation) qui jette les ouvriers dans ces affrontements, les tâches qui se présentent à eux sont éminemment politiques : attaque frontale et armée contre l'Etat bourgeois, instauration de la dictature du prolétariat.
Cette unité entre le politique et l'économique qu'exprime l'organisation du prolétariat en conseils ouvriers nous amène donc à entrer plus en détail sur les tâches essentielles qui se présentent à lui dans la révolution.
Une des premières questions qui a été comprise par les communistes, notamment dès Babeuf, est que, dans la révolution prolétarienne, l'aspect politique précède et conditionne l'aspect économique. C'est là un schéma complètement opposé à celui qui a prévalu dans la révolution bourgeoise. En effet, l'économie capitaliste s'était développée à l'intérieur de la société féodale, dans les interstices de celle-ci, pourrait-on dire. La nouvelle classe révolutionnaire, la bourgeoisie, pouvait donc conquérir tout un pouvoir économique dans la société alors que les structures politiques et administratives étaient encore liées à la féodalité (monarchie absolue, privilèges économiques et politiques de la noblesse, etc.). Ce n'est que lorsque le mode de production capitaliste était devenu dominant, c'est-à-dire qu'il conditionnait l 'ensemble de la vie économique (y compris celle qui n'était pas directement capitaliste comme la petite production agricole ou artisanale ), que la bourgeoisie, forte de sa puissance matérielle, se lançait à l'assaut du pouvoir politique afin d'adapter celui-ci à ses besoins spécifiques et aplanir le terrain pour une nouvelle expansion économique. Il en fut ainsi, notamment lors de la révolution anglaise de 1640 et de la révolution française de 1789. En ce sens, la révolution bourgeoise parachève toute une période de transition au cours de laquelle se sont développées dans la société féodale, au point de la supplanter, les bases économiques d'une nouvelle société. Tout autre est le schéma de la révolution prolétarienne. Dans la société capitaliste, la classe ouvrière ne possède aucune propriété, aucune assise matérielle tremplin de sa future domination sur la société. Toutes les tentatives inspirées des conceptions utopistes ou proudhoniennes ont échoué : le prolétariat ne peut créer "d'îlots" de communisme dans la société présente. Toutes les communautés ou coopératives ouvrières ont été soit détruites, soit récupérées par le capitalisme. Ce qu'avaient compris Babeuf, Blanqui et Marx contre les utopistes, Proudhon et les anarchistes, c'est que la prise du pouvoir politique par le prolétariat est le point de départ de sa révolution, le levier avec lequel il transformera progressivement la vie économique de la société en vue d'abolir toute économie. C'est pour cela d'ailleurs que, comme l'écrivait Marx, si :
Dans la mesure où le capitalisme avait déjà créé ses bases économiques au moment de la révolution bourgeoise, celle-ci était essentiellement politique. Par contre, celle du prolétariat commence par un acte politique en tant que condition du développement de son aspect non seulement économique mais social, développement qui créera les conditions du communisme.
Ainsi, les Conseils ouvriers ne sont nullement des organes "d'autogestion", c'est-à-dire des organes de gestion de l'économie (c'est-à-dire de la misère) capitaliste. Ils sont l'organe d'abord politique, mais également social que se donne la classe ouvrière pour transformer progressivement la société telle qu'elle sort du capitalisme et vers le communisme.
Après avoir défini le mode d'organisation du prolétariat pour sa révolution et le cadre général de ses tâches, nous verrons plus en détail la nature de ces tâches dans un prochain article.
(D'après Révolution Internationale n°64)La période électorale ouverte actuellement avec les régionales (21 et 28 mars), qui se poursuivra naturellement avec les cantonales puis les européennes du mois de juin, constitue un intense moment de matraquage idéologique contre le prolétariat.
De ce point de vue, l'article de Libération du 3 février, "La tête loin des urnes, un relent de 21 avril 2002", est très représentatif du souci de la bourgeoisie de relancer sa propagande anti-Le Pen au vu du désintérêt que suscite ce scrutin : "A sept semaines du premier tour des élections régionales, l'atonie de l'électorat n'a d'égale que celle qui frappait les français à l'approche du 21 avril 2002". Bien entendu, les différents partis bourgeois y vont aussi de leur couplet à l'image du premier secrétaire du PS, François Hollande, qui a lourdement insisté sur le fait qu'il ne "faut pas oublier ceux qui se font oublier" (meeting du 17 janvier à La Rochelle). Dans le même registre, les associations de chômeurs tels les comités CGT ou Apeis se mobilisent pour que les chômeurs s'inscrivent sur les listes électorales. Le FN lui-même participe à la mobilisation citoyenne des foules, l'une de ses formules de campagne (provocatrice à souhait et bien mise en avant par les médias) étant : "vous avez aimé le 21 avril, vous adorerez le 21 mars". Enfin, tout le barouf autour de la remise en cause juridique de l'éligibilité de Jean-Marie Le Pen en région PACA, "participera, participera pas", ne sert qu'une chose : l'affichage ostensible de l'extrême droite.
Rien ne manque. Tout est en place pour faire mousser "la menace Le Pen" et marteler dans les esprits que "ne pas voter est dangereux". Les prolétaires sont donc pressés de toutes parts pour faire en sorte qu'ils s'acquittent de leur devoir de citoyens. En somme, qu'ils oublient leur identité de classe, une classe qui n'a aucun intérêt à soutenir ou sauvegarder le système qui les exploite, quelle que soit sa forme, démocratique ou totalitaire.
Le bourrage de crâne ne s'arrête pas là. Depuis quelques mois, la classe ouvrière subit une vaste opération promotionnelle en faveur des valeurs républicaines. C'est, entre autres, le débat omniprésent à propos de la loi sur l'interdiction du voile dans les établissements scolaires (voir article p.5) au nom de l'égalité des chances et, par extension, entre les sexes. "Education égalitaire pour tous ? Quelle idée se cache derrière ces mots ? Croit-on que dans notre société actuelle…une éducation puisse être égalitaire pour toutes les classes ?" (Marx, Collected works, vol.4., traduit de l'anglais par nous).
Idem en ce qui concerne l'affaire Juppé ou plus précisément "l'affaire dans l'affaire", celle des pressions exercées sur les juges de Nanterre, replaçant au cœur des débats la question de l'indépendance de la Justice accompagnée de son flot de discours sur la séparation des pouvoirs comme fondement de la démocratie.
Et que dire du tripatouillage, façon Pieds Nickelés, du journal de 20 heures de France 2 le 3 février ? L'annonce bidon du retrait de Juppé de la scène politique lâchant la bonde aux lamentations et aux "terribles inquiétudes" des démocrates de tous poils au sujet du "principe d'honnêteté de l'information". Parce que nous devrions croire sur parole que les médias de la classe dominante ont toujours eu le souci jusqu'à présent de dire la vérité, et rien que la vérité, à la classe exploitée ? C'est vraiment prendre les ouvriers pour des demeurés !
Alors que la loi de remise en cause des retraites a été adoptée, que les licenciements dans le privé et les suppressions de poste dans le public continuent à s'aggraver, et qu'une réforme de l'assurance maladie se prépare à aller encore plus loin dans la dégradation des conditions de vie de la classe ouvrière, à quoi sert tout ce remue-ménage ? Il s'agit pour la bourgeoisie d'éloigner, coûte que coûte, les ouvriers de tout questionnement sur la faillite du système capitaliste en les inondant de débats sur "l'avenir républicain".
Pour la classe ouvrière, l'avenir ne dépend certainement pas du cirque électoral ni de la défense des valeurs républicaines bourgeoises mais exclusivement du développement de la lutte de classe.
Azel (20 février)
L'Irak est un pays
livré au chaos. Il ne se passe pas un jour sans attentats, sans
attaques armées frappant aveuglément la population civile,
mais aussi, et c'est un signe de l'évolution de la situation,
l'armée américaine, la police irakienne, les communautés
sunnite, chiite et kurde. Plus personne, plus rien n'échappe
en Irak à ce qui pourrait rapidement dégénérer
en guerre civile. C'est en ce sens que le général John
Abizaid, chef du commandement central américain a déclaré
: "s'attendre avec l'approche de la date de passation du pouvoir
(prévue pour le 30 juin 2004), à une recrudescence des
actes de violence en Irak à ce que la multiplication des attaques
ne pousse des groupes locaux à la confrontation menant ainsi
à une dégradation et préparant le terrain à
une guerre civile." (Cité par Courrier International du
2 février 2004). Le 1er février dernier, un double attentat-suicide
visait les sièges des deux principaux partis Kurdes, le PDK (Parti
démocratique du Kurdistan) et l'UPK (Union patriotique du Kurdistan).
Ce double attentat qui a fait plus de 100 morts et 133 blessés,
a ramené sur le devant de la scène l'épineuse question
kurde. Dans le chaos interne à la situation en Irak, il est une
réalité maintenant indéniable : les dirigeants
kurdes irakiens réclament avec de plus en plus d'insistance un
système fédéral qui traduirait leur autonomie de
fait, en réalité institutionnelle. Les Kurdes d'Irak font
savoir de plus en plus fort leurs réelles prétentions
: une autonomie kurde sur une base ethnique, avec en plus la ville de
Kirkuk comme métropole. Cet état de fait ne peut se traduire
que par une montée de la violence attirant le mécontentement
turc, iranien, sunnite et chiite. Le Kurdistan irakien est aujourd'hui
une poudrière qui pourrait bien embraser toute la région.
Cependant, le danger pour la stabilité de la région provenant
de la poussée des exigences kurdes, n'est rien par rapport à
celui représenté par l'échec du plan américain
voulant placer à la tête de l'Irak un gouvernement fantoche
entièrement dévoué à la défense des
intérêts de l'impérialisme américain. "Je
suis iranien et Paul Bremer est américain. Pourquoi ne pas laisser
le peuple d'Irak décider de son sort ?" : c'est en ces termes
que l'ayatollah Al Sistani a rejeté la proposition de rencontrer
l'administrateur américain. Le plus influent dignitaire chiite
réclame une élection générale où
un homme correspondrait à un vote. Cela se comprend aisément
puisque la population chiite est la plus nombreuse en Irak. Cette perspective
ne peut que contrarier très fortement l'administration américaine,
tant le lien entre les chiites irakiens et iraniens est fort. Elle ne
peut rencontrer que la désapprobation des minorités sunnites
et kurdes. L'impérialisme américain, et ceci malgré
l'incroyable dispositif militaire dont il dispose dans cette partie
du monde est dans l'incapacité d'empêcher la décomposition
de la société irakienne. C'est donc contrainte et forcée
que l'Amérique se tourne vers les Nations Unies, après
leur avoir refusé tout rôle jusqu'à présent.
C'est par l'intermédiaire de Paul Bremer que l'ONU est sollicitée
pour participer activement à soulager les Etats-Unis du fardeau
irakien. L'expression des réticences de Kofi Annan, secrétaire
général de l'ONU, ne s'est pas faite longtemps attendre.
Celui-ci a déclaré avoir "souhaité disposer
d'éléments supplémentaires avant d'envoyer une
mission d'élections en Irak." Mais l'opposition la plus
forte à la demande américaine est venue inévitablement
des principales puissances impérialistes rivales que sont la
France et l'Allemagne. Ces puissances auxquelles on peut rajouter notamment
la Russie ne peuvent que se réjouir du bourbier dans lequel s'enfoncent
progressivement les Etats-Unis en Irak. Dans cette foire d'empoigne
entre bandits impérialistes, chacun se doit de profiter immédiatement
des faiblesses de l'adversaire. Le nombre de morts grandissant en Irak
n'a strictement aucune importance à leurs yeux et les larmes
de crocodiles versées au moment de l'invasion américaine
en Irak par tous nos politiciens bourgeois apparaissent de plus en plus
nettement pour ce qu'elles étaient réellement : des mensonges
chargés d'alimenter une campagne idéologique anti-américaine.
Aujourd'hui la France et l'Allemagne, alliées de circonstance,
font monter les enchères et réclament en contrepartie
une politique indépendante de sécurité et de défense
européenne. Cette éxigence a été immédiatement
rejetée à Davos par Dick Cheney (vice-président
américain). L'administration américaine n'a pour le moment
aucune porte de sortie du piège irakien qui se solde aux yeux
du monde comme un revers cinglant.
Cette situation est d'autant plus préoccupante pour la bourgeoisie
américaine que le conflit israélo-palestinien est loin
de marquer le pas, comme ont voulu le faire croire les médias.
L'annonce par le premier ministre israélien Ariel Sharon de son
intention de faire évacuer la majorité des colonies juives
de Gaza a certainement un contenu idéologique en direction de
la population israélienne harassée par la guerre et la
misère grandissante. Mais là n'est pas l'aspect essentiel,
calmer le jeu à Gaza pour Sharon, c'est s'ouvrir la possibilité
d'implanter de nouvelles colonies en Cisjordanie. Le général
Bron du Centre Jaffée des Etudes Stratégiques, a déclaré
: "Que Sharon n'accepterait, au mieux qu'un minuscule Etat palestinien
en Cisjordanie, ce qui serait inacceptable pour les palestiniens donc
le conflit continuera." Embourbée en Irak, l'administration
Bush démontre des difficultés croissantes à freiner
l'appétit impérialiste israélien. Cet affaiblissement
de l'impérialisme américain ne pouvait que se traduire
aux États-Unis mêmes par une pression croissante sur le
Président Bush et son administration. David Kay, ancien chef
de l'équipe constituée par les Américains pour
retrouver les armes de destruction massive, a affirmé publiquement
: "Que si on ne les avait jamais trouvées, c'est qu'elles
n'ont jamais existé". Cela a porté un rude coup à
l'équipe Bush et Blair qui se font aujourd'hui de plus en plus
traiter de manipulateurs dans les grands médias nationaux. Une
grande partie de la bourgeoisie américaine est consciente de
la gravité de cette situation. C'est pour cela qu'elle favorise
au sein du camp démocrate la candidature de Kerry à la
prochaine élection présidentielle aux États-Unis.
Une nouvelle administration américaine permettrait sans doute
à l'État américain de tenter de gérer la
crise irakienne en amoindrissant momentanément les tensions internationales
entre les grandes puissances rivales, ainsi qu'en tentant d'apaiser
les exigences communautaires internes à l'Irak.
Ces tentatives au sein de la bourgeoisie américaine pour essayer
momentanément de calmer le jeu ne doit en aucun cas entraîner
d'illusions au sein de la classe ouvrière sur la possibilité
de retrouver réellement un jour la paix en Irak, et ceci quelle
que soit l'équipe au pouvoir à la Maison Blanche. A Davos,
entre le 23 et le 28 janvier dernier, Dick Cheney a rappelé au
monde entier que "l'administration Bush poursuivait vigoureusement
la transformation démocratique du grand Moyen-Orient", réaffirmant
que "l'Amérique était en guerre, contre le terrorisme,
les États voyous et les États qui haïssent l'Amérique",
ajoutant que "cette guerre se poursuivrait". Une administration
démocrate aux États-Unis ne pourrait en aucun cas, à
terme, changer le fond de cette politique guerrière. La faillite
du capitalisme, l'enfoncement de son système dans la décomposition
de toute la société ne peut que pousser en avant l'affrontement
entre toutes les puissances impérialistes, et en premier lieu
entre les plus puissantes d'entre-elles. Si aujourd'hui c'est l'impérialisme
américain qui apparaît le plus belliqueux, c'est que son
leadership mondial est de plus en plus contesté et malmené
sur l'arène mondiale. Chaque État est poussé à
défendre militairement ses propres intérêts nationaux.
La barbarie capitaliste ne peut que continuer à s'étendre
au Moyen-Orient. L'humanité est placée devant l'alternative
: communisme ou chute dans la barbarie. Le prolétariat doit plus
que jamais prendre conscience de ce que nous disait Rosa Luxembourg
dans le programme du groupe Spartakus en décembre 1918 : "Ou
bien le maintien du capitalisme, de nouvelles guerres et la chute prochaine
dans le chaos et l'anarchie, ou bien la suppression de l'exploitation
capitaliste"
Le Forum Social
Mondial (FSM) qui, depuis sa création, s'était tenu annuellement
à Porto Alegre au Brésil, s'est déroulé
en 2004 à Bombay en Inde entre le 16 et le 21 janvier. Le FSM
de Bombay n'était pas différent des autres rassemblements
du même type - il comportait tous les attributs d'une gigantesque
foire (il s'est d'ailleurs déroulé dans le Parc National
des Expositions où se tiennent habituellement des Foires commerciales)
au goût "ethnique" et "tribal" prononcé.
Le spectacle a été indéniablement gigantesque -près de 80 000 personnes venues de 132 pays auraient participé
aux 1200 forums organisés autour du FSM. Un plus grand nombre
encore a rejoint la manifestation anti-américaine organisée
le 21 janvier 2004, dernier jour du FSM.
Le FSM avait l'allure d'une grande fête sociale et politique,
bien qu'aucun parti ou organisation politique n'ait été
présente avec son propre nom ou son propre drapeau. Il semblait
y en avoir pour tous les goûts. De nombreux séminaires
et ateliers se sont tenus sur toutes sortes de sujets. Quantité
de programmes et de spectacles culturels se sont également déroulés
en différents lieux dans l'enceinte du Forum social. L'ensemble
de l'enceinte du Forum était occupé par une foule immense,
bruyante, agitée, bourdonnante et occupée à l'une
ou l'autre activité.
Parmi les participants, il y avait aussi de nombreux jeunes. La plupart
d'entre eux semblaient aux anges, comme si leur participation à
ce forum constituait une étape très importante sur le
chemin de la réalisation de leur but d'un autre monde sans impérialisme,
sans aucune sorte de capitalisme, guerre, pollution, exploitation, répression,
domination, discrimination. Il y avait de grandes quantités d'affiches
et de banderoles dédiées au thème central : "Un
autre monde est possible". La mondialisation était dénoncée
comme le plus grand monstre et la cause de tous les maux sociaux, politiques
et économiques dans le monde entier. L'impérialisme (en
fait l'impérialisme américain) était présenté
comme la chose la plus diabolique du monde actuel, ce qui, de ce fait,
impliquait de se mobiliser sur la nécessité de la lutte
et du front anti-impérialistes. Certaines affiches affirmaient
le droit à la nationalité et à l'indépendance
nationale. Des hymnes à la démocratie et au contrôle
démocratique étaient chantés dans un certain nombre
de slogans et d'affiches. Certaines affirmaient des revendications pour
les droits de l'homme, les droits des réfugiés et pour
la protection de l'environnement. Il y avait également des mots
d'ordre contre l'occupation de l'Irak, la revendication de la fin de
cette occupation et de la liberté de la population irakienne
de choisir son propre régime politique et social. D'autres slogans
s'attaquaient aussi à l'occupation de l'Afghanistan. En fait,
tout cela donnait l'image d'un kaléidoscope politique bigarré
et aveuglant. Des revendications pour les droits et l'émancipation
des femmes étaient également affichées avec vigueur.
Des slogans contre la ségrégation et les attaques contre
les Dalits (membres de la caste inférieure), pour l'harmonie
communautaire, les droits et l'émancipation des Dalits étaient
également affichés afin d'apporter une "touche indienne"
à ce grand "show international". Cependant, le plus
attractif de tout était la formule accrocheuse "Un autre
monde est possible".
Nous avons souvent montré que la bourgeoisie mondiale a tout fait pour annihiler la conscience de la classe ouvrière au lendemain de l'effondrement de la bourgeoisie stalinienne dans l'ex-URSS. Elle a tenté d'anéantir toute idée de la nécessité de détruire le système capitaliste. Les idéologues du capital ont martelé jour après jour qu'"Il n'existe pas d'alternative à l'économie de marché". Cette propagande mensongère n'a pas été sans impact. Mais avec l'approfondissement de la crise, répandant de plus en plus la misère et les guerres génocidaires, la nature mensongère de cette propagande est devenue plus évidente. La classe ouvrière a commencé à retrouver le chemin de ses combats de classe et a amorcé un processus de questionnement sur le système capitaliste. Cela a également provoqué une légitime colère au sein de la population partout dans le monde contre les fauteurs de guerre, les gangsters impérialistes.
La bourgeoise a décelé cette fermentation naissante au
sein du prolétariat, et elle s'est mise en devoir de trouver
de nouveaux instruments de mystification pour contenir ce processus
émergent. Le FSM, avec ses simulacres "d'alternatives",
est alors apparu comme un important instrument de la bourgeoisie pour
contenir la classe ouvrière mais aussi comme instrument des rivalités
impérialistes. Les médias bourgeois à travers le
monde ont tout fait pour mettre le pied à l'étrier au
FSM.
Bien avant le début du FSM 2004, les médias bourgeois
en Inde, suivant fidèlement les pas de leurs pairs occidentaux,
ont fait de la propagande pour ses vertus. La télévision
et la presse indiennes ont couvert l'événement avec sympathie.
Le monde indien du commerce et de l'industrie lui a accordé "le
respect qui se doit" en tant qu'expression légitime d'une
opposition. De plus, le succès du FSM à Bombay a été
assuré par la sympathie apportée par le parti du Congrès
- autrefois parti dominant en Inde et toujours dominant à Bombay
- avec la participation du parti bourgeois Dalit (parti républicain),
partenaire du Congrès au sein du gouvernement de coalition de
Bombay. Ces derniers ont apporté une touche "ethnique"
au FSM. La majorité des forums était présidée
par des politiciens indiens de haut rang connus pour leurs relations
avec les "castes inférieures" - VP Singh, l'ex-Premier
Ministre indien, célèbre pour avoir provoqué des
affrontements entre castes ayant comme but le renforcement de l'Etat
indien, et R.K Naryanan, l'ex-Président indien. Tous deux ont
été, à un moment ou à un autre, des piliers
du parti du Congrès.
Mais les principaux organisateurs du FSM en Inde ont été
les partis staliniens - le PCI (M comme "marxiste") et le
PCI. Pour ce faire, ils ont mobilisé leurs appareils nationaux.
Le bureau du FSM à Bombay était hébergé
dans un immeuble appartenant au parti stalinien, "Place Stalingrad
". Les organisations de jeunesse staliniennes ont fourni des volontaires
au FSM. Les intellectuels staliniens ornaient de leur présence
les estrades de nombreux forums du FSM. Comme partout dans le monde,
les staliniens en Inde et également les maoïstes ont cherché
à faire peau neuve en collant au processus de questionnement
qui se développe au sein de la classe exploitée. En outre,
en tant que loyaux serviteurs du capital, les staliniens de tout poil
ont tenté de récupérer, de canaliser ce processus
de questionnement.
Etait également présent au FSM de Bombay un grand nombre
d'organisations non gouvernementales qui fournissent une couverture
idéologique aux attaques portées par les Etats contre
le salaire social. Il y avait aussi ces personnalités omniprésentes-
les gens du Monde Diplomatique, le leader des agriculteurs français
José Bové, les parlementaires travaillistes britanniques
Clare Short et Jeremy Corbin-, Winnie Mandela et consorts.
Suivant différentes sources, il apparaît clairement qu'une
somme énorme d'argent a été dépensée
pour la tenue du FSM de Bombay, 29,7 millions de dollars suivant l'une
d'entre elles. Une proportion considérable de ce montant a été
fournie par des fondations comme Oxfam ou la Fondation Ford. L'Etat
capitaliste et impérialiste de l'Inde a également tendu
sa main charitable pour assurer le succès de ce forum… "anti-impérialiste
et anticapitaliste" ! En fait, diverses fractions de droite comme
de gauche de la bourgeoisie mondiale, soit à travers différentes
ONG, soit à travers des dons et des contributions de fondations
et de trusts parfaitement capitalistes ou de partis et organisations
de masse de gauche, ont apporté leur soutien face à l'énorme
charge financière qu'a représenté l'organisation
de ce vaste spectacle avec un objectif politique bien défini
et délibéré : renforcer la défense du système
capitaliste mondial décadent.
Le FSM de Bombay a repris à son compte tous les slogans bien
connus et d'autres encore. Il y a eu des forums sur "le commerce
équitable", sur la démocratie citoyenne, sur l'autogestion
et beaucoup d'autres thèmes du même genre. La coloration
indienne, nécessaire pour répondre aux besoins des staliniens
du pays et de la bourgeoisie Dalit (caste inférieure) était
fournie par l'anti communalisme et "l'émancipation Dalit".
Mais le thème principal du show du FSM de Bombay a été
l'impérialisme ou, selon les termes des maoïstes, la "mondialisation
impérialiste". L'anti-impérialisme du FSM n'était
rien d'autre que de l'anti- américanisme. Avec des slogans comme
"Etats-Unis hors d'Irak", "Bush hors d'Afghanistan"
en clôture de la manifestation, le FSM s'est joint au chœur
des rivaux impérialistes de l'Amérique. Il n'y a pas eu
de dénonciation des autres gangsters impérialistes tels
que la France, l'Allemagne, la Russie ou la Chine pour ne pas mentionner
le gangster impérialiste local, l'Etat indien. Dans ce contexte,
il aurait été futile de vouloir rencontrer des tentatives
pour aller aux racines de l'impérialisme.
Le FSM de Bombay a bien sûr constitué le spectacle le
plus important entre le 16 et le 21 janvier 2004. Mais copiant le spectacle
du Forum Social Européen de Paris en novembre 2003 et s'en inspirant,
deux spectacles parallèles ont été organisés
pendant cette période par des groupes maoïstes rivaux, tous
deux sur le même thème : l'anti-impérialisme ou
l'anti-américanisme.
Le Forum "Mumbay (Bombay) Resistance 2004 " (MR-2004), second
par la taille, s'est déroulé dans les locaux de l'Ecole
Vétérinaire, en face du lieu de rencontre du FSM. Il s'est
tenu à l'initiative de l'ILPS (Ligue internationale des luttes
du Peuple), réseau international des groupes maoïstes et
de leurs partisans d'autres pays, y compris d'Europe - par exemples
la Turquie, l'Italie, l'Allemagne, la Belgique, la Grande-Bretagne,
la Grèce, etc. Les organisateurs indiens étaient les organisations
de façade des maoïstes, notamment ceux du Groupe de la Guerre
du Peuple (MPWG) - qui a récemment tenté d'assassiner
le ministre de l'Etat d'Andhra dans le Sud de l'Inde. Le MR ne se considère
pas complètement en opposition au FSM mais comme mouvement parallèle
à celui-ci. Cela s'est exprimé à plusieurs niveaux.
De nombreuses personnalités, essentiellement des indiens, par
exemple Arunditi Roy, Nandita Das, Vandana Shiva et d'autres, ont parlé
à la fois dans les réunions du FSM et dans celles du MR.
Un grand nombre de participants s'est déplacé d'un forum
à l'autre.
Le principal thème du MR 2004 était le même que
celui du FSM : l'impérialisme, la mondialisation impérialiste,
suivant les termes du MR. On a fustigé l'impérialisme
américain, sans doute avec plus de véhémence mais
en passant toujours sous silence les appétits des rivaux des
Américains, dont la bourgeoisie indienne n'est pas le moindre.
Une couverture radicale à l'anti-américanisme du FSM,
voilà ce que toute la rhétorique maoïste s'est bornée
à apporter.
Bien que ces manifestations aient toutes deux servi à canaliser
le mécontentement de la population sur le terrain du capital
et du nationalisme, il y avait une différence dans leur audience.
Celle du FSM était fortement internationale à prédominance
urbaine petite-bourgeoise avec une troupe "ethnique" et "tribale"
proposant des spectacles folkloriques. Au MR, où il y avait aussi
une importante participation internationale, assistaient la petite-
bourgeoisie radicale et les paysans.
La "Convention contre la mondialisation impérialiste"
constituait une troisième manifestation, plus petite ; elle a
duré 3 jours, s'est tenue non loin des lieux de rencontre du
FSM et du MR. Elle a été organisée par l'un des
nombreux groupes maoïstes (Nouvelle démocratie). Mises à
part d'obscures différences entre le MR et cette 3e convention,
cette démonstration était purement locale avec un seul
étranger, un allemand qui apportait la touche "blanche".
Le CCI est intervenu dans ces trois manifestations. Comme lors du FSE
de Paris en novembre 2003, l'objectif du CCI n'a pas été
d'intervenir dans les conférences, etc. Nos camarades, venus
de différentes régions de l'Inde, sont intervenus avec
des tracts, la presse régulière et d'autres publications.
Pendant ces interventions, nous avons eu des centaines de discussions
à propos de ces événements. Les principales questions
qui sont revenues sans cesse dans ces discussions étaient :
Il ne peut y avoir rien d'équitable dans le commerce, qu'il soit
libre ou protégé. Celui-ci a toujours été
et sera toujours favorable aux capitalistes les plus puissants ou aux
Etats capitalistes. Le CCI a également mis en avant que le caractère
mondial du capitalisme n'est pas une nouveauté. Le capitalisme
a été un système mondial depuis sa création
et il a englobé toute la planète depuis la fin du XIXe
siècle. Déjà en 1848, dans le Manifeste communiste,
Marx et Engels ont démontré la nature internationale du
système capitaliste. Ils mettaient en avant que la destruction
du système capitaliste par le prolétariat ne pouvait se
faire que par une révolution mondiale. Aujourd'hui, dans la période
de décadence et de décomposition du capitalisme, le prolétariat
n'a pas à défendre les particularités nationales
contre la nature mondiale du système capitaliste. Au contraire,
sa tâche est de détruire ce système au niveau mondial,
en même temps que le cadre des Etats nationaux et de le remplacer
par la communauté communiste universelle. Tous les discours sur
le commerce équitable, l'anti-mondialisation ou sur "un
autre monde est possible ", sans dégager une perspective
communiste, correspondent à la mystification réformiste
dont le but est de stopper le processus naissant de prise de conscience
qui s'opère au sein de la classe ouvrière.
A propos de l'impérialisme, nous avons souligné qu'il
n'est pas le fait de telle ou telle nation, de telle ou telle faction
de la bourgeoisie. Aujourd'hui, le capitalisme comme un tout est impérialiste
et de ce fait, toutes les nations, petites ou grandes, sont impérialistes.
Elles sont mues par les mêmes appétits impérialistes
- seules diffèrent leur capacité à les satisfaire.
Le fait que la classe dominante anglaise semble se comporter comme le
"toutou" des Etats-Unis, que des nations comme la France,
l'Allemagne, la Russie, la Chine se fassent botter les fesses par la
bourgeoisie américaine, ou que le Pakistan, l'Irak ou l'Inde
subissent un sort similaire, ne signifient pas que ces nations ne sont
pas impérialistes. Dans un monde gouverné par la loi du
milieu, tous ces autres pays ne sont pas autre chose que des gangsters
de moindre envergure qui doivent satisfaire leurs appétits impérialistes
dans les limites imposées de façon violente par le caïd
en chef, la bourgeoisie américaine. La tâche de la classe
ouvrière n'est pas de jouer le jeu des petits impérialismes
contre les Etats-Unis, cette tâche c'est celle qu'assurent le
FSM, le MR et les autres.
Ces discussions nous ont souvent amené à traiter des "alternatives"
des maoïstes - leur patriotisme, la démagogie de la Démocratie
du Peuple ou de la Nouvelle Démocratie. La politique des maoïstes,
nous le soulignons, est à l'opposé de celle que le prolétariat
a toujours défendue : l'internationalisme. A l'apogée
du capitalisme, en 1871, lorsque, à leur point de vue, le nationalisme
allemand était encore progressif, Marx et Engels ont pris une
position internationaliste dans la guerre franco-prussienne. Les socialistes
allemands ont été jetés en prison pour avoir refusé
d'assurer la défense nationale. Pendant la Première Guerre
mondiale, les communistes ont défendu l'internationalisme. Lénine
a avant tout mené un combat rude et impitoyable contre la trahison
patriotique de Kautsky et consorts. Contrairement aux marxistes qui
ont toujours fait de l'internationalisme la pierre angulaire de leur
politique, les maoïstes et les staliniens proclament leur patriotisme
haut et fort. Cela concorde parfaitement avec leur nature de classe
- ils sont de parfaits défenseurs du capital national, de l'Etat
national. La théorie de "l'Inde sous hypothèque"
(ou bien, dans le même genre, la Turquie, l'Iran, la Syrie ou
l'Afrique du Sud sous hypothèque suivant les maoïstes respectifs
de ces pays) maintient la classe ouvrière sous le joug du capital
national.
Le maoïsme dit à la classe ouvrière des pays du Tiers
Monde - ne luttez pas pour la destruction du système capitaliste
et de ses appareils nationaux. Donnez plutôt votre vie à
l'Etat national parce qu'il a été hypothéqué.
Contre tous ces discours, nous avons mis en avant que, partout, la tâche
de la classe ouvrière est de lutter pour la destruction du capitalisme
et de l'impérialisme de sa propre bourgeoisie, de travailler
pour la construction d'une société sans classes, sans
argent et basée sur l'élimination des Etats nationaux.
Près de 40 morts, 150
blessés, c'est le triste bilan de l'attentat meurtrier qui s'est produit début
février dans le métro de Moscou. Ce nouvel épisode sanglant vient s'ajouter aux
44 victimes d'un attentat à la bombe contre un train de banlieue dans le Sud de
la Russie en décembre 2003.
Comme en 1999 (300 morts
dans des destructions d'immeubles en banlieue ouvrière), le terrorisme vient
frapper des innocents, dans la population civile et notamment au sein de la
classe ouvrière qui emprunte ces moyens de transport pour se rendre au travail.
Déjà chair à canon dans les conflits militaires, c'est principalement les
ouvriers qui sont assassinés, mutilés, traumatisés par ces actes terroristes.
Mais le plus terrible, c'est qu'en plus, la bourgeoisie utilise ce climat de
terreur pour détruire l'unité de classe du prolétariat et instiller le poison
du nationalisme. La propagande du Kremlin désigne à la vindicte populaire la
population tchétchène comme responsable des attentats et organise une brutale
chasse au faciès caucasien, cherchant à masquer ainsi sa responsabilité
première dans ces actes terroristes. Comme en 1999 ou lors de la prise d'otages
du théâtre de Moscou en novembre 2002, l'Etat russe organise sur fond
d'élections présidentielles truquées, une ambiance propice aux agressions
racistes et à la xénophobie en désignant de façon abjecte comme bouc émissaire,
la communauté caucasienne. Avec des slogans haineux comme "Il faut virer
tous les basanés de Russie !" ou "Il faut ratisser Moscou comme elle
l'a été par les services spéciaux avant les Jeux olympiques de 1980", la
bourgeoisie russe justifie la mise sur pied d'un flicage et d'un quadrillage en
règle de tout le pays et c'est une partie de la classe ouvrière qui est
directement victime de cette répression. La presse signale que de nombreux
caucasiens sont victimes de passages à tabac, d'agressions physiques, voire de
lynchages.
Face à cette ambiance délétère et nauséabonde, il est nécessaire de dénoncer
les vrais coupables de cette terreur terroriste et policière. L'horreur
terroriste est le produit direct des tensions guerrières entre les milices
sanguinaires tchétchènes de Maskhadov et Bassaev et la barbarie guerrière de
l'Etat russe en Tchétchénie.
Comme nous l'avons souvent défendu dans notre presse[1] [379], le
terrorisme au cours des années 1980 est devenu une arme de la guerre
impérialiste, au sens où ce sont les Etats eux-mêmes qui prennent en charge et
utilisent le terrorisme comme arme de la guerre entre Etats. Les grandes
puissances n'hésitent pas à utiliser le terrorisme et à manipuler les opinions
publiques pour justifier leurs interventions militaires comme on l'a vu en
Afghanistan avec les Etats-Unis, suite aux attentats du 11 septembre ou pour la
Russie avec la Tchétchénie en 1999. Récemment, les médias ont révélé que les
attentats à Moscou en 1999 avaient été perpétrés avec des explosifs fabriqués
par des militaires et que Poutine le chef du FSB (ex-KGB) à l'époque, en était
probablement le commanditaire. Ces attentats avaient permis de justifier la
seconde guerre russe contre les milices tchétchènes, qui fut un véritable bain
de sang pour la population. Aujourd'hui, cette nouvelle vague d'attentats
signifie que l'Etat impérialiste russe s'enlise dans le conflit tchétchène et
que la relative paix de ces derniers mois vole en éclats. C'est une nouvelle
démonstration que le terrorisme est un produit de la décomposition profonde du
système capitaliste, dont la Russie est une partie des plus atteintes[2] [380]. En
effet, que ces attentats aient été commandités par Maskhadov le chef des
indépendantistes tchétchènes, comme l'assène Poutine, ou par les services
secrets de Moscou pour susciter l'union nationale en vue d'une accentuation de
la pression militaire en Tchétchénie, voire par d'autres, ils révèlent une fois
de plus que le terrorisme est un moyen de pression sordide dans les règlements
de compte entre fractions bourgeoises rivales. Après 4 ans de guerre en
Tchétchénie, la situation est catastrophique. Outre les milliers de morts dans
les deux camps, la population tchétchène est coincée entre les exactions de
l'armée russe et le terrorisme exercé à son encontre par les bandes tchétchènes
sans scrupule qui s'entretuent pour le contrôle de territoires et trafics en
tous genres. Avec la bénédiction des grandes démocraties occidentales, Poutine
a organisé un simulacre de référendum par lequel la Tchétchénie renonce à
l'indépendance et demeure au sein de la fédération de Russie, avec à sa tête un
président fantoche et corrompu, Kadyrov, à la botte de Moscou. Coûte que coûte,
Moscou veut empêcher l'éclatement de la Fédération russe et de leur côté, les
bandes tchétchènes négocient leur part de territoire et de zone d'influence.
Cet antagonisme irrémédiable ne peut que conduire à une accentuation de la
barbarie et du chaos en Tchétchénie et dans le Nord du Caucase. Comme le
souligne un article de la presse russe, "Inutile d'espérer une
amélioration du bien-être et de la sécurité des Moscovites tant que les
habitants de Grozny ne connaîtront pas eux-mêmes stabilité et sécurité.
Malheureusement, ce ne sont pas les milliards de roubles versés par le budget
fédéral qui suffiront à compenser les dommages de la guerre : sous le régime
tchétchène actuel, l'argent s'évapore sur le trajet entre Moscou et Grozny.
Quant au 'règlement politique' avec un Kadyrov qui, à peine élu (nommé) au
poste suprême, a commencé à réclamer des relations spéciales avec Moscou, il ne
peut qu'échouer." (Courrier International n°693, du 12 au 18 février 2004,
page 14).
Les attentats de Moscou viennent s'ajouter à la longue liste macabre des
exactions et attentats dont souffrent la population et le prolétariat dans de
nombreuses régions du monde avec pour corollaire des conflits militaires de
plus en plus meurtriers.
Face à une telle barbarie, les organisations révolutionnaires ont la
responsabilité de réaffirmer toute leur solidarité avec les prolétaires et
leurs familles victimes de ces attentats de même qu'avec leurs frères de
classe, les ouvriers caucasiens, victimes du climat xénophobe dont sont responsables
aussi bien la bourgeoisie russe que tchétchène.
Contre la terreur policière, le terrorisme bourgeois et la guerre impérialiste,
le prolétariat doit résister et réaffirmer son identité de classe. Contre les
divisions raciales, l'esprit de pogrom[3] [381]
entretenus par la classe bourgeoise, le prolétariat doit réaffirmer son unité
et sa solidarité de classe pour faire reculer la barbarie capitaliste !
Donald (20 février)
Aux éditions Denoël a été publié il y a quelques mois un livre pompeusement appelé Histoire générale de l'ultra-gauche. Son auteur, Christophe Bourseiller, nous est présenté comme écrivain et journaliste, "spécialiste de l'extrême gauche". D'après la page de couverture, il en serait à son 25e ouvrage en 15 ans. En réalité, ce fils à papa, rejeton d'un célèbre metteur en scène de théâtre, est un petit-bourgeois "touche-à-tout" qui, après une brève carrière comme acteur de cinéma puis après avoir tâté de la télévision, s'est essayé au journalisme (embauché un temps par Paris-Match). Il a même monté sa petite affaire, publiant de façon éphémère dans les années 1980 un hebdo du parisianisme "branché" à la mode "underground", 7 à Paris, se voulant concurrencer L'Officiel des Spectacles. Le personnage a fini par trouver son filon et faire carrière en exploitant ses "fréquentations" dans les "milieux" de l'extrême gauche comme de l'extrême droite afin d'y débusquer "les ennemis du système" (titre significatif de son premier livre). Tour à tour, la "nouvelle extrême droite", les maoïstes, les situationnistes, les trotskistes- des lambertistes à LO-, seront la cible de ses enquêtes. Aujourd'hui, ce personnage (avec son filon consistant à vendre des espèces de "guides du routard" à usage de vulgarisation du tourisme politique fleurant l'exotisme et la marginalité) nous livre le "nec plus ultra" de sa quête d'infos "people" d'un nouveau style dans un magma aux confins du gauchisme, de l'anarchisme, du modernisme, voire de la mouvance terroriste. Cela lui permet de créer la confusion entre des organisations authentiques de la Gauche communiste et de petits groupes modernistes ou semi-anarchisants, en les ficelant tous dans le même sac sous l'étiquette "ultra-gauche". Et bien entendu, il cherche ainsi à ridiculiser et à discréditer les véritables organisations révolutionnaires de la classe ouvrière. C'est pour cela qu'il est de la responsabilité des organisations de la Gauche communiste de se défendre en dénonçant haut et fort le livre de Bourseiller (comme l'a fait déjà le PCI dans Le Prolétaire n° 470, daté de décembre 2003/janvier 2004.
De l'expérience historique du mouvement prolétarien,
de ses combats, de ses intérêts, de sa conscience politique,
il n'en sera évidemment pas question dans ce livre. Il saute
aux yeux que la classe ouvrière en est totalement absente, elle
est manifestement étrangère et indifférente à
son auteur. Il se confirme rapidement que cette prétendue "histoire
générale" sonne singulièrement creux et sans
autre intérêt que de souligner l'étroitesse d'esprit,
la bêtise des jugements à l'emporte-pièce de cet
aventurier arriviste et surtout sa malhonnêteté. Que le
livre d'un bourgeois ou d'un petit-bourgeois sur le mouvement révolutionnaire
soit tendancieux et empreint de préjugés de classe, n'est
pas d'une grande originalité. Ce qui est inadmissible et écœurant,
c'est la méthode et les procédés qu'il utilise.
Nous ne nous trouvons nullement en présence du travail respectable
d'un historien ni même d'un journaliste sérieux. Il n'y
a pas dans ce livre la moindre rigueur professionnelle dont le minimum
serait de vérifier et de recouper entre plusieurs sources les
"informations" qu'il dévoile. Ce n'est pas le cas.
L'ouvrage est bourré d'erreurs et de contrevérités.
Et quelles sources ? Il se garde bien de s'adresser directement aux
organisations de la Gauche communiste elles-mêmes mais récolte
délibérément les interviews d'éléments
en rupture et à la dérive qui viennent apporter une caution
ou un concours à ses potins et commérages. Car il s'agit
ici non pas d'histoire mais de petites histoires. Non content de recueillir
potins, ragots et commérages, il passe son temps à aligner
des noms, ce qui n'a d'autre intérêt que de désigner
nommément à la police qui est membre de telle ou telle
organisation, qui était présent à telle ou telle
réunion dans la droite ligne des rapports de flics et avec des
méthodes dignes des indicateurs des renseignements généraux.
Pour ajouter un peu de liant, il se livre à une compilation d'autres
ouvrages émanant soit d'articles tirés de différentes
publications, soit d'échotiers du style Hempel ou de pseudo-sommités
qui se présentent comme des spécialistes de la Gauche
communiste, tel Bourrinet.
Il est aussi significatif de voir ce que sont devenus les deux groupes
envers lesquels "l'auteur" professe une certaine admiration
et auxquels il consacre près de la moitié des pages de
son livre, l'Internationale Situationniste (IS) et Socialisme ou Barbarie
(S ou B). Ces deux organisations ont disparu de la scène historique
corps et bien. L'une s'est sabordée et son animateur charismatique
s'est lui-même suicidé. Mais il faut relever que Bourseiller
a trouvé le moyen de s'en approprier les legs et d'arrondir ses
revenus au nom de sa "vieille amitié" avec Guy Debord
en se faisant bombarder "rédacteur en chef" des Archives
et documents situationnistes. Aujourd'hui, tout le pseudo- "contenu
subversif" de La Société du Spectacle a disparu,
ne reste de l'IS qu'une marchandise capitaliste aseptisée comme
une autre. Bourseiller peut ainsi manifestement se permettre de se délecter
avec son esprit de potache ricaneur de la simple reproduction de pages
entières d'invectives et de lettres d'insultes tirées
des Cahiers de l'IS. Quant à la pratique de l'exclusion à
tout va des situationnistes, elle ne le choque pas le moins du monde…
L'autre organisation ayant les faveurs de Bourseiller, S ou B, avait
pour principal théoricien Cornélius Castoriadis qui, dans
sa dérive anti-marxiste, en est venu dans son livre Devant la
guerre au cours des années 1980, à soutenir implicitement
l'effort de guerre de Reagan face à la menace suprême qu'aurait
représenté le militarisme russe. Moins de dix ans après,
l'impérialisme russe s'écroulait comme un château
de cartes. Quelle lucidité chez ce "penseur" aujourd'hui
adulé des élites universitaires ! Il faut d'ailleurs noter
que c'est le même "esprit rare" qui, sous la signature
de Paul Cardan, avait annoncé, dans les derniers numéros
de S ou B au milieu des années 60, la fin des crises économiques
du capitalisme, cela moins de 5 ans avant l'arrivée de la crise
ouverte de ce système !
Quant aux affirmations fausses ou mensongères du livre, la liste
serait longue, en particulier quand il s'agit des groupes de la Gauche
communiste, et tout spécialement du CCI, auquel Bourseiller consacre
quelques chapitres. Nous nous contenterons de relever quelques exemples
édifiants de ces mensonges ou calomnies concernant le seul CCI.
Parmi les élucubrations recensées, sans doute ajoutées
pour donner un peu de "piquant" et de couleur à ce
fatras de pages indigestes, celle-ci : "En 1981, un coup d'Etat
militaire dirigé par le général Jaruselski muselle
en Pologne le syndicat Solidarité de Lech Walesa. Le CCI édite
alors un tract en polonais qui dénonce tout à la fois
Walesa et Jaruselski [ce qui est vrai]. Un audacieux militant parvient
à en remettre un exemplaire à Lech Walesa lui-même"
[fait ignoré des membres du CCI eux-mêmes et pour cause,
vu le caractère hautement fantaisiste de cette assertion]. Mais
le reste est autrement plus sérieux, car il s'agit de charger
la balance du passif du CCI : "L'organisation se réoriente
progressivement à partir de 1980 vers un léninisme de
moins en moins critique. Cette inflexion s'effectue notamment à
l'occasion d'un débat interne sur le rôle de la ''minorité
positive'". Notre indicateur de police laisse entendre que les
orientations de l'organisation seraient alors dictées par des
"chefs", une "élite" de militants qui s'attribueraient
le rôle d'une "minorité positive". Nous apportons
le démenti le plus catégorique à de telles insinuations
: ce mode de fonctionnement a toujours été étranger
au CCI et nous renvoyons nos lecteurs au Rapport sur la structure et
le fonctionnement de l'organisation des révolutionnaires de janvier
1982 et publié dans la Revue Internationale n° 33. Mais Bourseiller
donne la pleine mesure de sa médisance quand il aborde la question
des "crises à répétition" du CCI, et
notamment quand il aborde la question de la récupération
du matériel volé à l'organisation : "A partir
de 1981, le CCI est la scène de plusieurs ''affaires'' qui se
concluent invariablement par des procès internes ad hominem,
puis de violences verbales ou physiques." Une série de termes
évocateurs est alors déversé et distillé
: "volonté de renforcer l'appareil", "la direction
du CCI organise un raid", "les brigades spéciales du
CCI", "pendant des années le CCI poursuit Chénier
de sa vindicte", "aux yeux de la direction du CCI", "le
CCI envisage des représailles"... Il s'agit alors de renvoyer
une image parfaitement stalinienne du CCI avec ses apparatchiks, ses
moines-soldats, sa Tchéka, voire sa Guépéou. Revenons
d'abord sur quelques contre-vérités flagrantes : quand
il évoque "la crise la plus grave [qui] survient entre 1995
et 1997", il ajoute : "A la même époque, un membre
de la section britannique du CCI prend ses distances et fonde le Communist
Bulletin. Son pseudonyme est Ingram. Il est immédiatement accusé
d'avoir 'volé' du matériel. Au terme d'une pénible
campagne, il diffuse une Lettre ouverte au CCI : 'Nous n'avons rien
volé', etc.'' Il y a là deux contre-vérités
: un "mélange" des faits en évoquant le CBG
comme un élément de la crise de 1995-97. Les méfaits
d'Ingram se rapportent à une autre période, quatorze ans
plus tôt, à la suite de l'affaire Chénier. Ensuite,
le procureur Bourseiller omet de signaler qu'Ingram a de lui-même
reconnu avoir volé du matériel au CCI et a d'ailleurs
fini par le restituer également de lui-même afin de se
racheter un brin de respectabilité dans le but d'entreprendre
un flirt avec la "Fraction externe du CCI" à la fin
des années 1980.
Autre mensonge, cette fois sur la "crise de 2002" (en réalité
de 2001) : Bourseiller situe la constitution d'une "fraction interne"
après l'expulsion de l'individu Jonas (ce qui permet de sous-entendre
que cette expulsion a provoqué des remous dans l'organisation),
alors que cette prétendue fraction s'était constituée
secrètement, et avait été découverte de
façon fortuite en septembre 2001 par le reste de l'organisation.
Elle existait ainsi, même ouvertement, depuis plusieurs mois.
Si Jonas a été exclu en 2002, alors qu'il s'était
porté démissionnaire de l'organisation depuis juin 2001,
c'est pour ses comportements indignes d'un militant communiste (voir
RI n°321).
Parler de "brigades spéciales du CCI", "d'hommes
de main", "de vindicte" est particulièrement abject
alors que les mesures de récupération du matériel
volé ont toujours été dans la tradition du mouvement
ouvrier. Celui-ci s'est toujours farouchement opposé à
des comportements de voyou en son sein. Quant aux moyens et mesures
pour récupérer son matériel volé qui sont
bien entendu de la responsabilité du CCI (et non de la police
ou de la justice bourgeoise), elles ont été votées
unanimement par l'organisation qui a mandaté des équipes
chargées de cette récupération. Après avoir
évoqué à plusieurs reprises dans son ouvrage Marc
Chirik, le plus ancien militant de la Gauche communiste et principal
membre fondateur du CCI, Bourseiller conclut : "Quel aurait pu
être le jugement de Marc Chirik sur les crises à répétition
qui secouent la petite organisation ? Nul ne le saura jamais".
Nous pouvons à l'inverse apporter quelque élément
de réponse. Marc était non seulement encore vivant lors
de l'affaire Chénier, lors de l'affaire Ingram, et lors du départ
des membres de la FECCI mais il a été un militant à
la pointe du combat pour la défense de l'organisation. Le livre
de Bourseiller omet de préciser que, lors de ces "affaires",
MC a été un des plus déterminés, énergiques
et celui qui a le plus insisté sur la nécessité
que l'organisation se défende en allant récupérer
le matériel volé et se donne les moyens de le faire. Lui-même,
à 74 ans, face à Chénier et à Ingram, a
voulu participer aux équipes de récupération pour
montrer l'exemple.
L'accumulation de sous-entendus, les propos malveillants de Bourseiller,
outre leur mauvaise foi, sont significatifs des méthodes du personnage.
C'est à coups d'insinuations qu'il procède, à travers
une succession et un choix de mots suggestifs à répétition,
révélateurs d'un procédé emprunté
au marketing et à des méthodes éprouvées
de conditionnement idéologique par des messages subliminaux.
Ce choix des termes vise à sournoisement discréditer les
organisations révolutionnaires, en premier lieu le CCI, mais
pas seulement. Ainsi le parti Communiste internationaliste (Battaglia
comunista) est "suspecté" "d'ourdir une mini-Internationale
à partir de 1984", le BIPR. On reste confondu par l'usage
d'une telle expression qui évoque immédiatement l'idée
d'un complot pour évoquer une tentative de regroupement des révolutionnaires.
Mais il est un domaine de prédilection dans lequel notre "auteur"
exerce pleinement ses talents pour la médisance et la calomnie
envers les courants passés et présents de la Gauche communiste.
Le livre est en effet traversé par un antifascisme viscéral
où l'évocation récurrente de la Shoah sert de paravent
à une traque obstinée. Le projet de l'auteur est manifestement
de discréditer la Gauche communiste avec la thèse qu'il
existe une passerelle rouge-brun, de l'histoire déformée
du KAPD à celle de la Fraction italienne en passant par la Gauche
hollandaise. Chez leurs héritiers, Bourseiller cherche à
établir un dénominateur commun : le négationnisme.
Il tombe sur un os, avec le positionnement de classe des courants de
la Gauche communiste qui se sont toujours clairement démarqués
de ces élucubrations. Il reste alors une arme grossière
à notre champion du prêt à penser moderne : l'insinuation.
Ces insinuations visent ainsi à discréditer Bordiga, les
bordiguistes et toutes les organisations prolétariennes du passé
comme du présent afin de falsifier les positions internationalistes
que les groupes de la Gauche communiste ont toujours affirmées
et défendues : "Auschwitz ou le grand alibi ne saurait certes
apparaître comme un texte négationniste, puisqu'il ne nie
aucunement l'existence du génocide. Il s'agit en revanche d'un
document profondément sombre et inquiétant." Bourseiller
occulte le contenu politique réel de la brochure pour arriver
à une conclusion bourrée de nouveaux sous-entendus : "Auschwitz
ou le grand alibi deviendra plus tard une brochure, maintes fois réimprimée,
qui vaudra au "bordiguisme" une sulfureuse réputation."
(p. 203). Dans la même veine, tout au long du livre, il cherche
à répandre cette "sulfureuse réputation"
pour dissuader le lecteur de s'intéresser davantage aux véritables
positions défendues par les Gauches communistes. Il est notable
qu'il fait beaucoup moins la fine bouche avec des groupes trempant dans
les actions de braquage de banques tel le MIL espagnol ou même
carrément terroristes comme les GARI qui sont parfaitement étrangers
à la pratique et à la lutte du prolétariat.
"Ci-gît l'ultra-gauche", "l'ultra-gauche s'est
suicidée", telle est la "conclusion" ultime du
livre. Ainsi, la boucle est bouclée. Grâce à Bourseiller,
la bourgeoisie tente ainsi de parachever sa campagne idéologique
entreprise il y a 15 ans sur la mort du marxisme, de la classe ouvrière
et du communisme amalgamée avec la fin du stalinisme. Ici, la
bourgeoisie reproduit le même tour de passe-passe en célébrant
l'enterrement de la Gauche communiste : tenter de persuader ses lecteurs
que la Gauche communiste n'existe plus en la mettant sur le même
plan que l'auto-dissolution de petits groupuscules modernistes sans
avenir. Il s'agit de noyer les positions réelles de la Gauche
communiste et de la tradition marxiste comme on cherche à noyer
un chien en disant qu'il a la rage.
Le livre fait feu de tout bois pour tenter d'exorciser les peurs résurgentes
de la bourgeoisie face aux potentialités de remise en cause de
son système, devant le besoin grandissant de réflexion,
ressenti au sein de la classe ouvrière, afin de court-circuiter
les efforts de réappropriation d'une conscience de classe et
de l'expérience du mouvement ouvrier, notamment parmi les jeunes
générations de prolétaires.
De là, le choix de recourir à un concept vide, "l'ultra-gauche"
qui est ici assimilée à un anti-bolchevisme et à
un anti-léninisme. C'est pourquoi Bourseiller indique la direction
la plus opposée possible à une capacité de renversement
du système capitaliste. Il martèle de façon incantatoire
que le seul supposé intérêt de tout ce qu'il a survolé
dans son pavé indigeste de 500 pages, c'est une volonté
de rupture avec le bolchevisme, le léninisme. C'est d'avoir défriché
le terrain pour un dépassement du marxisme et de critiquer la
société sur d'hypothétiques bases tout à
fait nouvelles, pourvu qu'elles soient autres que le vieux chemin de
la lutte de classe.
La fonction essentielle de ce livre est de servir de repoussoir à
des éléments en recherche, surtout parmi les jeunes générations
d'ouvriers, qui sont tentées de se rapprocher des positions de
la Gauche communiste. Bourseiller leur livre une image totalement dénaturée
et déformée des véritables organisations révolutionnaires
afin de les dissuader d'en découvrir les authentiques positions.
Mais le plus déplorable, c'est que ce triste sire ait pu rédiger
son torchon grâce à la collaboration… d'anciens militants
communistes. En effet, il est particulièrement navrant de constater
que, dans la liste de tous ceux que notre histrion prend soin de remercier
pour leur collaboration à la fin de son ouvrage, "tous ceux
qui, d'une quelconque façon, l'ont aidé à réaliser
ce travail", figure le nom de deux ex-membres du CCI, RC alias
René Nazon et Raoul Victor, principal animateur d'un groupe parasitaire,
le Cercle de Discussion de Paris. Voilà où mène
le parasitisme : à se rendre directement complices de la bourgeoisie.
Pour avoir accepté sans discernement de bavasser, d'exhaler leurs
plaintes ou d'étaler leurs petits griefs envers le CCI à
un écrivassier de la bourgeoisie à l'affût du moindre
ragot, ces ex-militants se retrouvent aujourd'hui compromis dans une
entreprise de démolition de la Gauche communiste. En les remerciant
pour leur collaboration à son ouvrage, Bourseiller aura rendu
la honte plus honteuse encore en livrant leur nom à la publicité.
Ces noms resteront ainsi inscrits dans l'Histoire... de la bourgeoisie
reconnaissante.
Les efforts dérisoires de Bourseiller et consorts, ces mesquins idéologues appointés par l'Etat bourgeois pour brouiller la perspective du prolétariat et la défense de ses positions de classe ne peuvent faire illusion longtemps. Bourseiller pourra peut-être poursuivre longtemps sa carrière d'arriviste qui ne pense qu'à se faire du fric et de la notoriété. Mais ce serviteur zélé de la bourgeoisie reste impuissant comme l'ensemble de sa classe à éradiquer les positions de classe des organisations révolutionnaires. Non, la Gauche communiste n'est pas morte et les précieuses leçons de ses expériences historiques seront demain les armes essentielles de la lutte et de la conscience du prolétariat mondial pour clamer à la face du monde capitaliste à la suite de Rosa Luxembourg :
Avec l'affaire du port du voile à l'école et tous les débats, manifestations et protestations en tous genres auxquels elle a donné lieu autour du vote de la loi sur les signes visibles d'appartenance religieuse, la bourgeoisie française a mis sur pied une campagne à répétition visant à attaquer en profondeur la conscience de la classe ouvrière. De la droite à la gauche et à l'extrême gauche, chacun y va de son couplet pour ou contre, plus ou moins pour et plus ou moins contre, etc. Les médias, les politiques, les associations, islamistes, juives ou chrétiennes, tous participent en chœur à ce qu'ils appellent un "grand débat citoyen sur la laïcité". En fait, contrairement à la prétendue cacophonie qui règnerait dans la "société française" sur ce sujet, tous vont dans la même direction : créer un maximum de confusion dans la tête des ouvriers afin de mieux les enchaîner derrière l'Etat bourgeois et leur faire accepter leur sort.
Mais l'affaire du voile est aussi une nouvelle occasion de développer des
clivages au sein de la population et surtout du prolétariat. Il est
significatif que le débat a largement échauffé les esprits et n'a fait
qu'exacerber le racisme (à l'instar de la création par le PS de SOS Racisme au
début des années 1980), le sexisme et les divisions communautaires dans leurs
aspects les plus mesquins. Il s'agit encore de mettre en compétition les
ouvriers, non plus seulement en fonction de leur nationalité, mais aussi de
leur croyance. Il s'agit de créer un profond sentiment de division au sein de
la classe ouvrière par la fausse opposition entre ouvriers français et ouvriers
immigrés, ces derniers étant par définition potentiellement
"islamistes". Et au sein de ceux-ci, la propagande bourgeoise fait en
sorte de désigner d'un côté les "mauvais" immigrés qui ont manifesté
pour le port inconditionnel du voile et de l'autre les "bons"
immigrés soumis à la loi de la "république laïque". Elle transforme
la véritable solidarité ouvrière qui dépasse les nationalités et les croyances
en une solidarité de ceux qui se retrouvent dans la "croyance" envers
l'Etat bourgeois comme ultime juge de paix et de cohésion sociales. Car,
derrière tout ce débat sur la défense de la laïcité, c'est la question de la
défense de l'Etat bourgeois démocratique qui est mise en lumière. Citons le
journal Libération du 29 janvier 2004 qui montre bien tout le sens de la
campagne : "Dans notre tradition laïque, l'Etat est le protecteur du
libre exercice par chacun de sa liberté de conscience, de son expression ou de
sa non-expression. Il se doit d'intervenir quand elle est menacée."
L'Etat serait le seul authentique garant des libertés individuelles, en
l'occurrence, le seul à même de s'opposer à la montée de l'oppression des
individus que représente la montée des intégrismes religieux. Or, c'est
justement un des objectifs de ce "débat", créer un rideau de fumée
sur les racines de cette montée, afin d'empêcher la classe ouvrière de prendre
conscience que c'est la décomposition même de ce système capitaliste qui en est
à l'origine[1] [385].
Comme le disait Marx il y a plus de 150 ans : "La détresse religieuse
est, pour une part, l'expression de la détresse réelle et, pour une autre, la
protestation contre la détresse réelle. La religion est le soupir de la
créature opprimée, l'âme d'un monde sans cœur, comme elle est l'esprit de
conditions sociales d'où l'esprit est exclu. Elle est l'opium du peuple."[2] [386] Au
culte de la religion, la bourgeoisie voudrait opposer celui de l'Etat laïc, nec
plus ultra de la libération des opprimés par la religion. Mais ce n'est certes
pas en faisant confiance à l'Etat et à ses flics que les jeunes filles soumises
au diktat des islamistes pourront échapper à l'oppression pas plus que
n'importe quel prolétaire. D'ailleurs il n'est nullement dans les desseins du
gouvernement d'abolir les cultes mais au contraire de les renforcer : c'est
ainsi que c'est sous la houlette de l'Etat "laïc" républicain qu'on
voit fleurir, au nom de la "liberté" et du "respect" des
cultes, mosquées et synagogues. C'est là qu'apparaît avec une évidence sans
équivoque que les fins de l'Etat démocratique ne s'opposent pas à celles des
religions mais qu'elles sont complémentaires les unes des autres.
Oppression idéologique, écrasement de la pensée et de la conscience,
exploitation en tous genres des individus sont le pain béni dont ils
nourrissent leurs ouailles. Au XIXe siècle, la bourgeoisie, tant qu'elle était
une classe progressiste, s'est efforcée de maintenir l'Eglise comme force
différenciée de l'Etat bourgeois car elle représentait une entrave au
développement des forces productives, ce qui a abouti à des lois sur la
séparation de l'Eglise et de l'Etat, mais tout en la gardant sous le coude
comme force idéologique. Cependant, déjà à cette époque, les révolutionnaires
stigmatisaient cette illusion suivant laquelle l'anticléricalisme qui faisait
florès dans la bourgeoisie républicaine française représentait en soi une force
de libération. Rosa Luxembourg le considérait comme un élément mystificateur
proprement né de l'idéologie bourgeoise. Dans un article publié en janvier 1902
elle affirmait que : "Les socialistes sont précisément obligés de
combattre l'Eglise, puissance antirépublicaine et réactionnaire, non pour
participer à l'anticléricalisme bourgeois mais pour s'en débarrasser.
L'incessante guérilla menée depuis des dizaines d'années contre la prêtraille
est, pour les républicains bourgeois français, un des moyens les plus efficaces
de détourner l'attention des classes laborieuses des questions sociales (…)"
Et elle ajoutait : "L'anticléricalisme bourgeois aboutit à consolider
le pouvoir de l'Eglise, de même que l'antimilitarisme bourgeois, tel qu'il est
apparu dans l'affaire Dreyfus, ne s'est attaqué qu'à des phénomènes naturels au
militarisme, à la corruption de l'Etat major et n'a réussi qu'à épurer et à
affermir l'institution elle-même."[3] [387]
Avec la décadence du capitalisme et l'entrée de ce système dans sa phase de
décomposition, ces illusions sur l'anticléricalisme et la défense de la laïcité
sont devenues carrément des mystifications utilisées comme une arme idéologique
de l'État capitaliste pour diviser la classe ouvrière et monter les ouvriers
les uns contre les autres.
Face à la pourriture qui gagne la planète, il ne s'agit pas d'embrasser la
cause de la religion ou celle de l'État "laïc". Il faut réaffirmer
que, devant cette fausse alternative, seule la révolution prolétarienne pourra
en finir avec toutes les mystifications, qu'elles soient "laïques" ou
"religieuses" : toutes étant le produit de l'oppression capitaliste.
[1] [388] Voir dans notre Revue Internationale n° 109 l'article "La résurgence de l'islamisme, symptôme de la décomposition des relations sociales capitalistes"
[2] [389] Karl Marx et Friedrich Engels, Critique de la philosophie du droit de Hegel, Sur la religion, page 42, éditions Sociales.
[3] [390] Rosa Luxembourg, Le socialisme en France, page 213-214, éditions Belfond.
Ces derniers mois, notre organisation a reçu toute une série de courriers de lecteurs posant la question "comment fait-on pour adhérer au CCI ?" Cette volonté d'engagement militant de la part d'éléments à la recherche d'une perspective de classe s'est exprimée dans plusieurs pays, notamment des pays aussi différents que la France et les États-Unis, la Grande-Bretagne ou le Bengladesh. A chacun de ces lecteurs, nous avons envoyé une réponse personnelle lui proposant d'engager une discussion avec notre organisation afin d'expliciter nos conceptions. Cependant, dans la mesure où ce questionnement concerne bien d'autres camarades que ceux qui nous ont directement interrogés là-dessus, puisque la question de l'adhésion à une organisation révolutionnaire est une question politique à part entière, nous nous proposons dans cet article d'apporter une réponse globale à tous ceux qui se préoccupent de savoir en quoi consiste le militantisme dans les rangs d'une organisation révolutionnaire comme le CCI.
Nous tenons en premier lieu à saluer la démarche de ces lecteurs qui manifestent aujourd'hui une volonté d'engagement militant. Cette dynamique très positive des éléments à la recherche d'une perspective et d'une activité révolutionnaires est l'expression d'une réflexion qui s'accentue en profondeur au sein de la classe ouvrière. Malgré les campagnes de la bourgeoisie, malgré ses attaques contre le courant de la Gauche communiste, malgré les calomnies déversées sur le CCI par les groupuscules parasitaires[1] [392] à ces lecteurs ne se sont pas laissés impressionner et ont montré leur capacité à reconnaître le sérieux de notre organisation.
Le processus d'intégration de nouveaux militants dans une organisation politique dépend tout d'abord de la nature de classe de cette organisation. Dans les partis bourgeois (par exemple les partis staliniens), il suffit simplement de prendre sa carte au parti et de payer ses cotisations pour être membre de l'organisation. Les militants de ce type d'organisation n'ont pas pour vocation de mener une activité visant à développer la conscience de la classe ouvrière mais au contraire de l'endormir et de la dévoyer sur le terrain bourgeois, notamment celui des élections et des grandes messes démocratiques.
Pour une organisation révolutionnaire, c'est-à-dire une organisation défendant réellement la perspective du prolétariat (la destruction du capitalisme et l'instauration de la société communiste mondiale), le rôle des militants est radicalement différent. Leur but ne vise pas à faire carrière comme représentant de telle ou telle fraction du capital, ou à coller des affiches pour les campagnes électorales mais à contribuer au développement de la conscience dans la classe ouvrière. Comme l'affirmaient Marx et Engels dans le Manifeste communiste, "les communistes ont sur le reste du prolétariat l'avantage de comprendre clairement les conditions, la marche et les résultats généraux du mouvement prolétarien". C'est pour cela que les militants d'une organisation révolutionnaire doivent eux-mêmes élever leur propre niveau de conscience.
En ce sens, la première condition pour adhérer au CCI, c'est que les camarades qui posent leur candidature pour devenir militants de notre organisation manifestent leur compréhension et leur plein accord avec nos principes programmatiques.
Cependant, leur degré d'accord et de conviction sur nos positions politiques n'est pas une condition suffisante pour être militant du CCI. Les candidats doivent manifester également leur volonté de défendre les positions de l'organisation, chacun en fonction de ses propres capacités personnelles. Nous n'exigeons pas de nos militants qu'ils soient tous de bons orateurs ou qu'ils sachent rédiger un tract ou des articles pour la presse. Ce qui importe, c'est que le CCI comme un tout puisse assumer ses responsabilités et que chaque militant soit prêt à donner le meilleur de ce qu'il peut donner pour permettre à l'organisation d'assumer la fonction pour laquelle la classe ouvrière l'a faite surgir.
Les militants du CCI ne sont pas des spectateurs passifs, ni des moutons bêlant derrière une "bureaucratie de chefs" comme le prétendent nos calomniateurs. Ils ont des devoirs envers l'organisation qu'il leur appartient de faire vivre. D'abord en payant leurs cotisations (car sans argent, l'organisation ne pourrait pas payer les frais d'impression de la presse, la location des salles, les voyages, etc.). Ils ont le devoir de participer aux réunions, aux interventions, aux diffusions de la presse, à la vie et aux débats internes en défendant leurs désaccords dans le respect des règles de fonctionnement établies par nos statuts.
Ces exigences ne sont pas nouvelles. Déjà en 1903, dans le débat sur le paragraphe 1 des Statuts du POSDR cette question "qui est membre du parti ?" avait opposé les bolcheviks aux mencheviks. Pour les bolcheviks, seuls ceux qui sont partie prenante de l'ensemble de la vie de l'organisation pouvaient être considérés comme membres du parti, alors que les mencheviks estimaient qu'il suffisait d'être d'accord avec les positions de l'organisation et de lui apporter son soutien pour être considéré comme militant. La position des mencheviks a été fermement combattue par Lénine dans son livre Un pas en avant, deux pas en arrière comme étant une vision purement opportuniste, marquée par des conceptions petites-bourgeoises. Les détracteurs de Lénine ont souvent prétendu que sa position était "autoritaire" et faisait la part belle au "pouvoir d'une petite minorité". C'est tout le contraire qui est vrai : c'est la vision opportuniste défendue par les mencheviks qui porte en elle un danger. En effet, des militants "de base" peu convaincus et peu formés seront plus enclins à laisser les "leaders" penser et décider à leur place que des militants qui ont acquis une compréhension profonde des positions de l'organisation et qui s'impliquent activement dans la défense de celles-ci. C'est la conception des mencheviks qui permet le mieux qu'une petite minorité puisse mener sa propre politique personnelle, aventurière, dans le dos et contre l'organisation.
Sur cette question "qui est membre du parti ?", le CCI se réclame de la conception des bolcheviks. C'est la raison pour laquelle, nous faisons une distinction très claire entre les militants et les sympathisants qui partagent nos positions et nous apportent leur soutien.
Bon nombre de camarades qui participent à nos côtés aux interventions publiques, à la diffusion de la presse et nous apportent un soutien financier ne sont pas prêts pour autant à s'impliquer pleinement dans une activité militante, laquelle nécessite beaucoup d'énergie et de persévérance dans un travail régulier s'inscrivant sur le long terme. S'engager dans le CCI comme militant signifie être capable de mettre cette activité au centre de sa vie. L'engagement dans une organisation révolutionnaire ne peut être considérée comme un hobby. Il exige de la part de chaque militant une ténacité, une capacité à tenir la route contre vents et marées, à ne pas se laisser démoraliser par les aléas de la lutte de classe, c'est-à-dire une profonde confiance dans les potentialités et la perspective historique du prolétariat. Le militantisme révolutionnaire exige également un dévouement loyal et désintéressé à la cause du prolétariat, une volonté de défendre ce bien précieux qu'est l'organisation à chaque fois que celle-ci est attaquée, dénigrée, calomniée par les forces de la bourgeoisie et ses complices du milieu parasitaire.
Pour devenir militant du CCI, il faut également avoir la capacité de s'intégrer dans un cadre collectif, faire vivre la solidarité entre camarades en bannissant l'individualisme petit-bourgeois qui trouve son expression notamment dans l'esprit de concurrence, de jalousie ou de rivalité avec ses camarades de combat et qui n'est rien d'autre que les stigmates de l'idéologie de la classe bourgeoise.
Pour devenir militant d'une organisation révolutionnaire, il faut, comme le disait Bordiga, avoir une force de conviction et une volonté d'action, y compris dans le combat permanent contre le poids de l'idéologie capitaliste dans les rangs de l'organisation.
Concrètement, les camarades qui veulent adhérer au CCI doivent d'ores et déjà se préparer à assumer des responsabilités, ce qui consiste à :
A l'issue de ce processus de discussions sur nos positions programmatiques, les camarades qui veulent adhérer au CCI doivent également manifester leur accord avec la conception du CCI sur la question du fonctionnement de l'organisation et sur ses Statuts dont l'esprit est contenu dans notre article de la Revue Internationale n°33 ("Structure et fonctionnement de l'organisation des révolutionnaires").
Le CCI a toujours accueilli avec enthousiasme les nouveaux éléments qui veulent s'intégrer dans ses rangs. C'est pour cela qu'il investit beaucoup de temps et d'énergie dans les processus d'intégration des candidats afin de permettre à ces futurs militants d'être les mieux armés possible pour pouvoir être immédiatement partie prenante de l'ensemble des activités de l'organisation. Cependant, cet enthousiasme ne signifie nullement que nous ayons une politique de recrutement pour le recrutement, comme les organisations trotskistes.
Notre politique n'est pas celle non plus des intégrations prématurées sur des bases opportunistes, sans clarté préalable. Nous ne sommes pas intéressés à ce que des camarades rejoignent le CCI pour nous quitter quelques mois ou quelques années plus tard parce qu'ils se sont rendu compte que l'activité militante est trop contraignante, exige trop de "sacrifices" ou encore parce qu'ils se sont aperçus a posteriori qu'ils n'avaient pas réellement assimilé les principes organisationnels du CCI (en général, ces camarades ont bien souvent beaucoup de difficultés à le reconnaître et préfèrent abandonner le combat avec des récriminations contre le CCI qui peuvent les conduire à justifier leur désertion par une activité parasitaire).
La conception des bolcheviks sur les questions d'organisation a montré toute la validité de cette approche. Le CCI n'est pas une auberge espagnole. Il n'est pas intéressé à faire de la pêche à la ligne.
Nous ne sommes pas non plus des marchands d'illusion. C'est pour cela que nos lecteurs se posant la question "comment fait-on pour adhérer au CCI ?" doivent comprendre que l'adhésion au CCI prend du temps. Tout camarade qui pose sa candidature doit donc s'armer de patience pour engager un processus d'intégration dans notre organisation. C'est d'abord un moyen pour le candidat de vérifier lui-même la profondeur de sa conviction afin que sa décision de devenir militant ne soit pas prise à la légère ou sur un "coup de tête". C'est aussi et surtout la meilleure garantie que nous puissions lui offrir pour que sa volonté d'engagement militant ne se solde pas par un échec et une démoralisation.
Parce que l'activité des révolutionnaires s'inscrit dans une perspective historique, les militants doivent pouvoir tenir la route sur le long terme sans se démoraliser. C'est pour cela que les camarades qui veulent adhérer au CCI doivent se garder de tout immédiatisme, de toute impatience dans leur processus d'intégration à notre organisation. L'immédiatisme est justement la base de recrutement des gauchistes, lesquels n'ont de cesse de reprocher au CCI : "que faites-vous 'pratiquement' ? Quels résultats immédiats obtenez-vous ?".
Plus que jamais la classe ouvrière a besoin de nouvelles forces révolutionnaires. Mais l'accroissement numérique des organisations de la Gauche communiste ne pourra être un réel renforcement que s'il constitue l'aboutissement de tout un processus de clarification visant à former de nouveaux militants, à leur donner des bases solides pour leur permettre d'assumer leurs responsabilités au sein de l'organisation.
GL (18 février)
[1] [393] Pour mémoire, on peut citer comme exemple des campagnes bourgeoises contre la perspective révolutionnaire, celles sur le thème de la "mort du communisme" après l'effondrement du bloc de l'Est et des régimes staliniens en 1989. Nous avons également mis en évidence dans notre presse (et de nouveau dans ce numéro de RI avec notre article sur le livre de Bourseiller) en quoi les campagnes contre le "négationnisme" visaient principalement à discréditer la Gauche communiste. Quant aux calomnies du parasitisme contre le CCI, elles durent depuis près de 25 ans et si leurs auteurs ont changé (Communist Bulletin Group, "Fraction Externe du CCI", Cercle de Paris), ils se sont passé le relais pour dénoncer le prétendu "stalinisme" du CCI. Mais au delà de cette unité dans le chef d'accusation, l'infamie des attaques contre notre organisation a connu une escalade qui culmine aujourd'hui avec la prétendue "Fraction Interne du CCI" qui n'a pas hésité à employer des méthodes de voyous et de mouchards afin d'essayer d'intimider nos sympathisants.
Deux cent deux morts et
plus de mille cinq cent blessés à ce jour, quatre trains détruits, des corps
humains tellement déchiquetés qu'ils ne pourront être identifiés que par leur
ADN, tel est pour l'instant le terrifiant bilan de l'attentat terroriste baptisé
" train de la mort " qui a violemment secoué la matinée du 11 mars à
Madrid.
Comme le 11 septembre, le 11 mars est une date importante dans l'histoire des
massacres terroristes. Non seulement c'est le plus grand massacre subi par la
population espagnole depuis la guerre civile de 1936-39, mais c'est aussi
l'attentat terroriste le plus meurtrier en Europe depuis la fin de la Seconde
Guerre mondiale.
La bourgeoisie déverse aujourd'hui cyniquement des torrents de larmes de
crocodile sur les victimes, elle proclame trois jours de deuil national en
Espagne, elle inonde les médias vingt-quatre heures par jour d'informations
spéciales, elle accumule les minutes et les minutes de silence, elle convoque
des manifestations contre le terrorisme, etc. Pour notre part, comme nous
l'avions déjà fait le 11 septembre, nous nions tout droit à la bourgeoisie
hypocrite et à ses médias aux ordres de pleurnicher sur les ouvriers assassinés,
car "la classe dominante capitaliste est déjà responsable de trop de
massacres et de tueries : l'effroyable boucherie de la Première Guerre mondiale
; celle encore plus abominable de la Seconde, où pour la première fois les
populations civiles furent les principales cibles. Rappelons-nous ce dont la
bourgeoisie s'est montrée capable : les bombardements de Londres, de Dresde et
de Hambourg, d'Hiroshima et de Nagasaki, les millions de morts dans les camps
de concentration nazis et dans les goulags… Rappelons-nous l'enfer des
bombardements des populations civiles et de l'armée irakienne en fuite pendant
la guerre du Golfe en 1991 et de ses centaines de milliers de morts.
Rappelons-nous les tueries quotidiennes, et qui continuent encore, en
Tchétchénie, perpétrées avec toute la complicité des Etats démocratiques
d'occident. Rappelons-nous la complicité des Etats belge, français et américain
dans la guerre civile en Algérie, les pogroms horribles du Rwanda… Rappelons
enfin que la population afghane, aujourd'hui terrorisée par la menace des
bombardiers américains, a subi vingt années de guerre ininterrompue (…) Ce ne
sont là que des exemples, parmi tant d'autres, des basses œuvres d'un
capitalisme aux prises avec une crise économique sans issue, aux prises avec sa
décadence irrémédiable. Un capitalisme aux abois". Loin de s'affaiblir,
cette barbarie que nous décrivions par ces lignes dans la Revue internationale
n° 107 en octobre 2001 n'a fait que croître, ajoutant à la sinistre liste de
nouveaux jalons horribles comme la seconde guerre en Irak, les incessant
massacres du Moyen-Orient, les tueries récentes en Haïti ou les attentats
terroristes à Bali, Casablanca, Moscou, etc. Il nous faut maintenant ajouter à
cette liste la gare d'Atocha à Madrid.
Les attentats du 11 mars ne sont pas une attaque "contre la civilisation", mais l'expression même de ce qu'est réellement cette "civilisation" de la bourgeoisie : un système d'exploitation qui suinte la
misère, la guerre et la destruction par tous ses pores. Un système qui n'a
d'autre perspective à offrir à l'humanité que celle de la barbarie et de
l'anéantissement. Le terrorisme n'est pas un sous-produit, un enfant bâtard du
capitalisme que celui-ci voudrait ignorer, il est au contraire le produit
organique du capitalisme, son enfant légitime comme l'est aussi la guerre
impérialiste ; et au fur et à mesure que le capitalisme s'enfonce
irrémédiablement dans la phase ultime de sa décadence, celle de la
décomposition, le terrorisme devient toujours plus sauvage et irrationnel.
Une des caractéristique de la décadence du capitalisme consiste en ce que la guerre impérialiste devient le mode de vie permanent de ce système, avec comme conséquence que "ces classes [petites bourgeoises] perdent complètement leur indépendance et ne servent que de masse de manœuvre et d'appui aux affrontements que se livrent les différentes fractions de la classe dominante tant à l'intérieur qu'à l'extérieur des frontières nationales" (Revue internationale n° 14, "Terreur, terrorisme et violence de classe", 1978). Des années 1960 jusqu'à aujourd'hui, l'évolution du terrorisme confirme pleinement cette caractéristique d'instrument utilisé par les diverses fractions de la bourgeoisie nationale ou par chaque impérialisme dans leur lutte contre les rivaux internes ou sur l'arène impérialiste. Le terrorisme est ainsi un enfant chéri du capitalisme, soigneusement nourri au sang par les uns ou les autres. Terrorisme et conflits impérialistes ont été, sont et seront toujours davantage de sanglants synonymes. Au cours des années 1960-70, la bourgeoisie n'avait pas hésité une seconde à utiliser l'assassinat " sélectif " de dirigeants politiques pour régler ses "affaires internes". Souvenons-nous que la bombe qui projeta Carrero Blanco (premier ministre espagnol du régime franquiste) aux cieux et du même coup l'ETA aux sommets du terrorisme fut utilisée par la classe dominante pour accélérer le changement de régime politique en Espagne. La bourgeoisie ne rechigna pas non plus à utiliser le terrorisme comme moyen pour déstabiliser le Moyen-Orient en assassinant le président égyptien Sadate en 1981 ou l'Israélien Itzhak Rabin en 1995. Quand il s'agit de défendre ses intérêts contre des fractions nationales rivales ou contre des impérialismes rivaux, la bourgeoisie n'éprouve aucun scrupule à provoquer des massacres aveugles parmi les populations civiles. Pour ne donner qu'un exemple, ce fut le cas en août 1980 en Italie dans l'affaire de l'attentat de la gare de Bologne, qui fit 80 morts et fut pendant longtemps attribué aux Brigades rouges mais qui, en réalité, avait été perpétré par les services secrets italiens et le réseau Gladio, installé par les Etats-Unis dans toute l'Europe pour contrecarrer l'influence de l'impérialisme russe rival. Durant toute cette période, le terrorisme a été toujours plus au service des conflits impérialistes dans le cadre de la confrontation entre les deux superpuissances.
La tendance au chaos généralisé détermine les affrontements impérialistes
depuis la fin des années 1980, période durant laquelle le capitalisme est entré
dans sa phase de décomposition[1] [395]. Le
cadre constitué par l'affrontement entre blocs impérialistes, mis en place
après la Seconde Guerre mondiale, laisse la place au règne du "chacun
pour soi"[2] [396]. Le terrorisme dans ce
contexte devient toujours plus une arme entre les mains des puissances, y
compris dans les guerres elles-mêmes où les armées en présence utilisent
toujours plus dans leurs exploits guerriers les méthodes terroristes comme les
bombardements d'hôpitaux et d'écoles comme on a pu le voir récemment encore
dans la guerre en Irak. La décomposition du capitalisme marque de son sceau les
attentats terroristes mêmes : les "machines infernales" cherchent de
moins en moins des " objectifs militaires ou politiques " et
s'attaquent directement à la population civile sans défense. L'horrible chaîne
de ces attentats avait été inaugurée par les bombes qui tuèrent aveuglément
dans les rues de Paris en septembre 1987, elle a connu une sorte de paroxysme
avec les deux avions remplis de passagers qui ont percuté et détruit les Tours
jumelles "abritant" des milliers de personnes, mais elle a continué
avec les morts de Bali et de Casablanca, de Moscou tout récemment encore, etc.,
pour s'acharner maintenant sur les travailleurs entassés dans les trains de
banlieue en gare d'Atocha à Madrid. Il serait illusoire de penser que cette
barbarie va cesser. Tant que la classe ouvrière, la seule force sociale capable
d'offrir une perspective alternative à celle de la barbarie capitaliste, n'en
finira pas une fois pour toutes avec ce système inhumain d'exploitation,
l'humanité continuera à vivre et à mourir partout dans le monde sous la menace
permanente de nouveaux attentats, toujours plus violents, et de nouvelles
guerres toujours plus destructrices.
Au fur et à mesure de l'avancée de la décomposition de la société capitaliste
prolifèreront comme des rats ses sous-produits que sont les fractions les plus
irresponsables et irrationnelles dont s'alimentent toutes les bandes
terroristes, les seigneurs de la guerre, les gangsters locaux, etc., qui
disposent non seulement de moyens de destructions inégalés mais aussi de
quantité de " parrains " à qui profitent leurs crimes. Après
l'attentat des Tours jumelles, nous écrivions : "nous ne pouvons pas
affirmer avec certitude aujourd'hui si Oussama Ben Laden est vraiment
responsable de l'attaque des Twin Towers, comme l'en accuse l'Etat américain.
Mais, si l'hypothèse Ben Laden s'avérait juste, c'est véritablement le cas d'un
seigneur de la guerre devenu incontrôlable par ses anciens maîtres"
(Revue internationale, n° 107). Effectivement, nous avons ici un exemple d'une
caractéristique cruciale de l'évolution vers la généralisation de la barbarie :
indépendamment de savoir quelle puissance impérialiste ou fraction de la
bourgeoisie tire profit des actions terroristes, celles-ci tendent toujours
plus à échapper aux plans tracés par ceux qui leur ont donné naissance.
Comme pour l'apprenti sorcier, la "créature" tend à devenir
incontrôlable. Au moment où nous rédigeons cet article, à défaut d'éléments
réellement concrets et compte tenu de la faible confiance que nous devons
accorder aux médias de la bourgeoisie, nous ne pouvons qu'appliquer notre cadre
d'analyse et notre expérience historique, et nous poser la question : à qui
profite le crime ?
Comme nous l'avons vu plus haut, le terrorisme et les affrontements
impérialistes sont aujourd'hui frères de sang. L'attentat contre les Tours
jumelles du 11 septembre 2001 avait amplement profité à la puissance
impérialiste américaine qui avait pu imposer à ses anciens alliés devenus ses
rivaux après l'effondrement du bloc russe (comme la France et l'Allemagne), de
lui apporter un plein soutien dans sa campagne militaire en vue d'occuper
l'Afghanistan.
L'émotion provoquée par le 11 septembre avait également permis à
l'administration Bush de faire accepter par la majorité de la population
américaine la seconde Guerre du Golfe en 2003. C'est pour cela qu'il est tout à
fait légitime de se demander si l'incroyable "imprévoyance" des
services secrets américains avant le 11 septembre ne résultait pas tout simplement
de leur volonté de "laisser faire" Al Qaïda[3] [397].
Pour ce qui est des attentats du 11 mars, il est clair qu'ils ne profitent
aucunement aux Etats-Unis. C'est tout le contraire qui est vrai. Aznar
apportait un soutien indéfectible à la politique américaine (il avait fait
partie du "trio des Açores" - Etats-Unis, Grande-Bretagne et Espagne
- les membres du Conseil de Sécurité de l'ONU qui s'étaient retrouvés pour
appeler à la seconde Guerre du Golfe) mais Zapatero qui va lui succéder après
une victoire du PSOE aux élections du 14 mars qui doit beaucoup aux attentats
de Atocha, a déjà annoncé qu'il retirerait les troupes espagnoles présentes en
Irak. C'est un camouflet pour l'administration américaine, et une victoire
incontestable pour le tandem franco-allemand qui anime aujourd'hui l'opposition
à la diplomatie américaine.
Cela dit, cet échec de la politique américaine ne constitue nullement une victoire de la classe ouvrière, comme certains essaient de le faire croire. Entre 1982 et 1996 à la tête du gouvernement, le PSOE a fait ses preuves comme défenseur zélé des intérêts du capitalisme. Son retour ne mettra pas fin aux attaques bourgeoises contre le prolétariat. De même, le succès diplomatique présent de Chirac et Schröder est celui de deux autres défenseurs loyaux des intérêts du capitalisme et ne saurait apporter absolument rien à la classe ouvrière.
Mais pire encore : les événements qu'on vient de vivre ont permis un grand
succès idéologique de la bourgeoisie comme un tout qui a réussi à renforcer le
mensonge selon lequel l'antidote contre le terrorisme est la
"démocratie", que les élections sont un moyen efficace de mettre fin
aux politiques anti-ouvrières ou bellicistes de la bourgeoisie, que les
mobilisations pacifistes sont un réel rempart contre la guerre.
Ainsi, la classe ouvrière n'a pas seulement subi une attaque dans sa chair avec
tous les morts et les blessés du 11 mars, elle a subi aussi une attaque
politique de première ampleur.
Encore une fois, le crime a profité à la bourgeoisie.
C'est pour cela que face à la barbarie terroriste, expression de la guerre
impérialiste et de l'exploitation, il n'y a qu'une seule voie :
Avec des dizaines de cadavres encore non identifiés, avec des dizaines de
familles d'immigrés illégaux (29 morts et plus de 200 blessés sont des
immigrés) qui n'osent même pas chercher leurs parents dans les hôpitaux ou les
morgues improvisées de crainte d'être expulsés, la bourgeoisie crée une
situation de désastre pour empêcher les prolétaires de réfléchir, ne serait-ce
qu'un minimum, sur les causes et les conséquences de l'attentat. Dans les
premiers instants qui ont suivi l'attentat, avant même que n'interviennent les
organes de secours de l'Etat, ce sont les victimes elles-mêmes, les travailleurs
et les enfants de la classe ouvrière qui voyageaient dans les " trains de
la mort " ou qui se trouvaient dans les gares sinistrées, ceux qui vivent
dans les quartiers de Santa Eugenia ou de El Pozo qui ont secouru les blessés,
qui ont recouvert de linceuls de fortune les cadavres éparpillés sur les voies.
Ils étaient au plus haut point animés par un sentiment de solidarité. C'est
cette solidarité qu'ont exprimée des milliers et des milliers de personnes qui
ont donné leur sang, qui ont accouru pour proposer leur aide dans les hôpitaux,
mais aussi les pompiers, les travailleurs sociaux et ceux de la santé qui ont
volontairement travaillé au-delà de leur temps de travail salarié malgré la
dramatique absence de moyens due aux économies imposées par les mesures
d'austérité de l'Etat en ce qui concerne le matériel sanitaire ou de protection
civile.
Les révolutionnaires et l'ensemble du prolétariat mondial doivent clamer, haut
et fort, leur solidarité avec les victimes. Seul le développement de la
solidarité dont est porteuse la classe ouvrière en tant que classe
révolutionnaire, et qui s'exprime notamment par son combat contre le
capitalisme, pourra créer les bases d'une société dans laquelle ces crimes,
cette exploitation, cette barbarie abominables pourront être définitivement
dépassés et abolis. L'indignation de la classe ouvrière envers l'abominable
attentat, sa solidarité naturelle avec les victimes a été manipulée par le
capital et dévoyée dans le sens de la défense de ses intérêts et objectifs. En
riposte au carnage, la bourgeoisie a appelé la classe ouvrière le vendredi 12 à
" manifester contre le terrorisme et pour la Constitution ", elle lui
a demandé de resserrer les rangs en tant que citoyens espagnols au cri de
" España unida jamás será vencida " (l'Espagne unie ne sera jamais
vaincue), elle l'a incité à voter massivement le dimanche 14 pour que "jamais ne se répètent ces actes de sauvagerie".
Les doses de patriotisme distillées tant par la droite (Aznar déclarant :
"ils sont morts parce qu'ils étaient Espagnols") que par la gauche
de la bourgeoisie ("si l'Espagne n'avait pas participé à la guerre en
Irak, ces attentats n'auraient pas eu lieu") ne cherchent qu'à faire
avaler aux prolétaires que l'intérêt de la nation est aussi le leur. C'est un
mensonge, un mensonge cynique et éhonté ! Un mensonge qui ne vise qu'à grossir
les rangs du pacifisme qui, comme nous l'avons par ailleurs développé dans
notre presse, n'empêche pas les guerres mais détourne de la vraie lutte contre
le vrai fauteur de guerres : le capitalisme.
Le capitalisme n'a d'autre avenir à offrir à l'humanité que sa destruction à
travers des guerres toujours plus meurtrières, des attentats toujours plus
barbares, la misère et la famine. Le mot d'ordre donné par l'Internationale
communiste au début du XXe siècle résume parfaitement la perspective qui se
posait à la société avec l'entrée du système capitaliste dans sa phase de
décadence et reste pleinement valable et d'actualité : "l'ère des guerres
et des révolutions "dont l'issue ne pourra être que la victoire du "socialisme ou de la barbarie".
Le capitalisme doit mourir pour que l'humanité puisse vivre et il n'y a qu'une seule classe sociale capable d'assumer le rôle de fossoyeur du capitalisme, le prolétariat. Si la classe ouvrière mondiale ne parvient pas à affirmer son indépendance de classe, dans la lutte pour la défense de ses intérêts spécifiques d'abord et ensuite pour le renversement de cette société putréfiée, l'humanité n'aura d'autre avenir que celui d'être détruite par la multiplication des affrontements entre bandes et entre Etats bourgeois, qui utiliseront tous les moyens, jusqu'aux plus innommables, et parmi ceux-ci la banalisation au quotidien de l'arme terroriste.
CCI (19 mars[1] [398] Revue internationale n° 62, "Thèses sur la décomposition.
[2] [399] Revue internationale n° 113, "Résolution du XVe Congrès du CCI sur la situation internationale.
[3] [400] Voir à ce sujet notre article "Pearl Harbour 1941, les "Twin Towers" 2001, le machiavélisme de la bourgeoisie" dans la Revue internationale n° 108.
Il est nécessaire
que la classe ouvrière se souvienne. Il y a un an, le 20 mars
2003, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne entraient en guerre contre
l'Irak. L'Europe était alors le théâtre de nombreuses
manifestations pacifistes. "Non à la guerre en Irak"
était alors un mot d'ordre à la mode.
L'Etat français, sous l'égide de Jacques Chirac, et avec l'appui unanime de la gauche comme des gauchistes, dirigeait la campagne idéologique anti-américaine la plus impitoyable et la plus déterminée, et tout cela au nom du pacifisme. L'impérialisme français se donnait alors le beau rôle. Mais ce mensonge propagandiste qui n'a pas cessé depuis d'être déversé sur la tête de la classe ouvrière, ne doit pas masquer la réalité guerrière et barbare de l'impérialisme français : dans ce domaine aucun impérialisme à la surface de cette planète ne peut plus faire exception. Les médias français se sont empressés de donner un maximum de publicité à ces manifestations pacifistes, mais dans le même temps ils se sont employés à cacher autant qu'ils le pouvaient la politique guerrière et militaire de la France en Côte d'Ivoire. C'est en effet au même moment, en février 2003, que l'impérialisme français est passé à l'offensive en Côte d'Ivoire, avec plus de 4000 soldats. C'est au mois de mars de la même année que l'armée française réinvestit Bangui en Centrafrique, plongeant un peu plus ces pays dans une barbarie et un chaos total. Voilà ce que valent les discours idéologiques pacifiques de l'Etat bourgeois.
Triste anniversaire, il y a dix ans, l'impérialisme français
au nom de l'humanitaire rentrait en force au Rwanda, armé jusqu'aux
dents, chars d'assauts en tête, et allait présider à
l'un des plus importants génocides civils de l'histoire. Ce sont
entre 500 et 800 000 morts (d'après les estimations officielles)
en 100 jours qui sont pratiquement passés inaperçus. L'armée
française avait attendu cyniquement aux frontières du
Rwanda que le génocide inter-ethnique soit porté à
son paroxysme pour intervenir. Pendant qu'à l'intérieur
du Rwanda, "des soldats de notre pays ont formé sur ordre,
les tueurs du génocide tutsi. Nous les avons armés, encouragés
et le jour venu, exfiltrés. J'ai découvert cette histoire
malgré moi, dans les collines rwandaises. Il faisait chaud, c'était
l'été. Il faisait beau, c'était magnifique. C'était
le temps du génocide." (Patrick de Saint Exupéry,
journaliste au Figaro et auteur du livre L'inavouable, la France au
Rwanda dans Le Monde diplomatique de mars 2004). En effet, c'est la
France qui, depuis de nombreuses années, a entraîné
et organisé la gendarmerie locale, les milices à base
ethnique et enfin les FAR ( Forces Armées Rwandaises). C'est
elle qui a soutenu a bout de bras le régime en place du président
Habyarima. C'est dès le début des années 1990 que
le Rwanda est devenu un enjeu géostratégique entre l'impérialisme
français et l'impérialisme américain. Le Rwanda
est en effet un pays ayant une importance évidente dans l'affrontement
inter-impérialiste car il se situe comme frontière entre
la zone sous contrôle américain et celle sous contrôle
de la France, sur le continent africain.
A cette époque, en 1994, l'impérialisme américain
tentait d'affaiblir de manière irrémédiable le
contrôle de la France dans cette région du monde. C'est
pour cela que, dès 1993, les Etats-Unis ont entraîné
le FPR (Front Patriotique Rwandais formés de Tutsis) et ceci
en territoire ougandais, avant de les lâcher un an plus tard au
Rwanda. L'avancée militaire du FPR ne s'y est d'ailleurs pas
fait longtemps attendre. C'est le krach de l'avion des présidents
rwandais Habyarima et burundais Ntaryma qui fut le prétexte au
déchaînement des évènements. Le 6 avril 1994
marque le début du génocide. Le FPR ira jusqu'à
Kigali et un nouveau pouvoir s'y installera. La France "a dû
se contenter de créer dans l'Ouest une 'zone humanitaire sûre'
vers où convergèrent tous les groupes extrémistes
ainsi que le gouvernement intérimaire, encadrant des millions
de civils hutus" (Le Monde Diplomatique, mars 2004).
Cette zone fut le théâtre de massacres de masse, et comme
le cite Le Monde Diplomatique, la France refusa de désarmer militaires
et miliciens. Comme l'armée française s'est bien gardée
d'arrêter les responsables du génocide, car il s'agissait
de ceux-là qu'elle avait téléguidés et qui
allèrent ensuite se réfugier au Zaïre.
L'Ouganda baignait également à cette époque dans
une marée de sang. 300 000 orphelins erraient dans le pays. Choléra
et famines se développèrent et emportèrent rapidement
plus de 40 000 réfugiés hutus, pendant que les hélicoptères
de combats, Mirages et autres Jaguars de l'armée française
attendaient une nouvelle occasion pour intervenir. Le responsable principal
et immédiat de ce massacre de masse fut sans aucun doute l'impérialisme
français s'affrontant par ethnies interposées à
l'impérialisme américain.
Ce même Etat français qui, dix ans plus tard, pour les mêmes raisons se cachera derrière l'idéologie pacifiste pour poursuivre son affrontement impérialiste contre les Etats-Unis.
C'est l'alibi humanitaire qui avait servi de couverture idéologique à la politique barbare de la France il y a dix ans au Rwanda. C'est le même alibi qui a permis à tous les grands impérialismes de se ruer comme des vautours sur les Balkans en avril 1999. Depuis cette époque comme au Rwanda le chaos n'a fait que s'aggraver. Aujourd'hui les affrontements ethniques entre Serbes et Albanais se généralisent à tout le Kosovo. Et c'est encore une fois comme au Rwanda, sous le même prétexte, que l'armée française y renforce ses effectifs. L'impérialisme français a été il y a dix ans un des principaux responsables et acteurs du génocide rwandais. La décomposition du système capitaliste, le développement ininterrompu des tensions inter impérialistes à l'échelle planétaire est le seul véritable responsable du génocide au Rwanda. C'est ce système agonisant et de plus en plus barbare que la classe ouvrière doit détruire. Seule la révolution communiste est en mesure d'empêcher définitivement l'éclatement d'autres Rwanda et la généralisation de nouveaux génocides.
T.Depuis le début de l'année, la population et la classe ouvrière haïtienne sont à nouveau la proie d'affrontements meurtriers entre les bandes armées du président Aristide, les "chimères", et les clans rivaux de l'opposition avec à leur tête un trafiquant de drogue, ex-commissaire de police, Guy Philippe. Ayant conquis les villes du Nord de l'île, l'opposition armée a attaqué la capitale Port-au-Prince. Après plusieurs jours d'émeutes sanglantes et de pillages, les gouvernements américains et français, qui soutenaient l'opposition haïtienne, se sont empressés, avec la bénédiction de l'ONU, d'envoyer plusieurs milliers de soldats dans cette partie des Caraïbes pour chasser le clan Aristide du pouvoir et rétablir, nous dit-on, "l'ordre démocratique, la paix civile et protéger la population".
Aujourd'hui le prêtre des bidonvilles, Aristide, impliqué
lui aussi dans le lucratif trafic de drogue, autant corrompu que les
autres figures de la classe bourgeoise haïtienne est à nouveau
lâché par ses parrains américains et français.
Malgré les protestations de l'Afrique du Sud, de la Communauté
des Caraïbes et de parlementaires démocrates américains
qui réclament à cor et à cri une enquête
internationale sur l'éviction anti-démocratique subie
par leur "poulain", les Etats-Unis n'ont de cesse de taper
du poing sur la table pour rappeler aux uns et aux autres que c'est
eux qui décident. Une fois de plus, l'intervention militaire
n'a pas pour objectif de rétablir la "paix civile",
mais, contrairement à ce qu'ils prétendent, et malgré
les félicitations que s'adressent mutuellement Bush et Chirac
pour leur excellente coopération en Haïti, le seul point
sur lequel ces gangsters sont d'accord, c'est le fait qu'il fallait
intervenir militairement. Pour le reste, on a vu que c'est la concurrence
qui domine et le chacun pour soi comme seule politique mise en oeuvre,
même si cela génère encore plus de chaos et de massacres
pour la population civile. Chacun va tenter d'user de son influence
pour mettre au gouvernement des hommes acquis à sa cause. Pour
le moment, dans cette rivalité impérialiste, il semblerait
que les Etats-Unis aient pris l'avantage :"En sonnant la fin de
la partie pour Guy Philippe, qu'ils avaient pourtant soutenu, les Etats-Unis
s'imposent comme les seuls maîtres du jeu en Haïti. Ils ont
chassé Aristide, fait céder ses opposants armés,
désigné des proches dans les secteurs clés de l'administration.
Et, de surcroît, ils ont exclu la France du dénouement
de la crise dans laquelle Paris avait jusqu'alors joué un rôle
de premier plan" (Libération du 5 mars).
L'intervention militaire en Haïti démontre une fois de plus
l'aggravation des tensions militaires entre les grandes puissances et
le caractère irrationnel du point de vue économique de
ces opérations de police. La dispute entre la Maison Blanche
et l'Elysée pour la "dépouille" d'Haïti
met en exergue ce que défend le CCI sur l'aspect de plus en plus
irrationnel des tensions et guerres dans le capitalisme. "La guerre
n'est plus entreprise pour des raisons économiques ni même
pour des objectifs stratégiques organisés mais comme des
tentatives de survie à court terme, localisées et fragmentées
aux dépens des autres" ("Résolution sur la situation
Internationale", Revue internationale n°102). Le semblant de
gouvernement que tente de mettre sur pied la bourgeoisie américaine
ne devrait pas résister longtemps aux guerres fratricides des
différents clans haïtiens, si bien que l'on peut se demander
si Haïti ne va pas être un nouveau bourbier pour l'Oncle
Sam, d'autant plus que les rivalités avec la France et les autres
puissances concurrentes ne peuvent que s'accentuer. Ainsi va le capitalisme.
Sous prétexte de démocratie et d'humanisme, il exacerbe
en réalité les contradictions impérialistes, alimente
le chaos et plonge la population et le prolétariat dans le dénuement
le plus total.
La dernière
semaine de janvier, une grève impliquant 8 000 ouvriers éclatait
dans les usines Land Rover, à Solihull. C'était la première
lutte depuis seize ans dans cette entreprise. Elle avait été
précédée, une semaine auparavant, par la constitution
d'un piquet de grève massif de 900 ouvriers, dont des membres
des syndicats TGWU, GMB et Amicus. La même semaine, une grève
de deux jours aurait dü être suivie par plus de 100 000 employés
des services publics, leur première grève nationale depuis
17 ans. Mais le syndicat PCS a annulé au dernier moment le mot
d'ordre de grève pour la grande majorité d'entre eux (ceux
du secteur Travail et Pensions), laissant partir en grève les
seuls employés des plus petits départements. Avant cela,
il y avait eu dans ce secteur une grève "sauvage" en réaction
à un projet de "réforme" du DWP (Department
of Work and Pensions) que les ouvriers ne pouvaient que rejeter.
Dans les mois qui ont précédé, rien que pour la
Grande-Bretagne, on pouvait recenser les mouvements suivants : les grèves
"non officielles" dans les postes en novembre et décembre;
la grève en septembre de 2000 ouvriers des chantiers navals du
Humberside pour soutenir la lutte des travailleurs intérimaires
de l'entreprise ; celle des employés du secteur public du département
"Travail et Pensions", et la grève sauvage des employés
de British Airways à l'aéroport d'Heathrow. La reprise
de la combativité est un phénomène international
dont les grèves et manifestations en France et en Autriche contre
les attaques visant les retraites avaient constitué une illustration.
La colère des ouvriers est suscitée par les attaques nombreuses
et simultanées qu'ils subissent partout. Les employés
des services publics ont reçu des propositions de hausses salariales
allant de 0,5 à 2,8%, en fonction du secteur, dérisoires
en regard de l'augmentation du coût de la vie. Les employés
de Land Rover ont rejeté une offre d'augmentation de 6% des salaires
sur deux ans (soit moins de 3% par an). Les syndicats et la direction
des entreprises ayant jusqu'alors négocié des accords
crapuleux contre les ouvriers, la réponse de la classe ouvrière
aux différentes attaques indique un changement d'état
d'esprit, une maturation qui s'est opérée au son sein.
Ceci est dû en partie au fait que, depuis trente ans de crise
économique ouverte, les promesses sur la sortie du tunnel n'ayant
rien donné, il n'existe plus guère d'espoir dans la possibilité
d'une future reprise. Mais le plus important est la nature des attaques
qui laisse peu de place pour des illusions sur le capitalisme. Le démantèlement
des "amortisseurs sociaux" de l'Etat providence, en même
temps que l'intensification de l'exploitation dans les usines, les bureaux,
les hôpitaux, etc. et l'augmentation du chômage massif (près
de 5 millions de chômeurs en Allemagne, soit 10% de la population
ouvrière, des niveaux de licenciements aux Etats-Unis inconnus
depuis des décennies, la perte de 800 000 emplois industriels
en Grande-Bretagne depuis 1997, etc.) mettent la classe ouvrière
face à la sinistre réalité du capitalisme : soit
s'épuiser au travail pour produire la plus-value, soit sombrer
dans la misère. En effet, la perte de confiance dans la capacité
du capitalisme à offrir une perspective alimente la combativité
croissante à laquelle on assiste aujourd'hui.
Le CCI a décrit la situation actuelle comme constituant un tournant
de la lutte de classe, où l'on voit se développer les
conditions qui vont permettre au prolétariat de retrouver et
renforcer son identité de classe, son sentiment d'appartenir
à une classe ayant des intérêts communs à
défendre. C'est la base de toute solidarité de classe
et ce sera la base pour que, dans le futur, les luttes puissent s'élever
à un niveau supérieur à travers leur extension
et leur unification. Cette identité de classe doit se développer
contre les campagnes idéologiques sur la fin de la lutte de classe,
sur la possibilité d'un "monde alternatif" au sein
du capitalisme, et aussi contre les efforts de la bourgeoisie pour diviser
les ouvriers, en particulier de la part des syndicats. La grève
dans le service public constitue une claire illustration de cette nécessité.
D'abord, l'Etat a divisé les ouvriers par service, chacun avec
de légères différences dans l'échelle des
salaires, et dans l'attribution des augmentations, bien que les différences
réelles soient peu significatives puisqu'une majorité
d'ouvriers gagne moins de 15 000 livres par an et que, parmi ceux-là,
des milliers gagnent moins de 10 000 livres par an. Cela a donné
l'opportunité au syndicat PCS, prétendument "intraitable",
avec Mark Serwotka à sa tête, d'annuler l'appel à
la grève dans la majorité des services suite à
une petite modification dans les propositions de la direction.
Il y a de nombreux autres exemples de ce type de division de la classe
ouvrière : division entre les nombreuses compagnies ferroviaires,
entre les différents emplois et même entre les différents
syndicats. Dans les écoles de Londres, les salariés en
conflit avec le même employeur sur la question des indemnités
de logement dans la capitale ont été appelés par
les syndicats à franchir les piquets de grève des autres
syndicats. Et cela ne concerne pas seulement les petites luttes et les
grèves en Grande-Bretagne puisque l'énorme mobilisation
contre l'attaque sur les retraites en France au printemps 2003 a été
confrontée aux mêmes tactiques : en premier lieu l'attaque
visait de façon massive le secteur de l'éducation, ensuite
une partie de cette attaque concernait spécifiquement une minorité
d'employés (psychologues, conseillers d'éducation et autres
travailleurs spécialisés) de façon à créer
des divisions dans ce secteur de la classe ouvrière. Les syndicats
ont poursuivi ce travail de sabotage en maintenant une partie de la
classe ouvrière hors de la lutte et en poussant une autre partie
à s'y engager à fond. Enfin, ils ont appelé à
la grève générale à la fin, lorsque le mouvement
s'était retrouvé totalement épuisé. "On
en revient donc aujourd'hui à un schéma beaucoup plus
classique dans l'histoire de la lutte de classes : le gouvernement cogne,
les syndicats s'y opposent et prônent l'union syndicale dans un
premier temps pour embarquer massivement des ouvriers derrière
eux et sous leur contrôle. Puis le gouvernement ouvre des négociations
et les syndicats se désunissent pour mieux porter la division
et la désorientation dans les rangs ouvriers. Cette méthode,
qui joue sur la division syndicale face à la montée de
la lutte de classe, est la plus éprouvée par la bourgeoisie
pour préserver globalement l'encadrement syndical en concentrant
autant que possible le discrédit et la perte de quelques plumes
sur l'un ou l'autre appareil désigné d'avance. Cela signifie
aussi que les syndicats sont à nouveau soumis à l'épreuve
du feu et que le développement inévitable des luttes à
venir va poser à nouveau le problème pour la classe ouvrière
de la confrontation avec ses ennemis pour pouvoir affirmer ses intérêts
de classe et les besoins de son combat." (Revue Internationale
n° 114)
La tactique consistant à diviser les ouvriers est normale pour
les syndicats, c'est ce qu'ils ont fait de façon très
efficace au service de la bourgeoisie depuis qu'ils ont été
intégrés à l'Etat au début du vingtième
siècle. Aujourd'hui les ouvriers doivent retrouver leur identité
de classe contre cette tactique, contre l'idée qu'ils devraient
se concevoir comme membres de tel ou tel syndicat, comme employés
du DWP (Department of Work and Pensions), ou de toute autre branche
du service public, comme enseignants ou techniciens, au lieu de se concevoir
d'abord et avant tout comme membres de la classe ouvrière avec
des intérêts communs.
Dans les circonstances actuelles, il ne faut pas s'attendre à
des luttes se dégageant spontanément des syndicats ; nous
n'attendons pas de ces dernières qu'elles soient capables d'éviter
les pièges tendus par la classe dominante ; beaucoup d'entre
elles tomberont dans la provocation. Ce qui importe, c'est que toutes
les tactiques planifiées de la classe dominante (gouvernement,
patrons et syndicats) visant à provoquer et à diviser
les ouvriers ne puissent empêcher la combativité croissante
qui se développe aujourd'hui. Ce lent développement des
luttes ouvrières porte en lui la potentialité d'un renforcement
de l'identité de classe, condition pour que la classe ouvrière
commence à tirer les leçons de toutes les expériences
des batailles qu'elle a menée de la période allant de
1968 à 1989.
Le premier décembre
dernier, mettant en doute l'efficacité des grèves symboliques
des syndicats, les travailleurs des transports en Italie ont décidé
de faire grève sans respecter les "plages horaires protégées",
pendant lesquelles ils sont tenus par la loi d'assumer le service. Ils
ont recommencé le 15 décembre dans plusieurs villes, sans
respecter les consignes syndicales et en passant outre les menaces de
poursuites judiciaires. Le 20 décembre et les jours suivants,
ils se sont mis spontanément en grève contre l'accord
bidon que les syndicats avaient signé avec le gouvernement. Celui-ci
prévoyait une augmentation de 80 Euros au lieu des 106 dus au
titre de la plate-forme contractuelle (rattrapage de la perte du pouvoir
d'achat due à l'inflation officielle, bien inférieure
à l'inflation réelle) et 600 Euros d'arriérés
(destinés à rattraper le manque à gagner sur toute
la période pendant laquelle aucun accord n'avait été
renégocié) alors que ceux-ci s'élevaient en réalité
à plus de 2000 Euros.
Pour désamorcer le mouvement, un accord complémentaire
a alors été signé avec l'ATM de Milan, concédant
pour les ouvriers de cette entreprise l'octroi des 25 Euros manquants,
en contrepartie d'une plus grande flexibilité du travail. En
faisant une concession à une partie des grévistes, ceux
qui en fait avaient été à l'initiative de la grève,
il s'agissait pour la bourgeoisie et ses syndicats de diviser le mouvement.
Pendant cette même période, la CGIL tenait des assemblées
avec ses adhérents, pour les convaincre des avantages de l'accord
signé et aussi pour tenter de les intimider en mettant en avant
tous les risques d'une grève faite en dehors des règles
de la législation en vigueur.
Cependant, ce sont les syndicats de base (les Cobas) qui ont effectué
le travail le plus efficace contre la lutte du fait de la confiance
que les ouvriers conservaient vis-à-vis d'eux. En effet, ils
n'avaient pas eu à jouer un rôle de premier plan dans la
participation aux négociations stériles précédentes
ni dans la programmation de grèves bidon (sept au total) pour
"appuyer" les négociations en question ; et surtout,
ils avaient été les seuls à ne pas condamner les
grèves spontanées des semaines précédentes.
Ils ont ainsi pu se présenter comme ceux qui allaient continuer
la lutte alors que dans la réalité ils ont œuvré
efficacement à ce que les ouvriers cessent leur mouvement.
Ils ont commencé par appeler à une grève pour le
9 janvier, au plus mauvais moment pendant la sacro-sainte trêve
des vacances de Noël, dans le but de faire baisser la tension.
Ils ont alors veillé au strict respect de la réglementation
du droit de grève, ce qui leur a valu les félicitations
du journal de Rifondazione Comunista, Liberazione qui, le 10 janvier,
parlait de la grève en ces termes : "totale responsabilité
des travailleurs qui ont assuré, sans exception aucune, les plages
horaires garanties". Ayant ainsi gagné du temps, les Cobas
ont immédiatement lancé un appel pour une nouvelle grève
le 26 janvier, qui fut ensuite repoussée au 30 janvier. Mais
ils ont alors appelé les traminots à Milan, et seulement
eux, à choisir une autre date afin que leur mobilisation ne coïncide
pas avec celle des chauffeurs de taxi dans cette ville ! Naturellement,
le travail de pompier social accompli par le syndicalisme de base a
payé comme en a témoigné la baisse de mobilisation
à l'occasion de la journée du 30 janvier. Si bien que
le mouvement s'est terminé sans que les ouvriers n'aient rien
obtenu de substantiel. Mais il y a bien évidemment toute une
série de leçons qui devront être tirées par
les ouvriers. C'est la volonté de se battre vraiment qui a fait
que les travailleurs ont été contraints d'aller au delà
des consignes syndicales et leur a permis de ne pas se laisser intimider
par toutes les menaces de dénonciation et de sanctions. Les travailleurs
de ce secteur ont su mettre en pratique, dans la lutte, ces qualités
essentielles du combat de classe que sont la solidarité et l'unité.
Mais, dans le même temps, l'isolement au sein d'un secteur spécifique
s'est avéré constituer la plus forte limite du mouvement,
qui en a considérablement réduit l'impact sur l'ensemble
de la classe ouvrière.
En même temps, ce mouvement a montré la véritable
nature des syndicats, qu'ils soient "classiques" et "responsables"
ou bien "de base", celle de saboteurs de la lutte ouvrière.
Le syndicalisme est-il une arme de la classe ouvrière ?
Né des convulsions qui déchirent la CNT-AIT française depuis plusieurs années, le Groupement d'Action et de Réflexion Anarcho-syndicaliste (GARAS)[1] [403] publie depuis janvier 2002 une "Lettre de liaison" . Il rassemble des éléments qui font le constat de "l'échec de la CNT-AIT à résoudre ses problèmes internes, comme à être utile dans la lutte contre la classe dominante" et ont décidé de "préparer l'après CNT" [2] [404] Convaincus qu'"aujourd'hui aucun groupe essayant de mettre en œuvre une pratique syndicale efficace en rupture avec le capitalisme n'arrive réellement à ses fins" , il se propose d'aborder les problèmes qui se posent " aux révolutionnaires sincères qui veulent agir au niveau syndical et promouvoir l'auto-organisation des luttes"[3] [405]. Son but affirmé est de "mettre en place une confédération anarcho-syndicaliste sur des bases claires"[4] [406]. L'article ci-dessous s'inspire en grande partie d'un texte adressé par le CCI il y a quelques mois au GARAS, lequel se déclarait "preneur de toute contribution à [sa] feuille". Il vise à montrer que le syndicalisme n'est pas une voie que peut emprunter la classe ouvrière pour développer son combat.
Le GARAS se donne comme objectif de promouvoir des méthodes de luttes " en rupture avec le capitalisme " et d'agir en faveur de "l'auto-organisation des luttes". Nous ne doutons pas de la sincérité de ces éléments, mais ce qu'ils ne comprennent pas c'est que pour rompre avec le capitalisme et favoriser l'auto organisation des luttes, il faut justement rompre avec le syndicalisme et non pas revendiquer un syndicalisme "efficace". Toute l'histoire du 20e siècle a montré que la forme syndicale non seulement n'est plus adaptée au besoins de la lutte de classe dans la période de décadence du capitalisme, mais que les syndicats sont devenus un rouage de l'Etat bourgeois visant à encadrer la classe ouvrière, saboter ses luttes et leur auto-organisation par les ouvriers eux-mêmes. Ce que ne comprennent pas les anarcho-syndicalistes, c'est que la classe ouvrière ne peut réformer les syndicats, les transformer en organe de lutte révolutionnaire en critiquant leur bureaucratie. Mais pour pouvoir comprendre la nature bourgeoise des syndicats et de l'idéologie syndicaliste en général, les éléments qui, comme le GARAS, veulent mener une activité révolutionnaire, ne peuvent faire l'économie de se réapproprier les leçons de l'histoire du mouvement ouvrier.
Ne pas se référer à l'histoire de
notre classe, et notamment de la vague révolutionnaire mondiale des années
1920, point le plus élevé atteint par sa lutte, constitue une importante erreur
de méthode interdisant toute clarification. L'examen des leçons léguées par
cette expérience nous enseigne non seulement que l'outil de la transformation
sociale dont se dote le prolétariat pour s'ériger en classe révolutionnaire
n'est pas le syndicalisme, mais les conseils ouvriers, de même que syndicalisme
et révolution s'excluent désormais totalement.
Comme l'Internationale Communiste l'affirme en 1919 : "(…) le prolétariat doit créer son propre
appareil pour (…) lui assurer la possibilité d'intervenir de manière
révolutionnaire dans le développement de l'humanité. Cet appareil, ce sont les
conseils ouvriers. Les vieux partis, les vieilles organisations syndicales se
sont montrées incapables en la personne de leurs chefs de comprendre les tâches
imposées par l'époque nouvelle et a fortiori de la résoudre. Le prolétariat a
créé un appareil qui englobe l'ensemble de la classe ouvrière, indépendamment
du métier et de la maturité politique, un appareil souple capable de se
renouveler en permanence, de s'élargir, d'entraîner dans sa sphère des couches
nouvelles. (…) Cette organisation, irremplaçable, du gouvernement de la classe
ouvrière par elle-même, de sa lutte et aussi de la conquête du pouvoir d'Etat[5] [407] a été mise dans
différents pays à l'épreuve de l'expérience. Elle constitue la conquête la plus
importante et l'arme la plus puissante du prolétariat à notre époque. (…) C'est
au moyen des conseils que la classe ouvrière parviendra le plus sûrement et le
plus facilement au pouvoir, dirigera tous les domaines de la vie économique et
culturelle (…)"[6] [408]. Les conseils ouvriers
sont "ce que la révolution ouvrière met à la place de la démocratie
bourgeoise ;(…) la forme de transition du capitalisme au socialisme, la forme
de la dictature du prolétariat"[7] [409].
L'autre leçon fondamentale tirée de la révolution, formulée par le Parti
Communiste Ouvrier d'Allemagne (KAPD) dans son programme en mai 1920, c'est que
les syndicats et les formes de luttes qui s'y rattachent ont cessé d'être une
arme pour le prolétariat. Au contraire, les syndicats s'intègrent à l'Etat
capitaliste pour devenir le fer de lance de la contre-révolution. "Les syndicats forment le principal rempart
contre le développement de la révolution prolétarienne en Allemagne. (…) Leur
influence décisive sur l'orientation principielle et tactique du vieux parti
social-démocrate conduisit à la proclamation de "l'union sacrée" avec
la bourgeoisie allemande, ce qui équivalait à une déclaration de guerre au
prolétariat international. Leur efficacité social-traître trouva sa
continuation logique lors de l'éclatement de la révolution de novembre 1918 en
Allemagne : (…) Les syndicats sont ainsi, à côté des fondements bourgeois, l'un
des principaux piliers de l'Etat capitaliste. (…) Cette formation
contre-révolutionnaire ne peut être transformée de l'intérieur. La
révolutionnarisation des syndicats n'est pas une question de personnes : le
caractère contre-révolutionnaire de ces organisations se trouve dans leur
structure et dans leur système spécifique eux-mêmes : cela entraîne la sentence
de mort pour les syndicats ; seule la destruction même des syndicats peut
libérer le chemin de la révolution sociale en Allemagne. L'édification
socialiste a besoin d'autre chose que de ces organisations fossiles."
Ces leçons tirées au cours même de
l'affrontement révolutionnaire ont été amplement confirmées par la suite. A la
base de l'organisation des ouvriers en conseils se trouvent les assemblées
générales souveraines qui décident des moyens et des orientations de la lutte
et qui élisent sur des mandats précis des comités de grèves, constitués de
délégués révocables et chargés de faire appliquer les décisions de l'assemblée
générale. C'est la forme que prend spontanément la lutte ouvrière dans la
période de décadence du capitalisme, y compris dans les périodes où la classe
ouvrière n'est pas suffisamment forte pour s'organiser en conseils. Dans cette
période historique, les luttes de résistance de la classe ouvrière tendent
spontanément à s'élargir aux autres secteurs, à développer leur unification, à
faire éclater leur contenu révolutionnaire en mettant en question l'existence
même du système d'exploitation en s'affrontant à l'Etat capitaliste. En ce
sens, la révolution communiste constitue l'aboutissement ultime, et le seul
conséquent, des luttes revendicatives et de défense de ses conditions de vie
par le prolétariat.
La bourgeoisie ne laisse pas le champ libre à de telles tendances au sein de la
classe ouvrière et les combats en permanence justement à travers l'action des
syndicats. Aucun mouvement d'ampleur de la classe ouvrière depuis le début du
20e siècle ayant conduit à l'édification d'un rapport de force face à la
bourgeoisie n'a été permis par l'organisation des ouvriers au sein de
syndicats. Au contraire, de tels mouvements ont toujours eu à se confronter aux
syndicats, instruments indispensables du contrôle social par la bourgeoisie.
La révolution russe et la vague
révolutionnaire mondiale ont montré que les assertions de Malatesta, selon
lesquelles "une entente entre tous
les ouvriers qui luttent pour leur émancipation ne peut avoir lieu que sur le
terrain économique (…)" et que "l'action politique, parlementaire ou
révolutionnaire du prolétariat, est également impuissante tant que celui-ci ne
constitue pas une puissance économique organisée et consciente"[8] [410] sur
lesquelles les syndicalistes révolutionnaires fondent les principes de leur
action, désarment complètement la classe ouvrière.
Dans sa lutte vers la prise du pouvoir en Russie, le prolétariat n'a pas eu
besoin de "syndicats révolutionnaires". Ceux-ci n'ont alors joué
aucun rôle entre février et octobre 1917. C'est d'un parti politique que le
prolétariat a besoin[9] [411].
Ensuite, la lutte que se livrent les conseils et l'Etat capitaliste dans la
période de dualité des pouvoirs, lutte éminemment politique dont l'enjeu est la
prise du pouvoir par l'insurrection prolétarienne ou la réduction à néant du
mouvement révolutionnaire, signe la faillite de la tactique de la grève
générale : elle "peut être un coup
dur pour la clique gouvernante l'obligeant à faire telle ou telle concession,
mais elle n'est pas en mesure de démolir tout le régime d'une classe"[10] [412].
Lors du mouvement de grèves révolutionnaires en Italie en 1920, l'expropriation
des usines et leur autogestion, sans se préoccuper de la prise du pouvoir
politique, n'ont pas eu pour résultat la conquête de la société à partir des
positions investies dans les usines, mais au contraire l'émiettement de la
force de frappe de la classe ouvrière, son asphyxie dans l'isolement, puis la
répression étatique.
En niant la nécessité de l'organisation politique (avec l'argument que "les
partis corrompent et trahissent") et en limitant l'organisation du
prolétariat au domaine économique, le syndicalisme révolutionnaire fait
obstacle à son affirmation politique contre la classe dominante. En donnant la
primauté à l'organisation locale, l'autogestion économique et le fédéralisme
politique, le syndicalisme révolutionnaire reproduit les divisions entre les
secteurs de la production capitaliste. Il tend ainsi naturellement, de par ses
principes mêmes, à s'opposer aussi bien à la prise du pouvoir par la classe
ouvrière, qu'à l'exercice de sa dictature par les conseils.
Le syndicalisme révolutionnaire a
effectivement représenté une expression authentique de la classe ouvrière au
début du 20e siècle. Mais il n'a pas connu un sort différent des
autres formes du syndicalisme : celui de se transformer en instrument
contre-révolutionnaire aux mains de l'Etat capitaliste.
En dépit de sa radicalité en paroles, la CGT syndicaliste révolutionnaire
trahit le prolétariat en 1914, et passe à la bourgeoisie en appelant à l'union
sacrée.
Lors de la guerre civile en Espagne, en 1936-37, la mise en pratique des
principes de l'anarcho-syndicalisme par la CNT l'a conduit directement dans le
camp de la bourgeoisie contre la classe ouvrière.
Alors que les bolcheviks mettaient en avant à partir d'avril 1917 la
destruction de l'Etat capitaliste bourgeois par les conseils ouvriers, l'"apolitisme"
de la CNT, face aux campagnes idéologiques antifascistes, l'amène à la
capitulation devant l'Etat bourgeois : elle choisit la défense de la démocratie
bourgeoise républicaine contre Franco, sacrifiant l'autonomie politique de la
classe ouvrière[11] [413]. Le réformisme radical de
"l'autogestion" et des "collectivités anarchistes" forme un
puissant moyen d'enfermement des ouvriers dans leur usine, leur région ou leur
localité pour empêcher toute confrontation directe avec l'Etat.
Alors que les bolcheviks refusaient tout compromis avec la bourgeoisie, la CNT
entre dans le gouvernement catalan, puis dans celui de Madrid, proclamant
qu'avec sa présence "le gouvernement
en tant qu'instrument régulateur des organes de l'Etat, a cessé d'être une
force d'oppression contre la classe ouvrière ; l'Etat ne représente déjà plus
l'organisme qui divise la société en classes. Tous deux cesseront
définitivement d'opprimer le peuple si des membres de la CNT interviennent dans
ces organes.[12] [414]"
En Russie en 1917, le prolétariat et les bolcheviks transforment la guerre
impérialiste en guerre civile : en Espagne, la CNT s'unit aux socialistes de
l'UGT et aux forces démocrates du Front Populaire pour détourner les ouvriers
de leur lutte de classes et les envoyer servir de chair à canon sur les champs
de bataille, participant à l'embrigadement du prolétariat mondial dans la
Seconde guerre mondiale au nom de l'antifascisme.
La défense du syndicalisme par le
GARAS et son inclination à créer une nouvelle fédération anarcho-syndicaliste
procèdent directement de sa vision non prolétarienne de la révolution. Dans
l'éther azuré de la perspective de la construction de la société "communiste au sens non marxiste du terme"[13] [415]., il n'est nullement question de
l'action des classes (prolétarienne ou bourgeoise), ni de l'Etat capitaliste
qu'il faut briser, ni de l'élimination des lois économiques du système
capitaliste à l'échelle mondiale : "Nous
désirons une gestion et une propriété collective des moyens de production
puisque la production bénéficie à tout le monde (…) Rien ne doit entraver
l'épanouissement individuel et la volonté de participer réellement à la vie. A
chacun de participer, s'il le souhaite, à la vie de son quartier, de sa ville,
de son village… A chaque travailleur de participer à l'organisation de la
production : puisque personne ne travaille à notre place, que personne ne
décide à notre place. Nous sommes également attachés à la liberté d'association
ou non à un groupe, du moment qu'aucun individu ou groupe ne devienne nuisible
aux autres par ses actes." [14] [416].
Le GARAS calque sa vision du communisme "libertaire" sur le modèle de
la révolution bourgeoise où cette nouvelle classe exploiteuse pouvait alors
développer au sein même des rapports féodaux ses libertés locales face au
pouvoir royal dans le cadre des communes médiévales "libres" , avant
de renverser la monarchie ou de passer des compromis avec des parties de
l'ancienne classe dominante féodale. La révolution dont il parle n'est qu'une
réorganisation collective de la production au sein de la société actuelle ne
nécessitant pas la destruction préalable du système capitaliste et de l'Etat.
Elle se fonde sur de petites communautés soudées par la rigueur morale de ses
membres donnant l'exemple et séparées les unes des autres par leur "autonomie".
Les éléments du GARAS ne peuvent que trouver dans le syndicalisme le support et le débouché "naturel" à leurs perspectives "révolutionnaires", influencées et inspirées par l'idéologie dominante. En effet le syndicalisme, reproduisant les divisions sectorielles de branches imposées par la production capitaliste, va comme un gant aux propositions anarchistes des communes ou groupes de production autonomes. Il s'adapte parfaitement aux illusions du réformisme radical anarchiste, négateur de la politique, concevant la possibilité d'une transformation sociale gradualiste à petit pas, en se basant sur le plan économique. Et voici résolu le mystère sur lequel le GARAS se casse les dents, expliquant comment anarcho-syndicalistes et syndicalistes révolutionnaires s'accommodent parfaitement du rôle de partenaires de la gestion et de la planification capitaliste en raison même de leur syndicalisme. Celui-ci a toujours été utilisé comme instrument du capitalisme d'Etat pour soumettre la classe ouvrière aux impératifs de la production nationale depuis l'entrée en décadence du système capitaliste ! En dépit de ses dires et de ses craintes, c'est sur cette pente fatale que s'engage le GARAS.
C'est dans les fondements mêmes de l'anarcho-syndicalisme que résident les racines de son caractère nocif pour la classe ouvrière. C'est donc avec ces prémisses mêmes que les éléments formant le GARAS doivent rompre s'ils veulent être utiles à la cause du prolétariat. S'ils n'opèrent pas cette rupture avec l'idéologie syndicaliste, ils ne peuvent que servir de base "radicale" aux syndicats et apporter leur contribution au sabotage des luttes en rabattant les ouvriers derrière les forces d'encadrements capitalistes et derrière les illusions réformistes.
Scott[1] [417] GARAS C/o S. L., 4 rue d'Arcole, 72000 Le Mans
[2] [418] L'Anarcho du Val de Loire n°60
[3] [419] Lettre de Liaison n°4, juin 2003
[4] [420] Lettre de Liaison n°6, février 2004
[5] [421] Selon la vision qui prévalait alors et remise en cause par le marxisme par la suite.
[6] [422] Manifeste de l'IC aux prolétaires du monde entier, 6 mars 1919
[7] [423] Lénine, Lettre à S. Pankhurst, septembre 1919.
[8] [424] Manifeste des anarchistes au congrès de la IIe Internationale, Londres, 1896.
[9] [425] Voir notre Revue Internationale n°17.
[10] [426] Préobrajenski, Anarchisme et Communisme.
[11] [427] "La lutte contre le fascisme sur les fronts de bataille se terminera bientôt parce que nombreuses sont les forces que nous mettons en jeu (…) L'Espagne grande, l'Espagne productrice, l'Espagne vraiment rénovatrice, c'est nous qui la faisons, républicains, socialistes, communistes et anarchistes, quand nous travaillons à la sueur de notre front (…) Nous sommes tous unis dans le front de lutte, union magnifique qui a fait disparaître toutes les classes, tous les partis politiques, toutes les tendances qui nous séparaient auparavant." Discours radiodiffusé de F. Montseny, cité par La Révolution prolétarienne n° 230, septembre 1936
[12] [428] F. Montseny, 4 novembre 1936, citée dans La Révolution prolétarienne n°235.
[13] [429] Lettre de Liaison n°6, février 2004
[14] [430] Lettre de Liaison n°6, février 2004
Tout le 20e siècle a été marqué par des guerres incessantes, sur l'ensemble de la planète, dont deux guerres mondiales. Ce siècle a été un siècle de barbarie, comme aucun autre dans l'histoire de l'humanité. Nous entamons le troisième millénaire et cette barbarie non seulement continue mais prend des proportions de plus en plus destructrices. Des régions entières du globe sont entrées dans la guerre et n'en sortent plus. Des générations entières n'ont jamais connu que la guerre. Cette situation ne laisse pas la classe ouvrière indifférente. Des questionnements émergent, et ils sont légitimes. On doit en effet se poser certaines questions. Alors qu'en 1989 la bourgeoisie nous a promis l'avènement définitif de la paix, c'est le contraire qui s'est passé : il y a de plus en plus de guerres. Pourquoi ? Qu'est-ce qui motive cet investissement incroyable des Etats dans l'armement, qu'est-ce qui préside à tant de dépenses pour faire la guerre ? La bourgeoisie est-elle obligée de faire la guerre pour défendre ses intérêts ? Quel est le résultat de la guerre ? la guerre a-t-elle une rationalité du point de vue du capitalisme ? Que peut faire la classe ouvrière face à la guerre ? Faut-il parfois les soutenir, ou au contraire toutes les dénoncer ? Ces questions sont avant tout motivées par l'immense battage médiatique qui accompagne chaque campagne de guerre de la bourgeoisie : beaucoup d'explications se bousculent, beaucoup de bonnes volontés se font jour… mais malgré tout ça, la guerre continue, elle empire, elle tue et elle détruit.
La question de la guerre n'est pas une récente découverte pour le mouvement ouvrier. Déjà, vers la fin du 19e siècle, devant la concurrence de plus en plus aiguë entre grandes nations d'Europe, les révolutionnaires se posaient la question de la perspective de la guerre. Face à l'évolution qui se dessinait d'un capitalisme de plus en plus prisonnier de ses contradictions insurmontables, le mouvement ouvrier avec Engels à sa tête, avait clairement annoncé que la perspective serait, désormais, "Socialisme ou Barbarie". Pendant le congrès socialiste de Paris, au début du 20e siècle, Rosa Luxembourg avait fait une intervention d'une grande clairvoyance dans laquelle elle avait prévu comme possibilité que la première grande manifestation de la faillite du capitalisme pourrait être non pas la crise économique aiguë mais d'abord l'explosion de la guerre impérialiste. Et c'est ce qui s'est produit. La bourgeoisie ne manque pas de ressources pour expliquer pourquoi elle envoie des pluies de bombes sur des populations, pourquoi elle consacre des parts toujours plus importantes de ses budgets pour inventer et fabriquer des armes toujours plus destructrices.
A quelques nuances près, on peut assez facilement faire un
inventaire exhaustif de ces explications : le pétrole, bien sûr,
et plus largement les matières premières ; mais aussi
la religion, la défense de la démocratie, la maîtrise
de fous dangereux, la lutte contre le terrorisme, le respect du droit
international, celui des droits de l'homme, la poursuite d'un but humanitaire,
ou tout simplement, quand tout a été passé en revue,
la nature humaine, qui veut que, comme disait Victor Hugo, "Depuis
six mille ans, la guerre plaît aux peuples querelleurs. Et Dieu
perd son temps à faire les étoiles et les fleurs ".
La poésie a son charme, mais plus encore que la philosophie,
elle échoue à transformer le monde. La guerre est-elle
inhérente à la nature humaine ? L'homme aime-t-il tant
se battre ? L'humanité est-elle condamnée à engendrer
des esprits malades dont la folie incontrôlable finira toujours
par mettre le feu aux poudres, et ne pourra être contenue que
par les armes ? En tant que marxistes, nous rejetons fermement cette
explication.
Il est vrai de dire que la guerre fait partie de l'histoire des civilisations,
mais ce n'est pas une raison qui ferait que la guerre devrait être
un phénomène éternel. La guerre fait partie de
l'histoire des civilisations parce que depuis qu'elle est sortie du
communisme primitif, l'humanité n'a connu que des sociétés
divisées en classes, c'est-à-dire des sociétés
de pénurie et de concurrence, y compris bien sûr dans le
capitalisme.
Dès sa naissance le capitalisme a connu la guerre : guerres d'unification
allemande en 1866 et germano-française en 1871, guerre d'unification
aux Etats-Unis entre 1861 et 1865, et également les guerres coloniales.
Mais cette situation a pris un tournant qualitatif avec l'entrée
dans le 20e siècle. Le 20e siècle a connu deux guerres
mondiales, qui ont eu leur théâtre au cœur même
des grandes nations capitalistes. Elles ont vu des millions de prolétaires
s'entretuer sous l'uniforme et surtout elles ont vu des destructions
comme jamais on ne l'avait vu dans toute l'histoire de l'humanité
: morts de millions de civils sous les bombardements conventionnels
ou nucléaires, déportations et génocides de populations,
destruction de pans entiers d'infrastructures économiques. Depuis
la Seconde Guerre mondiale, la guerre n'a pas cessé une seule
seconde sur la planète. Elle a touché tous les continents,
semant la mort et la destruction.
Il nous faut donc constater que la guerre menace de plus en plus l'humanité.
Si la guerre au 20e siècle prend une telle ampleur, c'est que
le capitalisme est arrivé à un stade ultime de son évolution.
Les guerres du siècle précédent jalonnaient un
capitalisme en pleine expansion. Elles permettaient la poursuite du
développement du capitalisme dans le cadre de structures nationales
plus solides, comme la guerre de sécession aux Etats-Unis ou
encore permettaient la conquête de nouveaux marchés, comme
dans le cas des guerres coloniales.
La Première Guerre mondiale, qui a marqué les prolétaires
par sa barbarie et par son horreur, manifeste une rupture avec les guerres
du siècle précédent. Désormais, l'objectif
n'est plus de permettre au capitalisme de poursuivre son développement
mais de voler les marchés des nations concurrentes, de les affaiblir
et de s'emparer de positions stratégiques qui permettent d'imposer
sa force face à elles. Cela sanctionne l'entrée du capitalisme
dans sa période de décadence. Le capitalisme ne trouvant
plus de nouveaux marchés à conquérir, alors qu'il
est capable de produire beaucoup plus que les marchés solvables
ne sont capables d'acheter, un cycle d'autodestruction commence.
Du point de vue capitaliste, la décadence se traduit dans une
fuite éperdue dans la guerre. Comme disait Hitler : "Exporter
ou mourir" ! Pour ces guerres, des ressources gigantesques deviennent
nécessaires. Avec la décadence du capitalisme tout le
potentiel économique est tendu vers la guerre, les budgets militaires,
les productions de guerres deviennent gigantesques. Tout progrès
technique, toute recherche scientifique, toute découverte est
sous-tendu par un but guerrier.
Il y a donc une profonde différence entre les guerres de la période
d'ascendance et celles de la période de décadence du capitalisme.
Une différence pas seulement quantitative, mais aussi qualitative.
Cela montre que le concept de décadence est incontournable si
nous voulons comprendre la nature de la guerre dans le capitalisme,
et surtout, nous devons comprendre que les guerres dans la période
de décadence sont fondamentalement irrationnelles du propre point
de vue capitaliste.
Quand nous parlons d'irrationalité, nous ne posons pas la question
d'un point de vue moral, mais bien en tant que marxistes, d'un point
de vue matérialiste et objectif. Avec la décadence du
capitalisme les marxistes ont caractérisé les guerres
du capitalisme comme des guerres impérialistes. Tous les pays
sont impérialistes des plus grands au plus petits, tous ont un
budget militaire et une armée, avec l'aide d'un plus grand ou
non. Mais tous rêvent de conquérir ou de détruire
leur voisin, ou d'avoir une influence particulière dans une région,
sur un continent ou sur le monde.
Tout au long de la décadence les guerres du capitalisme ont évolué.
La crise économique est permanente et irréversible. La
bourgeoisie est parfaitement incapable de résoudre cette crise
car elle ne dépend pas d'une bonne ou mauvaise gestion mais est
l'expression, prévue par le marxisme, des contradictions internes
du capitalisme qui se sont concrétisées au début
du 20e siècle pour s'aggraver continuellement jusqu'à
aujourd'hui.
Au moment de la Première Guerre mondiale, la bourgeoisie avait
l'espoir que le camp qui sortirait vainqueur de la guerre pourrait imposer
au vaincu un repartage du monde à son profit et récupérer
ainsi les marchés du vaincu. Mais cette Première Guerre
mondiale, déjà, avait démontré l'inanité,
même pour les vainqueurs, des espoirs économiques. Toutes
les nations (sauf les Etats-Unis pour des raisons particulières)
en sont sorties économiquement affaiblies, y compris dans le
camp des vainqueurs. Ce fut flagrant pour l'Angleterre notamment qui
commença alors sa chute en tant que grande puissance. Le développement
de la guerre s'est manifesté depuis, pour ce qu'il est : un pur
produit logique et inéluctable de la crise historique du capitalisme,
poussant chaque nation, à commencer par les plus grandes, à
affronter leurs concurrentes dans une fuite éperdue pour survivre.
La logique économique a de plus en plus laissé la place
à la simple recherche de positions stratégiques pour pouvoir
faire la guerre. La logique est la guerre pour la guerre. Un des exemples
les plus saisissants de cette folie est illustrée par l'URSS
qui s'est épuisée dans la course aux armements avec les
Etats-Unis, au point de voir son économie s'effondrer comme un
château de carte à la fin des années 1980. Encore
une fois, c'est en comprenant l'évolution du capitalisme et son
entrée en décadence, que l'on peut comprendre la nature
irrationnelle de la guerre aujourd'hui. Et ce n'est pas une surprise
que des groupes internationalistes, capables de dénoncer la guerre
d'un point de vue prolétarien, soient en revanche incapables
de voir l'irrationalité des guerres. En effet, ces groupes, en
particulier le BIPR et les différents groupes bordiguistes, soit
rejettent totalement le concept de décadence (les bordiguistes),
soit le remettent de plus en plus en cause (le BIPR). Et de ce fait,
si ces camarades parviennent parfaitement à prendre fait et cause
pour l'internationalisme, par contre, ils n'arrivent pas à se
défaire des explications rationnelles de la guerre, puisqu'ils
n'arrivent pas à comprendre la différence qu'il existe
entre les guerres de la décadence et celles de l'ascendance.
Au point de voir la défense d'intérêts pétroliers
dans le bourbier ex-yougoslave, en Irak ou en Afghanistan. La réalité
est pourtant bien là. Pour l'Irak par exemple, qui peut soutenir
aujourd'hui que l'intervention américaine a pour motivation principale
la production de pétrole pour enrichir les grandes compagnies
américaines ? Cela fait plus de huit mois que l'armée
américaine est en Irak et pas une seule goutte de pétrole
n'a été exportée.
Les mêmes constats s'imposent pour l'ex-Yougoslavie, pour l'Afghanistan
etc. Là-bas ne règne plus que le chaos et l'insécurité,
tout ce que le capitalisme craint le plus pour développer ses
affaires. En déchaînant la guerre, le capitalisme détruit
toujours plus le terrain sur lequel il peut évoluer : cette spirale
est celle d'une faillite, et cette faillite place sur le devant de l'histoire
la nécessaire destruction de ce système.
Sur le chemin de sa lutte historique, la classe ouvrière rencontre
la guerre impérialiste et est amenée à se questionner
et à se soulever. Depuis sa naissance, la classe ouvrière
se distingue des autres classes par son internationalisme. Le prolétariat
n'a pas de patrie. L'internationalisme est la frontière fondamentale
entre les classes.
Quand nous disons que tous les pays sont impérialistes, cela
veut dire que les prolétaires n'ont rien à gagner et tout
à perdre à défendre "leur" pays sous
prétexte qu'il serait sous la domination d'un autre. Cette idéologie
d'une nation faible agressée par un impérialisme, la bourgeoise
l'a largement répandue tout au long des guerres qui ont suivi
la Seconde Guerre mondiale, comme au Vietnam, ou aujourd'hui au sujet
de la Palestine.
Face à ces mensonges les révolutionnaires s'en sont toujours
tenus à un principe essentiel du mouvement ouvrier : l'internationalisme
prolétarien. Une des grandes leçons des révolutionnaires
défendant l'internationalisme prolétarien c'est que l'ennemi,
c'est la bourgeoisie, de "son propre" pays ou d'ailleurs.
Que peut faire la classe ouvrière aujourd'hui pour défendre
l'internationalisme ? Aujourd'hui la bourgeoisie ne mobilise plus massivement
de troupes parmi les ouvriers : la guerre devient professionnelle, même
si la pression du chômage fait endosser l'uniforme à bien
des ouvriers désespérés. Aujourd'hui, la guerre
se déclare sous des motifs plus sournois : combattre le terrorisme,
détrôner des dictateurs sanguinaires, sauver la vie de
milliers d'affamés. Mais au bout du compte, la guerre est la
même, elle défend toujours les intérêts de
la classe dominante. Le terrorisme reste dans sa grande majorité
l'arme des Etats; ceux-là même qui prétendent le
combattre ici, l'utilisent ailleurs. Les dictateurs sanguinaires sont
de la même façon déchus ici et sacrés et
protégés ailleurs. Enfin, les populations affamées
continuent de mourir de faim, car sinon elles ne légitimeraient
plus la présence des troupes.
Toutes les nations sont impérialistes, toutes les guerres doivent
être dénoncées. Mais la dénonciation ne suffit
pas, encore faut-il savoir sur quelle base on la fonde. Car la bourgeoisie
sait très bien aussi dénoncer les guerres, en utilisant
une arme dangereuse : le pacifisme. Le pacifisme n'est pas seulement
le porteur d'une utopie d'un monde capitaliste sans guerre, il est aussi
le moyen d'enrôler les ouvriers dans l'opposition à telle
ou telle guerre. Chaque fois, le pacifisme s'exprime derrière
les intérêts d'une bourgeoisie. Le pacifisme, c'est finalement
le pendant du nationalisme. C'est-à-dire le pire poison qui puisse
exister contre le prolétariat. Ce n'est pas un hasard si l'altermondialisme,
la réponse adaptée de la bourgeoisie à la montée
des questionnements dans la classe ouvrière, s'est à ce
point investi dans ce créneau, en le spécialisant dans
le chauvinisme anti-américain dont il s'est fait le plus grand
porteur.
La classe ouvrière doit donc dénoncer non pas telle ou
telle guerre, mais la guerre impérialiste, mode de vie du capitalisme
décadent. Elle doit dénoncer la guerre comme étant
l'expression de la faillite du capitalisme. Quelles que soient les formes
spécifiques que peut prendre la guerre aujourd'hui, le prolétariat,
et particulièrement celui des pays centraux, plus expérimenté,
garde intact son rôle. C'est par sa lutte contre ce système
et son déchaînement de misère et de barbarie, que
le prolétariat pourra élever sa conscience jusqu'à
remettre à l'ordre du jour de l'histoire l'alternative cruciale
: "Socialisme ou barbarie".
Fin mars, à l'issue du scrutin, la bourgeoisie française a présenté le résultat des élections régionales et cantonales comme une grande victoire du jeu démocratique, d'une part à travers une participation électorale plus forte que prévue, d'autre part à travers un triomphe écrasant de la gauche (surtout pour le PS) qui enlevait la présidence de 21 régions sur 22 en métropole. Cela marquait surtout un camouflet cinglant pour l'équipe Chirac-Raffarin au gouvernement.
Mais le message de la principale mystification idéologique de la classe dominante était délivré quelques jours plus tard.A peine quelques heures après avoir reconduit Raffarin à la tête d'un "nouveau gouvernement" qui ressemblait beaucoup au précédent à part une valse de portefeuilles ministériels, lors de son interview télévisée, le président Chirac cédait spectaculairement sur un certain nombre de revendications catégorielles jusque là refusées avec intransigeance et qui avaient tenu le haut du pavé au milieu du fort mécontentement social de ces derniers mois. Ainsi, Chirac acceptait de rouvrir le dossier sur le régime de chômage des intermittents du spectacle, comme il promettait l'octroi de crédits supplémentaires permettant de débloquer les 1000 postes réclamés par le secteur de la recherche et surtout il faisait mine de suspendre une partie de l'attaque appliquée depuis le 1er janvier contre les chômeurs qui a fait perdre brutalement le droit de toucher l'allocation Assedic à des centaines de milliers d'entre eux et à leur famille tout en réduisant de plusieurs mois la durée de leur indemnisation.
La bourgeoisie voudrait bien persuader les ouvriers contre toute évidence,
que le bulletin de vote serait la principale arme pour faire reculer
le gouvernement. En tentant de mettre en avant de fausses leçons
tirées de ces élections, l'objectif de la bourgeoisie
était bien de jeter de la poudre aux yeux pour jeter le trouble
et obscurcir la conscience des prolétaires. Elle peut évidemment
renvoyer l'image de l'échec cuisant de la lutte en mai 2003 contre
la réforme du régime des retraites en cherchant à
faire croire que la mobilisation massive de tous les prolétaires
dans la rue ne paie pas, venant cautionner les propos de Raffarin l'été
dernier lorsqu'il avait imposé cette attaque : "Ce n'est
pas la rue qui gouverne". La bourgeoisie cherche à faire
avaler l'idée, que pour faire changer la société
et corriger les inégalités les plus criantes, il faut
voter. C'est un leurre. Cet appât grossier ne peut longtemps faire
illusion et les ouvriers ne doivent pas être dupes.
Mais à travers les résultats électoraux eux-mêmes,
la bourgeoisie insinue qu'il faut également bien voter, c'est-à-dire
que les ouvriers auraient tout intérêt à voter pour
les partis de gauche pour se défendre. Cette propagande constitue
une tentative pour effacer des mémoires le discrédit qui
pèse sur la gauche en distillant la mystification que la gauche
serait "plus sociale" ou "moins pire" que la droite,
bref, qu'elle ne mènerait pas la même politique.
Cette mobilisation électorale traduit-elle pour autant un retour
en arrière, un important recul de conscience pour le prolétariat
? Non, car si la bourgeoisie ne peut qu'exploiter au mieux cette situation,
elle n'a elle-même pas les moyens d'entretenir la moindre illusion
sur ce genre de "victoire" et sur la portée de ses
arguments. En fait, la bourgeoisie française voit sa marge de
manoeuvre se réduire sérieusement et la politique de ses
partis traduit une réelle inquiétude. Son problème
est qu'elle est confrontée à un enjeu politique de taille
; le "trou phénoménal" des caisses de sécurité
sociale, l'ampleur du déficit budgétaire qui dépasse
largement le seuil de Maastricht (4,1% au lieu de 3%) ne lui laisse
pas le choix et la pousse dans les prochains mois à porter inévitablement
des attaques énormes, massives et générales contre
la classe ouvrière. La bourgeoisie française l'a clamé
sur tous les tons : "la réforme de la sécurité
sociale" est urgente. La France cumule le plus gros déficit
européen en matière de dépenses de santé
et a un retard énorme à rattraper sur ses concurrents.
Mais c'est "un dossier" encore beaucoup plus brûlant
que les retraites, dans la mesure où, même sur les retraites,
le gouvernement a pu jouer sur la division entre ouvriers du secteur
public qui se sont retrouvés en première ligne de l'attaque
et ouvriers du secteur privé moins immédiatement concernés,
tandis qu'avec l'attaque sur la sécurité sociale, tous
les prolétaires dans le privé comme dans le secteur public,
vont se retrouver également touchés. Tout le monde est
immédiatement concerné.
Mais pour imposer des attaques aussi lourdes au prolétariat,
le dispositif politique de la bourgeoisie française n'est pas
le mieux adapté et représente au contraire une hypothèque
pour l'avenir, même si elle va faire en sorte de laisser le sale
boulot à sa fraction la plus impopulaire.
De ce point de vue, elle court le risque d'avoir de sérieuses
difficultés à faire face à une mobilisation massive
provoquée par ses attaques. Car elle subit un lourd handicap.
Elle connaît depuis des années un problème spécifique
: l'archaïsme de la fraction qui tient les leviers de commandes
de l'Etat tout en étant minoritaire et qui tend à s'agripper
au pouvoir de même qu'à faire prévaloir des intérêts
de clan. Par ailleurs, elle est confrontée à une montée
du populisme, phénomène international lié à
sa décomposition qu'elle a du mal à contrôler et
qui vient gripper les rouages de son appareil politique. Ces aléas
ont déjà bousculé le jeu politique traditionnel
lors des élections présidentielles de 2002, évinçant
les partis de gauche du second tour. La presse et même le ministre
Fillon ont parlé d'un "21 avril à l'envers",
face au nouveau déséquilibre politique du jeu entre gauche
et droite issu des régionales. La bourgeoisie est parvenue à
rattraper le coup momentanément le 21 avril 2002 mais elle est
affaiblie et risque de payer l'addition très cher. La droite
se trouve en situation d'autant plus délicate que depuis des
décennies, ses clans, ses divisions, ses rivalités, ses
guerres de chefs incessantes (Giscard-Chirac, Chirac-Balladur, Chirac-Sarkozy),
ne cessent de constituer un handicap de plus en plus lourd qui a déjà
provoqué des "accidents" en série lors des présidentielles
en 1981, en 1995, ou encore en 2002. Il est clair que ce gouvernement
a du mal à se parer d'une légitimité et à
parler au nom de toute la nation alors qu'il ne représente que
20% des voix. Et cela peut difficilement passer pour une grande victoire
pour crédibiliser la démocratie.
Les faiblesses de l'appareil politique de la bourgeoisie française
ont déjà joué un rôle important dans le retard
accumulé face à ses principaux concurrents par le capital
national pour porter ses attaques contre le prolétariat, notamment
dans la remise en cause de la protection sociale, ce qui le contraint
à cogner encore plus fort aujourd'hui, dans la logique du capitalisme
en crise. Mais l'impopularité de l'équipe gouvernementale
actuelle et sa légitimité douteuse du point de vue des
règles démocratiques impliquent qu'elle n'est pas la mieux
placée pour faire passer les mesures brutales qu'exige la situation.
Si la bourgeoisie française peut se prévaloir d'un clair
succès dans l'immédiat, la situation réelle est
particulièrement difficile à gérer dans l'avenir
et peut se retourner contre elle. La défaite de la droite est
plus qu'un simple revers électoral, elle traduit en réalité
un état de profonde difficulté politique pour toute la
bourgeoisie française. C'est incontestablement dans un état
de faiblesse relative que celle-ci se trouve placée pour faire
face au prolétariat. Même si les difficultés que
rencontre son ennemi de classe ne sont pas en toutes circonstances exploitables
par la classe ouvrière, elles constituent néanmoins un
atout pour l'avenir afin de réaliser une avancée dans
le développement de la lutte de classe.
Le PS a hérité de la gestion des régions mais
a l'avantage de s'éviter la charge du pouvoir central qui le
contraindrait à prendre les mesures les plus impopulaires et
à faire face à un énorme mécontentement.
C'est pourquoi la bourgeoisie en profite pour chercher à redorer
le blason de la gauche et pour tenter de faire oublier un passé
encore récent aux yeux des ouvriers. C'est pourquoi il est nécessaire
de rappeler quelques faits. Rappelons ce que la gauche, qui cherche
aujourd'hui à se redonner une image plus sociale, a fait au gouvernement
avec la même logique de concurrence et de rentabilité du
capital national, avec les mêmes arguments, au nom de la réforme,
de la modernisation, de l'adaptation. La gauche au gouvernement a efficacement
contribué à la paupérisation croissante de la classe
ouvrière et à l'attaquer sur tous les fronts. Les années
pendant lesquelles elle a officié à la tête de l'Etat
depuis 1981 ont vu une poussée vertigineuse du chômage,
une succession ininterrompue de plans de licenciements avec les "restructurations"
dans les grandes entreprises modernes comme dans les autres qui ont
fait perdre des centaines de milliers d'emplois dans tous les secteurs
de l'industrie (sidérurgie, mines, automobile, chantiers navals,
textile, etc), mais aussi l'explosion et la généralisation
du travail précaire. Sa grande oeuvre reste les lois Aubry sur
les 35 heures qui ont représenté une première attaque
d'envergure touchant l'ensemble de la classe ouvrière en introduisant
un maximum de flexibilité dans l'exploitation tout en contribuant
à bloquer les salaires. La gauche a déjà multiplié
les coupes claires dans les effectifs de la fonction publique comme
dans les différents services publics. C'est elle aussi qui a
renforcé le flicage de la société, organisé
la chasse aux "travailleurs clandestins", fait voter les premières
lois pour réduire drastiquement l'immigration. Rappelons aussi
que c'est elle qui s'est faite le défenseur zélé
des intérêts impérialistes de la France à
travers la multiplication des raids militaires en Afrique, du Tchad
au Zaïre, sans parler du génocide au Rwanda déjà
organisé et préparé de longue date par Mitterrand
à son époque (voir RI 345) et de son implication dans
la première guerre du Golfe comme dans les Balkans.
Quand elle n'a pas porté les attaques elle-même, la gauche
a activement préparé le terrain à ses successeurs
; ainsi, sur les retraites, depuis le livre blanc de Rocard dans les
années 1980 jusqu'au candidat Jospin qui avant sa veste du 21
avril 2002 avait déclaré que "la réforme des
retraites serait sa priorité numéro un", en passant
par le rapport Charpin, commandé par le même Jospin.
De façon plus évidente encore, la gauche a massivement
réduit les indemnisations des chômeurs. Dès 1982,
c'est la gauche qui instituait par décret la limitation de la
durée d'indemnisation des chômeurs et instaurait en même
temps une hausse de cotisation des actifs tout en abaissant le montant
des allocations des chômeurs. En 1992, la ministre du travail
Martine Aubry portait de 3 à 4 mois la durée minimale
de travail dans les 8 mois précédents ouvrant droit à
indemnisation. La même année, était mise en place
l'allocation unique dégressive et les contrôles trimestriels
des démarches de recherche d'emploi pour tous les chômeurs.
Avant le PARE (plan d'aide au retour à l'emploi), c'est encore
elle qui en 2000 introduisait une allocation conditionnelle aux chômeurs;
tout refus d'offre d'emploi se traduisant par une réduction,
une suspension et finalement une suppression de son indemnisation.
Quant à la remise en cause de la protection sociale concernant
l'accès aux soins, le PS a également joué les pionniers.
C'est lui qui a procédé aux suppressions massives de lits
d'hôpitaux et des postes dans le secteur de la santé, qui
a décrété les restrictions de certains examens
médicaux, qui a dressé les premières listes de
"déremboursement" des médicaments instituées
par Aubry. Auparavant, le forfait hospitalier avait été
instauré par le "camarade ministre" Ralite du PCF.
C'est le gouvernement Rocard qui a créé la CSG. Mais rétorqueront
certains, c'est aussi la gauche qui a institué un certain nombres
de mesures "sociales" comme le RMI ou la CMU. Mesures sociales
? Foutaises ! Toujours la loi de la rentabilité capitaliste !
Non seulement le RMI coûte beaucoup moins cher à l'Etat
que les indemnités-chômage mais il permet un filtrage très
sélectif et un contrôle beaucoup plus étroit de
l'absence de ressources des "bénéficiaires".
Quant à l'établissement de la CMU elle n'a permis que
le déplacement de la prise en charge des soins des plus pauvres
de certains organismes (les dispensaires leur assuraient déjà
des soins gratuits alors qu'ils ont aujourd'hui disparu) vers d'autres,
avec comme conséquence pour les plus démunis d'adhérer
à une mutuelle dont ils pouvaient auparavant se passer. D'ailleurs,
aucune de ces mesures n'a été remise en cause par la droite
au pouvoir.
Les prolétaires n'ont aucune illusion à se faire ni sur
la nature antiouvrière de la gauche, ni sur les pseudo-reculades
du gouvernement dans ses attaques. Ces attaques ne peuvent que se multiplier
massivement et s'intensifier au cours des prochains mois.
Aussi, ce n'est qu'en développant des luttes massives, ouvertes,
sur son terrain du combat de classe, et en rejetant tous ceux qui comme
la gauche et les syndicats prétendent les défendre, que
le prolétariat pourra faire reculer les attaques grandissantes
actuelles.
Il y a quatorze ans, suite à l'effondrement du bloc de l'Est,
George Bush père, avec à sa suite toute la bourgeoisie
occidentale, nous promettait un "nouvel ordre mondial" fait
de paix et de prospérité. Le moins que l'on puisse dire,
et la situation en Irak en constitue certainement l'exemple actuel le
plus criant, c'est que c'est bien à un chaos croissant auquel
nous assistons depuis lors.
Depuis le début du mois d'avril, la guerre en Irak se généralise
à tout le pays. Le meurtre le 31 mars à Fallouja de quatre
employés américains de la compagnie privée de sécurité
Blackwater et la mutilation de leurs corps symbolise l'ouverture qualitative
d'une nouvelle phase du conflit en Irak. Les armées de la coalition,
et en tout premier lieu les Etats-Unis, ont à faire désormais
avec la révolte armée des Sunnites, mais encore, et c'est
un fait nouveau, avec celle des Chiites, qui se rangent de plus en plus
massivement sous la bannière du jeune chef religieux Moqtada
Al-Sadr. Le Wall Street journal s'interroge :"Celui-ci serait-il
la pièce maîtresse d'un front islamique national unissant
les Arabes sunnites et chiites contre les intrus étrangers ?"
L'enlisement de la politique guerrière impérialiste des
Etats-Unis en Irak risque ainsi de provoquer une alliance de circonstance
lourde de conséquences pour toute la région et qui aurait
été totalement impensable il y a quelques mois encore.
Les perspectives américaines de s'appuyer sur la majorité
chiite en Irak pour tenter de calmer un tant soit peu le chaos, et de
contrôler le CIG (Conseil Intérimaire de Gouvernement irakien),
sont véritablement mises à mal. Ce plan américain,
de plus en plus irréaliste, s'appuie en effet sur la capacité
de l'ayatollah Al-Sistani de contrôler la population chiite majoritaire
en Iran. La réalité de la généralisation
de la guerre et du chaos à tout le pays démontre que la
situation échappe de plus en plus au contrôle de l'impérialisme
américain.
Malgré la nécessité de continuer à développer
la campagne idéologique justifiant leur présence armée
en Irak, l'administration d'Etat américaine est bien obligée
de reconnaître en partie l'enlisement de ses forces armées.
C'est ainsi que Donald Rumsfeld, ministre de la Défense américaine,
n'a pu que déclarer : "C'est une dure épreuve
pour notre détermination mais nous saurons faire face."
Mais il devait aussi admettre à contrecoeur : "La rébellion
chiite pose un sérieux problème." De fait, toutes
les villes irakiennes comme Fallouja, Bagdad, Nadjaf, Kut sont en proie
à la guerre, aux massacres et au chaos.
L'affaiblissement du leadership américain s'étale maintenant
tous les jours sur tous les écrans de télévision
du monde. La politique impérialiste de l'administration Bush
est un échec cuisant.
Les Etats-Unis, malgré l'écrasante supériorité
militaire qu'ils ont par rapport au reste du monde, n'ont pas les moyens
d'imposer leur loi en Irak. Et ceci d'autant plus que l'affaiblissement
du leadership américain aiguise, sur la scène internationale,
l'appétit féroce de tous les autres impérialismes.
Dans la situation de déliquescence de la nation irakienne, des
groupes armés et terroristes, prolifèrent dans tout le
pays. Ces groupes armés, plus ou moins autonomes, n'obéissent
plus qu'à une seule règle, bouter hors d'Irak l'ogre américain.
Ces groupes ont d'ailleurs exprimé leur radicalisation par la
multiplication de prises d'otages civils, avec menace et mise à
exécution d'assassinats si les Etats belligérants ne retiraient
pas leurs troupes d'Irak. Au moment ou nous écrivons cet article,
un otage italien vient d'être sauvagement assassiné. Mais
plus encore, ce qui est caractéristique de l'ensemble des tensions
impérialistes, sous l'emprise du chacun pour soi, et qui se concrétise
aujourd'hui en Irak, est le rôle joué par Moqtada Al-Sadr.
Le lien étroit qu'entretien celui-ci avec l'Iran est bien connu.
Il semble très probable que la politique insurrectionnelle des
Chiites actuellement en Irak soit soutenue activement par ce pays. L'Iran
répond ainsi directement à la pression américaine
exercée à son encontre. Malgré cela l'affaiblissement
de l'Oncle Sam est tel que ce dernier est amené à demander
officiellement l'aide de Téhéran. Afin de mesurer réellement
le niveau d'effritement de la puissance américaine, il n'est
pas négligeable de se rappeler les déclarations arrogantes
jetées à la face du monde au moment de la période
d'entrée en guerre en Irak, il y a un an. Le 9 avril 2003 devant
la convention annuelle de l'American Society of News Editors, Dick Cheney,
vice-président américain, affirma qu'en aucune circonstance,
les Etats-Unis ne remettraient à l'ONU le contrôle de l'occupation
en Irak : "Le président a clairement fait savoir que
nous ne le ferons pas (...) Nous voulons seulement qu'elle y joue un
rôle majeur (...) Notre objectif est de créer et faire
fonctionner aussi vite que possible une autorité intermédiaire
qui soit composée d'Irakiens, et de leur transférer l'autorité
à eux et non pas aux Nations Unies ou à tout groupe extérieur."
A ce moment là l'Irak était inclus dans un "axe du
mal" ou les Etats "voyous" comprenaient notamment la
Corée du Nord, la Syrie et l'Iran. Ces pays étaient accusés
publiquement de posséder des armes de destruction massive et
d'être des organisateurs du terrorisme. Ils étaient alors
clairement désignés comme les cibles militaires potentielles
de l'après-Irak. Si peu de temps après, on peut voir ce
qu'il en est dans la réalité. Ce sont bel et bien les
Etats-Unis qui sont en situation de demander assistance à l'Iran.
Kamal Kharazi (chef de la diplomatie iranienne ) a affirmé :
"Les Etats-Unis ont réclamé l'aide de Téhéran
pour tenter de régler la crise et faire baisser la violence grandissante
en Irak." (dépéche de l'AFP du 6 avril). De son
coté le chef de la délégation iranienne actuellement
à Bagdad a déclaré : "Nous sommes ici pour
avoir une idée claire de la situation et une meilleure compréhension
de ce qui se passe, il n'y a pas de médiation." Les
choses sont claires pour tous ces bandits impérialistes. Tout
a un prix. Et aujourd'hui, en situation de faiblesse, c'est aux Etats-Unis
d'en payer le montant. Le développement de la guerre et du chaos
en Irak ne laisse rien présager de bon pour l'avenir. L'armée
américaine se doit en priorité de réduire à
l'impuissance les chiites qui obéissent à Moqtada Al-Sadr.
Pour cela, ils ont massé d'importantes troupes à proximité
de Nadjaf et dans la ville proche de Koufa. Une intervention dans la
ville sainte de Nadjaf serait un facteur de déstabilisation très
important en Irak, mais également au-delà des frontières
de ce seul pays. Ce serait un pas important dans l'enfoncement dans
la décomposition en cours dans toute la région. Une attaque
massive américaine sur Nadjaf se traduirait par le fait que :
"Tous les membres chiites du Conseil intérimaire de gouvernement
irakien (CIG), y compris les laïcs, se dresseront contre une telle
attaque et refuseront de coopérer avec l'Autorité provisoire
de la coalition.." (Courrier International du 15 avril) Tel
serait également le cas du chef religieux modéré,
l'ayatollah Al-Sistani, représentant jusqu'ici le seul appui
pour les Etats-Unis dans tout le pays.
Il ne semble y avoir aucune porte de sortie pour l'impérialisme
américain en Irak. Une majorité de la bourgeoisie américaine
s'est d'ailleurs rangée à ce point de vue. C'est pour
cela que celle-ci pousse en avant, de toutes ses forces, en vue des
prochaines élections présidentielles, la candidature du
démocrate John Kerry. La bourgeoisie américaine est obligée,
pour tenter de limiter la casse en Irak, et d'essayer de légitimer
une solution politique (ceci contrairement à la période
du déclenchement de la guerre). Elle est contraite de faire appel
à ses principaux rivaux impérialistes que sont la France,
l'Allemagne ou la Russie au sein de l'ONU. Le temps où les Etats-Unis
proclamaient que dans leur lutte contre "l'axe du mal" et
les pays "voyous", l'Amérique n'avait besoin de personne,
est sans doute révolu. Mais même dans le cas ou John Kerry
arriverait au pouvoir et remplacerait l'administration Bush, rien ne
serait réglé pour autant. Le New York Times (revue de
presse de Courrier International du 8 avril) signale : "John
Kerry, lui, était bien présent à Washington, mais
il essayait d'esquiver la question irakienne en s'efforçant d'axer
ses interventions sur l'économie américaine. Face à
l'insistance des journalistes le questionnant sur son avis, il s'est
écarté de son discours préparé pour se lancer
dans l'une de ses plus virulentes critiques sur la politique de Bush
en Irak. Mais il était incapable de préciser ce qu'il
ferait s'il était lui-même aux commandes". Cependant
la situation des Etats-Unis en Irak oblige John Kerry lui-même
a envisager la nécessité de laisser les troupes américaines
en Irak. Cette incapacité de la bourgeoisie américaine
à entrevoir comment freiner son affaiblissement au plan mondial
a également été manifeste dans la conférence
de presse de George Bush le mardi 13 avril, le Los Angeles Times note
en effet comme significatif le fait que "confronté à
une situation en Irak qui lui échappe de plus en plus, Bush ait
insisté sur sa détermination à faire de ce pays
une démocratie stable, sans dire comment il fallait s'y prendre."
Mais plus encore, parlant du désarroi dans lequel est plongée
la bourgeoisie américaine, lors de cette même conférence
un journaliste lui a demandé quelles leçons il tirait
des événements depuis le 11 septembre 2001, raconte le
Washington Post "Il (G. Bush) s'est arrêté de parler,
a secoué la tête, a paru s'interroger avant de rester sans
réponse a une question qu'il avait pourtant dû beaucoup
travailler avec ses conseillers en préparant la conférence
de presse. Au final, la seule chose qu'il ait pu dire est :"Je
suis sûr qu'une réponse va me venir à l'esprit dans
les conditions très particulières de cette conférence
de presse où il faut toujours avoir réponse à tout.
Mais pour l'instant, ça ne vient pas." " (extraits
de la revue de presse de Courrier International du 15 avril.)
Quels que soient, d'une part, le prochain résultat des élections
américaines et, d'autre part, l'ampleur de la réorientation
de la politique impérialiste des alliés, l'accélération
de l'affaiblissement de l'impérialisme américain ne peut
être qu'un facteur d'approfondissement du chaos en Irak et de
la décomposition de toute la société à l'échelle
mondiale. Un tel niveau de désarroi et d'aveu d'impuissance de
la toute première puissance capitaliste du monde en est un signe
flagrant. Les mois qui viennent vont s'inscrire en lettre de sang en
Irak. L'entrée en guerre des Chiites dans ce pays est un facteur
lourd de conséquences quant à la déstabilisation
potentielle de toute la région, de l'Iran à l'Arabie Saoudite
où ils représentant une très forte partie de la
population. De plus, alors qu'en Afghanistan le gouvernement Karzaï
et les troupes américaines ne contrôlent de fait que la
capitale Kaboul et ses alentours, l'administration américaine
est obligée de faire bonne figure devant la politique expansionniste
de Sharon et de l'Etat israélien en Cisjordanie. Le silence embarrassé
d'une grande partie de la bourgeoisie américaine à l'ONU
face à la dénonciation par l'Allemagne, la France et la
Russie de la politique de Sharon en dit long sur les objectifs de ces
puissances impérialistes, principales concurrentes des Etats-Unis.
Laisser les Etats-Unis s'enliser au maximum en Irak, et en profiter
partout dans le monde pour faire avancer leurs propres intérêts,
voilà la seule préoccupation de ces derniers.
L'impuissance de la classe bourgeoise américaine face au bourbier
irakien est une concrétisation de la déliquescence générale
de cette société capitaliste. Cette dernière va
également jusqu'à affecter les bourgeoisies les plus puissantes
du monde, y compris sur le plan de la politique guerrière. Le
prolétariat se doit de comprendre que cette société
capitaliste en décomposition ne peut qu'allumer d'autre Irak
aux quatre coins de la planète, y compris au cœur du capitalisme
mondial. L'évolution de la situation de ce pays rappelle une
nouvelle fois que l'avenir se jouera pour l'humanité entre communisme
ou destruction de toute forme de civilisation à la surface de
cette planète.
Dans un éditorial signé Arlette Laguiller et titré "Un vote qui fait plaisir, mais qui n'est pas suffisant", l'hebdomadaire trotskyste Lutte Ouvrière du 26 mars lâche deux ou trois petites phrases qui soulèvent pour le moins quelques questions. Après avoir clamé sa satisfaction suite au deuxième tour des élections régionales : "Au bout de deux ans de gouvernement, les électeurs ont dit son fait à Raffarin. Et c'est bien réjouissant!", LO explique sa conception de l'électoralisme : "Les élections ne peuvent apporter le bonheur, elles ne peuvent que redonner le moral. Espérons que celles-ci le feront. En tout cas, ni LO ni la LCR ne sont des partis électoralistes, même s'ils se présentent aux élections. Car ils ne cherchent aucune place dans l'appareil d'État, qui ne peut être qu'au service de la bourgeoisie."
Ces quelques extraits laissent interrogateur : d'abord, qu'entend-on par "un vote qui fait plaisir" ? Cette notion purement morale sous-entend tout de même que ce plaisir vient d'un gain quelconque. Mais qu'a pu donc gagner la classe ouvrière dans les dernières élections ? Que peut, plus largement, gagner la classe ouvrière dans une quelconque élection bourgeoise?
A cela, LO nous répond qu'à défaut d'en avoir tiré du bonheur, le prolétariat a gagné le plaisir de retrouver le moral. On est en plein dans la nuance de vocabulaire. Mais surtout, on est en plein mensonge ! En effet, les élections ne sont certainement pas un moyen de redonner le moral à la classe ouvrière, bien au contraire ! Les élections enferment les ouvriers dans l'illusion d'un quelconque pouvoir, à laquelle succèdent des attaques toujours plus fortes, de la droite comme de la gauche. Appeler les ouvriers à exprimer leur mécontentement sur le terrain électoral, comme le font les trotskystes, ne peut que servir les intérêts de la bourgeoisie. Même si cela fait plaisir à LO que le gouvernement Raffarin ait été sanctionné aux dernières régionales, cela ne change strictement rien pour la classe ouvrière. Les attaques vont continuer à tomber et ce n'est certainement pas le vote sanction du dernier scrutin qui va empêcher la bourgeoisie de mettre en application ses plans d'attaques contre les retraites et la sécurité sociale. Et cela, LO le sait pertinemment !
Mais surtout, qu'est-ce qui fait tant plaisir aux trotskistes dans ces élections ? Est-ce le fait que les "électeurs" se soient assez bien déplacé vers les isoloirs ? Ou est-ce le fait que ces mêmes électeurs ont infligé à la droite une cuisante et "réjouissante" défaite ?
Il n'y a rien d'étonnant à ce que LO se réjouisse que les ouvriers se soient rendus aux urnes en tant que citoyens au lieu de déserter le terrain pourri du cirque électoral pour manifester leur colère sur leur propre terrain de classe, en développant leurs luttes contre les attaques du gouvernement. Les électeurs, cette espèce chère à la bourgeoisie et à ses médias, n'est que l'addition d'individus pêle-mêle, sans distinction de classe, faisant des prolétaires, atomisés dans les isoloirs, l'exact opposé d'une classe unie dans la solidarité et la défense d'intérêts communs contre le capitalisme. Après avoir saboté les luttes du printemps 2003 contre la réforme du système des retraites, LO parachève aujourd'hui son sale travail d'isolement et de dévoiement de la classe ouvrière sur le terrain bourgeois des élections. Et c'est bien cela qui lui a tant fait "plaisir" dans les résultats des régionales.
Une telle joie peut étonner de la part d'une organisation qui répète à l'envi que droite et gauche se valent, qu'il ne peut être question en critiquant la droite d'oublier ce que la gauche a fait à la même place. Pourtant, LO se réjouit bien de ce que la droite a subi lors de ces élections. Droite et gauche identiques ? LO tranche : "Beaucoup se sont dit que la droite est pire que la gauche. C'est vrai !". Une fois encore, LO ne se contente pas seulement de faire croire aux ouvriers qu'ils peuvent se battre sur le terrain électoral. Elle continue à semer l'illusion que la gauche serait moins pire que la droite. C'est avec cet argument que LO a toujours joué son rôle de rabatteur des partis de gauche, comme elle l'a fait en appelant à voter Mitterrand en 1974 et en 1981.
Enfin, quand LO nous dit ne pas être électoraliste, même si elle se présente aux élections, nous devons nous tenir solidement pour ne pas bondir ! Si ce n'est pas par électoralisme, pourquoi se présenter aux élections avec tant de constance (Arlette Laguiller est ainsi la plus ancienne et plus fidèle candidate aux présidentielles depuis trente ans) ? La réponse n'est pas donnée ici, mais on la connaît : LO utiliserait les élections comme une "tribune pour les idées révolutionnaires" et un moyen de comptabiliser leur audience dans l'électorat ouvrier.
Explication séduisante, mais complètement fausse. Depuis le début du 20e siècle, l'idée suivant laquelle le terrain électoral serait une tribune pour défendre les intérêts de la classe ouvrière est devenue caduque. Une organisation qui, comme LO, appelle les ouvriers à voter ou soutenir les partis de la gauche du capital (PC et PS), sous prétexte qu'ils seraient "moins pires" que la droite, n'est pas une organisation révolutionnaire, mais une organisation bourgeoise dont l'objectif n'est pas de renverser le capitalisme mais de semer l'illusion que ce système pourrait encore être réformé (par exemple par une meilleure gestion ou, selon le slogan cher à LO, "en prenant l'argent dans la poche des riches").
De plus, cette fois-ci, LO ne s'est même pas donné la peine, pendant sa campagne électorale de ressortir son vieux slogan suivant lequel le vote permettrait aux ouvriers combatifs de "se compter". Ce qu'elle a mis en avant, c'est qu'il fallait aller voter avant tout, et voter trotskiste pour "protester fort" (dernier slogan entendu avant le premier tour) ! Jamais LO n'est aussi tonitruante, omniprésente, que lors des élections ! Il fallait voir les militants trotskistes sur les marchés accrocher le passant en lui disant : "il faut voter Dimanche ! Il faut voter Dimanche !". Il faudra enfin expliquer pourquoi, si les élections ne sont qu'un moyen de se faire entendre, les élus de LO aux précédentes élections régionales et européennes ont tenu à siéger dans les assemblées. LO nous répond que c'était pour surveiller et dénoncer les magouilles de la bourgeoisie. Mais dans ce cas, pourquoi participer aux votes de ces assemblées (souvenons-nous de ce vote très médiatisé contre la Taxe Tobin de Laguiller et Krivine au parlement européen) et, surtout, pourquoi se plaindre aujourd'hui que le nouveau mode de scrutin, en écartant les petites listes, "[prive] de représentation des millions d'électeurs" ?
Pour LO, les élections sont donc un moyen de représenter politiquement ses électeurs, elles sont aussi en l'occurrence un moyen de battre la droite et de faire gagner la gauche… Bref, les élections ne sont donc pas qu'une tribune, et pour cause : elles peuvent même "redonner le moral" !
Finalement si LO se présente aux élections, c'est tout simplement parce qu'elle est une organisation électoraliste bourgeoise comme les autres !
Tout son travail ne vise qu'à rabattre les ouvriers sur le terrain électoral de l'Etat démocratique bourgeois. Il s'agit là d'un fondement idéologique essentiel du trotskisme. Tout doit être fait pour détourner la classe ouvrière de la lutte sur son propre terrain de classe, pour l'empêcher de comprendre que le jeu démocratique droite/gauche est une fausse alternative. Ainsi, en affirmant que la droite est pire que la gauche, LO s'est bien gardée de rappeler que les attaques massives portées par la droite aujourd'hui ont été préparées par les gouvernements de gauche précédents et qu'elles se situent dans la continuité de toutes les mesures anti-ouvrières prises par le PS lorsqu'il était au gouvernement.
Dans la logique bourgeoise du trotskisme, tout doit être fait pour que le prolétariat ne prenne pas conscience que le seul terrain sur lequel ses intérêts peuvent être défendus est celui de la lutte de classe. Tout est bon, y compris le pire culot, d'une démagogie flirtant avec le populisme, qui amène à se dire non électoraliste, à peine après avoir rangé ses slogans agressifs en faveur d'une mobilisation massive dans les bureaux de vote pour "sanctionner le gouvernement".
Ces quelques phrases disséminées dans cet éditorial d'Arlette sont un petit chef-d'œuvre de synthèse. On ne pouvait pas mieux, en effet, en si peu de mots, résumer le caractère fondamentalement mensonger de LO, et sa capacité à manier le double langage pour tromper la classe ouvrière.
G (18 avril)
Les assassinats des principaux responsables du groupe terroriste Hamas : le cheikh Yassine le 22 mars dernier et son successeur Abdelaziz Al-Rantissi, à la mi-avril, par l'armée de Tsahal, constituent une nouvelle étape dans l'affrontement meurtrier que se livrent depuis plusieurs décennies, les belligérants israéliens et palestiniens.
En tuant, à quelques semaines d'intervalle, le leader islamiste Yassine, puis son héritier, symboles de la résistance armée palestinienne, le gouvernement Sharon enterre de nouveau les "espérances" de paix que la bourgeoisie internationale avait claironné à grand renfort médiatique, notamment l'initiative de la "conférence de paix" de Genève en décembre dernier, ainsi que la fameuse "feuille de route" de l'été 2003, sous la houlette de l'administration Bush. D'ores et déjà, la population israélienne vit dans la peur des inévitables représailles que la mort de ces chefs terroristes va entraîner, d'autant plus que les bandes armées du Hamas se sont alliées pour la circonstance aux brigades du Fatah d'Arafat, au Djihad islamique et aux milices chiites du Hezbollah, avec pour objectif majeur, d'envoyer des dizaines d'innocents, transformés pour les besoins de la cause en "martyrs", commettre des attentats, des bains de sang parmi la population et la classe ouvrière israélienne.
La barbarie de ces cliques terroristes n'est plus à démontrer, néanmoins,
après l'utilisation de femmes porteuses d'explosifs, ces gangsters vont plus
loin encore dans l'horreur en utilisant des adolescents et des enfants pour le
transport de ces charges de la mort. En liquidant les chefs historiques du
Hamas, notamment le cheik Yassine[1] [431] dont
l'autorité politique permettait de juguler les affrontements entre les
différentes cliques palestiniennes, la bande à Sharon sait pertinemment qu'elle
provoque un séisme dans la mouvance terroriste. L'aile militaire du Hamas a
pris la direction du mouvement, ce qui ne peut signifier que davantage
d'attentats suicides contre Israël. Le risque est réel d'un embrasement dans
plusieurs parties du Proche-Orient. Pour la première fois de son histoire, le
sommet de la Ligue arabe prévu en Tunisie, fin mars, a été reporté, compte tenu
des divergences sur le conflit israélo-palestinien et de l'hostilité rampante
envers les Etats-Unis de la part des principaux pays arabes. En Egypte et en
Jordanie, alors que les manifestations sont interdites, le pouvoir politique
n'a pas pu empêcher des manifestations importantes, organisées par les
mouvements islamistes, de même qu'au Liban, les Chiites et le Hezbollah ont
appelé à la guerre sainte contre Israël. De façon plus générale, cette escalade
dans le conflit israélo-palestinien est la conséquence directe de
l'affaiblissement du leadership américain et de son incapacité à imposer son
autorité politique, notamment auprès de Sharon, compte tenu de son enlisement
dans le bourbier irakien. L'enfoncement vers toujours plus de chaos et de
barbarie dans cette région du monde ne fait que confirmer ce que nous
défendions déjà à ce propos, en octobre 2003 :
"L'échec actuel de la bourgeoisie américaine en Irak constitue en effet
un handicap vis-à-vis de la politique de mise au pas de son turbulent allié
israélien pour lui faire respecter une "feuille de route" qu'il n'a
de cesse de saboter. De telles difficultés de la bourgeoisie américaine pour imposer
ses exigences à Israël ne sont pas nouvelles et expliquent en partie l'échec
des différents plans de paix tentés depuis 10 ans. Néanmoins, elles n'ont
jamais été aussi lourdes de conséquences qu'aujourd'hui. C'est ce qu'illustre
la politique à courte vue qu'un Sharon est capable d'imposer au Moyen-Orient,
basée exclusivement sur la recherche de l'escalade dans la confrontation avec
les palestiniens en vue de les chasser des territoires occupés. Même si, à
l'image du reste du monde, il n'y a pas de paix possible dans cette région, la
carte jouée par Sharon, ne pourra qu'aboutir à des bains de sang qui ne
régleront pas pour autant, pour Israël, le problème palestinien. Au contraire,
celui-ci reviendra, tel un boomerang, notamment à travers une recrudescence du
terrorisme encore plus incontrôlable qu'actuellement. Un telle issue ne pourra
que rejaillir négativement sur les Etats-Unis qui, évidemment, ne pourront pas
pour autant lâcher leur meilleur allié dans la région." ( Revue
Internationale n°115, page 4)
Les récents assassinats des chefs du Hamas et les représailles terroristes à venir, s'inscrivent complètement dans ce cadre d'analyse. C'est dans ce contexte particulièrement défavorable à Washington, que Sharon est venu, mi-avril, pour faire entériner auprès de Bush son projet de "séparation unilatérale" d'avec les Palestiniens. Même si, en acceptant le plan Sharon, Bush espère récupérer les voix des Juifs américains aux prochaines élections, c'est surtout l'incapacité américaine actuelle à imposer sa "paix" au Proche et Moyen-Orient qui oblige l'Oncle Sam à avaliser, en attendant des jours meilleurs, un accord pro-israélien qui représente une véritable déclaration de guerre contre les intérêts de l'Autorité palestinienne. Ainsi, Sharon propose un retrait de l'armée israélienne de la bande de Gaza avec maintien du contrôle militaire sur les accès aérien et maritime, notamment de la frontière avec l'Egypte. En Cisjordanie, en plus du mur de séparation en construction, il maintient les principales colonies juives et prône leur extension, autrement dit, chasser progressivement les Palestiniens de cet endroit et y interdire le retour des réfugiés qui croupissent dans des camps, exilés dans plusieurs pays arabes. Pour ne pas être hors-jeu, Bush salue le retrait de Gaza et laisse entendre à son allié israélien que ce plan est compatible avec la "feuille de route", et en réponse aux critiques du monde arabe et des Européens, il propose de réunir le Quartet (Etats-Unis, Union européenne, Russie et Nations unies) qui a élaboré la "feuille de route" affirmant que son accord au plan ne préjuge pas des négociations sur le statut final entre Israéliens et Palestiniens. Ce numéro d'équilibriste sur le plan diplomatique est de la poudre aux yeux et comme le souligne la presse bourgeoise à propos de la politique américaine : "L'élimination de Saddam Hussein devait ouvrir la voie à la résolution du conflit israélo-palestinien. Force est de constater, un an après, que l'Irak est mal parti, que les "progrès" entre Israéliens et Palestiniens sont à sens unique. On ne s'y prendrait pas autrement pour faire du Moyen-Orient une bombe à retardement." (Libération du 19 avril). En effet, la situation est particulièrement grave et la spirale de violence ne semble plus avoir de limites. Aux meurtres des dirigeants du Hamas, les Palestiniens en retour promettent "un volcan de vengeance" et Israël surenchérit en préparant des actions militaires contre les responsables politiques du Hamas qui vivent en Syrie, au risque de faire basculer le Proche-Orient dans la guerre, ce qui ne peut qu'aggraver la situation dans tout le Moyen-Orient. Face à cette accélération vers toujours plus de barbarie et de chaos, les prolétaires palestiniens et israéliens sont soumis à davantage de terreur et de misère et ont tendance à être entraînés derrière le nationalisme palestinien ou celui de l'Etat hébreu. Le poison du nationalisme et l'accumulation de haine consécutifs aux exactions et violences quotidiennes rendent de plus en plus difficile la possible et nécessaire solidarité de classe entre ouvriers israéliens et palestiniens. En l'absence aujourd'hui, au Proche-Orient, d'une possible réponse de classe à la barbarie du capitalisme, c'est aux prolétaires des pays centraux du capitalisme d'affirmer par le développement de leurs combats de classe que c'est la seule réponse possible pour en finir avec la misère, les guerres, le terrorisme et le nationalisme, véritables fléaux d'un système capitaliste en pleine décomposition.
Donald (20 avril)[1] [432] Le "paradoxe" de cet assassinat du dirigeant du Hamas, c'est que celui-ci était à la fois le donneur d'ordres des attentats perpétrés en Israël et en même temps le principal interlocuteur pour négocier les accords de cessez-le-feu avec l'Egypte, l'Union européenne "ou encore avec les observateurs américains résidant sur place. Et, bien plus encore, l'Etat d'Israël !" (Courrier International du 25 au 31 mars 2004). Non seulement le cheik Yassine était un "partenaire" de discussion pour l'Etat hébreu mais il faut rappeler qu'il a même été soutenu par celui-ci. En 1967, Yassine intègre le mouvement des Frères musulmans qui est réprimé par l'Egypte de Nasser. Il se réfugie à Gaza, occupée alors par Israël et fonde une organisation religieuse, Al-Moujammaa al-Islam, ancêtre du Hamas. Israël encourage et favorise cette organisation islamiste dans la mesure où elle concurrence et fait contrepoids aux différents mouvements nationalistes et à ses dirigeants, notamment Yasser Arafat.
Le 16 mars, un fait divers dramatique a rallumé le conflit au Kosovo. Trois
adolescents albanais se sont noyés dans une rivière près de la ville de
Mitrovica. L'accusation a été immédiate : "Ce sont les Serbes". A
Mitrovica vit une grande partie de ce qui reste des Serbes du Kosovo. La ville
est séparée par un pont gardé par les troupes françaises sous mandat de l'ONU.
Des manifestations se sont organisées dans les heures qui ont suivi ce drame.
Pendant trois jours, partout au Kosovo, des groupes bien armés
d'Albano-kosovars ont tué des Serbes du Kosovo, brûlé leurs maisons, détruit
leurs lieux de culte.
Difficile cette fois-ci de nous servir encore une fois comme seule et définitive
explication de cette barbarie, les "haines ancestrales", "la
soif de vengeance", "la guerre de religions", etc. La rapidité
de la concentration des bandes armées, la logistique des actions, la précision
des objectifs a obligé à reconnaître, même par les fonctionnaires de l'ONU, que
tout cela était bien préparé à l'avance. Ces bandes avaient même prévu les
bulldozers pour remblayer les terrains une fois détruites les maisons et les
églises. Des milliers de Serbes ont dû être évacués.
Le discours officiel est de dire "ça ne peut que s'améliorer",
"il faut du temps" pour que des gens, qui se sont toujours haïs,
apprennent à vivre ensemble[1] [433]. En
1981, l'ultra-nationaliste serbe Milosevic avait mis en place un véritable
système d'apartheid au Kosovo contre les Albano-kosovars. Par la suite il y a
eu le démembrement de la Yougoslavie et des guerres en série. Depuis 15 ans,
dans une sarabande de sauvagerie et de "nettoyage ethnique",
l'ex-Yougoslavie a vécu dans une barbarie qui n'est pas l'exception mais la
règle, qui n'etait plus seulement l'expression de ces "haines
ancestrales", mais bien l'exemple même du mode de vie du capitalisme dans
sa phase de décomposition. A la suite de la disparition des deux blocs impérialistes,
les grandes puissances : l'Allemagne, la France, la Grande-Bretagne et la
Russie vont essayer d'attiser ces guerres "locales" pour avancer
leurs pions, et les Etats-Unis, de leur coté, vont essayer de préserver leur leadership menacé. Le conflit yougoslave
est un modèle du genre. Ce conflit "interne" a été utilisé en 1991
par la bourgeoisie allemande pour tenter une percée de son influence : contre
toutes les autres puissances, elle s'est précipitée pour reconnaître
l'indépendance de ses affidées, la Slovénie et la Croatie. En réponse, la
France, la Grande-Bretagne et la Russie ont soutenu les cliques serbes et,
enfin, les Etats-Unis ont soutenu les Bosniaques.
Pendant les années 1990 et jusqu'à maintenant, sous couvert d'action
humanitaire, les grandes puissances n'ont pas cessé d'intervenir dans ces
différents conflits.
En 1999, elles ont porté la guerre, sous la bannière de l'OTAN, la Serbie de
Milosevic pour prétendument "libérer" le Kosovo. Une campagne bien
orchestrée, agrémentée de mensonges et de demi-vérités a servi à justifier les
massacres perpétrés à l'époque sur la population serbe. Les Etats-Unis ont armé
et protégé une armée de libération du Kosovo, l'UCK[2] [434]. Le
partage de cette petite province en différentes zones d'occupation par la KFOR
(l'OTAN plus la Russie) n'est pas l'expression de l'unité de vues de "la
communauté internationale", mais de la logique implacable des grands
gangsters impérialistes, chacun surveillant l'autre, chacun essayant de marquer
son territoire.
De son coté, l'ONU a pris en charge la "pacification multi-ethnique"
de la région où une UCK soi-disant désarmée a trouvé une place de choix. En
fait, elle n'a pas cessé d'attiser les sentiments nationalistes au sein de la
population albanaise. Et, surtout, certains éléments "radicaux" de
cette UCK en lien avec un ramassis de truands, véritable concentré de ce que la
décomposition du capitalisme peut générer, ont créé depuis deux ans une
"Armée Nationale Albanaise" (AKSh). Cette AKSh agit aussi bien au
Kosovo, qu'en Macédoine et au Sud de la Serbie. Elle a été à l'origine de
toutes les attaques anti-serbes depuis 2003, et surtout du dernier pogrom. Sous
le parrainage de l'Albanie, ce sont vraisemblablement les Etats-Unis qui sont à
l'origine de cette nouvelle bande armée qui en deux ans est passée de quelques
mafieux à quelques milliers d'individus qui, en terrorisant la population, agit
à son aise dans les territoires albanais. Au moment de la préparation de la
guerre en Irak, les Etats-Unis ont obtenu le soutien symbolique mais ferme de
l'Albanie. Depuis lors, et grâce au "lobby pro-albanais de
Washington"[3] [435], les Etats-Unis
soutiennent, même si ce n'est pas ouvertement, les indépendantistes kosovars.
En s'attaquant aux Serbes, c'est la France qui allait être touchée, étant donné
que c'est cette puissance qui est censée "protéger" une bonne partie
de cette population. Dans la situation mondiale actuelle, les Etats-Unis ont
tout intérêt à "punir" la France, avec tous les moyens dont ils
disposent et où que ce soit.
Les intérêts contraires des grandes puissances se sont concrétisés, entre
autres, dans une totale indétermination du statut futur du Kosovo. Cette
province fait partie en théorie de la Serbie, mais elle est peuplée à 85%
d'Albanais et bientôt à 100%. Le statut du Kosovo est bien plus qu'une affaire
juridique. Entériner officiellement la séparation du Kosovo de la Serbie, en le
rendant indépendant (autrement dit sous la dépendance de l'Albanie), ce serait
franchir un palier supplémentaire dans le chaos. Il n'est pas envisageable que
la France et la Grande-Bretagne acceptent une telle solution. Mais même les
Etats-Unis qui soutiennent l'Albanie, savent très bien que la
"solution" serait pire que le problème. Par ailleurs, la bourgeoisie
serbe ne peut pas renoncer à sa souveraineté sur le Kosovo. Elle a organisé à
Belgrade des manifestations ultra-nationalistes agrémentées, ici aussi, d'une
chasse à "l'étranger" (Albanais ou Musulman, cette fois-ci) et de
quelques feux de mosquée. Elle, qui tient sous sa pleine influence la minorité
serbe du Kosovo, demande un "découpage en cantons" de la province.
L'indétermination actuelle est source permanente de désordre mais, de plus,
toutes les solutions pouvant être ponctuellement mises en œuvre ne peuvent
déboucher que sur un chaos encore plus grand, car elles auraient des
répercussions immédiates sur la Bosnie et la Macédoine et même la Grèce. En
toile de fond de cette situation, il existe de surcroît une vie sociale de plus
en plus précaire, où sur fond de misère règnent les trafics en tout genre, les
mafias politico-économiques les plus cruelles, les haines nationalistes et
raciales les plus agressives.
Les "responsables" des classes dominantes de ces puissances ont tous
fait des déclarations du même tonneau : "Nous savions, en nous engageant, qu'un conflit ethnique demande un
certain temps", comme dit le ministre britannique John Straw. Non
seulement ils ne résoudront rien du tout, mais au contraire, plus le temps
passe et plus leurs agissements deviennent des facteurs actifs qui ne servent
qu'à envenimer cette situation de chaos sans issue.
[1] [436] L'ancien gouverneur mandaté par l'ONU au Kosovo, l'inénarrable Kouchner est un spécialiste de ce genre de discours aussi lénifiants que mensongers.
[2] [437] À l'origine, l'UCK s'est sans doute formée en Allemagne et avec l'aide de la bourgeoisie de ce pays qui n'a jamais renoncé à avancer ses pions dans les Balkans. Mais à partir de 1998, et surtout lors du sommet de Rambouillet (1999) sur le Kosovo, ce sont les Etats-Unis qui sont devenus les parrains de l'UCK.
[3] [438] Ramsès-2004, revue de l'IFRI.
L'article que nous publions ci-dessous reprend, de façon très synthétique, les idées essentielles du rapport sur la lutte de classe internationale adopté à l'automne 2003 par l'organe central du CCI[1] [439]
Les mobilisations à grande échelle du printemps 2003 en France et en
Autriche sont un premier pas significatif dans la récupération de la
combativité ouvrière après la plus longue période de reflux de la lutte de
classe depuis 1968. Elles mettent en lumière le fait que la classe ouvrière, en
dépit de son manque persistant de confiance en elle, est de plus en plus
contrainte à lutter face à l'aggravation dramatique de la crise et au caractère
de plus en plus massif et généralisé des attaques frappant une nouvelle
génération, non défaite, de prolétaires.
Face au retour du chômage massif à partir des années 1970, la réponse de la
bourgeoisie avait consisté à prendre des mesures capitalistes dites de
"l'Etat providence" (notamment à travers des modalités plus
avantageuses d'accès à la retraite dans certains pays) mais qui constituaient
un non sens du point de vue économique, à tel point qu'aujourd'hui ces mesures
constituent une des principales causes de l'incommensurable dette publique. Le
fait que la bourgeoisie soit désormais amenée à démanteler l'Etat providence
est à présent un facteur de développement de la lutte de classe.
Ce tournant dans la dynamique de la lutte de classe depuis 1989 concerne non
seulement la combativité de la classe ouvrière mais aussi l'état d'esprit en
son sein, la perspective dans laquelle s'inscrit son activité. Il existe
actuellement des signes d'une perte d'illusions concernant non seulement les
mystifications typiques des années 1990 (la "révolution des nouvelles
technologies", etc.), mais aussi de celles qu'avait suscitées la
reconstruction du second après-guerre, à savoir l'espoir d'une vie meilleure
pour la génération suivante et d'une retraite décente pour ceux qui survivront
au bagne du travail salarié. Or, il ne faut pas perdre de vue que le retour
massif du prolétariat sur la scène de l'histoire en 1968 et le resurgissement
d'une perspective révolutionnaire avaient constitué non seulement une réponse
aux attaques immédiates mais surtout une réponse à l'effondrement des illusions
dans un avenir meilleur que le capitalisme d'après-guerre paraissait offrir.
Contrairement à ce qu'aurait pu nous faire croire une déformation vulgaire et
mécaniciste du matérialisme historique, de tels tournants dans la lutte de
classe, même s'ils sont déclenchés par une aggravation immédiate des conditions
matérielles d'existence du prolétariat, sont toujours le résultat de
changements sous-jacents dans sa vision de l'avenir.
Néanmoins, alors que les luttes ouvrières du printemps 1968 avait signifié une
modification du cours historique, celles de 2003 marquent simplement la fin
d'une phase de reflux au sein d'un cours général à des affrontements de classe
massifs. Nous sommes encore loin d'être confrontés à une vague internationale
de luttes massives, comme il en a existé durant les années 1970 et 1980.
Tant à l'échelle internationale que dans chaque pays, la combativité ouvrière
est donc encore à l'état embryonnaire et très hétérogène. Sa manifestation la
plus importante à ce jour, la lutte des enseignants en France au printemps
2003, est en premier lieu le résultat d'une provocation de la bourgeoisie
consistant à ajouter une attaque supplémentaire et spécifique à ce secteur (la
décentralisation) de manière à isoler les enseignants du reste de la classe
ouvrière et empêcher ainsi une riposte massive et générale contre la réforme
des retraites[2] [440].
En France même, le développement insuffisant et surtout l'absence d'une
combativité plus répandue ont fait que l'extension du mouvement au-delà du
secteur de l'éducation n'était pas immédiatement à l'ordre du jour. On a vu des
signes évidents de cette faiblesse dans les luttes en France et qu'il ne faut
pas craindre de reconnaître. C'est la perte de l'identité de classe et la perte
de vue de la notion de solidarité ouvrière qui ont conduit les enseignants en
France à accepter que leurs revendications spécifiques passent devant la
question générale des attaques contre les retraites. Les combats actuels sont
ceux d'une classe qui doit encore reconquérir, d'abord de façon élémentaire,
son identité de classe.
Pour le moment, la classe dominante est non seulement capable de contenir et
d'isoler les premières manifestations de l'agitation ouvrière, mais elle peut,
avec plus ou moins de succès (plus en Allemagne qu'en France), retourner cette
volonté de combattre encore relativement faible contre le développement de la
combativité générale à long terme en entraînant des fractions momentanément
plus combatives mais isolées du prolétariat dans des impasses.
Les mobilisations récentes contre les attaques sur le régime des retraites ne
signifient en aucune manière une modification immédiate et spectaculaire des
affrontements de classe, qui demanderait un déploiement rapide et fondamental
des forces politiques de la bourgeoisie pour y faire face. En effet, plus
significatif que tout ce qui précède quant aux limites actuelles du tournant
dans la lutte de classe, est le fait que la bourgeoisie ne soit pas encore
obligée de retourner à la stratégie de la gauche dans l'opposition[3] [441].
Aujourd'hui, l'aggravation qualitative de la crise économique peut permettre
que des questions comme le chômage, la pauvreté, l'exploitation soient posées
au sein de la classe ouvrière de façon plus globale et politique, de même que
celles des retraites, de la santé, de l'entretien des chômeurs, des conditions
de vie, de l'avenir des générations futures, etc.
Cette leçon à long terme est de loin la plus importante, elle est d'une portée
plus grande que celle du rythme avec lequel la combativité immédiate de la
classe va être restaurée ; d'autant plus que ce rythme sera nécessairement
lent.
Par ailleurs, la détérioration de la situation économique va contraindre les
syndicats à assumer de plus en plus ouvertement leur rôle de saboteurs des
luttes. Elle va aussi tendre à engendrer de façon plus fréquente des
confrontations spontanées, ponctuelles, isolées entre les ouvriers et les
syndicats, telles que l'ont révélé les grèves sauvages de l'été dernier à
Heathrow, à l'Aérospatiale à Toulouse ou à Puertollano en Espagne. Le
rétablissement de la confrontation aux syndicats ne signifie pas pour autant
que les problèmes se posent dans les mêmes termes que dans les années 1980.
Pendant les années 1980, face aux combats ouvriers, le CCI a appris à
identifier, dans chaque cas concret, quel était l'obstacle à l'avancée du
mouvement et autour duquel l'affrontement avec les syndicats et la gauche
devait être polarisé. C'était souvent la question de l'extension de la lutte
aux autres secteurs. Des motions concrètes, présentées en assemblée générale,
appelant à aller vers les autres ouvriers constituaient la dynamite avec
laquelle nous essayions de balayer le terrain pour favoriser l'avancée générale
du mouvement. Les questions centrales posées aujourd'hui - qu'est-ce-que la
lutte de classe, ses buts, ses méthodes, qui sont ses adversaires, quels sont
les obstacles que nous devons surmonter ? - semblent constituer l'antithèse des
questions posées au cours des luttes des années 1980. Elles apparaissent plus
"abstraites" car moins immédiatement réalisables, voire constituer un
retour à la case départ des origines du mouvement ouvrier. Les mettre en avant
exige plus de patience, une vision à plus long terme, des capacités politiques
et théoriques plus profondes pour l'intervention des révolutionnaires.
En réalité, les questions centrales actuelles ne sont pas plus abstraites,
elles sont plus globales. Il n'y a rien d'abstrait ou de rétrograde dans le
fait d'intervenir, dans une assemblée ouvrière, pour mettre en évidence que les
attaques actuelles (notamment contre les retraites) révèlent la faillite du
capitalisme et la nécessité d'un changement de société. Le caractère global de
ces questions montre la voie à suivre. Avant 1989, le prolétariat a échoué
précisément parce qu'il posait les questions de la lutte de classe de façon
trop étroite.
Néanmoins, ce n'est pas un boulevard que la lutte de classe va trouver face
à elle. En effet, si la crise économique favorise un questionnement qui tend à
être global, la décomposition de la société qui elle aussi se poursuit, a
l'effet contraire. De plus la classe ouvrière doit compter avec l'action de la
bourgeoisie visant à étouffer dans l'œuf le développement de la lutte de classe.
Ce n'est pas la combativité de la classe ouvrière en tant que telle qui
inquiète la classe dominante, mais bien le risque que les conflits sociaux
alimentent la conscience dans la classe. C'est une question qui aujourd'hui,
plus encore que par le passé, préoccupe la bourgeoisie, précisément parce que
la crise économique est plus grave et plus globale. A chaque fois que les
luttes ne peuvent être évitées, la bourgeoisie cherche d'une part à en limiter
les effets positifs sur la confiance en soi, sur la solidarité et la réflexion
dans la classe ouvrière, d'autre part à faire en sorte que la lutte soit la
source de fausses leçons.
De plus, la gauche et l'extrême-gauche du capital, particulièrement les
gauchistes, sont passées maîtres dans l'art d'utiliser les effets de la
décomposition de la société contre les luttes ouvrières. Ainsi par exemple, les
appels des gauchistes français pour empêcher les élèves de passer leurs examens
en juin 2003, le spectacle des syndicalistes ouest-allemands voulant empêcher
les métallos est-allemands - qui ne voulaient plus faire une grève longue pour
les 35 heures - de reprendre le travail, sont des attaques dangereuses contre
l'idée même de classe ouvrière et de solidarité.
C'est à travers les attaques qu'elle subit que la classe ouvrière comme un tout
commence à comprendre la nature réelle du capitalisme. Ce point de vue marxiste
ne dénie en rien l'importance du rôle des révolutionnaires et de la théorie
marxiste dans ce processus de développement de la conscience de classe du
prolétariat. C'est dans la théorie marxiste que les ouvriers trouveront la
confirmation et l'explication de ce dont ils font eux-mêmes l'expérience.
[1] [442] De très larges extraits de ce rapport sont publiés dans la Revue Internationale n° 117.
[2] [443] Pour une analyse plus détaillée de ce mouvement, voir notre article "Face aux attaques massives du capital, le besoin d'une riposte massive de la classe ouvrière" dans la Revue internationale n°114.
[3] [444] Cette carte de la gauche dans l'opposition a été déployée par la bourgeoisie à la fin des années 1970 et au début des années 1980. Elle consiste en un partage systématique des tâches entre les différents secteurs de la bourgeoisie. Il revient à la droite, au gouvernement, de "parler franc" et d'appliquer sans fards les attaques requises contre la classe ouvrière. Il revient à la gauche, c'est-à-dire les fractions bourgeoises qui, par leur langage et leur histoire, ont pour tâche spécifique de mystifier et encadrer les ouvriers, de dévoyer, stériliser et étouffer, grâce à leur position dans l'opposition, les luttes et la prise de conscience provoquées par ces attaques au sein du prolétariat. Pour davantage d'éléments concernant la mise en place d'une telle politique par la bourgeoisie lire la résolution publiée dans la Revue internationale n°26.
Le 28 décembre 2003, le camarade Robert est mort à l'âge de 90 ans. Robert a suivi notre organisation de très près comme un vrai compagnon de route pendant plus de 28 ans. Il a participé dès la constitution du CCI à plusieurs de ses conférences et congrès en tant qu'observateur ainsi que de façon régulière à nos activités publiques en Belgique. Malgré certaines appréciations divergentes, il s'est cependant toujours reconnu dans l'orientation générale de notre organisation et lui a apporté tout son soutien possible. Aujourd'hui nous voulons rendre hommage, non seulement à Robert comme camarade pour avoir conservé sa fidélité, son dévouement et sa passion à la cause révolutionnaire dans les pires moments de l'histoire du prolétariat, mais aussi à toute une génération de militants de la classe ouvrière qui disparaît avec lui en Belgique. En effet, Robert était le dernier communiste révolutionnaire survivant d'un milieu politique en Belgique, de cette génération de militants qui a tenu haut l'étendard de l'internationalisme prolétarien. Il appartenait à la toute petite minorité de militants communistes qui a survécu et résisté à la période turbulente et sombre de la terrible contre-révolution qui s'est abattue sur la classe ouvrière entre les années 1930 et les années 1960.
C'est dans les quartiers populaires de Bruxelles que Robert découvre
dans sa jeunesse toutes les contradictions de la société
capitaliste et qu'il est confronté à la dure réalité
de la lutte de classe. Bruxelles étant le centre politique de
la Belgique, elle concentrait aussi les expressions et débats
les plus cruciaux de cette époque qui ont nourri la formation
révolutionnaire de Robert : discussions pour savoir s'il fallait
un nouveau parti communiste ou faire un travail de fraction, pour analyser
la signification de la guerre en Espagne, réfléchir à
la validité ou non de la fondation de la 4e Internationale trotskiste,
comprendre la nature de classe de l'URSS, la montée du fascisme
et défendre l'internationalisme devant l'imminence de la guerre
généralisée, etc. Tous ces débats, qui avaient
cours dans le milieu politisé de l'époque, étaient
animés par les groupes 'trotskystes' de l'Opposition Internationale
de Gauche (PSR, Contre le Courant, etc.) et de la Gauche Communiste
Internationale (italienne avec la revue Bilan et belge avec la revue
Communisme). Robert décide de rejoindre en tant que militant
les rangs de l'opposition trotskyste de Vereecken et Renery (Contre
le Courant) qui s'est opposée à la fondation de la 4e
Internationale, estimant qu'elle était prématurée
et que "Trotsky a contribué au découragement et à
la dispersion des rares forces révolutionnaires". Ce groupe
dénoncera la trahison social-patriote des trotskystes officiels
pendant la Seconde Guerre mondiale et pratiquera une politique de défaitisme
révolutionnaire à l'égard de tous les impérialismes
sans distinction aucune.
A l'éclatement de la guerre le 1er septembre 1939 et face à
la répression et aux arrestations, un certain nombre de militants
choisissent l'exode pour continuer le travail politique. Ainsi Robert
s'enfuit dans un premier temps vers Paris pour ensuite rejoindre Marseille,
ville d'asile provisoire pour beaucoup de révolutionnaires. Mais
nombreux étaient ceux qui avaient perdu la conviction aux moments
les plus critiques. Robert, quant à lui, gardait toute sa confiance
révolutionnaire dans la classe ouvrière et une position
internationaliste devant les camps bellicistes en présence.
Au travers de ses relations politiques avec le milieu des internationalistes,
Robert entre en contact avec le cercle animé par notre ancien
camarade Marc. Ce dernier, à partir de l'été 1940,
était particulièrement actif pour ranimer l'activité
politique des Fractions de la Gauche Communiste Internationale entrées
en léthargie à la veille de la déclaration de guerre.
Dès 1941, les discussions et les contacts se développent
à nouveau. En mai 1942, le 'Noyau Français de la Gauche
Communiste Internationale' se constitue avec la participation de plusieurs
nouveaux éléments dont Robert. C'est par le biais de ce
dernier qu'un travail commun avec les RKD (ex-trotskystes autrichiens)
et les CR (Communistes Révolutionnaires) va se forger. En effet
les RKD, par leurs contacts avec le groupe de Vereecken, rencontrent
Robert. Il suscite l'intérêt des RKD par les positions
politiques que développe le Noyau Français de la Gauche
Communiste. La caractérisation de l'URSS comme une expression
de la tendance universelle au capitalisme d'état, l'internationalisme
prolétarien par rapport à la guerre, la critique de la
4e Internationale trotskyste, etc., autant de points communs qui vont
forger les liens politiques. Une action et propagande directe contre
la guerre impérialiste adressée aux ouvriers et soldats
de toutes les nationalités y compris aux prolétaires allemands
en uniforme sera menée en commun.
Le Noyau français dans lequel Robert milite se transforme en
décembre 1944 en groupe politique et demande son adhésion
au Bureau International des Fractions en tant que 'Fraction Française
de la Gauche Communiste Internationale'. Cependant, la Conférence
de mai 1945 de la Fraction, suite à l'annonce de la reconstitution
du Parti Communiste International en Italie et à l'évocation
de la réapparition politique de Bordiga, décide de dissoudre
la Fraction italienne et préconise l'adhésion individuelle
de ses membres à ce nouveau parti. Notre camarade Marc s'oppose
fermement à ce retournement irresponsable sans discussion préalable,
ni bilan politique, ainsi qu'à l'intégration dans un parti
dont la Fraction ne connaît même pas les positions politiques
! Par la même occasion, le noyau français de la Gauche
Communiste Internationale se voit refuser son adhésion et est
ainsi forcée de changer son nom pour devenir la GCF (Gauche communiste
de France). Par contre, la Fraction Belge, reconstituée après
la guerre autour de Vercesi, se rattachera au PCInt de Damen, Maffi
et Bordiga.
Après la guerre, Robert retourne en Belgique et ne veut pas rester
seul. Il décide de rejoindre la Fraction belge sans abandonner
pour cela toutes ses convictions acquises dans la période précédente
au Noyau français de la Gauche Communiste Internationale. Il
garde le contact avec la Gauche Communiste de France et Marc en particulier.
Le groupe en Belgique restait d'ailleurs fidèle à l'essentiel
des positions de 'Bilan' d'avant-guerre et se retrouvait de fait en
divergence avec le PCInt. La Fraction belge restera aussi, tout comme
elle l'avait fait avant la guerre, beaucoup plus ouverte aux discussions
internationales. Ainsi, embarrassée fin 1945 - début 1946,
la Fraction Belge demandera des explications complémentaires
au PCInt sur les motifs de non adhésion de la Gauche Communiste
de France. Robert évidemment a fortement soutenu cette demande.
Aussi, elle propose un journal théorique en collaboration avec
les trotskystes belges autour de Vereecken avant que ce groupe ne se
perde définitivement en s'intégrant dans la 4e Internationale.
Cette proposition sera refusée par le PCInt. De même, en
mai 1947, elle participera à la conférence internationale
de contacts convoquée par le Communistenbond Spartacus des Pays-Bas
qui regroupait, pour la Belgique, des groupes apparentés au Spartacusbond,
la Fraction belge de la GCI, pour la France, la Gauche Communiste de
France, le 'Prolétaire' des CR, les RKD, le groupe 'Lutte de
classe' (Suisse) et la Fraction autonome de Turin du PCI.
En 1950-52 la période n'est plus aux espoirs de reprise des combats
révolutionnaires comme lors de la fin de la Première Guerre
mondiale. De nombreuses organisations révolutionnaires se disloquent.
La Gauche Communiste de France (Internationalisme) se disperse également.
Robert gardera des contacts épistolaires réguliers avec
Marc qui se retrouvait au Vénézuela et il contribue quant
aux informations politiques venant du continent européen sur
la vie des groupes du milieu révolutionnaire.
Après la mort de Vercesi en 1957, le groupe en Belgique refuse
de se soumettre aux positions du PCInt mais se disloque peu à
peu ensuite. Depuis, Robert participa toujours aux diverses expressions
organisées se rattachant aux positions de la Gauche Communiste,
dont notamment le cercle d'étude et sa revue Le Fil du Temps
de Roger Dangeville (scission d'avec le PCInt qui avait fait partie
pendant un certain temps du cercle de discussion à l'initiative
de Maximilien Rubel, venant de la Gauche Communiste de France). Finalement,
via Marc, il prend contact avec le groupe Révolution Internationale
en France dès 1968. Malgré certaines divergences concernant
le cours historique et le parti, Robert était conscient de la
valeur politique des organisations révolutionnaires et de la
nécessité d'en sauvegarder le patrimoine. C'est pourquoi
il est resté indéfectiblement fidèle au CCI. Ainsi,
il nous a toujours soutenu dans toutes les périodes difficiles
en participant même à notre défense par ses prises
de position.
Les militants du CCI qui continuent la lutte révolutionnaire
pour laquelle il a vécu et combattu le saluent une dernière
fois et garderont vivant son souvenir.
Napoléon, ce grand homme de la bourgeoisie, disait que la meilleure
figure de rhétorique était la répétition.
C'est ce que font les dirigeants des pays développés qui
nous répètent tous les ans que cela ira mieux demain.
Les ministres des finances et les dirigeants des banques centrales l'ont
encore confirmé lors du dernier sommet du G7, début février,
se félicitant que la reprise serait "plus ferme qu'espérée".
Trichet, président de la Banque Centrale Européenne, soulignait
même que ce sommet était arrivé à "une
situation gagnante pour tout le monde", affirmant par là
que les perspectives de croissance américaine allaient profiter
à tous et en particulier à l'économie européenne.
En réalité, depuis trois ans, la bourgeoisie prévoit
la croissance économique et, comme Sœur Anne, elle ne voit
rien venir. Révisant systématiquement à la baisse
les taux d'une croissance espérée comme le messie et,
comme lui, fondée sur des espérances quasi-mystiques,
les dirigeants des pays développés ont systématiquement
cherché à masquer que nous étions dans une période
de récession qui s'est avérée être une des
plus longues depuis la fin des années 1960. Pour la classe ouvrière,
les perspectives optimistes annoncées ne seront pas porteuses
d'améliorations car même s'il y a reprise, elle est fondée
sur des artifices porteurs d'orages économiques plus violents
que jamais pour l'avenir.
Les grands spécialistes de l'économie mondiale eux-mêmes
sont les premiers à s'inquiéter de ce que l'endettement
astronomique de l'Etat américain, locomotive de l'économie
mondiale, ne pourra pas durer et qu'il constitue même le facteur
majeur d'une aggravation à terme de la crise. Les Etats-Unis
se sont ainsi maintenus à flot depuis juin 2003 avec une croissance
positive (en rythme annuel) de plus de 8% pour le dernier trimestre
2003 et de 3% pour l'ensemble de l'année. Mais à quel
prix ? Fin 2003, l'endettement global de l'économie américaine
(ménages, entreprises et gouvernement confondus) était
d'environ 36 850 milliards de dollars, en augmentation de quasiment
10% sur un an. En augmentation explosive de 8000 milliards de dollars
depuis 2000, et d'environ 3100 milliards entre 2002 et 2003, cette dette
correspond à 5% du Produit Intérieur Brut américain.
Et la perspective d'un taux de croissance de 4% prévu pour 2004
est en réalité fondée sur une aggravation de ce
déficit prévu pour atteindre le sommet historique de 8%
du PIB si l'administration Bush poursuit la même politique.
Avec de telles projections économiques, le président américain
prétend pourtant diminuer de moitié le déficit
budgétaire d'ici 2007, s'il est réélu. On se demande
comment, alors que déjà la production industrielle a diminuée
de 0,5% pour le seul mois de janvier 2004 et que le déficit de
la balance commerciale, de 490 milliards de dollars pour 2003, se trouve
en augmentation de 43,1 milliards, c'est-à-dire de plus 0,9%
par rapport à décembre dernier ! De plus, le recours à
une politique de remises fiscales aux entreprises les plus performantes
et de baisse des taux d'intérêt jusqu'à 1% (des
taux aussi bas ne s'étaient pas vus depuis 45 ans) afin de "doper"
l'économie, tout en diminuant par la même occasion sa propre
dette, ont été un moyen de dépasser les risques
de déflation de la mi-2003 mais pour rentrer en fait dans une
période inflationniste.
Quant aux pays européens, dont certains comme la France se targuent
de la prévision d'un taux de croissance de 1,7% pour 2004, ils
se sont enfoncés dans la récession, ils affichent également
des déficits grandissants. Bien que contraints par le Pacte de
Stabilité européen de rester sous la barre des 3% de déficit,
ce qui restreint leur marge de manœuvre contrairement aux Etats-Unis,
les plus importants d'entre eux ont plongé dans l'endettement
et le déficit public afin de ne pas couler sous la pression américaine
: endettement de 63% du PIB et 4,1% de déficit public pour la
France, respectivement de 64% et de 3,9% pour l'Allemagne. Le Royaume-Uni
lui-même affiche un déficit public de 3,2%, le double de
l'année précédente.
Outre l'endettement monstrueux des pays développés, une
des caractéristiques majeures de la situation économique
se voit dans le développement toujours plus intense de la spéculation
financière. Les OPA font rage dans tous les secteurs et le gros
des investissements se fait toujours plus vers la spéculation
boursière ou sur les monnaies. Cette bulle spéculative
qui gonfle démesurément est une expression supplémentaire
du fait que les profits sur lesquels sont basés les discours
sur la "reprise" sont du vent, des bénéfices
virtuels car ce n'est que de l'argent qui tourne sur les marchés
boursiers sans être injecté dans la production elle-même.
Tous les pays sont intéressés à la reprise économique,
mais le capitalisme est un système fondamentalement concurrentiel
et sa logique est la suivante : "ce qui me profite fait forcément
du tort aux autres". Aussi le battage prétendant que tout
le monde va se retrouver derrière la locomotive américaine
est un mensonge, car la reprise américaine ne se fera qu'au détriment
de ses économies concurrentes. C'est ce qu'on a vu se développer
autour de la guerre des taux de change qui s'est menée depuis
2002. Ainsi, les Etats-Unis ont baissé de 20% environ la valeur
du dollar par rapport à l'euro, la principale monnaie concurrente.
C'est donc directement au détriment de l'Europe que Washington
a pu réaliser des bénéfices à l'exportation,
grâce à un dollar faible. Il faut noter que, malgré
la pression sur les puissances économiques rivales permise par
la baisse du dollar, les exportations américaines ne représentent
toujours que 75% des importations, venant rendre encore plus criante
l'insolvabilité de la dette américaine.
Dans cette guerre économique qui fait rage, et de façon
à mettre plus sûrement l'Europe sur la touche, les Etats-Unis
se sont appuyés sur la Chine à travers par exemple l'acceptation
d'une parité entre le yuan et le dollar, malgré l'échec
jusqu'ici des demandes américaines de réévaluation
de la monnaie chinoise afin de faire monter le coût des importations
européennes. L'économie de l'Empire du Milieu affiche
une croissance de 9,1% pour 2003 et fait figure de future deuxième
puissance mondiale dans tous les médias. Et en effet, l'augmentation
de 122% de ses exportations depuis quatre ans et les excédents
commerciaux qui en découlent lui ont donc permis d'acheter massivement
des bons du trésor américains comme devises de réserve,
soutenant de ce fait le déficit de l'Amérique. Mais une
telle situation a mis en même temps la monnaie américaine
en état de dépendance aiguë à l'égard
de la Chine et donc de la capacité de cette dernière à
exporter. Si l'Etat chinois n'est brutalement plus en mesure, ou cesse,
d'accumuler des dollars, celui-ci risque un effondrement avec une hausse
brutale des taux d'intérêt, mettant en danger les perspectives
de reprise économique.
Le nouveau "miracle" chinois est du même tonneau que
le miracle des Tigres et des Dragons des années 1990, miracle
fondé sur l'endettement phénoménal d'entreprises
qui ont inondé le marché mondial grâce à
des coûts de production particulièrement bas et sur une
spéculation effrénée en attente de profits qui
ne sont pas réalisés. On a vu ce qu'il en est résulté
: faillites en chaîne avec des répercussions sur l'économie
mondiale, chômage massif, pauvreté aggravée, etc.
C'est la même perspective, mais encore plus brutale, qui est ouverte
devant nous.
Un leitmotiv de la propagande bourgeoise est de faire croire que l'augmentation
des dépenses d'armement est un bienfait pour l'économie
et que la guerre en Irak a été du pain béni pour
l'économie américaine. On nous parlait aussi des profits
juteux qu'allaient encaisser les puissances participant à la
reconstruction de l'Irak. La Maison Blanche s'est même efforcé
de fermer la porte de l'Irak à tous les détracteurs de
son intervention militaire. Pas besoin d'avoir fait de hautes études
économiques pour compter les bénéfices au vu de
la situation de chaos sans fin qui s'offre en Irak.
Depuis le 11 septembre 2001, le budget de la défense d'outre-Atlantique
est passé de 306 milliards de dollars à 429 milliards.
L'administration Bush prévoit de l'augmenter par ailleurs de
7% jusqu'en 2005. La guerre en Irak coûte un milliard de dollars
par semaine, celle en Afghanistan un milliard par mois. A ce poids financier
des guerres doit être ajouté le budget de la sécurité
intérieure, les deux représentant 3,6% du PIB. Outre toutes
les horreurs qu'elles prévoient pour l'humanité, toutes
ces dépenses ne sont en rien significatives d'un mieux à
venir pour l'économie et pour la classe ouvrière. Derrière
les Etats-Unis, toutes les grandes puissances ont profité de
la "guerre contre le terrorisme" pour programmer des augmentations
de budgets militaires et de police.
Contrairement à ce que nous raconte la bourgeoisie, ce qui est
injecté dans la sphère militaire et le flicage de la population
n'est pas destiné à la reproduction de capital productif
mais à la destruction pure et simple du capital investi. Cela
signifie que le développement du militarisme et l'augmentation
des dépenses qui lui sont liées sont un poids supplémentaire
ne pouvant qu'accentuer la marasme économique.
Aussi, en guise de croissance, la situation économique du capitalisme
mondial ne peut aller qu'en s'aggravant. La bourgeoisie peut nous faire
miroiter des lendemains qui chantent, implacablement, la classe ouvrière
va connaître de nouvelles attaques sur ses conditions de vie et
de travail. Certains "analystes" bourgeois sont d'ailleurs
bien obligés de s'interroger sur cette "reprise sans emplois".
Ainsi, alors que l'Etat américain continue d'afficher les projections
les plus optimistes, le début de l'année n'a pas vu de
création d'emplois aux Etats-Unis, ni d'augmentation de l'activité
économique dans les entreprises, même quand elles ne licencient
pas.
De même, le chômage, pourtant masqué par de nombreuses
mesures destinées dramatiquement à faire disparaître
les chômeurs des statistiques, augmente dans tous les pays, développés
ou soi-disant "émergents".
La poursuite du démantèlement du Welfare State qui est
à l'ordre du jour pour toutes les bourgeoisies du monde va entraîner
une aggravation formidable de la baisse du niveau de vie et la mise
à la rue d'un nombre incalculable de prolétaires, en particulier
sur le sol européen.
Pas d'illusions. Les mensonges sur la reprise ont pour objectif de cacher
à la classe ouvrière que ce n'est pas une question de
mauvaise gestion ou de bénéfices mal ou frauduleusement
détournés dans les poches de patrons, mais que le capitalisme
est en totale faillite. Précarisation, paupérisation,
coupes drastiques dans les budgets sociaux, licenciements et baisses
des salaires sont les maîtres mots de la perspective qui attend
les ouvriers du monde entier, sans possibilité d'une quelconque
amélioration de leur sort dans le capitalisme.
Aujourd'hui, un an après la "réforme" sur les retraites, le prolétariat en France est confronté à une nouvelle attaque violente et frontale de sa bourgeoisie : la remise en cause de la Sécurité sociale et des dépenses de santé.
Une nouvelle attaque généralisée du capitalismeCelle-ci va toucher tous les ouvriers et se traduire par une aggravation
considérable de leurs conditions de vie et une intensification
de leur exploitation.
Les mesures déjà annoncées prévoient simultanément
:
Concrètement, les maladies non physiquement décelables
comme la dépression nerveuse, l'angoisse, le stress, la fatigue
qui deviennent de plus en plus le lot commun des ouvriers confrontés
quotidiennement à la dégradation de plus en plus insupportable
de la vie sociale et à l'intensification de l'exploitation seront
systématiquement suspectées de fraude à l'assurance
maladie.
Le cumul de ces ponctions allant toutes dans le même sens caractérise
l'ampleur de l'accélération de la nouvelle attaque actuelle.
Ainsi, plus personne n'est épargné, ce sont d'emblée
tous les prolétaires, toutes générations confondues,qui
vont subir de plein fouet cette attaque, dans le secteur privé
comme dans le secteur public, les retraités comme les actifs,
les chômeurs comme les salariés. Après avoir vu
leur retraite considérablement amputée et avoir perdu
l'espoir de s'assurer une vie décente au cours des dernières
années de leur existence, les prolétaires se voient en
plus aujourd'hui privés du droit de tomber malade et de se soigner.
La classe ouvrière, désormais à peu près
taillable et corvéable à merci, est ainsi brutalement
ramenée à un niveau de misère, de précarité
et d'exploitation comparable à celui qu'elle subissait au 19e
siècle, mais cette fois sans pouvoir escompter une amélioration
de sa condition tirée des progrès du capitalisme.
Contrairement au battage des médias qui la présentent
comme une série de mesures hâtivement ficelées,
cette attaque a été cette fois encore dûment planifiée
et préparée depuis des mois. La bourgeoisie s'est donnée
tous les moyens pour la mener avec le moins de danger possible de s'exposer
à une réaction incontrôlable de la classe ouvrière.
Après l'annonce télévisée des principales
mesures le 17 mai, entre deux échéances électorales,
ce qui est toujours une période où la bourgeoisie a le
moins à craindre une mobilisation ouvrière, tout doit
aller très vite : dans la foulée, les "partenaires
sociaux", essentiellement les syndicats, sont officiellement consultés
et reçus ; le 25 mai, le texte du projet de loi est déposé
au Conseil d'Etat, à la mi-juin, il passe au conseil des ministres
avant d'être débattu et adopté au parlement en juillet,
en plein milieu des vacances d'été.
D'emblée, les médias minimisent la portée des mesures
annoncées et mettent en avant qu'il ne s'agit que de mesurettes
constituées de bric et de broc et non la grande réforme
annoncée depuis des mois à grands renforts de publicité.
Les syndicats eux-mêmes sont loin de jeter de l'huile sur le feu
et se contentent d'appeler à une journée de mobilisation-test
pour le 5 juin, alors qu'une série d'autres mobilisations est
annoncée sur d'autres motifs, dans des secteurs particuliers.
Ainsi les fonctionnaires sont appelés à faire grève
le 25 mai pour protester contre la non revalorisation des salaires dans
la fonction publique et les coupes budgétaires alors que les
hauts-fonctionnaires d'Etat s'attribuent dans le même temps des
primes supplémentaires, donnant une large publicité aux
échos sur le train de vie princier du couple Sarkozy. Les électriciens
et les gaziers sont également appelés à se mobiliser
tous les jours et à manifester "massivement" le 27
mai et le 15 juin contre le changement de statut d'EDF et de GDF et
au nom de "la défense du service public".
Mais surtout, la bourgeoisie française pour dissuader les ouvriers
d'entrer massivement en lutte lui tend un piège électoral
et annonce cette attaque majeure et cette intensification de l'exploitation
capitaliste en pleine période électorale pour mieux détourner
le mécontentement des ouvriers du terrain de la lutte de classe
et le pousser à s'exprimer dans les urnes. Déjà
traditionnellement, les périodes électorales ne sont pas
les plus favorables pour la classe ouvrière et sont profondément
démobilisatrices. Mais aujourd'hui, la campagne électoraliste
de la bourgeoisie est particulièrement adaptée pour intoxiquer
au maximum la conscience des ouvriers et miner leur riposte aux attaques
sur la Sécurité sociale. La bourgeoisie utilise à
présent l'impopularité de Raffarin et de ses gouvernements
successifs pour lui faire porter le chapeau d'une nouvelle attaque,
quitte à le sacrifier par la suite. Ainsi, toute la bourgeoisie
orchestre-t-elle une vaste campagne idéologique mettant en avant
que, puisque le gouvernement Raffarin est le responsable des attaques,
il faut confirmer la baffe qu'il a prise aux élections régionales,
il faut continuer à le sanctionner avec son équipe à
travers le bulletin de vote aux élections européennes.
Depuis les élections régionales, au sein de l'appareil
politique de la bourgeoisie, les syndicats et les gauchistes eux-mêmes
appellent sans relâche les ouvriers à se mobiliser avant
tout sur le terrain électoral et à exprimer leur mécontentement
dans les urnes, apportant ainsi la meilleure caution à la parole
de Raffarin lui-même au moment de l'attaque sur les retraites
"Ce n'est pas la rue qui gouverne". Les ouvriers sont encouragés
massivement par les syndicats et les gauchistes à faire du bulletin
de vote une arme efficace pour atteindre cet objectif dérisoire
devenu un mot d'ordre largement répandu : "virer Raffarin",
ce dernier étant désigné comme unique responsable
des attaques et de tous les maux du capitalisme.
Il faut rappeler que les attaques sur la Sécurité sociale
adoptées par les équipes de droite actuelles sont la poursuite
et l'intensification des mesures déjà prises par la gauche
quand elle était elle-même au gouvernement. Il faut se
souvenir que l'argumentation utilisée pour justifier ces attaques
est elle aussi identique. Ainsi, par exemple, la "responsabilisation"
des patients face au "trou de la Sécu" et aux soi-disant
"abus" des dépenses de santé avait été
l'enveloppe idéologique de l'institution du forfait hospitalier
par le "communiste" Ralite en 1983. La fameuse CSG avait été
instituée par le gouvernement Rocard, au nom de la "solidarité
sociale" alors que la prolongation de la CRDS (contribution pour
le remboursement de la dette sociale) dont le PS critique aujourd'hui
le poids sur les générations futures avait déjà
été précédemment pérennisée
jusqu'en 2014 par le gouvernement Jospin. Quant à la politique
intensifiée aujourd'hui sur le déremboursement des médicaments,
il faut rappeler que c'est Madame Aubry qui l'avait initialisée.
Il n'est pas une seule des mesures adoptées, intensifiées
ou renforcées aujourd'hui qui n'ait été préparée,
ébauchée ou entreprise par la gauche au gouvernement.
Derrière cela, il s'agit bien entendu de mystifier les ouvriers
et de tenter de les persuader que la lutte ne sert à rien, que
seul le bulletin de vote peut changer les choses. C'est une gigantesque
escroquerie.
De tous temps, la bourgeoisie a cherché à persuader les
prolétaires que "lutter ne sert à rien". Or,
face au développement et à la succession des attaques
capitalistes, le seul moyen de se défendre est de lutter. La
classe ouvrière n'a pas d'autre choix. Car si elle ne le fait
pas, la bourgeoisie va continuer à cogner toujours plus fort,
sans retenue.
Quel est l'enjeu véritable de la situation ? Il s'agit pour la
bourgeoisie de masquer aux yeux de la classe ouvrière que la
véritable signification de l'attaque sur la Sécurité
sociale est la même que celle sur les retraites l'an dernier,
sur les chômeurs il y a quelques mois. Ces attaques n'ont rien
à voir avec une "situation transitoire" liée
à une "mauvaise conjoncture économique" ou encore
avec une "mauvaise répartition des richesses" comme
le prétendent les altermondialistes ou les gauchistes de "Lutte
Ouvrière". Le démantèlement accéléré
de l'Etat providence n'est pas particulier à la France. Partout,
dans tous les pays industrialisés, qu'ils soient gouvernés
par la gauche ou par la droite, les ouvriers subissent avec l'aggravation
de la crise économique mondiale, la même remise en cause
des "acquis sociaux" et de toute la protection sociale qui
avait été mise en place, notamment en France, pour mieux
amener les prolétaires "à retrousser les manches"
pour faire redémarrer l'économie nationale à la
fin de la Seconde Guerre mondiale. Cela révèle au grand
jour la faillite historique du système capitaliste qui n'a rien
d'autre à offrir à l'humanité que toujours plus
de misère, de massacres, de barbarie, de famines, d'épidémies.
C'est justement pour cela qu'il n'existe pas d'autre perspective pour
les ouvriers que de renverser le capitalisme à l'échelle
mondiale et de le remplacer par une autre société, basée
non plus sur la recherche du profit et l'exploitation mais sur la satisfaction
des besoins humains.
Ce n'est que par la lutte que la classe ouvrière peut freiner
les attaques du capitalisme, reprendre confiance en ses propres forces
et prendre conscience qu'elle est seule capable d'offrir une alternative
à l'impasse du capitalisme.
Plus que jamais, il s'agit pour la bourgeoisie de faire obstacle à
la prise de conscience au sein de la classe ouvrière que, face
à ces attaques massives, les prolétaires sont poussés
à entrer en lutte massivement, ensemble, à s'unir autour
des mêmes revendications.
Mais pour cela, les prolétaires ne peuvent faire confiance ni
aux syndicats, ni aux gauchistes. Si la bourgeoisie peut se permettre
aujourd'hui cette nouvelle attaque, moins d'un an après avoir
fait passer sa réforme des retraites, c'est parce que la classe
ouvrière n'a pas pu faire reculer la bourgeoisie sur les retraites,
parce qu'elle est tombée dans les pièges tendus conjointement
par le gouvernement, les syndicats et les gauchistes. C'est la défaite
subie l'an dernier qui permet à la bourgeoisie de préparer
des attaques encore plus lourdes et généralisées
contre les prolétaires.
Pour pouvoir faire face à ces attaques, les ouvriers ne doivent
ni se laisser démoraliser, ni retomber dans les pièges
que leur tend inévitablement la bourgeoisie. Ils ne doivent en
particulier plus faire la moindre confiance à ceux qui prétendent
défendre leurs intérêts et qui sont précisément
les mêmes que ceux qui les ont conduits dans cette défaite
l'an dernier, les syndicats et les organisations gauchistes.
C'est une des principales leçons que la classe ouvrière
doit pleinement tirer de la défaite du printemps 2003. Il faut
rappeler comment les syndicats et les gauchistes ont déjà
manoeuvré les ouvriers dans ces moments décisifs, notamment
en enfermant la lutte sur le terrain du corporatisme. Déjà,
la bourgeoisie avait choisi le moment de porter son attaque sur les
retraites et avait mis en place un dispositif pour que l'explosion inévitable
de la colère ouvrière soit stoppée par la trêve
des congés d'été. L'essentiel de sa manoeuvre a
consisté à provoquer un secteur particulier, celui de
l'Education nationale, au moyen d'une attaque spécifique particulièrement
sévère, en vue d'obtenir que sa lutte se polarisant sur
cette attaque la concernant en propre, il s'isole du reste de la classe
désamorçant ainsi le risque d'une mobilisation généralisée
de la classe ouvrière face à l'attaque sur les retraites.
Alors même que les syndicats freinaient la lutte dans les autres
secteurs (RATP, SNCF) sur la question des retraites, ils encourageaient
les enseignants à se battre sur l'attaque spécifique concernant
la décentralisation. Les syndicats ont été le fer
de lance de l'enfermement dans la corporation, qui a joué un
rôle décisif dans la défaite du printemps 2003.
Ainsi, en poussant à la focalisation des enseignants sur cette
attaque spécifique, ils ont à la fois permis de faire
passer l'attaque sur les retraites au second plan des préoccupations
des enseignants et installé sur le devant de la scène
une attaque dans laquelle l'ensemble de la classe ouvrière ne
pouvait plus se sentir immédiatement concernée. Cette
manoeuvre de division a été parachevée avec la
période des examens que les syndicats "radicaux" et
les gauchistes ont menacé de bloquer, provoquant ainsi des réactions
d'hostilité envers les enseignants de la part de prolétaires
dont les enfants risquaient de faire les frais de ce blocage. Enfin,
après avoir semé l'illusion que la détermination
des enseignants à eux seuls pourraient faire reculer le gouvernement
et avoir épuisé leur combativité dans une grève
longue, les syndicats ont activement poussé les enseignants à
faire porter le chapeau de la défaite aux autres secteurs de
la classe ouvrière qui n'auraient pas manifesté leur solidarité
envers les travailleurs de l'Education nationale. Les syndicats et les
gauchistes ont ainsi favorisé et suscité la division des
ouvriers, non seulement en permettant de faire passer l'attaque sur
les retraites pour tous les ouvriers mais en infligeant un goût
de défaite encore plus amer et démoralisant pour le secteur
de l'Education nationale.
La classe ouvrière pour pouvoir se défendre et freiner
les attaques de la bourgeoisie est amenée à surmonter
le poids de la démoralisation des défaites précédentes,
à réaffirmer et développer son combat de classe.
Pour être en mesure de déjouer les pièges que lui
tendra inévitablement la bourgeoisie, elle devra discerner quels
sont ses ennemis. En particulier, les différentes fractions de
la bourgeoisie, avec en leur sein les syndicats et les gauchistes, vont
s'appuyer sur le même type de manoeuvres d'enfermement pour empêcher
la mobilisation la plus large et unitaire possible de la classe ouvrière
et faire passer l'attaque sur la Sécurité sociale et le
système de santé.
C'est ce qu'ils font dès à présent en tentant de
détourner la classe ouvrière d'une riposte massive et
en cherchant à l'attirer sur le terrain de la bourgeoisie, vers
l'impasse des urnes.
La classe ouvrière n'a pas d'autre choix que de se battre le
plus massivement et le plus unitairement possible sur son terrain de
classe pour être en mesure de résister aux attaques de
la bourgeoisie. Elle doit réapprendre à ne compter que
sur ses propres forces pour développer son combat de classe.
Tous les jours, des heurts meurtriers se déroulent dans chaque ville irakienne comme à Kerbala le 19 mai dernier. Des massacres de populations civiles se perpétuent comme dans le village de Makredid où une fête de mariage a été bombardée faisant au moins 40 morts, principalement des femmes et des enfants. Les exécutions sommaires d'otages à l'arme blanche par des groupuscules fanatisés et armés toujours plus nombreux deviennent monnaie courante. Mais ce qui est nouveau dans la situation, c'est l'apparition sur les écrans de télévision du monde entier des tortures infligées aux prisonniers irakiens d'Abou-Ghraib. Il est certain que ces tortures ne doivent pas concerner que cette seule prison, pas plus qu'elles n'auraient seulement commencé qu'au mois de mai de cette année.
L'Etat américain est entré à nouveau en guerre contre l'Irak de Saddam Hussein au nom de la lutte contre le terrorisme, les Etats voyous, pour la défense de la civilisation et de la démocratie. Les tortures infligées aux prisonniers irakiens mettent clairement en lumière la véritable nature de la démocratie. En matière de barbarie, elle n'a rien à envier à n'importe quelle autre forme de dictature du capital. Les Etats-Unis ne sont pas le premier Etat démocratique à utiliser massivement la torture. Sans avoir besoin de remonter trop loin dans le temps, il suffit de se rappeler le rôle joué par la démocratie française au Rwanda en 1994, organisant cyniquement un génocide et des tortures à grande échelle qui allaient entraîner le massacre sauvage d'un million de personnes. Mais plus clairement encore, pendant la guerre d'Indochine, à la sortie de la Seconde Guerre mondiale menée au nom de la lutte contre le monstre fasciste, l'armée française ne se prive pas d'utiliser massivement la torture. Parmi d'innombrables témoignages celui du jeune lieutenant-colonel Jules Roy est frappant dans sa dramatique ressemblance avec ceux qui nous parviennent aujourd'hui d'Irak : "Sur toutes les bases aériennes, à l'écart des pistes, étaient construites des cahutes, qu'on évitait et d'où, la nuit montaient des hurlements qu'on feignait de ne pas entendre... Je demandai à l'officier qui m'accompagnait ce que c'était 'Rien, des suspects '. Je demandai qu'on s'arrêtât. J'allai à la pagode. J'entrai : on amenait les files de Nha Que devant les tables où les spécialistes leurs brisaient les couilles à la magnéto" (Mémoires barbares, éd. Albin Michel, 1989). De ce point de vue, les tortures infligées également par l'armée française pendant la guerre d'Algérie à la fin des années 1950 n'ont rien à envier à celles pratiquées en Indochine. En Algérie, la torture a été promue par les chefs de l'armée française : Massu, Bigeard, Graziani au rang d'une véritable torture de masse. Dans chaque place du territoire algérien, il y avait un officier de renseignement tortionnaire officiel, entouré de son équipe de paras "spécialisés". Contrairement à ce qu'affirment tous les idéologues et autres défenseurs de l'ordre bourgeois, la démocratie, tout au long de son histoire, comme toute autre forme d'organisation du capital, n'a jamais cessé d'utiliser les moyens les plus barbares pour arriver à ses fins. Les larmes de crocodiles versées par le gouvernement français sur les horreurs perpétrées en Irak apparaissent ici clairement pour ce qu'elles sont : pure hypocrisie ! Il est indéniable que la révélation des tortures perpétrées en Irak ne se traduise par un nouvel affaiblissement du leadership américain. Il est évident que les principales puissances rivales des Etats-Unis ne pouvaient qu'utiliser à nouveau cet affaiblissement dans le sens de la défense du renforcement de leurs sordides intérêts nationaux.
C'est à cette logique qu'obéit le renforcement sans précédent de la coopération stratégique et militaire entre la France et la Russie. La mise en place de contacts réguliers entre leurs ministres de la défense et leurs chefs d'Etat-major, ainsi que le déroulement de manœuvres navales d'envergure sont l'expression directe de cette nouvelle politique impérialiste. Mais plus directement encore "La France a fait savoir la semaine dernière par la voix de son ministre des Affaires étrangères, M. Barnier, qu'elle n'enverrait pas de soldats en Irak 'ni maintenant, ni plus tard'" (Dépêche Internet du Monde datée du 20/05/04). Jusqu'à présent les dirigeants français s'en étaient tenus à une toute autre position. Ils affirmaient jusqu'ici que pour envisager une participation militaire de la France en Irak, il ne pouvait y avoir d'autre voie qu'un retour de l'ONU à la tête des opérations. Cette porte est dorénavant définitivement fermée. L'impérialisme français vient même de refuser d'accéder à la demande de C. Powell, chef de la diplomatie américaine, d'envoyer des soldats en Irak avec une mission limitée consistant seulement à protéger le personnel de l'ONU. Quelle que soit l'ampleur des massacres et des tortures infligées à la population irakienne, les puissances rivales des Etats-Unis ne peuvent que se réjouir secrètement de l'affaiblissement du leadership américain en Irak. Plus encore, elles pousseront celui-ci, au mépris de tout respect pour la vie humaine, dans un enlisement toujours plus profond dans le bourbier irakien.
Il est un fait évident, maintenant visible par tous, l'Irak est un pays en plein chaos. La guerre y est permanente et couvre tout le pays. L'armée américaine et ses alliés de la coalition s'enlisent dans un bourbier toujours plus grand, manifestant une perte de contrôle grandissante de la situation. Depuis la chute du régime de Saddam Hussein, le 9 avril 2003, les Etats-Unis s'enfoncent chaque jour un peu plus dans une violence qu'ils parviennent de moins en moins à contrôler. Attentats, prises d'otages et combats de rue se multiplient. La révolte chiite menée par le leader Moqtadta Al Sadr continue à s'étendre malgré les appels au calme lancés par l'ayatollah Al Sistani. L'attentat commis le 17 mai, qui a tué le président du gouvernement provisoire irakien est un nouveau revers important pour l'impérialisme américain. Il matérialise le refus par les diverses fractions ethniques irakiennes d'entériner la carte politique américaine, de la mise en place d'un gouvernement démocratique irakien aux ordres de Washington. En un peu plus d'une année de guerre, l'impérialisme américain se retrouve face à un front du refus, hier encore impensable, composé des différentes fractions ethniques et religieuses : Kurdes, Chiites, Sunnites.
Tous aujourd'hui s'opposent à la présence américaine sur le sol irakien. Pour les Etats-Unis il n'existe plus de porte de sortie. G.W. Bush ne peut pourtant que réaffirmer que le transfert de souveraineté serait malgré tout maintenu au 30 juin. Un président américain intérimaire, un premier ministre et d'autres ministres devraient être désignés dans les semaines à venir d'après l'administration américaine. L'inquiétude devant l'évolution de la situation en Irak, se manifeste par une demande de donner plus de latitude aux Irakiens, en matière de sécurité et d'installations militaires de la part des principaux alliés de Washington. S. Berlusconi en visite tout récemment aux Etats-Unis, a même fait savoir qu'il avait pour projet : "le transfert complet de souveraineté à un gouvernement provisoire irakien au 30 juin, dans le cadre d'une nouvelle résolution du conseil de sécurité de l'ONU." Toutes ces tentatives de nommer un gouvernement provisoire en Irak, alors que le pays est occupé militairement par les Américains, sont vouées à l'échec. Ce gouvernement n'aurait aucune légitimité aux yeux de l'ensemble des Irakiens, quelle que soit leur ethnie ou religion. Ce gouvernement apparaîtrait nécessairement comme une création américaine et serait sans doute combattue en tant que tel. L'affaiblissement accéléré du leadership américain se manifeste également par un processus d'éclatement de la coalition. Depuis le retrait commencé des troupes espagnoles, des pays comme le Honduras, la Thaïlande et, en Europe, la Pologne, le Danemark, la Hollande ont fait savoir leur inquiétude grandissante et leur éventuel projet de retrait pur et simple de leur participation aux forces de la coalition. J.P. Balkemende, chef d'Etat des Pays Bas, le 11 mai dernier, suite à la mort du premier soldat hollandais en Irak a déclaré : "que la présence future et la légitimité des 1300 soldats sur place dépendront du rôle futur des Nations Unies en Irak." La situation de chaos est telle dans ce pays que la bourgeoisie américaine, républicains et démocrates confondus, est aujourd'hui dans l'incapacité de tracer une réelle perspective à la politique américaine sur le terrain. En effet, tant le retrait pur et simple des troupes engagées, comme celui de leur maintien sur place, voire de leur renforcement, n'offre aucune perspective de stabilisation de la situation.
Depuis quelques jours, l'Etat israélien poursuit une offensive militaire d'envergure, dans le Sud de la bande de Gaza, près de la ville de Rafah. Cette nouvelle opération militaire baptisée "Arc-en-ciel", se traduit par des dizaines de morts et la destruction de zones entières d'habitations. Le mois dernier, Sharon, chef de l'Etat israélien, en visite aux Etats-Unis et sortant d'une entrevue avec Bush présentait au monde son nouveau plan de paix, qui consistait, entre autre, au retrait programmé des colonies israéliennes de la bande de Gaza. En guise de plan de paix, les Palestiniens et notamment les femmes et les enfants, auront eu droit aux bombardements, tirs de missile et autres mortiers dans leurs villages. Ce plan de paix est en fait un plan de guerre qui vise à rejeter les Palestiniens au-delà du Jourdain et d'écraser dans le sang toute résistance dans la bande de Gaza. Cette politique de Sharon, de fuite en avant dans la guerre se révélera à terme totalement suicidaire pour toute la région, y compris pour l'Etat d'Israël.
Le Moyen-Orient est, comme l'Irak, à feu et à sang. La guerre et le chaos ne peuvent que s'y accélérer. Face à la gravité de la situation, et devant le processus accéléré de déstabilisation de tout le Moyen-Orient, le conseil de sécurité permanent de l'ONU a demandé à travers une résolution à l'Etat d'Israël "qu'il soit mis fin à la violence " Les arrières pensées des requins impérialistes siégeant en permanence à l'ONU ne fait aucun doute. Cette organisation de la bourgeoisie, contrairement aux discours mensongers qui sont perpétuellement avancés, n'est que le lieu de confrontations diplomatiques des rivalités inter-impérialistes. Chaque Etat n'y défend que ses propres intérêts. En ce sens, la résolution adoptée en opposition à l'opération militaire "Arc-en-ciel" n'a rien à voir avec un sentiment d'humanité, totalement étranger à ce type d'organisation. Cette prise de position n'est, ni plus ni moins, qu'un des moments d'affrontement entre puissances impérialistes dominantes. Le front antiaméricain qui s'y est exprimé par le vote de cette résolution participe de fait au développement de la guerre et du chaos au Moyen-Orient.
Mais le fait que les Etats-Unis soient amenés dans cette circonstance à s'abstenir au moment du vote en dit long sur l'affaiblissement de la première puissance mondiale. L'ambassadeur américain adjoint, J. Cunningham a justifié cette abstention en expliquant que la résolution ne prenait pas suffisamment en compte "le contexte des opérations militaires" destiné selon Israël a prévenir des attaques anti-israéliennes. L'incapacité de l'administration américaine à retenir son allié privilégié israélien s'étale ainsi au grand jour. Jamais depuis la Seconde Guerre mondiale, les Etats-Unis n'ont été entraînés dans un tel processus d'affaiblissement. Cette situation est lourde de conséquences pour l'avenir. La décomposition de la société capitaliste qui s'exprime avec violence au Proche et au Moyen-Orient ne peut que s'accélérer dans la période à venir, d'affrontements militaires en attentats suicides toujours plus irrationnels. Il est à craindre notamment d'ici l'éventuelle nomination fin juin d'un gouvernement provisoire pro-américain en Irak, une montée en puissance de la violence qui n'épargnera plus aucun secteur de la population irakienne. Ce monde capitaliste en faillite qui s'écroule ainsi irrémédiablement met en danger de mort pas seulement la population d'Irak ou du Moyen-Orient, mais à terme celle de l'humanité toute entière.
Tim (20 mai)
"Après la baffe électorale des élections régionales, à la tonalité clairement anti-libérale, la droite n'en demeure pas moins résolue à faire passer son programme de démolition sociale (...) Dans ces conditions, il est clair que les prochaines élections européennes devront enfoncer le clou : le gouvernement C.R.S. (Chirac, Raffarin, Sarkozy) et sa politique libérale n'ont plus la moindre légitimité. Par la rue et par les urnes, ils doivent être chassés" (Bulletin de la Fédération des Bouches-du-Rhône de la Ligue Communiste Révolutionnaire). Sur la même longueur d'onde, Lutte Ouvrière déclare dans son n° 1867 : "A coup sûr, les élections européennes offrent une nouvelle occasion de désavouer la politique de ce gouvernement à plat ventre devant le grand patronat et le Medef et qui, après avoir amputé les retraites, s'attaque à l'assurance maladie, au droit de se soigner convenablement. Ce serait dommage de ne pas se saisir de l'occasion." (Editorial d'Arlette Laguiller).
Au moment où le gouvernement concocte des
mesures draconiennes avec la collaboration des syndicats pour démanteler
la protection sociale, alors qu'il est nécessaire que les ouvriers
se mobilisent, se rassemblent, s'organisent pour lutter face à
cette nouvelle attaque, les organisations trotskistes LO/LCR invitent
les prolétaires …à aller "massivement"
déposer leur bulletin de vote dans l'isoloir, le 13 juin aux
élections européennes pour sanctionner une deuxième
fois le gouvernement. Les trotskistes entretiennent ainsi l'illusion,
comme aux régionales, que c'est dans les urnes que la riposte
ouvrière peut s'exprimer. Il est pourtant manifeste que le résultat
des élections régionales n'a en rien permis d'améliorer
le sort des ouvriers comme il n'a en rien permis de ralentir les attaques
de la bourgeoisie. Le sens réel de la contribution des trotskistes
est qu'ils sont les fers de lance d'une vaste campagne idéologique
orchestrée par la bourgeoisie autour des élections européennes
qui vise à détourner au maximum les ouvriers du chemin
de la lutte de classe.
"L'autre raison de faire campagne dans ces élections européennes
est de pouvoir y dire ce que personne d'autre ne dira, que nous sommes
partisans de l'unification de l'Europe, justement parce que nous sommes
internationalistes, communistes", déclare LO dans son n°
1865. C'est le même discours de fond que tient aussi la LCR :
"Nous ne sommes pas opposés à l'idée d'une
organisation des peuples à l'échelle européenne,
ni même à l'échelle mondiale".
Les Etats-Unis d'Europe ? L'unité européenne au nom de
l'Internationalisme prolétarien et du Communisme ? Quelle mystification ! Cela
n'a jamais été le point de vue de l'internationalisme
prolétarien et des communistes puisqu'il est clair pour eux que
seule la lutte de la classe ouvrière à l'échelle
internationale peut venir à bout du capitalisme et de ses divisions
nationales. "Prolétaires de tous les pays, unissez vous"
pour renverser le capitalisme disait le Manifeste communiste dès
1848 parce que précisément la classe ouvrière n'a
pas de patrie ni de frontières à défendre fussent-elle
dans le cadre d'un regroupement ou d'une coalition d'Etats. Après
l'altermondialisme, les trotskistes appellent à construire "une
autre Europe". Pas l'Europe des capitalistes, mais "l'Europe
sociale", "l'Europe des travailleurs", proclament-ils.
Pour la classe ouvrière, il ne s'agit pas de construire "une
Europe des travailleurs" mais de renverser le capitalisme, d'abolir
les frontières, de détruire les rapports d'exploitation
à l'échelle mondiale, et cela ne se fera certainement
pas par les urnes. La propagande des trotskistes en faveur de l'unité
européenne a une toute autre fonction. "Les travailleurs,
la population, ont intérêt à une Europe unie, sans
frontières entre les peuples, aussi large que possible. Mais
cette Europe ne pourra être sociale ni être véritablement
unifiée que si elle est débarrassée de la dictature
des groupes financiers". (Editorial d'Arlette Laguiller, dans LO
du 14 mai, intitulé "Pour une Europe unie, débarrassée
de la dictature des financiers"). Ce n'est donc pas du système
d'exploitation capitaliste qu'il faut se débarrasser mais simplement
"de la dictature des groupes financiers" qui, selon LO, "serait
responsable du chômage, des bas salaires, des retraites amputées
et de l'assurance maladie menacée". Ce n'est donc pas ce
système d'exploitation qui doit être détruit, mais
les méchants patrons, les abominables représentants du
capital financier et leurs larbins gouvernementaux qui doivent être
chassés. "Pour une Europe libre : muselons le Capital",
réclame encore LO dans une de ses affiches électorales.
Les soi-disant mesures sociales que vante et préconise LO ne
sont en fait que de la poudre aux yeux qui reviennent à chercher
à persuader la classe ouvrière qu'elle n'a pas intérêt
à détruire le capitalisme par ses luttes pour instaurer
le communisme, mais plutôt voter pour changer l'équipe
gouvernementale et entretenir la mystification européenne pour
tenter de les persuader encore mieux de rester sur le terrain électoral
de la bourgeoisie. Ils n'hésitent même pas à transposer
le fonctionnement des assemblées générales ouvrières
ou des conseils ouvriers sur le parlement européen bourgeois
en réclamant "des députés européens
élus et révocables à tout moment" (LO n°1866
du 7 mai). On ne saurait jeter davantage de confusion dans les consciences
ouvrières. Cela revient à chercher à crédibiliser
le vieux mythe d'une Europe unie, de la construction européenne
de la bourgeoisie aux yeux des ouvriers. Si les trotskistes sont aujourd'hui
aux avants-postes de la mystification bourgeoise, tout ce barouf ne
sert qu'à une chose, à appâter un maximum d'ouvriers
pour les pousser une fois de plus vers les urnes de la bourgeoisie.
Les trotskistes se trouvent ainsi en première ligne de la propagande
bourgeoise en alimentant le mythe de la construction de l'unité
européenne, en cherchant à dénaturer dans la conscience
des ouvriers les principes internationalistes. Mais en fait, le mythe
qu'ils entretiennent sur la construction européenne s'inscrit
directement dans une logique de concurrence impérialiste des
Etats européens avec les Etats-Unis d'Amérique. Les trotskistes
contribuent à enfermer les ouvriers dans le cadre bourgeois,
celui des frontières, des élections, de la démocratie,
derrière les partis de gauche et les syndicats. Ce faisant, ils
s'érigent contre le développement de la lutte de classe
et contribuent à paralyser les réactions ouvrières
contre les attaques de la bourgeoisie.
Après un
mois de tumulte juridique et de battage médiatique autour du
sort des "recalculés" (sinistre euphémisme pour
désigner les 265 000 chômeurs privés prématurément,
en janvier dernier, de 7 mois d'indemnités suite à la
réforme de l'Unedic !), le dénouement est subitement tombé
de la bouche du ministre de la cohésion sociale, Jean-Louis Borloo.
En effet, ce "Monsieur social" du gouvernement Raffarin III
a tout simplement annoncé le 3 mai la réintégration
des "recalculés" dans le système d'assurance
chômage, soit près de 600 000 personnes d'ici à
fin 2005. Décision officialisée par le Conseil d'Etat
le 11 mai avec l'annulation de l'agrément de la convention Unedic
de décembre 2002 à l'origine de ce recalcul des prestations
de centaines de milliers de chômeurs.
Il n'en fallait pas plus pour présenter les multiples procédures
juridiques engagées auprès de 76 tribunaux, par les syndicats
et associations de chômeurs (AC !, Apeis, CGT et MNCP), sous le
jour d'"une grande victoire historique des chômeurs",
"la victoire de milliers de pots de terre contre le supposé
grand pot de fer" selon le comité national chômeurs-CGT
ou encore "une gifle pour le Medef et le gouvernement", d'après
les trotskistes de LO et de la LCR.
Mais peut-on imaginer un seul instant que la justice de la classe dominante,
celle qui est délivrée par la bourgeoisie et dans ses
intérêts, puisse prendre ne serait-ce qu'un moment fait
et cause pour la classe ouvrière ? Bien sûr que non, et
le mouvement ouvrier sait déjà depuis belle lurette tout
ce que l'on peut attendre de la Justice dans la société
bourgeoise : "Parmi bien d'autres institutions de l'Etat bourgeois,
la justice sert à opprimer et à tromper les masses ouvrières.
Cette institution respectable prononce ses jugements en se basant sur
des lois faites dans l'intérêt de la classe des exploiteurs.
Aussi, quelle que soit la composition du tribunal, la justice qu'il
rend est limitée à l'avance par les articles d'un Code
qui consacre les privilèges du Capital et l'absence de droits
des masses ouvrières." (ABC du communisme, Nicolas Boukharine
et Eugène Préobrajenski, 1919.)
Dès lors, que peuvent bien cacher ces lauriers qu'agite frénétiquement
la bourgeoisie ? De quel genre de victoire pour la classe ouvrière
nous parle-t-on ?
Ni les jugements favorables à la réintégration
des chômeurs, rendus par les tribunaux de Marseille et Paris,
respectivement le 15 avril et le 11 mai, ni la décision du Conseil
d'Etat, n'ont remis en cause la réforme de l'Unedic. Bien au
contraire, toute cette mascarade juridique n'a fait que renforcer cette
attaque massive et brutale. Si l'Etat a lâché du lest pour
les chômeurs entrés dans le système d'assurance
chômage avant le 31/12/2002, ceux dont la situation avait déjà
été recalculée, ce n'est que pour mieux enraciner
la réforme face à l'ensemble de la classe ouvrière.
C'est, en fin de compte, la vieille tactique empruntée au monde
militaire qui consiste à faire croire à son ennemi qu'il
remporte une victoire parce que l'on fait mine de battre en retraite
alors que dans le même temps l'offensive se met en place.
D'abord, concernant certaines catégories de chômeurs, dont
les médias se sont bien gardés de faire cas, aucune mesure
rétroactive n'a été envisagée. Par exemple,
les salariés ayant perdu leur emploi entre 50 et 55 ans doivent
toujours subir une réduction de 22 mois d'indemnisation, qu'ils
soient inscrits sur les listes de l'ANPE avant ou après le 1/01/2003
(voir RI 331).
Ensuite, pour la grande majorité "La décision annoncée
par Jean-Louis Borloo maintient [l'essentiel] de la convention signée
en décembre 2002. Tous les chômeurs entrés après
le 1/01/2003 n'ont droit qu'à 23 mois [au lieu de 30 avant la
réforme] d'indemnisation. Ensuite, il n'y a que les dispositifs
d'Etat : Allocation spécifique de solidarité [ASS], RMI,
voire rien du tout." (Libération du 4/05/2004.)
Il faut ajouter que dans le cadre de la réforme de l'assurance
chômage, l'ASS doit être, dorénavant, limitée
dans le temps (2 ou 3 ans) et, malgré la promesse de Chirac de
réviser ce dossier, cette nouvelle attaque commencera à
faire ses premières victimes dès le mois de juillet prochain.
Enfin, le PARE (plan d'aide au retour à l'emploi), instauré
par le gouvernement Jospin en janvier 2001 et qui a déjà
permis la radiation de centaines de milliers d'ouvriers des listes de
l'ANPE, se trouve désormais entièrement consacré
puisque les jugements successifs des tribunaux de Marseille et Paris
lui ont reconnu une valeur de contrat. Ce même argument qui a
servi à la réintégration des "recalculés"
n'est en réalité qu'une étape juridique concoctée
par la bourgeoisie pour aller encore plus loin dans la précarisation
du travail et l'assouplissement des procédures de radiation du
système d'assurance chômage. En effet, si un chômeurs
refuse un emploi, quel qu'il soit, les Assedic pourront considérer
qu'il y a rupture de contrat et par conséquent supprimer illico
presto les indemnités perçues. Le président du
Medef, Ernest-Antoine Seillière, ne s'y est pas trompé
en déclarant :"Nous avons applaudi au jugement de Marseille
[…] parce que nous avons toujours voulu que le PARE soit un contrat".
Voilà "la belle victoire" que célèbre
dans une grande messe œcuménique syndicats, trotskistes,
anarchistes officiels (type Alternative Libertaire), gauche plurielle,
jusqu'à la députée UMP Christine Boutin.
En agitant ostensiblement "la victoire des recalculés",
la bourgeoisie entérine sa réforme en suscitant le faux
espoir chez les ouvriers suivant lequel, malgré les attaques
violentes portées contre ses conditions de vie, le "petit
pot de terre" peut prendre parfois le dessus sur le "grand
pot de fer" car "il existerait finalement une justice en ce
bas monde". Le prolétaire n'a plus qu'à se résigner
en attendant que la bourgeoisie (qui, à la fois, fait office
de juge et de bourreau) rende son verdict. La belle affaire !
Plus qu'un faux espoir, il s'agit d'une énorme mystification
dont le but est d'atomiser les ouvriers, au chomage ou non, en les poussant
à se défendre, isolés les uns des autres, dans
les Palais de justice de la classe dominante et d'empêcher ainsi
leur union sur le seul et unique terrain où ils représentent
une force redoutable, celui de la lutte de classe.
Alors que la faillite du système capitaliste oblige la bourgeoisie
à saigner encore plus le prolétariat en lui supprimant
ses retraites, ses indemnités chômage et bientôt
le remboursement de ses soins médicaux, ce dernier doit prendre
conscience qu'il ne peut y avoir de justice pour les exploités
dans un tel monde. Il n'y a qu'une sentence possible, la révolution
communiste, et c'est au prolétariat qu'il revient, non seulement
de la prononcer mais aussi de l'exécuter.
Le 17 avril de cette année,
le PCF a fêté le centenaire de la naissance du journal L'Humanité. Cet
anniversaire, particulièrement marqué par un numéro spécial censé retracer la
vie de ce journal, avait été lancé depuis près d'un an à coups de forums et de débats,
agrémentés d'articles rassemblés sous une même rubrique appelant à "des
futurs d'humanité". Prenant des poses "communistes" et
"révolutionnaires", le PCF s'y vautre dans un de ses exercices
préférés : la falsification de l'histoire du prolétariat et de la sienne
propre. Il serait fastidieux et inutile de reprendre l'ensemble des exemples
qui montrent qu'il s'agit d'une nouvelle tentative du PCF de détruire la
conscience ouvrière et toute réflexion sur ce qu'est le PCF : un parti
bourgeois à part entière.
Mais au-delà même de cet effort du PCF pour prouver à la bourgeoisie toute sa
fidélité, cette mise en scène autour de la création de L'Humanité s'intègre dans les différentes tentatives du PCF visant à
ravaler sa façade rongée par plus de soixante ans de soutien indéfectible aux
pires horreurs du stalinisme en opérant un énième lifting
"communiste", version plus "humaniste".
Dans les années 1990, suite à l'effondrement du bloc de l'Est et devant la
faillite ouverte historique du capitalisme stalinien, le PCF avait cherché à se
refaire une santé en se prévalant d'un "nouveau projet communiste",
d'une "mutation" en son sein, pour tenter de se laver de l'image
stalinienne qui lui collait à la peau dans la classe ouvrière. Il avait tenté
en l'occurrence de faire croire à un retour aux sources, à ce qui avait été un
moment de ses origines, à savoir la constitution en 1920, sous la poussée de la
Révolution russe et du mouvement ouvrier mondial, d'un parti authentiquement
prolétarien, expression véritable de la vague révolutionnaire internationale de
1917 et du début des années 1920. Dans ce but, on avait vu l'apparition d'une
"Gauche communiste", issue du PCF et se réclamant des acquis de la
Révolution russe mais aussi et surtout mettant l'accent sur l'apport des groupes
révolutionnaires qui cherchèrent à tirer les leçons de 1917 et qui poussèrent à
une réflexion de fond sur la dégénérescence des années 1920-1930. Il s'est
avéré que la tentative a fait long feu car elle n'a pas permis au PCF de se
doter d'une virginité révolutionnaire à travers la mise en place de cette
prétendue "Gauche communiste" née du PCF, et non pas l'expression
vivante de la réflexion issue du camp révolutionnaire suite à la dégénérescence
de l'Internationale communiste dès les années 1920[2] [446] (2).
Alors que le PCF a passé le plus clair de son existence à combattre les
héritiers de la social-démocratie, on le voit à présent s'en prévaloir et
relier son "fil rouge" avec l'avant-Première Guerre mondiale et avec
cette social-démocratie tant honnie, manière d'affirmer qu'il serait le
représentant unique et authentique de la filiation entre le mouvement ouvrier
du passé et celui d'aujourd'hui. Il y a deux raisons à cela. La première est
une fois de plus d'éloigner le spectre du stalinisme qui plane peu ou prou
encore sur lui en se faisant l'héritier de la période du mouvement ouvrier
d'avant la Révolution russe, liée directement et de façon profondément
mensongère par les médias bourgeois au stalinisme. C'est d'ailleurs pour cela
que le PCF s'efforce d'en salir et d'en dénaturer la vraie signification, pour
mieux s'en démarquer et du même coup se démarquer du stalinisme lui-même. Le
PCF révèle donc ici une nouvelle fois le caractère profondément bourgeois de sa
nature.
La deuxième raison est de contribuer à faire oublier que la social-démocratie a
trahi le prolétariat en 1914 par l'union sacrée aux côtés de la bourgeoisie
dans la guerre mondiale et que c'est même la SFIO (Section Française de
l'Internationale Ouvrière), représentée par le journal L'Humanité, qui a directement envoyé des millions de prolétaires à la
mort jusqu'en 1916 sous les différents gouvernements Viviani.
Lorsque le PCF se constitue en 1920 à Tours, ce sera avec nombre d'anciens
sociaux-démocrates qui, s'ils n'avaient pas tous trahi en 1914, étaient très
fortement gangrénés par l'opportunisme. Ce fut d'ailleurs un signe manifeste de
cet opportunisme congénital du PCF qu'il reprenne le titre du journal de
Jaurès. Ce dernier, s'il était sans conteste un socialiste convaincu et un
ardent et authentique défenseur des intérêts ouvriers, était tout autant plutôt
un socialiste "humaniste" sans attache profonde avec le marxisme, et
s'il était un pacifiste des plus militants, il n'en était pas moins un patriote
parmi les plus ardents.
Il faut répéter ici que le PCF, ainsi que tous les partis staliniens, qu'ils
aient disparu ou qu'ils soient encore actifs, n'est plus depuis le début des
années 1930 une organisation de défense des intérêts ouvriers.
Depuis plus de soixante-dix ans, le PCF a été un défenseur inconditionnel du
capital national et un des plus dangereux et pernicieux ennemis de la classe
ouvrière, un des pires représentants de la contre-révolution stalinienne en
France et dans le monde.
Rappelons qu'il a été un des fers de lance de l'opposition au mouvement de Mai
68 en France, dénonçant et attaquant physiquement nombre de grévistes.
Et c'est au travers de sa participation active au gouvernement, au début des
années 1980 et dans les années 1990, qu'il a encore assumé sa fonction de parti
anti-ouvrier.
[1] [447] Nelson Mandela, présenté (et pas seulement par le PCF !) comme l'exemple vivant du vieux lutteur héroïque n'est qu'un ancien petit chef mafieux et nationaliste, longtemps à la solde du bloc russe. Ce récent ex-chef de l'Etat sud-africain a été avant tout un des plus féroces responsables de la répression anti-ouvrière et contre les populations noires ou blanches, après comme pendant "l'apartheid". On est bien loin de la continuité avec Marx et Engels !
[2] [448] Même le "Mouvement pour la paix" qui restait son seul fonds de commerce est parti en lambeaux avec sa participation au gouvernement de la gauche plurielle qui a lui-même voté comme un seul homme la participation de l'impérialisme français aux expéditions guerrières en Afrique comme derrière les Etats-Unis en Irak en 1991 ou contre la Serbie en 1999.
Fin avril dernier, en Thaïlande, des affrontements ont opposé les forces de sécurité du pays à des groupes de jeunes musulmans armés qui ont lancé des attaques contre des postes de police dans trois provinces du pays. Ces affrontements violents se sont soldés par la mort de tous les assaillants armés de quelques fusils, de machettes et d'épées, armes pour le moins rudimentaires face à tout l'arsenal des forces de l'ordre étatique ! Celles-ci n'ont pas fait de quartier : lorsque certains des assaillants se sont retranchés dans une mosquée, l'armée a donné l'assaut et les a tous liquidés. Au total, 107 morts chez ces jeunes musulmans : pas de survivant.
Pour la bourgeoisie thaïlandaise elle-même, les objectifs
et les instigateurs de la révolte restent mystérieux :
de terroristes islamistes séparatistes supposés, le gouvernement
est passé à l'accusation de "trafiquants d'armes",
de "simples bandits" à la solde de politiciens véreux.
Ainsi, pour d'autres spécialistes bourgeois, "ces événements
s'expliquent entièrement par des paramètres locaux"
(Libération du 28 avril). Sans nier ces paramètres locaux
de minorités musulmanes au sein d'une population thaïe majoritairement
bouddhiste au Sud du pays, il n'y a pas vraiment besoin de remonter
à la fin du XVIIe siècle pour chercher les racines culturelles
ou religieuses de cette révolte, que ce soit ici ou ailleurs
dans le monde. Derrière tous les sentiments nationalistes, religieux,
communautaires, on trouve souvent une population en proie à une
misère permanente. Cette misère s'est accentuée
au fil de l'aggravation de la crise économique, en Thaïlande
comme ailleurs. D'autant plus dans des provinces excentrées,
délaissées le plus souvent par l'Etat, réprimées
régulièrement par la dictature militaire dès que
s'exprimait le moindre souffle de révolte. C'est encore le cas
aujourd'hui sous le règne de la démocratie. Pour fuir
cette misère, beaucoup tentèrent d'émigrer vers
la Malaisie, pays plus "prospère". Les traitements
n'y furent pas meilleurs.
Depuis quelques années, la situation n'a fait que s'aggraver.
Après l'effondrement du mythe de l'économie florissante
des "dragons asiatiques" comme la Thaïlande et la Corée
en 1997, des pans entiers de la population sont à l'abandon,
avec comme seule perspective soit de se prostituer dès le plus
jeune âge dans les zones urbaines du pays ou sur les sites touristiques
où se concentrent le "marché" du tourisme sexuel,
soit survivre de trafics divers, enrôlés par les diverses
cliques mafieuses ou fondamentalistes.
Ces révoltes sont des révoltes sans perspective qui illustrent
tout le degré de désespoir de ces jeunes. Elles illustrent
surtout la décomposition grandissante de la société
capitaliste.
Ce que montre cette révolte en Thaïlande, c'est que le degré
de décomposition et d'incohérence de ce monde devient
tel que, pour des secteurs entiers d'une population exclue, déclassée
ou laissée à l'abandon, penser à une autre perspective
de vie apparaît comme une illusion : seule la mort apparaît
réaliste et libératrice.
Cette décomposition spectaculaire est aussi marquée en
Cisjordanie ou à Gaza où ce sont des files entières
de jeunes musulmans qui font la queue pour s'enrôler comme candidats
au "martyr" pour le Hamas ou le Hezbollah. De jeunes candidats
à l'attentat-suicide ont souvent exprimé le fait qu'ils
n'avaient pas peur de mourir puisqu'ils étaient déjà
morts !
Au fond, le désespoir et la misère sociale sont les mêmes.
Par contre, au Moyen-Orient, la logistique et la manipulation guerrière,
impérialiste sont d'un autre niveau : la bourgeoisie palestinienne
et ses diverses fractions utilisent à leurs propres fins impérialistes
cette chair à canon désespérée qui n'a plus
d'autre envie que de mourir "pour la cause". La bourgeoisie
sait se servir de ce désespoir, comme au Moyen-Orient, et cherche
en permanence à l'utiliser pour mener sa guerre inter-impérialiste.
Mais, en l'occurrence, le désespoir de ces jeunes musulmans thaïlandais
est devenu tel qu'il échappe même au contrôle et
à l'utilisation, pour des fins politiques ou militaires, de telle
ou telle fraction de la bourgeoisie, qu'elle soit islamiste, séparatiste
ou démocratique. Voilà la conséquence ultime de
ce monde en putréfaction qui n'offre plus de perspective viable
ni même d'illusion alternative dans le cadre de son système.
Et cela n'est pas cantonné aux seuls pays du "tiers-monde".
Déjà, cette irrationalité s'exprime à des
degrés divers dans tous les aspects de la vie sociale, politique
et économique du monde capitaliste.
Sans le renouveau de la lutte prolétarienne sur un terrain de
classe à l'échelle internationale, sans l'affirmation
de sa perspective révolutionnaire pour elle-même et en
définitive pour l'ensemble de l'humanité, la pourriture
du monde capitaliste, sa décomposition sur pied ne peut que continuer
à apporter la mort et l'enfoncement dans une barbarie sans limite.
L'élargissement tant
attendu de l'Europe à vingt-cinq pays a enfin eu lieu le Premier mai 2004. Et
il a bien sûr donné lieu à de grandes festivités dans les capitales
européennes. Comme après le sommet de Maastricht fin 1991, on nous a gavé de
grandes déclarations sur cette grande Europe, "continent enfin uni dans sa
totalité"[1] [449]
et de façon pacifique. Et avec la perspective des élections du 13 juin, il est
certain que les trompettes de la propagande bourgeoise vont résoner à nouveau.
Encensé comme un "tournant historique", l'élargissement de l'Union
Européenne (UE), "formidable machine à exporter la paix et la
stabilité"[2] [450]
constituerait "l'acquis principal" et "l'achèvement le plus
remarquable de l'Europe"[3] [451].
L'auto-célébration de la bourgeoisie ne doit pas faire illusion. Lorsque les
bourgeois s'entendent entre eux, c'est sur le dos des ouvriers, sinon ils ne
songent qu'à s'empoigner.
La poursuite de l'intégration européenne, commandée par l'intérêt commun des
puissances de l'Europe de l'Ouest à créer un glacis de relative stabilité pour
endiguer le chaos social et économique généré par l'implosion du bloc de l'Est
en 1989, est loin de signifier "l'unité". Terrain d'affrontement
privilégié des deux guerres mondiales, elle constitue l'épicentre des tensions
impérialistes et il n'y a jamais eu de réelle possibilité de constitution d'une
véritable unité qui permettrait de surpasser les intérêts contradictoires des
différentes bourgeoisies nationales. En effet, "à cause de son rôle historique comme berceau du capitalisme et de sa
situation géographique, (…) l'Europe au 20e siècle est devenue la clé de la
lutte impérialiste pour la domination mondiale."[4] [452]
A une époque, la division du monde en deux blocs impérialistes lui conférait
une relative stabilité, alors que la CEE (Communauté Economique Européenne)
était l'instrument des Etats-Unis et du bloc occidental contre son rival russe,
l'Europe pouvait avoir une certaine réalité. Suite à la Seconde Guerre
mondiale, la construction de la communauté européenne a été soutenue par les
Etats-Unis pour former un rempart contre les velléités d'avancée de l'URSS en
Europe, et conçue pour renforcer la cohésion du bloc occidental. Bien que
contenues et disciplinées par le "leadership" américain face à la
nécessité de faire front à l'ennemi commun, d'importantes divisions n'ont
cependant jamais cessé d'opposer les principales puissances européennes.
L'effondrement du bloc de l'Est en 1989 a entraîné la dissolution du bloc
adverse et la réunification de l'Allemagne qui accédait ainsi à un rang
supérieur de puissance impérialiste, décidée de mettre à profit cette opportunité
de postuler à la direction d'un nouveau bloc opposé aux Etats-Unis. Les raisons
qui contraignaient les Etats d'Europe occidentale à "marcher
ensemble" ont volé en éclats et le phénomène s'est brutalement aggravé
depuis quinze ans. Aussi, contrairement à tout le battage sur la marche en
avant inexorable vers l'unité d'une grande Europe, c'est bien plutôt vers
l'aggravation des tensions en son sein et des divergences d'intérêts qu'elle
va.
Ce bouleversement historique a relancé la lutte pour l'hégémonie mondiale et la
redistribution des cartes sur le continent européen. La lutte acharnée entre
tous ces champions de la paix et de la démocratie pour le partage des
dépouilles de l'ex-bloc russe a conduit, pour la première fois depuis 1945, au
retour de la guerre en Europe au début des années 1990 en ex-Yougoslavie (et au
bombardement par les forces de l'OTAN d'une capitale européenne, Belgrade, en
1999) où France, Grande-Bretagne et Etats-Unis, eux mêmes rivaux, s'opposent,
par alliés interposés, à l'expansion allemande vers la Méditerranée, via la
Croatie. La guerre en Irak a également encore montré l'absence fondamentale
d'unité et les profondes dissensions et les rivalités entre nations
européennes.
Depuis 1989, on voit l'Allemagne qui n'a pas cessé de manifester clairement
ses prétentions impérialistes dans son aire d'expansion traditionnelle de la
"Mitteleuropa", sous couvert de la construction européenne. Elle
espère utiliser son poids économique sans équivalent dans les principaux pays
de l'Est européen, ainsi que la proximité institutionnelle créée par
l'élargissement pour arrimer ces pays à sa sphère d'influence. La bourgeoisie
allemande ne peut cependant que se heurter d'un côté au chacun pour soi de ces
différentes nations et de l'autre à la détermination des Etats-Unis d'y
développer leur influence, par le biais en particulier de l'OTAN. "Cinq des nouveaux membres - l'Estonie, la
Lettonie, la Lituanie, la Slovaquie et la Slovénie - ont été accueillis en grande
pompe, le 29 mars, à Washington, dans les rangs de l'OTAN, un mois avant leur
intégration dans l'UE. La Hongrie, la Pologne et la République Tchèque font
partie de l'Alliance depuis 1999. Les Etats-Unis font déjà campagne pour que la
Bulgarie et la Roumanie, les deux autres nouveaux partenaires de l'OTAN, soient
admises, à leur tour, dans l'UE."[5] [453] Les
Etats-Unis comptent sur les pays de la "nouvelle Europe" pour
paralyser son rival le plus dangereux et font le calcul que "plus l'UE s'étend, moins elle s'approfondit,
et que cela complique la formation d'un contrepoids politique à la puissance
américaine"[6] [454],
comme le montrent les tiraillements à propos de l'adoption prochaine de la
Constitution de l'UE.
Si, à l'Est, en dépit du chacun pour soi régnant, l'Allemagne renforce les
potentialités d'accroître à terme son influence impérialiste, à l'Ouest elle se
heurte en revanche à la fois à la France et à la Grande-Bretagne, qui ne
peuvent que réagir à ce développement potentiel de l'impérialisme allemand.
La Grande-Bretagne, qui avait refusé en leur temps les accords de Maastricht,
joue depuis et plus que jamais le rôle de soutien des Etats-Unis, faisant
flèche de tous bois pour alimenter la zizanie entre les puissances européennes.
Principal soutien à l'intervention militaire américaine en Irak, elle subit non
seulement le discrédit de l'échec américain, mais se retrouve de plus en plus
isolée en Europe. L'impact du bourbier irakien a fait voler en éclats la
coalition "pro-américaine" formée par Londres, Madrid et Varsovie
contre les ambitions franco-allemandes d'opposition aux Etats-Unis. L'adoption
d'une orientation pro-européenne par le nouveau gouvernement Zapatero annonçant
son retrait d'Irak, la prive de son principal allié en Europe. Cette défection a
eu pour effet de précipiter la Pologne, ébranlée et divisée sur le choix de ses
orientations impérialistes dans une crise politique qui a débouché sur la
démission de son premier ministre et l'implosion du parti au pouvoir. En dépit
des difficultés qu'elle rencontre, la Grande-Bretagne sera contrainte de
continuer son travail de sabotage de toute alliance continentale durable en
Europe.
Pour la France, qui rêvait de s'émanciper de la tutelle américaine depuis les
années 1950, il n'est pas question de laisser l'Allemagne se fabriquer sur
mesure une Europe sous son influence, ni surtout d'accepter le rôle subalterne
que l'Etat allemand veut lui réserver dans le cadre de l'élargissement
européen. C'est pourquoi elle espère trouver dans le renforcement et l'élargissement
de l'UE les moyens de se garantir un contrôle "communautaire" capable
de brider les ambitions de l'Allemagne. C'est encore pourquoi on la voit
réactiver ses liens "historiques" avec la Pologne et la Roumanie et,
fait plus récent, développer ceux tissés pour s'opposer à l'intervention
américaine en Irak avec la Russie. En la matière, il faut souligner que cette
dernière est tout à fait intéressée à cette "alliance" avec la
France, du fait de sa propre inquiétude à se voir dépossédée de son ex-zone
d'influence à l'Est de l'Europe, les limites de l'UE et de l'OTAN avançant
jusqu'à ses frontières. Ceci afin de prendre l'Allemagne en tenaille sur son
revers. D'autre part, au sein de l'UE, la France se mobilise pour reprendre de
l'influence sur les pays du Sud de l'Europe, notamment l'Espagne, contre la
position hégémonique de l'Allemagne et si elle répond aux sollicitations de la
Grande-Bretagne de développer la défense européenne et de construire en commun
un porte-avions, c'est pour étoffer ainsi face à l'Allemagne l'atout que
constitue la puissance militaire dont cette dernière est dépourvue.
A quoi rime dans de telles conditions toute cette campagne sur la mythique
"unité européenne" ? A servir de propagande idéologique et entretenir
l'illusion sur un monde capitaliste qui sue par tous ses pores la mort et la
misère.
La tendance au chaos et le règne du "chacun pour soi" ne sont en rien
l'apanage des pays de l'ex-bloc de l'Est ou du "tiers-monde". La
disparition de la division de la planète en deux blocs, en donnant le signal du
déchaînement de la guerre de tous contre tous, place l'Europe elle-même au
coeur des antagonismes impérialistes et rend déjà totalement illusoire toute
idée d'une unité de l'ensemble des capitaux nationaux qui la composent. Plus
encore, entre d'un côté‚ la détermination des Etats-Unis avec dans leur
sillage, la Grande-Bretagne qui défend ici ses propres intérêts, de maintenir à
tout prix leur suprématie sur le monde et de l'autre la montée en puissance de
l'Allemagne, qui tend à se poser de plus en plus en rival des Etats-Unis,
l'Europe ne peut que devenir l'enjeu ultime de cet affrontement.
[1] [455] Le Monde des 2 et 3 mai 2004
[2] [456] Le Monde du 4 mai 2004.
[3] [457] Le Monde du 4 mai 2004.
[4] [458] Voir Revue Internationale n°112, "L'Europe : alliance économique et champ de manœuvre des rivalités impérialistes".
[5] [459] Le Monde du 29 avril 2004.
[6] [460] Le Monde du 29 avril 2004.
Au mois d'avril s'est tenu le 16è congrès de la section du CCI en France. Ce congrès a constitué une étape très importante dans la vie de notre organisation. En effet, il y a deux ans, le 15è congrès de RI avait été transformé en Conférence extraordinaire du CCI du fait que notre organisation avait traversé la crise la plus dangereuse de son histoire avec la constitution en son sein d'un groupuscule parasitaire dénommé "Fraction interne du CCI" et qui s'était formée sur la base de réunions secrètes fomentées à l'insu de l'organisation et visant à détruire les principes de fonctionnement unitaires et centralisés du CCI.
Cette conférence extraordinaire avait permis à tous les
militants de prendre la mesure de la gravité des agissements
destructeurs de cette prétendue "fraction interne",
notamment la circulation de rumeurs suivant lesquelles les organes centraux
du CCI seraient manipulés par un flic, le vol d'argent appartenant
au CCI, de documents internes susceptibles d'être livrés
à la police (et notamment le fichiers d'adresses de nos militants
et de nos abonnés). Mais ce qui a surtout fini par convaincre
les camarades qui avaient encore des hésitations sur le caractère
trouble et destructeur de cette "FICCI", c'est son comportement
politique consistant à kidnapper à l'aéroport de
Roissy deux délégués de notre section mexicaine
qui, bien qu'ayant rejoint la "fraction", avaient accepté
de participer à cette conférence extraordinaire pour y
défendre leurs désaccords. Alors que leur voyage avait
été payé par le CCI, ces deux délégués
ont été "cueillis" à l'aéroport
par deux membres de la FICCI qui les ont empêchés de rejoindre
notre conférence. La FICCI a refusé de rembourser au CCI
le prix des deux billets d'avion (voir notre article dans RI n°323,
"Le combat pour la défense des principes de fonctionnement
de l'organisation"). Ce comportement de petits gangsters, de même
que les méthodes visant à faire circuler des calomnies
dans tout le CCI pour semer la méfiance, le trouble et la confusion
et détruire l'organisation avaient justifié que ce congrès
de RI se transforme en conférence extraordinaire avec comme principal
objectif celui de mener le combat pour sauver le CCI et ses principes
organisationnels.
Deux ans plus tard, la section en France, à l'occasion de son
16è congrès se devait donc en premier lieu de tirer le
bilan de ce combat.
Comme tous les congrès de RI, celui-ci avait une dimension internationale
puisque toutes les sections du CCI y étaient représentées.
La section en France, appuyée par l'ensemble des délégations
internationales, a tiré un bilan très positif de son activité
au cours des deux dernières années. Malgré les
attaques qu'elle a subies de la part de la FICCI et qui ont contraint
le CCI à se mobiliser pour défendre sa principale section,
RI a été capable de poursuivre son activité au
sein de la classe ouvrière. Elle a su resserrer les rangs en
son sein pour mener le combat contre les manœuvres parasitaires
de la FICCI en dénonçant publiquement ses comportements
de mouchard (voir notre article "Les méthodes policières
de la FICCI" dans RI n°330). Ce combat n'a pu se réaliser
que grâce au rétablissement de la confiance et de la solidarité
au sein de l'organisation basée sur une réappropriation
collective des principes du mouvement ouvrier.
Le congrès a mis en évidence que la section en France
est aujourd'hui plus unie et plus soudée que jamais. Elle a fait
la preuve ces deux dernières années de sa capacité
à défendre les principes organisationnels du CCI, et notamment
ses principes de centralisation.
Le congrès de RI a tiré un bilan très positif du
travail réalisé par son nouvel organe central qui a été
à la hauteur de ses responsabilités comme l'ont révélé
les textes préparatoires à ce congrès.
Aujourd'hui, la principale section de RI est totalement débarrassée
des clans et des clivages basés sur des loyautés purement
affinitaires à tel ou tel individu.
Ainsi, la résolution d'activités adoptée à
l'unanimité par ce congrès affirmait que : "La section
en France est sortie renforcée de cette crise qui lui a permis
de retrouver un esprit de fraternité en son sein et une compréhension
en profondeur du poison que représentent pour le tissu organisationnel
les dénigrements et la calomnie (…) Les divergences et désaccords
peuvent s'exprimer dans un climat de confiance mutuelle sans qu'ils
ne débouchent sur des attaques et conflits personnels."
(point 3). "La centralisation est l'expression organisée
de l'unité de l'organisation. En ce sens, elle est étroitement
liée à celle de la solidarité et de la confiance
qui sont les deux principes de base de la classe porteuse du communisme
(…) C'est également grâce au renforcement de la centralisation
à tous les niveaux (international, territorial, local) que la
section a été capable de se mobiliser pour soutenir et
défendre la section Nord de RI contre les manœuvres d'encerclement
de la FICCI, en faisant vivre la solidarité et en s'appuyant
sur la confiance entre camarades (…) Cette capacité de la
section à renforcer sa centralisation afin de développer
la solidarité en son sein et opposer un front uni dans le combat
contre la FICCI (notamment en interdisant aux mouchards l'entrée
de nos réunions publiques) a largement contribué à
renforcer la confiance de nos contacts envers le CCI. Ainsi, loin d'inspirer
la méfiance, le doute, les suspicions, cette politique centralisée
de défense de l'organisation et du milieu politique prolétarien
a au contraire renforcé la crédibilité du CCI.
C'est justement notre capacité à montrer au grand jour
ce qu'est la confiance et la solidarité en notre sein qui a permis
à nos contacts d'assimiler en profondeur les principes élémentaires
de la classe porteuse du communisme. C'est ce dont témoignent
aujourd'hui le rapprochement et la fidélisation de nos sympathisants,
de même que la volonté d'engagement de certains d'entre
eux." (point 5).
C'est dans ce contexte de renforcement de l'unité de l'organisation,
de rétablissement de la confiance et de la solidarité
qui doit unir les militants d'une organisation communiste, que la section
du CCI en France a pu intégrer dans ses rangs de nouveaux camarades
et qu'elle peut aujourd'hui assumer ses responsabilités face
aux nouveaux éléments qui se rapprochent ou veulent adhérer
au CCI.
Alors que la conférence extraordinaire qui s'était tenue
il y a deux ans avait été entièrement polarisée
autour de la question de la défense de l'organisation menacée
de destruction par les agissements de la FICCI, le 16è congrès
de RI a pu de nouveau se pencher sur l'analyse de l'évolution
de la situation internationale afin de dégager des perspectives
d'activités non seulement pour la section en France mais pour
tout le CCI.
Des rapports avaient été préparés et discutés
dans toutes les sections sur les trois aspects fondamentaux de la situation
internationale : la crise économique du capitalisme, les affrontements
impérialistes et l'évolution de la lutte de classe. Cependant,
le congrès a pris la décision de concentrer la discussion
sur ce dernier point dans la mesure où les deux autres, particulièrement
sur les conflits uimpérialistes, avaient été amplement
discutés lors du précédent congrès international
alors que la situation, comme l'avaient mis en évidence les débats
préparatoires, n'avait pas soulevé de questions nouvelles.
Tel n'était pas le cas, en revanche, en ce qui concerne l'évolution
de la lutte de classe. En particulier, le congrès a entériné
l'analyse adoptée par l'organe central du CCI à l'automne
dernier (voir notre article dans RI n° 347) concernant le tournant
que connaît la dynamique de la lutte de classe depuis un an et
dont les grèves du printemps 2003 en France contre la réforme
du système des retraites a constitué la manifestation
la plus évidente dans les pays centraux d'Europe occidentale.
Les débats de ce congrès ont été particulièrement
riches et animés. Ils ont permis un approfondissement des questions
concernant le lien entre combativité et conscience au sein de
la classe ouvrière. En particulier, la section en France et l'ensemble
des délégations internationales se sont clairement prononcées
sur la nécessité de se dégager des schémas
du passé pour comprendre la dynamique actuelle du rapport de
force entre les classes. Ainsi, il s'est dégagé de ce
congrès une analyse claire et homogène sur le fait que
les luttes de la période actuelle bien qu'elles n'aient pas connu
un développement à la mesure des attaques massives portées
par la bourgeoisie avec l'effondrement de l'Etat-providence, contiennent
des potentialités beaucoup plus significatives sur le plan de
la réflexion en profondeur sur la faillite historique du capitalisme
et la nécessité de construire un autre monde. Ce sont
justement ces potentialités, résultant de la situation
objective de faillite du système capitaliste (aggravation simultanée
de la crise et de la barbarie guerrière) qui expliquent que la
bourgeoisie, pour saper la prise de conscience du prolétariat,
soit aujourd'hui contrainte de prendre les devants en promouvant une
fausse alternative : la mystification de l'altermondialisme (non seulement
en France mais à l'échelle internationale).
En ce sens, les débats qui ont animé ce 16e congrès
de RI ont permis à notre organisation de prendre la mesure des
enjeux de ce tournant dans la lutte de classe. Bien que le redéploiement
de la combativité ouvrière n'ait pas encore permis au
prolétariat de retrouver son identité de classe et de
reprendre confiance en lui-même, les questions de fond qui surgissent
aujourd'hui (Vers où va la société ? Quel avenir
ce système peut-il offrir à nos enfants ? Un autre monde
est-il possible ? etc.) sont porteuses d'un développement de
la conscience de classe beaucoup plus profond que celles qui se posaient
dans les vagues des luttes des années 1970-80.
En particulier, le congrès a clairement mis en évidence
que le surgissement de minorités (souvent en rupture avec le
gauchisme et l'anarchisme) et d'éléments à la recherche
des positions de classe dans tous les pays (et qui ont pris contact
avec le CCI afin de participer activement au combat des organisations
révolutionnaires) constituent aujourd'hui une illustration particulièrement
éloquente de cette maturation de la conscience au sein de la
classe ouvrière.
Le congrès s'est donc donné comme tâche prioritaire
d'adapter son intervention en fonction de cette analyse du tournant
dans la lutte de classe. C'est d'ailleurs cette orientation que notre
organisation avait déjà mise en application en menant
le combat contre l'idéologie altermondialiste depuis l'été
2003 à travers une intervention déterminée dans
notre presse et dans les différentes kermesses de la bourgeoisie
(Forum Social Européen, Forum Mondial de Bombay, etc.). Au sein
des luttes elles-mêmes, la tâche que le CCI doit se donner
ne peut se limiter à une intervention immédiatiste, au
risque de tomber dans l'ouvrièrisme et de faire le jeu des gauchistes,
mais a pour objectif majeur de développer la réflexion
au sein de la classe en poussant les ouvriers à prendre conscience
de l'impasse du capitalisme qui apparaît de plus en plus clairement
comme un système n'ayant pas d'autre avenir à offrir à
l'humanité qu'une misère et une barbarie croissantes.
C'est avec une vision historique et à long terme que les révolutionnaires
se doivent d'examiner les changements dans la situation de la lutte
de classe. Ce qui nécessite de la patience, en sachant que les
combats que la classe ouvrière a développés depuis
le printemps 2003 (en France, en Italie, en Grande-Bretagne, en Autriche,
etc.) étaient certes des escarmouches au regard de l'ampleur
des attaques portées, mais n'en sont pas moins significatifs
de ce tournant dans la dynamique générale de la lutte
de classe.
Les travaux de ce 16e congrès de RI, la richesse des débats qui l'ont animé, en particulier le fait que tous les militants aient pu s'exprimer (y compris les camarades nouvellement intégrés dans le CCI) dans un climat de confiance, ont témoigné de la vitalité de notre organisation et du redressement de sa section en France. Les discussions sur la situation internationale ont révélé une volonté d'approfondissement de la méthode, basée sur une vision historique, avec laquelle les révolutionnaires doivent examiner la dynamique de la lutte de classe. Ce congrès a pu ainsi dégager des orientations claires d'activités pour la période actuelle. Le tournant dans la situation de la lutte de classe "exige que les révolutionnaires soient à leur poste pour être facteur actif dans le développement des luttes ouvrières et pour stimuler la réflexion et l'évolution des jeunes éléments à la recherche d'une perspective de classe. Cette responsabilité des révolutionnaires est difficile, mais la conscience de cette responsabilité ne doit pas nous faire baisser les bras. Au contraire, elle doit constituer un stimulant permanent pour notre activité. Elle doit renforcer la conviction et la détermination des militants à poursuivre le combat (y compris contre les infamies du parasitisme) (…) Aujourd'hui encore reste valable ce que Marx écrivait il y a près de 150 ans : "J'ai toujours constaté que toutes les natures vraiment bien trempées, une fois qu'elles se sont engagées sur la voie révolutionnaire, puisent constamment de nouvelles forces de la défaite et deviennent de plus en plus résolues à mesure que le fleuve de l'histoire les emporte plus loin." (Lettre à J. Philip Becker). (Résolution d'activités, point 14).
RIL'idéologie
dominante, à travers d'incessantes campagnes, véhicule
tout un arsenal de mensonges et de mystifications qui ont pour but de
creuser le fossé le plus large possible entre la classe ouvrière
et son expérience du passé. A tel point qu'il est plus
que fréquent d'entendre autour de nous s'exprimer des doutes
sérieux sur la classe ouvrière, sur son existence même,
et donc encore davantage sur sa capacité à affronter une
bourgeoisie considérée comme toute puissante.
Ces doutes ne remettent pas tellement en cause la nécessité
d'un "autre monde". Il y a aujourd'hui de plus en plus de
réflexions qui naissent sur la nécessité de changer
la société dans laquelle nous vivons. La bourgeoisie ne
s'y est pas trompée quand elle a mis en route son incroyable
battage altermondialiste. Ces questionnements ne sont peut-être
pas toujours très développés, mais quand ils existent,
ils arrivent toujours à la question centrale : qui peut changer
ce monde ? Les révolutionnaires disent : la classe ouvrière,
et elle seule. Les altermondialistes disent : l'individu, le citoyen.
Il faut combattre cela, il faut réaffirmer avec force le fait
historique incontournable qui fait de la classe ouvrière la seule
classe révolutionnaire dans le capitalisme. Et il faut avant
tout être particulièrement fermes sur le fait que cela
est pleinement valable aujourd'hui, quoiqu'on dise sur la classe ouvrière.
Ces doutes et ces remises en cause de la nature révolutionnaire
du prolétariat aujourd'hui ont plusieurs origines. Il y a d'abord
un constat immédiat et figé de la situation actuelle de
la classe ouvrière laquelle, elle-même, dans son immense
majorité, ne se reconnaît pas comme classe ; ce constat
est valable : la classe ouvrière a aujourd'hui, en grande partie,
perdu son identité de classe.
Ensuite, pour envisager la perspective de renverser le capitalisme,
il faut aussi avoir confiance en soi. Or, la classe aujourd'hui montre
qu'elle n'a pas cette confiance qu'elle avait manifestée en 1968,
de même que dans les années 1970 et 1980, lorsqu'elle développait
des vagues de luttes pour s'imposer contre les licenciements et la montée
du chômage ; et a fortiori il est clair que la classe ouvrière
n'a pas la confiance en elle qu'elle avait manifestée en 1917.
Est-ce qu'elle peut encore récupérer cette combativité,
cette confiance en soi, son identité de classe, sa perspective
propre, en tant que classe ?
Il est vrai qu'après l'effondrement du bloc de l'Est et l'effondrement
du stalinisme, la bourgeoisie, au niveau mondial, s'est employée
à bien enfoncer dans la tête de la classe ouvrière
que stalinisme égale communisme et marxisme et que tout cela
vient de s'effondrer, effaçant toute perspective d'avenir pour
le prolétariat. Cette campagne, massive, a eu un poids très
important. Ce poids n'a fait que renforcer encore les discours de toujours
de la bourgeoisie sur le fait que, de toutes façons, même
dans le meilleur des cas, la perspective du renversement du capitalisme
et de l'instauration d'une véritable société communiste,
c'est-à-dire enfin de la communauté humaine, est peut-être
une vision noble mais purement utopique étant donné ce
qu'est "la nature humaine", marquée par l'esprit individualiste,
de concurrence, la violence, etc.
En réponse à ces doutes, et face au poison idéologique
de l'altermondialisme qui considère le marxisme comme de l'idéalisme
et de l'utopie, nous affirmons au contraire que la classe ouvrière
est toujours capable de renverser le capitalisme. Pour cela, nous nous
appuyons sur plusieurs éléments. D'abord, la classe ouvrière
existe toujours. Contre les mensonges de la bourgeoisie sur la disparition
de la classe, assimilée aux ouvriers en bleu de chauffe, nous
affirmons que le prolétariat existe et n'a pas disparu. Tant
que le capitalisme existera, il ne pourra se passer d'une classe ouvrière.
Il ne faut pas oublier que la classe ouvrière est la seule véritable
source de création de richesses dans le capitalisme ; sans elle,
il n'y a pour ainsi dire pas de possibilité pour le capitalisme
de faire du profit. Ce profit provient in fine de l'exploitation de
la classe ouvrière par les capitalistes, et c'est contre cette
exploitation que la classe ouvrière est amenée à
lutter. Donc tant que la classe ouvrière existera, elle sera
obligée de lutter contre l'exploitation qu'elle subit, ce qui
contient, de façon générale, l'hydre de la révolution.
Les luttes récentes, en France, en Autriche, en Italie, en Grande-Bretagne,
malgré toutes leurs limites, viennent rappeler que les ouvriers
ne sont pas prêts à se laisser faire.
La faiblesse actuelle de la classe ouvrière est cependant réelle,
et elle s'explique : d'abord, dans l'histoire, ce n'est qu'à
certains moments qu'elle a pu manifester qu'elle n'était pas
seulement classe exploitée, mais aussi classe révolutionnaire,
et ceci à cause même de ses conditions de classe exploitée
: en 1848, en 1871, en 1905, en 1917. Ensuite, sa situation de faiblesse
actuelle s'explique par plusieurs facteurs : le fait qu'à la
suite du mouvement de mai 68, à cause de sa méfiance envers
le stalinisme, une méfiance fondée, elle avait rejeté
même les organisations prolétariennes. Ce faisant, elle
avait posé ses combats sur des bases politiquement bien trop
étroites et, de plus, elle avait encore des illusions sur le
fait que le capitalisme pouvait lui garantir encore un avenir. Enfin,
les campagnes consécutives à l'effondrement du stalinisme
lui ont porté un coup très rude, lui faisant payer la
faiblesse politique qu'elle avait manifestée malgré sa
combativité ; cela a mis en évidence que la confiance
qu'elle montrait, dans ses phases de luttes précédentes,
ne reposait pas sur des bases politiques suffisamment profondes. Le
développement lent de sa conscience a connu un coup d'arrêt
très fort avec les événements de 1989, coup d'arrêt
et même recul qui ont été le fruit de ces événements,
bien exploités par la bourgeoisie.
Où en est la classe ouvrière aujourd'hui ? Face aux attaques
qualitativement différentes de celles des années 1970
et 1980, non seulement on voit qu'elle tend à redévelopper
sa combativité, même si c'est avec difficulté et
manque de confiance en elle, mais on voit, surtout, une maturation en
son sein qui commence, un questionnement. Ce questionnement qui se développe
aujourd'hui plus particulièrement dans une minorité significative
au niveau international exprime une tendance à ce que les questions
de fond sur la faillite du capitalisme qui n'étaient pas posées,
ou très insuffisamment dans les années 1970 et 1980, le
soient maintenant.
Il faut ajouter que c'est essentiellement une nouvelle génération
de prolétaires qui se pose ces questions de fond : "on nous
avait parlé d'une ère de paix et de prospérité
au début des années 1990 ; or depuis, on voit le développement
de la guerre, de la misère, du chômage, la dégradation
des conditions de vie, le développement du chaos et de la barbarie,
jusque dans le cœur même du capitalisme." Le terme "barbarie",
dans les années 1980, n'était utilisé que par les
révolutionnaires ; aujourd'hui il est dans la bouche de prolétaires
qui se posent des questions.
La massivité des attaques va obliger la classe ouvrière
à développer des combats de plus en plus massifs. Cela
ne se fera pas immédiatement, de manière mécanique
et linéaire. Le processus sera heurté, en dents de scie,
il y aura des moments difficiles. Mais bien plus important que de savoir
à quel rythme va se redévelopper cette combativité,
le phénomène que l'on observe de questionnement sur des
thèmes politiques globaux et de fond, contient la potentialité
d'une politisation des luttes à venir, sur des bases bien plus
profondes que celles des années 1970 et 1980. Cette politisation
potentielle est contenue dans ces questions de fond parce qu'elles orientent
vers une remise en question du capitalisme. Dans cette dynamique se
trouve la possibilité, pour la classe, à cause des luttes
de plus en plus massives qu'elle devra mener, de "se voir",
de se "reconnaître" en tant que classe, de retrouver
son identité de classe et, avec cela, le sens de la solidarité
prolétarienne, la possibilité de l'extension des luttes.
La tendance à la politisation la poussera à lutter de
façon plus déterminée et consciente.
Tout cela illustre le fait que le cours historique aux affrontements
de classe reste ouvert, ce qui veut dire que la classe ouvrière,
potentiellement, porte toujours en elle la possibilité de retrouver
la confiance en elle et de développer la conscience des enjeux
de ses combats et de sa responsabilité historique en leur sein.
Ce développement de la conscience, aujourd'hui, n'est pas spectaculaire,
il est même lent, il est fragile, mais malgré cela, il
est profond.
Comme nous l'avons dit plus haut, les révolutionnaires ne sont
pas les seuls à avoir compris cette situation, la bourgeoisie
l'a même sans doute comprise avant eux. Elle ne reste pas les
bras croisés. Elle développe ses poisons idéologiques
comme l'alter-mondialisme pour tenter de faire avorter ce développement
de la conscience dans la classe. En effet, bien plus que de la combativité
de la classe, c'est de sa conscience qu'elle a peur. C'est ce développement
qu'elle redoute. Elle se sert et elle continuera à se servir
de la décomposition de sa société pour la retourner
contre le prolétariat, contre sa réflexion, contre le
développement de sa solidarité.
Nous allons donc vers une bataille idéologique de la bourgeoisie
pour tenter de pourrir le développement de la conscience. A côté
de l'alter-mondialisme et son lot de nationalisme et de réformisme
capitaliste d'Etat, on voit par exemple déjà aujourd'hui
comment est expliquée chaque fermeture d'usine pour empêcher
les prolétaires d'y voir une expression de la faillite du capitalisme
; on voit comment sont expliquées les guerres, comme produits
de la folie ou de la cupidité de certains dirigeants ou gouvernement,
voire de leur tyrannie…
Une chose doit être claire : le combat pour la révolution
ne se limite pas à celui de l'insurrection, il est quotidien.
C'est ce combat quotidien, pour développer la clarté politique,
pour combattre les mystifications de la bourgeoisie, qui, dès
aujourd'hui, la prépare.
La responsabilité des organisations révolutionnaires dans
ce processus actuel est essentielle. Il est nécessaire que les
révolutionnaires puissent intervenir dans les luttes et au sein
des minorités qui se posent des questions, afin de faire fructifier
cette maturation politique. Dans cette intervention, il faut dénoncer
tous les pièges et les mystifications de la bourgeoisie, se fonder
sur l'expérience historique de la classe, montrer la force de
la théorie marxiste, véritable arme de combat pour la
classe ouvrière et transmettre les acquis programmatiques et
organisationnels à la nouvelle génération à
la recherche d'une perspective révolutionnaire. Cette génération
est un terreau pour la préparation du futur parti, qui est indispensable
à la révolution, et pour une politisation plus large et
profonde des luttes. Les révolutionnaires doivent rappeler et
démontrer, haut et fort, que la classe ouvrière est toujours
capable de renverser le capitalisme et que le processus actuel de prise
de conscience de l'impasse du capitalisme, malgré le fait qu'il
soit encore embryonnaire, en est une claire manifestation.
Plus que jamais, nous voyons à quel point la lutte de classe
oppose les deux classes ennemies et à quel point la classe ouvrière,
loin d'être morte, conserve au contraire toutes ses potentialités.
C'est la confiance dans ces potentialités, dans le futur, qui
doit guider l'intervention des révolutionnaires. Nous devons
être parfaitement conscients, et c'est le marxisme qui nous permet
de le comprendre, que si la classe ouvrière ne parvient pas à
détruire le capitalisme, aucune autre force dans la société
n'en est capable. Si la classe ouvrière ne retrouve pas sa conscience
de classe révolutionnaire, le capitalisme ne pourra être
stoppé dans sa spirale destructrice. C'est pourquoi, quelles
que soient les difficultés qui attendent la classe ouvrière
sur son chemin, quelle que soit l'ampleur de la tâche qui attend
les révolutionnaires dans ce processus, il n'y a pas d'autres
voies possibles. Quand les révolutionnaires du début du
20e siècle posaient la question en ces termes : "socialisme
ou barbarie", ils résumaient on ne peut mieux l'alternative
placée devant l'humanité. Et au sein de cette humanité,
l'avenir repose sur la classe ouvrière et ses minorités
d'avant-garde.
Malgré tout le zèle et les efforts de sa bourgeoisie nationale au cours de ces dernières années, le capital français doit encore combler un retard certain sur ses principaux concurrents dans ses mesures antiouvrières pour faire face à la crise économique mondiale. Cette compétition s'exerce aussi bien dans le cadre européen contre les Etats-Unis que vis-à-vis de ses autres rivaux européens. La logique du capitalisme et de défense du capital national conduit ainsi simultanément la classe dominante à poursuivre et intensifier les licenciements dans les entreprises, à réduire les effectifs du secteur public avec comme objectif avoué d'éliminer 50 000 salariés d'ici 2007 et surtout à accélérer le démantèlement de l'Etat-providence, qui constitue pour elle l'encombrant héritage d'une période aujourd'hui révolue (voir dans ce n° l'article sur la Sécurité sociale).
Après les retraites et l'indemnisation du chômage, la
bourgeoisie française a commencé à s'attaquer à
la remise en cause de la Sécurité sociale et à
la réforme de la santé publique (incluant la révision
du mode de financement des hôpitaux, contenue dans le plan "Hôpital
2007"). Mais le niveau de cette attaque, pourtant annoncée
depuis plus d'un an et malgré un certain nombre de mesures touchant
d'ores et déjà tous les prolétaires (voir RI n°
347), reste largement en deçà de celle assénée
l'an dernier sur les retraites. Pourquoi ?
Il est clair que la bourgeoisie hexagonale se retrouve actuellement
en situation particulièrement délicate pour faire passer
les attaques sur la Sécurité sociale. Après le
revers et le désaveu essuyés par le parti au pouvoir lors
des élections régionales en mars, obtenant moins de 20
% des suffrages exprimés, les élections européennes
en mai dernier sont venues confirmer le manque flagrant de "légitimité
démocratique" de l'équipe gouvernementale. Celle-ci
est toujours conduite après trois remaniements ministériels
successifs par le même premier ministre, Raffarin, de plus en
plus impopulaire. Le clan chiraquien qui s'accroche au pouvoir est lui-même
ouvertement déchiré par la lutte fratricide entre le président
de la République et le nouveau prétendant aux dents longues,
Sarkozy.
Dans ce contexte, la bourgeoisie nationale savait bien qu'elle ne pourrait
pas se permettre de renouveler avec la "réforme" de
la Sécurité sociale, le "coup" du passage en
force de l'attaque massive et frontale contre les retraites pendant
l'été 2003.
C'est pourquoi elle a chargé un patelin ministre de la Santé,
Douste-Blazy, d'expédier un premier train de mesures qui donnent
cependant un avant-goût de ce qui attend la classe ouvrière
dans les années qui viennent.
Les faiblesses de la bourgeoisie et les rivalités au sein de
son appareil politique ne lui permettent pas le moindre faux pas et
la contraignent à étaler sur une période plus longue
que prévue cette nouvelle attaque majeure, en la fragmentant
au compte-gouttes, mois après mois. Pour autant, la classe ouvrière
ne doit se faire aucune illusion, le démantèlement de
la Sécurité sociale est une nécessité absolue
pour le capital national et la bourgeoisie, si elle est contrainte de
freiner l'allure de ses attaques aujourd'hui, n'a pas d'autre choix
que de devoir mettre les bouchées doubles dans l'avenir.
C'est aussi parce que la classe dominante ne veut pas prendre le risque
de déclencher un large mouvement social qu'elle pourrait ne pas
contrôler, qu'elle ne relâche pas ses manoeuvres et qu'elle
a déjà balisé le terrain. La journée nationale
de manifestations sur la "défense de la Sécurité
sociale" ,organisée par tous les syndicats le 5 juin dernier,
a été une "mobilisation molle" et une balade
sans conviction pour laquelle les syndicats n'avaient affrété
que quelques cars et avaient organisé des manifestations disséminées
dans tous les recoins de l'hexagone. La manifestation parisienne, pour
sa part, a été largement détournée en cours
de route vers la mobilisation anti-Bush par les gauchistes et les "rassemblements
anti-guerre" de gauche de tous poils, si bien que la plus grande
partie du cortège s'était dispersée avant même
le point d'arrivée.
Juste après cette "journée symbolique", le spectacle
affiché de la "désunion syndicale" était
le plus approprié pour achever de décourager toute velléité
de mobilisation massive des ouvriers. La CFDT et les syndicats des médecins
ont voté pour le projet de loi du gouvernement présenté
devant les caisses de Sécurité sociale, jugeant que le
projet allait dans le bon sens mais "manquait d'audace" et
n'allait "pas assez loin" (tel que !), FO s'abstenait, réclamant
le retour à l'ancienne parité de gestion des caisses d'assurances
maladie (sur laquelle elle a longtemps détenu la haute main,
avant d'être supplantée par la CFDT). Ainsi, la CGT se
retrouvait isolée parmi les "grands syndicats" dans
son "opposition" à la réforme de l'assurance-maladie,
cette "opposition résolue" … prenant la forme
dérisoire d'une pétition nationale envoyée au gouvernement
(la CGT se targue fièrement d'avoir recueilli ainsi plus de 700
000 signatures). On ne saurait faire mieux de la part de tous les syndicats
pour décourager tout élan de lutte et de mobilisation.
Mais la bourgeoisie recourt également une nouvelle fois préventivement
à une stratégie qui a déjà fait ses preuves
à plusieurs reprises et notamment lors de chaque attaque antiouvrière
d'envergure au cours de ces dernières années. Il s'agit
de porter deux attaques en même temps, l'une dirigée contre
les conditions de vie de l'ensemble de la classe ouvrière et
l'autre concernant un secteur plus particulier du prolétariat
ou en d'autres termes, d'ajouter une attaque plus particulière
qui fasse écran à une attaque générale.
Ainsi en décembre 1995, au printemps 2003 et encore aujourd'hui,
on assiste à l'application de ce même schéma général.
Mais derrière cette tactique similaire, en chaque occasion, c'est
dans un contexte et avec des objectifs tout à fait différents.
En 1995, l'objectif essentiel de la manoeuvre était de permettre
aux syndicats discrédités par leurs actions de sabotage
ouvert des luttes ouvrières tout au long des années 1980,
de reprendre pied et de pouvoir revenir sur le devant de la scène
sociale pour assumer plus efficacement leur fonction d'encadrement des
ouvriers. Dans ce but, la bourgeoisie qui, à travers le plan
Juppé, mettait en place une série d'attaques frontales
sur la sécurité concernant l'ensemble de la classe ouvrière,
a cristallisé l'attention sur la mobilisation derrière
les cheminots contre l'attaque spécifique de leur régime
spécial des retraites. Elle a fait une large publicité
à la lutte de ce secteur, le plus combatif mais aussi un des
plus corporatistes, désigné comme le phare de la lutte,
derrière lequel les syndicats avaient mobilisé massivement,
sous leur contrôle, le secteur public. Le retrait, programmé
à l'avance, de l'attaque spécifique visant les cheminots
a permis aux syndicats de crier "victoire" en semant l'illusion
que "tous ensemble", avec les syndicats, les ouvriers avaient
fait reculer le gouvernement. Par la suite, sous les gouvernements successifs
de gauche comme de droite, la bourgeoisie a pu aggraver sans être
inquiétée les mesures du plan Juppé sur la sécurité
sociale. Ce n'est pas un hasard non plus si la lutte des cheminots français
était ensuite mise en avant comme modèle de lutte à
l'échelle internationale et son exemple exploité par d'autres
bourgeoisies, notamment en Allemagne et en Belgique pour entraîner
les prolétaires le plus massivement possible derrière
les actions syndicales.
Au printemps 2003, au milieu de l'attaque générale sur
les retraites visant déjà prioritairement la fonction
publique, le gouvernement rajoutait une couche supplémentaire
d'attaques sur un secteur particulier, celui de l'Education nationale,
avec un projet de délocalisation spécifique concernant
les personnels ATOS. Cela constituait une véritable provocation
alors que les travailleurs de l'enseignement manifestaient déjà
depuis des mois un mécontentement croissant suite à la
détérioration sensible de leurs conditions de travail
au cours des dernières années. Le but essentiel de cette
attaque spécifique était d'empêcher le développement
d'une lutte massive de tous les secteurs contre la réforme des
retraites. Rapidement, les luttes des personnels de l'enseignement sont
apparues comme le fer de lance de la mobilisation ouvrière. Mais
en leur sein, les syndicats n'ont cessé de mettre en avant les
revendications spécifiques contre la délocalisation, dans
lesquelles le reste de la classe ouvrière ne pouvait se reconnaître,
qui ont pris le pas sur la question des retraites et fait passer celle-ci
au second plan. Cette entreprise a non seulement permis au gouvernement
de faire passer l'attaque sur les retraites mais d'entraîner le
secteur enseignant, isolé et divisé, poussé par
une partie de ces mêmes syndicats vers des actions radicales et
impopulaires de boycott d'examens de fin d'année, dans une défaite
la plus amère et cuisante possible, notamment à travers
le non paiement des journées de grève.
Le contexte de la manoeuvre esquissée aujourd'hui avec les électriciens
et les gaziers en même temps que tombait l'annonce des premières
mesures sur la Sécurité sociale est sensiblement différent.
La publicité donnée à l'attaque particulière
liée au changement de statut d'EDF et de GDF vise bien entendu
à masquer l'attaque générale sur la Sécurité
sociale. Pas moins de cinq journées d'action ont été
organisées en un mois dans ce secteur et tous les syndicats se
retrouvent cette fois côte à côte pour s'opposer
au projet de privatisation au nom de la "défense du service
public".
Mais l'action de sabotage de la lutte par les syndicats est surtout
révélatrice de la volonté de la bourgeoisie de
gagner du temps et de miner le terrain pour l'avenir afin de dissuader
cette fois à l'avance les ouvriers de s'engager dans une mobilisation
massive. Elle n'engage pas un secteur entier mais une minorité
de celui-ci. Alors que l'attaque plus spécifique concerne les
deux entreprises publiques chargées de distribuer l'énergie,
les médias focalisent sur les actions des seuls employés
d'EDF. Les syndicats lancent ainsi les ouvriers dans une série
d'actions les plus spectaculaires et les plus médiatisées
possible en cherchant à les faire passer pour ce qu'elles ne
sont absolument pas : des moyens de la lutte. Ils coupent l'électricité
tantôt dans les transports publics, tantôt dans les entreprises,
tantôt chez des ministres ou des parlementaires de la majorité,
ils font même ponctuellement quelques distributions gratuites
ou moins chères d'énergie. De fait, dès le lundi
7 juin au matin, des coupures de courant interviennent dans plusieurs
gares parisiennes, sur une partie du réseau SNCF et sur des lignes
de métro, au moment où les prolétaires doivent
reprendre le chemin de leur travail par les transports en commun. Rien
de tel pour donner une image négative de la lutte de classe.
Pris à parti pour le "caractère illégal"
de leur action, les syndicats se défendent pourtant d'en être
responsables et déclarent que ce sont les agents d'EDF eux-mêmes,
"à la base", qui ont décidé de ces actions
"coups de poing" et qui en ont pris l'initiative dans des
votes démocratiques au cours d'assemblées générales.
Quelle hypocrisie alors que les syndicats depuis des lustres, et notamment
la CGT, n'ont jamais hésité à prendre les autres
ouvriers en otage dans ce type d'actions ! D'ailleurs, le secrétaire
CGT d'EDF pour la région d'Ile-de-France n'hésite pas
à revendiquer ces actions : "On s'est vite rendu compte
de l'impact limité des manifestations festives dans la rue. Pour
qu'on parle de notre lutte, il a fallu s'affranchir de certains tabous
et reprendre l'outil de travail." (cité par Le Monde daté
du 18 juin)
Ce type de manoeuvres, où la bourgeoisie n'a encore besoin que
d'entretenir une agitation syndicale sporadique et limitée pour
faire passer ses attaques constitue pourtant un poison redoutable pour
l'avenir. Il est révélateur des obstacles que les prolétaires
trouveront sur le difficile chemin de la reconquête de leur identité
de classe. Au sein de la bourgeoisie, les syndicats sont appelés
à jouer à nouveau un rôle de premier plan pour entraver
et saper le développement nécessaire de la lutte de classe.
A travers l'entretien d'une agitation sociale sur un terrain hyper corporatiste
et pseudo-radical et par leurs petites actions minoritaires de sabotage,
les syndicats divisent et dénaturent les luttes. Mais en renvoyant
une image de repoussoir, une image négative et dévalorisante
de la lutte de classe, les syndicats visent avant tout à empêcher
une mobilisation massive de la classe ouvrière, discréditent
la lutte de classe et alimentent un sentiment d'impuissance dans les
rangs de la classe ouvrière.
Pour pouvoir s'opposer aux attaques de la bourgeoisie, les ouvriers
doivent prendre conscience que les syndicats sont les plus indispensables
auxiliaires de l'Etat bourgeois comme ils sont les véritables
maîtres d'oeuvre de ces opérations de sabotage de la mobilisation
et de la lutte.
Aujourd'hui, l'accumulation
d'atrocités comme actuellement en Irak, la généralisation
du terrorisme et l'accélération brutale des attaques contre
les conditions de vie de la classe ouvrière (réforme des
retraites, de l'assurance chômage et maladie) suscitent inexorablement
une série d'interrogations croissantes chez cette dernière
et plus particulièrement au sein de ses minorités les
plus avancées.
Quel avenir nous réserve cette société ? Quelle
signification peut-on donner à toutes ces attaques ?
Dans ce flot de questionnements, qui offre un terrain propice au développement
d'une réflexion en profondeur dans la classe ouvrière
sur la nature du capitalisme, il est tout à fait légitime
de se demander de quelle façon une organisation telle que Lutte
Ouvrière (qui prétend être révolutionnaire)
participe à la fructification de ce processus. La question est
d'autant plus légitime que vient de se dérouler, du 29
au 31 mai, l'édition 2004 de la fête de LO.
Enfin, l'enjeu pour LO (et la LCR) est aussi d'éluder la question
de leur implication dans l'épuisement des enseignants. Les trotskistes,
en 2003, avaient tout mis en œuvre pour que ces derniers, après
plus d'un mois de conflit, aillent jusqu'au bout de leurs forces et
soient complètement dégoûtés de la lutte.
Dans le forum que LO avait animé en 2003 sur les luttes dans
l'Education nationale, l'exposé introductif déclarait
notamment : "Ce n'est pas le mouvement qui s'essouffle, c'est le
gouvernement qui manque d'air." Le mot d'ordre trotskiste était
alors de nier purement et simplement la réalité de l'état
du mouvement, c'est-à-dire l'essoufflement. Ainsi, en faisant
croire aux enseignants que la grève "se généralisait"
et que le gouvernement était sur le point de céder, les
groupes trotskistes comptaient emmener les prolétaires dans un
voyage jusqu'au bout de la démoralisation (voir à ce sujet
RI n°337).
Néanmoins, face à la réalité de plus en
plus cauchemardesque du capitalisme, les questionnements restent et
le silence ne suffit pas. Alors quelles réponses met en avant
LO ? Quelle perspective cette organisation soi-disant communiste propose-t-elle
à la classe qu'elle prétend défendre ?
D'abord aller voter. Même si LO, comme caution de sa "radicalité
révolutionnaire", s'est présentée tout au
long de sa fête comme "anti-électoraliste". Comme
toujours LO manie le double langage. La participation systématique
de LO aux élections à l'image de sa porte-parole Arlette
Laguiller, éternelle candidate aux présidentielles depuis
1974, mais aussi des dernières régionales et européennes,
parle d'elle-même. Dans son allocution du 29 mai dans l'enceinte
de la fête, Arlette Laguiller déclarait d'ailleurs : "Nous
participons à ces élections [européennes]. Un courant
comme le nôtre, qui a pour programme de défendre les intérêts
politiques de la classe ouvrière (…) doit être présent
dans une telle campagne électorale." Mais LO n'entend
pas faire de la figuration, comme en témoigne cette profession
de foi de LO/LCR pour les élections régionales de mars
dernier : "En votant pour les listes conduites par LO et la
LCR, vous pouvez élire dans les conseils régionaux des
hommes et des femmes qui représenteront les intérêts
des travailleurs." LO ne se présente-t-elle pas avec
un "programme : "Faire payer les riches", "interdire
les licenciements pour les entreprises qui font des bénéfices"
et les réquisitionner au passage. En somme, le message consiste
à dire aux ouvriers que, s'ils veulent se défendre, ils
doivent se livrer pieds et poings liés à un ennemi redoutable,
le premier des capitalistes, l'Etat et à son système législatif.
Dans cette logique promue par les organisations trotskistes, les prolétaires
sont réduits au statut inoffensif de citoyen dont le premier
devoir est d'aller voter. Ainsi, la perspective est toute tracée
: la voie démocratique des urnes bourgeoises pour réformer
le monde capitaliste.
Voilà comment concrètement LO donne de la chair aux mystifications
démocratiques pour mieux brouiller la perspective communiste
du prolétariat.
LO va même plus loin, en apportant un inestimable soutien à
la gauche, tout en s'en défendant la main sur le cœur ;
mais comment comprendre des discours se "réjouissant"
de la défaite de la droite sanctionnée par "un vote
qui fait plaisir" (voir à ce sujet RI 346), si ce n'est
comme un salut à la victoire de la gauche ?
Dans ces conditions, l'intervention des révolutionnaires est
cruciale (une responsabilité très largement assumée
par le CCI). En effet, nos interventions dans les divers forums de discussions
de la fête trotskiste avaient pour objectif non seulement de dénoncer
et combattre le réformisme diffusé par LO mais aussi de
susciter une réflexion sur la réalité de ce système,
à savoir sa crise historique irrémédiable et la
nécessité pour le prolétariat de le mettre à
bas à travers le développement de ses luttes. Par exemple,
au cours du forum dédié à la réforme de
la Sécurité sociale, alors que LO, exactement comme pour
les retraites, nous a resservi son vieux couplet "faisons payer
les patrons", l'intervention du CCI s'est efforcée de démontrer
pourquoi la classe dominante procède aujourd'hui au démantèlement
de "l'Etat-Providence". En quoi la faillite du capitalisme
contraint la bourgeoisie à défaire un système d'assurance
maladie dont elle avait par ailleurs besoin pour soigner et réparer
la force de travail des prolétaires. Puisque l'extraction de
la plus-value (à la base du profit) ne s'obtient que par l'exploitation
de la force de travail, si cette dernière n'est pas entretenue
elle devient très vite inexploitable ce qui est la pire chose
qui soit pour un capitaliste. Par conséquent, ce n'est pas par
cupidité, comme veut nous le faire croire LO, que la bourgeoisie
saigne le prolétariat mais parce que la crise insurmontable de
son système l'y conduit forcément. Dès lors, toute
proposition de contre-réforme façon LO pour une meilleure
gestion des richesses est un leurre pour détourner les ouvriers
de la seule réponse possible, la révolution communiste.
De même, lors du forum consacré à l'altermondialisme,
l'exposé de LO s'est entouré de nombreuses précautions
pour se démarquer de ce mouvement taxé de réformisme,
qualificatif en soi tout à fait juste. Mais, comme l'a montré
notre intervention, si le mouvement altermondialiste relève de
l'idéologie réformiste, LO n'a absolument aucune leçon
à recevoir en ce domaine. De plus, malgré sa posture condescendante
vis-à-vis de l'altermondialisme et son air de ne pas trop y toucher
(bien qu'elle se retrouve main dans la main à de nombreuses occasions
avec la LCR, organisation trempée jusqu'au cou dans cette mouvance),
LO n'hésite pas à apporter un crédit à ce
mouvement créé de toute pièce et financé
de bout en bout par la classe dominante (voir RI n°341). Quoi d'étonnant
à cela puisque leurs objectifs sont communs, à savoir
: pourrir la réflexion de la classe ouvrière et de ses
minorités les plus avancées en les plongeant dans le purin
réformiste. Comme LO l'a répété dans un
forum et l'a aussi mis en avant dans son organe Lutte de Classe n°77,
"nous n'excluons pas d'être solidaires de certaines de
ses initiatives [du mouvement altermondialiste] et de nous retrouver
ponctuellement dans certains de ses combats, voire de participer à
certaines de ses manifestations, exactement comme nous pouvons participer
ou être solidaires d'actions ou de manifestations du PCF…"
Et voilà comment la boucle est bouclée. La solidarité
avec l'altermondialisme ne pouvait que se confondre pour LO avec la
solidarité qu'elle doit aux partis bourgeois qui le compose parmi
lesquels se comptent le PS et le PCF. C'est ce que nous avons pu constater,
une fois de plus, à la fête de Presles lors d'un forum
intitulé "Où va le PCF ?" et où toute
la rhétorique infâme de LO s'ingéniait à
nous faire croire qu'en dépit de sa direction pervertie, le PCF
reste animé d'une vie prolétarienne ! Belle preuve de
solidarité de LO envers son frère de classe pour redorer
le blason d'un parti aujourd'hui à des années lumières
de la classe ouvrière, qui fut l'un des fers de lance de la contre-révolution
stalinienne des années 1930 et un pourvoyeur de chair à
canon sans pareil au cours de la Seconde Guerre mondiale.
Pendant la fête de LO, tous les moyens nécessaires ont
été mis en oeuvre pour qu'aucune réflexion en profondeur
ne puisse voir le jour. En fait, le combat que mène LO est celui
de la bourgeoisie contre la classe ouvrière, un combat contre
le développement de sa conscience et de ses luttes.
Au cours de cette fête de LO, le CCI (avec l'appui de ses sympathisants)
a assumé son rôle d'organisation révolutionnaire
en intervenant le plus largement possible pour combattre les entraves
posées et les poisons idéologiques déversés
par les trotskistes. A l'avenir, comprendre la nature contre-révolutionnaire
du trotskisme sera pour le prolétariat une condition incontournable
pour qu'il se réapproprie sa perspective, celle de la révolution
communiste.
Avec son nouveau plan de
"sauvetage de la sécurité sociale", le gouvernement Raffarin
s'apprête une nouvelle fois à réduire le coût du salaire social. C'est au tour
de la santé de faire les frais de ce nouveau plan d'austérité, après les
attaques significatives menées au printemps dernier vis-à-vis des pensions de
retraite et des indemnités de chômage en janvier dernier. Loin d'être une
spécificité nationale, ces attaques se développent et se généralisent à
l'ensemble des pays capitalistes qui avaient mis en place l'État-providence à
la fin de la Seconde Guerre mondiale en vue de reconstruire leurs économies
dévastées et qui avaient besoin pour cela d'une main d'oeuvre en bonne santé.
L'attaque actuelle sur le système de soins en France, comme en Allemagne il y a
quelques mois, signifie la fin du Welfare State et fait voler en éclats le
mythe des "acquis sociaux". Cette attaque révèle que, face à
l'approfondissement de la crise économique, au développement du chômage massif,
la bourgeoisie ne peut continuer à entretenir la force de travail en grande
quantité. La survie du capitalisme passe par une intensification de la productivité
du travail, la recherche d'une main d'oeuvre la moins chère possible, tout en
réduisant le coût de l'entretien de cette force de travail. Pour une grande
majorité de prolétaires, c'est la précarité et la misère, voire l'exclusion
définitive du système de production ou la mort comme on l'a vu pour les plus
démunis (personnes âgées, SDF, handicapés) lors de la canicule de l'été 2003.
Alors que cette attaque massive sur la santé nécessite une riposte massive et unitaire de l'ensemble de la classe ouvrière (ouvriers au travail, au chômage et retraités), les syndicats et leurs complices trotskistes et altermondialistes, détournent la réflexion ouvrière sur la faillite du capitalisme vers des mesures illusoires pour "sauver la sécurité sociale". Alors que cette attaque frontale de la protection sociale signifie qu'un pan supplémentaire de l'État-providence disparaît sous les coups de boutoir de la crise économique, nos défenseurs de la Sécurité sociale assènent le même mensonge : "La Sécu est une conquête de la lutte ouvrière, acquise à la fin de la Seconde Guerre mondiale, dans la continuité des acquis sociaux du Front populaire de 1936." Face à cette nouvelle falsification de l'histoire par l'ensemble des forces de gauche, gauchistes et syndicats, il est nécessaire de rétablir la vérité, en s'appuyant sur un bref aperçu historique de la mise en place des assurances sociales, puis sur la signification de la création de la Sécurité sociale en 1945 du point de vue des besoins du capitalisme. C'est cette réaffirmation de l'analyse marxiste qui peut permettre de comprendre que c'est la faillite historique de l'Etat-providence et du système capitaliste que la bourgeoisie cache au prolétariat en brandissant les oripeaux de la sécurité sociale.
C'est le prolétariat durant la seconde moitié du 19e siècle, dans la phase
de développement du capitalisme, qui va développer dans un premier temps pour
faire aboutir ses revendications économiques (réduction horaire de la journée
de travail, l'interdiction de l'exploitation des enfants, du travail de nuit
pour les femmes, etc.) ses propres caisses de grève ou de secours, ses propres
mutuelles en cas de maladie ou de licenciement. Le plus souvent ce sont les
syndicats ouvriers qui gèrent la mise en place de cette solidarité économique
au sein de la classe ouvrière. Mais cette solidarité a un sens politique, car
au cours de ses luttes pour arracher une amélioration de ses conditions d'existence
et des réformes sur le plan politique, le prolétariat se constitue en classe
avec comme perspective, lorsque les conditions économiques seront à maturité,
la prise du pouvoir politique en vue de l'instauration de la société
communiste.
Avec le développement meurtrier de la Première Guerre mondiale, le capitalisme
signe la fin de son expansion économique et l'entrée de son mode de production
dans sa phase de décadence. Celle-ci se caractérise par une absorption de la
société civile par l'Etat. La bourgeoisie doit imposer sa domination de classe
sur l'ensemble de la vie économique, sociale et politique et c'est l'Etat qui
va remplir ce rôle. Face à ce changement de période, les syndicats vont devenir
une force d'encadrement de la classe ouvrière, au service du capital.
"L'Etat maintient les formes d'organisation des ouvriers (syndicats)
pour mieux les encaserner et mystifier. Le syndicat devient un rouage de l'Etat
et comme tel intéressé à développer la productivité, c'est à dire accroître
l'exploitation du travail. Le syndicat fut l'organe de défense des ouvriers
tant que la lutte économique eut un sens historique. Vidé de ce contenu ancien,
le syndicat devient sans changer de forme, un instrument de répression
idéologique du capitalisme d'Etat et de contrôle sur la force de travail."
("Sur le capitalisme d'Etat", Internationalisme 1952, repris dans la
Revue internationale n°21, 2e trimestre 1980).
Ainsi, l'Etat s'approprie directement, ou par le biais de sa police syndicale,
les différentes caisses de secours et mutuelles ouvrières et vide de son
contenu politique la notion même de solidarité ouvrière.
"La bourgeoisie a retiré la solidarité politique des mains du
prolétariat pour la transférer en solidarité économique aux mains de l'Etat. En
subdivisant le salaire en une rétribution directe par le patron et une
rétribution indirecte par l'Etat, la bourgeoisie a puissamment consolidé la
mystification consistant à présenter l'Etat comme un organe au-dessus des
classes, garant de l'intérêt commun et garant de la Sécurité sociale de la
classe ouvrière. La bourgeoisie est parvenue à lier matériellement et
idéologiquement la classe ouvrière à l'Etat." (Revue Internationale
n°115, page 13)
Non seulement la bourgeoisie fait apparaître l'Etat comme le défenseur des
classes laborieuses, mais la tentative de mise en place des premières
assurances sociales a pour objectif aussi d'encadrer le prolétariat.
Dans les années 1920, le projet des assurances sociales est porté par la
volonté d'instaurer la paix sociale par la participation des ouvriers à la
gestion nationale, comme le souligne le rapport Cerinda :
"Dans les conseils d'administration des assurances sociales se
trouveront réalisés le rapprochement et la collaboration fraternelle des
classes ; salariés et employeurs n'y défendront pas des intérêts antagonistes :
ils seront unis dans une même pensée : celle de combattre les deux grands
fléaux des travailleurs, la maladie et la misère. Ce contact permanent
préparera l'association de plus en plus étroite du capital et du travail."
(Citation page 86 du livre de Bruno Palier, Gouverner la Sécurité sociale,
éditions PUF)
Malgré cette volonté politique de l'Etat, du patronat et des syndicats de
mettre en œuvre ce projet d'assurances sociales obligatoires, ce n'est que
pendant la Seconde Guerre mondiale que le Conseil National de la Résistance
mettra au point l'organisation du régime général de la sécurité sociale.
C'est au cours de la deuxième boucherie mondiale que la bourgeoisie,
consciente des millions de victimes que le conflit militaire va provoquer,
ainsi que des destructions et des ravages pour son économie mondiale, qu'elle
s'empresse de donner une justification morale à sa propre barbarie.
"Dans un message solennel au congrès prononcé le 6 janvier 1941, le
président Roosevelt a donné le premier une justification morale au conflit en
lui assignant notamment pour objectif une "libération du besoin" pour
les masses. Ce mouvement culmine en mai 1944 avec la déclaration de
Philadelphie de l'Organisation internationale du travail par laquelle les pays
membres font de la réalisation d'une véritable sécurité sociale un objectif
prioritaire de l'après-guerre. En conséquence, la sécurité sociale figure en
bonne place dans les buts de guerre définis par les Alliés." (Histoire
de la Sécurité sociale, 1945-1967, page 30, Bruno Valat, Ed.Economica)
Dès 1941, l'Angleterre met en chantier le développement des allocations familiales
et le "plan Beveridge" en 1942, en pleine guerre, crée une couverture
sociale étatique pour soutenir l'effort de guerre et le moral des troupes. En
Belgique, c'est en 1944 que se crée un système obligatoire de sécurité
collective sous le contrôle de l'Etat.
En France, alors qu'une partie de la bourgeoisie se retrouve dans le
gouvernement de Vichy[1] [461],
l'autre partie en exil avec à sa tête le général de Gaulle, reprend cette
préoccupation. Il déclare en avril 1942 dans un message solennel à la Résistance
: "La sécurité nationale et la sécurité sociale sont pour nous des buts
impératifs et conjugués." (Bruno Valat, idem) Aussi n'est-il pas
étonnant que le programme de mars 1944 du Conseil National de la Résistance, où
les staliniens du PCF sont majoritaires, réclame un plan complet de sécurité
sociale visant à assurer à tous les citoyens des moyens d'existence.
Ainsi, loin d'être une victoire ouvrière, c'est surtout la capacité de la
bourgeoisie internationale à prévoir l'encadrement du prolétariat à la fin de
la guerre en vue de l'effort de reconstruction qui est à l'origine de la
généralisation des systèmes de protection sociale. Les années d'après-guerre
sont terribles pour les conditions de vie du prolétariat. Les salaires sont
bloqués depuis la guerre, l'inflation galope, dopée par un marché noir toujours
florissant, les tickets de rationnement existant depuis l'occupation vont être
maintenus jusqu'en 1950, y compris l'électricité et l'essence. La ration de
pain qui est de 200 g à l'été 1947, n'est que de 250 g en juin 1948. Le revenu
national en 1948 est encore inférieur de 4% à son niveau de 1938. Aux maigres
salaires et à la pénurie alimentaire se rajoutent un état sanitaire déplorable
et une démographie catastrophique. La mortalité infantile est en 1946 de plus
de 84 pour 1000, et la population adolescente souffre de rachitisme. Face à
cette situation, la bourgeoisie sait qu'elle ne pourra relever le capital
national avec une classe ouvrière autant affaiblie, d'autant plus que se
rajoute les pertes humaines de la guerre qui font que la main-d'œuvre fait
défaut. La création de la sécurité sociale, la médicalisation de la santé est
donc le moyen de se donner une force de travail et d'entretenir celle-ci à la
hauteur des enjeux de la reconstruction. En échange d'une surexploitation (la
durée de travail en 1946 est de 44 h et 45 h en 1947), le prolétariat va avoir
accès à une couverture sociale lui permettant de reconstituer sa force de
travail. Pierre Laroque, haut fonctionnaire, chargé de mettre en oeuvre la
sécurité sociale avec l'ordonnance du 4 octobre 1945, est explicite sur ces
objectifs, même s'il enveloppe la marchandise avec un couplet humaniste :
"Le but était d'assurer à la masse des travailleurs, et pour commencer
aux salariés, une sécurité véritable du lendemain. Cela allait de pair avec une
transformation sociale et même économique : l'effort qu'on leur demandait pour
la remise en marche de l'économie devait avoir une contrepartie".
Ainsi que le commente Bruno Palier : "En 1945, c'est aussi un
investissement politique immédiat, qui doit permettre d'obtenir la
participation des salariés aux travaux de reconstruction (…) Cette dimension du
plan français de Sécurité sociale, contrepartie aux efforts de reconstruction
(et à la modération des augmentations des salaires directs), qui apparaît comme
une sorte de contrat social de la Libération." (Ibid.)
Face aux critiques de certains parlementaires qui estiment trop important le
coût financier de la sécurité sociale, le socialiste Daniel Mayer, ministre du
travail en 1949, répond :
"Tout industriel considère comme normal et nécessaire de prélever sur
ces recettes les sommes indispensables à l'entretien de son matériel. La
Sécurité sociale, dans une large mesure, représente l'entretien du capital
humain du pays, qui est aussi nécessaire aux industriels que les machines. Dans
la mesure où la Sécurité sociale contribue à conserver le capital humain, à
développer ce capital, elle apporte à l'économie un concours que l'on ne
saurait sous-estimer." (Bruno Valat, idem).
C'est pour cela que dans un premier temps, la sécurité sociale sera réservée
aux travailleurs salariés, du fait que c'est sur eux que la bourgeoisie compte
pour redresser le pays et l'on renvoie à plus tard l'application du régime à la
population non salariée. On mesure ainsi le mensonge des syndicats sur la
création de la "Sécu" comme une conquête ouvrière, alors que cette
"concession" se fait au prix d'une surexploitation sans commune
mesure de la force de travail. Ainsi, en 1950, l'industrie française a presque
retrouvé le niveau de production de 1929. Comme en 1936, ce sont les staliniens
(PCF) grâce à leur engagement au sein de la résistance qui vont jouer un rôle
déterminant dans l'embrigadement du prolétariat pour la reconstruction. Plusieurs
ministres communistes seront présents dans le gouvernement du général de
Gaulle, appelant le prolétariat par la voix de son leader Thorez à "se
retrousser les manches" pour reconstruire le pays et dénonçant la grève
comme étant "l'arme des trusts", de même que la CGT aura le monopole
de la présidence des caisses d'assurance sociale jusqu'en 1947. (Voir notre
brochure, Comment le PCF est passé au service du capital) Par la suite, ce sont
les autres syndicats qui succèderont à la CGT.
Si, dans les années qui suivent la guerre, la sécurité sociale va être
étendue à l'ensemble de la population, dès le début des années 1970, les
premiers signes de la crise économique viennent sonner le glas de ces
politiques sociales. La Sécurité sociale en soi ne pouvait fonctionner que dans
la mesure où le capitalisme pouvait garantir le plein emploi. Le développement
du chômage fait que les dépenses sociales augmentent plus vite que le Produit
Intérieur Brut (PIB). Face à cette situation, la bourgeoisie répond par des
mesures keynésiennes de relance de la consommation notamment en augmentant et
en créant de nouvelles prestations familiales sous conditions de ressources. Du
point de vue de la gestion du capitalisme, ces mesures vont augmenter de façon
considérable les déficits publics. Dorénavant, de 1975 jusqu'à aujourd'hui, la
bourgeoisie ne va pas cesser de courir après les déficits, avec notamment le
fameux "trou de la Sécu" qui semble un gouffre sans fin, malgré les
hausses permanentes des cotisations sociales et des baisses à répétition des
prestations sociales. Tout au long des années 1980 et 1990, les gouvernements
successifs de droite comme de gauche vont redoubler d'ingéniosité pour inventer
toutes sortes de taxes (alcools, tabac, essence) et de création de nouvelles
cotisations (CSG), accompagnées de multiples plans d'austérité qui se succèdent
tant sur le plan de l'assurance maladie que pour les retraites et les
allocations chômage. Le bilan est sans appel ! Non seulement la classe ouvrière
qui a encore du travail voit une partie toujours plus importante de son salaire
ponctionné pour financer les déficits et autres mutuelles complémentaires, mais
en plus le système de soins se dégrade compte tenu des réductions d'effectifs
dans le secteur de la santé et des plans d'austérité à répétition. Pour le
reste de la classe ouvrière et de la population, la perspective est à toujours
plus de paupérisation et d'exclusion sociale.
Ainsi, loin d'être une conquête ouvrière, la Sécurité sociale est par contre un
organe d'encadrement étatique réel. Grâce à la participation des syndicats à la
gestion des caisses d'assurance maladie, en compagnie du patronat, puis par la
suite des caisses de retraite et de chômage, cette gestion paritaire donne
l'illusion qu'on peut faire une politique qui va dans le sens des intérêts des
travailleurs[2] [462].
Plus que jamais, les nouvelles attaques sur la santé signifient la faillite du
système capitaliste, la fin de l'État-providence et du mythe d'une couverture
sociale "du berceau à la tombe". Si les révolutionnaires sont
solidaires de leur classe face aux attaques tant sur le salaire direct que sur
le salaire social, en même temps nous dénonçons avec virulence le mythe d'une
Sécurité sociale mise en oeuvre par un Etat qui serait au-dessus des classes
sociales pour le bien-être des ouvriers. La préoccupation du capitalisme en
1945 était d'avoir une main-d'œuvre en bonne santé pour réussir la
reconstruction. En 2004, face à un réservoir sans fin de main-d'œuvre, le
capitalisme doit sacrifier une partie croissante de prolétaires pour maintenir
à bas coût l'achat de la force de travail, quitte à laisser crever les autres.
"Il n'est pas besoin de souligner que si la société socialiste défend
l'individu contre la maladie ou les risques de l'existence, ses objectifs ne
sont pas ceux de la Sécurité sociale capitaliste. Celle-ci n'a de sens que dans
le cadre de l'exploitation du travail humain et en fonction de ce cadre. Elle
n'est qu'un appendice du système." (Internationalisme 1952, repris
dans notre Revue Internationale n°21, 2e trim. 1980).
[1] [463] La mystification qui consiste à présenter le gouvernement d'union nationale de 1945 de la "Libération", comme une rupture politique avec le régime de Vichy est un mensonge. Non seulement les partis de la résistance regroupés autour du général de Gaulle vont reprendre ce qui existait au niveau social sous Pétain (issu du modèle allemand de Bismarck) en l'élargissant, notamment la création de la retraite des vieux travailleurs et les allocations familiales (mesure votée à la fin de la 3e République), mais c'est la même administration et les hauts fonctionnaires de Vichy qui mettront en oeuvre la sécurité sociale. Quel que soit le régime, la continuité de l'Etat capitaliste est toujours préservée. (Voir à ce propos, le livre de Robert O. Paxton, La France de Vichy, 1940-1944, éditions du Seuil, page 309)
[2] [464] Non seulement, les syndicats sont un rouage de l'Etat, mais en plus ils vivent de façon parasitaire sur le dos de la classe ouvrière. En fait une des raisons pour lesquelles les syndicats sont autant attachés à préserver leur participation dans la gestion des assurances sociales, c'est que l'Etat leur verse des subsides conséquents pour cela, grâce aux multiples cotisations versées par les ouvriers. "La manne de l'assurance maladie prend aussi une forme sonnante et trébuchante. L'ensemble des partenaires reçoit des crédits au titre de la formation des administrateurs et des frais de secrétariat technique, les syndicats touchant en outre des fonds pour la formation aux questions de Sécurité sociale. En 1994, selon les chiffres de la caisse nationale, la CGT a reçu 10 millions de francs, FO 9,9 millions, la CFDT 9,3 millions, la CGC 6,2 millions et la CFTC 5,6 millions (avec environ 3 millions pour le patronat). Au total, de 1991 à 1994, la CNAM a versé 181,7 millions aux partenaires sociaux. Le tout sans grand contrôle sur leur utilisation…" (Les Echos, 28 juin 1995)
L'année 1989 connaît l'effondrement du bloc soviétique. Cet événement, en premier lieu fruit de la crise économique mondiale du capital, va avoir immédiatement des répercussions de très grande importance sur la vie et le développement du capitalisme. La classe ouvrière doit se rappeler qu'à ce moment-là tous les leaders de la bourgeoisie mondiale nous promettaient une nouvelle époque : "Une ère de paix et de stabilité". L'effondrement du stalinisme devait signifier la fin de la barbarie. L'évolution sanglante de la réalité allait très rapidement démontrer exactement le contraire. Dès le début des années 1990, la barbarie s'installait comme une donnée permanente dans la vie de la société, se généralisant à l'ensemble de la planète, frappant de manière de plus en plus aveugle, s'étendant progressivement aux grandes métropoles capitalistes. Elle concrétisait, dans le sang et la boue, l'entrée du capitalisme dans la phase ultime de sa décadence : celle de sa décomposition accélérée. A la place d'un affrontement impérialiste enserré dans le corset de fer des blocs impérialistes soviétique et américain, commençait à s'installer une logique guerrière radicalement différente, une logique où chaque pays capitaliste allait défendre ses intérêts propres en dehors de toute alliance stable soumise à un état impérialiste dominant. Chaos, perte de contrôle, anarchie grandissante et accélération de la décomposition ne pouvaient en être que la concrétisation dramatique.
En 1991, la première guerre du Golfe concrétisa pour la première fois l'ouverture toute grande des portes du nouveau désordre mondial, même si ce conflit permit momentanément aux Etats-Unis de réaffirmer leur rôle de toute première puissance. A cette époque, c'est le gouvernement américain qui a voulu cette guerre, en affirmant auprès de Saddam Hussein par l'entremise de son ambassadrice April Glaspie qu'un conflit éventuel entre l'Irak et le Koweït relevait d'un problème "interne au monde arabe", laissant entendre que les Etats-Unis se désintéressaient de la question. De fait, le piège ainsi tendu à Saddam Hussein poussa celui-ci à envahir militairement le Koweït, fournissant ainsi le prétexte à une intervention massive des Etats-Unis. Pour l'impérialisme américain, cette guerre fut l'instrument de la réaffirmation brutale de leur autorité sur les principales puissances rivales telles l'Allemagne, la France et le Japon qui, depuis 1989 et l'effondrement du bloc soviétique, tendaient de plus en plus clairement à défendre leur seul intérêt impérialiste en développant une politique croissante de contestation du leadership américain. Il est indéniable qu'à cette époque la puissance américaine remporta une victoire sur l'ensemble de la scène mondiale. Elle se paya même le luxe de laisser Saddam Hussein maître de Bagdad afin que l'Irak ne sombre pas dans un chaos total comme aujourd'hui. Mais cette victoire ne pouvait être que de courte durée. Alors qu'aucun apaisement sur le plan de la concurrence économique ne pouvait être envisagé, les tendances centrifuges au "chacun pour soi" de chaque puissance impérialiste ne pouvaient que gagner en ampleur, poussant ainsi inexorablement à nouveau les Etats-Unis à utiliser leur suprématie militaire, afin de tenter de freiner la contestation croissante à leur égard. Ainsi pouvions nous déjà percevoir en 1991 : "Que ce soit sur le plan politique et militaire ou sur le plan économique, la perspective n'est pas à la paix et à l'ordre mais à la guerre et au chaos entre nations." (Revue Internationale n°66, article "Le chaos"). Cette tendance à la décomposition du capitalisme et à l'affaiblissement du leadership américain allait se poursuivre et se confirmer tout au long des années 1990. Ce sont en effet ces mêmes puissances qui, quelques mois seulement après la première guerre du Golfe, allaient pousser un nouveau déchaînement de la barbarie qui devait aboutir en 1992 à un embrasement total de la région des Balkans. En effet, c'est l'Allemagne qui, en poussant la Slovénie et la Croatie à proclamer leur indépendance vis-à-vis de l'ancienne confédération yougoslave, a fait éclater ce pays et a joué un rôle primordial dans la déclenchement de la guerre en 1991. Face à cette poussée de l'impérialisme allemand, ce sont les quatre autres puissances (Etats-Unis, Grande-Bretagne, France, Russie) qui ont soutenu et encouragé le gouvernement de Belgrade à mener une contre-offensive particulièrement meurtrière. Cependant, l'affaiblissement historique des Etats-Unis déjà à l'œuvre en 1991 allait les conduire à des changements d'alliance successifs se traduisant par leur soutien à la Serbie en 1991, à la Bosnie en 1992 et à la Croatie en 1994. Les Balkans se transformaient alors irrémédiablement, comme l'Afghanistan quelque temps plus tard, en un véritable bourbier fait de guerres civiles permanentes. Aujourd'hui encore en Afghanistan, aucune autorité, locale ou américaine, ne peut s'exercer en dehors de la capitale Kaboul. Les années 1990 vont ainsi connaître une généralisation progressive du chaos, expression de l'évolution de la décomposition de la société capitaliste, décomposition qui va connaître une violente accélération au début des années 2000.
Il est impossible de décrire aujourd'hui la situation en Irak.
Courrier International du 14 juin titrait : "En Irak, la violence,
toujours." A elle seule, la journée du jeudi 24 juin est
un exemple dramatique de l'état de guerre civile dans lequel
se trouve plongé l'Irak. Ce jour-là, il n'y aura pas eu
moins de sept attentats dans la seule ville de Mossoul, faisant officiellement
au moins 100 morts. Dans le même temps, des affrontements armés
se poursuivaient dans de nombreuses villes irakiennes comme à
Bakuba ou Nadjaf. A quelques jours du transfert de pouvoir au nouveau
gouvernement irakien, le pays est plongé dans un chaos total,
une anarchie généralisée où les forces politiques
et militaires ne peuvent plus contrôler que des zones géographiquement
limitées. Le premier ministre irakien Iyad Allaoui s'efforce
d'annoncer, à grand renfort de publicité, qu'il prendra
personnellement en main la lutte contre la violence, et ceci après
la montée en puissance des accrochages militaires, attentats
et autres sabotages d'oléoducs, en passant par des prises d'otages
finissant le plus souvent par des meurtres sanglants. La décapitation
des otages, filmée et projetée sur tous les écrans
du monde, devient aujourd'hui une pratique courante, un moyen de guerre
comme un autre, à l'égal d'un terrorisme n'ayant pour
objectif que la destruction massive. Torture et terrorisme ont toujours
fait partie des conflits armés dans l'histoire, mais ils restaient
des phénomènes secondaires. Cette dégradation des
règles d'affrontements est sans aucun doute une des expressions
majeures de l'accélération de la décomposition
du système capitaliste.
La perspective dans ce pays ne peut être que vers une déstabilisation
croissante. L'affaiblissement, la perte de contrôle des Etats-Unis
y sont patents. Le New York Times déclare : "Les forces
de la coalition n'ont pas seulement échoué à assurer
la sécurité de la population irakienne, mais également
à réaliser un autre objectif désigné comme
prioritaire par l'administration provisoire : le rétablissement
total de l'électricité avant le début des chaleurs
d'été." En Irak aujourd'hui, tout manque, y compris
l'eau, à une population confrontée à des conditions
de survie effroyables. De plus en plus clairement, les Kurdes, Chiites,
Sunnites expriment leurs intérêts propres et divergents.
De plus, un phénomène nouveau est en train de se généraliser
: l'apparition de bandes armées, fanatisées, passant à
l'offensive armée contre les intérêts américains
en dehors de tout contrôle assumé par des organisations
ethniques ou religieuses nationales. Avant même que d'être
mis en place, le gouvernement provisoire apparaît totalement impuissant
et discrédité.
Le Washington Post affirme : "Quoique l'administration Bush ait
plusieurs fois promis que les Irakiens retrouveraient leur entière
souveraineté, il est clair que ce sont des officiers américains
qui garderont la mainmise sur la question essentielle de la sécurité."
Cette perspective est celle d'un enfoncement croissant de la puissance
américaine dans le bourbier irakien. Elle traduit l'incapacité
américaine à maîtriser même militairement
la situation irakienne. Cet affaiblissement accéléré
s'est concrétisé par l'obligation pour les Etats-Unis
d'en passer par l'ONU, un projet de résolution américano-britannique
proposé fin mai au Conseil de sécurité prévoyant,
entre autres, la mise en place de forces multinationales sous un commandement
américain. Ce recours obligé à l'ONU par l'administration
américaine est la manifestation directe de son incapacité
à assurer sa domination par les armes, y compris dans un pays
aussi faible que l'Irak. Derrière les premières déclarations
de façade ayant le ton de la satisfaction, l'appétit des
autres grandes puissances voulant profiter de chaque recul des Etats-Unis
pour défendre leurs propres intérêts impérialistes
s'est clairement manifesté. Le 27 mai, la Chine a diffusé
un document soutenu par la Russie, la France et l'Allemagne soulevant
des objections et contenant des propositions de changement majeur de
cette résolution. Notamment le gouvernement intérimaire
devait jouir de la "pleine souveraineté sur les questions
économiques, de sécurité, de justice et de diplomatie".
En outre, ces puissances ont proposé que le mandat de la force
multinationale en Irak s'achève fin janvier 2005 et que le gouvernement
provisoire soit consulté pour les opérations militaires
à l'exclusion des mesures d'autodéfense. De fait, ce document,
directement dirigé contre les Etats-Unis, démontre que
la seule préoccupation de ces grandes puissances est d'enfoncer
et d'affaiblir autant que possible la première puissance mondiale
sans se préoccuper le moins du monde des conséquences
d'un tel affrontement pour la population irakienne et pour toute la
région.
On assiste aujourd'hui à une déstabilisation de l'ensemble
de l'Asie du Sud-Ouest. En Arabie saoudite, les attentats attribués
à Al-Qaida se multiplient, manifestant l'énorme montée
des tensions entre le régime de Ryad et les éléments
Wahhabites toujours plus nombreux à se fanatiser. La virulence
des dirigeants chiites irakiens ne manque pas également d'avoir
des répercussions sur la stabilité en Iran. Quant à
la Turquie, la tension y est particulièrement forte. Le 1er juin,
le PKK (Parti des travailleurs kurdes) a annoncé qu'il mettait
unilatéralement fin au "cessez le feu" dans la guerre
menée contre l'Etat turc. Le Neue Zueriche Zeitung du 3 juin
rapportait que "des cercles de l'armée turque pensent que
des centaines de rebelles armés du PKK ont infiltré la
Turquie depuis le Nord de l'Irak au cours des dernières semaines.
Le gouvernement turc accuse les Etats-Unis de n'avoir rien fait contre
la présence du PKK dans le Nord de l'Irak." Le même
quotidien de Zurich observe qu'"un nouvel éclatement de
la guerre pourrait être dévastateur pour l'ensemble de
la région".
Par ailleurs, depuis l'arrivée de l'administration Sharon au
pouvoir en Israël, la situation au Moyen-Orient n'a fait que sombrer
dans une guerre permanente et des massacres aveugles de population.
Derrière le projet d'un grand Moyen-Orient, d'un retrait hypothétique
de la part des Israéliens de la Bande de Gaza et d'une occupation
militaire croissante de la Cisjordanie, se matérialise à
l'égal de celle des Etats-Unis une politique de fuite en avant
de la part du gouvernement israélien. Il est patent que la logique
guerrière y prend de façon absolue le pas sur tout autre
modalité de défense des intérêts nationaux
israéliens. Cette politique, suicidaire à terme, a même
provoqué une montée de tensions entre Israël et l'Egypte,
cette dernière restant pourtant, après l'Etat hébreu,
un des seuls alliés des Etats-Unis dans la région. De
fait, l'administration américaine pèse de moins en moins
sur l'orientation de la politique guerrière israélienne.
Ceci traduit l'incapacité actuelle des Etats-Unis à être
les gendarmes du monde. Cette réalité ne fait qu'exprimer
au plus haut niveau la perte de contrôle de toutes les autres
grandes puissances dans les zones qu'elles tentent encore de maintenir
sous leur influence.
Les raids militaires menés en Ingouchie dans la nuit du 21 au
22 juin et qui ont fait au moins 48 morts, dont le ministre Kostoiev,
viennent rappeler que c'est l'ensemble des anciennes républiques
du Sud de l'URSS, et pas seulement la Tchétchénie, qui
est plongé dans l'anarchie et la guerre civile. Quant à
la France, et ceci après sa participation active il y a dix ans
au massacre de près d'un million de personnes au Rwanda, elle
ne peut que constater aujourd'hui sa propre impuissance, les Tutsis
étant en cette mi-juin à nouveau au centre d'un conflit
touchant la république du Congo. Le Soir (quotidien belge) du
4 juin affirme : "Les incidents à l'Est du pays font craindre
le pire a de nombreux observateurs : la résurgence de la guerre
dans une région meurtrie par des conflits frontaliers, politiques
et ethniques sanglants."
Les attentats terroristes du 11 septembre 2001 à New York avaient amené les Etats-Unis à affirmer qu'ils traqueraient le terrorisme aux quatre coins de la planète, ramenant ainsi la démocratie et la paix. Le résultat aujourd'hui s'inscrit en lettres de sang partout dans le monde. L'anarchie totale que l'on voit en Iran et qui s'étend progressivement à toute l'Asie du Sud-Ouest manifeste la perte de contrôle grandissante des grandes puissances de ce monde sur la marche générale de la société. La dynamique de la guerre en Irak n'est que l'exemple dramatique et barbare de ce qui attend toute l'humanité si la classe ouvrière laisse aller le capitalisme à sa seule perspective. L'engrenage dans lequel sont entraînées toutes les puissances impérialistes, y compris les plus fortes, ne peut que produire, en plus dramatique, des guerres telles que celle qui se déroule en Irak. Cette barbarie en pleine évolution touche maintenant le cœur de l'Europe, avec les attentats terroristes du 11 mars dernier à Madrid dont l'objectif était le massacre le plus important possible de la population ouvrière. Il est important que le prolétariat comprenne que, contrairement à ce que tente de nous faire croire la bourgeoisie, cette évolution guerrière, totalement irrationnelle et barbare, n'est pas due à la folie de quelques dirigeants du monde. Il est par exemple de notoriété publique que J.Kerry, le candidat démocrate aux prochaines élections présidentielles américaines, n'a aucune alternative à proposer à l'actuelle orientation en politique étrangère de l'administration Bush. Quel que soit le résultat de ces élections, le fond de la logique impérialiste américaine ne sera en rien modifié. La fuite en avant militaire de l'Amérique refusant son affaiblissement historique et sa perte de contrôle sur le monde est un fait totalement irréversible. Le désordre mondial actuel n'est pas dû, comme l'affirme la propagande de la bourgeoisie, à un fanatique religieux nommé Ben Laden ou à une administration américaine composée d'autres fanatiques de la guerre à outrance comme Rumsfeld ou Wolfowitz. Bien au contraire, c'est la faillite en cours du capitalisme mondial, poussant celui-ci dans une logique de guerre totalement irrationnelle, qui détermine l'évolution des mœurs de la bourgeoisie et des équipes qui gouvernent les Etats. En ce sens, le capitalisme tendra de plus en plus, dans l'avenir, à porter au pouvoir des fractions de la bourgeoisie de plus en plus fanatisées, y compris au sein des plus grandes puissances de ce monde. Comme les marxistes l'ont toujours affirmé, seul le prolétariat porte en lui la force capable de détruire le capitalisme et d'empêcher ce monde de s'effondrer dans la pire des barbaries. La classe ouvrière doit garder en mémoire que c'est la révolution du prolétariat en Russie en octobre 1917 qui a mis fin à la première boucherie mondiale.
Tino (25 juin)Cela fait longtemps
que le capitalisme américain fait preuve de créativité
en utilisant les statistiques pour donner un coup de pouce à
une réalité par ailleurs fort morose. Par exemple, le
gouvernement américain calcule le chômage en ne comptant
que les chômeurs qui ont activement cherché du travail
pendant les 30 derniers jours. Ceux qu'on appelle les "ouvriers
découragés", qui ont laissé tomber la recherche
d'emplois inexistants, ne sont pas considérés comme chômeurs -on considère qu'ils ne font plus partie des actifs. D'après
le gouvernement, ce ne sont plus des ouvriers. Un autre exemple : jusqu'au
début des années 1980, on calculait le taux de chômage
sur la base de l'ensemble des civils actifs. Puis le gouvernement a
décidé que les quasi trois millions de membres des forces
armées seraient désormais considérés comme
des ouvriers actifs (auparavant, ils n'étaient pas comptabilisés
dans les civils actifs). Cela s'est avéré un moyen très
efficace de diminuer le taux de chômage. Quand le ministère
du travail fait des estimations du nombre d'emplois dans l'économie,
tout travail qui requiert 10 heures par semaine minimum est considéré
comme un emploi à temps plein - c'est ce qui explique toutes
les étranges proclamations à propos de millions d'emplois
subitement créés en même temps. Avec cette contrefaçon
dans la "comptabilité" des emplois et des sans emplois,
il est tout à fait possible qu'un ouvrier qui perd son travail
à plein temps et retrouve tant bien que mal trois emplois à
temps partiel mal payés pour survivre, soit comptabilisé
comme chômeur dans les statistiques du chômage et permette
d'afficher trois nouveaux emplois créés dans l'économie
!
En février, dans le Economic Report annuel du Président,
le président Bush a lancé une idée innovante et
suggéré que les travailleurs de la restauration comme
McDonalds ne soient plus considérés comme des employés
de service mais soient reclassés comme employés d'industrie.
Le conseiller économique en chef de Bush, Gregory Mankiw, se
demandait "Quand un restaurant fast-food vend un hamburger par
exemple, est-ce qu'il fournit un 'service' ou est-ce qu'il est en train
d'assembler des pièces pour 'fabriquer' un produit ?". L'économie
ayant perdu 2,6 millions d'emplois dans la transformation industrielle
depuis janvier 2001, les économistes du gouvernement ont finalement
trouvé comment ranimer la force de travail du secteur manufacturier
-un hamburger après l'autre ! Evidemment, les démocrates
et les comiques à la télévision s'en sont donné
à coeur joie pour ridiculiser cette absurdité. On n'avait
pas vu une manoeuvre aussi manifestement grossière depuis que
l'administration Reagan en 1981 avait suggéré qu'on considère
le ketchup comme un légume, dans le calcul de la valeur nutritionnelle
d'un repas de cantine scolaire.
Lors de la dernière fête de Lutte Ouvrière, le PCI (qui publie Le Prolétaire) a tenu un forum sur le thème des élections européennes et la construction de l'espace européen. L'exposé du PCI a défendu une position de classe en critiquant le cirque électoral et le mythe cher aux trotskistes des "États-Unis d'Europe". Le CCI, pour sa part, est intervenu pour soutenir la position révolutionnaire du PCI et dénoncer, citations à l'appui, la politique capitaliste de LO. Notre intervention avait pour principal objectif de délimiter clairement le camp bourgeois du camp prolétarien[1] [465], notamment en interpellant le militant de LO représentant son organisation à ce forum afin de démasquer les positions bourgeoises de cette organisation. Malheureusement, notre intervention a été immédiatement suivie par celle du porte-parole d'un groupuscule parasitaire autoproclamé "Fraction interne du CCI" (FICCI) qui, au lieu de défendre la position des révolutionnaires face à la politique électoraliste de LO, a saboté le débat ouvert par l'exposé du PCI et a dénoncé rageusement l'intervention du CCI en affirmant que celle-ci était une "manoeuvre" visant à masquer l'incapacité de notre organisation à avoir la moindre analyse sur le cours historique actuel, sur le niveau de la lutte de classe et la question impérialiste.
Ainsi, l'intervention
du ténor de la FICCI a eu pour effet de permettre au militant de LO d'éviter de
répondre aux questions posées par l'intervention du CCI ; la défense de la
position de la Gauche communiste sur la question électorale face aux
mystifications bourgeoises véhiculées par le trotskisme étant bien le dernier
de ses soucis. Ce qui lui importait avant tout, c'était de dénoncer, non pas LO
mais le CCI, comme l'ennemi de classe. Ainsi, cette brillante tirade de la
FICCI contre le CCI a révélé au grand jour sa véritable nature de classe,
anti-prolétarienne, et sa principale raison d'existence : discréditer le CCI
quitte à faire obstacle à toute critique de la politique bourgeoise de Lutte
Ouvrière. Le CCI n'est pas intervenu pour riposter aux attaques de la FICCI
dans la mesure où nous refusons toute discussion avec ces éléments du milieu
parasitaire qui se sont comportés comme des mouchards à l'encontre de notre
organisation (voir "Les méthodes policières de la FICCI" dans RI n°
330) et dont l'objectif n'est nullement la clarification et la défense des
positions de classe mais la volonté de nuire au CCI. Contrairement à la FICCI,
nous n'étions pas intéressés à ce que ce forum du PCI sur le thème de l'Union européenne
se transforme en foire d'empoigne entre le CCI et des parasites de la pire
espèce.
Lors de ce forum, la FICCI a une fois encore montré que sa véritable fonction
consiste non pas à défendre les positions des révolutionnaires face aux
mystifications de la classe dominante mais à compléter le travail de la
bourgeoisie contre les organisations révolutionnaires. A travers ses campagnes
anticommunistes et anti-négationnistes, la classe dominante cherche par tous
les moyens à discréditer le courant de la Gauche communiste et à empêcher les
éléments à la recherche d'une perspective de classe de se rapprocher des
véritables organisations révolutionnaires. Et ce n'est d'ailleurs pas un hasard
si cette prétendue "fraction" n'a pas jugé utile de faire la moindre
prise de position contre les calomnies déversées dans le livre de C.
Bourseiller, Histoire générale de l'ultra-gauche, contre les groupes de la Gauche
communiste, contrairement au PCI (voir "Histoire générale de
l'ultra-gauche ou comment s'en débarrasser" dans Le Prolétaire n° 470) et
au CCI (voir "A propos du livre de Bourseiller, la bourgeoisie relance sa
campagne sur la mort du communisme" dans RI n° 344). Ce n'est pas un
hasard non plus si l'ouvrage de cet "historien" bourgeois, dans son
entreprise de dénigrement des organisations de la Gauche communiste, se fait
l'avocat des groupes parasitaires et reprend à son compte les calomnies de la
FICCI contre le CCI. En réalité, le silence de la FICCI sur le livre de
Bourseiller n'a qu'une seule signification. Ce groupuscule vise le même
objectif : empêcher les éléments en recherche des positions de classe de se
rapprocher des groupes de la Gauche communiste et notamment du CCI, en
inoculant l'idée que ce dernier serait une secte stalinienne qui pratiquerait "l'épuration
des dissidents".
Cette intervention hystérique du porte-parole de la FICCI au forum du PCI se
situe dans la pleine continuité de sa politique visant à semer le trouble et la
confusion au sein du milieu politique prolétarien. Ainsi, on peut citer les derniers
"exploits" de cette prétendue "fraction" :
Ces "preuves" ont d'ailleurs été annoncées sur le site Internet de la
FICCI. Elles seraient contenues dans un document intitulé "Historique du
SI". La FICCI n'a pas affiché sur son site Web ce fameux document (qui,
soit dit en passant, vaut vraiment son pesant de cacahuètes !) mais, dans
plusieurs numéros de son Bulletin publié sur Internet, elle annonce que tous
ceux qui veulent obtenir ce document peuvent lui en faire la demande.
L'ensemble des militants du CCI a bien évidemment pris connaissance de ce
document qui leur a donné la nausée. Certains éléments extérieurs au CCI en
ayant eu connaissance nous ont commenté qu'ils trouvaient cela délirant. La
meilleure façon pour ridiculiser la FECCI et finir de la démasquer serait de le
rendre public. Mais nous ne pouvons pas le faire du fait qu'il est truffé de
détails sur la vie personnelle des militants (problèmes de santé, activité
professionnelle) qui ne peuvent que servir aux forces de répression de l'État
bourgeois. Néanmoins, comme nous l'avion déjà affirmé dans notre presse (voir
l'article "Les méthodes policières de la FICCI") nous sommes toujours
intéressés à ce qu'une commission spéciale composée de militants sérieux des
groupes de la Gauche communiste prennent connaissance des "preuves"
recueillies par la FICCI. Encore une fois, le CCI n'a rien à cacher et est tout
à fait prêt à démontrer que ces "preuves" récoltées dans les égouts
ne sont qu'un tissu de mensonges, de basses calomnies basées sur des ragots et
des interprétations totalement fantaisistes dignes d'une imagination malade et
d'un esprit totalement dérangé.
La FICCI n'a cessé de crier sur tous les toits que son seul objectif était de
"sauver le CCI" qui serait aujourd'hui aux mains d'une
"direction liquidatrice" manipulée par un "flic". Or, pour
justifier leur constitution en "fraction" et leurs comportements
anti-prolétariens lorsqu'ils étaient encore membres du CCI (refus de payer
leurs cotisations ; vol de l'argent de l'organisation, de documents internes et
du fichier d'adresses de nos militants et abonnés ; diffusion de rumeurs sur
l'existence d'un "flic" ; calomnies contre des militants de l'organe
central ; organisations de réunions secrètes dans le dos de l'organisation
visant à élaborer une stratégie en vue de "déstabiliser" le CCI,
etc.), ces éléments sont partis en guerre contre l'analyse actuelle de la
"décomposition du capitalisme" en prétendant que le CCI l'a distordue
et déformée. Dans la réalité, les positions qu'ils dénoncent aujourd'hui sont
celles que le CCI a élaborées en 1989, et qu'eux-mêmes ont soutenues sans la
moindre réticence jusqu'en 2000. En fait, s'ils rejettent aujourd'hui cette
analyse, ce n'est pas seulement pour se donner un semblant de crédibilité mais
aussi pour lécher les bottes des autres groupes de la Gauche communiste puisque
ces derniers ne partagent pas cette analyse du CCI.
Le CCI a connu dans le passé plusieurs scissions qui ont
donné naissance à des groupuscules parasitaires qui, tous, nous accusaient de
"dégénérescence stalinienne" (le CBG, la FECCI, le Cercle de Paris
dont le principal animateur a même eu droit aux remerciements de C. Bourseiller
pour sa contribution à son ouvrage Histoire générale de l'ultra-gauche ; tous
dénigreurs des groupes de la Gauche communiste). Mais de tous les groupuscules
parasitaires dont la seule fonction consiste à déverser des calomnies contre le
CCI, la FICCI est certainement le plus répugnant. Sa seule raison d'être
consiste à coller au CCI, à suivre nos militants à la trace sur tous nos lieux
d'intervention en faisant usage de la provocation, du chantage, de la menace
avec un cynisme sans nom. En ce sens, ces éléments sont certainement les pires
morpions que nous n'ayons jamais connus. N'ayant pas réussi à détruire le CCI,
leurs agissements visent aujourd'hui à semer le trouble en faisant à
l'extérieur le sale travail digne d'agents provocateurs qu'ils faisaient à
l'intérieur de l'organisation, entre autres en faisant circuler des rumeurs sur
l'existence d'un flic au sein du CCI.
L'incapacité des membres de la FICCI à organiser ses propres réunions publiques
montre qu'elle n'a strictement rien à dire ni à la classe ouvrière ni aux
éléments à la recherche des positions de classe[2] [466]
Ainsi, les agissements de la FICCI et la politique de
sabotage du débat qu'elle a menée dans le forum du PCI lors de la fête de Lutte
Ouvrière, animés par la haine et la volonté de discréditer le CCI par tous les
moyens (y compris en se rendant complice des trotskistes et des idéologues
patentés de la bourgeoisie, tel Bourseiller) est une illustration éloquente de
notre analyse du parasitisme publiée dans la Revue Internationale n° 94. C'est
dans une période où les organisations du prolétariat ont encore un faible
impact que "le parasitisme trouve son terrain le plus propice. Ce fait est
lié à la nature même du parasitisme qui, pour être efficace, doit trouver en
face de lui des éléments en recherche vers des positions de classe qui aient du
mal à faire la différence entre les véritables organisations révolutionnaires
et les courants dont la seule raison d'être est de vivre aux dépens de
celles-ci, de saboter leur action, voire de les détruire (...) La notion de
parasitisme n'est nullement une 'invention du CCI'. C'est l'AIT qui, la
première, a été confrontée à cette menace contre le mouvement prolétarien, qui
l'a identifiée et combattue. C'est elle, à commencer par Marx et Engels, qui
caractérisait déjà de parasites ces éléments politisés qui, tout en prétendant
adhérer au programme et aux organisations du prolétariat, concentrent leurs
efforts sur le combat, non pas contre la classe dominante, mais contre les
organisations de la classe révolutionnaire. L'essence de leur activité est de
dénigrer et de manoeuvrer contre le camp communiste, même s'ils prétendent lui
appartenir et le servir (...) Comme à l'époque de Marx et Engels, cette vague
parasitaire réactionnaire a pour fonction de saboter le développement du débat
ouvert et de la clarification prolétarienne (...) L'existence :
sont parmi les éléments les plus importants suscitant actuellement l'offensive politique du parasitisme politique." ("Thèses sur le parasitisme").
RI[1] [467] Ce n'est pas l'objet de
cet article de développer notre analyse de cette question. Pour cela nous
renvoyons nos lecteurs au n°347 de RI
dans lequel nous montrons que l'unité européenne au nom de l'internationalisme
prolétarien et du communisme est une mystification. En effet, cela n'a jamais
été le point de vue de l'internationalisme prolétarien et des communistes
puisqu'il est clair pour eux que, seule la lutte de la classe ouvrière à
l'échelle internationale peut venir à bout du capitalisme et de ses divisions
nationales.
[2] [468] Ce n'est d'ailleurs pas un
hasard si, malgré ses gesticulations tonitruantes contre la
"dégénérescence stalinienne" du CCI, le seul élément que cette
prétendue "fraction" a pu intégrer dans ses rangs est un individu qui
avait démissionné du CCI en 1995 en conservant contre notre organisation une
énorme rancœur. Par contre, il faut signaler que les agissements de la FICCI
(et surtout le contenu de leur infâme Bulletin diffusé sur Internet et envoyé
systématiquement à nos abonnés) a davantage rendu service au CCI, comme en
témoignent les nombreuses lettres de solidarité que nous avons reçues (certains
de nos contacts récents sont même allés, à la simple lecture de la prose de la
FICCI, jusqu'à affirmer que ces gens-là "font un travail de flics").
Récemment, la classe ouvrière en Grande-Bretagne a été littéralement bombardée par une série de campagnes hypocrites de déboussolement sur les questions de race et de l'immigration. D'un côté, le gouvernement n'a pas lésiné sur les déclarations diabolisant les immigrants : ils seraient de "faux" chercheurs d'asile, des "pseudo-touristes en quête de pensions" ou encore des "touristes de la santé". De l'autre, on a vu une série de discours visant à introniser l'Etat démocratique comme seul moyen pour se défendre contre le racisme, ce dernier étant présenté comme le produit d'individus ignorants ou de groupes néfastes comme le BNP (British National Party, équivalent britannique du Front National en France), dénoncés comme étant des forces hostiles à la démocratie.
L'immigration et
les immigrants sont clairement utilisés par la bourgeoisie comme
boucs émissaires du chômage et de la pénurie de
logements, des dépenses de santé et des difficultés
que connaissent d'autres secteurs des services publics. Cependant, la
bourgeoisie ne brandit pas la question de l'immigration uniquement pour
s'en servir dans le but de détourner l'attention des ouvriers
des effets de la crise économique et des attaques ; il s'agit
aussi pour elle d'un véritable problème.
L'immigration est un phénomène qui a toujours accompagné
le développement du capitalisme et a même été
une précondition de son développement initial, en premier
lieu avec le mouvement vers les villes de "nombreux paysans
qui, chassés continuellement des campagnes par la transformation
des champs en prairies et par les travaux agricoles nécessitant
moins de bras pour la culture des terres, vinrent affluer dans les villes
pendant des siècles entiers" (Misère de la philosophie,
Karl Marx, p. 161, Editions sociales). De fait, la classe ouvrière
est une classe composée essentiellement d'immigrants.
Tout au long de son existence, le capitalisme n'a en effet eu de cesse
d'arracher les populations de la campagne vers les villes - et cela
dans le monde entier. Le sort qui en résultait pour tous ces
migrants était avant tout fonction du développement même
du capitalisme. Au 19e siècle, le capitalisme, système
en pleine expansion, a ainsi encouragé des déplacements
massifs de populations, ce qui lui a permis de développer considérablement
les forces productives à travers ce qui a constitué la
"révolution industrielle".
Mais, au début du 20e siècle, une fois que le capitalisme
eût conquis la planète, il est entré dans sa phase
de déclin, limitant ainsi, pour ceux qui étaient contraints
à l'émigration, la possibilité de trouver du travail
ailleurs et de s'intégrer à la classe ouvrière.
L'immigration s'est de ce fait transformée en un véritable
problème pour la classe dominante contrainte de maintenir sous
le contrôle de l'Etat des masses d'immigrants. Cette question
se fit particulièrement aiguë lors de la dépression
économique des années 1930, alors que chaque économie
nationale s'efforçait de se dépêtrer des effets
de la crise.
Cependant, dans les années 1950, en Grande-Bretagne et dans la
plupart des pays développés, s'impose à nouveau
la nécessité de faire appel à l'immigration. Suite
aux destructions et au bain de sang de la Seconde Guerre mondiale, la
pénurie de main d'œuvre a poussé la classe dominante
à encourager l'immigration en provenance de ses colonies ; pour
la puissance anglaise, il s'agissait de puiser dans les réserves
humaines du Moyen-Orient et du sous-continent indien afin de pallier
cette pénurie. Mais, avec le retour de la crise économique
vers la fin des années 1960, la bourgeoisie vit à nouveau
dans ce phénomène de l'immigration une réelle difficulté.
Des quotas d'immigration commencèrent à être imposés
de même que l'on vit apparaître un changement radical du
discours sur les immigrés. L'histoire des "Asiatiques"
de l'ex-empire britannique est particulièrement illustratif de
ce changement de politique et caractéristique de ce tournant
dans la propagande de la bourgeoisie envers ceux-ci.
Le British National Act de 1948 stipulait que les populations des pays
devenus indépendants, ayant appartenu au Commonwealth, prenaient
la nationalité britannique une fois sur le sol de la Grande-Bretagne.
Malgré les lois dont se dota la bourgeoisie d'outre-Manche pour
limiter le flux d'immigrants dès 1962, ce pays devint la "terre
d'asile" des Indiens venant non seulement des Indes mais également,
pour deux millions d'entre eux, des communautés indiennes installées
en Afrique orientale. Avec le développement de la crise économique,
la bourgeoisie anglaise décida, en 1968, que seraient distinguées
deux catégories de membres du Commonwealth possesseurs de passeports
britanniques : ceux qui avaient obtenu ces passeports avant l'indépendance
et ceux qui les avaient reçus après. Cette politique permit
de ramener à 6000 personnes par an l'entrée des immigrants
en Grande-Bretagne.
De pair avec cette politique de restriction draconienne des immigrants,
on vit se développer un discours particulièrement musclé
à l'égard de ces derniers, présentés par
l'ensemble des partis bourgeois comme une vraie menace pour la stabilité
du pays. Un protagoniste en vue de cette campagne, Enoch Powell, ancien
membre du gouvernement, conservateur et populiste professant une hostilité
profonde à l'égard des immigrés "de couleur",
fit à l'époque un discours retentissant sur les "rivières
de sang" lors d'affrontements que, dans l'avenir, des vagues massives
d'immigration rendraient inévitables.
Claire illustration de l'hypocrisie bourgeoise, la législation
anti-discrimination fut introduite à la même époque
pour donner l'illusion que l'Etat pouvait servir à combattre
le racisme, au moment où, justement, c'est cette institution
suprême elle-même qui commençait à mettre
en place les mesures discriminatoires visant spécifiquement les
immigrants.
Pendant ce temps, avec le développement international de la crise,
le manque de travail et de ressources, la misère s'aggravait
sur les populations du "tiers-monde". Dans ces régions,
les bidonvilles se mirent à pousser dans des proportions gigantesques
autour des villes. La nécessité d'émigrer pour
trouver du travail devenait ainsi de plus en plus impérieuse
pour des masses grandissantes de miséreux.
Les choses sont devenues encore bien pires dans la période que
nous avons définie comme étant celle de la décomposition
capitaliste, dans laquelle la durée de la crise, sans aucune
perspective d'en sortir, a conduit à une aggravation qualitative
de tous les aspects du déclin historique du système capitaliste,
avec en particulier la prolifération des famines dans les pays
du "tiers-monde".
Non seulement la crise s'est aggravée dans les principaux centres
des pays développés mais ce sont des zones du monde plus
étendues et nombreuses qui sont confrontées aux catastrophes
économiques (et écologiques ), engendrant ainsi une immigration
à plus grande échelle. L'Europe de l'Est, avec des taux
d'émigration impressionnants, constitue une illustration frappante
de ce phénomène. C'est d'ailleurs de façon régulière
que les médias en Europe occidentale mettent en garde contre
les dangers d'une nouvelle vague d'immigrés en provenance de
l'Est, propagande qui connaît un regain d'activité avec
l'élargissement de l'Union Européenne.
En plus des difficultés économiques et de la misère
qui contraignent les populations à émigrer, la multiplication
des guerres sur l'ensemble de la planète pousse un nombre grandissant
d'entre elles à fuir les combats et les destructions. Ces guerres
ne sont pas le produit de facteurs extérieurs au capitalisme,
mais le résultat inévitable de l'impérialisme lié
à sa période de décadence. Et la responsabilité
de ces guerres incombe au premier chef aux grandes puissances. C'est
évident lorsqu'on voit les Etats-Unis, soutenus par la Grande-Bretagne,
déchaîner la barbarie guerrière en Afghanistan et
en Irak. Mais, si cela est moins évident, c'est tout aussi vrai
lorsque les grandes puissances attisent une situation locale de tensions.
L'éclatement de l'ex-Yougoslavie, du fait de l'action des grandes
puissances luttant pour imposer leur influence en soutenant telle ou
telle fraction yougoslave, en est un exemple. Même le génocide
rwandais il y a dix ans, toujours présenté comme s'il
n'était au fond que le produit pur et simple de conflits tribaux
entre "primitifs", fut en réalité mené
par un impérialisme français aux abois dans une lutte
contre les Etats-Unis et la Grande-Bretagne pour le contrôle de
cette région d'Afrique (voir notre article dans RI n°345).
En d'autres termes, le nombre grandissant de réfugiés,
phénomène que la bourgeoisie met elle-même en évidence,
est le produit de son propre système, le capitalisme, et plus
spécifiquement de sa politique impérialiste. Si l'on se
rappelle les profondes résistances des bourgeoisies britannique
et américaine à recevoir les réfugiés européens
dans les années 1930 et 1940, tout particulièrement les
Juifs fuyant les camps de concentration, on peut alors difficilement
s'attendre à les voir accueillir ceux qui fuient aujourd'hui
les conflits s'étendant sur la planète.
Au contraire, il faut s'attendre à ce que la bourgeoisie de tous
les pays, surtout dans les pays développés, encourage
le développement de l'esprit de pogrome dans la même logique
que celle qui consiste à provoquer des divisions raciales ou
nationales dans la classe ouvrière aujourd'hui. C'est la réelle
signification de la propagande mise en œuvre par tous les gouvernements,
derrière les discours patenôtres et hypocrites contre le
racisme de ceux qui s'apitoient avec des larmes de crocodile sur la
misère du monde.
D'après World Revolution n°274, mai 2004, organe
en Grande-Bretagne du Courant Communiste International.
Pour chaque prolétaire, la prise de conscience de l’aggravation,
souvent dramatique, de la crise économique ne passe pas par les
discours idéologiques dont l’abreuvent les médias,
pas plus que par les courbes, les chiffres, les statistiques froides
des spécialistes de l’économie, mais par les problèmes
de survie qu’il subit au quotidien avec ses angoisses du lendemain.
Même hors du cercle familial, il retrouvera chez ses camarades
de travail, ses voisins, ses amis, le reflet de la détérioration
accélérée de ses propres conditions d’existence :
partout les conditions de vie de la classe ouvrière, soumises
à un pilonnage incessant d’attaques depuis des années,
se dégradent mois après mois.
Cette situation n’est pas le résultat d’une politique
particulière d’une équipe gouvernementale de droite
ou de gauche, pas plus qu’elle n’est propre à la France
mais elle est le résultat d’une aggravation de la crise
mondiale du capitalisme, système moribond et sans issue. L’exacerbation
de la concurrence internationale ne laisse pas d’autre choix aux
bourgeoisies nationales que d’attaquer partout plus durement les
conditions de vie de la classe ouvrière. Les ouvriers sont les
premiers touchés par la remise en cause du salaire social, par
les restrictions budgétaires à répétition
et l’intensification de l’exploitation, à travers la
précarisation et la flexibilité accrues de l’emploi.
Chaque prolétaire est victime de la pression grandissante de
l’insécurité des conditions d'existence, du chômage
et des licenciements, comme des restrictions apportées à
l’indemnisation du chômage et de la hausse du coût
de la vie. Derrière les fins de mois impossibles à boucler,
l’endettement croissant, les privations de plus en plus conséquentes,
les difficultés grandissantes à se nourrir, à se
loger, à se soigner décemment, les prolétaires
s’enfoncent dans une paupérisation croissante.
C’est à cette situation que la bourgeoisie voudrait bien
que la classe ouvrière se résigne. Et c’est pour
cela qu’elle ne promet plus la "sortie du tunnel" mais
pousse les ouvriers à s’adapter à des conditions
sociales plus difficiles, à s’habituer à une misère
plus forte. C’est parce qu’en fait la bourgeoisie n’a
aucun remède pour résoudre sa crise, aucun sort meilleur
à apporter aux ouvriers, qu’elle cherche à les entraîner
dans la passivité, pour les paralyser et les dissuader d’entrer
en lutte. Et si la bourgeoisie française se permet, du bout des
lèvres, d’afficher encore avec optimisme une "reprise
sans emplois", en même temps elle s’engage résolument
dans la voie du chantage et de l’intimidation pour accentuer sa
pression, pour imposer la poursuite de ses attaques qui participent
d’une offensive anti-ouvrière générale.
D’ores et déjà, la réduction massive des
budgets sociaux, la poursuite des suppressions des rares subsides que
l’Etat accordait encore aux ouvriers précipitent de plus
en plus de familles ouvrières dans la détresse. Après
le passage en force de la violente attaque sur les retraites en France
en 2003, le gouvernement est parvenu à imposer en souplesse pendant
l’été un train de mesures remettant en cause la Sécurité
Sociale qui donne le cadre pour de futures attaques beaucoup plus lourdes.
C’est en ce sens que, suite à une "indiscrétion"
savamment divulguée par le ministère de l’Economie
et des Finances montrant que, malgré les mesures du plan actuel,
il faudra encore combler un déficit évalué entre
7,5 et 15 milliards d’euros en 2007, le ministre de la Santé,
Douste-Blazy, a posé un jalon pour la prochaine étape
de cette attaque : l’institution d’une franchise sur
les soins médicaux à la charge de chaque assuré
de l’ordre de 100 euros par an.
De plus, les coups portés actuellement aux ouvriers se distinguent
particulièrement dans "la tendance" à l’allongement
de la durée du travail sans compensation salariale imposé
à travers un chantage à la délocalisation et aux
licenciements. Ces attaques viennent donner la dimension réelle
à la flexibilité maximum introduite par les 35 heures.
Il est d’ailleurs significatif que l’Allemagne, premier pays
qui avait eu recours à la semaine de 35 heures (voire de 32 heures
dans le cas de Volkswagen) sert aujourd’hui de modèle pour
imposer des heures supplémentaires sans compensation salariale
avec le même type de chantage (voir l’article sur Daimler-Chrysler
et Siemens en page 3). Ainsi, les 800 salariés de chez Bosch
à Vénissieux ont été contraints en juillet
dernier de signer, le couteau sous la gorge, sous peine de licenciement,
un avenant à leur contrat de travail, les obligeant à
travailler une heure de plus par semaine sans compensation salariale,
avec suppression d’un pont et d’un jour férié,
blocage des salaires, "gel" du plan d’intéressement
des salariés aux bénéfices de l’entreprise
pendant 3 ans et des horaires de nuit majorés de 20% au lieu
de 25%. Et encore, cette clause ne doit permettre de "sauver"que
190 emplois sur les 300 menacés. Dans la foulée, une série
d'entreprises ont repris cette "méthode". Entre autes
exemples :
La loi Aubry sur les 35 heures n’a nullement servi à créer
des emplois durables mais a donné une orientation qui a permis
d’introduire une flexibilité maximum dans les contrats de
travail. Elle avait également permis de développer une
hausse significative des cadences, de rogner sur les pauses tout en
masquant le poids du chômage et son ampleur, contrairement à
l’image mystificatrice avancée depuis des années
par la gauche qui cherche encore à présenter les 35 heures
comme un acquis social et qui tente de se faire mousser en criant à
la remise en cause de sa loi. Martine Aubry elle-même doit reconnaître
que "grâce aux 35 heures, nos entreprises ont gagné
de la flexibilité et du coup ont augmenté leur productivité."
(propos rapportés par Lutte Ouvrière du 9 juillet). L’extension
actuelle de l’attaque correspond au fait que, une fois la flexibilité
maximum introduite par les 35 heures, la bourgeoisie peut maintenant
se permettre de rallonger librement la durée du travail tout
en réduisant les coûts salariaux pour faire face à
la crise. Aujourd’hui, l’évolution de la crise pousse
la bourgeoisie à passer à un autre stade pour augmenter
la compétitivité des entreprises en rognant au maximum
sur les salaires (il s’agit d’ailleurs d’une nouvelle
directive du FMI, évoquée dans Le Nouvel Observateur du
19 juillet). Et le chantage à la délocalisation comme
à l’emploi apparaît donc comme une tendance générale
de l’évolution du capitalisme qui permet de faire baisser
partout le coût de la force de travail. Cette attaque frappe non
seulement les ouvriers des pays les plus développés mais
elle implique aussi une surexploitation renforcée et une misère
accrue pour les prolétaires du tiers-monde. Par ces méthodes,
la bourgeoisie pousse chaque prolétaire à se poser en
concurrent de ses frères de classe.
La dégradation des conditions de travail a entraîné
une augmentation sensible des accidents de travail et des maladies professionnelles
au cours de la dernière décennie. Selon un rapport publié
en 2002 par le Bureau International du Travail (BIT), on dénombrait
270 millions de victimes par an dans le monde en 2000 dont 2 millions
de cas mortels. Cette hausse serait selon lui imputable au fait que
le nombre de cas de cancers et de maladies respiratoires d'origine professionnelle
a fortement progressé. Le rapport notait également que
les arrêts de travail pour troubles respiratoires et musculaires
ainsi que les troubles psychiques (stress, harcèlement, dépressions
nerveuses) avaient explosé. Depuis, si d'autres chiffres n’ont
pas été publiés, il ne fait aucun doute que l’accélération
de la productivité et la logique capitaliste qui poussent à
négliger les normes de sécurité pour produire et
rentabiliser avec un coût de revient le plus bas possible n’ont
pu qu’aggraver cette situation.
La hausse constante du coût de la vie, la flambée du prix
des loyers et des produits de première nécessité,
contribuent également à la détérioration
des conditions d'existence.
L’élargissement de l’Europe ou la mondialisation est
invoquée comme responsable de la crise. L’Union européenne
sert ainsi à désigner de nouveaux boucs-émissaires
comme responsables de la crise. Comme naguère les "Arabes",
ce seraient les Tchèques ou les Polonais qui viendraient "manger
le pain des Français". La réalité, c’est
que la main-d’oeuvre d’Europe de l’Est ou dans les pays
soi-disant "émergents" principalement d’Asie ou
d’Amérique latine est amenée à accepter les
pires conditions de travail pour un salaire de misère incapable
même d’entretenir leur survie, c’est une pression, un
chantage énorme pour faire baisser partout les salaires.
La bourgeoisie a également recours à une série
de pièges idéologiques visant à faire croire qu’une
gestion différente pourrait changer la donne. Les syndicats,
les partis de gauche tout comme Attac mettent le plus souvent possible
l’accent sur la possibilité de trouver des solutions gestionnaires
pour continuer "à produire français" en élaborant
des plans de rechange pour sauver telle ou telle entreprise, ou réduire
le nombre de licenciements, "sauver des emplois" (GIAT-Industries,
Altadis, Alstom, Sony, etc.) qui n’ont d’autre fonction que
de chercher à masquer, auprès des ouvriers, la faillite
ouverte du capitalisme tandis que continuent de plus belle les plans
sociaux ou les fermeture d’entreprises avec ou sans rachat (Tati,
Nestlé-Perrier, Peugeot-Motocycles, etc.).
Les ouvriers sont poussés par ces mêmes syndicats et cette
même gauche à se battre contre la privatisation, pour la
défense du service public. Ceux-ci sont les premiers à
leur faire croire qu’ils doivent se réfugier sous l’aile
protectrice de l’Etat. On tend chaque fois des pièges qui
poussent les ouvriers vers la défense du service public et à
s’en remettre à l’Etat pour se défendre.
C’est non seulement une impasse mais un leurre qui prépare
le terrain à une recrudescence des attaques. On voit aujourd’hui
le résultat des "actions" animées et encouragées
par les syndicats en juin/juillet contre la réforme du statut
des employés d’EDF. Le caractère impopulaire des
coupures de courant à EDF et la paralysie des transports publics
qu’elles ont entraînées (alors que la mobilisation
et les "actions" dans ce secteur ont déjà été
utilisées il y a deux mois pour détourner l’attention
de toute la classe ouvrière des attaques sur la Sécurité
Sociale) resservent encore aujourd’hui à la bourgeoisie.
Elles lui ont permis d'entreprendre une vaste campagne d’intimidation
afin de tenter de dissuader un maximum d’ouvriers d’entrer
en lutte en préparant l’instauration d’un service minimum
dans l’ensemble des services publics.
En fait, non seulement l’Etat est un patron comme les autres mais
c’est aussi souvent l’Etat-patron qui donne le ton au développement
des attaques actuelles. Ainsi, on assiste à l’amputation
du budget et à la réduction des postes dans la fonction
publique (suppression de 8 à 10.000 emplois de fonctionnaires)
soi-disant grâce au non-remplacement d’un départ à
la retraite ou d’une mutation sur deux. La Poste projette de fermer
6.000 bureaux principaux appelés "de plein exercice"
sur 12.000 et de supprimer 60.000 emplois sur 289.000
salariés du secteur (20% des effectifs) d’ici 2012. A la
SNCF, la mise en place des guichets automatiques devrait entraîner
une large réduction des effectifs. D’ores et déjà,
les CDD employés pour aider les voyageurs dans les gares sont
privés de prime quand ils travaillent le week-end.
La classe ouvrière ne peut plus se permettre d’entretenir
la moindre illusion : le capitalisme non seulement est incapable
d’améliorer le sort des prolétaires mais l’avenir
qu’il leur réserve sera pire. Si la classe ouvrière
prêtait l’oreille et se laissait anesthésier par le
matraquage idéologique qui l’invite à toujours plus
de "sacrifices", cela ne constituerait qu’un encouragement
pour la bourgeoisie à taper toujours plus fort et plus violemment.
Seul le développement des luttes et l’union grandissante
des ouvriers peut permettre à la classe ouvrière de résister
et de freiner les attaques de la bourgeoisie. C’est le seul moyen,
pour elle, de prendre confiance en ses propres forces, de s’armer
efficacement pour le développement de ses combats de classe.
La classe ouvrière doit reprendre conscience qu’elle est
la seule classe porteuse d’un avenir pour toute l’humanité
en étant la seule capable d’assumer une transformation radicale
des rapports de production et des rapports sociaux.
Après l’attentat terroriste à Madrid le 11 mars 2004,
qui avait frappé au coeur de la population ouvrière se
rendant au travail, le terrorisme n’a jamais cessé de faire
de nouveaux ravages. En Irak, dans les premiers jours du mois d’août,
ce n’est pas moins de six explosions à la voiture piégée
qui ont frappé la communauté chrétienne à
Bagdad et à Mossoul, faisant au moins 10 morts et plusieurs dizaines
de blessés. Les deux premiers attentats ont visé à
Bagdad une église arménienne, et également une
église d’obédience syriaque, ailleurs c’est
un site chaldéen qui a été visé. En Palestine,
les bombes tombent, tout simplement, sur des maisons habitées
par une population sans ressource déjà réduite
à la misère. En Turquie, le 11 août, des attentats
ont visé des hôtels et un dépôt de gaz. Ceux-ci
ont été revendiqués par un groupe se proclamant "Brigade
Abou-Hafa Al Masri", rapporte le quotidien anglais The Independant.
Cette dernière aurait déclaré sur Internet : "Istanbul
n’est que le début de la guerre sanglante que nous avons
promise aux européens". Quels que soient réellement
les auteurs de ces atrocités à Istanbul, à Bagdad
ou à Madrid, ces attentats sanglants ont été calculés
pour semer la peur et la terreur. Le terrorisme en tant qu’arme
de guerre tend à se généraliser. Hier encore, arme
des Etats impérialistes les plus faibles, tels la Syrie ou la
Libye, il devient aujourd’hui l’apanage guerrier privilégié
de toutes les cliques militaires et autres seigneurs de la guerre qui
tendent à proliférer avec l’affaiblissement accéléré
des Etats nationaux. Cette tendance générale de la société
à la désintégration s’impose comme la réalité
barbare du capitalisme mondial en voie de décomposition.
Sous la direction de l’impérialisme américain, des
leaders politiques et religieux d’Irak se sont réunis le
dimanche 15 août à Bagdad afin de tenir la première
session d’une conférence nationale qui aurait pour objectif
officiel d’organiser la tenue d’élections dans ce pays
à l’horizon 2005. Selon The New York Times : "Les
Américains et l’actuel gouvernement irakien entendaient
démontrer, par cette conférence, que le processus électoral
pouvait suivre son cours en dépit des violences qui secouent
le pays." Cette perspective électoraliste est de fait vouée
à un échec total. Pour preuve, selon le quotidien new-yorkais : "Le
jour d’ouverture de la conférence aura été
davantage marqué par les appels à la fin des combats à
Nadjaf que par les futures élections." En effet, à
peine la conférence commencée, deux obus tombent à
proximité nécessitant de suspendre la rencontre. C’est
depuis le jeudi 5 août dernier, que la violence et le chaos ont
à nouveau connu une forte accélération dans tout
le pays. C’est à cette date que le chef radical chiite Moqtada-Al-Sadr
a déclaré "le Djihad (la guerre sainte) contre l’occupant
américain et les forces britanniques, après que ces derniers
eurent arrêté, la veille, quatre de ses hommes" rapporte
Al Hayat (Courrier International du 6 août). Depuis, l’armée
américaine, avec l’aval du gouverneur de la ville Al Zorfi,
assiège Nadjaf. Au moment où nous écrivons, les
hommes de Moqtada Al Sadr sont retranchés autour du mausolée
de l’Imam Ali, site religieux le plus sacré du chiisme mondial,
obligeant le cheikh Jawad Al-Khalessi imam de la grande mosquée
de Kadimiya à déclarer : "Pas plus ce pseudo-gouverneur,
ancien interprète de l’armée américaine choisi
par sa capacité à obéir aux ordres les plus fous,
que quiconque d’autre y compris les plus hautes autorités
religieuses n’a le droit d’autoriser des infidèles
à entrer au mausolée d’Ali." Les combats se
sont alors étendus également à Kout, Amara, Diwaniyah,
Nassiriyah et Bassorah, ainsi que dans le quartier chiite de Sadr City
à Bagdad. Il y aurait à ce jour plusieurs centaines de
morts du côté des miliciens chiites et deux seulement du
côté américain selon un communiqué de l’armée
américaine. Immédiatement tout le pays s’est couvert
de manifestations pro-Al Sadr et anti-américaine. L’Irak
est ainsi plongé en plein chaos et rien ne pourra l’en sortir.
Pas même l'intervention en personne du chef religieux suprême
de la communauté chiite, Al Sistani, pour appeler à un
cessez-le-feu qui ne peut être que provisoire. Les Etats-Unis
sont entraînés, qu’ils le veuillent ou non, dans une
fuite en avant guerrière, expression de leur incapacité
croissante à contrôler un tant soit peu la situation. Les
Etats-Unis conscients de l’accroissement de la résistance
à leur égard ont cherché, selon une proposition
du secrétaire d'Etat Colin Powell discutée en Arabie Saoudite,
d’impliquer militairement des Etats musulmans dans le bourbier
irakien. Cette tentative qui démontre encore une fois l’impasse
totale dans laquelle se trouve l’impérialisme américain,
est immanquablement vouée à l’échec. Le ministre
égyptien des affaires étrangères n’a pas mis
longtemps pour déclarer que l’Egypte n’enverrait pas
de troupes. Le retrait des troupes américaines de Nadjaf serait
un aveu total d’impuissance de leur part et un encouragement fantastique
à la guerre à leur égard. Par ailleurs, la prise
de Nadjaf et du haut lieu du culte chiite de la ville provoquerait un
véritable séisme dans l’ensemble du monde chiite
et musulman. Ce serait inévitablement un facteur très
important de l’accélération de la contestation américaine,
de la guerre, du chaos, et du terrorisme dans l’ensemble de la
région. Quelle que soit la suite des évènements
liés au siège de Nadjaf, l’impérialisme américain
ne pourra se retrouver que face à une radicalisation encore plus
grande de la violence et de la résistance des Chiites non seulement
en Irak mais, également, dans l’ensemble des pays arabes
où ils sont présents.
Dans ce panier de crabes où chacun ne défend que ses propres
intérêts impérialistes, il est certain que l’Iran
n’est pas étranger ni politiquement, ni militairement à
la révolte chiite en Irak. C’est pour cela que nous avons
vu, ces derniers temps, une série de menaces provenir de Washington
et de l’administration américaine. Colin Powell lui même,
le 1er août dernier, de Bagdad, a accusé l’Iran de
se mêler aux affaires irakiennes. La guerre en Irak ne manque
pas d’affecter ainsi l’ensemble de la région, du Kurdistan
à la Turquie en passant par l’Iran : toute la région
est happée progressivement dans un processus de déstabilisation
et de chaos. En Irak, les Etats-Unis étalent ouvertement aux
yeux du monde entier leur affaiblissement accéléré
en tant que première puissance impérialiste mondiale.
Cet état de fait ne peut que réjouir et renforcer la détermination
de ses principaux concurrents sur l’arène mondiale, tels
la France, l’Allemagne ou même la Russie.
La campagne anti-Iran menée par les Etats-Unis et relayée
par Israël se matérialise également sur la question
de son programme nucléaire. Lors d’une conférence
de presse en août dernier, le ministre de la défense américaine
D.Rumsfeld a déclaré : "L’Iran a été
sur la liste des Etats terroristes pendant plusieurs années et
une des grandes inquiétudes du monde concerne les liens entre
un Etat terroriste qui possède des armes de destruction massive
et des réseaux terroristes. Il est compréhensible que
les nations, non seulement dans la région, mais dans le monde
entier, soient profondément inquiètes." Il est impossible
d ‘exclure la possibilité que dans sa fuite en avant
guerrière, le prochain pas de l’impérialisme américain
puisse se faire en Iran. Même si les Etats-Unis, particulièrement
affaiblis, auraient intérêt dans l’avenir à
s’appuyer sur l’Iran, rejoignant dans cette politique suicidaire
et toujours plus barbare l’Etat israélien, un article du
Sunday Times du 15 juillet cite "des sources israéliennes"
selon lesquelles Israël "a achevé ses répétitions
pour une frappe contre l’Iran" et "ne permettra en aucun
cas que des réacteurs iraniens, notamment celui de Bushehr, en
construction avec l’aide des Russes, atteignent le niveau critique…Dans
le pire des cas, si les efforts internationaux échouent, nous
sommes tout à fait confiants que nous pourrons démolir
d’un coup les aspirations nucléaires des ayatollahs."
Cette politique guerrière de fuite en avant se manifeste également de manière barbare au Moyen-Orient. Une des conséquences majeures du développement du chaos dans cette partie du monde est l’éclatement en cours de l’Autorité palestinienne. Celle-ci a été créé dans la foulée des accords d’Oslo, qui ont accordé en 1993 un embryon d’autonomie aux territoires palestiniens. Elle représentait le socle du futur Etat palestinien, qui devait se concrétiser au bout d’une période transitoire de cinq ans. Cette perspective illusoire d’une stabilisation du Moyen-Orient s’est transformée en une situation radicalement contraire, faite de massacres, d’assassinats, de bombardements et d’attentats permanents, d’où aucun Etat palestinien ne pourra sortir. C’est la décomposition avancée de cette partie du monde, sous la poussée de la politique expansionniste et guerrière d’Israël qui fait perdre à l’Autorité palestinienne ses derniers attributs de puissance. Même si Arafat essaie encore de sauvegarder sa place en tant que président de cette Autorité, cela n’empêche pas ses acolytes de se disputer de plus en plus violemment les attributs du pouvoir. L’Autorité palestinienne, minée par la corruption, laisse ainsi libre cours à ses tensions internes, produit de l’impuissance totale de la bourgeoisie palestinienne. Et même si la "brouille" entre le leader palestinien Yasser Arafat et son premier ministre actuel Ahmed Qorei a pu se résoudre momentanément, rien ne pourra éviter dans l’avenir l’éclatement de l’Autorité palestinienne et la poursuite du développement de bandes armées radicalisées utilisant le désespoir des populations pour se lancer dans des actions terroristes toujours plus suicidaires et aveugles. L’Etat israélien, sous la houlette de l’administration Sharon, ne peut en effet que poursuivre sa politique guerrière visant à écraser toute résistance palestinienne et à poursuivre la colonisation totale de la Cisjordanie. A cet effet, l’Etat israélien continue de manière accélérée la construction du mur autour de la Cisjordanie, transformant cette région en un immense camp de concentration. La contestation de Sharon au sein de son propre parti et son désir d’impliquer la gauche israélienne de S.Perez au gouvernement, tout en traduisant l’affaiblissement de la cohésion de la structure étatique israélienne, ne pèseront d’aucun poids dans la politique guerrière de l’Etat hébreu. Les évènements au Moyen-Orient contiennent tous les ingrédients susceptibles de provoquer une déstabilisation de l’ensemble de la région, de la Jordanie au Liban en passant par l’Egypte et l’ensemble des pays du golfe arabique. Mais encore, l’altercation entre le président de la République française, Jacques Chirac, et Sharon à propos des menaces qui existeraient à l'encontre de la communauté juive en France, démontre que la montée des tensions impérialistes affecte également gravement les relations entre la France et Israël, relayant ainsi les tensions franco-américaines.
L’affaiblissement accéléré des Etats-Unis en tant que première puissance impérialiste du monde ne peut qu’encourager toutes les autres puissances, et en premier lieu la France et l’Allemagne, à défendre leurs propres intérêts, poussant autant que possible les Etats-Unis à s’enliser dans des bourbiers militaires tels que l’Irak actuellement. Cette situation de développement permanent de foyers de guerres, de massacres, de génocides et d’attentats est en elle-même un facteur d’accélération de l’ensemble du chaos mondial et donc de la décomposition de la société capitaliste. Aucun changement d’équipe gouvernementale en Israël, aux Etats-Unis ou ailleurs ne peut modifier une telle perspective. L’arrivée éventuelle de Kerry à la tête du gouvernement américain avec le départ de Bush ne changera fondamentalement en rien cette réalité : la politique impérialiste de fuite en avant des Etats-Unis. "Invoquer l’incompétence de tel ou tel chef d’Etat comme étant la cause des guerres, permet à la bourgeoisie de masquer la réalité, de cacher l’effroyable responsabilité que porte le capitalisme décadent et avec lui l’ensemble de la classe bourgeoise mondiale" ( "Le véritable responsable, c’est le capitalisme", Revue internationale N°115). C’est l’ensemble du capitalisme mondial confronté à l’accélération de sa crise économique qui sombre implacablement dans la décomposition et le chaos.
Tino (26 août)Mi-juillet, Daimler a posé un ultimatum à ses employés de Sindelfingen-Stuttgart (Bade-Würtemberg) : soit ils acceptent de sacrifier certains de leurs "avantages"[1] [469] permettant d’obtenir des réductions de coûts de production, soit la fabrication de la nouvelle Mercedes classe-C sera transférée à Brême et à East London (en Afrique du Sud).
En réponse, le syndicat de la métallurgie IG Metall a appelé, le 15 juillet, à des grèves et des manifestations de protestation des salariés de Daimler. Le syndicat justifiait son «attitude combative» par le fait que l’entreprise avait fait 5,7 milliards d’euros de bénéfices l’an dernier.
Soixante mille ouvriers de chez Daimler, principalement les équipes du matin, se mirent en grève et manifestèrent dans toute l’Allemagne[2] [470] où ils reçurent le soutien des populations locales. La participation des ouvriers à Brême, où pourtant étaient supposés arriver 6000 des emplois pouvant être supprimés à Stuttgart, ne fut ni moins nombreuse ni moins combative qu’ailleurs.
Cette journée d’action a montré une colère considérable, mais aussi de réels sentiments de solidarité dans les rangs ouvriers. Dans les manifestations, les ouvriers ont souvent dénoncé le développement d’un chantage du même type dans d’autres entreprises et les tentatives d’imposer davantage d’heures travaillées sans compensation salariale. Pour eux, l’enjeu était de briser la logique patronale illustrée par l’accord intervenu chez Siemens dans les usines de Bocholt et Kamp-Lindfort impliquant un retour aux 40 heures «en échange» de la non-délocalisation en Hongrie.
Durant cette journée d’action, le gouvernement et les politiciens ont commencé à faire pression sur Daimler pour que la direction arrive à un accord rapidement en faisant un geste de bonne volonté consistant à accepter 10% de diminution des salaires directoriaux. Le mouvement de protestation se poursuivit avec 12.000 ouvriers en grève le 17 juillet à Sindelfingen et des manifestations dans la région de Stuttgart dès le début de la semaine suivante. Des ouvriers d’autres usines de Stuttgart, et même les porte-parole d’une «initiative des ouvriers employés précaires», auraient participé à ces manifestations (bien que nous supposons qu’il se soit agi, pour l’essentiel, de délégués syndicaux).
Des négociations s’ouvrirent le jeudi 24, l’IG Metall «menaçant» d’appeler les 160.000 employés de Daimler à la grève si un accord n’était pas conclu. Il fut signé le vendredi, satisfaisant toutes les exigences de la direction en échange de la «garantie de l’emploi» jusqu’à la fin de 2011.
Il va de soi que les médias, le patronat et les syndicats saluèrent cet accord comme une victoire de la raison et un modèle pour sauver l’emploi en Allemagne. La réaction des ouvriers fut différente, montrant une grande colère. Des ouvriers protestèrent énergiquement contre le fait que le syndicat et le conseil d’usine avaient signé un tel accord en leur nom, ce pour quoi ils n’étaient pas habilités. Mais de telles scènes ne furent évidemment pas montrées aux informations télévisées du soir.
Il est clair que les ouvriers ont subi une défaite et qu’ils savent que les syndicats y sont pour quelque chose. Si, durant le mouvement, il ne semble pas y avoir eu la moindre contestation des syndicats, suite à cette défaite, une première réflexion sur leur rôle est à même de se développer dans un bastion syndical comme Daimler où les ouvriers sont adhérents à l’IG Metall à environ 90%.
Notre section en Allemagne
est intervenue à travers un tract dans ces luttes. Nous en reproduisons
ci-dessous l’essentiel.
(Ici voir ri349/tract_CCI_solidarite.htm [471]
)
[1] [472] La «pause-pipi» de 5 minutes toutes les heures ; la méthode de décompte des heures supplémentaires de nuit, permettant que soit payée une heure de plus que dans les autres usines de Mercedes. De plus, par rapport à leurs collègues de Brême, ils bénéficient de trois jours de congés annuels supplémentaires.
[2] [473] Daimler emploie 160 000 ouvriers dans toute l’Allemagne, dont 41 000 à Sindelfingen et 15 500 à Brême, 20 900 à Untertürkheim, également dans la région de Stuttgart, et 5200 à Düsseldorf.
Le patronat semble avoir obtenu ce qu’il recherchait. Des millions de salariés ont été envoyés en vacances avec la nouvelle que la plus grande compagnie européenne industrielle, sur le site de Mercedes à Stuttgart-Sindelfingen, est en train de faire des économies sur les coûts de production, à hauteur d’un demi-million d’euros, aux dépens de ses employés. On veut nous faire bien savoir que, même là où les entreprises ont fait des profits, les ouvriers sont impuissants face au chantage à la délocalisation de la production et sous la menace de licenciements massifs. Pendant la période des vacances, nous sommes supposés nous résigner devant l’obligation de travailler plus pour des salaires moindres. Précisément au moment où les forces ouvrières sont dispersées pendant les vacances d’été, où, dans l’isolement, le sentiment d’impuissance est particulièrement ressenti, ils veulent nous faire croire qu’une brèche a été ouverte. Une brèche aux dépens des ouvriers qui ne concerne pas que les ouvriers de Daimler-Chrysler, mais tous les esclaves salariés.
Quelques semaines seulement après que le personnel des usines
de Siemens à Bocholt et Kamp-Linfort eût cédé
au chantage le forçant à accepter un retour à la
semaine de 40 heures sans aucune compensation de salaire ; après
la décision prise en Bavière pour allonger la journée
de travail sans compensation salariale, y compris dans le secteur public,
le patronat a commencé à réclamer – selon
les cas – l’allongement de la semaine de travail à
40, 42, voire 50 heures. A Karstadt, par exemple (dans un secteur commercial),
on a dit aux employés : soit vous travaillez 42 heures,
soit 4000 emplois seront supprimés. Que ce soit dans le secteur
de la construction, chez Man ou chez Bosch, partout la même exigence
a été mise en avant.
L’expérience des semaines passées confirme ainsi
ce que de plus en plus de travailleurs commencent à ressentir :
l’économie de marché (avec ou sans le discours «social»)
n’a rien à offrir que la paupérisation, l’insécurité
et la misère sans fin.
En plus de la reconnaissance amère mais nécessaire de
cette réalité, d’autres leçons des conflits
des semaines passées doivent être tirées et assimilées.
Suite aux luttes à Daimler-Chrysler, la classe dominante veut
nous amener à penser que cela ne sert à rien d’opposer
une résistance, que la logique de la compétition capitaliste
s’imposera d’une façon ou d’une autre et qu’il
est donc préférable de se soumettre au point de vue selon
lequel, après tout, les exploiteurs et les exploités sont
dans le même bateau, pour «maintenir l’emploi en Allemagne».
Du point de vue de la classe ouvrière, ce sont des conclusions
tout à fait différentes qui doivent être tirées.
Plus de 60.000 ouvriers de Daimler-Chrysler ont participé
ces dernières semaines à des grèves et à
des actions de protestation. Des ouvriers de Siemens, Porsche, Bosch
et Alcatel ont participé à des manifestations à
Sindelfingen. Ces actions montrent que les ouvriers ont commencé
à reprendre le chemin de la lutte. Face à la perspective
d’une aggravation de la souffrance et de la misère pour
les ouvriers du monde entier dans les années à venir,
le plus important n’est pas que, une fois de plus, les capitalistes
se soient organisés pour imposer leur volonté mais bien
le fait que, cette fois-ci, les attaques n’ont pas été
acceptées passivement.
Daimler-Chrysler a joué consciemment la carte de la division
entre les ouvriers des différentes usines, en menaçant
de suppressions d’emplois les sites de Sidelfingen, Untertürkheim
et Mannheim au profit de celui de Brême avec le déplacement
vers ce dernier, à partir de 2007, de la production des nouveaux
modèles de classe-S. Le fait que les salariés de Brême
aient participé aux manifestations de protestation contre les
baisses de salaires, contre l’allongement du temps de travail et
l’élimination de sites dans le Bade-Würtemberg a certainement
constitué l’élément le plus important de ces
luttes. En faisant en partie échec à la stratégie
du patronat, ceux-ci ont, par leur action, mis en évidence que
la réponse ouvrière à la crise du capitalisme ne
se trouve que dans la solidarité ouvrière. Cette solidarité
est la force qui rend possible la lutte et qui lui donne toute sa signification.
La classe dominante veut nous donner l’impression que la lutte
chez Mercedes ne l’a pas du tout impressionnée. Mais si
l’on examine attentivement les événements des derniers
jours, on s’aperçoit alors que la classe dominante a, en
réalité, été très attentive à
l’expression de la résistance de la classe ouvrière.
Elle craint en effet par-dessus tout que les dépossédés
prennent conscience que la solidarité est non seulement l’arme
la plus efficace au service de la défense de leurs propres intérêts,
mais aussi contient le principe fondamental d’un ordre social supérieur
alternatif à la société actuelle.
Ce n’est pas un hasard si, immédiatement après le
retour aux 40 heures hebdomadaires chez Siemens dans la région
de la Ruhr, un autre défi énorme et public allait être
lancé aux ouvriers de Daimler-Chrysler. Siemens a servi d’avertissement
aux ouvriers : partout où ils seront menacés de fermetures
d’usines, il leur faudra accepter des conditions de travail et
de salaires aggravées, et davantage d’heures de travail.
Chez Mercedes à Stuttgart, il n’était pas question
–pour le moment- de fermer l’usine, celle-ci étant
encore considérée comme efficace et rentable. Daimler-Chrysler
a été choisi pour lancer un second message : l’aggravation
sans limite de l’exploitation ne doit pas seulement s’appliquer
là où l’entreprise ou l’usine est acculée
le dos au mur. Toutes les entreprises sont concernées. Daimler-Chrysler
constitue précisément la vitrine de l’industrie allemande :
la plus grande concentration de la classe ouvrière industrielle
en Allemagne, au cœur du Bade-Würtemberg avec ses centaines
de milliers d’ouvriers de l’industrie. La signification du
message fort et clair des capitalistes est la suivante : si la
fraction de la classe ouvrière la plus forte, connue pour son
expérience de la lutte et sa combativité, ne peut s’opposer
à de telles mesures, alors la classe ouvrière nulle part
ailleurs en Allemagne ne le pourra.
Ce n’est pas un hasard si le patronat a réuni ses forces
dans ce qui est appelé des syndicats d’employeurs. Ceux-ci
leur permettent de coordonner leurs efforts contre la classe ouvrière.
De plus, ces organismes sont intégrés dans l’appareil
d’Etat. Ceci signifie que la stratégie du patronat est liée
à une stratégie globale qui est dirigée par le
gouvernement aux niveaux national et régional, et donc à
la social-démocratie au pouvoir. Au sein de cette stratégie,
une sorte de division du travail s’opère entre le gouvernement
et les entreprises. La plupart des réformes décidées
par le gouvernement fédéral et directement mises en application
par l’Etat sont habituellement programmées durant la première
moitié du mandat. Ainsi, ces deux dernières années
ont vu la mise en place des attaques les plus incroyables contre le
niveau de vie des ouvriers : la «réforme de la santé»,
la législation «Hartz» contre le chômage, «l’assouplissement»
des lois sur la protection des chômeurs, etc. A présent,
dans la période conduisant aux prochaines élections générales,
le SPD n’est pas mécontent de laisser le patronat prendre
l’initiative des attaques, avec l’espoir que la population
continuera à s’identifier avec l’Etat, à aller
voter, et à ne pas perdre totalement confiance dans la social-démocratie.
Il ne faut donc pas être dupe des déclarations du SPD soulignant
ses sympathies avec les ouvriers de Daimler-Chrysler. En réalité,
les attaques actuelles sont directement liées aux «réformes»
du gouvernement fédéral. Ce n’est certainement pas
une coïncidence si l’envoi très médiatisé
d’un nouveau questionnaire aux chômeurs (destiné à
identifier et utiliser leurs ressources financières propres et
celles de leurs familles afin de diminuer leurs allocations) a surgi
au moment même où les attaques contre Daimler se développaient.
La fusion des allocations chômage de longue durée avec
l’aide sociale minimum, ainsi que la surveillance et le contrôle
renforcés des chômeurs, servent à «soulager»
le budget de l’Etat de la charge des plus pauvres parmi les pauvres.
Mais il sert aussi à intensifier l’efficacité de
tous les moyens possibles de chantage contre ceux qui ont encore un
emploi. Pour ceux-ci, il doit être clair que s’ils élèvent
la voix et n’acceptent pas tout ce qu’on leur demande, alors
ils seront eux-mêmes plongés dans une pauvreté sans
fond.
Mais le fait que les attaques du capital ne soient pas acceptées
sans combat est attesté non seulement par les mobilisations à
Daimler, mais aussi par la façon dont la classe bourgeoise y
a réagi. Il est devenu rapidement évident que les politiciens,
les syndicats, le conseil syndical d’usine, mais aussi le patronat,
avaient réalisé que le conflit à Daimler devait
être résolu aussi rapidement que possible. La stratégie
capitaliste fut, au début, orientée de façon à
opposer les ouvriers de Sttutgart à ceux de Brème. La
résistance des ouvriers du Sud-Est de l’Allemagne, plus
confiants en eux-mêmes et immédiatement attaqués,
était attendue. Mais ce qui surprit fut l’enthousiasme avec
lequel les ouvriers de Brème participèrent au mouvement.
Le spectre de la solidarité ouvrière, longtemps considérée
comme morte et enterrée, ou tout au moins déclarée
comme telle, menaçait de revenir. Face à cela, les représentants
du capitalisme devinrent visiblement nerveux.
Aussi, les porte-parole des partis politiques représentés
au parlement –y compris les libéraux du FDP, le parti auto-déclaré
des riches– commencèrent à interpeller la direction
de Daimler-Chrysler pour qu’elle consente à accepter une
diminution de ses appointements. Bien sûr, une telle mesure n’était
que poudre aux yeux. La direction décidant de ses salaires, elle
a toujours le pouvoir de compenser de telles «diminutions».
De plus, ce n’est pas cela qui va aider les ouvriers à payer
l’éducation de leurs enfants ou leur loyer.
Pourquoi les dirigeants politiques ont-ils appelé une direction
patronale à de tels gestes ? Pour propager l’idéologie
du partenariat social, risquant d’être mise à mal
par un conflit social.
C’est pour la même raison que les politiciens ont déchaîné
leurs critiques contre l’arrogance des patrons. Ce qu’il y
a de problématique dans la situation présente où
les patrons assument seuls les attaques, tandis que l’Etat, se
déguisant en force neutre, essaie de rester dans l’ombre,
c’est quand cela devient visible. Des patrons comme Schremp ou
Hubbert n’ont pas la finesse de la social-démocratie quand
il s’agit d’infliger une défaite exemplaire à
la classe ouvrière tout en évitant de trop la provoquer.
La classe dominante redoute par-dessus tout que les ouvriers commencent
à trop penser à leur propre lutte et aux perspectives
de leur vie dans le capitalisme. Dans ce contexte, les critiques faites
par le chancelier Schröder sont significatives : «Mon
avis est de laisser ces problèmes au sein des entreprises, et
d’en parler aussi peu que possible.» (souligné par
nous)
Depuis que le stalinisme s’est effondré –forme de
capitalisme d’Etat particulièrement inefficace, rigide et
hyper réglementée– il a été répété
à satiété qu’il n’y a plus aucune perspective
pour le socialisme et que la lutte des classes et la classe ouvrière
n’existaient plus. Mais rien n’est plus probant que de grandes
luttes de la classe ouvrière pour montrer au monde que, ni la
classe ouvrière, ni la lutte des classes ne sont des choses du
passé.
Nous ne voulons pas surestimer les luttes à Daimler. Elles ne
sont pas suffisantes pour empêcher que soit ouverte une nouvelle
«brèche» capitaliste dans les conditions de vie des
ouvriers. D’abord parce que le conflit est resté essentiellement
limité aux ouvriers de Daimler. Toute l’histoire montre
que seule l’extension de la lutte aux autres fractions de la classe
ouvrière est capable, même temporairement, de faire reculer
la bourgeoisie. De plus, cette lutte n’a, à aucun moment,
commencé à remettre en cause le contrôle syndical.
L’IG Metall et le conseil local d’usine se sont montrés,
une fois encore, maîtres dans l’art de mettre au centre des
questionnements ce qui «distinguait» la situation des ouvriers
de Mercedes de celle d’autres ouvriers : la rentabilité
des uns vue comme leur «propre» problème, les réserves
des carnets de commandes comme l’affaire de chaque usine, l’efficacité
plus prisée des ouvriers métallurgiques du Bade-Würtemberg.
Cela a permis que soit enrayée une solidarité plus active,
plus forte. Les médias, de leur côté, ont enfourché
le même thème en mettant en avant la jalousie existant
à l’encontre des ouvriers de Daimler, présentés
comme étant particulièrement privilégiés.
Il était frappant, par exemple, de voir les médias rendre
compte quotidiennement de la situation à Sindelfingen (où
les passages pour piétons faits de marbre n’ont pas manqué
d’être mentionnés) alors que la situation à
Brême (où les éléments de solidarité
étaient plus explicitement présents) était totalement
passée sous silence.
Bien avant même que ne soient devenues publiques les exigences
de la direction de faire un demi-million d’économies annuelles,
le conseil d’usine avait déjà proposé une
austérité de l’ordre de 180 millions d’euros
par an. Et dès que la direction a accepté la mise en scène
consistant à «participer aux sacrifices», l’IG
Metall et le conseil d’usine ont exprimé un «accord
global» pour un plan satisfaisant en tous points les exigences
de la direction mais présenté comme une victoire pour
les ouvriers puisque permettant prétendument la «garantie
de travail» pour tous.
Ce n’est pas parce qu’ils seraient l’incarnation du diable
que les syndicats divisent les ouvriers et défendent les intérêts
de l’entreprise aux dépens des exploités, mais parce
qu’ils font partie depuis longtemps du capitalisme et sont partie
prenante de sa logique. Cela signifie par contre que la solidarité
ouvrière, l’extension des luttes, ne peuvent être
réalisées que par les ouvriers eux-mêmes. Ceci exige
des assemblées de masse souveraines, un mode de lutte dirigé
vers la participation directe de différents secteurs des ouvriers
au travail et des chômeurs. Cela ne peut être réalisé
qu’en dehors et contre les syndicats.
Nous sommes encore loin d’une telle pratique de lutte autonome
fondée sur la solidarité active. Cependant, déjà
aujourd’hui, sont perceptibles les germes de ces combats futurs.
Les ouvriers de Daimler étaient eux-mêmes tout à
fait conscients qu’ils ne se battaient pas que pour eux-mêmes
mais pour les intérêts de tous les ouvriers. Il est aussi
incontestable que leur lutte – malgré les campagnes haineuses
sur les privilèges accordés à Sindelfingen- a rencontré
la sympathie de la classe ouvrière dans son ensemble, ce qui
ne s’était pas vu depuis la grève de Krupp Rheinhausen
en 1987.
A l’époque, les ouvriers de Krupp avaient commencé
à poser la question de l’extension active de la lutte vers
d’autres secteurs et à remettre en cause le contrôle
syndical sur la lutte. Le fait qu’aujourd’hui ces questions
ne soient pas encore réellement posées montre tout le
terrain que la classe ouvrière a perdu ces quinze dernières
années, en Allemagne comme dans le reste du monde. Mais, d’un
autre côté, des combats comme celui de Krupp, ou celui
des mineurs britanniques, avaient signifié la fin d’une
série de luttes ouvrières qui a duré de 1968 à
1989 et qui a été suivie d’une longue période
de reflux. Les luttes actuelles, au contraire, que ce soit dans le secteur
public en France et en Autriche l’an passé, ou maintenant
à Daimler, sont le début d’une nouvelle série
de luttes sociales importantes. Elles se développeront de façon
plus difficile et plus lente que par le passé. Aujourd’hui,
la crise du capitalisme est beaucoup plus avancée, la barbarie
générale du système beaucoup plus visible, la calamité
menaçante du chômage bien plus omniprésente.
Mais aujourd’hui, bien plus que ce ne fut le cas à Krupp-Rheinhausen,
la grande vague de sympathie pour les ouvriers en lutte qui a gagné
la population est plus directement liée à la reconnaissance,
qui se fait jour progressivement, de la gravité de la situation.
La classe dominante et ses syndicats s’activent à présenter
l’allongement de la durée de travail imposée comme
une mesure temporaire afin de garder des emplois jusqu’à
ce que «la compétitivité ait été retrouvée».
Mais les ouvriers commencent à comprendre que ce qui se passe
est beaucoup plus fondamental que cela. En effet ! Ce sont les
acquis, pas seulement de décennies mais de deux siècles
de luttes ouvrières qui sont menacés d’être
liquidés. Ce qui se passe, c’est que la journée de
travail, comme aux débuts du capitalisme, s’allonge de plus
en plus mais dans les conditions de travail du capitalisme moderne,
avec l’enfer de l’intensification du travail. Il se passe
que, de plus en plus, la force de travail humaine, en tant que source
des richesses de la société, est dépréciée
et est à long terme vouée à disparaître.
Tout cela ne constitue pas le signe de la naissance douloureuse d’un
nouveau système, mais est au contraire l’expression d’un
capitalisme moribond qui est devenu un obstacle au progrès de
l’humanité. A long terme, les efforts incertains d’aujourd’hui
vers une résistance ouvrière, vers le retour à
la solidarité, vont de pair avec une réflexion en profondeur
sur la situation. Ceci peut et doit conduire à remettre en question
ce système barbare, dans la perspective d’un système
social supérieur, socialiste.
Le Soudan en tant qu’Etat national est le produit de la lutte
des puissances coloniales pour se répartir l’Afrique au
19e siècle. C’est l’impérialisme anglais qui
réalisa cette création dans le but, d’une part de
stopper l’avancée de ses rivaux français, allemands,
et italiens, et d’autre part pour asseoir sa domination sur le
Nord, le Centre et l’Est de l’Afrique. Le Soudan a des frontières
avec l’Egypte, la Libye, le Kenya et l’Ouganda, tous ces pays
étaient d’anciennes colonies britanniques. Ce pays avait
également des frontières avec les colonies rivales de
l’Angleterre : le Congo belge, le Tchad sous contrôle
de la France et l’Abyssinie (Ethiopie) gouvernée par l’Italie.
Pour imposer sa loi, l’impérialisme anglais écrasa
sans pitié la population qui s’était soulevée,
comme lors de la bataille d’Omdurman en 1898 quand des rebelles,
armés de façon rudimentaire, furent massacrés par
les armes sorties des dernières technologies de l’impérialisme
britannique «démocratique et civilisateur.»
Dans la redistribution impérialiste qui a suivi la Seconde Guerre
mondiale, l’impérialisme britannique fut obligé d’abandonner
son empire africain. A cette époque, l’Afrique devint l’un
des principaux champs de bataille de la période de la guerre
froide entre le bloc américain et le bloc soviétique.
Le Soudan était pleinement partie prenante de cette situation
surtout à partir des années 1960. Profitant du mécontentement
des fractions nationalistes du Sud, le bloc russe tenta de déstabiliser
les fractions pro-américaines au pouvoir. Ce soutien devint plus
marqué lorsque la partie pro-russe de la bourgeoisie éthiopienne
renversa Haïlé Selassié au début des années
1970. La principale fraction du Sud, l’armée de libération
du peuple soudanais (ALPS) était armée et entraînée
en Ethiopie.
En riposte, les Etats-Unis et le bloc de l’Ouest armèrent
et instruisirent l’Etat soudanais non seulement pour réprimer
l’ALPS mais encore pour soutenir les forces rebelles en Ethiopie.
Dans les années 1990, après la chute du mur de Berlin,
le gouvernement soudanais essaya de se débarrasser de la tutelle
américaine et de mener sa propre politique impérialiste.
A nouveau aujourd’hui, contrairement à ce que voudrait nous
faire croire la bourgeoisie, ce génocide n’a pas pour cause
essentielle la confrontation entre des groupes ethniques depuis bien
longtemps opposés. On veut nous expliquer que cette guerre oppose
deux tribus principales : d’un côté les négro-africains
(Fours, Zaghawas, etc..) et, de l’autre, des tribus d’origine
arabe en oubliant cyniquement de préciser que ces ethnies sont
entièrement armées et manipulées par différentes
puissances impérialistes, petites et grandes. Cette nouvelle
généralisation des combats se développe en effet
au moment où l’impérialisme américain pensait
avoir réussi à contrôler le Soudan. C’est depuis
l’attentat terroriste de 2001 à New York et dans le cadre
de leur campagne «guerre totale au terrorisme», que les
Etats-Unis ont entrepris de tenter de mettre au pas le gouvernement
central de Khartoum, prétextant pour cela leur lien avec le terrorisme
international. L’impérialisme américain avait notamment
réussi à imposer un cessez-le-feu et à faire signer
«un accord de paix définitif» entre le gouvernement
et le principal mouvement rebelle du Sud-Est (ALPS) de John Garang.
Mais après comme avant le «plan de paix», le gouvernement
et les fractions rebelles s’étaient déjà pleinement
impliqués dans le conflit du Darfour, démontrant ainsi
ouvertement l’incapacité de l’impérialisme américain
d’imposer sa loi au Soudan.
En effet, le Darfour, région de la taille de la France, est
ensanglanté par une guerre opposant une rébellion locale
soutenue par l’ALPS et sans aucun doute le Tchad, aux milices Janjawid
soutenues par le gouvernement de Khartoum. Face à l’échec
de leur politique en direction du gouvernement central, la Maison Blanche
a immédiatement réagi : «le voyage de
C.Powell, le premier d’un haut responsable américain au
Soudan depuis vingt-cinq ans, est intervenu au moment où les
Etats-Unis lançaient un projet de résolution censé
infliger des sanctions aux milices gouvernementales, qui sont accusées
de meurtres et de viols de villageois au cours des seize derniers mois»,
note The Washington Post (Courrier International du 24 août 2004).
Villepin, pour la France, puis Kofi Annan, pour l’ONU, se sont
à leur tour précipités afin d’apporter leur
«bonne parole», ouvrant ainsi la porte à l’envoi
de forces militaires françaises à la frontière
du Tchad et du Soudan. «Malgré la suspicion des pays arabes
autour de l’intervention éventuelle de forces occidentales
dans le Darfour, le Tchad et l’Egypte, deux pays voisins du Soudan
se sont félicités de la décision de la France.»
( Courrier International du 3 août). Quant à la Grande-Bretagne,
ne pouvant rester en dehors de cette vaste foire d’empoigne entre
requins impérialistes, elle s’est déclarée
prête, par l’entremise de son premier ministre Tony Blair
à «envoyer 5000 hommes dans le Darfour si Khartoum le lui
demande. « (Courrier International du 24 août). C’est
bien avec le plus grand cynisme que les grandes puissances impérialistes
du monde, utilisant le sang des populations civiles à travers
des guerres permanentes et des génocides à répétition,
s’affrontent continuellement en Afrique centrale et de l’Est.
Tous les pays y sont aujourd’hui livrés à l’anarchie
et au pillage : Centre-Afrique, RDC, Côte-d’Ivoire,
Ouganda, Burundi, Angola…Les alliances entre Etats autochtones
et autres seigneurs de la guerre s’y modifient perpétuellement
en fonction des offres les plus alléchantes des différentes
grandes puissances : du Tchad d’Idriss Deby aujourd’hui
plutôt soutenu par la France au boucher Kadhafi qui s’est
rapproché ces derniers temps des Etats-Unis. En fin de compte,
au Darfour comme ailleurs en Afrique noire, il y a bien la sale présence
permanente des grands vautours impérialistes dans toutes les
zones en conflits.
Le Soudan se trouve ainsi au milieu d’un affrontement inter-impérialiste
entre bandes armées locales, petits et grands impérialistes
dont la population civile ne pourra que continuer à faire les
frais. Dans une situation où personne ne peut imposer sa loi
et en premier lieu les Etats-Unis, la porte est ouverte aux pires exactions,
au chaos et à l’anarchie. Le Soudan vient à son tour
confirmer que l’affaiblissement accéléré de
l’autorité de la première puissance impérialiste
du monde contribue fortement à l’accélération
à l’échelle de la planète, de conflits qui,
comme sur l’ensemble du continent africain, ne peuvent que concourir
à une décomposition sociale et à une barbarie toujours
plus monstrueuses.
Nous publions ci-dessous
la première partie du compte-rendu d'une réunion publique du Bureau
International pour le Parti Révolutionnaire (BIPR) qui s'est tenue le 15 mai à
Berlin, à laquelle le CCI a participé, et portant sur les causes de la guerre
impérialiste. La seconde partie de ce compte-rendu sera publiée dans le
prochain numéro de RI. Si nous avons pensé nécessaire d'accorder une telle
place pour répercuter les arguments échangés au cours de cette discussion, cela
tient évidemment à l'intérêt du débat qui s'y est déroulé. De plus, cela
permettra utilement à tout élément intéressé de mieux connaître ce qui unit et
ce qui distingue, sur cette question de la guerre, les deux principales
organisations de la Gauche communiste.
Un porte-parole de Battaglia
Comunista[1] [475] a
fait la présentation qui portait sur les fondements de la guerre en Irak et la
politique actuelle des Etats-Unis. Le camarade a développé l’analyse du BIPR,
selon laquelle "la croisade américaine contre le terrorisme" avait
principalement des buts économiques : le renforcement du contrôle
américain sur les réserves de pétrole dans le monde, de façon à consolider
l’hégémonie du dollar sur l’économie mondiale et de récupérer un profit
supplémentaire de la "rente pétrolière". Suite à l’affaiblissement de
leur compétitivité, les Etats-Unis doivent recourir à l’appropriation
parasitaire de la plus-value produite dans le monde entier pour maintenir leur
économie à flot. De plus, il a été dit que des considérations stratégiques
jouent aussi un rôle, souvent en lien avec le contrôle des réserves de pétrole,
visant à séparer la Russie et la Chine l’une de l’autre et des champs
pétrolifères importants, et à faire en sorte que l’Union Européenne reste
faible et divisée.
Cette analyse a suscité différentes réactions de la part des participants à la
réunion publique. Alors qu’un camarade des "amis d’une société sans
classe" (FKG) –qui avait d’abord été un fondateur du groupe
"Aufbrechen"- saluait la capacité du BIPR d’identifier les causes
économiques concrètes de la guerre, le porte-parole du groupe GIS ("Gruppe
Internationale Sozialistinnen") exprimait des doutes sur cette analyse. Il
soulignait que le fait pour les Etats-Unis d'acquérir des liquidités
financières internationales est d’abord et avant tout l’expression d’une
politique classique d’endettement. De plus, il a réaffirmé le point de vue
qu’il avait déjà défendu à la précédente réunion publique du BIPR, à savoir que
les efforts pour dominer militairement les ressources pétrolières ont des buts
plus militaires qu’économiques. Un membre du groupe "International
Communists", pour sa part, relevait qu’il n’y a pas que les Etats-Unis,
mais aussi les autres grandes puissances impérialistes, et en premier lieu les
Etats européens, qui se battent actuellement pour dominer le monde. Il exposait
la thèse selon laquelle, alors que les Etats-Unis mettaient surtout leur
puissance militaire dans la balance, les banques européennes y mettaient
principalement leur pouvoir économique.
Dans sa première contribution à la discussion, le CCI a traité de l’argumentation du BIPR. Selon ces arguments, les Etats-Unis ont dans une grande mesure perdu leur compétitivité sur le marché mondial. De façon à compenser les effets de cet affaiblissement –déficits gigantesques de la balance commerciale et des comptes, dette publique croissante, l’Amérique déclenche la guerre aux quatre coins du monde en vue d’attirer du capital, via le contrôle du pétrole et l’hégémonie du dollar.
Du point de vue du CCI, cette analyse est très dangereuse politiquement parce qu’elle examine les causes de la guerre impérialiste à partir de la situation particulière d’un Etat donné au lieu de le faire à partir du stade de développement et de maturité des contradictions du système capitaliste dans son ensemble. Rien d’étonnant alors à ce que cette analyse soit similaire aux grandes lignes des arguments du camp anti-mondialisation pro-européen, ou des sociaux-démocrates de gauche allemands comme Oskar Lafontaine, qui expliquent l’aiguisement des tensions impérialistes par le caractère soi-disant particulièrement parasitaire de l’économie américaine.
En second lieu, cette analyse est incapable de répondre aux deux questions suivantes :
En réalité, le Bureau International confond ici cause et effet. Ce n'est pas parce qu'elle a perdu de sa compétitivité que l’Amérique s’arme jusqu’aux dents. A l'inverse, c'est cette perte réelle de son avantage dans la concurrence économique qui résulte des efforts qu'elle a consentis dans la course aux armements. Une telle évolution n’est pas, de plus, une spécificité de l’impérialisme américain. Le principal rival de longue date de l’Amérique, l’URSS, s’était déjà écroulée en grande partie pour s’être armée jusqu’à la mort. La vérité, c’est que le gonflement du budget militaire, aux dépens du développement des forces productives, et l’assujettissement progressif de l’économie au militarisme, sont des caractéristiques essentielles du capitalisme pourrissant.
En troisième lieu, il est vrai que dans le capitalisme, crise et guerre sont inséparables. Mais ce lien entre les deux n’est pas celui de la thèse simpliste de la guerre pour le pétrole ou pour l’hégémonie du dollar. Le lien réel entre les deux, on peut le voir, par exemple, dans la constellation qui a conduit à la Première Guerre mondiale. A cette époque, il n’y avait pas de dépression économique comparable à celle qui a éclaté plus tard, en 1929. La crise de 1913 avait encore à la base un caractère de crise cyclique et était en réalité relativement modérée. Il n’y avait pas de crise commerciale, du budget de l’Etat ou de la balance des comptes en Grande-Bretagne, en Allemagne ou chez les autres principaux protagonistes, comparable de quelque façon que ce soit à la crise d’aujourd’hui, il n'y avait pas non plus de turbulences monétaires particulières (à cette époque, l’étalon-or était universellement reconnu). Néanmoins, la première conflagration impérialiste mondiale a eu lieu. Pourquoi ? Quelles sont les lois générales de l’impérialisme qui sont à la base de la guerre moderne ?
Plus un Etat capitaliste est développé, plus la concentration de son capital est puissante, plus grande est sa dépendance vis-à-vis du marché mondial, plus il dépend de l’accès aux ressources du globe, et de sa domination sur elles. C’est pourquoi, à l’époque de l’impérialisme, chaque Etat est contraint d’essayer d’établir une zone d’influence autour de lui. Les grandes puissances considèrent nécessairement que le monde entier est leur zone d’influence –rien de moins ne suffit à sécuriser les fondements de leur existence. Plus la crise économique est forte, plus la bataille pour le marché mondial est forte, et plus ce besoin est ressenti de façon impérieuse.
L’Allemagne a déclaré la guerre à la Grande-Bretagne en 1914, non pas à cause de sa situation économique immédiate, mais parce que, pour une telle puissance dont le sort dépendait de plus en plus fortement de l’économie mondiale, il n’était plus tolérable que son accès au marché mondial dépende en grande partie du bon vouloir de la Grande-Bretagne, la puissance dominante sur les océans et sur une grande partie des colonies. Cela signifie que la bourgeoisie allemande a choisi d’agir déjà au préalable, de façon à essayer de renverser la situation, avant qu’elle n’empire, comme ce sera le cas en 1929 où elle sera exclue en grande partie du marché mondial par les vieilles puissances coloniales, face à la dépression mondiale. C’est ce qui explique pourquoi, au début du 20e siècle, la guerre mondiale s’est produite avant la crise économique mondiale.
Le fait que les puissances capitalistes entrent de plus en plus brutalement en conflit les unes avec les autres signifie que les guerres impérialistes mènent de façon croissante à la ruine mutuelle des Etats qui participent à ces conflits. Rosa Luxembourg avait déjà souligné cela en 1916 dans sa Brochure de Junius. Mais la dernière guerre en Irak le confirme aussi. L’Irak était autrefois, à la périphérie du capitalisme, une des sources les plus importantes de grands contrats lucratifs pour l’industrie européenne et américaine. Aujourd’hui, non seulement la crise économique du capitalisme, mais surtout les guerres contre l’Iran et l’Amérique, ont complètement ruiné l’Irak. L’économie américaine elle-même subit un nouveau coup du fait des dépenses militaires exorbitantes en Irak. Derrière l’idée que la guerre actuelle a été déclenchée à cause de spéculations monétaires ou d’une prétendue "rente pétrolière" se cache le fait de croire que la guerre est encore lucrative, que le capitalisme est encore un système en expansion. Il n’y a pas que la politique des Etats-Unis mais aussi le terrorisme des Ben Laden et Cie qui a été interprété dans ce sens par le porte-parole de Battaglia qui présente ce dernier comme étant l’expression d’une tentative des "200 familles d’Arabie saoudite" d'acquérir une plus grande part des profits de leur propre production de pétrole.
Après que le BIPR et le CCI aient tous les deux présenté leurs propres points de vue sur les causes de la guerre, un débat intéressant et vivant a eu lieu. On pouvait remarquer que les participants à la réunion étaient très intéressés à mieux connaître les positions des deux organisations présentes de la gauche communiste, insistant pour que les deux groupes se répondent l’un l’autre. Les camarades ne se limitaient pas à poser des questions mais ont porté eux-mêmes des objections et fait des critiques.
Par exemple, un camarade du FKG a accusé le CCI de "basse polémique" sur la base de notre comparaison entre l’analyse du BIPR et celle du mouvement anti-mondialisation. Il a souligné que faire ressortir le rôle d’agresseur des Etats-Unis aujourd’hui n’avait rien de commun avec la minimisation du rôle de l’impérialisme européen faite par ses sympathisants bourgeois. Il a montré, ce qui est correct, que dans le passé aussi, les internationalistes prolétariens avaient analysé le rôle d’Etats particuliers dans le déclenchement des guerres impérialistes, sans pour autant se rendre coupables de concessions à l’égard des rivaux de ces Etats.
Toutefois, la critique faite par le CCI ne concernait pas l’identification des Etats-Unis comme principal fauteur des guerres actuelles, mais concernait le fait que les causes de ces guerres ne se trouvaient pas dans la situation de l’impérialisme dans son ensemble, mais se réduisaient à la situation spécifique des Etats-Unis.
Le porte-parole de Battaglia, pour sa part, ne niait pas du tout la ressemblance entre l’analyse faite par son organisation et celle de différents courants bourgeois. Il donnait pour argument, cependant, que cette analyse, dans les mains du BIPR, s’enracinait dans une vision du monde tout à fait différente, une vision prolétarienne. Ce qui est encore le cas, heureusement. Mais nous maintenons qu’une telle analyse ne peut qu’affaiblir non seulement l’efficacité de notre combat contre l’idéologie de la classe ennemie, mais surtout qu’elle ne peut que saper la fermeté de notre propre point de vue prolétarien.
A notre avis, la ressemblance entre l’analyse du BIPR et le point de vue bourgeois pour l’opinion courante est le résultat du fait que les camarades ont eux-mêmes adopté une approche bourgeoise. C’est cette démarche que nous avons appelé empirisme, et par là nous voulons dire la tendance de fond de la pensée bourgeoise à être entraînée sur de fausses pistes par certains faits particuliers remarquables, au lieu de découvrir, grâce à une approche théorique plus profonde, le lien réel entre les différents faits. Un exemple de cette tendance du BIPR a pu être donné, pendant la discussion, par la façon dont il présentait le fait que, sans l’afflux constant de capital étranger, l’économie américaine s’effondrerait ; pour cette organisation, cela constituerait la preuve que la guerre d’Irak servait à obliger les autres bourgeoisies à prêter de l’argent à l’Amérique. En réponse à cela, nous avons rappelé que ce qui est certain, c’est que sans ces prêts et ces investissements, l’économie des Etats-Unis subiraient un repli ; c’est déjà en soi une obligation suffisante pour faire que les capitalismes japonais et européen continuent à acheter des actions et des bons américains. Ils ne survivraient pas eux-mêmes à un effondrement des Etats-Unis[2] [476].
Dans la seconde partie de cet article sera abordée plus explicitement la question du lien existant entre la crise économique et guerre impérialiste à la lumière de la critique marxiste des fondements mêmes de l'économie capitaliste. En particulier, sera critiquée cette idée défendue par le BIPR selon laquelle "une destruction généralisée ouvrirait la route à une nouvelle phase d’accumulation", autrement dit à une nouvelle phase de prospérité capitaliste.
Welt Revolution[1] [477] Organisation fondatrice, avec la CWO, du BIPR.
[2] [478] Nous pourrions ajouter ici que, malgré leur rivalité avec les Etats-Unis, ses rivaux continueront à placer leurs capitaux dans l’économie la plus stable qui existe, puisque ce pays, dans le futur prévisible, restera, militairement et économiquement, le pays le plus fort du monde.
Pas une seule semaine ne se
passe sans l’annonce d’un nouveau mauvais coup porté à la classe ouvrière.
Ainsi, depuis la "rentrée" de septembre, les prolétaires ont appris
qu’ils allaient subir notamment :
Ces attaques viennent se cumuler aux divers et nombreux plans de licenciements, aux délocalisations, à l’allongement du temps de travail, à la remise en cause de la protection sociale (retraites, santé), aux attaques sur les salaires, à la précarisation accélérée de l’emploi, à la détérioration des conditions de vie et de travail des prolétaires. Tous les ouvriers, qu’ils soient au travail ou réduits au chômage, qu’ils soient actifs ou retraités, qu’ils travaillent dans le secteur privé ou dans le secteur public, y sont désormais en permanence confrontés.
Ce n’est pas seulement en France qu’une telle accélération d’attaques de la
même envergure se produit. Chaque bourgeoisie nationale adopte les mêmes
mesures dans tous les pays.
En Italie, après des mesures similaires à la France contre les retraites et une
vague de licenciements dans les usines Fiat, ce sont 3700 suppressions
d’emplois (plus d’un sixième des effectifs) qui viennent d’être décidées au
sein de la compagnie aérienne Alitalia, tandis qu’un vaste plan de
restructuration des chantiers navals va supprimer des milliers d’emplois en
Espagne.
En Allemagne, le gouvernement socialiste et vert de Schröder dans un programme
d’austérité baptisé "Agenda 2010" a commencé à mettre en application
à la fois une baisse du remboursement des soins, le flicage des arrêts de
travail, une hausse des cotisations maladie pour tous les salariés. Il projette
d’augmenter les cotisations pour la retraite comme de relever le seuil du
départ à la retraite qui est déjà de 65 ans. Siemens, avec l’accord du syndicat
IG-Metall sous menace de délocalisation en Hongrie, fait travailler les
ouvriers de 40 à 48 heures au lieu de 35 auparavant sans compensation
salariale. D’autres grandes entreprises viennent de négocier des accords
similaires : la Deutsche Bahn (chemins de fer allemands), Bosch,
Thyssen-Krupp, Continental ainsi que toute l’industrie automobile (BMW, Opel,
Volkswagen, Mercedes-Daimler-Chrysler). On retrouve cette même politique aux
Pays-Bas, Etat pourtant réputé pour avoir développé depuis longtemps le travail
à temps partiel. Le ministre hollandais de l’économie a annoncé que le retour
aux 40 heures (sans paiement compensatoire) était un bon moyen pour relancer
l’économie nationale.
Le "plan Hartz IV" dont la mise en application est prévue début 2005
en Allemagne montre le chemin dans lequel toutes les bourgeoisies, à commencer
par celles en Europe, se sont engagées : il s’agit de réduire la durée et
le montant des indemnités des chômeurs et aussi d’en durcir les conditions
d’attribution, avec notamment l’obligation d’accepter une offre d’emploi
nettement moins rémunérée que l’emploi perdu.
Ces attaques ne sont pas limitées au continent européen mais s’exercent
simultanément au niveau mondial. Ainsi aux Etats-Unis, où le chômage regagne
des taux records (on évoque comme en Europe une "croissance sans
emplois"), près de 36 millions de personnes (12,5 % de la population)
vivent sous le seuil de pauvreté dont 1,3 million ont plongé dans la précarité
au cours de l’année 2003, alors que 45 millions de personnes sont privés de
toute couverture sociale. En Israël, les municipalités sont en situation de
faillite et les employés municipaux ne touchent plus leur salaire depuis
plusieurs mois. Sans parler des conditions d’exploitation épouvantables
auxquelles sont réduits les ouvriers du tiers-monde, au sein de la concurrence
effrénée sur le marché mondial pour faire baisser le coût de la force de
travail.
Quels sont les discours que nous tient la bourgeoisie face à cette
situation ? La gauche et les syndicats, tout comme les altermondialistes,
sont les premiers à nous livrer une série de fausses réponses.
Selon la gauche, les syndicats et les organisations gauchistes, la
responsabilité des attaques reposerait sur la "politique de droite"
d’un gouvernement entièrement assujetti aux intérêts du grand patronat, adepte
d’un "libéralisme économique" débridé qui favoriserait les riches et
pressurerait les pauvres, qui chercherait à lever les barrières étatiques à la
déréglementation sociale. En France comme ailleurs, tous les gouvernements
mènent depuis les années 1970 la même politique, et notamment en taillant
massivement dans les prestations sociales. On voudrait nous faire oublier que
les partis de gauche quand ils étaient au pouvoir soit ont pris des mesures du
même ordre (du forfait hospitalier institué par le ministre communiste Ralite
aux réductions des indemnisations du chômage), soit ont préparé le terrain aux
attaques actuelles. Qu’on se souvienne du livre blanc de Rocard sur les
retraites, du déremboursement des médicaments et des suppressions de lits
d’hôpitaux sous Jospin sans oublier les lois Aubry sur les 35 heures qui ont
permis aux entreprises d’annualiser le temps de travail, d’introduire la
flexibilité, d’augmenter leur productivité et de baisser les salaires par la suppression
des heures supplémentaires[1] [479].
On nous dit aussi que c’est la faute à l’Europe qui ne garantirait pas assez de
droits sociaux. On agite la relance du débat qui divise la bourgeoisie
elle-même sur le nouveau traité européen et le projet de Constitution
européenne. On utilise le battage autour des délocalisations notamment en
Europe de l’Est de certaines entreprises pour tenter d’inoculer le poison
nationaliste dans les rangs ouvriers, rappelant le "vivre, produire et
travailler au pays" de la CGT dans les années 1970/80. La bourgeoisie
cherche ainsi à opposer les ouvriers des pays européens les plus développés aux
ouvriers de la périphérie du capitalisme.
On nous raconte aussi que ces attaques sont la faute à la mondialisation. La
nébuleuse de l’altermondialisme, mise en avant et subventionnée par la
bourgeoisie, où chacun peut fourguer n’importe quelle camelote idéologique sert
surtout à relancer les mêmes illusions sur la possibilité de réformer le
capitalisme et faire croire qu’une autre gestion du système serait possible
(taxer les capitaux, promouvoir une économie solidaire, etc.). Tout ce barouf
ne vise qu’à camoufler l’impasse que représente le capitalisme pour l’humanité.
Les ouvriers ne doivent pas se laisser piéger ni berner par ces discours
mensongers. Car le seul objectif de ce battage est d’agiter un rideau de fumée,
de répandre des campagnes d’intoxication idéologique pour tenter d’empêcher la
classe ouvrière de prendre conscience d’une part de l’existence réelle et de
l’impasse actuelle d’une crise économique mondiale, d’autre part, de la
faillite globale et ouverte du système capitaliste que révèle cette
accélération de la crise et ses manifestations.
Si la classe ouvrière se paupérise de plus en plus, si une partie de plus en
plus large du prolétariat s’enfonce dans la misère, si la bourgeoisie est de
plus en plus incapable d’intégrer les nouvelles générations ouvrières dans une
activité salariée (selon le BIT un chômeur sur 2 a moins de 24 ans dans le
monde), si prolifèrent les bidonvilles où s’entassent des masses toujours plus
nombreuses de miséreux en quête de travail aux portes de toutes les mégapoles
de la planète, si la classe ouvrière subit une accélération sans précédent
depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale de la dégradation de ses conditions
d’existence, ce sont les symptômes les plus révélateurs de l’incapacité de ce
système à prendre en charge et à assurer un avenir pour l’humanité.
Dans sa logique d’exploitation capitaliste, la bourgeoisie voit sa marge de
manoeuvre réduite au point qu’elle n’a d’autre choix que d’attaquer toujours
plus violemment et frontalement le niveau de vie de la classe ouvrière dans son
ensemble. La plupart de ces attaques sont présentées comme des "réformes"
indispensables dans le seul but de faire accepter aux prolétaires les
"sacrifices". Contrairement au 19e siècle où, dans le contexte
historique d’un capitalisme encore en pleine expansion, les réformes
entreprises par la bourgeoisie allaient dans le sens d’une amélioration des
conditions de vie de la classe ouvrière, le capitalisme aujourd’hui ne peut
plus être réformé. Il ne peut plus rien offrir aux ouvriers qu’une misère et
une paupérisation croissantes. Toutes ces pseudo-réformes ne sont plus le signe
d’un capitalisme encore en pleine prospérité, mais au contraire de sa faillite
irrémédiable.
L’Etat capitaliste et chaque bourgeoisie nationale prétendent qu’ils oeuvrent,
à travers ces prétendues "réformes", d’abord au nom de la défense de
l’intérêt général, pour le bien de la collectivité ; ensuite qu’ils
agissent ainsi pour préserver l’avenir de nos enfants et des générations
futures. La bourgeoisie veut faire croire qu’elle cherche à sauver l’emploi,
les caisses d’assurance chômage et d’assurance-maladie, les retraites, alors
qu’elle est en train de démanteler significativement toute protection sociale
de la classe ouvrière. Pour inviter les ouvriers à accepter les sacrifices,
elle prétend que ces "réformes" sont indispensables au nom de la "solidarité
citoyenne", pour instaurer plus de justice et d’égalité sociales, contre
la défense de mesquins intérêts corporatistes, contre les égoïsmes et les
privilèges. Quand la classe dominante parle d’égalité plus grande, c’est en
réalité le nivellement par le bas des conditions de vie de la classe ouvrière
qu’elle cherche à nous imposer.
Elle raconte que de tels "sacrifices" sont nécessaires au nom du
"sens des responsabilités" que chaque "citoyen" devrait
manifester envers la "collectivité". Non seulement la bourgeoisie
tente de culpabiliser les prolétaires, en cherchant à désigner chaque
"citoyen" ou une catégorie sociale particulière comme ayant sa part
de responsabilité dans les difficultés économiques de l’Etat national, mais
elle utilise en même temps l’intimidation, le chantage permanent. En cherchant
à nous persuader que si on n’accepte pas aujourd’hui de ses "serrer les
coudes" autour des "réformes" du gouvernement et de se serrer la
ceinture, nous allons tout droit vers une catastrophe future et la situation
sera encore pire demain pour les prolétaires. Rien n’est plus faux !
D’abord, cette catastrophe économique n’est pas une perspective lointaine. Elle
est déjà présente, et c’est justement parce que le capitalisme est aujourd’hui
en faillite que la classe dominante ne cesse d’asséner ses attaques contre
toute la classe ouvrière dans tous les pays. C’est justement cette catastrophe
présente qui pousse la bourgeoisie à démanteler l’Etat-providence à travers ses
"réformes".
Ensuite, ce n’est certainement pas en acceptant les sacrifices d’aujourd’hui
que la classe ouvrière va pouvoir préserver l’avenir et s’éviter une
dégradation future de ses conditions de vie. Bien au contraire ! Plus les
ouvriers acceptent de courber l’échine et de se soumettre à la logique du
capitalisme en crise, plus la bourgeoisie aura les mains libres pour leur
imposer de nouvelles attaques encore plus dures.
La classe ouvrière ne doit pas se laisser intimider ni culpabiliser par les
appels de la classe dominante au "sens des responsabilités
citoyennes". La seule responsabilité qui incombe à la classe ouvrière,
c’est de refuser de resserrer les rangs derrière ses exploiteurs, de refuser
les "sacrifices" qu’ils lui demandent. Sa seule responsabilité, c’est
de se battre pour la défense de ses conditions de vie.
La seule solidarité dont elle doit faire preuve, ce n’est pas la solidarité
"citoyenne" derrière l’Etat bourgeois, mais sa propre solidarité de
classe exploitée contre les prétendues "réformes" de la classe
exploiteuse. C’est seulement dans le développement de leurs luttes de
résistance aux attaques capitalistes que les prolétaires pourront développer
cette solidarité de classe et unir leurs forces par-delà les secteurs, par-delà
les frontières.
Face à la faillite du capitalisme, la classe ouvrière n’a pas d’autre choix que
de développer ses luttes. Pour cela, elle doit surmonter le sentiment
d’impuissance que la bourgeoisie essaie d’inoculer dans ses rangs, en
exploitant au maximum ses défaites passées (comme celle du mouvement du
printemps 2003 en France) pour démoraliser les prolétaires et leur faire croire
que la lutte ne paie pas et ne sert à rien.
Et pour pouvoir se battre efficacement, développer et unifier ses luttes sur
son propre terrain, la classe ouvrière doit éviter de tomber dans les pièges
mis en avant par les partis de gauche, les syndicats et les gauchistes. Elle
doit refuser leurs mots d’ordre gestionnaires et réformistes "Sauvons
la Sécu !" (ou encore "Défendons le service public contre
les privatisations !"). Ce terrain c’est celui de la gestion du
capital, ce n’est pas celui de la lutte ouvrière. La défense de la
"Sécu" en tant qu’institution de l’Etat bourgeois (voir RI n° 348) n’est pas le problème de la
classe ouvrière pas plus qu’elle ne doit participer à trouver des
"solutions" pour "combler le trou de la Sécu". Ce qui
importe à la classe exploitée, c’est de se battre pour exiger le remboursement
des soins médicaux, c’est de lutter pour défendre ses conditions de vie. Ses intérêts
sont non seulement distincts mais totalement antagoniques à ceux de la
bourgeoisie. Elle n’a pas la moindre unité ou la moindre solidarité nationale à
partager avec ses exploiteurs ni avec tous les gestionnaires du capital.
La classe ouvrière doit comprendre que ce système pourrissant ne peut être
réformé et qu’elle est la seule force sociale capable, par le développement
international de ses luttes, de sauver l’humanité de la catastrophe en
renversant le capitalisme.
[1] [480] Voir l’article supplément emploi dans Libération du 20 septembre "Mon boss aime les 35 heures" sous-titré "Le MEDEF fustige la RTT mais la plupart des patrons des grandes entreprises s’en sont fort bien accommodés. Et ne veulent plus y toucher.
Confrontée à la revendication d'indépendance de
la Tchétchénie à la suite de l'effondrement de
l'URSS, la Russie a répondu par une offensive meurtrière
dans laquelle au moins 100 000 personnes ont trouvé la mort.
En 1999, après une accalmie du conflit, Poutine a relancé
son offensive à un niveau encore plus barbare, rasant littéralement
la capitale tchétchène de Grozny. Le prétexte de
cette nouvelle offensive était les explosions d'immeubles à
Moscou et Volgodonsk au cours desquelles 300 personnes furent tuées.
Bien que les terroristes tchétchènes furent tenus pour
responsables, il y a de fortes raisons de penser que c'était
le travail des services secrets russes. Depuis, la Russie a maintenu
une intransigeance totale face aux revendications d'indépendance
de la Tchétchénie. En effet, la perte de celle-ci constituerait
un coup énorme aux intérêts impérialistes
russes. D'abord à cause de la position stratégique de
la Tchétchénie vis à vis des champs de pétrole
et des pipes-lines du Caucase; mais plus encore à cause du danger
que comporte la sécession de la Tchétchénie pour
la Fédération de Russie ; cela donnerait le signal
d'un éclatement de celle-ci, et la Russie y perdrait ses dernières
prétentions à jouer un rôle sur l'arène mondiale.
Il n'y a pas de limite aux crimes commis par l'armée russe dans
le Caucase. Un certain nombre d'organisations "humanitaires"
a fourni beaucoup de documentation à ce sujet. Par exemple, l'organisation
Human Watch parle de l'incapacité de Poutine "à établir
un moyen significatif de poursuivre les responsables des crimes commis
par les sodats et les forces de police russes… les disparitions
forcées, les exécutions sommaires et les tortures ont
énormément sapé la confiance vis à vis des
institutions de l'Etat russe dans la population tchétchène
ordinaire" (cité dans The Guardian, septembre 2004).
Ces ravages sont tout-à-fait équivalents à ceux
perpétrés par les tyrans "officiels" tels que
Saddam Hussein ou Milosevic. Pourtant pendant toutes ces années
de misère dans le Caucase, les leaders de "la démocratie
occidentale", les avocats de "l'intervention humanitaire"
au Kosovo ou en Irak, ont soutenu Poutine à fond. Blair l'a même
invité à prendre le thé avec la reine. C'est parce
que derrière toute leur rhétorique "morale",
Bush, Blair et les autres ne sont intéressés que par les
besoins impérialistes des Etats capitalistes qu'ils représentent.
Aujourd'hui, ces besoins requièrent que l'unité nationale
de la Russie soit préservée - même si elle est un
rival sous bien des rapports comme l'a montré son opposition
à la guerre en Irak - et qu'elle ne s'effondre pas dans
le chaos. La Russie est une grande réserve d'armes nucléaires
et un des principaux producteurs d'énergie au niveau mondial.
Si la Fédération de Russie volait en éclats, comme
l'ancienne URSS, les conséquences seraient trop dangereuses pour
la bourgeoisie occidentale. Cela ne veut pas dire que demain (ou dans
certains cas, aujourd'hui déjà), les grandes puissances
ne chercheront pas à tirer profit des difficultés intérieures
de la Russie pour pousser leurs propres pions dans la région.
Mais pour le moment, elles ont toutes - y compris les principaux rivaux
des Etats-Unis, la France et l'Allemagne - montré beaucoup de
prudence vis-à-vis de la question russe. Le président
Chirac en France et le chancelier Schröder en Allemagne ont récemment
rendu visite à Poutine, lui ont apporté leur total soutien
pour sa politique en Tchétchénie et ont soutenu l'élection
totalement frauduleuse du nouveau président tchétchène
pro-russe Alu Alkharov qui succède à son prédécesseur
assassiné Kradryov.
Ca convient aux Etats-Unis et à la Russie de proclamer qu'ils
"combattent le terrorisme". En fermant les yeux sur l'occupation
militaire barbare de la Tchétchénie par la Russie et sur
le soutien de cette dernière à des petits chefs de guerre
locaux ailleurs dans le Caucase, Washington reçoit en échange
un certain acquiescement de la Russie envers sa politique au Moyen-Orient
et ailleurs.
Comme c'est la barbarie de l'Etat russe en Tchétchénie
qui a engendré la barbarie des gangs terroristes, il y a des
critiques envers les excès de l'Etat russe qui nous demandent
de "comprendre" les actions des terroristes, tout comme ils
nous demandent de "comprendre" les actions suicide organisées
par le Hamas et des groupes similaires en Palestine, ou même de
"comprendre" les attaques d'Al Qaida le 11 septembre. Et en
effet, nous "comprenons" que ceux dont les familles ont été
massacrées et violées par les troupes russes, ou bombardées
par les avions et les tanks israéliens ou américains,
soient entraînés dans des actes violents de désespoir,
de revanche et de suicide. Mais nous pouvons tout autant "comprendre"
que des conscrits russes terrifiés soient poussés à
des actes d'une brutalité folle contre la population civile en
Tchétchénie. Cette "compréhension" ne
nous amène ni à soutenir l'armée russe, ni à
soutenir les nationalistes et leurs chefs fondamentalistes en attente
du pouvoir qui exploitent le désespoir des pauvres et des opprimés
et les poussent à mener des attaques terroristes contre les pauvres
et les opprimés des autres nations. Face au choix entre la terreur
de l'Etat russe et le terrorisme tchétchène, entre l'armée
d'occupation israélienne et le Hamas, entre les Etats-Unis et
Al Qaida, nous disons : assez de faux choix ! Nous ne nous
ferons pas avoir à soutenir une fraction du capitalisme contre
une autre, à rechercher le "moindre mal" dans aucune
des guerres impérialistes qui ravagent la planète aujourd'hui.
Nous comprenons les racines de la haine nationale et raciale, et c'est
pourquoi nous nous opposons à toutes ses formes d'expression.
Le nationalisme fanatique des preneurs d'otages à Beslan les
a conduits à considérer leurs victimes comme moins qu'humains ;
et maintenant, un puissant sentiment de revanche contre leurs actes
inhumains enfle non seulement en Ossétie mais dans toute la Russie.
L'Etat russe utilisera ces sentiments pour justifier de nouveaux actes
d'agression en Tchétchénie et ailleurs : déjà
ses chefs militaires ont menacé de porter "des attaques
préventives" n'importe où dans le monde. Cela donnera
lieu à de nouvelles représailles terroristes et la spirale
infernale de la mort se poursuivra, comme en Israël, en Palestine
et en Irak.
Contre les divisions nationales et religieuses quelles qu'elles soient,
nous défendons la solidarité des exploités sans
considération de race, de nationalité ou de religion.
Contre tous les appels à la solidarité avec "notre"
Etat ou "nos" représentants nationaux, nous défendons
la solidarité de classe du prolétariat dans tous les pays.
Cette solidarité, cette unité de tous les exploités
ne peut se forger que dans la lutte contre l'exploitation. Elle n'a
rien en commun avec les appels à la charité, avec l'illusion
que la solidarité se réduit à l'envoi d'argent
ou de couvertures aux victimes de la guerre et de la terreur. Les guerres
et les massacres qui s'étendent sur toute la planète sont
le produit de la société capitaliste décadente
dans sa phase terminale ; on ne peut s'y opposer et les combattre
que par la lutte commune pour une nouvelle société où
la solidarité humaine sera la seule loi.
L'une des mères éplorées de Beslan disait que l'inhumanité
du siège lui avait fait penser que c'était "le début
de la fin du monde". La disparition de toute décence humaine,
des liens sociaux les plus basiques que montre le massacre d'enfants,
nous montre vraiment que le monde capitaliste arrive à sa fin,
d'une façon ou d'une autre. Une façon, c'est la voie capitaliste
qui mène à l'extermination de l'humanité ;
l'autre, c'est la voie prolétarienne qui mène au renversement
révolutionnaire du capitalisme et à la construction d'une
société communiste sans classes ni exploitation, sans
Etats, sans frontières et sans guerres.
Les fonctionnaires
argentins qui travaillent pour l’Etat national, provincial, municipal, ceux qui
sont détachés dans l’Antarctique, qu’ils soient décentralisés ou dans les
entreprises de l’Etat, sont divisés, d’une part du fait de la séparation
artificielle qu’a imposé la constitution de l’Etat bourgeois en 1853 et ses
réformes successives, mais d’autre part à cause des agissements de ces
appareils de l’Etat au service du capital que sont les syndicats.
Les fonctionnaires se retrouvent donc affiliés à toute une myriade
d’organisations syndicales, générées par cette division artificielle de l’Etat
bourgeois et par l’appareil de domination bourgeoise que sont les syndicats,
une division institutionnalisée par la législation capitaliste elle-même, comme
la loi sur les associations professionnelles, les statuts, etc.
Les gouvernements capitalistes successifs ont pu prendre des mesures à
l’encontre des fonctionnaires par le biais des soi-disant "réformes de
l’Etat" et des politiques de privatisation qui ont entraîné le
licenciement sec de milliers de travailleurs ou de façon plus masquée par les
"départs volontaires à la retraite anticipée". Au tout début des
politiques dites de "réformes de l’Etat", on a vu à partir de 1991 le
gel des salaires de la totalité des fonctionnaires dans le cadre national,
provincial, municipal et autres.
Il faut souligner que les effets de l’inflation se sont faits durement sentir,
y compris au cours de la période de la convertibilité du peso argentin par
rapport au dollar jusqu’en 2001 : les travailleurs ont eu à supporter des
augmentations du prix des produits de base allant jusqu’à 60% et depuis l’échec
de la politique économique mise en place par Carlos Menem, le pouvoir d’achat
des travailleurs a diminué de 30% à 50%, selon que l’on compte en dollars ou en
pesos.
C’est ainsi que, pendant toute cette période couvrant presque 14 ans, les
fonctionnaires n’ont pratiquement pas protesté, malgré leurs salaires de
misère, à l’exception des provinces ou des quelques municipalités qui se sont
mobilisées parce que leur salaire n’était carrément pas payé et cela sous
l’oeil vigilant des syndicats.
Mais, face à la chute brutale des salaires des fonctionnaires, exclus des
augmentations de 250 dollars, dites "d’urgence", accordées par le
gouvernement dans le secteur privé, et face au silence syndical, les
travailleurs ont rompu les amarres avec le syndicalisme. En mars 2004, ils ont
commencé, sous l’œil consterné des syndicats, à se réunir spontanément en
assemblées générales, où se posait la question de la participation de tous les
travailleurs sans distinction de syndicat, sans que le fait d’être affilié à
telle ou telle institution ait une importance, ni d’être titularisé ou
contractuel, et c’est là qu’on a commencé à débattre sur la question des
salaires et sur la nécessité de lutter jusqu’à l’obtention des 250 dollars.
Face à cette situation, la réaction des grands syndicats de fonctionnaires de
la ville de Buenos-Aires a été de deux sortes, avec deux méthodes différentes,
mais pour atteindre le même but : épuiser l’énergie ouvrière, dévoyer et
détruire la lutte des travailleurs. Une des tactiques adoptée, en l’occurrence
par le SUTECBA[1] [481], a été de faire peur aux
ouvriers : perte des heures supplémentaires et des primes plus la perte de
leur poste de travail. L’autre syndicat, ATE[2] [482], a
adopté la tactique de monter au créneau en proposant des moyens d’action tout
simplement stériles : nombreux soutiens et saluts à la lutte, marches,
grèves de 24, 48 et 72 heures, tout cela pour isoler les travailleurs de leurs
camarades de lutte des autres établissements, vieille tactique des syndicats.
Mais la poursuite de la lutte et de l’action des travailleurs ont fait que
l’ATE a fini par abandonner son "plan de lutte" sans même l’avoir mis
en œuvre.
C’est en prenant conscience que les syndicats sont contre la classe ouvrière
que les travailleurs des hôpitaux ont commencé à se réunir sur leurs lieux de
travail, et ont tenté de généraliser les moyens d’action vers les autres
hôpitaux, à tenir des assemblées générales unifiées de tous les hôpitaux, avec
des revendications telles que "augmentation immédiate de
salaire !" ou "Pas d’ATE ni de SUTECBA !".
Quelques agents hospitaliers ont mis en avant la revendication de lutter pour
une augmentation de salaire, en se posant en dehors des syndicats, n’acceptant
ni leurs bravades menaçantes, ni leurs fausses "directives
combatives", allant même jusqu’à empêcher la prise de parole aux
dirigeants syndicaux qui tentaient soit de boycotter la lutte, soit de la dévoyer
vers des actions symboliques. Ils ne sont pas restés isolés sur leur lieu de
travail, ils ont essayé d’unifier tous les travailleurs et d’étendre la lutte à
toute la fonction publique, dans la mesure de leurs possibilités.
La preuve, les assemblées générales qui surgissaient spontanément comme des
champignons partout, dans tous les secteurs, qui intégraient de nouveaux
travailleurs qui venaient y participer tous les jours et qui, partant de la
revendication sur l’augmentation des salaires, en arrivaient à rejeter les
plans du gouvernement, concluant qu’il n’y a pas de solution dans le système
capitaliste. C’est ce qui est arrivé dans différents hôpitaux et qui a marqué
un jalon chez les travailleurs municipaux, historiquement éloignés des luttes
ouvrières car subissant eux-mêmes l’illusion de faire partie d’une
"aristocratie ouvrière". On peut dire aujourd’hui que ce mythe erroné
s’est brisé pour toujours, que quelque chose a changé et les luttes à venir en
apporteront la preuve.
Ces assemblées mandataient des délégués pour les représenter dans les
assemblées ou les réunions inter-hospitalières, qui n’étaient pas fermées,
mais, au contraire, étaient ouvertes et où participaient tous les camarades,
ayant tous la possibilité de prendre la parole et de participer aux décisions.
Face à la pression des divers courants politico-syndicaux, ils décidèrent
qu’aucun représentant ou délégué ne négocierait au nom des travailleurs et que
tout accord serait approuvé par l’ensemble des travailleurs.
Voyant la tournure que prenait la lutte des ouvriers municipaux de la santé de
la capitale fédérale, et devant le risque d’extension non seulement aux
travailleurs municipaux, mais aussi aux provinciaux et aux nationaux, les
syndicats (particulièrement l’ATE) ont mis un arrêt à leur coup de force, mais
la SUTECBA a utilisé tout son arsenal pour intimider les travailleurs, les
tromper avec de prétendues augmentations de salaires que 80 % des municipaux
n’ont jamais touché, afin de freiner la lutte.
Cette tactique, jointe aux menaces de sanctions disciplinaires et économiques,
a favorisé l’arrêt de la lutte des travailleurs de la santé.
Les travailleurs doivent garder clairement en tête qu’un pas en avant a été fait, ce qui s’est concrétisé dans les mots d’ordre :
S’il est vrai que nous n’avons pas obtenu d’augmentation salariale, nous avons
cependant entamé une nouvelle pratique dans la lutte, en mettant en avant
l’unité de la classe et en nous donnant les instruments de cette lutte, les
assemblées.
Nous n’avons pas été des centaines de milliers en lutte, quelques milliers
seulement, mais ce qui a été important c’est que nous avons pu vivre une
expérience, vérifier que la classe ouvrière est une seule classe, qu’il n’y a
pas de différence entre les travailleurs qui sont dans les filets d’un syndicat
et ceux qui ne le sont pas, entre les CDI et les CDD, nous sommes tous des
travailleurs, nous avons tous les mêmes besoins et le même ennemi, l’Etat
bourgeois et ses syndicats.
Mais le plus important, à côté de cette unité et des organes de lutte qu’on
s’est donnés, est que la majorité des travailleurs ne s’est pas laissée séduire
par les chants de sirène des gauchistes avec leurs nouvelles propositions de
listes et de regroupements "de classe", avec leurs nouveaux labels
syndicaux. Au contraire, notre expérience pratique dans le feu de la lutte de
classe, nous a montré que, quelle que soit la forme adoptée par les syndicats,
qu’elle soit bureaucratique ou " de classe", ces organes sont
irrécupérables pour les luttes ouvrières, et quelle que soit leur bonne foi,
ils seront toujours absorbés par l’Etat capitaliste en devenant un appareil au
service de ce système en décomposition.
Cette lutte inédite chez les travailleurs hospitaliers, qui pour beaucoup
n’a pas l’importance qu’elle mérite, a été un moment très fort, surtout grâce à
l’expérience de la généralisation des assemblées de base comme outil, avec
l’élection de délégués mandatés et tournants.
Toutes les luttes sans exception, quand elles sont menées par les syndicats,
aboutissent à une défaite catastrophique pour les travailleurs. Pour cette raison,
face aux actions de la classe ouvrière en dehors des syndicats, avec des
décisions prises en assemblées générales et tendant à généraliser le plus
possible les luttes à l’ensemble de la classe ouvrière, la bourgeoisie, les
syndicats, les patrons (privés ou d’Etat) s’agitent et ont recours à tous les
moyens possibles à leur portée pour défaire le mouvement.
Nous devons en tant que travailleurs nous auto-organiser en marge des
syndicats, créer nos propres outils de lutte et généraliser la lutte le plus possible
à l’ensemble de la classe ouvrière. Nous avons emprunter ce chemin, nous ne
sommes pas allés au bout, mais les riches leçons de cette lutte constituent une
grande expérience pour les luttes futures des travailleurs : nous ne
devons avoir confiance que dans les forces de notre classe et non dans celles
de nos ennemis ou de nos faux amis.
Le texte que nous publions ci-dessus a été écrit par les camarades du Noyau Communiste International (NCI) d’Argentine qui ont élaboré des positions programmatiques très proches des positions du CCI et développent actuellement des discussions avec notre organisation et avec l’ensemble de la Gauche communiste dans une perspective militante et internationaliste.
L’intérêt de ce texte est double : d’une part, il témoigne d’une lutte
combative et riche en expériences des agents hospitaliers de Buenos Aires. Par
ailleurs, c’est une prise de position qui défend l’unité de la classe ouvrière
("la classe ouvrière est une, il n’y a pas de différence entre les
travailleurs qui sont dans les filets d’un syndicat et ceux qui ne le sont pas,
entre les CDI et les CDD, nous sommes tous des travailleurs, nous avons tous
les mêmes besoins et le même ennemi, l’Etat bourgeois et ses syndicats"),
qui soutient ses méthodes de lutte et dénonce clairement les syndicats. La fin
du texte est particulièrement éloquente : "les travailleurs
doivent s’auto-organiser en dehors des syndicats, créer nos propres outils de
lutte et étendre la lutte le plus possible à l’ensemble de la classe ouvrière.
Nous avons emprunté ce chemin, nous n’avons pas pu aller au bout, mais les
riches leçons de cette lutte constituent une grande expérience pour les luttes
futures, nous ne devons avoir confiance que dans les forces de notre classe et
non dans celles de nos ennemis ou de nos faux amis".
Nous avons combattu, et les camarades du NCI ont activement participé à ce
combat, l’erreur qui consistait à voir dans les révoltes de décembre 2001 en
Argentine un "mouvement ouvrier" alors qu’il s’agissait clairement
d’une révolte interclassiste sans perspectives[3] [483]. Nous
avons essuyé à cause de cela de nombreuses critiques des autres groupes
révolutionnaires qui nous dépeignaient comme étant des "défaitistes"
et nous accusaient de "mépriser les luttes ouvrières réelles".
A cela nous avons répondu qu’il est absurde de s’accrocher à une chimère et de
voir des géants là où il y a seulement des moulins à vent et nous avons précisé
que nous étions confiants dans les capacités du prolétariat argentin[4] [484].
Aujourd’hui, cette petite expérience de la lutte des agents hospitaliers vient
confirmer cette hypothèse. Ce n’est pas tant une lutte spectaculaire et
décisive qu’une preuve montrant comment le prolétariat argentin participe aux
mêmes tendances qui mûrissent aujourd’hui, de façon très lente et
contradictoire, au sein du prolétariat mondial.
Dans ce sens, nous souhaitons préciser un aspect du texte des camarades. Dans
certains passages, ils disent que "les travailleurs ont rompu les amarres
avec le syndicalisme" et qu’ils étaient conscients que les syndicats sont
contre la classe ouvrière et que "la majorité des travailleurs ne s’est
pas laissée séduire par les chants de sirène des gauchistes avec leurs nouvelles
propositions de listes et de regroupements "de classe", avec leurs
nouveaux labels syndicaux". Il existe effectivement une tendance au sein
de la classe ouvrière internationale à se méfier des syndicats et à s’affronter
à leurs manœuvres, toutefois, nous ne croyons pas que cela soit généralisé au
prolétariat mondial ou à leurs frères en Argentine. Le prolétariat doit encore
parcourir un chemin long et difficile pour avoir de nouveau confiance en lui,
récupérer son identité de classe et comprendre que les syndicats sont ses
ennemis et que les multiples variantes du syndicalisme font partie intégrante
de l’Etat bourgeois.
Nous devons faire un effort pour comprendre le rapport de forces global et
historique dans lequel s’inscrit chaque bataille partielle que livre le
prolétariat. Qu’une petite minorité de travailleurs commence à comprendre les
questions énoncées ci-dessus est une chose, autre chose bien différente est que
cette conscience se généralise de façon irréversible à de larges secteurs
ouvriers.
Pour nous, en fonction d’une analyse dynamique de la situation actuelle de la
lutte de classes, il est très important qu’une minorité de camarades tire les
leçons et les aient publiées pour qu’elles puissent s’inscrire dans les efforts
de lutte et la prise de conscience qui, de façon encore très contradictoire,
difficile et minoritaire, mûrissent dans le prolétariat mondial. C’est ce qui
aidera à modifier le rapport de force avec la bourgeoisie en faveur du
prolétariat.
[1] [485] SUTECBA : Syndicat unique des travailleurs et employés municipaux
de la ville de Buenos-Aires, affilié à la Confédération générale du travail.
[2] [486] ATE : Association des travailleurs de l’Etat, affiliée à la
centrale des travailleurs argentins CTA.
[3] [487] Voir Revue internationale n°
109, 2e trimestre 2002.
[4] [488] Voir Revue internationale N°
117, 2e trimestre 2004.
La prise d’otages est devenue une pratique guerrière courante, presque journalière. En Tchétchénie, au Moyen-Orient, en Irak, en Afrique, partout où les conflits impérialistes sont ouvertement à l’œuvre, des êtres humains sont pris en otage, décapités, massacrés, tout en étant filmés par les médias aux ordres de la bourgeoisie. Le capitalisme est né dans la boue et le sang, mais si le prolétariat le laisse faire, il nous entraînera dans une marée de souffrance et de destruction.
Il y a maintenant un mois, deux journalistes français, Christian Chesnot et Georges Malbrunot ont été enlevés en Irak. Ce ne sont pas les premiers français pris en otage de part le monde au cours des dernières années. Malgré une présence militaire forte et active, des journalistes avaient déjà été enlevés en Côte-d’Ivoire, comme d’ailleurs un journaliste de Canal Plus, Jordanov, qui avait été détenu pendant quatre jours par une faction islamiste en Irak au printemps dernier. Jamais la bourgeoisie française n’avait jusqu’à présent mené de campagne idéologique en faveur de la libération d’otages avec une telle ampleur, avec une publicité médiatique aussi grande. La classe ouvrière ne doit pas se faire d’illusions, l’Etat français se moque totalement de la vie de ces deux journalistes. Le capitalisme a toujours eu un mépris total pour la vie humaine et ce n’est pas dans la période de décomposition de son système que cela risque de changer. Il suffit de se rappeler le rôle cynique et barbare joué par la France dans le génocide de près d’un million de personnes au Rwanda en 1994 pour s’en convaincre totalement, si cela était encore nécessaire. Tous les efforts diplomatiques de l’impérialisme français dans tous les pays arabes et musulmans n’ont qu’un seul et véritable objectif : y renforcer autant que possible son influence. Un article de Courrier International du lundi 20 septembre commence ainsi : "Si les ravisseurs des deux journalistes français Christian Chenot et Georges Malbrunot avaient pu s’attendre à la vague de réprobation islamique que leur acte a soulevé, il est fort probable qu’ils auraient renoncé à cet enlèvement." En effet, à partir du moment où le rapt des deux journalistes a été officiellement connu, nous avons pu assister à une offensive diplomatique –avec sans aucun doute une composante secrète- conduite par les plus hauts responsables de l’Etat français dans l’ensemble des capitales arabo-musulmanes. Le résultat de cette offensive politique de la bourgeoisie française est que jamais la France n’aura été autant soutenue et n’aura fait l’objet d’une telle sollicitude des sociétés arabes et musulmanes. Aucun Etat, y compris ceux qui, tel l’Egypte, figurent depuis plusieurs dizaines d’années parmi les plus fidèles alliés des Etats-Unis, n’ont manqué à l’appel. Tous ont accueilli très chaleureusement les déclarations mettant en avant la politique de soutien au monde arabo-musulman de la part de l’impérialisme français. La position de la France sur la guerre en Irak n’est à cet égard qu’un aspect de sa politique impérialiste dans cette région du monde. Mais plus significatif encore de l’orientation pro-arabe et pro-musulmane de la politique impérialiste de la France est l’abondance des messages de sympathie et de soutien qu’aura reçu l’Etat français à cette occasion de la part des hauts dignitaires religieux et autres organisations terroristes armées : le cheikh Youssef Al-Qaradaoui (haut dignitaire sunnite) ; Mohamed Hussein Fadlallah (un des dirigeants du Hezbollah) ; le guide du mouvement des frères musulmans en Irak ; le Hamas ; l’organisation du Djihad islamique palestinien... Il est impossible de savoir qui est à l’origine de cette prise d’otages, comme il est délicat d’avancer avec certitude quelle est l’obédience du groupe terroriste qui, sur place a commis l’enlèvement. Combien de groupes totalement incontrôlés, prolifèrent dans le chaos irakien ? En tout état de cause, il semble bien que, pour le moment, la bourgeoisie française a profité au maximum de cette prise d’otages en travaillant à réactiver tous ses réseaux de contacts et de liens politiques dans cette partie du monde, en réaffirmant à cette occasion sa ligne politique en direction du monde arabe et musulman. Il est indéniable qu’à ce jour, l’impérialisme français vient de marquer des points non négligeables sur le terrain des affrontements inter-impérialistes.
Il est bien évident que les principaux concurrents de l’impérialisme
français et en premier lieu les Etats-Unis ne pouvaient pas rester
indifférents à cette offensive de la France. On ne peut
manquer de remarquer que l’Etat français, par l’entremise
de son chef de la diplomatie Michel Barnier ou de son ministre de l’intérieur
Dominique de Villepin, s'est montré dans un premier temps très
optimiste à propos de la libération des deux journalistes
français. Cet optimisme ne pouvait être dû qu’à
des renseignements fiables sur les résultats positifs de l’offensive
diplomatique menée sur la libération des otages. Et pourtant,
un mois après, leur libération n’est pas encore effective.
Si, comme tout le monde l’affirme, les otages sont retenus dans
la région de Fallouja, il est important de remarquer la simultanéité
de la campagne internationale pour la libération de ces deux
journalistes et l’offensive américaine d’envergure
sur Fallouja. Comme il est encore important de noter que, depuis lors,
des raids de l’aviation militaire sont sans cesse menés :
"L’armée américaine a affirmé ces
derniers jours avoir pris pour cible, à plusieurs reprises, des
repaires présumés du groupe de l’islamiste jordanien
Abou Moussad Al Zarkaoui, lié à Al-Qaida, à Fallouja,
faisant ainsi des dizaines de morts parmi la population civile."
(Courrier International du 20 septembre). Il est certain, que cette
nouvelle offensive armée américaine, tout particulièrement
centrée sur la région où sont retenus les otages
français n’est que la partie la plus visible de la réaction
américaine à l’offensive impérialiste de la
France, qui s’est elle-même développée à
peine cachée sous la bannière humanitaire de la libération
des deux journalistes. Ceci donne tout son sens au fait que le gouvernement
Chirac met en avant la poursuite des combats et des violences en Irak
pour expliquer la lenteur de la libération éventuelle
de ces deux journalistes français et de leur chauffeur syrien.
Les dignitaires religieux semblent tout particulièrement visés
depuis quelques temps : "Deux membres du comité
des oulémas sunnites ont été assassinés
lundi dans la capitale irakienne. Des hommes armés ont tué
le cheikh Mohamed Djadou lundi alors qu’il sortait d’une mosquée
à l’ouest de Bagdad. Quelques heures plus tôt, dimanche
soir, un autre dirigeant du comité des oulémas, Hazem
Al Zadi, a été tué à la sortie des prières
d’une mosquée de Sadr City, quartier chiite de la capitale
irakienne. Le comité des oulémas a dit craindre une "campagne
organisée" d’assassinats de ses dignitaires."(idem).
En retour, ces assassinats particulièrement ciblés sont
un facteur très important dans le mouvement de radicalisation
d’une partie de la population irakienne, notamment parmi sa frange
la plus croyante, plongeant un peu plus l’Irak dans un chaos total.
Dans ce contexte, quelles que soient les motivations réelles
du groupe terroriste qui détient les deux otages français
et le niveau d’influence que peuvent avoir sur lui les autorités
religieuses, il semble bien que les ravisseurs se retrouvent dans une
situation très périlleuse qui complique sérieusement
les modalités de libération des deux journalistes français.
Aussi bien les réactions d’ampleur et menaçantes
à cet enlèvement que les enjeux des tensions interimpérialistes,
impliquant directement la France et les Etats-Unis, placent ces preneurs
d’otages entre le marteau et l’enclume. De tous cotés,
la perspective à leur égard, pourrait être leur
écrasement dans le sang. Dans ce sens, le permis de tuer (par
une "fatwa") délivré par les plus hautes autorités
religieuses à ces ravisseurs est significatif du soutien global
du monde musulman à l’impérialisme français.
Le jeudi 16 septembre dernier, deux Américains et un Britannique,
ont été enlevés dans leur résidence d’un
quartier aisé de Bagdad, comme au même moment deux jeunes
femmes italiennes engagées dans des activités humanitaires
auprès d’ONG. Aucune des instances qui se sont mobilisées
pour soutenir la France dans l’affaire de ses otages, ne s’est
mobilisée à nouveau pour les otages américains.
C’est même le silence le plus total qui prévaut, signifiant
ainsi, de fait, l’aval donné par ces instances à
ces prises d’otages. Et l’assassinat barbare, filmé
sur Internet, de deux d’entre eux ne s’est pas fait attendre.
La prolétariat ne doit se faire aucune illusion. L’Irak
livré à la guerre permanente et à l’anarchie
la plus complète ne peut que sombrer encore plus dans le chaos.
Derrière la guerre civile en Irak et dans l’ensemble du
monde arabo-musulman, les grandes puissances impérialistes se
rendent coup pour coup. La prise des otages français quels qu’en
soient les initiateurs et leurs motivations, comme quelle qu’en
soit l’issue, n’aura constitué qu’un épisode
supplémentaire dans les affrontements impérialistes, et
notamment entre la France et les Etats-Unis. La vie des otages n’est
que le prétexte pour développer cet affrontement.
Certes, la France vient de marquer quelques points, mais ceci peut encore
évoluer selon le sort qui sera réservé aux otages.
Dans leur lutte acharnée, la France et les Etats-Unis ne manqueront
pas d’en faire l’usage le plus cynique.
La bourgeoisie française a déjà largement profité,
par exemple, du moins dans un premier temps, du battage médiatique
autour de cet événement. Une fois de plus, la barbarie
du capitalisme aura permis de recréer et de susciter un climat
d’union nationale, "d’union sacrée" entre
les exploiteurs et leurs exploités, auquel toutes les forces
de la bourgeoisie auront largement contribué, des trotskistes
au PCF, des pontes du PS en passant par l’ensemble des leaders
de la droite. La classe ouvrière n’a rien à gagner
mais tout à perdre en se laissant entraîner dans de telles
campagnes qui ne servent qu’à la détourner de son
terrain de lutte.
Comme à son habitude, la bourgeoisie a immédiatement déclenché
le battage médiatique suivant une mécanique idéologique
bien huilée. Une véritable pièce de théâtre !
Premier acte : le président du pays, Nicanor Duarte Frutos,
verse toutes les larmes de son corps et décrète trois
jours de deuil national. Quel cynisme ! Venir profiter de la mort
de prolétaires afin de donner un visage humain et compatissant
à l’Etat, lui le premier garant du système capitaliste.
La bourgeoisie s’enorgueillit même de ce machiavélisme.
"L’Etat peut sortir renforcé du drame s’il
réagit rapidement" claironne, non sans ironie, Fernando
Abruciò, expert en politique internationale (Libération
du 3 août).
Second acte : la justice aux ordres pointe du doigt un bouc-émissaire,
un individu qui endossera toutes les responsabilités du massacre.
Il s’agit de Victor Daniel Paiva, manager général
du centre commercial inculpé d’homicide volontaire dès
le mercredi 4 août. Le président Duarte l’avait exigé,
il voulait une enquête rapide "pour que les coupables
soient punis". Evidemment, la photo de cet homme est placardée
dans tous les journaux, exposée à la vindicte populaire.
Une telle focalisation haineuse évite ainsi d’aller chercher
plus loin. Elle masque le véritable responsable de ces assassinats
qui n’est autre que le capitalisme, un système basé
sur l’exploitation des prolétaires, la production de marchandises,
l’argent et la recherche du profit. Aux yeux du capital, la vie
humaine n’a aucune valeur. La catastrophe d’Asunción
n’a fait que révéler une fois encore la logique barbare
de ce système qui n’a aucun scrupule à massacrer
ceux qu’il exploite pour tenter de sauver ses marchandises. C’est
cette vérité là, toute nue, qui éclate dans
cet abominable carnage. Le manager général du magasin
n’est pas un psychopathe, il est le digne représentant de
sa classe.
Troisième et dernier acte : la bourgeoisie des pays centraux
reconnaît l’existence de causes beaucoup plus profondes et
communes à tous les pays de la périphérie. Les
journaux français dénoncent à cor et à cri
la corruption généralisée du Paraguay ou la vétusté
des infrastructures sécuritaires. Le fait que les pompiers tentaient
désespérément de boucher les trous de leur tuyau
avec leur bottes, pour éteindre le feu, a été martelé
à longueur de colonnes. Effectivement, c’est une réalité,
l’incendie du centre commercial d’Asunción a pour cause
première l’état désastreux du matériel,
des bâtiments. Les règles minimales de sécurité
étaient totalement inexistantes. Mais ce n’est pas une particularité
des pays du tiers-monde.
Derrière ses cris d’orfraie, la bourgeoisie des pays développés
veut nous faire croire qu’ici les prolétaires seraient traités
de façon plus humaine. Mensonges ! Au Paraguay, comme en
France, comme partout ailleurs, la bourgeoisie est contrainte, sous
les coups de boutoir de la crise, de faire des économies au mépris
de la vie des prolétaires. Les infrastructures industrielles
se délabrent, ne sont plus entretenues. Partout sur la planète,
la menace de catastrophes, d’explosions se fait chaque jour un
peu plus grande. Deux jours avant Asunción, c’est à
Ghislenghien, en Belgique, que l’explosion d’une conduite
de gaz tuait 18 ouvriers. Souvenons-nous encore de l’explosion
de l’usine AZF à Toulouse en 2001 et qui a fait plusieurs
dizaines de morts et 9000 blessés. Aujourd’hui encore, trois
années après la catastrophe, l’Etat, les assureurs,
les patrons, se rejettent la faute tandis que la classe ouvrière
continue à payer la note financièrement et physiquement.
En dénonçant la vétusté des infrastructures
et la sauvagerie des capitalistes dans les pays sous-développés,
la bourgeoisie des pays industrialisés tente tout simplement
de faire oublier ses propres mœurs, son propre mépris pour
les vies humaines. Et surtout, elle cherche à masquer la responsabilité
de son système en pleine décomposition. L’incendie
du centre commercial d’Asunción n’est pas une tragédie
résultant de "spécificités locales".
Il est le miroir de cette décomposition de la société
bourgeoise avec à sa tête une classe dominante sanguinaire
qui, pour défendre ses intérêts, n’hésite
jamais à massacrer ceux qu’elle exploite.
Nous publions ci-dessous la deuxième partie du compte-rendu d’une réunion publique du Bureau International pour le Parti Révolutionnaire (BIPR) qui s’est tenu le 15 mai à Berlin, à laquelle le CCI a participé, et qui portait sur les causes de la guerre impérialiste.
Dans la première partie de ce compte-rendu, publié dans le dernier numéro de RI (n°349), nous avons mis en évidence le danger de l’empirisme bourgeois qui conduit le BIPR à emboîter le pas aux campagnes des sociaux-démocrates et de l’idéologie altermondialiste dans son analyse des causes de l’offensive impérialiste des Etats-Unis en Irak.
Au cours de cette deuxième partie de la discussion en particulier,
différentes questions critiques ont été adressées au CCI. Celles-ci mettaient
en question l’importance donnée à la signification des questions stratégiques
dans nos analyses des rivalités impérialistes. Le camarade du FKG[1] [490] a critiqué
le fait que –à son avis– le CCI explique les tensions impérialistes par les
rivalités militaires sans les relier à la crise économique, et en excluant
apparemment les facteurs économiques. Il a mis en avant l’exemple des objectifs
économiques de l’Allemagne dans la Seconde Guerre mondiale, de façon à
insister, contre la position du CCI, sur le fait que les Etats impérialistes
cherchent une solution à la crise économique dans la guerre. Un camarade
d’Autriche, autrefois membre fondateur dans ce pays du "Groupe Communiste
International", voulait savoir si le CCI accorde une certaine importance
au rôle du pétrole ou si, au contraire, il considère que c’est par simple
coïncidence si la cible de la "lutte contre le terrorisme" prend
place précisément dans une région où se trouvent les plus grandes réserves de
pétrole du monde. Le représentant du GIS a aussi demandé une précision sur
notre prise de position selon laquelle la guerre moderne n’est pas une
solution, mais est elle-même l’expression de l’explosion de la crise.
La délégation du CCI a répondu que, de notre point de vue, le marxisme, loin de
nier le lien entre crise et guerre, est capable de l’expliquer de façon
beaucoup plus profonde. Cependant, pour le CCI, la guerre impérialiste n’est
pas l’expression des crises cycliques qui étaient typiques du XIXe siècle mais
le produit de la crise permanente du capitalisme décadent. En tant que telle,
elle est le résultat de la rébellion des forces productives contre les rapports
de production de la société bourgeoisie qui sont devenus trop étroits pour
elles. Dans son livre l’Anti-Dühring, Friedrich Engels affirme que la
contradiction centrale dans la société capitaliste est celle qui existe entre
une production qui devient déjà socialisée et une appropriation de cette
production qui reste privée et anarchique. A l’époque de l’impérialisme, une
des principales expressions de cette contradiction est celle qui existe entre
le caractère mondial du processus de production et l’Etat-nation en tant
qu’instrument le plus important de l’appropriation privée capitaliste. La crise
du capitalisme décadent est une crise de toute la société bourgeoise. Elle
trouve son expression strictement économique dans la dépression économique, le
chômage massif, etc. mais elle s’exprime aussi au niveau politique, militaire,
c’est-à-dire à travers des conflits militaires toujours plus destructeurs. La
caractéristique de cette crise de tout le système est l’accentuation permanente
de la concurrence entre les Etats-nations aussi bien au niveau économique que
militaire. C’est pourquoi nous nous sommes élevés, au cours de la réunion,
contre l’hypothèse du représentant de "l’Internationale Communiste"
(voir première partie du compte-rendu) selon laquelle, dans la lutte pour
l’hégémonie mondiale, la bourgeoisie américaine utiliserait des moyens
militaires et la bourgeoisie européenne des moyens économiques. En réalité,
cette lutte est menée en utilisant tous les moyens possibles. La guerre
commerciale est aussi enragée que la guerre militaire. Il est vrai, bien
évidemment, que chaque fraction nationale de la bourgeoisie, à travers la
guerre, cherche toujours une sortie à la crise. Mais parce que le monde, depuis
le début du XXe siècle, a déjà été partagé, cette "solution" ne peut
être envisagée qu’aux dépens des autres, en général les Etats capitalistes
voisins. Dans le cas des grandes puissances, cette "solution" ne peut
que résider dans la domination sur le monde et en tant que telle, elle exige
l’exclusion ou la subordination radicale des autres grandes puissances. Cela
veut dire que cette recherche de sortie de la crise prend de plus en plus un
caractère utopique et irréaliste. Le CCI parle ici d’une
"irrationalité" croissante de la guerre.
Au cours de la décadence capitaliste, il apparaît régulièrement que la
puissance prend l’initiative de déclencher la guerre en ressorte finalement
comme le vaincu : l’Allemagne dans les deux guerres mondiales par exemple.
Cela révèle la nature de plus en plus irrationnelle et incontrôlable de la
guerre.
Ce que nous critiquons dans l’analyse que le BIPR fait de la guerre, ce n’est
pas du tout l’affirmation selon laquelle la guerre a des causes économiques,
mais la confusion entre les déterminations économiques et la rentabilité
économique. De plus, nous critiquons le fait d’expliquer chaque mouvement dans
la constellation impérialiste par une cause économique immédiate, ce qui, à
notre avis, constitue une tendance matérialiste vulgaire. Cela s’est révélé
précisément sur la question du pétrole. Il va sans dire que la présence de
ressources pétrolières au Moyen-Orient joue un rôle considérable. Cependant,
les puissances industrielles –d’abord et avant tout les Etats-Unis– n’avaient
pas besoin d’occuper militairement ces champs pétrolifères pour établir leur
prédominance économique sur cette matière première ou d’autres. Ce qui est en
jeu, c’est avant tout l’hégémonie militaire et stratégique sur des sources
d’énergie potentiellement décisives dans les épisodes de guerre.
Le BIPR a rejeté de façon véhémente l’affirmation du CCI selon laquelle la
guerre moderne serait l’expression de l’impasse du capitalisme. Le représentant
de Battaglia Comunista a bien admis que la nature destructrice du capitalisme
conduit tôt ou tard à la destruction de l’humanité. Mais tant que cette calamité
finale n’a pas eu lieu, le capitalisme peut continuer son expansion de façon
illimitée. Selon le camarade de Battaglia, ce ne sont pas les guerres
actuelles, imposées par les Etats-Unis, mais les "vraies guerres
impérialistes" du futur (par exemple entre l’Amérique et l’Europe) qui
seraient les moyens de cette expansion, étant donné qu’une destruction
généralisée ouvrirait la route à une nouvelle phase d’accumulation.
Nous avons été d’accord sur le fait que le capitalisme est capable de balayer
l’humanité. Toutefois, la destruction de la production excédentaire, considérée
d’un point de vue historique, n’a même pas suffi à surmonter les crises
cycliques du capitalisme ascendant du XIXe siècle.
C’est pour cela que, selon Marx et Engels, l’ouverture de nouveaux marchés
aussi était nécessaire. Alors que, dans le cadre de l’économie naturelle, la
surproduction ne pouvait qu’apparaître comme un excès par rapport aux limites
physiques maximales de la consommation humaine, dans le régime de production de
biens de consommation, et surtout dans le capitalisme, la surproduction est
toujours exprimée par rapport à la consommation existante de ceux qui possèdent
de l’argent. C’est une catégorie économique plus que physiologique. Cela
signifie que la destruction par la guerre ne résout pas par elle-même le
problème fondamental du manque de demande solvable.
Avant tout, le point de vue défendu ici par le BIPR, concernant l’expansion
possible du capitalisme jusqu’au moment de la destruction physique, n’est pas
compatible avec la vision d’une décadence du capitalisme –une vision que le
BIPR semble de plus en plus abandonner. En effet, selon le point de vue
marxiste, le déclin d’un mode de production s’est toujours accompagné d’un
développement croissant des entraves aux forces productives du fait de la
production existante et des rapports de propriété. Il semble que, pour
Battaglia, la guerre paraît encore jouer le rôle de moteur de l’expansion
économique comme au XIXe siècle.
Quand le représentant de Battaglia parlait, pendant la réunion, des
"guerres vraiment impérialistes" à venir, il ne faisait que confirmer
notre impression que cette organisation considère les guerres de la période
actuelle comme une simple continuation de la politique économique des Etats-Unis
avec d’autres moyens, et pas comme des conflits impérialistes. Pour notre part,
nous avons insisté sur le fait que ces guerres sont aussi des guerres
impérialistes et que les grandes puissances impérialistes à travers elles
entrent en conflit les unes avec les autres – pas directement, mais par exemple
via les guerres à la périphérie. La série de guerres en ex-Yougoslavie, qui à
l’origine étaient suscitées par l’Allemagne, confirme aussi que dans ce
processus, les Etats- Unis sont loin d’être les seuls agresseurs.
Dans sa conclusion à la discussion, le porte-parole du BIPR a défendu le
point de vue selon lequel cette discussion aurait révélé que le débat entre le
BIPR et le CCI est "inutile". Et cela, parce que pendant des
décennies, le BIPR a accusé le CCI "d’idéalisme" et le CCI a accusé
le BIPR de "matérialisme vulgaire" sans qu’aucune des deux
organisations n’ait modifié son point de vue.
A notre avis, c’est un jugement plutôt négatif sur une discussion dans
laquelle, non seulement les deux organisations, mais aussi tout un éventail de
groupes et de personnes différentes ont participé de façon très engagée. Il est
évident que la nouvelle génération de militants qui s’intéressent à la
politique dans l’aire germanophone doit trouver un grand intérêt à venir
connaître les positions des organisations internationalistes existantes, à
s’informer autant que possible des accords et des désaccords entre elles. Quoi
de mieux pour répondre à cette demande qu’un débat public ?
Pour autant que nous sachions, aucun révolutionnaire sérieux jusqu’à présent
n’a jamais pensé, par exemple, à mettre en doute l’utilité du débat entre
Lénine et Rosa Luxembourg sur la question nationale, uniquement parce que ni
l’un ni l’autre n’ont jamais modifié leur position de base sur la question. Au
contraire : la position actuelle de la "gauche communiste" sur
les soi-disant mouvements de libération nationale est en grande partie fondée
sur les résultats de ce débat.
Le CCI, pour sa part, reste entièrement favorable au débat public et continuera
à appeler à de tels débats et à y participer. Ce débat représente en effet un
moment indispensable du processus de prise de conscience du prolétariat.
[1] [491] Les Amis d’une société sans classes.
Nous publions ci-dessous
des extraits d’une prise de position adoptée par le Nucleo Comunista
Internacionalista, un petit groupe de militants d’Argentine qui se sont
approchés récemment des positions de la Gauche communiste et dont la presse du
CCI a déjà publié plusieurs textes, notamment sur les mouvements sociaux en
Amérique latine[1] [492].
Cette prise de position concerne les agissements de la prétendue "Fraction
interne du CCI", un groupuscule parasitaire formé d’anciens membres du CCI
exclus de notre organisation pour leurs comportements de mouchards (et
nullement, comme ils l’affirment, pour des désaccords politiques que nous
aurions voulu faire taire)[2] [493].
Quelques remarques à propos de la publication de ces extraits du document du
NCI :
Si nous n’en publions que des extraits dans notre journal, ce n’est nullement
que les autres parties soient sans intérêt, mais pour ne pas déséquilibrer
notre publication au détriment d’autres questions de la situation mondiale sur
lesquelles nous devons nous pencher de façon impérieuse. Cela dit, la totalité
du document du NCI sera publiée sur le site Internet du CCI.
C’est d’ailleurs à cause du même souci d’équilibre que nous n’avons pas jusqu’à
présent publié vers l’extérieur ce document qui a été adopté le 22 mai
2004 : en effet, les comportements de la FICCI étaient épinglés dans
l’article de notre journal publié au même moment et rendant compte du 16e
congrès de notre section en France ("Le renforcement de l’unité et de
la solidarité au sein de l’organisation", RI n°347), de même que dans le numéro suivant de RI ("Intervention
de la FICCI à la fête de ‘Lutte ouvrière’, Le parasitisme au service de la
bourgeoisie").
Si aujourd’hui nous estimons nécessaire de publier la prise de position du NCI,
c’est notamment du fait des derniers épisodes de l’offensive que la FICCI a
engagée non seulement contre notre organisation mais contre l’ensemble de la
Gauche communiste.
En effet, dans le numéro 27 de son Bulletin publié sur Internet (et envoyé aux
abonnés de Révolution Internationale dont le fichier des adresses a été volé au
CCI par un membre de la prétendue "fraction"), la FICCI publie un
document, intitulé "Compte rendu d’une réunion entre le BIPR et la
fraction", dans lequel on peut lire, entre autres, que :
"Cette réunion est une concrétisation supplémentaire et significative
des liens que cherche à développer notre fraction avec le BIPR, et plus
largement avec les organisations et éléments du camp prolétarien." (…)
"Dans une dernière partie, cette réunion a permis de jeter les bases d’un
travail commun dans lequel le débat doit prendre une place de première
importance."
En réalité, le développement du milieu prolétarien et des débats en son sein
est bien le dernier des soucis de la FICCI. Ce qui anime fondamentalement ce
groupuscule (et qu’on peut facilement constater mois après mois dans ses
bulletins) c’est de nuire le plus possible au CCI (faute d’avoir pu le détruire
comme ses éléments ont essayé de le faire au temps où ils étaient encore dans
ses rangs). Pour ce faire, ses membres ont besoin de se faire délivrer un
certificat de respectabilité par les autres groupes de la Gauche communiste, ce
qui s’avère bien nécessaire quand on connaît leurs comportements de voyous et
de mouchards. A cette fin, la FICCI ne recule devant aucun moyen afin de
s’attirer les bonnes grâces de ces groupes et particulièrement du BIPR :
"Un constat politique s’impose, selon notre fraction : il n’y a
plus aujourd’hui qu’un seul pôle de regroupement parmi les groupes se
revendiquant de la gauche (…) La seule organisation ayant la capacité de jouer
ce rôle de pôle de référence et de regroupement, armée d’une expérience
concrète sur laquelle s’appuyer, c’est le BIPR. (…) Même avec des forces peu
nombreuses, le BIPR n’en est pas moins la seule organisation qui soit capable
de défendre dans la classe, de façon pratique à travers l’intervention dans la
lutte, les positions communistes, internationalistes contre la propagande
bourgeoise et qui soit en même temps capable de servir de pôle de regroupement.
(…)
C’est aussi sur le plan de la capacité d’impulser le débat de pousser à une
réelle clarification politique au sein de ce qu’on appelle le camp prolétarien,
le milieu internationaliste et vis-à-vis de ceux qui ont le souci de s’inclure
dans une dynamique de construction du parti, que cette organisation est active."
Pour ne pas lasser le lecteur, nous ne reportons qu’une partie des tonnes de
pommade que la FICCI étale sur la peau du BIPR.
Le fait est que ce dernier ne semble pas connaître cette fable de La Fontaine
où le Renard flatte le Corbeau pour lui faire lâcher son fromage. C’est pour
cela que le BIPR cède à la FICCI son… fromage, le certificat de bonne conduite
qu’elle attend, sans être capable de comprendre le jeu véritable de ce
groupuscule.
C’est justement le piège dans lequel ne sont pas tombés les camarades du NCI.
Comme ils le disent, c’est après avoir examiné avec attention les documents
publiés tant par la FICCI que par le CCI (et non pour avoir crû sur parole ce
dernier), qu’ils se sont fait l’opinion exprimée ci-dessous.
(…)
Nous ne souhaitons pas réitérer des arguments exprimés dans les paragraphes
précédents, mais de la lecture attentive des matériels que nous possédons nous
pouvons déclarer sans aucune hésitation que la FICCI, bien que jouissant de
toutes les garanties statutaires, a décidé de par sa propre volonté
d’abandonner le débat et de passer avec armes et bagages sur le terrain de
l’ennemi. La preuve de cela est fournie par sa conduite avant et pendant le
congrès [le 15e congrès du CCI], comme de sa conduite actuelle. L’attitude
assumée par la FICCI est analogue à la position adoptée par la fraction
menchevique pendant le congrès du POSDR et que Lénine a dépeinte de façon
admirable dans "Un pas en avant, deux pas en arrière".
De ce fait, l’attitude de notre petit noyau est de solidarité politique avec le
CCI, de confiance programmatique avec celui-ci, et de rejet et condamnation par
rapport à la FICCI.
Suite à ce qui a été signalé plus haut, le groupe NCI basé en Argentine a décidé de se prononcer unanimement de la façon suivante :
1) Repousser les accusations lancées par la Fraction interne du CCI contre
le Courant Communiste International.
2) Rejeter solennellement les rumeurs et les soupçons que la FICCI a semés de
façon pernicieuse contre une série de camarades du CCI, tout en nous
solidarisant pleinement avec ces derniers.
3) Considérer comme des méthodes dignes du stalinisme les accusations sans
fondement portées par la FICCI.
4) Considérer que ces accusations ont été motivées par un esprit de secte ou de
clan de la part de la fraction comme résultat de loyautés personnelles, et non
envers le programme.
5) Condamner le vol par la fraction de l’argent et de matériaux du CCI.
6) Considérer la FICCI comme une organisation en dehors de la classe ouvrière,
dont nous préconisons l’exclusion et l’expulsion du sein du prolétariat, à
cause de ses conduites de caractère bourgeois.
7) Considérer la FICCI comme une organisation influencée à cent pour cent par
l’idéologie bourgeoise.
8) Rejeter les méthodes utilisées par la FICCI pour éviter le débat politique
dans le 15e congrès du CCI, en condamnant également l’attitude liquidatrice et
destructrice qu’elle a adoptée.
9) Considérer la conduite assumée par la FICCI comme étrangère à la classe
ouvrière et à la Gauche communiste, et comme proche de celle adoptée par
Staline dans ses campagnes diffamatoires contre des militants bolcheviques.
10) Considérer à l’unanimité que la FICCI est une organisation de provocateurs
au service de l’état bourgeois.
11) Considérer que la FICCI n’est pas l’héritière des principes programmatiques
constitutifs du CCI, au contraire elle leur est antagonique.
12) Considérer le CCI comme une organisation qui, malgré les difficultés qu’elle
ne dissimule pas, mène à bien la défense des principes fondamentaux du
programme et du manifeste du CCI, de même que des autres acquis théoriques qui
sont apparus à la lumière de la lutte de classes.
13) Rejeter la fausse accusation formulée par la FICCI selon laquelle le CCI
aurait abandonné la lutte de classes et aurait perdu confiance dans la
révolution communiste.
14) Autoriser le CCI, s’il l’estime adaptée, la publication du présent texte, à
toute fin qu’il considérera pertinente.
Depuis des années, les pays développés accumulent les déficits budgétaires les plus pharamineux, leur endettement est en constante augmentation et se généralise de façon quasi-incontrôlable. Ce qui est à l’ordre du jour, c’est le démantèlement de l’Etat-providence et les licenciements massifs dans nombre de régions du monde, tandis que tous les frémissements annonçant une “reprise économique” s’avèrent n’être que feu de paille. Pourtant, dans une telle situation où s’accumulent les nuages les plus sombres pour l’avenir, la bourgeoisie n’a de cesse de nous vanter le “miracle économique chinois”. Economistes patentés à l’appui, le développement économique de la Chine est vanté comme un signe annonciateur d’une nouvelle phase de développement du capitalisme mondial.
Le “triomphe des capitalistes rouges” et le “boom de l’économie chinoise”, seraient donc les porteurs d’une nouvelle phase d’expansion glorieuse du capitalisme.
La croissance du PIB chinois détient sans conteste des records :
7,8% en 2002, 9,1% en 2003 et des prévisions à deux chiffres
pour 2004. Depuis son entrée dans l’OMC en 2001, alors que
le commerce mondial était en forte baisse, les échanges
entre la Chine et le reste de l’Asie ont connu une forte progression
et, en 2003, alors que les échanges mondiaux ne progressent que
de 4,5%, l’Asie voit les siens progresser de 10 à 12% avec
ceux de la Chine qui explosent littéralement de 40% pour ses
importations et 35 % pour ses exportations. Entre 1998 et 2003, les
exportations ont augmenté de 122%, la production automobile de
172%, la production "high-tech" de 363%. En 2003, la Chine
est devenue la première zone d’accueil des investissements
internationaux avec 53,5 milliards de dollars, devant même les
Etats-Unis, et la spéculation financière la plus folle
règne en maître.
En deux ans, l’Empire du Milieu a acquis le statut de locomotive
de l’économie mondiale. Certains économistes projettent
qu’il aura rattrapé le Japon dans 15 ans et les Etats-Unis
dans 45 ans. Son PIB équivaut d’ores et déjà
à celui de la France ou de la Grande-Bretagne.
Japon, Etats-Unis, Europe s’arrachent les produits “made in
China” et les nouvelles régions industrielles chinoises
qui poussent comme des champignons attirent les investissements comme
des aimants. L’Union européenne prévoit ainsi de
renforcer son partenariat avec la Chine et d’en faire à
terme son premier partenaire commercial. La bourgeoisie d’outre-Atlantique
investit de façon massive et grandissante dans le pays, apportant
un soutien actif et puissant au développement de l’économie
chinoise après l’avoir elle-même fortement impulsé,
quitte à se trouver dans une situation de concurrence défavorable
vis-à-vis de l’Etat chinois. En 2003, résultat de
l’invasion du marché américain par les produits chinois,
le déficit commercial américain vis-à-vis de Pékin
atteignait 130 milliards de dollars.
On a là un tableau idyllique : une croissance insolente
qui se joue des crises, de celle de 1997 dans le Sud-Est asiatique et
de celle de l’éclatement de la bulle financière de
la “nouvelle économie” en 2001, date d’entrée
de la Chine dans l’OMC.
Cette entrée à l’OMC ne constitue en fait pas une
véritable rupture pour l’économie chinoise, mais
une étape dans sa politique de libéralisation commerciale
ouverte à la fin des années 1970. Au début, elle
a favorisé les industries exportatrices et en a protègé
d’autres - automobile, industrie alimentaire, biens de consommation
industriels. Ensuite, au cours des dix dernières années,
la Chine a mis en place un régime douanier préférentiel
visant le développement d’industries d’exportations
concentrées sur la façade maritime.
Cependant, malgré l’exhibition des fortunes qui se font
aujourd’hui dans le dernier grand bastion du prétendu “communisme”,
les forces destructrices du capitalisme en crise sont à l’oeuvre.
Les experts bourgeois eux-mêmes se posent clairement la question :
"Jusqu’à quand cela va-t-il durer ? “.
Et ils ont appelé au ralentissement des investissements, constatant
presque avec “soulagement” que ceux-ci, en capital fixe, n’ont
augmenté que de 18% en rythme annuel au mois de mai (pour 43%
au 1er trimestre). L’inflation est galopante, signe de cette “surchauffe”
que redoutent tant les économistes. En avril, cette dernière
était officiellement de 3,8% mais en réalité de
plus de 7%, selon des analystes qui connaissent bien le flou des statistiques
chinoises. Dans le domaine des produits alimentaires, elle atteint 10%.
Mais c’est le marché des matières premières,
avec la rapidité et l’avidité de la demande industrielle,
qui a connu une violente flambée et la plus brutale augmentation
jamais vue depuis trente ans. L’acier, l’aluminium, le zinc,
le coton, et surtout le pétrole, sont à la hausse, alimentant
une bulle spéculative déjà incontrôlable
et explosive.
L’Etat chinois lui-même s’efforce de limiter la
progression de la croissance et a tenté de réagir par
des gels de crédit et des ordonnances de blocage des prix à
la consommation qui croîtraient actuellement à un rythme
supérieur à 1% mensuel. Il s’est ainsi satisfait
d’avoir pu limiter la croissance à 15,5% pour le mois de
juillet.
Cependant, les dangers qui guettent sont légions. La bulle immobilière
continue par exemple à donner des sueurs froides aux autorités
chinoises ; le secteur bancaire est en réalité en
état de quasi-faillite avec au moins 50% des créances
qui seraient douteuses. 60% des investissements ne proviennent pas du
cycle de la production lui-même mais tout bonnement de capitaux
recyclés à Hong-Kong ou dans des paradis fiscaux, c’est-à-dire
de la spéculation financière elle-même ou du blanchiment
de l’argent.
Les profits astronomiques qui se réalisent aujourd’hui en
Chine ne sont en réalité que le résultat d’une
spéculation effrénée qui traverse la Chine et le
monde et ne découlent pas de la vente réelle des marchandises
et de la valorisation du capital productif. Les marchandises qui inondent
le marché mondial vont de plus en plus difficilement trouver
des acheteurs, malgré le bas prix où elles sont proposées.
Aussi, la perspective réelle est-elle à de nouvelles aggravations
de la crise historique du capitalisme. Ce qui se passe en Chine n’a
rien à voir avec un développement des forces productives
comme il a existé au 19e siècle. Alors qu’à
cette période les phases de croissance contenaient la promesse
d’un développement toujours plus impétueux des forces
productives, aujourd’hui elles représentent la certitude
de contradictions aggravées pour le système.
Ce que connaît la population chinoise en est une expression frappante.
20% des plus pauvres du pays reçoivent moins de 6% des revenus,
contre plus de 8% en Inde et 9% en Indonésie, pays réputés
pour leur extrême pauvreté.
Dans le fameux Delta des Perles, dans la province du Guangdong entre
Shenzen et Canton, région de rizières transformée
en dix ans en premier centre manufacturier de la planète, les
salaires, pourtant considérés parmi les meilleurs de Chine,
atteignent 100 euros par mois, et les ouvriers n’ont que 9 jours
de congés par an !
Pour ce qui est du chômage, il est devenu massif en Chine. Officiellement
de 4,7%, il atteint jusqu’à 35% dans certaines régions
comme le Liaoning. Fin 2003, on comptait 27 millions de prolétaires
licenciés par les entreprises d’Etat, qui sont en totale
faillite. Des millions d’emplois ont été supprimés
dans les campagnes où les révoltes se multiplient et sont
matées à la trique. Bilan : ce ne sont pas moins
de 150 millions de paysans migrants qui s’entassent dans des bidonvilles
aux portes des centres urbains de l’Est de la Chine, en quête
d’un travail que la majorité d’entre eux n’aura
pas.
Le système éducatif est laissé totalement à
l’abandon et les conditions sanitaires sont terribles. Sans assurance
maladie, avec des hôpitaux qui font prévaloir le régime
des services de soins payants pour espérer rester eux-mêmes
en activité, c’est une véritable catastrophe qui
s’annonce. Les hépatites B et C touchent plus de 200 millions
de Chinois ; un à deux millions d’entre eux sont séropositifs
et, d’ici 6 ans, il est prévisible que 15 millions le seront.
550 millions de personnes sont infectées par la tuberculose,
avec environ 200 000 décès par an.
Au niveau alimentaire, le chaos de la politique économique délirante
de l’Etat chinois fait dangereusement baisser les réserves
de céréales et désorganise totalement l’agriculture,
tandis que les campagnes se vident. L’utilisation intensive des
sols menace 80 millions d’hectares (sur 130 millions cultivables)
de désertification. Tout cela ne peut que favoriser de futures
pénuries aux conséquences catastrophiques.
L’environnement est saccagé par la combustion effrénée
de charbon, comme par la construction de barrages gigantesques pour
répondre à une demande d’électricité
toujours croissante. Ainsi, la Chine est d’ores et déjà
le deuxième producteur de gaz à effet de serre de la planète.
La pollution urbaine est un fléau : 16 villes chinoises
figurent parmi les 20 plus polluées de la planète.
Aussi, c’est un véritable désastre qui se déroule
en Chine. Ce désastre ne saurait signifier un nouveau redémarrage
du système vers une longue période de développement
des forces productives mais est annonciateur d’un nouvel effondrement
économique. Depuis l'entrée du capitalisme dans sa crise
ouverte, la bourgeoisie nous a d'abord vanté les modèles
du Brésil puis de l'Argentine, mais également des "nouveaux
pays industrialisés" d'Asie. Elle nous a fait plus récemment
miroiter le miracle de la "nouvelle économie" accouchée
par l'internet. L'écroulement du dragon chinois ne tardera pas
à montrer que l'envers de ces miracles, c'est la sombre réalité
d'un capitalisme en pleine faillite.
Depuis quelques mois, différents mouvements sociaux, en particulier en Europe, sont venus apporter une confirmation tangible de l’existence d’un tournant dans la lutte de classe au niveau international. C’est ce tournant qui s’est illustré à partir des luttes ouvrières du printemps 2003 contre la "réforme" des retraites en France et en Autriche.
L’accélération de la crise mondiale du capitalisme réduit de plus en plus la marge de manoeuvre de la bourgeoisie qui, dans sa logique d’exploitation, n’a pas d’autre choix que d’attaquer toujours plus violemment et frontalement le niveau de vie de la classe ouvrière dans son ensemble.
Malgré la force et l’omniprésence de l’encadrement syndical, malgré les hésitations de la classe ouvrière à entrer en lutte, il est clair désormais que celle-ci a commencé à répondre aux attaques de la bourgeoisie. Même si cette réponse est bien loin de pouvoir s’opposer au niveau des attaques qui sont portées aux prolétaires. Déjà, la mobilisation des conducteurs de tramways italiens, des postiers et des pompiers anglais durant l’hiver 2003, puis des ouvriers des usines Fiat à Melfi dans le Sud de l’Italie au printemps illustrait (et cela malgré toutes les faiblesses et l’isolement de ces luttes) ce réveil de la combativité ouvrière. Mais aujourd’hui, les exemples se multiplient et sont de plus en plus édifiants.
La combativité des ouvriers s’est affirmée à plusieurs reprises depuis la lutte de juillet dernier en Allemagne chez Mercedes-Daimler-Chrysler. Plus de 60 000 ouvriers avaient été impliqués à ce moment-là dans des grèves et des manifestations de protestation contre le chantage et l’ultimatum de la direction. Non seulement des ouvriers de Siemens, Porsche, Bosch et Alcatel avaient participé à ces mobilisations mais le fait que de nombreux salariés de Brême se soient associés à ces mouvements a constitué une manifestation très significative d’un embryon de solidarité ouvrière (voir RI n°349).
Depuis plusieurs semaines en Espagne, à Ferrol en Galice, à Puerto Real et San Fernando près de Cadix en Andalousie comme à Sestao (dans la région de Bilbao), les ouvriers des chantiers navals ont déclenché un mouvement très dur dans lequel ils tentent de s’opposer à un plan de privatisation qui se traduirait par des milliers de suppressions d’emplois. Ce plan, qui avait été initié sous le gouvernement de droite, a été relancé par le gouvernement de gauche, en dépit des promesses de le suspendre quand le parti socialiste était encore dans l’opposition. Les syndicats qui avaient préparé un "calendrier de mobilisations" ont été pris de vitesse par la combativité ouvrière. Le 17 septembre, en assemblée générale, les ouvriers de Ferrol ont décidé, contre l’avis des syndicats, d’une manifestation allant jusqu’au siège du PSOE (le parti du gouvernement Zapatero). A San Fernando (Andalousie), les ouvriers ont spontanément décidé d’une manifestation à travers la ville. Les intérimaires et travailleurs précaires se sont souvent joints à la lutte, contrairement aux précédentes manifestations des chantiers navals du mois de mars. Pour éviter d’être débordés, les syndicats ont changé de stratégie, laissant le programme des mobilisations "ouvert" à de telles initiatives pour permettre au syndicalisme de base de les encadrer. Même si le mouvement à été dominé par des actions traditionnelles des syndicats pour défouler la colère ouvrière à travers des impasses servant uniquement à diviser les ouvriers (barrages d’autoroutes ou de voies ferrées comme à Sestao, débouchant fréquemment sur de stériles affrontements avec la police), l’aspect le plus nouveau et significatif de ces mobilisations a été une poussée vers la recherche d’une solidarité d’ouvriers d’autres secteurs. Toujours à San Fernando, les syndicats ont été contraints d’organiser une journée de grève générale et une manifestation qui a été la plus grande de l’histoire de la ville.
Plus récemment, le 2 octobre, une manifestation organisée par les syndicats et les altermondialistes à Berlin (qui devait "clôturer" la série de "protestations du lundi" contre le plan gouvernemental "Hartz IV") a rassemblé 45 000 personnes. Le même jour, une gigantesque manifestation avait lieu à Amsterdam contre les projets du gouvernement, précédée d’importantes mobilisations régionales. Officiellement, il y avait 200 000 participants, constituant la manifestation la plus importante du pays de ces dix dernières années. En dépit du slogan principal qui était "Non au gouvernement, oui aux syndicats !", la réaction la plus spontanée des participants eux-mêmes était la "surprise"et "l’étonnement" de se retrouver si nombreux ensemble. Il faut d’ailleurs se rappeler que les Pays-Bas avaient été, avec la Belgique, un des premiers pays où se marquait déjà la reprise internationale des luttes ouvrières à l’automne 1983.
Le 14 octobre dernier, 9400 ouvriers de l’usine Opel à Bochum, dans le coeur industriel de la Ruhr, se sont mis en grève, dès l’annonce par la maison-mère General Motors d’un nouveau plan de licenciement de 12 000 salariés sur le sol européen (en Suède mais surtout 10 000 en Allemagne dont 4000 sur le site de Bochum, menacé de fermeture). Poussés par une profonde colère, les ouvriers se sont néanmoins très rapidement heurtés à différents obstacles. En particulier, ils ont été piégés dans la fausse alternative mise en place de concert par le syndicat IG Metall et le syndicalisme de base : "accepter des négociations ‘constructives’ pour éviter ‘le pire’" ou bien "la grève jusqu’au bout". Les syndicalistes de base à Bochum, incluant le noyau dur stalinien des maoïstes du MLDP déclarèrent qu’ils se battraient aussi longtemps que les patrons n’auraient pas pris l’engagement de ne pas fermer l’usine de Bochum, et qu’ils préféraient que l’usine ferme plutôt que de faire quelque concession que ce soit. Le syndicat officiel, IG Metall, est resté en arrière plan, de façon "démocratique" et presque "neutre", déclarant qu’il respecterait tout ce que les ouvriers décideraient de faire. C’est à cause de cette tactique visant à permettre au syndicat IG Metall de ne pas perdre le contrôle du mouvement que les médias ont dit mensongèrement que ce syndicat avait été débordé. Parallèlement à cela, il s’est développé une campagne patronale contre les leaders du syndicalisme de base, ce qui a encore permis d’accroître le prestige de ces derniers. Après une semaine de grève, les manoeuvres de division de la bourgeoisie ont abouti à ce que la reprise du travail s’opère sous le signe de l’hostilité d’une minorité d’ouvriers combatifs, influencés par les gauchistes, contre tous ceux qui voulaient cesser la lutte.
A l’occasion de grèves organisées par les syndicats de General Motors dans différents pays européens et largement suivies, le besoin de solidarité entre les ouvriers s’est exprimé sous différentes formes : le 19, les ouvriers d’Opel à Saragosse en Espagne, ont fait des arrêts de travail qui ont bloqué la production et ils avaient projeté d’autres actions pour les jours suivants en solidarité avec les "camarades d’Allemagne" ; en Pologne, à Gwilice (Silésie du Sud), des ouvriers déclaraient "Aujourd’hui, c’est le tour des Allemands, demain ce sera le nôtre" ; des salariés allemands déclaraient "la politique de la direction est de monter les salariés européens les uns contre les autres". Néanmoins, il ne faut pas perdre de vue que ces mobilisations syndicales au niveau européen avaient pour but de dévoyer une tendance naissante au développement de la solidarité de classe dans le nationalisme anti-américain (General Motors est une entreprise à capital américain !) et dans les impasses du réformisme de l’altermondialisme, des partis de gauche et d’extrême-gauche.
Chacun de ces mouvements sert de révélateur à la réflexion qui se développe en profondeur au sein du prolétariat : l’accumulation, l’ampleur et la nature des attaques de la bourgeoisie sont amenées à saper les illusions que la classe dominante tente de répandre. Par ailleurs, elles imposent en même temps de plus en plus, au niveau de la conscience des exploités, une inquiétude et un questionnement sur le sort que ce système d’exploitation réserve pour leur avenir et celui de leurs enfants, pour les générations futures.
Le CCI est intervenu dans ces luttes en vue de pousser à la réflexion politique, notamment par tract dans la lutte des chantiers navals en Espagne et à Opel-General Motors en Allemagne (ces tracts sont consultables, ou le seront prochainement, en différentes langues sur notre site Internet).
Cette situation ouvre de nouvelles perspectives. Même si de telles luttes sont sporadiques, leur succession, de même que leur caractère massif, engageant chaque fois un prolétariat très concentré, démontre qu’elles ne sont pas un feu de paille. Elles témoignent d’une profonde perte d’illusions sur l’avenir que peut réserver le capitalisme. Elles révèlent la prise de conscience que les attaques, la dégradation des conditions de vie concernent les ouvriers de tous les pays et ne se posent pas au niveau d’un site, d’une entreprise, d’une nation. Elles démontrent enfin que se développe chez les ouvriers le sentiment d’appartenir à une seule et même classe.
W. (21 octobre)Dans une situation de chaos généralisé, de guerre civile permanente, d’attentats terroristes et d’enlèvements quotidiens d’otages de toutes nationalités y compris irakienne, une nouvelle offensive terrestre et aérienne de l’armée américaine a débuté en octobre. Pour la première fois depuis le début de cette guerre en Irak, des soldats irakiens entièrement armés par les Etats-Unis ont participé, directement sous commandement américain à la première phase de cette offensive. En effet comme le révèle le Financial Times : "Il est préférable de confier les opérations militaires aux forces irakiennes afin d’en minimiser les retombées politiques." Celle-ci s’est d’ailleurs traduite le 3 octobre dernier par la chute de Samarra (ville située à 100 km au nord de Bagdad). Pour arriver à ses fins dans cette offensive, des combats acharnés et un quadrillage maison par maison ont dû avoir lieu. On sait pertinemment que des femmes et des enfants sont morts au cours de cet assaut même si aucune statistique fiable ne peut donner un aperçu du massacre. Mais la ville de Samarra n’a été que le premier moment d’une offensive qui s’est développée en direction de Falloujah.
Dans ce pays livré aujourd’hui à l’anarchie, il y aurait eu au moins 2300 attaques envers les forces de la coalition, la police irakienne et la population civile, dans une vaste zone géographique allant de Mossoul au Nord, à travers le Kurdistan, y compris Kirkouk et le triangle sunnite (Tikrit, Samarra, Baquba, Ramadi, Falloujah et Bagdad), jusqu’à Bassorah au Sud. Pas une région de l’Irak n’est épargnée. Le bourbier irakien est tel que certains pays qui ont des troupes sur place se posent maintenant de plus en plus ouvertement la question de leur maintien. Le ministre polonais de la défense, Jerzy Somajdzinski a ainsi annoncé dans une interview à Gazeta Wyboteza un retrait possible des troupes d’ici 2005. " Un retour anticipé de nos troupes répondrait à la demande du premier ministre irakien Allaoui ", a affirmé de son côté le ministre italien de la défense au quotidien La Stampa (cité par Courrier International du 19 octobre). Il n’y a pas aujourd’hui un seul Etat impérialiste, embarqué dans la guerre en Irak aux cotés des forces anglo-américaines qui ne soit pas lui-même comme l’impérialisme américain en pleine impasse.
La perte de contrôle de la situation par les Etats-Unis, malgré la nouvelle offensive militaire en cours, est telle que l’éclatement futur de l’entité irakienne n’est plus totalement improbable. Au Nord de l’Irak, la ville de Kirkouk est aujourd’hui revendiquée, de manière de plus en plus agressive et belliqueuse, par les Arabes, les Kurdes et les Turkmènes. Mais beaucoup plus significatif encore est le fait que trois provinces du Sud menacent maintenant de faire sécession. " Des membres du conseil municipal de Bassorah, deuxième ville de l’Irak, à majorité chiite, auraient donc entamé des pourparlers avec leurs homologues dans deux villes voisines, Maysan et Dhiquar, afin d’envisager la création d’une région fédérale dans le Sud. " (Courrier International du 19 octobre). Si l’éclatement de l’Irak n’est pas encore à l’ordre du jour, tel que cela se passe dans le Caucase, dans les Balkans, partout où la guerre impérialiste fait rage, le démantèlement des entités nationales bourgeoises est à l’ordre du jour. Si le contrôle du pétrole en tant qu’arme stratégique et militaire est important, il n’est pas inutile de rappeler que 80% des réserves pétrolières de l’Irak se retrouvent justement dans ces régions du Sud où il existe des velléités d’autonomie. Dans ce Sud de l’Irak, les Chiites sont majoritairement très proches de l’Iran. L’évolution de la réalité du chaos dans cette région du monde permet donc de douter de la capacité de l’impérialisme américain de contrôler à terme les zones pétrolières irakiennes.
Mais l’offensive guerrière actuelle des Etats-Unis a, en fait, un objectif prioritaire et immédiat. La bourgeoisie américaine misent sur un bien faible espoir, celui des élections prévues pour le 31 janvier prochain qui pourraient peut-être, à ses yeux, stabiliser momentanément la situation. Pour ce faire, tous les moyens disponibles sont utilisés. Pourtant, la tenue de ces élections semble d’ores et déjà bien compromise. Les autorités irakiennes et les représentants des Nations-Unies, qui s’efforcent d’organiser ces élections affirment que celles-ci seront très difficiles à tenir. Un membre du comité organisateur a même déclaré : "Les Balkans à coté d’ici, c’est la Norvège". La Maison Blanche a même envisagé, au pire, de ne tenir les élections que dans les zones sécurisées. Face à cette décrédibilisation à l’avance de ces élections, les autorités irakiennes ont été immédiatement obligées de réagir. Ce ne seront pas des élections partielles a assuré le premier ministre irakien, Iyad Allaoui. C'est en fait exactement le contraire que démontre la réalité, avec la perte de contrôle des Etats-Unis en cours dans ce pays. Pour limiter les dégâts, en plus de l’offensive militaire, les Etats-Unis ont été contraints d'injecter discrètement 100 millions de dollars dans "l’éducation des électeurs" (Courrier International). De plus, l’Etat américain a demandé une aide supplémentaire à la Grande-Bretagne :
"Pour venir en aide aux américains les troupes britanniques vont être déployées dans l’une des zones les plus violentes de l’Irak…650 soldats du bataillon Black Watch vont devoir prendre position dans la ville d’Iskandariyah située au sud de Bagdad, où les étrangers et les forces officielles irakiennes sont régulièrement la cible des rebelles." (The Independant)
Des sondages montrent que seulement 2% des Irakiens considèrent l’armée américaine comme des libérateurs. Aujourd’hui, les Chiites restent dans l’expectative. Etant majoritaires en Irak, ils espèrent profiter de ce processus électoral. La haine qui existe en Irak et dans le monde arabe à l'encontre des Etats-Unis est due à la politique impérialiste que mènent les Etats-Unis dans cette partie du monde. Jusqu’en 1967 et la guerre des Six Jours, c’était au contraire l’impérialisme français qui était voué à la vindicte populaire, une France qui combattait en Algérie et participait à l’agression militaire de l’Egypte. Une France impérialiste qui, à l’époque, était le principal fournisseur d’armes de l’Etat hébreu. Les alliances impérialistes ont aujourd’hui, sans aucun doute, complètement changé. L’affaiblissement du leadership américain est maintenant tel que, quel que soit le niveau de maîtrise ou de crédibilité des élections de janvier prochain en Irak, non seulement rien ne sera changé, mais tout sera pire.
"Aucun gouvernement irakien ne pourra tenir longtemps au-delà du départ des troupes américaines, s’il n’a pas fait ses preuves d’opposant à l’occupation." (John V.Whisbeck dans le journal Asharq al-Awsat)
Les attentats terroristes qui viennent d’avoir lieu dans le Sinaï en Egypte, marquent une aggravation nette du chaos au Moyen-Orient. Cette région balnéaire de l’Egypte était devenu le dernier endroit où les Arabes et les Juifs pouvaient se côtoyer sans risque de violence ou d’attentats. Ces derniers attentats, quels que soient leurs auteurs, manifestent ouvertement qu’il n’y a pas de sanctuaire protégé de la barbarie et de l’horreur capitalistes. Pour les Israéliens, l’Egypte semble apparaître comme un allié de moins en moins fiable. "Il n’était pas nécessaire de subir la grossièreté, l’indolence, l’indifférence voire l’hostilité dont ont fait preuve de façon révoltante les autorités égyptiennes la nuit des attentats pour comprendre que la sécurité d’Israël et des Israéliens ne figure pas parmi les priorités des Egyptiens." (Martin Sherman dans le Yediut Aharunut) L’Egypte depuis longtemps proche des Etats-Unis, depuis longtemps aussi premier interlocuteur de l’Etat israélien dans le monde arabe, et néanmoins pays d’accueil pour des organisations terroristes tel que le Hamas palestinien, se retrouve maintenant, elle aussi, au cœur des affrontements, réduisant progressivement le Moyen-Orient à un tas de ruines. La poursuite de l’offensive militaire israélienne dans la bande de Gaza et en Cisjordanie, livrant son lot de massacres quotidiens, dans une fuite en avant guerrière qui ne peut connaître aucune limite dans un capitalisme en pleine faillite, démontre une fois encore la totale irrationalité de ce système nauséabond. Mais pire encore, la véritable bête noire de Tel-Aviv apparaît être aujourd’hui, sans contestation possible l’Iran. L’Iran qui ne peut que tirer profit des conséquences des affrontements inter-impérialistes grands et petits qui se déroulent depuis une bonne dizaine d’années dans toute la région. Depuis le renversement des talibans en Afghanistan, et la chute de l’Irak de Saddam Hussein, les principales forces rivales fondamentalistes et guerrières ont ainsi été éliminées. Dans la montée du chaos et du chacun pour soi, alors que plus aucune puissance ne peut durablement imposer sa loi sur un autre Etat impérialiste, l’Iran cherche à tout prix à se doter de l’arme nucléaire. Arme que possèdent déjà d’autres pays voisins et rivaux, tels Israël ou même le Pakistan. "Les responsables des services de sécurité israélien sont par conséquent confrontés à un paradoxe : satisfaits de la disparition d’un ennemi juré grâce à l’invasion américaine de l’Irak, ils s’inquiètent de plus en plus des occasions que cette même invasion a créées pour un autre ennemi. Et ils voient le Moyen-Orient basculer du stade des rivalités conventionnelles à celui, infiniment dangereux, des rivalités nucléaires." (Stevens Erlanger, The New York Times). C’est pourquoi de plus en plus de déclarations belliqueuses émanent de hauts fonctionnaires israéliens. Tout ceci ne correspond pas à des déclarations farfelues de quelques politiciens bourgeois, mais à une effroyable réalité, celle de la barbarie et de la décomposition capitalistes. Laissée à sa propre dynamique, cette perspective est inévitable, comme l’est le danger d’une guerre nucléaire entre l'Inde et le Pakistan.
Le prolétariat ne doit pas s’habituer à l’horreur et à la barbarie capitalistes montrées et remontrées en permanence sur tous les écrans de télévision du monde. Il est nécessaire qu’il développe son indignation face à ce flot de massacres, attentats et autres affrontements guerriers impérialistes. L’affaiblissement accéléré du leadership américain ne peut que pousser ses principaux rivaux à défendre par tous les moyens efficaces leurs intérêts impérialistes. Cela ne peut que pousser chaque Etat, chaque seigneur de la guerre dans toujours plus de violence. La classe ouvrière, seule classe pouvant s’unir et s’organiser à l’échelle de la planète, est la seule force en mesure d’offrir une autre perspective à l’humanité. Pour cela, elle doit intégrer la nature capitaliste des affrontements impérialistes en cours, en Irak comme au Moyen-Orient. Le prolétariat se doit d’opposer la révolution communiste à la barbarie capitaliste.
Tino (21 octobre)Tous les médias de la planète sont focalisés sur les prochaines élections américaines. Dans le pays même, c’est un matraquage idéologique quotidien qui dure depuis des mois, à travers les primaires, puis les conventions de chaque parti. Politiciens, leaders syndicaux, lobbies et organismes patronaux, associations diverses, clergé, défenseurs des droits de l’homme, mouvements anti-guerre, stars de cinéma, chanteurs se sont massivement mobilisés pour faire croire que cette élection était un enjeu majeur, "l’élection la plus importante de notre temps", selon les termes d’un leader démocrate et que le choix des électeurs allait engager non seulement l’avenir de l’Amérique mais aussi l’avenir de l’humanité. Les trois débats télévisés entre les deux candidats, George Bush Jr et John Kerry ont été intégralement retransmis et retranscrits partout, y compris en Europe. De "méga" ou "giga" concerts de rock ont été organisés aux quatre coins du pays pour drainer des foules énormes de jeunes en faveur du candidat Kerry. Le grand cirque que constituent tous les quatre ans les élections américaines a atteint aujourd’hui un paroxysme.
L’indécision actuelle des sondages et les alertes aux "irrégularités possibles" permettent d’en faire par avance un suspense aussi grand qu’en 2000 entre Bush et son challenger Gore quand l’indécision étant restée à son comble trois semaines après le scrutin et que les voix ont dû être recomptées une à une dans certains Etats. Rarement on nous aura présenté un duel électoral aux Etats-Unis comme aussi âpre et tranché. Comme si l’électeur avait un vrai choix entre "un candidat de droite" et un "candidat de gauche". Pourtant, les différences entre Bush et Kerry sont minimes et résident surtout dans une "différence de style". Les désaccords les plus patents portent sur des questions comme l’avortement, l’homosexualité, l’environnement ou la bioéthique, permettant de coller sur l’un l’estampille "conservateur", et sur l’autre l’étiquette "progressiste". Mais, sur l’essentiel, ils partagent les mêmes objectifs et annoncent la poursuite de la même politique belliciste, prétendant défendre coûte que coûte la nation américaine. On trouve d’ailleurs chez Kerry les mêmes accents hystériques ultra-patriotards que chez son concurrent : "Pour nous, le drapeau américain est le plus puissant symbole de ce que nous sommes et de ce en quoi nous croyons. Il représente notre force, notre diversité, notre amour du pays. Tout ce que fait l’Amérique est grand et bon. Ce drapeau n’appartient pas à un président, à une idéologie, à un parti, il appartient au peuple américain." (Internationalism n°131, septembre/octobre 2004).
L’un comme l’autre entendent maintenir avant tout avec la même détermination et le même acharnement l’hégémonie menacée de l’impérialisme américain sur le monde face aux autres grandes puissances rivales. Si Kerry a critiqué l’intervention guerrière de Bush en Irak, c’est uniquement sur trois points : il a accusé son rival d’avoir eu recours à une propagande mensongère sur la présence d’armes de destruction massive en Irak, ce qu’il a appelé avec sa formule-choc : "une campagne de tromperie massive". Deuxièmement, il aurait fallu, selon lui, ne pas intervenir seuls mais entraîner toutes les puissances européennes dans la guerre en Irak (cette critique n’est pas propre au "camp des démocrates" mais a été émise depuis des mois par une partie du "clan républicain" lui-même). Enfin, il reproche à Bush de n’avoir pas su s’appuyer sur un plan solide et sérieux pour un contrôle et une occupation effective de l’Irak. En résumé, toutes ces critiques portent sur la forme, "la manière", nullement sur le fond. Non seulement, comme sénateur, il a voté sans aucune réserve les crédits de guerre et il a pleinement soutenu l’invasion de l’Irak mais il n’a pas d’autre politique à proposer que de poursuivre et d’intensifier l’effort de guerre en Irak. Non seulement Kerry défend les mêmes objectifs que Bush mais il n’a pas d’autre choix que de poursuivre la stratégie d’occupation en Irak et d’intensifier la fuite en avant des Etats-Unis dans ses aventures guerrières pour la défense des intérêts impérialistes de la bourgeoisie et de la nation américaines. Dans son discours d’investiture lors de la Convention démocrate, le candidat Kerry a d’ores et déjà lancé le même défi aux autres Etats qu’à l’ONU, sur les traces de Bush : "Je n’hésiterai pas à employer la force si elle est nécessaire. A toute attaque, le niveau de réponse doit être le plus adapté. Je n’accorderai jamais à une quelconque autre nation ou à un organisme international un droit de veto sur des questions qui concernent notre sécurité nationale". Par rapport à la croisade et à la traque anti-terroriste de Bush, il fait même de la surenchère en affichant sa détermination à "vouloir tuer les terroristes jusqu’au dernier". Si, à l’heure actuelle, l’un et l’autre disent la même chose, c’est parce qu’ils sont embarqués dans le même bateau, dans une même politique belliciste à tel point que c’est Kerry qui déclare vouloir construire et former une armée américaine plus forte et qui préconise d’augmenter ses effectifs de 40 000 hommes en doublant le chiffre des forces spéciales pour conduire les opérations anti-terroristes, de doter le pays de nouvelles armes et de favoriser le développement de la technologie militaire la plus moderne. Pas mal pour un candidat soutenu par les mouvements anti-guerre ! Dans le cadre de l’intensification de la militarisation de la société américaine, l’un comme l’autre soutiennent des projets pour renforcer l’arsenal répressif : - Bush, à travers le développement du Patriot Act qu’il a fait voter ; - Kerry, à travers le projet de mise en application immédiate des recommandations de la "Commission du 11 septembre" qui prône une réforme et une amélioration des services de renseignements avec un "renforcement de la sécurité des frontières" et davantage de moyens consacrés à l’espionnage et à la surveillance individuelle au nom de la défense de la sécurité des citoyens.
Sur le plan social, même si Kerry a beau jeu de marteler l’argument que Bush est le premier président depuis 72 ans à afficher une perte de 1,6 millions d’emplois sous son mandat et qu’avec un second mandat de son rival, les retraités étaient menacés de voir leurs pensions diminuer de 45 %, il n’a aucune perspective d’amélioration à proposer. Quand il déclare que Bush est le président responsable des plus importants déficits de l’histoire américaine et que lui-même se propose de réduire au plus vite l’endettement faramineux du pays, il tente de masquer que ce ne peut être qu’à travers de nouvelles coupes dans les budgets sociaux, comme tous les gouvernements de la planète y sont contraints par les lois mêmes de l’exploitation capitaliste. Quand il attaque la politique fiscale de Bush qui "favorise les plus riches", les suppressions d’avantages fiscaux qu’il préconise, même s’il devait en appliquer certaines, ne rendront jamais les pauvres moins pauvres et n’amélioreront en rien le sort de la classe ouvrière. Il est vrai qu’il n’y a jamais eu un enfoncement si spectaculaire dans la misère : en 2003, 1,3 millions d’Américains sont tombés sous le seuil de pauvreté au cours de l’année, établissant le total record de 36,3 millions vivant dans la misère (12,5 % de la population) dont 12,9 millions d’enfants ou d’adolescents de moins de 18 ans (soit un taux de 18% de la population infantile), et 45 millions de personnes sont privées de toute couverture sociale. Mais ce que Kerry se garde bien de rappeler c’est que ces chiffres n’ont cessé d’augmenter sous tous les présidents, qu’ils soient républicains ou démocrates depuis les années Reagan, et que c’est le démocrate Clinton qui a massivement réduit la couverure sociale à travers le programme Medicare.
Si cette campagne électorale américaine apparaît plus agressive que les précédentes, c’est avant tout parce qu’aucun candidat ne peut avancer quoi que ce soit de positif pour l’avenir. Il n'y a en effet aucune amélioration de la situation possible, ni sur le plan de la crise économique, ni sur le plan des conflits impérialistes. Chacun d’eux n’a qu’un recours possible pour se mettre en valeur : inspirer chez les électeurs potentiels la crainte de l’élection de son adversaire.
Peu importe qui est le vainqueur des élections. Les ouvriers n’ont absolument rien à gagner en se laissant entraîner dans ce vote parce que celui qui sera élu, quel qu’il soit, ne peut qu’envoyer toujours davantage d’enfants de prolétaires se faire trouer la peau sur tous les champs de bataille du monde pour défendre la politique impérialiste de la bourgeoisie nationale. L’un et l’autre ne peuvent de toutes façons qu’aggraver et rendre plus féroces les conditions d’exploitation, ils ne peuvent que faire payer toujours plus à la classe ouvrière l’aggravation de la crise économique mondiale. Et ces attaques vont continuer à éroder le niveau de vie et plonger dans la misère une partie croissante de la classe ouvrière américaine.
Wim (20 octobre)Le film de Michael Moore, Fahrenheit 9/11, a fait la une de la presse française durant l'été dernier. Ce long métrage reprenant de façon très critique l'ensemble de la politique de l'administration Bush en direction de l'Irak a reçu la palme d'or au festival de Cannes et a été reçu en France avec une publicité au moins égale à de nombreuses superproductions américaines. Loin des Star War, Batman et autres Spiderman, la production de Moore a été nominée bien plus pour ses aspects politiques qu'artistiques, mais a cependant permis de remplir largement les salles de cinéma cet été. Il faut dire que cette superproduction anti-Bush venait à point nommé remplir la tâche que s'est assignée la bourgeoisie française : faire de l'antiaméricanisme à tous crins. La bourgeoisie française a donc trouvé dans le film de Moore une bonne occasion de justifier a posteriori son opposition à l'intervention américaine en Irak.
Au sein même des Etats-Unis, la controverse autour de ce film reflète l'importance des divisions existant dans la bourgeoisie américaine sur la façon avec laquelle la guerre a été menée en Irak. Mais fondamentalement, il s'agit d'abord et avant tout d'un film de propagande en faveur des démocrates, dans le cadre de la préparation aux élections présidentielles. Les différentes prises de position et "bagarres" sur cette production sont révélatrices de cet état de fait.
Ainsi, la société Walt Disney Co, productrice du film, avait au début décidée de ne pas laisser sortir le film de peur d'offenser l'administration Bush à cause de la forte attaque politique qui la vise. L'ex-gouverneur de l'Etat de New-York, Mario Cuomo, démocrate libéral important, qui représentait Moore en tant qu'avocat pour faire sortir le film, soutenait qu'il se battait pour celui-ci parce qu'il pensait que chaque Américain devait le voir, qu'il s'agissait d'un message vital pour la démocratie américaine.
Face à lui, le New York Post, journal "populaire" conservateur, contrôlé par le groupe de presse Murdoch's News Corp, dénonçait en revanche le film de Moore comme étant une propagande grossière.
Dans le barouf médiatique autour de Fahrenheit 9/11, il est apparu avec évidence, et cela était particulièrement clair aux Etats-Unis, que ce que les commentateurs et les journalistes de tout acabit disaient était complètement dépendant de la fraction de la bourgeoisie à laquelle ils appartenaient. Qu'ils s'agissent des tenants de Bush ou de ses adversaires, chacun faisait parler la voix de son maître.
Cependant, une chose doit rester claire : Fahrenheit 9/11 n'est ni anti-guerre, ni anti-impérialiste. Il est simplement pro-démocrate. Moore met ainsi une bonne raclée à Bush. Ce film met en scène toute une série d'images très fortes sur l'horreur de la guerre, et sur l'ineptie balourde de Bush et de son administration, utilisant des prises de vue gênantes pour celle-ci. Par exemple, on peut voir Paul Wolfowitz, l'architecte de la stratégie de l'impérialisme américain en Irak, présenté comme un clown dans une scène où il se lèche les doigts pour arranger ses cheveux avant d'apparaître à la télé - on le voit même tenir son peigne dans la bouche.
Moore se sert des défauts reconnus de Bush comme orateur public afin de dresser le portrait de quelqu'un de stupide et mesquin, le rendant complètement ridicule.
Il utilise toutes les ficelles des médias pour toucher la sensibilité de la population par rapport aux soldats morts en Irak. Dans un autre registre, il se sert encore d'une propagande démagogique pour "dénoncer" à bon compte les politiques. On peut rappeler la scène où Moore demande à des membres du Congrès si leur soutien à la guerre irait jusqu'à envoyer leurs propres enfants se battre en Irak et n'obtient que des regards d'incrédulité en réponse.
Si ce film se fait fort d'attaquer la campagne menée par Bush pour justifier la guerre, il n'a au bout du compte rien d'anti-guerre. Ainsi par exemple, Moore soutient clairement l'invasion et l'occupation impérialiste américaine en Afghanistan, et ne fait au fond que critiquer Bush parce qu'il n'a pas assez fait la guerre dans ce pays. Il ridiculise l'administration Bush pour ses liens diplomatiques avec le régime des talibans avant l'invasion militaire et même pour avoir eu la visite de représentants talibans dans l'Etat du Texas et l'attaque pour n'avoir pas envahi l'Afghanistan plus tôt. Il se plaint que le président américain ait attendu deux mois pour attaquer - laissant "deux mois d'avance" à Ben Laden et critique encore le fait que le président ait envoyé aussi peu de troupes en Afghanistan.
Les erreurs et la cupidité personnelles de Bush sont rendues responsables de la débâcle en Irak. Les arguments de Moore ne volent pas plus haut que de mettre en avant le fait que les relations d'affaires de la famille Bush avec la famille royale saoudienne expliquent la politique étrangère de l'administration américaine actuelle. Tout en s'arrêtant à la limite d'un appel à entrer en guerre contre la famille royale saoudienne, il dénonce pratiquement le président américain de trahison pour avoir fait la visite de New-York avec l'ambassadeur saoudien au soir du 13 septembre, et de protéger les intérêts saoudiens aux Etats-Unis.
Cette "analyse", Michael Moore l'a clamée très fort dans les interviews télévisées sur son film. Elles sont typiques de cette politique capitaliste qui consiste à attaquer des individus et leurs méfaits plutôt que le système capitaliste lui-même.
En bon représentant de la bourgeoisie, ce marchand de soupe médiatique veut nous faire croire que la situation actuelle est le produit de l'incompétence et du manque d'intelligence de Bush et de son administration, incapables de stabiliser l'Irak. C'est un argument complètement faux. Car la situation d'instabilité anarchique qui se répand est le pur produit de la situation historique dans laquelle se trouve le capitalisme aujourd'hui. Evoquer l'incompétence de tel ou tel chef d'Etat comme étant la cause des guerres permet à la bourgeoisie de cacher l'effroyable responsabilité du capitalisme décadent et de l'ensemble de la classe bourgeoise. Une telle logique permet en effet d'absoudre ce système de tous ses crimes en trouvant pour ceux-ci des boucs émissaires : la folie d'Hitler ou son déséquilibre mental serait la cause de la Seconde Guerre mondiale ; de même l'inhumanité et l'inconséquence de Bush seraient la cause de la guerre et des horreurs actuelles en Irak. Or, dans ces deux cas significatifs, ces hommes, avec leur tempérament et leurs spécificités, correspondent aux besoins de la classe qui les a portés au pouvoir.
Hitler avait été soutenu par l'ensemble de la bourgeoisie allemande parce qu'il se montrait capable de préparer la guerre rendue inévitable par la crise du capitalisme et par la défaite de la vague révolutionnaire qui a suivi Octobre 1917. Le déséquilibre d'un Hitler -ou plutôt le fait de mettre un tel déséquilibré au pouvoir- n'était rien d'autre que l'expression même de l'irrationalité de la guerre dans laquelle se lançait la bourgeoisie allemande. Il en est de même de Bush et de son administration. Ils mènent la seule politique qui aujourd'hui soit possible, du point de vue capitaliste, pour défendre les intérêts impérialistes américains, leur leadership mondial, à savoir celle de la guerre, de la fuite en avant dans le militarisme.
La prétendue "incompétence" de l'administration Bush, notamment du fait de l'influence qu'a pu exercer en son sein une fraction va-t-en guerre et jusqu'au-boutiste représentée par des Rumsfeld et Wolfowitz, son incapacité à agir sur la base d'une vision à long terme, sont révélatrices du fait que la politique de la Maison Blanche est à la fois la seule possible, et qu'elle est vouée à l'échec. Le fait que Colin Powell, appartenant à la même administration et sachant mener une guerre, ait fait des mises en garde, qui n'ont pas été écoutées, quant à l'impréparation du conflit, est une confirmation supplémentaire de cette tendance à l'irrationnel.
Il ne faut pas s'illusionner, c'est l'ensemble de la bourgeoisie américaine qui soutient une politique militariste parce que c'est la seule possible pour la défense de ses intérêts impérialistes.
La véritable discussion au sein de la bourgeoisie américaine n'est pas de savoir si les Etats-Unis devaient envahir l'Irak mais sur des questions tactiques : quelles justifications idéologiques devaient être utilisées (les armes de destruction massive et les liens avec Al Qaïda ainsi que les violations des droits de l'homme), à quel niveau les Etats-Unis devraient travailler de façon à obtenir un soutien international à cette invasion, et de quelles tactiques et doctrines militaires ils se serviraient dans celle-ci et pendant l'occupation.
Plus secondairement, mais de façon non négligeable, Fahrenheit 9/11 n'a d'ailleurs pas seulement pour fonction de cacher la nature profondément bourgeoise de la politique impérialiste américaine et de rouler pour le parti démocrate, mais de redonner du tonus à la mystification électorale elle-même, qui a pris du plomb dans l'aile avec le désastre des élections de 2000, où chaque bulletin a dû être recompté, du fait de tricheries supposées.
En conclusion, on peut voir Fahrenheit 9/11 si l'on a envie de rire aux dépens de Bush (et de voir une manière habile et prétendument critique de faire de la propagande politique bourgeoise), mais pas une seconde pour espérer y voir une prise de position anti-impérialiste ou anti-guerre, pas plus qu'une analyse pertinente des événements actuels. Quel que soit celui qui gagne les élections en novembre, l'impérialisme américain continuera sans aucun doute à répandre la guerre. La seule façon d'en finir avec la guerre est d'en finir avec le capitalisme.
D'après Internationalism n°131 (septembre/octobre 2004)Face à une concurrence de plus en plus acharnée, la logique de l'entreprise était de réduire les coûts de production, c'est-à-dire de licencier une partie du personnel et moderniser les sites industriels pour être plus compétitif. De licenciements en restructurations diverses, cela n'a pas empêché que la situation de l’entreprise soit devenue à nouveau critique à la fin de l’année 2003. Les parts de marché de la marque ont fondu comme neige au soleil.
Fin juillet, Nestlé Waters propose donc un plan drastique de suppressions de postes en échange de la modernisation du site. La direction du groupe obtient alors dans un premier temps la signature de la CFDT et de la CFE-CGC. Mais la CGT , syndicat largement majoritaire dans l'entreprise, s’y oppose, brandissant la loi Fillon sur le "dialogue social". Mi-septembre, la direction remet sur le tapis l’opposition déclarée de la CGT à son "plan de sauvetage" et menace de la rendre responsable de la vente de l’entreprise (appelée "filialisation"), avec à la clé le démantèlement des lieux de production et le licenciement de l’ensemble des ouvriers.
La bourgeoisie est parvenue à ses fins à travers un partage du travail exemplaire. Les médias ont présenté ces événements comme un bras de fer entre la CGT et la direction. En menant campagne contre "l’irresponsabilité" du syndicat et en le mettant en lien avec le risque de licenciements encore plus lourds, la direction comptait sur ce chantage pour faire pression sur des ouvriers déjà profondément déboussolés et démoralisés par près d'un mois de tergiversations pendant lequel les syndicats ont joué un rôle de sabotage déterminant de toute velléité de lutte.
Ainsi, la direction de Perrier, si elle a condamné publiquement l’attitude de la CGT comme "irresponsable", a fait apparaître en même temps aux yeux des ouvriers ce syndicat comme un véritable syndicat combatif, qui se battait contre le patronat et qui défendait les intérêts des prolétaires.
En fait, lorsqu’elle est "relancée" par la direction, mi-septembre, la CGT tergiverse et demande un "délai" de réponse pour consulter ses adhérents et convoquer une assemblée générale pour déterminer sa position. En réalité, il s'agit pour la CGT de laisser les ouvriers mijoter et se morfondre dans une attente angoissée car elle organise d’abord réunion sur réunion pendant une semaine entière, du 21 au 28 septembre, d’abord avec la direction, notamment à Lyon, puis à Nîmes, où les leaders du syndicat se déplacent pour soi-disant évaluer la possibilité d’une coordination (qui ne verra jamais le jour) de tous les sites industriels regroupés sous Nestlé Waters et menacés eux aussi de restructurations (Contrex, Vittel, Quézac, etc.).
Nicolas Sarkozy, ministre de l’Economie, et Bernard Thibault, leader national de la CGT, interviennent alors pour demander aux leaders syndicaux locaux et à la direction de rouvrir les négociations. C’est alors que la direction menace de mettre en vente la marque Perrier et de fermer l’usine si la CGT fait une quelconque obstruction à la mise en place du plan de licenciements.
Le syndicats vont ensuite mettre en place la confusion générale. L'ensemble des syndicats provoquent la division dans une assemblée générale particulièrement houleuse où ils mettent en scène une véritable foire d’empoigne : la CFDT critique vertement le jusqu’au-boutisme cégétiste qui aurait amené la direction à radicaliser ses objectifs, alors qu'il est clair que ceux-ci étaient dessinés bien avant. Cette zizanie orchestrée permet à la CGT, apparaissant comme totalement isolée et "victime" de la pression de la direction, de changer de position, d’infléchir son attitude radicale sans perdre la face et de lever "officiellement" son opposition. De fait, elle accepte, sans le signer, le plan de restructuration. Le leader syndical de Perrier pouvait déclarer avec cynisme sans aucune remise en cause ni aucune réaction de la part des salariés : " La CGT a accueilli avec satisfaction les engagements de principe de la direction, pris en échange de la levée de son opposition. Elle a décidé de faire cette importante concession, puisque la direction a accepté de mettre en oeuvre les investissements nécessaires à la modernisation de l’outil de travail et au développement des produits de la marque. " (cité dans Le Monde du 30 septembre) Ce discours est largement éclairant. Dès le départ, la direction et les syndicats, CGT comprise, étaient totalement d’accord sur le fond, le plan était nécessaire pour tenter de redresser l’entreprise. Le seul problème était de l’imposer aux salariés.
Le terrain a été entièrement balisé de façon à ce qu'aucune expression de riposte ouvrière réelle n'ait lieu et à ce que la situation renforce la confusion dans la conscience des prolétaires et la division dans leurs rangs. Et si les ouvriers ont accepté ces mesures dans la passivité, c’est fondamentalement parce qu’ils ont fait confiance aux syndicats. Ceux- ci les ont isolés. Tout a été focalisé sur Perrier et le site de Vergèze, le plus important du groupe agro-alimentaire. C’était déjà la méthode employée avec "les LU" ou "les Lustucru". A leur tour, "les Perrier" ont été soigneusement enfermés dans la logique de la défense de "leur" boîte et isolés de leurs frères de classe qui ont, partout, quels que soient les secteurs, les mêmes problèmes et qui sont confrontés aux mêmes attaques. Parallèlement, la division entre la CGT et les autres syndicats a en fait servi à la mise en place d'une véritable division entre les ouvriers à l’intérieur même de l’entreprise, faisant ainsi barrage à toute expression de solidarité ouvrière.
Aujourd’hui, le résultat de la manoeuvre est sous nos yeux. Tout ce joli petit monde peut se déclarer satisfait. Le gouvernement peut se vanter d’avoir contribué par son intervention à désamorcer ce conflit dans le contexte d’une montée de profond mécontentement et de mouvements sociaux qui secouent actuellement plusieurs pays européens (voir notre article de première page). La direction peut poursuivre tranquillement ses objectifs de restructurations concernant l’ensemble du groupe. Le 21 octobre, l’administrateur-délégué de Nestlé en Suisse pouvait d’ailleurs se targuer d’avoir reçu plusieurs offres sérieuses de rachat de la marque Perrier. Les syndicats auront rempli leur mission de faire passer les mesures de licenciement sans avoir perdu trop de plumes. En particulier, la CGT aura réussi à masquer son travail de sabotage, d’isolement et d’étouffement de toute réaction ouvrière, tout en se faisant passer elle-même comme " victime" du chantage du patronat.
Les seules victimes de ce partage du travail, ce sont les ouvriers qui se retrouvent sur le carreau, défaits, impuissants, divisés, atomisés, démoralisés.
Pour pouvoir se battre, entreprendre de résister efficacement aux plans de licenciements de plus en plus nombreux, comme à toutes les attaques grandissantes de la bourgeoisie, la classe ouvrière doit commencer à tirer les véritables leçons de ce type de défaite. Elle doit comprendre qu’accepter de s’en remettre aux syndicats pour lutter la mène inévitablement aux défaites les plus cuisantes. Elle doit comprendre que la seule direction dans laquelle les syndicats la poussent, c’est celle de l’isolement, de la division, de la démoralisation, Elle doit comprendre que le rôle de tous les syndicats, quels qu’ils soient ou se prétendent être, n’est nullement de la défendre mais de l' encadrer pour faire passer les attaques de la bourgeoisie, qu’elles viennent du patronat comme du gouvernement.
Grégoire (22 octobre)Nous publions ci-dessous une synthèse de la réunion publique que le CCI a pu tenir à Buenos Aires en août 2004 grâce au NCI d'Argentine (dont nous avons publié plusieurs contributions dans notre presse). Malgré leurs faibles forces et les conditions extrêmement difficiles dans lesquels ils se trouvent, ces camarades se sont impliqués activement dans le débat, notamment pour défendre les positions de base du camp prolétarien.
Le vendredi 27 août, le CCI a tenu une réunion publique à Buenos Aires sur le thème de la décadence du capitalisme.
Plusieurs participants ont affirmé avoir été agréablement surpris par la discussion, vivante et animée, avec la participation active des éléments présents. Ils ont vu que cette réunion se situait aux antipodes de celles des groupes de la gauche ou de l'extrême-gauche du capital dans lesquelles un orateur ou plusieurs orateurs se relaient pour déverser des discours interminables qui fatiguent les personnes qui rentrent chez elles démoralisées. A l'inverse de tout cela, la réunion publique du CCI a démontré à l'évidence qu'elle a été un lieu où l'on peut discuter et opposer des arguments en vue de la clarification, laquelle est une arme de la classe ouvrière. Car ce n'est que par le feu du débat que peut surgir l'étincelle de la clarté.
La présentation a mis en avant les questions suivantes : comment expliquer les deux guerres mondiales, les interminables guerres régionales et les guerres du chaos actuel accompagnées d'un terrorisme aveugle et barbare ? Comment expliquer la dégradation inexorable des conditions de vie de tous les ouvriers du monde, y compris les "privilégiés" d'Allemagne, de France, des Etats-Unis, etc. ? Comment expliquer l'accroissement des famines dans le monde, les épidémies et les maladies les plus effroyables ? Comment expliquer la dislocation croissante des relations sociales qui engendre l'insécurité, la dépravation morale, les drogues, la fuite dans l'irrationnel, la barbarie la plus abjecte ? Comment expliquer la menace croissante d'énormes catastrophes écologiques ?
La bourgeoisie, dans toutes ses variantes, nous offre toutes sortes de fausses explications : il y aurait une crise de restructuration du capitalisme, un capitalisme "réformé" avec une intervention de l'État corrigeant ses tendances les plus négatives qui permettrait qu'un "autre monde" soit possible, etc. Face à cela, l'explication donnée par le CCI a mis en évidence que le capitalisme est un système social décadent qui, depuis la Première Guerre mondiale, s'est transformé en une entrave pour le développement de l'humanité. La poursuite de sa survie porte avec elle la menace de destruction de l'espèce humaine. Comme le disait l'Internationale communiste à son premier congrès (mars 1919) : "La période actuelle est celle de la décomposition et de l'effondrement de tout le système capitaliste mondial et elle sera celle de l'effondrement de la civilisation européenne en général si on ne détruit pas le capitalisme avec ses contradictions insolubles."[1] [497]
La classe ouvrière est la seule classe sociale capable de détruire le capitalisme
Cette présentation qui s'est limitée à vingt minutes afin de donner le maximum de temps à la discussion ne fut remise en question ouvertement par aucun des participants. La discussion s'est centrée sur deux questions:
De façon générale, les participants ont exprimé leur accord avec le fait que le prolétariat est la classe révolutionnaire qui détient entre ses mains la lutte pour la destruction du capitalisme. Cependant, des doutes ont été soulevés, que la discussion a permis de dissiper:
Bien que nous ne puissions longuement développer les réponses que cette réunion publique a apportées à ces questions, il est ressorti clairement de la discussion que le prolétariat:
Deux participants ont défendu, en se revendiquant de l'"analyse marxiste", le prétendu caractère "socialiste" (ou "comme un pas vers le socialisme") des régimes de l'ex-URSS, de la Corée du Nord, de Cuba, etc. Ils ont affirmé que, dans ces pays, il y a eu des "révolutions socialistes". D'autres participants leur ont répondu de façon très tranchante avec les arguments suivants :
Faute de temps, la discussion a dû s'arrêter là, et plusieurs participants ont manifesté la nécessité de poursuivre le débat. En particulier, l'un d'entre eux a proposé de mettre en discussion la question de la dictature du prolétariat et comment lutter aujourd'hui pour la réaliser. Il a également été convenu qu'une synthèse de cette réunion soit publiée sur Internet afin que la discussion puisse se poursuivre par ce moyen.
D'après Accion
Proletaria n°178,
publication du CCI en
Espagne
Nous avons toujours affirmé (notamment dans notre presse) l’absolue nécessité pour les organisations se réclamant des courants de la Gauche communiste de mener un débat public, de confronter leurs positions réciproques afin que les éléments à la recherche d'une perspective de classe puissent se faire une idée claire des différentes positions existant au sein du camp prolétarien.
Bien que (comme le PCint et la CWO qui l'ont constitué), le BIPR ait toujours défendu l’internationalisme prolétarien, au milieu des pires horreurs nationalistes déversées par la bourgeoisie, son analyse des causes des différents conflits guerriers au cours de ces vingt dernières années, passait totalement à côté de l’essentiel. Ainsi, concernant la guerre actuelle en Irak, le BIPR, dans son exposé introductif a réitéré l'analyse suivant laquelle cette nouvelle guerre aurait une rationalité économique (la rente pétrolière et la mainmise des Etats-Unis sur les sources de "l'or noir"). C'est cette analyse que le BIPR avait déjà défendue par le passé, notamment lors de la guerre en Afghanistan en 2001 : "…les Etats-Unis ont besoin que le dollar reste la monnaie du commerce international s’ils veulent maintenir leur position de super-puissance mondiale. Ainsi, par dessus tout, les Etats-Unis cherchent désespérément à assurer que la poursuite du commerce global du pétrole se fasse en dollars. Cela veut dire avoir une influence déterminante dans l’itinéraire des pipe-lines de pétrole et de gaz avant même l’implication commerciale américaine dans l’extraction à leur source. Il en est ainsi quand de simples décisions commerciales sont déterminées par l’intérêt dominant du capitalisme américain dans son ensemble et que l’Etat américain s’impose politiquement et militairement dans l’intérêt d’objectifs plus vastes, objectifs qui souvent s’opposent aux intérêts d’autres Etats et de plus en plus à ceux de ses alliés européens. En d’autres termes, tel est le cœur de la concurrence capitaliste au 21e siècle (…). (cité dans notre Revue Internationale n° 108, janvier 2002, dans notre polémique avec le BIPR sur la question de la guerre)
C'est une analyse similaire que le BIPR avait défendue lors de la première guerre du Golfe en 1991 : "la crise du Golfe s’est produite vraiment à propos du pétrole et de ceux qui le contrôlent. Sans pétrole bon marché les profits chuteront. Les profits du capitalisme occidental sont menacés et c’est pour cette raison et aucune autre que les Etats-Unis préparent un bain de sang au Moyen-Orient." (cité dans notre Revue Internationale n°64)
Devant l’évolution évidente de la réalité, le BIPR a toutefois été obligé, à propos du conflit actuel en Irak, de faire évoluer quelque peu son analyse. Ainsi, dans son exposé introductif, le BIPR a émis trois raisons essentielles pouvant expliquer le déclenchement de cette nouvelle guerre en Irak :
Suite à la présentation de cet exposé, le CCI est intervenu pour mettre en évidence que l'offensive américaine en Irak a essentiellement des causes stratégiques. Si la question du pétrole joue un rôle important, ce n'est pas avant tout pour des raisons économiques, mais fondamentalement stratégiques et militaires. Ainsi, nous avons rappelé que l'importance stratégique du pétrole ne date ni d'aujourd'hui, ni des années 1960, mais d'avant la Première Guerre mondiale, depuis la mécanisation des armées.
Dans nos interventions, nous avons souligné notamment que l'exposé révèle une certaine avancée du BIPR puisque celui-ci, dans la liste des causes de l'offensive américaine en Irak, a placé en premier l'existence de raisons "géostratégiques". Malgré sa vision mécaniste et réductionniste du lien entre la crise économique et la guerre (et qui relève du matérialisme vulgaire), le BIPR ne peut pas se voiler totalement la face devant l'évidence des faits : plus de dix ans après, les zones d'acheminement du pétrole en Afghanistan n’ont pas été sécurisées par la guerre, mais au contraire en partie détruites.
Malheureusement, nous étions un peu trop optimistes en affirmant que le BIPR avait fait une avancée dans ses analyses.
En effet, le camarade qui a présenté l'exposé a "corrigé" notre intervention en affirmant que nous avions mal entendu (ou mal compris) le contenu de cet exposé puisque, quel que soit l'ordre où les causes ont été présentées... les "causes stratégiques" de l'offensive américaine en Irak sont, pour le BIPR, "secondaires" !
Le camarade a même affirmé qu'il aurait dû nous distribuer l'exposé écrit pour éviter tout "malentendu" de notre part. Depuis, le BIPR a publié sur son site Internet en français cet exposé écrit. Ainsi, le lecteur pourra s'y reporter et voir que le facteur principal mis en avant est bien celui que nous avions entendu : "Si l'or noir figure dans les calculs irakiens de Washington, c'est plus comme ressource stratégique plutôt qu'économique. Avec cette guerre, il s'agit davantage de perpétuer l'hégémonie américaine -et, dans ce sens, de prendre des garanties pour l'avenir- que de gonfler tout de suite les bénéfices d'Exxon." On se saurait être plus clair (et nous sommes tout à fait d'accord avec cette analyse) !
Ainsi, cette petite contorsion consistant à affirmer que le CCI aurait "mal compris" ou "mal entendu" a permis au BIPR, tout au long de la discussion, de faire l'impasse totale sur les "causes stratégiques" de la guerre en Irak. Elle n'a servi en réalité qu'à masquer soit que les analyses du BIPR sont à géométrie variable, soit que les camarades du BIPR ne sont pas tous d'accord avec les analyses "officielles" de leur propre organisation.
Dans nos interventions, nous avons insisté sur le fait que, avec l’entrée du capitalisme dans sa période de décadence au début du 20e siècle, la guerre a perdu toute rationalité économique pour le capital comme un tout et même, de plus en plus, pour chaque Etat en particulier. Nous avons rappelé que le concept de décadence du capitalisme n'est pas une invention du CCI, puisque c'est l'Internationale communiste qui, en 1919, avait adopté cette analyse. De même, l'analyse de l'irrationalité de la guerre dans cette période de décadence n'est pas non plus une idée farfelue sortie de la tête des "idéalistes" du CCI. C'est la Gauche Communiste de France (GCF) dont le CCI s'est toujours revendiqué qui avait développé une telle analyse en affirmant que dans la période de décadence du capitalisme "la production est essentiellement axée sur la production de moyens de destruction, c'est-à-dire en vue de la guerre. La décadence de la société capitaliste trouve son expression éclatante dans le fait que des guerres en vue du développement économique (période ascendante), l'activité économique se restreint essentiellement en vue de la guerre (période décadente)" (Rapport à la Conférence de juillet 1945 de la Gauche Communiste de France, cité dans notre Revue Internationale n°18, "Le cours historique")[2] [500]
Nous avons également mis en évidence que le rejet du caractère irrationnel, sur le plan économique, des guerres dans la période de décadence, et leur irrationalité croissante dans la phase ultime de cette décadence (celle de la décomposition du capitalisme) amène le BIPR à ne faire aucune différence entre la fonction des guerres coloniales et de construction d'États nationaux au 19e siècle et les guerres qui se sont déchaînées depuis 1914.
Ainsi, nous avons rappelé notre analyse suivant laquelle au 19e siècle les guerres étaient "rentables". Elles avaient une rationalité économique (puisqu'elles ont permis l'expansion du capitalisme à l'échelle de toute la planète), alors qu'au 20e siècle ces guerres ont pris un caractère de plus en plus irrationnel. Et c'est encore plus évident aujourd'hui : avec l'entrée du capitalisme dans sa période de décomposition (ouverte avec la dislocation des deux blocs impérialistes issus de la Seconde Guerre mondiale), cette irrationalité sur le plan économique a atteint un niveau supérieur comme on a pu le voir, par exemple, dans les Balkans ou en Tchétchénie.
Ainsi, l'ordre mondial institué par la conférence de Yalta en 1945 a aujourd'hui cédé la place à une ère de désordre mondial marqué par le déchaînement du "chacun pour soi" sur la scène impérialiste.
La myopie du BIPR l’amène à ne pas percevoir que la logique impérialiste du capitalisme en période de décadence tend de plus en plus à n’obéir qu’à sa propre logique : celle de la fuite en avant, effrénée, dans la guerre et dans une barbarie croissante.
L'intervention du CCI a également mis en évidence les implications de l'analyse du BIPR suivant laquelle la guerre des Etats-Unis contre l'Irak aurait encore une rationalité économique (notamment la fameuse "rente pétrolière"). Une telle vision conduit le BIPR, en réalité, à sous-estimer l'extrême gravité de la situation historique actuelle (marquée par un développement d'un chaos sanglant) et donc la gravité des enjeux pour la classe ouvrière et pour l'avenir de l'humanité.
Nous avons également rappelé, dans cette réunion publique, le cadre dans lequel le CCI avait analysé les causes de cette nouvelle guerre en Irak.: "Dans le contexte de faillite du capitalisme et de décomposition de la société bourgeoise, la réalité nous montre que la seule politique possible de chaque grande puissance est d’essayer de mettre les autres en difficulté pour tenter de s’imposer elle même. C’est la loi du capitalisme. Ainsi cette instabilité, cette anarchie croissante et ce chaos qui se répandent ne sont pas la spécificité de telle ou telle zone exotique et arriérée mais bien le produit du capitalisme dans sa phase actuelle irréversible de décomposition. Et comme le capitalisme domine la planète, c’est la planète entière qui est de plus en plus soumise au chaos." (Revue Internationale n°118)
Le BIPR n'a pas été en mesure de réfuter nos arguments avec un minimum de sérieux. Ainsi, concernant notre analyse de la décomposition du capitalisme, le seul "argument" politique que nous avons pu entendre de la part du BIPR a consisté à stigmatiser une fois encore "l'idéalisme" du CCI par un sarcasme hors de propos : "avec votre analyse de la décomposition, tout est dans tout, le chaos, Dieu, les anges,…" !
Mais ce n'est pas tout. Nous avons été sidérés d’entendre des arguments à faire se retourner Marx et Engels dans leurs tombes :
1) Lorsque nous avons posé la question : "Le BIPR défend-il aujourd'hui encore son analyse suivant laquelle si une troisième guerre mondiale n'a pas éclaté avant l'effondrement du bloc de l'Est c'est à cause de la bombe atomique et de 'l'équilibre de la terreur' ?", aucun militant du BIPR n'a voulu, dans un premier temps, répondre à notre question. Et c'est seulement lorsque nous avons posé cette question pour la troisième fois que l'un d'entre eux a daigné enfin nous répondre, de façon très succincte (et sans aucune argumentation) : l'équilibre de la terreur est "UN des facteurs" qui explique que la bourgeoisie n'a pas pu déchaîner une troisième guerre mondiale… En somme, l'analyse classique des secteurs bourgeois dominants qui, pendant des décennies, ont vendu aux prolétaires une effroyable course aux armements au nom de la "préservation de la paix". Sans commentaires !
Outre qu'ils ont entendu le BIPR reprendre à son compte les platitudes de la propagande bourgeoise, tous les éléments en recherche présents à cette réunion publique sont restés sur leur faim : ils sont sortis de cette réunion sans connaître quels sont les "autres facteurs" (et surtout quel est le facteur déterminant) qui, selon le BIPR, ont constitué un obstacle à une troisième guerre mondiale. Par contre, ils ont pu entendre que pour le CCI, le facteur essentiel réside dans le fait que, depuis la fin des années 1960, un nouveau cours historique (celui des affrontements de classe) avait été ouvert, marquant la fin de la longue période de contre-révolution qui s'était abattue sur le prolétariat après la défaite de la vague révolutionnaire de 1917-23. Si une troisième guerre mondiale n'a pas éclaté, ce n'est pas à cause de l'arme atomique et de "l'équilibre de la terreur", mais bien parce que la classe ouvrière mondiale n'était pas prête à verser son sang derrière les drapeaux nationaux.
2) Concernant l'analyse marxiste de la décadence du capitalisme, on a pu entendre un porte-parole du BIPR nous répondre en ces termes : "je suis fatigué de discuter depuis 25 ans avec le CCI." En effet, le CCI est tellement "borné" qu'il ne veut toujours pas comprendre le B-A/BA du marxisme, lequel aurait enseigné (selon ce porte-parole du BIPR) que "dans le capitalisme, il faut distinguer deux choses : la formation sociale et le mode de production. On peut considérer qu'il y a décadence de la formation sociale (même si je n'aime pas le mot 'décadence'), mais le mode de production n'est pas décadent. Car si une révolution sociale n’intervient pas, nous aurons toujours les deux, avec l’effondrement de la société dans la barbarie. "
En prenant toutes les précautions d’usage (il est vrai que si une révolution n'intervient pas, nous aurons un effondrement dans la barbarie), le BIPR nous a tranquillement affirmé que le capitalisme pouvait être en décadence en tant que "système social", au niveau de sa superstructure (idéologies dominantes, culture, loisirs, mœurs, morale, etc..), mais pas en tant que "système économique", c'est-à-dire sur le plan de son infrastructure (au niveau de son mode de production et de la manière dont les hommes sont organisés pour produire leur existence).
Et c'est au nom du marxisme, du "matérialisme" et bien sûr contre la vision "idéaliste" du CCI qu'a été assénée une telle leçon de "dialectique" ! Nous préférons laisser à Marx le soin de réfuter pareilles inepties : "Il en résulte qu’un mode de production ou un stade industriel déterminé est toujours lié à un mode déterminé de coopération ou à un stade social bien défini et ce mode de coopération est lui-même une force productive." "La production de leurs idées, des représentations, de la conscience est de prime abord, directement mêlée à l’activité et au commerce matériel des hommes, c’est le langage de la vie réelle." ("L'idéologie allemande"). Ainsi, ce "langage de la vie réelle", le BIPR semble l'ignorer. Mais, comme disait Spinoza, "l'ignorance n'est pas un argument" !
Pour le marxisme, la décadence comme l’ascendance d’un mode de production affecte tous les aspects de la société, car c'est l'état des infrastructures (l'économie) qui détermine celui des superstructures (la vie sociale), même si l’évolution ou l’involution d’une civilisation ne se développe pas d’une manière homogène dans tous ses aspects. Affirmer le contraire n’est ni matérialiste, ni marxiste. C'est tomber dans l'idéalisme le plus stupide.
3) Au cours de la discussion, l’un de nos sympathisants a demandé au BIPR : "Si on suit votre analyse du cycle "crise/expansion/nouvelle crise, etc., quelle est votre position sur les luttes de libération nationale ? Seraient-elles encore valables aujourd'hui ? Et est-ce que cela veut dire que les syndicats auraient encore une nature ouvrière ?".
Sur la question des luttes de libération nationale, le BIPR n'a apporté aucune réponse à la question. Par contre, un camarade du présidium a affirmé que si le BIPR n'est pas pour le travail dans les syndicats c'est "parce que l'expérience a montré qu'on a rien à y faire et non pas parce que le capitalisme serait en décadence." Nous sommes intervenus pour demander au BIPR s'il rejetait ainsi la position défendue par le PCInt en 1947 et qu'il cite pourtant en exergue dans ses "Thèses sur le syndicat aujourd'hui et l'action communiste" (adoptées au 4e congrès du PCInt) : "Dans l'actuelle phase de décadence de la société capitaliste, le syndicat est appelé à être un instrument essentiel de la politique conservatrice et par conséquent à assumer une fonction précise d'organisme de l'État." (surligné par nous).
Le camarade du présidium, qui a répondu à la question posée sur la nature des syndicats, a alors paru très surpris que le BIPR ou le PCInt ait pu avoir une telle analyse. Visiblement, il semblait découvrir cette position programmatique de sa propre organisation (qui est pourtant publiée même sur le site Web du BIPR) !
De toute évidence, la remise en cause de l'analyse de la décadence du capitalisme élaborée par l'Internationale communiste, ne peut que conduire le BIPR à "réviser" certaines positions de sa propre plateforme.
En dehors de notre contribution au débat, et des questions posées par nos sympathisants (auxquelles le BIPR soit n'a pas répondu, soit a répondu de façon pour le moins très confuse), on peut signaler l'intervention d’un élément du milieu conseilliste (que nous connaissons depuis longtemps) dont l'intervention a consisté essentiellement à critiquer notre analyse de la décadence du capitalisme (basée sur la théorie de la saturation des marchés développée par Rosa Luxembourg dans L’Accumulation du capital ). Cet élément est venu nous faire une fois encore une "leçon de marxisme" en défendant l’idée que le capitalisme global est toujours aujourd’hui en pleine phase d’accumulation élargie comme en témoigne notamment le formidable développement économique de la Chine !
Cette analyse (qui est aujourd'hui très répandue parmi les "experts" de la classe dominante) n'a pas donné lieu à la moindre critique de la part du BIPR. Le CCI est donc intervenu pour démontrer que la prétendue "expansion économique" de la Chine était bâtie sur du sable (voir notre article sur la Chine dans Révolution Internationale n°350).
On a pu entendre encore l'un des deux supporters de la FICCI faire une longue intervention (incompréhensible et totalement incohérente) visant à "démontrer" que l'analyse du CCI (et donc de l'Internationale communiste) sur la décadence du capitalisme est une absurdité et qu'elle se situe en dehors du marxisme.
Tout aussi significative a été la "prestation" des deux "tribuns" de la FICCI qui se sont agités non pas pour prendre position sur l'analyse du BIPR exposée par le présidium, mais pour tenter de "démolir" les analyses du CCI[3] [501].
L'absence de tout sérieux de la FICCI s'est encore bruyamment révélée par le comportement de deux de ses membres (et de leurs deux supporters) qui, au lieu de prendre la parole pour développer une argumentation politique, se sont contentés tout au long de cette réunion d'adopter une attitude faite de ricanements, de sarcasmes (et même d'applaudissements face aux critiques portées aux analyses du CCI, comme si ces éléments étaient venus assister à un match de football !). Ce manque de sérieux a d'ailleurs profondément choqué les éléments en recherche qui étaient présents. L'un d'entre eux a ainsi demandé la parole et a affirmé que ce type d'attitude dans une réunion politique ne l'avait pas "incité à s'inscrire dans la discussion".
Ainsi, il est clair que si le CCI n'avait pas été présent et n'avait pas apporté matière à la discussion, il n'y aurait eu aucun débat contradictoire, aucune confrontation des différentes positions. La FICCI (qui prétend être le "vrai défenseur de la plate forme du CCI") s'est en effet bien gardée d'avancer la moindre divergence, la moindre critique à l'analyse du BIPR.
Sur le concept de décadence du capitalisme (que le BIPR est en train de "redéfinir", en fait de rejeter), les membres de la FICCI n'ont pas pipé mot. De même qu'ils ont évité pudiquement toute confrontation avec le BIPR sur la question : pourquoi la bourgeoisie n'a-t-elle pas été en mesure de déclencher une troisième guerre mondiale avant l'effondrement du bloc de l'Est ?
Ainsi, la prétendue ouverture au débat public, pour la "clarification" et la "confrontation" des différents points de vue au sein du camp prolétarien, dont se revendique la FICCI n'est qu'un bluff agrémenté d'une bonne dose d'hypocrisie. En réalité, pour constituer un "front unique anti-CCI", le BIPR et la FICCI préfèrent cacher leurs désaccords et les discuter dans leurs réunions "privées" !
Pour notre part, si nous avons refusé de mener le moindre "débat" avec les éléments de la FICCI (et cela malgré leurs interventions provocatrices), c'est parce que le CCI est venu à une réunion publique du BIPR et qu'il ne voulait surtout pas permettre à ces individus de saboter le débat. C'est pour cela que nous sommes intervenus pour réfuter les arguments du BIPR et non pas ceux de cette "fraction" autoproclamée qui s'est comportée comme une bande de voyous (en volant du matériel et de l'argent au CCI).
C'est également parce que le CCI ne craint pas la confrontation publique de ses divergences avec le BIPR, qu'il a participé à cette réunion. En ce sens, nous ne partageons pas la position du BIPR (réitérée à la fin de cette réunion publique) suivant laquelle le débat entre le CCI et le BIPR "ne sert à rien". Notre conception du débat public n'est pas celle d'un bras de fer entre les groupes de la Gauche communiste pour savoir qui est le plus "fort", ou qui va "conquérir" le plus d'éléments. Si nous sommes intéressés à la discussion publique de ces divergences, c'est essentiellement afin de permettre aux éléments en recherche de connaître non seulement les positions du CCI mais aussi celles des autres groupes du camp prolétarien. Seule cette démarche peut leur permettre de se clarifier et de ne pas se tromper de porte s'ils veulent devenir militants.
Face aux éléments à la recherche d'une perspective de classe, il appartient aux organisations révolutionnaires d'apporter une réponse à toutes leurs questions, de les convaincre avec le maximum de clarté, de rigueur et de sérieux dans l'argumentation. De même qu'il leur appartient de défendre, dans leurs réunions publiques, le sérieux du débat politique en bannissant toute attitude parasitaire consistant à polluer ce débat par des sarcasmes, des ricanements ou des applaudissements.
CCI (18 octobre)Note au
lecteur :
La version Internet de cet article comporte de toutes petites différences avec
le tirage sur papier laquelle n'avait pas intégré trois corrections du fait
d'une erreur de transfert de fichier électronique. Nous publierons un erratum
dans le prochain n° de RI.
[1] [502] Pour des raisons de place et d'équilibre de notre journal, nous ne
publions pas dans ce numéro de RI la première partie de cet article
intitulée "Le BIPR pris en otage par des voyous !" (et
que le lecteur pourra trouver sur notre site Web). Cela dit, tout lecteur qui
n'a pas les moyens de consulter notre site Internet, peut nous en faire la
demande par écrit. Nous lui enverrons gratuitement une copie de cet article.
Nous leur enverrons également la réponse que le BIPR vient de publier (sur son
site Web) sous le titre "Réponse à une organisation en voie de
désintégration."
[2] [503] Un membre de la FICCI a fait une intervention pour tenter de
"ridiculiser" notre vision de l'irrationalité de la guerre en nous
accusant de "révisionnisme" et allant même jusqu'à affirmer que nous
étions "des Kautsky" ! En réalité, ce sont les ténors de cette prétendue
"fraction" qui se révèlent être les vrais "révisionnistes",
puisqu'ils abandonnent aujourd'hui l'analyse développée par la GCF et dont le
CCI, quant à lui, s'est toujours revendiqué. Ainsi, ces renégats qui prétendent
être les "vrais défenseurs des positions programmatiques du CCI",
rejettent aujourd'hui (pour caresser le BIPR dans le sens du poil) cette
position élémentaire de notre plateforme sur laquelle est fondée notre cadre
d'analyse de la décadence du capitalisme.
[3] [504] Et pour combattre les analyses "kautskistes"
et "révisionnistes" du CCI, on a pu entendre de la bouche de
ceux que le BIPR appelle les anciens "dirigeants de la vieille garde du
CCI" (sic !) des "arguments" qui frisent le crétinisme. On y
a appris (entre autres "perles" de la FICCI), que :
L’histoire du mouvement ouvrier a tragiquement appris aux communistes que des partis prétendant défendre la classe ouvrière et l’avènement du socialisme ou du communisme n’avaient, en fait et quelle que soit la conscience qu'en avaient leurs militants, pour objectif véritable que la défaite de la classe ouvrière, le maintien de l’exploitation capitaliste et, finalement, le sacrifice de la vie de millions de prolétaires pour les intérêts de leur bourgeoisie nationale lors des guerres impérialistes du 20e siècle.
L'histoire de ce siècle a amplement démontré que le critère essentiel qui détermine l'appartenance de classe véritable d'une organisation qui se réclame du prolétariat est l'internationalisme. Ce n'est pas un hasard si ce sont les mêmes courants qui s'étaient clairement prononcés contre la guerre impérialiste en 1914 et qui avaient impulsé les conférences de Zimmerwald et de Kienthal (particulièrement les bolcheviks et les spartakistes) que l'on a retrouvés par la suite à la tête de la révolution, alors que les courants social-chauvins ou même centristes (Ebert-Scheidemann, ou les mencheviks) ont constitué le fer de lance de la contre-révolution. Ce n'est pas un hasard non plus si c'est le mot d'ordre "Prolétaires de tous les pays, unissez-vous !" qui conclut non seulement le Manifeste communiste de 1848, mais aussi l'Adresse inaugurale de l'AIT en 1864.
Aujourd'hui, alors que les guerres ne cessent de ravager telle ou telle partie du monde, la défense de l'internationalisme continue de constituer le critère décisif d'appartenance d'une organisation au camp de la classe ouvrière. Face à ces guerres, la seule attitude conforme aux intérêts de cette dernière consiste à rejeter toute participation dans l’un ou l’autre des camps en présence, à dénoncer toutes les forces bourgeoises qui appellent les prolétaires, sous quelque prétexte que ce soit, à donner leur vie pour un de ces camps capitalistes, à mettre en avant, comme l’ont fait les bolcheviks en 1914, la seule perspective possible : la lutte de classe intransigeante en vue du renversement du capitalisme.
Tout autre attitude conduisant à demander aux prolétaires de s’aligner sur l’un des camps militaires en présence revient à se transformer en sergent recruteur de la guerre capitaliste, en complice de la bourgeoisie et donc en traître. Ce n’est pas différemment que Lénine et les bolcheviks considéraient les social-démocrates qui, au nom de la lutte contre le "militarisme prussien" pour les uns ou au nom de la lutte contre "l’oppression tsariste" pour les autres, ont appelé les ouvriers à s’étriper mutuellement en 1914. Et malheureusement, malgré toutes vos bonnes intentions affichées, c’est exactement cette politique nationaliste que dénonçait Lénine que vous adoptez face à la guerre en Irak.
Lorsque dans votre presse vous soutenez "inconditionnellement la résistance armée du peuple irakien à l’envahisseur", ce que vous faites en réalité, c’est d’appeler les prolétaires d’Irak à se transformer en chair à canon au service de tel secteur de leur bourgeoisie nationale qui conçoit aujourd’hui la défense de ses intérêts capitalistes et impérialistes en dehors et contre l’alliance avec les États-Unis (alors que d’autres secteurs bourgeois estiment préférable de s’allier aux États-Unis dans la défense de leurs intérêts). Il faut d’ailleurs noter que les secteurs dominants de la bourgeoisie irakienne (qui, pendant des décennies, se sont rangés derrière Saddam Hussein) ont pu, suivant les circonstances, être les meilleurs alliés des États-Unis (particulièrement dans la guerre contre l’Iran au cours des années 1980) ou appartenir à "l’axe du mal", censé vouloir la perte de cette même puissance.
Pour justifier votre politique de soutien à un des secteurs de la bourgeoisie irakienne, vous invoquez (c’est ce que vous avez fait à un de vos forums à la dernière fête de Lutte Ouvrière) la position défendue par Lénine au cours de la Première Guerre mondiale lorsque, dans Le socialisme et la guerre, il écrivait par exemple : "… si demain le Maroc déclarait la guerre à la France, l'Inde à l'Angleterre, la Perse ou la Chine à la Russie, etc. (…) tout socialiste appellerait de ses vœux la victoire des États opprimés, dépendants, lésés dans leurs droits, sur les ‘grandes’ puissances oppressives, esclavagistes, spoliatrices." (Chapitre.1, "Les principes du socialisme et la guerre de 1914-1915")
Cependant, ce que vous avez oublié (ou décidé d’oublier), c’est justement qu’un des axes essentiels de cet écrit fondamental de Lénine (comme du reste de ses principaux textes écrits à cette époque) consiste à dénoncer férocement les prétextes invoqués par les courants social-chauvins pour justifier leur soutien à la guerre impérialiste et basés sur "l’indépendance nationale" de tel ou tel pays ou nationalité.
Ainsi, Lénine affirme d’un côté que : "En réalité, la bourgeoisie allemande a entrepris une guerre de rapine contre la Serbie pour la soumettre et étouffer la révolution nationale des Slaves du Sud " (La guerre et la social-démocratie russe). Il écrit de même que : "L'élément national dans la guerre actuelle est représenté seulement par la guerre de la Serbie contre l'Autriche (…). C'est seulement en Serbie et parmi les Serbes qu'il existe un mouvement de libération nationale datant de longues années, embrassant des millions d'individus parmi les "masses populaires", et dont le "prolongement" est la guerre de la Serbie contre l'Autriche. Si cette guerre était isolée, c'est-à-dire si elle n'était pas liée à la guerre européenne générale, aux visées égoïstes et spoliatrices de l'Angleterre, de la Russie, etc., tous les socialistes seraient tenus de souhaiter le succès de la bourgeoisie serbe - c'est là la seule conclusion juste et absolument nécessaire que l'on doive tirer du facteur national dans la guerre actuelle." Cependant, il poursuit : "La dialectique de Marx, dernier mot de la méthode évolutionniste scientifique, interdit justement l'examen isolé, c'est-à-dire unilatéral et déformé, de l'objet étudié. Le facteur national dans la guerre serbo-autrichienne n'a et ne peut avoir aucune importance sérieuse dans la guerre européenne générale. Si l'Allemagne triomphe, elle étouffera la Belgique, encore une partie de la Pologne, peut-être une partie de la France, etc. Si la Russie remporte la victoire, elle étouffera la Galicie, encore une partie de la Pologne, l'Arménie, etc. Si le résultat est 'nul', l'ancienne oppression nationale demeurera. Pour la Serbie, c'est-à-dire pour environ un centième des participants à la guerre actuelle, celle-ci est le 'prolongement de la politique' du mouvement de libération bourgeois. Pour 99 pour cent, la guerre est le prolongement de la politique de la bourgeoisie impérialiste, c'est-à-dire caduque, capable de dépraver des nations, mais non de les affranchir. L'Entente, en 'libérant' la Serbie, vend les intérêts de la liberté serbe à l'impérialisme italien en échange de son appui dans le pillage de l'Autriche. Tout cela, qui est de notoriété publique, a été déformé sans scrupule par Kautsky afin de justifier les opportunistes." (La faillite de la 2e Internationale, chapitre 6)
Notons à propos de la Serbie en 1914 que le Parti socialiste de ce pays (et il fut salué pour cela par tous les internationalistes de cette époque) a refusé catégoriquement et a dénoncé la "résistance du peuple serbe contre l’envahisseur autrichien" alors même que ce dernier était en train de bombarder la population civile de Belgrade.
Pour en revenir à aujourd’hui, "il est de notoriété publique" (et on pourrait ajouter que ceux qui ne le reconnaissent pas ne font que "déformer sans scrupule la réalité") que la guerre menée par les États-Unis et la Grande-Bretagne contre l’Irak (au même titre que la guerre déclenchée en août 1914 par l’Autriche et l’Allemagne contre la "petite Serbie") a des implications impérialistes qui dépassent de loin ce pays. Concrètement, face aux pays de la "coalition", nous avons un groupe de pays, comme la France et l’Allemagne, dont les intérêts impérialistes sont antagoniques des premiers. C’est pour cela que ces deux derniers pays ont tout fait pour empêcher l’intervention américaine l’année dernière, qu’ils se sont refusés depuis d’envoyer la moindre troupe en Irak. Et le fait qu’ils viennent de voter aux Nations Unies une résolution présentée par les États-Unis et la Grande-Bretagne ne signifie pas autre chose que les accords diplomatiques, au même titre que les disputes, ne sont qu’un moment de la guerre larvée que se livrent les grandes puissances.
Malgré toutes les déclarations d’amitié, claironnées notamment au moment de la célébration du débarquement du 6 juin 1944, l’impérialisme français trouve un avantage dans les difficultés que peuvent rencontrer les États-Unis en Irak. En fin de compte, à quoi aboutit votre soutien à la "résistance du peuple irakien" : à faire le jeu de la bourgeoisie de "votre" pays. Et là, vous ne pourrez pas invoquer Lénine pour justifier cette politique puisque, pour sa part, il appelait à "(…) combattre au premier chef le chauvinisme de ‘sa propre’ bourgeoisie". (La situation et les tâches de l'Internationale Socialiste, 1e novembre 1914)
Il faut vous rendre à l’évidence et cesser de vous raconter des fables si vous souhaitez suivre l’exemple de Lénine dans la défense de l’internationalisme : le soutien à la "résistance du peuple irakien contre l’envahisseur" est une trahison pure et simple de l’internationalisme et donc une politique chauvine anti-prolétarienne. C’est contre une politique comme la vôtre que Lénine écrit : "Les social-chauvins reprennent à leur compte la mystification du peuple par la bourgeoisie, selon laquelle la guerre serait menée pour la défense de la liberté et de l'existence des nations, et se rangent ainsi aux côtés de la bourgeoisie contre le prolétariat." (Le socialisme et la guerre, chapitre 1)
Cela dit, le soutien à la "résistance du peuple irakien", c’est-à-dire aux secteurs anti-américains de la bourgeoisie irakienne, n’est pas une trahison de l’internationalisme du seul point de vue de l’enjeu que représente l’Irak dans les antagonismes entre grandes puissances impérialistes. En d’autres termes, ce n’est pas une trahison de l’internationalisme seulement à l’adresse des prolétaires de ces puissances. C’est également une trahison de l’internationalisme vis-à-vis des prolétaires irakiens comme nous le verrons dans la suite de cet article (qui sera publié dans le prochain numéro de RI).
CCIEn Irak, un massacre en prépare un autre. Depuis début novembre, 1 200 insurgés de la guérilla irakienne et 51 soldats américains ont été tués, 400 autres blessés, au cours de l'offensive américaine d'envergure sur Fallouja mettant en oeuvre les chars, les canons et l'aviation. Dans le même temps, attentats et répression aveugles continuent de semer la mort et la désolation dans le pays mis à feu et à sang. Si la guerre en Irak constitue actuellement un concentré de la barbarie guerrière du capitalisme, celle-ci est encore illustrée par tous les conflits qui ensanglantent la planète.
Aucun de ces conflits ne trouve de solution durable, comme le révèle, par exemple, la situation dans le Caucase ou encore dans les Balkans (dont on ne parle plus guère), une zone en grande partie ravagée et détruite qui connaît chaque jour des affrontements inter-ethniques directement attisés par la présence sur place des grandes puissances impérialistes. En revanche, il ne manque pas de facteurs d'aggravation du chaos. Ainsi la mort d'Arafat ouvre une période de guerre civile en Palestine qui, de surcroît, ne va en rien atténuer les antagonismes et les rivalités avec Israël (voir article page 8). Un nouveau foyer de tensions guerrières va probablement embraser la Côte d'Ivoire avec cette fois, en première ligne, la France, ce champion de la paix en Irak … pour contrer les ambitions américaines (voir l'article ci-dessous).
C'est un fait indéniable, Fallouja va nécessairement être conquise par l’armée américaine. Dans un premier temps la ville a été prise sous un déluge de bombes et d’obus. Puis l’assaut a été donné. C’est le 8 novembre dernier que cette opération dénommé "Phantom fury" pour investir Fallouja a été déclenchée. Cette offensive contre la ville rebelle a commencé après le feu vert donné par le Premier ministre irakien lui- même, Iyad Allaoui, premier ministre d’un gouvernement intérimaire installé et maintenu au pouvoir par les Etats-Unis. De massacre dans la population civile, il n’en est pas question. La ville de Fallouja est aujourd’hui réduite à un tas de ruines, mais la population civile semble être (selon les medias bourgeois) totalement sortie indemne de tous les bombardements intensifs et de l’assaut progressant de maison en maison. Il est vrai que la plus grande partie de la population, terrifiée à juste titre par les annonces de l’offensive de l’armée américaine sur la ville, avait fui massivement en direction des campagnes alentour. Au retour de son exode, lorsque l’offensive sera terminée, cette population civile ne retrouvera qu’une ville totalement détruite, où le chaos et la guerre continueront à se développer. Cet assaut de l’armée américaine, cautionné idéologiquement par la participation de quelques milliers de soldats irakiens engagés à coups de dollars, a nécessité le bouclage des frontières avec la Syrie et la Jordanie, l’état-major américain craignant un afflux de combattants venant prêter main forte à la résistance sunnite à Fallouja. Le Los Angeles Times dans un éditorial affirme que " le pire aurait été de ne rien faire, et de céder la ville à la guérilla qui l’aurait érigé en exemple pour les autres villes irakiennes." Ainsi l’état-major de l’armée américaine aurait fait le choix le moins mauvais en attaquant la ville tout en sachant que "cette opération ferait des victimes, tout autant parmi les civils que chez les combattants, et pourrait soulever des réactions passionnées et enflammées chez les arabes bien loin de Fallouja et de l’Irak" (Ibid).
Les raisons profondes de cette offensive apparaissent clairement au grand jour dans la lettre du premier ministre irakien envoyé à Kofi Annan, secrétaire général des Nations Unies, dans laquelle il affirme que : "Son gouvernement n’a pas d’autre choix que celui de prendre des mesures fermes et radicales pour venir à bout des violences qui risquaient de mener le pays vers des confrontations compromettant la tenue des élections." Il est en effet d’une extrême importance pour l’impérialisme américain que les élections devant se tenir dans quelques semaines puissent se dérouler dans une apparente sérénité et sécurité, permettant de les faire apparaître, de même que le gouvernement qui en sera issu, comme légitimes. Ce qui pourrait permettre aux Etats-Unis de tenter de crédibiliser idéologiquement un tant soit peu leur intervention militaire. De fait, la perspective de l’évolution de la situation dans ce pays est à l’exact opposé d’une pacification et d’une stabilisation impossibles. La guerre civile permanente qui règne dans le triangle sunnite, la répétition des offensives militaires dont il a été le théâtre ces derniers mois, l’offensive sur Samara au mois d’octobre, n’ont apporté aucune accalmie durable. L’invasion de Fallouja a d’ailleurs provoqué immédiatement une reprise de la violence et des accrochages militaires à Mossoul ainsi que des attentats terroristes et des prises d’otages dans l’ensemble du pays, y compris dans la région habitée majoritairement par les Chiites. Le Herald Tribune ne cache d’ailleurs pas la réalité : "La tenue d’élections est de moins en moins certaine…Les insurgés deviennent de plus en plus forts et audacieux. Si cette dynamique ne peut être renversée, Washington devra faire marche arrière et revoir ses objectifs de fond en comble."
Contrairement à ce qu’affirme la presse bourgeoise, il est plus que probable que l’enfoncement de l’impérialisme américain dans le bourbier irakien et son affaiblissement irréversible en tant que première puissance mondiale le poussent vers une fuite en avant militaire toujours plus incontrôlable. Il est à prévoir que la conférence internationale sur l’Irak en Egypte, qui doit se tenir le 25 novembre prochain et rassemblera tous les acteurs régionaux, les représentants de l’organisation de la conférence islamique, la Russie, les Etats européens ainsi que les Etats-Unis, ne sera qu’un marché de dupes où, derrière les discours diplomatiques officiels, s’exprimeront les appétits féroces et divergents de chacun des participants. L'Etat irakien est entrée dans un processus de décomposition irréversible, reflet du chaos qui gagne l’ensemble de la région y compris le Moyen-Orient. L’exécution macabre de 49 recrues de la pseudo- "nouvelle armée irakienne" le 29 octobre dernier en est une dramatique concrétisation. C’est le capitalisme comme un tout, en Côte d’Ivoire, en Irak et dans un nombre croissant de régions du monde qui est le seul responsable de cet effondrement de pans entiers de la planète dans un chaos de plus en plus sanglant.
La faillite historique de ce système moribond ne peut que produire des situations comme en Irak, en Côte d’Ivoire, au Moyen-Orient ou au Darfour. Ce processus laissé à sa seule dynamique ne peut que se poursuive en submergeant d'autres pays de la région, tels que la Syrie ou l’Iran. La classe ouvrière et l'ensemble de l’humanité n’ont rien à espérer de la part de ce système en pleine putréfaction. Le seul avenir qu'il nous réserve, c'est une barbarie croissante.
Il n'existe qu'une seule perspective qui puisse mettre définitivement un terme à la folie meurtrière du capitalisme : le renversement de ce système décadent et la construction d'une autre société, sans classes et sans exploitation. Une société qui, en abolissant les frontières nationales, mettra fin à la guerre et aux massacres. Une société que seul le prolétariat mondial est à même d'édifier. Parce qu'il est une classe exploitée et internationale, une classe qui n'a pas de patrie et qui subit partout les effets de la crise insoluble du capitalisme, le prolétariat détient entre ses mains l'avenir de l'humanité. Ce n'est qu'en unifiant ses luttes, en développant sa solidarité sur son propre terrain de classe que le prolétariat pourra remplir sa tâche historique de fossoyeur du capitalisme.
L'enfer quotidien dans lequel sont plongées les populations en Irak comme au Moyen-Orient constitue un appel aux ouvriers des pays d'Europe occidentale. C'est du développement de leurs combats, dans ces pays situés au coeur du capitalisme, que peut surgit une dynamique de luttes révolutionnaires vers le renversement du capitalisme. En ce sens, la seule solidarité que les prolétaires du monde entier peuvent apporter à leurs frères de classe des pays ravagés par la guerre, c'est de mener le combat contre les attaques que leur inflige "leur" propre bourgeoisie nationale, contre l'exploitation, le chômage et la misère.
Face à la guerre et à la crise du capitalisme, plus que jamais, la classe ouvrière doit faire vivre son mot d'ordre : "Prolétaires de tous les pays, unissez-vous !"
Tino (19 novembre)Les 4 et 5 novembre, impatient de rompre le statu
quo imposé par la France qui limite son autorité sur
le Sud du pays depuis janvier 2003 à travers les accords de
Marcoussis, le président ivoirien Gbagbo a fait bombarder
les deux villes du Nord (Bouaké et Korhogo) contrôlées
par les forces rebelles. Le président ivoirien pensait
bénéficier de la complicité du gouvernement
français qui avait pendant des mois délibérément
fermé les yeux sur l’accélération de ses
préparatifs guerriers. Puis, voyant que Paris hésitait
à le suivre, le pouvoir ivoirien a voulu lui forcer la main
en bombardant la position des forces françaises à
Bouaké, faisant neuf morts (plus un civil américain)
et 22 blessés dans ses rangs. La réplique de Chirac
a été immédiate : il a ordonné
aussitôt en représailles la destruction au sol de
« l’aviation ivoirienne » composée
en tout et pour tout ... de deux avions et de cinq hélicoptères
de combat.
Gbagbo a alors déchaîné une vaste « chasse
aux Blancs », de véritables pogroms
anti-français en poussant une masse surexcitée de
miséreux lumpénisés, les « patriotes »,
à assiéger les maisons, les écoles, les
bâtiments abritant des ressortissants français et à
se livrer à des viols, des pillages, des saccages et des
incendies, tandis que des témoins ont rapporté que
l’armée française n’a pas hésité,
elle, à tirer sur la foule hostile. Tout cela est venu
renforcer encore le climat de chaos, de violence et de terreur qui
a régné plusieurs jours sur la capitale, Abidjan. Le
bilan actuel mais encore très flou de ces tueries se
solderait par des centaines d’autres victimes civiles
ivoiriennes.
La France se retrouve désormais ouvertement en première
ligne dans le bourbier ivoirien.
Avec plus de 5200 hommes de troupe du dispositif Licorne et
avec le renfort depuis juillet 2004 de 6200 « casques
bleus » dépêchés par l’ONU, la
France contrôlait déjà militairement le pays
comme force d’interposition et « de maintien de la
paix » entre les forces gouvernementales du Sud et les
troupes rebelles au Nord. Alors que jusqu’ici, la France
prétendait être sur le terrain pour «instaurer
la paix» sous mandat de la légalité onusienne,
ce masque est en train de tomber, révélant que son
seul objectif réel, c’est le maintien stratégique
de sa présence militaire en Côte d’Ivoire, c’est
la sauvegarde de ses sordides intérêts impérialistes
en Afrique. Comme il a déjà été
évoqué, un fort contingent de « casques
bleus » était présent en Côte
d’Ivoire, censé assurer la protection des populations.
Qu’a-t-il fait ? Rien. Il n’est nullement intervenu. Cela
montre que le véritable rôle de l’ONU, ce n’est
pas d’assurer la « protection des populations
civiles » comme elle le proclame, mais bien de servir
en toute hypocrisie de couverture légale aux crimes et aux
agissements des grandes puissances impérialistes. Cela
n’est pas nouveau. Les « forces de l’ONU »
étaient présentes pour les mêmes raisons lors
des tueries du Rwanda en 1994, encore au profit de la France.
C’était toujours la même fonction qu’assumait
l’ONU plus récemment, en mai 2003, lorsque 60 000
personnes ont été massacrées dans la province
d’Ituri, au Nord-Est de la République Démocratique
de Congo. Les 5000 « casques bleus »
présents en RDC s’étaient tenus à l’écart
des lieux de ces massacres interethniques téléguidés
par plusieurs grandes puissances alors que l’ONU était
parfaitement au courant de leurs préparatifs.
Depuis l’ère gaullienne, la France avait maintenu sa domination impérialiste héritée de son empire colonial en apportant un appui indéfectible au dictateur Houphouët Boigny de 1960 jusqu’à sa mort en 1993. Enfin, face aux nouvelles luttes de cliques et de factions au sein de l’armée, elle a fini par s’appuyer sur une couverture électorale et démocratique, portant Gbagbo à la tête de l’Etat après une série de règlements de compte sanglants entre plusieurs factions. Depuis son investiture, ce dernier a jalonné son pouvoir de campagnes xénophobes en faveur de « l’ivoirité », pour éliminer ses principaux rivaux. Il l’a surtout ponctué de plusieurs charniers et de massacres faisant plusieurs centaines des morts dont le plus connu s’est déroulé en mars 2004 où, sous prétexte de repousser de manifestation de l’opposition qu’il avait interdite, Gbagbo a envoyé ses chars et ses « escadrons de la mort » dans les quartiers d’Abidjan pour assassiner une partie de la population supposées appartenir aux forces rebelles. Ces tueries se sont déroulées avec la complicité directe de la France et sous les yeux de plus de 4000 militaires français qui n’ont pas levé le petit doigt pour venir porter secours aux victimes essentiellement civiles.
Depuis 1999, la Côte d’Ivoire, jadis présentée comme « vitrine » de la stabilité économique et politique de l’Afrique francophone se retrouve au cœur des turbulences et de la décomposition sociale qui secouent le continent africain depuis la disparition des blocs. En fait, depuis 15 ans, la France a perdu beaucoup de son influence, de son prestige et de ses positions stratégiques essuyant d’importants revers notamment à travers la mise en évidence de sa responsabilité et de ses crimes dans les massacres au Burundi et au Rwanda en 1993/1994 et la perte du Zaïre en 1997. Elle se heurte d’ailleurs à la rivalité croissante de l’impérialisme américain, malgré les difficultés de ce dernier à opérer des percées significatives et durables.
Malgré l’implosion de son pré carré ivoirien en décembre 1999 et surtout depuis la réorganisation stratégique de ses bases militaires en Afrique, la France avait décidé de renforcer son dispositif militaire en Côte d’Ivoire et de s’y maintenir coûte que coûte. Avec le Sénégal, la Côte d’Ivoire est l’un des deux pays clés de son dispositif militaire qui permet de maintenir sa présence sur le sol africain. Les affrontements entre forces rebelles et gouvernementales et la tentative de coup d’État de 2002 lui ont fourni l’occasion pour justifier sa présence militaire massive et de tenter de reprendre les choses en mains au niveau diplomatique avec les accords de Marcoussis en janvier 2003. Depuis lors, la France a tenté de jouer sur la division et les rivalités entre les forces gouvernementales et les forces rebelles pour jouer les arbitres en se posant comme garant de la paix. Cela l’arrangeait de ne pas choisir et de ne pas favoriser trop un camp contre l’autre. Mais aujourd’hui le climat d’instabilité est tel que cette stratégie qui tendait à la faire apparaître dans un rôle « pacificateur » au dessus de la mêlée s’est avérée intenable et qu’elle a constitué au contraire un puissant facteur de perte de contrôle. Sur ces deux plans, militaire et diplomatique, l’impérialisme français n’a jamais pu imposer ses orientations. Au contraire, il n’a aucun allié déclaré parmi les forces qui s’affrontent sur le terrain ivoirien. Son attitude qui consiste à prétendre être «neutre» par rapport aux divers belligérants, ne l’a d’ailleurs pas empêché de soutenir en sous-main alternativement telle ou telle clique et d’être impliquée à plusieurs reprises dans des tueries, sans jamais l’assumer publiquement. C’est dans ce cadre que les « accords de Marcoussis » ont été réactualisés à plusieurs reprises sans aucun succès et sans aucun effet sur le terrain à Accra au Ghana (baptisées accords Accra I, II et III) afin de relancer le « processus de paix » en passant par la réforme des institutions politiques, parallèlement au désarmement des forces rebelles. Mais en réalité toute cette période a été mise à profit par tout le monde pour s’armer massivement en vue d’en découdre pour de bon dès que possible. C’est cette ligne politique totalement incohérente et intenable qui a plongé la France dans l’impasse dans laquelle elle se trouve aujourd’hui, où elle est acculée à la fuite en avant dans la confrontation militaire directe pour défendre ses intérêts.
La bourgeoisie française est dans l’impasse. Elle est isolée, encerclée par une multitude d’ennemis en Côte d’Ivoire, sans compter la menace de pogrom qui pèse sur ses ressortissants (otages potentiels des «forces patriotes» des partisans de Gbagbo).
Ce qui est clair, c’est que sa présence militaire ne saurait, elle, être mise en question. Si la situation a contraint la France à évacuer en toute hâte une bonne partie de ses ressortissants civils vivant dans le pays, elle lui a aussi permis de renforcer ses effectifs militaires. Alors que le masque humanitaire de la France est déjà mis à mal en Afrique depuis sa responsabilité avérée dans les massacres et le génocide rwandais en 1994, l’évacuation de ses ressortissants civils va pousser l’impérialisme français à s’enfoncer dans une nouvelle escalade militaire avec son armée de professionnels. Celui-ci va se donner les coudées plus franches pour des opérations de « nettoyage » et pour se livrer à de nouveaux massacres guerriers. Toutes proportions gardées, la France est condamnée à la même fuite en avant que les États-Unis, à se dépouiller de plus en plus de ses hypocrites alibis de force de maintien de la paix pour se montrer sous son vrai jour impérialiste en imposant brutalement un rapport de forces sur le terrain militaire. La bourgeoisie française ne peut pas se permettre d’abandonner la Côte d’Ivoire à ses adversaires impérialistes sous peine de se retrouver rapidement éjectée du continent africain tout entier.
La situation tend désormais à s’enfoncer dans une spirale meurtrière de plus en plus irrationnelle et de plus en plus difficilement contrôlable.
Cette perspective, avec tous les dangers de dérapage qu’elle comporte, est d’autant plus ouverte que la situation évolue au milieu d’un véritable panier de crabes impérialistes.
La rupture est désormais profonde entre Gbagbo et la France, symbolisée par la destruction de l’aviation ivoirienne par l’armée française. Plus généralement, depuis le début des hostilités, on entend nombre de dirigeants proches du pouvoir ivoirien, comme le président de l’Assemblée nationale, Koulibaly prononcer ouvertement des déclarations de guerre incendiaires contre la France.
Depuis 2002 Gbagbo n’a cessé d’entraîner une partie de la population vers de pires déchaînements de l’hystérie nationaliste et xénophobe armant des milices de « patriotes » au nom de « l’ivoirité » contre l’occupant français comme contre les autres ethnies africaines « étrangères » comme les Burkinabe.
La bourgeoisie française a entrepris de se serrer les coudes pour défendre ses intérêts. C’est dans ce cadre qu’il faut comprendre le soutien sans réserve que le PS a apporté à la «fermeté» de Chirac et du gouvernement français dans la crise ivoirienne actuelle en allant jusqu’à décider de rompre publiquement avec leur «camarade» de l’Internationale socialiste, Laurent Gbagbo.
Ce dernier a cependant d’autres alliés de circonstance dans la région à travers sa récente alliance avec la Mauritanie, la Guinée et le Togo, pays qui cherchent en découdre avec le Burkina, accusé de déstabiliser leurs régimes.
Le président ivoirien peut compter sur d’autres soutiens plus discrets comme le Ghana, mais aussi il dispose d’un fort capital financier qui lui permet de se payer un très grand nombre de tueurs professionnels, comme les mercenaires qui pilotaient ses avions.
De leur côté, bien qu’affaiblis par des luttes intestines et de règlements de comptes sanglants, les groupes rebelles multiplient les manœuvres et les déclarations va-t-en guerre d’où leur refus d’être désarmés comme le préconisait l’ONU.
Par ailleurs, les rebelles peuvent compter sur le Burkina-Faso réputé être leur soutien le plus sûr dans la région, sans compter la Libye.
Certains secteurs de la bourgeoisie française ne se sont pas privés de souligner que l’offensive de Gbagbo au lendemain de la réélection de Bush, n’était pas un simple hasard en soulignant l’attirance qu’a Gbagbo pour les États-Unis et la volonté de Washington de renforcer son influence en Afrique alors que l’Oncle Sam a beaucoup de mal à s’y implanter.
En fait, les États-Unis se sont ménagés plusieurs fers au feu puisque, tout en se laissant courtiser par Gbagbo, ils ont armé les rebelles en 2002 et ont continué à les aider discrètement depuis plusieurs mois. Tout en saluant officiellement la réaction de la France, plusieurs journaux américains proches du gouvernement Bush ont redoublé leurs charges anti-française en pointant du doigt les incohérences de la politique française et son incapacité à gérer les « affaires africaines ». Ils ont beau jeu de voir la France s’enliser et attendent de pouvoir lui mettre plus activement d’autres bâtons dans les roues.
Toutes les conditions sont réunies pour que le chaos devienne plus sanglant encore avec la forte probabilité de l’implication militaire plus directe de l’impérialisme français. Cette implication criminelle de l’impérialisme français en Afrique ne peut que mettre à mal le mensonge activement répandu ces derniers temps, en particulier par la bourgeoisie française, qui désigne les États-Unis comme seuls fauteurs de guerre dans le monde.
C’est une dimension encore plus large du conflit ivoirien qui se prépare non seulement avec un risque d’"irakisation" de la Côte d’Ivoire mais aussi avec un danger d’extension du conflit aux États voisins, d’un embrasement généralisé de la guerre civile dans la région et de déstabilisation en Afrique occidentale.
L’enlisement, le pourrissement du conflit est inévitable pour l’impérialisme français comme pour cette partie de l’Afrique dans le contexte du chacun pour soi et de la guerre de tous contre tous.
La Côte d’Ivoire est un nouvelle illustration du sort effroyable que le capitalisme réserve pour le présent et pour l’avenir à tout le continent africain. La population de ce pays est désormais exposée en permanence à la misère et à la guerre, à la famine et aux massacres, subissant en première ligne les effets de la décomposition sur le plan social comme sur le plan économique, au milieu d’une prolifération des charognards impérialistes et d’une multiplicité de cliques bourgeoises locales rivales, défendant chacune ses propres intérêts.
Elle est ainsi l’illustration de la barbarie guerrière dans laquelle le système capitaliste enfonce de plus en plus l’humanité.
W. (14 novembre 2004)Jamais une élection
présidentielle américaine n’aura été autant mise en scène par les
médias bourgeois français que celle qui vient de se dérouler aux Etats-Unis
entre le candidat démocrate J. Kerry et celui du parti républicain
G. W. Bush.
Tous les jours, nos journaux, nos écrans de télévision ont été envahi de reportages et de commentaires destinés à nous persuader de l’importance vitale de cette élection, pour notre avenir et celui du monde. Tout cela, cette propagande mensongère et éhontée n’était pas le fruit du hasard ou de la simple motivation de quelques directeurs de l’information trop zélés. Cette campagne idéologique a été le produit d’une orchestration, organisée et dirigée par l’Etat français. Le contenu du message à faire passer à la classe ouvrière était parfaitement clair. Toutes les émissions, tous les articles mettaient en avant un J. Kerry, certes un peu terne et manquant d’envergure, mais plus honnête et surtout moins belliciste et guerrier que G. Bush. Cette propagande avait pour but, à partir des élections aux Etats-Unis, de poursuivre implacablement la propagande anti-américaine nécessaire à l’impérialisme français. Dans l’affrontement permanent et toujours plus féroce de toutes les forces impérialistes de la planète, l’affrontement entre la France et les Etats-Unis est, sans aucun doute, un des plus importants de cette période de décomposition et de faillite du capitalisme mondial que nous vivons actuellement. Au contraire de ce qui était affirmé par les médias bourgeois tout au long de la campagne et une fois les résultats connus, la bourgeoisie française ne pouvait être que totalement satisfaite de la réélection de G. Bush à la présidence américaine. Depuis l’invasion américaine de l’Irak, la propagande idéologique de l’Etat français n’a jamais cessé de rendre responsable G. Bush et les faucons de l’administration américaine de l’état de guerre en Irak, ainsi que du développement du terrorisme en direction des pays occidentaux. G. Bush a été présenté comme irresponsable, extrémiste et dangereux. Tout était bon pour mettre en avant l’irrationalité de la politique de l’administration Bush. Ainsi ce n’était plus le capitalisme en faillite qui était devenu irrationnel et radicalement mortel pour la survie de l’humanité, mais seulement l’actuelle administration Bush. La réélection de G. Bush, le maintien au pouvoir des secteurs les plus archaïques du parti républicain vont permettre d’autant mieux à la bourgeoisie française de continuer à orchestrer avec encore plus d’ampleur sa campagne anti-américaine. Campagnes idéologiques de mystification nationaliste contre la classe ouvrière en France qui ne pourront qu’être renforcées par l’utilisation de plus en plus importante de la force militaire de la part des Etats-Unis, englués dans le bourbier irakien et confrontés au processus irréversible d’affaiblissement de leur leadership mondial. Ces campagnes idéologiques, tout en étant le produit des tensions inter-impérialistes entre la France et les Etats-Unis, permettent en même temps à l’Etat français de camoufler ses propres visées guerrières dans le monde.
L’ensemble des commentateurs et autres politologues bourgeois américains avaient tous analysé que, par-delà l’absence totale d’envergure des deux candidats, et le peu de différenciation de leur programme respectif, y compris sur les plans économiques et sociaux, J. Kerry aurait gagné les élections présidentielles s’il avait remporté la victoire dans l’Etat de l’Ohio. Il y a peu de temps encore, cet Etat américain possédait la plus grande concentration d’activité industrielle par habitant de tous les Etats-Unis, pour connaître, au cours des dernières années, une désindustrialisation de plus en plus rapide et brutale laissant sans ressource et sans emploi une grande partie de la population. Malgré une très importante mobilisation de l'électorat démocrate, l’Ohio a finalement voté majoritairement conservateur, véritable microcosme électoral de ce qui s’est passé au niveau national. La carte électorale de ces élections aux Etats-Unis montre une vaste étendue dominée par le vote républicain, et quelques zones démocrates regroupées sur les franges littorales de l’Atlantique et du Pacifique, dans des grandes villes portuaires telles que New York, Boston, Baltimore ou San Francisco. Dans ce qu’il est convenu d’appeler "l'Amérique profonde", les appels de J.Kerry à voter démocrate n’ont guère rencontré d’écho favorable. Comme l’affirment les commentateurs bourgeois eux-mêmes, les deux candidats ont menti dans leurs campagnes, d’une manière plus caricaturale que jamais sans que cela n’ait d’incidence sur une mobilisation électorale relativement plus forte que lors du précédent scrutin présidentiel, pas plus que sur le choix des votes. Les motivations électorales d’une majorité d’électeurs américains se sont trouvées déterminées par des facteurs faisant appel à tout, sauf à la raison et à la lucidité. G. Bush s’est présenté comme le défenseur intransigeant de la morale chrétienne, de la force et de la grandeur du peuple américain. Le New York Times relève que "de nombreux Américains affirment ne pas avoir voté en fonction des questions politiques, mais en fonction des valeurs. Ils ont voté pour celui qui partageait leur croyance et leur mode de vie. Les mots qui reviennent régulièrement lors des enquêtes réalisées dans tout le pays auprès des électeurs sont ainsi : foi, famille, intégrité et confiance." L’Amérique profonde, les secteurs ruraux, soumis par les effets de la crise à une misère croissante, à la démoralisation et à l’absence totale de perspectives ont été particulièrement perméables à ces thèmes mystiques, permettant de diaboliser l’étranger (le musulman fanatique !) comme le responsable de tous les maux. Par-delà la médiocrité d’ensemble de la campagne électorale, en l’absence de luttes d’envergures du prolétariat, et à défaut d’une alternative visible face à la décomposition de la société, c’est le repli sur soi ou sur sa communauté, qui l’a emporté. L’irrationalité, produit de la peur et de l’impuissance, a dominé ces élections.
L’affaiblissement de la cohérence d’ensemble de la bourgeoisie américaine afin de défendre au mieux l’intérêt national américain s’est également exprimé dans le contenu programmatique électoral du candidat démocrate : "Tout au long de la campagne, les électeurs n’ont pas su pourquoi se présentait J.Kerry. Ils voulaient connaître la façon dont il voyait le monde. Et il ne leur a jamais dit." (Le New York Times). "Les républicains ont utilisé l’argument que Kerry ferait un président trop indécis pour protéger le pays.", estime le Los Angeles Times. Si J. Kerry n’a pas exprimé une vision du monde différente de celle tristement attachée à la personne de G. Bush, c’est que tout simplement J. Kerry et les démocrates ne pouvaient pas en avoir. Sur la question irakienne, qui en est l’actualisation présente la plus dramatiquement spectaculaire, l’enfoncement inéluctable de l’impérialisme américain dans le bourbier irakien, l’absence de toute solution alternative à la fuite en avant guerrière, ont nécessairement rendu impossible au candidat démocrate de proposer une autre politique que celle de Bush. Il lui était en effet aussi impossible d'envisager un retrait des forces armées américaines en Irak, que d'entraîner, les puissances rivales, telles la France ou l’Allemagne, dans ce bourbier, même à travers l’ONU. Même si une majorité de la bourgeoisie américaine avait choisi de soutenir le candidat Kerry, ce qui s'était entre autres traduit par des attaques contre Bush provenant parti républicain lui-même, une telle totale absence de réelle politique alternative ne pouvait que laisser le chemin libre à la montée des plus vieux réflexes archaïques et ouvrir ainsi la voie à la victoire de G. Bush.
Comme nous l'avons déjà développé (voir en particulier RI n° 351), l'élection de l'un ou l'autre de deux candidats ne constituait pas un enjeu majeur pour la bourgeoisie américaine. Néanmoins, le fait que le candidat de son choix n'ait pas été élu à cause d'une difficulté à canaliser cette partie de l'électorat particulièrement perméable aux thèmes les plus archaïques et obscurantistes, constitue une expression de l'affaiblissement la puissance américaine. En effet, l'impasse face à laquelle est confronté le leadership américain sur la scène mondiale rejaillit dans une certaine difficulté de la bourgeoisie américaine à contrôler son jeu politique.
Face à la politique impérialiste des Etats-Unis qui ne peut de toutes manières s’exprimer et se développer autrement que dans une direction militaire et guerrière, le resserrement de l’équipe Bush pour les quatre ans à venir dessine une évolution de la situation mondiale toujours plus dramatique et barbare. Au regard d’une telle réalité, l’impérialisme français, lui-même enlisé dans le conflit en Côte d'Ivoire, ne manquera pas de se réfugier derrière une campagne anti-américaine qui sera orchestré avec toujours plus d’ampleur. La classe ouvrière n’a rien à attendre des élections bourgeoises aux Etats-Unis comme dans n’importe quel pays du monde. Elle a par contre tout à craindre de l’enfoncement du capitalisme dans le chaos et la barbarie.
Tino (18 novembre)
Quel est le moyen de lutte le plus efficace quand son "propre" travail ou "son" usine ne sont plus considérés comme rentables ? L’arme de la grève ne perd-elle pas de son efficacité quand, de toutes façons, le capitaliste a l'intention de fermer l’usine ou quand des entreprises entières sont au bord de la faillite ? Aujourd'hui, ces questions se posent tout à fait concrètement, pas seulement chez Opel, Karstadt ou Volkswagen, mais partout où il faut "sauver" ou fermer des usines et des compagnies à cause de la crise économique du capitalisme. Et de nos jours, cela se produit partout. Pas seulement en Allemagne, mais en Amérique et aussi en Chine. Pas seulement dans l’industrie, mais aussi dans les hôpitaux ou les services publics.
Au milieu des années 1980 déjà, de grandes luttes ont eu lieu contre des licenciements massifs. Par exemple, à Krupp Rheinhausen ou dans les mines en Grande-Bretagne. A l'époque, des branches industrielles entières comme les mines, les aciéries, les chantiers navals, ont quasiment été fermées.
Mais aujourd’hui, le chômage et les fermetures d’usine sont devenus omniprésents. Au départ, cela a provoqué un vaste sentiment d'impuissance. Pour la plupart, les licenciements ont été acceptés sans résistance. Cependant, la lutte de cet été chez Daimler-Chrysler a été un signe de quelque chose de nouveau. Là, les employés ont réagi de façon spectaculaire aux tentatives de chantage des patrons. Les actions de solidarité, des employés de Brême en particulier, avec leurs collègues des usines de Stuttgart-Sindelfingen qui subissaient l'attaque, ont montré que les ouvriers combattent les tentatives de les monter les uns contre les autres.
Et aujourd'hui, les grèves d'Opel, surtout dans l'usine de Bochum, en réponse aux annonces de licenciements massifs, montrent à nouveau la détermination de ne pas accepter passivement les réductions massives d’emplois.
Néanmoins, dans ces circonstances, il faut poser la question de la possibilité et des buts de la lutte. Nous savons que les luttes chez Daimler-Chrysler, comme celles, dans les années 1980, chez Krupp-Rheinhausen ou des mineurs anglais, se sont terminées par des défaites. On a fait l’expérience répétée – aujourd’hui encore – de la façon dont les syndicats et les conseils d’usine sont capables d'adopter le langage de la lutte dès que les ouvriers résistent, tout en déclarant qu’il n’y a aucune alternative sinon celle de se soumettre à la logique du capitalisme. Ce qui est en jeu, disent-ils, c’est d’éviter le pire. Ils veulent "sauver" l'entreprise, disent-ils, et donc faire passer les licenciements nécessaires de la manière la plus "sociale" possible. Ainsi, l'accord adopté par la chaîne de magasins de Karstadt-Quelle, qui comprenait la suppression de 5 500 emplois, la vente de 77 magasins et une énorme réduction de salaire ("économisant" 760 millions d’Euros jusqu’en 2007), a été présenté par le syndicat Verdi comme une victoire pour les travailleurs. (…)
Les employeurs, les politiciens mais aussi les syndicats et les conseils d’usine – tous ceux qui sont impliqués dans la gestion de l’usine, de l'entreprise ou de l’Etat – considèrent que les ouvriers et les employés appartiennent à l'entreprise dans laquelle ils travaillent et que leur bien-être dépend de manière inséparable des intérêts de l’employeur. (…) Suivant cette logique, le président du conseil général d’usine d’Opel, Klaus Franz, a déclaré catégoriquement, dès le début, "nous savons que les licenciements ne peuvent être évités". C’est la logique du capitalisme. Mais ce n’est pas le seul point de vue duquel on peut considérer la situation. Si on aborde les choses, non comme le problème d’Opel ou de Karstadt, ou de l’Allemagne, mais comme un problème de la société dans son ensemble, il en ressort une toute autre perspective. (…) Vu sous cet angle, il est clair que la vendeuse de Karstadt à Herne, l' ouvrier à la chaîne chez Opel à Bochum, mais aussi les chômeurs d’Allemagne de l’Est ou les ouvriers du bâtiment venus de l’Ukraine qui, et en travaillant au noir, sont presque réduits à l'esclavage, partagent un destin et des intérêts communs – non pas avec leurs exploiteurs, mais les uns avec les autres.
Du côté du capital, on sait que cet autre point de vue existe. Et c’est justement celui-ci que craint la bourgeoisie. La classe dominante le sait. Tant que les ouvriers d'Opel ou de Volkswagen ne voient le problème que du point de vue d’Opel ou de Volkswagen, ils finissent par "revenir à la raison".
C’est pourquoi les représentants du capital tentent sans cesse de nous persuader que les catastrophes causées par leur système économique sont le résultat des "inadaptations" et des "spécificités" de chaque entreprise ou de chaque pays. Ainsi, ils disent que les problèmes chez Karstadt sont le résultat d’une mauvaise stratégie de vente. Opel, pour sa part, est supposé avoir échoué en ne suivant pas l’exemple de Daimler-Chrysler ou de Toyota qui ont connu des succès avec le développement d'une nouvelle gamme attrayante et souvent diesel. On prétend aussi que si 10 000 suppressions d'emplois sur les 12 000 que General Motors a prévues en Europe, ont lieu en Allemagne, c'est que la bourgeoisie américaine cherche en quelque sorte à se venger de la politique de ce pays vis-à-vis de l’Irak ! Comme si Daimler-Chrysler n’avait pas exercé un même chantage sur ses employés il y a quelques mois seulement ! Comme si les compagnies allemandes, par exemple Karstadt-Quelle, ne licencient pas aussi impitoyablement leurs ouvriers ! La réalité elle-même s’inscrit en faux contre de tels arguments. Le 14 octobre, non seulement la suppression de milliers d’emplois chez Karstadt était décidée et la même chose annoncée chez Opel, mais était révélée également la perspective de réduction d’emplois dans la chaîne de supermarchés Spar. Le même jour, filtrait l’annonce d’un nouveau plan de "sauvetage" du consortium hollandais Phillips.
Quand, le "jeudi noir" du 14 octobre, il a été annoncé qu’au total, 15 500 emplois seraient supprimés chez Karstadt-Quelle et chez Opel dans les trois prochaines années, les "partenaires qui négocient", les politiciens et les "commentateurs" se sont dépêchés de distinger soigneusement les deux cas. Dès que le négociateur en chef pour le syndicat Verdi, Wiethold, eut annoncé, le jeudi après-midi, presque joyeusement, le "sauvetage" de Karstadt, les media ont immédiatement fait passer le message : maintenant que le futur de Karstadt est assuré, Opel reste le seul souci. Alors que la main-d’œuvre du département des chaînes de magasins est ainsi supposée retourner au travail avec "soulagement", il n’y aurait que la force de travail d’Opel qui, paraît-il, devrait se faire du souci pour son avenir.
Mais la seule différence entre les situations des employés des deux entreprises, c’est que les attaques terribles qui ont déjà été décidées chez Karstadt-Quelle –licenciements massifs, fermetures partielles, chantage massif sur les ouvriers – sont encore en prévision chez Opel (…)
L’affirmation selon laquelle la situation des employés de Karstadt est fondamentalement différente de celle de ceux d’Opel est complètement sans fondement. Pour les ouvriers de Karstadt, de toutes façons, rien n'a été "sauvé". Verdi parle "d’un sauvetage de l’emploi qui mérite son nom" et d’un "succès pour les employés" parce que des "garanties d’emplois" ont été données et la convention collective sauvée. En réalité, les victimes du "sauvetage" de Karstadt sont toujours exactement dans la même situation que les ouvriers de chez Opel, mais aussi ceux de Volkswagen, Daimler-Chrysler, Siemens ou du secteur public.
Les négociations chez Karstadt se sont conclues en vitesse parce qu’on savait que General Motors allait annoncer son plan de sauvetage pour l’Europe le 14 octobre. Jusque là, la classe dominante avait toujours comme règle tacite de ne jamais attaquer en même temps plusieurs gros secteurs de la classe ouvrière, de façon à ne pas encourager l’apparition d’un sentiment de solidarité ouvrière. Mais aujourd’hui, l’accentuation de la crise du capitalisme mondial limite la capacité d'étaler les attaques. Dans ces conditions, la bourgeoisie espérait au moins que le jour où arriveraient les mauvaises nouvelles de Detroit, Karstadt puisse être présenté comme un "succès".
Les licenciements massifs, la menace de faillite ne signifient pas que l’arme de la grève est devenue superflue. (…) Les arrêts de travail chez Mercedes ou chez Opel sont un signal important, un appel à la lutte.
Les moyens dont nous avons besoin face au niveau actuel des attaques du capital, c'est la grève de masse de tous les ouvriers. (…)
Bien sûr, de telles actions, massives, communes, ne sont pas encore possibles. Mais en aucun cas cela ne veut dire qu’on ne peut pas lutter et obtenir quelque chose maintenant déjà. Mais il faut reconnaître que la grève n’est pas la seule arme de la lutte de classe. Tout ce qui, aujourd’hui déjà, fait avancer la reconnaissance des intérêts communs de tous les travailleurs et fait revivre la tradition de la solidarité ouvrière, effraie la classe dominante, la rend moins sûre d'elle dans ses attaques, l'oblige à faire plus de concessions, même si c'est de façon temporaire.
En 1987, les ouvriers de chez Krupp-Rheinhausen, menacés par la fermeture de l’usine, ont ouvert leurs assemblées quotidiennes à la population, aux ouvriers des autres usines et aux chômeurs. Aujourd’hui, la gravité de la situation rend encore plus inacceptable le fait que les ouvriers d’Opel, Karstadt, Spar ou Siemens ne se réunissent pas pour discuter de leur situation commune. Pendant la grève de masse en 1980 en Pologne, dans chaque ville, les ouvriers se réunissaient dans la plus grande usine de la ville. Ils établissaient leurs revendications communes et prenaient leur lutte en main.
La lutte chez Mercedes a déjà démontré, ce que les attaques chez Opel ou Karstadt ont confirmé, qu’il y avait un grand sentiment de solidarité dans la population ouvrière avec ceux qui subissaient les attaques. Dans de telles circonstances, les manifestations dans les villes peuvent devenir un moyen de faire sortir les ouvriers des autres usines et de mobiliser les chômeurs, de développer une solidarité entre tous.
(…) La lutte en commun des ouvriers ne peut être menée que par les ouvriers eux-mêmes.
Face à la profondeur de la crise du capitalisme aujourd'hui, les ouvriers doivent aussi dépasser leur manque d'intérêt pour les questions politiques. Nous ne parlons pas ici de la politique bourgeoise, mais du fait que les travailleurs doivent traiter des problèmes de la société dans son ensemble et de la question du pouvoir.
(…) Ces attaques montrent clairement ce que peut signifier le fait que les moyens de production n’appartiennent pas à la société dans son ensemble, et ne servent pas du tout à la satisfaction des besoins de la société. (…) Et surtout, ils sont soumis aux lois aveugles et de plus en plus destructrices de la concurrence et du marché, qui plongent une partie sans cesse croissante de l’humanité dans la paupérisation et une insécurité insupportable. Des lois qui sapent les règles les plus élémentaires de la solidarité humaine sans laquelle, à long terme, aucune société n’est possible. Les ouvriers qui produisent presque tous les biens et les services dont l’humanité a besoin pour vivre, commencent lentement à prendre conscience qu’ils n’ont pas leur mot à dire dans cet ordre social.
La crise chez Karstadt ou chez Opel n’est pas le résultat d’une mauvaise gestion mais l’expression d’une crise de surproduction chronique, destructrice et de longue durée et qui se développe de décennies en décennies. (…) Il n’y aucune façon de sortir de ce cercle vicieux au sein du capitalisme.
(15 octobre 2004)
Récemment, le CCI a envoyé une délégation en Argentine. Celle-ci a été accueillie très chaleureusement par les membres du NCI lesquels nous ont affirmé qu'ils n'avaient qu'une seule crainte : que le CCI change d'avis et les abandonne en renonçant à ce voyage !
Au cours de notre séjour, les camarades du NCI ont pris la décision d'envoyer par courrier postal leur Déclaration du 27 octobre (publiée ci-dessous) à toutes les sections du BIPR et aux autres groupes de la Gauche communiste afin de rétablir la vérité : contrairement aux fausses informations colportées par le BIPR (notamment dans sa presse en italien), le NCI n'a pas rompu avec le CCI !
Les membres du NCI ont demandé, à deux reprises par téléphone, à l'individu B. de venir s'expliquer devant le NCI et la délégation du CCI. Monsieur B. a refusé toute rencontre et toute discussion et nous a raccroché au nez. Ce comportement révèle la lâcheté de cet individu : pris la main dans le sac, il se terre maintenant comme un lapin dans son terrier !
Les camarades du NCI nous ont apporté des éléments supplémentaires sur le comportement de ce petit aventurier de province. Monsieur B. avait un profond mépris pour les autres membres du NCI. Ces derniers sont des ouvriers vivant dans la misère alors que B. exerce une profession libérale et s'était même vanté d'être le seul membre du NCI à "pouvoir se payer un voyage en Europe." Les camarades du NCI nous ont également dévoilé les méthodes de B. : il clivait les militants du NCI en faisant en sorte qu'ils ne puissent jamais se réunir tous ensemble. Il les prenait individuellement ou par petits groupes pour mener des discussions personnelles avec eux. Il ne voulait pas que les membres du NCI approfondissent les questions politiques et passait d'un thème à l'autre à toute vitesse. C'est pour cela que les camarades du NCI avaient estimé qu'ils n'étaient pas prêts à adhérer au CCI lorsque B. avait fait le forcing en août dernier pour que le NCI intègre le CCI de façon prématurée. Enfin les camarades du NCI nous ont dit avoir pris conscience qu’ils avaient jusqu’à présent beaucoup de difficultés à critiquer les méthodes de ce "petit chef" stalinien (du fait sans doute du poids de leur passé dans les organisations gauchistes).
Cet individu avait, par ailleurs, cherché à semer la zizanie au sein du CCI. Début septembre, il nous a envoyé un mail dans lequel il accusait un de nos camarades (qui faisait partie de la délégation qui s'était rendue en Argentine au mois d'août) d'avoir, par son comportement, obligé un membre du NCI à déménager. Au cours de notre dernier voyage, ce militant du NCI nous a certifié que c'était un pur mensonge : s'il a dû déménager, c'est uniquement parce qu'il ne pouvait plus payer son loyer ! Nous avons gardé la trace écrite de ce mensonge répugnant de Monsieur B.
Malgré le choc qu'ils ont reçu (en découvrant les mensonges et les manoeuvres réalisés en leur nom et à leur insu par ce sinistre personnage), les camarades du NCI ont exprimé leur détermination à poursuivre une activité politique à la mesure de leurs faibles forces. C'est grâce à leur accueil très fraternel et à leur implication politique que le CCI a pu tenir une deuxième réunion publique le 5 novembre à Buenos Aires dont le thème a été choisi par le NCI (voir notre site Internet en espagnol).
Pendant toute la durée de son séjour à Buenos Aires, la délégation du CCI a été hébergée chez les camarades du NCI qui nous ont offert chaleureusement l'hospitalité malgré leurs conditions de vie effroyables. La majorité d'entre eux sont au chômage et ne touchent aucun subside de l'État. Un autre camarade (dont la compagne a été licenciée) vient de perdre son logement.
Malgré les terribles difficultés matérielles qu'ils rencontrent au quotidien, les membres du NCI ont insisté auprès de notre délégation : ils veulent s'impliquer plus dans une activité militante et notamment poursuivre la discussion avec le CCI. Ceux qui sont au chômage veulent retrouver un emploi non seulement pour pouvoir survivre et nourrir leurs enfants, mais aussi pour sortir du sous-développement politique dans lequel Monsieur B. les a maintenus (ils ont notamment exprimé la volonté de contribuer à l'achat d'un ordinateur).
En rompant avec le citoyen B. et avec ses méthodes bourgeoises, les camarades du NCI se sont comportés comme de vrais militants de la classe ouvrière. Ils ont pu tracer des perspectives de travail avec la délégation du CCI. Ils ont décidé en priorité de se former à l'utilisation de l'outil informatique afin de pouvoir se servir d'Internet et se doter d'une adresse E-mail[1] [505].
Au moment du départ de notre délégation, les camarades du NCI nous ont remercié très chaleureusement pour notre visite. Ils nous ont dit que jamais ils n'avaient rencontré (dans leurs parcours politique passé) une organisation comme le CCI, avec un tel respect des militants. Ils ont insisté à plusieurs reprises pour que le CCI les appelle régulièrement au téléphone. L'un d'entre eux a même regretté auprès d'un de nos camarades que ce dernier, dans la dernière période, ne lui ait pas téléphoné personnellement.
Ainsi, le CCI n'abandonnera pas le NCI. Il ne permettra pas à Monsieur B. (et à son petit "cercle" vicieux) d'exercer le moindre chantage, la moindre pression de quelque nature que ce soit pour détruire ce "petit noyau" dans un pays isolé. C'est pour cela que, à la demande unanime de tous les militants du NCI, le CCI continuera à utiliser sa "méthodologie" (qualifiée de "nauséabonde" par Monsieur B. et ses complices de la FICCI !) consistant à leur passer régulièrement des coups de téléphone[2] [506].
CCI (17 novembre 2004)[1] [507] Pour toute correspondance et tout soutien financier au NCI, écrire à la boîte postale ou à l'adresse E-mail de Accion Proletaria, section du CCI en Espagne.
[2] [508] C'est en ces termes que, dans sa "Déclaration" du 12 octobre, ce mythomane manipulateur avait étalé abondamment ses mensonges nauséabonds en attribuant au CCI ses propres turpitudes (comme ses alliés de la FICCI qui lui ont souhaité la "bienvenue" dans leur Bulletin n°28 !) : "Nous faisons cette déclaration à la suite d'une série de dénonciations effectuées par des militants du Cercle de communistes internationalistes, et sur leur demande, qui rendent compte qu'ils ont été l'objet d'appels téléphoniques de la part du CCI. Cependant, ces appels téléphoniques n'étaient pas innocents. Ils avaient l'intention sournoise de détruire notre petit noyau (...) Sur leur demande unanime, les camarades que le CCI a appelés au téléphone pour semer les germes de la méfiance et de la destruction de notre petit groupe, proposent à l'ensemble des membres du Cercle de communistes internationalistes le rejet total de la méthode politique du CCI qu'ils considèrent comme typiquement stalinienne" ! Voir également notre article sur Internet : "Circulo de Comunistas Internacionalistas" : Imposture ou réalité ?"
Avec la mort d’Arafat,
la bourgeoisie a perdu l’un des siens. Et c’est pour cela que les
médias, les dirigeants non seulement arabes mais aussi occidentaux
se sont mobilisés pour lui rendre un dernier vibrant hommage, que
la cérémonie de ses funérailles au Caire puis surtout à Ramallah a
été retransmise par les chaînes de télévision du monde entier, alors
qu’il n’était même pas un chef d’Etat.
Il avait d’autres titres de "gloire" pour ses pairs. Celui qu’on nous a présenté comme un "grand homme", une grande figure de ces cinquante dernières années, en passe de devenir après sa mort un héros légendaire du monde arabe, était avant tout un grand pourvoyeur de chair à canon, un ennemi féroce du prolétariat.
Derrière le mythe de la création d’un Etat palestinien, il aura entraîné et envoyé pendant trente ans des générations d’ouvriers se faire massacrer fanatiquement dans l’arène des guerres impérialistes, pour la "cause inconditionnelle" la plus typiquement bourgeoise, le nationalisme. Il aura été un des pionniers du recrutement massif de gamins à peine âgés d’une dizaine d’années, ou d’adolescents pour les envoyer au massacre tant dans les rangs des "feddayins" ou des forces armées du Fatah que comme martyrs kamikazes, porteurs de bombes meurtrières. Il a encouragé des enfants encore plus jeunes à participer activement à l’Intifada. La défense de la "cause palestinienne" à laquelle il aura consacré son existence aura permis à Arafat de recevoir le soutien non seulement d’une large partie de la bourgeoisie établie, dans le cadre des affrontements interimpérialistes, symbolisée par l’admission officielle de l’OLP à l’ONU en 1974, sous les applaudissements nourris de l’assistance, alors qu’il était encore sous la protection de l’URSS. Il aura droit de son vivant à une autre salve d’honneurs officiels, cette fois sous le haut patronage direct de la bourgeoisie américaine avec l’attribution du prix Nobel de la Paix en 1994, partagé avec le Premier ministre israélien Izhtak Rabin pour les accords d’Oslo de septembre 1993. Il aura reçu le soutien admiratif d’hommes de droite comme de gauche et surtout de toutes les organisations gauchistes pour avoir été un indéfectible champion de la mystification de la "lutte de libération nationale", au nom de la "défense héroïque du peuple palestinien".
Son passé est celui d’un vulgaire chef de gang qui a accompli la plus grande partie de sa "carrière" à commanditer des attentats terroristes aveugles et particulièrement sanglants contre "l’ennemi israélien". Il s’est imposé comme chef de guerre puis à la tête de l’OLP à coups de flingue, de chantage, de règlements de comptes. Il a acquis son statut d’homme politique de la même façon en éliminant sans pitié et souvent de façon sanglante ses principaux concurrents. Despotique, dévoré d’ambition, imbu de pouvoir, baignant dans un milieu corrompu jusqu’à la moelle, entouré de courtisans qui devenaient très vite des traîtres ou des rivaux potentiels, ses moeurs mafieuses de petit caïd étaient le produit du capitalisme décadent qui l’a engendré. Cumulant les fonctions de leader politique, chef des armées et des forces de répression au sein de l’Autorité palestinienne, il n’a jamais hésité à emprisonner, tuer, faire tirer avant tout sur ce "peuple palestinien", qu’il prétendait "défendre". C’est ainsi qu’il n’a cessé de renforcer tous les moyens d’oppression et d’exploitation des masses palestiniennes. Sa fonction essentielle a aussi été de mâter impitoyablement, au nom du maintien de l’ordre et main dans la main avec l’armée israélienne, toute tentative de rébellion et les protestations désespérées d’une population muselée, rackettée, crevant de faim, s’enfonçant dans une misère toujours plus effroyable alors qu’elle est déjà décimée, endeuillée et terrorisée par les bombardements, par les massacres, par le lourd tribut payé quotidiennement à l’Intifada.
La mort d’Arafat représente également pour la bourgeoisie un véritable séisme non seulement pour la situation de la Palestine, du Proche et du Moyen-Orient, mais elle va modifier la donne pour l’ensemble des Etats arabes et va avoir des répercussions sur l’évolution de l’ensemble des relations internationales.
Ainsi, dans ce nid de brigands impérialistes, sous prétexte de défense de la cause palestinienne et du renforcement de l’amitié avec différents Etats arabes, la France a sauté sur l’occasion pour mettre à nouveau "le paquet" afin de s’attirer les faveurs des dirigeants arabes et palestiniens, manière de pointer de plus en plus son nez impérialiste au Moyen-Orient. Elle a réussi un gros coup sur le terrain diplomatique en faisant hospitaliser Arafat dans l’hôpital militaire de la région parisienne où il est mort. Non content de se précipiter à son chevet, Chirac a pu ainsi attirer une nuée de dirigeants de l’OLP et de l’Autorité palestinienne, multipliant les tractations avec eux et d’autres leaders arabes. En exclusivité, le gouvernement français a affrété un avion et lui a rendu les honneurs militaires avec un cérémonial digne des hommages rendus à un véritable chef d’Etat avant le transfert de sa dépouille au Caire puis à Ramallah. En Palestine, lors des funérailles, le monde a pu voir flotter de concert aux fenêtres des drapeaux palestiniens et français, tandis que la foule brandissait des portraits de Chirac à côté de celui du Raïs. La France qui prétend agir au nom de la paix ne peut que jeter de l’huile sur le feu en tentant de faire obstacle aux intérêts des Etats-Unis.
Par ailleurs, cet événement favorise avant tout considérablement le régime de Sharon en Israël dont le principal objectif, proclamé ces derniers mois, était d’éliminer, y compris physiquement, le leader palestinien. Il n’est pas étonnant que des rumeurs d’empoisonnement du Raïs par les services secrets israéliens, le Mossad, aient circulé avec insistance chez de nombreux dirigeants palestiniens et soient partagées par 80% de l’opinion publique de Gaza à Ramallah. L’élimination d’Arafat qui divise et affaiblit le camp palestinien ne peut que conforter l’équipe Sharon dans sa politique d’accélérer le retrait des forces israéliennes de la bande de Gaza pour mieux encercler la Cisjordanie et l’isoler totalement à travers la poursuite de la construction du mur autour d’elle. La bourgeoisie israélienne sait qu’elle se retrouve désormais en situation de force pour imposer ses diktats. C’est en fait un encouragement à une fuite en avant dans la politique du pire, agressive et belliciste de Sharon, qui vise à l’écrasement le plus complet des Palestiniens de la part de l’Etat israélien.
Mais la disparition d’Arafat arrange également les affaires de la bourgeoisie américaine car ces derniers mois, à travers les exigences israéliennes qui réclamaient son départ comme préalable à toute reprise des négociations, le personnage d’Arafat était devenu un obstacle synonyme de blocage de la situation au Proche-Orient. La Maison Blanche mise aussi sur le désarroi, le risque de chaos et les divisions des Palestiniens pour tenter de reprendre la main à son profit.
Mais les déclarations optimistes et rassurantes sur le "déblocage" des négociations, avancées conjointement par Israël et les Etats-Unis comme par une large partie de la presse européenne, ne doivent pas faire illusion. La perspective ouverte par la mort d’Arafat n’est en aucun cas un pas vers la paix mais ne peut que provoquer une nouvelle accentuation des tensions impérialistes. Il ne fait aucun doute qu’Israël et les Etats-Unis vont accentuer les pressions au maximum sur les Palestiniens, désorientés et divisés.
Il s’agit d’un affaiblissement considérable du camp palestinien. Avec l’enterrement d’Arafat, on a assisté en fait à l’enterrement définitif des accords d’Oslo de 1993. C’est la fin de l’espoir de constitution d’un Etat palestinien dans l’avenir que ces accords ont fait miroiter pendant dix ans.
La procession des dirigeants palestiniens au chevet d’Arafat à Paris lors de sa lente agonie n’a pas réglé le problème épineux de sa succession. Il est clair que malgré les divisions et les rivalités du camp palestinien, la corruption, la répression et le discrédit qui pesait sur lui, il était un "chef" historique concentrant toutes les clés du "pouvoir" de ce mini-Etat (de l’Autorité palestinienne, de l’OLP, de la branche armée du Fatah) et un symbole d’unité. Sa disparition ouvre une boîte de Pandore et d’abord une âpre guerre entre les différentes fractions palestiniennes. Parmi tous les multiples clans, aucun ne paraît en mesure de s’imposer. Même si la "vieille garde" a momentanément fait taire ses divisions pour nommer un directoire provisoire et décider d’élections pour se donner un "chef" en janvier, tous ces hommes d’appareils, réduits à l’état de petits bureaucrates arrivistes, sont absents sur le terrain et sont incapables de contrôler aussi bien la population qu'une organisation militaire totalement divisée et morcelée, dont la cohésion ne pouvait être maintenue que par l’autorité et la personnalité d’Arafat. Quant aux petits chefs de guerre mafieux, l’autorité de la plupart ne dépasse pas un quartier ou un village. Trois exemples suffisent à montrer le caractère ingérable de la situation : moins de 48 heures après le décès du Raïs et la nomination de Mahmoud Abbas (connu aussi sous le nom de guerre de Abou Ammar) comme nouveau chef de l’OLP, ce dernier essuyait une tentative d’attentat qui s'est soldée par deux morts lors d’une cérémonie de condoléances à Gaza rassemblant des dirigeants palestiniens. Autre illustration, le premier discours du nouveau président de l’Autorité palestinienne, Rawhi Fattouh, était inaudible, faute d’expérience et la plupart des commentaires étaient "qui c’est et d’où il sort celui-là ?". Enfin et surtout, deux des principales branches militaires les plus influentes, le Hamas et le Djihad islamique, ont d’emblée annoncé qu’elles boycotteraient les élections du chef de l’Autorité palestinienne en janvier. Ces appareils militaires sont totalement éclatés comme en témoignent les luttes et rivalités impérialistes latentes entre le Hamas, le Hezbollah, le Djihad islamique, les Brigades des Martyrs d’Al-Aqsa (même rebaptisées Brigades Yasser Arafat), le Fatah (soutenus par tel ou tel Etat) de même que les rivalités entre les dirigeants politiques Mahmoud Abbas, l’actuel Premier ministre de l’Autorité, Ahmed Qoreï, contrôlant les forces de sécurité, le plus "populaire" chef du Fatah en Cisjordanie, Marwan Barghouti, le chef du Fatah Farouk Kaddoumi ou encore l’ancien ministre de l’Intérieur Mohammed Dahlan.
Non seulement la situation est porteuse de sanglants règlements de compte pour la succession d’Arafat, mais elle ne peut qu’engendrer une recrudescence d’attentats suicides toujours plus meurtriers dans une population palestinienne réduite au désespoir et fanatisée par la haine et par une hystérie nationaliste dont elle est abreuvée depuis des années. Cette spirale de violence de plus en plus incontrôlable risque de mettre le feu aux poudres dans une partie encore plus large du Moyen-Orient.
Wim (18 novembre)Pas un mois, pas une semaine ne se passe sans l'annonce de nouvelles attaques qui viennent détériorer toujours un peu plus les conditions de vie de chaque prolétaire.
En France, l'année 2005 s'ouvre avec la poursuite du démantèlement de la protection sociale : hausse de la CSG sur les salaires et les pensions, augmentation du forfait hospitalier, racket d'un euro sur chaque consultation et sur chaque acte médical, contrôle renforcé des arrêts de maladie, déremboursement total ou partiel de certains frais médicaux. En même temps, les plans de licenciements et les chantages à la délocalisation se multiplient, la chute du pouvoir d'achat s'accélère, les conditions d'exploitation s'aggravent.
La classe dominante cherche à masquer par tous les moyens que, face à l'aggravation de la crise au niveau mondial, elle n'a pas d'autre choix que d'attaquer partout de plus en plus durement la classe ouvrière. C'est pour empêcher les prolétaires de prendre conscience de la faillite ouverte et irrémédiable du capitalisme et pour cacher les véritables enjeux de la situation que la bourgeoisie développe une série de campagnes idéologiques.
Ainsi, le gouvernement à travers le "contrat 2005" de Raffarin fait semblant de s’en prendre aux lois Aubry sur les 35 heures en mettant en avant la "liberté" d’un temps de travail "choisi" à la carte, avec la possibilité de "travailler plus pour gagner plus" (en réalité, la liberté pour le chef d’entreprise d’exploiter ses salariés à sa guise, autant d’heures qu’il le souhaite) avec la complicité de la gauche qui clame qu’il s’agit d’une remise en cause et d’un démantèlement du soi-disant "acquis social" qu’elle avait instituée. C’est un mensonge et de la pure hypocrisie ! Il ne s’agit en réalité que de pousser toujours plus loin la "flexibilité" à laquelle les lois Aubry avaient servi de rampe de lancement pour rendre les ouvriers corvéables à merci.
Tous les efforts déployés par la bourgeoisie visent à faire croire que des "solutions" existent à l'intérieur de ce système. Les ouvriers n'ont aucune illusion à se faire sur le "dialogue social", la "concertation démocratique" qui sont autant de pièges dressés par la bourgeoisie pour exiger d'eux toujours davantage de nouveaux "sacrifices". Le "plan de cohésion sociale" du ministre Borloo se résume à une mise en scène de nouvelles violentes attaques antiouvrières. Sous prétexte de ramener les RMIstes et les chômeurs de longue durée dans le monde du travail, il se prépare à leur donner le choix dans une nouvelle forme de contrat de travail, entre la misère sans travail et la misère en travaillant en fournissant aux associations et aux collectivités locales une main d’oeuvre à très bas coût. La majoration de rémunération du travail de nuit ne sera plus appliqué à partir de 21 heures mais repoussée à minuit ! Quant à la création de 500 000 logements sociaux d’ici 2009, annoncée à grands renfort de publicité, ce n’est que de la poudre aux yeux : ces fameux nouveaux "logements sociaux" seront loués à des prix inaccessibles pour une majeure partie des salariés.
Ces dernières semaines, en France, la campagne ultra-médiatisée pour le référendum sur la Constitution européenne au sein du PS et l’élection de Sarkozy à la tête de l’UMP ont polarisé l’attention des prolétaires. Un autre débat a récemment pris le relais : pour ou contre l’entrée de la Turquie dans l’Union Européenne. Au-delà des enjeux bien réels des rivalités au sein de la gauche comme au sein de la droite de la bourgeoisie française sur ces questions, tout ce battage idéologique sert en priorité à brouiller les pistes, à polluer et à enrayer le développement de la conscience et de la réflexion au sein de la classe ouvrière face à la situation pour l’entraîner sur un terrain qui n'est pas le sien. En mettant sur le devant de la scène un débat pour ou contre la Constitution européenne, la classe dominante pousse les ouvriers sur le terrain de la démocratie, à se mobiliser sur le terrain électoral en vue du prochain référendum national programmé en 2005. En faisant une large publicité au camp du "non", la classe dominante tente de redonner un nouveau souffle aux thèmes altermondialistes, et à préparer pour l’avenir l'émergence d’un large pôle de contestation anti-libéral, protestataire, d'opposition, à laquelle participent déjà le PCF ou les organisations trotskistes. La classe ouvrière ne doit pas se laisser piéger par tout l'appareil de gauche et syndical de l'Etat capitaliste qui essaie de pourrir ainsi sa riposte aux attaques contre ses conditions de vie.
Contrairement à la propagande de la bourgeoisie, ces attaques ne sont pas limitées à tel ou tel type de gouvernement, à tel ou tel pays, à tel ou tel mode de constitution, de communauté monétaire ou de partenariat économique. Les mêmes attaques qui se déroulent en France sont non seulement appliquées simultanément dans le reste de l'Europe mais aussi aux Etats-Unis, au Brésil, sur tous les continents. En Allemagne, en Espagne, en Italie, les ouvriers ont commencé à y répondre en développant leurs luttes sur leur propre terrain de classe. La seule voie pour être en mesure de résister aux attaques pour la classe ouvrière, c’est l’union grandissante de ses forces en vue de renverser ce système. Il n'y en a pas d'autre possible.
Wim
Depuis le premier tour de l'élection présidentielle du 31 octobre, l'Ukraine vit à l'heure d'une crise politique qui met aux prises la fraction pro-russe de Leonid Koutchma et Viktor Ianoukovitch avec celle de l'opposant réformateur Viktor Ioutchenko, défenseur déclaré d'une "ouverture vers l'Ouest". Le tout sur fond de tensions diplomatiques et de déclarations menaçantes de la part de la Russie auxquelles répond un durcissement des pays européens et surtout des Etats-Unis. La contestation des élections archi-truquées des 31 octobre et 21 novembre a ainsi débouché sur le développement de manifestations massives dans la capitale ukrainienne, avec l'occupation du centre de Kiev et le blocage de l'accès au Parlement par les manifestants "jusqu'à la victoire de la démocratie". La "révolution orange" est en marche, a-t-on entendu de toutes parts, non seulement du côté des partisans de Ioutchenko mais aussi du côté des médias des grands pays démocratiques qui ont monté au pinacle cette "volonté" du peuple ukrainien de se "libérer" de la clique inféodée à Moscou. Photos et reportages à l'appui, les témoignages n'ont pas cessé d'abonder dans la presse : "Les gens n'ont plus peur", "nous pourrons parler librement", "les gens qui se croyaient intouchables ne le sont plus", etc. Bref, l'espoir d'une vie meilleure et plus libre s'ouvrirait pour la population et la classe ouvrière en Ukraine et, preuve que la démocratie avance, un troisième tour des élections a été imposé pour le 26 décembre, avec la perspective de victoire électorale quasi-assurée de Ioutchenko !
Derrière tout ce battage, l'enjeu réel n'est nullement dans la lutte pour la démocratie. Il se trouve en réalité dans l'affrontement de plus en plus aigu entre les grandes puissances, et particulièrement dans l'offensive actuelle menée par les Etats-Unis, dans le cadre de leur stratégie dite du "refoulement", contre la Russie avec la perspective de faire sortir l'Ukraine de la zone d'influence russe. Il est significatif que la grande colère de Poutine est dirigée essentiellement contre l'Amérique car c'est elle qui est derrière le candidat Ioutchenko et son mouvement "orange".
Lors d'un discours prononcé à New Dehli le 5 décembre, le chef du Kremlin accusait ainsi les Etats-Unis de vouloir "remodeler la diversité de la civilisation, en suivant les principes d'un monde unipolaire égal à une caserne" et de vouloir imposer "une dictature dans les affaires internationales agrémentée d'une belle phraséologie pseudo-démocratique". Il ne s'est par ailleurs pas gêné de renvoyer aux Etats-Unis la réalité de leur situation en Irak en précisant au premier ministre irakien à Moscou le 7 décembre qu'il n'imaginait pas "comment on peut organiser des élections dans les conditions d'une occupation totale par des troupes étrangères" ! C'est dans la même logique que le président russe s'est également opposé à la déclaration commune des 55 Etats de l'OSCE pour appuyer le processus de sortie de la crise en Ukraine et confirmer le rôle de l'organisation dans la surveillance de la tenue du troisième tour de l'élection présidentielle le 26 décembre. Au camouflet infligé à Poutine par la "communauté internationale" de refuser de reconnaître son "poulain" s'en ajoute un autre avec l'envoi annoncé de plusieurs centaines d'observateurs, non seulement des Etats-Unis, mais entre autres du Canada, de la Grande-Bretagne et de l'Allemagne.
Depuis la dislocation de l'URSS, et la constitution en catastrophe de la Communauté des Etats Indépendants en 1991, destinée à sauver les débris de son ex-empire, la Russie n'a cessé d'être menacée sur ses frontières, du fait même de la tendance permanente à l'éclatement qui lui est inhérente, et sous la pression de l'Allemagne et des Etats-Unis. Le déclenchement de la première guerre tchétchène en 1992, puis de la deuxième en 1996, sous prétexte de lutte contre le terrorisme, a exprimé la brutalité d'une puissance sur le déclin tentant de sauvegarder coûte que coûte sa mainmise sur la région du Caucase, stratégiquement vitale pour l'Etat russe. Il s'agissait pour Moscou de s'opposer par cette guerre aux menées impérialistes de Washington visant à déstabiliser la Russie et à celles de Berlin qui développait une agressivité impérialiste indéniable, comme on l'avait vu au printemps 1991 avec son rôle de premier ordre dans l'éclatement du conflit yougoslave.
La question du Caucase est pour autant loin d'être réglée car les Etats-Unis continuent résolument à y avancer leurs pions. C'est le sens qu'il faut donner à l'éviction de Chevarnadzé en 2003 avec la "révolution des roses" qui a porté une clique pro-américaine au pouvoir. Ce qui a permis à l'Amérique d'installer des troupes dans le pays, en plus de celles déjà présentes au Kirghizistan et en Ouzbékistan, au nord de l'Afghanistan, venant renforcer leur présence militaire au sud de la Russie et leur menace d'encerclement de celle-ci. Avec la question de l'Ukraine, qui a toujours été, que ce soit pour la Russie tsariste ou soviétique, une pièce maîtresse, le problème se pose de façon bien plus cruciale encore aujourd'hui pour l'Etat russe.
Au niveau économique, le "partenariat" entre l'Ukraine et la Russie est de première importance pour Moscou, mais c'est surtout au niveau stratégique et militaire que le contrôle de l'Ukraine lui est plus vital encore que le Caucase.
D'abord parce que, si Moscou a perdu toute possibilité d'avoir un accès direct à la Méditerranée, cette dernière est la seule et dernière voie qui lui reste vers l'Asie et la Turquie via la mer Noire où se trouvent en outre la base nucléaire russe de Sébastopol et la flotte russe. De plus, la perte de l'Ukraine reculerait de façon dramatique la position russe face aux pays européens, en premier lieu l'Allemagne, et affaiblirait tout autant sa capacité à jouer un rôle dans les destinées de l'Europe et des pays de l'Est, pour la plupart déjà largement pro-américains. Mais de plus, il est certain qu'une Ukraine tournée vers l'Ouest (donc contrôlée par celui-ci et en particulier par les Etats-Unis), mettant plus à nu que jamais l'inanité grandissante du pouvoir russe, provoquerait une accélération du phénomène d'éclatement de la CEI, avec son cortège d'horreurs. Sans compter qu'il est plus que probable qu'une telle situation ne pourrait que pousser des régions entières de la Russie elle-même (dont les petits potentats locaux ne demandent qu'à ruer dans les brancards) à déclarer leur indépendance, encouragées par les grandes puissances déjà à l'œuvre.
C'est donc une question de vie ou de mort qui se pose pour la Russie aux abois et cela dans un futur proche. Aussi, il est certain que Poutine fera tout pour maintenir l'Ukraine dans son giron, ou tout du moins ne laissera pas le gâteau partir sans en réclamer sa part, quitte à le réduire en miettes.
Ainsi, Moscou pousse des régions de l'Ukraine, en particulier de l'Est et du Sud à faire sécession, alimentant ainsi un chaos certain et la déstabilisation de la région.
Il ne ferait qu'en cela répondre à la même logique que ses rivaux américains de l'administration Bush dont la politique impérialiste aggrave chaque jour la barbarie la plus terrible.
Par cette tentative de prise en mains de l'Ukraine, les Etats-Unis ne font pas qu'accentuer leur pression sur la Russie pour la faire reculer sur ses frontières et étendre leur propre zone d'influence. Ils continuent en effet parallèlement leur politique d'encerclement de l'Europe, initiée avec le déclenchement de la guerre en Afghanistan et, plus spécifiquement, ils visent à bloquer l'extension de l'Allemagne vers l'Est.
L'est de l'Europe est en effet la zone "naturelle" de l'expansion impérialiste allemande. On l'a vu tout particulièrement à l'époque du troisième Reich dont l'attention était surtout tournée vers cette région du monde, mais aussi lors de la Première Guerre mondiale. Aussi, si la bourgeoisie allemande reprend à son compte le discours de sa rivale américaine pour "dénoncer" la Russie et sa politique "néo-colonialiste" en Ukraine, c'est pour mieux pouvoir en tirer les fruits pour son propre compte dans l'avenir.
Ce n'est donc pas seulement un jeu à deux qui se déroule en Ukraine, mais à trois et qui ne prépare pas des lendemains radieux pour la population ukrainienne, au contraire. Car, si jusqu'ici elle était prise dans les filets de la bourgeoisie russe, c'est à présent trois larrons qui vont s'entredéchirer et s'efforcer de semer le chaos dans ce pays, avec toutes les répercussions qu'une telle situation peut avoir au niveau régional et mondial.
Il est certain par exemple que cette avancée des Etats-Unis ne restera pas sans effet, non seulement sur l'Ukraine, la Russie et la CEI, mais aussi sur l'ensemble de la région de l'Asie centrale. Et si ce sont les grandes puissances qui sont les premières à semer le désordre, il ne faut surtout pas négliger la capacité de nuisance des puissances régionales comme la Turquie et l'Iran qui ne restent pas inactives et viennent alimenter elles aussi la dynamique vers le chaos. La tendance à l'éclatement et à la guerre civile permanente, qui prévaut dans cette gigantesque zone et qui s'est grandement aggravée avec la guerre en Irak, va donc trouver un levier indirect dans ce nouveau point de focalisation et d'aggravation des tensions impérialistes. Cette déstabilisation ne peut à son tour qu'avoir de graves conséquences dans une nouvelle fuite en avant dans la guerre de la part de nombreux pays (dont au premier chef l'Amérique elle-même dans sa course folle pour le contrôle de la planète) avec l'émergence de nouveaux foyers de tensions guerrières.
Le "choix" démocratique qui est présenté en Ukraine est un leurre et un piège. La population ukrainienne est réduite à l'état de pions, manipulés et baladés derrière l'une ou l'autre des fractions bourgeoises rivales agissant elles-mêmes pour le compte de telle ou telle puissance impérialiste. La "victoire de la démocratie" ne réglera en rien la situation de misère des ouvriers en Ukraine mais va au contraire les entraîner à se mobiliser pour la défense de la patrie "démocratique" (après les générations précédentes qui étaient conduites à défendre la patrie "socialiste") et à accepter les sacrifices "orange" que leur demanderont immanquablement les futurs dirigeants de l'Ukraine. Rappelons que le "démocrate" Ioutchenko n'a pas manqué d'imposer des sacrifices à la classe ouvrière lorsqu'il était premier ministre et banquier du gouvernement pro-russe qu'il dénonce aujourd'hui avec tant de zèle. La clique qui se prépare à saisir le pouvoir n'a rien à envier à la précédente et les clivages qui la traversent n'annoncent en rien une quelconque stabilité. Les perspectives de démocratie servent à entretenir des illusions sur la possibilité de réformer le système capitaliste, de le transformer graduellement vers un "mieux" toujours plus hypothétique. Elles vont exiger que le prolétariat courbe l'échine pour faire passer l'intérêt "supérieur" de l'Etat démocratique avant de "mesquines" revendications alimentaires.
La perspective de créer un monde de "citoyens" dans une démocratie oeuvrant à une humanité heureuse est une illusion qui vise à tuer la conscience de la nécessité de renverser le capitalisme, ce système qui engendre toujours plus de barbarie et de chaos.
Mulan (17 décembre)
Malgré la baisse du dollar, la hausse du pétrole, les spécialistes de la prévision économique se veulent rassurants puisque les taux de croissance sont positifs pour 2004 : 4,7% pour les USA, 3% pour le Japon, 1,6% pour la zone euro, 9,1 % pour les trois premiers trimestres de 2004 pour la Chine. Comment interpréter ces résultats ? L’économie mondiale irait-elle mieux ? Les Etats-Unis et surtout la Chine que la bourgeoisie présente comme un nouvel Eldorado peuvent–ils être les locomotives du monde pour relancer l’économie y compris en Europe ?
Pour répondre à ce questionnement, il est nécessaire, tout d’abord, d’analyser la situation de la première puissance mondiale, pour se rendre compte que la bourgeoisie utilise à nouveau la méthode Coué pour cacher au prolétariat la faillite croissante de son système.
S’il y a une chose sur laquelle l’ensemble des spécialistes de l’économie mondiale ne se trompe pas, c’est sur la gravité de l’endettement de la première puissance mondiale. Pour relancer la machine économique, l’administration américaine a laissé filer les déficits publics et commerciaux. Elle a financé de façon artificielle la consommation des ménages (cette consommation représente plus des deux tiers du PIB américain et a une influence déterminante sur l’activité économique), par le biais de la baisse massive des impôts en direction des ménages décidée après la récession de 2001 (en fait ce sont des baisses répétées en 2001, 2002, 2003, et 2004, pour un total de 1 900 milliards de dollars sur 10 ans) et les taux d’intérêts des emprunts bancaires ramenés au plus bas depuis 1945 (la FED a abaissé le taux d’emprunt à 1%). Malgré ces mesures, la croissance économique est retombée à 3,5% contre 5% il y a quelques mois. La confiance des consommateurs a encore baissé en octobre 2004, à son plus bas niveau depuis 7 mois, et les déficits ne cessent de se creuser. L’administration américaine parle même des "twin deficits" pour qualifier leur gravité. Le déficit budgétaire s’est élevé à 413 milliards de dollars, après les 377 milliards de dollars de 2003. Pour les experts, on s’attend à accumuler 3 000 milliards de dollars de dettes supplémentaires d’ici à 2011. "Le gouvernement doit emprunter aujourd’hui 1,1 milliard de dollars par jour et dépense plus à assurer le service des intérêts de la dette (159 milliards), ce qui correspond aux budgets cumulés de l’éducation, de la sécurité intérieure, de la justice, de la police, des anciens combattants, de l’exploration spatiale et de l’aide internationale." (Le Monde du 4 novembre). Quant au déficit commercial, il dépasse les 650 milliards de dollars, soit 5,7% du PIB. La situation n’est pas meilleure pour les autres Etats capitalistes. La flambée du pétrole et l’envolée de l’euro devraient ramener les taux de croissance en Europe, au maximum à 2%, dans un contexte où les dettes publiques ne cessent de croître et où aucun Etat européen n’est en mesure de respecter les 3% de déficit, fixés par le traité de Maastricht. Plus de 4,1% de déficit pour la France, 3,9 pour l’Allemagne, 3,2 pour l’Angleterre (le double de l’année précédente) plus de 4% pour l’Italie.
Les sommets du G7 se suivent et se ressemblent dans le fait que derrière les discours unitaires et volontaristes pour avoir des politiques communes, c’est l’inverse qui se produit dans la réalité. L’aggravation de la crise et notamment de l’endettement américain, avec des risques inflationnistes, tend à accroître l’aspect concurrentiel qui est à la base même du système capitaliste. Avec la baisse des taux d’intérêts, l’administration américaine a développé une politique de baisse du dollar vis-à-vis de l’euro, la principale monnaie concurrente pour pouvoir gagner des parts de marché à l’exportation et faire baisser le niveau de sa dette financière. Cette politique de "dévaluation compétitive" a déjà été utilisée par les Etats-Unis, dans les années 1980 et en 1995. Ce qui diffère aujourd’hui, c’est le contexte dans lequel le gouvernement américain utilise cette baisse du dollar ; à savoir l’accumulation sans précédant de l’endettement de son économie. Malgré la pression sur les puissances économiques rivales permise par la baisse du dollar, les exportations américaines ne représentent toujours que 75% des importations, venant rendre encore plus criante l’insolvabilité de la dette américaine. Dans cette guerre économique qui fait rage, alors que le dollar a perdu 25% de sa valeur, le déficit extérieur s’apprête à dépasser 5,5% du PIB américain. "Le ramener en dessous de 3,5 % du PIB, ce qui semble l’objectif, nécessite sans doute une dépréciation supplémentaire du dollar de 35% contre toute monnaie. La baisse du billet vert est la tentative pour tenter de conduire l’économie américaine vers de meilleurs équilibres. L’euro devrait monter à 1,70 pour 1 dollar, pénalisant fortement les exportations européennes." (Les Echos du 6 novembre) Face à cette perspective d’une baisse sans précédent du dollar, les principaux pays européens et le Japon (dont la petite reprise économique est basée sur la relance des exportations) menacent ouvertement les Etats-Unis d’une intervention sur les marchés financiers par le biais de leurs banques centrales pour faire remonter la devise américaine. La gravité de la situation actuelle ne réside pas tant dans la concurrence entre les pays industrialisés, ce qui est l’essence même du capitalisme, que dans la tendance à ce que cette concurrence dans le cœur même du capitalisme (Etats-Unis, Canada, Europe, Japon) tende à remettre en cause le minimum d’entente qui existait jusqu’alors entre les grandes puissances pour rejeter les effets de la crise sur le reste du monde.
Dans ce contexte d’endettement monstrueux des principaux pays développés et de baisse du dollar, l’envolée du prix des matières premières, et notamment du pétrole, est venu réactiver le spectre de l’inflation, qui avait fait des ravages sur l’économie mondiale au cours des années 1970. D’où cette mise en garde du FMI : "Attendre trop longtemps avant de réagir aux premiers signes de l’inflation pourrait s’avérer cher à réparer, et coûterait aux banques centrales une partie de la crédibilité qu’elles ont mis tant de temps à construire dans les années 1980 et 1990." (Le Monde du 1er octobre) Malgré cette mise en garde, les experts bourgeois focalisent l’attention sur les causes de cette hausse, qui serait dues à une forte demande de pétrole au niveau mondial, notamment de la Chine et des Etats-Unis et à une certaine instabilité qui ne serait que provisoire au niveau des approvisionnements, si certains pays producteurs pouvaient augmenter leur quota de production. A l’opposé, l’analyse marxiste situe ce phénomène dans un cadre d’analyse plus globale. Contrairement aux hausses précédentes de 1973, 1979 ou de 1997 et 2000, largement utilisées par les Etats-Unis dans la guerre commerciale contre les autres Etats capitalistes, l'Europe et le Japon notamment (voir notre article "La hausse du prix du pétrole : une conséquence et non la cause de la crise" dans la Revue Internationale n°19), cette hausse a fortement pénalisé l’économie en général et notamment la consommation des ménages américains, dans un contexte où les Etats-Unis sont obligés d’importer beaucoup plus de pétrole que par le passé. Le prix élevé du pétrole se répercute immédiatement dans une aggravation du déficit budgétaire américain, d’autant plus que le pétrole est payé en dollars et donc compte tenu du change, il coûte plus cher aux Américains qu’aux économies européennes (qui paient le baril avec une monnaie, le dollar, moins chère que leur propre monnaie, l’euro). Ainsi la hausse du pétrole montre la gravité de la crise économique et en même temps le lien qu’il peut y avoir avec les guerres actuelles. Malgré la dimension spéculative pour une partie de cette hausse du pétrole (les experts estiment celle-ci entre 4 à 8 dollars), celle-ci est aussi l’expression du poids croissant que prennent le chaos et la barbarie à l’échelle mondiale. L’incapacité des Etats-Unis à faire redémarrer la production irakienne du fait du bourbier militaire dans lequel ils s’enfoncent, les menaces d’attentats contre les installations du premier producteur mondial qu'est l’Arabie Saoudite, les troubles sociaux au Venezuela et au Nigeria en sont les premiers facteurs. Cet ensemble d’événements démontre qu’il n’y a pas d’un côté l’aspect économique et de l’autre l’aspect militaire ou impérialiste, mais au contraire une interpénétration de plus en plus grande de l’ensemble de ces facteurs qui se nourrissent les uns des autres pour donner une situation de plus en plus chaotique et de moins en moins contrôlable par la bourgeoisie. L’instabilité et le désordre croissants du monde capitaliste alimentent l’instabilité économique qui en retour ne peut produire que toujours plus d’instabilité militaire.
Dans ce contexte d’endettement astronomique de l’économie mondiale et notamment de la première puissance, il est nécessaire de dénoncer l’augmentation des dépenses militaires qui constitue un facteur supplémentaire de l’aggravation des déficits budgétaires et cela au détriment des budgets civils qui ne peuvent que se réduire comme peau de chagrin pour financer la barbarie innommable qui se répand.
Ainsi, depuis le déclenchement de la guerre en Irak jusqu’à l’occupation actuelle du pays, les Etats-Unis ont dépensé 140 milliards de dollars. Cet effort n’est pas suffisant puisque "le Pentagone vient de réclamer, début novembre une rallonge de 70 milliards de dollars pour financer les opérations militaires en 2005" (Le Monde du 9 novembre). Le budget du Pentagone devrait dépasser en 2005 les 400 milliards de dollars, hors coût des guerres en Irak et en Afghanistan, ce qui représente près de la moitié des dépenses militaires mondiales (45% exactement).
Si l’on compare avec des guerres précédentes, on se rend compte du coût exorbitant des dépenses actuelles. Alors que la Première Guerre mondiale a coûté 190,6 milliards de dollars à l'économie américaine, la Seconde, 2 896,3 milliards de dollars, la première guerre du Golfe en 1991 a absorbé 76,1 milliards de dollars en quelques mois (sources : "Problèmes économiques" du 1er septembre 2004)
Mais les autres Etats ne sont pas en reste et l’on peut citer à titre indicatif le cas de la France, en sachant que depuis la fin des années 1990, l’ensemble des budgets militaires est en hausse à l’échelle mondiale. Alors que le budget de l’armée française a augmenté de façon significative, le gouvernement a décidé l’octroi de "550 millions d’euros supplémentaires pour financer l’engagement militaire en cours en Côte d’Ivoire et 100 millions de plus pour d’autres opérations extérieures. Ces dépenses seront prises sur le dos des ministères civils." (Les Echos du 10 novembre)
Contrairement à ce que nous raconte la bourgeoisie, ce qui est injecté dans la sphère militaire n’est pas destiné à la reproduction de capital productif mais correspond à la destruction pure et simple du capital investi. Cela signifie que le développement du militarisme et l’augmentation des dépenses qui lui sont liées sont un poids supplémentaire ne pouvant qu’accentuer le marasme économique.
Derrière les chiffres de la soi-disant croissance capitaliste pour 2004, se cache en réalité une nouvelle étape dramatique de l’aggravation de la crise qui illustre la faillite du mode de production capitaliste.
Donald (12 décembre)
En Irak, les attentats succèdent aux attentats. La mort fauche les victimes par dizaines. L’armée américaine compte à l'heure actuelle 1276 morts (dont plus de 100 pour le mois dernier) et 9765 blessés. L’assaut sur Fallouja a fait au moins 2000 victimes parmi les rebelles. Aucun bilan n’a été publié concernant les dizaines de milliers d’habitants qui n’avaient pas pu fuir, pris au piège des affrontements. Le bilan de la guerre se situerait au minimum à 15 000 victimes. Une revue médicale anglaise avance un bilan réel d’au moins 100 000 morts !
Attentat après attentat, les médias nous égrènent le dénombrement des victimes, sinistre registre quotidien de la barbarie, tenu entre la rubrique des faits divers et des questions de société, à l’instar de n’importe quelle chronique d’actualité. Cette banalisation de l’horreur, présentée comme une fatalité, un phénomène "naturel" et assortie des mensonges et des campagnes idéologiques de la classe dominante sur ses causes, ne vise qu’à faire accepter au prolétariat la barbarie générée par le capitalisme en décomposition et à stériliser l’indignation qu’elle suscite. Cette accoutumance à la barbarie, véritable poison pour la conscience du prolétariat inoculé en permanence, doit être combattue en tant qu’elle forme l’un des moyens par lequel la bourgeoisie entretient la passivité de la classe ouvrière et donc assure sa domination de classe sur la société.
L’extension de la barbarie constitue l’une des manifestations les plus monstrueuses de la faillite du système capitaliste en putréfaction. Le capitalisme, qui soumet des parties de plus en plus importantes de la planète au fléau de la guerre, représente une menace pour la civilisation et la survie même de l’humanité.
La plus grande opération des troupes américaines depuis la chute de S. Hussein contre la ville de Fallouja, ainsi que la poursuite des offensives militaires "dans les semaines et les mois à venir" pouvant même "s’intensifier à l’approche des élections irakiennes"1, comme celle menée depuis novembre par 5000 soldats dans le "triangle de la mort" de la province de Babylone, n’offrent aucune stabilisation. Au contraire, la réaction des Etats-Unis à la perte de contrôle sur le pays livré à l’anarchie et le forcing censé créer les conditions pour la tenue d’élections générales destinées à crédibiliser leur présence en Irak ne font qu’impulser l’implosion de l’Etat irakien dans la guerre civile généralisée et les convulsions entre les différentes cliques en présence. Sur l’ensemble du territoire, dont aucune partie n’est épargnée, les attentats sanglants et les accrochages meurtriers ne font que se multiplier.
A Bagdad même, des attaques se produisent désormais directement contre la "zone verte", le secteur ultra-sécurisé du centre. La route de l’aéroport, fermé depuis le tir de missiles contre des avions américains, se trouve hors du contrôle américain. Des combats en plein jour dans la ville ont nécessité le déploiement de blindés et le bouclage de quartiers entiers. Ramadi est passée sous le contrôle de la guérilla. Des combats ont lieu, au Nord, à Balad, Baji et Baaquba. Mossoul, la capitale kurde, a été prise et conservée trois jours durant par les insurgés enfuis de Fallouja. Les peshmergas kurdes, formant le gros de la garde nationale irakienne engagée à Fallouja et dans la reprise de Mossoul sont de plus en plus impliqués dans les affrontements.
La prise de Fallouja (ville qui a "fourni bon nombre des officiers de l’armée et des services de sécurité de S. Hussein, qui ont participé à la répression des Chiites"2 et refuge de ces cadres de l’ancien régime après la première bataille de Fallouja) accomplie avec la tacite approbation des autorités chiites aiguise les tensions entre Chiites et Sunnites. Ainsi, "Hilla, ville chiite, et Latifiya, ville sunnite, ont commencé à se livrer une guerre larvée à coups d’assassinats, d’embuscades, et d’enlèvements."3 Une milice chiite antisunnite a d’ores et déjà été créée. De plus, la division des uns et des autres face au scrutin augure de sanglants règlements de comptes entre fractions rivales. Représentant 60% de la population en Irak, et longtemps écartés du pouvoir sous S. Hussein, les Chiites, emmenés par l’ayatollah Al-Sistani sont les plus chauds partisans de la tenue des élections dont ils espèrent tirer profit. Pour autant, la fraction chiite de Moktada Al-Sadr, qui a conduit deux insurrections anti-américaines cette année, refuse d’y participer en raison des poursuites engagées contre ses partisans.
Ennemies de toujours, les principales organisations kurdes de l’UPK et de l’UDK, s’unissent pour l’occasion. Parmi les Sunnites, le front du refus du scrutin s’est fissuré : si la principale organisation, le Comité des Oulémas, maintient le mot d’ordre de boycottage, plusieurs organisations sunnites ont décidé de jouer leur carte, notamment le Parti Islamique, issu des Frères musulmans. Déjà, assassinats politiques et meurtres de personnalités se multiplient au sein de ce panier de crabes.
La montée des attentats terroristes à l’approche des élections ne s’alimente pas uniquement d’elle-même : c’est l’arme de guerre qu’utilisent en sous-main les impérialismes rivaux des Etats-Unis afin de saper la position américaine.
En dépit de leur affaiblissement mondial et de leur position en Irak où de nouveaux retraits de troupes alliées sont annoncés (par la Hongrie fin décembre, les Pays-Bas en mars), les Etats-Unis rendent coup pour coup, comme le montre la tenue de la conférence sur l’Irak de Sharm-el-Sheikh du 25 novembre. D’abord, celle-ci consacre le retour des Etats-Unis dans le cadre de l’ONU, ce qui leur permet de couvrir leurs exactions impérialistes de la légitimité du "droit international" accordée par la résolution 1546 qui sert de base à la déclaration adoptée. Ce ralliement des Etats-Unis au multilatéralisme leur permet de s'imposer momentanément face à leurs rivaux, notamment la France. Les Etats-Unis sont parvenus à rabattre le caquet de l'impérialisme français et à faire passer ses tentatives d’accroître son influence en Irak pour de vaines gesticulations : la France, "qui avait été la première avec la Russie à réclamer la tenue d’une conférence internationale sur l’Irak, a dû revoir ses ambitions à la baisse. Alors qu’elle demandait un calendrier de retrait des troupes de la coalition, elle devra se contenter d’un vague rappel du caractère temporaire de leur présence en Irak."4 De même, a été rejetée sa proposition d’ouvrir la conférence non aux seuls protégés des Américains au pouvoir à Bagdad, mais à toutes les forces politiques irakiennes, "y compris à un certain nombre de groupes ou de gens qui actuellement ont choisi la voie de la résistance par les armes"5, prouvant aux yeux de tous ceux qui espèrent du soutien de la France, qu’elle ne dispose pas des moyens de mettre en œuvre ses prétentions.
Enfin, en faisant plier la France, qui, avec le soutien de Moscou et de Berlin, principaux créanciers de l’Irak, refusait d’aller au-delà des 50% d’allègement pour le profit d’une clique sous la coupe américaine, l’accord sur la réduction de 80% de la dette irakienne, constitue un succès américain supplémentaire.
L’Irak, constitue le point névralgique des affrontements entre puissances en compétition pour la défense de leur rang impérialiste dans le monde. La fuite en avant dans l’usage de la force militaire par les Etats-Unis (qui vont porter leur dispositif militaire de 142 000 à 150 000 hommes à la fin janvier), ainsi que la surenchère dans la riposte qu’elle entraîne, non seulement accélèrent la désintégration de l’Irak, mais étendent leur onde de choc sur tous les pays alentours et y renforcent les tendances centrifuges à l’éclatement. De la Palestine au Pakistan, de l’Arabie au Caucase, la déstabilisation de la zone stratégique la plus importante du monde capitaliste a et aura des conséquences majeures sur toute la situation mondiale. La plongée dans le chaos de toute la région illustre dramatiquement que dans la phase de décomposition du capitalisme, les rivalités impérialistes et l’usage répété de la force militaire (qui ne fait qu’étendre les conflits et les rendre plus incontrôlables), constituent le facteur essentiel du développement sans précédent de la barbarie.
Scott (15 décembre)
1)
D. Rumsfeld, cité par Libération du 26 novembre
2004
2)
Libération du 16 novembre 2004
3) Ibid.
4) Libération, du 22 novembre
5) M. Barnier, Ibid.
Le monde ne cesse de s’enfoncer dans le chaos : la misère se répand jusqu’au coeur des pays les plus développés, le chômage massif et de longue durée ne laisse plus personne à l’abri, la guerre entre Etats touche quasiment tous les continents. Pourtant, face à cette destruction permanente, la bourgeoisie n’arrête pas de parler de bien-être, de prospérité, de progrès : où est le progrès dans la guerre qui, presque partout, décime les populations et détruit les villes, les champs, les forêts ? Où est le bien-être quand des milliers d’êtres humains crèvent de faim tous les jours ? Où est la prospérité quand plus aucun ouvrier sur cette terre ne peut savoir de quoi son avenir sera fait ?
Face à ce paradoxe, on se pose forcément des questions : pourquoi une société censée progresser, apporter toujours plus de bien être et de sécurité, déverse tout le contraire sur l’humanité ? D’où cela vient-il ? Est-ce une fatalité ? La bourgeoisie a des réponses : elle nous assure qu’il s’agit là de la “méchanceté” humaine, du manque de démocratie, de difficultés économiques passagères dues à une mauvaise régulation des flux financiers, à la hausse du prix des matières premières sur les marchés, à l’appétit immoral des spéculateurs sur les mêmes marchés, etc.
Tout cela jure avec l’état de la situation. Et nous entendons depuis longtemps ces arguments sans que pour autant la situation ne se soit jamais améliorée, bien au contraire. Alors, pourquoi un tel désastre après tous les progrès que l’humanité a pu connaître ? Pourquoi tant de misère alors qu’il semble y avoir tant de richesses à exploiter ? En fait, ces explications passent à côté, évidemment volontairement, de la seule réalité à même de nous permettre de le comprendre. Cette réalité, c’est celle de la crise économique mondiale. Et quand nous, révolutionnaires marxistes, nous parlons de crise aujourd’hui, ce n’est pas sur les mêmes bases que la bourgeoisie. Nous parlons d’une crise insurmontable, qui signe la faillite du système capitaliste.
Pour dire cela, nous ne nous appuyons pas sur la simple observation “photographique” mais sur toute l’analyse marxiste du développement du capitalisme. Nous affirmons sur cette base que le capitalisme est entré depuis près d’un siècle dans sa phase de décadence, et que dans cette phase, contrairement à la phase d’ascendance, la crise capitaliste devient un élément insurmontable dont l’issue ne peut être que : soit la destruction de l’humanité et de toutes les réalisations de son développement à travers l’histoire, soit le dépassement des contradictions mortelles du capitalisme par la classe ouvrière dans son combat pour la construction d’une nouvelle société.
C’est en ce sens que la décadence est pour nous, marxistes, le cadre d’analyse fondamental de la situation et que, sans ce cadre, il est non seulement impossible de comprendre la réalité du monde actuel, mais il est aussi impossible de dégager une perspective réaliste. Car bien loin de nous amener à la démoralisation, au “no future”, la théorie marxiste de la décadence fonde la perspective communiste, qui n’est pas issue de la volonté des hommes, mais qui repose sur tout une analyse du développement des sociétés humaines : le matérialisme historique.
La décadence n’est pas une invention du CCI. C’est un concept, au contraire, qui est au centre de l’analyse marxiste du développement des sociétés humaines, au centre du matérialisme historique. Dès le début, Marx et Engels ont établi comme méthode de travail le fait d’analyser d’abord le développement social de l’humanité comme clé de compréhension du développement de la société contemporaine. Dans ces recherches, les deux fondateurs du marxisme ont découvert que la société humaine s’organisait autour de la production, activité première et centrale de l’homme. C’était donc dans l’organisation des moyens de production que se dessinaient les rapports sociaux.
En abordant immédiatement la question sur le plan historique, ils sont arrivés à analyser comment l’évolution des moyens de production et de leur organisation influait sur l’organisation sociale. Et, pour résumer au maximum, il est apparu que le développement des moyens de production, nécessaire face à la quantité de besoins à satisfaire, atteignait un tel niveau que l’organisation de ces moyens dans un but de production devenait inadapté, et finalement une entrave. Il fallait modifier en profondeur l’organisation de la production pour que les moyens actuels de production puissent être utilisés au maximum et continuer leur développement. 1
Cette modification ne s’est donc pas faite en douceur : autour de la production se dessine l’organisation sociale, nous l’avons dit, et jusqu’à aujourd’hui, l’humanité a eu à gérer la pénurie. De là est née nécessairement la possession, la propriété, l’exploitation... Autour de la production se sont donc cristallisés des intérêts et des pouvoirs. La remise en cause de l’organisation de la production revenait à remettre en cause des positions économiques, politiques et sociales des classes dominantes. Ce n’est que par une rupture plus ou moins violente que ce changement pouvait avoir lieu.
Voilà pourquoi l’évolution des moyens de production ne s’est pas faite de manière linéaire et sans rupture, dans une ascendance continuelle. Voilà pourquoi chaque système de production est passé par une phase de décadence, pendant laquelle l’évolution des moyens de production butte sans solution contre leur propre organisation, pendant que se dégagent dans la société des forces révolutionnaires face aux forces réactionnaires attachées à leurs privilèges.
Dans la société romaine, la production est organisée entre esclaves, qui travaillent, et maîtres, qui les font travailler. Ce mode de production a permis le développement de la production jusqu’à ce qu’elle atteigne un niveau qui a posé problème : pour continuer à produire, il fallait plus d’esclaves, qui étaient en fait les prisonniers faits pendant les guerres, et les limites géographiques de la guerre, avec les moyens de l’époque, commençaient à être atteintes. De plus, le développement des techniques de production demandait une main d’oeuvre plus perfectionnée, que l’esclavage ne pouvait fournir... On voit dans cet exemple que la façon dont la production était organisée devenait de moins en moins adaptée à la production, et que pour continuer à développer la production, cette organisation qui jusqu’alors avait permis ce développement, allait désormais l’empêcher : elle devenait une entrave.
C’est pour cela que les esclaves ont été émancipés et sont devenus des serfs. A son tour le système féodal a permis le développement de la production jusqu’à ce qu’elle atteigne un tel niveau qu’à nouveau on se trouvait face à un obstacle. Ce sont les rapports capitalistes, qui transforment le producteur du Moyen-Âge en homme libre vendant sa force de travail au capitaliste. A nouveau, la production trouvait une organisation capable de permettre son développement. Un développement très rapide, jamais vu auparavant, et qui a permis à l’humanité de sortir de la pénurie pour la première fois.
Si le passage d’un mode de production à l’autre ne s’est pas fait de façon linéaire et sans heurts, d’une ascendance à l’autre en quelque sorte, c’est parce que ce mode de production se traduit par des rapports sociaux et une organisation sociale particulière au sein de laquelle la classe dominante défend bec et ongles ses intérêts contre la perspective d’un renversement de l’ordre établi. Pendant ce temps, l’incompatibilité croissante entre le niveau atteint par la production et la façon dont elle est organisée se traduit par des convulsions toujours plus fortes. La décadence commence donc quand les rapports de production deviennent une entrave pour le développement de la production. Elle continue tant que de nouveaux rapports de production n’ont pas pu être établis. La décadence, c’est la période de faillite de la vieille société tant que la nouvelle n’a pu être fondée.
Le capitalisme, on l’a vu, ne faillit pas bien sûr à la règle. Mais la décadence du capitalisme se différencie des décadences du passé par le fait que dans les sociétés du passé, les germes de la nouvelle société existaient déjà et se développaient au sein même de l’ancienne société. Au sein de la société féodale, la bourgeoisie a conquis le pouvoir économique petit à petit et a transformé dans le même temps une bonne partie de la production avant même de parvenir au pouvoir politique. Dans le capitalisme, il n’y a rien de tout cela. La classe révolutionnaire, le prolétariat, ne peut instaurer de nouveaux rapports de production sans détruire ceux qui existent actuellement. C’est là toute la gravité de la décadence capitaliste.
Nous voyons donc bien que pour les marxistes, la décadence n’est pas un concept moral. Les marxistes développent le concept de décadence comme un concept scientifique, matérialiste, c’est-à-dire fondé sur le développement matériel des sociétés humaines. Que ces périodes se soient manifestées par la cupidité et par les moeurs dissolues des classes dominantes, nous ne le nions pas : nous savons pertinemment que le blocage historique du développement des forces productives trouve son reflet dans la société humaine à tous les niveaux. La décadence n’est pas une théorie économique, Marx n’a d’ailleurs jamais fait que la critique de l’économie. Mais il n’en reste pas moins que l’explication est clairement placée sur le terrain matérialiste.
Quand l’Internationale communiste (IC) parlait de “l’ère des guerres et de révolutions”, elle ne pouvait mieux résumer ce que le capitalisme décadent allait offrir à l’humanité. En effet, le capitalisme a créé au cours de son ascendance le cadre idéal de son développement, celui de la nation. C’est autour de ces nations que le capitalisme a assuré son développement, c’est à partir de ce cadre qu’il est parti à l’assaut des colonies, et c’est à partir de là, qu’aujourd’hui, il établit ses rapports de concurrence exacerbés par la crise. La seule solution pour la bourgeoisie à sa crise de surproduction devient la guerre. Laquelle débouche sur une période de reconstruction qui s’essouffle dans une nouvelle crise de surproduction.
Nous pouvons aisément situer l’entrée du capitalisme dans sa période de décadence au début du 20e siècle : la Première Guerre mondiale, première de toute l’histoire de l’humanité, manifeste clairement la nouvelle donne. La reconstruction qui l’a suivie déboucha rapidement sur une crise sans précédent, dans les années 1930, puis sur une deuxième guerre mondiale. Nous voyons se dessiner le cycle “crise-guerre-reconstruction-nouvelle crise”, mais ce n’est pas un cycle qui pourrait se répéter indéfiniment. Au contraire, c’est une spirale infernale qui entraîne tout sur son passage. Car si le capitalisme pouvait dépasser les crises de surproduction dans sa phase d’ascendance, à travers son expansion et la prolétarisation croissante des population, aujourd’hui, les limites sont atteintes et la crise est permanente. La seule “issue” est la guerre.
Il s’agit donc d’une ère de guerres. Mais comme l’a annoncé l’IC à sa fondation en 1919, il s’agit aussi d’une ère de révolution. En effet, le capitalisme en se développant a fait naître son fossoyeur : le prolétariat, seule force sociale capable de renverser le capitalisme et de construire une société future. En atteignant ses limites, le capitalisme ouvre la porte à son dépassement. L’ordre du jour pour la prolétariat est désormais cette tâche immense de fonder sur les ruines du capitalisme détruit par son combat, une nouvelle société capable de gérer l’abondance et d’offrir aux forces productives un cadre adapté à leur développement.
La perspective communiste n’est pas nouvelle. L’idée de constuire une société débarrassée de l’oppression et de l’injustice se retrouve dans l’Antiquité et au Moyen-Âge. Mais il ne suffit pas de vouloir une société meilleure pour pouvoir l’instaurer. Il faut que les conditions matérielles le permettent. De même, la révolte des opprimés n’est pas nouvelle : les esclaves ont écrit de grandes pages de l'histoire humaine par leur rejet de leur condition. Mais pour autant, ces révoltes étaient vouées à l’échec car la situation matérielle, le niveau de production, ne permettait pas à l’humanité de se sortir d’un schéma de société de classes et d’exploitation : tant que l’humanité aurait à gérer la pénurie, elle ne pourrait construire une société juste. C’est le capitalisme qui permet à l’humanité d’entrevoir cette perspective. Désormais, la production a atteint un niveau qui permet de dépasser la pénurie : la préhistoire peut se terminer. La perspective communiste n’est plus un idéal ou une utopie, elle est une possibilité matérielle et même plus : elle est une nécessité pour la survie de l’espèce humaine. Elle est une nécessité pour stopper le capitalisme dans sa spirale destructrice qui menace de ramener l’humanité à l’âge de pierre.
Voila ce qui fait de la décadence capitaliste une décadence particulière : elle signe la fin de la préhistoire, la fin de la longue marche de l’humanité de la pénurie vers l’abondance. Mais cette fin n’est pas écrite dans le marbre : la fin de la préhistoire pourrait bien être la fin de l’histoire tout court si rien ne vient arrêter la barbarie qui embrase la planète. Le communisme n’est pas une certitude : c’est par un dur combat que la classe ouvrière pourra l’instaurer, et l’issue de ce combat n’est pas connue. C’est pourquoi les révolutionnaires doivent être les plus armés possible pour pouvoir armer la classe ouvrière dans sa lutte contre la bourgeoisie et pour la constuction d’une nouvelle société.
La compréhension de l’analyse de la décadence fait partie de cet armement politique. Elle est un cadre fondamental développé par le marxisme dès son origine. On parle en effet de décadence dans L’Idéologie allemande de Marx et Engels, écrit avant même le Manifeste. La décadence imprègne toute l’analyse marxiste de l’évolution des sociétés humaines. En mettant en lumière la succession de périodes d’ascendance et de décadence dans l’histoire, le marxisme permet de comprendre comment l’humanité a pu s’organiser et progresser. Le marxisme permet de comprendre comment et pourquoi le monde est tel qu’il est aujourd’hui, et enfin, le marxisme permet de comprendre qu’il est possible de dépasser cette situation et de constuire un autre monde.
G. (17 décembre)
(1) C’est ce que Marx et Engels en parlant du capitalisme, résument dans les Principes d’une critique de l’économie politique par cette phrase : “Au delà d’un certain point, le développement des forces productives devient une barrière pour le capital ; en d’autres termes, le système capitaliste devient un obstacle pour l’expansion des forces productives du travail. Arrivé à ce point, le capital, ou plus exactement le travail salarié, entre dans le même rapport avec le développement de la richesse sociale et des forces productives que le système des corporations, le servage, l’esclavage, et il est nécessairement rejeté comme une entrave. La dernière forme de la servitude que prend l’activité humaine - travail salarié d’un côté et capital de l’autre - est alors dépouillée, et ce dépouillement lui-même est le résultat du mode de production qui correspond au capital. Eux-mêmes négation des formes antérieures de la production sociale asservie, le travail salarié et le capital sont à leur tour niés par les conditions matérielles et spirituelles issues de leur propre processus de production. C’est par des conflits aigus, des crises, des convulsions que se traduit l’incompatibilité croissante entre le développement créateur de la société et les rapports de production établis”
Le samedi 13 novembre s'est tenue à Paris une réunion publique du CCI sur le thème de la décadence du capitalisme à laquelle de nombreux sympathisants ont assisté.
Avant la présentation de l'exposé, le présidium a fait un point d'information sur les campagnes de calomnies dont le CCI a été l'objet, notamment depuis le début du mois d'octobre de la part de la prétendue "Fraction interne du CCI" et du "Circulo de Comunistas Internacionalistas" (voir nos articles sur Internet). A la demande de plusieurs de nos sympathisants, nous avons fait un point d'information afin de donner des nouvelles du NCI d'Argentine (voir notre article dans RI n°352). Lors du rapide tour de parole qui a suivi, un participant a salué la politique menée par le CCI qui a permis "d'éclaircir cette affaire". Plusieurs autres camarades sont intervenus pour apporter leur soutien au CCI et ont exprimé leur indignation face aux attaques portées aujourd'hui par la "FICCI" contre nos sympathisants qualifiés de "claque du CCI" (voir notre article sur Internet "Réponse aux calomnies honteuses d'une petite association de malfaiteurs").
L'exposé sur le thème de cette réunion publique a développé dans les grandes lignes notre analyse de la décadence du capitalisme, en rappelant que ce mode de production tout comme ceux qui l'ont précédé (l'esclavagisme et le féodalisme) a connu une période d'ascendance, de plein épanouissement des forces productives qui s'est achevée au début du 20e siècle lorsque le capitalisme, après avoir étendu son mode de production à toute la planète, s'est heurté à ses limites historiques. L'entrée dans sa période de décadence, de déclin historique a été marquée par l'éclatement de la Première Guerre mondiale (voir article page 4).
Au cours de la discussion, très vivante et animée, aucun des participants n'a émis de désaccord avec cette analyse élaborée par l'Internationale communiste. Le débat a porté surtout autour des questions suivantes :
- Comment explique-t-on que l'empire romain, qui était basé sur l'esclavagisme et qui a connu une période de décadence, n'ait pas été renversé par une classe sociale ?
- Pourquoi le capitalisme ne s'effondrera-t-il pas comme les autres modes de production antérieurs ?
- Quelle différence existe-t-il entre la révolution bourgeoise et la révolution prolétarienne ?
- Quelles seront les caractéristiques du nouveau mode de production qui surgira après la révolution prolétarienne ?
- Quelles sont les conditions historiques qui font que le capitalisme ne peut plus entrer dans le cycle "crise-guerre-reconstruction-nouvelle crise" ?
Les questions posées dans cette réunion ont révélé une volonté des participants d'approfondir et de comprendre les fondements du matérialisme historique permettant d'appréhender le concept de décadence d'un mode de production.
Face à plusieurs questions concernant la décadence de l'empire romain, les militants du CCI sont intervenus et ont mis en avant les arguments suivants :
- l'empire romain n'a pas été renversé par une nouvelle classe révolutionnaire. Il s'est effondré comme un château de cartes. Son mode de production est entré en décadence parce que l'esclavagisme n'était plus en mesure de développer les forces productives. Les conquêtes de l'empire romain avaient pour but de trouver des esclaves pour cultiver la terre ;
- plusieurs causes expliquent l'effondrement de ce vaste empire. Les distances très grandes avaient nécessité la construction de routes pour acheminer les armées contre les révoltes. A ces causes géographiques se sont encore ajoutées des causes techniques : pour augmenter la productivité de la culture de la terre, il fallait un soin plus grand dans les techniques agricoles. Il fallait libérer les esclaves qui travaillaient au fouet. Le coût d'entretien des esclaves étaient devenu un facteur d'affaiblissement de l'empire romain. C'est aussi pour cela qu'ils ont été remplacés par les serfs, des "hommes libres" qui pouvaient vivre de leur production en donnant une partie de leurs récoltes aux propriétaires des terres, les seigneurs féodaux ;
- l'empire romain s'est effondré car il était miné de l'intérieur. La décadence romaine a été un processus qui s'est développé sur plusieurs siècles. Ce sont les "barbares" qui ont introduit le mode de production féodal, et non pas une nouvelle classe révolutionnaire issu de l'empire romain. Ainsi, la nouvelle classe dominante venait de l'extérieur. Le mode de production féodal s'est imposé progressivement sans révolution sociale.
La discussion a également mis en évidence les différences entre la décadence capitaliste et celle des autres mode de production antérieurs :
- dans le système esclavagiste ou féodal, l'ancienne société avait disparu sans mettre en cause la survie de l'humanité (cela avait été aussi le cas par exemple de l'empire maya) ; par contre, la décadence du capitalisme porte en elle la menace de destruction de toute la planète si une révolution sociale n'intervient pas ;
- dans les modes de production antérieurs au capitalisme, la nouvelle classe dominante ne faisait pas partie intégrante de l'ancienne société. Ainsi, la bourgeoisie s'est développée et a coexisté aux côtés de la classe féodale. Dans le capitalisme, la classe révolutionnaire, le prolétariat, fait partie intégrante de ce mode de production. Le capitalisme ne peut pas vivre et ne pouvait pas se développer sans le prolétariat. C'est pour cela que Marx disait que le capitalisme, en se développant à l'échelle mondiale, a créé son propre fossoyeur car c'est du sein même de cette société bourgeoise que surgit la nouvelle classe révolutionnaire dont la mission sera de détruire ce système de fond en comble pour pouvoir édifier la société communiste ;
- la perspective du communisme signifie que l'humanité mettra fin à toute forme d'exploitation. Le prolétariat ne fera pas surgir une nouvelle classe exploiteuse. Comme le disait Marx, ce sera la fin de la préhistoire et le début de l'histoire de l'humanité.
Les interventions du CCI ont également rappelé la différence entre les révolutions du passé et la révolution prolétarienne avec les arguments suivants :
- la révolution bourgeoise n'était pas le point de départ de la nouvelle société qui a succédé au féodalisme. La bourgeoisie se développe en marge de la société féodale, d'abord sous sa forme commerciale. Elle devient la classe qui détient la richesse. Avec le développement des villes et du commerce, la noblesse est devenue une classe parasitaire qui, avec ses droits et ses privilèges, constituait une entrave à la liberté du commerce et au développement des nouvelles forces productives ;
- c'est parce que la bourgeoisie a d'abord étendu sa domination économique pour développer les forces productives avec la grande industrie, qu'elle a pu ensuite s'imposer comme classe dominante sur le plan politique ;
- la révolution française n'est pas le modèle sur lequel s'est calqué la prise du pouvoir de la bourgeoisie dans d'autres pays d'Europe. Par exemple en Angleterre, on a vu un retour de la monarchie après que la bourgeoisie ait pris le pouvoir politique. De nombreux aristocrates anglais faisaient du commerce et étaient intégrés à la bourgeoisie. De même en Allemagne, l'aristocratie détient le pouvoir pendant très longtemps. Face à la nouvelle expansion capitaliste en Allemagne en 1870, Bismarck représentait les propriétaires terriens. Ainsi, l'ancienne société décadente contenait les germes de la nouvelle société. Il y avait une possibilité de régénération à partir de l'ancienne société ;
- dans le capitalisme, le mécanisme est totalement différent. D'une certaine façon, la décadence du capitalisme est la forme la plus achevée et la plus complète de la décadence. La nouvelle société ne peut surgir que sur les décombres du capitalisme.
Nos interventions ont mis en évidence que la compréhension des lois qui conduisent le capitalisme à sa perte est très importante pour élaborer les règles de la future société communiste. En ce sens, le point de vue de Rosa Luxemburg aide à comprendre ces lois et cette perspective. Dans la vision de Rosa, c'est la saturation du marché mondial qui est à la base de la compréhension du phénomène de la décadence du capitalisme. Le capitalisme fonctionne un peu comme le poussin dans l'oeuf : pour se développer il mange d'abord le blanc, puis il est obligé de casser la coquille pour pouvoir survivre. C'est le même mécanisme pour le capitalisme : il s'est développé en conquérant les marchés extra-capitalistes et lorsqu'il a étendu son mode de production à toute la planète, quand il a atteint ses limites historiques, les principales puissances capitalistes ont été obligées de se repartager le monde à travers les guerres mondiales. Le capitalisme se heurte donc à ses propres contradictions : il ne peut plus trouver à l'intérieur même de son système des marchés suffisants pour écouler sa production. L'entrée dans sa période de décadence signifie l'entrée dans sa crise permanente de surproduction. Pour abolir cette contradiction, il faut abolir le salariat. C'est une nécessité pour la survie même de l'humanité. C'est pour cela que la Révolution prolétarienne apparaît comme une nécessité historique.
Au cours de cette discussion, une sympathisante a regretté que le BIPR ne soit pas venu à cette réunion publique du CCI pour défendre sa position suivant laquelle le cycle "crise-guerre-reconstruction" existe toujours. Elle a mis en avant que, pour le BIPR, il semble que ce soit le facteur subjectif (la classe ouvrière) qui doit casser ce cycle. Elle a affirmé que cette analyse du BIPR ne tient pas compte de la réalité : les bases mêmes de la reconstruction sont affaiblies par l'ampleur des destructions de la guerre.
Le CCI est intervenu en rappelant les positions du mouvement ouvrier au début du 20e siècle :
- lorsque Rosa Luxemburg a écrit son livre L'Accumulation du capital, cela avait soulevé un tollé chez les opportunistes de l'époque. Elle affirmait que le système capitaliste va à la catastrophe; il est condamné par des contradictions de plus en plus violentes ;
- nous avons rappelé que Rosa n'a fait que poursuivre le travail inachevé de Marx qui a passé sa vie à étudier l'économie mais avec comme objectif d'en faire la critique et de mettre en évidence les mécanismes conduisant le capitalisme à sa perte. Bien que la thèse de Rosa était déjà contenue dans le travail de Marx, elle est allée plus loin en répondant à la question : pourquoi le capitalisme est-il condamné historiquement ?
Nous avons également répondu à la question posée dans le débat : pourquoi aujourd'hui les bordiguistes et le BIPR ne reprennent-ils pas l'analyse de Rosa Luxemburg ? En fait, s'ils rejettent l'analyse de Rosa, c'est au nom de "l'orthodoxie" envers la vision de Lénine dont l'analyse de la décadence est basée essentiellement sur la "baisse tendancielle du taux de profit" (idée reprise par les conseillistes et par Paul Mattick).
Dans les années 1930, Mitchell a fait connaître les travaux de Rosa Luxemburg et la Gauche italienne, à la fin des années 1930, avait adopté cette analyse. Nous avons mis en évidence que l'un des grands mérites de la Gauche italienne avait été justement de prendre en compte les réflexions qui existaient dans le mouvement ouvrier.
Concernant la question posée sur le cycle "crise-guerre-reconstruction", nous sommes intervenus pour mettre en avant que cette spirale n'est pas un cycle éternel. La vision du BIPR laisse entendre que le capitalisme pourrait se survivre éternellement. Selon sa vision, qui ne prend en compte que la baisse tendancielle du taux de profit, il suffit de détruire le capital constant et le capital variable dans la guerre pour relancer les profits. La question de la saturation des marchés est ignorée. Avec une telle vision, on ne voit pas pourquoi la classe ouvrière devrait faire la révolution. En réalité, l'analyse du BIPR participe à sous-estimer la gravité des enjeux de la période historique actuelle et le fait que le capitalisme est devenu une menace pour la survie même de l'humanité.
L'analyse de Rosa Luxemburg met très clairement en évidence la gravité des enjeux et l'alternative historique : révolution prolétarienne ou destruction de l'humanité. Elle montre de façon très claire que l'histoire de l'humanité c'est l'histoire de la lutte de classe.
Nous avons également tenté de répondre, brièvement, faute de temps, à la question : quelles seront les caractéristiques du mode de production qui va succéder au capitalisme ? Nos interventions ont notamment mis en avant que le communisme apportera les réponses aux contradictions actuelles du capitalisme. Dans le communisme primitif, il y avait une égalisation par le bas du fait du faible développement des forces productives et de la pénurie. Le capitalisme a créé les conditions d'une égalisation par le haut. Nous avons rappelé que la base du communisme sera l'abondance. Le capitalisme a créé les conditions de cette abondance et de la satisfaction des besoins humains. Les règles de fonctionnement de la future société seront fondées sur l'idée "à chacun selon ses besoins" et "de chacun selon ses moyens". La discussion a aussi souligné la nécessité de ne pas tomber dans la spéculation, de ne pas faire des "recettes pour les marmites de l'avenir" (comme le disait Marx).
A la fin de cette réunion, l'une de nos sympathisantes, qui découvre depuis peu les positions de la Gauche communiste, nous a dit avoir été convaincue par nos arguments en affirmant : "J'ai beaucoup mieux compris pourquoi l'analyse de la décadence n'est pas une 'broutille'. Elle est au coeur du marxisme." Cette camarade a également affirmé avoir lu avec beaucoup d'intérêt notre brochure sur La Décadence du capitalisme qu'elle a qualifiée de "merveilleuse".
La discussion fut très riche et très animée. En particulier, les nouveaux éléments à la recherche d'une perpective de classe n'ont pas hésité à poser des questions, et à intervenir plusieurs fois pour demander davantage d'explications ou pour exprimer leurs incompréhensions. C'est avec beaucoup de sérieux et d'intérêt que tous les participants ont suivi la discussion et ont regretté le manque de temps pour poursuivre le débat.
Ainsi, la très grande richesse de la discussion, son caractère très vivant, de même que le nombre des participants, a apporté un démenti cinglant à nos calomniateurs de la "FICCI" qui colportent le mensonge suivant lequel les réunions publiques du CCI à Paris sont "désertées" et ne sont plus des "lieux de débat".
GL
Le vendredi 5 novembre 2004, grâce au soutien des militants du NCI d'Argentine, le CCI a tenu une réunion publique à Florencio Varela, banlieue de Buenos Aires. Le thème portait sur l’évolution de la lutte de classe au niveau mondial. Comme lors de la réunion publique précédente du mois d'août, l’introduction a voulu être limitée dans le temps afin de permettre au débat de se développer le plus possible.
L’introduction a d’abord mis en évidence non seulement les attaques féroces que subit la classe ouvrière contre ses conditions de vie partout dans le monde, y compris dans les pays les plus développés, mais également le développement de la barbarie guerrière. Elle a défendu que ces différents aspects de la situation internationale sont directement le produit du capitalisme dans sa phase de décadence et aujourd’hui de décomposition. Face à cette situation, la classe ouvrière reprend aujourd’hui le chemin de la lutte, même si c’est avec beaucoup de difficultés. Elle repart au combat après une longue période de recul ouverte avec l’effondrement du bloc de l’Est, recul dû à l’utilisation par la bourgeoisie de la faillite du stalinisme assimilée de façon mensongère au marxisme et au communisme. Ce redéploiement de la combativité ouvrière est une illustration du fait que les effets de ces campagnes s’estompent. Cette reprise des combats ouvriers se voit concrètement à travers les luttes du printemps 2003 en France et en Autriche contre la "réforme" des retraites, la mobilisation des conducteurs de tramways italiens, des postiers et des pompiers anglais durant l’hiver 2003, puis des ouvriers des usines Fiat à Melfi dans le sud de l’Italie, les luttes en Allemagne des ouvriers de Siemens, Porsche, Bosch, Alcatel mais aussi de Mercedes-Daimler-Chrysler ; les luttes des ouvriers des chantiers navals en Espagne (Ferrol en Galice, Puerto Real et San Fernando près de Cadix, Sestao près de Bilbao). Cette reprise internationale de la combativité ouvrière s'est encore illustrée à travers les manifestations massives comme celle de 45 000 personnes à Berlin le 2 octobre et, le même jour à Amsterdam, ou celle de 200 000 participants contre les projets du gouvernement. Par la suite, le 14 octobre dernier, 9 400 ouvriers de l’usine Opel à Bochum en Allemagne, se sont mis en grève contre l’annonce d’un plan de licenciements. La présentation a souligné que le besoin de solidarité a constitué une caractéristique très importante de ces mouvements : on a vu se développer, notamment dans la lutte de Daimler Benz, le début d’une solidarité ouvrière entre les travailleurs de deux usines alors que la bourgeoisie avait essayé de monter les ouvriers les uns contre les autres. Au sein de cet effort de la classe ouvrière pour développer ses luttes, il faut encore signaler le surgissement d’une réflexion politique en profondeur sur la base d’une perte d’illusion croissante sur l'avenir que nous réserve le capitalisme. Ces mouvements ont révélé que se développe, peu à peu, la conscience que ce sont tous les secteurs de la classe ouvrière qui sont attaqués, dans tous les pays, ainsi que la recherche, même si elle est encore confuse, de la perspective d’une autre société. Il se développe donc de nouveau au sein de la classe ouvrière, la conscience d’appartenir à une classe attaquée, et cette prise de conscience est la base de la recherche de la solidarité indispensable à la lutte de classe.
Les participants à cette réunion publique, les membres du NCI ainsi que d’autres éléments, ont salué les informations que la présentation du CCI a données sur les luttes en Europe. Cette dernière leur a permis de mieux comprendre que les luttes qui se développent aussi en Argentine (l’exemple a été donné d’une lutte dans une coopérative de viande, mais il y en a d’autres) prennent tout leur sens dans cette dynamique internationale. Ils ont souligné qu’il y a beaucoup de luttes dans le monde mais que les médias n’en donnent aucune information. Un des participants a souligné que depuis le milieu des années 1990, on voit se développer en Argentine, des luttes "populaires" contre des attaques très dures. Il a mis en évidence que les luttes récentes en Argentine étaient allées jusqu’à remettre l’Etat en question. Les camarades du NCI ont affirmé qu'ils ne partageaient pas cette vision. Le CCI est également intervenu pour souligner que seule la classe ouvrière peut remettre l’Etat en question par une lutte massive, unie et consciente des enjeux historiques de la situation. Il a souligné le danger des luttes inter-classistes dans lesquelles la classe ouvrière se trouve diluée dans les autres couches de la population et donc dans lesquelles elle perd sa force de classe. La seule perspective, pour développer un rapport de force contre la bourgeoisie et son Etat, c’est de développer sa lutte sur son propre terrain, une lutte autonome et unie de la classe ouvrière. En 2001, nous avons vu des révoltes inter-classistes dans lesquelles le prolétariat était noyé dans d’autres couches sociales. Ces révoltes n’ont nullement ébranlé l’Etat.
Le participant qui avait émis cette analyse a été très attentif à cette argumentation. C'est avec beaucoup de sincérité qu'il a manifesté sa volonté de comprendre comment la classe ouvrière peut développer un rapport de force en sa faveur face à l'Etat.
Un autre aspect important de la discussion a porté sur la question : comment lutter contre la dispersion des luttes, comment développer l’unité dans la classe ouvrière ? Sur cette question, tous les participants ont exprimé leur accord sur le fait que les ennemis de cette unité, ce sont les syndicats. Le CCI a ainsi pu donner l’exemple des luttes en Pologne de 1980 pour montrer que si cette lutte avait pu se développer à l’échelle de l’ensemble du pays, c’est parce que les syndicats officiels étaient clairement vus, par les ouvriers, comme les représentants de l’Etat. Il a fallu que les syndicats des pays d’Europe de l’Ouest, qui parviennent plus habilement à masquer leur nature anti-ouvrière, volent au secours de l’Etat polonais pour casser la dynamique du mouvement, en lui donnant comme perspective la construction de nouveaux syndicats, "démocratiques". Walesa aura été le champion de ce sabotage et la bourgeoisie lui en est très reconnaissante.
La discussion a souligné aussi que la perspective est de développer la solidarité de classe jusqu’au niveau international puisque c’est à l'échelle internationale qu’il faut détruire le capitalisme et que la base même de la lutte de classe, c’est l’internationalisme.
Un participant a demandé au CCI d’exposer comment, selon lui, les ouvriers doivent s’organiser dans les luttes. Le CCI a rappelé le débat sur la grève de masse du début du 20e siècle, suite au mouvement de 1905 en Russie, ainsi que les enseignements qui en ont été tirés. Il a rappelé que les syndicats de l’époque s’étaient opposés à ce débat. Une leçon centrale que les luttes de cette période (marquant l'entrée du capitalisme dans sa période de décadence) avaient mise en évidence était que désormais, les luttes ne pouvaient plus rester enfermées dans la corporation mais devaient s’étendre et que c’est dans et par la lutte que la classe ouvrière fait surgir ses organes de lutte : assemblées générales élisant des comités élus et révocables. C’est cette organisation-là qui permet à la classe de garder la maîtrise de sa lutte. C’est aussi cette organisation-là qui permet son extension véritable.
C'est parce que la classe ouvrière ne peut plus se doter d'organisations unitaires permanentes que les syndicats ont trahi et ont été absorbés par l'Etat. Depuis lors, ce sont ces syndicats qui ont lutté contre cette organisation autonome de la classe, laquelle cesse avec la lutte quand celle-ci s’arrête.
En fin de débat, la question de la nature de classe du mouvement des "piqueteros" a été posée par ce même participant. Pour lui, il s’agit d’une lutte authentique de chômeurs, donc d’une lutte ouvrière puisque les chômeurs font partie de la classe ouvrière. Le CCI ainsi que les camarades du NCI, ont répondu que s’il est vrai que les chômeurs font bien partie de la classe ouvrière, et s’il y a bien des ouvriers au chômage dans le mouvement des "piqueteros", cela ne suffit pas à lui donner une nature prolétarienne. Dans les syndicats aussi il y a des ouvriers, ces derniers ne sont pas pour autant une organisation de la classe. Le mouvement des "piqueteros" divise la classe entre chômeurs et actifs, entre chômeurs entre eux puisqu’il y a plusieurs organisations de "piqueteros". De plus, les ouvriers pris dans ces mouvements n’ont aucune autonomie et ne décident de rien. Ils sont une simple masse de manœuvre totalement manipulée. Dans ces conditions, les 150 pesos qu’ils reçoivent, chaque mois, de l’Etat ne représentent en réalité pas le fruit d’un rapport de force qu’ils imposeraient, comme le pense le camarade, mais le prix pour service rendu, même s’ils en sont inconscients.
Le camarade s’est dit en désaccord tout en affirmant qu’il réfléchirait et qu’il est prêt à poursuivre le débat sur cette question, attitude que le CCI a saluée.
La conclusion du CCI a ainsi pu souligner des points d’accord sur l’aspect international de la lutte de classe, la nécessité de développer les luttes, le rejet des syndicats, la nécessité de lutter pour le développement de l’unité de la classe et le développement de la conscience des enjeux historiques. Elle a aussi mentionné le désaccord d’un participant sur le mouvement des "piqueteros" ainsi que sa volonté de poursuivre le débat sur cette question. Ce camarade a d’ailleurs apprécié que la conclusion mentionne les points d’accord et de désaccord. Il a également demandé si le CCI pouvait lui procurer les livres de Rosa Luxembourg Introduction à l’économie politique ainsi que L’Accumulation du capital. Le CCI va faire de son mieux pour répondre à cette demande.
Au cours du débat, les camarades du NCI sont intervenus à plusieurs reprises, notamment sur le mouvement des "piqueteros" ; leurs interventions se situaient dans la continuité de leurs prises de position précédentes (que nous avons publiées dans notre Revue Internationale). Ils ont dit aussi qu’ils appréciaient beaucoup l’éclairage historique que donne le CCI.
Il faut encore noter que les participants ont contribué à la location de la salle.
Cette réunion a été un vrai débat au sein de la classe ; un débat utile puisqu’il confronte les positions en vue de la nécessaire clarification politique pour la lutte.
CCI (11 novembre 2004)
Sur les marchés de Noël qui prolifèrent en ce moment, les contrefaçons occupent une place de plus en plus importante. Grâce aux vendeurs à la sauvette, c'est l'heure de gloire du sac Vuitton à l'espérance de vie inférieure à celle d'un sac poubelle et de la chemise Lacoste dont le crocodile proclame son indépendance au bout de deux lavages. Il faut dire que c'est bien pratique quand les convenances commandent de faire un cadeau à une belle-mère particulièrement envahissante et à un cousin détesté depuis l'enfance : ni l'un ni l'autre n'osera protester quand il découvrira la triste réalité de son prestigieux présent.
La prétendue "Fraction interne du CCI" (FICCI) a décidé de prendre sa place sur le marché de la contrefaçon en espérant elle aussi écouler en douce sa camelote frelatée. Depuis quelque temps, elle a mis en vente une brochure intitulée "La Ligue Communiste et la Fraction de Gauche (Treint-Marc) (1930-1932)" avec comme sous-titre "Tâches et fonctions d'une fraction communiste". Que la FICCI ait envie de se donner des airs "sérieux" en publiant des documents à vocation historique, on le comprend aisément : cela lui permet d'essayer de faire oublier ses exploits dans le domaine du vol et du mouchardage (1). Mais pour ce faire, une nouvelle fois, elle ne peut s'empêcher d'étaler sa malhonnêteté : la brochure en question se présente comme une contrefaçon de la brochure du CCI La Gauche communiste de France. Tout y est : les couleurs et le style de la couverture, le surtitre "Contribution à une histoire du mouvement révolutionnaire", la présence des positions de base du CCI au verso. D'ailleurs, la préface de cet ouvrage mémorable n'hésite pas à le présenter comme un complément à notre brochure. Ce n'est pas la première fois que la FICCI nous gratifie de ce genre d'exploit : n'avait-elle pas déjà publié une autre brochure intitulée "La dégénérescence de l'IC : le cas du Parti communiste français (1924-1927)" qui essayait de démontrer que le CCI avait repris à l'égard de la FICCI les mêmes méthodes que les staliniens contre les courants de gauche ? Cette brochure déjà avait les couleurs et les apparences de celle du CCI, mais sa couverture disait clairement qu'elle était publiée par la FICCI. Rien de tout cela dans la dernière brochure ,à tel point que le lecteur peu avisé pourrait croire que c'est effectivement un complément à la nôtre (2).
C'est pour cela que nous mettons en garde nos lecteurs contre cette brochure : ils risquent de se faire arnaquer de 6 euros (ce qui est un prix ahurissant au vu de son épaisseur et de la qualité minable de sa présentation). Même si c'est pour l'offrir au cousin détesté, ce n'est pas la peine de faire une telle dépense (3).
Carmen (18 décembre)
1 Voir notamment nos articles dans RI 323, 330 et 338.
2 La seule indication d'auteur est le nom bien célèbre de "Michel Olivier" qui vient signer un petit texte au verso, juste au dessus de nos positions de base. Il y avait à la télévision, dans le passé, le chef cuisinier Michel Oliver. Faut-il croire que pour sa sale petite cuisine la FICCI a aussi besoin des recettes d'un maître -queux ? En tout cas, même si Michel Olivier se prend pour un historien, ses recettes sont loin d'avoir leur place dans les marmites de l'avenir (suivant l'expression de Marx).
3 Cela dit, si le prix de 6 euros (plus 1,5 euro de frais de port) est exorbitant pour une brochure de ce type, il pourrait se justifier pour un livre de recettes à offrir à une belle-mère casse-pieds.
Le GARAS (Groupement d’Action et de Réflexion Anarcho-syndicaliste) est né des convulsions qui secouent la CNT-AIT et publie depuis 2002 une Lettre de liaison (LL) (voir notre article dans RI n°345). Il se propose de promouvoir l’auto-organisation des luttes et d’impulser un syndicalisme efficace "en rupture avec le capitalisme" en cherchant à "mettre en place une confédération anarcho-syndicaliste sur des bases claires." (LL n°4, p. 7) Dans ses publications, le GARAS fait le bilan de la défaite du mouvement du printemps 2003 contre la réforme des retraites. Il souligne le rôle diviseur des syndicats dans le mouvement pour isoler le secteur de l’Education nationale du reste de la classe ouvrière où ils "vont tout faire pour empêcher l’extension réelle du mouvement (…) Leur tactique est d’attendre l’essoufflement dans l’Education nationale, (…) sans appeler tous les secteurs où elles [les bureaucraties syndicales] sont implantées à entrer en grève en même temps", concluant qu’"il apparaît (…) que les syndicats ont une énorme responsabilité dans l’échec final. Il apparaît même qu’ils ont provoqué cet échec dès le début du mouvement." (LL n°7, p.6)
Pour l’essentiel, nous partageons les constats auxquels parvient le GARAS. Au printemps 2003 pour faire passer l’attaque générale sur les retraites, le gouvernement portait simultanément une attaque plus spécifique contre le secteur de l’Education nationale (la délocalisation des personnels ATOSS) dans le but d’empêcher le développement d’une lutte massive de tous les secteurs contre la réforme. Comme nous l’écrivions dans RI n°348 : "Rapidement les luttes des personnels de l’Education sont apparues comme le fer de lance de la mobilisation ouvrière. Mais, en leur sein, les syndicats n’ont cessé de mettre en avant les revendications spécifiques contre la délocalisation, dans lesquelles le reste de la classe ouvrière ne pouvait se reconnaître, qui ont pris le pas sur la question des retraites et fait passer celle-ci au second plan. Cette entreprise a non seulement permis au gouvernement de faire passer l’attaque sur les retraites mais d’entraîner le secteur enseignant, isolé et divisé, poussé par une partie de ces mêmes syndicats vers des actions radicales et impopulaires de boycott d’examens de fin d’année, dans une défaite la plus amère et cuisante possible." (voir aussi RI n° 337)
Tout en étant très critique vis-à-vis des syndicats, le GARAS lance son cri du coeur : "Comment ne pas se poser de questions quand on regarde le taux actuel de syndicalisation en France : 10 à 12% de travailleurs syndiqués dans le public et 2 à 3% dans le privé (…) Comment ne pas réagir, quand suite à de telles expériences [désignées dans le langage châtié du GARAS comme "des dérives du syndicalisme d’accompagnement des réforme"], des personnes en arrivent à trouver le syndicalisme, dans son ensemble, néfaste à l’organisation des travailleurs ? " (LL n°5, p.19)
Le travail de division de la classe ouvrière et d’enfermement du secteur de l’Education par les syndicats lors de la lutte du printemps 2003, n’a pas manqué, ici et là, de faire naître un doute sur les syndicats, de faire émerger un questionnement parmi les ouvriers sur leur nature et le rôle qu’ils jouent dans la lutte des classes.
Cette défiance et la désaffection des syndicats que le GARAS veut faire passer pour une preuve d’inconscience chez les ouvriers, manifestent au contraire une compréhension instinctive que les syndicats défendent la classe ennemie. Ce premier pas forme l’une des conditions pour que la classe ouvrière développe la lutte de façon autonome, en refusant d’en abandonner la direction à ces saboteurs professionnels.
C’est le rôle des groupes, des courants qui, comme le GARAS, s’alarment de la méfiance développée par les ouvriers à l’égard du syndicalisme lui-même de stériliser et dévoyer cette réflexion en y apportant de fausses réponses. L’une de celles-ci consiste à prôner un syndicalisme "différent" comme véritable et seule alternative à la lutte lorsque les tromperies des centrales syndicales deviennent par trop voyantes. Ce syndicalisme de "combat", "autonome", "d’assemblée", de "base", etc., n’est rien d’autre que ce syndicalisme de base qui a pour fonction de briser les reins de la classe ouvrière dans le développement de ses luttes. Celui-ci n’a rien de nouveau mais est une entrave constante que les forces de gauche et d’extrême gauche de la bourgeoisie n’ont eu de cesse de lui mettre dans les jambes depuis plus de trente ans. Extérieur aux centrales ou aux directions, ce syndicalisme de base est en réalité le complément indispensable au sabotage syndical des luttes. Il a pour fonction de rehausser la crédibilité du syndicalisme en proposant un syndicalisme régénéré. Telle est la tâche à laquelle s’emploie le GARAS en affirmant qu’"il est clair que les centrales ne font pas leur travail de syndicats". Pour lui, "les bureaucraties syndicales qui ne remettent pas en cause le capitalisme sont contre nous dans cette lutte, ou ne se donnent pas les moyens de tenir le rapport de forces." Il revendique, qu’avec la crise économique "le syndicalisme réformiste, de concertation sociale, de cogestion avec l’Etat et le patronat n’est plus aussi nécessaire qu’auparavant" (LL n°6, p.4) et que ce type de syndicalisme est révolu : il faut maintenant un syndicalisme plus efficace.
Toute la pratique du GARAS consiste à enfermer les ouvriers dans la logique syndicaliste. Ainsi, comme il le dit : "Mettre la pression sur les centrales par des appels répétés à l’extension de la grève par les AG peut jouer puisque de nombreux travailleurs veulent entrer en grève, mais à deux conditions qui ne sont pas toujours remplies : 1° faire un bilan des actions entreprises par les centrales, afin de les mettre dans l’embarras en montrant à leur base qu’elles sont inactives, ce qui les poussera à agir même timidement. 2° organiser par nous-mêmes l’extension de la grève en allant à la rencontre d’autres travailleurs, y compris des syndiqués de ces centrales." (LL n°4, p.5) Ne nous y trompons pas, cette proposition, sous des dehors radicaux, n’est que la version anarcho-syndicaliste du "mettre les Bernard Thibault, les François Chérèque, les Jean-Claude Mailly au pied du mur" des trotskistes de Lutte Ouvrière. C’est le moyen de subtile défense des syndicats utilisé depuis des années par les gauchistes de tout poil pour entretenir les illusions ouvrières sur leur nature véritable. Le GARAS assume le même rôle de rabatteur sur les centrales et le syndicalisme habituellement dévolu aux gauchistes dans leur tâche d’encadrement de la classe ouvrière. Pour ce faire, le GARAS n’hésite pas, dans sa critique des syndicats, à mettre de l’eau dans son vin en voyant "deux exceptions cependant, FO et SUD" [qui comprennent de nombreux éléments se revendiquant de l’anarcho-syndicalisme]. Il crédite ainsi le piège classique à double mâchoire tendu par la bourgeoisie aux ouvriers, et particulièrement les plus combatifs, insatisfaits de la modération des centrales : celui-ci consiste à leur présenter comme alternative des syndicats ou des structures analogues au langage plus radical, qui ont depuis longtemps fait la preuve de leur capacité à étouffer toute véritable lutte. Le GARAS a ainsi été le tenant jusqu’au boutiste de la grève générale défendue sur la fin du mouvement de 2003 par FO, chiffon rouge agité pour épuiser dans l’isolement les derniers carrés d’ouvriers combatifs de l’Education nationale. Adepte de "l’action directe", plongeant avec délectation dans les actions coup de poing, défouloirs sans perspective (occupations de gares, barrages routiers, etc.), il a ainsi lui-même apporté sa petite contribution à la réussite de la manoeuvre bourgeoise d’enfermement et d’épuisement des travailleurs de l’Education.
Dans sa quête d’un syndicalisme qui lave plus blanc, le GARAS nous explique que "le syndicalisme est une démarche pratique qui permet d’intervenir dans la sphère du travail : problèmes de salaire, de rapports avec la hiérarchie, de changements de contrats, de conditions de travail, de licenciements, de changement de statut…" (LL n°6, p.3) Il faudrait qu’il nous explique en quoi ce qu’il revendique se différencie de la pratique qu’il reproche aux grandes centrales "gestionnaires des structures de médiation du capitalisme dans le monde du travail (CE, commissions paritaires…)" ? Une fois débarrassés de leur emballage "radical", les actes et les prises de position du GARAS montrent qu’il se place exactement dans la même logique de défense et de gestion du capital.
Ainsi se propose-t-il de "bien étudier la situation économique des entreprises pour comprendre correctement les enjeux d’une lutte, et riposter de la façon appropriée." (Ibid.) Cette approche typiquement syndicale qui élève les limites sectorielles comme autant de divisions entre prolétaires et qui enferme chaque fraction du prolétariat dans "son" usine, "son" secteur, a, depuis des années, constamment été mise en avant pour entretenir le sentiment d’impuissance face aux attaques dans le but d'imposer les sacrifices à la classe ouvrière et la soumettre aux impératifs du capital national, ou bien pour semer des illusions sur une autre politique possible. Dans tous les cas, il s’agit de masquer aux yeux des prolétaires la faillite du capitalisme, comme système dans son ensemble, ainsi que la nécessité d’une lutte unie et globale de tout le prolétariat contre ce système.
C’est bien contre cette prise de conscience qu’est utilisé le "révolutionnarisme" à la GARAS voulant "…favoriser des projets allant à l’encontre de la logique marchande, (…) mettre en place des banques de semences non contaminées par les OGM, (…) créer des coopératives ayant entre autres buts de permettre à des travailleurs virés par leur patron de produire sans hiérarchie, sans logique de profit, en accord avec l’environnement…" (Ibid.) Cette version anarcho-syndicaliste "d’un autre monde possible" (sans détruire le capitalisme !) s’épanouit pleinement au sein du courant altermondialiste dont la bourgeoisie fait sans relâche la promotion. En répandant ses phrases creuses sur la construction d’une alternative au sein de la société capitaliste, le GARAS répand les illusions bourgeoises de la possibilité de son aménagement, alors que ce système et ses lois économiques, et l’Etat qui les incarne, doivent être détruits. Pas étonnant qu’il trouve sa place au sein de l’arsenal idéologique que déploie aujourd’hui la bourgeoisie. L’incapacité congénitale de l’anarcho-syndicalisme à s’attaquer aux racines de la domination de classe de la bourgeoisie en fait un bon moyen aux mains de celle-ci pour répandre un maximum de confusions dans les rangs du prolétariat pour le plus grand profit de la bourgeoisie et le maintien du système d’exploitation capitaliste : dans la période de décadence du capitalisme, réformer le système ne peut que signifier soumettre le prolétariat à sa barbarie.
Dans un prochain numéro, nous répondrons aux arguments du GARAS qui revendique un syndicalisme de "lutte des classes" en montrant que le syndicalisme n’est plus une arme pour la classe ouvrière.
Scott
L'année 2004 s'est terminée par une immense tragédie humaine en Asie du sud. Un séisme d’une violence exceptionnelle a provoqué un raz-de-marée dans l’océan Indien qui a dévasté pas moins de douze pays riverains. En quelques heures, les tsunamis ont fait plus de 160 000 morts, des dizaines de milliers de disparus, des centaines de milliers de blessés, cinq millions de déplacés. Ce bilan effroyable est malheureusement provisoire car de nombreuses zones, notamment en Indonésie, en Thaïlande ou au Sri Lanka ne sont pas accessibles puisque l’ensemble du réseau routier y a été détruit.
Dans ces régions côtières, des villages entiers ont été rasés, des centaines de bateaux de pêche sont fracassés et des eaux saumâtres ont ravagé les cultures, laissant plus de cinq millions de personnes sans abri, sans nourriture ni eau potable, ce qui ne peut qu’entraîner de nouvelles victimes. Ainsi, les organisations humanitaires redoutent des vagues d’épidémies mortelles pouvant faire des dizaines de milliers de morts. Une fois encore, ce sont les couches les plus pauvres de la population, dont les prolétaires, qui travaillent notamment dans l’industrie du tourisme, qui sont les principales victimes de cette tragédie.
Comme à chaque catastrophe de ce genre, on invoque l’impuissance des hommes face à la « mère nature », la malchance, la fatalité, ou bien encore la pauvreté des pays sinistrés qui ne peuvent acquérir les techniques pour prévenir de tels cataclysmes. Foutaises et mensonges !
Pourquoi et comment un phénomène naturel et bien connu tel que les tsunamis a-t-il pu en quelques heures se transformer en catastrophe sociale d'une telle ampleur ?
Évidemment, on ne peut accuser le capitalisme d’être à l’origine du séisme qui a provoqué ce gigantesque raz-de-marée. En revanche, on peut mettre à son passif la totale incurie et l'irresponsabilité des gouvernements de cette région du monde et de leurs homologues occidentaux qui ont conduit à cette immense catastrophe humaine.
Tous savaient en effet que cette région du globe est particulièrement exposée aux secousses sismiques.
« Les experts locaux, pourtant, savaient qu’un drame se préparait. Courant décembre, en marge d’une réunion de physiciens à Djakarta, des sismologues indonésiens avaient évoqué le sujet avec un expert français. Ils étaient parfaitement conscients du danger de tsunamis car il y a en permanence des séismes dans la région » (Libération du 31/12/04).
Non seulement les experts sont au courant, mais en plus l’ex-directeur du Centre international d’information sur les tsunamis à Hawaï, George Pararas-Carayannis, indique qu’un séisme majeur s’est même produit 2 jours avant la catastrophe du 26 décembre. « L’océan Indien dispose d’infrastructures de base pour les mesures sismiques et les communications. Et personne n’aurait dû être surpris, puisqu’un séisme de magnitude 8,1 s’était produit le 24 décembre. Il aurait dû alerter les autorités. Mais il manque d’abord la volonté politique des pays concernés, et une coordination internationale à l’échelle de ce qui s’est construit dans le Pacifique » (Libération du 28/12/04).
Personne n’aurait dû être surpris et pourtant le pire est arrivé. Mais l’incurie des classes dirigeantes ne s’arrête pas là !
Ainsi, lorsque le centre américain de météo d’Hawaï a annoncé rapidement à 26 pays, quinze minutes après le séisme, la possibilité de tsunamis près de l’épicentre, l’agence de météorologie du Japon n’a pas relayé l’information auprès de ses voisins, puisque le bulletin météo était rassurant pour le Japon.
En Inde, le QG de l’armée de l’air a reçu l’information, mais celle-ci se doit de suivre un parcours très hiérarchisé et bureaucratique. Le fax d’alerte s’est perdu en route car le département météo n’avait pas le nouveau fax du ministère de la recherche : celui-ci avait changé avec le nouveau gouvernement en place depuis le mois de mai 2004 ! « Même scénario en Thaïlande où le département météo n’a pas osé lancer d’alerte nationale de peur de provoquer une inutile panique générale. Il savait pourtant qu’un tremblement de terre de grande ampleur s’était produit dès 8h10, soit bien avant que le tsunami ne frappe les rivages de Phuket » (Libération du 31/12).
La simple prudence (sans compter le principe de précaution) commandait d’alerter les populations. Même sans les moyens techniques dont sont dotés les États-Unis et le Japon, il y avait suffisamment d’informations disponibles sur la catastrophe en préparation pour agir et éviter ce carnage.
Ce n’est pas de la négligence, c’est une politique criminelle et qui révèle le profond mépris de la classe dominante pour les populations et le prolétariat qui sont les principales victimes de la politique bourgeoise des gouvernements locaux !
En fait, il est clairement reconnu aujourd’hui, de façon officielle, que l’alerte n’a pas été lancée de crainte de… porter atteinte au secteur du tourisme ! Autrement dit, c’est pour défendre de sordides intérêts économiques et financiers que des dizaines de milliers d'êtres humains ont été sacrifiés.
Cette irresponsabilité des gouvernements est une nouvelle illustration du mode de vie de cette classe de requins qui gère la vie et l'activité productive de la société. Les États bourgeois sont prêts à sacrifier autant de vies humaines, si cela est nécessaire pour préserver l’exploitation et les profits capitalistes.
Ce sont toujours les intérêts capitalistes qui dictent la politique de la classe dominante, et dans le capitalisme, la prévention n’est pas une activité rentable comme le reconnaissent aujourd'hui tous les médias : « Des pays de la région auraient jusqu’ici fait la sourde oreille pour mettre sur pied un système d’alerte en raison des énormes coûts financiers. Selon les experts, un dispositif d’alerte coûterait des dizaines de millions de dollars, mais il permettrait de sauver des dizaines de milliers de vies humaines ». (Les Échos du 30/12)
Quand on voit, à longueur de reportages télévisés, ces dizaines de milliers de morts, de familles décimées, d’enfants orphelins, on ne peut qu’être profondément révoltés d'entendre les responsables de ces massacres annoncer, avec un cynisme abject, qu'ils vont tout faire maintenant pour doter le continent asiatique d’un système de détection des séismes et des tsunamis comme c'est le cas aux États-Unis et au Japon.
Le drame humain qui vient de se dérouler en Asie du sud est une nouvelle manifestation de la barbarie effroyable d'un système qui conduit l'humanité à sa perte. Car c'est bien ce système décadent qui est le vrai responsable des catastrophes à répétition. L’an dernier, c’est un séisme en Iran qui a fait des dizaines de milliers de morts, et juste avant c’était la Turquie, l’Arménie, etc. On entasse des populations sur des zones sismiques, dans des constructions précaires, alors que la technologie existe pour éviter que des phénomènes naturels ne provoquent de telles catastrophes sociales.
Si le tsunami dans l’océan Indien a fait également autant de victimes parmi les vacanciers, c'est parce que le capitalisme a développé des complexes touristiques de façon totalement anarchique notamment en détruisant les mangroves qui servaient de protection naturelle, capable d’atténuer la force des vagues et des projectiles charriés par les raz-de-marée.
C'est cette même réalité aberrante que l’on retrouve dans les pays industrialisés où l’on construit des habitations dans des zones potentiellement inondables et dangereuses pour la vie des populations.
Plus que jamais, le capitalisme, parce qu’il est basé sur la recherche effrénée du profit et de la rentabilité et non sur la satisfaction des besoins humains, ne peut qu’engendrer de nouvelles catastrophes. Alors que le développement du capitalisme avait permis l'épanouissement d'un formidable potentiel technologique et industriel et de tendre à une certaine maîtrise de la nature, ce système, dans sa phase décadente, n’est plus capable de faire avancer l’humanité, de la faire progresser. C'est au contraire la nature qui semble « reprendre ses droits », alors que le développement de la technologie pourrait permettre à l’humanité de vivre en harmonie avec elle.
Le capitalisme est aujourd'hui un système social en décomposition. Il est devenu une entrave et une menace pour la survie de l’espèce humaine. Aux explications partielles mais surtout crapuleuses et cyniques de la classe dominante, les révolutionnaires doivent opposer l’analyse du marxisme.
« A mesure que le capitalisme se développe puis pourrit sur pied, il prostitue de plus en plus cette technique qui pourrait être libératrice à ses besoins d’exploitation, de domination, et de pillage impérialiste, au point d’en arriver à lui transmettre sa propre pourriture et à la retourner contre l’espèce (…) C’est dans tous les domaines de la vie quotidienne des phases 'pacifiques' qu’il veut bien nous consentir, entre deux massacres impérialistes ou deux opérations de répression que le capital, aiguillonné sans trêve par la recherche d’un meilleur taux de profit, entasse, empoisonne, asphyxie, mutile, massacre les individus humains par l’intermédiaire de la technique prostituée (…) Le capitalisme n’est pas innocent non plus des catastrophes dites 'naturelles'. Sans ignorer l’existence de forces de la nature qui échappent à l’action humaine, le marxisme montre que bien des catastrophes ont été indirectement provoquées ou aggravées par des causes sociales (…) Non seulement la civilisation bourgeoise peut provoquer directement ces catastrophes par sa soif de profit et par l’influence prédominante de l’affairisme sur la machine administrative (…) mais elle se révèle incapable d’organiser une protection efficace dans la mesure où la prévention n’est pas une activité rentable ». (A. Bordiga, « Espèce humaine et croûte terrestre »)
Face à la gravité de la catastrophe, il a fallu plusieurs jours à la bourgeoisie internationale pour se mobiliser et envoyer des secours dans les pays frappés par la catastrophe. Et encore faut-il que ces secours puissent être acheminés sur le terrain : ainsi, un hôpital de campagne envoyé par le France en Indonésie attend depuis plus de deux semaines l’arrivée des hélicoptères censés transporter le matériel et les équipes médicales.
Lorsqu'il s'agit de défendre leurs intérêts impérialistes, dans les guerres prétendument « humanitaires », ces États ont toujours fait preuve d'une extrême rapidité pour envoyer des troupes, du matériel et des engins toujours plus sophistiqués pour bombarder les populations et semer la mort aux quatre coins de la planète. De même, tous ces gangsters capitalistes n'ont jamais hésité à investir des sommes pharamineuses dans la production d’armements et pour détruire des pays entiers.
Quant à l'aide financière consentie dans un premier temps par les gouvernements de tous les pays, et notamment les plus développés, elle était tellement dérisoire que le secrétaire adjoint de l’ONU, Jan Egeland a même traité de pingre, de radin la « communauté internationale ».
Face à l'ampleur du désastre, les différents États capitalistes se sont encore comportés comme de véritables charognards, faisant monter les enchères dans le seul objectif d'apparaître comme les plus « généreux » face à leurs rivaux.
Ainsi, les États-Unis ont proposé 350 millions de dollars au lieu des 35 initialement annoncés (alors qu'ils dépensent aujourd’hui 1 milliard de dollars par semaine pour la guerre en Irak et 1 milliard par mois pour celle en Afghanistan !), le Japon 500 millions, l’Union européenne 436 millions. La France a même crû un moment, avec ses 50 millions, se placer à la tête des pays donateurs (alors que ses interventions militaires lui coûtent un milliard d'euros par an !); puis ce fut le tour de l’Australie, de l’Angleterre, de l’Allemagne, etc.
A chaque fois, comme dans les ventes aux enchères, tel ou tel État proposait une offre d’aide financière supérieure à celle du voisin.
Cette surenchère verbale est d'autant plus écœurante qu'elle relève de la pure mascarade, car les promesses de dons sont souvent peu suivies d’effets. Ainsi, on peut rappeler que cette « communauté internationale » de brigands capitalistes avait promis 115 millions de dollars suite au séisme qui avait secoué l’Iran en décembre 2003 et Téhéran n’a reçu à ce jour que 17 millions de dollars. C’est la même chose qui s'est produite pour le Libéria : 1 milliard de dollars promis et 70 millions récoltés.
Les exemples ne manquent pas, sans compter tous ces conflits qui sombrent dans l’oubli et l’horreur et pour lesquels, il n’y a même pas de promesse, comme le Darfour ou le Congo, avec des drames humains de l’ampleur du tsunami asiatique.
Quant à la proposition de moratoire de remboursement des dettes des pays touchés par la catastrophe, c’est une baudruche qui se dégonflera rapidement, car il s'agit tout simplement d'un report d’échéances des intérêts de la dette et non pas un effacement des dettes. D’ailleurs, les cinq pays les plus endettés parmi ceux qui ont été frappés par le raz-de-marée devront rembourser 32 milliards de dollars l’an prochain, soit dix fois plus que ce qu’ils sont censés recevoir au titre de « l’aide humanitaire » (et qui est probablement gonflé par rapport à ce qu’ils recevront effectivement). Évidemment, ces pays n’ont pas le privilège d’être occupés par l’armée américaine comme c’est le cas de l’Irak : ils auraient pu alors bénéficier d’une annulation pure et simple de leur dette.
Non seulement, la bourgeoisie nous raconte des mensonges éhontés à propos de sa soi-disant « générosité », mais en plus, elle nous cache les véritables objectifs de cette surenchère « humanitaire ».
L'aide « humanitaire » des gouvernements n'est en réalité rien d'autre qu'un prétexte pour masquer leurs appétits impérialistes.
Derrière le rideau de fumée idéologique de la propagande humanitaire, il est frappant de voir l’empressement de chaque État à envoyer ses représentants sur les lieux de la catastrophe avant les autres, de façon concurrente, alors qu'un tel désastre nécessitait une coordination internationale des secours. En fait, chaque bourgeoisie nationale défend ses propres intérêts de puissance capitaliste et impérialiste dans une région qui représente un enjeu stratégique et militaire.
Les profondes divergences d’intérêts entre les différents États impérialistes qui s'étaient manifestées à propos de l’Afghanistan ou de l’Irak, on les voit réapparaître ici. Ainsi, la France envoie son ministre des Affaires étrangères avec un avion rempli de médicaments et Chirac, avec le soutien de l’Allemagne, propose de créer une force humanitaire de réaction rapide, force qui serait sous le contrôle des États européens, mais au service de l’ONU.
La réplique américaine ne s'est pas fait attendre : non seulement, les États-Unis envoient des bateaux, des avions et des troupes militaires dans l’océan Indien, mais ils annoncent également la création d’une coalition internationale humanitaire (avec l’Australie, le Japon, l’Inde) pour "coordonner les secours".
Comme pour la guerre en Irak, la politique américaine vise à montrer aux autres puissances que les États-Unis sont les patrons et que, dans ces circonstances, ils entendent bien encore défendre leur leadership. Le secrétaire d’État, Colin Powell, et le frère du président Bush sont envoyés sur place pour exalter « les valeurs américaines en action ». Colin Powell qui fut le commandant en chef des armées américaines lors de la 1ère guerre du Golfe et qui ordonna notamment d’ensevelir, encore vivants, les soldats des premières lignes irakiennes, a même eu le culot de verser des larmes de crocodile, lors d’un survol en hélicoptère de la région de Banda Aceh, en déclarant : « j’ai été en guerre, j’ai eu des ouragans et des tornades et d’autres opérations de secours. Je n’ai jamais rien vu de tel » (Libération du 6/01/04).
Toutes ces dissensions entre les grandes puissances où chaque État essaie de tirer la couverture à lui, en disent long sur la préoccupation « humanitaire » de ces vautours capitalistes. Comme le souligne, un responsable américain : « C’est une tragédie, mais aussi une opportunité à saisir. Une aide rapide et généreuse des États-Unis pourrait aider à améliorer les relations avec les pays asiatiques ».
Compte tenu de l’importance stratégique de l’Indonésie dans l’océan Indien, il est évident, que les États-Unis cherchent à profiter de la catastrophe pour pouvoir s’implanter militairement (ce que les militaires indonésiens avaient refusé à Washington, à qui ils reprochaient leurs ingérences dans les affaires indonésiennes, lorsqu’en 1999, les États-Unis avaient suspendu leur aide militaire à Djakarta en raison des exactions commises par l’armée indonésienne au Timor oriental). Par ailleurs, leur « aide humanitaire » au Sri Lanka a pris la forme d’un « débarquement » de chars amphibies évidemment « pacifiques » (et non armés aux dires d’un officier) et qui ont pour mission de « non de détruire » mais de « secourir la population ».
De leur côté, les États européens, eux aussi, souhaitent être présents militairement et diplomatiquement dans cette région. Quant à la Chine, elle cherche à faire valoir ses ambitions de gendarme du continent asiatique et se heurte à l'opposition du Japon. Et si l'État indien a refusé toute aide étrangère, quitte à laisser crever comme des rats une partie des sinistrés, c'est parce qu'il veut s'affirmer comme une puissance régionale avec laquelle il faudra compter.
Voilà ce que cache la cacophonie de l'aide « humanitaire » de la bourgeoisie mondiale : la défense de ses sordides intérêts impérialistes ! L'ignominie et l'hypocrisie sans borne de la classe bourgeoise qui dirige le monde est à vomir !
Encore une fois, c'est le capitalisme qui est une catastrophe pour l'humanité, avec sa loi du profit et sa classe dominante, tout juste capable de comptabiliser les morts et de déchaîner toujours plus de barbarie. Au même moment, où il laisse les vagues géantes emporter les populations, il exacerbe le chaos en Afghanistan, il multiplie les attentats terroristes et les représailles qui ensanglantent l’Irak, la Palestine, il laisse se développer la famine au Darfour et les massacres au Congo.
Cette spirale sanglante indique que le capitalisme ne peut offrir à l’humanité que sa destruction à travers des catastrophes toujours plus meurtrières, des guerres toujours plus barbares, la misère, la famine, les épidémies. C'est vers une destruction de la planète morceaux par morceaux que nous promet ce système qui pourrit sur pied.
Face à une telle tragédie humaine et sociale, les révolutionnaires et l’ensemble du prolétariat mondial doivent clamer, haut et fort, leur solidarité de classe envers les victimes.
Ils ne peuvent que saluer l’élan de solidarité humaine au niveau planétaire qui s’est manifesté immédiatement. Sans attendre les secours, les survivants se sont mutuellement entraidés, tant les populations asiatiques vis-à-vis des touristes, que les touristes vis-à-vis des populations locales. Spontanément, des millions de personnes, et notamment des prolétaires dans tous les pays, ont proposé d’offrir de la nourriture, des vêtements, des dons financiers.
Mais cette solidarité naturelle, qui est à la base même de l’existence sociale et de la préservation de l'espèce humaine, a été immédiatement récupérée par la classe dominante et ses ONG.
Le rouleau compresseur de l’information en boucle et des images choc a pour fonction d’empêcher la réflexion sur les causes de cette catastrophe sociale.
Puisque nous sommes « impuissants » devant de tels événements, la seule chose que l’on puisse faire, nous dit la bourgeoisie à travers ses médias et ses spécialistes de l’aide humanitaire, c’est d’effectuer des dons à telle ou telle ONG et on nous assure que cet argent ira bien aux populations sinistrées.
Ces organisations « non gouvernementales » ont fait la preuve, une nouvelle fois qu’elles étaient au service des gouvernements. Il suffit pour s'en convaincre de voir la pagaille sur le lieu même du drame : chaque télévision nationale nous fait la promotion de telle ou telle ONG qui, en fonction de son pays d’origine, est chargée de défendre les intérêts concurrents de tel ou tel gouvernement, au détriment et contre les autres ONG. Ainsi, la solidarité dans la bouche de la bourgeoisie se transforme en chauvinisme.
L’indignation de la classe ouvrière face à ce drame, sa solidarité spontanée avec les victimes a été manipulée et dévoyée par la classe dominante dans une ignoble campagne d’intoxication « humanitaire ». Grâce à ses ONG, la bourgeoisie s’est emparée de cet élan réel de générosité pour le dévoyer sur le strict terrain caritatif. A travers les demandes de soutien financier pour venir en aide aux populations sinistrées, les États bourgeois ont organisé une véritable opération de racket, distillant au sein de la population mondiale, et notamment de la classe ouvrière, le sentiment de se « donner bonne conscience » en apportant une contribution à l'aide « humanitaire » des gouvernements.
Cette campagne, alimentée par les émissions de télévision quotidiennes, est un véritable matraquage idéologique visant à brouiller les consciences, à empêcher les prolétaires de réfléchir aux causes réelles de la catastrophe.
En empêchant les prolétaires de comprendre que c'est le capitalisme qui est le seul responsable, elle vise à dénaturer leur solidarité de classe et à la dévoyer dans une voie de garage.
La solidarité de la classe ouvrière ne peut se limiter, comme veulent le faire croire la bourgeoisie et ses ONG, à une simple action caritative.
D'une part parce que les dons financiers ne peuvent être qu'une goutte d'eau dans l'océan compte tenu de l'ampleur du désastre.
D'autre part, les sommes récoltées ne peuvent permettre de soulager la détresse et le désespoir de tous ces hommes, ces femmes et ces enfants qui ont perdu leurs proches dont les corps ne seront jamais retrouvés ou ont été entassés dans l'urgence dans des fosses communes, sans sépulture.
L'argent ne peut réparer l'irréparable : il n'a jamais été un remède à la souffrance morale !
Enfin, ces gestes de solidarité financière ne peuvent résoudre le problème à la racine : ils ne peuvent empêcher la répétition de nouvelles catastrophes dans d'autres régions du monde.
C'est pour cela que la solidarité de classe du prolétariat ne peut être celle des curés du « Secours Catholique » et autres ONG.
La solidarité des prolétaires n'a pas comme objectif de leur donner « bonne conscience » ou de sauver leur âme en cédant au sentiment de culpabilité que cherche à instiller la classe dominante.
Les prolétaires du monde entier doivent comprendre que, en menant le combat contre la bourgeoisie, en renversant son système meurtrier, ils sont les seuls à pouvoir rendre un réel hommage aux morts, à toutes ces vies humaines sacrifiées sur l'autel du capitalisme, au nom de la loi du profit et de la rentabilité.
Ils doivent développer leurs luttes et leur propre solidarité de classe contre tous les États, tous les gouvernements qui non seulement les exploitent et attaquent toutes leurs conditions de vie, mais ont encore le culot de leur demander de « mettre la main à la poche » pour réparer les dégâts provoqués par le capitalisme.
Ce n'est que par la lutte quotidienne contre ce système, jusqu'à son renversement, que la classe ouvrière peut manifester sa véritable solidarité envers les prolétaires et les populations des pays dévastés par le tsunami.
Si cette solidarité ne peut évidemment avoir des effets immédiats, elle n'est pas un feu de paille, contrairement à celle préconisée par la bourgeoisie et les ONG.
Dans quelques mois, pour la classe dominante et ses organisations caritatives, cette catastrophe sera enfouie dans les oubliettes de l'histoire.
La classe ouvrière, elle, ne peut l'oublier comme elle ne peut oublier les massacres de la guerre du Golfe et de toutes les autres guerres et catastrophes dites « naturelles ».
Pour les ouvriers du monde entier, cette tragédie ne doit jamais être une « affaire classée ». Elle doit rester gravée dans leur mémoire et servir d'aiguillon pour renforcer leur détermination à développer leurs luttes et leur unité de classe contre la barbarie du capitalisme.
La classe ouvrière est la seule force de la société actuelle qui puisse effectuer un véritable don à toutes les victimes de la classe bourgeoise en renversant le capitalisme et en construisant une nouvelle société, basée non sur le profit mais sur la satisfaction des besoins humains. C'est la seule classe qui puisse, par sa perspective révolutionnaire, offrir un avenir à l'espèce humaine.
C'est pour cela que la solidarité du prolétariat doit aller bien au-delà de la simple solidarité émotionnelle. Elle ne doit pas être fondée sur des sentiments d'impuissance ou de culpabilité mais, avant tout, sur sa conscience.
Seul le développement de sa propre solidarité de classe, une solidarité basée sur la conscience de la faillite du capitalisme, sera en mesure de créer les bases d’une société dans laquelle les crimes que la bourgeoisie nous présente comme des catastrophes « naturelles » ne pourront plus jamais être commis, où cette barbarie abominable pourra être définitivement dépassée et abolie.
« Le capitalisme agonisant veut nous habituer à l’horreur, à considérer comme 'normale' la barbarie dont il est responsable. Les prolétaires doivent réagir en manifestant leur indignation devant ce cynisme et leur solidarité avec les victimes de ces conflits sans fin, des massacres perpétrés par toutes les bandes capitalistes [auxquelles s’ajoutent les victimes des catastrophes 'naturelles']. Le dégoût et le rejet de ce que le capitalisme dans sa décomposition fait vivre à la société, la solidarité entre membres d’une classe qui n’ont que des intérêts communs, sont des facteurs essentiels de la prise de conscience qu’une autre perspective est possible et qu’une classe ouvrière unie a la force de l’imposer ». (Revue internationale n°119).
Les ouvriers du monde entier ne peuvent témoigner leur solidarité envers les victimes de la catastrophe qu'en faisant vivre, par leurs luttes contre l'exploitation, la misère et la barbarie capitaliste, ces mots d'ordre :
"A bas tous les gouvernements ! A bas le capitalisme !"
"Prolétaires de tous les pays, unissez-vous !"
DM (8 janvier 2005)
L'année 2005 aura commencé sous le signe d'une reprise des appels à la mobilisation de la part des syndicats en France comme le pays n'en avait plus connu depuis juin 2003. Coup sur coup, étaient organisées trois "journées d'actions" : le 18 janvier à la Poste, le 19 à la SNCF, le 20 dans l'ensemble du secteur public. Et six confédérations syndicales sur sept appellent le public et le privé à manifester conjointement le 5 février "pour la défense des 35 heures". A quoi correspond ce "réveil" syndical qui contraste avec la passivité extrême des syndicats depuis la défaite de la lutte ouvrière du printemps 2003 ?
Mais d'abord deux autres questions se posent : quels sont les besoins pour la classe ouvrière aujourd'hui ? Que proposent les syndicats ?
La remontée de la combativité ouvrière qui s'est exprimée au niveau international à travers les luttes en France et en Autriche en 2003, aux Pays-Bas, en Espagne, en Allemagne en 2004 (voir l'article sur les leçons sur la lutte à Opel en page 3) a déjà démontré que la classe ouvrière n'a pas disparu et que ses luttes n'appartiennent pas à un passé révolu. Face à l'aggravation de la crise économique et aux attaques de la bourgeoisie, elle est de plus en plus contrainte partout de se battre pour défendre ses conditions de vie. Les prolétaires n'ont pas d'autre choix que de lutter et, s'ils ne le font pas, la bourgeoisie continuera à cogner de plus en plus fort.
Ce n'est qu'en reprenant le chemin de la lutte que la classe ouvrière peut développer le sentiment et la conscience d'appartenir à une même classe aux intérêts politiques et économiques communs, prendre confiance en elle-même et développer son unité et sa solidarité face à des attaques qui touchent l'ensemble de prolétaires, secteur public comme secteur privé. Et ce n'est que par la lutte massive que la classe ouvrière peut s'opposer aux attaques de la bourgeoisie.
Aujourd'hui encore, les revendications et les besoins qui s'affirment pour les ouvriers sont partout les mêmes face attaques qu'ils subissent :
- augmentation des salaires pour faire face à la hausse durement ressentie du coût de la vie, avec la ponction toujours plus lourde des taxes (prélèvements sociaux, hausse de tarifs publics, des loyers, des impôts, des assurances),
- augmentation des effectifs pour faire face aux conditions de travail qui se dégradent, à une productivité, à une flexibilité accrues.
Ces revendications sont partout ressenties comme une nécessité vitale, alors qu'aujourd'hui, l'ensemble de la classe ouvrière est confrontée. simultanément à une attaque massive contre le salaire social : après les retraites, les prolétaires subissent les effets du cumul des mesures adoptées sur la sécurité sociale.
Une étude publiée dans Le Monde du 30 décembre 2004 montre que les conditions de travail se sont considérablement dégradées en dix ans, par exemple le nombre d'ouvriers travaillant la nuit (entre minuit et 5 h du matin) a doublé. La flexibilité des lois Aubry enchante les patrons : "cette ultra-réactivité au marché est louée par tous les patrons, qui avouent pour certains n'avoir jamais imaginé, 'même dans leurs rêves les plus fous, arriver à un tel degré de flexibilité" (Libération du 12 janvier). En privé, un syndicaliste cédétiste déclare "les entreprises ont tout ce qu'il faut en magasin pour la flexibilité. On s'interroge parfois quand on les entend demander encore plus de souplesse dans le travail " et un autre de la CGT constate que, grâce à la loi sur les 35 heures, "les salaires sont bloqués et les entreprises ont gagné en productivité et allègement de charges. Voilà pourquoi elles se taisent sur les 35 heures" (Idem). Les lois Aubry sur les 35 heures avaient permis d'atteindre un objectif majeur pour la bourgeoisie : généraliser l'introduction de la flexibilité dans les contrats de travail. En même temps, la réduction du temps de travail contenue dans cette législation a été largement compensée par l'augmentation de la productivité et par le blocage des salaires. Aujourd'hui, cette attaque peut être menée plus loin par le gouvernement actuel. Elle est poursuivie et intensifiée par un nouveau rallongement du temps de travail au milieu d'un chantage désormais permanent au licenciement ou à la délocalisation pour faire accepter de nouveaux sacrifices.
Alors, reposons la question : que proposent les syndicats ? Précisément de se mobiliser autour de la défense des 35 heures et sa soi-disant remise en cause par le gouvernement actuel. C'est sur ce thème qu'ils appellent à manifester le 5 février. Mais ils appellent aussi, comme ils l'ont fait au cours des journées d'action de janvier, à se mobiliser pour "la défense du service public, "contre la privatisation" de ces services en poussant les ouvriers à se placer sous l'aile protectrice de l'Etat bourgeois. C'est pourtant ce même Etat bourgeois qui dirige, oriente et démantèle la protection sociale et orchestre ces "réformes", qui taille des coupes claires dans les effectifs comme n'importe quelle autre entreprise par souci de compétitivité entre nations, avec les mêmes critères de rentabilité, qui bloque les salaires de ses fonctionnaires et qui est responsable de la hausse du coût de la vie.
La plupart de ces mesures ont été mises en place depuis que la gauche était au gouvernement : hausse de la CSG, du forfait hospitalier, déremboursement des frais médicaux . par exemple le forfait hospitalier institué par le "ministre du PC Ralite en 1982 a été depuis lors multiplié par cinq ;
La fonction des syndicats n'est pas de "défendre les ouvriers" contre les attaques de la bourgeoisie mais bien de servir les intérêts de l'ennemi de classe, de la bourgeoisie et de son Etat pour saboter et dévoyer les besoins réels de la classe ouvrière, pour les détourner sur un terrain exploitable par la bourgeoisie.
Comment ils s'y prennent ?
Par exemple, alors qu'au nom de la "modernisation", la Poste a entrepris de fermer 6 000 bureaux "non rentables" (soit la moitié de son parc) notamment dans les villages et les petites communes et de les remplacer par des "points Poste" confiés à des petits commerçants locaux quelques heures par semaines et de supprimer 20% de ses effectifs (60 000 emplois), les syndicats détournent l'attention de cette attaque pour la polariser sur la "privatisation" de ce secteur et la "détérioration du service public".
Suite au viol d'une contrôleuse dans un TER, les syndicats comme le gouvernement ont cherché à orienter et à cristalliser la grève spontanée de solidarité qui a perturbé le réseau pendant plusieurs jours sur le problème de la sécurité dans les trains alors qu'il s'agissait d'une réaction élémentaire d'indignation et d'exaspération des cheminots face à la dégradation de leurs conditions de travail et à la taille dans leurs effectifs. C'est pour la même raison que certains guichetiers parisiens de la SNCF se sont mis en grève pour protester contre la mise en place de "guichets automatisés", qui supprime leur emploi.
Ces mouvements sociaux interviennent d'ailleurs alors qu'un accord avait été signé en octobre dernier entre 4 syndicats sur 6 (dont la CGT) et la direction pour limiter le droit de grève et éviter les "grèves-surprise" au nom de la défense du "service public et de l'usager"
Dans le secteur hospitalier, alors que manque de moyens et d'effectifs est général, les syndicats cherchent à isoler les infirmiers du secteur psychiatrique sous prétexte d'insécurité plus grande et de "dangerosité particulière du métier" et ils font partir en lutte un hôpital comme celui de Villejuif en mettant en avant des revendications spécifiques.
Les syndicats effectuent toujours le même sale travail de sabotage de la lutte et de division des ouvriers. C'est ce qu'ils ont fait au cours des luttes du printemps 2003, de concert avec le gouvernement en embarquant les travailleurs de l'Education nationale dans des revendications spécifiques à ce secteur, semant l'illusion que la lutte d'un seul secteur pouvait faire reculer le gouvernement pour faire passer l'attaque la plus générale sur les retraites et épuiser la combativité du secteur enseignant dans une grève longue conduisant à la démoralisation la plus profonde (voir notamment RI n°336, juin 2003 et n°337, juillet-août 2003).
Leur stratégie actuelle s'inscrit dans la même lignée qui ne peut mener qu'à la défaite. Dans la manifestation parisienne du 20 janvier, hospitaliers et enseignants étaient mobilisés à part dès le matin et ont rejoint ensuite le cortège général de la fonction publique en début d'après-midi, dans lequel chacun était solidement encadré, défilant derrière la banderole d'un syndicat, chaque syndicat organisé par branche ou secteur, chaque secteur divisé à son tour par site. Pour le 5 février, la mobilisation annoncée comme "nationale" et "unissant" privé et public se retrouve organisée de fait à l'échelle régionale et éparpillée dans toutes les grandes villes.
Il s'agit donc pour les syndicats :
- d'une part, de prendre les devants par rapport à un mécontentement social grandissant pour le canaliser, l'encadrer face à des attaques générales tous azimuts qui se déchaînent sur les salaires, les effectifs, les conditions de vie et de travail qui sont un terrain favorable au développement d'une lutte unitaire et solidaire ;
- d'autre part, d'occuper le terrain pour pourrir et dévoyer le mûrissement de la réflexion à l'œuvre au sein de l'ensemble de la classe ouvrière sur le fait que partout, dans tous les secteurs, dans tous les pays elle est attaquée de la même manière. C'est le développement de cette réflexion, de cette prise de conscience qui ne peut déboucher que sur la remise en cause du système capitaliste et la nécessité de se battre contre lui pour assurer la défense de ses conditions de vie que les syndicats entreprennent de pourrir.
L'agitation syndicale actuelle ne sert qu'à chercher à entraver le développement de la réflexion en profondeur de la classe ouvrière sur les enjeux de la situation : comment se battre et s'organiser elle-même face aux attaques de la bourgeoisie ?
W (27 janvier)
Porte parole de LO, Arlette Laguiller a consacré 2 éditoriaux à la catastrophe asiatique1. Ces textes semblent, à première vue, plein de bonnes intentions. On y pleure les morts, la misère des populations est jugée intolérable, les aides gouvernementales sont dénoncées comme dérisoires en comparaison des budgets militaires. Mais sous ce vernis radical se cache en effet l’idéologie la plus nauséabonde. Grattons donc un peu.
Face à la souffrance des populations touchées par le raz-de-marée, des millions de prolétaires ont spontanément voulu faire quelque chose. Ce sentiment de solidarité internationale est une expression de l’être même du prolétariat ; elle lui est naturelle parce qu’elle est une classe associée sans patrie ni frontière.
Que fait LO de cet élan de solidarité élémentaire ? Lisons plutôt : «Alors une fois de plus, comme lors de chaque catastrophe, on nous rappelle l’adresse des différentes organisations caritatives, des ONG, auxquelles le public peut adresser ses dons. Et c’est bien que des millions de prolétaires se sentent concernés par ce drame, c’est bien que ces organisations existent, puisque ceux qui par leur puissance économique, ou leur pouvoir politique, gèrent le monde, se préoccupent si peu de ce genre de problèmes». Autrement dit, la raison pour laquelle LO salue ces gestes de solidarités de la classe ouvrière, c’est parce qu’ils viennent pallier aux défaillances de la classe dominante, de ses Etats et ses gouvernements ! D’autre part, LO salue les ONG dont la fonction consiste justement à dénaturer et récupérer la véritable solidarité de la classe ouvrière en la dévoyant sur le terrain strictement caritatif de l’aide «humanitaire» !
LO plébiscite ces organisations qui se sont ruées sur les régions sinistrées, dans une course effroyable, afin d’y défendre l’image et les intérêt de leurs nations respectives2. Après le tsunami, tel des charognards, chaque Etat a voulu saisir «la merveilleuse occasion pour montrer le cœur du gouvernement et du peuple» (Condoleeza Rice, porte parole du gouvernement américain), c’est à dire d’utiliser l’alibi humanitaire pour s’implanter dans la région. C’est à cette immense curée chauvine que LO apporte sa pleine contribution.
Comme toujours LO pratique pour cela le double langage. Ainsi, Arlette y va de son petit couplet pour regretter que ne soit pas mis en place un «SAMU international» par «les dirigeants d’Etat et les politiciens» qui «se contentent de belles paroles», même si ce recours est auparavant pourtant qualifié de «dérisoire». Il n’en est pas moins vrai que LO laisse entendre que ce serait tout de même «mieux» ainsi. LO qui prétend être une organisation révolutionnaire cherche en fait à masquer l’entière responsabilité du capitalisme dans les quelque 300 000 morts de la catastrophe. Pour évacuer cette dénonciation, Arlette réussit le tour de force de ne pas écrire une seule fois le mot ‘capitalisme’ dans ses deux articles ! Pas une seule phrase qui ne dénonce le capitalisme comme responsable de la catastrophe sociale ! Pas un seul appel à la lutte de classe du prolétariat pour renverser ce système moribond avant qu’il ne détruise l’humanité ! Bien au contraire, Arlette participe pleinement aux mensonges bourgeois lorsqu’elle affirme qu’il s’agit d’une catastrophe «naturelle» !
LO cherche, de plus, à faire passer l’idée dans la classe ouvrière qu’il y aurait des «solutions» à l’intérieur même des institutions existantes comme une coopération internationale des ONG ou des gouvernements pour améliorer le sort des populations sinistrées. On est à l’opposé d’une attitude «révolutionnaire» comme celle d’un Lénine qui, en 1919, quand la bourgeoisie a prétendu organiser une institution internationale pour la paix (la Société des Nations, à l’époque), l’a dénoncé comme un «repaire de brigands» !
LO joue ici parfaitement son rôle d’extrême gauche du capital. Tout est fait pour bercer d’illusions le prolétariat, pour lui faire croire qu’un capitalisme au visage plus humain est possible. Alors que le capitalisme est le seul responsable de l’horreur qui s’est abattue sur l’Asie du Sud, alors que ce drame est une nouvelle démonstration de la nature barbare et meurtrière de ce système d’exploitation, LO ajoute ici sa petite pierre au battage général de la bourgeoisie pour entretenir chez les ouvriers un sentiment d’impuissance. Le capitalisme n’y est pour rien. La classe ouvrière n’a plus qu’à mettre la main à la poche et soutenir ainsi son pire ennemi, l’Etat capitaliste et ses ONG.
Ride
1 Editoriaux du 31 décembre 2004 et du 7 janvier 2005.
2 Lire notre article ‘C’est le capitalisme qui est responsable de la catastrophe sociale’.
Samedi 18 décembre 2004, deux soignantes de l'hôpital psychiatrique de Pau étaient retrouvées atrocement assassinées sur leur lieu de travail. C'est à juste titre que cet événement a créé une grande émotion dans le milieu hospitalier comme dans l'ensemble de la population. Ce drame a en effet une fois de plus mis à nu la réalité catastrophique des conditions de travail et du manque d'effectif des hôpitaux psychiatriques et plus largement des hôpitaux généraux. Récemment, la découverte d'un probable assassinat de malade à l'hôpital Georges Pompidou de Paris où le meurtre d'un patient par un autre dans un hôpital psychiatrique du Nord de la France sont venus remettre en avant cette question de plus en plus récurrente de la violence et de l'insécurité dans les établissements hospitaliers.
Evidemment, le ministre de la santé, le "bon" Dr Douste-Blazy, s'est précipité à Pau pour assurer le personnel de sa peine en réclamant énergiquement un "moratoire immédiat sur la fermeture des lits en hôpital psychiatrique". Le tout étayé de la promesse du déblocage pour la mi-février 2005 de 200 millions d'euros pour le secteur de la santé mentale, ce "parent pauvre" de la santé publique.
Ces mesures ne semblent de prime abord n'être qu'un cautère sur une jambe de bois ; les 200 millions d'euros débloqués ne représentent en effet rien au regard des exigences en terme de personnel. Il ne s'agit en effet pas d'une augmentation du budget mais d'un fond momentané.
L'essentiel n'est cependant pas là. Car il est clair que, derrière leurs larmes de crocodile, le ministre de la santé et le gouvernement n'ont pas seulement proposé des mesures de poudre aux yeux mais se sont, en réalité, servis avec le pire cynisme du meurtre des deux soignantes de Pau pour avancer la mise en place d'une exploitation aggravée des soignants en psychiatrie. Le fameux "moratoire", c'est-à-dire le gel de la fermeture des lits en psychiatrie, sans personnel supplémentaire ce qui est certain, signifie clairement la continuation des mêmes conditions de travail, dans une situation sociale où le nombre de gens atteints de troubles psychologiques graves augmente à vitesse grand V.
Mais c'est aussi la proposition d'ouvrir les centres médico-psychologiques jusqu'à 20h et le week-end qui est une véritable crapulerie. Le personnel de ces centres qui accueille ou visite des patients, souvent en crise, est encore moins nombreux que celui du personnel des hôpitaux donc encore plus exposé, car de surcroît isolé dans les communes. Ce qui signifie le mettre potentiellement encore plus en danger sans aucunement régler le problème de la surveillance des personnes potentiellement dangereuses dans ou hors de l'hôpital.
Douste-Blazy, qui a fait le serment d'Hippocrate, a d'autres réponses, d'une efficacité redoutable. D'abord, embaucher, non pas des infirmières, mais… des vigiles "formés au milieu hospitalier", autrement dit des matons pour aliénés ! Il y a mieux encore : relier les lieux de soins en psychiatrie directement avec les commissariats. C'est pour cela que de Villepin l'a accompagné dans sa tournée des popotes. C'est sûr, les malades seront bien soignés ! Et le personnel sous surveillance.
Voilà ce que nous propose la bourgeoisie et ses représentants devant les expressions les plus criantes de la décomposition du système capitaliste, comme la montée de la violence des rapports humains ou l'augmentation des décès au travail : le renforcement de l'exploitation et la matraque.
Mulan (26 janvier)En réponse à la menace de réductions massives d’emplois et de fermetures d’usines par General Motors, une grève de six jours a eu lieu à Bochum chez Opel. Cette grève spontanée, non officielle, a été la plus longue et la plus significative en Allemagne depuis les grandes grèves sauvages de la fin des années 1960 et du début des années 1970.
Pendant presque toute une semaine, la population ouvrière, pas seulement en Allemagne, a suivi avec attention et une grande sympathie les événements à Bochum. Dans les autres usines de General Motors (GM) en Europe aussi, les ouvriers ont exprimé ouvertement qu’ils admiraient et s’identifiaient aux prolétaires de Bochum pour leur courage et leur combativité. Par exemple, pendant la "journée d’action" organisée par les syndicats le 19 octobre, de courts arrêts de travail ont eu lieu. L’importance des germes de solidarité, qui ont été activés par cette lutte ouvrière, peut se mesurer au fait que les employeurs, tant que la grève se développait, n’ont pas osé prendre des mesures légales contre les grévistes, bien que normalement – précisément en Allemagne démocratique – il y ait une répression particulièrement rigoureuse contre toute lutte ouvrière se déroulant en dehors du cadre syndical des négociations officielles. Les patrons ont bien sûr utilisé les menaces habituelles, dénigré les "meneurs", répandu des rumeurs à propos de voitures et de machines cassées et menacé d’appeler la police si la grève ne cessait pas immédiatement.
Bien que le syndicat IG Metal et le conseil d’usine (1) d’Opel-Bochum aient justifié la fin de la grève au moyen de l’argument selon lequel les ouvriers auraient obligé les employeurs à revenir à la table des négociations et à offrir des garanties de non-fermeture des usines, la principale revendication des grévistes – qu’il n’y ait pas de licenciements – n’a pas été satisfaite. L’aspect significatif de cette grève réside néanmoins avant tout dans le fait qu’elle a démontré la capacité de la classe ouvrière d’agir en tant que force indépendante de la société actuelle. Ce n’est pas par hasard que le conflit à Opel ait donné lieu à un débat dans les médias de la bourgeoisie entre d’un côté les sociologues, qui parlent d’un "retour de la lutte de classe, au sens marxiste du terme" et, de l’autre côté, les idéologues des mouvements de "mondialisation alternative" et de "lutte contre le travail", qui ont depuis longtemps déclaré la lutte ouvrière morte et enterrée. De telles discussions servent d’un côté à semer la confusion chez les ouvriers, quand des théoriciens petit-bourgeois comme Robert Kurz du groupe "Krisis" se voient donner l’occasion de déclarer à la Télévision que la lutte à Opel est supposée avoir été la confirmation du fait que la lutte ouvrière a été remplacée par un combat interclassiste pour le "droit à la paresse". Mais elles servent aussi à préparer la classe dominante dans son ensemble à réaliser que l’époque (surtout après 1989) où il était possible, de façon plus ou moins crédible, de nier la réalité de la lutte de classe, touche à sa fin. L’antagonisme qui s’approfondit entre les riches et les pauvres, entre le capital et le travail salarié mais, par-dessus tout, la résistance des travailleurs attaqués a mis en marche le processus de reconquête de son identité de classe par le prolétariat, laquelle, à son tour, constitue une des principales conditions d’une lutte défensive plus puissante et plus consciente de la classe ouvrière.
Comme toute grève ouvrière significative, la grève à Bochum n’a pas été un coup de tonnerre dans un ciel serein. De telles luttes sont toujours des moments d’une série de combats ouvriers à l’échelle internationale. Aujourd’hui, le prolétariat commence à lutter contre les attaques de ses conditions de vie résultant de l’approfondissement de la crise économique. Ce renouveau des luttes défensives a trouvé sa première expression au printemps 2003 avec les grèves et les manifestations dans le secteur public en France et en Autriche contre la "réforme de la retraite", qui ont vu leur prolongement en Italie dans les manifestations contre la baisse des retraites, contre les licenciements à Fiat ou dans les grèves dans les transports publics ; en Grande Bretagne chez les pompiers et les ouvriers de la poste pendant l’hiver 2003 ; aux Etats-Unis, contre les réductions massives au niveau de la santé et des retraites, etc. De plus en plus, les travailleurs de tous les pays sont confrontés à l’allongement du temps de travail, ce qui a pour conséquence une détérioration de la force de travail et de la santé des ouvriers en même temps qu’une diminution dramatique des salaires et le plongeon des chômeurs et des retraités dans la plus amère des pauvretés.
Ce qui caractérise la situation actuelle, c’est le rôle central joué par le chômage. Les licenciements massifs et les fermetures d’usine se multiplient alors que les attaques contre les chômeurs ne cessent pas pour autant. Le chantage ouvert, au travers de menace de fermetures ou de délocalisations, est utilisé sans vergogne pour obtenir des réductions de salaire, plus d’heures travaillées et une flexibilité toujours plus grande. Dans ce processus, dresser les uns contre les autres les employés de différentes usines est une politique qui s’impose à la bourgeoisie dans tous les pays.
La classe ouvrière répond déjà à ces menaces par des luttes. Le 2 octobre 2004, en Hollande et en Allemagne, des manifestations simultanées de 200 000 personnes à Amsterdam et de 45 000 à Berlin ont eu lieu contre les attaques de l’Etat lancées contre les chômeurs. En septembre 2004, des ouvriers des chantiers navals à Puerto Reale et à San Fernando en Andalousie (Espagne) ont fait grève et ont manifesté contre les licenciements massifs.
Ce qui est typique de ces luttes, c’est qu’elles sont préparées par d’autres luttes, moins significatives, dans le même secteur ou dans un autre, et qu’à leur tour elles en préparent de futures. Ainsi, il y avait déjà eu des arrêts de travail il y a quatre ans chez Opel à Bochum en réponse à la menace de réductions d’emplois suivis, au printemps 2004, d’un arrêt de travail sauvage à l’usine automobile Ford à Cologne. Il y a cependant un aspect commun à la grève actuelle à Bochum et aux luttes revendicatives qui se sont déroulées il y a trois mois à Mercedes. Les ouvriers y avaient mis en pratique la leçon selon laquelle on ne peut pas, et on ne doit pas, accepter le chantage de la bourgeoisie sans mener de combat. Grâce à un réveil de la solidarité de classe, les ouvriers ont ainsi contré les tentatives des patrons d’opposer les employés des différentes usines les uns contre les autres. En ce sens, les ouvriers d’Opel-Bochum ont repris la flamme de la courageuse lutte de leurs collègues de Mercedes.
Bien sûr, les syndicalistes radicaux ont essayé d’expliquer la reprise du travail à Bochum au bout de six jours (sans que les principales revendications des ouvriers aient été satisfaites), par la manœuvre de la direction de IG Metall et du conseil d’usine le 20 octobre. Celle-ci a constitué à faire voter les ouvriers sur l’ouverture de négociations conditionnée par la reprise du travail. Elle est aussi un exemple typique de manœuvre syndicale contre les ouvriers où la poursuite sans fin d’une grève déjà isolée est présentée comme la seule alternative à l’arrêt de la lutte. De fait, les questions décisives pour la lutte se sont trouvées passées à la trappe :
- Comment faire pour que les revendications ouvrières soient le plus efficace possible ?
- Qui négocie, les syndicats et le conseil d’usine ou les délégués choisis par une assemblée générale ?
Les syndicalistes radicaux, en prenant parti pour une grève longue et isolée, n’ont pas fait autre chose que de soutenir l’une des options de la fausse alternative de la direction. Quand l’annonce des réductions d’emplois programmées en Europe a été faite, les ouvriers de TOUTES les usines Opel ont réagi avec indignation par des arrêts de travail. Exactement comme chez Mercedes pendant l’été, quand des grèves ont eu lieu simultanément à Sindelfinden (Stuttgart) et à Brème, démontrant ainsi que les forces ouvrières des différentes usines étaient déterminées à ne pas se laisser monter les unes contre les autres. Ici aussi, les ouvriers des usines principalement ciblées, Bochum et Rüsselsheim (chacune menacée d’environ 5000 licenciements), ont réagi ensemble. L’IG Metall et le conseil d’usine à Bochum n’ont même pas essayé de casser cet élan de combativité initial. Mais tout a été fait pour imposer une reprise rapide du travail à Rüsselsheim. C’est un fait qui a été systématiquement ignoré par les médias capitalistes de gauche. Même s’ils le mentionnaient, c’était de façon à donner l’impression que les travailleurs de Rüsselsheim étaient la cause de cette division.
La reprise rapide du travail dans l’usine "mère" d’Opel près de Francfort (Rüsselsheim) a été vécue par les ouvriers de Bochum, qui restaient en grève, comme une désolidarisation. Aussi, dès le deuxième jour du mouvement à Opel, on sentait déjà s’enfoncer le coin de la division, ce contre quoi les ouvriers de Mercedes avaient été capables de se prémunir.
Comment l’expliquer ? Quelques semaines avant les annonces de suppression de 12 000 emplois en Europe, GM avait fait savoir qu’une seule usine subsisterai en Europe, soit à Rüsselsheim, soit à Trollhätan en Suède. Pendant les premiers jours de la grève, déjà, le conseil d’usine et l’IG Metall (IGM) à Rüsselsheim n’ont laissé planer aucun doute sur le fait qu’ils ne toléreraient pas d’autre action de solidarité avec les ouvriers de Bochum, parce que cela pouvait amener l’usine en Hesse à perdre face à son "rival suédois". Le syndicat, le conseil d’usine et le SPD ont appelé à des manifestations séparées des différentes usines le 19 octobre alors qu’ils auraient pu facilement organiser une action commune. Mais à l’inverse, les ouvriers de Bochum et de Rüsselsheim ont constamment été éloignés les uns des autres, de façon à ce que jamais l’occasion de se rencontrer et de discuter de leurs intérêts communs ne soit possible. Les saboteurs de la lutte n’ont même pas permis à une petite délégation d’aller de Rüsselsheim à Bochum, et inversement, pour porter leurs témoignages de solidarité. Au contraire, le conseil d’usine de Rüsselsheim a mis en garde contre "les têtes brûlées" de la Rhur, alors que leurs compères à Bochum faisaient sans arrêt des remarques sarcastiques sur la solidarité de leurs "chers collègues" de Rüsselsheim. Pour avoir une idée de toute l’ampleur de l’hypocrisie des syndicats pendant la "journée de solidarité dans toute l’Europe", il suffit de mentionner comment les syndicats suédois, dans une assemblée ouvrière, après le rapide et habituel blabla sur leur solidarité avec les ouvriers d’Opel, se sont empressés d’annoncer triomphalement que le Premier ministre suédois Persson avait promis de s’engager personnellement pour que la production reste en Suède, c’est à dire que le site de Rüsselsheim soit liquidé.
Qu’en était-il à Bochum où la grève continuait ? Là, les représentants officiels de l’IGM et le conseil d’usine avaient fait tellement profil bas au début de la grève qu’une partie des medias les accusaient d’avoir perdu le contrôle de la situation. D’autres critiquaient le fait que ces responsables aient laissé le champ libre aux syndicalistes radicaux. Juste quelques jours plus tard, les syndicats allaient démontrer comment en réalité ils avaient peu perdu le contrôle, en mettant fin relativement facilement à la grève. Mais il est vrai que, pendant les premiers jours, les leaders syndicaux avaient vraiment laissé le terrain aux "radicaux". Dès qu’il est apparu clairement que les gens de Bochum restaient isolés dans leur grève, ces pseudo-radicaux, en tant que représentants les plus conséquents de l’idéologie syndicale, ont commencé à faire campagne pour "une grève longue, qui résiste jusqu’au bout". Il y a un siècle, quand les travailleurs en lutte se battaient principalement contre des capitalistes individuels, ils pouvaient réellement imposer leurs intérêts en faisant leur propre grève. Mais, depuis que ces entreprises familiales sont devenues des consortiums géants, qui sont liés au niveau national à d’autres et entreprises et à l’Etat, les ouvriers doivent se battre en tant que classe, c’est-à-dire qu’ils doivent étendre et unifier leurs luttes de façon à être capables d’opposer une résistance efficace. Aujourd’hui, et déjà au 20e siècle, l’idéologie syndicale des luttes séparées, isolées, est devenue un point de vue bourgeois, une recette pour battre les ouvriers. Chez Opel à Bochum, cela s’est avéré encore une fois être un moyen de diviser les ouvriers. Alors qu’une majorité – pressentant déjà l’impasse dans laquelle les menait une grève isolée – allait voter la reprise du travail, une minorité combative, dans sa rage, voulait continuer quelles que soient les conséquences. Quelques-uns parmi eux accusaient même la majorité d’avoir trahi la cause commune. A ce moment là, la division s’installait, pas seulement entre Bochum et Rüsselsheim, mais aussi au sein des ouvriers de Bochum. Par la suite, les représentants de la "grève jusqu’au bout" - par exemple les tenants du MLPD stalinien – ont affirmé que si la grève avait duré quelques jours de plus, les capitalistes auraient été obligés de capituler. Mais, de plus, l’enjeu de la lutte va bien au-delà que le simple blocage de la production. Il s’agit avant tout de faire pencher le rapport de force entre les classes en faveur du prolétariat, grâce à l’extension et à l’unification des luttes ouvrières.
Il n’en est pas moins vrai qu’après une semaine, la bourgeoisie avait hâte de mettre fin à la grève à Bochum. Pas parce qu’il y aurait eu une menace quelconque d’effondrement de la production mondiale de GM. Nous touchons là le cœur du problème. La grève à Bochum a réellement eu un impact sur la bourgeoisie et a rendu nerveux les défenseurs du système. Mais cela pas à cause des conséquences éventuelles pour la production, mais bien pour les conséquences possibles de cette lutte sur les autres travailleurs, sur le développement de la conscience de classe dans son ensemble. Ce dont ils avaient peur, d’abord, ce n’était même pas de l’extension de la lutte immédiate à d’autres parties de la classe, la situation, la combativité générale et surtout le niveau de conscience n’étant pas encore assez mûrs pour cela. Ce qui leur causait le plus de souci, c’était les manifestations de combativité ouvrière dans le contexte d’une simultanéité de plus en plus grande des attaques contre tous les ouvriers. Ce que redoutait la classe dominante était que la classe, stimulée par la lutte d’Opel, reconnaisse lentement mais sûrement que les travailleurs des différentes entreprises, branches ou régions, ont des intérêts communs, et ont besoin d’une solidarité vivante.
La lutte à Opel a déjà mis les ouvriers devant un défi plus grand qu’à Mercedes. Ainsi, à Opel, la possibilité de chantage était beaucoup plus importante, y compris la possibilité de fermeture complète de l’usine. Les travailleurs ont relevé ce défi, au moins à Bochum, avec une combativité plus grande. Mais il n’y a pas encore eu de développement conséquent du niveau de la conscience de classe. Ce n’est pas surprenant. Ce à quoi la classe aujourd’hui est de plus en plus confrontée, c’est à la banqueroute de plus en plus visible de la société tout entière, celle du capitalisme. Il est évident que le prolétariat aura à faire tentatives sur tentatives, avant même de commencer à avoir un aperçu de toute l’ampleur du problème et qu’il reculera de façon répétitive devant l’immensité de la tâche. C’est le rôle des révolutionnaires aujourd’hui de soutenir les travailleurs dans cette lutte pour acquérir leur propre perspective de classe. C’est pourquoi le CCI a distribué un tract pendant la journée d’action à Bochum et Rüsselsheim, qui ne se contentait pas d’appeler les ouvriers à lutter mais essayait de stimuler la réflexion politique dans la classe.
D’après Weltrevolution 127 (19.11.2004)
(1) "Betriebsrat": structure légale de cogestion des entreprises qui englobe le patronat et le syndicat de branche.
L’élection de Mahmoud Abbas, début janvier, à la présidence de l’autorité palestinienne a été saluée par l’ensemble de la bourgeoisie, au niveau international, comme un nouvel espoir, comme une nouvelle chance pour relancer les négociations de paix avec Israël. George Bush a même présenté ces élections "largement libres et honnêtes" comme une "nouvelle preuve que les peuples du Moyen-orient veulent la démocratie". Pour cacher ses velléités guerrières, la classe bourgeoise est prête à n’importe quel mensonge d’un cynisme sans limites. Pour les besoins de sa propagande "pacifiste", le nouveau chef palestinien devient un interlocuteur privilégié car il aurait une politique modérée, alors que ce n’est qu’un vulgaire chef de guerre, fidèle lieutenant des basses œuvres de Arafat, connu aussi sous le nom de guerre de Abou Ammar. Quant à l’enthousiasme de la population pour le scrutin électoral et la démocratie, ce ne sont encore que des mensonges !
Malgré la coopération entre gouvernements palestinien et israélien, l’aide des Etats-Unis et d’observateurs de l’ONU pour ramener la population vers les urnes, le cirque électoral n’a pas connu un réel succès. Mahmoud Abbas a été élu avec 62% des voix, "soit 30% des palestiniens résidant dans les territoires et seulement 15% de l’ensemble des Palestiniens en âge de voter (y compris les réfugiés et les expatriés). Sa majorité "locale" de 62, 32% est donc toute relative !" (revue Jeune Afrique du 15/01/05).
Si l’appel au boycott de la consultation par les islamistes du Hamas et du Djihad a eu un certain impact, la faible participation illustre surtout le désespoir, le désarroi d’une population décimée, endeuillée, terrorisée par les bombardements, par les massacres, par le lourd tribut payé quotidiennement à l’Intifada et qui ne croit plus aux discours de paix et aux promesses de meilleures conditions de vie de ses dirigeants, tous aussi corrompus les uns que les autres. Pour le prolétariat et la population palestinienne, otages de l’OLP dans sa guerre nationaliste contre l’Etat d’Israël, la misère ne cesse de s’aggraver. Alors que 130 000 palestiniens travaillaient en 2000, en Israël, ils ne sont plus que 40 000 depuis 2002. La moitié de la population vit désormais avec moins de deux dollars par jour. Au sud de la bande de Gaza, la malnutrition a même fait son apparition. Voilà la réalité épouvantable de la défense chauvine de la "cause palestinienne" !
Quant aux déclarations optimistes et rassurantes sur la possibilité de nouvelles négociations, c’est du même acabit que les discours de paix que les différents protagonistes nous servent depuis plusieurs dizaines d’années. Certes, cela arrangerait bien la bourgeoisie américaine embourbée en Irak qu’une accalmie ait lieu, de même les Européens qui cherchent à reprendre de l’influence au Moyen-Orient, mais le fragile cessez-le-feu israëlo-palestinien n’est que le prélude à de nouveaux affrontements et massacres. La nouvelle équipe Sharon, alliée à la gauche travailliste maintient la même politique qui est d’accélérer le retrait des forces israéliennes de la bande de Gaza pour mieux encercler la Cisjordanie et l’isoler totalement à travers la poursuite de la construction du mur autour d’elle. Pour enlever toute légitimité à la demande de l’autorité palestinienne d’avoir Jérusalem-est pour capitale d’un Etat palestinien, Israël a réactivé discrètement un texte de loi de confiscation des biens palestiniens sans avoir à offrir le moindre dédommagement qui date de 1950. Ce texte pourrait permettre au gouvernement de s’accaparer la moitié des propriétés de Jérusalem-Est qui appartiennent aux palestiniens. Cette politique du pire ne peut que faire exploser à court terme, la fragile unité des gangsters palestiniens et engendrer une recrudescence d’attentats suicides toujours plus meurtriers pour la population israélienne et en retour une répression sanglante de la population palestinienne par le clan Sharon/Perés.
Alors que les attentats meurtriers succèdent à des attentats toujours plus sanglants, les médias et les grandes puissances présentent les élections du 30 janvier en Irak comme un événement historique car cela fait plus de 50 ans qu’un tel processus démocratique n’a pas eu lieu. Autrement dit, si on arrivait à empêcher les actes terroristes, notamment de la nébuleuse Al-Qaida, personnifiée en Irak, par le jordanien Al-Zarkaoui, tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes. La réalité est tout autre ! les attentats terroristes sont directement le produit de la 2e guerre du Golfe, de l’offensive américaine dans cette région du monde qui a conduit à l’implosion de l’Irak et à ouvrir la boîte de pandore des affrontements entre cliques Islamistes, Chiites, Sunnites et Kurdes. De façon plus générale, l’Irak constitue, aujourd’hui, le point névralgique des rivalités entre puissances capitalistes, en compétition pour la défense de leur rang impérialiste dans le monde. Alors que l’armée américaine s’enlise, et commet des massacres et des bombardements systématiques des villes contrôlées par les rebelles, le chaos n’a de cesse de se développer dans l’ensemble du pays, y compris dans les zones sécurisées par les américains et leurs alliés. De fait, l’inquiétude gagne et à plusieurs reprises la question du report des élections a été posée. Mais les Etats-Unis ne peuvent se permettre de reculer. Même dans un climat de guerre, il faut que la consultation électorale ait lieu car il y va de leur crédibilité politique, d’autant plus que la justification de leur intervention militaire, à savoir les armes de destruction massives vient d’être passablement écornée. Il est reconnu officiellement qu’elles n’existaient pas. C’est pour cela que ces élections vont avoir lieu sous haute surveillance. C’est une militarisation électorale qui s’organise. Des centaines de milliers de soldats américains et anglais vont surveiller les 7000 bureaux de vote, soutenus par 100 000 agents de l’ordre irakien, avec couvre-feu, routes barrées, frontières fermées et les noms des candidats, publiés seulement cinq jours avant l'échéance. Certes, les élections vont avoir lieu et après ? Le risque d’un chaos à l’échelle du pays, avec des répercussions sur les pays voisins est réel, notamment pour la Turquie et l’Iran. Alors que les sunnites appellent au boycott des élections, que les chiites sont divisés entre pro et anti-iraniens, il existe de "nouveaux problèmes en perspective : les kurdes veulent à tout prix inclure la région de Kirkouk et ses immenses richesses pétrolières dans leur zone autonome, ce que ni les sunnites ni les chiites ne semblent prêts à accepter. Il y aura des frictions, peut-être des affrontements. L’hypothèse d’un glissement vers une partition du pays- en principe rejetée par les Etats-Unis comme par tous les voisins de l’Irak, voire d’une guerre civile n’est plus exclue"(Le Monde du 5/01).
Alors que de nouveaux massacres sont en préparation derrière les pourparlers de paix en Palestine, et que les élections irakiennes vont "accoucher" d’un nouvel enfoncement dans la barbarie, les Etats-Unis viennent de mettre en tête de la liste des pays potentiellement dangereux, l’Iran, en raison de son programme nucléaire et de son soutien au terrorisme.
Cela signifie que de nouvelles interventions militaires sont à l’ordre du jour. "Quant à l’Iran, pour le moment, il y a incompatibilité entre les positions américaine et européenne. Pour Washington, il est inacceptable que l’Iran devienne une puissance nucléaire, même s’il faut, pour l’empêcher, recourir à la force. Pour les Européens, ce qui est inacceptable, c’est l’usage de la force militaire." (ibid)
Comme pour le conflit irakien et l’ensemble des conflits en cours sur la planète, ces divergences sur l’Iran entre les grandes puissances reflètent les intérêts différents de chacun. Ne nous laissons pas prendre par les discours qui voudraient nous faire croire que certains seraient plus pacifiques que d’autres ! Ce sont tous des brigands impérialistes, dont la préoccupation est la défense de leur nation, de leurs intérêts capitalistes. La stabilité et la paix ne sont pas possibles dans cette société. "Quel que soit le motif idéologique avancé par la bourgeoisie pour affirmer ses prétentions impérialistes, celui-ci n’est toujours qu’un prétexte, la seule explication à l’aggravation des tensions et à la multiplication des conflits étant l’enfoncement irrémédiable du capitalisme dans une crise sans fin. C’est pourquoi la solution à ceux-ci n’est ni l’instauration de la démocratie, ni la recherche de l’indépendance nationale, ni l’abandon par les Etats-Unis en propre de leur volonté hégémonique, ni aucune réforme du capitalisme quelle qu’elle soit, mais bien la destruction de celui-ci à l’échelle mondiale" ( extrait de la Revue Internationale n°120).
Donald (27 janvier)Célébrée en Ukraine et dans les puissances occidentales comme le triomphe de la légalité démocratique parachevant le processus de démocratisation ouvert en 1991 avec le détachement de ce pays de l’URSS, l’élection de Iouchtchenko à la présidence n’ouvre certainement pas la "nouvelle ère" promettant un "avenir radieux aux Ukrainiens et à l’Ukraine."
Dans le contexte désastreux de l’Ukraine qui, depuis l’indépendance en 1991, a perdu plus de 60% de son produit national brut et où le revenu par habitant a chuté de 42%, l’appel du nouveau président à tous les Ukrainiens "à retrousser leurs manches pour servir leur pays" va se répercuter par de nouveaux sacrifices et une plongée encore plus catastrophique dans la misère pour la population dont près de la moitié vit déjà en dessous du seuil de pauvreté. Rien ne différencie Iouchtchenko et Ianoukovitch : "la différence de programme entre les deux protagonistes est minime."1 Tous deux sont issus du sérail stalinien d’avant 1991, l’un et l’autre furent les Premiers Ministres du président Kouchma (Iouchtchenko de 1999 à 2001) et également responsables de nombreuses attaques contre la classe ouvrière.
Le prolétariat n’a rien à gagner à ce soi-disant avènement de la démocratie. Pour lui, et comme partout dans le monde, les élections capitalistes, "truquées" ou tenues selon les "standards occidentaux", ne sont toujours que tromperie. C’est toujours la bourgeoisie qui les gagne ; pour la classe ouvrière, elles ne peuvent que signifier soumission aux intérêts du capital, renforcement de son exploitation, paupérisation accrue et guerre impérialiste.
Le soutien apporté "au processus de démocratisation" en Ukraine n’est en réalité qu’une couverture à l’offensive américaine pour faire basculer l’Ukraine dans leur sphère d’influence et le masque de l’affrontement entre les grandes puissances occidentales pour les dépouilles de l’ex-bloc de l’Est effondré en 1989. Ce gigantesque bouleversement historique a relancé la lutte pour l’hégémonie mondiale et la redistribution des cartes en Europe. La montée en puissance de l’Allemagne qui se pose de plus en plus en rivale des Etats-Unis et la volonté de ces derniers de maintenir à tout prix leur suprématie sur le monde font de l’Europe un enjeu crucial dans les affrontements impérialistes.
"L’élection présidentielle en Ukraine n’a jamais été une affaire intérieure. On a beaucoup parlé de l’intervention des Russes. Mais en 2004, l’Agence américaine pour le développement international (USAID) a consacré 55 millions de dollars au développement de la démocratie en Ukraine. Trente médias d’opposition ont reçu un soutien organisationnel et financier. Dans tout le pays, les Américains ont supervisé, avec l’aide d’associations locales, la formation d’assistants et d’observateurs électoraux. Le secrétariat d’Etat a versé 10 millions de dollars supplémentaires en tant qu’aide directe au processus électoral. Les deux grands partis américains se sont engagés et ont envoyé des consultants sur place. (…) Ce n’est pas par idéalisme que les Etats-Unis mènent ce combat. Washington veut voir dans les Ukrainiens de "nouveaux Européens", susceptibles de servir l’OTAN et d’affaiblir l’UE. Dans le cadre de la stratégie de sécurité nationale américaine, tout doit être fait pour empêcher l’émergence de rivaux régionaux."2
Il n’est pas surprenant de voir dénoncer en Allemagne le rôle des Etats-Unis qui viennent de lui souffler la proie qu’elle aussi convoite !
Par leur mainmise impérialiste sur l’Ukraine, les Etats-Unis concrétisent un objectif formulé dès les années 1990, lorsqu’ils ambitionnaient déjà qu’"entre 2005 et 2010, l’Ukraine [devait] être prête à des discussions sérieuses avec l’OTAN", affectant à ce pays un futur rôle clé au sein du "noyau principal de sécurité en Europe", après 2010, ceci dans le cadre de leur stratégie de renforcer "la tête de pont américaine sur le continent eurasien."3 Les Etats-Unis visent à "empêcher toute puissance potentiellement hostile de dominer l’Europe."4 Ils encerclent l’Allemagne réunifiée qui espère tirer avantage de la situation historique inaugurée en 1989 pour postuler à la direction d’un nouveau bloc dirigé contre eux en cherchant à "combler le vide stratégique de l’Europe centrale"5 et en bloquant les tentatives de l’Allemagne d’accroître son influence dans l’est européen.
Les Etats-Unis prennent un coup d’avance sur l’Allemagne en prépositionnant leurs hommes liges sur les terres qui constituent la zone d’expansion de l’impérialisme allemand. Cependant il est complètement impossible pour Berlin de s’accommoder de la présence américaine, obstacle au développement de son "espace vital" et d’accepter de se voir ceinturée sur ses frontières par un carcan de nations qui ne lui sont pas favorables : l’Allemagne ne peut que tout entreprendre pour faire sauter ce verrou que veulent lui imposer les Etats-Unis, comme elle l’a fait dans les années 1990 face au verrou serbe dans les Balkans, provoquant le retour de la guerre sur le continent européen pour la première fois depuis 1945.
D’autre part, en dérobant l’Ukraine à la Russie, les Etats-Unis la ravalent brutalement au rang de puissance secondaire.
Ayant subi un recul marqué de son influence depuis quinze ans avec l’adhésion de ses ex-satellites à l’OTAN et l’installation de troupes américaines dans plusieurs pays d’Asie centrale, la Russie avait misé gros sur les élections en Ukraine pour que ce pays ne soit pas le prochain à lui tourner le dos. Pour elle, perdre toute influence sur l’Ukraine, zone stratégique de première importance (à la fois accès maritime à la Méditerranée et lieu de stationnement de sa flotte), signifie la fin de ses rêves de grande puissance. Autant dire qu’il lui est impossible d’accepter de se laisser refouler dans les limites de la Russie du 18e siècle sans réagir de toutes ses forces.
Les déclarations du président russe appelant l’Ukraine "au pragmatisme dans ses relations avec la Russie" ainsi que celles du ministre des affaires étrangères Lavrov reconnaissant "le droit de chaque Etat – y compris nos voisins – à choisir eux-mêmes leurs partenaires, à décider à quelle organisation ils veulent adhérer" ne mènent pas à un apaisement. Bien au contraire. Encaissant un échec cuisant en première manche, la Russie, en se déclarant "prête à coopérer avec la nouvelle direction de l’Ukraine", ne fait que changer son fusil d’épaule dans cette partie de bras de fer. Par la politique de l’étreinte du serpent, elle exerce une pression maximale sur l’Ukraine afin de ne lui laisser aucune marge de manœuvre.
Ainsi, la "victoire orange" augure de sérieuses convulsions, tant sont vives les tensions entre les différents gangs mafieux qui forment la classe dominante ukrainienne, eux-mêmes divisés sur le choix de l’alignement impérialiste. D’abord, parce qu’en échange du troisième tour, Iouchtchenko a accepté une réforme constitutionnelle qui privera la présidence, d’ici à la fin 2005, de l’essentiel de ses prérogatives en ce qui concerne la nomination du gouvernement.
Le clan Ianoukovitch, qui truste les médias d’Etat et détient le pouvoir économique, refuse de se laisser évincer. Non seulement il multiplie les recours pour retarder l’investiture du nouveau président et tenter d’invalider les élections, mais promettant une "opposition dure", s’emploie à enclencher une dynamique "anti-orange" et menace de faire déferler les manifestations de ses partisans sur Kiev. Les tendances à la dislocation de l’Ukraine, incarnées par les menaces séparatistes de la part des responsables politiques des régions russophones, constituent un puissant moyen de chantage au service du Kremlin. Un référendum sur l’autonomie sonnerait en effet le glas de l’actuel Etat ukrainien.
D’autre part, Moscou prend appui sur les "capitaux russes qui se sont récemment emparés de pans importants de l’économie ukrainienne" pour tenter de s’imposer à nouveau.
Pour l’Ukraine, dépendante à 85% des importations pour son énergie, l’interruption, début janvier, par le Turkménistan prorusse des livraisons de gaz sous prétexte de désaccords sur les tarifs, constitue tout autant un rappel de Moscou que sur ce plan elle est soumise à son bon vouloir et un sérieux avertissement.
Pour bien signifier la fin du protectorat russe, Iouchtchenko invite à Kiev le président géorgien Saakachvili, héros de la "révolution des roses" détesté par Moscou pour avoir fait basculer son pays dans le giron de Washington. Néanmoins, la pression de la Russie l’oblige à la plus prudente circonspection dans l’affirmation de ses orientations impérialistes. Réaffirmant que "l’Ukraine a des intérêts stratégiques tant à l’Est qu’à l’Ouest. Ce n’est pas ou l’Est ou l’Ouest, mais et l’Est et l’Ouest, les deux options sont liées"6 Iouchtchenko a du donner des gages à Moscou en s’engageant à retirer les 1600 soldats ukrainiens d’Irak et à respecter l’accord quadripartite de coopération économique avec la Russie, la Biélorussie et le Kazakhstan, qu’il disait vouloir remettre en cause.
La gifle magistrale administrée par les Etats-Unis à la Russie ne peut que conduire au développement de l’instabilité directement sur le territoire russe, instabilité qui à son tour, ne peut qu’aiguiser les appétits impérialistes des puissances voisines telles que l’Iran et la Turquie. La clique Poutine aux abois, fortement ébranlée par le fiasco ukrainien dans la légitimité qui fonde son pouvoir, (la reconquête de son "étranger proche"), prise sous la menace de voir se répéter le même scénario dans tous les pays de la CEI et en Russie même, ne peut qu’être conduite, si elle sent son influence sur l’Ukraine lui échapper complètement, à jouer son va-tout par tous les moyens à sa disposition.
Bloquées à l’Ouest par l'existence de puissances impossibles actuellement à soumettre, les tentatives de l’impérialisme allemand pour acquérir une stature mondiale passent par son affirmation hégémonique en Europe de l’est. Or, la "poussée vers l’est" de l’Allemagne ne peut que la conduire à contester aussi bien l’influence russe que la présence américaine en Ukraine.
L'affrontement entre les différents impérialismes, en Ukraine dont les protagonistes disposent de l’arme atomique, transforme cette région en véritable poudrière aux portes de l’Europe occidentale.
Scott
1 Le Nouvel Observateur, 02.12.04
2 Die Zeit, cité par Courrier International n°736
3 Z. Brzezinski, Le Grand échiquier, 1997
4 H. Kissinger, La Nouvelle Puissance américaine
5 idem
6 Libération du 3.12.04
Depuis l'été 2003 (voir Révolution Internationale n° 338, septembre 2003), nous interdisons l'accès de nos réunions publiques et de nos permanences aux membres de la prétendue "Fraction interne du CCI" (FICCI). Cette décision faisait suite au comportement de mouchard adopté par ce groupuscule, composé de quelques anciens membres du CCI que nous avons exclus de notre organisation lors de son 15e congrès (voir Révolution Internationale n° 335, mai 2003). Pour faire respecter cette décision, nous disposons devant le lieu de nos réunions publiques un "piquet anti-mouchards" auquel les éléments de la FICCI adressent insultes et quolibets. En même temps, ils essaient de dissuader nos contacts et sympathisants de participer à nos réunions en dénigrant systématiquement notre organisation dans des tracts truffés de calomnies et en leur disant "méfiez-vous, ce sont des staliniens". Cependant, lors de notre réunion publique du 22 janvier à Paris, un des membres de cette camarilla a franchi un pas de plus dans l'ignominie. En guise "d'argument", l'élément qui se fait appeler "Pédoncule" a dit à un de nos camarades qu'il allait lui "trancher la gorge". Notre camarade a alors interpellé les personnes présentes pour les prendre à témoin de la menace proférée par cet élément. Celui-ci a alors essayé de faire croire que c'est notre camarade qui avait fait une telle menace à son encontre mais d'autres personnes présentes sont intervenues pour lui signifier qu'elles l'avaient entendu et lui faire ravaler son mensonge. Comprenant que son coup avait raté, l'élément Pédoncule n’a pas insisté.
On pourrait évidemment minimiser l'incident en mettant sur le compte de l'excitation les menaces de mort proférées par cet individu. Mais ce serait une erreur :
En premier lieu, parce que c'est très froidement qu'il a proféré sa menace et non sous l'emprise de l'excitation.
En second lieu, parce que les gestes de violence sont coutumiers de cet individu que nous connaissons depuis de longues années. Ainsi, lorsqu'il était membre du CCI (qu'il a quitté au milieu des années 1990), il avait bousculé brutalement une de nos ex-camarades en la projetant contre un mur. Une autre fois, ayant bu plus que de raison, il avait agressé un autre membre de l'organisation et avait tenté de sortir un couteau à cran d'arrêt qu'il portait toujours sur lui. L'organisation avait d'ailleurs été obligée d'exiger de lui qu'il cesse de venir aux réunions avec ce couteau qu'il arborait avec ostentation et qu'il allait même jusqu'à sortir pendant les discussions (en s'en servant comme… cure-ongles).
Par ailleurs, les attitudes de voyou du sieur Pédoncule s'accompagnaient d'une fascination pour les loubards de banlieue qu'il considérait comme l'avant-garde de la révolution parce qu'ils "avaient la haine".
En fait, l'intégration de cet élément par le CCI au cours des années 1970, à une époque où nous étions bien moins rigoureux qu'aujourd'hui, était une véritable "erreur de casting" : non seulement il avait mal assimilé nos positions fondamentales mais il avait une mentalité qui n'a pas sa place dans une organisation communiste. C'est pour cela que lorsqu'il a démissionné du CCI, après que l'ensemble des militants aient découvert les magouilles qu'il avait faites dans leur dos, nous n'avons pas essayé de le retenir. Depuis cette date, il avait développé une véritable haine contre notre organisation et c'est tout naturellement qu'il est entré à la FICCI dont la seule raison d'exister est de tenter de discréditer le CCI, faute d'avoir échoué à le détruire.
A ce jour, ce triste sire est la seule recrue qu'ait réussi à faire la FICCI. C'est particulièrement significatif de la véritable nature de cette bande : si elle attire quelqu'un qui voue au CCI une haine mortelle, c'est que la haine du CCI est sa seule véritable passion (et sûrement pas la passion révolutionnaire prolétarienne). Si elle séduit et recrute un individu avec des comportements et une mentalité de loubard, c'est que ses membres, déjà au sein du CCI et par la suite, n'ont cessé de se comporter comme des voyous en pratiquant la calomnie, le mensonge éhonté, le chantage, le vol et, pour couronner le tout, le mouchardage.
Sur la base de l'expérience du mouvement ouvrier, nous avons déjà mis en évidence dans notre presse (voir notamment notre article "Réponse aux calomnies honteuses d'une petite association de malfaiteurs") que les campagnes actuelles de calomnies de la FICCI contre certains militants de notre organisation (qu'on traite de "flic" ou qu'on compare à Staline) étaient le premier pas d'une démarche qui conduira demain à l'assassinat de ces militants si les circonstances s'y prêtent. Pour une fois, nous prenons au sérieux les paroles du sieur Pédoncule : effectivement, cet individu est prêt, s'il est sûr de son impunité, à "trancher la gorge" de nos camarades, selon ses propres dires. Le lumpen auquel il s'identifie, aussi bien par son idéologie que par ses comportements, constitue la principale base de recrutement des corps-francs, ces troupes de choc de la contre-révolution qui ont massacré des milliers d'ouvriers lors de la révolution allemande de 1919 et qui ont assassiné à coups de crosse une des plus belles figures du communisme, Rosa Luxemburg (qui elle aussi avait fait l'objet de dénigrements infâmes au sein du parti social démocrate par ses "camarades" qui plus tard allaient commanditer son exécution).
Face au milieu prolétarien, nous dénonçons ce nouveau pas franchi dans l'infamie par les membres de la FICCI : après le chantage, les calomnies et le vol, voici maintenant les menaces de mort. Ces gens-là n'ont rien à voir avec la classe ouvrière. La classe dont ils se font les serviteurs de plus en plus clairement, est la classe exploiteuse. C'est très clairement qu'ils annoncent aujourd'hui qu'ils sont prêts à lui rendre le service d'assassiner des militants révolutionnaires.
CCI
Encore une fois, un phénomène naturel s’est transformé en une véritable catastrophe sociale.
Le 26 décembre 2004, un raz-de-marée a frappé l’Asie du Sud. Le nombre de morts directement imputables au phénomène dépasse aujourd’hui largement les 300 000. Et maintenant, ce sont les maladies, la malnutrition, l'insalubrité qui vont venir frapper les populations et continuer à semer la mort. Le raz-de-marée n'a pas fini de tuer tant la dévastation des régions touchées est immense et tant le manque de moyens pour enterrer les morts et reconstruire des abris est criant.
Toute cette horreur, les médias l’ont déjà étalée en long, en large et en travers. Mais au-delà du drame, nous devons faire entendre la voix des révolutionnaires au milieu de ce vacarme médiatique. Les révolutionnaires doivent crier haut et fort ce que démontre cette catastrophe :
1. Seule la classe ouvrière est à même d'apporter une véritable solidarité à toutes les victimes du capitalisme,
2. Le capitalisme est un système meurtrier et cynique.
Le capitalisme est le seul responsable de la catastrophe humaine
D’abord, la bourgeoisie tente de se dédouaner, de masquer sa responsabilité directe dans la catastrophe. Elle voudrait nous faire croire que tout ceci était inévitable. La fatalité, la revanche de la ‘mère-nature’, l’imprévisibilité du phénomène, la force des éléments : tout ceci est évoqué pêle-mêle pour nous le démontrer. Rien n’est plus faux !
La nature ne peut pas être condamnée. Car des moyens existent pour prévenir et détecter les raz-de-marée, et des moyens existent pour diminuer les effets de tels phénomènes. Dans la baie de Tokyo, il y a des capteurs qui permettent de détecter la naissance d'ondes de choc provoquant des vagues de 60 centimètres. Dès les premières manifestations de mouvements terrestres, la population est prévenue et les mesures de protection mises en oeuvre. La même chose existe en Californie. Des panneaux d'information sont disséminés sur les plages, des abris sont construits, des sirènes et des haut-parleurs sont maintenus en veille, des exercices d'alerte sont organisés une à deux fois par an dans tous les lieux publics et les écoles.
En Indonésie, à Sumatra, en Thaïlande, en Inde, sur les côtes africaines, rien de tout cela. Les populations et les touristes étaient tellement mal informés du risque que lorsque la mer s'est retirée brutalement quelques minutes avant l'arrivée de la première grande vague, ils se sont massés sur la plage pour observer ce qu'ils pensaient être une marée de coefficient exceptionnel... De même, des techniques existent pour construire des bâtiments résistants aux tremblements de terre et aux chocs latéraux comme ceux d'une vague, ou au moins des bâtiments qui ne s'écroulent pas comme des châteaux de carte. Mais dans les régions touchées par le dernier tsunami, seuls les hôtels les plus récents ont plus ou moins résisté. L'habitat local, lui, est plus souvent fait de murs étroits au béton rare et friable, et de cabanes en bois ou en tôle. Il n'en reste plus rien.
Pourquoi n’y a t-il aucun système d’alerte dans ces régions ? La raison invoquée est que cette zone n'est pas classée comme zone à haut risque. Les grands tremblements de terre y sont rares, les raz-de-marées encore plus. Installer un système sophistiqué comme celui mis en oeuvre au Japon et en Californie coûterait beaucoup trop cher par rapport au risque d'investissement encouru.
C'est la loi du capitalisme. Il n'est pas envisageable d'investir des capitaux de façon non rentable dans la prévention des catastrophes, de dépenser de l'argent là où il ne rapportera pas de profits.
Le capitalisme est aujourd'hui un système social en décomposition. Il est devenu une entrave et une menace pour la survie de l’espèce humaine. Aux explications partielles mais surtout crapuleuses et cyniques de la classe dominante, les révolutionnaires doivent opposer l’analyse du marxisme.
"A mesure que le capitalisme se développe puis pourrit sur pied, il prostitue de plus en plus cette technique qui pourrait être libératrice à ses besoins d’exploitation, de domination, et de pillage impérialiste, au point d’en arriver à lui transmettre sa propre pourriture et à la retourner contre l’espèce (…)Le capitalisme n’est pas innocent non plus des catastrophes dites 'naturelles'. Sans ignorer l’existence de forces de la nature qui échappent à l’action humaine, le marxisme montre que bien des catastrophes ont été indirectement provoquées ou aggravées par des causes sociales (…) Non seulement la civilisation bourgeoise peut provoquer directement ces catastrophes par sa soif de profit et par l’influence prédominante de l’affairisme sur la machine administrative (…) mais elle se révèle incapable d’organiser une protection efficace dans la mesure où la prévention n’est pas une activité rentable". (A. Bordiga, "Espèce humaine et croûte terrestre")
L'hypocrisie et le cynisme de la bourgeoisie mondiale
Et le mépris pour la vie humaine dont a témoigné la bourgeoisie va encore bien plus loin. L'Inde par exemple n'a été touchée que deux à trois heures après Sumatra. Aucune mesure n'avait été prise. Les côtes africaines comme la Somalie, à deux pas d'une base militaire moderne et équipée, celle de l'armée française à Djibouti, avait théoriquement six heures pour se préparer. Rien n'a été fait!
Mais, selon la logique capitaliste, pourquoi mettre autant de moyens pour protéger des côtes africaines et asiatiques principalement occupées par des petits pêcheurs miséreux et par une industrie touristique aux retombées principalement locales et somme toute limitées ?
Faut-il encore insister pour montrer que l'ampleur de la catastrophe n'est pas due à la seule nature ? Dès lors, ce qui est avant tout responsable, c'est la logique capitaliste. C'est le système capitaliste, celui-là même qui sème la mort directement sous les bombes de l'impérialisme, c'est le capitalisme qui ne permet pas que les moyens qui pourtant existent, soient mis en oeuvre pour prévenir de telles horreurs.
Et bien sûr, pour ‘réparer’, la bourgeoisie en appelle au bon cœur de la classe ouvrière, elle multiple les demandes de dons. Voici un nouveau mensonge encore plus écœurant. On nous fait cette promesse de lendemains meilleurs à chaque catastrophe et chaque nouvelle catastrophe est à son tour plus meurtrière.
D'une part, les sommes récoltées ne peuvent permettre, en aucune façon, de soulager la détresse et le désespoir de tous ces hommes, ces femmes et ces enfants qui ont perdu leurs proches dont les corps ne seront jamais retrouvés ou ont été entassés dans l'urgence dans des fosses communes, sans sépulture et qui ne pourront jamais faire le deuil de ces victimes.
L'argent ne peut réparer l'irréparable : il n'a jamais été un remède à la souffrance morale ! Et il n’excuse en rien le comportement meurtrier, que nous venons de décrire, de la bourgeoisie.
D’autre part, la contribution des grandes puissances ressemble plus à une aumône qu'à une véritable aide. Ces promesses atteignent pour l'ensemble des pays contributeurs la somme d’environ 10 milliards de dollars. Cela peut paraître beaucoup, mais ça ne tient pas la comparaison face à d'autres chiffres : par exemple, les Etats-Unis ont d'ores et déjà dépensé pour l'actuelle guerre en Irak 225 milliards de dollars. Le budget français de la défense en 2005 est de 33 milliards d'euros. Il est de 22 milliards en Allemagne, de 38 milliards au Royaume-Uni.
Il est clair que la bourgeoisie rechigne beaucoup moins à ouvrir le porte-monnaie quand il s'agit de défendre ses intérêts impérialistes dans la guerre que lorsqu’il s’agit de venir en aide à une population sinistrée. Elle est aussi plus rapide à intervenir quand la défense de ses intérêts impérialistes est immédiatement en jeu. Il a fallu une semaine pour que les bourgeoisies se décident à envoyer des moyens en Asie. Quand les affrontements ont commencé en Côte d'Ivoire, il n'a fallu que 24 heures à la France pour mettre en place un plan d'intervention. Lorsque le raz-de-marée a frappé en Asie et en Afrique, il n'y avait aucune raison de se précipiter, car il n'y avait rien à y gagner immédiatement à secourir les populations.
C'est pourquoi cette prétendue "aide humanitaire" des Etats, cette fameuse mobilisation mondiale reprise par tous les journaux à longueur de colonnes, tout cela pue l'hypocrisie la plus totale. Par la suite, c'est la course à la générosité qui s'est mise en place qui est devenue un enjeu dans les rivalités impérialistes entre nations. Dans cette course, aux montants dérisoires, chaque Etat profite de toutes les occasions pour mettre des bâtons dans les roues de ses adversaires. C'est à celui qui ira le plus vite. Ce cynisme est résumé dans l'aveu de la porte-parole de la Maison Blanche, C. Rice, qui a déclaré à la télévision: "le tsunami en Asie a été un grand bienfait pour les Etats-Unis car il a permis de démontrer la générosité et la capacité de mobilisation des USA".
Dans ce que nous pourrions appeler la guerre de la générosité, on trouve encore une fois les ONG en première ligne. Déjà, crier si fort que l'on est une organisation non gouvernementale est suspect : cela veut plutôt dire que l'on est le bras du gouvernement. Il suffit pour s'en convaincre de voir la pagaille sur le lieu même du drame : chaque télévision nationale nous fait la promotion de telle ou telle ONG qui, en fonction de son pays d’origine, est chargée de défendre les intérêts concurrents de tel ou tel gouvernement, au détriment et contre les autres ONG. Ainsi, la solidarité dans la bouche de la bourgeoisie se transforme en chauvinisme. Le résultat est éloquent : au lieu d'organiser des secours et des aides efficaces, les ONG se précipitent sur les lieux les plus médiatisés ou les plus stratégiquement importants : on a vu ainsi jusqu'à cinquante organisations présentes à un même endroit, et chacune défend sa chapelle : les catholiques, les bouddhistes, les musulmans, les Français, les Américains, les Anglais, etc. Chacun se bat pour ses intérêts plus que pour celui des populations. Au final, c'est la désorganisation totale, des convois inadaptés qui ne peuvent emprunter les routes boueuses, une gabegie lamentable.
La solidarité humaine et la solidarité prolétarienne
Au moment même du drame, sans attendre les secours, les survivants se sont mutuellement entraidés, tant les populations asiatiques vis-à-vis des touristes, que les touristes vis-à-vis des populations locales. Chacun a tenté de venir en aide aux autres, dégageant des cadavres avec un courage extraordinaire, soutenant les survivants blessés. La population locale malgré le profond dénuement dans lequel elle se trouvait, est venue en aide aux touristes perdus et démunis, en offrant de partager un modeste repas ou quelques vêtements.
Et dès les premières images à la télé, le premier réflexe de beaucoup, partout dans le monde, a été de chercher à faire quelque chose. Spontanément, des millions de personnes, et notamment des prolétaires dans tous les pays, ont proposé d’offrir de la nourriture, des vêtements, des dons financiers. En France par exemple, des employés de supermarchés, où travaillent des personnes venant des pays touchés par la catastrophe, ont spontanément offert leurs primes de fin d'année.
La solidarité qu’a exprimé le prolétariat peut et doit nous donner confiance en notre classe. Donner 10, 20 ou 30 euros quand on est au SMIC témoigne d’un dévouement remarquable. Aujourd’hui, dans ce monde pourrissant, le capitalisme ne cesse de prôner l’individualisme, le "chacun-pour-soi", la concurrence avec les autres, voir la haine de l’autre… et pourtant, on voit que dès qu’il y a un moyen d’exprimer sa solidarité, une solidarité désintéressée et profondément humaine, la classe ouvrière s’y engouffre.
Les révolutionnaires doivent saluer cet esprit de solidarité qui donne la confirmation qu'il existe bien une classe ouvrière qui développe ses réflexes de classe, dont l'un des plus essentiels est la solidarité. Bien sûr, il n'y a pas que la classe ouvrière qui développe la solidarité, c'est un élément de la conscience humaine en général. Mais dans un monde capitaliste où tout sentiment désintéressé est exclu puisqu’il ne permet pas de dégager du profit, dans un tel monde, il n'y a que la classe ouvrière qui peut développer une vraie solidarité. Elle peut la développer car seule la classe ouvrière n'a aucun intérêt dans le capitalisme.
Face à cette solidarité qui cherche à s’exprimer, l’attitude de la bourgeoisie est à vomir. Elle récupère cet immense élan de solidarité et le détourne pour ses propres petits intérêts mesquins avec le plus grand mépris non seulement envers les victimes du tsunami mais aussi envers cet effort de la classe ouvrière. La solidarité que nous propose la bourgeoisie, c’est l’orchestration et l'organisation d'un gigantesque racket à l’échelle planétaire pour rançonner davantage les populations (et la classe ouvrière en particulier), spectaculairement sollicitées pendant des semaines, en permanence et de façon lancinante, à verser de d'argent à des ONG, par tous les médias de chaque pays.
Comment exprimer la véritable solidarité prolétarienne ?
La solidarité ouvrière est désintéressée. Elle exprime une vraie générosité qui est l'espoir du développement futur de la société humaine. Mais aujourd'hui, il est bien difficile de donner à cette solidarité sa vraie ampleur : ce réflexe prolétarien est immédiatement récupéré et instrumentalisé par la bourgeoisie à travers ses campagnes humanitaires et citoyennes. Il est noyé dans des notions de civisme qui mettent dans le même sac la solidarité des ouvriers avec l'aumône intéressée de la bourgeoisie, et qui d'une solidarité de classe passe à la solidarité des français, ou des anglais, des allemands, etc. toutes classes confondues, mises en concurrence avec la solidarité des autres nations.
Cette solidarité ne peut se développer qu'à partir de la dénonciation du seul coupable de ce cataclysme : la classe bourgeoise qui dirige le système capitaliste !
Les prolétaires du monde entier doivent comprendre qu’en menant le combat contre la bourgeoisie, en renversant son système meurtrier, ils sont les seuls à pouvoir rendre un réel hommage aux morts, à toutes ces vies humaines sacrifiées sur l'autel du capitalisme, au nom de la loi du profit et de la rentabilité. Ils doivent développer leurs luttes et leur propre solidarité de classe contre tous les Etats, tous les gouvernements qui non seulement les exploitent et attaquent toutes leurs conditions de vie, mais ont encore le culot de leur demander de mettre la main à la poche pour réparer les dégâts provoqués par le capitalisme. Ce n'est que par la lutte quotidienne contre ce système, jusqu'à son renversement, que la classe ouvrière peut manifester sa véritable solidarité envers les prolétaires et les populations des pays dévastés par le tsunami.
Si cette solidarité ne peut évidemment avoir des effets immédiats, elle n'est pas un feu de paille, contrairement à celle préconisée par la bourgeoisie et les ONG. Dans quelques mois, pour la classe dominante et ses organisations caritatives, cette catastrophe sera enfouie dans les oubliettes de l'histoire. La classe ouvrière, elle, ne peut l'oublier comme elle ne peut oublier les massacres de la guerre du Golfe et de toutes les autres guerres et catastrophes dites naturelles. Pour les ouvriers du monde entier, cette tragédie ne doit jamais être une "affaire classée". Elle doit rester gravée dans leur mémoire et servir d'aiguillon pour renforcer leur détermination à développer leurs luttes et leur unité de classe contre la barbarie du capitalisme.
La solidarité du prolétariat doit aller bien au-delà de la simple solidarité émotionnelle. Elle ne doit pas être fondée sur des sentiments d'impuissance ou de culpabilité mais, avant tout, sur sa conscience. Seul, le développement de sa propre solidarité de classe, une solidarité basée sur la conscience de la faillite du capitalisme, sera en mesure de créer les bases d’une société dans laquelle les crimes que la bourgeoisie nous présente comme des catastrophes naturelles ne pourront plus jamais être commis, où cette barbarie abominable pourra être définitivement dépassée et abolie.
Maud
Nous ne pouvons que déplorer le fait que le BIPR, qui fait aussi partie de la Gauche communiste, n’en ait pas fait autant mais ait choisi de se mettre du côté des détracteurs du CCI et ait adopté leurs méthodes sordides et cyniques. C’est une grave trahison de tout ce que représente faire partie du milieu politique prolétarien. De plus, les autres groupes historiques de la Gauche communiste sontrestés spectateurs de la situation, indifférents à la menace de ces éléments dont le seul but est la destruction des organisations prolétariennes et, avec elles, de l’espérance d’une société sans classe.
Cependant, bien que les autres groupes historiques du milieu politique prolétarien révèlent leur incapacité à défendre les organisations révolutionnaires, il y a néanmoins des éléments, qui sont en contact avec le CCI et avec la Gauche communiste en général, qui ont vu l’importance de cette bataille et veulent prendre les armes pour défendre les principes et le futur du prolétariat révolutionnaire. Ils ont écrit au CCI pour exprimer leur solidarité et leur soutien, et/ou nous ont envoyé des copies des lettres qu’ils ont écrites au BIPR pour protester contre son comportement anti-prolétarien et essayer de l’appeler à ne pas tomber dans l’abîme.
Ces lettres traitent de questions qui sont vitales pour l’unité de la classe ouvrière et de ses éléments politisés, c’est pour cette raison que nous en publions des extraits pour encourager la réflexion chez d’autres visiteurs de notre site internet.
Nous ferons peu de commentaires sur le contenu parce que, essentiellement, les lettres parlent d’elles mêmes.
Le point de départ de ces lettres est une réflexion sur des événements qui viennent de l’expérience des auteurs, en tant qu’éléments en recherche d’un cadre qui leur permette de comprendre le monde dans lequel nous sommes obligés de vivre et de s’engager dans un processus pour le changer. Ils ont trouvé le pôle de référence dont ils ont besoin dans la Gauche communiste et ils ressentent très fortement que la campagne déchaînée par la FICCI et le Circulo contre le CCI les vise aussi ainsi que toute la classe ouvrière. Ils sont choqués et indignés par ces attaques.
« Dans les limites de nos possibilités, nous ne tolérerons pas des accusations de stalinisme contre le CCI ou contre tout groupe qui a combattu pendant des décennies contre la contre-révolution la plus sanglante dans l’histoire de l’Humanité.
Nous n’acceptons pas que de telles calomnies soient lancées gratuitement, sans preuve apparente, et encore moins quand elles proviennent d’un groupe peu clair avec une trajectoire vraiment douteuse comme la FICCI. » (Lettre signée par « un groupe d’ouvriers du Pays basque »).
Plusieurs lettres veulent mettre en avant l’expérience propre de leurs auteurs pour défendre le CCI contre les fausses accusations faites contre lui et défendre notre méthode de débat, tout autant que notre façon de traiter les questions organisationnelles.
« Les réunions publiques auxquelles nous avons assisté, les discussions que nous avons quelquefois eues avec vous, qui concernaient tant de questions importantes du mouvement ouvrier international, se sont toujours tenues dans une atmosphère d’ouverture et de respect mutuel. En particulier, les divergences politiques ont toujours été discutées avec une attitude autocritique de solidarité. Les nouveaux participants qui avaient hésité à prendre la parole, ou ceux qui avaient mis en avant des positions controversées sur les questions abordées, ont toujours été encouragés à participer pleinement à la discussion.
Tout cela révèle que les accusations qui ont été portées contre vous sur le site web du BIPR (Bureau International pour le Parti Révolutionnaire) à travers le « Cercle de Communistes Internationalistes » d’Argentine, selon lesquelles vous travailleriez et agiriez de manière « stalinienne » sont purement du dénigrement qui a pour but de discréditer une organisation révolutionnaire qui travaille dans beaucoup de pays du monde.
Nous avons de l’estime pour votre ouverture et saluons vos efforts pour faire, aux yeux de tous, la lumière sur l’orchestration d’une campagne dirigée contre vous et en dernière instance, contre nous aussi. » (Prise de position adoptée par les participants à une réunion publique du CCI en Allemagne , à l’initiative d’un sympathisant).
« Je crois que (le CCI) est une organisation honnête, qui a fait une contribution inestimable à la clarification au sein du milieu politique prolétarien, dont il se considère lui-même – et dont il peut être considéré – comme faisant partie.
C’est un groupe qui a toujours stimulé le débat de façon fraternelle, il a été respectueux quand il y a eu des désaccords qui ont surgi et, chose inconnue auparavant, il a fourni des publications des autres organisations du milieu politique prolétarien pour qu’elles soient lues. » (Lettre d’AN, Espagne).
« Le CCI a essayé de classer tout un ensemble de comportements politiques sous la définition de « parasitisme politique ». En tant que personne qui a eu beaucoup de ces comportements aberrants, je peux témoigner du fait que les « Thèses sur le parasitisme » du CCI ont été un outil politique irremplaçable pour comprendre les racines et les conséquences de ce comportement. Je peux aussi témoigner du fait que bien qu’ayant attaqué le CCI (à un degré bien moindre toutefois que les autres parasites), celui-ci n’a jamais donné le moindre signe de ‘stalinisme’ à mon égard. Au contraire, tout en ne renonçant pas à son droit de se défendre, il a fait de son mieux pour m’aider à identifier ce que je faisais et à travailler dans le sens d’un dépassement même s’il y a encore du chemin à faire. Ce n’est pas le comportement d’une organisation qui ne « peut pas tolérer les désaccords » ou qui serait « paranoïaque » ou « sujette à des hallucinations ». (JB, Grande Bretagne).
« Le CCI n’a jamais retiré ou censuré les textes qui me sont parvenus. On doit aussi remarquer que, aussi douloureux que cela puisse avoir été, cette organisation a eu le courage de parler publiquement de la crise. Cela veut dire que celle ci peut être abordée ouvertement dans la discussion, ce qui permet d’éviter toute tentative de la résoudre à huis clos avec des manœuvres bizarres, une méthode étrangère au prolétariat. » (RQ, Espagne).
« Quand ils ont eu des problèmes internes, ils en ont parlé ouvertement, les ont portés à la connaissance de tous. Il nous semble que cette attitude les honore en tant qu’organisation authentiquement communiste. Et si, aujourd’hui, il y a eu de sérieuses avancées au niveau politique et théorique, nous le devons à ces militants révolutionnaires qui ont résisté envers et contre tout aux efforts faits, aussi bien de l’intérieur que de l’extérieur, pour dénaturer le programme communiste.
Ils ont aussi essayé de porter le débat sur l’arène internationale quand il y a eu des conflits extrêmement graves, comme les guerres qui assiègent la planète. Mais nous savons tous (ou du moins ceux d’entre nous qui ont suivi la situation) quelle a été la réponse des autres groupes face à des événements aussi criminels. Le CCI appelait à une action unie contre la guerre impérialiste, la réponse a toujours été un mépris complet de la part de ceux qui se proclament internationalistes et sont sûrs qu’ils sont le seul parti. » (Ouvriers basques).
Deux de ces lettres attirent l’attention sur le fait que les manœuvres insidieuses du « Circulo de Comunistas Internacionalistas » d’Argentine et de la FICCI ont pris de façon spécifique le NCI en ligne de mire. Derrière leurs préoccupations vis à vis des camarades du NCI, il y a le fait de réaliser que c’est un groupe – bien que sur un autre continent – qui fait le même pénible effort de clarification qu’eux, leur souci est une expression vivante du caractère international, unifié, du prolétariat et de sa lutte.
« Le CCI a été attaqué mais pas seulement le CCI. Tous ceux d’entre nous qui disent se référer politiquement à la Gauche communiste ont été attaqués au moyen de manœuvres qui ne sont en aucun cas nouvelles mais qui sont les méthodes criminelles que la bourgeoisie utilise pour détruire les nouveaux militants ou les groupes prolétariens. Nous en sommes sûrs parce qu’il est évident que la FICCI a utilisé les mêmes moyens qu’elle a utilisés pour essayer de détruire le CCI de l’intérieur : les manœuvres, l’intrigue, etc. pour tenter de détruire les camarades en Argentine. C’est à dire qu’elle a essayé de répandre toutes sortes de doutes et la suspicion pour semer la discorde entre ces camarades et le CCI. » (Ouvriers basques).
« J’exprime ma solidarité avec les camarades du NCI en Argentine qui, en dépit de ce qui est arrivé, ont pris une position sur la crise, dans plusieurs déclarations écrites qui sont tout à fait valables, la déclaration du 27/10/04 et celle du 7/11/04. » (RQ, Espagne).
« La vie au sein des organisations communistes doit être un reflet de ce que sera la future société communiste » (lettre d’AN, Espagne).
Les sympathisants saisissent une question qui a une importance énorme pour le prolétariat tout entier : agir avec des principes et correctement est une condition pour garantir la confiance, la solidarité et la dignité prolétarienne de la classe ouvrière. C’est à dire que ces aspects font partie de la nature d’une classe qui a tout intérêt à détruire les divisions qui lui sont imposées, et n’a aucune raison de rabaisser ses frères de classe pour mettre en avant ses intérêts personnels ou sectoriels. Au contraire, cette classe ne peut atteindre son but final qu’en réalisant son unité de classe internationale. De plus, ses organisations politiques ne peuvent faire autre chose qu'exprimer la nature de la classe qui les a sécrétées.
Dans sa lettre, JB (Grande Bretagne) aborde cette question dans le contexte des difficultés rencontrées pour construire une organisation révolutionnaire :
« La construction de l’organisation communiste est un projet rempli de difficultés et de contradictions – celle ci ne peut exister qu’en tant que corps étranger au sein de la société bourgeoise et est donc en conséquence attaquée en permanence à tous les niveaux de son existence.
Pour combattre cette agression continuelle des « anticorps » de l’ordre bourgeois, les révolutionnaires doivent avoir la compréhension collective la plus rigoureuse de comment doit fonctionner une organisation communiste. C’est pourquoi toutes les organisations adoptent des règles de fonctionnement et une méthode organisationnelle bien précise pour aborder les débats et les désaccords inévitables qui surgissent au sein des organisations.
Sans ces structures et sans ces principes révolutionnaires, les organisations n’existent pas. Il n’y a aucune honte à ce que des révolutionnaires ne soient pas d’accord entre eux. Pas plus qu’il n’y a de honte pour des militants, ou des groupes de militants, à quitter une organisation quand ils ne sont plus d’accord avec sa plate-forme ou ses positions :
Mais c’est une grande honte de :
De la même façon que les contacts se rendent compte que le cadre et les principes du mouvement ouvrier sont la clef de leur propre recherche de clarté et de cohérence, ils se rendent compte aussi de la responsabilité qui incombe à ces organisations qui viennent de la tradition de la Gauche communiste. C’est à dire le poids historique de ces groupes dont le rôle est de maintenir et faire connaître le programme historique et les principes sécrétés par la classe ouvrière. Les lettres des contacts adressées au BIPR critiquent fortement l’attitude de celui-ci par rapport aux attaques du Circulo et de la FICCI contre le CCI.
« Au cours des derniers mois, une campagne de calomnie a été montée contre le CCI par la FICCI et le Circulo. Malheureusement, l’attitude du BIPR vis à vis du CCI dans cette affaire est absolument scandaleuse. Cette attitude est incompatible avec tout ce que représente la classe prolétarienne.
Pour commencer, le BIPR a mis « la déclaration du Circulo » sur son site internet sans consulter le CCI.
Ensuite et en plus, le BIPR a délibérément menti sur le vol de la liste d’adresses des abonnés du CCI et a utilisé ces adresses pour ses intérêts propres. Comment se fait-il que les invitations du BIPR aient été envoyées aux abonnés du CCI qui n’avaient donné leur adresse qu’à ce dernier ?
Sur le premier point, nous nous demandons comment une organisation (le BIPR) dont les fondements se situent dans la tradition de la gauche communiste et des principes prolétariens, qui connaît le CCI depuis de nombreuses années et qui le considère comme étant une organisation prolétarienne, peut immédiatement prendre le parti du Circulo sans même contacter le CCI. Du point de vue des principes communistes, le BIPR aurait dû d’abord contacter le CCI pour lui demander son point de vue sur les accusations. (…)
Sur le deuxième point, comment peut-il se faire qu’une organisation communiste, qui est fondée sur des principes tels que la confiance, l’honnêteté, la solidarité, défende ce vol et cache la vérité à ses propres militants ?
Alors que le BIPR essaie de clouer le bec au CCI en disant « qu’alors que tant de choses se passent dans le monde, le CCI n’a rien de mieux à faire que d’écrire des ‘prises de position’ sur ses disputes », il s’engage pleinement dans un regroupement avec les parasites. C’est du pur opportunisme.
Ce que le BIPR a fait, concernant les deux points cités plus haut et les autres calomnies contre le CCI, c’est uniquement dans l’intérêt de la bourgeoisie et contre les intérêts du prolétariat international ». (Deux sympathisants d’Amsterdam).
« Nous condamnons de la façon la plus tranchante possible le fait que vous ayez mis votre site web à la disposition de telles campagnes ordurières et que vous ayez, sans aucun commentaire, sans aucun examen ou aucune vérification, permis que le CCI soit insulté par le cercle en Argentine (le Circulo de comunistas internacionalistas), comme étant une organisation stalinienne qui emploie des méthodes nauséabondes.
Nous le considérons comme politiquement hautement responsable et parfaitement en droit d’exclure de l’organisation et des réunions, des membres qui se sont rendus coupables d’avoir volé des listes d’adresses d’abonnés et qui, avec la plus révoltante des méthodes bourgeoises, sans aucune preuve, ont accusé un membre dirigeant de l’organisation d’être un ‘flic’ ». (les participants à une réunion publique en Allemagne).
Un camarade de France rappelle au BIPR que l’unité au sein du camp prolétarien et le débat fraternel sont indispensables pour les révolutionnaires :
« Eparpillées et faibles comme ils le sont, les quelques organisations révolutionnaires qui existent aujourd’hui doivent polémiquer, discuter systématiquement des questions historiques autant que de l’actualité, certes. Il me semble que depuis 30 ans, les contributions (régulières, argumentées, lucides) du CCI sont loin du « vide méthodologique et politique » que vous dénoncez. Certes, le débat pour la clarté doit être vivant, sans compromis, mais il doit, ce me semble, rester fraternel entre les organisations de la Gauche communiste. Si comme vous le dites, il y a tant ‘à travailler pour chercher à comprendre ce qui se passe dans le monde’, il y a aussi tant à faire pour AGIR ensemble (et quelle force, quelle portée cela aurait), distribuer ENSEMBLE, organiser des réunions COMMUNES sur l’essentiel, ce qui nous rassemble : l’internationalisme, la lutte contre la guerre… Car «l’expérience du passé montre qu’un lien de fraternité doit exister entre les travailleurs des différents pays et les inciter à tenir bon, coude à coude, (….) et que si on dédaigne de lien, le châtiment sera l’échec commun de ces efforts sans cohésion » (Marx, Adresse inaugurale) ».
Une lettre adressée au BIPR par « deux jeunes sympathisants de la Gauche communiste » traite aussi de la nécessité de rapports fraternels entre organisations prolétariennes. En outre, elle souligne que le soutien du BIPR au Circulo d’Argentine et à la FICCI contre le CCI ternit son image d’organisation communiste aux yeux de ceux qui, comme eux, considèrent la tradition de la Gauche communiste comme un guide :
« … nous sommes ouverts à toutes les organisations communistes révolutionnaires et très en faveur d’une discussion entre ces groupes, discussion qui est très importante pour notre clarification politique. C’est un chemin nécessaire et indispensable pour le développement de la conscience et l’unification du camp prolétarien sur la base d’accords véritables. (…)
… Nous remarquons que sur votre site internet, soutenus par la FICCI, vous avez publié un texte du Circulo de Comunistas Internacionalistas d’Argentine, qui accuse le CCI de refuser systématiquement toute discussion avec les groupes qui ont des opinions différentes des leurs. Nous pouvons supposer que vous êtes d’accord avec cette accusation puisque vous la publiez. Une telle accusation, faite sans argument approprié et sans aucune explication valable, nous semble plutôt non fondée vu les efforts du CCI pour développer la discussion et fournir des clarifications.(…)
Votre accusation est d’autant plus fausse que, à notre connaissance, le CCI a souvent fait référence au milieu politique prolétarien (…) et vous a cité comme une de ses composantes, vous demandant de nombreuses fois d’intervenir ensemble avec lui contre les guerres impérialistes. En plus, sur votre attitude , en particulier, à la réunion publique à Berlin le 15/05/04 sur les causes de la guerre impérialiste (…), dans la conclusion de la discussion, celui qui parlait au nom du BIPR a défendu la position selon laquelle la discussion montrait que le débat entre le BIPR et le CCI était « inutile ». (…).
Nous trouvons donc que votre attitude diverge notablement de l’image que nous avons d’une organisation communiste révolutionnaire, ce qui doit obligatoirement nous décevoir, et nous voulons souligner ceci pour vous dans cette lettre.
En outre, est-ce que la solidarité entre organisations communistes n’est pas le moteur du combat qui nous unit ? En espérant que nos critiques ne seront pas considérées comme animées par de mauvaises intentions vis à vis du BIPR et, qu’au contraire, elles aideront à faire de meilleures analyses d’un problème important qui n’a certainement pas fait l’objet d’une réflexion profonde. ».
Le groupe d’ouvriers du Pays basque critique aussi le refus du débat du BIPR :
« il y a une phrase qu’ils ont écrite qui montre toute la faiblesse du BIPR : "nous en avons assez de discuter avec le CCI". D’abord, nos prédécesseurs n’étaient jamais fatigués de discuter, au contraire, c’était un devoir de rechercher la plus grande clarté possible. Ce goût pour la théorie a été perdu et nous devons le redécouvrir. Mais le BIPR ne veut pas de débat ouvert avec qui que ce soit, il veut seulement des adhésions à ses positions sans aucune discussion ou questionnement. Une attitude typique du gauchisme : si on est d'accord, tant mieux, sinon tant pis, c'est comme ça. Il y a beaucoup à faire et une discussion doit être entreprise pour former le futur parti de la classe ouvrière ; ce ne sera pas le CCI tout seul, ou le BIPR tout seul, qui seront impliqués dans cette tâche mais beaucoup de groupes prolétariens qui vont surgir, du moins on l’espère.
En évitant le débat, le BIPR montre clairement sa faiblesse théorique, comme il le fait quand, dans sa colère incontrôlée, il nous dit « nous n’avons pas de comptes à rendre au CCI ou à qui que ce soit d’autre sur nos actions politiques ». Ici, nous trouvons le « droit divin » du LEADER, qui a le droit de faire ce qui lui plaît, parce que les leaders sont au dessus du BIEN et du MAL. En résumé, la référence pour la morale et l’Ethique est à trouver dans les œuvres complètes des JESUITES ».
Beaucoup de lettres envoyées au BIPR condamnent son opportunisme comme indigne d’une organisation prolétarienne. C’est-à-dire qu’elles stigmatisent une politique caractérisée par un abandon des principes en faveur de l’utilisation de moyens qui sont étrangers au prolétariat de façon à être « devant » dans ce que ce groupe semble concevoir comme une course pour gagner les cœurs et les esprits de la nouvelle génération. Les contacts sont aussi conscients du point auquel la promiscuité politique du Bureau avec la FICCI et le Circulo est autodestructrice. Ces messieurs ne visent pas seulement à la destruction du CCI grâce à des manœuvres sordides, mais aussi l’anéantissement politique du BIPR, quoique, dans ce cas, avec des flatteries et des chants de sirène.
Comme le dit GW d’Grande Bretagne au BIPR :
«… la création du BIPR à partir de la CWO et de BC était fortement marquée par un anti-CCIisme aussi bien que par un penchant opportuniste. Je crois cependant maintenant que les derniers développements montrent une chute qualitative de l’activité du BIPR qui menace son existence même en tant que force révolutionnaire. Apparaît clairement maintenant ce qui avait été implicite depuis quelque temps : le BIPR se considère, non pas comme des camarades du CCI mais en concurrence avec ce dernier.
Cette attitude de boutiquier, fondamentalement une attitude bourgeoise, ne peut, si elle ne change pas radicalement, que signifier la ruine du BIPR en tant qu’expression du prolétariat. (…) Elle va complètement à l’opposé de la solidarité de la classe ouvrière, de la confiance dans la classe ouvrière et les événements récents confirment que vous ne comprenez et ne partagez que très peu de ces attributs fondamentaux, essentiels, d’une classe révolutionnaire. (…) Avoir des liens avec n’importe quel élément anti-CCI, que ce soit un Tom, Dick ou Harry et lui faire de la publicité est, de votre part, l’expression d’une trahison fondamentale et éhontée des principes du mouvement ouvrier du passé. Vous excusez platement le vol d’une organisation révolutionnaire parce qu’il s’est fait au nom des « droits des dirigeants ». Vous pourriez dire que fait partie de l'activité normale du business pour écraser un rival. Au moins, cela serait plus honnête… »
Le groupe d’ouvriers du Pays basque dit aussi au BIPR, en des termes très clairs, que sa méthode est contre tout ce la classe ouvrière défend et que ce ne doit pas être toléré :
« Non, Messieurs du BIPR, pour notre classe, tout n’est pas acceptable. Notre morale prolétarienne est l’antithèse de la morale bourgeoise : chacunest responsable de ses actes. Cela vous concerne et c’est même plus applicable dans votre cas puisque vous vous êtes manifestés pour défendre la FICCI et ses méthodes maffieuses, ou essayez-vous peut-être de nous faire croire à cette lettre et aux choses horribles qu’elle raconte ?
Vous avez publié la lettre sur internet pour lui donner le maximum d’audience, vous devez quelque chose à ceux qui l’ont lue. Nous n’acceptons pas que vous justifiiez le vol de quelque chose d’aussi important qu’une liste d’adresses et de l’argent d’une organisation prolétarienne. Nous sommes stupéfaits devant des arguments aussi vulgaires que ceux selon lesquels ceux qui ont fait ce vol seraient des dirigeants de la vieille garde. Que dites-vous sur ce qu’ils voulaient faire ? Remettre le CCI dans le droit chemin ? Ca ne veut pas dire qu’ils ont le droit de voler.
Oui, Messieurs du BIPR, vous devez rendre des comptes et pas seulement au CCI mais à nous tous. Quelle est votre morale, quel code de conduite et quel comportement sont les vôtres ? Faites vous partie de la classe ouvrière ? Il y a aussi des frontières de classe sur cette question. »
Les contacts sont stupéfaits qu'une organisation de la Gauche communiste excuse le vol par la FICCI du fichier d'adresses des contacts. Ils trouvent outrageant que le BIPR défende cela sur la base du fait que les éléments qui ont formé la FICCI auraient été - supposent-ils- des "leaders" de notre organisation. (Voir "Réponse aux accusations stupides d'une organisation en dégénérescence" sur le site du BIPR)
Les "Deux jeunes sympathisants de la Gauche communiste" demandant au BIPR : "Croyez-vous vraiment que les "leaders" d'une organisation communiste ont plus de droits et de pouvoir que les militants qui la composent et, si oui, la propriété exclusive des documents communs ?"
C’est une question très pertinente. Nous espérons que le Bureau daignera répondre parce que, contrairement à son affirmation selon laquelle « nous n’avons pas de compte à rendre au CCI ou à qui que ce soit de nos actions politiques », ces éléments qui cherchent dans le mouvement de la Gauche communiste une direction politique, ont tous les droits et, pour dire plus, même le devoir, de demander que les organisations révolutionnaires rendent des comptes sur leurs actions. De la même manière, ces organisations ont la responsabilité de donner les raisons de leurs choix politiques à l’ensemble de la classe ouvrière qui les a sécrétées.
Le « groupe d’ouvriers basques » a aussi quelque chose à dire sur cette question :
« Les mots utilisés par le BIPR, tels que « la vieille garde, les dirigeants », provoquent chez nous un profond dégoût parce qu’ils sont le reflet d’une conception du parti qui est typiquement bourgeoise. Ce n’est pas hasard si les « dirigeants » s’unissent pour manipuler comme ils veulent tous les militants honnêtes qui se rapprochent de la Gauche communiste. Le meilleur exemple en est ce qui est arrivé en Argentine et il est impardonnable qu’une telle attitude soit tolérée et qu’elle ne soit pas dénoncée aux quatre coins du monde. Quelqu’un qui essaie de détruire un groupe prolétarien mérite notre mépris, pas notre respect. »
Un camarade en Suède fait référence à la vision du BIPR selon laquelle le vol de la liste d’adresses n’était pas un vol puisque ce que voulaient ces « dirigeants » du CCI était de remettre les militants du CCI dans le droit chemin :
« La logique de défendre le vol est pire que le vol lui même. Le BIPR met en avant une position gauchiste ou religieuse du rôle dirigeant du parti. Les militants dans le CCI ne sont pas des idolâtres religieux qui peuvent être conduits sur la bonne voie pas plus qu’ils ne sont des fantassins qui peuvent être dirigés par un commandant. Mon opinion, c’est que les militants au sein de la Gauche communiste (pas seulement dans le CCI), au contraire de ce qui se passe dans la gauche du capital, ont des capacités, sont bien informés, font des analyses, en bref, sont de réels révolutionnaires. »
Un autre camarade qui écrit d’Amérique demande : «A quel moment est-ce que l’opportunisme franchit les frontières de classe ? Est ce qu’adopter une tactique bourgeoise ne serait pas le premier pas en direction de l’adhésion à l’idéologie bourgeoise.» (IO)
Comme le dit GW : « les développements récents montrent une dérive qualitative dans l’activité du BIPR qui menace son existence même en tant que force révolutionnaire ». Conscients des eaux troubles dans lesquelles patauge le BIPR, les sympathisants ont la préoccupation de l’empêcher d’aller vers l’abîme dans lequel il semble déterminé à se précipiter, pour répondre à la gentille invitation de la FICCI.
Les deux camarades d’Amsterdam disent : « Nous condamnons cette attitude opportuniste du BIPR vis à vis du CCI. Nous espérons que dans l’intérêt de la lutte de classe et de l’unité prolétarienne, le BIPR fera une auto-critique de son attitude dans cette affaire ».
La prise de position des participants à la réunion publique du CCI à Berlin dit :
« Nous vous appelons à revenir sur le terrain des attitudes prolétariennes et des principes de débat, ce qui veut dire :
Vous devez assumer de façon durable la responsabilité collective que vous avez à l’égard du prolétariat international. Mettez-vous devant une table avec le CCI et les autres forces révolutionnaires et débattez publiquement des questions centrales qui concernent le mouvement ouvrier, le capitalisme et son renversement ».
JB, Grande Bretagne, déclare :
« La question du parasitisme est une question qui concerne l’ensemble de la Gauche communiste. Je soutiens l’appel du CCI aux autres organisations prolétariennes et à leurs contacts et sympathisants à prendre position sur les thèses du CCI sur cette question :
En bref, développer la discussion de la façon la plus large et la plus rigoureuse possible, comme il en incombe au mouvement ouvrier dans son ensemble. »
RQ, Espagne, souligne la responsabilité générale des éléments politiques du camp prolétarien:
« Le milieu politique prolétarien doit assumer ses responsabilités. L’évolution de la situation : le BIPR qui rentre en crise en insistant sur le fait qu’il maintient et continuera à maintenir sa collaboration avec la FICCI ; l’intervention de dernière minute de l’obscur Circulo de Comunistas Internacionalistas en Argentine et le silence des autres organisations, qui auraient dû prendre position contre le comportement des éléments de la FICCI, parce qu’aucune organisation prolétarienne vivante n’est à l’abri de ceux-ci. Cela me fait penser à une sorte de complot contre une organisation révolutionnaire comme le CCI, qui a été organisé avec certains qui y participent activement et d’autres par défaut. »
IO d’Amérique nous demande : « Je dois demander pourquoi vous accordez autant d’attention à la FICCI (…). J’imagine que parler d’elle est utile peut-être en tant que leçon du parasitisme en action, autrement ne devrait-on pas les ignorer en grande partie ? ». Si nous avons consacré tant de temps et d’efforts dans notre lutte publique contre la 'non-sainte' alliance du parasitisme et de l’opportunisme représenté par la FICCI et le BIPR, c’est parce que – si petits que soient les nombres impliqués – nous combattons pour défendre les principes mêmes de l’action et de l’organisation prolétarienne sur lesquels le parti mondial de la classe ouvrière devra un jour se fonder. Nous sommes fermement convaincus que si nous ne défendons pas ces principes maintenant, alors, à la fois nous manquerions à notre devoir et compromettrions le futur développement de toute organisation révolutionnaire.
La passion et la conviction avec lesquelles nos contacts sont rentrés dans le combat pour la défense des principes prolétariens suffisent à réchauffer le cœur de tout révolutionnaire. Elles montrent que l’insistance du CCI sur le fait que le comportement doit être basé sur des principes et que c’est une nécessité politique, n’est pas un cri perdu dans le monde sauvage des petits arrangements, du cynisme et de l’opportunisme. Cet acte simple de solidarité est d’autant plus important que le CCI a reçu récemment des menaces, par exemple de l’UHP-Arde (1), ou d’autres envoyées anonymement.
Conscient de la gravité des derniers événements, RQ (Espagne) les voyait au début comme un pas en arrière pour la classe ouvrière ? Après réflexion, il/elle dit : « Je ne pense pas que le CCI et le prolétariat soient confrontés à un recul mais que, au contraire, c’est un pas en avant au niveau de la méthode parce que ce qui s'est passé, devait être affronté. Comme c’était le cas dans la Première Internationale dans le combat contre les bakouninistes, la méthode marxiste, et donc celle des organisations révolutionnaires, consiste à porter à l’extérieur, de façon ouverte, devant les militants et le prolétariat tout entier, le problème ou la crise dans toute sa difficulté. Cela signifie en discuter pleinement et aller aux racines sans réticence. »
Ceci montre, comme les autres lettres, la détermination sans faille à comprendre et à avancer, aussi dur que puisse se révéler le combat, c’est la marque distinctive du prolétariat comme classe révolutionnaire. Les sympathisants reconnaissent que la lutte pour le communisme est beaucoup plus profonde et englobe tous les aspects et n’est pas que la simple recherche d’une liste de positions correctes. La méthode marxiste met en question chaque aspect de cette société pourrie et elle seule peut donner du souffle à la réflexion, au questionnement et à la recherche d’une vérité sans zone obscure. C’est le défi qu’ont relevé les auteurs de ces lettres.
Nous laissons le dernier mot aux participants de la réunion Publique du CCI en Allemagne, un sentiment qui englobe la solidarité précieuse que nos sympathisants ont manifesté :
« N’abandonnez pas, nous soutenons votre combat ».
(1) Dans un article sur internet intitulé "La ciencia y arte del zoquete", l'UHP accuse le CCI de défendre la politique de la bourgeoisie, nous traite d'imbéciles et conclut par ces mots : "Contre les campagnes bourgeoises de falsification et de répression de notre lutte, et mort aux imbéciles".
Fin janvier, une contrôleuse est agressée et violée dans un train express régional (TER) du réseau Sud-Ouest. La réaction est immédiate : le personnel de la SNCF se met spontanément en grève et le trafic ferroviaire français est totalement paralysé pendant 48 heures.
Quand il est évoqué dans la presse nationale, l'événement est minimisé, réduit à un entrefilet et relaté comme un simple fait divers.
Le 1er février, une hôtesse de l'air chute mortellement d'une passerelle d'accès à bord des avions à Orly. Aussitôt, le personnel d'Air France déclenche une "grève sauvage". Le black-out n'est rompu, deux semaines plus tard, que par les répercussions de cette grève qui perturbe toujours gravement le trafic des aéroports internationaux parisiens.
Le 23 février, le rapport de l'inspection du travail et les déclarations du ministre des transports, Gilles de Robien, qui mettent en avant "l'erreur humaine" et la responsabilité du personnel au sol, rallument la colère des salariés, vite jugulée cette fois par les syndicats qui parviennent à opposer les différentes catégories de personnel entre elles.
Ces réactions sporadiques d'indignation et de "ras-le-bol" tendent à émerger de plus en plus face à une détérioration grandissante des conditions de travail, souvent suite à des agressions ou à des accidents de travail. Elles constituent en même temps un début d'expression de solidarité ouvrière entre salariés. Des fractions de plus en plus larges de la classe ouvrière (notamment dans le secteur des transports en commun, sur les chantiers) sont quotidiennement exposées à une insécurité permanente dans leur travail, et à des risques multipliés par la diminution ou les suppressions d'effectifs, par le surcroît des charges de travail, par les exigences de la productivité, par les matériaux de travail au moindre coût, par le non-respect des règles de sécurité les plus élémentaires. La colère est d'autant plus forte chez les ouvriers que la bourgeoisie, ses institutions et ses médias mettent chaque fois en cause des comportements de tel ou tel salarié sur lequel ils font retomber la responsabilité de la faute individuelle.
En même temps, on assiste à une multiplication de petites grèves disséminées aux quatre coins de l'hexagone. De même, la mobilisation importante suscitée par les journées d'action syndicales et leurs manifestations, dès qu'elles ont une portée nationale et touchent aux questions les plus sensibles comme les salaires et la chute du pouvoir d'achat, les conditions de vie et de travail, témoignent d'un mécontentement profond et d'une remontée de la combativité ouvrière encore très diffuse, inégale et variable selon les secteurs.
La crise du capitalisme a atteint un stade marqué par la fin brutale de l’ère de " l’Etat-Providence" partout dans le monde (voir article page 5). Pour la classe ouvrière, le minimum vital qui lui permettait de reproduire sa force de travail : se loger, se nourrir, se soigner, n’est plus assuré. Derrière les "réformes ", ce qui est demandé aux prolétaires c'est toujours plus de "sacrifices", c'est toujours sur leur dos qu'il s'agit de faire des économies pour la défense de la compétitivité du capital national. Toute la classe ouvrière est sous la menace des fléaux permanents révélateurs de la crise : le chômage et la précarité. L'abandon de toute protection sociale est lui aussi un des signes le plus caractéristiques de la faillite du système capitaliste.
Partout, la classe ouvrière est prise à la gorge, confrontée à la même dégradation insupportable de ses conditions de vie et de travail, à la réduction dramatique de son pouvoir d'achat avec le cumul de la précarisation du travail, de la diminution des prestations sociales, de l'érosion des salaires et des pensions, de la hausse des tarifs des produits de première nécessité, des services publics, des taxes.
Les prolétaires et leurs enfants (voir l’article sur le mouvement des lycéens en page 2) connaissent l’angoisse d'un avenir qui s’assombrit de jour en jour… Ils sont de plus en plus poussés à développer une réflexion sur leur surexploitation dans un monde qui fonctionne exclusivement sur des critères de profit, de concurrence, de rentabilité, et un questionnement sur une planète de plus en plus insécure, barbare, démentielle et déshumanisée.
C'est parce qu'elle est consciente de la tension du climat social, de ce mécontentement général qui pousse les ouvriers à s'interroger sur le monde dans lequel ils vivent, que la bourgeoisie prend les devants en occupant massivement le terrain social. C'est le rôle que remplissent les syndicats qui assument leur fonction d'encadrement des ouvriers pour les diviser et les isoler en s'attachant aujourd'hui à bloquer et à dévoyer les efforts de prise de conscience qui se manifestent confusément au sein de la classe ouvrière. Les syndicats utilisent ainsi de plus en plus le besoin d'unification des luttes en organisant de prétendues manifestations unitaires, comme le 5 février et le 10 mars entre secteur privé et secteur public, pour empoisonner et pourrir la réflexion. En effet, ils polarisent l'attention sur une série de thèmes idéologiques qui permettent de fausser et de détourner sur un terrain bourgeois les questionnements en gestation au sein de la classe ouvrière :
- Face aux chantages du patronat qui menace de plus en plus d'ouvriers de licenciements et de délocalisations s'ils n'acceptent pas de travailler plus longtemps pour le même salaire, la gauche, les syndicats et les organisations gauchistes nous proposent ainsi de lutter pour "défendre les 35 heures" des lois Aubry. Leur battage cherche à masquer que les attaques d'aujourd'hui sur l'allongement du temps de travail ne sont que le prolongement de l'attaque du gouvernement de gauche précédent, que ce sont ces lois du "gouvernement socialiste" sur les 35 heures qui ont introduit la flexibilité dans l'entreprise, permis la chasse au "gaspillage" (suppression des temps de pause) et l’intensification de la productivité, l’annualisation du temps de travail, le blocage des salaires et qui permettent aujourd’hui à la bourgeoisie d'intensifier partout l'exploitation. Ils servent à fausser la compréhension de la nature de l'attaque du gouvernement, qui entreprend aujourd'hui de rallonger quasiment sans limite le temps de travail, en rendant la droite responsable de cette attaque alors qu'elle est en fait commandée par les besoins de la défense du capital national dont hier, la gauche était un gestionnaire aussi zélé que la droite.
- Face à la poursuite des attaques massives et à de nouvelles dizaines de milliers de suppressions d'emploi, notamment dans la fonction publique mais également à la SNCF, à la Poste, à EDF-GDF, à France Telecom, la gauche et les syndicats poussent aussi les prolétaires à se battre en même temps, non pour la défense de leurs intérêts communs de prolétaires mais pour la "défense du service public". Depuis des années, à longueur de journées d'action, de manifestations, on nous chante cette même rengaine alors que les réductions d'effectifs, le blocage des salaires, la perte du pouvoir d'achat, les restrictions budgétaires et la détérioration accélérée des conditions de travail ont lieu depuis des années, dans le secteur privé comme dans le secteur public, sous tous les gouvernements qui se sont succédé, de gauche comme de droite. Pour l'Education nationale, secteur particulièrement soumis aujourd'hui à une aggravation des conditions de travail avec les attaques contre les ATOS, les suppressions des auxiliaires d'enseignement, les suppressions de classes et d'effectifs, c'est le ministre socialiste Allegre qui avait annoncé "qu'il fallait dégraisser le mammouth". Fermetures de classe, fermetures d'hôpitaux, de lignes SNCF, de bureaux de poste sont de même nature et suivent la même logique capitaliste que les fermetures d'usines, les délocalisations, l'abandon de tel ou tel site, de tel ou tel secteur industriel : la "rentabilité", la concurrence, la loi du profit à tous les niveaux. Et partout, c'est une même classe, la classe ouvrière qui en fait les frais, qui subit une exploitation de plus en plus féroce avec l'Etat-patron comme avec un patron privé.
La gauche et les syndicats nous demandent de nous en remettre à l'Etat pour nous défendre. Ils voudraient en particulier faire croire que l'Etat au lieu de se mettre au service des patrons pourrait défendre les ouvriers, qu'il pourrait être un Etat-protecteur des salariés et non plus "au service du patronat"… Rien n'est plus faux ! C'est en fait l'Etat qui est le chef d'orchestre de toutes les attaques de la bourgeoisie, c'est lui qui mène les attaques les plus générales qui touchent l'ensemble de la classe ouvrière : sur les retraites, sur la Sécurité sociale, contre les chômeurs. C'est lui qui décide quels secteurs économiques doivent être "restructurés". C'est l'Etat-patron qui donne l'exemple de la brutalité des attaques en réduisant massivement le nombre des ses fonctionnaires et en bloquant leurs salaires depuis des années. L'Etat ne peut être que le défenseur par excellence des intérêts de la classe bourgeoise et assurer en toutes circonstances la défense des intérêts du capital national contre la classe ouvrière.
On voudrait nous faire croire qu'une autre façon de gérer le capitalisme serait meilleure pour les ouvriers. On voudrait nous faire croire que le responsable de tous ces maux, c'est le libéralisme économique, et qu'il y aurait d'autres voies possibles comme "l'altermondialisme", qu'il suffirait par exemple de taxer les revenus du capital pour répartir les richesses autrement. Ce n'est qu'une mystification : non seulement les rapports de concurrence et d'exploitation seraient les mêmes mais cela n'atténuerait en rien la crise de surproduction du capitalisme sur le marché mondial qui pousse chaque bourgeoisie nationale à pressurer toujours plus la classe ouvrière.
L'appareil politique de la bourgeoisie et les syndicats cherchent à nous persuader que l'Europe est un enjeu majeur. Pour les uns, elle permettrait d'imposer un cadre social plus large. Pour les autres, elle serait la grande responsable de l’aggravation de tous les maux et des attaques. La bataille entre défenseurs et pourfendeurs de la Constitution européenne qui divise partis et syndicats est un problème pour la bourgeoisie. L'enjeu n'est pas d'aller vers une Europe plus libérale ou vers une Europe plus sociale. Du point de vue de la classe ouvrière, les débats sur l'élargissement de l'Europe comme le référendum sur la Constitution européenne ne sont qu'une arme idéologique pour chercher à diviser les ouvriers et pour finalement mieux les ramener derrière le terrain bourgeois de la défense de l'Etat et du capital national. Tout ce cirque ne sert en effet qu'à amener les ouvriers à se prononcer sur un choix qui n'est pas le leur, mais celui de son ennemi de classe : qu'est ce qui sert le mieux l'intérêt national ? La bourgeoisie ne cesse ainsi de mettre en avant de fausses réponses à de vraies questions pour dévoyer la réflexion et la conscience des ouvriers.
La seule réponse possible des prolétaires, c'est le développement de leurs luttes sur un terrain de classe.
Les prolétaires n'ont pas d'autre choix que de se battre, sinon ils subiront toujours plus de sacrifices et d'attaques de la part de la bourgeoisie. Le développement de leurs luttes est la seule façon pour les prolétaires de résister aux attaques toujours plus fortes de la bourgeoisie qui en s’enfonçant dans une crise irréversible, n’a pas d’autre choix que d’exploiter toujours plus les prolétaires.
Cependant, la classe ouvrière est en même temps poussée à comprendre que son combat n'est pas celui que la gauche et les syndicats lui proposent : contre le libéralisme ou pour une autre gestion de l’exploitation mais contre le système capitaliste dans son ensemble qui révèle de plus en plus ouvertement sa faillite.
Elle est aussi amenée à prendre conscience comment elle doit se battre. Il n'est pas possible d'imposer un rapport de force susceptible de faire reculer la bourgeoisie tant qu'on reste divisés, isolés dans le cadre d'un site, d'une corporation, d'une entreprise, tant qu'on ne reconnaît pas que les ouvriers de telle ou telle usine ou de tel ou tel secteur ont les mêmes revendications et mènent le même combat et qu'il s'agit de lutter le plus nombreux possible de façon unitaire. Il existe déjà une volonté de se regrouper, de discuter ensemble de leurs conditions de travail, afin de sortir de leur isolement, de développer la question de comment se battre et résister aux attaques de la bourgeoisie. Les réactions actuelles de la classe ouvrière témoignent déjà de façon encore très embryonnaire mais réelle de la solidarité naturelle de classe qui est amenée à s'exprimer et à s'affirmer de plus en plus dans le développement des luttes. C'est une dimension indispensable, incontournable et déterminante de la lutte. La classe ouvrière est amenée à faire l'expérience que lorsqu'une partie d'entre elle subit une attaque, c'est la classe tout entière qui est visée et qui subira demain la même attaque si elle ne réagit pas. Le soutien à une lutte, ce n'est pas une question de solidarité financière à laquelle les syndicats la réduisent, mais c'est ne pas la laisser isolée, c'est d'en être partie prenante, d'y participer activement, d'entrer dans la lutte, de l'élargir et de se donner les moyens d'entraîner à son tour de nouveaux secteurs dans le combat au-delà des barrières corporatistes. C'est en renouant avec de telles expériences, c'est en participant le plus nombreux possible au combat de classe, que les prolétaires pourront renforcer leur confiance dans leur capacité d'imposer un rapport de force à la bourgeoisie et leur sentiment d'appartenir à une même classe qui est la seule force sociale porteuse d’une perspective d’un renversement de ce système et d’un futur pour l’humanité.
W (24 février)
Avec l'assassinat de l'ancien premier ministre libanais, Rafic Hariri, un foyer d'affrontements impérialistes est réactivé au Moyen-Orient. Ce nouvel épisode de la barbarie capitaliste, qui se développe à l’échelle mondiale et particulièrement au Proche- et Moyen-Orient et s'illustre par des règlements de compte sanglants et une spirale sans fin d’attentats terroristes frappant aveuglément les populations, vient rappeler que tous les discours de paix de la bourgeoisie, des grands ou des petits pays, ne sont que mensonges éhontés et cynisme crapuleux. Ce sont ces fractions nationales de la bourgeoisie qui, non contentes de semer massivement la mort, à l'instar des Etats-Unis en Irak ou encore de la France en Afrique, manipulent les multiples cliques terroristes.
L'attentat contre Rafic Hariri constitue un clair démenti au battage qui avait salué, début janvier, l'élection de Mahmoud Abbas à la présidence de l'Autorité palestinienne comme un gage de paix pour la région.
Cet évènement permet à la France et aux États-Unis, qui avaient été à l'initiative du vote en septembre 2004 de la résolution 1559 exigeant le retrait de l'armée syrienne du Liban, de se positionner dans la vie politique libanaise, en désignant avec empressement la Syrie comme étant à l'origine de cet assassinat. Et ce n'est pas le souci de faire respecter la "liberté" de la population libanaise qui les anime. Loin s'en faut. Pour Chirac, l'occasion était trop belle, en faisant prévaloir son "amitié" avec Hariri, de profiter de l'occasion pour tenter le retour de la France dans ce pays d'où elle avait été mise à l'écart progressivement dans les années 1980 et définitivement éjectée en 1991, en particulier avec l'expulsion de son poulain libanais, le général Aoun. Quant aux Etats-Unis, il s'agit là d'une étape de leur stratégie militaire dans le Sud-Ouest asiatique, visant notamment à accroître leur pression sur la Syrie, désignée régulièrement depuis le printemps dernier par l'administration Bush comme abritant des terroristes d'Al-Qaida et des membres de l'ex-Etat irakien. Washington a ainsi clairement prévenu à plusieurs reprises, et encore récemment, que la Syrie risquait de ne pas échapper à des frappes militaires.
Aussi, l'entente qui existe aujourd'hui entre les larrons américains et français sur le dos du Liban et de la Syrie n'a pour raison d'être que de justifier la défense de leurs intérêts impérialistes respectifs. Elle n'a pas d'autre avenir que de constituer une nouvelle source de rivalités, par bandes terroristes interposées, et d'alimenter ainsi le chaos dans la région.
Ce ne sont d'ailleurs pas davantage les récents voyages diplomatiques de la camarilla de Washington qui permettent de rêver à des lendemains qui chantent. Ces dernières semaines, l’Europe a ainsi été courtisée de façon intense par la diplomatie américaine. Après la visite de la secrétaire d’état Condoleezza Rice, c’est Donald Rumsfeld qui a fait le déplacement pour la 41e conférence sur la sécurité à Munich, puis c’est le "boss" en personne, Bush qui est venu assister aux sommets de l’OTAN et de l’Union Européenne, qui a multiplié les rencontres avec les chefs d’Etats européens et en particulier avec ceux qui s’étaient opposés à l’intervention militaire en Irak, Chirac, Schröder, puis Poutine. Pourquoi une telle effervescence diplomatique ? Qu’est-ce qui se prépare en coulisses, derrière les hypocrites accolades entre parrains rivaux, entre l’oncle Sam et les Européens ? Que signifient ces discours sur le partenariat pour développer la liberté dans le monde ?
Le changement de discours de la puissance américaine n’indique pas que celle-ci ait renoncé à utiliser sa puissance militaire pour défendre ses intérêts économiques, politiques et militaires dans le monde, mais qu'elle cherche à adapter sa stratégie et son discours idéologique en tenant compte des difficultés qu’elle rencontre, notamment du fait de son enlisement dans le bourbier irakien. La politique menée en Irak ne fait qu’alimenter partout dans le monde l’hostilité à l’égard de la première puissance mondiale et tend à accroître son isolement sur la scène internationale. Ne pouvant faire marche arrière en Irak, sous peine d’un affaiblissement considérable de son autorité mondiale, l’oncle Sam s’enferre dans des contradictions difficilement gérables. En plus d’un gouffre financier, l’Irak constitue le point d’appui permanent aux critiques de ses principaux rivaux impérialistes. Par ailleurs, les récentes élections en Irak ont vu la victoire de la liste unifiée des partis chiites, plutôt proche du gouvernement iranien et la défaite de leur poulain, Iyad Allaoui, premier ministre par intérim. "Ce gouvernement aura d’excellentes relations avec l’Iran…En termes de géopolitique régionale, ce n’est pas le résultat qu’espéraient les Etats-Unis." (Courrier international n°746) A cet affaiblissement de leur influence sur le jeu des partis politiques irakiens, il faut rajouter le climat de terreur qui continue à régner dans tout le pays où les attentats toujours plus meurtriers et les tueries se succèdent. La prétendue victoire de la démocratie irakienne, du fait de l’organisation de ces élections, n’a en rien écarté le risque de partition du pays en fonction des divergences d’intérêts des diverses communautés religieuses et ethniques. D'ailleurs, chacun s‘accorde à dire que la résistance armée va continuer et probablement s’intensifier.
En ce sens, l’offensive diplomatique et cette volonté américaine d’apparaître à nouveau "sur la même longueur d’onde" que les Européens a surtout pour objectif de tenter de convaincre ceux-ci d’être à leur côté pour défendre et propager la démocratie dans le monde, en particulier au Proche- et Moyen-Orient. L’administration Bush maintient les mêmes objectifs militaires que lors de son premier mandat, dans l'après-11-Septembre, mais c’est l’emballage idéologique qui est relooké pour les besoins de la situation. Tout en laissant entendre aux puissances européennes que dorénavant, rien ne se fera sans qu’elles ne soient consultés, dans la mesure où toutes partagent les mêmes valeurs humaines, démocratiques et de liberté que l’Amérique. Il n'est pas du tout exclu que, derrière cette mascarade, certaines puissances comme le France se soient vu promettre un rôle privilégié dans le règlement du conflit en Irak, en échange bien sûr d'une plus grande implications, dès à présent, aux côtés des Américains.
Derrière les discours ostensiblement unitaires de l'offensive diplomatique américaine, les divergences sont néanmoins toujours présentes et ne cessent de se développer. Comme le souligne un haut responsable de l’OTAN "le vieux Rumsfeld nous a joué du violon, comme l’avait fait Condoleezza Rice la semaine dernière" ( Le Monde du 15 février). Alors que jusqu’à présent, l’équipe Bush avait mené une politique de "main de fer", maintenant c’est la politique "de la main de fer dans un gant de velours". Rumsfeld a affirmé que pour les Etats-Unis "la mission (au sens militaire) détermine la coalition". Autrement dit, l’Amérique ne fera appel à l’OTAN que si cela sert ses intérêts stratégiques. De leur côté, les Européens et notamment l’Allemagne avec le soutien de la France posent ouvertement la nécessité de réformer l’OTAN et de remplacer l’Alliance par un groupe d’experts, représentatif des intérêts américains et surtout européens. Dans la foulée, l’Allemagne affirme clairement que "dans le cadre européen, elle se sent coresponsable pour la stabilité et l’ordre international" et qu’à ce titre elle revendique un siège de membre permanent au conseil de sécurité de l’ONU. Devant le refus immédiat des Etats-Unis de réformer l’OTAN, l’Allemagne se permet même de hausser le ton par l'intermédiaire de son ministre des affaires étrangères Joschka Fischer déclarant : "Il faut savoir si les Etats-Unis se situent dans ou à l’extérieur du système des Nations Unies."
Cette tension autour du rôle de l’OTAN s’est concrétisée par le refus des Européens de contribuer au programme de formation des forces militaires et policières en Irak ou par leur maigre contribution à celui-ci. Vis-à-vis de l’Afghanistan, les puissances européennes ont accepté de renforcer les effectifs de la Force Internationale (FIAS) sous commandement de l’OTAN, car celle-ci est sous les ordres d’un général français avec d’importantes unités de soldats français et allemands. Cependant, ils ne veulent pas que cette force militaire passe à terme sous le commandement de l’opération "Enduring Freedom", c’est-à-dire sous le contrôle de l’armée américaine. La question de l’OTAN est loin d’être le seul sujet de discorde. Après nous avoir joué la symphonie des Droits de l’Homme à propos de la répression du mouvement étudiant de la place Tien An Men, en Chine, en 1989, les Européens, en bons marchands de canon, sont prêts à lever l’embargo sur les ventes d'armes à ce pays. Les Américains ne sont pas d’accord, de même que le Japon, mais cela n’a rien à voir avec les Droits de l’Homme ; c’est tout simplement parce que cela relancerait la course aux armements sur le continent asiatique et menacerait leur influence dans cette région, déjà soumise à de fortes tensions militaires, aggravée ces jours-ci, par la Corée du Nord qui annonce officiellement détenir l’arme nucléaire. La visite du parrain américain en Europe n’est donc pas prête de déboucher sur une nouvelle ère d’unité, ni de renforcer les relations transatlantiques. Au contraire, les divergences s’accumulent et les positions sont de plus en plus irréconciliables. Les stratégies et les intérêts des uns et des autres sont différents car chacun défend sa nation, ses intérêts d’Etat capitaliste. Il n’y a pas les méchants Américains d’un côté et les bons Européens de l’autre. Ce sont tous des brigands impérialistes et la politique du "chacun pour soi" qui transparaît derrière les simulacres d’entente cordiale ne peut conduire à terme qu’à de nouvelles convulsions, déchirements et pour finir, dans de nouvelles boucheries militaires, dont l’Iran et la Syrie pourraient être les prochaines cibles. En effet, la divergence principale entre les grandes puissances - et la plus lourde de conséquences pour cette région du monde – est constituée par la politique à mener vis-à-vis de l’Iran. Les grandes puissances européennes, y compris l’Angleterre, sont en général en faveur de la poursuite des négociations avec ce pays, afin d’empêcher – disaient-elles - qu'il ne développe un programme nucléaire militaire. Moscou, de son côté, est le premier partenaire de Téhéran sur le plan nucléaire et n'a nullement l’intention de changer de politique. Quand aux Etats-Unis, compte tenu du poids que prend l’Iran comme puissance régionale, renforcé récemment par la victoire électorale des Chiites en Irak, ils ne peuvent que vouloir accentuer leur pression sur les Européens et Poutine pour faire prévaloir leur option. La clique Bush menace ainsi de saisir le conseil de sécurité de l'ONU, avec derrière et à moyen terme une nouvelle escalade militaire qui ne peut que répandre encore plus de chaos et de barbarie dans cette région.
Comme nous l’avons régulièrement développé dans notre presse, le chaos et les conflits militaires qui se développent à l’échelle planétaire depuis plusieurs années et qui n’épargnent aucun continent, sont directement le produit de la nouvelle période ouverte en 1989 avec l’effondrement du bloc de l’Est suivi par la désagrégation de celui de l'Ouest. Loin de signifier "un nouvel ordre de paix", comme le prétendait à l’époque Bush père, nous affirmions que nous allions vers un monde de désordre meurtrier, de chaos sanglant dans lequel le gendarme américain tenterait de faire régner un minimum d’ordre par l’emploi de plus en plus massif et brutal de sa puissance militaire (1 [511]).
De la guerre du Golfe en 1991 à la Yougoslavie, du Rwanda à la Tchétchénie, de la Somalie au Timor oriental, de l’attentat des Twin Towers aux attentats de Madrid, pour ne citer que quelques unes des convulsions violentes de la phase de décomposition (2 [512]) du capitalisme, à chaque fois, ce sont les affrontements impérialistes entre Etats, petits ou grands, qui sont responsables de ces massacres. Pour les Etats-Unis, dont les intérêts nationaux s’identifient avec le maintien d’un ordre mondial construit à leur propre avantage, cette aggravation du chaos dans les conflits impérialistes, rend leur position de leadership mondial de plus en plus difficile à tenir. La menace russe n’existant plus, leurs anciens alliés, notamment les Européens, la France et l’Allemagne en tête, n’ont de cesse de vouloir défendre leurs propres intérêts de nations capitalistes. L’avancée de la crise économique aiguise les appétits impérialistes de tous les Etats et ne laisse pas d’autre issue à la puissance américaine que de se lancer dans des mouvements de conquête, dans la déstabilisation de ses rivaux et surtout dans l’utilisation à répétition de sa force militaire, ce qui a pour résultat d’aggraver le chaos et la barbarie dans les régions où ces expéditions militaires ont lieu. Dans ce contexte, la stratégie mise en avant par l’administration Bush fils, après les attentats du 11 septembre 2001, de "guerre au terrorisme", est une tentative de réponse à l’affaiblissement de leur leadership. Face à la contestation croissante des autres puissances impérialistes, les Américains utilisent le prétexte des attentats et de la nécessité de lutter contre la nébuleuse Al Qaïda et Ben Laden pour mener une offensive militaire sans précédent à l’échelle du monde. Cette campagne militaire de longue durée désigne un certain nombre de pays comme appartenant à l’axe du mal qu’il faut éradiquer militairement. C’est le cas de l’Afghanistan, puis de l’Irak, de la Corée du Nord, de l’Iran. En fait, à chaque fois, les Etats-Unis ont des objectifs stratégiques plus globaux et plus vastes, qui incluent la nécessité d'une présence décisive en Asie Centrale, dans le but de s’assurer le contrôle de cette région, mais aussi sur le Moyen-Orient et le sous-continent indien. Le but stratégique à long terme, c’est l’encerclement de l’Europe et de la Russie. L'Amérique a en particulier la préoccupation de parvenir à un contrôle incontestable des principales sources d'approvisionnement en ressources énergétiques, afin d'en priver ses rivaux impérialistes, notamment les puissances européennes, la Russie, le Japon, la Chine, en vue de futures crises impérialistes les mettant face-à-face. Depuis 2001, c'est une telle politique que les États-Unis ont tenté de mettre en œuvre mais force est de constater qu’ils ont beaucoup de difficulté à maintenir le cap, face à la détermination de rivaux, qui, bien que moins puissants, sont bien décidés à défendre, coûte que coûte leurs intérêts impérialistes. De cela, il a déjà résulté, et cela ne peut que s'aggraver dans l'avenir, le plus grand chaos de l'histoire.
Donald ( 24 février)
1 [513] Voir l’article "Militarisme et décomposition", dans la Revue internationale n°64.
2 [514] Voir nos thèses sur "La décomposition, phase ultime de la décadence du capitalisme" dans la Revue internationale n°107.
Depuis la mi-janvier, les lycéens manifestent contre une nouvelle réforme de l’Education nationale, le plan Fillon. Chaque jour, un peu partout en France, des lycées se mettent en grève et forment des cortèges dans les centres villes. Et les journées nationales d’action démontrent une véritable montée en puissance du mouvement. D’abord quelques centaines, aux côtés des travailleurs lors des manifestations du 20 janvier et du 5 février, les lycéens étaient 100 000 dans les rues le 10 février dans toute la France et 40 000 uniquement à Paris 5 jours plus tard. Une nouvelle démonstration de force est prévue début mars.
Quelle est la signification de ce mouvement ? Les jeunes, lycéens ou étudiants, ne sont ni une classe ni une couche particulière de la société. Un mouvement étudiant ou lycéen est donc par nature interclassiste et s'y mêlent fils d'ouvriers, de bourgeois, futurs prolétaires et exploités de même que les cadres dirigeants de la nation de demain... La classe ouvrière tend à y être diluée et, avec elle, son combat, ses revendications, ses méthodes, on l'a déjà vu lors des manifestations contre les divers projets de réformes scolaires et universitaires. C’est pourquoi, depuis 1968, la bourgeoisie a régulièrement donné un écho maximum dans les médias à de tels mouvements dans le but de reléguer la lutte du prolétariat au second plan. Mais un mouvement lycéen ne saurait se réduire à cela. Il est aussi un moment durant lequel les jeunes générations expriment la façon dont elles perçoivent l’Etat et, surtout, l’évolution de la société. Quelle vie est devant nous ? Dans quel monde allons nous vivre ? Et ici, nul doute, il y a un véritable malaise. C’est particulièrement vrai concernant un mouvement de lycéens qui, bien plus qu’un mouvement étudiant, implique majoritairement les enfants de la classe ouvrière. Ainsi, les lycéens refusent l’avenir qui leur est promis : le chômage ou un travail aux conditions insupportables et de toute façon, de plus en plus, la misère. C’est ce qu’expriment, non seulement leurs revendications mais également le sentiment diffus qui sous-tend de nombreux témoignages. Certains lycéens ne savent pas précisément pourquoi ils sont là, dans le mouvement, mais tous partagent l’espoir et la générosité qu’inspire la lutte contre le système et ses institutions.
Dans les premiers temps, les revendications s’étaient focalisées sur deux points, somme toute secondaires, de la réforme : l’instauration du contrôle continu au bac et l’arrêt des TPE (Travaux Personnels Encadrés) en terminale. Il peut sembler des plus curieux que des élèves rejètent le contrôle continu alors que celui-ci permettrait de diminuer la charge de travail en fin d’année, le célèbre bachotage. Mais, l’argument des lycéens est des plus intéressants. Il s’agit de "la crainte d’une éducation à deux vitesses, riches d’un coté, pauvres de l’autre" (Libération du 15 février) où les élèves des "zones défavorisées" se retrouveraient ainsi avec ces diplômes ayant encore moins de valeur qu'actuellement. Au delà de l’illusion d'une possible égalité sous le capitalisme, cela révèle une profonde inquiétude sur la vie après le bac avec, en filigrane, ce sentiment que pour la majorité, ils ne s’en sortiront pas. De même, l'opposition à la suppression des TPE en terminale rejoint une préoccupation beaucoup plus générale. Ces travaux permettent une recherche autonome autour d'un thème faisant appel à la conjugaison de plusieurs champs disciplinaires ainsi qu'à une réflexion collective.
En les supprimant, afin de réduire le nombre d'enseignants, le gouvernement réduit aussi, de manière consciente, la possibilité, déjà extrêmement limitée et encadrée, qu'ont les lycéens de conduire un semblant de réflexion pour comprendre le monde alentour. Ce volet de la réforme est donc devenu, au yeux des lycéens, le symbole de la pression incessante du capital qui, au nom de la rentabilité, rend les conditions de vie de tous, chaque jour, moins humaines.
La bourgeoisie est totalement consciente de cette tendance au développement de la réflexion et de la combativité chez les futures générations d’ouvriers. D’abord, la presse fourmille de témoignages. Par exemple : "On se bat pour notre avenir", "Je suis fier de nous parce qu’on prouve qu’on veut décider de notre avenir. On n'est pas des moutons" (Libération du 8 février). Ensuite, la classe dirigeante sait que cela correspond à une maturation générale au sein de la classe : "jeunes et moins jeunes sont dans une attente réciproque. Les mouvements de lycéens manifestent le malaise diffus d’une génération […]. Et les adultes ont besoin de l’énergie de cette jeunesse qui témoigne d’un potentiel d’activisme et de contestation" (Libération du 8 février). C’est pourquoi le gouvernement a tenté, le dimanche 13 février, de désamorcer le mouvement en retirant de son projet le volet "contrôle continu". Et c’est justement parce que derrière le refus de ce volet particulier de l’attaque se cachaient des préoccupations beaucoup plus larges que le recul du gouvernement n’a absolument pas stoppé le mouvement. Pourtant, les gauchistes avaient, dans un premier temps, braqué tous leurs projecteurs sur le bac. Par exemple, la LCR, très présente dans les manifs grâce à sa branche jeunesse JCR, affirmait : "Le principal problème est la remise en cause du bac national et anonyme par la réforme Fillon, car il est transformé petit à petit en contrôle continu" (Rouge du 3 février).
Mais loin de faiblir, la mobilisation lycéenne s’est renforcée et a mis en avant des revendications beaucoup plus cruciales tant pour les lycéens que pour les enseignants : contre les réductions budgétaires, contre les réductions de postes. L’Education Nationale est un secteur de la classe ouvrière particulièrement attaqué depuis quelques années. En divisant par dix en 10 ans le nombre de surveillants, en faisant disparaître progressivement les infirmières et les assistantes sociales, en diminuant le nombre d’enseignants, en multipliant l’emploi précaire (vacataires, contractuels), l’Etat crée des conditions insupportables pour tous. Tout le monde trinque, le personnel comme les élèves !
Pour rester à la tête du mouvement, la LCR et les syndicats lycéens comme la Fidl ou l'UNL ont changé leur fusil d’épaule au lendemain de la manif du 15 février. Finie la focalisation sur la réforme du bac, désormais la LCR claironne : "En dénonçant la réduction de la dépense éducative, la suppression des moyens, de postes, d’options, […] les lycéens dans la rue mettent le doigt sur la structure même du projet de loi Fillon […]. Cette loi n’est donc pas amendable ; il faut exiger le retrait global, pas seulement sur la question du bac, mais aussi sur l’ensemble du projet" (Rouge du 18 février). Mais si les trotskistes, comme toute la gauche politique et syndicale, reprennent les préoccupations de fond des lycéens ce n’est évidemment que pour mieux les dévoyer. Il y a une tentative de rabattre ce questionnement de classe sur le terrain pourri de la défense du service public. La JCR titre ainsi "Non à l’école des patrons" ou encore, la LCR affirme que "le rejet par la jeunesse lycéenne, les enseignants et les parents d’élèves, des réformes Fillon sur l’éducation expriment bien le refus des réformes ou plutôt des contres réformes libérales impulsées par le gouvernement" (Red du 16 février et tract de la LCR du 14 février). Ici, il n’est pas question de crise du capitalisme mais d’un problème démocratique concernant la place et la conception de l’école ; de même la classe exploiteuse est réduite au seul patronat dans le but d'épargner l'Etat capitaliste. La LCR distille ainsi dans les rangs lycéens l’illusion de la possibilité d’une éducation nationale émancipatrice et humaniste au sein de ce système d’exploitation. Les enseignants sont priés de suivre leurs élèves pour défendre l’Etat Républicain, celui-là même qui dirige les attaques contre la classe ouvrière !
La défense de l’égalité, la lutte pour un capitalisme social opposé à un capitalisme libéral sont autant de pièges et d’impasses. Pressentant que le capitalisme ne peut offrir que toujours plus de misère, les nouvelles générations de la classe ouvrière cherchent le chemin d’un avenir meilleur. Et ici, il n’y a qu’une seule solution. Combattre la dégradation des conditions de vie, combattre pour son avenir et celui de l’humanité signifie rejoindre le combat du prolétariat pour la révolution communiste.
Pawel (23 février)
Depuis le début de l'année, plusieurs centaines de milliers de personnes ont manifesté en Russie contre les mesures gouvernementales qui visent à supprimer des "avantages" en nature dont bénéficiaient les retraités, les invalides ou certains fonctionnaires. L’Etat n’assurera plus la gratuité des médicaments de base, des transports en commun, de certains traitements médicaux ou encore des réductions sur le prix des communications téléphoniques ou sur les loyers. En Allemagne, la durée d’indemnisation des allocations chômage passe de 36 mois à 18 pour les plus de 55 ans et à 12 mois pour les autres alors que dans le même temps le nombre de chômeurs passe le cap des 5 millions ; de plus, dès la sixième semaine d’arrêt maladie par an, la sécurité sociale n’indemnisera plus et les assurés devront cotiser à une assurance privée pour prétendre à un remboursement ; d’autre part les remboursements des frais médicaux seront réduits. Il faut ajouter à ces exemples ceux du Pays-Bas ou de la Pologne où les gouvernements en place ont pris des mesures de même nature. Cette longue liste s’ajoute à celle des pays comme la France ou l’Autriche qui, au cours de l’année 2003, ont réformé le système des cotisations de retraites, allongeant les années de travail pour prétendre au paiement d’une pension vieillesse, tout en poursuivant aujourd’hui encore comme en France, leurs attaques sur le système de protection sociale. Aux Etats-Unis, l’administration Bush concocte une loi qui va transformer le système des retraites actuel car, comme cela a été déclaré, il est temps de tourner définitivement la page de l’Etat-providence. Déjà, des mesures sont prises : allongement de l'âge du départ en retraite, baisse des pensions et versement d’une partie des cotisations salariales sur un compte bloqué qui, géré par l’Etat, serait investi en bons du Trésor ou en actions, sommes qui pourraient partir en fumée vu le risque important de krachs boursiers ou de faillites d’entreprises.
Jamais le prolétariat n’a eu à faire face à des attaques d’une telle brutalité, massives et de grande ampleur, touchant des millions de prolétaires. Dans l’ensemble des nations industrialisées, tout l’édifice de l’Etat-providence est en train de s’écrouler. L’entretien de la force de travail ne peut plus être assuré. Il s’agit là d’une manifestation évidente de la faillite du système.
La crise économique dans laquelle se débat le capitalisme met à nu toutes ses contradictions, et plus encore son impossibilité de leur trouver une solution. Trop de marchandises sont produites, le marché mondial est saturé. L’obsession de la bourgeoisie, réaliser des profits pour éviter la banqueroute, exacerbe la rivalité entre les grandes nations industrialisées. Il s’ensuit une guerre économique ouverte, impitoyable où l’enjeu est d’arracher à ses concurrents des parts de marché. La bourgeoisie se lance alors dans une course poursuite désespérée pour faire baisser ses coûts de production. Une seule "solution" s’impose, produire au plus bas prix et pour cela s’attaquer à la classe ouvrière. Pour ce faire, la bourgeoisie doit d’une part accroître la productivité, ce qui implique l'augmentation des cadences de travail et la flexibilité de la main-d’œuvre afin de n'employer que le minimum nécessaire d’ouvriers et, d’autre part, la poursuite et le durcissement d'un vaste programme de "réformes", en fait des mesures qui visent à attaquer le salaire social des ouvriers, les retraites, les indemnités de chômage, le remboursement des frais médicaux, les journées de maladie ou les pensions d’invalidité. La bourgeoisie n’épargne aucune frange de la classe ouvrière, que ce soit la vieille ou la nouvelle génération, qu’elle soit en activité ou au chômage, qu’elle travaille dans le secteur public ou dans le secteur privé. Les conséquences concrètes de ces attaques sont une dégradation générale des conditions de vie et de travail de l’ensemble de la classe ouvrière mondiale. L’exploitation féroce que subissent les travailleurs se traduit par une détérioration accrue de leur santé alors que, dans le même temps, il leur devient plus difficile de se soigner ; d’autres, aspirant à un repos après des années de bagne salarial, voient leur mise à la retraite menacée par le recul de celle-ci et par une réduction de leurs pensions ; pour les jeunes, soumis à la précarisation, passant d’un travail à un autre avec des salaires tirant toujours plus vers le bas, le tout entrecoupé de périodes de chômage mal indemnisées, il leur sera plus difficile de se loger convenablement et de préparer une retraite décente. Or, les attaques ne vont pas s’arrêter là, au contraire elles vont redoubler d’intensité. C'est pourquoi la classe ouvrière doit prendre conscience que face à la faillite de ce système, une seule solution s’impose, sa destruction pour établir les bases d’une nouvelle société.
André
Ces derniers mois, des militants et des sections du CCI ont reçu des menaces ou fait l’objet d’appels au meurtre à peine dissimulés.
En décembre, UHP-ARDE (1 [515]) a publié sur son site Web un texte intitulé "Science et art de l’empoté" (2 [516]) qui contient un appel au meurtre de nos militants effectué au moyen d’un sinistre enchaînement de syllogismes : il commence par nous accuser ouvertement de racisme et de façon voilée de défendre la politique de la bourgeoisie ; il poursuit en établissant une hiérarchie de qualificatifs qui commence par "empotés", puis "crétins de la lune" et se termine par "imbéciles". Après avoir établi ces prémisses, il tire la conclusion suivante : "CONTRE LES CAMPAGNES BOURGEOISES DE FALSIFICATION ET DE RéPRESSION DE NOS LUTTES ! MORT AUX IMBéCILES !" (3 [517])
Le mois précédent, un courrier anonyme était arrivé à l’adresse e-mail de notre section en Espagne et qui se terminait par la menace suivante : "Vous êtes une bande de fils de putes et vous récolterez ce que vous êtes en train de semer, petits professeurs de merde. Signé : un du lumpen".
Récemment, en janvier 2005, un membre de la FICCI (4 [518]) avait menacé un de nos camarades de la section en France de lui "trancher la gorge". (5 [519])
Face à cette succession de menaces gangstéristes complètement étrangères au comportement prolétarien, quelle doit être l’attitude des révolutionnaires et des éléments du prolétariat ? Ne pas leur accorder d’importance en pensant que ce sont des fanfaronnades ou le résultat d’une excitation momentanée ? Tomber dans une telle appréciation serait une grave erreur.
En premier lieu, parce qu’une telle attitude signifierait jeter à la trappe l’expérience historique du mouvement ouvrier. Celle-ci démontre que l’assassinat de militants ouvriers a été précédé - et en grande partie préparé- par une succession d’actes iniques : accusations calomnieuses, menaces, intimidations, appels d’abord voilés puis directs à l’assassinat, c’est-à-dire une série de petits maillons qui mis bout à bout aboutissent à une grande chaîne. Ainsi l’assassinat de Rosa Luxemburg en janvier 1919, perpétré par des forces aux ordres des bourreaux sociaux-démocrates a connu un lent mûrissement : à partir de 1905 se succédèrent de graves dénigrements, des menaces et des provocations à l’encontre de cette militante prolétarienne. Aucun de ces faits ne paraissait inquiétant mais le crime de 1919 révéla la logique infernale qui les reliait les uns aux autres. De la même manière, l’assassinat de Trotsky, exécuté par l’infâme Mercader, fut le point culminant d’une série de pas orchestrés par la canaille stalinienne : d’abord Trotsky fut accusé d’être un agent de la Gestapo, puis commencèrent les campagnes qui réclamaient ouvertement sa tête. Ensuite vinrent les pressions sur un de ses fils (Lyova) qui débouchèrent sur ce qui ressemble à un assassinat "médical" (6 [520]) Plus tard commencèrent les menaces de mort directes proférées par les sicaires mexicains du stalinisme. Nous en connaissons tous le tragique dénouement. L’histoire démontre qu’il existe un lien plus ou moins direct entre les menaces et les appels d’aujourd’hui et les assassinats de demain. Ceux-ci sont le point culminant d’un faisceau de calomnies, menaces et campagnes de haine.
En second lieu, nous ne pouvons négliger le contexte dans lequel se situent les 3 menaces que nous avons reçues. Nous assistons ces derniers mois à la recrudescence et à la multiplication des campagnes de la FICCI. Comme le prouve le bulletin numéro 28 qui nous traite de "salauds" ; ce qui, rajouté à leurs innombrables insultes, menaces et calomnies ne fait qu’augurer un climat où toute attaque physique contre le CCI serait légitimée.
Ce n’est pas par hasard que ces menaces ont cours dans le contexte que nous venons de décrire. Leurs auteurs ont clairement choisi leur camp. Aux insultes, campagnes de haine, au tissu de mensonges et de calomnies, ils ont voulu additionner les paroles encore plus fortes de l’appel au meurtre.
Ce n’est pas la première fois que se produit ce type "d’intervention". En 1996, dans le contexte d’une campagne également répugnante contre le CCI, avec d’autres protagonistes (7 [521]), il est vrai, le GCI (Groupe Communiste Internationaliste) un groupe qui figure dans la page de liens de UHP/ARDE, a voulu apporter sa contribution contre le CCI en appelant au moyen de la méthode du "syllogisme" à l’assassinat de nos camarades au Mexique. Première prémisse : en dénonçant le groupe stalino-maoïste du "Sentier Lumineux" du Pérou, nous nous serions faits complices du massacre de prisonniers prolétaires. De là venait la seconde déduction logique : "pour le CCI comme pour l’État bourgeois, et en particulier la police péruvienne, se mettre du côté des opprimés, c’est soutenir le Sentier Lumineux." Le syllogisme suivant disait : "dans le camp ouvrier, on a toujours considéré comme flic ou indic celui qui se livre à ce type d’amalgame policier".
La suite apportait un nouveau sophisme : "ce sont les mêmes arguments démocrates qu’ont utilisés les Domingo Arango et les Abad de Santillan devant les actions violentes des militants révolutionnaires". Et quelle est la conclusion du raisonnement ? "Et pour ce type de calomnie, dont l’utilité pour l’État est bien réelle, Domingo Arango a reçu une balle dans la tête et nous ne pouvons que déplorer qu’Abad de Santillan n’ait pas subi le même sort." (extrait du n°43 de Communisme, organe du GCI) (8 [522])
Nous sommes conscients du processus dans lequel s’insèrent ces menaces. Nous n’allons pas nous laisser intimider et face à elles nous allons répondre ce que nous avions répondu en 1996 : "Rien de tout cela ne nous fera reculer. Nous allons renforcer notre combat et tout le CCI se mobilise pour défendre notre section au Mexique en employant une arme que le prolétariat est seul à posséder : l’internationalisme. L’unité internationale du CCI lui confère des particularités intolérables du point de vue de la bourgeoisie, dans la mesure où toute tentative de destruction d’une de ses parties se heurte immédiatement à la mobilisation et à la solidarité active de son ensemble". (9 [523])
Nous devons repousser avec la plus grande fermeté et combattre sans la moindre concession la mentalité de pogroms envers les révolutionnaires car c’est ainsi seulement que nous pourrons rompre la chaîne qui réunit, à travers une série de maillons, les troubles appels actuels "à la mort des imbéciles", à l’assassinat de militants communistes de demain.
Chaque classe sociale possède ses propres méthodes. Nous savons déjà quelles sont celles de la bourgeoisie : d’une part, les armes "politiques" de la calomnie, du chantage et, d’autre part, les armes plus expéditives de l’assassinat, de la terreur et du sadisme le plus répugnant. (10 [524])
Naturellement ces armes ne font pas partie de l’arsenal de combat du prolétariat et de ses groupes authentiquement révolutionnaires. Nous avons d’autres armes, beaucoup plus efficaces dans le combat contre le capitalisme. L'une d’elles, la plus importante, est la solidarité.
La force du prolétariat est la solidarité. La solidarité comme expression de son unité. La solidarité comme capacité à défendre toutes ses composantes. La solidarité pour montrer à ses ennemis que quiconque s’attaque à une de ses parties se retrouve immédiatement face à la riposte de son ensemble.
Ainsi le CCI, de façon unanime, manifeste sa solidarité avec les camarades et les sections menacés et prend toutes les mesures nécessaires pour leur défense. De la même manière, nous sollicitons nos sympathisants afin qu’ils expriment activement leur solidarité. Nous le demandons aussi à tous ceux qui partagent la lutte révolutionnaire contre le capitalisme, et qui tout en ayant des désaccords avec les positions du CCI, considèrent qu’il est nécessaire de faire front face à ces attaques immondes.
La solidarité avec les camarades menacés est non seulement leur meilleure défense mais aussi la meilleure défense pour tous les militants et camarades qui luttent contre le capitalisme. C’est aussi la meilleure contribution que nous puissions apporter à la défense des militants communistes de demain.
La pratique de la calomnie, du mensonge, des menaces et de l’intimidation sont radicalement incompatibles avec l’objectif de la communauté humaine mondiale que le prolétariat aspire à instaurer après la destruction de l’Etat capitaliste. Il est nécessaire d’éradiquer l’infiltration de tels comportements qui ne sont que l’expression et la reproduction de ceux de la société capitaliste putréfiée que nous voulons abolir.
La clarification des positions révolutionnaires, la lutte commune contre le capitalisme et sa barbarie, ne peuvent être perturbées par les troubles manœuvres de ces bandes d’imposteurs qui, se dissimulant derrière des "positions révolutionnaires" d’opérette, en profitent pour lancer toutes sortes d’attaques, en traître et par derrière, contre ceux qui luttent réellement pour la cause prolétarienne.
Solidarité avec nos militants et nos sections menacés !
CCI (15 février 2005)
1 [525] UHP : sigle du groupe espagnol Unios Hermanos Proletarios. ARDE est une publication qui semble être le porte-voix des différents noyaux qui s’appellent UHP.
2 [526] Voir la réponse de notre section en Espagne dans Accion Proletaria n°180 "Réponse à UHP-ARDE : mieux vaut un empoté honnête qu’un fripon tricheur".
3 [527] Il faut souligner la manière lâche et retorse dont ces individus appellent à l’assassinat de nos militants. Avec une écœurante hypocrisie, ils ne disent pas ouvertement les choses, ils les laissent venir : d’abord ils disent que le CCI est constitué "d’imbéciles", pour finir par "mort aux imbéciles".
4 [528] Groupuscule de parasites voyous qui se fait appeler "Fraction Interne du CCI" et dont la seule activité consiste à déverser des tombereaux de calomnies contre le CCI et proférer des appels haineux contre nous.
5 [529] Voir l’article de dénonciation de cet épisode dans Révolution Internationale n°354
6 [530] Voir les témoignages sur la mort étrange du fils de Trotsky pendant son hospitalisation dans une clinique russe de Paris : notamment dans Deutscher, Biographie de Trotsky et Vereeken : La Guépéou dans le mouvement trotskiste.
7 [531] A cette époque ce furent des groupes comme le "Communist Bulletin Group" britannique, ou "Hilo Rojo" espagnol qui avec d’autres "cercles", furent les auteurs de ces campagnes. On ne sut plus jamais rien d’eux par la suite.
8 [532] Nous voyons ainsi que les rédacteurs de UHP-ARDE n’ont rien inventé dans leurs appels lâches et retors à notre assassinat. Ils ont dû s’inspirer des méthodes des sieurs du GCI.
9 [533] Extrait de l’article "Les parasites du GCI appellent au meurtre de nos militants au Mexique", qui dénonce le GCI, en solidarité avec notre section au Mexique, publié dans toute notre presse territoriale ; voir Révolution Internationale n°262.
10 [534] Il faut signaler que le lumpen a beaucoup d’attirance pour ces méthodes de la bourgeoisie et c’est pour cela que, dans les périodes de révolution, il vient alimenter généralement les corps francs et autres milices de choc de la bourgeoisie comme cela s’est produit par exemple en Allemagne en 1919.
Nous avons reçu un courrier d’un lecteur qui, entre autres questions nous transmet la remarque suivante : "(…) Je suis en train de lire les brochures et livres que j’ai pris lors de la dernière réunion [publique du CCI] (Décadence, Gauche Italienne, RI…). Je le dis franchement, j’ai beaucoup de sympathie pour vos idées; par contre j’ai une petite critique (constructive) à faire. Même si je ne suis pas trotskiste, je crois que le ton qu’emploie RI envers les trotskistes est trop dur et que ça vous donne une image de "sectaire" et de "donneur de leçons". Mais je suis d’accord avec le fait que leur support de l’URSS soit une trahison, que leur défense des syndicats n’est pas vraiment mon idée préférée..."
Tout d’abord, nous voulons saluer le souci qu’exprime le camarade qui, au delà des sympathies qu’il a pour nos positions, n’hésite pas à poser ses questionnements ou ses critiques. Nous le saluons d’autant plus que la question qu’il pose ici est fondamentale, puisqu’elle soulève la problématique de ce que nous appelons les frontières de classe entre le camp bourgeois et le camp prolétarien.
Le camarade caractérise avec justesse le soutien des trotskistes à l’URSS, pendant la Seconde Guerre mondiale, de "trahison". Nous ne pouvons qu’être d’accord avec cette position, mais il faut en tirer les conséquences. En effet, Trotski lui-même avait émis l’hypothèse que l’URSS stalinienne comporterait encore en elle des résidus prolétariens de la révolution de 1917, en parlant d’un "Etat ouvrier dégénéré". Cette position avait été combattue par les courants de la Gauche communiste qui avaient mis en évidence que la révolution d’Octobre avait été battue par la bourgeoisie internationale. L’Etat soviétique était donc un Etat bourgeois. Cependant, en véritable marxiste, Troski avait laissé l’histoire trancher en étant explicitement prêt à réviser sa position si l’URSS devait participer à la guerre impérialiste mondiale qui s’annonçait. Sa mort ne lui permit pas de constater le jugement de l’histoire. Quant aux trotskistes qui continuèrent de se réclamer de sa pensée, ils ne s’embarrassèrent pas d’une telle démarche et continuèrent face aux évidences, à soutenir l’URSS jusque dans la guerre, c’est-à-dire à soutenir un camp impérialiste contre un autre (1). Cette trahison est fondamentale, car elle remet en cause une position qui sépare le camp du prolétariat de celui de la bourgeoisie : l’internationalisme.
Jamais les organisations trotskistes, telles LO ou la LCR, ne remirent en cause ce soutien, même si elles l’ont fait de façon "critique". On peut encore entendre Lutte Ouvrière, aujourd’hui, défendre les "acquis ouvriers" de la Russie contemporaine.
Dès lors qu’une organisation trahit l’internationalisme, elle franchit le Rubicon et passe définitivement dans le camp bourgeois. C’est pour cela que, étant devenues des organisations de l’extrême-gauche du capital, leur fonction consiste à s’appuyer sur leur passé ouvrier pour mystifier le prolétariat. Ainsi, les trotskistes mènent systématiquement campagne pour toutes les élections bourgeoises en se portant eux-mêmes candidats à des postes institutionnels ; ils prennent toujours position pour un camp contre un autre dans les conflits impérialistes (voir par exemple le soutien au camp palestinien) ; ils soutiennent en permanence les syndicats derrière une critique radicale des "appareils" ou des "directions", etc. (2)
C’est justement parce les trotskistes ont trahi la classe ouvrière, et sont devenus des ennemis du prolétariat que les révolutionnaires se doivent de les dénoncer avec la plus grande fermeté et sans la moindre concession. Leurs positions ne sont pas des "divergences", sur lesquelles nous pourrions mener un débat fraternel et polémiquer (comme c’est le cas au sein des organisations du camp prolétarien). Il doit être clair que les organisations trotskistes appartiennent à l’appareil politique de la bourgeoisie et c’est comme telles que les révolutionnaires doivent les traiter.
Nous ne nions pas pour autant qu’au sein même de ces organisations gauchistes, et qui plus est autour d’elles, il y ait des éléments sincères, persuadés de mener un combat juste pour l’émancipation du prolétariat. Notre lecteur peut être amené à penser qu’une attitude trop ferme par rapport à ces éléments risque de nous décrédibiliser et fermer la porte à la discussion avec nous. Mais nous savons aussi que pour ces éléments, toute évolution vers des positions prolétariennes doit toujours passer par une rupture radicale avec l’idéologie bourgeoise en général, et donc avec le trotskisme. Les révolutionnaires ont donc la responsabilité de pousser à la clarification au sein de l’ensemble de la classe ouvrière, et de ses minorités les plus combatives qui tombent facilement dans les pièges des trotskistes et se laisse berner par leurs discours "radicaux" et pseudo-"révolutionnaires". Toute concession à une quelconque idéologie étrangère au prolétariat, même dans un but qui pourrait sembler a priori louable d’adopter une attitude ouverte, serait une grave erreur. Les révolutionnaires doivent par l’intransigeance de leur dénonciation du trotskisme permettre aux éléments sincères de rompre définitivement avec le trotskisme en posant clairement les frontières de classe. Nous devons montrer à ces éléments comment les positions qu’ils défendent vont à l’encontre du but qu’ils poursuivent.
Quand nous dénonçons des positions bourgeoises, nous ne posons pas la question de la sincérité de celui qui les exprime. Nous dénonçons ces positions car, quelle que soit cette sincérité, elles font de celui qui les diffuse un ennemi, éventuellement malgré lui, de la classe ouvrière.
G
(1) Pour plus de détails sur cette question, nous renvoyons nos lecteurs à Révolution Internationale n° 351 et 352 : " Réponse à un groupe Trostkiste (CRI) : les prolétaires n’ont pas de patrie "
(2) Lire notre brochure Le Trotskisme contre la classe ouvrière.
Il y a 100 ans, le prolétariat engageait en Russie le premier mouvement révolutionnaire du 20e siècle, connu sous le nom de Révolution russe de 1905. Parce qu'il n'a pas été victorieux comme ce fut le cas douze ans plus tard de la révolution d'Octobre, ce mouvement est aujourd'hui quasiment tombé dans l'oubli. Cependant, la Révolution de 1905 a apporté toute une série de leçons, de clarifications et de réponses aux questions qui se posaient au mouvement ouvrier de l'époque sans lesquelles la Révolution de 1917 n'aurait certainement pas pu l'emporter. Et, bien que ces événements aient eu lieu il y a un siècle, 1905 est beaucoup plus proche de nous politiquement qu'on ne pourrait le croire et il est nécessaire, pour les générations de révolutionnaires d'aujourd'hui et de demain, de se réapproprier les enseignements fondamentaux de cette première révolution en Russie.
Les événements de 1905 se situent à l'aube de la phase de déclin du capitalisme, déclin qui leur imprime déjà sa marque, même si, à l'époque, seule une infime minorité de révolutionnaires est capable d'en entrevoir la signification au sein du profond changement qui est en train de s'opérer dans la société et dans les conditions de la lutte du prolétariat. Au cours de ces évènements, on voit la classe ouvrière développer des mouvements massifs, par-delà les usines, les secteurs, les professions, sans revendication unique, sans distinction claire entre l'économique et le politique comme c'était le cas auparavant entre lutte syndicale et lutte parlementaire, sans consigne précise de la part des partis ou des syndicats. La dynamique de ces mouvements aboutit, pour la première fois, à la création par le prolétariat d'organes, les soviets (ou conseils ouvriers), qui deviendront, dans la Russie de 1917 et dans toute la vague révolutionnaire qui a secoué l'Europe à sa suite, la forme d'organisation et de pouvoir du prolétariat révolutionnaire.
En 1905, le mouvement ouvrier considérait encore que la révolution bourgeoise était à l'ordre du jour en Russie puisque la bourgeoisie russe ne détenait pas le pouvoir politique mais subissait toujours le joug féodal du tsarisme. Pourtant, le rôle dirigeant assumé par la classe ouvrière dans les événements allait mettre à bas ce point de vue. L'orientation réactionnaire qu'avait commencé à prendre, avec le changement de période historique en train de s'opérer, la lutte parlementaire et syndicale, était loin d'être clarifiée et ne le sera que bien plus tard. Mais le rôle totalement secondaire ou nul que les syndicats et le Parlement vont jouer dans le mouvement en Russie, en constituait la première manifestation significative. La capacité de la classe ouvrière à prendre en main son avenir et à s'organiser par elle-même venait mettre en question la vision de la social-démocratie allemande et du mouvement ouvrier international sur les tâches du parti, sa fonction d'organisation et d'encadrement de la classe ouvrière, et jeter une lumière nouvelle sur les responsabilités de l'avant-garde politique de la classe ouvrière. Beaucoup d'éléments de ce qui allait constituer des positions décisives du mouvement ouvrier dans la phase de décadence du capitalisme étaient déjà présents en 1905.
Nous nous concentrerons, dans le cadre de cet article, sur certaines leçons qui nous paraissent centrales aujourd'hui pour le mouvement ouvrier et toujours d'actualité. Pour ce faire, nous reviendrons très brièvement sur les événements de 1905, en nous référant à ceux qui, comme Trotsky, Lénine, Rosa Luxemburg, en furent les témoins et les protagonistes de l’époque et qui ont été capables, dans leurs écrits, non seulement d'en tirer les grandes leçons politiques mais aussi de restituer l’intense émotion suscitée par la force de la lutte pendant tous ces mois ([1] [535]).
Le contexte international et historique de la révolution de 1905
La Révolution russe de 1905 constitue une illustration particulièrement claire de ce que le marxisme entend par la nature fondamentalement révolutionnaire de la classe ouvrière. La capacité du prolétariat russe à passer d'une situation où il est idéologiquement dominé par les valeurs de la société à une position où, à travers un mouvement massif de luttes, il prend confiance en lui-même, développe sa solidarité, découvre sa force historique jusqu'à créer les organes lui permettant de prendre en main son avenir, est l'exemple vivant de la force matérielle que constitue la conscience de classe du prolétariat quand il entre en mouvement.
Depuis la chute du mur de Berlin, la bourgeoisie n'a de cesse de proclamer que le communisme est mort et que la classe ouvrière a disparu ; et les difficultés rencontrées par celle-ci semblent lui donner raison. La bourgeoisie est toujours intéressée à enterrer son propre fossoyeur historique. Mais la classe ouvrière existe toujours - il n'y a pas de capitalisme sans classe ouvrière, et les événements de 1905 en Russie nous rappellent comment celle-ci peut passer d'une situation de soumission et de confusion idéologique sous le joug du capitalisme à une situation où elle devient le sujet de l'histoire, porteuse de tous les espoirs, parce qu'elle porte, dans son être même, l'avenir de l'humanité.
Avant de nous pencher sur la dynamique de la Révolution russe de 1905, il faut rappeler brièvement quel était le contexte international et historique dans lequel la révolution a pris son élan. Les dernières décennies du 19e siècle ont été caractérisées par un développement économique particulièrement prononcé dans toute l’Europe. Ce sont des années durant lesquelles le capitalisme se développait avec le plus de dynamisme ; les pays avancés du point de vue capitaliste étaient à la recherche d’une expansion dans les régions arriérées, soit pour trouver de la main-d’œuvre et des matières premières au moindre coût, soit pour créer des nouveaux marchés pour leurs marchandises. C’est dans ce contexte que la Russie tsariste, pays dont l’économie était encore marquée par une forte arriération, devient le lieu idéal pour l’exportation de capitaux importants visant à installer des industries de moyenne et grande dimensions. En l’espace de quelques décennies, il y eut une transformation profonde de l’économie, "les chemins de fer étant le puissant instrument de l’industrialisation du pays" ([2] [536]). Les données sur l’industrialisation de la Russie, dont Trotsky fait état, comparées à celles des autres pays à structure industrielle plus solide, comme l’Allemagne et la Belgique à l’époque, montrent que si le nombre d’ouvriers était encore relativement modeste par rapport à une population très importante (1,9 million contre 1,56 en Allemagne et 600 000 dans la petite Belgique), la Russie avait cependant une structure industrielle de type moderne qui n’avait rien à envier aux autres puissances du monde. Créée à partir de rien, grâce à des capitaux en majorité étrangers, l’industrie capitaliste en Russie ne s’est pas constituée sous l’effet d’une dynamique interne mais grâce à une véritable transplantation de technologies et de capitaux venant de l’extérieur. Les données de Trotsky montrent comment la main-d’œuvre en Russie était beaucoup plus concentrée que dans les autres pays, puisqu’elle se répartissait principalement entre les grandes et moyennes entreprises (38,5 % dans les entreprises à plus de 1000 ouvriers et 49,5 % dans des entreprises à effectifs compris entre 51 et 1000 ouvriers, alors qu’en Allemagne, ces chiffres étaient respectivement de 10 et 46 %). Ce sont ces données structurelles de l’économie qui expliquent la vitalité révolutionnaire d’un prolétariat par ailleurs noyé dans un pays profondément arriéré et dans lequel prévalait l’économie paysanne.
De plus, les événements de 1905 ne surgissent pas du néant, mais sont le produit d’une accumulation d’expériences successives qui ont ébranlé la Russie à partir de la fin du 19e siècle. Comme le rapporte Rosa Luxemburg, "…cette grève de janvier à Saint-Pétersbourg était la conséquence immédiate de la gigantesque grève générale qui avait éclaté peu auparavant, en décembre 1904, dans le Caucase, à Bakou, et tint longtemps toute la Russie en haleine. Or, les événements de décembre à Bakou n’étaient qu’un dernier et puissant écho des grandes grèves qui, en 1903 et 1904, tels des tremblements de terre périodiques, ébranlèrent tout le sud de la Russie, et dont le prologue fut la grève de Batoum dans le Caucase, en mars 1902. Au fond, cette première série de grèves, dans la chaîne continue des éruptions révolutionnaires actuelles, n’est elle-même distante que de cinq ou six ans de la grève générale des ouvriers du textile de Saint-Pétersbourg en 1896 et 1897".([3] [537])
Les événements de janvier 1905
Le 9 (22) janvier 2005, c'est l’anniversaire de ce qu’on a appelé "le dimanche sanglant", qui a marqué le début d’une série d’événements dans la vieille Russie tsariste qui se sont déroulés pendant toute l’année 1905 et se sont terminés par la répression sanglante de l'insurrection de Moscou en décembre. L’activité de la classe a été pratiquement incessante pendant toute une année, même si les formes de lutte n’ont pas toujours été les mêmes et si les luttes n’ont pas toujours eu la même intensité. Il y a eu trois moments significatifs durant cette année de révolution : janvier, octobre et décembre.
En janvier 1905, deux ouvriers des usines Poutilov à Pétersbourg sont licenciés. Un mouvement de grèves de solidarité se déclenche, une pétition pour les libertés politiques, le droit à l'éducation, la journée de 8 heures, contre les impôts, etc. est élaborée pour être apportée au tsar dans une manifestation massive. C'est la répression de cette manifestation qui va être le point de départ de l'embrasement révolutionnaire du pays pendant un an. Ainsi, le processus révolutionnaire en Russie a démarré de façon singulière. "Des milliers d’ouvriers non pas des social-démocrates, mais des croyants, de fidèles sujets du tsar, conduits par le pope Gapone, s'acheminent de tous les points de la ville vers le centre de la capitale, vers la place du Palais d’Hiver, pour remettre une pétition au tsar. Les ouvriers marchent avec des icônes et Gapone, leur chef du moment, avait écrit au tsar pour l'assurer qu’il se portait garant de sa sécurité personnelle et le prier de se présenter devant le peuple" ([4] [538]). Le pope Gapone avait été l’animateur, en avril 1904, d’une "Assemblée des ouvriers russes d’usine et de bureaux de la ville de Pétersbourg", autorisée par le gouvernement et de connivence avec le policier Zoubatov ([5] [539]). Comme le dit Lénine, cette organisation, de façon tout à fait semblable à ce qui se passe aujourd’hui avec d’autres moyens, avait le rôle de contenir et d’encadrer le mouvement ouvrier de l’époque. Mais, la pression qui s’exerçait au sein du prolétariat était déjà arrivée à un point critique. "Et voilà que le mouvement zoubatoviste franchit les limites imposées et que, suscité par la police dans son intérêt, dans le but de soutenir l’autocratie et de corrompre la conscience politique des ouvriers, il se retourne contre l’autocratie et aboutit à une explosion de la lutte de classe du prolétariat." ([6] [540]). Tout se noue lorsque, arrivés au Palais d’Hiver pour déposer leur requête au tsar, les ouvriers se font attaquer par la troupe qui "charge la foule à l'arme blanche ; ils tirent sur les ouvriers désarmés qui supplient à genoux les cosaques de leur permettre d'approcher le tsar. D'après les rapports de police, il y eut ce jour-là plus d'un millier de morts et de deux mille blessés. L’indignation des ouvriers fut indescriptible." ([7] [541]) C’est cette indignation profonde des ouvriers pétersbourgeois à l’égard de celui qu’ils appelaient "Petit Père" et qui avait répondu par les armes à leur supplique, outrageant ainsi violemment ceux qui s’en remettaient à lui, qui déchaîne les luttes révolutionnaires de janvier. La classe ouvrière qui avait commencé par adresser sa supplique, derrière le pope Gapone et les icônes de l’église, au "Petit Père des peuples", montre une force imprévue avec l’élan de la révolution. Un changement très rapide dans l’état d’esprit du prolétariat se produit dans cette période ; il est l’expression typique du processus révolutionnaire au cours duquel les prolétaires, malgré toutes leurs croyances et toutes leurs peurs, découvrent et prennent conscience que leur union fait leur force. "D’un bout à l’autre du pays passa un flot grandiose de grèves qui secouèrent le corps de la nation. D’après un calcul approximatif, la grève s’étendit à cent vingt-deux villes et localités, à plusieurs mines du Donetz et à dix compagnies de chemin de fer. Les masses prolétariennes furent remuées jusqu’en leurs profondeurs. Le mouvement entraînait environ un million d’âmes. Sans plan déterminé, fréquemment même sans formuler aucune exigence, s’interrompant et recommençant, guidée par le seul instinct de solidarité, la grève régna dans le pays environ deux mois" ([8] [542]). Ce fait d’entrer en grève sans revendication spécifique à mettre en avant, par solidarité, parce que, "une masse de millions de prolétaires découvre tout à coup, avec un sentiment d'acuité insupportable, le caractère intolérable de son existence sociale" ([9] [543]) est à la fois expression et facteur actif de la maturation, au sein du prolétariat russe de l’époque, de la conscience d’être une classe et de la nécessité de se confronter en tant que telle à son ennemi de classe.
La grève générale de janvier est suivie d'une période de luttes constantes, surgissant et disparaissant à travers le pays, pour des revendications économiques. Cette période est moins spectaculaire mais tout aussi importante. "Les divers courants souterrains du processus révolutionnaire s'entrecroisent, se font obstacle mutuellement, avivent les contradictions internes… le grand orage du printemps et de l'été suivant et les grèves économiques (…) jouèrent un rôle irremplaçable." Bien qu'il n'y ait "aucune nouvelle sensationnelle du front russe","en réalité la révolution poursuit sans trêve jour apès jour, heure après heure, son immense travail souterrain, minant les profondeurs de l'empire tout entier."(Ibid). Des affrontements sanglants ont lieu à Varsovie.
Des barricades sont dressées à Lodz. Les matelots du cuirassé Potemkine dans la Mer noire se révoltent. Toute cette période prépare le deuxième temps fort de la révolution.
Octobre et la constitution du soviet de Pétersbourg
"Cette seconde grande action révolutionnaire du prolétariat revêt un caractère sensiblement différent de la première grève de janvier. La conscience politique y joue un rôle beaucoup plus important. Certes, l'occasion qui déclencha la grève de masse fut ici encore accessoire et apparemment fortuite : il s'agit du conflit entre les cheminots et l’administration, à propos de la Caisse des Retraites. Mais le soulèvement général du prolétariat industriel qui suivit, est soutenu par une pensée politique claire. Le prologue de la grève de janvier avait été une supplique adressée au tsar afin d'obtenir la liberté politique ; le mot d’ordre de la grève d’octobre était : "Finissons en avec la comédie constitutionnelle du tsarisme !". Et grâce au succès immédiat de la grève générale qui se traduisit par le manifeste tsariste du 30 octobre, le mouvement ne reflue pas de lui même comme en janvier, pour revenir au début de la lutte économique mais déborde vers l'extérieur, exerçant avec ardeur la liberté politique nouvellement conquise. Des manifestations, des réunions, une presse toute jeune, des discussions publiques, des massacres sanglants pour terminer les réjouissances, suivis de nouvelles grèves de masse et de nouvelles manifestations."(ibid.)
Un changement qualitatif se produit en ce mois d’octobre exprimé par la constitution du soviet de Pétersbourg qui fera date dans l’histoire du mouvement ouvrier international. A l'issue de l'extension de la grève des typographes aux chemins de fer et aux télégraphes, les ouvriers prennent en assemblée générale la décision de former le soviet qui deviendra le centre névralgique de la révolution : "Le Conseil des députés ouvriers fut formé pour répondre à un besoin pratique, suscité par les conjonctures d’alors : il fallait avoir une organisation jouissant d’une autorité indiscutable, libre de toute tradition, qui grouperait du premier coup les multitudes disséminées et dépourvues de liaison ; cette organisation devait être un confluent de tous les courants révolutionnaires à l’intérieur du prolétariat ; elle devait être capable d’initiative et se contrôler elle-même d’une manière automatique." ([10] [544]). Dans beaucoup d'autres villes, à leur tour, se forment des soviets.
Le surgissement des premiers soviets passe inaperçu pour une grande partie du mouvement ouvrier international. Rosa Luxemburg qui a si magistralement analysé les nouvelles caractéristiques prises par la lutte du prolétariat à l'aube de la nouvelle période historique, la grève de masse, en s'appuyant sur la révolution de 1905, continue de considérer les syndicats comme les formes d'organisation de la classe ([11] [545]). Ce sont les Bolcheviks (et non de façon immédiate) et Trotsky qui comprennent le pas en avant que constitue pour le mouvement ouvrier la formation de ces organes en tant qu'organes de prise du pouvoir. Nous ne développerons pas cette question ici car nous y consacrerons un autre article ([12] [546]). Nous indiquerons seulement que c'est justement parce que le capitalisme entrait dans sa phase de déclin que la classe ouvrière se trouvait confrontée, dès lors, directement à la tâche de renversement du capitalisme ; ainsi, après 10 mois de luttes, d'agitation socialiste, de maturation de la conscience, de transformation du rapport de forces entre les classes, elle aboutissait "naturellement" à créer les organes de son pouvoir.
"Pour l'essentiel, les soviets étaient tout simplement des comités de grève, tels qu'il s'en constitue toujours pendant les grèves sauvages. En Russie, les grèves éclatant dans les grandes usines et gagnant très vite les villes et les provinces, les ouvriers devaient se tenir en contact de façon permanente. Ils se réunissaient et discutaient dans les ateliers, (…) ils envoyaient des délégués aux autres usines (…) Mais ces tâches revêtaient, en l'occurrence, une toute autre ampleur que dans les grèves courantes. Les ouvriers avaient en effet à s'affranchir de la lourde oppression tsariste et n'ignoraient pas que les fondements mêmes de la société russe se transformaient sous leur action. Il n'était pas seulement question de salaires, mais aussi de l'ensemble des problèmes liés à la société globale. Il leur fallait découvrir, eux-mêmes, leur voie sûre dans divers domaines et trancher des questions politiques. Lorsque la grève, s'intensifiant, se fut propagée au pays tout entier, qu'elle eut stoppé net l'industrie et les moyens de transport et paralysé les autorités, les soviets se trouvèrent devant des problèmes nouveaux. Ils devaient organiser la vie sociale, veiller tant au maintien de l'ordre qu'au bon fonctionnement des services publics indispensables, bref remplir des fonctions qui sont ordinairement celles des gouvernements. Ce qu'ils décidaient, les ouvriers l'exécutaient". ([13] [547])
Décembre et la répression
"Le rêve de la Constitution est suivi d'un réveil brutal. Et l'agitation sourde finit par déclencher en décembre la troisième grève générale de masse qui s'étend à l’Empire tout entier. Cette fois, le cours et l’issue en sont tout autres que dans les deux cas précédents. L’action politique ne cède pas la place à l'action économique comme en janvier, mais elle n’obtient pas non plus une victoire rapide, comme en octobre. La camarilla tsariste ne renouvelle pas ses essais d'instaurer une liberté politique véritable, et l’action révolutionnaire se heurte ainsi pour la première fois dans toute son étendue à ce mur inébranlable : la force matérielle de l’absolutisme."([14] [548]) La bourgeoisie capitaliste effrayée par le mouvement du prolétariat s'est rangée derrière le tsar. Le gouvernement n'a pas appliqué les lois libérales qu'il venait d'accorder. Les dirigeants du soviet de Petrograd sont arrêtés. Mais la lutte continue à Moscou : "La révolution de 1905 atteignit son point culminant lors de l'insurrection de décembre à Moscou. Un petit nombre d’insurgés, ouvriers organisés et armés – ils n'étaient guère plus de huit mille – résista pendant neuf jours au gouvernement du tsar. Celui-ci ne pouvait se fier à la garnison de Moscou, mais devait au contraire la tenir enfermée et ce n'est qu'avec l'arrivée du régiment de Sémionovski, appelé à Pétersbourg, qu'il put réprimer le soulèvement." ([15] [549])
Dans la deuxième partie de cet article qui paraîtra dans un prochain numéro de RI, nous reviendrons sur la nature prolétarienne de la révolution de 1905 et sur la dynamique de la grève de masse.
Ezechiele
(D'après la Revue Internationale n° 120)
[1] [550] Nous ne pouvons, dans le cadre de ces articles, restituer toute la richesse des événements ni l'ensemble des questions et nous renvoyons le lecteur aux documents historiques eux-mêmes.
[2] [551] L. Trotsky, 1905.
[3] [552] R. Luxemburg : Grève de masse, Parti et Syndicats, 1906.
[4] [553] Lénine : Rapport sur la révolution de 1905, 9 (22) janvier 1917.
[5] [554] Zoubatov était un policier qui avait fondé, en accord avec le gouvernement, des associations ouvrières qui avaient pour but de maintenir les conflits dans un cadre strictement économique et de les détourner ainsi de la mise en cause du gouvernement.
[6] [555] Lénine : "La grève de Pétersbourg", dans Grève économique et grève politique.
[7] [556] Lénine : "Rapport sur la révolution de 1905", idem..
[8] [557] L. Trotsky : 1905
[9] [558] R. Luxemburg : Grève de masse, Parti et syndicats.
[10] [559] L. Trotsky : 1905
[11] [560] Voir notre article "Notes sur la grève de masse" dans la Revue internationale n°27, 4e trimestre 1981.
[12] [561] Voir aussi notre article "Révolution de 1905 : enseignements fondamentaux pour le prolétariat" dans la Revue internationale n°43, 4e trimestre 1985.
[13] [562] Anton Pannekoek : Les conseils ouvriers (rédigé en 1941-42).
[14] [563] Rosa Luxemburg : Grève de masse, parti et syndicats.
[15] [564] Lénine : "Rapport sur la révolution de 1905".
La montée d’un "ras-le-bol" en France au cours des dernières semaines et des derniers mois est évidente.
Cela s'est exprimé à travers la mobilisation importante dans les journées d'action syndicales. Le 10 mars, les manifestations ont rassemblé près d'un million de salariés du secteur privé comme du secteur public en France. A Paris, entre 50 000 et 100 000 personnes ont participé à la manifestation malgré la quasi-paralysie des transports en communs (en particulier du métro) soigneusement organisée par les syndicats pour limiter l'ampleur de la mobilisation.
La remontée de la combativité ouvrière…D'autres indices permettent de cerner une lente mutation du climat social. Sont présents une exaspération, une volonté de ne plus se laisser faire, de réagir, de faire quelque chose. Cependant, les mots d'ordre clamés à tue-tête par les sonos des syndicats ne sont guère repris par les manifestants. L'apathie n'est qu'apparente. La mise en doute de l'efficacité des mobilisations syndicales et une réticence à suivre aveuglément leurs directives envers lesquelles les prolétaires ont de moins en moins d'illusions dénotent de fait un sentiment diffus de méfiance envers les syndicats.
Dans les entreprises ou les manifestations, des minorités de plus en plus significatives d'ouvriers expriment un besoin de se regrouper, recherchent la discussion et sont avides de comprendre. L'angoisse d'un futur incertain pousse un nombre croissant de prolétaires à réfléchir et à s’interroger sur l’évolution de leurs conditions de vie, sur les perspectives d'avenir de la société dans son ensemble avec la conviction que le monde ne tourne plus très rond. Et les mêmes préoccupations se retrouvent chez les jeunes générations, au coeur des manifestations lycéennes (voir article en page 3).
Dans certains secteurs, la combativité s'exprime ouvertement, de façon sporadique, à travers des luttes qui restent encore très isolées et dispersées. A l'usine Citroën-PSA-Gefco d'Aulnay, 400 ouvriers ont fait grève pendant 10 jours pour réclamer le paiement des jours de mise en chômage technique et des jours de grève, contraignant la direction à céder momentanément à ces revendications ; près de 400 employés de l'hypermarché Carrefour de Liévin dans le Pas-de-Calais ont arrêté le travail pendant trois jours pour exiger une hausse de leurs salaires ; les éboueurs de la région de Montpellier ont arrêté le travail depuis le 17 mars pour réclamer une augmentation salariale ; les chauffeurs de bus et de tram d'Orléans ont fait de même depuis le 8 mars; un tiers des postiers des Bouches-du-Rhône se sont mis en grève contre la précarisation et la détérioration de leurs conditions de travail ; les guichetiers de la gare Montparnasse sont en grève depuis le 10 mars face au projet de supprimer 2 330 postes dans les deux prochains mois ; les conducteurs de train des réseaux Ile-de-France de Paris-Est et Paris-Nord ont déclenché des arrêts de travail à répétition contre l'instauration d'un salaire au mérite.
Et dans ces luttes, s'ébauchent peu à peu les contours d'une solidarité ouvrière. Après la réaction spontanée à la SNCF fin janvier suite au viol d'une contrôleuse et après la grève du personnel des aéroports en février en réaction à la chute mortelle d'une hôtesse de l'air et à la mise en cause de la responsabilité du personnel au sol, d'autres expressions embryonnaires d'une solidarité de classe s'infiltrent et s'ancrent peu à peu dans le tissu social même à une échelle plus réduite et modeste : à Cergy en banlieue parisienne, dans une usine de sous-traitance spécialisée dans l'équipement de sécurité des piscines, une centaine d'ouvriers dont l'emploi est menacé par la délocalisation de la production ont été soutenus par d'autres ouvriers travaillant dans la même zone industrielle.
Ces expressions, encore très confuses, d'un besoin de riposte et de solidarité face aux attaques incessantes de la bourgeoisie sont autant d'expressions d'une lente mais profonde remontée de la combativité ouvrière, bien qu'encore complètement encadrée et contrôlée par les syndicats.
… freinée par les initiatives de la bourgeoisie et de ses syndicatsLa bourgeoisie ne s'y trompe pas. Elle a déjà pris les devants pour occuper et investir le terrain social. Et elle cherche aujourd'hui à gagner du temps et à freiner la montée de cette combativité. Dès le soir du 10 mars, alors que les médias en parlant du "succès" de la mobilisation syndicale, mettaient en avant que les hausses de salaire et le pouvoir d'achat étaient au cœur des revendications exprimées dans la rue, le gouvernement faisait mine de faire "un geste" envers les salariés. Un des objectifs de cette manœuvre était de redonner du crédit aux syndicats en cherchant à faire croire que c’est grâce à eux et à leurs journées d’action que le gouvernement aurait reculé. En réalité, il n’y a aucun recul de la bourgeoisie. Raffarin promettait derechef … la réouverture de négociations dans la fonction publique le 22 mars, reconduites le 29 mars. Cette carotte sur l’augmentation des salaires des fonctionnaires masque surtout une attaque encore plus forte dans les prochains mois. Elle s'accompagne en effet d'un chantage à la "modernisation de la fonction publique", ce qui signifie une poursuite et une accélération des suppressions de postes, une sélectivité plus grande des primes et un avancement de carrière au "mérite". Une éventuelle augmentation de 1% en termes de "masse salariale" équivaut à 0,5 % sur la fiche de paie car l'autre moitié est automatiquement liée à des changements d'échelons. Cela représenterait en moyenne, pour la plupart des fonctionnaires, une augmentation variant entre 5 et 20 euros par mois. Enfin, ce soi-disant "coup de pouce" est d'ores et déjà reporté sur la fin de l'année.
La "recette" utilisée pour le secteur privé est également une arnaque. L’autorisation donnée par le gouvernement d'utiliser à tout moment le compte d'épargne acquis par les salariés de certaines grandes entreprises au titre de la participation (compte jusqu'ici bloqué pendant 5 ans) ou l’incitation à une augmentation de l'intéressement aux bénéfices de l'entreprise (dont le montant est plafonné à 200 euros… par an et par salarié) non seulement ne coûte rien à l’Etat mais il est tout bénéfice pour lui. Ce qui est donné aux salariés d’une main est immédiatement repris de l’autre, puisque les fonds retirés se retrouvent fortement imposables. Ces ficelles sont un peu grosses mais cela permet à l'ensemble de la bourgeoisie de gagner du temps et de passer à la vitesse supérieure pour tenter de pourrir le mécontentement social et l'amener dans une impasse.
En effet, en même temps qu'elle lanterne les ouvriers sur le pouvoir d’achat, elle utilise l’échéance du référendum sur la Constitution européenne pour pousser les ouvriers à abandonner les luttes au profit du bulletin de vote, vers la mystification de "l'expression citoyenne". En polarisant l'attention des ouvriers sur le débat au sein de la bourgeoisie par rapport à la Constitution européenne, la classe dominante, ses partis et ses syndicats s'emploient à polluer et à saper l'effort de réflexion qui se mène au sein de la classe qu'elle exploite (voir article ci-dessous). La bourgeoisie cherche à faire croire aux ouvriers que les attaques qu'ils subissent seraient non pas le produit du système capitaliste en crise qui exerce les mêmes ravages sociaux partout dans le monde mais le résultat d'une orientation politique particulière, "ultra-libérale" de l'Europe. On les pousse à manifester contre cette pseudo-dérive libérale en orientant toutes les manifestations, tous les rassemblements, toutes les mobilisations sur cette question. Déjà très présente dans la manifestation du 10 mars, la question du refus de la Constitution européenne se retrouve désormais en première ligne dans toutes les journées d'action syndicales. Ainsi, la manifestation des enseignants du 15 a été orientée "contre la casse du service public". Il en a été de même pour les dernières manifestations lycéennes appelées par les syndicats de la FIDL et de l'UNL. Lors de la manifestation syndicale européenne à Bruxelles le 19 mars, les syndicats français comme la CGT ont donné le ton et ont lancé le coup d'envoi d'une campagne sur la Constitution et sur la directive Bolkestein, désormais orchestrée à l'échelle européenne.
Le référendum sur la Constitution européenne n’est nullement un enjeu pour la classe ouvrière, contrairement au matraquage idéologique que lui assène la bourgeoisie pour la persuader du contraire et pour l’amener à se laisser mystifier une fois encore sur le terrain électoral. Elle n’a pas de camp à choisir dans ce qui relève d’une querelle interne à la bourgeoisie pour assurer la meilleure défense de l’intérêt national. Les prolétaires ne doivent pas tomber dans ce piège qui ne peut représenter pour eux qu’une manœuvre de diversion et de division.
Quelles perspectives ?La classe ouvrière ne doit pas se laisser détourner de ses luttes et de la réflexion qu’elle a commencées à développer et qui constituent un encouragement pour ses prochains combats. Les attaques de la bourgeoisie qui vont s'intensifier, révélant de plus en plus crûment la faillite ouverte du capitalisme, sont aussi le ferment de prise de conscience de l'impasse totale dans laquelle le capitalisme plonge l'humanité. Le prolétariat ne peut que perdre de plus en plus ses illusions sur les possibilités de réformer ce système. Afin de défendre ses conditions de vie au quotidien, la classe ouvrière est poussée à se battre. Elle n'a pas d'autre choix que de développer ses luttes pour des revendications et des intérêts totalement antagoniques à ceux de la bourgeoisie Elle est amenée à se frayer laborieusement un chemin vers d'inévitables luttes massives en développant peu à peu le sentiment d'appartenir à une même classe, d'être confrontée aux mêmes attaques dans tous les secteurs, dans tous les pays. C'est dans ce sens et avec ce potentiel que ses luttes futures doivent aller. C’est la seule voie possible, le seul moyen de développer sa conscience des enjeux historiques réels et actuels, pour forger son unité, sa solidarité et prendre confiance en ses propres forces, en comprenant qu’elle est la seule force sociale, la seule classe capable de renverser ce système d'exploitation et d’ouvrir ainsi une perspective d’avenir à l’humanité.
W (25 mars)
Aujourd’hui, les médias occidentaux nous claironnent qu’un vent de changement démocratique souffle dans le monde. De l’Irak au Liban, en passant par les pays de l’ancien glacis «soviétique» jusqu’aux républiques du Caucase et d’Asie centrale, la poussée impérieuse vers un monde «libre» connaîtrait un essor inédit.
Des élections qui ont eu lieu ou vont avoir lieu, en Afghanistan, en Irak, en Arabie Saoudite, en Asie centrale ; les «révolutions» démocratiques de Géorgie, d’Ukraine et maintenant du Kirghizistan ; les manifestations du peuple libanais contre la présence syrienne ; la relance du processus de paix israélo-palestinien… Tout cela serait l’expression d’une volonté des peuples d’accéder au paradis démocratique. Les promoteurs de ce monde idyllique annoncé, ce sont les grandes puissances occidentales et, en particulier, les Etats-Unis qui affirment que «le dégel a commencé» dans les pays du «Grand Moyen-Orient» et que «l’espoir et la liberté gagnent l’ensemble de la planète». Cette vision d’un optimisme sans bornes du monde capitaliste à venir est une grossière illusion qui a pour but de cacher au prolétariat mondial que la situation que connaît aujourd’hui l’humanité n’a jamais été aussi grave. Car, derrière les effets de manche de la bourgeoisie mondiale, à commencer par celle des pays développés, c’est une aggravation très nette des tensions impérialistes qui est à l’œuvre. Et ce sont précisément les pays salués pour leurs efforts dans la «lutte pour la démocratie» qui se trouvent au centre des enjeux guerriers entre les grandes puissances et de l’offensive menée par les Etats-Unis depuis la réélection de Bush.
L’anniversaire de la deuxième année d’occupation de l’Irak par l’armée américaine se passe de tout commentaire : plus de 100 000 morts irakiens, dont une grande partie de civils innocents, 1520 soldats américains tués et 11 300 blessés, des dizaines de villes et de villages détruits, et avec eux les infrastructures qui acheminent l’eau, l’électricité et une partie des hydrocarbures. 200 milliards de dollars ont déjà été dépensés pour cette barbarie. Et c’est bien parce que l’administration Bush a conscience de son enlisement dans le bourbier irakien et des conséquences néfastes de cette situation pour sa position de première puissance mondiale qu’elle déploie une contre-offensive tous azimuts.
Le Liban, un foyer d’affrontements impérialistes réactivé au Moyen-OrientQuels que soient les responsables de l’attentat qui a fait 19 morts dont Hariri le leader de l’opposition, il faut se poser la question : à qui profite le crime ? Certainement pas à la Syrie. Non seulement elle est mise au ban des accusés par l’ensemble des pays développés, mais elle est aussi montrée du doigt par des pays de la Ligue arabe comme l’Arabie saoudite et l’Egypte. De plus, la pression internationale l’a contrainte à abandonner des positions militaires durement acquises au Liban dans les années 1980 et à lâcher du mou dans son emprise sur le contrôle de la vie politique libanaise, laissant ainsi la voie libre aux ingérences françaises et américaines.
Cet attentat apparaît donc plutôt une «opportunité» pour Bush et Chirac, ceux-là mêmes qui avaient été à l’initiative du vote, en septembre 2004, de la résolution 1559 exigeant le retrait de l’armée syrienne du Liban. L’objectif réel du soutien bruyant apporté par la France et les Etats-Unis aux gigantesques manifestations de l’opposition libanaise réclamant le changement du gouvernement à la solde de Damas et la tenue d’élections le plus rapidement possible, était en réalité d’investir le champ de la vie politique au Liban en y défendant leurs prérogatives propres.
La France, en ce qui la concerne, vise à retrouver l’influence qu’elle avait par le passé au Liban, à l’époque de la Guerre froide où elle œuvrait pour les intérêts du bloc occidental. Cette influence avait par la suite périclité progressivement jusqu’à être réduite à néant avec l’éviction du général chrétien Michel Aoun, homme de main de Paris. A la faveur de la nouvelle situation, Chirac envisage le retour de ce dernier au Liban. Cependant ce n’est pas gagné pour la France à qui fait encore plus défaut, depuis l’élimination de Hariri, l’existence de points d’appui. Et c’est bien pour évaluer la nouvelle situation que Chirac s’était empressé de courir à Beyrouth au lendemain de la mort de cet «ami» de la France. De plus, l’Etat français est contraint de se livrer à l’exercice périlleux consistant à manger à tous les râteliers. Ainsi, contrairement aux Etats-Unis, il évite soigneusement de condamner le Hezbollah en tant que groupe terroriste, de manière à ne pas se mettre à dos non seulement la Syrie à laquelle il apporte son soutien, mais également l’Iran. Parallèlement, il s’efforce de soutenir différentes composantes de l’opposition libanaise, comme les milices chrétiennes. Et pour finir, il est contraint de limiter ses critiques à la Maison Blanche alors qu’il affiche une certaine convergence avec elle concernant le problème libanais. Quant à l’administration Bush, il y a fort à parier qu’elle ne manquera pas de pointer ces grands écarts de la diplomatie française lorsque, le moment venu, il s’agira pour elle de limiter les prétentions de la France à un retour dans la région.
Aussi, c’est bien aux Etats-Unis et à leurs alliés israéliens que profitent avant tout la mort de Hariri. Celle-ci a ouvert une situation pouvant déboucher sur un avantage décisif de l’administration Bush face à «l’axe du mal» au Moyen-Orient, à savoir : la Syrie, le Hezbollah et l’Iran. Depuis le printemps dernier, la Syrie est menacée ouvertement par l’Oncle Sam sous le prétexte qu’elle abrite des terroristes d’Al-Quaida et sert de base arrière aux anciens fidèles de Saddam Hussein. Dans le même sens, les responsables israéliens ont lancé une campagne de diabolisation du Hezbollah pro-iranien soutenu par la Syrie. Pour Washington, la Syrie doit quitter le Liban. Mais l’objectif ultime est de déstabiliser le régime en place à Damas pour y imposer un gouvernement plutôt d’obédience sunnite en vue d’isoler le Hezbollah et l’Iran chiites. Ainsi, derrière la Syrie, c’est l’Iran qui est visé par les Etats-Unis, alors qu’il tend de plus en plus à devenir une puissance régionale prépondérante, notamment en s’opposant à la première puissance mondiale, et en passe de se doter de l’arme nucléaire.
Ainsi, la pression de l’administration Bush sur la Syrie fait partie du même plan d’ensemble que les discours musclés en direction de l’Iran. Et si l’offensive américaine contre l’Iran passe aujourd’hui par la Syrie, c’est à cause des difficultés énormes que représenterait une intervention militaire en Iran, autrement plus importantes qu’en Irak. Ainsi, malgré la divulgation de plans de guerre israéliens pour bombarder les installations iraniennes si Téhéran ne renonce pas à acquérir l’arme nucléaire, il est peu probable dans l’immédiat, du fait du bourbier irakien, que l’armée américaine soit en mesure d’ouvrir un nouveau front militaire. Néanmoins, cela n’est pas pour autant synonyme d’accalmie dans la région. Au Liban, des affrontements meurtriers entre les différentes communautés, excitées par les diverses cliques en présence elles-mêmes à la solde de puissances voisines ou majeures, vont probablement se développer. Les déclarations de Nasrallah, leader du Hezbollah, pour qui le retrait de Damas entraînera la guerre civile, ne sont pas du bluff comme le montrent déjà les attentats qui commencent à se succéder au Liban. Par ailleurs, la pression américaine sur la Syrie ne peut que conduire celle-ci à renforcer ses liens avec l’Iran et à soutenir encore plus activement la résistance contre la présence des Etats-Unis en Irak. En clair, on assiste à une nouvelle étape vers l’élargissement du chaos à d’autres zones géographiques et à de nouveaux bains de sang.
Les Etats-Unis poursuivent leur offensive militaire dans le Caucase et en Asie centraleLa diplomatie américaine est aussi à l’œuvre dans l’ex-empire soviétique, dans les républiques du Caucase et de l’Asie centrale. Au nom de la démocratie et de la liberté, la Maison Blanche finance et encourage les mouvements d’opposition aux gouvernements-liges de l’Etat russe. Après la «révolution des roses» en Géorgie en 2003, puis la «révolution orange» en Ukraine, la toute récente «révolution des tulipes» au Kirghizistan constitue un nouveau pavé des Etats-Unis dans le dispositif de défense impérialiste russe.
Washington s’en vante d’ailleurs ouvertement. L’ambassadeur américain à Bichkek, la capitale kirghize, déclarait ainsi à CNN, au lendemain de la fuite du président Akaïev : «Ce qui se passe concerne le peuple kirghize et ses décisions, et les Etats-Unis sont fiers d’avoir un rôle de soutien dans cela.» On ne peut être plus clair.
C’est par le biais d’organisations gouvernementales et d’associations spécialisées dans la promotion de la démocratie à travers le globe, comme la fondation Soros ou la NED que les Etats-Unis financent tous ces mouvements d’opposition. Soulignons qu’outre leur participation active aux «révolutions» anti-russes, ces derniers ont une influence réelle en Moldavie et que le sénat américain vient d’adopter une motion sur la démocratie comme objectif à mettre en œuvre en Biélorussie.
On assiste ainsi à un encerclement en règle de toute la Russie, qu’il s’agisse de ses frontières de l’Ouest, de l’Est et du Sud, encerclement qui fait suite à l’invasion militaire de l’Afghanistan.
Comme nous l’avons déjà développé dans notre presse (voir RI n°354), la Russie est confrontée depuis l’effondrement du bloc de l’Est, à la perte progressive de son influence en Europe centrale et orientale. Celle-ci se traduit par le fait que l’ensemble des pays qui étaient membres du pacte de Varsovie ont aujourd’hui adhéré à l’OTAN et à l’Europe. Et c’est l’ensemble des pays de la CEI, placée sous contrôle de la Russie en 1991, qui est aujourd’hui dans la tourmente et s’effiloche irrémédiablement.
Si l’ours russe voit disparaître à présent les uns après les autres les restes de son empire, c’est parce que les Etats-Unis tenaient à l’affaiblir, en particulier depuis qu’il a refusé de marcher avec eux lors de la dernière intervention en Irak. En effet, un tel positionnement de la Russie avait grandement contribué à la détermination de la France et de l’Allemagne à faire face aux Etats-Unis. A présent, la Russie récolte les dividendes de son non-alignement sur Washington.
Mais la principale motivation des Etats-Unis dans leur politique visant à soumettre à leur influence les pays de feu la CEI est d’éviter que ceux-ci ne tombent dans l’orbite de puissances européennes, au premier chef l’Allemagne dont un axe traditionnel de son extension impérialiste se situe à l’Est. En fait, cet objectif essentiel de l’offensive américaine participe de la poursuite d’une stratégie d’encerclement de cette même Europe et dont l’invasion de l’Afghanistan en 2003 avait constitué la première pierre.
Les enjeux sont tels que la tension entre toutes ces puissances ne peut que s’exacerber. Par ailleurs, la donne se complique et la situation devient encore plus instable du fait des intérêts marqués de puissances régionales de second ordre, comme la Turquie ou l’Iran, pour certains territoires de l’ex-URSS. Celles-ci estiment avoir une carte à jouer, à proximité de leurs propres frontières, en revendiquant tel ou tel territoire.
Par ailleurs, pour la Russie, il est hors de question de se laisser passivement réduire au statut de puissance régionale de deuxième ordre. A ce propos, il faut souligner que la perte par la Russie de certains ses ex-satellites de la CEI implique un affaiblissement considérable de son potentiel nucléaire. L’exemple de l’Ukraine, qui possède des bases russes importantes sur son territoire, est significatif de cette situation.
Ainsi, loin de stabiliser la région, le vent de «démocratisation» qui souffle sur les anciennes républiques soviétiques ne peut que pousser la Russie dans une fuite en avant dans la guerre. L’assassinat par les forces de sécurité russes du leader indépendantiste tchétchène Maskhadov, seule personne disposant de suffisamment de légitimité pour rendre possible un processus de règlement politique du conflit dans ce pays, va clairement dans ce sens. En effet, en éliminant Maskhadov, la Russie empêche les Etats-Unis d’utiliser celui-ci pour tenter un autre «processus démocratique» en Tchétchénie.
La pression grandissante des Etats-Unis, à la fois contre la Russie et certaines puissances d’Europe, ne peut qu’engendrer en retour une opposition croissante de la part de ces dernières aux plans américains. Ainsi loin de se «soumettre», la France, l’Allemagne et la Russie, auxquelles s’est adjointe l’Espagne de Zapatero, ont marqué lors de leur récent «sommet» un durcissement de leurs positions contre l’Amérique, en particulier à travers l’appel au retrait militaire de l’Irak.
Une telle dynamique n’est pas sans implication sur l’engagement militaire dans le monde de la première puissance mondiale qui, lui aussi, prend la forme d’une véritable fuite en avant.
Il y a quinze ans, suite à l’effondrement du bloc de l’Est, la bourgeoisie occidentale nous promettait une «ère de paix dans un nouvel ordre mondial». De l’Irak à l’ex-Yougoslavie en passant par le Rwanda, la Somalie, le Moyen- et Proche-Orient, l’Asie occidentale et centrale, la planète a été le théâtre d’un redoublement de violences et d’atrocités. Aujourd’hui, toute la propagande bourgeoise sur «le vent de la démocratie et de la liberté» n’a rien d’un air vivifiant. C’est un air plus que jamais vicié, tout comme le système capitaliste porte en lui l’odeur de la mort et de la barbarie.
Donald (25 mars)
C’est à un véritable travail au corps auquel se livrent les partisans du Oui et du Non pour persuader les prolétaires, à coups d’arguments les plus mensongers, que l’adoption de la Constitution européenne représente un enjeu pour leur avenir et pour les convaincre de prendre leurs responsabilités de citoyens dans ce "moment historique".
Pour les uns, il faut voter pour car "le texte consolide l’œuvre de paix, de liberté et de démocratie de cinquante ans de construction européenne. Il affirme un modèle de développement économique et social fondé sur la solidarité et encourage l’initiative et la croissance". En ce qui concerne les opposants au projet de Constitution, la bourgeoisie présente au prolétariat un front du Non allant d’une partie du PS à LO en passant par le PCF et la LCR, les syndicats, CGT en tête, les altermondialistes (ATTAC) essayant de persuader le prolétariat qu’il doit se mobiliser pour le Non afin de refuser que soient "scellées dans le marbre des orientations politiques ultra-libérales responsables de la dégradation sociale, de la casse des statuts."
Tous visent en fait le même objectif : rabattre, attirer un maximum d’ouvriers sur le terrain électoral tout en ravivant les illusions réformistes selon lesquelles la lutte pour la défense de ses conditions de vie passe par la lutte contre le libéralisme. Il s’agit en même temps d’une opération de division qui invite chaque prolétaire à se ranger derrière un camp : celui du Oui ou celui du Non au référendum.
La mystification de l’anti-libéralisme
A écouter ces pseudo-défenseurs de la condition ouvrière, c’est l’orientation "libérale" de la Constitution européenne et des gouvernements européens qui serait responsable de la politique "antisociale" et qui pousserait à déréglementer les législations sociales et à abandonner de soi-disant "acquis ouvriers". Leur point commun, c’est de rendre responsable de la dégradation des conditions de vie du prolétariat une politique, l’ultralibéralisme, qu’il y aurait urgence à combattre.
Partis de gauche et syndicats, dans toute l’Europe, multiplient les mobilisations contre la directive Bolkestein, qui envisage la libéralisation des services selon le "principe qui prévoit que les prestataires européens offrant leur services dans un autre pays de l’Union ne seraient soumis qu’aux lois de leur propre pays" (1 [565]). L’exemple d’une entreprise lettone, faisant travailler ses ouvriers lettons à des salaires lettons (les plus bas en Europe) pour construire une école en Suède est utilisé comme épouvantail destiné à effrayer la classe ouvrière face à l’afflux d’ouvriers venus de l’Europe de l’Est proposer leur force de travail à l’Ouest à des prix défiant toute concurrence. La bourgeoisie soumet le prolétariat au chantage de la concurrence venue de l'Est pour lui faire accepter les baisse des salaires. C'est un chantage identique à celui qu’elle exerce, dans le monde et sans avoir attendu la directive Bolkestein, à travers la menace des délocalisations.
En France, c’est le même haro de tous (les tenants du Oui comme ceux du Non, mais surtout ces derniers) contre la directive Bolkestein qui ferait planer la "destruction programmée du code du travail" et le risque de privatisation des services publics. Là aussi, est-ce qu’il a fallu attendre l’existence de cette directive pour voir se développer la remise en cause de l’Etat providence, et les attaques contre les différents statuts du public comme du privé ? Voici plus de trente ans que s’enchaînent remises en cause et précarisation des conditions d’embauche et de statut, y compris dans la fonction publique.
La crise économique n’a pas attendu le Traité de Maastricht en 1992, ni le projet de Constitution européenne pour faire sentir ses effets dans tous les pays du monde.
Quel but visent réellement les moyens de lutte proposés par les tenants de l’antilibéralisme ?
Les PS, PCF, LCR ainsi que les syndicats et les altermondialistes d’ATTAC se retrouvent aux avant-postes d'un battage pour promouvoir "un mouvement de résistance collectif contre le démantèlement des services publics contraire à l’intérêt général".
La gauche, PS et PC en tête, tente de gommer de nos mémoires qu’elle fut elle-même à l’origine de nombre de ces attaques lorsque elle se trouvait au gouvernement !
Il s’agit de faire passer des mesures de dégradation des conditions de vie et de travail passées ou encore à venir pour une affaire de détournement de l’Etat démocratique et de déficit de la démocratie locale. Il s’agit aussi d’appeler à la lutte contre "la remise en cause des droits de chaque citoyen et chaque citoyenne à avoir accès à la Poste, à l’énergie et peut-être demain à la santé et à l’école." (2 [566]) Tout cela ne sert qu’à pousser la classe ouvrière à chercher une protection et des garanties pour ses conditions de vie auprès de l’Etat alors qu'il est le garant des intérêts de la classe dominante et le promoteur de toutes les attaques antiouvrières !
Une campagne antiouvrière au service de la défense du capital nationalVoilà le grand rempart contre les mesures anti-sociales et les prétendues dérives de l’ultralibéralisme qu’on présente aux ouvriers : la défense de l’Etat et du service public ! Quand Besancenot de la LCR et ses amis d’ATTAC se proposent de "faire converger les luttes et pratiquer la désobéissance civile face aux attaques contre les services publics." (3 [567]), ils mettent en avant que "la défense des services publics, c’est un mouvement d’ensemble de la population qui associe les salariés des différents secteurs publics, les usagers et les élus." (4 [568]) Il est difficile de trouver une recette plus démagogique pour tenter d'éluder la nécessité de la lutte de classe et de dévoyer leurs luttes sur un terrain interclassiste où est propagée l’illusion que toute la population, exploiteurs et exploités confondus, pourrait se retrouver ensemble derrière la défense d’un Etat plus démocratique "au service des citoyens".
Tous ces bonimenteurs s’emploient à faire croire que les attaques gouvernementales proviennent du fait que le patronat privé ou des multinationales auraient la mainmise sur l’Etat (alors que c'est l'inverse qui est vrai). Ils ne visent qu’à détourner le mécontentement ouvrier engendré par les fermetures systématiques des postes, maternités, gares etc. dans l’impasse nationaliste "du refus pour la France d’une société à la Tony Blair".
La réalité met à nu le système capitaliste et le mensonge de la propagande entretenue pendant des décennies, depuis la Seconde Guerre mondiale, selon laquelle les minimums sociaux garantis, la Sécurité sociale, les services publics qui ont constitué les piliers de l’Etat-providence permettaient de concilier les intérêts respectifs des deux classes antagoniques au service de la défense du capital national.
Là, le PS révèle toute son efficacité anti-ouvrière. Ses divisions mêmes sont utilisées, pour le plus grand bénéfice de la bourgeoisie, tout à la fois pour défendre les intérêts globaux du capital français (en tant que parti "responsable" dont la majorité milite pour le Oui) et mystifier le prolétariat (à travers l’appel à voter Non par la fraction Emmanuelli et consorts).
Le dispositif de la bourgeoisie n’aurait pas été complet si LO n’était pas là pour faire entendre sa différence, soi-disant ouvrière et "lutte des classes" : "Nous voterons non" tout en dénonçant que "ce n’est pas le "oui" ou le "non" à ce référendum qui va améliorer le sort des travailleurs." (5 [569]) LO a le culot de tenter de faire oublier sous ses phrases ronflantes qu’en participant au référendum, elle apporte, elle aussi, sa contribution au maintien de l’illusion que la classe ouvrière peut changer sa situation grâce au bulletin de vote ! En affirmant que les "ennemis véritables, ici, à portée de main (…) Ce n’est pas Bruxelles, ce sont nos propres capitalistes, notre propre gouvernement qui nous attaquent !" (6 [570]), l’illusionniste LO escamote la véritable origine des attaques pour l’attribuer au SEUL gouvernement Raffarin et au SEUL patronat.
C’est parce que les attaques actuelles mettent à nu la réalité des antagonismes de classe et parce que l’aggravation permanente de la situation du prolétariat dans la société suscite une réflexion en son sein que les organisations prétendument "amies de la classe ouvrière", la gauche et les gauchistes, s’emploient sans relâche à étouffer dans l’œuf cet embryon de prise de conscience et à enfermer dans des impasses la volonté d’action des prolétaires.
Le recours par la classe dominante à l’épouvantail de "l’ultralibéralisme" constitue un puissant moyen pour brouiller les cartes et la conscience du prolétariat, aux yeux duquel il est indispensable de masquer l’état réel de l’économie capitaliste ainsi que la véritable cause de la situation qui lui est faite : la crise de surproduction permanente, expression de la faillite irrémédiable du système capitaliste comme un tout.
C’est l’impasse dans laquelle se trouve le capitalisme qui impose dans tous les pays le démantèlement accéléré de l’Etat-Providence, la réduction drastique du coût de la force de travail, aussi bien en baissant les salaires de ceux qui ont un emploi qu’en économisant la charge de l’entretien de la force de travail devenue excédentaire (les chômeurs) ou pas assez productifs (les vieux ouvriers). C’est la même logique imposée par la crise économique à laquelle sont soumis les secteurs de la santé, de l’éducation, etc. Prise dans les convulsions des contradictions de la crise mortelle de son système, la bourgeoisie n’a qu’une SEULE politique à offrir : celle de la surexploitation, de l’accroissement sans bornes de la misère et de l’extension de la barbarie guerrière. Dans le monde entier, gouvernements de droite et de gauche appliquent le même type de mesures. Mesures, qu’au gré de leurs passages successifs aux affaires, gouvernements de droite et de gauche ne font que pérenniser et aggraver.
Pour la bourgeoisie, cacher la réalité de son système lui sert à cacher qu’il n’est pas éternel, que la seule alternative véritable, c’est le soulèvement révolutionnaire du prolétariat. C’est pourquoi, face à l’aggravation de la crise, il lui est absolument nécessaire de faire croire, en utilisant le repoussoir de "l’ultra-libéralisme", qu’il existe d’autres options pour une meilleure gestion du système capitaliste, d’autres solutions possibles ou à "imaginer" pour le réformer, lui permettre de dépasser ses contradictions.
La classe ouvrière ne doit pas se laisser prendre avec l’illusion qu’il existe une alternative au sein du capitalisme, qu’elle pourrait remédier à sa situation par le bulletin de vote ou en faisant confiance à ceux qui lui promettent un avenir meilleur au sein du système. La classe ouvrière ne doit pas se laisser détourner de la nécessité d’engager la lutte contre toutes les attaques qu’elle subit de la manière la plus unie et solidaire possible.
La construction de l’Europe n’est pas un enjeu pour le prolétariat, c’en est un pour nos exploiteurs, pour la bourgeoisie. Ce qui se joue pour elle c’est la place que doivent occuper la France et le capital national français sur la scène de l’Europe, aussi bien sur le plan économique que sur le plan de son rang impérialiste face aux autres puissances du continent. Ses intérêts ne sont certainement pas ceux du prolétariat. C’est d’une affaire entre bourgeois dont il s’agit. Tout ce barouf ne sert qu’à diviser et, finalement, à ligoter la classe ouvrière à la défense de l’intérêt national et de l’Etat, c’est-à-dire sur le terrain de l’ordre bourgeois, là où ses propres intérêts sont et seront toujours sacrifiés.
Scott (24 mars)
1 [571] Libération du 15 mars.
2 [572] Déclaration de Marie-George Buffet, secrétaire générale du PCF
3 [573] Tous à Guéret !, appel de lcr-rouge.org, du 3 mars
4 [574] Olivier Besancenot, porte-parole de la LCR, cité par dépêche AFP le du 5 mars.
5 [575] Discours de Lille de A. Laguiller, cité sur le « forum des Amis de LO » sur Internet.
6 [576] Idem
Après deux mois de mobilisation dont l’ampleur ne cessait de croître, la protestation lycéenne a subi un coup d’arrêt brutal lors de la manifestation du 8 mars. Entachée de violences, cette journée a créé une crainte de se mobiliser chez les lycéens, déclenchant ainsi logiquement la perte de vitesse du mouvement. Pour ces jeunes qui pensaient obtenir le retrait du plan Fillon sous leur pression, la désillusion est amère. Mais cette expérience doit servir de leçon. Et pour cela, il faut se pencher avec lucidité sur la signification de ce mouvement.
Ces luttes lycéennes s’inscrivent dans un contexte particulier. Depuis l’année 2000 environ, il se développe lentement une réflexion de fond au sein de la classe ouvrière. Face aux déchaînements guerriers (Irak, Afghanistan…), aux attaques incessantes du capital (Sécurité sociale, retraite, allocations chômage et RMI, salaire…), la faillite de ce système d’exploitation devient à la fois de plus en plus criante et de moins en moins supportable. Partout sur la planète, le prolétariat retrouve petit à petit le chemin de sa lutte, de son unité et de sa conscience. C’est dans cette ambiance, dans cette dynamique qu’il faut comprendre le mouvement lycéen et les craintes de la bourgeoisie.
Un spectre hante les rues : le spectre de la classe ouvrièreAvec l’approfondissement de la crise, la plus grande partie de la jeunesse lycéenne voit s’assombrir son avenir. Eviter le chômage ou un boulot aux conditions inhumaines devient peu à peu mission impossible. Ici, la majorité des jeunes rejoignent donc les inquiétudes de l’ensemble de la classe ouvrière. Cette unité d’intérêt fut d’ailleurs maintes fois exprimée consciemment : "On ne peut pas se limiter à manifester seuls. On se bat aussi pour les profs, ils doivent être avec nous. Ils ne cassent pas seulement l’Education nationale : le gouvernement a attaqué les retraites, la Sécu. On est conscients qu’on ne se bat pas juste pour notre cause", "Le 10, nous serons avec les salariés, nous feront converger nos mobilisations et nos mots d’ordre contre le plan Fillon, contre la casse des retraites…" (Rouge du 10 mars 2005). Et l’un des slogans les plus répandus au sein des manifestations de ce début d’année était "Y’en a ras le bol de ces guignols qui ferment les usines, qui ferment les écoles" !
Dans ce contexte, la réforme Fillon ne fut qu’un détonateur. Comme l’affirme l’éditorial de Libération du 9 mars : "L’agitation lycéenne cristallise une inquiétude qui préexistait à la réforme". Ainsi, sans constituer l’avant-garde révolutionnaire et malgré toutes ses faiblesses interclassistes, le mouvement lycéen est révélateur du malaise ambiant. Beaucoup de jeunes liés, de par leur origine, à la classe ouvrière mettent en évidence à travers leurs slogans le fait que le capitalisme n’attaque pas tel ou tel secteur mais l’ensemble de la classe, sous tous les aspects de sa vie : à la retraite, au travail, à l’école. Ce qui alimente inévitablement la réflexion sur la nécessité d’unité et de solidarité dans la lutte. Ce n’est donc pas par hasard si l’Etat a choisi d’envoyer des casseurs le 8 mars, deux jours avant la manif des salariés ‘public-privé’ à laquelle les lycéens promettaient de venir nombreux.
L’Etat terrorise les lycéensIl ne fait aucun doute que l’Etat a délibérément instauré un climat de peur au sein des cortèges lycéens lors de la manifestation de 8 mars.
Ce jour-là, à Paris, mais aussi à Lyon, à Toulouse, et même à Rouen, des individus organisés en bandes sont venus "casser" du lycéen. Ces voyous sont clairement le produit de cette société nauséabonde. Sans perspective, ces jeunes désœuvrés sont aspirés dans une spirale de haine et de destruction ; leurs seuls liens sociaux sont des rapports de violence et d’affrontement. Cette couche de la société formant le lumpen est depuis toujours un vivier pour la bourgeoisie dans son combat contre la classe ouvrière. L’Etat a donc encore une fois utilisé et instrumentalisé ces bandes.
D’abord, dans les jours qui ont précédé la manifestation, la presse s’est répandue en faits divers, soulignant chaque agression, chaque vol, et pointant du doigt les ‘racailles’. Tout a été fait pour préparer le terrain, exciter les délinquants.
Ensuite, un véritable "permis d’agresser" a été délivré par les forces de l’ordre en laissant faire, sous leurs yeux, vols, rackets, tabassages… Les témoignages de cette passivité policière fourmillent : "Des bandes fondent sur les lycéens, les plaquent contre un mur et les dépouillent. Ou se glissent à l’intérieur du cortège et tabassent. Un agent des renseignements généraux voit tout : "c’est trop compliqué d’intervenir" (Libération du 9 mars) ; "c’était affreux, raconte une lycéenne (…). Deux copains se sont fait dépouiller à cinq mètres des CRS. J’ai couru les chercher. Ils m’ont répondu qu’ils n’avaient pas d’ordre du ministre pour intervenir" (Libération du 11 mars).
Enfin, pour "parfaire le travail", les rares interventions policières ont été des agressions brutales à l’encontre… des lycéens manifestants : "un lycéen remonte du métro choqué : "en bas, les CRS frappent sans distinction." (Libération du 9 mars).
Cette manœuvre a été particulièrement efficace puisque la manifestation lycéenne fut un véritable fiasco, se déroulant sous la marque de la démobilisation et du découragement.
Si la bourgeoisie a employé une telle méthode afin de briser la dynamique, ce n’est absolument pas qu’elle craignait en soi les lycéens. Pour elle, peu importe que dix, vingt ou cent milles élèves ne soient pas en cours mais dans la rue. Ce sont plutôt les préoccupations ouvrières d’une partie de ces lycéens, parce qu’elles correspondent au questionnement de l’ensemble de la classe, qui ont retenu toute l’attention de la bourgeoisie. Pour comprendre ainsi la signification profonde de ce mouvement et ne pas se laisser impressionner par sa seule apparence spectaculaire, il nous faut nous débarrasser de toutes les illusions et mystifications répandues par les forces de gauche.
Le mouvement lycéen, un mouvement interclassisteLes lycéens, comme les étudiants, ne constituent pas une classe dans la société. Une classe est définie par sa place au sein des rapports de production. Dans la mesure où la jeunesse scolarisée n’est pas encore insérée dans ces rapports, les seuls critères permettant d’établir la classe d’appartenance de ses éléments sont leur origine et leur devenir social (qui en général sont équivalents). Or, au même titre que d’autres catégories sociologiques telles que les femmes, les gens de couleur, les consommateurs, etc… on trouve dans la jeunesse scolarisée des éléments appartenant à toutes les classes et couches de la société. Ainsi, lors de ces manifestations lycéennes, on a retrouvé ‘unis’ des enfants de bourgeois, de petits-bourgeois de toutes sortes (professions libérales, cadres, petits commerçants, paysans) et d’ouvriers, autrement dit, des éléments qui sont en passe de s’insérer activement dans la classe exploiteuse et des éléments qui vont prendre place dans la masse des exploités et des chômeurs !
Alors que la classe ouvrière constitue ou tend vers une unité tant au plan de ses revendications et luttes dans la société capitaliste qu’au plan de ses objectifs historiques, la jeunesse ne peut avoir de revendications spécifiques et encore moins de perspective historique propre. C’est pourquoi, les explosions de mécontentement qui peuvent agiter ce milieu demeurent généralement impuissantes. Cette essence interclassiste de tout mouvement lycéen est donc déterminante pour comprendre ses limites et sa perméabilité à l’idéologie dominante.
Le mythe de mai 68 et son mouvement estudiantin radical"Cette nature interclassiste est totalement secondaire", nous répondrons les gauchistes de tout poil. Leur argument est bien connu : les lycéens et étudiants, de par leur jeunesse, sont impertinents et radicaux. Et la preuve apportée à cette fougue qui terroriserait la bourgeoisie est le mouvement étudiant de 68. Il nous faut ici rétablir la vérité.
Mai 68 est une expérience capitale de la classe ouvrière ; il constitue l’un des événements majeurs de la lutte de classe des cinquante dernières années. Et à ce titre, la bourgeoisie est particulièrement intéressée à le déformer, à le travestir. Ainsi, cette reprise du combat prolétarien après quarante ans de contre-révolution, est effectivement régulièrement présentée comme une révolte radicale des étudiants, faisant ainsi fi de la grève de millions d’ouvriers ou les présentant comme à la remorque de la jeunesse insurgée.
En réalité, même si les étudiants d’alors ont "tant aimé la révolution", ils ne pouvaient constituer comme tels ni des troupes pour celle-ci, et encore moins son avant-garde. D’ailleurs, les événements de 68 en ont constitué une illustration rapide : dès lors que la classe ouvrière s’est mise en marche, le mouvement des étudiants "radicalisés" n’a pu apparaître que comme la queue de celui de la classe et il n’a dû sa survie jusqu’aux vacances d’été qu’à l’ampleur et à la durée de la grève ouvrière qui constitue de très loin l’événement historique fondamental de cette période. Et, si une petite frange des étudiants "radicalisés" a pu parvenir à des positions réellement révolutionnaires, c’est avant tout parce qu’à partir de 68, justement, s’est développée la reprise historique des combats prolétariens qui est venue donner une perspective de classe à leur révolte contre la société. Mais pour la grande majorité d’entre eux, par contre, les préoccupations ont trouvé à s’employer dans la participation aux structures d’une université "rénovée", de même que dans des mouvements parfaitement étrangers à la classe ouvrière comme le féminisme, l’écologie ou le pacifisme.
En fin de compte, si les mouvements étudiants des années 1960 ont pu être présentés comme une "avant-garde" du mouvement de la classe, ou comme le détonateur de celui-ci, c’est uniquement dû à une illusion d’optique dans la lecture des faits historiques. La succession dans le temps de l’agitation étudiante et des grèves ouvrières ne traduit nullement l’existence d’un lien de cause à effet entre ces deux phénomènes. Elle s’explique par le fait que leur origine commune, la fin de la reconstruction de l’après-guerre et les premiers symptômes de la crise capitaliste, a d’abord affecté le milieu étudiant par une fermeture croissante de ses perspectives d’avenir avant que la classe ouvrière ne soit elle-même directement frappée par les effets de la crise (ralentissement des hausses salariales, croissance de l’inflation, développement du chômage).
Le travail de sape idéologique de la gauche et des syndicatsPuisque ce n’est pas l’ampleur de l’agitation ou le nombre de jeunes dans la rue qui a inquiété la classe dominante, mais la profondeur et la nature du questionnement, c’est surtout cet embryon de conscience ouvrière qu’elle tente de démolir. L’instrumentalisation des bandes de voyous pour effrayer les lycéens n’est ainsi qu’un aspect, et en réalité assez secondaire, de l’attaque de la bourgeoisie.
Après avoir favorisé l’éclatement de la violence le 8 mars, les forces de l’ordre ont tout fait pour que la manifestation lycéenne suivante se déroule sans incident. Cette fois-ci, dès qu’un individu suspect (c’est-à-dire au look de banlieusard) approchait du cortège, il était aussitôt interpellé. Pourquoi ? Il n’y a qu’à lire les comptes-rendus de la presse du lendemain vantant l’absence de toute agression grâce à la présence des syndicats : "Les gros bras de la CGT devant, de SUD à droite, de FO à gauche, ont fait œuvre de dissuasion, dans un rare mouvement d’unité syndicale" (Le Monde du 16 mars). La leçon est claire. La bourgeoisie veut mettre dans la tête de ces futures générations d’ouvriers qui réfléchissent trop à son goût qu’il n’y a pas de lutte constructive en dehors des syndicats. Cette manœuvre est une véritable publicité en faveur des chiens de garde du capital.
Les gauchistes, et particulièrement les trotskistes, ont aussi pesé de tout leur poids depuis les premiers jours du mouvement afin de polluer la tête des lycéens de foutaises démocratiques et républicaines. Agissant comme un véritable cheval de Troie au sein du mouvement, la LCR, par exemple, n’a cessé de pousser les revendications vers une illusoire éducation égalitaire, impossible dans le système d’exploitation capitaliste (lire l’article "La jeunesse refuse un avenir de misère", RI n° 355). Aujourd’hui, l’extrême gauche s’attaque aux lycéens les plus combatifs en les enfermant dans une impasse : l’occupation des lycées. A contre-courant, alors que le mouvement s’essouffle, les lycéens qui vont cadenasser leur bahut ne pourront que se mettre à dos leurs camarades non grévistes et les enseignants. Les gauchistes, en proposant de tels moyens de lutte, savent très bien ce qu’ils font ; ils isolent les lycéens encore combatifs et les conduisent tout droit au découragement et à l’épuisement.
Ce n’est pas le mouvement lycéen qui est, malgré son côté spectaculaire, le facteur déterminant dans la prise de conscience des jeunes, mais bien le mouvement de la classe ouvrière qui soude, autour de sa perspective historique l’ensemble de ces éléments. En ce sens, les jeunes qui s’inquiètent pour leur avenir ne doivent pas être découragés par la défaite immédiate. Ils doivent poursuivre leur réflexion, entretenir les discussions sur les questions de fond : pourquoi le capitalisme ne cesse d’entraîner l’humanité vers la misère ? Quels moyens de luttes et quelles revendications permettent à l’ensemble du prolétariat de combattre en tant que classe ? Ce processus ne peut pas aboutir immédiatement car, contrairement aux agitations lycéennes, le mouvement du prolétariat n’est pas un feu de paille. S’il ne s’enflamme que progressivement, c’est justement parce qu’il s’attaque à la tâche la plus considérable qu’il ait été donné à l’humanité de réaliser : abolir la société d’exploitation et instaurer le communisme.
Pawel (25 mars)
Depuis
une quinzaine d’années, l’Afrique, en permanence à
feu et à sang, paie un lourd tribu à l'impasse mondiale
du capitalisme. Destruction des vies et de l’environnement,
maladies terribles, misère absolue de la population et du
prolétariat sont la conséquence de guerres impliquant
directement les grandes puissances et dont elles sont responsables au
premier chef. Bien qu'il n'existe aucun havre de paix sur ce
continent, la situation est actuellement particulièrement
dramatique en RDC, au Soudan, en Côte d’Ivoire, au Togo.
Suite aux massacres en masse de l’été dernier à l’est de la RDC (ex-Zaïre) perpétrés par les bandes sanguinaires qui chassaient des populations d’origine tutsie, les tueries s’intensifient et impliquent même les forces de l’ONU. En effet, dans cette région, depuis août dernier, la guerre a déjà fait des milliers de morts venant s’ajouter aux 60 000 victimes et 500 000 déplacés de 2003.
Dans ce contexte, sous prétexte de "venger" leurs collègues tués par des bandes armées, les militaires de l’ONU, qui s'impliquent de plus en plus directement dans la guerre en RDC, ont mis à leur actif ce mois-ci la mort d'une centaine de miliciens congolais.
De leur côté, les autorités criminelles rwandaises et congolaises, qui encadrent les diverses bandes, s’apprêtent à en découdre en envoyant leurs troupes respectives dans les zones de combats. Une fois encore, le chaos sanglant de la RDC est sur le point d’embraser toute la région des Grands Lacs, alors que les grandes puissances et l’ONU tentent de dissimuler leurs propres responsabilités criminelles dans les massacres.
Dix ans de destruction massive du pays, de massacres et de mutilations par millions, n’ont pas suffi aux charognards impérialistes. Pourtant officiellement, ces gens-là ne sont présents sur le terrain que pour assurer la "paix", la "réconciliation", la "démocratie"…
Mais qu’en est-il en réalité ?
La vérité, c’est qu'au lendemain de l’accomplissement de l’abominable "génocide rwandais", la France et les Etats-Unis téléguidant les cliques rwandaises qui s’entredéchiraient alors, se sont retrouvés face à face sur le sol congolais pour poursuivre leurs sanglants règlements de comptes par alliés locaux interposés. Et on connaît la suite : des tueries incessantes et des millions de morts et de blessés. A ce sujet, deux organismes, une ONG basée à New York (IRC) et un centre de recherche médical australien, ont produit un rapport rendu public en décembre dernier qui montre que la guerre en RDC a fait en réalité 3,8 millions de morts depuis 1996. Soit l’équivalent de mille morts par jour, faisant ainsi du conflit en RDC le plus meurtrier depuis la Seconde Guerre mondiale. Les grandes puissances démocratiques ont pour ainsi dire passé sous silence ce génocide de près de 4 millions de victimes, qui n'a pu être exécuté sans leur complicité active.
Aujourd’hui, alors que les tueries se poursuivent et face à la menace de la généralisation du chaos sanglant, l’ONU et les grandes puissances appellent à la "retenue", tout en envoyant leurs émissaires prodiguer des "conseils" aux divers chefs de guerre.
Ces manœuvres diplomatiques ne sont qu’un habillage des agissements criminels des grandes puissances impérialistes en vue de préserver leurs sordides intérêts capitalistes. En effet, rappelons-nous que depuis le début de la guerre, il y a déjà eu des dizaines de "plans de paix" et de résolutions de l’ONU suivis d’innombrables "cessez- le feu" qui n'ont jamais arrêté la boucherie.
Aujourd’hui, face à la nouvelle vague des tueries en masse, les grandes puissances restent de marbre, ou plutôt continuent à téléguider en coulisses les cliques sanguinaires sans même faire semblant d’arrêter les assassins.
Le rôle criminel de l’ONU dans le conflit en constitue une illustration. Pas plus qu'en mai 2003, où ils assistaient passivement à l’assassinat de plus de 60 000 personnes en Ituri, les Casques bleus de l’ONU présents en RDC n’empêchent les massacres. Mais en plus, leurs membres participent directement à des exactions, comme les violences sexuelles, en compagnie des autres criminels. C'est à un point tel que le secrétariat de Kofi Annan a dû admettre publiquement que des "Casques bleus déployés au Congo ont commis des abus sexuels" ( !). Ces crimes sont encore plus odieux au regard du nombre des victimes (40 000 depuis le début de la guerre) et du fait que ce sont des enfants, filles et garçons, qui sont victimes des violences sexuelles. En clair, l’ONU ne se contente pas de tromper son monde sur le fait qu'elle serait une "force de paix", mais elle est directement impliquée dans les opérations criminelles des puissances impérialistes.
Ce sont les mêmes grandes puissances qui ont plongé ce pays dans un chaos sans fin qui tentent de dissimuler leurs responsabilités à travers une propagande mensongère. En effet, pour masquer ses menées guerrières, la bourgeoisie des grands pays capitalistes brandit systématiquement aux yeux du monde des "plans de paix" et de "réconciliation" pour cette région. En 2003, les grands parrains impérialistes des cliques congolaises avaient réussi à imposer à celles-ci un compromis débouchant sur la formation d’un "gouvernement d’union nationale".
Cet épisode a été l’occasion pour la bourgeoisie de parler de l’arrivée d’une "nouvelle ère de paix" et de "réconciliation" en RDC. Mystification grossière ! Le simulacre de gouvernement mis en place n’a pas été long à vaciller quand, en juin dernier, un de ses membres a pris les armes pour occuper la ville de Bukavu en massacrant et faisant fuir par milliers les populations civiles.
Bras armé de pays qui cherchent à contrôler la région, chaque groupe aiguise ses armes contre les autres. Tous ces gangsters qui ne vivent que de la guerre précipitent le pays dans le massacre de tous contre tous.
Autrement dit, contrairement à la propagande mensongère de la bourgeoisie, la paix est impossible dans cette zone. La perspective pour la RDC, c’est la poursuite et la généralisation de la barbarie guerrière.
Soudan (Darfour) : les puissances impérialistes encouragent les massacresDepuis l’été 2003 les massacres se poursuivent au Darfour soudanais et le responsable onusien des "affaires humanitaires" vient d’annoncer, lui-même, le chiffre de 180 000 morts en 18 mois. Pendant toute cette période, les grandes puissances impérialistes de l’ONU se sont déclaré "préoccupées" par le "génocide" et les "crimes contre l’humanité" commis au Soudan, mais dans les faits, elles ont armé, soutenu et manipulé en sous-main les belligérants. En effet, le régime soudanais arme et protège les milices sanguinaires qui s’acharnent sur les populations accusées de soutenir les rebelles, tandis que ces derniers sont armés et financés par certains pays voisins comme le Tchad. Mais en réalité, derrière ces deux pays et les rebelles, il y a d'autres vautours impérialistes encore plus puissants, notamment français et américains qui, derrière des discussions sur des "résolutions de paix", se disputent le contrôle des cliques locales et de la région. Le masque tombe à l’ONU en révélant l’hypocrisie criminelle de ces messieurs :
"Les Américains ont intégré un deuxième volet de sanctions contre le régime de Khartoum, qui gêne les Russes, les Chinois et les Algériens. Les Européens, qui votent sans problème les sanctions, s’opposent en revanche aux Etats-Unis sur la partie du texte concernant la poursuite des responsables des exactions perpétrées au Darfour". (Le Monde du 19 mars 2005)
Voilà comment se déroulent les fameuses "négociations de paix" à l’ONU pour soi-disant arrêter le "génocide" au Darfour, le cynisme des grandes puissances impérialistes n’a d’égal que les degrés de barbarie dont ils portent la responsabilité. Non seulement ces brigands sont les complices des bandes sanguinaires qui massacrent, mais de surcroît ils ont le plus total mépris du sort des populations et des 200 000 morts de cette guerre.
Côte d’Ivoire : la guerre menace de se généraliserLa guerre entre cliques armées repart et menace de généraliser le chaos sanglant sous les yeux des 11 000 militaires de l’ONU et de l’impérialisme français. En effet une milice présidentielle de Gbagbo a attaqué ces jours–ci une position des rebelles du Nord et ceux-ci ont répliqué en décidant de mettre fin à la "médiation de paix" du président sud- africain pour mieux se préparer à une recrudescence de la guerre. Ce nouvel affrontement était prévisible car, depuis quelque temps, les soldats de l’ONU et de la France présents sur le terrain laissaient passer les conteneurs bourrés de munitions à destination des belligérants et ce alors même qu’un embargo avait été instauré officiellement, par le Conseil de sécurité, pour soi-disant empêcher l’exportation des armes. Quel cynisme !
Par ailleurs, sur fond d’affrontements militaires sur le terrain, les rivalités impérialistes s’intensifient sur le plan diplomatique. Ainsi, le président Chirac a été jusqu’à dénoncer publiquement son homologue sud-africain en l’accusant de saboter la politique française dans cette région. En coulisses, les Français soupçonnent les Sud-Africains de s’entendre avec le pouvoir ivoirien sur leur dos. Et cela révèle les appétits criminels de ces deux puissances impérialistes pour le contrôle du pouvoir ivoirien. Ce n'est pas pour autre chose que la France est toujours présente sur place avec 5000 hommes.
Togo : les menaces de chaosLa disparition subite (le 5 février dernier) du général président, Gnassingbé Eyadema risque de déboucher sur un chaos sanglant à cause des convoitises impérialistes dont le pays est l'objet. Les premiers affrontements entre les successeurs du défunt général et l’opposition ont déjà fait plusieurs morts et blessés. Là à nouveau, les diverses cliques locales qui s’affrontent deviennent, de fait, les instruments des Etats impérialistes qui les soutiennent. Ainsi, dès l’annonce du décès du président togolais, les diverses puissances locales (la Libye, le Burkina, le Ghana, etc.) en compagnie de la France se sont précipitées sur le fils, Faure (désigné par les militaires fidèles au père) pour tenter de le contrôler et de le soumettre à leurs intérêts impérialistes respectifs. L’impérialisme français est sur les dents et fait tout pour conserver son influence au Togo. En effet, les relations entre la France et le Togo ont toujours été marquées par la logique "gaullo-barbouzarde" (cette expression exprimant le fait que les réseaux du général de Gaulle en Afrique étaient constitués de barbouzes) de l’ancienne puissance coloniale. D’ailleurs, Eyadema en était l’exemple parfait, lui qui a été formé et téléguidé pendant 40 ans pour servir les intérêts de l’impérialisme français. C’est ainsi qu’il avait pu organiser des coups d’Etat militaires (en 1963, puis en 1967) contre des opposants d’alors à la politique française (l’ex-président Olimpio) grâce à la "couverture" de Foccart, ex- "grand chef" des "barbouzes gaullistes", le défunt "conseiller spécial en matière africaine" du général de Gaulle. Et ce n’est pas un hasard si, après la mort d’Eyadema, Chirac affirme publiquement "qu’avec lui disparaît un ami de la France qui était pour moi un ami personnel".
Ce propos du président français montre clairement que, pour préserver ses intérêts dans cet ancien bastion colonial, l’impérialisme français se prépare à la confrontation qui se dessine au Togo.
Ce qui se prépare dans ce pays, comme dans d'autres pays cités, c’est le processus à la congolaise. En clair, la perspective pour l’Afrique tout entière, c’est ce qui se déroule déjà en RDC, c'est-à-dire la généralisation de la barbarie sans fin.
Pour renverser une telle perspective, ce n'est évidemment pas sur une puissance de premier ou de troisième ordre qu'il faut compter, ni sur une institution internationale comme l'ONU qui n'est qu'un repaire de brigands, mais bien sur le renversement du capitalisme par la classe ouvrière.
Amina (24 mars)
Dans la première partie de cet article, (voir RI n°355), nous avions souligné le contexte international et rappelé le cadre général de la révolution de 1905 en Russie. Nous avions alors rappelé l’importance des leçons tirées pour la classe ouvrière.
Dans la deuxième partie de cet article, comme nous l’avions annoncé, nous allons revenir sur la nature prolétarienne de ces événements et sur la dynamique de la grève de masse qui a conduit le prolétariat à faire surgir de son combat de nouveaux organes d’organisation et de pouvoir : les soviets. Nous verrons que toute la créativité de la classe ouvrière, à l’aube du déclin du capitalisme, s’est effectuée sans aucun rôle majeur des syndicats et de la lutte parlementaire. La capacité de la classe ouvrière à prendre elle-même en main son avenir, sur la base de son expérience accumulée et de sa solidarité, préfigurait déjà de nouvelles responsabilités pour elle et son avant-garde. Ainsi, des positions décisives pour le mouvement ouvrier, dans la phase de décadence du capitalisme, étaient déjà inscrites et présentes en 1905.
Les éléments essentiels de l’histoire étant retracés, nous voulons ici souligner un premier point : la révolution de 1905 a un protagoniste fondamental, le prolétariat russe, et toute sa dynamique suit strictement la logique de cette classe.
Lénine lui même est assez clair sur cela quand il rappelle qu’à part son caractère "démocratique bourgeois" dû à son "contenu social", "La révolution russe était en même temps une révolution prolétarienne non seulement parce que le prolétariat y était la force dirigeante, l’avant-garde du mouvement, mais aussi parce que l’instrument spécifique du prolétariat, la grève, constituait le levier principal permettant de mettre en branle des masses et le fait le plus caractéristique de la vague montante des événements décisifs" (1 [578]). Mais quand Lénine parle de grève, nous ne devons pas y voir des actions de 4, 8 ou 24 heures du type de ce que nous proposent les syndicats aujourd’hui dans tous les pays du monde. En fait, avec 1905 se développe ce qu’on a appelé ensuite la grève de masse, cet "océan de phénomènes" – comme l’a caractérisé Rosa Luxemburg – c’est-à-dire l’extension et l’auto-organisation spontanées de la lutte du prolétariat qui vont caractériser tous les grands moments de lutte du 20e siècle (2 [579]). L’aile gauche dont les Bolcheviks, Rosa Luxemburg, Pannekoek, y verra la confirmation de ses positions (contre le révisionnisme à la Bernstein (3 [580]) et le crétinisme parlementaire) mais devra s’atteler à un travail théorique approfondi pour comprendre pleinement le changement des conditions de vie du capitalisme - la phase de l’impérialisme et de la décadence - qui déterminait le changement dans les buts et les moyens de la lutte de classe. Mais déjà, Luxemburg en dessinait les prémices : "La grève de masse apparaît ainsi non pas comme un produit spécifiquement russe de l’absolutisme, mais comme une forme universelle de la lutte de classe prolétarienne déterminée par le stade actuel du développement capitaliste et des rapports de classe (…) la révolution russe actuelle éclate à un point de l’évolution historique situé déjà sur l’autre versant de la montagne, au-delà de l’apogée de la société capitaliste." (4 [581])
La grève de masse n’est pas un simple mouvement des masses, un genre de révolte populaire englobant "tous les opprimés" et qui serait, par essence, positive comme les idéologies gauchistes et anarchistes aujourd’hui veulent nous le faire accroire. En 1905, Pannekoek écrivait : "Si l’on prend la masse dans son sens tout à fait général, l’ensemble du peuple, il apparaît que, dans la mesure où se neutralisent réciproquement les conceptions et volontés divergentes des uns et des autres, il ne reste apparemment rien d’autre qu’une masse sans volonté, fantasque, adonnée au désordre, versatile, passive, oscillant de ci de là entre diverses impulsions, entre des mouvements incontrôlés et une indifférence apathique - bref, comme on le sait, le tableau que les écrivains libéraux peignent le plus volontiers du peuple (…) Ils ne connaissent pas les classes. A l’opposé, c’est la force de la doctrine socialiste que d’avoir apporté un principe d’ordre et un système d’interprétation de l’infinie variété des individualités humaines, en introduisant le principe de la division de la société en classes." (5 [582])
Alors que la bourgeoisie et, avec elle, les opportunistes dans le mouvement ouvrier se détournaient avec dégoût du mouvement "incompréhensible" de 1905 en Russie, la gauche révolutionnaire allait tirer les leçons de la nouvelle situation : "…les actions de masse sont une conséquence naturelle du développement du capitalisme moderne en impérialisme, elles sont sans cesse davantage la forme de combat qui s’impose à lui." (6 [583])
La grève de masse n’est pas non plus une recette toute prête comme la "grève générale" prônée par les anarchistes (7 [584]), mais le mode d’expression de la classe ouvrière, une façon de regrouper ses forces pour développer sa lutte révolutionnaire. "En un mot : la grève de masse comme la révolution russe nous en offre le modèle, n’est pas un moyen ingénieux, inventé pour renforcer l’effet de la lutte prolétarienne, mais elle est le mouvement même de la masse prolétarienne, la forme de manifestation de la lutte prolétarienne dans la révolution" (8 [585]). La grève de masse est quelque chose dont aujourd’hui nous n’avons pas une idée directe et concrète sinon, pour ceux qui sont moins jeunes, à travers ce qu’a représenté la lutte des ouvriers polonais en 1980 (9 [586]). Référons-nous donc encore à Luxemburg qui en donne un cadre solide et lucide : "les grèves en masse - depuis la première grande grève revendicative des ouvriers du textile à Saint-Pétersbourg en 1896-1897 jusqu’à la dernière grande grève de décembre 1905 - sont passées insensiblement du domaine des revendications économiques à celui de la politique, si bien qu’il est presque impossible de tracer des frontières entre les unes et les autres. Mais chacune des grandes grèves de masse retrace pour ainsi dire en miniature, l’histoire générale des grèves en Russie, commençant par un conflit syndical, purement revendicatif ou du moins partiel, parcourant ensuite tous les degrés jusqu’à la manifestation politique. (…) La grève de masse de janvier 1905 a débuté par un conflit à l’intérieur des usines Poutilov, la grève d’octobre par les revendications des cheminots pour leur caisse de retraite, la grève de décembre enfin, par la lutte des employés des postes et du télégraphe pour le droit de coalition. Le progrès du mouvement ne se manifeste pas par le fait que l’élément économique disparaît, mais plutôt par la rapidité avec laquelle on parcourt toutes les étapes jusqu’à la manifestation politique, et par la position plus ou moins extrême du point final atteint par la grève en masse.(…) Le facteur économique et le facteur politique, bien loin de se distinguer complètement ou même de s’exclure réciproquement (…) constituent dans une période de grève de masse deux aspects complémentaires de la lutte de classe prolétarienne en Russie". (10 [587]) Rosa Luxemburg aborde ici un aspect central de la lutte révolutionnaire du prolétariat : l’unité inséparable de la lutte économique et de la lutte politique. A l’inverse de ceux qui, à l’époque, affirment que la lutte politique représente le dépassement, la partie noble pour ainsi dire, de la lutte du prolétariat dans ses confrontations avec la bourgeoisie, Luxemburg explique au contraire clairement comment la lutte économique se développe du terrain économique au terrain politique pour ensuite revenir avec une force accrue sur le terrain de la lutte revendicative. Tout cela est particulièrement clair quand on relit les textes sur la révolution de 1905 et concernant le printemps et l’été. De fait, on voit comment le prolétariat qui avait commencé avec une manifestation politique revendiquant des droits démocratiques lors du dimanche sanglant, à un niveau extrêmement humble, non seulement n’a pas reculé après la forte répression mais en est sorti avec une énergie renouvelée et renforcée et est monté à l’assaut pour la défense de ses conditions de vie et de travail. C’est ainsi que dans les mois qui ont suivi, il y a eu une multiplication des luttes. Cette période a été aussi d’une grande importance parce que, comme le souligne encore Rosa Luxemburg, elle a donné au prolétariat la possibilité d’intérioriser, a posteriori, tous les enseignements du prologue de janvier et de se clarifier les idées pour le futur.
Caractère spontané de la révolution et confiance dans la classe ouvrièreUn aspect qui est particulièrement important dans le processus révolutionnaire dans la Russie de 1905, c’est son caractère fortement spontané. Les luttes surgissent, se développent et se renforcent, donnant naissance à de nouveaux instruments de lutte tels que la grève de masse et les soviets, sans que les partis révolutionnaires de l’époque ne réussissent à être dans le coup ou même à comprendre complètement sur le moment les implications de ce qui se passe. La force du prolétariat dans le mouvement sur le terrain de ses propres intérêts de classe est formidable et contient en elle-même une créativité impensable. C’est Lénine lui même qui le reconnaît un an après en faisant le bilan de la révolution de 1905 : "De la grève et des manifestations, l’on passe à la construction de barricades isolées. Des barricades isolées, à la construction de barricades en masse et aux batailles de rue contre la troupe. Par dessus la tête des organisations, la lutte prolétarienne de masse est passée de la grève à l’insurrection. Là est la grande acquisition historique de la révolution russe, acquisition due aux événements de décembre 1905 et faite, comme les précédentes, au prix de sacrifices immenses. De la grève politique générale le mouvement s’est élevé à un degré supérieur. Il a forcé la réaction à aller jusqu’au bout dans sa résistance : c’est ainsi qu’il a formidablement rapproché le moment où la révolution elle aussi ira jusqu’au bout dans l’emploi de ses moyens d’offensive. La réaction ne peut aller au-delà du bombardement des barricades, des maisons et de la foule. La révolution, elle, peut aller au-delà des groupes de combat de Moscou, elle a du champ et quel champ en étendue et en profondeur ! (…) Le changement des conditions objectives de la lutte qui imposait la nécessité de passer de la grève à l’insurrection, fut ressenti par le prolétariat bien avant que par ses dirigeants. La pratique, comme toujours, a pris le pas sur la théorie." (11 [588])
Ce passage de Lénine est particulièrement important aujourd’hui dans la mesure où nombre de doutes présents chez les éléments politisés et jusqu’à un certain point, à l’intérieur des organisations prolétariennes, sont liés à l’idée que le prolétariat ne réussira jamais à émerger de l’apathie dans laquelle il semble parfois être tombé. Ce qui s’est passé en 1905 en est le démenti le plus éclatant et l’émerveillement que nous éprouvons lorsque nous voyons ce caractère spontané de la lutte de classe n’est que l’expression d’une sous-estimation des processus qui se déroulent en profondeur dans la classe, de cette maturation souterraine de la conscience dont parlait déjà Marx, quand il se référait à "la vieille taupe". La confiance dans la classe ouvrière, dans sa capacité à donner une réponse politique aux problèmes qui affectent la société, est une question primordiale à l’époque actuelle. Après l’écroulement du mur de Berlin et la campagne de la bourgeoisie qui s’en est suivi sur la faillite du communisme faussement identifié à l’infâme régime stalinien, la classe ouvrière éprouve des difficultés à se reconnaître en tant que classe et, par conséquent, à se reconnaître dans un projet, dans une perspective, dans un idéal pour lequel combattre. Le manque de perspective produit automatiquement une chute de la combativité, un affaiblissement de la conviction qu’il est nécessaire de se battre, parce qu’on ne lutte pas pour rien mais seulement si on a un objectif à atteindre. C’est pour cela qu’aujourd’hui, le manque de clarté sur la perspective et le manque de confiance en elle-même de la classe ouvrière sont fortement liés entre eux. Mais c’est fondamentalement dans la pratique qu’une telle situation peut être dépassée, à travers l’expérience directe par la classe ouvrière de ses possibilités et de la nécessité de lutter pour une perspective. C’est ce qui s’est produit justement en Russie en 1905 quand "en quelques mois, les choses changèrent du tout au tout. Les centaines de sociaux-démocrates révolutionnaires furent "subitement" des milliers, et ces milliers devinrent les chefs de deux à trois millions de prolétaires. La lutte prolétarienne suscita une grande effervescence, et même en partie un mouvement révolutionnaire, au plus profond de la masse des cinquante à cent millions de paysans ; le mouvement paysan eut une répercussion dans l’armée et entraîna des révoltes militaires, des engagements armés entre les troupes." (12 [589]) Cela ne constituait pas une nécessité seulement pour le prolétariat en Russie, mais pour le prolétariat mondial, y inclus le plus développé, le prolétariat allemand :
"Dans la révolution, où la masse elle même paraît sur la scène politique, la conscience de classe devient concrète et active. Aussi une année de révolution a-t-elle donné au prolétariat russe cette "éducation" que trente ans de luttes parlementaires et syndicales ne peuvent donner artificiellement au prolétariat allemand. (…) Mais, inversement, il est non moins certain qu’en Allemagne, dans une période d’actions politiques énergiques, un instinct de classe vivant révolutionnaire, avide d’agir, s’emparera des couches les plus larges et les plus profondes du prolétariat ; cela se fera d’autant plus rapidement et avec d’autant plus de force que l’influence éducatrice de la social-démocratie aura été plus puissante". (13 [590]) On peut dire aujourd’hui, en paraphrasant Rosa Luxemburg, qu’il est tout aussi vrai qu’actuellement, dans le monde, dans une période de crise économique profonde et devant l’incapacité patente de la bourgeoisie à faire face à la faillite de tout le système capitaliste, un sentiment révolutionnaire actif et vivant s’emparera des secteurs les plus mûrs du prolétariat mondial et il le fera en particulier dans les pays à capitalisme avancé dans lesquels l’expérience de la classe a été la plus riche et la plus enracinée et dans lesquels sont plus présentes les forces révolutionnaires encore faibles. Cette confiance que nous exprimons aujourd’hui dans la classe ouvrière, n’est pas un acte de foi, ni ne correspond à une attitude de confiance aveugle, mystique, mais elle est fondée justement sur l’histoire de cette classe et sur la capacité de reprise, parfois surprenante, dans une situation de torpeur apparente, parce que, comme nous avons essayé de le montrer, s’il est vrai que les dynamiques à travers lesquelles se produisent les processus de maturation de sa conscience sont souvent obscurs et difficiles à comprendre, il est tout à fait certain que cette classe est historiquement contrainte, de par sa place dans la société de classe exploitée et de classe révolutionnaire en même temps, de se dresser contre la classe qui l’opprime, la bourgeoisie et dans l’expérience de ce combat, elle retrouvera la confiance en elle-même qui lui fait défaut aujourd’hui : "Auparavant, nous avions une masse impuissante, docile, d’une inertie de cadavre face à la force dominante qui, elle, est bien organisée et sait ce qu’elle veut, qui manipule la masse à son gré ; et voilà que cette masse se transforme en humanité organisée, capable de déterminer son propre sort en exerçant sa volonté consciente, capable de faire face crânement à la vieille puissance dominante. Elle était passive ; elle devient une masse active, un organisme doté de sa vie propre, cimentée et structurée par elle-même, dotée de sa propre conscience, de ses propres organes" (14 [591]).
De pair avec le développement de la confiance de la classe ouvrière en elle-même, apparaît nécessairement un autre élément crucial de la lutte du prolétariat : la solidarité dans ses rangs. La classe ouvrière est la seule classe qui est vraiment solidaire par essence parce qu’il n’existe en son sein aucun intérêt économique divergent - contrairement à la bourgeoisie, classe de la concurrence et dont la solidarité ne s’exprime au plus haut degré que dans les limites nationales ou bien contre son ennemi historique, le prolétariat. La concurrence au sein du prolétariat lui est imposée par le capitalisme, mais la société qu’il porte dans ses flancs et dans son être est une société qui met fin à toutes les divisions, une véritable communauté humaine. La solidarité prolétarienne est une arme fondamentale de la lutte du prolétariat ; elle était à l’origine du grandiose bouleversement de l’année 1905 en Russie : "l’étincelle qui a provoqué l’incendie a été un conflit commun entre capital et travail : la grève dans une usine. Il est intéressant de noter cependant que la grève des 12 000 ouvriers de Poutilov, déclenchée le lundi 3 janvier, a été d’abord une grève proclamée au nom de la solidarité prolétarienne. La cause en a été le licenciement de 4 ouvriers. "Quand la demande de réintégration a été rejetée – écrit un camarade de Pétersbourg le 7 janvier – l’usine s’est arrêtée d’un seul coup, à l’unanimité totale"." (15 [592])
Ce n’est pas un hasard si, aujourd’hui, la bourgeoisie s’efforce de galvauder la notion de solidarité qu’elle présente sous une forme "humanitaire" ou encore à la sauce de "l’économie solidaire", un des gadgets du nouveau "mouvement" altermondialiste qui s’efforce de dévoyer la prise de conscience qui s’effectue peu à peu dans les profondeurs de la société sur l’impasse que représente le capitalisme pour l’humanité. Si la classe ouvrière dans son ensemble n’est pas encore consciente aujourd’hui de la puissance de sa solidarité, la bourgeoisie, elle, n’a pas oublié les leçons que le prolétariat lui a infligées dans l’histoire.
"Dans la tempête révolutionnaire, le prolétaire, le père de famille prudent, soucieux de s’assurer un subside, se transforme en "révolutionnaire romantique" pour qui le bien suprême lui-même - la vie - et à plus forte raison le bien-être matériel n’ont que peu de valeur en comparaison de l’idéal de la lutte. S’il est donc vrai que c’est à la période révolutionnaire que revient la direction de la grève au sens de l’initiative de son déclenchement et de la prise en charge des frais, il n’en est pas moins vrai qu’en un tout autre sens la direction dans les grèves de masse revient à la social-démocratie et à ses organismes directeurs. (…) La social-démocratie est appelée, dans une période révolutionnaire, à en prendre la direction politique. La tâche la plus importante de "direction" dans la période de grève de masse, consiste à donner le mot d’ordre de la lutte, à l’orienter, à régler la tactique de la lutte politique de telle manière qu’à chaque phase et à chaque instant du combat, soit réalisée et mise en activité la totalité de la puissance du prolétariat déjà engagée et lancée dans la bataille" (16 [593]). Pendant l’année 1905, bien souvent les révolutionnaires (appelés à l’époque les sociaux-démocrates) ont été surpris, devancés, dépassés par l’impétuosité du mouvement, sa nouveauté, son imagination créative et n’ont pas toujours su donner les mots d’ordre dont parle Luxemburg, "à chaque phase, à chaque instant" et ont même commis des erreurs importantes. Cependant, le travail révolutionnaire de fond qu’ils ont mené avant et pendant le mouvement, l’agitation socialiste, la participation active à la lutte de leur classe ont été des facteurs indispensables dans la révolution de 1905 ; leur capacité, ensuite, de tirer les leçons de ces événements a préparé le terrain de la victoire de 1917.
Ezechiele
(D’après la Revue Internationale n°120, 1er trimestre 2005)
1 [594]Lénine : "Rapport sur la révolution de 1905".
2 [595]Voir notre article "Les conditions historiques de la généralisation de la lutte de la classe ouvrière" dans la Revue internationale n°26, 3e trimestre 1981.
3 [596]Bernstein était, dans la social-démocratie allemande, le promoteur de l’idée d’une transition pacifique au socialisme. Son courant est connu sous le terme de révisionnisme. Rosa Luxemburg le combat comme l’expression d’une dangereuse déviation opportuniste qui affecte le parti, dans sa brochure Réforme sociale ou révolution.
4 [597]R. Luxemburg : Grève de masse, Parti et syndicats.
5 [598]"Marxisme et téléologie", publié dans la Neue Zeit en 1905, cité dans "Action de masse et révolution" (1912).
6 [599]Pannekoek : "Action de masse et révolution", Neue Zeit en 1912.
7 [600]D’ailleurs les anarchistes n’ont joué aucun rôle en 1905. L’article dans notre Revue Internationale n° 120 sur la CGT en France souligne que 1905 ne trouve aucun écho chez les anarcho-syndicalistes. Comme le met en lumière Rosa Luxemburg, dès l’entrée, dans sa brochure Grève de masse, parti et syndicats, "l’anarchisme est absolument inexistant dans la révolution russe comme tendance politique sérieuse". "La révolution russe, cette même révolution qui constitue la première expérience historique de la grève générale, non seulement ne réhabilite pas l’anarchisme, mais encore aboutit à une liquidation historique de l’anarchisme."
8 [601]Rosa Luxemburg : Grève de masse, parti et syndicats.
9 [602]Voir notre brochure sur la Pologne 80.
10 [603]Rosa Luxemburg : Grève de masse, parti et syndicats.
11 [604]Lénine : "Les enseignements de l’insurrection de Moscou", 1906
12 [605]Lénine : "Rapport sur la révolution de 1905."
13 [606]Rosa Luxemburg : Grève de masse, parti et syndicats.
14 [607]Pannekoek : "Action de masse et révolution", Neue Zeit en 1912
15 [608]Lénine : "Grève économique et grève politique"
16 [609]Rosa Luxemburg : Grève de masse, parti et syndicats.
Malgré la polarisation qu'entretient la bourgeoisie autour du
référendum sur la
Constitution européenne, le mécontentement social est
toujours présent.
Une confirmation de
la combativité ouvrière
Le ras-le-bol continue à s'accumuler et à se manifester à travers une multitude de luttes sporadiques, bien qu'encore très isolées les unes des autres. Au cœur du maintien de cette effervescence se retrouvent les mêmes revendications d'augmentation de salaires, les mêmes refus de détérioration des conditions de travail, de cadences infernales, de réductions d'effectifs, de suppressions de postes, de fermetures d'usines. Cela s'exprime au sein de secteurs aussi divers que chez les techniciens de Radio-France, dans le personnel hospitalier, chez les instituteurs, les chauffeurs de bus, les salariés de PME, les ouvriers de grands groupes industriels (Alcan, Citroën, Colgate-Palmolive…), les marins, les employés de grands magasins (Carrefour). Des départements ou des régions connaissent plusieurs foyers simultanés de lutte : en Rhône-Alpes (postiers de l'Isère, ST-Microelectronics, Cotelle-Rilleux, Sanofi-Pasteur, deux usines Danfoss, un grand garage, une fabrique de cercueils), la Touraine (ST- Microelectronics encore, Hutchinson-Chambray, hôpital Trousseau de Saint-Avertin), dans les Yvelines (Snecma-Services, chauffeurs de bus de la Connex aux Mureaux qui assurent le ramassage scolaire et le transport des ouvriers de Renault-Flins ou de PSA-Poissy) sans compter Aluminium- Dunkerque dans le Nord, Sanofi Aventis près de Bordeaux ou VPS France à Saint-Denis dans le département de Seine St Denis. Une vague de protestation grandit contre la suppression du lundi de Pentecôte férié dont le prétexte donné par le gouvernement (une "journée de solidarité au bénéfice des personnes âgées") est profondément mis en doute, donnant déjà lieu à des grèves préventives chez les salariés de Total ou les ouvriers de Hutchinson. Face à la pénurie de personnel et à l'amputation encore plus drastique de moyens financiers et d'effectifs annoncés, le personnel de l'institut de cancérologie IGR de Villejuif (présenté comme un modèle européen notamment lors du "plan anti-cancer " mis en avant par Chirac), prend le relais de la grogne des hospitaliers urgentistes. Les marins de la compagnie SNCM à Marseille (Société Nationale Corse-Méditerranée) ont été "lock-outés" par la direction le 20 avril, après neuf jours de grève, pour avoir occupé les navires et s'être quasiment mutinés contre leurs officiers face au recrutement massif de marins étrangers aux salaires les plus bas possible. Ils se sont durement affrontés aux forces de police qui cherchaient à les déloger et ont reçu dans cette lutte le soutien actifs des dockers et du personnel du port de Marseille, venus leur prêter main-forte.
Tout cela témoigne du fait que la combativité ouvrière n'est pas vraiment étouffée par le battage électoral. Après les embryons de manifestations de solidarité qui ont germé au cours de ces derniers mois (voir RI du mois précédent), les travailleurs des aéroports ont été momentanément réduits à une rage impuissante malgré une autre grève de soutien le 19 avril, suite au licenciement d'un des leurs rendu responsable, par la direction de l'aéroport, de la chute mortelle d'une hôtesse de l'air à Orly. Mais cette rage ravalée est un sentiment qui se nourrit de toutes les défaites et humiliations accumulées et mûrit dans les entrailles du prolétariat.
Les matraquages policiers systématiques des manifestations lycéennes de ces dernières semaines, et les manipulations dont elles ont été l'objet comme les agressions par de jeunes "casseurs" de banlieue lumpenisés lors de la grande manifestation lycéenne du 8 mars ont considérablement affaibli le mouvement lycéen. Mais ils n'ont pas calmé la colère d'une minorité de jeunes qui s'est "radicalisée" et qui gardera la trace de cette expérience dans le futur pour le développement ultérieur de leur conscience et de leur réflexion. Ceci est révélateur d'un questionnement sur le système et l'avenir qu'il réserve. Ce n’est d’ailleurs pas que dans la jeunesse que ce processus est à l’œuvre mais plus largement et plus profondément dans l’ensemble de la société.
Les ouvriers ne doivent pas tomber dans le piège électoral
De larges fractions de la bourgeoisie française chargées de l'encadrement de la classe ouvrière, partis de gauche et syndicats, en sont conscients et ne se privent pas d'utiliser aujourd'hui le référendum sur l'Europe pour gagner du temps et repousser momentanément les échéances d'une confrontation plus massive et globale avec le prolétariat. Ils profitent de cette échéance et de la querelle qu'elle suscite au sein de la bourgeoisie pour chercher à défouler la montée de la colère et du mécontentement social en la détournant sur le terrain électoral en prônant un Non de gauche comme désaveu du gouvernement. Ceci un piège.
La classe ouvrière n'a absolument rien à attendre du vote sur la Constitution européenne. Ce n'est pas le terrain ni le problème de la classe ouvrière, c'est le terrain et le problème de la bourgeoisie (voir article page 2).
Les intérêts de la classe ouvrière, eux, n'ont rien à voir avec ce référendum ni avec la Constitution européenne. Que le Oui ou le Non l'emporte ne changera rien aux conditions d'exploitation des prolétaires. Et ce n'est pas la victoire du Oui ou celle du Non qui changera quoi que ce soit à l'intensification des attaques antiouvrières menées par les différentes bourgeoisies nationales. Le résultat de ce vote ne changera rien à l'accélération de la dégradation des conditions de vie des prolétaires, aux licenciements, aux délocalisations, à la montée du chômage et de la précarité, à l'amputation de tous les budgets sociaux, au démantèlement accéléré de la protection sociale. Ce sont les produits de la crise et les manifestations de la faillite du système capitaliste au niveau mondial. De l'extrême droite aux organisations gauchistes en passant par tout l'appareil politique de la bourgeoisie, l'incessant battage idéologique depuis près de trois mois autour du référendum , dramatisé à souhait, ne vise qu'à attirer et à rabattre un maximum de prolétaires sur le terrain électoral. A travers ce battage, la bourgeoisie tente de raviver parmi les prolétaires les illusions réformistes selon lesquelles la défense de leurs conditions de vie, de plus en plus fortement attaquées par le capitalisme, passerait par l'Etat bourgeois. C'est un énorme mensonge, une mystification pure et simple. L'Etat bourgeois a toujours assuré dans le passé et assurera toujours à l'avenir la défense du capital national CONTRE la classe ouvrière et CONTRE la défense de ses intérêts de classe. Quel que soit le modèle qui en soit proposé ou qui nous soit promis, il n'offrira jamais le progrès des droits sociaux qu'on nous fait miroiter pour demain.
Pas plus dans ce référendum que dans une autre élection, la réponse des ouvriers ne passe par le bulletin de vote. Celui-ci ne sert qu'à désarmer la classe ouvrière et à l'atomiser dans l'isoloir. Il ne sert qu'à l'empêcher de prendre conscience que le responsable de la misère, de la dégradation constante de ses conditions de vie, ce n'est pas l'Europe, ni l'orientation trop libérale de celle-ci, ni encore la politique de tel ou tel gouvernement. Le responsable, c'est la perpétuation de ce système capitaliste de concurrence et d'exploitation dans le monde entier. Le problème n'est pas français ni européen, il est mondial.
Wim (22 avril)
L'année 2005 est riche en anniversaires macabres. La bourgeoisie vient de célébrer l'un d'entre eux, les 60 ans de la libération des camps de concentration nazis, avec un faste qui a surpassé les cérémonies de son cinquantenaire. On ne s'en étonnera pas dans la mesure où l'exhibition des crimes monstrueux du camp qui est sorti vaincu de la Seconde Guerre mondiale a, depuis soixante ans, constitué le plus sûr moyen d'absoudre les Alliés des crimes contre l'humanité qu'ils ont commis eux aussi, et de présenter les valeurs démocratiques comme garantes de la civilisation face à la barbarie.
La Seconde Guerre mondiale, tout comme la première, a été une guerre impérialiste, mettant aux prises des brigands impérialistes, et l'hécatombe dont elle est responsable (50 millions de morts) est venu dramatiquement confirmer la faillite du capitalisme. Pour la bourgeoisie, il est de la plus haute importance que persiste dans la conscience des générations nouvelles la mystification ayant permis l'embrigadement de leurs aînés qui pensaient que combattre le fascisme dans le camp démocratique c'était défendre la dignité humaine et la civilisation contre la barbarie. C'est pourquoi, il ne suffit pas à la classe dominante d'avoir utilisé comme chair à canon la classe ouvrière américaine, anglaise, allemande, russe ou française, ce sont encore les générations actuelles de prolétaires à qui elle destine de façon privilégiée sa propagande infecte. En effet, bien qu'aujourd'hui elle ne soit pas prête à se sacrifier pour les intérêts économiques et impérialistes de la bourgeoisie, la classe ouvrière continue néanmoins à être perméable à la mystification selon laquelle ce n'est pas le capitalisme qui est la cause de la barbarie dans le monde, mais bien certains pouvoirs totalitaires, ennemis jurés de la démocratie.
L'expérience de deux guerres mondiales montre qu'elles ont des caractéristiques communes expliquant les sommets alors atteints par la barbarie et dont sont responsables tous les camps en présence :
- l'armement incorpore le plus haut niveau de la technologie et, comme l'ensemble de l'effort de guerre, il draine toutes les ressources et forces de la société.
- un corset de fer enserre toute la société en vue de la plier aux exigences extrêmes du militarisme et de la production de guerre.
- tous les moyens sont utilisés, jusqu'aux plus extrêmes en vue de s'imposer militairement : les gaz asphyxiants durant la Première Guerre mondiale qui étaient pourtant considérés, jusqu'à leur première utilisation, comme l'arme absolue dont on disait qu'il n'en serait jamais fait usage ; la bombe atomique, l'arme suprême, contre le Japon en 1945. Moins connus, mais encore plus meurtriers, ont été les bombardements de la Seconde Guerre mondiale des villes et des populations civiles en vue de les terroriser et les décimer. Inaugurés par l'Allemagne sur les villes de Londres, Coventry et Rotterdam, ils ont été perfectionnés et systématisés par la Grande-Bretagne dont les bombardiers déchaîneront de véritables ouragans de feu au cœur des villes.
"Les crimes allemands ou soviétiques ne peuvent faire oublier que les Alliés eux-mêmes ont été saisis par l'esprit du mal et ont devancé l'Allemagne dans certains domaines, en particulier les bombardements de terreur. En décidant le 25 août 1940 de lancer les premiers raids sur Berlin, en réplique à une attaque accidentelle sur Londres, Churchill prend l'écrasante responsabilité d'une terrible régression morale. Pendant près de cinq ans, le Premier britannique, les commandants du Bomber Command, Harris, en particulier, s'acharnent sur les villes allemandes. " (Une guerre totale 1939-1945, stratégies, moyens, controverse de Ph. Masson) (1). Les bombardements anglais sur les villes allemandes allaient causer la mort de près d'un million de personnes.
Loin de conduire à une certaine modération de l'offensive sur l'ennemi, permettant d'en réduire le coût financier, la déroute dans l'année 1945 de l'Allemagne et du Japon a au contraire eu pour effet de faire redoubler d'intensité et de cruauté les attaques aériennes. La raison en est que l'enjeu véritable n'était désormais plus la victoire sur ces pays, déjà acquise. Il s'agissait en fait d'éviter que, face aux souffrances de la guerre, des fractions de la classe ouvrière en Allemagne ne se soulèvent contre le capitalisme, comme cela avait été le cas lors de la Première Guerre mondiale (2). Les attaques aériennes anglaises visent donc à poursuivre l'anéantissement des ouvriers qui n'ont pas déjà péri sur les fronts militaires et à plonger le prolétariat dans l'impuissance de l'effroi.
A cette considération, il s'en ajoute une autre. Il était devenu clair pour les Anglo-américains que la future partition du monde allait mettre face-à-face les principaux pays vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale, d'une part les Etats-Unis (avec à leurs côtés une Angleterre sortant exsangue de la guerre) et d'autre part l'Union soviétique qui était alors en mesure de se renforcer considérablement à travers les conquêtes et l'occupation militaire que vont lui permettre sa victoire sur l'Allemagne. Il s'agit alors pour les Alliés occidentaux de marquer des limites à l'appétit impérialiste de Staline en Europe et en Asie à travers des démonstrations de force dissuasives. Ce sera l'autre fonction des bombardements anglais de 1945 sur l'Allemagne et l'objectif unique de l'emploi de l'arme atomique contre le Japon.
Le caractère de plus en plus limité des objectifs militaires et économiques qui deviennent nettement secondaires illustre, comme à Dresde, ce nouvel enjeu des bombardements :
"Jusqu'en 1943, en dépit des souffrances infligées à la population, les raids peuvent encore offrir une justification militaire ou économique en visant les grands ports du nord de l'Allemagne, le complexe de la Ruhr, les centres industriels majeurs ou même la capitale du Reich. Mais, à partir de l'automne 1944, il n'en est plus de même. Avec une technique parfaitement rodée, le Bomber Command qui dispose de 1 600 avions et qui se heurte à une défense allemande de plus en plus faible, entreprend l'attaque et la destruction systématique de villes moyennes ou même de petites agglomérations sans le moindre intérêt militaire ou économique.
L'histoire a retenu l'atroce destruction de Dresde en février 1945, avec l'excuse stratégique de neutraliser un centre ferroviaire important (…) Mais aucune justification ne concerne la destruction d'Ulm, de Bonn, de Wurtzbourg, d'Hidelsheim, de ces cités médiévales, de ces joyaux artistiques appartenant au patrimoine de l'Europe. Toutes ces vieilles villes disparaissent dans des typhons de feu où la température atteint 1 000 à 2 000 degrés et qui provoque la mort de dizaines de milliers de personnes dans des souffrances atroces." (Ibid.)
Quand la barbarie elle-même devient le principal mobile à la barbarie
Il est une autre caractéristique commune aux deux conflits mondiaux : tout comme les forces productives que la bourgeoisie est incapable de contrôler sous le capitalisme, les forces de destruction qu'elle met en mouvement dans une guerre totale tendent à échapper à son contrôle. De la même manière, les pires pulsions que la guerre a déchaînées s'autonomisent et s'autostimulent, donnant lieu à des actes de barbarie gratuite, sans plus aucun rapport avec les buts de guerre poursuivis, aussi abjects soient ces derniers.
Les camps de concentration nazis étaient devenus, au cours de la guerre, une gigantesque machine à tuer tous ceux qui sont soupçonnés de résistance en Allemagne ou dans les pays occupés ou vassalisés, le transfert des détenus en Allemagne constituant en effet un moyen d'imposer l'ordre par la terreur sur les zones d'occupation allemande. Mais le caractère de plus en plus expéditif et radical des moyens employés pour se débarrasser de la population concentrationnaire, en particulier des Juifs, relève de moins en moins de considérations résultant de la nécessité d'imposer la terreur ou le travail forcé. C'est la fuite en avant dans la barbarie avec pour seul mobile la barbarie elle-même. Parallèlement au meurtre de masse, les tortionnaires et médecins nazis procédaient à des "expérimentations" sur des prisonniers où le sadisme le disputait à l'intérêt scientifique. Ces derniers se verront d'ailleurs offrir l'immunité et une nouvelle identité en échange de leur collaboration à des projets classés "secret défense militaire" aux Etats-Unis.
La marche de l'impérialisme russe, à travers l'Europe de l'Est en direction de Berlin, s'accompagne d'exactions qui relèvent de la même logique :
"Des colonnes de réfugiés sont écrasées sous les chenilles des chars ou systématiquement mitraillées par l'aviation. La population d'agglomérations entières est massacrée avec des raffinements de cruauté. Des femmes nues sont crucifiées sur les portes des granges. Des enfants sont décapités ou ont la tête écrasée à coups de crosse, ou bien encore jetés vivants dans des auges à cochons. Tous ceux qui n'ont pas pu s'enfuir ou qui n'ont pu être évacués par la Kriegsmarine dans les ports de la Baltique sont purement et simplement exterminés. Le nombre des victimes peut être évalué à 3 ou 3,5 millions (…)
Sans atteindre un tel degré, cette folie meurtrière s'étend à toutes les minorités allemandes du Sud-Est européen, en Yougoslavie, en Roumanie et en Tchécoslovaquie, à des milliers de Sudètes. La population allemande de Prague, installée dans la ville depuis le Moyen Âge est massacrée avec un rare sadisme. Après avoir été violées, des femmes ont les tendons d'Achille coupés et sont condamnées à mourir d'hémorragie sur le sol dans d'atroces souffrances. Des enfants sont mitraillés à la sortie des écoles, jetés sur la chaussée depuis les étages les plus élevés des immeubles ou noyés dans des bassins ou des fontaines. Des malheureux sont emmurés vivants dans des caves. Au total, plus de 30 000 victimes (…)
Ces massacres procèdent, en réalité, d'une volonté politique, d'une intention d'élimination, à la faveur du réveil des pulsions les plus bestiales." (Ibid)
Le "nettoyage ethnique" des provinces allemandes de l’Est n'est pas de la responsabilité de la seule armée de Staline mais s'effectue avec le concours des forces armées britanniques et américaines. Bien qu'à cette époque se dessinent déjà les lignes du futur antagonisme entre l'URSS et les Etats-Unis, ces pays et l'Angleterre coopèrent cependant sans réserve dans la tâche d'élimination du danger prolétarien, à travers l'élimination en masse de la population. De plus, tous ont intérêt à ce que le joug de la future occupation de l'Allemagne puisse s'exercer sur une population inerte pour avoir trop souffert, et comportant le moins de réfugiés possible. Cet objectif, qui déjà en lui-même incarne la barbarie, sera le point de départ d'une escalade d'une bestialité incontrôlée au service du meurtre en masse.
Sur le front de guerre extrême-oriental, l'impérialisme américain agit avec la même bestialité : "Revenons à l’été 1945. Soixante-six des plus grandes villes du Japon ont déjà été détruites par le feu à la suite de bombardements au napalm. A Tokyo, un million de civils sont sans abri et 100 000 personnes ont trouvé la mort. Elles ont été, pour reprendre l’expression du général de division Curtis Lemay, responsable de ces opérations de bombardement par le feu, "grillées, bouillies et cuites à mort". Le fils du président Franklin Roosevelt, qui était aussi son confident, avait déclaré que les bombardements devaient se poursuivre" jusqu’à ce que nous ayons détruit à peu près la moitié de la population civile japonaise." ("De Hiroshima aux Twin Towers", Le Monde diplomatique de septembre 2002)
Brouillard idéologique et mensonges pour couvrir les crimes cyniques de la bourgeoisie
Il existe encore une autre caractéristique du comportement de la bourgeoisie, particulièrement présente dans les guerres, de surcroît quand elles sont totales : ceux de ses crimes qu'elle ne décide pas d’effacer de l'histoire (à la manière dont avaient déjà commencé à procéder les historiens staliniens dans les 1930), elle les travestit en leur contraire, en des actes courageux, vertueux, ayant permis de sauver plus de vie humaines qu'ils n'en ont supprimées.
Les bombardements britanniques en Allemagne
Avec la victoire des Alliés, c'est tout un pan de l'histoire de la Seconde Guerre mondiale qui a disparu de la réalité : "Les bombardements de terreur ont sombré dans un oubli presque complet, au même titre que les massacres perpétrés par l'Armée rouge ou les affreux règlements de comptes de l'Europe de l'Est." (Ph. Masson). Ces évènements-là ne sont évidemment pas invités aux cérémonies de commémoration des anniversaires "macabres", ils en sont bannis. Seuls subsistent quelques témoignages de l'histoire qui, trop enracinés pour être ouvertement éradiqués, sont "médiatiquement traités" en vue de les rendre inoffensifs. C'est le cas en particulier du bombardement de Dresde : "(…) le plus beau raid de terreur de toute la guerre [qui] avait été l'œuvre des Alliés victorieux. Un record absolu avait été acquis les 13 et 14 février 1945 : 253 000 tués, des réfugiés, des civils, des prisonniers de guerre, des déportés du travail. Aucun objectif militaire." (Jacques de Launay, Introduction à l'édition française de 1987 du livre La destruction de Dresde (3) Il est de bon ton aujourd'hui, dans les médias commentant les cérémonies du 60e anniversaire du bombardement de Dresde, de retenir le chiffre de 35 000 victimes et, lorsque celui de 250 000 est évoqué, c'est immédiatement pour attribuer une telle estimation, pour les uns à la propagande nazie, pour les autres à la propagande stalinienne. Cette dernière "interprétation" est d'ailleurs peu cohérente avec une préoccupation majeure des autorités est-allemandes pour qui, à l'époque, "il n'était pas question de laisser répandre l'information vraie que la ville était envahie par des centaines de milliers de réfugiés fuyant devant l'Armée rouge" (Jacques de Launay). En effet, au moment des bombardements, elle comptait environ 1 million d'habitants dont 400 000 réfugiés. Vu la manière dont la ville a été ravagée, il est difficile de s'imaginer comment 3,5% de la population seulement ait péri !
A la campagne de banalisation par la bourgeoisie de l'horreur de Dresde, au moyen de la minimisation du nombre des victimes, s'en superpose une autre visant à faire apparaître l'indignation légitime que suscite cet acte de barbarie comme étant le propre des néo-nazis. Toute la publicité faite autour des manifestations regroupant en Allemagne les dégénérés nostalgiques du 3e Reich commémorant l'évènement ne peut en effet qu'inciter à se détourner d'une critique mettant en cause les Alliés, par crainte d'être amalgamé avec les nazis.
Le bombardement atomique sur le Japon
Au contraire des bombardements anglais en Allemagne dont tout est fait pour en dissimuler l'ampleur, l'emploi de l'arme atomique, pour la première et seule fois dans l'histoire, par la première démocratie du monde est un évènement qui n'a jamais été dissimulé ou minimisé. Tout au contraire, tout a été fait pour que cela se sache et que la puissance de destruction de cette nouvelle arme soit au mieux mise en évidence. Toutes les dispositions avaient été prises en ce sens avant même le bombardement de Hiroshima du 6 août 1945 : "Quatre villes furent désignées [pour être bombardées]: Hiroshima (grand port et ville industrielle et bases militaire), Kokura (principal arsenal), Nigata (port, aciéries et raffineries), et Kyoto (industries) (…) À partir de ce moment, aucune des villes mentionnées ci-dessus ne reçurent de bombes : il fallait qu’elles soient le moins touchées possible, afin que la puissance de destruction de la Bombe atomique ne pût être discutée." (Article "Bombe lancée sur Hiroshima" sur https://www.momes.net/dictionnaire/h/hiroshima.html [610]). Quant au largage de la seconde bombe sur Nagasaki, il correspond à la volonté de démonstration, de la part des Etats-Unis, qu'ils pouvaient, autant de fois que nécessaire, faire usage du feu nucléaire (ce qui en réalité n'était pas le cas puisque les bombes suivantes en construction n'étaient pas prêtes).
Selon la justification idéologique à ce massacre des populations japonaises, il s'agissait du seul moyen permettant d'obtenir la capitulation du Japon en sauvant la vie d'un million de soldats américains. C'est un mensonge énorme qui est encore propagé aujourd'hui : le Japon était exsangue et les Etats-Unis (ayant intercepté et déchiffré des communications de la diplomatie et de l'état-major nippons) savaient qu'il était prêt à capituler.
La leçon la plus importante à tirer de ces six années de carnage de la seconde boucherie mondiale est que les deux camps en présence et les pays qu’ils regroupaient, quelle que soit l’idéologie dont ces derniers se drapaient, stalinienne, démocrate ou nazie, tous étaient la légitime création de la bête immonde qu’est le capitalisme décadent.
(D'après la Revue Internationale n° 121, 2e trimestre 2005)
1) Philippe Masson est chef de la section historique du Service historique de la Marine et enseigne à l'Ecole supérieure de guerre navale.
2) Depuis fin 1943, des grèves ouvrières éclataient en Allemagne et les désertions au sein de l'armée allemande tendaient à s'amplifier. En Italie, fin 1942 et surtout en 1943, des grèves avaient éclaté un peu partout dans les principaux centres industriels du Nord.
3) L'auteur de ce livre est David Irving qui est accusé d'avoir, dans un passé récent, embrassé les thèses négationnistes. Bien qu'une telle évolution de sa part, si elle est réelle, ne soit pas de nature à donner un éclairage favorable sur l'objectivité de son livre La destruction de Dresde (Edition française de 1987), il convient de signaler que sa méthode, qui à notre connaissance n’a jamais été sérieusement remise en cause, ne porte pas la moindre marque de négationnisme. La préface à cette édition par le général de corps d'armée aérienne, Sir Robert Saundby, qui ne fait pas figure de furieux pronazi ni de négationniste dit entre autres ceci : "Ce livre raconte honnêtement et sans passion l'histoire d'un cas particulièrement tragique de la dernière guerre, l'histoire de la cruauté de l'homme pour l'homme. Souhaitons que les horreurs de Dresde et de Tokyo, d'Hiroshima et de Hambourg, puissent convaincre la race humaine tout entière de la futilité, de la sauvagerie et de l'inutilité profonde de la guerre moderne".
La frénésie médiatique qui se déchaîne depuis plusieurs semaines autour de la ratification ou non de la Constitution européenne a pour fonction de capter l’attention des ouvriers et de la population en général en vue de les persuader que la construction de l’Europe serait un enjeu pour l’avenir du prolétariat (voir notre article en première page). Ce ne sont que des mensonges qui nourrissent une gigantesque campagne d'intoxication idéologique à laquelle participe l’ensemble des forces bourgeoises (partis de gauche, de droite, d'extrême droite, syndicats, gauchistes). Cette échéance électorale est un enjeu, certes, mais seulement pour nos exploiteurs. Ce qui se joue pour la classe dominante, c’est la place de la France, du capital national sur la scène de l’Europe, aussi bien sur le plan économique, politique que sur le plan de son rang impérialiste, face aux autres puissances du continent.
Si les Etats européens ont besoin de réorganiser leurs institutions, c'est parce que sinon l’Europe, déjà profondément divisée par des intérêts impérialistes concurrents comme on l’a vu lors du conflit irakien, avec les pro- et les anti-coalition américaine, deviendrait totalement ingouvernable dans un contexte d’élargissement à 25 pays membres. L'Allemagne et la France, puissances de premier ordre en Europe, ne peuvent accepter d’être traités sur un pied d'égalité avec les petits pays de l’Union. Elles ont besoin de se donner un cadre constitutionnel qui correspond au plus près à la défense de leurs intérêts capitalistes respectifs. Ainsi, la France qui n'a actuellement que 9% de voix au Conseil européen passerait à 13% avec le nouveau traité et les six Etats fondateurs auraient 49% du pouvoir de décision (la Constitution a d'ailleurs été élaborée sous l’égide de Giscard d’Estaing, avec la participation active des socialistes Pierre Moscovici et Pascal Lamy). L’enjeu est de taille pour la bourgeoisie française et les incertitudes actuelles sur le résultat de ce référendum donnent d’autant plus d’importance à celui-ci. Comme le souligne la presse bourgeoise, en cas de victoire du non, "Notre crédit serait durablement atteint dans de nombreux Etats membres, à commencer par les cinq autres fondateurs, où le mal français commence à s’étendre, comme aux Pays-Bas"(…) "Aux difficultés inhérentes à cette situation s’ajouterait pour la France, la perte de son autorité morale " (Le Monde du 6 avril). Le président socialiste du parlement européen Josep Borrell parle même de "tremblement de terre", et le ministre allemand des Affaires étrangères, J. Fischer, n’hésite pas à affirmer "C’est la vie de l’Europe qui est en jeu". Face à de tels enjeux, l’intérêt de la bourgeoisie française est donc d’imposer un vote favorable à cette constitution, mais il n’est pas exclu, une nouvelle fois, qu’un manque de maîtrise de son propre jeu politique puisse faire capoter ses plans, surtout avec l’utilisation d’un référendum qui est en passe de virer au fiasco car il est perçu avant tout comme un plébiscite de la politique chiraquienne et de son gouvernement. Cela ne serait pas la première fois que la bourgeoisie française réalise qu’elle n’a pas toujours les moyens de sa politique, notamment lorsque ce sont ses fractions de droite, particulièrement archaïques, qui pilotent les affaires de l’Etat. Mais cela signifierait un affaiblissement considérable de la crédibilité de la bourgeoisie française et de son poids diplomatique en Europe comme dans l'arène impérialiste mondiale.
Les faiblesses historiques de la droite française
Les faiblesses congénitales de la droite en France plongent leurs racines dans l’histoire même du capitalisme français, marqué par le poids de la petite et moyenne entreprise, du secteur agricole et du petit commerce. Ces archaïsmes n’ont cessé de peser sur l’appareil politique qui n’a jamais réussi à donner naissance à un grand parti de droite directement lié à la grande industrie et à la finance, tel que le parti conservateur en Grande-Bretagne ou le parti chrétien-démocrate en Allemagne. Au contraire, la Seconde Guerre mondiale verra l’irruption du gaullisme qui va marquer profondément la vie de la bourgeoisie française et dont les scories de l’UMP sont les descendants. Si le gaullisme a permis à la bourgeoisie française d’effectuer la reconstruction de l’après-guerre et de régler le problème des colonies (voir RI n°271, septembre 1997, sur l’historique de la droite française), en même temps, à l'instar du fascisme, le gaullisme ne peut vivre que sous la forme d’un parti unique qui contrôle tous les secteurs de l’Etat, police, armée, services secrets avec des connexions jusque dans le grand banditisme. Avec la réapparition de la crise économique à la fin des années 1960, la bourgeoisie française est consciente qu’elle doit se débarrasser de l’héritage du gaullisme et de son fonctionnement " totalitaire ", incarné alors, après le RPF, par l’UNR sous de Gaulle, qui deviendra UDR, puis RPR en 1979, sous l'égide de Chirac. Celui-ci n’a pas la capacité comme les partis traditionnels de permettre une alternance électorale entre partis de gauche et de droite pour faire face aux luttes ouvrières qui se développent et vont s’amplifier au fur et à mesure du développement de la crise économique du capitalisme. De façon chronique, la droite gaulliste, au lieu d’être le levier d’une politique cohérente au service des besoins supérieurs du capital français, s’avère n’être qu’un panier de crabes, de clans qui s’entredéchirent, pire, un ramassis d’ambitions personnelles, où chaque chef de bande veut être calife à la place du calife. Face à cette difficulté, la bourgeoisie n’a eu de cesse, sous la présidence de Pompidou, puis celle de Giscard, d’essayer de créer un parti de droite, en l’occurrence l’UDF, capable de contrebalancer cette situation de monopole du gaullisme ou de tenter de " rénover " ce dernier de l’intérieur mais sans réel succès. Au contraire, le courant gaulliste va résister par tous les moyens à sa disparition et il n’aura de cesse en permanence, pour conserver ou reconquérir le pouvoir, de jouer sa propre politique, y compris contre les intérêts de sa propre classe, et de mettre régulièrement en échec la stratégie élaborée par la bourgeoisie française dans son ensemble pour défendre le capital national.
En 1981, la victoire de Mitterrand aux présidentielles est le produit direct de l’affrontement engagé par Chirac contre Giscard.
En 1995, c’est encore le clan autour de Chirac qui empêche la victoire de Balladur, alors que celui-ci représentait une possible transition permettant à la bourgeoisie française de se débarrasser des fractions gaullistes les plus rétrogrades et archaïques.
En 1997, sous la présidence de Chirac, la dissolution du parlement et l’organisation d’élections législatives anticipées avaient pour but de reconduire au pouvoir une majorité de droite moins décrédibilisée que le gouvernement Juppé, pour accélérer la brutalité des attaques anti-ouvrières et permettre au PS de se refaire une santé dans l’opposition. Cette stratégie échoue du fait de la bêtise avec laquelle la droite sabote sa propre stratégie et c’est le PS, contre toute attente, qui se retrouve aux commandes de l’Etat, avec une nouvelle cohabitation Chirac/Jospin qui ne pouvait qu'affaiblir une gauche discréditée par près de quinze ans d'attaques antiouvrières alors qu'elle était au pouvoir et qui avait besoin de se refaire une image de gauche en repassant de façon durable dans l'opposition (voir RI n° 270, juillet/août 1997).
En 2002, Chirac gagne la présidentielle, alors qu’il ne représente que 20% des voix au premier tour, ce qui ne lui donne guère de légitimité démocratique et il ne doit son élection qu'au report massif des voix de gauche au second tour face à la "menace" Le Pen. Ce n’est pas la création de l’UMP qui va changer quoi que ce soit à cet archaïsme d’une partie de la droite en France, bien au contraire !
Tels des animaux aux abois qui n’en deviennent que plus dangereux pour les intérêts généraux de la meute, Chirac et son clan s'agrippent hargneusement aux rênes du pouvoir. Les féroces affrontements avec son challenger Sarkozy au sein même de l'UMP, les rivalités avec le centriste Bayrou, expriment les rivalités et les divisions les plus évidentes qui existent au sein de la droite. La façon dont Chirac a mis en œuvre le référendum sur la constitution européenne traduit une fuite en avant dans cette politique, au risque de provoquer un nouvel affaiblissement pour l’ensemble de la bourgeoisie française en cas de victoire du non.
Le référendum, un pari dangereux pour la bourgeoisie française
En choisissant le référendum, Chirac prend le risque d’un vote sanction, alors qu’il aurait pu faire ratifier la constitution par voie parlementaire comme s’apprête à le faire la bourgeoisie en Allemagne. Il est vrai que ce référendum oblige l’UMP à s’aligner sur le "oui", alors que ce n’est pas la fraction la plus pro-européenne au sein de la droite. Lors du référendum sur le traité de Maastricht en 1992, une partie du RPR avait voté contre, notamment Séguin et Pasqua, de même en 1998, ce parti avait refusé d’entériner le passage à l’euro lors du vote à l’Assemblée et au Sénat. Avec ce nouveau coup de force vis-à-vis de l’UMP, ce qui guide le clan Chirac, c’est de tenter de garder le contrôle de l’appareil gaulliste pour jouer sa propre carte électorale. Il s'agit pour lui de prendre la tête du camp qui dira oui à la constitution, pour redorer son image, largement plombée par l’impopularité du gouvernement Raffarin et donc de se placer en vue des présidentielles de 2007. "En choisissant le référendum plutôt que le débat parlementaire, le président de la République a sacrifié à la doctrine gaulliste, il est apparu enfin comme un grand européen (…) Peut-être a-t-il aussi commis une erreur. Les référendums sont dangereux." (Le Monde du 1er avril). Comme le souligne un conseiller de Chirac : " L’enjeu est énorme pour lui. Si le référendum est perdu, toute sa carrière politique sera jugée à cette aune. Il le sait. S’il est gagné, en revanche, il entend bien être l’un des principaux bénéficiaires de cette victoire. Il ne veut pas la laisser ni à Hollande ni à Sarkozy." (Le Monde du 7 mars)
Non seulement le référendum apparaît comme un "coup de poker" mais, de plus, le moment choisi pour ce scrutin est particulièrement défavorable, du fait qu’il intervient dans une période de profond mécontentement de la classe ouvrière qui commence à réagir à une dégradation permanente de ses conditions de vie. Cette colère ouvrière menace de se cristalliser dans un vote protestataire et a obligé le gouvernement à accorder quelques miettes. Une pincée d’augmentation (0,8%) aux fonctionnaires par-ci, quelques postes "d'adjoints d'enseignement" face à la grogne dans les lycées ou le déblocage d'une mini-rallonge pour les urgentistes dans les hôpitaux par-là, sans compter quelques subsides versés aux agriculteurs (avantages fiscaux et "congés payés"), quitte à aggraver le déficit budgétaire, tentent ainsi d’enrayer ce mécontentement qui ne cesse de s’amplifier. Même s’il reprendra plus tard ce qu’il donne maintenant, sous la forme d’augmentation des impôts ou de taxes diverses, le gouvernement n’arrive pas à endiguer cette contestation. Non seulement, la classe ouvrière continue à mener des luttes dans de multiples secteurs, malgré les journées d’actions syndicales qui avaient pour but de casser cette dynamique, mais en plus, ce qu’elle retient, c’est qu’elle va subir de nouvelles attaques, un nouvel appauvrissement de ses conditions de vie et c’est ce refus de subir qui se traduit par une amplification du vote protestataire.
Les conséquences des problèmes de la droite sur l'avenir du PS
Face à une telle situation, la ratification par voie référendaire provoque aussi des difficultés pour la gauche et notamment au sein du PS. Il y a toujours eu au sein du PS reconstruit autour de Mitterrand, comme dans tous les principaux partis sociaux-démocrates européens, un partage des tâches entre une majorité à vocation plutôt gouvernementale et une minorité à vocation plutôt oppositionnelle. La majorité s'est avérée la fraction la plus cohérente de la bourgeoisie française et elle a largement démontré au cours des 25 dernières années son aptitude à exercer le pouvoir et à gérer efficacement la défense des intérêts du capital national. Quant à la minorité, elle a la charge d'un ancrage plus "à gauche" pour préserver au PS un crédit dans sa fonction traditionnelle d'encadrement et de contrôle idéologique sur la classe ouvrière. Si la gauche du PS s'oriente résolument aujourd'hui vers le "Non" au référendum, cela ne traduit nullement une différence d'orientation concernant la gestion du capital français, mais c'est précisément pour pouvoir conserver son rôle d'encadrement idéologique vis-à-vis de la classe ouvrière. Emmanuelli et Mélenchon, qui avaient voté pour le traité de Maastricht et les suivants, sont contraints de se positionner aujourd'hui aux côtés des autres fractions de gauche et d’extrême gauche. C’est d'ailleurs la même chose pour les syndicats qui sont traversés par cette nécessité d’être à la fois favorables à la constitution (tels les syndicats regroupés dans la confédération européenne des syndicats, dont la CFDT) et qui se doivent en même temps d’encadrer le mécontentement social comme on le voit avec la CGT profondément divisée dans cet exercice périlleux d’équilibriste.
La direction actuelle du PS avait pourtant pris la précaution d'organiser un référendum interne en décembre dernier pour renforcer la position du "Oui" au sein du parti. Le profond mécontentement social est venu déstabiliser le jeu électoral habituel et cette pression sociale met en difficulté le PS qui est obligé de faire le grand écart entre, d’une part, le fait de voter la constitution et, d’autre part, de participer à encadrer le mécontentement qui se développe dans la classe ouvrière. La montée du "Non", y compris parmi les militants (1) tend à éroder le crédit de l'équipe dirigeante actuelle soudée autour du "Oui" (Hollande, Aubry, Strauss-Kahn, Lang,.. ) et ne peut que l’affaiblir. C'est pourquoi la victoire du "Non" constituerait pour la direction actuelle un cinglant désaveu, compromettant ainsi ses chances de retour au pouvoir dans la perspective des prochaines élections de 2007, au point que certains dirigeants évoquent déjà avec crainte la perspective d'un nouveau " 21 avril 2002".
Il n’y a pas de doute, la bourgeoisie française est en difficulté pour ce référendum et malgré ses efforts pour diaboliser le "Non", celui-ci maintient son avance dans les sondages. Même le récent show médiatique de Chirac a été un fiasco et il a mis en lumière le fossé qui se creuse entre une jeunesse inquiète à juste titre pour son avenir et une classe politique désorientée, qui n’a plus rien à lui offrir. Devant une prestation aussi pitoyable, la classe politique envisage même un changement de gouvernement, comme dernier rempart au désaveu de son référendum.
Plus que jamais ce référendum est vraiment un enjeu pour l’ensemble de la bourgeoisie française et, quel que soit le résultat de celui-ci, l’archaïsme de sa droite demeure et continue à affaiblir l’ensemble de l’appareil politique français. Mais cet affaiblissement ne signifie nullement un renforcement pour la classe ouvrière. La bourgeoisie, malgré ses difficultés, sait trouver les forces nécessaires pour mystifier et tromper les ouvriers, comme ce référendum qu’elle tente de faire passer pour un enjeu dans le prolétariat. Malgré ses divisions et le poids de ses fractions archaïques, elle est encore capable, face aux prolétaires, de mobiliser l’ensemble de ses composantes contre le combat de son ennemi de classe.
Ce référendum est vraiment une affaire entre bourgeois et un traquenard pour les ouvriers.
Donald (19 avril)
(1) Une bonne partie de l'électorat de gauche est aujourd'hui prête à voter "Non" du seul fait d'une volonté affichée de "faire payer" leur ralliement forcé à Chirac le 29 mai 2002 où elle s'était sentie obligée de voter pour lui pour faire barrage à Le Pen au second tour des présidentielles et au prétendu "danger fasciste" qu'il aurait représenté.
L'organisation trotskiste Lutte Ouvrière (LO) qui s'était tenue à l'écart du référendum de 1992 sur Maastricht, s'est cette fois engagée résolument dans le camp du Non dans la campagne sur le référendum relatif à la Constitution européenne. Cette organisation qui se prétend "révolutionnaire" et qui proclame "défendre les travailleurs" se retrouve dans la cohorte des tenants d'un "Non de gauche" aux côtés du PCF, de la LCR, d'une partie du PS. Avec quelle argumentation ? Pourquoi ?
Derrière le double langage de LO…
LO commence toujours avec un discours extrêmement "radical". Ce qui distingue LO, c'est qu'alors que tous les autres pourfendent à tour de bras un projet de constitution "ultra-libéral", LO déclare clairement : "Ce n'est pas le libéralisme, c'est le capitalisme qu'il faut combattre." Ainsi, dans un article paru sous ce titre dans l'hebdomadaire Lutte Ouvrière n° 1914 du 8 avril dernier, LO fustige "cette manière de dénoncer le libéralisme (qui) consiste à déployer un écran de fumée pour masquer les vrais problèmes. Car les classes possédantes ne sont pour le libéralisme que quand cela les arrange. (…) Mais en réalité, ce n'est pas à cause de l'Europe, ni parce que ce serait inscrit dans la future Constitution européenne que les patrons, grands ou petits, licencient ou bien que l'Etat français supprime des bureaux de poste et démantèle les services publics (cela se fait dans tous les Etats capitalistes, et bien au-delà de l'Europe des 25). Mais c'est parce que l'Etat français est au service de sa bourgeoisie. Ce n'est pas parce que "Bruxelles" aurait imposé telle ou telle décision, mais parce que cela correspond aux intérêts bien compris des capitalistes. Fabius n'a d'ailleurs pas mené une politique différente de ceux qu'il accuse de défendre le "libéralisme" quand il était Premier ministre. Quand on ferme une entreprise parce qu'elle ne rapporte pas assez (…), ce n'est pas une politique libérale, c'est le jeu normal du capitalisme." Voilà un discours "radical" qui semble ranger LO dans le camp des révolutionnaires.
Mais dans le même numéro, l'éditorial nous chante pourtant une tout autre chanson sous le titre "Le vote Non pour rejeter une Constitution réactionnaire" comme dans le suivant du 15 avril où LO appelle à voter "Non à une Constitution qui ignore le droit des travailleurs !" Dans un meeting à Clermont-Ferrand le 11 avril, Arlette Laguiller renchérit : "Pour notre part, nous appelons à voter "non". Cette Constitution n’apporte rien de bon aux travailleurs ni aux peuples d’Europe. Elle ne leur apporte ni des libertés supplémentaires ni des possibilités plus grandes pour se défendre. Elle ne cherche pas à uniformiser par le haut la législation du travail ni à améliorer les protections sociales. Et il n’est évidemment pas question d’un salaire minimum à l’échelle de l’Union européenne.(…) Alors, nous voterons "non" à cette Constitution !" Nous en arrivons au cœur de la mystification : LO nous raconte que la vraie réponse et le véritable terrain de classe, "c'est la lutte, les grèves, les manifestations" mais nous présente également en même temps l'échéance électorale comme un moment de la lutte, comme une façon de lutter. Dans son meeting déjà cité, la médiatique figure de proue de LO ajoute : "Mais tout en votant "non", il ne faut pas attendre de la victoire du "non" plus qu’elle ne peut donner. L’offensive menée contre les travailleurs par le grand patronat dans tous les pays d’Europe, quel que soit le gouvernement en place, n’a rien à voir avec la Constitution ni avec Bruxelles. Contrairement à tous ceux qui disent que, pour améliorer le sort des travailleurs, il faut voter "non", nous disons : Votez "non" ! Mais pour stopper les attaques du patronat et du gouvernement, il faut la lutte, les grèves, les manifestations. Une éventuelle victoire du "non" ne remplacera pas la contre-offensive des travailleurs. Cette contre-offensive est indispensable si nous ne voulons pas que notre classe, la classe des travailleurs, continue à être poussée vers la pauvreté."
LO nous dit d'un côté que la Constitution de l'Europe ou le libéralisme ne sont pas le vrai problème des travailleurs, qu'il ne faut pas se faire d'illusions sur le Non. Mais de l'autre côté, la seule chose que fait cette organisation, c'est de s'empresser de pousser les "travailleuses, travailleurs" auxquels elle s'adresse à aller voter en leur faisant croire que voter Non a quelque chose d'ouvrier et de révolutionnaire. Cela constituerait, d'après elle, un pas en avant, un encouragement pour le développement ultérieur de leurs luttes et un tremplin pour le développement de leur conscience de classe.
C'est un énorme mensonge. C'est l'inverse qui est vrai : pousser les ouvriers vers le vote à travers le vote Non, c'est semer les pires illusions dans la tête des prolétaires alors que précisément ce vote ne sert que de "rideau de fumée" (selon la propre expression de LO) à la bourgeoisie pour détourner les ouvriers de la lutte, pour brouiller leur conscience de classe, en les poussant à s'atteler derrière une fraction de la bourgeoisie contre une autre. Tout ce bla-bla radical et ces grands couplets ronflants sur la nécessité de lutter ne cherchent qu'à attirer, comme le fait LO à chaque échéance électorale, les ouvriers qui sont tentés de s'en détourner sur le chemin des urnes de la bourgeoisie et c'est pourquoi cette organisation pratique en permanence le double langage : "Il faut voter Non pour rejeter cette constitution. Mais une victoire du Non ne changera rien à l'organisation économique et sociale, au capitalisme, à la course au profit, à la concurrence qui sont les causes des crises, du chômage et de la pauvreté. Le Non au référendum n'empêchera pas un seul patron de licencier, pas plus qu'il n'obligera aucun d'entre eux à payer des salaires corrects. Ce n'est certainement pas la Constitution européenne (…) qui est responsable des attaques contre les salaires, contre les retraites, contre les horaires de travail. Ces attaques, c'est le fait du grand patronat et des gouvernements qui appliquent la politique qu'il exige. Alors, il faut voter Non à cette Constitution, mais il faut surtout savoir que les travailleurs ne feront pas l'économie des luttes contre une société capitaliste qui se moque d'appauvrir toute la population et de ruiner la société, du moment que ses profits augmentent." (éditorial d'Arlette Laguiller du 8 avril)
… une politique électoraliste constante…
C'est exactement le même genre de discours et d'argument qu'utilisait déjà LO en 1981 quand cette organisation appelait à voter… pour Mitterrand "sans illusions mais sans réserve". C'est le même discours quand LO prétendait qu'il fallait se réjouir du succès le la gauche aux élections législatives parce qu'elle "barrait la route à la droite réactionnaire", que cela "faisait plaisir", tout en disant qu'il ne fallait se faire aucune illusion sur la gauche au gouvernement.
C'est toujours la même méthode, la même recette. A quoi sert ce double langage permanent ? Le poison idéologique diffusé par LO vise à rendre impuissants les ouvriers en les plongeant ou les replongeant à chaque occasion dans le marigot électoraliste de la bourgeoisie : "Nous souhaitons, bien sûr, la victoire du "non" pour que la Constitution européenne réactionnaire qu’on voudrait faire cautionner par l’électorat soit rejetée." Le reste n'est qu'enrobage, qui sert de leurre, d'appât autour : "Mais une victoire du "non" ne changera rien à l’Union européenne telle qu’elle est, qui continuera à fonctionner en s'appuyant sur les traités antérieurs. A infiniment plus forte raison, le résultat du référendum ne changera rien à l’organisation économique et sociale, au capitalisme, à la course au profit, à la concurrence, qui sont les causes des crises, du chômage et de la pauvreté. (…) Alors, c’est contre ces véritables ennemis que les travailleurs auront à lutter, et pas contre Bruxelles ou quelque bouc-émissaire que ce soit." (meeting d'Arlette Laguiller du 11 avril)
Comme quand elle joue les bateleurs de foire ou les marchands de frites rances lors de sa kermesse annuelle, LO ne cesse de vanter ses marchandises qui sont en définitive les mêmes que les autres politiciens bourgeois sous des tonnes de verbiage radical et sous d'épaisses couches de vernis révolutionnaire de pacotille. LO exerce sa pression électoraliste en faisant croire que le Non introduit un rapport de force entre les classes, qu'il serait un "vote de classe", un "Non ouvrier" susceptible de faire trembler la bourgeoisie : "Pour la faire reculer (la bourgeoisie), il faut lui donner de bonnes raisons de craindre de tout perdre en ne voulant rien lâcher ! Alors, il faut voter "non"." Mais le recours à cette argumentation on ne peut plus démagogique est sans cesse contrebalancé par un discours plus "critique" : "mais il faut surtout continuer à œuvrer pour que les travailleurs retrouvent confiance en leur force, dans la force que leur donnent leur nombre et leur place irremplaçable dans la production." (Idem)
… pour pousser les ouvriers de chaque Etat derrière leur bourgeoisie
Les prolétaires ne doivent pas se laisser abuser par le vernis "radical" de LO. La duplicité de cette organisation peut d'ailleurs être illustrée à travers un autre exemple dans cette campagne sur la Constitution européenne dans laquelle elle s'adapte pour défendre une position diamétralement opposée par rapport à l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne. LO s'abrite derrière une phraséologie sur la construction des "Etats-Unis d'Europe" : "L’unification européenne, nous sommes pour. Oui, nous sommes pour l’unification complète du continent, bien entendu Turquie comprise, et même bien au-delà." (meeting d'Arlette du 11 avril). Un long article sur "La Turquie et l'Union européenne" de sa "revue théorique" Lutte de Classe n° 87 daté de mars 2005 permet de découvrir que LO trouve des aspects positifs à la Constitution européenne et prône Oui à la Constitution… pour les travailleurs en Turquie alors qu'elle la rejette pour les travailleurs d'ici…au nom de "'unité prolétarienne" : "Pour qui veut défendre un point de vue révolutionnaire prolétarien, l'avenir appartient à l'unification complète de l'Europe et à la suppression de toutes les frontières, bien au-delà des limites actuelles de l'Union européenne. Il faut donc considérer comme positif tout ce qui, dans la construction européenne actuelle, et bien qu'elle soit faite en fonction des besoins capitalistes, facilite la circulation des personnes et contribue à tisser des liens plus étroits entre les peuples. De ce point de vue, il n'y a aucune raison de s'opposer à l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne, pas plus qu'il n'y aurait de raison de s'opposer à l'adhésion de quelque pays que ce soit." Selon LO, la Constitution, c'est mauvais et réactionnaire pour les ouvriers d'ici déjà membres de l'UE, mais c'est bon et progressiste pour les prolétaires de Turquie ; l'article ajoute : "(…) Et de même, pour des militants défendant un point de vue révolutionnaire prolétarien en Turquie, l'anti-impérialisme ne peut consister à s'opposer à l'adhésion : il doit s'exprimer par des revendications et des objectifs concrets, en se plaçant du point de vue des intérêts ouvriers. Aujourd'hui, la classe ouvrière de Turquie, comme le reste de la population, est sans doute dans sa grande majorité favorable à l'adhésion, avec l'idée que celle-ci ne pourra qu'amener une amélioration économique et un meilleur respect des droits de chacun." LO trouve ici de nouvelles vertus à ce qu'elle nomme pourtant si volontiers "l'Europe des capitalistes" qu'elle vilipende par ailleurs : (…) Mais, dans la classe ouvrière de Turquie, on a aussi l'idée qu'en Europe occidentale (…), il existe des droits sociaux que l'on peut faire valoir, des institutions qui les garantissent et dans lesquelles on est respecté." Au bout de ses méandres, la conclusion de la "haute stratégie révolutionnaire" de LO est alors : "Pour autant, les révolutionnaires n'ont aucune raison de s'opposer à ce sentiment dominant qui, au fond, exprime à sa façon les aspirations ouvrières. S'ils ont bien sûr à combattre les illusions, ce n'est pas pour leur opposer un quelconque repli sur soi nationaliste. C'est pour dire que, bien sûr, l'adhésion à l'Union européenne peut comporter des aspects positifs."
Quelles "aspirations expriment à sa façon" le double discours permanent de LO ? Ces grands écarts, ces prises de position à orientation géo-politique variable, LO les a parce que son but n'est nullement de défendre les intérêts de la classe ouvrière mais de noyer la conscience de la classe ouvrière pour mieux l'entraîner dans les chausse-trapes de la bourgeoisie et en particulier systématiquement sur le terrain électoral.
W (20 avril)
Alors que les médias aux ordres de la bourgeoisie nous rebattent les oreilles du référendum à propos de la Constitution européenne, faisant miroiter que de celle-ci dépend la paix et la stabilité, la barbarie capitaliste continue dramatiquement sa marche en avant. C’est plus particulièrement l’Asie qui est devenue au cours des dernières semaines le nouvel épicentre de l’accélération des tensions inter-impérialistes.
Depuis le 14 mars, l’inquiétude internationale s’est tournée vers le détroit de Formose. C’est à cette date que le parlement chinois a pour la première fois voté une loi anti-sécession qui autorise Pékin à faire usage de moyens militaires contre Taiwan dans le cas où les autorités de l’île opteraient pour l’indépendance. Le 13 mars, le président chinois Hu-Jinto, vêtu d’une vareuse militaire, avait même publiquement appelé les officiers à " se préparer à un conflit armé". Le message était clair : la bourgeoisie chinoise ne permettrait pas la séparation de Taiwan, elle ne reculerait devant aucun moyen, y compris la guerre.
L'Asie du Sud-Est, un nouveau foyer de tensions guerrières
Immédiatement, la tension est montée en flèche, non seulement en Asie du Sud-Est, mais aussi entre la Chine et le Japon. Ce dernier ne pouvait rester sans réaction aux déclarations belliqueuses de la Chine. Tokyo a donc fait savoir fermement que cette loi anti-sécession aurait immanquablement un effet négatif sur la paix et la stabilité de la région en annonçant simultanément que ses forces militaires avaient pris le contrôle d’un phare situé sur l’Archipel de Senkaku. Cet archipel est traditionnellement revendiqué par Pékin, qui l’appelle Diayou. La Chine répliquait en qualifiant cet acte militaire de "grave provocation totalement inacceptable".
L'engrenage des tensions grandissantes entre la Chine et le Japon a trouvé une expression évidente à travers les manifestations anti-japonaises montées de toutes pièces par l'Etat chinois ces dernières semaines, au prétexte de la publication par Tokyo de manuels d'histoire minimisant les atrocités commises par l'armée japonaise durant la colonisation d'une partie de la Chine dans les années 1930. En réponse, le Japon qualifiait alors pour la première fois la Chine de "menace potentielle", mettant clairement en avant l'aggravation de la situation dans cette région du monde. La situation s’est à ce point aggravée en Asie du Sud-Est que jamais, depuis 1945, le Japon n'avait abandonné officiellement sa neutralité à propos de la question sensible de Taiwan.
Cette poussée de fièvre belliqueuse de la part de la Chine n’a évidemment pas entraîné une réponse du seul Japon. Les Etats-Unis ont quant à eux fait savoir que, malgré le fait que Washington n’admet depuis 1972 qu’une seule Chine dont Taiwan fait partie, il ne serait pas question d’accepter passivement et sans réagir un coup de force militaire de la Chine sur Taiwan. "Cette loi anti-sécession est malheureuse", a déclaré Scott Mc Clellan, porte-parole de la Maison Blanche. " Nous nous opposons à toutes modifications unilatérale du statu quo" : ces propos clairs et nets ont été tenus par la secrétaire d’Etat américaine Condoleeza Rice au président Hu-Jintao, lors de sa visite à Pékin le 21 mars dernier. Il est clair maintenant que pour faire face à la montée accélérée des appétits impérialistes de la Chine, le Japon et les Etats-Unis font cause commune dans cette partie du monde.
Tel est le sens de l’accord signé par Washington et Tokyo qui se donne "comme objectif stratégique commun" d’œuvrer à la mise en place de la "résolution pacifique" des questions concernant le détroit de Formose.
La pression impérialiste de la Chine
L’effondrement de l'URSS en 1989, l’affirmation des Etats-Unis en tant que seule grande puissance mondiale, avaient déjà bouleversé la politique impérialiste de la Chine dès cette époque. Depuis la formation de la République populaire de Chine en 1949, en passant par 1972, date à laquelle la Chine et les Etats-Unis se sont retrouvés alliés contre l’Union soviétique, le développement des tensions inter-impérialistes restèrent enfermées dans un carcan qui en limita la dangerosité pour l’ensemble du monde. A partir de 1989, et avec l’enfoncement accéléré du capitalisme dans la décomposition, la situation a commencé à changer.
La base de l’alliance stratégique sino-américaine façonnée par l’existence d’un ennemi commun, l’URSS, avait alors disparu. C’est à partir du milieu des années 1990 que l’on a pu voir la première poussée spectaculaire des tensions dans la région entre la Chine et les Etats-Unis. Le bombardement par les Etats-Unis de l’ambassade de Chine à Belgrade, le 7 mai 1999, un mois après l’échec de la visite de la haute diplomatie chinoise à Washington, a été une expression évidente du fait que la Chine affichait clairement son ambition de faire cavalier seul dans l'arène impérialiste mondiale tandis que les Etats-Unis s'y opposaient.
Depuis, les appétits impérialistes de Pékin n'ont cependant pas cessé de s'aiguiser et avec eux une volonté d'apparaître comme une force militaire avec laquelle les autres grandes puissances devraient compter, en particulier les Etats-Unis. Il est particulièrement significatif que le budget militaire de la Chine ne cesse de croître ! Depuis quinze ans, les dépenses militaires de l'Empire du Milieu se sont accrues à un rythme annuel à deux chiffres : 11,6% en 2004 après les 17% de 2002, ce qui représente pas moins de 35% du budget national. Signe des temps et des besoins de l'impérialisme chinois, c’est la marine et surtout l’aviation qui profitent de ces dépenses dans la perspective d'une modernisation rapide.
L'Etat chinois profite d'ailleurs autant qu'il peut des difficultés de la première puissance mondiale à s'imposer sur la planète. Les interférences de la Chine dans le processus de discussion du dossier nucléaire de l'Iran en témoignent. Le ministre des Affaires étrangères chinois Li-Zhaoxing, lors d’un voyage à Téhéran, a déclaré que la Chine s’opposerait à toute tentative de sanctionner l’Iran sur ce sujet à l’ONU. C’est la même politique impérialiste qui pousse ce pays à soutenir le régime islamique soudanais. Dans le même sens, sa politique vis-à-vis de Pyongyang, capitale de la Corée du Nord, est des plus claires. Elle est un signe fort des prétentions impérialistes de la Chine pour avancer ses pions dans sa zone d'influence naturelle, fût-ce au détriment de la politique américaine. La bourgeoisie chinoise s'est également efforcée de consolider ces derniers temps son influence au Laos, au Cambodge, en Birmanie, voire en Thaïlande, en Malaisie et en Indonésie, et cela directement contre les Etats-Unis.
Si le développement des tensions impérialistes à propos de Taiwan fait peser une nouvelle grave menace sur le monde, celui-ci, et de loin, n’est pas le seul point chaud de l’affrontement larvé en Asie. L’Aksai-chin et l’Arunachal-Pradesh, situés à la frontière entre la Chine et l’Inde, sont également des régions de plus en plus revendiquées par les deux Etats et sont des sources potentielles d’affrontement entre ces deux puissances nucléaires. Si, pour le moment, l’apaisement des tensions est de mise entre l’Inde et le Pakistan d’un coté, l’Inde et la Chine de l’autre côté, cela ne préjuge en rien d'une stabilité de cette région pour les temps à venir. Le Premier ministre indien Mammhan Singh a bien pu ainsi déclarer : " l’Inde et la Chine partagent la même aspiration à bâtir un ordre politique et économique international juste, équitable et démocratique", c'est parce que les requins impérialistes en Asie que sont la Chine, l’Inde et le Pakistan sont pour le moment obligés de mettre en sourdine leur confrontations réciproques, afin de se ménager face à l’offensive actuelle des Etats-Unis dans cette partie du monde.
Dans une telle situation, il est bien évident que les autres puissances impérialistes mondiales, notamment la France, l’Allemagne et la Russie, ne peuvent pas rester sans tenter elles aussi de venir défendre leurs propres intérêts dans cette région du monde, portant ainsi de plus belle ombrage aux Etats-Unis confrontés à l’affaiblissement accéléré de leur leadership mondial. Les récents voyages de Chirac puis de Raffarin en Chine n’avaient ainsi pas pour seule raison le renforcement des liens économiques entre Paris et Pékin. Il s'agissait de réaffirmer le soutien de la France, relayée par l'Allemagne, à la levée de l'embargo sur les ventes d’armes chinoises en même temps que de vendre une technologie avancée à la Chine. Une Chine plus forte et plus agressive face aux Etats-Unis fait le jeu de l’Allemagne et la France. En effet, si la stratégie américaine d'implantation de bases militaires au Kirghizstan, au Tadjikistan, en Afghanistan et en Ouzbékistan vise à la fois l'encerclement de l'Europe et de la Russie, l'Oncle Sam cherche aussi par ce moyen à dresser un barrage contre l'influence expansionniste de la Chine vers l'Occident, contribuant ainsi à isoler entre eux ses principaux concurrents impérialistes.
La fuite en avant du capitalisme ne peut mener qu’à un chaos toujours plus profond.
Avec le développement des tensions impérialistes en Asie, il serait totalement erroné de croire que la barbarie capitaliste ne continue pas de s’accélérer dans les autres régions du monde. C’est tout le contraire qui est vrai.. Il est clair que la bourgeoisie américaine se retrouve enlisée dans le bourbier irakien, malgré ses intentions proclamées d'amorcer une retrait partiel de ses troupes d'ici 2006. Elle est également sur le qui-vive au Moyen-Orient vis-à-vis de la Syrie et de l'Iran mais aussi sur le front extrême-oriental par rapport à la Corée du Nord. Et pour continuer à jouer les gendarmes du monde, elle est poussée en permanence dans une fuite en avant sur le terrain militaire. La multiplication des points chauds en Extrême-Orient, où la poussée de l'impérialisme chinois devient un pôle de préoccupation prépondérant, conduit d'ores et déjà la Maison Blanche à renforcer ses bases militaires dans la région et ses liens avec des Etats comme l'Indonésie, les Philippines, la Malaisie, la Thaïlande ou encore le Sri Lanka. L’évolution de la situation en Asie du Sud-Est montre une fois de plus à la classe ouvrière que tous les discours de paix de la bourgeoisie ne font jamais que préparer de nouveaux moments d'affrontements guerriers et que ce système capitaliste n'a rien à offrir que la barbarie. La montée des menaces guerrières en Asie en est une nouvelle expression lourde de conséquences pour l’avenir. Les appétits et les prétentions des principaux rivaux de l’impérialisme américain, dont fait partie maintenant ouvertement la Chine, ne peuvent que s’aiguiser toujours plus. La crise du leadership américain, son offensive actuelle et les réactions qui en découlent, ne peuvent plonger le monde que dans un chaos grandissant.
Tino (22 avril)
Jamais dans l'histoire, la maladie et la mort d'un pape n'auront été aussi médiatisées. La population de la Terre entière a été gavée jusqu'à la nausée d'informations, de reportages et d'images télévisées sur l'évolution de la maladie et de l'agonie de Jean-Paul II. Toute sa vie durant et jusqu'après son trépas, ce pape aura su se mettre en scène et attirer la dévotion de ses ouailles avec un sens du culte de la personnalité acquis de longue date dans le sérail stalinien dont il était issu. Et le "Saint Père" est largement parvenu à rivaliser avec le "Petit père des peuples" dans ce domaine.
A travers les 200 chefs d'Etat ou leurs représentants qui ont assisté à ses funérailles, ce sont ses pairs de la bourgeoisie mondiale unanimement reconnaissante qui lui ont décerné un vibrant hommage et qui ont souligné l'ampleur de ses mérites, à la mesure des services qu'il aura rendus à l'exploitation capitaliste et aux grandes causes impérialistes qu'il aura défendues. Mais si toutes les télévisions du monde avaient planté leur caméra au Vatican, sur la place Saint-Pierre, c'est que la vie et la mort édifiantes de Jean-Paul II étaient aussi destinées à marquer les esprits pour redonner du crédit et une vigoureuse impulsion à l'idéologie religieuse dans les masses par ces temps troublés, où les populations sont de plus en plus à la merci de la misère, de la famine, des pandémies, ou bien happées par la guerre, le chaos, la barbarie.
En tant que porteuse de la religion, "l'opium du peuple", comme disait Marx, mais aussi en tant que détentrice d'un pouvoir séculier, l’Eglise catholique est une véritable puissance de ce monde. Depuis presque 2000 ans, elle s'est rangée aux côtés des têtes couronnées, des puissances et des empires, contre lesquels les premiers chrétiens s’étaient élevés. A ses origines, le christianisme est venu des pauvres et des exploités. Les premiers chrétiens, en fait des membres des sectes juives radicales esséniennes et zélotes, s'opposaient à la présence de Rome en Palestine et à l'exploitation qu'elle entraînait. Ils voulaient aussi mettre tous leurs biens en commun. Mais par la suite, l’Eglise catholique et la papauté ne vinrent pas aux premiers rangs du pouvoir pour présider à l'avènement espéré du paradis sur Terre dont rêvaient les premiers chrétiens, mais à celui d'une nouvelle société d’exploitation faisant suite à l'Antiquité, le système féodal.
A l’époque du féodalisme, l’Eglise de Rome était un bastion politique, militaire, économique et idéologique de premier ordre.
Le protestantisme, qui dès le 15e siècle commença à remettre en cause l'omnipotence de l'Eglise, fut en réalité l'expression de la rébellion de la bourgeoisie contre la féodalité. Lors de la Révolution française en 1789, certaines fractions radicales et anti-cléricales de la bourgeoisie cherchèrent même à se débarrasser des oripeaux de la religion. Mais au fur et à mesure que le prolétariat affirmait sa force de classe et se montrait comme le véritable danger pour l'ordre bourgeois, qu'il mettait à bas le mythe égalitaire bourgeois cherchant à masquer l'exploitation capitaliste, la classe dominante est revenue à de bien meilleurs sentiments à l'égard de la religion.
Aujourd'hui, le système capitaliste est en déclin depuis presque un siècle. Et une des preuves que nous sommes dans les dernières phases de ce déclin tient justement dans le renouveau de la religion, ressource clé de l'intoxication idéologique mais aussi produit de la pourriture idéologique capitaliste. Ainsi aux Etats-Unis, dans le pays le plus puissant et le plus développé du monde, la religion du Christ renaissant a une influence réelle non seulement dans de larges secteurs de la population mais aussi aux plus hauts niveaux de l'administration Bush.
Au Moyen-Orient, en Afrique et en Asie, l'Islam fondamentaliste se présente comme la seule réponse à la misère des opprimés. En Israël, les partis religieux messianiques ont une parole majeure dans la vie politique du pays. En Europe et en Amérique, les délires néo-paganistes moyen-âgeux ont monté en force. La plupart de ces idéologies soutiennent que nous vivons les "derniers jours" ; en un sens, elles ont raison. Leur propre renouveau est une expression de l'irrationalité profonde et du désespoir qui accompagnent l'idéologie de cet ordre social en décomposition.
Pousser les pauvres à se résigner à leur sort : une grande "mission" de Jean-Paul II
Le rôle de l'Eglise catholique, à l'instar des autres, pour offrir une fausse perspective, le bonheur dans l'au-delà, et dévoyer les questionnements sur la société capitaliste est essentiel. Il existe un milliard de catholiques dans le monde et l'Eglise de Rome détient encore une énorme influence dans les régions les moins développées de l'Afrique, de l'Asie, et spécialement des pays d'Amérique latine. Elle reste une force majeure de contrôle social. Ce contrôle est partiellement exercé par des doctrines ouvertement réactionnaires qui se sont renforcées sous le règne de Jean-Paul II. Il en est ainsi de positions telles que l'opposition du Vatican aux méthodes de contraception et l'interdiction renouvelée en pleine épidémie de Sida d'utiliser des préservatifs. L'Eglise catholique a ainsi contribué de façon très conséquente à la mort de millions de personnes sur le continent africain en particulier, mais aussi en Amérique latine et en Asie. Tout cela au nom de la "pureté de l'âme" !
Mais le "charisme" de Jean-Paul II n'a pas servi qu'à aider les sidéens croyants à passer ad patres en conservant l'âme pure, grâce à une libido en harmonie avec les lois de Dieu ; il a aussi été d'une lumineuse utilité pour maintenir les exploités dans la croyance que l'Eglise pouvait leur venir en aide, c'est-à-dire pour les faire rester ou rentrer dans le rang de la "juste" exploitation capitaliste. Ce commis voyageur de l'idéologie capitaliste, version bon apôtre, n'a donc pas économisé ses forces pour apporter la bonne parole aux pauvres et aux miséreux de par le monde, contre les "excès" du capitalisme. C'est même dès son intronisation papale qu'il accourt en 1978 à la rescousse des exploiteurs d'Amérique latine devant le développement de luttes de plus en plus massives au sein des exploités des zones urbaines et agricoles. Et c'est justement surtout dans les pays les plus pauvres et où l'influence du catholicisme est la plus grande qu'on le verra donner toute sa mesure. A côté des discours à résonance "sociale", ses voyages répétés en Amérique du Sud seront aussi l'occasion d'affermir ses troupes des "Théologiens de la Libération", groupes travaillant main dans la main avec les partis de gauche et les syndicats afin de dévoyer les révoltes potentielles de masse dans les impasses de la démocratie et du nationalisme.
Rappelons encore son rôle dans le sabotage de la lutte des ouvriers de Pologne en 1980-1981, rôle assuré grâce à un soutien public à Solidarnosc et à un Walesa ultra-catholique dont l'action avait conduit à la défaite ouvrière et à la répression brutale de l'Etat polonais.
Un infatigable commis voyageur de l'impérialisme
Si, en Europe de l'Ouest, l'Eglise catholique n'a depuis longtemps plus de moyens d'influencer les luttes ouvrières, elle détient cependant une place d'importance dans les manœuvres sordides du système capitaliste. Durant les années 1930 et dans la Seconde Guerre mondiale, Hitler, Mussolini et Franco étaient de mèche avec la hiérarchie catholique, qui donna entre autres crapuleries son assentiment plus que tacite à l'Holocauste. A ce jour, alors que tous les éléments historiques ont été depuis belle lurette réunis et rendus publics, la papauté refuse de reconnaître sa responsabilité dans ses crimes ; elle est en l'occurrence un fois de plus au diapason de toutes les puissances impérialistes sorties victorieuses du deuxième conflit mondial.
Il faut dire que bien des liens se sont tissés entre elles. Ainsi, après la "Libération" et lors de la Guerre froide, le Vatican était devenu un pion de premier plan dans la lutte du bloc de l'Ouest contre le "communisme athée" de l'Est (en fait, la forme stalinienne du capitalisme d'Etat). D'ailleurs, c'est du fait de ses positions pro-occidentales avérées que Jean-Paul II avait été mis en place comme serviteur du bloc américain. Il a été le fer-de-lance de cette croisade au nom de "l'anti-communisme" aux quatre coins de la planète. Et c'est ainsi en tant que prêcheur des intérêts de l'impérialisme occidental qu'on avait pu le voir parcourir le monde jusqu'en 1989.
Suite à l'effondrement du bloc de l'Est, Jean-Paul II s'était trouvé une nouvelle mission, celle de l'anti-américanisme et de l'alignement avec l'Europe contre une première puissance mondiale qu'il avait servi durant vint ans. C'est en ce sens qu'il faut comprendre les prises de positions papales contre les interventions militaires américaines, en particulier contre celles en Irak, tout comme ses discours anti-mondialistes qui visaient en réalité l'hégémonie des Etats-Unis. Le tout n'a jamais rien eu à voir avec une quelconque défense des intérêts des populations.
Dans l'interminable procession des défenseurs de l'enfer capitaliste et des maux qu'il représente pour l'humanité, Jean-Paul II a tenu une place de choix. C'est pourquoi la bourgeoisie lui a rendu un si éclatant hommage.
Mulan (22 avril)
Que font les ONG ? A quoi servent-elles ? La question est légitime et ne manque pas de se poser depuis quelque temps.
Alors que plus de quatre mois viennent de s’écouler depuis le déferlement du tsunami sur les côtes d’Asie du Sud, et malgré l’élan de générosité qui a déversé de rondelettes sommes d’argent dans les caisses des ONG, la situation sur place est toujours aussi dramatique pour les victimes. Alors que l’île de Nias, au large de Sumatra, a essuyé le 28 mars une réplique sismique provoquant un véritable carnage, les ONG sont toujours à se demander comment utiliser les sommes récoltées qui pour le moment sont placées sur des SICAV monétaires à 2,5% d’intérêts annuels. Alors, à quoi peuvent bien servir les ONG, à part verser des salaires astronomiques à leurs dirigeants et leur offrir des virées dans les hôtels quatre étoiles de Bora Bora (Capital, avril 2005) ? Certes, les détournements de fonds et les mœurs d’escrocs sont une réalité directement reliée aux mœurs de la bourgeoisie mais ce n’est pas là l’essentiel et le fondement principal de l’action humanitaire.
Avant toute chose, les ONG sont un instrument, devenu aujourd’hui incontournable, de la défense des intérêts impérialistes de chaque nation.
Ces ONG qui n’ont de "non gouvernemental" que le nom, offrent depuis plus de 30 ans les moyens idéologiques pour justifier les actions armées des grandes puissances.
C’est ainsi que, dans les années 1970, la France, pour se débarrasser de celui qu’elle fit accéder au pouvoir en Centrafrique, Jean Bedel Bokassa, s’appuya sur Amnesty International pour déclencher une vaste campagne de dénonciation du règne sanglant de l’empereur "autoproclamé". Ce fut cette campagne qui justifia l’intervention de la France et l’envoi de ses parachutistes qui n’oublièrent pas d’emporter dans leur paquetage un nouveau président.
Mais le rôle des ONG ne se limite pas seulement à fournir un alibi humanitaire pour étayer et accompagner les raids sanglants du "droit d’ingérence" des grandes puissances dans les conflits armés. Leur présence et leur travail sur le terrain sont souvent plus que cela.
Ce n’est pas par hasard si l’Inde a refusé l’aide internationale après les ravages du tsunami du 26 décembre. Ce n’est toujours pas un hasard si l’Indonésie réclame depuis peu le départ des ONG de son territoire dans les deux prochains mois. C’est parce que ces Etats savent pertinemment que les ONG agissent, même sans escorte militaire, comme tête de pont impérialiste de leur nation respective. Ce qu’illustre de façon édifiante la série de "révolutions démocratiques" qui a eu lieu dans les républiques du sud de la Russie dont la dernière en date s'est développée au Kirghizistan. "On peut être fier d’avoir soutenu la révolution", a proclamé l’ambassadeur américain Stephen Young. Bien que l’Oncle Sam dispose depuis quatre ans d’une base militaire forte de 2000 soldats sur l’aéroport de Manas, ce n’est pas de ce type de soutien dont parle Mr Young. Pour aider au renversement du régime d’Akaïev, les Etats-Unis se sont servis d’une arme redoutable, un puissant réseau d’ONG, 7000 au total, quadrillant l’ensemble du territoire. Dans chaque village ont compte trois à quatre ONG locales, financées en grande partie par des organisations étatiques made in America telles Freedom House, dirigée par l’ancien patron de la CIA, James Woosley, ou encore le National Democratic Institute (NDI), présidé par l’ancienne secrétaire d’Etat de Clinton, Madeleine Albright. La "révolution jaune" n’avait donc rien de spontanée. Au contraire, elle a été soigneusement et patiemment préparée par ce réseau d’ONG pro-américaines comme cette imprimerie de Bichkek alimentée par Freedom House et chargée d’éditer pas moins d’une cinquantaine de journaux d’opposition. Et lorsque l’ancien pouvoir kirghize décide cinq jours avant les élections législatives de couper l’électricité de l’imprimerie, c’est l’ambassade américaine qui accourt pour fournir des groupes électrogènes afin que continue le travail d’agitation. C’est aussi à travers une coalition de 170 ONG kirghizes, animées par Edil Baisalov, financées quant à elles par le NDI, qu’un millier d’observateurs ont pu être envoyés dans les bureaux de vote pour témoigner de la fraude et déclencher la "fronde populaire". On peut retrouver le même schéma en Géorgie en 2003 ou en Ukraine en 2004 où la "révolution orange" a été là aussi portée par le travail de 280 ONG, abreuvées par le même NDI de 65 millions de dollars dans le but de renverser le duo pro-russe, Koutchma/Ianoukovitch, via l’agitation populaire.
Les ONG sont elles utiles ? Pour la bourgeoisie, la réponse ne fait aucun doute, c’est oui. Depuis les années 1970, elles sont très clairement un atout organiquement lié au dispositif militaire de la classe dominante. Pour reprendre l’expression du célèbre french doctor, Bernard Kouchner, fondateur de l’emblèmatique Médecin Sans Frontières, "la grande aventure du XXIe siècle (...) s’appelera mouvement humanitaire". Mais cette aventure ne peut être que celle de la guerre au service de l’impérialisme.
Azel (15 avril)
Raffarin avait promis qu'en 2005 le chômage allait baisser de
10 %. Dernièrement, il vient cependant de déclarer que "le choc
pétrolier (allait) décaler cette ambition de quelques mois",
alors que le chômage passait la barre symbolique des 10% de la population
active. Depuis plus de trente ans, ce genre de promesses remises aux calendes
grecques est monnaie courante de la part des gouvernements, toutes couleurs
politiques confondues. Il serait d'ailleurs difficile d'accorder le prix à la
meilleure déclaration du genre, où le cynisme et le mensonge se mêlent au plus
grand mépris des ouvriers massivement frappés non seulement par le chômage
massif mais par une précarité grandissante de toutes leurs conditions de vie,
qu'ils aient ou non du travail.
Les méthodes de la bourgeoisie pour abaisser le nombre de
chômeurs… indemnisés
Le chômage, avec tout ce que cela entraîne, est devenu une source d'angoisse majeure au sein des familles ouvrières. Tous les plans gouvernementaux depuis vingt ans se sont efforcés d'en masquer l'importance par des traficotages en tous genres, tout en s'acharnant à attaquer résolument les chômeurs. Plans emploi-jeunes par-ci, flexibilité et baisse ou blocage des salaires avec les 35 heures par là, contrats d'avenir, RMI, RMA, PARE, etc., ont fait travailler les spécialistes en fumisterie de la bourgeoisie. S'il n'y aura pas de baisse du chômage dans les années qui viennent, par contre, une politique qui va vers encore plus de contrôle et de répression se prépare. Pour ce faire, les services de l'Etat, l'ANPE et les Assedic (1) vont être rationalisés pour mettre en place les dispositifs des lois Borloo.
L’ANPE met ainsi en service, cette année, un nouveau système d’information appelé Géode qui devrait permettre un meilleur flicage des demandeurs d’emplois, qui devront s’adapter aux offres et aux conditions des entreprises sur le marché de l’emploi. L’objectif officiel d’une telle démarche est d’être plus efficace dans le placement des chômeurs, mais le but le plus important est la surveillance des chômeurs en vue de leur radiation et la suppression de leur indemnisation en lien avec les Assedic et l’Unedic (2) .
L’Unedic, aux déficits abyssaux, veut diminuer et rationaliser à outrance tous ses coûts. Sur le plan interne, les départs à la retraite ne seront pas tous remplacés et tout le fonctionnement des services va être restructuré de manière à faire plus avec moins de personnel. Le gouvernement fait passer ces mesures "internes" comme autant des mesures positives pour les chômeurs, appelés dorénavant "clients". Elles doivent en fait servir à mettre en place toute une panoplie de mesures de contrôle par le biais d'un fichier unique des entreprises en France. Les Assedic doivent tout faire pour qu'un chômeur reste le moins possible au chômage, non pas à travers l’embauche effective, mais surtout en les rayant des allocations. S'il est inscrit sur un poste de travail "porteur", c'est-à-dire pour lequel il y a de la demande (maçon, boucher...), il ne doit pas rester plus de quelques semaines au chômage. Et pas question qu'il fasse des formations. C'est gaspiller de l'argent ! Le calcul de l'Assedic est simple : un salarié qui cotise à l'Assedic rapporte en moyenne 1500 € par an ; un salarié au chômage coûte à l'Assedic en moyenne 14700 € par an. Il faut que le chômeur cesse de l'être, en acceptant n'importe quoi, n'importe où, à n'importe quelles conditions, sinon il sera rayé de la liste des demandeurs d’emploi. Jusqu'à présent, les chômeurs étaient convoqués pour un entretien tous les 6 mois, maintenant, il y aura d'autres entretiens périodiques, en coordination avec l'ANPE.
Pour faire passer les nouvelles normes, l'article le plus controversé de la loi Borloo stipulant qu'un chômeur perdrait ses indemnités s'il refusait plusieurs propositions d'emploi a été retiré à grands renforts de publicité. Mais cette disposition revient hypocritement par la fenêtre, puisque l'Assedic se réserve le droit de signaler pour sanction à la Direction Départementale du Travail tout chômeur ayant refusé de prendre un emploi qui lui a été proposé. Et l'Unedic demande que les Assedic puissent elles-mêmes sanctionner les chômeurs "récalcitrants". Une véritable pression va être mise sur ceux-ci pour qu'ils prennent l'emploi qui leur sera proposé, sous peine de sanctions. Comme le dit le directeur général de l'Unedic dans le quotidien économique La Tribune du 18 avril : "Quand on regarde comment les personnes privées d'emploi vivent les premiers mois de chômage, on constate une forte passivité. Il faut dégripper le marché du travail." Aussi, le remède appliqué contre cette grippe sociale sera plus fort que jamais et être administré à coups de contrôles toujours plus stricts, entraînant de nombreuses radiations à une échelle encore plus large.
Une aggravation sans fin
A côté du chômage, le sous-emploi est devenu la norme. Le travail à temps partiel ne cesse d'augmenter et les contrats à durée indéterminée (CDI) sont devenus une denrée rare. Aujourd'hui, 17,6 % des emplois sont à temps partiel, 4,7 % en CDD et 2,6 % en intérim, autant de chiffres qui ont doublé en vingt ans. Déjà, "sur les 90 000 emplois crées en 2004, plus de la moitié (50 000) est bien en dessous des 35 heures." (Insee). Depuis le début de l’année, la proportion des emplois à temps partiel et à très bas salaires est passé aux deux-tiers des emplois créés. 30 % du total national des embauches envisagées pour 2005 sont liés à des activités uniquement saisonnières.
Pourtant, les pouvoirs publics affichent cyniquement un prétendu "recul de la pauvreté" en France. Depuis trente ans, le taux de pauvreté aurait été divisé par deux et "seulement" 6,1 % de la population vivrait sous le seuil de pauvreté. Or, ce seuil a été ramené à 602 euros par mois contre 650 en 2003 (tandis que les prix à la consommation ont fortement augmenté depuis). En réalité, ce sont plus de 7 millions de gens qui constituent les "ménages pauvres", c'est-à-dire 12,4 % des familles.
Dans un tel contexte, la durée d'indemnisation du chômage, constamment réduite, s'est encore brutalement raccourcie depuis 2003. Conséquence : une véritable explosion des demandes du RMI, dont les "bénéficiaires" ont dépassé le million en 2004.
Les programmes de "lutte contre la pauvreté" n'ont pour but que d'essayer d'instaurer une situation de pauvreté "supportable" et d'y installer les "pauvres", qu'ils soient anciens, nouveaux ou futurs, tout en réduisant le coût financier de cette misère. Fin mars, Borloo lançait ainsi un nouveau gadget : le "contrat d'avenir" qui "offre" aux "bénéficiaires" des minima sociaux un travail, c'est-à-dire 26 heures par semaine payées au SMIC horaire afin, dit-il, de faire "retrouver le goût du travail". Dans la même veine, il fixe un "revenu de solidarité active" (RSA) pour "favoriser le retour à l'emploi", dans le cadre d'un combat contre la "notion de travailleur pauvre" et pour l'éradication de la pauvreté des enfants (un million en France !) d'ici 2020. En réalité, ces deux mesures visent à diminuer les aides sociales et à faire en sorte qu'une frange de plus en plus importante de la classe ouvrière s'englue définitivement dans le travail à temps partiel.
Tous ces saupoudrages sont présentés à grand renfort de propagande, dans laquelle "on institutionnalise le sous-emploi (…), une propagande agrémentée par un discours de culpabilisation, (…) comme la justification économique du travail ne fonctionne plus –on ne gagne pas sa vie à travailler à mi-temps- on la remplace par une justification morale et culpabilisante. "Il est obscène de ne pas travailler", assènent ces discours." (Robert Castel, sociologue, dans Libération du 4 avril)
La bourgeoisie veut anticiper la réaction de la classe ouvrière
Dans les mois à venir, il va y avoir des nouvelles vagues de licenciements dans un contexte social de plus en plus tendu. D'un coté, la bourgeoisie est obligée de rendre l'indemnisation du chômage moins chère et les conditions d'allocation plus dures. Ainsi, les organisations patronales et plusieurs syndicats, CFDT, CGC, CFTC ont signé un accord portant sur la "convention de reclassement personnalisée", la CGT et FO disant qu'elles réfléchissaient avant de le signer. Cette convention est une attaque supplémentaire qui prévoit d'indemniser les salariés licenciés pour motif économique à hauteur de 80% du salaire brut antérieur pendant 4 mois, et ensuite 65% pendant 2 mois. Le ministre Borloo lui-même, en prévision d'une situation de plus en plus catastrophique pour l'emploi dans les mois qui viennent, a demandé une étude sur les licenciements économiques en vue d'adoucir cette convention, en indemnisant les salariés licenciés pour motif économique à hauteur de 80% mais pendant 8 mois seulement ! Ceci signifie clairement deux choses : la bourgeoisie sait qu'il va y avoir une déferlante de licenciements dans les mois à venir. Elle sait aussi que dans le contexte actuel, elle doit se préparer à une réponse de la classe ouvrière, car quelque chose de profond est en train de mûrir au sein de celle-ci. Le chômage est l'expression la plus flagrante de la faillite du système capitaliste.
"En rejetant de la production des masses sans cesse croissantes de prolétaires, le capitalisme mondial dévoile son vrai visage : celui d'un système qui n'a plus rien à proposer à l'humanité qu'une misère et une barbarie toujours plus effroyables. Il fait la preuve de sa faillite historique.
Ce système ne peut donner un travail et un salaire aux ouvriers, se servir de leurs bras et de leur cerveau, que lorsqu'il a les moyens de surmonter ses crises. Aujourd'hui, s'il plonge des dizaines de millions de prolétaires dans le dénuement le plus total, s'il condamne les deux tiers de l'humanité à la famine, c'est justement parce qu'il n'est plus capable de résoudre les contradictions qui l'assaillent.
Les ouvriers doivent oser regarder la réalité en face : un système qui menace la survie de l'espèce humaine, non parce qu'il ne produit pas assez, mais parce qu'il produit trop, est une absurdité." (3)
Pinto (23 avril)
1) Les Assedic s'occupent des indemnisations aux chômeurs.
2) Caisse nationale qui contrôle les Assedic.
3) "Le capitalisme n'a pas de solution au chômage", manifeste du Courant Communiste International, janvier 2004.
"On a gagné!", scandait au soir du 29 mai le "peuple de gauche", sur la place de la Bastille. "Cette victoire est avant tout celle des ouvriers, des employés, des jeunes, des sans-emploi (qui ) se sont ainsi rassemblés jusque dans les urnes pour rejeter cette camisole libérale", déclarait Marie-George Buffet, secrétaire nationale de PCF , ajoutant : "Cette victoire s'est construite (…) dans une dynamique de rassemblement populaire qui évoque les grands moments du Front populaire ou de mai 1968" ; "C'est un triomphe de l'Europe des citoyens" proclamait David Assouline, député PS partisan du Non ; "C'est une victoire contre les élites politico-médiatiques", renchérissait Bernard Cassen d'Attac tandis que le trotskiste Besancenot de la LCR évoquait un "mouvement de revanche sociale" ; "C'est un Mai 68 dans les urnes", déclarait même un commentateur européen.
La gauche est en première ligne pour présenter la victoire du Non au référendum sur la Constitution européenne comme "une grande victoire de la classe ouvrière". Mensonge ! Pure escroquerie idéologique ! La classe ouvrière n'a rien gagné. Au contraire, elle a été piégée, poussée hors de son terrain de classe dans une impasse. La bourgeoisie a exploité ses échéances électorales afin de pourrir la conscience ouvrière en profitant des illusions encore très fortes dans les rangs des prolétaires envers la démocratie et le terrain électoral.
Les prolétaires doivent apprendre à tirer les leçons des expériences amères de leurs aînés. Ils doivent se souvenir que ce qui leur a toujours été présentée comme de "grandes victoires ouvrières", a toujours représenté les pires défaites et les plus dangereuses pour leur classe. Ainsi, en 1936, cet avènement du gouvernement de Front populaire encore aujourd'hui présenté comme une "grande victoire" pour les ouvriers, alors que ce gouvernement de Front populaire a permis à la bourgeoisie d'embrigader massivement derrière le drapeau de l’anti-fascisme les ouvriers dans les horreurs et les massacres de la Seconde Guerre mondiale. C'est au nom du grand mensonge du "triomphe de la dictature du prolétariat", "de la victoire du socialisme dans un seul pays"" et des "avancées dans la construction d'une société communiste" que des générations entières de prolétaires ont été entraînés et sacrifiés sur l'autel de la contre-révolution stalinienne pendant plus d'un demi-siècle derrière une idéologie de la "défense de la patrie socialiste", mais aussi exploités, massacrés, déportés, emprisonnés par " la patrie du socialisme". Plus près de nous, ils doivent garder en mémoire l'euphorie trompeuse qui a suivi l'élection de Mitterrand en 1981.
Les prolétaires sont tombés dans le piège qui lui présentait cette consultation électorale comme un enjeu pour elle. Rien n'est plus mensonger. La bourgeoisie exploite aujourd'hui cette situation pour accentuer son avantage et intoxiquer davantage la conscience des ouvriers, en lui faisant croire que le bulletin de vote serait plus efficace que la lutte de classe, même si les effets de cette propagande ne peuvent que s'effacer très rapidement face à la réalité.
L'énorme et incessant battage électoral sur le référendum, matraqué pendant plus de trois mois, n’avait qu’un seul but : faire avaler aux prolétaires le grossier mensonge selon lequel le moyen le plus efficace de faire reculer la bourgeoisie et de faire entendre leur voix, d'exprimer leur ras le bol, n’était pas le développement de la lutte de classe mais le bulletin de vote.
Une campagne idéologique mensongère
De l'extrême droite aux organisations gauchistes, l'incessant battage idéologique, dramatisé à souhait depuis plus de trois mois, ne visait qu'à attirer et à rabattre un maximum de prolétaires sur le terrain électoral.
En effet, la bourgeoisie aura réussi à polariser l'attention des ouvriers, à semer les pires confusions, à brouiller les pistes pour ramener un maximum d'ouvriers sur le terrain électoral. Le référendum était omniprésent dans tous les médias. Il n'était pas possible d'échapper aux virulents débats, aux polémiques enflammées sur les supposés enjeux de ce scrutin. Ce matraquage idéologique tentait de persuader chaque "citoyen", surtout chaque prolétaire, que cette consultation représentait un enjeu absolument crucial et déterminant. Toutes les fractions de la bourgeoisie se sont ainsi félicitées d'avoir pu lancer et animer "un grand débat démocratique" dont le seul résultat aura été de déboussoler, de semer un maximum de confusion et d'illusions dans la tête des ouvriers. Tous les médias et certains responsables politiques l'ont proclamé : "votez oui ou votez non mais votez ! ". Le principal poison idéologique distillé dans cette campagne a été de faire croire que "rien ne serait plus comme avant", que la montée du Non, dopée par le mécontentement social envers le gouvernement, avait contraint la bourgeoisie à mettre la préoccupation sociale au centre de sa campagne. Cela est en partie vrai, mais le seul but de cette manœuvre était de pousser les ouvriers dans le piège démocratique, dans le piège électoral, dans la mesure où, auparavant, cette campagne suscitait à juste titre l'ennui et le désintérêt le plus complet au sein de la classe ouvrière. C'est à partir du moment où la bourgeoisie est parvenue à canaliser le mécontentement social autour du référendum, à faire croire qu'elle pouvait reculer en retirant la directive Bolkestein (le gouvernement cédant même quelques miettes dans les conflits sociaux) qu'elle est parvenue à relancer et à redonner un nouveau souffle à la mystification démocratique et au terrain électoral. Mais, maintenant la bourgeoisie voudrait nous faire croire que dans l'après-référendum, désormais, la parole, la priorité, seront au social. C'est un mensonge. Plus que jamais, l'avenir que nous réserve le capitalisme, c'est l'intensification des attaques anti-ouvrières. Cette propagande idéologique cherche à faire prendre des vessies pour des lanternes, faire croire que la réaction "citoyenne" peut changer le cours du capitalisme, infléchir la bourgeoisie et barrer la route au libéralisme et aux délocalisations. La politique gouvernementale ne va pas changer d'un poil.
Le principal objectif de la bourgeoisie vis-à-vis des prolétaires dans n'importe quelle élection est de les pousser à abandonner le terrain collectif de la lutte de classe pour s'exprimer en tant que "citoyen", atomisés, sans appartenance de classe, dans le bien nommé "isoloir," sur un terrain pourri d'avance et qui n'est nullement le leur, mais celui de la bourgeoisie. Pour la classe ouvrière, le terrain électoral est un piège idéologique destiné à semer les pires confusions et à empêcher le développement de sa conscience de classe.
Les élections ne sont qu'une mystification
Il n'en a pas toujours été ainsi. Au 19e siècle, les ouvriers luttaient et se faisaient tuer pour obtenir le suffrage universel. Aujourd'hui, inversement, ce sont les gouvernements qui mobilisent tous les moyens dont ils disposent pour que le maximum de citoyens aillent voter. Pourquoi ?
Pendant la période d'ascendance du capitalisme, les parlements représentaient le lieu par excellence où les différentes fractions de la bourgeoisie s'affrontaient ou s'unissaient pour défendre leurs intérêts. Malgré les dangers et les illusions que cela pouvait entraîner, les travailleurs, dans une période où la révolution prolétarienne n'était pas encore à l'ordre du jour, avaient intérêt à intervenir dans ces affrontements entre fractions bourgeoises et, au besoin, soutenir certaines fractions bourgeoises contre d'autres, afin de tenter d'améliorer leur sort dans le système. C'est ainsi que les ouvriers en Angleterre ont obtenu la réduction à 10 heures de leur journée de travail en 1848, que le droit syndical a été reconnu en France en 1884, etc.
Mais la situation est devenue totalement différente depuis le début du 20e siècle. La société capitaliste est entrée dans sa période de crise permanente et de déclin irréversible. Le capitalisme a conquis la planète et le partage du monde entre les grandes puissances est terminé. Chaque puissance impérialiste ne peut s'approprier de nouveaux marchés qu'aux dépens des autres. Ce qui s'ouvre, c'est une nouvelle "ère des guerres et des révolutions", comme le déclarait l'Internationale Communiste en 1919, une ère marquée par les effondrements économiques comme la crise de 1929, les deux guerres mondiales et l'irruption révolutionnaire du prolétariat en 1905 en Russie, de 1917 à 1923 en Russie, Allemagne, Hongrie, Italie. Pour faire face à ses difficultés croissantes, le capital est contraint de renforcer constamment le pouvoir de son Etat. De plus en plus, l'Etat tend à se rendre maître de l'ensemble de la vie sociale et, en premier lieu, dans le domaine économique. Cette évolution du rôle de l'Etat s'accompagne d'un affaiblissement du rôle du législatif en faveur de l'exécutif. Comme le dit le deuxième Congrès de l'Internationale Communiste : "Le centre de gravité de la vie politique actuelle est complètement et définitivement sorti du Parlement."
Pour les travailleurs, il ne peut plus être question de s'aménager une place dans le capitalisme mais de le renverser dans la mesure où ce système n'est plus capable de leur octroyer ni réformes durables ni amélioration de leur sort.
Pour la bourgeoisie, le parlement est devenu tout au plus une chambre d'enregistrement de décisions qu’elle prend ailleurs.
Reste un rôle idéologique de l'électoralisme qui reste déterminant . La fonction mystificatrice de l'institution parlementaire existait déjà au 19e siècle mais elle se situait au second plan, derrière sa fonction politique. Aujourd'hui, la mystification est la seule fonction qui reste pour la bourgeoisie : elle a pour but de faire croire que la démocratie est le bien le plus précieux, que l'expression de la souveraineté du peuple, c'est la liberté de choisir ses exploiteurs. La démocratie parlementaire et surtout la mystification de l'idélologie démocratique reste le meilleur moyen d'empoisonner la conscience ouvrière et l'arme idéologique la plus efficace et dangereuse pour domestiquer le prolétariat.
Les attaques antiouvrières n'ont pas cessé au cours de ces derniers mois et dès le lendemain de cette échéance électorale, les prolétaires verront leurs conditions de vie et de travail se détériorer encore plus fortement et rapidement. La bourgeoisie cherche à gagner du temps pour repousser les échéances de confrontations plus massives avec le prolétariat. Elle est amenée de plus en plus à trouver des parades idéologiques et à déployer le maximum d'efforts pour freiner la prise de conscience de la faillite du système capitaliste au sein de la classe ouvrière. Comme nous l'écrivions le mois dernier, "le résultat de ce vote ne changera pas quoi que ce soit à l'intensification des attaques antiouvrières menées par les différentes bourgeoisies nationales, à l'accélération de la dégradation des conditions de vie des prolétaires, aux licenciements, aux délocalisations, à la montée du chômage et de la précarité, à l'amputation de tous les budgets sociaux, au démantèlement accéléré de la protection sociale. Ce sont les produits de la crise et les manifestations de la faillite du système capitaliste au niveau mondial".
Face à l'angoisse de l'avenir qui est au cœur des préoccupations ouvrières actuelles, la réponse n'est ni sur le terrain électoral ni de la démocratie, il est dans le développement de la lutte de classe, le seul terrain sur lequel les ouvriers peuvent répondre aux attaques de la bourgeoisie.
Wim (30 mai)
Il y a 60 ans, le 8 mai 1945, jour même de l'armistice qui signait la victoire pour les Alliés, la "victoire de la liberté et de la démocratie" sur le nazisme, l'Etat français déchaînait ses forces de répression en Algérie, dans le Constantinois, à l'est du pays. La perspective de retrouver un monde en paix était déjà devenue une pure illusion. La barbarie n'était pas morte, elle ne s'était pas éteinte avec la chute du nazisme mais était bel et bien le pain quotidien du monde capitaliste dont les Etats démocratiques, avec leurs appétits impérialistes insatiables, étaient les plus gros consommateurs. En mai 1945, comme dans tout l'empire colonial français, la manifestation pour célébrer "la victoire des forces démocratiques" était précisément d'abord une manifestation pour réclamer du pain, rationné deux fois plus pour les Algériens que pour les Français. Les partis nationalistes qui exploitaient ce mécontentement avaient appelé à cette manifestation, notamment les dirigeants "modérés" des AML (Amis du Manifeste et de la Liberté) de Ferhat Abbas et aussi les nationalistes plus radicaux du Parti Populaire Algérien (PPA) interdit dès 1939 et dont le leader Messali Hadj se trouvait déjà emprisonné. A Sétif, la manifestation rassemblait de 8 à 10 000 personnes. Un drapeau national algérien est brandi malgré l'interdiction d'arborer des banderoles ou des slogans anti-coloniaux, et son porteur est mitraillé sur-le-champ. Cet événement est le point de départ des émeutes. Les tueries s'engagent des deux côtés. Une atroce et sanglante répression s'ensuivit. En deux mois, 102 Européens étaient massacrés. Du côté algérien, le chiffre des morts -même approximatif- n'a jamais pu être établi, les chiffres des historiens variant généralement entre 15 et 45 000 victimes. Déjà, des incidents s'étaient produits à l'occasion des manifestations du 1er mai précédent à Bône, Oran, Alger faisant 4 morts et 13 blessés. Le débarquement anglo-américain et les encouragements des Américains, hostiles à la présence coloniale française, avaient dopé les revendications des leaders nationalistes algériens. Dès février 1943, Ferhat Abbas avait publié un Manifeste du peuple algérien qui réclamait une "Constitution égalitaire entre race et religion pour le peuple algérien". En juin 1943, un additif demandait la création d'un Etat algérien à la fin de la guerre avec participation des leaders nationalistes au gouvernement. Le gouvernement français d'union nationale présidé par de Gaulle envoie des renforts de blindés terrestres, la marine dépêche des croiseurs qui pilonnent les villes côtières (Bejaïa, Kherrata, Djidjelli), l'aviation est utilisée pour l'intérieur du pays : 28 avions effectuent des raids sans relâche et bombardent pendant deux mois les régions de Guelma, de Sétif et de Constantine, détruisant entièrement 44 villages. Dans les villes, plusieurs quartiers populaires particulièrement visés ont été réduits en cendres. A Constantine, à la fin de l'été, la fosse commune se remplit encore de cadavres. La terreur règne sur la région avec multiplication d'opérations et de représailles en tous genres : exécutions de masse, pillages, tortures, maisons incendiées … La police mais aussi des milices civiles de colons participent à activement à la répression. Voilà qui en dit long sur le caractère "libérateur" des alliés et le sens à donner à "la défense de la démocratie et de la civilisation" dont se sont parés ces défenseurs et les champions des libertés démocratiques contre la barbarie nazie.
Le 8 mai dernier, le ministre des Affaires étrangères français, Michel Barnier, évoquait au nom de l'amitié franco-algérienne la nécessité "d'examiner ensemble le passé afin d'en surmonter les pages les plus douloureuses pour les deux peuples", évoquant les massacres et la répression des émeutes dans l'Est de l'Algérie. Il faisait suite aux propos de l'ambassadeur de France il y a quelques mois qui, lors d'une visite à Sétif, avait parlé d'une "tragédie inexcusable" à propos de cet événement.
L'évocation de cette sorte de "repentance" est aussi hypocrite qu'intéressée. La France, dont les intérêts impérialistes sur le sol africain sont de plus en plus menacés (Côte d'Ivoire, Togo), entend aujourd'hui préserver et resserrer ses liens au Maghreb avec le président Bouteflika dont le régime paraît aujourd'hui un peu plus renforcé et stabilisé, alors que les positions des islamistes se retrouvent considérablement affaiblies dans le pays. Mais surtout, la bourgeoisie se garde bien aujourd'hui encore de rappeler le fait que cette sanglante répression a été assumée par l'ensemble des forces politiques françaises au sein d'un gouvernement d'union nationale et en particulier par les partis de gauche ; comme le "libérateur" de Gaulle, le parti socialiste (à l'époque SFIO) devait pleinement assumer, plus tard, la guerre d'Algérie. D'ailleurs, le gouverneur général de l'Algérie en 1947, Chataigneau qui commandait sur place l'armée de tueurs était présenté comme un socialiste. Mais c'est aussi le PCF qui a loué un rôle de premier plan dans les massacres. Dès le début, dans les colonnes de L'Humanité, le parti stalinien déclarait, au même titre que Chataigneau, que "les auteurs des troubles étaient d'inspiration et de méthodes hitlériennes." Il parlera aussi "de provocation fomentée par les grands trusts et par les fonctionnaires vichystes encore en place". Le porte-parole du PCF, Etienne Fajon, déclarait encore à la tribune de l'assemblée nationale le 11 juillet : "les tueries de Guelma et de Sétif sont la manifestation d'un complot fasciste qui a trouvé des agents dans les milieux nationalistes." Alors que de Gaulle avait demandé "de prendre toutes les mesures nécessaires pour réprimer les agissements d'une minorité d'agitateurs", le bureau politique du PCF publiait un communiqué le 12 mai déclarant : "il faut tout de suite châtier impitoyablement et rapidement les organisateurs de la révolte et les hommes de main qui ont dirigé l'émeute" au nom de la défense "de la république française, métropole et territoires d'outre-mer, une et indivisible." Dans un tract signé par cinq membres du comité central et distribué sur le sol algérien, il appelle à une chasse aux sorcières et lance de véritables appels au meurtre et aux pogroms en exigeant de "passer par les armes les instigateurs de la révolte et les hommes de main qui ont dirigé l'émeute. Il ne s'agit pas de vengeance ni de représailles. Il s'agit de mesures de justice. Il s'agit de mesures de sécurité pour le pays". Ainsi une milice mise sur pied par le PC et la CGT servit d'auxiliaire à la police et à l'armée pour massacrer entre 500 et 700 "rebelles musulmans". Et pour couronner le tout, c'est le ministre stalinien de l'aviation Charles Tillon ("héros de la Résistance" en tant qu'ex-chef des FTP), qui a directement ordonné le bombardement des régions de Sétif et de Guelma.
Le PCF devait d'ailleurs continuer à jouer ce rôle au début de la guerre d'Algérie, notamment lorsqu'il vota le 12 mars 1956 les "pouvoirs spéciaux" au gouvernement du socialiste Guy Mollet qui allait donner les moyens à l'Etat français d'intensifier la guerre sur le sol algérien.
Mais les menées criminelles de l'Etat français "libre" et "démocratique" ne s'arrêtent pas là, elles auront encore l'occasion d'exercer d'autres massacres pour mater plusieurs rébellions nationalistes anti-coloniales dans la seule période de l'immédiate après-guerre à Haïphong en 1946, à Casablanca en 1947, en Côte d'Ivoire en 1949.
Le plus grand massacre, beaucoup moins connu que celui de Sétif eut lieu à partir du 30 mars 1947 à Madagascar, donnant lieu au pires atrocités. Le nombre de victimes de la répression a atteint le chiffre vertigineux de 89 000 morts en vingt et un mois, selon les comptes officiels de l'état-major français. Le 29 mars, près de 2000 insurgés malgaches attaquent un camp militaire de l'armée française, en grande partie composée de tirailleurs sénégalais, à proximité d'un réseau ferroviaire devant servir de relais pour les troupes expédiées en Indochine où la France faisait face à la guérilla du Vietminh. Les insurgés liquident des officiers et bénéficient du soutien d'une bonne partie de la population. En même temps dans le sud du pays, d'autres insurgés s'emparent du terminus côtier de la voie ferrée qui la relie à Fianarantsoa. Le lendemain, la riposte de l'armée est terrible : toute la population malgache du village de Moramanga est massacrée, des centaines de cadavres jonchent le sol, les maisons sont incendiées, le bourg est réduit en cendres. Il n'y a pas un seul survivant. Avec l'arrivée de renforts, c'est toute la région qui fait l'objet de représailles terribles, avec une cruauté effroyable. En trois jours, il y a des milliers de morts. Des prisonniers sont chargés à bord d'avions et lâchés vivants au dessus des villages dissidents comme "bombes démonstratives" pour terroriser les populations locales. A d'autres endroits, les rebelles enfermés dans des caves sont brûlés vifs. A Fianarantsoa, une fausse tentative d'évasion sert de prétexte pour fusiller les insurgés, tout juste faits prisonniers. D'autres sont froidement abattus par centaines dans les prisons ou dans des bâtiments publics. Le cabinet gouvernemental de Ramadier, incluant des ministres socialistes et communistes, vote sans rechigner les crédits permettant le renfort de troupes pour mater l'insurrection : un corps expéditionnaire de 18 000 hommes est levé dès avril, il sera porté ensuite jusqu'à 30 000 soldats. La répression avec tortures, exécutions sommaires, regroupements forcés, viols, pillage, villages incendiés avec femmes, vieillards, enfants brûlés vifs se prolonge pendant 21 mois. C'est d'ailleurs sur ordre du ministre "socialiste" des Colonies, Marius Moutet, que les troupes françaises agissent à Madagascar. Le PCF, quant à lui, se contente de protester contre l'arrestation de trois députés malgaches du MDRM (Mouvement Démocratique de la Rénovation Malgache) sans aller jusqu'à démissionner du gouvernement malgré l'ampleur de la répression.
A la fin de la Seconde Guerre mondiale, l'Etat français couvrait ses crimes et la sordide réalité de la défense de son intérêt national sous le masque héroïque et le prestige de la France de la Libération, de la résistance à la barbarie nazie, tout en se faisant publiquement l'apôtre du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes à la tribune de l'ONU. Aujourd'hui, l'Etat français et ses dignes représentants de gauche comme de droite peuvent bien se confondre en "excuses" et en "regrets" diplomatiques. Dès que leurs intérêts impérialistes le réclament, les nations arrachent brutalement le masque sous lequel elles se présentent d'ordinaire comme les meilleurs défenseurs de la paix, des droits de l'homme, des libertés démocratiques et étalent cyniquement au grand jour toutes les abominations de la barbarie capitaliste qu'elles sont capables de mettre en œuvre.
W (25 mai)
Au lendemain du lundi de Pentecôte, une propagande nauséabonde a eu lieu à l’échelle internationale pour faire croire à la classe ouvrière qu’elle est constituée d’égoïstes irresponsables. Les ouvriers y sont présentés comme des individus pour qui seul le bonheur personnel et immédiat compte au détriment des autres. La lecture des différents quotidiens de la planète est tout simplement édifiante. "Deux ans après la catastrophe et la honte nationale qu’a connu la France durant l’été 2003, des centaines de Français, qui soutiennent, en paroles, la ‘solidarité avec les personnes âgées, refusent de céder un jour de vacances" (The Independent). "Les Français ignorent la condition malheureuse des personnes âgées pour prendre un jour de vacances" (Daily Telegraph). "La majorité des Français a préféré se distraire en ce jour traditionnellement férié plutôt qu’être solidaire" (Clarin, quotidien argentin). Et les journaux français ne sont pas en reste. Le Monde daté du 14 mai distille le même sentiment de culpabilité : "La grande journée de solidarité prévue lundi 16 mai est devenue un imbroglio politique et social assez caractéristique de l’exception culturelle française. Alors que tout, dans ce dossier, est parti de l’émotion considérable née du décès de 15 000 personnes, essentiellement des personnes âgées, lors de la canicule d’août 2003, tout converge aujourd’hui en une fronde ouverte contre la loi qui institue cette fameuse journée de travail offerte pour lever des fonds destinés aux personnes isolées et aux handicapés. Le grand élan de générosité initial a fait pschitt ."
Ce n’est pas un hasard si la bourgeoisie attaque ainsi idéologiquement la classe ouvrière. Elle tente de détruire ce qu’elle hait et craint le plus, la solidarité prolétarienne. Car justement, depuis quelques années, face aux attaques qui ne cessent de pleuvoir, les ouvriers retrouvent progressivement leur unité, tissent à nouveau peu à peu leurs liens de classe. Les luttes à Opel en Allemagne, la réaction des cheminots après l’agression d’une de leur camarade en France (lire RI n°354 et 355) constituent une petite partie des nombreux éléments qui démontrent cette tendance. Et la bourgeoisie saisira la moindre occasion pour briser cette dynamique, instiller la méfiance et la division dans la classe ouvrière.
La propagande culpabilisatrice menée par la bourgeoisie est un amoncellement de mensonges répugnants. Pourquoi le prolétariat n’a-t-il pas participé pleinement, comme un seul homme, à cette journée censée améliorer la prise en charge des personnes âgées et des handicapés ? Tout simplement parce que cette journée est apparue pour ce qu’elle est, une vaste fumisterie ! La classe ouvrière ressent dans sa chair la dégradation continuelle de ses conditions de vie. La profondeur de la crise économique pousse la bourgeoisie à attaquer sans répit le prolétariat, à intensifier toujours plus son exploitation. Ces dernières années, en diminuant de façon drastique les retraites, l’accès aux soins et les indemnités chômage, la classe dominante a d’ailleurs franchi un nouveau cap, celui de rendre précaire et incertaine la survie même de sa main d’œuvre. La classe ouvrière active, chômeuse ou à la retraite, subit une dramatique paupérisation. C’est tout le sens des 15 000 morts de l’été 2003 !
La suppression d’un jour férié n’a donc rien à voir avec une quelconque solidarité. Au contraire, elle fait partie de ce cortège d’attaques. Son but n’est absolument pas d’améliorer en quoi que ce soit les prises en charges médicalisées des personnes âgées. Aux yeux de la bourgeoisie, la vie d’un retraité n’a aucune valeur puisque celui-ci ne peut plus être exploité. Il est un travailleur hors d’usage, un poids pour le capital. Cette journée supplémentaire de travail ne créera pas un seul lit, pas une seule embauche d’infirmière, d’aide-soignante ou de gérontologue. On peut même être certain que les soins et leur remboursement vont continuer à se dégrader. Certes, ce lundi de Pentecôte non chômé a permis de verser 2 milliards d’euros environ pour cette année 2005 dans une nouvelle caisse tout spécialement constituée, la CNSA (Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie). Mais sur le terrain, cela n’induira en rien une augmentation des crédits. Il est en effet déjà prévu que la Sécurité Sociale diminue ce qu’elle consacre aux personnes âgées et aux handicapés selon le bon vieux principe des vases communicants. Ce qui est versé d’un côté est retiré de l’autre, tout simplement. Plus fort encore. Une partie de l’argent va carrément être placé au lieu de venir combler la pénurie médicale partout criante. Le Secrétaire d’Etat a même eu le culot de justifier cette immense arnaque sans le moindre état d’âme : "Nous avons de l’argent. Au lieu de tout dépenser à mauvais escient (sic !), nous le plaçons. Cela nous rapportera d’ailleurs des intérêts". Ainsi, quand les Chirac, Raffarin et consorts pleurent le cœur sur la main les 15 000 morts et instaurent une journée de ‘solidarité’, le cynisme atteint des profondeurs sans fond ! Et il ne faut pas croire que les partis de gauche, drapés de leurs valeurs humanistes, portent une autre perspective. L’arnaque de Raffarin n’est qu’une resucée de la vignette automobile instituée par le socialiste Guy Mollet en 1956, déjà elle aussi au nom de l’aide aux personnes âgées. Les protestations actuelles du PS ne portent en réalité que sur la forme de l’attaque. Ce que ce groupe déplore, c’est la maladresse du clan chiraquien contre la classe ouvrière. Il est vrai que le Parti Socialiste est passé maître dans l’art de l’esbroufe et de la duperie. Les déclarations de François Hollande en sont un parfait modèle. A grands cris, il juge cette "mesure injuste et imbécile", puis il promet que "si en 2007 nous devions revenir aux responsabilités, nous déciderions de revenir au jour férié", pour enfin proposer ‘sa’ solution "un financement juste […] par le biais de la fiscalité". En d’autres termes, augmenter les impôts, saigner encore un peu plus la classe ouvrière, mais de manière ‘équitable’ !
Finalement, ce qui pourrait apparaître surprenant, c’est le peu de réaction de la classe ouvrière contre cette énième attaque. Il est vrai que la suppression d’un jour férié est sans commune mesure avec l’ampleur de la dégradation des conditions de vie induite par les réformes sur les retraites ou la Sécurité Sociale. Néanmoins, c’est un coup supplémentaire asséné par la bourgeoisie ; cette loi aggrave encore un peu plus les conditions d’exploitation du prolétariat. Il n’y a pourtant eu aucune manifestation réelle, aucune grève significative. Au contraire, ce qui a régné en ce jour de Pentecôte, c’est la division et la cacophonie.
La bourgeoisie a effectivement tout mis en œuvre afin de créer un sentiment de dispersion et d’impuissance chez les ouvriers. Bien sûr, le gouvernement Raffarin avait un intérêt tout particulier à cette dispersion ouvrière. Il n’était pas question pour lui qu’ai lieu une importante manifestation à 15 jours du référendum. Mais il y a une raison bien plus profonde. Face au processus en cours au sein de la classe ouvrière, de la lente mais réelle maturation de sa conscience et de sa combativité, l’ensemble de l’appareil politique de la bourgeoisie s’est saisie de la confusion ponctuelle du prolétariat créée par l’énorme battage médiatique sur le référendum (voir l'article de première page) pour enfoncer un coin. Contre le développement de la solidarité et de la réflexion ouvrière, la classe dominante a exploité une brèche, un moment de déboussolement momentané pour diviser, déboussoler, rajouter un peu de confusion dans la tête des ouvriers. C’est donc main dans la main que le gouvernement, la gauche et les syndicats ont créé un « bordel organisé » en produisant autant de situations différentes qu’il y a de boîtes en France.
D’abord, l’Etat a permis à certains de ses secteurs de ne pas travailler ce jour ou alors en contrepartie de compensations particulières. La Pentecôte a finalement été férié pour la SNCF. Les salariés de la RATP présents ont touché une prime de près de 100 euros. Les conseils généraux d’Ile-de-France, de Champagne-Ardenne, de Picardie, les conseils généraux du Nord, du Pas-de-Calais, du Tarn, des Landes de Seine-et-Marne et des Hautes Pyrénées ont accordé une journée de congé exceptionnelle.
Le message étatique à l’ensemble de la bourgeoisie a donc été fort. Il fallait diviser la classe ouvrière, la diluer dans une multitude de situations particulières. Des grandes entreprises ont ainsi fait ‘cadeau’ de la journée à leur salariés, entre autres : TF1, Shell, Neuf Télécom. D’autres l’ont décomptée comme un jour de RTT : Basf, le siège de Renault, la Société Générale, le Crédit Lyonnais…
Mais le travail n’aurait pas été complet sans l’apport des syndicats. Ils ont effectivement été les premiers acteurs de la confusion sur le terrain. La bourgeoisie française peut encore une fois tirer son chapeau et dire un grand merci à ses chiens de garde. Chaque centrale a proposé des modes d’action différents. La CGT a appelé à des arrêts de travail, FO à des arrêts de travail et à des grèves suivant les situations, l’UNSA a soutenu toute initiative et la CFDT a déclaré la grève anti-constitutionnelle. Et pour finir d’atomiser les ouvriers, "les syndicats, soucieux de garder une dimension festive à leurs manifestations en ce lundi de Pentecôte d’un nouveau genre, avaient appelé à des pique-niques en famille, parties de pêche et autres repas champêtres ‘revendicatifs’" (Le Monde du 17/05/05). Un chef d’œuvre de division syndicale !
Cette journée de Pentecôte laisse un goût amer. Il en ressort un sentiment d’éclatement, une absence de réaction, l’impression de s’être fait avoir sans réagir. C’est le résultat de tout le travail de sape du gouvernement, de la Gauche et des syndicats. Néanmoins, les rancœurs s’accumulent et les attaques qui vont continuer à s’abattre sur une classe ouvrière redressant peu à peu la tête préparent d’importants lendemains de luttes qui porteront bien haut le drapeau de la solidarité prolétarienne.
Pawel (23 mai)
1000 morts ou plus, environ 2000 blessés, des milliers de réfugiés qui ont fui vers le Kirghizstan voisin, c’est l’horrible bilan, connu à ce jour, de la féroce répression menée par l’armée ouzbek contre les émeutes populaires (1), qui ont eu lieu le 13 mai dans plusieurs villes ouzbèkes de la vallée de Ferghana, notamment Andijan, Pakhtabad et Kara Su. L’armée n’a pas hésité à utiliser des blindés, des hélicoptères et à tirer à la mitrailleuse lourde sur une manifestation rassemblant plusieurs dizaines de milliers de personnes dont beaucoup de femmes et d’enfants. L’armée a achevé les blessés d’une balle dans la tête et la police politique a procédé à des centaines d’arrestations et de détentions arbitraires. Fidèle aux méthodes staliniennes de sa Russie d’origine, le gouvernement du despote Karimov a tout fait pour falsifier les événements, imposant une véritable chape de plomb sur les médias dés le début des émeutes, puis présentant ce carnage comme la réponse à un soulèvement armé islamiste. C’est cette version que les gouvernements américain, russe, chinois et européens ont cautionnée dans un premier temps, puis de façon plus "critique" lorsque les témoignages de certains rescapés de cette tragédie ont commencé à circuler. C’est avec un cynisme des plus abjects que les grandes démocraties, pour défendre leurs intérêts de brigands impérialistes, soutiennent les exactions que Karimov a perpétrées au nom de la lutte contre le terrorisme, tout en lui demandant d’envisager d’entreprendre quelques réformes démocratiques (2). Feignant l’indignation, comme après chaque massacre engendré par la barbarie du capitalisme, les organisations internationales comme l’ONU, l’OSCE et les multiples ONG réclament une enquête. Face à de tels mensonges et à la propagande bourgeoise qui réduit de tels événements aux affres du terrorisme ou aux comportements sanguinaires du tyran Karimov, il est nécessaire de comprendre que cette sanglante répression s’explique comme étant à la fois le produit de l’héritage du stalinisme, de la tendance à la décomposition de la société capitaliste et du chaos que génère l’exacerbation des tensions militaires entre les différents Etats à l’échelle mondiale et notamment en Asie centrale, qui est une zone stratégique sur ce plan là.
Historiquement, les républiques d’Asie centrale ont été créées par Staline en 1924. Ce "charcutage" était, en fait, exactement semblable à celui auquel avait procédé la France dans ses possessions d’Afrique noire, au fur et à mesure de l’avancement de sa conquête coloniale du 19e siècle. Cette mosaïque artisanale a tenu du fait de la terreur stalinienne exercée sur les populations jusqu’à la dislocation de l’URSS et l’indépendance des républiques d’Asie centrale en 1991. Avec la disparition de ce corset de fer, c’est une véritable boîte de Pandore qui s’est ouverte. La géographie absurde issue de la désagrégation de l’URSS fait que la région la plus riche et la plus peuplée, la vallée du Ferghana, est un lieu de discorde : partagée entre l’Ouzbékistan, le Kirghizstan et le Tadjikistan, découpée en d’innombrables enclaves propices aux conflits frontaliers, c’est un foyer permanent de tensions ethniques et religieuses. Cet enchevêtrement ne peut que déboucher sur des conflits comme dans le Caucase. C’est l’exemple en 1990, des violences dans le sud du Kirghizstan, entre Ouzbeks et Kirghizes, faisant des centaines de victimes ou de la guerre civile au Tadjikistan qui a fait 50 000 morts entre 1992 et 1997. A tout moment le risque d’affrontements ethniques est présent, d’autant plus qu’il existe des querelles entre ces trois républiques du Ferghana pour le partage des terres, de l’eau et pour le contrôle des trafics d’armes et de drogues en provenance de l’Afghanistan frontalier. Dans ce contexte chaotique, la guerre en Afghanistan qui a opposé l’alliance du Nord aux talibans a eu des répercussions importantes sur l’Asie centrale, notamment par le développement d’une multitude de groupes islamiques qui vont accentuer les rivalités et tensions entre les différentes républiques et entraîner une partie des populations dans de nouveaux massacres. Cette situation particulièrement dramatique pour les couches populaires est aggravée par la gestion autoritaire de ces Etats car la plupart des dirigeants sont d’anciens apparatchiks staliniens. En Ouzbékistan, c’est le clan familial de Karimov et de ses fidèles qui se sont accaparés les secteurs producteurs de richesses, essentiellement les matières premières, et la corruption y fait figure de loi. La population vit avec 10 à 20 dollars par mois, et le PIB par habitant a chuté de plus de 40% depuis 1998. La population se retrouve ainsi prise en étau, entre le choix de la peste ou du choléra, soutenir les anciens parrains staliniens ou suivre les multiples officines islamistes. Cette paupérisation de la population, sur fond de dislocation des républiques qui composent l’Asie centrale, produit de la décomposition du capitalisme, fait de cette région une véritable poudrière. L’intervention américaine en 2001 en Afghanistan au nom de la guerre contre le terrorisme va constituer un puissant accélérateur de cette déstabilisation, d’autant plus que la préoccupation de l’Oncle Sam n’est pas de ramener la paix dans cette région, mais de défendre son leadership.
"Les Etats-Unis s’installent en Asie centrale avec l’intention d’y rester, non seulement en Afghanistan mais aussi dans deux ex-républiques soviétiques voisines ( le Tadjikistan et l’Ouzbékistan). Ceci suppose une menace claire envers la Chine, la Russie, l’Inde et l’Iran. Mais la portée de l’événement est bien plus profonde : il est un pas dans la création d’un véritable encerclement des puissances européennes -un "remake" de la vieille politique "d’endiguement" déjà employée à l’encontre de l’URSS. Les hautes montagnes d’Asie Centrale permettent le contrôle stratégique du Moyen-orient et de l’approvisionnement en pétrole, élément central de l’économie et de l’action militaire des nations européennes" (Revue Internationale, n°108, novembre 2001).
Ainsi, l’Eurasie est ces dernières années au cœur de la concurrence entre brigands impérialistes. A coups de millions de dollars, les Américains ont installé des bases militaires pour leur intervention vers l’Afghanistan et le contrôle de cette région. ( Selon la presse américaine, la CIA utilise même le savoir-faire ouzbek en matière de torture car elle y transfère par avions spéciaux les "terroristes" arrêtés en Irak et Afghanistan pour les interroger). Face à cette offensive dans son pré-carré, la Russie a renforcé ses propres bases dans la région, notamment au Kirghizistan et au Tadjikistan et la Chine a payé de nouveaux équipements militaires à l’armée kirghize, espérant prochainement prendre pied militairement dans cette zone stratégique. Cette effervescence militaire est loin d’apporter une quelconque stabilité, comme on le voit avec le chaos actuel en Irak et en Afghanistan et la contestation anti-américaine qui ne cesse de croître. Loin de renoncer, les Etats-Unis ne peuvent qu’intensifier leur présence militaire. Cette fuite en avant ne peut qu’être alimentée par les puissances rivales. Pour les populations d’Asie centrale, ces diverses manifestations de la décomposition du capitalisme portent en germe encore plus de barbarie et de chaos, de nouveaux massacres, soit dans des conflits ethniques, militaires soit par la répression sanglante des émeutes sociales, comme on vient de le voir en Ouzbékistan.
Donald (24 mai)
(1) Il semble probable que le déclenchement de ces émeutes est à la fois le produit d’une attaque économique d’envergure du gouvernement (imposition en avril de nouvelles règles contraignantes pour les petits commerçants de rue, alors que le bazar [marché noir] reste le seul poumon économique, le seul lieu d’activité possible pour des millions d’Ouzbeks en quête de subsistance, compte tenu du chômage massif) et en même temps le procès de 23 petits entrepreneurs accusés d’islamisme. La population est descendue dans la rue pour réclamer "justice" et "liberté" avec la présence en son sein de groupes politiques d’opposition au gouvernement, dont certains groupes islamiques.
(2) Si pour l’instant l’administration américaine soutient Karimov, il n’est pas exclu qu’à l’avenir, en fonction de sa capacité à créer une opposition politique à celui-ci, comme elle l’a fait récemment (Georgie, Ukraine, Kirghizstan) elle se débarrasse de cette marionnette stalinienne, ce qui serait plus conforme à la justification de ses interventions militaires actuelles basées sur la liberté et la démocratie pour les peuples encore opprimés.
Nous
avons appris le décès à la suite d'une longue maladie de Mauro Stéfanini,
militant parmi les plus anciens et les plus dévoués de Battaglia Comunista,
lui-même fils d'un vieux militant de la Gauche italienne. Nous tenons à publier
ci-dessous quelques extraits du message de solidarité que le CCI a
immédiatement adressé aux militants du BIPR ainsi que des passages de la
réponse de remerciement que nous a faite un militant du BIPR au nom de son
organisation.
Courrier du CCI
Camarades,
C’est avec beaucoup de tristesse que nous avons appris le décès du camarade Mauro. (...) Sa vivacité et son contact chaleureux vont manquer aux militants de notre organisation qui le connaissaient personnellement.
Mais il existe deux autres raisons pour lesquelles son décès nous affecte particulièrement.
En premier lieu, nous ressentons la disparition de Mauro comme une perte pour la classe ouvrière. Évidemment, ses qualités personnelles, notamment ses capacités comme orateur et rédacteur y sont pour quelque chose. Mais ce qui pour nous est le plus important, c’est son engagement et son dévouement militant. Un engagement et un dévouement qu’il a maintenus alors que la maladie était en train de gagner le combat.
En second lieu, nous n’oublions pas que Mauro était le fils de Luciano, un membre de la Fraction italienne pour qui notre camarade MC avait une grande estime pour son dévouement, mais aussi pour sa lucidité puisqu’il fut un des premiers au sein de la Fraction à comprendre pleinement les implications de la période historique ouverte par la Première Guerre mondiale sur la question fondamentale de la nature des syndicats.
Une des conséquences de la terrible contre-révolution qui s’est abattue sur la classe ouvrière après l’échec de la révolution mondiale, c’est la presque disparition d’une tradition très vivace dans le mouvement ouvrier du passé : le fait que beaucoup d’enfants (comme les filles de Marx, le fils de Wilhem Liebknecht et beaucoup d'autres encore) reprenaient le flambeau de leurs parents concrétisant ainsi la continuité du combat prolétarien entre les générations. Mauro fut un des très rares à poursuivre cette tradition et c’est un élément supplémentaire de notre sympathie pour lui. (...)
C’est pour cela que vous pouvez croire, camarades du BIPR, en l’absolue sincérité de notre solidarité et de nos salutations communistes.
Réponse du BIPR
Camarades,
Au nom du BIPR, je voudrais vous remercier pour l'expression de votre solidarité à la suite de la perte gravissime du camarade Mauro. Effectivement, comme vous l'avez dit, c'est pour nous une disparition très douloureuse : par ses dons d'humanité, par sa passion et son dévouement envers la cause du prolétariat, Mauro était un camarade comme il est rare d'en trouver. Son être communiste était, si on peut dire,"inscrit" dans ses gènes : non seulement parce qu'il venait d'une famille qui a tant donné à la cause du communisme, mais surtout parce que son esprit se rebellait instinctivement à la moindre manifestation d'oppression et d'injustice. Il ne sera pas facile de combler le vide politique qu'il laisse, il sera impossible de combler le vide humain. (...)
En vous remerciant à nouveau, nous vous adressons nos salutations communistes.
La Chine serait devenue, selon la bourgeoisie, le nouvel atelier du monde. En effet, chaque jour les médias bourgeois nous abreuvent d’images et de reportages sur l’arrivée en masse en France, en Europe et même aux Etats-Unis, de chemises, pantalons et autres vêtements "made in China". Pour les bourgeoisies occidentales, il est sans aucun doute nécessaire de freiner, autant que possible, ce qui est appelé "la déferlante du textile chinois." Mais pour la classe ouvrière, la question est tout autre. Si aujourd’hui, les marchandises asiatiques envahissent les marchés occidentaux, c’est parce que, dans ces régions du monde, le coût dérisoire de la main d’œuvre permet de produire à très bas prix. Menant leur guerre économique, les différentes bourgeoisies nationales sont amenées à exploiter toujours plus férocement les prolétaires. Au nom des exigences de la concurrence, c’est donc dans une spirale de misère et d’exploitation accrues que le capitalisme tente d’entraîner toute la classe ouvrière, partout dans le monde.
La question du textile : une expression de la guerre commerciale
Depuis le début de l’année 2005, 17 000 emplois ont été supprimés dans ce secteur et 14 entreprises fermées aux Etats-Unis. Ceci correspond à une augmentation des importations dans ce pays de 1250% pour les chemises de coton et de 300% pour les sous-vêtements. Le gouvernement américain a alors immédiatement réagi : "En agissant aussi rapidement pour l’imposition de mesures de sauvegarde, le gouvernement américain a envoyé un message fort, pour signifier qu’il comprend la crise véritable que ces flux énormes représentent pour nos travailleurs." (C. Johnson, président de la fédération du textile). En fait, la bourgeoisie américaine, comme la bourgeoisie française d’ailleurs, se moque bien du sort des ouvriers. Ce qui l’inquiète dans la guerre économique qui fait rage actuellement, c’est l’affaiblissement de compétitivité de son capital national. C’est également pour cela que les pays de l’Union Européenne tentent, malgré leurs divisions, de se mettre en ordre de bataille. Le commissaire au commerce européen vient d’annoncer vouloir limiter d’urgence les importations chinoises de tee-shirt et de fils de lin. Il a également demandé à la Chine de prendre elle-même des mesures pour éviter d’avoir recours à l’imposition des clauses de sauvegarde prévues par l’accord sur l’adhésion de la Chine à l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce). Quant à la France, qui reste un producteur important dans le secteur du textile, sa demande est encore plus claire. La bourgeoisie française exige dès aujourd’hui la mise en place de mesures protectionnistes. Il est évident que ce sont plusieurs milliers de licenciements qui sont d’ores et déjà programmés dans ce secteur. La bourgeoisie française voudrait nous faire croire qu’elle souhaite de telles mesures pour protéger les conditions de travail de "ses ouvriers". Elle va parfois même jusqu’à dénoncer la misère des ouvriers chinois, sacrifiés sur l’autel du profit. Ce n’est que pour mieux cacher ses propres attaques, son propre comportement de classe exploiteuse. Car, en réalité, la bourgeoisie mène partout la même politique. Afin de maintenir ses profits, en pleine situation de faillite économique, elle réduit les salaires sur son sol pour exporter et vendre au meilleur prix. Malgré ce que nous disent les altermondialistes ou autres gauchistes, il ne s’agit donc pas d’une politique particulière à tel ou tel Etat libéral. Au sein de ce capitalisme en crise, toutes les nations se livrent une guerre économique sans merci, toutes pressurent la classe ouvrière. Pour chaque pays, il est effectivement vital de se positionner le mieux possible sur le marché international, quelles que soient les conséquences pour les prolétaires.
C’est pour cela que la bourgeoisie chinoise a réagi immédiatement aux mesures protectionnistes préconisées par les Etats-Unis et l’Union Européenne. Le ministre chinois, Bo Xilai, cité par l’agence Nouvelle de Chine à aussitôt fait savoir que "la Chine était fermement opposée aux limitations imposées par d’autres pays." Ce même ministre déclarait le 18 mai dernier : "L’intégration du commerce du textile est un droit important dont jouit la Chine depuis son adhésion à l’OMC. La Chine n’imposera pas elle-même des limites à ses exportations de produits textiles." Le message ne peut pas être plus clairement exprimé. Avec la nouvelle récession dans laquelle nous sommes déjà entrés, aucun pays capitaliste ne fera le moindre cadeau aux autres.
Les délocalisations sont une attaque directe contre la classe ouvrière
Il en va de même par rapport à la question des délocalisations. Une étude commandée par la commission des finances du Sénat, réalisée par le groupe Katalyse, prévoit pour la période 2005-2006 en France "la délocalisation de 202 000 emplois de service". Et il faut ajouter les dizaines de milliers d’emplois liés à la production de marchandises ne nécessitant pas un investissement en capital trop gigantesque, comme les produits de consommation ou d’ameublement. Ce phénomène de délocalisation entamé dans les années 1990 connaît actuellement une accélération bien réelle. Là encore, le seul souci du capitalisme est la rentabilité maximum. Pour la France, comme pour les principaux pays industrialisés d’Europe, les destinations favorites sont, bien entendu, la Chine, l’Inde et maintenant l’Europe de l’Est. La dernière délocalisation d’importance en date est celle de l’ensemble de l’appareil gestionnaire de Philips, le géant de l’électronique, qui doit se transporter à Lodz en Pologne. La confédération de l’industrie britannique, vu le rythme des délocalisations, affirme que, d’ici 10 ans : "Il n’y aura plus d’emploi pour les personnes non qualifiées au Royaume-Uni". Quant au journal The Daily Telegraph, il écrit cyniquement : "Nous devons nous assurer que les gens acquièrent des qualifications. Si vous êtes qualifiés, vous n’avez rien à craindre." Mensonge ! Les licenciements pleuvent actuellement sur tous les secteurs, qu’ils soient de pointe ou non. Les listes de chômage fourmillent de chômeurs surdiplômés.
Non contente d’attaquer ainsi sans arrêt les salaires de la classe ouvrière, la bourgeoisie utilise encore en permanence la déferlante du textile chinois et la menace à la délocalisation pour effectuer un véritable chantage auprès de toute la classe ouvrière.
La bourgeoisie se sert avec le plus grand cynisme des conditions de vie effroyables que connaissent les ouvriers en Inde, en Chine ou en Europe de l’Est, afin de mettre en avant que, malgré la dégradation du niveau de vie, les ouvriers en France ne sont pas à plaindre. Cela lui permet d’exiger de nouveaux sacrifices sous peine de ne pas pouvoir concurrencer l’Asie ou l’Europe de l’Est. La bourgeoisie poursuit ainsi plusieurs objectifs.
Elle tente de culpabiliser les ouvriers en France qui lutteraient pour être moins attaqués, alors que tant d’autres prolétaires de par le monde vivent dans des conditions encore plus déplorables. Elle essaye également de mettre dans la tête de la classe ouvrière que, si elle n’accepte pas de travailler plus pour moins de salaire, il y aura alors beaucoup plus de délocalisations. Le chômage qui en découlerait ne serait donc plus de la faute de ce capitalisme en faillite, mais de "l’égoïsme" ouvrier.
Enfin, en montrant des ouvriers qui acceptent, dans certains pays, de travailler pratiquement pour rien, sous peine de mourir de faim, eux et leurs familles, elle diffuse de manière sournoise la concurrence et donc la division au sein de la classe ouvrière. Cette politique du bouc émissaire et du chantage est une constante dans la vie de la bourgeoisie. Aujourd’hui ce sont les ouvriers en Chine, en Inde, en Pologne ou en Hongrie qui sont montrés du doigt. Hier, c’était ceux d’Algérie, du Maroc, d’Espagne ou du Portugal qui étaient jetés en pâture à "l’opinion publique". Le prolétariat ne doit pas se faire prendre par ces mensonges idéologiques hideux et nauséabonds. Partout, la classe ouvrière est exploitée. Et elle l’est encore plus férocement dans les régions où elle peut le moins se défendre. C’est dans la reprise actuelle des luttes que la classe ouvrière doit s’affirmer progressivement unie et solidaire, partout dans le monde. La compétitivité des entreprises bourgeoises est le problème du seul capitalisme et en aucune façon du prolétariat.
Les bourgeoisies françaises, anglaises, américaines, allemandes,… veulent diviser le prolétariat, l’attacher à la nation afin de l’entraîner dans sa spirale concurrentielle. Comme l'affirmaient en 1848 Marx et Engels dans Le manifeste communiste, "les prolétaires n’ont pas de patrie", partout ils ont les mêmes intérêts, partout ils subissent la même oppression. Ainsi, ce que les ouvriers du monde entier ne doivent en aucune façon perdre de vue, c'est qu'ils appartiennent tous à la même classe, et que c'est de la solidarité croissante dans leurs rangs qu'ils pourront tirer la force permettant à leurs lutte de faire échec aux attaques de la bourgeoisie.
Tino (25 mai)
Le 29 mai, la classe ouvrière en France n'a rien gagné en participant au cirque électoral du référendum. Au contraire, c'est son ennemi de classe, la bourgeoisie, qui a réussi à détourner une majeure partie des ouvriers vers les isoloirs. Certes, ce vote ne peut parvenir à freiner durablement la colère et la combativité ouvrières face aux attaques redoublées de nos exploiteurs. Mais la mystification électorale et son regain d'illusions démocratiques dans les rangs ouvriers, permettent d'entraver le processus de réflexion et constituent un handicap pour le développement de la conscience de classe qui se fait jour au sein du prolétariat sur la véritable nature du capitalisme aujourd'hui.
La bourgeoisie a réussi à faire accréditer l’idée que la classe ouvrière pouvait utiliser le vote comme moyen d'expression de son mécontentement, de sa colère, de son "ras-le-bol". C'est tout le contraire qui est vrai. Une telle illusion ne peut qu'inhiber la classe ouvrière dans le développement de son combat alors que dominent encore en son sein les doutes, les hésitations, les craintes voire les angoisses envers l’avenir et qui sont liées à un manque de perspectives claires.
Le piège électoral et démocratique
A travers la victoire du Non, la bourgeoisie est parvenue à inoculer insidieusement l’illusion que les prolétaires peuvent retirer quelque chose de positif du bulletin de vote et utiliser les élections démocratiques pour se faire entendre. En particulier, les fractions politiques porteuses du Non de gauche (de la gauche du PS aux trotskistes en passant par les staliniens) ont toutes encouragé les prolétaires à croire qu’ils avaient obtenu une "revanche" et "fait payer la note" à Chirac et à son équipe. Besancenot se félicitait au soir du 29 mai de "la gifle donnée par le peuple à Chirac". Alors que Raffarin avait employé la formule "ce n’est pas la rue qui gouverne" lors des manifestations du printemps 2003 contre la "réforme" des retraites, aujourd’hui ces fractions de gauche flattent le sentiment que le "vote populaire" a réussi à mettre Raffarin dehors. Ainsi, c'est tel ou tel responsable ou telle ou telle fraction qui est commodément désignée à la "vindicte populaire" et qui va jouer le rôle d’un paratonnerre pour cristalliser l'exaspération et décharger la hargne des ouvriers. En répétant que "la droite ne respecte pas la volonté du peuple", la gauche ne va pas cesser de propager l’illusion que, grâce aux urnes, "le peuple peut gouverner". Les prolétaires sont invités à se rallier à une idéologie antilibérale et un maximum de publicité est assuré pour la promotion "d’une autre gauche, à l’écoute du peuple", altermondialiste, citoyenne. Cette pseudo-"troisième gauche" avance une fausse alternative où il s’agirait de "transformer dans les urnes en 2007 la victoire du Non au référendum ". Ce tremplin pour les prochaines campagnes électorales que prépare la bourgeoisie n'a qu'un seul but : mystifier la classe ouvrière, brouiller et obscurcir sa compréhension du monde pour tenter de la priver de toute vision d'ensemble de la société capitaliste, de lui boucher toute perspective et l'empêcher de prendre conscience non seulement d'un futur possible en dehors de cette société d'exploitation mais qu'elle est elle-même la seule force sociale porteuse de cet avenir.
Le même constat existe pour la classe ouvrière en Allemagne. Lors des élections dans la région industrielle la plus concentrée de Rhénanie du Nord- Westphalie, le parti démocrate-chrétien (CDU) a obtenu un triomphe aux dépens de l’équipe social-démocrate au gouvernement alors qu’il défendait ouvertement un programme d’austérité encore plus dur que celui du SPD. Les médias en ont profité pour avancer l’idée que "la population comprend que les sacrifices sont nécessaires". Un sondage est venu apporter un démenti catégorique à cette interprétation : les ouvriers savaient pertinemment que ça n’irait pas mieux pour eux avec la droite mais le vote ouvrier en faveur du CDU traduisait seulement un vote d’humeur, une volonté de porter un coup, de faire payer au SPD sa politique antiouvrière sans ouvrir ni porter aucune perspective d'avenir .
Tant que les prolétaires s'en remettront aux moyens que leur propose la bourgeoisie, ils resteront dans l'impasse et s'enfonceront davantage dans l'enfer d'une exploitation sans limites parce que le capitalisme n'a rien d'autre à leur offrir.
Le capitalisme est dans une impasse
Quelques semaines après la victoire du Non à la Constitution européenne en France et aux Pays-Bas, qu'est-ce qui a changé pour les conditions d'exploitation de la classe ouvrière ? Rien. Aujourd'hui, les attaques anti-ouvrières se poursuivent sans relâche et s'intensifient tous azimuts exactement de la même façon pour ceux qui ont rejeté la Constitution comme en France et ceux dont les gouvernements l'ont adoptée comme en Allemagne. C'est la démonstration évidente que le référendum sur l'Europe était l'affaire de la bourgeoisie et nullement celle de la classe ouvrière. De plus, ces attaques sont portées aussi bien par des équipes de gauche (le gouvernement "rouge-vert" en Allemagne) que de droite. Le nouveau gouvernement Villepin-Sarkozy en France n’a pas tardé à démontrer que la classe ouvrière ne peut rien attendre d’un changement d’équipe gouvernementale. Alors qu’elle a bruyamment promis de s'attaquer en priorité au problème n° 1 du chômage et à la question sociale en "menant une bataille pour l'emploi", ses premières mesures sont une brutale attaque en règle contre toute la classe ouvrière accompagnée d’un discours "musclé" qui ne laisse aucun doute sur le sort réservé aux prolétaires. Pour les ouvriers réduits au chômage, Villepin déclare "il est inacceptable que des gens se permettent de refuser un emploi qui leur est proposé". Il impose aussitôt la mise en place d’une "réforme" (préparée depuis de longs mois) instaurant un lien étroit entre l’agence pour l’emploi et les caisses de versement de l’allocation chômage pour fliquer les chômeurs qui permettra de radier de leurs droits tous ceux qui refuseront une proposition d’emploi. C’est ainsi que le gouvernement pourra proclamer triomphalement dans quelques mois une baisse significative du nombre de chômeurs… Voilà ce que la bourgeoisie appelle le "traitement social du chômage". Il ne peut en être autrement parce qu'elle n'a aucune solution à proposer au problème du chômage qui est une manifestation de la faillite-même du capitalisme. Quant aux "contrats de nouvelle embauche" proposés, il s’agit d’un coup d’accélérateur considérable à la précarité de l’emploi puisqu’il allonge les périodes d’essai de trois mois à deux ans, ce qui va permettre d’abord aux petites et moyennes entreprises (c’est-à-dire à la majorité des employeurs) de mettre à la porte du jour au lendemain des dizaines de milliers de salariés sous contrat à durée indéterminée. Pour compléter la panoplie, d’autres mesures viennent d’être adoptées (notamment des ristournes fiscales incitatives pour les patrons) pour favoriser le licenciement des salariés de plus de 50 ans… La bourgeoisie jette à la rue et précipite dans la misère tous ceux qu'elle n'est plus en mesure d'exploiter au plus bas prix. Parallèlement, le gouvernement met clairement en avant la nécessité d'une « politique de l’immigration qui corresponde aux besoins du marché ». Le résultat de cette logique implacable du capitalisme, c'est que le filtrage des travailleurs immigrés avec des quotas destinés à doubler les reconduites aux frontières des travailleurs clandestins. Tandis qu'au nom de la "sécurité des citoyens", l'appareil répressif de l'Etat montre de plus en plus son vrai visage. Il se renforce et se blinde face à la menace que redoute la bourgeoisie d'explosions d'une véritable colère ouvrière qui ne se laisserait plus dévoyer, canaliser sur le terrain électoral et démocratique mais exprimerait une force de classe collective à travers la mobilisation et le développement de luttes massives sur un terrain de classe. C'est en ce sens que la promesse de Sarkozy de "nettoyer au Karcher" les cités et les banlieues n'est pas seulement la seule réponse que l'Etat peut apporter à des phénomènes liés à la décomposition sociale mais sonne aussi comme un avertissement lancé au prolétariat pour l'intimider et le dissuader d'entrer en lutte.
La classe ouvrière doit en tirer les véritables conclusions : il n'y a rien à attendre de l'Etat bourgeois.
La bourgeoisie cherche avant tout à masquer aux yeux de la classe ouvrière la faillite ouverte du capitalisme. C'est pourquoi elle entretient un épais rideau de fumée idéologique pour empêcher la classe ouvrière de comprendre que les attaques anti-ouvrières ne sont pas le résultat de telle ou telle politique de telle ou telle fraction de la bourgeoisie nationale mais de la survie d'un mode de production en pleine décadence depuis un siècle.
La classe ouvrière ne peut plus entretenir la moindre illusion sur la capacité du système à améliorer son sort. Tout ce que la bourgeoisie baptise du nom de "réforme " (santé, retraites, assurance chômage…) constitue au contraire le moyen pour des attaques plus frontales et massives entraînant la paupérisation absolue des prolétaires et l’incapacité grandissante de la bourgeoisie d’assurer les conditions de survie minimum de ses exploités.
Tout cela témoigne de la crise irréversible du capitalisme au niveau mondial dont les contradictions constituent non seulement une entrave décisive au développement des forces productives mais débouchent sur une impasse pour l'humanité toute entière.
Le véritable enjeu de la situation : révolution prolétarienne ou destruction de l'humanité
C'est le reflet de la décomposition d'un mode de production agonisant qui engendre l'auto-destruction, la mutilation permanente et qui précipite la planète entière dans un océan de misère, de chaos et de barbarie.
Depuis la Seconde Guerre mondiale, on assiste à une fuite en avant dans la barbarie la plus effroyable révélatrice de la menace d'anéantissement que la survie de ce mode de production fait courir à l'humanité. C'est le même système décadent qui rejette sur le pavé du chômage des millions de prolétaires, qu'il est incapable d'intégrer à sa production que ce soit au cœur du système ou à sa périphérie. C'est encore lui qui, dans les Etats sous-développés, massacre les populations civiles dans des conflits sans fin, comme on le voit tous les jours, en Irak, au Moyen-Orient, sur tout le continent africain, au pourtour de l'Asie centrale anciennement sous domination de l'empire stalinien.
C'est en comprenant qu'elle doit mener le combat contre les racines du mal, l'exploitation capitaliste, face à une crise économique mondiale sans issue et à ses effets dévastateurs que la classe ouvrière pourra s'affirmer sur son propre terrain de classe et résister à la dégradation de ses conditions d'existence. Elle ne doit pas se laisser bercer d'illusions par les flots de propagande idéologique de la bourgeoisie dont les discours sur les bienfaits de la démocratie et de la citoyenneté ne sont que des boulets pour maintenir les prolétaires enchaînés à une exploitation capitaliste toujours plus insupportable. La classe ouvrière doit comprendre que l'enjeu réel posée par l'évolution du capitalisme, c'est : révolution prolétarienne ou enfoncement dans la barbarie.
Elle ne peut pas faire l'économie de la prise de conscience que le développement de ses combats de classe est la seule alternative à la misère et la guerre engendrées par le capitalisme et qu'elle détient le sort de l'humanité entre ses mains. A travers le développement de ses luttes, la classe ouvrière a les moyens de renverser le capitalisme avant qu'il ne détruise la planète. Inversement, la logique de la décadence de ce système ne peut conduire qu’à la destruction et à l’anéantissement de la planète si la classe ouvrière n’avait pas les forces suffisantes ni la conscience nécessaire pour s’y opposer.
Wim (24 juin)
Après l’amère défaite subie par le SPD aux élections provinciales du 21 mai en Rhénanie du Nord (NRW), "bastion de la social-démocratie", le chancelier allemand Schröder et le leader du parti Müntefering ont annoncé que les prochaines élections générales auraient lieu à l’automne 2005, c’est-à-dire avec un an d’avance. Les partis d‘opposition chrétiens-démocrates et libéraux ont été unanimes pour saluer la décision de Schröder, déclarant que "chaque jour en moins qui est régi par la coalition des rouges-verts est un bon jour pour le pays". Les fédérations de patrons et les syndicats ont exprimé leur "soulagement" que les "Allemands" aillent eux-mêmes exprimer, dans les urnes, leur soutien ou leur rejet des "douloureuses mais nécessaires réformes économiques". A la Bourse de Francfort, on a parlé d’un "nouvel optimisme" que les élections de l’automne pourraient faire revenir, indépendamment de leur issue politique.
Comment expliquer cet enthousiasme unanime de la classe dominante pour des élections anticipées ? La coalition du SPD avec le parti des Verts a-t-elle si mal géré les intérêts de la bourgeoisie que celle-ci ne peut pas attendre une année de plus pour s’en débarrasser ? Le remplacement du gouvernement actuel, qui semble probable, conduira-t-il à un changement, par exemple sur la politique économique et sociale, comme l’annonce bruyamment l’opposition actuelle ?
Il n’est pas difficile de comprendre pourquoi le chancelier veut de nouvelles élections. L'exercice du pouvoir ne se détermine pas uniquement à partir des grands scrutins nationaux mais aussi à travers certaines élections régionales et municipales.
Le SPD se voit écarté du pouvoir en NRW, dans une province qu’il a jusqu’ici gouvernée sans interruption depuis 39 ans. C’est sa neuvième défaite électorale consécutive. Face à un tel déclin électoral de la social-démocratie, sans équivalent dans l’histoire allemande récente, de nouvelles élections sont le dernier recours du chancelier pour éviter l’apparition de luttes ouvertes pour le pouvoir dans son propre parti. En fait, Schröder voit dans ces élections anticipées sa seule chance de rester en lice. Si les Chrétiens-Démocrates gagnent les prochaines élections provinciales de Rhénanie-Palatinat, ils pourront bloquer la plupart des initiatives législatives du gouvernement fédéral.
De plus, Schröder est assez réaliste pour savoir que ses chances d’être réélu cette fois encore sont faibles, et il est préoccupé de la façon dont il va partir. Ainsi, lorsqu’au début des années 1980, face à l’aggravation du chômage de masse et à la montée d’un fort mécontentement dans la classe ouvrière, le SPD a jugé nécessaire de retourner dans l’opposition, c'est l’aile gauche du parti qui a assumé la tâche de préparer le terrain pour faire passer les attaques anti-ouvrières. La façon dont le chancelier social-démocrate de l’époque, Helmut Schmidt, a été chassé du bureau politique par ses propres "camarades" est restée dans l’histoire avec la marque de la disgrâce. Schröder préférerait, comme son prédécesseur Kohl, être démocratiquement et "honorablement" désavoué par le vote.
Pour l’opposition, il n’est pas non plus difficile de voir pourquoi elle tient à des élections anticipées qui apparaissent particulièrement favorables pour les Chrétiens-Démocrates et les Libéraux. D’abord, l’impopularité du gouvernement de gauche - jusque dans l’électorat traditionnel social-démocrate - leur donne des raisons d’être optimistes. Mais cet optimisme est aussi fondé sur le constat que, ces derniers mois, de puissantes fractions de la bourgeoisie allemande ont poussé au départ du gouvernement de gauche. Ainsi, celles-ci se sont assurées que le parti écologiste, les Verts, et leur figure principale, le ministre des affaires étrangères Fischer, soient discrédités. Cela s’est fait grâce à "l’affaire des visas", attaquant le ministre des affaires étrangères à travers la question d’une remise trop "libérale" de visas, accordée surtout à des Ukrainiens, et qui aurait ouvert les frontières à un "flot de criminels".
Cependant, aujourd’hui, la politique impérialiste n’est pas le facteur déterminant de la décision d’avancer les élections générales, ni du gouvernement qui sortira des élections. Il est à présent clair que "l’affaire des visas" a surtout une dimension électorale. Par exemple, elle permet aux Chrétiens-Démocrates de se présenter comme les protecteurs "vigilants du pays contre les criminels étrangers" et de prendre ainsi des voix à l’extrême droite. Mais surtout, elle contribue grandement à sceller le destin de la coalition rouges-verts, donnant à Schröder la justification nécessaire pour appeler à des élections générales.
Le retour de la question sociale
Comme nous le disions au début de cet article, il est frappant aujourd’hui que non seulement les partis politiques directement concernés, mais toutes les forces principales de la bourgeoisie allemande aient chaudement salué ces élections. Et, alors que le comportement des politiciens s’explique aisément par leur intérêt d’aller au pouvoir, c’est moins évident pour les capitaines d’industrie, les patrons syndicaux, les chefs d’Eglise ou les boursicoteurs. Après tout, le pouvoir de ces élites au sein de l’Etat (sans parler des chefs militaires ou des services secrets qui ne donnent pas leur opinion en public) ne dépend pas de l’existence d’un gouvernement de gauche ou de droite à Berlin. Il est donc évident que l’organisation de nouvelles élections est devenue une affaire au cœur des fractions centrales de la bourgeoisie allemande dans son ensemble, et qu’on ne peut l’expliquer seulement par des calculs politiciens de partis.
La nouvelle situation politique est liée à la situation économique, à l’exacerbation de la crise capitaliste. Ce qui est partiellement en jeu, c'est le maintien ou la reprise de la confiance des investisseurs. La bourgeoisie allemande veut démontrer au monde que les "réformes économiques" (c’est-à-dire les attaques massives contre la classe ouvrière) vont continuer sans ralentir, et même vont s'accélérer. Il n’y aura pas "d’année perdue" ni de "blocage mutuel" des forces politiques jusqu’en 2006.
Mais le simple fait qu’aucun doute ne s’est manifesté sur le fait que le "cours des réformes" se poursuivra - indépendamment de l’issue électorale - nous montre que ce qui est en jeu n’est pas un changement de la politique en cours. Si les rouges-verts finissent par être chassés du pouvoir, ce n’est certainement pas parce que la bourgeoisie est mécontente de leur politique économique, ni parce que l’opposition aurait une alternative à offrir. Ce que les Chrétiens-Démocrates et le FDP ont à proposer n’est que la continuation de ce que le gouvernement Schröder-Fischer a fait pendant sept ans, à savoir ce que chaque gouvernement dans le monde fait aujourd’hui.
Alors, pourquoi toute cette agitation et cette soudaine précipitation ? La bourgeoisie allemande réagit aujourd’hui réellement à un facteur nouveau et significatif de la situation sociale. Ce facteur nouveau n’est pas la crise économique en tant que telle. Cette crise chronique mondiale, en développement incessant, qui est insolvable dans le capitalisme, s’étend et s’approfondit depuis des décennies. Ce qui est nouveau, c’est que la question sociale, le problème des conséquences de la crise pour les ouvriers, pour la classe productrice et exploitée, est revenue au centre de la vie de la société. Cette question sociale a été laissée de côté avec les évènements de 1989, lorsque la faillite du stalinisme servait à crédibiliser le mensonge selon lequel le capitalisme avait gagné une victoire finale, cherchant à enterrer définitivement la classe ouvrière. L’apparition des illusions des années 1990 – la nouvelle économie, le boom de la Bourse, la révolution informatique – a contribué à étendre cette écume d’illusions. Mais les souffrances grandissantes de la classe ouvrière, en particulier à travers le développement grandissant du chômage de masse, ont de plus en plus évacué ces illusions. Aujourd’hui, non seulement dans la périphérie du capitalisme, mais au cœur du système, dans les supposés bastions de l’Etat-providence comme l’Allemagne, la France ou l’Italie, de larges couches de la population ouvrière se sentent immédiatement menacées par le chômage et la paupérisation. En Allemagne, le chômage officiel a dépassé le cap des 5 millions. Cette multitude de chômeurs réveille dans les mémoires la crise économique de 1929. Dans ce processus, les couches de la population qui étaient jusqu’ici considérées comme bien payées et hautement qualifiées sont touchées par l’inquiétude. Ainsi, dans les semaines récentes, les médecins hospitaliers d’Allemagne ont défilé dans la rue et le personnel d’Agfa a découvert que la compagnie s’était retrouvée en banqueroute en une nuit. Aux yeux du monde, dans la conscience des prolétaires eux-mêmes, la question sociale est de retour. Cela oblige la classe dominante à réagir.
La signification du chômage de masse
Dans un pays comme l’Allemagne, où une augmentation particulièrement brutale du chômage de masse vient d’avoir lieu, la classe dominante doit essayer d’effacer jusqu’aux impressions naissantes qu’il n’y a pas de solution à ce problème dans le capitalisme. Elle doit faire tout ce qui est en son pouvoir pour créer le sentiment contraire. Elle doit prétendre qu’il existe de meilleures recettes pour dépasser le problème.
Les nouvelles élections constituent une des réponses de la bourgeoisie au danger que la classe ouvrière reconnaisse, ou même suppose, la banqueroute du système capitaliste. Là se trouve l’essence du travail salarié –qui le distingue radicalement des formes précédentes d’exploitation : les exploités peuvent acquérir des biens pour vivre tant qu’ils peuvent être exploités avec profit. Les travailleurs salariés ne sont pas forcés à travailler par l’usage de la violence, mais sont au contraire obligés de rechercher eux-mêmes leurs exploiteurs pour pouvoir survivre. Il est vrai que la bourgeoisie a appris au cours du 20e siècle, face au chômage de masse de plus en plus permanent, à mettre en place des systèmes d’assurance dirigés par l’Etat, afin d’éviter le développement d'une prise de conscience naissante dans la classe ouvrière. Mais aujourd’hui, sous la pression de la crise, la bourgeoisie est contrainte de réduire radicalement ces systèmes d’assurance précisément au moment où le chômage est devenu plus massif et plus permanent. Le développement de la crise pousse ainsi les exploités à ouvrir les yeux sur les réalités de la société de classe.
Cependant, il ne faut pas négliger ce fait que, à travers les manœuvres électorales, les exploiteurs ont gagné du temps afin d’attaquer cette conscience naissante dans le prolétariat. Si, contre toute attente, la coalition rouges-verts était réélue, il lui serait au moins possible de revendiquer que la majorité de la population a elle-même "admis" la nécessité de "réformes". Si le gouvernement est désavoué, la bourgeoisie pourra donner une nouvelle chance à des réformes plus "conséquentes" du nouveau gouvernement. Et en même temps, la social-démocratie (le SPD et les syndicats) – de façon plus crédible qu’aujourd’hui en tant que force de gouvernement – pourra revenir au récent "débat sur le capitalisme" lancé par le chef actuel du parti Franz Müntefering, ravivant les illusions sur la possibilité de limiter le chômage grâce à la limitation par l’Etat de ce qui est appelé la "globalisation" (c’est-à-dire une politique autarcique comparable à la période de préparation à la Seconde Guerre mondiale). Et dans le même temps, on peut compter sur l’ex-patron du SPD, Oskar Lafontaine, qui a quitté le SPD afin de créer une nouvelle alliance électorale d’aile gauche avec le PDS (resucée de l’ancien parti stalinien qui avait gouverné l’Allemagne de l’Est) sur une position "anti-globalisation". Cette initiative semble en fait destinée à réduire encore les espoirs de réélection de Schröder.
La démocratie, arme principale du capital
Mais de nouvelles élections signifient, de plus, la mise en œuvre de l’idéologie démocratique contre le développement de la conscience, de la combativité et de la confiance en soi du prolétariat. La bourgeoisie sait que le mécontentement monte parmi les ouvriers, les employés et les chômeurs. Elle est aussi consciente que les ouvriers ont pour le moment des difficultés considérables à rentrer en lutte du fait du manque de sentiment clair d’appartenir à une seule classe, du manque de confiance en leurs propres forces, du sentiment de vulnérabilité face au chantage du chômage.
Ici, la bourgeoisie cherche à faire de ces élections un moyen apparemment plus efficace et plus facile pour que les exploités expriment leur indignation et leur insatisfaction. Au lieu de tenir des meetings de masse, d’aller dans la rue ou de se mettre en grève, on leur propose de voter pour "virer" le gouvernement. C’est ainsi que la démocratie travaille. Le gouvernement, ou un parti particulier, agit en paratonnerre qui déclenche la colère de la population. En permettant à celle-ci de le "punir" de cette façon, une lutte ouvrière indépendante est évitée. Pour ne pas laisser la maturation de l’indignation et la solidarité se développer dans la classe, la bourgeoisie cherche à transformer ces sentiments en une réaction de vengeance aveugle, satisfaite de "faire payer" un coupable. Pour éviter que le prolétariat ne sente sa propre force en tant que classe, la bourgeoisie pousse à atomiser les ouvriers dans les isoloirs, où ils sont réduits à un rôle de citoyens au service de l’Etat.
La bourgeoisie veut nous faire croire que cela servira les intérêts ouvriers de "punir" le SPD ou le gouvernement. Mais la règle de l’alternance démocratique des partis au pouvoir veille à ce que cette "punition" ne porte toutefois pas atteinte aux intérêts de l’Etat. Ainsi, la politique du gouvernement actuel sera continuée par ses successeurs. Pour la classe ouvrière, l’enjeu n’est pas de "punir" telle ou telle fraction ou homme politique, mais d’extirper les racines de sa propre exploitation, d’éradiquer la cause de ses souffrances et du manque de perspective pour l’humanité tout entière. Ce qui est nécessaire n’est pas la lutte contre des moulins à vent, contre de simples représentants ou symptômes du système, mais un combat conscient contre le capitalisme.
D’après Welt Revolution n°130, publication du CCI en Allemagne et en Suisse
Quelques jours avant le vote, chaque "électeur-citoyen" a reçu dans sa boîte à lettres le texte complet du Traité, un pavé tout simplement indigeste et illisible. C’est pourquoi, faisant œuvre de pédagogie et d’esprit démocratique, l’Etat y a joint sous forme de petite brochure le "Projet de loi autorisant la ratification du traité établissant une Constitution pour l’Europe"1. En une dizaine de pages, les axes du Traité y sont exposés simplement. Après cette lecture très instructive, tout électeur était censé pouvoir répondre objectivement, en toute connaissance de cause et donc en toute liberté, à la question référendaire : "Approuvez-vous le projet de loi qui autorise la ratification du traité établissant une Constitution pour l’Europe ?". OUI ou NON !
L’Union européenne, royaume des tensions impérialistes
Seulement, en réalité, ce texte est un tissu de mensonges. De la première à la dernière ligne, l’Europe y est glorifiée, le poison nationaliste et réformiste distillé.
"Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, six nations marquées par l’horreur du conflit et l’expérience de la barbarie, ont décidé d’établir entre elles une union toujours plus étroite, pour rendre la guerre à jamais impossible sur notre continent…" ou encore "Pour une Europe qui soit davantage un pôle de paix et de stabilité dans le monde… " Mensonges ! Les différentes bourgeoisies européennes ne propagent pas la paix mais déchaînent au contraire la guerre partout sur la planète. Faut-il rappeler le déchirement de la Yougoslavie durant lequel la France, l’Allemagne et l’Angleterre ont soutenu et armé différentes fractions, jouant ainsi chacune leur propre carte ? Sous couvert d’humanitaire, c’est la barbarie et les pogromes qu’elles ont attisés sans remord ni retenue. Et que dire de l’implication meurtrière de la France dans le génocide rwandais d’hier ou dans les massacres ivoiriens d’aujourd’hui ? Ce sont ces champions de la guerre, ces dirigeants dont les mains sont couvertes de sang qui osent parler de paix !
La classe ouvrière ne doit pas se laisser berner, l’Union Européenne n’a jamais eu et n’aura jamais pour but la paix. Tout au contraire, elle est une association de malfaiteurs, un regroupement de requins impérialistes (lire page 3). Cette nature profondément belliciste transpire d’ailleurs par tous les pores de ce Traité : "…le traité donne les moyens d’une politique extérieure active pour défendre nos intérêts face aux autres grandes puissances […]. Il jette les bases d’une coopération plus étroite en matière de défense […]. Une agence européenne de défense coordonnera les efforts d’équipement des armées nationales." Telle était effectivement la véritable raison d’être de cette nouvelle constitution. Il s’agissait, pour la France et l’Allemagne, de mieux se coordonner face aux Etats-Unis dans l’arène impérialiste mondiale. Nous sommes loin, très loin, de la volonté de "créer un espace de paix".
A l’intérieur même de l’Union, les rapports entre nations sont fondés sur la concurrence et la rivalité. "Au sein d’une Union réformée, le traité nous [comprendre la bourgeoisie française] permettra d’agir plus fortement encore, en particulier grâce au renforcement de notre place au Conseil des ministres, qui permettra à la France de peser davantage, avec 12% des voix contre 8% aujourd’hui." L’enjeu de la nouvelle Constitution était effectivement pour la France d’accroître son pouvoir au sein de l’Union.
Toutes les nations d’Europe attaquent la classe ouvrière
La classe ouvrière ressent dans sa chair, surtout depuis le début de ce siècle, une terrible accélération de la dégradation de ses conditions de vie. Partout dans le monde, et notamment en Europe, les attaques économiques pleuvent sur le prolétariat.
Face à cette réalité, la grossièreté des mensonges de la propagande étatiste en est presque ridicule. A en croire la bourgeoisie, l’Union Européenne serait un nouvel El Dorado. "Pour la croissance et l’emploi, des politiques économiques plus actives permettront de tirer le meilleur parti de la monnaie unique, afin d’augmenter le pouvoir d’achat et de stimuler nos exportations." Le meilleur reste à venir : "toutes les politiques européennes prendront désormais en compte les impératifs sociaux, l’emploi, la protection sociale, la lutte contre l’exclusion, l’éducation, la formation, la santé." Et quand y’en a plus, y’en a encore : "l’Europe s’engage ainsi à assurer sur son territoire un haut niveau de protection sociale." Nous rappellerons simplement qu’au cours de ces dernières années le "pouvoir d’achat" s’est effondré, les prix de l’immobilier se sont envolés, les systèmes de sécurité sociale, d'assurance chômage, de retraite sont progressivement démantelés… Et la France fait partie des pays à la pointe de ces réformes anti-ouvrières. La bourgeoisie nous promet plus de santé… elle ne cesse de réduire le nombre de lits et de personnels hospitaliers ! La bourgeoisie nous promet plus d’éducation… les effectifs de surveillants, conseillers d’orientation, infirmiers scolaires, personnel enseignant etc. fondent comme neige au soleil. Pour être plus conforme à la réalité, la bourgeoisie devrait donc plutôt écrire dans sa Constitution : "l’Europe s’engage ainsi à assurer sur son territoire un haut niveau de précarité sociale ! "
Il est alors facile de comprendre que l’ensemble de ces attaques n’ont rien à voir avec telle ou telle politique de gauche ou de droite, ‘euro-sociale’ ou ‘euro-libérale’. Elles sont le fruit inévitable d’un système économique en faillite. Voter OUI ou NON n’avait donc aucun sens. C’était un faux choix, une fausse alternative proposée par la bourgeoisie et qui ne reposait que sur la tromperie.
Les nations européennes unies pour la répression ouvrière
Pour être juste, il y a au milieu de la fable que nous conte l’Etat une ou deux lignes sans contre-vérité. Les voici : "Une meilleure coopération entre les services de justice et de police… " et "Contre l’immigration clandestine, une politique commune renforcera les contrôles aux frontières… "
Alors que les nations européennes déchaînent la guerre dans les pays périphériques, elles s’organisent pour chasser l’ouvrier immigré hors de leurs frontières. Ceux qui préfèrent vivre dans la misère, et souvent l’exploitation clandestine, en Europe plutôt que de mourir de faim ou assassinés dans leur pays, ceux-là n'ont pas leur place dans cet "espace de paix, de démocratie et de prospérité (sic !). "
Et sous couvert de lutte anti-terroriste, les différentes nations européennes renforcent l’Etat policier. N’ayons aucun doute, la bourgeoisie n’aura aucune hésitation à employer l’ensemble de ces moyens répressifs contre la classe ouvrière quand le moment sera venu.
Le torchon qui fut distribué à chaque électeur est donc un amoncellement de mensonges grossiers et de manipulations idéologiques. Drapée des valeurs démocratiques, au nom du droit à l’information, la bourgeoisie a tenté de faire oublier à la classe ouvrière la réalité de son quotidien : une paupérisation croissante, une crise économique profonde et continue. Voilà le vrai visage de la démocratie !
Pawel (21 juin)
1 Toutes les citations sont extraites de cette brochure.
A travers le référendum, la bourgeoisie française, par son aile de gauche (gauche du PS et extrême gauche) a réussi à attirer une grande partie de la classe ouvrière sur le terrain électoral et démocratique. Elle ne peut que se réjouir de cette victoire momentanée sur le prolétariat. Pourtant tout a été fait par la bourgeoisie en France et dans les principaux pays européens pour faire accepter la constitution, qui se révélait être d’une très grande importance, notamment pour la bourgeoisie française et allemande.
Si celle-ci n’a pas été adoptée, la faute en revient dans sa totalité à la clique Chirac et au Président de la République lui-même. Le gaullisme, issu de la Seconde Guerre mondiale, est depuis longtemps inadapté à la défense optimale du capitalisme français. La décomposition de la société n’a fait qu’accentuer ce phénomène tout en poussant chaque fraction bourgeoise à défendre toujours plus ses propres intérêts au détriment de l’intérêt national. Face à l’ampleur du rejet de la politique d’austérité du gouvernement Raffarin, de la colère et du mécontentement et malgré tous les efforts des partis gouvernementaux en France, droite et direction du PS confondues, appuyés par les plus importants hommes politiques européens, le "Non" ne pouvait que l’emporter. Une crise sans précédent (au cours de la Ve République) était ainsi ouverte tant dans l’appareil politique français, que sur le terrain de la construction de la Communauté Européenne.
La crise de la bourgeoisie Française
Dès le lendemain du référendum, nous avons eu droit à la constitution d’un nouveau gouvernement concocté par M. Chirac en personne. Le prolétariat pouvait être content, il avait été entendu. Il a eu droit a deux premiers ministres pour le prix d’un seul. A peine formé le gouvernement apparaît pour ce qu’il est : un lieu où s’exprime pratiquement, ouvertement la guerre sans merci que se livrent les différents clans et leaders d’une droite en plein chaos. Mais ce qui est nouveau en France, c’est que le Parti Socialiste est à son tour rattrapé par les effets de la décomposition. Laurent Fabius jusqu’ici considéré comme étant un homme d’Etat, a tout simplement, à propos du référendum, fait passer son propre intérêt personnel au détriment de tout autre considération, sans aucun souci de la défense du capital français.
Pourtant, le Parti Socialiste et notamment sa direction, à l’exception notable de Fabius, a été le Parti le plus impliqué dans la défense du "Oui". De ce fait, la secousse du rejet de la Constitution ne pouvait qu’y être particulièrement marquée. En terme purement électoral, la minorité d’hier autour du "Non" est devenue aujourd’hui majoritaire, alors que la direction du Parti Socialiste se trouve dans une position exactement contraire. La politique de la direction du Parti Socialiste (Hollande, Strauss Khan, Lang) voulant donner une nouvelle impulsion en matière européenne, a tout simplement été rejetée. Fabius, aujourd’hui écarté de la Direction, mais légitimé électoralement en tant que défenseur du "Non", n’a pas manqué de se faire entendre, réclamant, par l’intermédiaire des fabiusiens : "Pourquoi pas un changement de stratégie, voire de direction, à deux ans de la Présidentielle de 2007 ?" Comme l’affirme Le Monde du 30 mai 2005 : "Année de son centenaire, le PS entre donc en crise….François Hollande affaibli et discrédité, Lionel Jospin retiré des affaires (jusqu’à quand ?) et Laurent Fabius renforcé mais mal aimé dans le Parti."
Strauss Khan, annonçait la couleur en affirmant publiquement : "Je ne suis pas sûr que Fabius souhaite continuer avec nous." Si la gauche du PS semble aujourd’hui ne pas vouloir jeter de l’huile sur le feu, cela n’a pas empêché Mélanchon de déclarer sur la chaîne LCI : "Le candidat du PS aux prochaines élections présidentielles en 2007 ne pourra pas être un homme ou une femme qui ait soutenu le "Oui" au référendum." La guerre des leaders ne pourra sans doute finalement pas être évitée au sein de ce parti. Mais la crise du PS ne s’arrête pas seulement à la guerre des chefs, elle prend aujourd’hui toute son ampleur, par le rapport existant entre les thèmes idéologiques et politiques défendus par la Direction du PS et le rejet massif de ceux-ci, venant non seulement des électeurs traditionnels du PS, mais aussi de la majorité de l’électorat.
La crise de la bourgeoisie française est telle aujourd’hui, qu’aucune fraction de droite ou de gauche n’est en mesure de représenter une réelle crédibilité gouvernementale, tant sur le plan national, qu’international. C’est l’Etat français, l’Etat de la classe dominante, garant et défenseur des intérêts de la bourgeoisie, qui se retrouve actuellement affaibli. Cependant, il serait faux et dangereux pour la classe ouvrière de se laisser endormir par la crise présente des forces politiques bourgeoises. Celles-ci vont nécessairement réagir, et notamment au sein du PS, afin de tenter de reconstruire une unité gouvernementale, autour d’un projet politique crédible : même difficile et compliqué, ceci est un impératif pour la bourgeoisie française. Enfin, la classe capitaliste vient de montrer, grâce au front uni de gauche pour le "Non", sa capacité à utiliser ses propres faiblesses contre le prolétariat (voir l'article page 2).
La crise de l’Union européenne, une montée des tensions impérialistes au cœur du capitalisme mondial
Courrier International du 16 juin 2005, commente en ces termes l’état actuel de l’Europe : "L’Union européenne est en crise, et le sommet des chefs d’Etat et de gouvernement s’annonce particulièrement délicat." Le journal espagnol ABC renchérit : "Sous la double menace d’une crise politique et économique les dirigeants des 25 tentent à Bruxelles de sauver l’Union européenne, d’une des situations les plus complexes de ces dernières décennies." Enfin pour La Libre Belgique : "L’atmosphère est délétère entre les puissances européennes". Pour le prolétariat, il est important de comprendre ce qui alarme ainsi les médias et journalistes bourgeois, ce qui se passe actuellement, réellement sur le terrain européen.
Contrairement à ce que nous rabâche la bourgeoisie, l’Europe n’est pas un havre de paix, destiné à travailler pour la paix dans le monde. Il n’y a qu’à se plonger rapidement dans son histoire pour s’en convaincre. La Constitution de la Communauté Européenne trouve ses racines dans l’immédiat après Seconde Guerre mondiale. L’Europe sera alors financée et soutenue politiquement par les Etats-Unis pour faire face au danger représenté par le bloc soviétique nouvellement constitué. Cette première construction européenne s’est faite en premier lieu sur un terrain économique, avec différents organismes tels la CEE en 1957 (Communauté Européenne Economique). Mais c’est en tant qu’enjeu principal des rivalités impérialistes à l’échelle mondiale que les péripéties de la construction européenne prennent tout leur sens. La France rejettera à deux reprises la candidature de l’Angleterre à la CEE en 1963 et 1967, parce que ce pays est considéré comme le fer de lance de la politique américaine en Europe. Les rivalités impérialistes, qui concernent chaque Etat européen et de grandes puissances mondiales comme les Etats-Unis, ont fait que l’Europe ne pouvait être qu’un espace essentiellement économique, une zone de libre échange, qui se dotera ultérieurement d’une monnaie unique, l’Euro. Cette politique a permis ainsi aux pays d’Europe de développer une défense plus efficace de leurs économies, dans le cadre d’une concurrence mondiale acharnée. Cependant, la possibilité de construire les Etats-Unis d’Europe a toujours été un mythe. Le capitalisme n’a jamais été en mesure de défaire les nations d’Europe, pour construire une sorte de Super Nation Européenne (Voir l'article "L’élargissement de l ‘Europe"dans la Revue Internationale n°112.)
A partir de l’effondrement du Bloc de l’Est, la donne impérialiste va fondamentalement changer. L’éclatement du Bloc Américain, en pleine période de décomposition de la société capitaliste, va entraîner un développement des tensions où chaque Etat va jouer son propre intérêt, en dehors de toute alliance stable et durable, même l’alliance de l’Angleterre et des Etats-Unis n’échappera pas à cette réalité. L’élargissement de l’Europe vers l’Est qui, économiquement, n’a pas une grande importance, atteste par contre du renforcement des enjeux géostratégiques que représente ce continent pour les rivalités impérialistes, comme l'a déjà illustré la Guerre des Balkans. Créé en 1949, l’OTAN (Organisation du Traité de l’Atlantique Nord), alors organisation permettant de structurer la lutte du bloc américain contre le bloc soviétique, va connaître en 2002 un élargissement lourd de signification politique. De 19 membres, l’organisation passe à 26, avec l’entrée de 7 pays appartenant antérieurement au bloc soviétique : après la Hongrie et la Pologne en 1999, suivent la Bulgarie, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Roumanie, la Slovaquie et la Slovénie. Un élargissement qui n’a bien sûr aucun sens, si on le comprend comme le renforcement d’une organisation destinée initialement à combattre un bloc qui maintenant n’existe plus ! De fait le rôle de l’OTAN a évolué. Toujours contrôlé par les Etats-Unis, il fait partie maintenant de l’arsenal de la politique impérialiste des Etats-Unis, en Europe contre la France et l’Allemagne. L’entrée dans l'Union Européenne de ces pays d’Europe de l’Est, peu de temps après leur intégration dans l’OTAN, permet au Herald Tribune d’écrire : "Washington est le grand gagnant de l’élargissement de l’Union Européenne…Selon un officiel allemand l’entrée dans L’Union Européenne de ces pays fondamentalement pro-américain d’Europe centrale et orientale, signifie la fin de toutes tentatives de l’Union de se définir elle même, ainsi que sa politique étrangère et de sécurité, comme alignée contre les Etats-Unis." Pour les mêmes raisons l’Etat américain a tenté d’accélérer le processus d’intégration de la Turquie à l’Europe : ce pays étant pour le moment une base avancée des Etats-Unis au Proche Orient.
Pour sa part, l’impérialisme allemand ne pouvait pas rester sans réagir devant cette offensive en direction de pays considérés comme faisant partie de sa zone historique d’influence.
C’est depuis quelque temps déjà que l’Allemagne travaille à son rapprochement avec la Turquie et certains pays d’Europe Centrale. La Constitution européenne, défendue très fermement par l’Allemagne, la France et l’Espagne, tout en étant reliée à des préoccupations économiques, se voulait en premier lieu le moyen d’affermir le pouvoir du couple franco-allemand dans cette Europe élargie.
L’Allemagne cherchait ainsi à s’affirmer en Europe de l’est et orientale, ce qui ne pouvait qu'irriter Paris qui n'était pas en mesure de conquérir nulle part une influence équivalente et se trouvait condamnée à un affaiblissement relatif face à son puissant allié. Dans cette zone du monde où s'expriment de la façon la plus concentrée les tensions inter-impérialistes, l’échec de la Constitution ne pouvait que fortement favoriser une période de crise grave et d’accélération brutale de ces mêmes tensions.
L’échec du Sommet de Bruxelles : la crise de l’Union européenne s’amplifie
Pour le Financial Times : "L’heure est bien à la confrontation." Le président en exercice de l’Union Européenne le luxembourgeois M.Junker ne pouvait que déclarer amèrement le 18 juin dernier, suite à l’échec total du sommet européen : "L’Europe est dans une crise grave." Le budget européen est en panne. Comme le dit Courrier International du 16 juin : "Au final, le Royaume- Uni a estimé que la déclaration soumise par la présidence ne fournissait pas les garanties nécessaires." Puis, citant Tony Blair, qui a riposté aux attaques de la France et de l’Allemagne en matière budgétaire : "Nous devons changer de vitesse pour nous adapter au monde dans lequel nous vivons"…. "C’est un moment de renouveau."
De renouveau, il n’y en aura pas. Par contre, ce qui est vrai et nouveau, c’est que la bourgeoisie en Europe commence à défaire ce qu’elle a eu tant de mal à construire : l’espace économique européen, l’Union Européenne.
En fait de renouveau, nous assistons, en matière économique, à une montée irrationnelle des revendications nationales au détriment du niveau de cohérence atteint jusqu’ici. Comme l’affirme le Financial Times : "A l’instar de l’Allemagne qui ne veut plus être la vache à lait de l’UE, comme ce fut le cas lors du sommet de Berlin de 1999, cette fois ci, les pays qui ont le dessus dans le débat sur le budget européen ne sont pas les plus pauvres, mais ceux qui paient la note. Avec l’Allemagne, l’Autriche, le Royaume-Uni, la France, les Pays-bas et la Suède demandent une réduction du budget qui pourrait s’élever au moins à 800 milliards d’Euro pour la période 2007/2013…" (Cité par Courrier International le 16 juin 2005.) Chacune des principales puissances économique de l’Europe refuse dorénavant de payer pour ce qu’elles considèrent être l’intérêt des autres pays de l’UE. Malgré celle-ci, depuis 10 ans, la concurrence s’est accélérée entre ces divers pays. L’incapacité à se doter d’une gouvernance politique en Europe, sous les effets de la décomposition, du chacun pour soi et donc des antagonismes économiques et politiques entre chaque nation, détermine l’existence et l’ampleur de la crise actuelle dont l’échec du référendum a été un formidable accélérateur. Contrairement à ce que nous raconte la bourgeoisie, la crise actuelle n’est pas due à l’intransigeance de Tony Blair en matière budgétaire, pas plus qu’à la classe ouvrière qui a voté "Non" au référendum (Voir l'éditorial de ce numéro).
Cette crise en Europe correspond à l’incapacité pour la bourgeoisie de faire face à l’approfondissement de la décomposition, à la faillite historique de son propre système. En cédant devant les impératifs économiques immédiats et égoïstes, c’est l’espace économique européen qui est fortement affaibli, la capacité de se donner des règles communes de fonctionnement permettant de s’organiser face à la concurrence économique venant d’Amérique ou d’Asie. Sur un plan économique, tous les pays capitalistes européens, à des degrés divers, seront perdants. Sur le plan impérialiste, la crise en Europe et l’affaiblissement du couple Franco-Allemand ne peut que profiter directement aux Etats-Unis et à l’Angleterre. La classe ouvrière doit se préparer à se confronter à la perspective du développement des tensions impérialistes et à un rythme accéléré de développement de la crise économique. La crise en Europe n’est qu’un pas de plus dans le chaos et la décomposition, dans le développement de l’irrationalité croissante du capitalisme.
Tino
Au printemps dernier, le CCI a tenu son 16e congrès. "Le Congrès international est 1'organe souverain du CCI", comme il est écrit dans nos statuts. C'est pour cela que, comme toujours à la suite de ce type d’échéances, il est de notre responsabilité face à la classe ouvrière d’en rendre compte et d’en dégager les principales orientations.1
Les travaux de celui-ci ont placé au centre de leurs préoccupations l’examen de la reprise des combats de la classe ouvrière et des responsabilités que cette reprise implique pour notre organisation, notamment face au développement d’une nouvelle génération d’éléments qui se tournent vers une perspective politique révolutionnaire. évidemment, la barbarie guerrière continue de se déchaîner dans un monde capitaliste confronté à une crise économique insurmontable et des rapports spécifiques sur les conflits impérialistes et la crise ont été présentés, discutés et adoptés au congrès. L'essentiel de ces rapports est repris dans la résolution sur la situation internationale.
Comme il est rappelé dans cette résolution, le CCI analyse la période historique actuelle comme la phase ultime de la décadence du capitalisme, la phase de décomposition de la société bourgeoise, celle de son pourrissement sur pied. Comme nous l'avions mis en avant à de nombreuses reprises, cette décomposition provient du fait que, face à l'effondrement historique irrémédiable de l’économie capitaliste, aucune des deux classes antagoniques de la société, bourgeoisie et prolétariat, ne parvient à imposer sa propre réponse : la guerre mondiale pour la première, la révolution communiste pour la seconde. Ces conditions historiques déterminent les caractéristiques essentielles de la vie de la société bourgeoise actuelle. En particulier, c’est dans le cadre de cette analyse de la décomposition qu’on peut pleinement comprendre la permanence et l’aggravation de tout une série de calamités qui accablent aujourd’hui l’humanité, en premier lieu la barbarie guerrière, mais aussi des phénomènes comme la destruction inéluctable de l’environnement ou les terribles conséquences des "catastrophes naturelles" tel le tsunami de l’hiver dernier. Ces conditions historiques liées à la décomposition pèsent aussi lourdement sur le prolétariat ainsi que sur ses organisations révolutionnaires et sont une des causes majeures des difficultés rencontrées tant par notre classe que par notre organisation depuis le début des années 90, comme nous l’avons souvent mis en avant dans nos précédents articles. (Voir Revue Internationale n°62)
La reprise des combats de classe
Le 15e congrès avait constaté que le CCI avait surmonté sa crise de 2001, en particulier parce qu’il avait compris comment elle constituait une manifestation en notre sein des effets délétères de la décomposition. En même temps, il avait constaté les difficultés que continuait de rencontrer la classe ouvrière dans ses luttes contre les attaques capitalistes, en particulier son manque de confiance en elle-même.
Cependant, depuis ce congrès, tenu au début du printemps 2003, et comme l’avait souligné la réunion plénière de l’organe central du CCI à l’automne de cette même année : "Les mobilisations à grande échelle du printemps 2003 en France et en Autriche représentent un tournant dans la lutte de classe depuis 1989. Elles sont un premier pas significatif dans la récupération de la combativité ouvrière après la plus longue période de reflux depuis 1968." (Revue Internationale n°119)
Un tel tournant dans la lutte de classe n’avait pas été une surprise pour le CCI puisque son 15e congrès en annonçait la perspective. La résolution sur la situation internationale adoptée par le 16e congrès précise à son propos : "Les luttes de 2003-2005 ont présenté les caractéristiques suivantes :
- elles ont impliqué des secteurs significatifs de la classe ouvrière dans des pays du cœur du capitalisme mondial (comme en France en 2003) ;
- elles manifestaient un souci pour des questions plus explicitement politiques ;
- elles ont vu la réapparition de l’Allemagne comme point central pour les luttes ouvrières pour la première fois depuis la vague révolutionnaire ;
- la question de la solidarité de classe a été posée de manière plus ample et plus explicite qu'à n'importe quel moment des luttes des années 80, en particulier dans les derniers mouvements en Allemagne."
La résolution adoptée par le 16e congrès constate que les différentes manifestations du tournant dans le rapport de forces entre les classes "ont été accompagnées par le surgissement d'une nouvelle génération d'éléments en recherche de clarté politique. Cette nouvelle génération s'est manifestée à la fois dans le nouveau flux d'éléments ouvertement politisés et dans les nouvelles couches d'ouvriers qui entrent en lutte pour la première fois. Comme cela a pu être mis en évidence dans certaines importantes manifestations, il est en train de se forger le socle pour l'unité entre la nouvelle génération et la "génération de 68" – à la fois la minorité politique qui a reconstruit le mouvement communiste dans les années 60 et 70 et les couches plus larges d'ouvriers qui ont vécu la riche expérience des luttes de classe entre 68 et 89."
La responsabilité du CCI face au surgissement de nouvelles forces révolutionnaires
L’autre préoccupation essentielle du 16e congrès a donc été de hisser notre organisation à la hauteur de sa responsabilité face au surgissement de ces nouveaux éléments qui s’orientent vers les positions de classe de la Gauche communiste. C’est ce que manifeste notamment la Résolution d’activités adoptée par le congrès :
"Le combat pour gagner la nouvelle génération aux positions de classe et au militantisme est aujourd’hui au cœur de toutes nos activités. Cela ne s’applique pas seulement à notre intervention, mais à l’ensemble de notre réflexion politique, de nos discussions et de nos préoccupations militantes. (…)"
Ce travail de regroupement des nouvelles forces militantes passe notamment par leur défense contre toutes les tentatives pour les détruire ou les conduire dans des impasses. Et cette défense ne peut être menée à bien que si le CCI sait lui-même se défendre contre les attaques dont il est l’objet. Le précédent congrès avait déjà constaté que notre organisation avait été capable de repousser les attaques iniques de la FICCI (2), les empêchant d’aboutir au but déclaré de celle-ci : détruire le CCI, ou au moins le plus grand nombre possible de ses sections. En octobre 2004, la FICCI a mené une nouvelle offensive contre notre organisation en s’appuyant sur les prises de position calomnieuses d’un "Circulo de Comunistas Internacionalistas" basé en Argentine qui se présentait comme le continuateur du "Nucleo Comunista Internacional" (NCI) avec qui le CCI avait développé des discussions et des contacts depuis la fin 2003. Lamentablement, le BIPR a apporté sa contribution à cette manœuvre honteuse en publiant en plusieurs langues et en conservant plusieurs mois sur son site Internet une de ces déclarations parmi les plus mensongères et hystériques contre notre organisation. En réagissant rapidement par des documents publiés sur notre site Internet, nous avons repoussé cette attaque en réduisant au silence nos agresseurs. Le "Circulo" a été démasqué pour ce qu’il était : une fiction inventée par le citoyen B., un aventurier au petit pied de l’hémisphère austral. Car le combat contre cette offensive de la "triple alliance" de l’aventurisme (B.), du parasitisme (FICCI) et de l’opportunisme (BIPR) était aussi un combat pour le défense du NCI comme un effort d’un petit noyau de camarades pour développer une compréhension des positions de la Gauche communiste en lien avec le CCI. 3
(…) Face à ce travail en direction des éléments en recherche, le CCI se doit de mettre en œuvre une politique déterminée d’intervention. Mais il doit également apporter toute son attention à la profondeur de l’argumentation mise en avant dans les discussions et à la question du comportement politique. Par ailleurs, le surgissement des nouvelles forces communistes doit être un puissant aiguillon stimulant la réflexion et les énergies, non seulement des militants mais aussi des éléments qui avaient été affectés par le recul de la classe ouvrière à partir de 1989 : "Les effets des développements historiques contemporains vont repolitiser une partie de la génération de 1968, originellement dévoyés et empoisonnés par le gauchisme. Ils ont déjà commencé à réactiver d’anciens militants, non seulement du CCI, mais aussi d’autres organisations prolétariennes. Chacune de ces manifestations de cette fermentation représente un potentiel précieux de réappropriation de l’identité de classe, de l’expérience de lutte, et de la perspective historique du prolétariat. Mais ces différents potentiels ne peuvent se réaliser que s’ils sont rassemblés par une organisation représentant la conscience historique, la méthode marxiste et l’approche organisationnelle qu’aujourd’hui, seul le CCI peut offrir. Cela rend le développement constant et à long terme des capacités théoriques, la compréhension militante et la centralisation de l’organisation cruciaux pour la perspective historique."
Le congrès a souligné toute l’importance du travail théorique dans la situation présente : "L’organisation ne peut satisfaire ses responsabilités ni envers les minorités révolutionnaires, ni envers la classe comme un tout, que si elle est capable de comprendre le processus préparant le futur parti dans le contexte plus large de l’évolution générale de la lutte de classe. La capacité du CCI à analyser le rapport de forces changeant entre les classes, et à intervenir dans les luttes et envers la réflexion politique dans la classe, a une importance à long terme pour l’évolution de la lutte de classe. Mais déjà actuellement, à court terme, elle est cruciale pour la conquête de notre rôle dirigeant envers la nouvelle génération politisée. L’organisation doit continuer cette réflexion théorique, tirant un maximum de leçons concrètes de son intervention, dépassant les schémas du passé."
Enfin, le congrès a apporté une attention toute particulière à la question sur laquelle se conclut la plate-forme de notre organisation : "Les rapports qui se nouent entre les différentes parties et différents militants de l'organisation portent nécessairement les stigmates de la société capitaliste et, ne peuvent donc constituer un îlot de rapports communistes au sein de celle-ci. Néanmoins, ils ne peuvent être en contradiction flagrante avec le but poursuivi par les révolutionnaires et ils s'appuient nécessairement sur une solidarité et une confiance mutuelle qui sont une des marques de l'appartenance de l'organisation à la classe porteuse du communisme."
Et une telle exigence, comme toutes les autres auxquelles doit faire face une organisation marxiste, passe par une réflexion théorique :
"Dans la mesure où les questions d'organisation et de comportement sont aujourd'hui au cœur des débats à l'intérieur et à l'extérieur de l'organisation, un axe central de notre travail théorique dans les deux années à venir sera la discussion des différents textes d'orientation [abordant ces sujets]. Ces questions nous mènent aux racines des récentes crises organisationnelles, touchant aux bases fondamentales de notre engagement militant, et sont des questions centrales de la révolution à l'époque de la décomposition. Elles sont donc appelées à jouer un rôle central dans le renouveau de la conviction militante et dans le regain du goût pour la théorie et pour la méthode marxiste qui traite chaque question avec une approche historique et théorique."
Des perspectives enthousiasmantes
Les congrès du CCI sont toujours des moments d'enthousiasme pour l'ensemble de ses membres. Comment pourrait-il en être autrement lorsque des militants venus de trois continents et de treize pays, animés par les mêmes convictions, se retrouvent pour discuter ensemble des perspectives du mouvement historique du prolétariat. Mais le 16e congrès fut encore plus enthousiasmant que la plupart des précédents.
Pendant près de la moitié de ses trente années d'existence, le CCI a vécu alors que le prolétariat connaissait un recul de sa conscience, une asphyxie de ses luttes et un tarissement des nouvelles forces militantes. Pendant plus d'une décennie, un des mots d'ordre centraux de notre organisation a été "tenir". C'était une épreuve difficile et un certain nombre de ses "vieux" militants n'y ont pas résisté (notamment ceux qui ont constitué la FICCI et ceux qui ont abandonné le combat au moment des crises que nous avons connues au cours de cette période).
Aujourd'hui, alors que la perspective s'éclaircit, nous pouvons dire que le CCI, comme un tout, a surmonté cette épreuve. Et il en sort renforcé. Un renforcement politique, comme peuvent en juger les lecteurs de notre presse (dont nos recevons un nombre croissant de lettres d'encouragement). Mais aussi un renforcement numérique puisque, dès à présent, les nouvelles adhésions sont plus nombreuses que les défections que nous avons connues avec la crise de 2001. Et ce qui est remarquable, c'est qu'un nombre significatif de ces adhésions est le fait d'éléments jeunes, qui n'ont pas eu à subir et à surmonter les déformations provoquées par le militantisme dans les organisations gauchistes. Des éléments jeunes dont le dynamisme et l'enthousiasme remplace au centuple les "forces militantes" fatiguées et usées qui nous ont quittés.
Cet enthousiasme qui était présent lors du 16e congrès était lucide. Il n'avait rien à voir avec l'euphorie illusoire qui avait traversé d'autres congrès de notre organisation (euphorie qui souvent était plus particulièrement le fait de ceux qui nous ont quittés depuis). Le CCI, après 30 ans d'existence, a appris4, quelquefois dans la douleur, que le chemin qui conduit à la révolution n'est pas une autoroute, qu'il est sinueux, plein d'embûches, semé de pièges que la classe dominante tend à son ennemi mortel, la classe ouvrière, pour la détourner de son but historique. Les membres de notre organisation savent bien aujourd'hui que militer n'est pas une chose facile ; qu'il faut non seulement une solide conviction, mais beaucoup d'abnégation, de ténacité et de patience.
La conscience de la difficulté de notre tâche n'est pas pour nous décourager. Au contraire, c'est un facteur supplémentaire de notre enthousiasme.
A l'heure qu'il est, le nombre de participants à nos réunions publiques connaît une augmentation sensible alors que des courriers en nombre croissant nous parviennent de Grèce, de Russie, de Moldavie, du Brésil, d'Argentine, d'Algérie pour poser directement leur candidature à notre organisation, pour proposer d'engager des discussions ou simplement demander des publications, mais toujours avec une perspective militante. Tous ces éléments nous permettent d'espérer le développement de la présence des positions communistes dans les pays où le CCI n'a pas encore de section, voire la création de nouvelles sections dans ces pays. Nous saluons ces camarades qui se tournent vers les positions communistes et vers notre organisation. Nous leurs disons : "Vous avez fait le bon choix, le seul possible si vous avez la perspective de vous intégrer dans le combat pour la révolution prolétarienne. Mais ce n'est pas le choix de la facilité : vous ne connaîtrez pas des succès rapides, il faudra de la patience et de la ténacité et ne pas être rebutés lorsque les résultats obtenus ne seront pas à la hauteur de vos espérances. Mais vous ne serez pas seuls : les militants actuels du CCI seront à vos côtés et ils sont conscients de la responsabilité que votre démarche représente pour eux. Leur volonté, qui s'est exprimée au 16e congrès, est d'être à la hauteur de cette responsabilité."
CCI
1 Un compte-rendu plus exhaustif des travaux de ce congrès est publié dans la Revue Internationale n°122.
2 Prétendue "Fraction Interne du CCI" composée par des militants de longue date de notre organisation qui ont commencé à se comporter comme des fanatiques hystériques à la recherche de boucs émissaires, comme des voyous et finalement comme des mouchards.
3 Voir à ce sujet notre article "Le Núcleo Comunista Internacional : Un effort de prise de conscience du prolétariat en Argentine", Revue internationale n°120.
4 Ou plutôt réappris, car c'est un enseignement dont étaient bien conscientes les organisations communistes du passé, et particulièrement la Fraction italienne de la Gauche communiste dont se réclame le CCI.
Dans l’interminable liste des anniversaires macabres viennent de prendre place, le 11 juillet dernier, les 10 ans du massacre de Srebrenica, perpétrés au cours de la guerre dans les Balkans de 1991-1996.
Lors de ce conflit, les principales puissances impérialistes régleront leurs comptes par cliques slaves interposées afin de défendre leurs intérêts nationaux respectifs. Ainsi, l’Allemagne, pour s’ouvrir un accès aux ports dalmates de la côte adriatique, allumera la mèche de l’explosion yougoslave en soutenant les indépendantistes slovènes et croates. De leur côté, la France et la Grande-Bretagne appuieront le verrou serbe afin d’endiguer la percée allemande. Les Etats-Unis, quant à eux, dans ce contexte de remise en cause de leur statut de première puissance, s’inviteront dans cette foire d’empoigne par l’intermédiaire de la Bosnie puis de la Croatie (cf. RI n°248). Ainsi, les rivalités entre grands requins impérialistes feront à nouveau exploser la poudrière des Balkans qui conduira, entre autres, au massacre de Srebrenica dont le degré de barbarie donne à lui seul un aperçu des horreurs subies par les populations civiles tout au long de cette guerre.
Suite à la prise de l’enclave de Srebrenica par l’armée serbe du général Mladic, près de 8000 Bosniaques seront exécutés à la mitrailleuse en 5 jours, du 13 au 17 juillet 1995 !
Outre l’aspect massif de cette boucherie, reste le plus frappant. Ce concentré de barbarie s’est produit dans une "zone de sécurité" protégée par 450 casques bleus néerlandais, sous commandement franco-britannique, mandatés par le symbole même de la défense des droits de l’homme et de la civilisation, l’ONU et sa "communauté internationale".
Le malaise est à ce point perceptible que diverses missions d’enquête parlementaire, comme en Hollande ou en France, ont été constituées juste après le conflit afin de fournir les éléments d’explication nécessaire… à la déculpabilisation des grandes puissances, cela va sans dire.
Ainsi, le récent rapport du NIOD (institut hollandais de documentation militaire) rejette toute responsabilité des Pays-Bas et de leurs alliés. De même, pour les parlementaires français, la passivité manifeste de la Forpronu (force armée de l’ONU) n’est que le fruit "d’une chaîne de commandement et des procédures lourdes et complexes" ainsi que "des carences dans le renseignement". Bref, c’est l’éternelle rengaine des candides : "on ne pouvait pas savoir" ou "nous l’avons su mais trop tard".
Alors, tout en nous promettant de faire mieux la prochaine fois, les grandes nations démocratiques dans un élan de contrition hypocrite, lors des journées de commémorations organisées à Srebrenica au mois de juillet, ont versé leurs larmes de caïmans pour "rendre hommages aux victimes innocentes" (pour reprendre les termes du ministre britannique Jack Straw). Et pour compléter le concert cynique de la bourgeoisie, le ministre français des affaires étrangères, Douste-Blazy, a solennellement affirmé que le génocide bosniaque "est une plaie ouverte sur le flanc de l’Europe qui nous impose le devoir de mémoire et l’exigence du souvenir." Or, si l’on se souvient bien, le duo des bouchers serbes, Mladic-Karadzic, n’est certainement pas le seul coupable de l’élimination des poches de Srebrenica et Zepa.
Les grandes puissances en ouvrant les portes de Srebrenica aux troupes serbes du Drina Corps, ont pris une part de responsabilité incontestable dans les assassinats de masse qui vont suivre. C’est un véritable massacre sur ordonnance qui a été organisé. En effet, depuis 1993, Srebrenica est une zone de sécurité désarmée en échange de la protection de l’ONU. Cependant, lorsque sonne la charge serbe du 6/7 juillet, la Forpronu refuse de redonner leurs armes aux Bosniaques au nom de l’accord de démilitarisation. Quant aux casques bleus, ils n’opposeront aucune résistance à la progression serbe. D’ailleurs, Mladic avait pu être largement rassuré de ce côté par le général français Janvier lors de leur rencontre à Zvornik le 4 juin 1995. D’après Franck Westerman, un proche collaborateur de Janvier, deux militaires français dont Bertrand de La Presle aurait avalisé, sur ordre du président Chirac, ces négociations garantissant la non-agression aérienne des troupes serbes.
En conclusion, l’écrasement de Srebrenica n’a pas été le résultat d’une malheureuse indifférence. Les contorsions ridicules des parlementaires français dans leur rapport d’information sont ici pour le moins édifiantes : "Srebrenica n’est pas tombée contre la volonté des gouvernements occidentaux qui, pour autant, n’ont pas voulu la chute de Srebrenica".
Le fait est que tout au long des attaques menées par les serbes, les troupes de la Forpronu, dirigées par les français et les britanniques, ont fait preuve d’une "impuissance" plus que complice avec leur allié en coulisse, la Serbie. Ce n’est pas par fantaisie que Mitterrand disait "Moi vivant, on ne fera pas la guerre aux Serbes".
La prise de l’enclave bosniaque était bien une chute planifiée. Mais cela n’empêche pas la bourgeoisie, confite d’hypocrisie et les mains encore rouge des massacres, de nous soutenir que les conséquences atroces pour les civils bosniaques étaient imprévisibles. C’est là encore un mensonge éhonté. Dès 1993, l’ambassadeur de France en Bosnie-Herzégovine, dans l’ambiance de pogrom des nationalismes serbe et bosniaque, se souvient avoir intitulé une série de télégrammes adressés au Quai d’Orsay "chronique d’un nettoyage ethnique annoncé". Aussi, en juin 1995, les services secrets de plusieurs pays avaient notés la concentration du Drina Coprs au sud de Srebrenica et la présence des hommes d’Arkan, chef paramilitaire, connu comme spécialiste des opérations d’épuration ethnique.
Malgré ces éléments, aucun plan d’évacuation de la population en cas d’attaque serbe ne sera proposé par nos défenseurs patentés de la paix et des droits de l’homme.
Quant le génocide commence, il n’y a plus aucune sorte de "mystère" sur les intentions de Mladic. D’autant que les massacres ont lieu sous le nez des forces armées de l’ONU. Pourtant, là encore, aucune évacuation ne sera prévue pour la poche de Zepa nettoyée juste après celle de Srebrenica. Ainsi, d'après un télégramme envoyé le 12 juillet 1995 par une représentation diplomatique auprès des organisations humanitaires : "Le HCR et le CICR n’entendent pas participer ou organiser l’évacuation de la population qui s’inscrit dans la politique bosno-serbe de "nettoyage ethnique", sauf si le gouvernement bosniaque leur en fait expressément la demande et à la condition que les civils de Zepa souhaitent quitter les villages de l’enclave." (cf. le rapport d’information des députés français)
Finalement, ce sont bien les grandes puissances capitalistes,
à travers leurs sanglantes rivalités impérialistes qui ont encouragé les
opérations de "nettoyage" et de "purification ethnique"
pratiquées par les cliques nationalistes rivales sur le terrain.
La Shoah, les bombardements de Dresde et de Hambourg, ceux d’Hiroshima et de Nagasaki ont aussi été commémorés cette année avec le même cynisme (cf. Revue Internationale n°121). En chaque occasion, la bourgeoisie a jeté un voile idéologique hypocrite pour tenter de masquer les responsabilités directes des grandes démocraties dans ces crimes et ces horreurs ainsi que sur la barbarie de son système.
Ce ne sont nullement des reliques du passé mais l’expression même de l’avenir que le capitalisme nous réserve tant que la classe ouvrière n'aura pas entrepris de le renverser et de le détruire.
Azel (28 juillet)
Le 17 août dernier a commencé, à grands renforts de publicité, le retrait israélien de la bande de Gaza. Pour l'occasion, les médias bourgeois nous ont abreuvés de reportages. Aux Palestiniens en liesse étaient opposés des colons israéliens effondrés de devoir quitter leurs lieux d’habitation. Malgré des intérêts impérialistes et guerriers différents, le message que veut faire passer la bourgeoisie des grandes puissances est clair : "C’est un pas vers la paix."
Le plan de désengagement de la bande de Gaza est l’œuvre du premier ministre israélien, le général Ariel Sharon. Celui-ci ne cesse de recevoir des louanges et des félicitations de la part de toutes les grandes capitales du monde : de Bush à Schröder, de Chirac à Blair. Chacun cache ses propres intérêts impérialistes derrière des discours hypocrites sur la paix. De fait, rien ne pourrait freiner la politique israélienne en matière de retrait de la bande de Gaza. L’aile la plus radicale du Likoud, les extrémistes religieux et même Netanyahou qui vient de démissionner du gouvernement Sharon pour exprimer ses divergences, n’étaient en mesure de l’empêcher. Car contrairement à ce qu’affiche publiquement la bourgeoisie, le retrait de la bande de Gaza correspond au mieux aux intérêts guerriers de l’impérialisme israélien.
Le désengagement israélien sur cette minuscule bande de terre que représente Gaza, où vivent parqués plus d'un million et demi de Palestiniens, concerne le départ de 7000 colons. L’Etat israélien payait extrêmement cher jusqu’à présent, en termes économiques et militaires, sa présence sur un petit morceau de territoire qui ne possède pas d’intérêts stratégiques particuliers. De fait, le retrait va simplement transformer la bande de Gaza en une immense prison. Dans la plus grande des misères et dans un chaos généralisé, ce sont dorénavant les différentes fractions armées bourgeoises palestiniennes y compris, l’Autorité palestinienne en pleine crise, ainsi que le Hamas, qui vont y faire régner leur loi. Quant à l’armée israélienne, elle y interviendra si nécessaire, gardant ce territoire sous haute surveillance. La population de Gaza ne peut que se retrouver plongée dans des conditions de vie toujours plus effroyables. Instabilité, violences, révoltes et désespoir vont encore gagner du terrain, faisant le lit du radicalisme religieux et du terrorisme.
Ce pseudo-pas vers la paix du capitalisme, se traduit dans la
politique de la "terre brûlée" qui consiste à tout détruire avant de
se retirer : habitations, cultures, irrigations etc….
La fuite en avant impérialiste de l’Etat d’Israël
L’objectif essentiel du plan de retrait de Sharon a pour destinée, sous couvert de paix et de bonne volonté israélienne dont le retrait de la bande de Gaza serait une concrétisation historique, de masquer l’offensive que cet Etat mène en Cisjordanie. En vingt cinq ans, le rythme d’augmentation de la population israélienne dans les territoires occupés a plus que triplé, atteignant actuellement environ 250 000 personnes. Le nombre d’Israéliens qui se sont installés dans des quartiers construits sur le territoire municipal annexé de Jérusalem-Est, a été multiplié par cinq depuis la même époque, pour monter à plus de 200 000 aujourd’hui. Mais ce rythme s’est particulièrement accéléré au cours de la dernière période. Le Gouch Etzyon est ainsi le premier bloc que le gouvernement Sharon essaie de placer du bon côté de la clôture de séparation. Depuis, les villes de Kafr Abbouch et Naplouse au Nord, en passant par Jérusalem Ouest et Est, jusqu’à Hébron et Rihiya au sud, la Cisjordanie est aujourd’hui recouverte de murs censés protéger, en les séparant, les populations israélienne et palestinienne. Tout ceci, n’est qu’un mensonge, ayant pour objet de cacher la réalité de la politique expansionniste de l’Etat d’Israël. Tout en reconnaissant à la demande expresse de l’administration Bush l’existence de "centres israéliens de population" en Cisjordanie, cela permettait à Sharon d’affirmer ouvertement le réel sens de sa politique : "Le gouvernement fera tout pour renforcer le contrôle israélien sur tout le territoire destiné à être intégré à l’Etat d’Israël, dans le cas d’un accord diplomatique…". Encore aujourd’hui, derrière l’écran de fumée idéologique du retrait de Gaza, dans l’implantation de Bata-Illit, en Cisjordanie, ce sont quelques 640 unités de logements qui viennent d’obtenir un permis de construire, tandis qu’en Gival Tal, une petite colonie proche d’Alfei Menaske, ce ne sont pas moins de 1000 unités qui sont en chantier. (Courrier international, 28/07/05). La bourgeoisie israélienne, dans son offensive impérialiste, se doit nécessairement de contrôler la Cisjordanie, quelles que soient par ailleurs les conséquences en terme de développement du chaos et de la barbarie. La Cisjordanie s’avère être une plaque tournante géostratégique de première importance. Cette région est en effet frontalière avec la Jordanie, mais surtout avec le Liban et la Syrie. La confrontation impérialiste permanente entre la Syrie et Israël place donc la Cisjordanie au centre d’enjeux vitaux, que la montée des tensions entre l’Iran, Israël et les Etats-Unis ne fait qu’exacerber.
De son côté, la bourgeoisie palestinienne, même au sein d’une Autorité particulièrement affaiblie et plus divisée que jamais depuis la mort de son leader historique Arafat, ne peut que réagir de plus en plus violemment pour défendre ses propres intérêts. Les mouvements les plus radicaux de la bourgeoisie palestinienne, tels le Hamas, par delà les discours idéologiques apaisants de circonstance, vont être poussés eux-mêmes dans une fuite en avant guerrière. La Cisjordanie aujourd’hui est une véritable poudrière, où populations israélienne et palestinienne maintenant séparées par des murs et des barbelés, seront exposées au même développement de la misère, aux explosions de frustration et de colère, creusant le lit du radicalisme et du terrorisme le plus aveugle. La Cisjordanie, transformée en gigantesque ghetto abritant une population désespérée, encore beaucoup plus nombreuse et privée de tout que dans la bande de Gaza, est vouée à s'enfoncer dans un chaos sanglant.
Un pas de plus dans la décomposition
Au Moyen-Orient, la montée de la guerre et du chaos s’accélère, et les discours sur la paix tenus par les grandes métropoles capitalistes et les bourgeoisies israélienne comme palestinienne ne pourront rien y changer. L’hypocrisie de la politique des bourgeoisies locales ne peut que provoquer une accélération de la décomposition dans toute la région. Le prolétariat n’a rien à attendre des mensonges de la bourgeoisie sur la paix. Dans le capitalisme, il ne peut exister que la paix des tombes. Les poisons nationalistes et religieux qui prolifèrent tout particulièrement dans cette région, que ce soit du côté palestinien ou israélien ne peuvent conduire qu’à l’enfoncement dans une barbarie croissante.
Tino (24 août)
« Dirigeants du monde », « terroristes internationaux » :
Ils sont tous responsables du massacre des ouvriers.
Qui sont les premières victimes des attentats terroristes dans le centre de Londres le 7 juillet 2005 ? Comme à New York en 2001 et à Madrid en 2004, les bombes visaient délibérément les ouvriers, les gens qui s'entassent dans les métros et les bus pour aller au travail. Al Qaida qui revendique la responsabilité de ce meurtre de masse, dit qu'elle a voulu venger "les massacres perpétrés en Irak par l'armée britannique". Mais la boucherie sans fin que subit la population irakienne,n'est pas la faute de la classe laborieuse de Grande Bretagne ; ce sont les classes dominantes de Grande Bretagne, d'Amérique qui en sont responsables - sans parler des terroristes de la soi-disant 'Résistance' qui sont quotidiennement impliqués dans le massacre d'ouvriers et de civils innocents à Bagdad et dans les autres villes. Pendant ce temps, les architectes de la guerre en Irak, les Bush et les Blair, restent sains et saufs ; pire encore, les atrocités commises par les terroristes leur fournissent le prétexte idéal pour lancer de nouvelles aventures militaires, tout comme ils l'ont fait en Afghanistan et en Irak après le 11 septembre.
Tout cela est dans la logique de la guerre impérialiste : des guerres menées dans l'intérêt de la classe capitaliste, des guerres pour la domination de la planète. La grande majorité des victimes de ces guerres, ce sont les exploités, les opprimés, les esclaves salariés du capital. La logique de la guerre impérialiste excite la haine nationale et raciale, fait, de populations entières, "l'ennemi" à insulter, à attaquer et à abattre. Elle monte les ouvriers les uns contre les autres et les empêche de défendre leurs intérêts communs. Pire, elle appelle les ouvriers à rallier le drapeau national et l'Etat national, à marcher de plein gré à la guerre en défense d'intérêts qui ne sont pas les leurs, mais ceux de leurs exploiteurs.
Dans sa déclaration sur les attentats de Londres depuis la réunion des riches et des puissants au Sommet du G8, Blair a dit : "Il est important cependant que ceux qui sont engagés sur la voie du terrorisme sachent que notre détermination à défendre nos valeurs et notre mode de vie est plus grande que leur détermination à semer la mort et la destruction chez une population innocente".
La vérité, c'est que les valeurs de Blair et celles de Ben Laden sont exactement les mêmes. Ils sont aussi prêts l'un que l'autre à semer la mort et la destruction chez une population innocente pour défendre leurs intérêts sordides. La seule différence, c'est que Blair est un grand gangster impérialiste et Ben Laden un petit. Nous devons rejeter totalement tous ceux qui nous demandent de choisir un camp contre un autre.
Toutes les déclarations de solidarité avec les victimes des attentats de Londres proclamées par 'les dirigeants du monde' sont de la pure hypocrisie. Le système social qu'ils dirigent depuis le siècle dernier, a anéanti des dizaines de millions d'êtres humains dans deux guerres mondiales barbares et des conflits sans nombre, de la Corée au Golfe, du Vietnam à la Palestine. Et contrairement aux illusions que sèment Geldof, Bono et autres organisateurs de concerts humanitaires, ils dirigent un système qui, par sa nature même, ne peut pas "make poverty history", jeter la pauvreté aux poubelles de l'histoire, mais condamne au contraire les populations par centaines de millions à une misère croissante et empoisonne tous les jours la planète pour défendre ses profits. La solidarité que veulent les dirigeants du monde est une fausse solidarité, l'unité nationale entre les classes qui leur permettra de déchaîner de nouvelles guerres dans le futur.
La seule véritable solidarité est la solidarité internationale de la classe ouvrière, fondée sur les intérêts communs des exploités de tous les pays. Une solidarité qui dépasse toutes les divisions raciales et religieuses et qui est la seule force capable de s'opposer à la logique capitaliste du militarisme et de la guerre.
L'histoire a montré la puissance d'une telle solidarité : en 1917-18, quand les mutineries et les révolutions en Russie et en Allemagne ont mis fin au carnage de la Première Guerre mondiale. Et l'histoire a aussi montré le prix terrible que la classe ouvrière a dû payer quand cette solidarité a été à nouveau remplacée par la haine nationale et la loyauté à la classe dominante : l'holocauste de la Seconde Guerre mondiale. Aujourd'hui, le capitalisme répand à nouveau la guerre sur la planète. Si nous voulons l'arrêter de nous engloutir dans le chaos et la destruction, nous devons rejeter tous les appels patriotiques de nos dirigeants, lutter pour défendre nos intérêts en tant qu'ouvriers et nous unir contre cette société mourante qui ne peut rien nous offrit que l'horreur et la mort à une échelle toujours grandissante.
(Courant communiste international, 7 juillet 2005)
Pendant trois semaines en juillet, le monde a tremblé face à une vague d'attentats meurtriers d'une fréquence sans précédent, de Londres à Charm El-Cheikh et en Turquie. A ceux-là s’ajoutent les bombes explosant quotidiennement en Irak, en Afghanistan, au Liban ou au Bengladesh. Les Etats et leurs gouvernements cherchent à nous faire croire qu'ils combattent le terrorisme et qu'ils sont capables de protéger les populations des attentats. Quels mensonges !
Le terrorisme est une expression de la barbarie guerrière du capitalisme
Les Etats ne combattent pas le terrorisme. Ce sont eux qui le sécrètent et le font prospérer. Ce sont de plus en plus clairement tous les Etats, grands ou petits, qui commanditent, infiltrent, manipulent, utilisent les fractions, groupes et nébuleuses terroristes partout dans le monde pour défendre ou faire valoir leurs sordides intérêts. Le terrorisme est aujourd'hui devenu une arme de plus en plus fréquemment utilisée dans la guerre ouverte ou larvée que se livrent les bourgeoisies du monde entier. Rappelons que Ben Laden et le groupe Al Qaida eux-mêmes ont été formés à l'école américaine de la CIA dans les années 1980 pour organiser la résistance à l'occupation des troupes russes en Afghanistan. Nombre de dirigeants politiques bourgeois aujourd'hui présentés comme respectables, de Begin à Arafat en passant par Gerry Adams, sont d'anciens chefs terroristes.
Ce phénomène constitue un pur produit du capitalisme pourrissant, une des manifestations les plus criantes de la barbarie de la société capitaliste. L'Etat bourgeois profite des sentiments d'insécurité permanente, de peur et d'impuissance suscités par de tels actes dans les populations pour se présenter comme le seul rempart possible contre la montée du terrorisme. Rien n'est plus faux ! La classe ouvrière ne peut que se sentir directement interpellée, indignée et révoltée par ces attentats parce que souvent, comme à New York en 2001, à Madrid en 2004 ou à Londres cette année, ce sont des prolétaires qui se rendent sur leur lieu de travail qui sont les principales victimes de ces actes barbares. Mais la solidarité envers les victimes de ces attentats de la part de leurs frères de classe face au terrorisme ne passe nullement par l'union nationale avec la bourgeoisie mais au contraire par le refus catégorique de cette union sacrée. L'Etat nous demande de resserrer les rangs autour de sa défense et de la démocratie dans un même élan d'union nationale. On ne peut lui faire aucune confiance pour protéger les populations du terrorisme. Ce sont les gouvernements, en tant que fauteurs de guerre, qui sont responsables de ce déchaînement d'horreurs qu'ils sont bien incapables d'enrayer. Plus la bourgeoisie déclare ouvertement la guerre au terrorisme, plus se multiplient les attentats, plus les grandes puissances se vautrent dans le sang et la boue et précipitent les populations dans un engrenage sans limites de violence, de guerre et de représailles. Les seules mesures concrètes que puissent adopter la bourgeoisie au nom de l'anti-terrorisme, c'est la mise en place des différents plans Vigipirate ou ses équivalents, destinés à faire accepter un brutal renforcement de l'appareil répressif et permettant surtout la multiplication des moyens de contrôle et de surveillance de la population.
A quoi servent les campagnes anti-terroristes de la bourgeoisie ?
Les campagnes anti-terroristes actuelles ont permis de justifier avant tout un renforcement sans précédent de l’appareil répressif. La situation en Grande-Bretagne en constitue une illustration édifiante. L’exemple le plus flagrant a été l’assassinat d’un jeune Brésilien dans le métro londonien avec l’autorisation donnée à la police de tirer à vue sur tout suspect (voir article page 4). La bourgeoisie anglaise a rapidement compris que la classe ouvrière n’était pas prête à se ranger derrière les intérêts de l'Etat bourgeois au nom de "l'anti-terrorisme". Elle s'est bien gardée d'appeler à des manifestations monstres comme celles organisées en avril 2004 contre le terrorisme dans les rues de Madrid et de toute l'Espagne après les attentats en gare d'Atocha. C’est d'ailleurs probablement elle-même qui a organisé une seconde série "ratée" d'attentats, qui avait tout d'un simulacre, précisément dans le but de relancer le message de la mobilisation nationale et pour mieux faire passer aux yeux des prolétaires les méthodes de quadrillage et de surveillance policière.
Malgré cela, la classe ouvrière a démontré qu'elle ne se laissait pas intimider. La grève d'un millier de salariés à l'aéroport d'Heathrow en Grande-Bretagne en solidarité avec 670 de leurs frères de classe brutalement attaqués et menacés de licenciement à côté d'eux en est une preuve irréfutable . En dépit de la pression policière existante, cette lutte a clairement démontré que ce qui est en jeu pour les prolétaires n'est pas le maintien de l'ordre bourgeois et sa terreur mais la défense de ses intérêts de classe face aux attaques qu'ils subissent. Et c'est justement le développement de ses luttes qui est à l'ordre du jour. Cette reprise des luttes ouvrières face à la mise en œuvre parallèle des moyens policiers montre justement quel est le véritable objectif de tout ce déploiement policier. La préoccupation essentielle de la bourgeoisie n’est nullement la chasse aux terroristes. Elle sait par contre qu'avec l'aggravation de la crise économique mondiale, elle va devoir imposer des attaques de plus en plus féroces au prolétariat et faire face à un développement à l'échelle internationale des luttes de résistance de la classe ouvrière à ces attaques.
La lutte de classe est le seul moyen de combattre la terreur capitaliste
Il n'existe pas de solution-miracle, immédiate, qui permette du jour au lendemain d'empêcher les attentats terroristes, pas plus que la guerre impérialiste de se déchaîner sur la planète. Une seule classe a la possibilité de s'opposer à terme à la montée en puissance du terrorisme, de la guerre et de la barbarie, c'est le prolétariat à travers le développement de ses luttes de résistance aux attaques de la bourgeoisie sur son terrain de classe. Le véritable enjeu qui menace l'ordre bourgeois, c'est qu'à travers le développement de la lutte de classe, la classe ouvrière est amenée à prendre conscience du lien existant entre les attaques qu'elle subit avec la guerre et le terrorisme qui débouche sur la remise en cause du système capitaliste dans son ensemble et sur la nécessité de sa destruction.
Et c'est seulement à travers le renversement du système capitaliste et de ses rapports d'exploitation que la classe ouvrière peut y parvenir. Les méthodes et les moyens d'action du prolétariat qui reposent sur la conscience et la solidarité de classe, sur le caractère collectif, unitaire, internationaliste de ses luttes sont radicalement opposées et antagoniques à ceux du terrorisme.
La classe ouvrière en Grande-Bretagne a démontré la capacité des prolétaires à affirmer leur réponse au chantage de la bourgeoisie à travers leur solidarité sur un terrain de classe face aux licenciements et aux attaques du capitalisme. C'est de cet exemple que les prolétaires de tous les pays doivent s'inspirer. C'est en menant leur combat de classe sur un terrain de résistance et de solidarité face aux attaques économiques qu'ils subissent, qu'ils pourront opposer une alternative et une perspective à l'impasse et à la barbarie guerrière du monde capitaliste qui menace la survie de l'humanité toute entière.
Non à l'union nationale, oui à la solidarité de classe !
Wim (24 août)
La multiplication des accidents d'avion (6 en 2 mois, 330 morts…) cet été ne sont nullement imputables à une quelconque loi des séries, à la fatalité comme le prétendent chaque fois les médias, pas plus qu'à des erreurs humaines comme le concluent la plupart des commissions d'enquête ordonnancées par la suite. Le véritable responsable de ces catastrophes, c'est le système capitaliste et sa loi du profit qui, au péril de la vie des passagers, pousse à faire voyager de plus en plus de monde à bord de véritables cercueils volants, pour faire baisser au maximum les coûts de revient. Alors que les aéroports comme les compagnies aériennes sont confrontés à un trafic aérien de plus en plus intense et embouteillé, deux seuls impératifs : économiser sur le personnel comme sur le matériel et rentabiliser à tout prix face aux concurrents. La fuite en avant dans une concurrence démentielle entre les compagnies aériennes, les tours-opérateurs, les aéroports s'est encore exacerbée avec le succès de la formule publicitaire du voyage à bas prix à bord de vols charters. Impossible de respecter les normes de sécurité les plus élémentaires ou d'effectuer des contrôles sérieux quand la majorité de la flotte aérienne est désormais composée de vieux coucous dont l'âge, l'état ou le nombre d'heures de vol exigerait une mise à la casse immédiate et provoquerait instantanément la faillite de pratiquement toutes les compagnies aériennes. D'ailleurs, les rapports alarmants sur l'état du parc des charters dans les aéroports sont systématiquement enterrés. Par exemple, le MD-82 de la West Caribbean qui s'est écrasé au Venezuela effectuait régulièrement jusqu'à douze vols quotidiens ([1] [614])...
Il ne faut pas se faire la moindre illusion. Tant que le capitalisme existera, de telles catastrophes meurtrières ne pourront qu'être de plus en plus fréquentes.
[1] [615] L'Etat français a par ailleurs dans ces circonstances illustré tout le cynisme de la bourgeoisie en allant jusqu'à faire payer le voyage et la prise en charge des familles des victimes martiniquaises de la catastrophe pour aller reconnaître les corps de leurs proches par les habitants des communes et les collectivités locales, sans débourser d'autre frais que le déplacement officiel de Chirac aux obsèques…
Nous publions ci-dessous le courrier d'une lectrice auquel nous apportons notre soutien et qu'il n'est pas nécessaire de commenter.
Chers camarades,
Voici une petite contribution concernant mes impressions quant au brevet des collèges.
En effet, en tant qu’enseignante, j’ai été de surveillance pour l’épreuve d’histoire – géographie – éducation-civique du brevet en juin. J’ai donc découvert en même temps que nos chères têtes blondes la cuvée 2005… et quelle cuvée ! 1 doigt de documents triés, 2 doigts de questions orientées, 3 doigts de réflexion dirigée, saupoudrez le tout de quelques graines de démocratisme… et vous obtiendrez la délicieuse liqueur de fleur de brevet !
Tout le sujet puait l’hypocrisie et la manipulation. L’Etat prétend développer à travers son école la réflexion, l’esprit critique et la compréhension du monde, mais c’est une belle mascarade. Voyez plutôt. ([1] [616])
Le sujet d’histoire concernait "les années De Gaulle". Ici, les élèves, des gamins de 14-15 ans, n’avaient pas le choix, ils devaient glorifier la France : "vous montrerez que les années De Gaulle sont une période d’affirmation de la puissance française au niveau national et international".
Tout d’abord, les documents balançaient des extraits de discours de De Gaulle pour mieux nous convaincre de la véracité de la thèse à défendre : "aujourd’hui, (le) poids et (le) rayonnement (de la France) sont reconnus partout dans l’univers", "nous sommes à présent en plein essor de prospérité et de progrès social".
Ensuite, l’une des principales preuves de la puissance retrouvée était la modernisation de l’armée française avec "la première bombe atomique française (qui) explose au Sahara" en 1960 et le "lancement du Redoutable, premier sous-marin nucléaire français lanceur d’engins" en 1967 !
Enfin, et surtout, la toute nouvelle émancipation de l’impérialisme français était pointée du doigt au travers "le retrait de la France du commandement militaire intégré de l’OTAN" (qui, comme chacun sait, est sous la domination américaine) en 1966 et la fermeture des "bases militaires américaines sur le territoire français" un an plus tard. Ici on ne fait qu’effleurer du bout de la plume l’anti-américanisme si présent aujourd’hui, mais cette allusion très lourde de sens ne vise qu’à enrôler un peu plus derrière le drapeau tricolore et à justifier la politique actuelle. Et ce d’autant plus que le dernier document présentait le rapprochement franco-germanique au travers la visite du général De Gaulle au chancelier Adenauer en 1962 parmi une foule brandissant des banderoles "vive l’Europe unie", "pour une Europe fédérée".
Comme nous sommes en démocratie, nos chérubins ont eu le choix : sujet d’histoire ou géographie. Donc s’ils ne voulaient pas crier "Vive la France", la bourgeoisie leur laissait l’alternative de chanter "A bas les Etats-Unis". Le titre du sujet de géographie donnait en effet le ton : "Les Etats-Unis, une super-puissance contestée".
Sans jamais critiquer ouvertement les Etats-Unis, les questions, les documents distillaient insidieusement un sentiment anti-américain, faisant ainsi écho à la propagande partout présente dans les journaux, à la télévision, etc. On demandait effectivement aux élèves de démontrer la suprématie militaire, économique et culturelle… mais les textes choisis étaient acerbes : "A l’exception de 2 ou 3 industries cinématographiques qui résistent encore (l’Inde et la France, par exemple), Hollywood exerce une domination absolue sur le cinéma mondial – donc "sur nos rêves et dans nos têtes", dit-on en Europe." Le but était clair : faire ressentir une aversion pour cet Etat.
Mais le plus écoeurant a été le cynisme avec lequel ont été abordés les évènements du 11 septembre : pas une seule fois n’ont été évoqués les 2000 morts, pas une seule fois n’a été critiquée l’atrocité du terrorisme. Au contraire, en demandant aux élèves "Comment la puissance américaine a-t-elle été contestée le 11 septembre 2001 ?", l’idée insinuée n’était autre que du type, vulgairement parlant, "bien fait pour leur gueule" ! Ce sentiment était renforcé par la caricature de Plantu illustrant la question qui montre l’Oncle Sam, dont les jambes sont le World Trade Center, attaqué par deux boeing.
Le choix des sujets était donc un faux choix :
chauvinisme français ou anti-américanisme. Le résultat est le même, c’est la
défense des intérêts impérialistes français.
Le troisième sujet, obligatoire pour tous celui-là, est venu enfoncer le clou encore un peu plus. A travers une discipline entièrement consacrée à l’idéologie bourgeoise, l’éducation-civique, la classe dominante endoctrine les enfants de la classe ouvrière. Elle leur a imposé de démontrer que "l’engagement du citoyen dans la vie politique, associative et syndicale permet une vie sociale plus solidaire" ! Les documents martelaient sans cesse le même message : "les associations donnent aux citoyens l’occasion d’entreprendre autrement pour d’autres motifs que la stricte recherche du profit", "les associations permettent de créer de telles solidarités", "la défense de l’esprit civique conduit à inciter au geste fondamental d’insérer un bulletin dans une urne", etc. Il fallait leur faire entrer dans le crâne que ce système, même s’il n’est pas parfait, permet de lutter pour une vie plus juste, sans "racisme", sans "misère", avec des vacances pour tous grâce au Secours Populaire !
Tout cet endoctrinement martelé à ces jeunes cerveaux pour être sûr qu’ils n’iront pas réfléchir plus loin est écoeurant. J’en avais la nausée. Je ne pouvais même pas leur expliquer que le nationalisme et le démocratisme ne mènent à rien. La manipulation était grossière mais maligne, aucune discussion ne faisant jamais suite à ces examens et la critique de toute façon difficile sous peine d’être accusé de prosélytisme.
La question à se poser reste : pourquoi un tel acharnement propagandiste ? La réponse est simple : les enfants du prolétariat, futurs ouvriers eux-mêmes, vivent dans un monde de plus en plus barbare où la guerre et la misère deviennent des horreurs quotidiennes. La noirceur et l’incertitude du futur promis pas le capitalisme ne peuvent qu’engendrer chez ces jeunes un questionnement (à l’image des manifestations lycéennes de l’hiver dernier). La bourgeoisie s’empresse donc d’apporter ses réponses, de dévoyer la réflexion vers ses impasses : le chauvinisme et la démocratie.
Fraternellement.
Lily.
[1] [617] Toutes les citations sont extraites de l’épreuve d’histoire – géographie (J1) et éducation civique du diplôme national du brevet, série collège, options LV2 et technologie, session 2005.
Après la victoire du Non au référendum, le gouvernement avait lancé la promesse de s'attaquer en priorité au problème de l'emploi et du chômage. Dans la bouche de la bourgeoisie, cela ne pouvait signifier qu’une chose : une nouvelle attaque en règle contre les chômeurs et contre l'ensemble de la classe ouvrière. Aujourd'hui, les "100 jours" que s'était donnés de Villepin pour régler la question arrivent à leur terme. Et la bourgeoisie aura largement profitée des vacances d’été pour faire passer en urgence (et par voie d’ordonnance) sa série de nouvelles mesures anti ouvrières.
Une attaque contre les chômeurs
Chirac avait déjà donné le sens de l'action du gouvernement lors de la Garden Party du 14 juillet à l'Elysée : "Il y a trop de Français qui ne sont pas incités ou encouragés par des procédures adaptées à prendre des emplois." Autrement dit, les ouvriers réduits au chômage seraient des fainéants et des tire-au-flanc qu'il faudrait inciter à travailler...
Donc, le gouvernement s'est engagé plus résolument encore que ses prédécesseurs, de droite comme de gauche, à les éliminer purement et simplement des listes de l'ANPE et à supprimer leurs allocations. Ainsi, l'accès aux indemnité-chômage va diminuer de façon drastique, sous prétexte de "pousser à la recherche d'emploi" : moins 20% de l'allocation après un premier refus de l'emploi "sans motif légitime", 50% au deuxième, puis suppression totale pour "absence d'actes positifs de recherche d'emploi". Par la mise en oeuvre de ces directives, le gouvernement prétend "abolir l'assistanat" qui ronge la société française, portant en réalité un coup violent sur les chômeurs, en faisant baisser à la fois le coût qu'ils représentent et les chiffres officiels du chômage.
Les trois millions d'ouvriers au chômage qui existent officiellement en France vont donc être mis en demeure de choisir entre le travail à n'importe quelles conditions et n'importe quel salaire ou la disparition dans le néant avec la pire misère. Et ils seront nombreux à subir inexorablement la seconde "solution". Ainsi, officiellement, seulement 215 000 emplois ne trouvent pas preneurs sur l'ensemble du marché du travail, ce qui ne représente qu'un emploi environ pour cinq chômeurs ; mais, de plus, l'ANPE estime elle-même qu'en réalité ce chiffre se réduirait à 97 000 du fait que les employeurs ne déclarent pas leurs embauches à celle-ci. On mesure là l'énormité de l'hypocrisie et des mensonges gouvernementaux.
Pour mettre en évidence l'efficacité d'une accélération de son action "pour défendre l'emploi", le gouvernement s'est vanté de la baisse du chômage de 1,4% fin juin. Et il s'avère en effet que cette diminution est la conséquence de la "mise à jour" des fichiers de l'ANPE, c'est-à-dire de la radiation de nombreux chômeurs.
Pour le premier ministre de Villepin, le contrat nouvelle embauche (CNE) repose sur un "équilibre fondamental", celui de "plus de souplesse pour l'employeur les deux premières années, plus de garanties pour le salarié en cas de rupture". Il est clair que c'est tout bénéfice pour les employeurs, pour lesquels la "ristourne" est évidente : virer à volonté le personnel, directement en fonction des besoins du marché, sans préavis, sans justification aucune, et faire peser en permanence sur la tête des ouvriers la menace du licenciement afin d'avoir une main d'oeuvre plus corvéable et docile. Comme le disait un chef d'entreprise : "Le CNE nous permet de minimiser les risques si le projet ne marche pas. Rompre un contrat en CDI est plus compliqué." (Le Monde du 10 août 2005)
La seule "garantie" pour les jeunes salariés embauchés dans le cadre d'un CNE sera à coup sûr d'être exploités sans merci.
Voilà donc une des armes de choc que le gouvernement a sorties de son chapeau et dont il s'est empressé de faire accélérer la mise en oeuvre avant même septembre, contrairement à ce qui était prévu initialement. Loin de régler la question de l'emploi et du chômage, elle va accentuer la précarité des conditions de vie et de travail d'une partie mais aussi de toute la classe ouvrière. Ainsi, pendant le dernier trimestre 2004, 3 recrutements sur 4 ont été effectués en CDD, ce qui est révélateur de cette tendance que le CNE va encore venir alourdir.
De plus, la création du CNE, liée aux mesures sur les chômeurs pour leur faire accepter n'importe quoi sous peine de radiation, vient ajouter à la pression grandissante qui existe dans tous les secteurs et pour tous les âges à la baisse des salaires.
Dans le contexte de concurrence internationale qui fait rage, il s'agit de faire payer la crise économique aux prolétaires et de leur imposer les exigences d'un capital national aux prises avec la guerre commerciale.
La "riposte" des syndicats : une mascarade pour mieux faire passer les attaques anti-ouvrières
Les syndicats nous parlent de journées d'action pour "fêter l'anniversaire des 100 jours" à la rentrée. Quelle foutaise ! Pendant l'été, les mesures gouvernementales sont allègrement passées, devant des syndicats sans réaction, et qui parlent à présent de "rentrée chaude" et de "riposte unitaire". Mais si, d'un côté, ils ont laissé se mettre en place les attaques de fond dans le silence le plus complet, ils ne sont pas restés inactifs sur le terrain, face à de nombreuses grèves qui se sont déroulées cet été et dans tous les secteurs.
Chez Bata, à La Poste, dans certains centres de tri, chez Michelin, chez Nestlé, Virgin, Pizza Hut, dans le transport aérien, chez les cheminots d'Effia (entreprise privée employant des cheminots pour la SNCF), à FR3, chez les saisonniers agricoles, etc., partout, face à la lutte, les syndicats se sont efforcés d'enfermer les ouvriers dans le cadre du corporatisme de boîte le plus étroit, pour mieux faire passer les multiples attaques dont les ouvriers sont l'objet. Licenciements, fermetures d'usines, baisses des salaires, ils n'ont eu de cesse de canaliser la colère dans le secteur et d'isoler les ouvriers pour mieux briser la lutte et surtout empêcher la prise de conscience que c'est partout que la classe ouvrière est attaquée.
Face à l'offensive que la bourgeoisie, en France comme ailleurs, est contrainte de mener avec violence et avec une force qui ne peut que s'accroître, les ouvriers ne peuvent nullement compter sur les syndicats pour se défendre et pour mettre en avant les besoins vitaux d’extension et d’unité de la lutte ; au contraire, leur boulot, c’est de la saboter, de l'éparpiller en divisant et en affaiblissant la classe ouvrière. Ce sont les ouvriers eux-mêmes qui peuvent développer cette riposte, en prenant conscience de leurs propres forces, en sortant de l'isolement que leur imposent les syndicats et en allant chercher la solidarité avec leurs frères de classe qui subissent les mêmes attaques. La classe ouvrière en a les moyens : les ouvriers de l'aéroport d'Heathrow qui se sont mis en grève en solidarité avec des ouvriers d'un autre secteur ont encore montré cette capacité et cette nécessité qui se fait de plus en plus jour dans les rangs des prolétaires. Mais pour cela, il ne faut pas faire confiance aux syndicats et les rejeter, car ce sont les premiers ennemis de la solidarité ouvrière et du développement de ses forces.
KW (25 août)
La bourgeoisie démocratique prépare ses escadrons de la mort.
Vendredi 22 juillet, à 10 heures du matin, des policiers ont abattu froidement, de 5 balles de révolver tirées à bout portant, Jean-Charles de Menezes, un électricien brésilien de 27 ans. Le crime de ce jeune ouvrier, qui lui a valu cette exécution sommaire : se trouver au mauvais endroit au mauvais moment et, peut être (car on peut toujours douter de la version officielle), d'avoir pris la fuite devant un groupe de policiers menaçants qui l'avaient pris pour quelqu'un d'autre. Cela ne s'est pas passé dans une favela de Rio de Janeiro et les policiers flingueurs n'appartiennent pas aux "escadrons de la mort" qui, au Brésil et dans beaucoup d'autres pays du tiers-monde, ont carte blanche des autorités pour "nettoyer" les "asociaux" (petits délinquants ou opposants politiques). Cela s'est passé à Londres, la capitale du "pays le plus démocratique du monde" et les flics en question sont des "bobbies", connus dans le monde entier pour leur bonhomie, fonctionnaires de la police la plus prestigieuse du monde, Scotland Yard.
Évidemment, ce crime a provoqué une certaine émotion parmi les porte-parole de la classe bourgeoise : le Financial Times parle du "virage potentiellement dangereux" pris par les forces de sécurité. Évidemment, le chef de la police de Londres, Sir Ian Blair, a "regretté" cette "bavure" et a présenté ses condoléances à la famille de la victime. Évidemment, une enquête est ouverte pour "établir la vérité". Il est même possible qu'un ou deux policiers soient sanctionnés pour ne pas avoir su faire la différence entre un brésilien catholique et un pakistanais musulman. Mais les véritables responsables du crime, ce ne sont pas les porte-flingue qui ont appuyé sur la gâchette. S'ils ont assassiné le jeune Jean-Charles, c'est qu'ils avaient reçu l'ordre de "tirer pour tuer".
Les explications ne manquent pas, marquées de toute la subtile hypocrisie qui caractérise la classe régnante britannique. D’après Sir Ian Blair, "Il n’y a là rien de gratuit, pas la moindre légèreté. Il n’y a pas de politique de ‘tirer pour tuer’, il y a une politique de ‘tirer pour tuer pour protéger’" ([1] [618]) Son prédécesseur, John Stevens, qui n’a plus besoin de pratiquer la langue de bois, avait annoncé la couleur il y a quelques mois : "Il n'y a qu'un seul moyen sûr de stopper un kamikaze déterminé à accomplir sa mission : lui brûler la cervelle sur le champ et totalement. Cela signifie viser la tête avec une puissance dévastatrice, le tuer immédiatement." ([2] [619]) Mais il n'y a pas que les flics pour tenir un tel discours ; c'est le très "gauchiste" maire de Londres, Ken Livingstone, qui justifie l'assassinat en ces termes : "Si vous avez affaire à un kamikaze potentiel, qui peut déclencher des explosifs, la politique qui s'applique est celle du 'tirer pour tuer'".([3] [620])
Il ne faut pas s'y tromper, l'argument du "kamikaze déterminé à accomplir sa mission" n'est qu'un prétexte fallacieux : quand les troupes britanniques flinguaient des irlandais innocents qu'elles avaient pris pour des terroristes, ce n'est pas parce que les vrais terroristes de l'IRA étaient des kamikazes (d'ailleurs, l'Église catholique réprouve le suicide). En réalité, pour l'État capitaliste, en Grande-Bretagne et dans tous les pays "démocratiques", les actes terroristes, comme ceux du 7 et du 21 juillet à Londres, sont toujours l'occasion de renforcer les mesures de répression, d'avancer dans la mise en oeuvre de méthodes qui sont celles des régimes "totalitaires" et surtout d'habituer la population à ces méthodes. C'est ce qui s'est passé par exemple après le 11 septembre 2001 aux États-Unis ou en France après les attentats de 1995 attribués aux "Groupes Islamistes Armés" algériens. Pour la propagande officielle de la classe dominante il faut choisir : soit accepter une présence de plus en plus étouffante de la police dans tous les moments et tous les lieux de notre vie, soit "faire le jeu du terrorisme".
Aujourd'hui, en Grande-Bretagne, cette toute puissance de la police atteint un de ses points extrêmes : les flics ont non seulement le droit mais l'ordre de tuer toute personne qui leur paraît "suspecte" pour peu que celle-ci n'obéisse pas immédiatement à leurs injonctions. Et cela au pays qui a inventé "l'Habeas Corpus", c'est-à-dire l'interdiction des arrestations arbitraires, dès 1679. Traditionnellement, en Grande-Bretagne, comme dans tous les pays "démocratiques", on ne pouvait pas mettre en prison une personne sans la présenter rapidement à un juge. Aujourd’hui, dans ce pays, il y a déjà des personnes enfermées à la prison de Belmarsh (près de Londres) et qui sont détenues sans procès. Maintenant, elles peuvent être tirées à vue dans la rue ! ([4] [621])
Pour l'heure, ceux qui sont officiellement visés, ce sont les "terroristes kamikazes". Mais ce serait une terrible erreur de croire que la bourgeoisie, la classe qui dirige la société, en restera là. L'histoire a démontré à de nombreuses reprises que lorsque cette classe se sent menacée, elle n'hésite pas à fouler au pieds ses grands principes "démocratiques". Dans le passé, ces principes avaient été un instrument de son combat contre l'arbitraire et la domination de l'aristocratie. Ensuite, lorsqu'elle dominait elle-même sans partage et sans menace la société, elle avait pu les conserver comme ornements, en particulier pour tromper les masses exploitées et leur faire accepter l'exploitation. Ainsi, au 19e siècle, la bourgeoise anglaise toute-puissante pouvait se payer le luxe de laisser entrer en Grande-Bretagne les réfugiés politiques des révolutions vaincues du Continent qui étaient chassés de tous les autres pays, comme les ouvriers français victimes de l'écrasement de la Commune de Paris de 1871.
Aujourd'hui, ce n'est pas le "terrorisme islamiste" qui menace la bourgeoise. Les principales victimes de ce terrorisme criminel, ce sont les ouvriers et les employés qui prennent le métro pour se rendre à leur travail où qui travaillaient dans les bureaux des Twin Towers. De plus, le "terrorisme", grâce à l'horreur légitime qu'il inspire dans la population, a constitué un excellent prétexte à tout une série d'États pour justifier leurs aventures impérialistes en Afghanistan et en Irak.
Non, la seule force dans la société qui puisse menacer la bourgeoisie est la classe ouvrière. Pour le moment, les combats ouvriers sont encore loin d'ébranler l'ordre bourgeois, mais la classe dominante sait parfaitement que la crise insurmontable de son système et les attaques toujours plus violentes qu'elle sera conduite à porter contre les prolétaires pousseront de plus en plus ces derniers à engager des combats de grande ampleur jusqu'à menacer le pouvoir des exploiteurs. Alors, ce ne sont pas les "terroristes" qui se feront tirer comme des lapins, mais les ouvriers les plus combatifs et les éléments révolutionnaires, les communistes (qui seront alors traités de terroristes). ([5] [622]) Et sans "Habeas Corpus".
Ce ne sont pas là des spéculations ou des prédictions tirées d'une boule de cristal. C'est ainsi qu'a toujours agi la bourgeoise lorsque ses intérêts vitaux étaient menacés. Le traitement habituellement réservé aux populations colonisées ou du tiers-monde par la bourgeoisie de TOUS les pays "démocratiques", elle l'applique aussi aux prolétaires de ces pays quand ils se révoltent contre leur exploitation. Ainsi, en 1919, dans une Allemagne gouvernée alors par le parti Social-Démocrate, c'est-à-dire le parti de Gerhard Schröder, cousin du Labour de Tony Blair, on a massacré par milliers les ouvriers qui, à la suite de la révolution de 1917 en Russie, s'étaient dressé contre l'ordre bourgeois. Quant aux révolutionnaires comme Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht, ils ont été assassinés par les militaires qui les avaient arrêtés sous prétexte qu'ils avaient "tenté de fuir".
L'ignoble assassinat du 22 juillet à la station Stockwell ne doit pas seulement être dénoncé. Cela, les pleureuses habituelles qui geignent à chaque "atteinte aux droits démocratiques" sont capables de le faire aussi. Il doit surtout servir aux prolétaires de Grande-Bretagne et de tous les pays à comprendre la véritable nature et les véritables méthodes de leur ennemi de classe, la bourgeoisie. Ce sont des "escadrons de la mort" que la bourgeoisie prépare dès aujourd'hui, partout dans le monde, et que les prolétaires devront affronter demain.
Courant communiste international (24 juillet 2005)
[1] [623] Guardian.co.uk, 24 juillet
[2] [624] News of the World Sunday du 6 mars 2005 page 13, "Oubliez les droits de l’homme, chassez les fanatiques"
[3] [625] News24.com, 22 juillet
[4] [626] Grâce aux "lois spéciales" comme celles qui ont été utilisées pendant des années en Irlande du Nord.
[5] [627] En France, au moment des grandes grèves de l’automne 1995, le ministre de l’intérieur, Charles Pasqua, avait déjà comparé les ouvriers en grève aux "terroristes" qui avaient fait sauter une bombe dans le métro parisien quelques mois auparavant.
Nous publions ci-dessous un article sur le résultat des élections allemandes et sur leur signification, paru au lendemain des élections générales du 18 septembre dans le n°132 de Welt Revolution, notre organe de presse en Allemagne.
A l’issue des élections fédérales allemandes du 18 septembre 2005, il est clair qu’il n’y a pas de fraction gagnante. Si les chrétiens-démocrates (CDU-CSU) vont être la fraction la plus forte dans le nouveau Bundestag, ils ont néanmoins pris un sérieux revers électoral, avec seulement 35% des voix. Quant aux sociaux-démocrates, bien qu’ils aient nettement amélioré leur position au cours de la campagne, ils sont néanmoins arrivés avec leur troisième plus mauvais résultat depuis l’après-guerre (à peine plus de 34%). En ce qui concerne les libéraux (FDP), ils ont certes gagné des voix, regagnant ainsi leur statut de troisième fraction parlementaire, ils ont cependant raté leur but déclaré d’imposer le remplacement de la coalition gouvernementale "rouges-verts" (socialiste-écologiste) par une coalition "noirs-jaunes" (chrétiens-libéraux). Et bien que les verts aient pu relativement conserver leur part de voix, ils ont déclaré eux-mêmes la nuit des élections se trouver hors jeu. Seul le "Parti de Gauche-PDS" (un amalgame de l’ancien parti post-stalinien est-allemand –PDS- et de l’ex- fraction gauchiste du parti social-démocrate), concourant pour la première fois sous le nom de PDS peut être considéré comme ayant remporté un succès car, pour sa première apparition, il ramasse plus de voix que les verts.
Il faut cependant affirmer que le seul vainqueur de ces élections est l’ensemble de la classe bourgeoise, dans le combat qu’elle mène contre son principale ennemi, la classe ouvrière.
Lorsque le chancelier Schröder, suite à l’amère défaite de son parti, le SPD, aux élections provinciales du 21 mai dernier en Rhénanie-Wesphalie, appela prématurément à des élections générales pour cet automne, cette décision fut saluée par l’ensemble de la classe dominante comme une réponse nécessaire au sentiment grandissant de "fatigue face aux réformes" et au sentiment de "frustration par rapport à la politique" dans la population. A présent, ni la campagne électorale "courte mais intensive", ni le résultat produit (qualifié de "sensation" et "tremblement de terre politique") n’ont pu faire en sorte de dépasser cette impression d’aliénation envers "l’élite" dirigeante et son système politique. Mais ce que la bourgeoisie a réussi à faire, c’est de mobiliser la classe ouvrière vers les urnes en dépit de ces sentiments de frustration et d’aliénation. En réalité, le niveau de participation électorale, avec presque 78%, n’est que de un pour cent plus bas que celui des élections générales d’il y a trois ans. De plus, les différents débats télévisés entre politiciens ont réussi à attirer un nombre relativement élevé d’auditeurs. On ne peut non plus nier que, dans les semaines précédentes, les élections sont devenues le principal sujet de discussions dans les cafés et les lieux publics. D’autres thèmes, comme celui sur la façon dont laquelle la classe dominante, après les ravages de l’ouragan Katrina, a laissé livrés à eux-mêmes les plus pauvres de la population ouvrière, ont pu être traités de façon secondaire au bout de quelques jours. D’autres évènements, comme la grève de solidarité à British Airways à Londres, l’attaque énorme contre les ouvriers de Volkswagen à Wolfsburg, ou les licenciements massifs et les fermetures d’usines à Henschel dans la Ruhr, ou chez Siemens et Infineon, ont quasiment disparu. Comment la bourgeoisie a-t-elle réussi, en dépit de toute la frustration de la population envers sa politique, à mobiliser autant de gens pour ses élections, se drapant ainsi de la "légitimité" avec laquelle elle va ensuite essayer d’imposer des attaques encore plus brutales ? Comment a-t-elle réussi à donner à la classe ouvrière, qui est rappelée chaque jour aux réalités de la société de classe par la brutalité de la crise économique, insufflant pendant des mois l’idée que cette société après tout serait composée de "citoyens souverains", dont chacun, grâce au droit de vote, peut avoir une influence sur l’avenir de tous ?
Pour répondre à cette question, deux résultats notables des élections doivent être mis en avant. Le premier, c’est la performance du parti de gauche, le PDS. Depuis la "réunification" allemande, le PDS, successeur de l’ancien parti dirigeant de l’Allemagne de l’Est, a été réduit progressivement à un rôle mineur de parti régional d’opposition dans l’est de l’Allemagne. Aux dernières élections générales, pour la première fois, il réussissait à remplir le critère minimum pour former une fraction parlementaire. A présent, il apparaît comme un parti de taille nationale en doublant sa part de votes. Et bien que, à l’ouest, il ait manqué de justesse les 5% des voix –restant de ce fait un parti essentiellement de l’est- il a réussi à obtenir 18% des votes dans une région importante, la Sarre, grâce à son candidat, Oskar Lafontaine. Le score national de 8,7% réalisé par la coalition Parti de Gauche et PDS représente une grande partie d’électeurs qui, en l’absence d’une "alternative" de gauche, ne seraient probablement pas allés voter. Les chômeurs surtout ont voté pour la gauche. Lafontaine et le leader du PDS Gysi ont ainsi contribué au succès de la mobilisation électorale.
Deuxièmement, le retour du SPD au cours de la campagne électorale a lui aussi été significatif. La performance catastrophique de la social-démocratie aux élections de Rhénanie-Westphalie a été le déclencheur de la décision de dissoudre le Bundestag. Mais seulement quelques mois plus tard, le SPD a non seulement obtenu presqu’autant de voix que les chrétiens-démocrates, mais c’est aussi le parti qui a eu le plus de votes en Rhénanie-Westphalie. Cette province représente encore une des plus importantes concentrations de la classe ouvrière en Allemagne. En fait, la social-démocratie a réussi à mobiliser contre toute attente son électorat traditionnel. La bourgeoisie a accueilli ce score avec satisfaction, et pas seulement du point de vue de la mobilisation des ouvriers dans ces élections. Le SPD est le joyau de la couronne dans le système politique de la bourgeoisie allemande, peut-être même de l’Europe. En particulier, ce parti a joué un rôle décisif dans l’écrasement de la révolution en Allemagne - et donc de la révolution mondiale – à la fin de la Première Guerre mondiale. Une trop sévère défaite pour lui à ces élections aurait pu conduire à des luttes internes pour le pouvoir avec pour effet un affaiblissement à plus long terme de ce parti.
Au début de la campagne électorale, il était prévu une confortable majorité en faveur d’un gouvernement chrétiens-démocrates-libéraux, tandis que le SPD était crédité de moins de 30%. Même une majorité absolue pour les seuls chrétiens-démocrates était considéré comme possible. En lien avec cela, le résultat obtenu de fait par la CDU (plus de 35%) est quasiment un fiasco.
Comment cela est-il arrivé ? Après 7 ans durant lesquels le gouvernement Schröder-Fischer a imposé des attaques de plus en plus brutales, minimisant même les mesures prises sous le gouvernement d’Helmut Kohl, une tendance s’est développée dans la population de vouloir punir le SPD sous une sorte de protestation électorale. Cette attitude, loin de déplaire à la classe dominante, a été en fait favorisée et instrumentalisée par elle. Cette sorte de protestation électorale - malgré toute la colère contre les attaques et le gouvernement – incite précisément en réalité une partie de la population à participer au jeu de l’Etat démocratique. De plus, la bourgeoisie a voulu profiter de cette tendance afin de réussir un changement de gouvernement. Ceci, non pas tant à cause d’un mécontentement particulier avec celui qui existe, mais – face à son incapacité grandissante de régler le problème du chômage de masse – pour donner l’impression que c’est le gouvernement et non le système capitaliste qui est à blâmer. Au regard des prédictions électorales en sa faveur, le candidat chancelier de la CDU, Angela Merkel, a décidé d’une stratégie risquée. Elle a voulu contrer la méfiance grandissante envers la politique bourgeoisie en jouant la carte de "l’honnêteté" - en annonçant certaines attaques par avance (par exemple l’augmentation de la TVA). Le résultat s’est concrétisé dans le fait que la tendance existante de protestation, qui jusqu’alors était dirigée contre Schröder, s’est retournée aussi contre la CDU. Comme les chrétiens-démocrates avaient commencé, bien avant les élections, à se comporter comme s’ils étaient le nouveau gouvernement, la colère de la population a commencé à se diriger contre eux.
Bien que ce vote de protestation ait contribué à introduire dans le jeu politique de la République fédérale un facteur inconnu et imprévisible, il est par-dessus tout la preuve de la capacité d’élasticité de la démocratie comme arme la plus importante de la bourgeoisie contre la classe ouvrière. En conséquence, même si les ouvriers ne veulent plus avoir rien à faire avec la politique bourgeoise, la plupart d’entre eux sont encore amenés à y participer selon les règles du jeu démocratique.
La bourgeoisie allemande a déjà commencé à ajuster son appareil politique pour répondre aux nouveaux défis. Devant une situation politique de plus en plus imprévisible, devant des tendances à la dispersion dans ses rangs, mais surtout en réponse aux premiers signes de la maturation souterraine de la conscience au sein du prolétariat, l’appareil d’Etat politique est confronté aux mêmes exigences que les secteurs économiques et militaires. Elle doit devenir plus flexible, efficace, variable et "intelligente".
L’aspect le plus important de cette reconstruction est à présent la tentative de développer un cinquième parti comme force politique en Allemagne. Même la bourgeoisie la plus puissante ne peut produire une telle force en claquant des doigts. La plupart des nouveaux partis en Europe occidentale des dernières décennies ont émergé, soit en quelque sorte du "mouvement social" (comme les verts issus des mouvements écologistes et pacifistes en Allemagne et ailleurs) ou grâce à des leaders charismatiques comme Le Pen en France, Bossi en Italie ou Fortyn en Hollande. En Autriche, une personnalité similaire, Jorg Haider, a transformé un parti déjà existant en outil personnel. Le nouveau Parti de Gauche en Allemagne comprend la plupart de ces ingrédients. L’ex-parti stalinien du GDR forme son noyau. Les marches de protestation de chômeurs l’automne dernier ont été utilisées pour monter certaines structures de parti à l’ouest, avec l’aide active d’activistes trotskistes. Enfin, l’ex-leader charismatique et démagogique du SPD, Oskar Lafontaine a rejoint le nouveau parti de gauche pour le diriger.
Un des premiers succès de ce parti aux élections tient de ce qu’il a été capable d’absorber une part du potentiel de protestation qui aurait pu profiter aux néo-nazis. Si le NPD avait accédé au nouveau Bundestag (chose possible après leur succès aux élections provinciales en Saxe), cela aurait été d’un considérable embarras pour l’Allemagne, en particulier au niveau de sa politique étrangère, d’autant que l’impérialisme allemand aime se présenter de nos jours comme une puissance anti-fasciste.
Mais ce projet inclue des buts à plus long terme. La flexibilité et la stabilité du système politique d’après-guerre de la République fédérale était basé principalement sur un système de trois partis, dont deux principaux et le petit FDP entre les deux pour arbitrer. Cet arrangement a permis des changements de gouvernement quand c’était nécessaire, à travers un changement des alliances de la part du FDP, le parti qui contenait ainsi également la continuité du gouvernement, particulièrement sur les questions de politique étrangère. Cet équilibre dut se voir sacrifié quand cela devint nécessaire, à travers la création des verts comme quatrième force, absorbant le potentiel de la "génération 68" dans la course vers l’Etat. Si la bourgeoisie parvient à maintenir le Parti de Gauche à long terme comme cinquième force, la balance politique traditionnelle allemande peut être rétablie, même si elle s’avère plus complexe. Ainsi, à la fois les libéraux comme parti de centre-droit et les verts comme parti de centre-gauche assumeraient (ensemble ou chacun son tour) le rôle d’arbitrage vers un gouvernement de gauche ou de droite, cimentant la continuité gouvernementale.
Mais l’aspect historiquement le plus important de
l’apparition de la coalition Parti de Gauche-PDS est que, pour la première fois
depuis 1945, les principales fractions de la bourgeoisie allemande considèrent
sérieusement l’établissement d’un parti national à la gauche du SPD. C’est
l’indication d‘un changement fondamental qui apparaît dans la société, pas
seulement en Allemagne, mais au niveau mondial. Après 1989, on nous a dit bien
haut qu’il n’y avait pas d’alternative au capitalisme. Depuis lors, le fait que
tous les partis parlementaires appellent à la même chose apparaît moins comme
une faiblesse politique de la bourgeoisie que comme la confirmation vivante
qu’il ne peut rien y avoir en-dehors du capitalisme et de la démocratie. Mais à
présent la bourgeoisie prend conscience du danger que tous les partis exigent
les mêmes sacrifices, sans aucune force au parlement pour exprimer des
critiques fondamentales et apparaître comme une alternative. C’est en réponse à
ce danger que les démagogues les plus talentueux de l’aile gauche de la
bourgeoisie, l’ex-social-démocrate Lafontaine et l’ex-stalinien Gysi, ont fait
leur retour politique. Ce dont la classe dominante a peur, c’est que la classe
ouvrière puis commencer à prendre conscience qu’il n’y a pas de solution à la
crise dans le capitalisme et recommence à rechercher une alternative au
capitalisme, l’exploitation et à la société de classe.
(19 septembre 2005)
En l’espace de quelques mois et dans plusieurs arrondissements, Paris, a été le tragique théâtre de plusieurs incendies d'immeubles vétustes, habités en majorité par des familles ouvrières, d’origine africaine. Plus de cinquante personnes sont mortes, la plupart carbonisées ou asphyxiées, dont une majorité d’enfants. S'y ajoutent des dizaines de blessés et des familles meurtries à jamais. Pour prévenir de nouveaux drames et protéger les populations, le gouvernement n’a rien trouvé de mieux que d’envoyer ses flics, expulsés manu militari les familles vivant dans des squats et autres immeubles insalubres. Au passage, il en a profité pour faire la chasse aux sans-papiers et remplir plusieurs charters supplémentaires pour les ramener dans leur pays d'origine. Le meilleur hommage que l’on puisse rendre aux victimes de ces incendies et de la répression policière, c’est non seulement de faire entendre notre colère et notre indignation, mais aussi de dénoncer les responsables de telles tragédies.
Après l’incendie de l'immeuble du boulevard Vincent-Auriol, dans le 13e arrondissement, qui a fait 17 morts dont 14 enfants, fin août, les politiciens de tout bord se sont empressés de se montrer devant les caméras sur les lieux du drame, rivalisant de déclarations apitoyées et débordant de promesses de tout faire pour éviter d'autres tragédies. Deux jours plus tard, c’est un autre immeuble qui brûlait dans le 3e arrondissement faisant 7 nouvelles victimes. Ce dernier sinistre a relégué alors les larmes de crocodile de ces responsables au second plan, pour laisser place à une polémique entre élus parisiens de droite et de gauche, Ceux-ci ont cherché sans vergogne à se renvoyer la responsabilité de ne pas avoir fait le nécessaire pour résorber l’habitat insalubre, ou à prétendre que, contrairement à l’autre camp, ils ont toujours eu la politique du logement comme priorité quand ils géraient la municipalité. Non seulement cette guerre des bilans entre cliques politiciennes est révélatrice du cynisme de ces gens là, mais en plus c’est une bande de menteurs, car la dégradation des conditions de logement est le produit de l’accumulation des politiques anti-ouvrières menées depuis des années, de l’incurie des principaux responsables qui se sont succédés, des Mitterrand, Jospin, Chirac, Villepin, Borloo, Delanoë et tant d’autres. Le problème du logement n’est pas un phénomène nouveau pour la classe ouvrière, même s’il s’accroît du fait de l’augmentation de la pauvreté. La plupart des familles ouvrières africaines qui vivaient dans l’immeuble qui a flambé dans le 13e arrondissement faisait partie en 1992 du collectif des "Maliens de Vincennes". Pendant des mois, ce groupe de travailleurs africains avaient occupé sur l’esplanade de Vincennes, le chantier de la bibliothèque de France. Déjà à l’époque, ils protestaient contre leur expulsion d’immeubles vétustes et l’absence de proposition de relogement. Sur ordre du chef de l’Etat, Mitterrand en personne, le gouvernement "socialiste" expulsa sans ménagement les 682 malheureux sans-abri maliens de Vincennes qui trouveront refuge dans de nouveaux immeubles vétustes, ceux-là mêmes qui se sont transformés en brasiers ces dernières semaines. Plus de 14 ans se sont écoulés et rien n’a changé ! C’est avec le même cynisme que la droite voudrait nous faire croire, comme Mitterrand auparavant, que ces nouvelles expulsions ont pour but de "protéger les familles ouvrières". Quant aux protestations actuelles de la gauche radicale et associative, regroupée autour du PCF, il est bon de rappeler que ce même PCF, en juillet 1992 avançait les mêmes arguments pour expulser des ouvriers immigrés à Montreuil en Seine-Saint-Denis, alors qu’il participait comme tout parti bourgeois à faire raser les quartiers ouvriers pour réaliser en fait des profits dans la construction immobilière. La clique stalinienne n’en était pas à son coup d’essai, puisqu’en 1979, déjà, elle avait utilisé un bulldozer à Vitry-sur-Seine contre un foyer de Maliens qui refusaient de se laisser expulser. Effectivement, rien ne change du point de vue des méthodes brutales de la bourgeoisie envers les plus démunis ! Non seulement les familles ouvrières sont parquées comme du bétail et vivent dans des conditions inhumaines, mais en plus elles peuvent crever à tout moment. En effet, d’autres drames risquent de se produire car non seulement des centaines d’immeubles insalubres sont toujours occupés dans Paris et dans d’autres grandes villes, mais il y en aura de plus en plus. Contrairement à ce que les médias, sociologues et hommes politiques osent dire, ces conditions d’existence précaires ne sont pas réservées à certaines familles immigrés d’Afrique de l’Ouest, aux sans papiers ou aux bénéficiaires des minima sociaux qui s’entassent dans des hôtels-taudis. Si ces parties les plus pauvres de la classe ouvrière font la Une de l’actualité, c’est l’arbre qui cache la forêt.
Face à la crise économique, la survie du capitalisme passe par une exploitation toujours plus féroce de la classe ouvrière. Avec une brutalité inouïe, la bourgeoisie jette des masses grandissantes d’ouvriers dans la pauvreté et le dénuement le plus extrême. Parmi les conditions de misère qu’elle leur impose, la dégradation des conditions de logement tient une place de premier plan. Au cours des 20 dernières années, les loyers ont doublé dans le parc locatif privé et ont augmenté de 50% dans le parc locatif social/public. L’augmentation de la précarité professionnelle, du chômage et de la pauvreté salariale conjuguée à la hausse continue des loyers a entraîné une paupérisation grandissante pour une grande partie de la classe ouvrière. Ainsi en France, selon un rapport de la Fondation Abbé Pierre publié en mars 2002, trois millions de personnes sont mal logées, dont 86 000 sans domicile, 200 000 personnes sont hébergées "durablement" en hôtel, en habitat de fortune ou par des parents et amis, un demi-million de personnes vivent en habitat temporaire ou précaire et deux millions de gens ont des logements dépourvus du confort sanitaire de base. En 2004, plus de 100 000 jugements d’expulsions de logement ont été prononcés en France, majoritairement pour des impayés de loyer. L’extrême pauvreté touche, selon l’INSEE, un foyer parisien sur huit. Un tiers des sans domicile fixe de la capitale déclarent avoir un emploi. Ces "salariés pauvres" se retrouvent aussi dans l’administration parisienne, puisque plusieurs dizaines d’agents de la ville de Paris sont sans domicile fixe. Avec plus de 100 000 demandes de logements sociaux non satisfaites pour la seule ville de Paris et une pénurie chronique dans la construction de logements à loyers modérés, les familles ouvrières les plus démunies, n’ont pas d’autre choix que de s’entasser dans des hôtels-taudis, dans des immeubles vétustes, dans des squats où le saturnisme infantile fait des ravages, en étant à tout moment, à la merci du bon vouloir des marchands de sommeil et autres promoteurs véreux qui gèrent ce juteux commerce de la précarité. Ce sont ces conditions épouvantables et l’insalubrité de ces immeubles qui ont provoqué ces dramatiques incendies. C’est le capitalisme qui est responsable de cette tragédie et c’est toute la bourgeoisie qui organise cette paupérisation des conditions d’existence d’une partie toujours plus importante de la classe ouvrière. Face à la dégradation des conditions de logement, les ouvriers doivent rejeter les discours populistes qui tendent à établir des divisions au sein de la classe ouvrière, à montrer du doigt certaines minorités ethniques ou les sans-papiers comme des "fardeaux" pour la société. Quel que soit le niveau de sincérité et de dévouement de ceux qui les animent, les associations qui prétendent aider les plus mal logés ne servent qu'à semer des illusions sur la possibilité d’un capitalisme à visage plus humain, quand elles ne gèrent pas elles-mêmes des immeubles insalubres comme la Freha, émanation de Emmaüs qui s’occupait de l’immeuble du boulevard Vincent-Auriol.
La dégradation croissante des conditions de logement au sein de la classe ouvrière est une des expressions les plus criantes de la faillite ouverte du capitalisme. Elle fait partie d'une détérioration générale des conditions de vie et d'exploitation de l’ensemble des prolétaires et de leurs familles. Face à la crapulerie de la classe dirigeante, la lutte des ouvriers pour obtenir des conditions de logement et donc d’existence décente s’inscrit dans la lutte plus générale pour renverser le capitalisme. Les conditions de logement épouvantables, les incendies meurtriers et maintenant les expulsions, sont autant de coups portés à toute la classe ouvrière et c’est donc au prolétariat dans son ensemble d'y répondre en développant ses luttes sur son terrain de classe.
Donald (23 septembre)
De nouvelles attaques sont mises en œuvre ou en préparation dans le domaine de la santé en France :
- une nouvelle liste de 221 médicaments à dérembourser (90 % des produits testés ont ainsi été jugés d'un "niveau d'efficacité insuffisant") a été dressé par la Cour des comptes. La plupart de ces produits sont très courants. Depuis que la ministre PS de la Santé, Martine Aubry, a inauguré ces listes, des milliers de produits pharmaceutiques ont vu ainsi leur taux de remboursement fortement diminué ou ce remboursement a été carrément supprimé ;
- la proposition d'une taxe d'un euro sur chaque boîte de médicaments à la charge du malade est de plus en plus fréquemment évoquée pour préparer les mentalités au "caractère inéluctable" de cette attaque. Cette mesure viendrait se cumuler avec le forfait d'un euro par consultation médicale à la charge du patient (dont il est question de relever le seuil lui aussi).
- le ministère de la Santé a dévoilé le projet de fermer 150 blocs opératoires en province parce que ces derniers ne seraient pas "rentables"… Là encore, on pousse des dizaines ou des centaines de milliers de malades à s'inscrire sur d'interminables listes d'attente dans des hôpitaux "opérationnels" saturés et on condamne beaucoup d'entre eux à crever sur place faute de moyens pour se faire transporter ou par manque de place. En même temps, le budget alloué à chaque hôpital se retrouve en baisse constante d'année en année.
Les employeurs sont invités à renforcer et à multiplier les contrôles sur les arrêts maladie. Ce flicage et cette traque n'ont d'ailleurs permis que d'établir des "certificats de complaisance" que pour 0,05 % des contrôles mais l'essentiel n'est pas là : il s'agit avant tout d'un puissant moyen d'intimidation envers les salariés pour les dissuader de demander des arrêts maladie et pour les pousser à venir travailler même mal en point. Les médecins sont également tenus de "baisser" leurs quotas de jours d'arrêts accordés à leurs patients sous peine d'amendes ou de sanctions. Quant à l'effet d'annonce que ce "tour de vis" a permis de diminuer de 3 % les dépenses de frais médicaux depuis un an, cela ne représente pourtant qu'une goutte d'eau dans la mer du déficit de la sécurité sociale.
Cela démontre en fait que la "réforme de la Sécurité sociale" de 2003 n'était que le face visible de l'iceberg d'une énorme attaque en profondeur de la classe ouvrière qui se précise et s'intensifie aujourd'hui.
Parallèlement, l'attaque sur les chômeurs représente une attaque d'une extrême violence envers toute la classe ouvrière. Depuis la circulaire du ministère de l'Emploi du 3 septembre : 1 refus auprès de l'ANPE et c'est la diminution des allocations de 20 % pendant une période allant de 2 à 6 mois ; 2 refus d'offres d'emploi, c'est la perte de 50 % des droits ; 3 refus : plus rien. De plus, à partir du 6e mois, les propositions d'embauche pourront être sans rapport avec la formation ou la qualification du chômeur. Ce qui signifie que là encore l'ouvrier licencié ou mis au chômage devra accepter une "flexibilité" maximum : accepter n'importe quel travail, à n'importe quel salaire, à n'importe quelle distance de son domicile (prime de déménagement pour inciter les chercheurs d'emplois "à plus de mobilité"). Cela constitue également un instrument de chantage et un moyen de pression énorme pour abaisser les salaires. Les mêmes mesures et les mêmes attaques tendent à s'uniformiser à l'échelle mondiale. Partout la capitalisme enfonce la classe ouvrière dans la même précarité. C'est un puissant révélateur de la faillite irrémédiable du capitalisme. Cela ne peut que renforcer la conscience du prolétariat qu'il n'a aucune amélioration de son sort à attendre de ce système et qu'il n'a pas d'autre choix que de lutter pour son renversement et sa destruction.
Wim
Mercredi 31 août dernier, une vingtaine de chefs d'Etat et de gouvernement se sont réunis à Gdansk pour rendre un hommage vibrant au syndicat Solidarnosc, à l’occasion du 25e anniversaire de sa création. Tout ce joli monde s’est félicité de ce qu’il fut le premier "syndicat libre" créé au sein de l’ancien bloc de l'Est, et de son rôle considéré comme crucial dans le renversement du "communisme". La "fête" avait été bien préparée par les médias français en particulier, à coups d’émissions spéciales, de reportages et d’articles de presse commémoratifs. Et c’est avec un plaisir sans mélange qu’on nous a rappelé le rôle de la CFDT dans la constitution de Solidarnosc. Mais ce travail de la centrale cédétiste n’aurait pas été possible sans l’aval de toute la bourgeoisie occidentale. Qu’on se souvienne de l’empressement des pays européens à organiser l’aide humanitaire pour les grévistes de Gdansk, la facilité avec laquelle ils ouvraient leurs frontières pour son acheminement. Dès sa naissance, Solidarnosc a reçu les vertus dont la fée bourgeoisie lui a fait don, et la principale d’entre elles : celle de briseur de grève. Car c’est grâce à Solidarnosc que la classe ouvrière s’est vue dépossédée du contrôle de son mouvement pour la laisser aux mains des prétendus spécialistes de la lutte, Walesa et consorts en tête, et qu’en décembre 1981, 16 mois plus tard, des milliers d’entre eux se faisaient massacrer par les troupes de Jaruzelski, tandis que des tractations secrètes circulaient entre ce dernier et les dirigeants de Solidarnosc. Dans cette grande œuvre de sabotage d’une des plus grandes luttes ouvrières de l’après-Seconde Guerre mondiale, la bourgeoisie n’a pas lésiné sur son "aide" internationale. Elle qui n’a de cesse de chercher à casser la solidarité entre ouvriers a trouvé alors des accents inédits pour se faire elle-même la porteuse de l’aide et de la prétendue solidarité envers les ouvriers polonais qu’elle a soutenus comme la corde soutient le pendu.
La bourgeoisie a ainsi cherché à établir un véritable cordon sanitaire international visant à étouffer le mouvement de classe d’août 1980 dès son origine, empêchant les expressions de solidarité qui pouvaient éclater sur le terrain de la lutte de classe avec des ouvriers de l’Ouest ; et dans ce but, gauche, droite, syndicats et gauchistes confondus, se sont lancés sans hésiter dans une gigantesque manœuvre pour briser ce magnifique exemple du combat ouvrier que fut le mouvement de 1980 pour le prolétariat mondial. Solidarnosc a été le fer de lance de cette offensive bourgeoise.
Nos lecteurs peuvent lire l’article que le CCI a consacré à cette lutte exemplaire des ouvriers en Pologne sur notre site Web : internationalism.org
L'article ci-dessous s'appuie sur l'analyse de notre section
en Inde par rapport aux luttes qui se sont développées à Honda Motorcycles où
s’est exprimée, comme tout récemment à l'aéroport de Londres, la solidarité
active de classe. Les ouvriers de Honda à Gurgaon, dans la banlieue ouest de
Delhi, ont mené des luttes depuis le début de cette année face aux conditions
effroyables de travail qui leur sont imposées par la bourgeoisie indienne. Ils
s'étaient notamment mis en grève le 27 juin 2005 et avaient refusé de signer
les promesses de "bonne conduite" exigées par la direction.
Le matin du 25 juillet 2005, des salariés qui manifestaient sur une route proche de Kamala Nehru Park à Gurgaon ont été chargés par la police. Beaucoup de manifestants qui ont poursuivi leur marche jusqu’au bureau du "deputy commissioner" (équivalent du sous-préfet) ont alors été chargés par des centaines de policiers et frappés à coups de bâtons. Selon Amnesty International plusieurs centaines de personnes auraient été blessés. D’autre part, plus de 500 personnes ont été arrêtées. Parmi elles, à ce jour 60 resteraient détenues. La population locale refuserait de divulguer le nombre et l’identité de ces derniers. La semaine suivante, la police aurait lancé des grenades lacrymogènes et des balles en plastique pour empêcher les employés de l’usine et leurs familles de se rassembler devant l’hôpital civil où se trouvait certains des blessés.
La bourgeoisie indienne a malheureusement habitué les ouvriers dans ce pays à être confrontés à une répression brutale.
Cela a immédiatement rappelé octobre 1979 aux ouvriers les plus âgés de la région de Delhi. A cette époque, pour contrer une vague montante de grèves d’ouvriers radicaux, les forces de répression de l’Etat n’ont rien fait de moins qu’occuper Faridabad, banlieue industrielle du sud de New Delhi, avec une série de tirs à balles réelles dans différentes parties de la ville et en imposant un couvre-feu. La bourgeoisie avait ainsi été capable de mâter le mouvement en moins d'un mois. Quelques années avant cela, les ouvriers des Moulins de Coton de Swadeshi à Kanpur avaient été encerclés et s’étaient fait tirer dessus par les forces de l’Etat. La série de répressions a été quasiment ininterrompue depuis les grèves ouvrières de 1974. La bourgeoisie indienne venait de découvrir à son corps défendant que la classe ouvrière était toujours vivante et à nouveau combative, qu’elle avait la témérité à nouveau de relever la tête après 15 ans d’offensives sans relâche de la bourgeoisie. Dans la presse d’affaires de la bourgeoisie, la crainte que la contagion des luttes ne se propage à l’ensemble de la classe ouvrière s'est clairement exprimée.
Ainsi, l'Indian Express du 9 août 2005 redoutait que les incidents de Gurgaon puissent avoir un effet domino.
Le Business Standard du 6 août 2005 exprimait la peur que : "L’émeute qui a suivi le conflit direction/ouvriers à Gurgaon à l’usine Honda Motorcycles et India Scooters (HMSI) pourraient être le premier signe majeur des évènements à venir." Pour le Financial Express du 6 août 2005, "L’effervescence ouvrière de Gurgaon a soufflé le froid sur l’échine des managers". Cette inquiétude de la bourgeoisie était partagée par l’Etat aussi bien aussi bien au niveau provincial que central. La bourgeoisie après avoir été surprise de revoir une combativité de la classe ouvrière qui ne s'était plus manifesté ces dernières années a pris immédiatement l’option de la répression sanglante.
Dans l'après-midi du 25 juillet à Gurgaon, des milliers d’ouvriers de Honda Motorcycles s’étaient rassemblés. Ils ont été immédiatement rejoint par une masse d’ouvriers des usines voisines de la ville industrielle de l’Hariana. C’est cette manifestation concrète de solidarité de classe de la part de différents secteurs ouvriers qui a fait peur à la bourgeoisie indienne et a amené à la répression immédiate. Quelques semaines après en Angleterre, à Heathrow les ouvriers de British Airways dans la continuité de la pratique de classe de leurs frères indiens se sont mis à leur tour en grève de solidarité envers les 670 ouvriers licenciés de Gate Gourmet. Ainsi la classe ouvrière au niveau international est en train de faire l’expérience de la solidarité de classe. Si la bourgeoisie indienne, dans un pays sous-développé, a pu utiliser immédiatement l’arme de la répression, il n’en a évidemment pas été de même à Heathrow en Angleterre.
La classe ouvrière des pays centraux, au moment de la reprise des luttes, doit intégrer dans sa conscience et dans sa pratique de classe, que c’est le développement de ses propres luttes, la généralisation de ses combats et de la solidarité active entre tous les secteurs ouvriers qui pourra freiner le bras armé de la bourgeoisie des pays sous développés.
T (24 septembre)Il y a maintenant deux ans, l’armée américaine pénétrait dans les rues de Bagdad et son président, Georges Bush, poussait un cynique cri de victoire, "Mission accomplie" ! Des lendemains meilleurs nous étaient promis. Le monde devait devenir plus sûr, l’Irak se transformer en une démocratie stable. Aujourd’hui, la réalité est tout autre. Ce pays plonge chaque jour un peu plus dans le chaos et la barbarie.
Par leur intervention militaire, les Etats-Unis ont ouvert une véritable boîte de Pandore. La situation n’a de cesse de dégénérer, devenant de plus en plus incontrôlable et explosive. En effet, les sunnites, chiites et kurdes se livrent une guerre impitoyable et sans merci. Ce déchaînement de haine a abouti à des carnages sans fin dont la seule logique est de semer la terreur et la désolation dans les territoires ennemis. Les répressions armées, les attaques terroristes suicides, les pogroms, les exécutions sommaires se succèdent à un rythme infernal dans une espèce de folle spirale meurtrière.
Le samedi 10 septembre, l’armée américaine et les forces de sécurité irakiennes ont mené une vaste offensive contre le bastion rebelle de Tall-Afar, ville du nord de l’Irak, proche de la frontière syrienne. Le bilan officiel a fait état de cent soixante morts. Mais loin de mater l’insurrection sunnite, cette attaque des gouvernements américain et irakien n’a fait qu’alimenter encore un peu plus la haine et la guerre. Immédiatement, la branche irakienne d’Al-Qaeda a en effet exhorté à la vengeance. Et c’est un déchaînement d’attentats aveugles qui ravage l’Irak depuis lors. La seule journée du mercredi 14 septembre a ainsi été marquée par onze attentats et près de cent-cinquante morts. Le plus meurtrier d’entre eux fut perpétré sur une petite place où les ouvriers se rassemblaient dans le simple espoir de trouver un employeur à la journée. Ils ont été cent quatorze à périr. C’est un véritable climat de terreur que font régner les seigneurs de la guerre ! La classe ouvrière et les couches misérables de la population sont évidemment les premières victimes de toutes ces atrocités. Suite à cet attentat, une opération de représailles a été montée quelques heures plus tard. Des hommes armés ont ouvert le feu sur un groupe de sunnites rassemblés… au marché. Deux jours plus tard, une file d’ouvriers chiites attendant d’être embauchés était balayée à la mitraillette. Le lendemain, une bombe explosait sur le marché de Nahrawan, fauchant encore trente personnes. La liste est interminable. Ce règne de la vengeance aveugle est le symbole d’une société en pleine décomposition.
L’effroyable panique durant laquelle, le 31 août dernier, mille personnes sont mortes noyées, étouffées ou piétinées, démontre à quel point la population est totalement terrorisée. Ce jour là, un million et demi de chiites convergeaient vers la mosquée de Kadhimiya afin de commémorer le deuil d’un de leurs douze imams. Incapables d’assurer la sécurité, les forces militaires américaines et irakiennes avaient fermé tous les ponts du Tigre, sauf un, afin de concentrer la population sur un seul et même itinéraire. Les pèlerins étaient donc amassés par milliers dans ce véritable goulot d’étranglement quand une rumeur courut sur la présence de kamikazes parmi la foule. Il s’en suivit une véritable hystérie collective. Sous la poussée de la foule, des centaines de personnes, essentiellement des femmes et des enfants, basculèrent dans le fleuve ou furent écrasées.
Le 15 octobre prochain, les électeurs irakiens seront appelés à venir voter ‘pour ou contre’ la nouvelle constitution. Ce référendum est censé faire la démonstration de l’unité nationale. Les responsables et défenseurs de ce nouveau texte se sont donc fendus de quelques déclarations de façade. Georges Bush s’est ainsi réjoui de l’avènement d’une "période d’espoir" grâce à "un événement stupéfiant".
Mais la réalité apporte un cinglant démenti à cet optimisme affiché. Personne n’est dupe. Cette nouvelle constitution non seulement ne mettra pas un terme au chaos ambiant, mais elle exacerbe au contraire dès aujourd’hui les rivalités. Le président irakien Talabani a du lui-même reconnaître que "l’Irak n’est pas au bord de la guerre civile, mais en plein dedans".
Ce texte résulte essentiellement d’un compromis entre chiites et kurdes, qui dominent l’Assemblée et le gouvernement. Ainsi, la bourgeoisie sunnite ne peut que rejeter violemment cette proposition de constitution, symbole de sa perte de pouvoir.
Et les chiites eux-mêmes sont divisés sur l’adoption de ce texte. Les divergences d’intérêts entre les différentes cliques chiites se traduisent sur le terrain par de véritables heurts armés. Mercredi 25 août, des affrontements violents ont opposé les combattants de l’imam radical Moqtada Al-Sadr à la milice chiite rivale, les brigades Al-Badr, à Najaf. L’imam profite ici du débat sur la constitution pour refaire surface et tenter de redistribuer les cartes du pouvoir en sa faveur.
La véritable alternative proposée par le référendum du 15 octobre est donc en fait : plus de chaos ou plus de chaos ? Si la nouvelle constitution est adoptée, les seigneurs de la guerre sunnites et une partie des seigneurs chiites déchaîneront le feu et le sang dans des actes d’autant plus désespérés et barbares qu’ils sentiront le pouvoir leur filer entre les doigts. Si le Non l’emporte, comme c’est le plus probable, les kurdes et les chiites au pouvoir seront tentés de proclamer unilatéralement leur autonomie, ce qui morcellerait de fait la nation irakienne.
Cette guerre incontrôlable qui morcelle peu à peu l’Irak est en train d’irradier sur l’ensemble de la région environnante.
D’abord, la Turquie voit d’un très mauvais œil les poussées autonomistes des kurdes irakiens. Elle sait très bien que cette situation, grosse d’instabilité pour l’ensemble du Kurdistan, peut mettre en péril l’unité même de sa république. C’est pourquoi durant tout cet été, il y a eu de véritables tensions internes à la bourgeoisie turque, partagée entre la méthode ‘douce’, plus de démocratie, et la méthode ‘forte’, un nouveau durcissement législatif pour affronter ceux que l’Etat major nomme "les terroristes".
Ensuite, la situation chaotique de l’Irak révèle l’impuissance grandissante des Etats-Unis. Malgré ses démonstrations de forces à répétitions, la première puissance mondiale est incapable d’enrayer l’affaiblissement historique de son leadership. La situation catastrophique de l’armée américaine dans la région aiguise ainsi l’appétit impérialistes de tous les pays voisins. La Syrie, frontalière à la région sunnite, alimente secrètement la rébellion en hommes et en armes. Et c’est ouvertement que l’Iran prétend de plus en plus s’immiscer dans les affaires irakiennes.
Face à cette perte de contrôle, les Etats-Unis ne pourront réagir que de plus en plus brutalement. Déjà, on peut voir une multiplication des déclarations belliqueuses contre la Syrie, accusée de soutenir le terrorisme, et l’Iran. De même, la démonstration de force de l’armée américaine contre le bastion rebelle sunnite de Tall-Afar est le signe de la fuite en avant vers des moyens de destruction de plus en plus massifs.
C’est donc l’ensemble du Moyen-Orient qui est menacé de plonger dans la guerre et la barbarie. Mais le tableau de cette région du globe ne pourrait être complet sans une courte description de la situation effroyable de la bande de Gaza. La population y crève de faim. Et alors que l’Etat d’Israël est en train de construire un mur ‘high tech’ d’un côté, l’Egypte ferme sa frontière de l’autre par un rideau de barbelés et de mitraillettes. Entre ces murs, dans ce ghetto, la terreur règne sous le double joug de la police palestinienne et des milices du Hamas. Le déchaînement de haine et d’attentats suicides ne vont donc que se multiplier de ce coté aussi du Moyen-Orient.
Par conséquent, la perspective n’est absolument pas la paix mais bel et bien une barbarie et un chaos croissants. Ce qui se joue aujourd’hui, c’est l’unité même de l’Irak. Les forces centrifuges en action rendent inévitable le morcellement de cette région de la planète. Le Kurdistan, les régions sunnites et chiites vont poursuivre leur déchirement, semant derrière eux morts et désolation. Quelle que soit l’importance des moyens militaires mis en œuvre, les Etats-Unis ne pourront arrêter ce processus. A ce moment-là, c’est l’ensemble du Moyen-Orient qui sera menacé par l’embrasement.
Le capitalisme est un système moribond qui plonge des parties toujours plus importante de la planète dans la boue et le sang. Le prolétariat doit le mettre à bas avant qu’il ne plonge l’ensemble de l’humanité dans la barbarie.
Pawel (18 septembre)
Du 14 au 16 septembre, les dirigeants de 150 pays ont fêté les 60 ans de l’ONU. Partis avec de grandes et belles promesses dans leurs bagages, rivalisant pendant le sommet de beaux discours humanitaires et pacifistes, ils sont revenus les mains encore plus vides qu’à l’aller. Le plus grand sommet de l’histoire de cette institution a été une des plus belles expressions de son impuissance à traiter les problèmes du monde et des divergences qui l’habitent.
Voilà bientôt 60 ans, la bourgeoisie, par la voix de l’ambassadeur américain Henry Cabot Lodge, essayait de faire avaler au monde que la création de l’ONU était destinée, non pas "à nous emmener au paradis", mais "à nous sauver de l’enfer". La naissance de l’ONU, le 24 octobre 1945, était donc la "garantie", après la Seconde Guerre mondiale, d’un "plus jamais ça". C’est de la même manière que la classe dominante avait présenté la fondation de la Société des Nations (SDN) avec la promesse que la Première Guerre mondiale serait "la Der des ders". On sait ce qu’il en fut !
Pourquoi la SDN a-t-elle été totalement impuissante devant la marche inexorable à la guerre dans les années 1930 ? Pourquoi l’ONU, à sa suite, s’est trouvée tout aussi incapable de mettre un terme aux conflits armés en Asie, au Moyen-Orient, en Amérique du Sud et en Afrique, qui se sont développés sans discontinuer à peine la Seconde Guerre mondiale terminée ? Pourquoi encore ses multiples résolutions et autres gesticulations n’arrivent-elles même pas à donner un coup de frein au chaos guerrier grandissant qui ravage aujourd’hui des continents et des régions de plus en plus grandes de la planète ?
Loin d’être la garante d’une quelconque volonté de paix de la part de la bourgeoisie, l’ONU, à une bien plus grande échelle que son ancêtre la SDN, que Lénine qualifiait de "repaire de brigands", n’est en réalité qu’un lieu d‘affrontements privilégié entre toutes les puissances, petites ou grandes. Il s’agit d’un panier de crabes où se nouent et se dénouent des alliances, où se pèsent et s’évaluent des rapports de force impérialistes et militaires, le tout enrobé de la terminologie humanitariste la plus hypocrite.
Ces deux institutions ont été accouchées respectivement par les deux conflits mondiaux qui ont ensanglanté la planète au 20e siècle, de purs produits de la période impérialiste et de la décadence capitaliste. L’objectif premier de la SDN de "conserver la paix en Europe", puis celui de l’ONU "d’assurer la sécurité collective" n’ont jamais eu d’autre signification que de pérenniser les accords, pris immédiatement après chaque guerre mondiale, pour régir le dépeçage du monde entre vautours impérialistes.
La SDN sera ainsi créée à partir du Traité de Versailles qui redéfinissait les frontières de l’Europe au profit des puissances victorieuses et donnait le feu vert au pillage en règle des forces productives allemandes comme à une exploitation forcenée de la classe ouvrière en Allemagne. Quant à la naissance de l’ONU, c’est au cours d'un autre repartage du monde, cette fois entre Staline, Churchill et Roosevelt à Yalta, pendant les massacres qui marquent la fin de la guerre au Japon ([1] [628]) et en Allemagne que la charte onusienne et le Conseil de sécurité seront créés afin d’institutionnaliser la prédominance planétaire des vainqueurs de 1945.
Et c’est au sein de l’ONU que vont s’affronter ouvertement dès 1947 les bourgeoisies russes et américaines qui prendront la tête des deux blocs impérialistes dont les rivalités pour imposer leur ordre respectif vont ensanglanter la planète jusqu’en 1989. Chacune des résolutions de l’ONU ne sera qu’un moment de légitimation des actions militaires des grandes puissances, accentuant dans l’arène onusienne la dynamique de foire d’empoigne entre diplomaties impérialistes rivales.
Avec la fin de la Guerre froide et l’effondrement du bloc de l’Est, la discipline qu’imposaient les Etats-Unis et l’URSS à leurs différents "alliés" au sein de l’ONU va voler en éclats. La période de "chacun pour soi" ainsi ouverte va se concrétiser par une contestation ouverte de la part des seconds couteaux. L’URSS elle-même explosera un an plus tard, et les Etats-Unis vont voir leurs anciens alliés, en particulier la France et l’Allemagne, remettre en cause de plus en plus fortement leur leadership. Et si l’Amérique pouvait encore avec peine mobiliser l’ONU derrière elle lors de la première Guerre du Golfe en 1990, toutes ses interventions ultérieures l’ont contrainte à utiliser l’OTAN, qu’elle contrôlait mieux.
La remise en cause ouverte de l’hégémonie des Etats-Unis n’a pas calmé les dissensions au Conseil de Sécurité et dans l’ONU. Bien au contraire, cette organisation bourgeoise est devenue plus que jamais un nid de vipères, et toutes les interventions qu’elle effectue ou fait engager au nom du "maintien de la paix" ne sont encore et toujours que de nouvelles expressions des rivalités qui s’exacerbent entre toutes les puissances, petites ou grandes.
L’ONU et son histoire sont à l’image du système capitaliste, dans lequel l’humanité n’est que chair à canon ou source de profit, dans lequel la solidarité, l’union, l’entente sont des mots dont la bourgeoisie se sert d’autant plus qu’elle n’a aucune intention de les mettre en pratique.
Il n’y a que deux moments où les nations capitalistes peuvent s’unir : soit pour faire la guerre à d’autres nations, soit pour écraser la classe ouvrière en lutte.
Azel (19 septembre)
[1] [629] Le 26 juin, l’ONU était créée, les 6 et 9 août, les Etats-Unis, après avoir arrosé de bombes incendiaires le Japon durant des semaines, larguaient deux bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki.
Comme nos lecteurs le savent, le CCI tient régulièrement des réunions publiques et des permanences. Les débats vivants qui s’y déroulent portent sur des thèmes divers et variés, en lien avec les questionnements d’actualité ou plus historiques qui touchent le combat de la classe ouvrière. Lors de notre permanence du 11 juin dernier à Nantes, l’un des participants a présenté un tract (co-rédigé avec de jeunes éléments critiques) et qu’il a diffusé à Rennes pour dénoncer la campagne idéologique et le référendum sur la constitution européenne. Cette démarche s’inscrit pleinement dans l’effort du prolétariat pour développer son combat de classe.
Voici quelques extraits de ce tract : "(…) L’histoire de l’Europe, ce n’est pas autre chose que l’histoire du capital et de ses répugnantes créatures, les Etats-Nations. Ce n’est que la réalisation, rendue nécessaire par la dynamique mondiale du capitalisme, d’un cartel d’Etats, pour la défense, commune jusqu’à un certain point, de leurs impérialismes respectifs, et pour la répression, trop divisée encore, de la frayeur partagée : le prolétariat et les quelques fractions encore remuantes de celui-ci, qu’il s’agirait de réduire au calme silence de la démocratie.
Cette unification fallacieuse sous la coupe réglée d’une poignée d’Etats dominants, cette mise en commun des moyens de nuire, on nous la présente comme la plus désirable réalisation de l’ère démocratique, et comme la justification toujours à venir de nos souffrances présentes.
Quant à nous, habitués à discerner, sous les traits charmants de la sage et heureuse démocratie, le visage hideux du capital et de sa sanglante dictature, nous affirmons : "de même que la France, cette vieille sorcière édentée, nous est de tout temps étrangère, de même la charogne Europe, trouvera toujours en nous des ennemis mortels, rêvant au jour de sa chute dans les basses-fosses de l’histoire. Contre les nations et les super nations, berceaux pourris du capital, contre l’idéologie démocratique moisie et rongée aux vers, notre patrie, c’est l’Internationale prolétarienne, c’est l’Internationale qui mettra à sac tous les palais, toutes les capitales du vieux monde (…) On nous propose un référendum sur une pompeuse Constitution européenne dont nous nous torchons le cul. Crachons d’abord sur ces pauvres nigauds et les parfaites ordures qui ont décidé, les uns, de respecter tout l’écoeurant "débat démocratique" orchestré par les autres" (…) Nous ne devons la très relative bonhomie de nos bons et loyaux Etats démocratiques qu’à l’absence temporaire du prolétariat révolutionnaire sur le champ de bataille de l’histoire (mais rassurez-vous, la vieille Taupe creuse toujours, et un jour paiera son travail de sape).
En démocratie, les décisions prises ne s’appliquent que si la réalité l’exige : c’est la nécessité du mouvement de l’histoire qui tranche, et non les pathétiques assemblées et les gentils référendums. Dites "oui" dites "non" : rien ne changera sinon que vous aurez participé une fois de plus au cirque électoral et consolidé ainsi la mascarade démocratique, que nous vomissons.
Pour que crèvent enfin toutes les sanglantes baudruches nationales et supranationales et leurs marionnettes étatiques ! A bas la France ! A bas l’Europe ! Vive le prolétariat ! Vive la révolution !". Et le tract est signé "Des communistes".
L’initiative et le contenu d’un tel tract ont été particulièrement salués par le CCI et les participants. Il s’agit en effet d’un effort réfléchi et conscient d’une minorité de la classe ouvrière pour dénoncer la démocratie bourgeoise et le battage médiatique de la classe dominante. Ceci est d’autant plus à souligner que la démocratie est le véritable cœur de l’idéologie de la classe dominante, un des piliers majeurs du système capitaliste. Le contexte de très forte intensité de la campagne de mystification démocratique – vantant les institutions, la "construction européenne", faisant croire que l’avenir de chaque prolétaire était conditionné par un simple bulletin de vote - rendait d’autant plus courageux le fait d’exprimer à la fois son indignation et le fruit d’une réflexion pour dénoncer cette propagande d’Etat. Plusieurs interventions ont aussi mis en exergue l’attaque de la bourgeoisie sur la conscience du prolétariat et les dangers que représente l’idéologie démocratique très justement dénoncée. La discussion a donc bien mis en évidence que la réflexion développée dans le tract représente une force politique pour sortir de la gangue du poison démocratique et nationaliste. Et il est clair que cette dynamique positive va dans le sens de la clarification, en permettant aux camarades qui en ont eu l’initiative, de tenter d’approcher les positions révolutionnaires de la Gauche communiste et de se les réapproprier.
L’effort du tract est aussi positivement significatif de la période actuelle, de la réalité du développement d’une maturation souterraine au sein de la classe ouvrière. Il est la traduction d’un autre phénomène corollaire, d’une qualité plus particulière : celui de l’apparition d’une réflexion dans la jeunesse sur la réalité barbare du capitalisme et la nécessité de trouver une perspective autre que le "no future" et les miasmes de la décomposition sociale.
Bien entendu, le désir inévitable que "cela bouge tout de suite", en dehors d’un cadre organisationnel et structuré, s’est manifestée dans le tract par une réaction de révolte devant "les pauvres nigauds" qui ont "respecté tout l’écoeurant débat démocratique". Ce rejet immédiatiste a été critiqué à des degrés divers par certains participants. Mais en fait, cette réaction de révolte envers "ceux qui gobent la propagande bourgeoise" peut apparaître légitime de la part d’éléments qui expriment une impatience et une révolte devant le fait que les ouvriers aillent voter pour une fraction ou une autre de la bourgeoisie. La discussion a également montré qu’une telle attitude traduit des concessions à l’idéologie anarchisante, ce qui tend bien plus à désarmer ces camarades face à l’anarchisme ambiant entretenu par la bourgeoisie et dont une des composantes idéologique classique est la culpabilisation (des "nigauds"). Il s’agit là aussi du poids idéologique de visions individualistes de la lutte de classe qui pousse à faire en sorte de rejeter certaines parties de la classe ouvrière, perçues comme "moins claires", voire à les mépriser. Mais ce produit idéologique a été en même temps rapidement combattu, puisqu’un des rédacteurs présent a précisé que ce tract avait été écrit "pour faire réagir". Dans le mouvement ouvrier, les révolutionnaires ont toujours œuvré dans le sens de faire réagir la classe ouvrière, mais jamais en l’insultant, ni en traitant les ouvriers mystifiés par l’idéologie bourgeoise d’imbéciles. Une des tâches principales des révolutionnaires est bien plus de dénoncer les pièges de l’idéologie bourgeoise et d’expliquer patiemment et inlassablement à la classe ouvrière les dangers qui la guettent si elle adhère aux mensonges électoraux de la classe dominante. L’attitude consistant à stigmatiser "les nigauds" qui vont voter ne peut que braquer des éléments en recherche ou qui ont des doutes. Elle entrave la réelle réflexion en les rejetant d’emblée dans le camp de ceux qui se "font avoir" mais sans donner de réponse claire et réellement critique.
La discussion, dans ce sens, a montré la nécessité de débattre fraternellement pour faire avancer la réflexion. Et c’est bien cette démarche qui a été engagée par le camarade qui est venu pour défendre un texte émanant d’éléments combatifs, en s’inscrivant très positivement dans la discussion.
Le camarade est ainsi intervenu dans le débat pour répondre, développer son point de vue et justement exposer ses désaccords: "Notre tract n’a pas pour but d’éclairer, mais il a été rédigé contre le consensus et pour faire réagir (…) j’ai une vision différente du CCI sur la question de l’organisation et du militantisme. Le CCI n’est certainement pas d’accord avec notre analyse sur ce plan, qu’il qualifierait de conseilliste. Nous ne sommes pas révolutionnaires sans les masses qui font la révolution. L’organisation est faite pour répondre à une tâche et des nécessités précises. En dehors de la période révolutionnaire, elle n’a pas son utilité et dans ce cadre est amenée à se bureaucratiser. Pourquoi avoir besoin d’une organisation ? Les meetings, les tracts etc. peuvent très bien se faire sans elle. (…). Marx et Engels ont été des théoriciens et des interprètes du mouvement social. Entre 1852 et 1864, il n’y avait pas d’organisation et les idées de Marx n’ont pas dégénéré. Ma critique porte sur le fait que les organisations dégénèrent quand leur rôle est terminé (…) Le CCI intervient dans la classe ouvrière, le CCI veut bien discuter. Bien ! Mais je ne suis pas sûr qu’en faisant des réunions publiques cela développe une influence. Il n’y a pas forcément des prolétaires qui viennent ou convaincus. J’ai l’impression que cela n’apporte rien de discuter par rapport à un texte (NDLR : le camarade fait allusion à nos textes introductifs lors des réunions publiques). On n’a pas besoin d’un cours ! (…) je ne nie pas la nécessité d’une organisation, mais seulement en période révolutionnaire"
Selon le point de vue développé ici par le camarade, l’organisation ne se réduirait qu’à un aspect immédiatement utilitaire et limité à la période révolutionnaire. Mais surtout, elle présenterait un danger après la révolution. On retrouve, comme le reconnaît d’ailleurs lui-même le camarade, la vieille antienne conseilliste qui, derrière une vague considération sur "l’utilité éventuelle" de l’organisation, la conçoit a priori comme une sorte de menace, une "machine à corrompre", un "instrument" aux mains de "leaders". En fin de compte, il apparaît bien de ce fait que le camarade n’est pas convaincu de l’utilité d’une organisation, y compris d’ailleurs pour la "période de la révolution". Pour lui, la classe ouvrière est parfaitement capable de s’organiser elle-même, et nous sommes d’accord là-dessus. Mais nous touchons ici au nœud de la problématique du camarade qui voit aussi dans le parti un danger potentiel permanent pour la classe ouvrière. Pour lui, le parti ne peut inévitablement que confisquer au prolétariat le contrôle de sa lutte et en conséquence est un ennemi à terme du développement de son combat et ne peut que s’identifier pleinement à la prise du pouvoir au sein de l’Etat.
D’où provient l’organisation ? Des masses elles-mêmes ? Quelle serait alors sa tâche et par rapport à quelles nécessités ?
Le camarade passe en réalité à côté de ces questions essentielles, ce qui renforce sa propension à assimiler confusément le parti à l’Etat et donc à ne voir avant tout dans le parti qu’un "danger". Comme un fatum, la dynamique de "bureaucratisation", selon la terminologie conseilliste, devient alors inévitable de ce point de vue. Or, il n’y a au contraire aucune fatalité et la vie d’une organisation n’est qu’un combat permanent dont l’issue n’est pas écrite à l’avance. Il doit être clair que le parti n’a pas pour rôle de prendre le pouvoir, même "au nom de la classe" et qu’il reste toujours un organe d’orientation politique qui, loin de s’identifier à l’Etat, lui est étranger. Cela avant, pendant et après la révolution, y compris donc dans une période post-insurrectionnelle. Il reste en cela une sécrétion de la classe ouvrière et de son combat historique. Seule une défaite du courant marxiste et une victoire de l’opportunisme, c'est-à-dire la pénétration de l’idéologie dominante en son sein, représente un danger potentiel qui peut être effectivement mortel. Mais cela n’infirme pas qu’à tous moments, il est vital pour les minorités les plus conscientes d’être organisées, pour être facteur actif dans le combat pour participer activement et efficacement à accélérer l’homogénéisation de la conscience dans la classe.
En réalité, ce qui peut paraître difficile à comprendre, c’est que le mouvement ouvrier doit accomplir des tâches organisationnelles en permanence, y compris lorsque les grandes masses paraissent totalement absentes de la scène de l’histoire ou lorsqu’elles sont défaites. S’il est vrai que les partis prolétariens surgissent en lien avec la montée des luttes de la classe ouvrière, se développent ensuite et disparaissent dans les phases contre-révolutionnaires, comme ce fût le cas formellement pour la Ligue en 1852, cela ne signifie pas pour autant une disparition totale de l’activité organisée.
De ce point de vue, entre 1852 et 1864, Marx n’était pas un "individu isolé" qui s’est "retiré pour ses études", un "penseur" ou "philosophe génial" comme se plait à le présenter la bourgeoisie, mais est resté au contraire un vrai militant communiste : "Marx n’a pas dissout autoritairement la Ligue en 1850, pas plus que l’AIT en 1872. Il a simplement expliqué que les révolutionnaires doivent se préparer à affronter la prochaine désagrégations de ces partis, en s’organisant pour maintenir même en leur absence le fil rouge de l’activité communiste" (Revue Internationale n°64 : "Le rapport fraction-Parti dans la théorie marxiste"). Les individus isolés, a contrario, ne peuvent avoir aucun champ réel d’action et le mouvement conscient de la classe ne peut jamais se réduire à la réflexion d’une somme d’individus éparpillés. Durant cette période de reflux de la lutte de classe, Marx et Engels ont au contraire toujours manifesté le souci de maintenir des liens organisés et de publier une presse révolutionnaire. Par l’expérience historique de la classe, Marx et Engels ont su préciser ainsi davantage à ce moment les contours de la notion de parti en faisant ce qu’on pourrait appeler un travail de "fraction" avant la lettre : "le processus de maturation et de définition du concept de fraction trouve donc son origine (mais pas sa conclusion) dans ce premier réseau de camarades qui avaient survécu à la dissolution de la Ligue des Communiste" (idem).
L’exemple de la Gauche italienne dans les années 1930, repris dans la discussion, constitue un démenti significatif à l’idée selon laquelle les organisations seraient inutiles en dehors de mouvements révolutionnaires. En effet, mené dans les conditions les plus terribles du stalinisme triomphant, les travaux de la Gauche italienne ont été des plus féconds sur différents plans théoriques, notamment organisationnels. Sans ce travail de fraction et donc d’organisation, notamment mené par Bilan, il n’y aurait pas aujourd’hui d’expression organisée aussi élaborée de la gauche communiste que le CCI ! Nous pouvons aussi ajouter plus simplement qu’avec le raisonnement du camarade appliqué à la phase ascendante du capitalisme, où la révolution n’est pas encore possible du fait de l’immaturité des conditions historiques, où le prolétariat se constitue en classe, on en viendrait rapidement à jeter aux orties les combats organisationnels de Marx et d’Engels, de Rosa Luxemburg et de Lénine ! Comme l’a affirmé justement un participant : "(…) L’organisation n’est pas seulement présente à des moments historiques particuliers. Il existe un rapport social qui fait que l’organisation est là pour lutter contre l’idéologie dominante. L’organisation est une nécessité pour pouvoir faire face à la pression de l’idéologie bourgeoise qui est permanente. Il s’agit d’un facteur fondamental qui s’exerce en profondeur et en étendue."
C'est justement à travers la discussion politique la plus large et la plus étendue et à travers la reconnaissance que les organisations révolutionnaires représentent son intérêt que le prolétariat sera le mieux à même de se renforcer politiquement et de se confronter à la bourgeoisie.
Le patient travail de regroupement international va de pair avec la construction de l’organisation du prolétariat. Le souci de la continuité pour transmettre un patrimoine politique à une nouvelle génération de militants est aujourd’hui indispensable pour préparer le futur parti et le prochain assaut révolutionnaire. Si les conditions du surgissement du parti sont liées à la lutte de classe, ce dernier n’en est pas un produit mécanique qui apparaît ex nihilo. Il doit surtout son existence à la clarté et la détermination, au combat de l’avant-garde révolutionnaire. Comme l’a montré la révolution russe, le parti bolchevik s’est construit bien avant la révolution, permettant une intervention féconde qui a préparé l’effervescence dans les meetings, les grèves et manifestations, dans les conseils ouvriers. Ceci, afin de remplir une fonction irremplaçable, celle de catalyser le processus de maturation de la conscience prolétarienne vers la victoire. Aujourd’hui, alors que l’impasse du capitalisme en crise pousse à nouveau le prolétariat à poursuivre et développer son combat, la tâche des révolutionnaires est d’œuvrer au travail de regroupement, à l’unité des énergies révolutionnaires en vue de la construction du futur parti mondial. De ce point de vue, nous ne pouvons partager la vision du camarade qui voit dans nos réunions et dans l’élaboration d’une démarche politique un "cours" qui ne lui "apporte rien". Contrairement à cette vision qui ferait du CCI une sorte de "professeur" et les participants des "élèves passifs" qui devraient ingurgiter des "leçons" formatées, nous affirmons que le prolétariat n’adopte pas ce type de démarches "pédagogiques" étrangères au marxisme. Tout au contraire, les réunions, encore une fois, sont des lieux de débats qui doivent permettre une confrontation politique en vue d’une clarification pour les besoins du combat. Elles participent du processus de prise de conscience nécessaire pour lutter contre la pression idéologique de la bourgeoisie, développer la lutte et préparer le futur.
WH (20 août)
Alors que les campagnes idéologiques de la bourgeoisie martelées depuis seize ans continuent à asséner le mensonge que la classe ouvrière est une classe moribonde, que sa lutte appartient à un passé révolu, la réalité se charge de montrer que le prolétariat est bien vivant et qu'il n'a pas d'autre choix que de développer son combat partout dans le monde.
La combativité ouvrière ainsi qu’un embryon de solidarité s'étaient déjà manifestés sur le sol européen avec la grève à l'aéroport londonien d'Heathrow cet été (voir l'article de notre section en Grande-Bretagne "Grèves à Heathrow : notre seul moyen de défense est notre solidarité de classe" [630]). La crainte d'une large mobilisation ouvrière vient de pousser le gouvernement Blair à retirer une partie de l'attaque sur les retraites dans le secteur public, destinée à amputer le paiement des pensions en faisant progressivement passer de 60 à 65 ans entre 2006 et 2013 l’âge de la retraite. Cependant, l'accord conclu avec les syndicats prévoit que dès 2006, les employés de la santé, de l'éducation et les personnels de l'administration centrale nouvellement recrutés seront soumis à cette attaque. Après la grève nationale du 4 octobre en France, qui a mis dans la rue plus d'un million de travailleurs à l'appel de tous les syndicats pour défouler le mécontentement social, c'est le syndicat "socialiste" FGTB qui obtenait une forte mobilisation le 7 octobre en Belgique, paralysant une large partie de l'activité économique du pays pour canaliser la protestation contre le gouvernement au moment où celui-ci entreprend de faire passer une nouvelle attaque sur le régime de Sécurité sociale et repoussant de 58 à 60 ans l’âge requis pour prétendre au reversement d’une pension de retraite. Et le 28 octobre, ce sont les deux grandes centrales syndicales du pays qui appellent ensemble à une nouvelle mobilisation générale pour la première fois depuis 12 ans.
Aux Etats-Unis, la grève de 18 500 mécaniciens de Boeing, votée à 86% à l'appel de l'IAM (International Association of Machinists and Aerospace Workers) aura duré du 2 au 29 septembre (la grève précédente des ouvriers de Boeing dans ce même secteur en 1995 avait lentement pourri pendant 69 jours avant de s’achever par une lourde défaite). Les ouvriers ont à nouveau refusé la convention collective proposée par la direction qui voulait notamment baisser le taux de revalorisation annuelle des retraites par rapport aux deux années précédentes, alors que les cotisations pour la couverture sociale ont plus que triplé depuis 1995 et que la direction s’était bien gardé de donner la moindre garantie sur la sécurité de l'emploi. La colère était d'autant plus forte que les bénéfices de l'entreprise ont triplé au cours des 3 dernières années. L'entreprise visait également à obtenir une diminution de remboursement des soins médicaux en imposant notamment la suppression de toute couverture médicale des retraités pour les nouveaux contrats d'embauche. Les ouvriers ont refusé tout net cette manœuvre de division entre "nouveaux" et "anciens", jeunes et vieux. Ils se sont également opposés à une autre tentative de la direction au cours de la négociation d'opposer les intérêts des ouvriers entre eux avec la proposition d'introduire des mesures différentes entre 3 grandes usines de production (celle de Wichita dans le Kansas se trouvant défavorisée par rapport à celles de Seattle, dans l'Etat de Washington, ou celle de Portland dans l'Oregon, exigeant que les propositions soient les mêmes pour tous les mécaniciens de la firme). Au bout du compte, la direction acceptait de verser des primes exceptionnelles aux salariés, de ne pas toucher dans l'immédiat aux remboursements et aux retraites mais en contrepartie les ouvriers voyaient les revalorisations de leur salaire réduites et ils ont dû accepter la poursuite des hausses de cotisations des prestations sociales. Cependant le fait le plus marquant est le black-out presque complet qui a entouré cette grève, notamment en Europe et en France en particulier. Le but poursuivi était d'empêcher la classe ouvrière ici de prendre conscience qu'il y a une classe ouvrière exploitée et qui se bat aussi aux Etats-Unis, pour défendre ses propres intérêts de classe.
De même, les grèves qui ont eu lieu entre juin et août en Argentine n’ont bénéficié d’aucune publicité, en Europe, contrairement au battage organisé autour de la révolte sociale de 2001 gangrenée par l'interclassisme (voir les articles que nous avons publiés sur ce mouvement notamment dans la Revue Internationale n° 109 en 2002, 117 et 119, en 2004). Les luttes de l'été dernier constituent la plus importante vague de grèves depuis 15 ans, notamment dans la région industrielle de Cordoba. Elles ont touché les hôpitaux, des entreprises de produits alimentaires, des chaînes de supermarché, les employés du métro de Buenos Aires, les travailleurs municipaux de plusieurs provinces. Au cours de ces luttes, les ouvriers ont clairement exprimé en plusieurs circonstances la volonté de rechercher une solidarité. Dans le métro de la capitale, tout le personnel a spontanément arrêté le travail après la mort accidentelle de deux ouvriers chargés de la maintenance. Dans la province de Santa Cruz, au Sud du pays, la grève des employés municipaux a entraîné une présence massive d’ouvriers d’autres secteurs comme d’une majorité de la population. A Caleta Olivia, les ouvriers du pétrole se sont même mis en grève à leurs côtés pour des revendications salariales similaires. A Neuquen, les ouvriers des services de santé se sont joints spontanément à une manifestation d’instituteurs et se sont confrontés à une forte répression policière. La réaction de la bourgeoisie a été extrêmement brutale. Quant aux ouvriers du centre hospitalier pédiatrique de Garrahan qui, au lieu de réclamer des hausses de salaire proportionnelles à chaque catégorie professionnelle, ont exigé une augmentation égale pour tous, ils ont été la cible d’une campagne de dénigrement d’une violence inouïe dans les médias. Ils ont été présentés comme des "terroristes" capables de faire mourir des enfants pour la défense de leurs intérêts particuliers et ont été délibérément exclus de toute négociation. De plus, les piqueteros gauchistes n’ont cessé de leur coller aux basques pour les compromettre dans leurs impopulaires actions de commandos. A travers cette répression, le succès de ces manœuvres et la mise en avant du prochain cirque électoral, cette vague de luttes a depuis nettement reflué. Mais elle aura confirmé que le prolétariat redresse partout la tête et s’affirme comme une classe en lutte. Nous avons déjà évoqué dans notre presse la grève des ouvriers de Honda en Inde (voir RI n° 361) ou celles dans les mines d’or en Afrique du Sud (RI n°360). Mais un autre exemple édifiant nous est donné par la Chine à propos de laquelle sévit encore le grand mensonge et la vaste escroquerie idéologique "d’un régime communiste". Une ONG de Hongkong a recensé pas moins de 57 000 conflits du travail en 2004 impliquant 3 millions de salariés, touchant désormais le secteur privé et plus seulement les usines d’Etat comme dans les années 1990.
Malgré toutes les limites qu'elles montrent encore et la multiplication des manœuvres syndicales pour les saboter, les luttes ouvrières n’appartiennent pas à un passé révolu.
Non, la classe ouvrière n’est pas morte ! Elle n’a pas d’autre choix que de se battre et, dans le développement de ses luttes, elle porte plus que jamais le seul futur possible de toute l’humanité.
W (22 octobre)
Début septembre, le gouvernement Villepin avait réaffirmé la priorité de son action envers l'emploi en annonçant des "réformes" destinées à "remettre d'aplomb" le "modèle social" français. Le premier ministre se disait plus tard, en octobre, encore prêt à engager "mille batailles" pour le "dynamisme économique" et pour la "solidarité". En effet, la bataille est engagée sur de nombreux fronts contre les chômeurs, contre les RMIstes, contre les salariés et contre toute la classe ouvrière. Les grands discours sur la "croissance sociale" qu'on nous sert sont destinés à justifier l'actuelle série d'attaques contre les conditions de vie et de travail des ouvriers.
Le projet de loi de finances du gouvernement pour 2006 prévoit que le déficit de l'Etat ne pourra pas dépasser 3%, alors que les moins mauvaises prévisions de croissance de la production économique française se situent (contrairement au discours du gouvernement qui annonce entre 2 et 2,5%) entre 1,5 et 1,8%. Or, l'endettement de l'Etat, de la Sécurité sociale et des collectivités locales a déjà atteint cette année, malgré les mesures prises pour réduire le salaire social, le record de 66% du PIB. Ce qui signifie en clair que c'est la classe ouvrière qui va payer la différence, au prix fort.
Tout ce discours prétendument "social" essaie vainement de masquer que l'objectif du gouvernement est de faire pression sur tous les ouvriers, qu'ils soient au travail ou au chômage.
Selon le dernier rapport de la Cour des comptes, la Sécurité sociale affiche un déficit "sans précédent dans l'histoire" de cette institution, avec 8,6 milliards de pertes prévues pour l'année 2005. On nous annonce aussi que 15% des prescriptions seraient "non justifiées" et que cet "excès" de dépenses représenterait la somme de 6 milliards d'euros.
Depuis les années 1980, ce discours de l'Etat sur les mécomptes de l'assurance maladie a toujours servi de tremplin pour justifier à grands renforts de chiffres les mesures pour diminuer les "avantages" de la Sécurité sociale. La loi de 1991 portant réforme de l'assurance maladie, créée par la gauche mais mise en œuvre par les ordonnances Juppé de 1995, avait été un premier grand pas pour donner un cadre de façon à réduire les dépenses et l'accès aux soins. Sous la houlette de Douste-Blazy et avec les lois de réforme sur l'assurance maladie de juillet 2004, ce cadre a été renforcé. Il s'agit en réalité de la mise en place de moyens permettant à la bourgeoisie d'accentuer et d'accélérer à volonté la pression sur le salaire social à travers la diminution des dépenses de santé. Ainsi, on nous serine aujourd'hui qu'après un an d'existence de cette loi et des mesures qu'elle impliquait, les résultats pour "boucher le trou" de la Sécurité sociale ne sont pas suffisants. Moralité, il faut taper encore plus fort car son déficit doit passer des 8,3 milliards d'euros actuels à 6,1 en 2006.
Les mesures d'austérité en matière de santé vont ainsi passer un nouveau cap. 156 médicaments ne seront donc plus remboursés, 221 vont être déréglementés. A présent, 18 euros seront à la charge des patients pour les actes médicaux dépassant 91 euros. Cela signifie la diminution de l'accès aux actes de dépistage pour toute une frange de la population qui était jusqu'ici prise en charge à 100% en cas de suspicion de maladie grave, tels certains cancers ou pathologies neurologiques (dont l'ESB). Il reviendra en effet aux mutuelles de régler la différence alors que 20% de la population n'ont déjà pas les moyens de s'en payer une et que ces dernières vont immanquablement augmenter à terme leurs tarifs.
Ceci implique qu'un nombre grandissant d'ouvriers au travail, mais encore plus de retraités et de chômeurs, n'aura même plus les moyens d'accéder à un système de soins qui les protègent réellement.
Du fait de la poursuite des licenciements dans de nombreux secteurs, de la réforme de l'assurance-chômage et de la réduction de 30 à 24 mois des durées d'indemnisation les plus longues, le nombre de RMIstes a augmenté de 3,8% de juin 2004 à juin 2005 et compte à présent 1,24 millions de "bénéficiaires" après avoir passé le cap du million au début de l'année. Cette frange de "profiteurs" des mannes capitalistes est ainsi dans le collimateur de la bourgeoisie et soumise à des contrôles draconiens de la part des conseils généraux avec le risque de radiations sous les prétextes les plus hypocrites. Ainsi, des fins de droit au RMI sont appliquées pour non signature de contrats d'insertion, alors que cette obligation est récente et que nombre de RMIstes ne sont pas au courant de cette nécessité. Ce sont aussi les changements d'adresse qui sont le prétexte à radier les RMIstes qui n'ont pas pris la précaution de le signaler aux conseils généraux. Or, le problème du logement, qui frappe déjà brutalement l'ensemble de la population et de la classe ouvrière, est encore plus aigu pour les RMIstes, au point qu'une grande partie d'entre eux n'ont même pas de domicile et sont le plus souvent en errance, au mieux de foyer en foyer.
Quant aux chômeurs, après la série de mesures depuis le printemps dernier pour les soumettre à la pire exploitation sous peine d'être virés de leurs droits aux allocations chômage, la circulaire gouvernementale du 5 septembre était venue repréciser les critères du "caractère actif de la recherche d'emploi", pour les employés de l'ANPE qui rechignent à appliquer la baisse ou la suppression des allocations contre cette autre catégorie de "profiteurs".
De plus, pour mieux renforcer leur flicage et diminuer le coût que représentent les salariés qui gèrent le chômage, un processus de fusion a été lancé par le gouvernement, dans le cadre de la "loi de cohésion sociale", entre l’ANPE (Agence Nationale pour l’Emploi) et l’UNEDIC (Union Nationale pour l’Emploi Dans l’Industrie et le Commerce). Le premier organisme (ANPE) est plus particulièrement chargé du placement des chômeurs, tandis que l'UNEDIC est chargé de collecter les cotisations payées par les entreprises et les salariés ainsi que du paiement des indemnités de chômage. Même si ce plan ne sera mis en place que lentement, il vise en particulier à faire des économies de personnel (14 000 salariés environ à l’ANPE et 17 000 à l’UNEDIC), et des mesures sont déjà en marche. Il est ainsi prévu que 500 salariés de l’UNEDIC aillent travailler dans les locaux de l’ANPE, et des formations sont prévues dans chacun des organismes pour mieux connaître le métier de l’autre organisme et, déjà, des salariés de l’un ou l’autre organisme ont été envoyés travailler respectivement dans les locaux de l’autre.
Voilà donc en quoi consiste quelques-uns des volets principaux de la "croissance sociale" que nous promet le gouvernement : accélération dans le démantèlement de la Sécurité sociale, aggravation de la paupérisation généralisée de la classe ouvrière et croissance des attaques anti-ouvrières.
Mulan (20 octobre)
Dans le n° 360 de Révolution Internationale, dans la deuxième partie de l’article "Plus de trente ans d’aggravation de la crise économique", nous avions mis en évidence que le capitalisme entrait dans une nouvelle phase de récession. En conclusion, nous écrivions : "Alors que la très courte reprise économique de ce début des années 2000 s’est traduite par une accélération massive du chômage et la paupérisation de la classe ouvrière, nous pouvons alors imaginer l’ampleur de l’attaque que le capitalisme tentera d’infliger au prolétariat".
Depuis quelques semaines, les chiffres tombent comme un couperet, la liste des entreprises qui licencient s’allonge. La bourgeoisie allemande aura profité de la polarisation autour du "suspense" électoral puis sur les choix de la future coalition gouvernementale pour faire passer les attaques et porter les coups les plus durs au prolétariat. Le 28 septembre, la direction de Mercedes-Daimler-Chrysler annonce 8500 suppressions de postes (ce qui représente près d’un emploi sur dix !), plus les 700 envisagés dans sa filiale Smart dès avril. Chez Opel, la direction se prépare à licencier 9100 personnes ; dans la foulée, la maison-mère General Motors annonçait la suppression de 25 000 emplois (sur 180 000) en Amérique du Nord d'ici à 2008 ainsi que la réduction drastique des prestations sociales (retraites et dépenses de santé) versées aux 750 000 salariés et retraités installés aux Etats-Unis, à la suite de la faillite de l'équipementier automobile Delphi qui alimentait un des principaux fonds de pension du pays. Quant à Volkswagen, le plus gros constructeur en Allemagne (345 000 personnes), la presse allemande évoque une fourchette de 10 000 à 14 000 postes menacés. D’autres secteurs sont aussi sur la sellette, par exemple, Siemens, qui emploie 164 000 personnes dans les télécommunications ou le matériel informatique, prévoit 7000 licenciements. L’entreprise américaine, Hewlett-Packard, a programmé 4500 suppressions de postes en Grande-Bretagne et en Allemagne (en plus des 1240 en France). D’autres entreprises risquent de rallonger la liste des licenciements. Que le capital allemand soit un des plus touchés par cette nouvelle récession, dans ce qui constitue son fleuron, l’industrie de l’automobile, est significatif de l’état dans lequel se trouve le capitalisme mondial. Malgré la modernité de son appareil productif, la qualification très élevée de sa main d’œuvre, le degré de concentration de ses entreprises, la troisième puissance économique mondiale commence à s’essouffler par rapport à ses concurrents. Alors que ses principaux rivaux comme les bourgeoisies française ou japonaise taillaient dans le vif en licenciant à tour de bras à la fin des années 1990, l’Allemagne a mis du temps à faire de même, tablant sur des produits de haute qualité pour tenter de résister. Mais la réalité l’a vite rattrapée. L’Allemagne et son secteur automobile ne sont pas les seuls touchés, des entreprises technologiques de pointe le sont aussi : Hewlett Packard prévoit le 12 septembre de se délester de 14 500 emplois dans le monde, alors que son rival, IBM, avait décidé en mai de licencier 13 000 personnes, le fabricant italo-français de puces électroniques, ST-Microelectronics, va mettre plus de 3000 salariés à la rue, et tout récemment au Japon, Sony annonce la suppression de 10 000 postes et la fermeture de 11 sites sur 65 ! Et dans l’aéronautique, la Compagnie américaine Delta Airlines prévoit d’ici 2007 de se séparer de 7000 à 9000 personnes. Tous ces chiffres donnent le vertige ! Et cela ne peut aller qu’en s’aggravant.
Face à un marché mondial saturé de marchandises de toutes sortes, la concurrence devient de plus en plus féroce. Pour la bourgeoisie il s’agit d’une guerre commerciale sans merci. Et pour être plus compétitif, il faut baisser les coûts de production, fermer des usines c'est-à-dire s’attaquer à la classe ouvrière. Voici ce que disait le PDG de Volkswagen à l’ouverture du salon automobile de Francfort le 11 septembre dernier : "La vérité, c’est que les coûts salariaux par voiture sont trop élevés. Il faut les réduire, soit en abaissant le salaire horaire, soit en augmentant la productivité ou en réduisant le nombre de salariés". Mais ce que ne dit pas ce grand représentant de la bourgeoisie allemande c’est qu’il a fait tout cela : il a baissé le salaire horaire, avec l’accord du syndicat IG- Metall, faisant passer le temps de travail de 35 à 40 heures, en novembre de l’année dernière, sans compensation salariale avec la promesse de ne pas licencier. On voit ce que valent les promesses de la bourgeoisie car des licenciements sont prévus, et pour ceux qui restent, le taux de productivité va augmenter ! Un exemple : la production d’un monospace, la Touran, est effectuée avec une organisation du travail qui fait tourner les machines jour et nuit. Dans la détermination des salaires n’est pas pris en compte le travail de nuit, l’expérience et la spécialité des ouvriers. Pour faire passer ces mesures auprès des ouvriers, toujours avec l’accord du syndicat, le PDG de Volkswagen a utilisé le chantage de la délocalisation. La direction veut maintenant étendre une telle expérience sur d’autres chaînes de montage. Le futur 4X4 Golf sera ainsi produit avec une économie de 850 euros par véhicule. Le même chantage est exercé envers les salariés de Thyssen/Krupp. Comme beaucoup d'entreprises, le groupe se prépare à exiger une baisse du temps de travail avec une amputation correspondante des salaires en contrepartie "d'un maintien des emplois". Toutes les expériences précédentes -à commencer par celle des salariés de Volkswagen il y quelques années- démontrent que ce "sacrifice" n'empêche nullement les licenciements de tomber quelques mois plus tard !
Ce n'est pas seulement l'ampleur et la gravité de la crise économique mondiale que révèle l'élimination massive et quasi-simultanée de centaines de milliers d'emplois industriels dans les pays qui constituent le cœur du capitalisme, plongeant de nouvelles centaines de milliers de prolétaires dans l'enfer du chômage et de la misère. C'est la faillite du système capitaliste qu'elle met à nu.
Antoine (19 octobre)
Le conflit à la SNCM (Société nationale Corse Méditerranée) aura duré 24 jours, s'achevant dans la défaite, l'isolement, l'amertume, la démoralisation les plus complets pour les ouvriers embarqués dans cette lutte. Le bilan de cette grève se solde par le maintien des 400 suppressions d'emplois annoncés au début par les repreneurs privés Butler et Connex. Comment cette lutte a-t-elle été conduite dans une impasse totale alors qu'elle s'inscrivait pourtant dans un contexte de montée d'exaspération accumulée et de ras-le-bol grandissant présents dans toute la classe ouvrière en France face à des attaques simultanées : annonce de licenciements touchant en même temps des dizaines de milliers d'ouvriers, dégradation accélérée du niveau de vie, des conditions de travail et du pouvoir d'achat, intensification du démantèlement de toute protection sociale sur les salariés, les retraités, les chômeurs ? (voir article page 2).
Rappelons les faits. A l'annonce du plan de privatisation de la SNCM et du soutien par le gouvernement de l'offre d'un repreneur, la société Butler, les ouvriers savaient que cela signifiait le licenciement pour une bonne partie d'entre eux et laissaient éclater leur colère et leur combativité. Mais d'emblée, ils se sont laissés embarquer sur un terrain corporatiste et nationaliste imposé d'avance par les syndicats. La bourgeoisie profitait ainsi du contrôle étroit des syndicats sur l'entreprise et des illusions corporatistes particulièrement fortes dans ce secteur. La CGT à Marseille et le STC (Syndicat des Travailleurs corses) sur le sol corse se partageaient en effet déjà un véritable racket mafieux, monopolisant le contrôle de l'embauche des salariés de la SNCM. Il y a dix ans, le STC, fort de 5000 adhérents en Corse, avait d'ailleurs lancé un mouvement pour réclamer de l'Etat français une "corsisation" des emplois dans l'île.
Dès lors, la bourgeoisie et ses syndicats disposaient d'un large champ de manœuvre pour saboter la riposte ouvrière, dévoyer la lutte sur un terrain étranger au prolétariat, tout en montant en épingle ce conflit et en le médiatisant au maximum.
Dès le 21 septembre, deux navires de la SNCM avaient été bloqués dans le port de Marseille. Un des deux à destination de la Corse avait pu finalement appareiller, l'autre qui devait ramener des travailleurs maghrébins en Algérie vers leur famille, était resté à quai. Des marins de la CGT ont même utilisé des lances à incendie pour empêcher ces travailleurs maghrébins de monter sur les bateaux. Ces quelques 1200 prolétaires ont ensuite été abandonnés à leur sort par la direction de la SNCM, par les autorités françaises et algériennes et se sont fait balader plusieurs jours entre Marseille et Toulon avant de pouvoir partir.
La CGT a organisé dès le départ des actions minoritaires, de commandos. Lors d'une de ces "actions", le PDG de l'entreprise a été séquestré mais une fois l'impact publicitaire obtenu, les syndicats le laissaient "s'enfuir" le lendemain.
La grève prenait une autre dimension le 26, dès l'annonce de l'acceptation par le gouvernement du plan du repreneur et l'entrée en scène du STC. Le même jour, les dockers et les employés du port autonome de Marseille, et des ports de Fos et de Port-Saint-Louis sont appelés à se mettre en grève. La grève sera effective le 29 provoquant une paralysie générale du trafic autour de Marseille et en Corse. Le secrétaire général de la CGT, Thibault, prend soin de préciser qu'il ne s'agit nullement d'un mouvement de solidarité mais là encore d'une lutte pour assurer le maintien du service public de chaque entreprise face au danger de privatisation. En réalité, la CGT qui encadre et contrôle étroitement ces mouvements se garde bien de mélanger les ouvriers de chaque pôle d'activité qui vont poursuivre la lutte chacun de leur côté. Elle veille précisément à empêcher toute expression de solidarité, tout en mettant en avant des revendications similaires : la sauvegarde de l'embauche au nom de la défense du "service public". Le mouvement paralysant le port et le blocage du trafic vers la Corse contribue à diviser les salariés de la SNCM avec ceux de la sous-traitance d'une part et ceux des compagnies concurrentes d'autre part.
Le spectacle médiatique prend le dessus. La CGT et le STC se partagent le travail, de même qu’au sein de la CGT, entre l’union départementale "radicale" et la direction de la confédération nettement plus "modérée". Tandis que la CGT locale lance des commandos encagoulés qui virent à plusieurs reprises en échauffourées avec les policiers et que de violents affrontements avec les forces de l'ordre se produisent plusieurs nuits de suite dans les rues de Bastia, le STC se livre à l'épisode le plus spectaculaire en détournant vers Bastia un cargo, le Pascal-Paoli, et justifie cet acte de rébellion en prétendant "rendre son outil de travail à la Corse". L'Etat répond en faisant prendre d'assaut le bateau avec ses super-gendarmes du GIGN. Quatre marins sont placés en garde à vue. La "libération" des "mutins" est présentée comme une "victoire" et contribue à populariser cette lutte sur laquelle tous les projecteurs de l'actualité sont braqués. Alors que localement des milliers de travailleurs sont pris en otage par la paralysie des transports qui débouche sur un véritable blocus de la Corse, les ouvriers de l’Hexagone dans leur ensemble sont invités à vivre par procuration ce conflit presque heure par heure alors qu'ils ne peuvent nullement se sentir concernés par les "revendications" nationalistes qui sont mises en avant par le STC qui sert de repoussoir (tout en cultivant le paradoxe du nationalisme corse dont toutes les variantes réclament bruyamment… le maintien de la SNCM dans le giron de l'Etat français !). Le déchaînement de la pire hystérie nationaliste, comme en Corse où elles ont rapidement dégénéré, ne pouvait déboucher que sur des attentats à la roquette ou sur des bastonnades totalement étrangères à la lutte ouvrière et à ses méthodes de lutte.
Tandis que la Corse est isolée et subit un véritable blocus, parallèlement, la police déloge les grévistes à Marseille et fait évacuer le port. Pendant toute la durée de la grève, les manifestations à Marseille (en dehors du 4 octobre), étroitement encadrées par la CGT, qui y fait chanter La Marseillaise, n'auront jamais rassemblé plus de 200 personnes. Les caméras des médias et les journalistes accrédités sont les seuls à être conviés à des parodies d'AG qui, sous le contrôle des syndicats, se tenaient pour la SNCM … dans la salle de cinéma d'un bateau Le Méditerranée, interdisant l'accès aux autres ouvriers, notamment ceux du port autonome, aux dockers et aux employés des transports publics. Il était d'autant plus impossible d'entrer dans le port que celui-ci s'est retrouvé rapidement investi par les forces de police. Pendant ce temps, la grève à la SNCM était applaudie, encensée, encouragée par toutes les forces de la gauche, y compris par le groupe trotskiste "Lutte Ouvrière" qui déclarait lors du "meeting de soutien" du 3 octobre aux grévistes de la SNCM auquel participait également Buffet, Besancenot et des élus du PS : "Marins et travailleurs de la SNCM, je vous remercie, vous avez montré l'exemple de la combativité à tous les travailleurs". Ce discours ne faisait qu'entretenir l'illusion de force d'une lutte qui se retrouvait totalement enfermée, étouffée et sabotée par les syndicats, dévoyée par eux sur le terrain de la défense du service public français et réclamant la "protection" de l'Etat et du gouvernement. Cloisonné et isolé dans la défense de son entreprise et de sa corporation, chaque mouvement était entraîné inexorablement vers la défaite. Les dockers puis les employés du port ont voté la reprise du travail en laissant ceux de la SNCM totalement isolés.
Quel est le message que la bourgeoisie a voulu faire passer ?
- D'une part, ce conflit a été présenté pendant un temps comme un modèle de combativité pour la lutte de classe dans les médias. C'est le type même d'une grève dure, radicale, violente dans laquelle un syndicat, la CGT, s'est donnée l'image d'un syndicat se battant, jusqu'à la limite du possible pour défendre jusqu'au bout les intérêts des travailleurs, pour tenter de faire reculer le gouvernement ;
- D'autre part, la principale leçon à tirer de la défaite serait qu'il ne sert à rien de lutter puisqu'une grève, même la plus dure et radicale, ne mène finalement à rien si elle n'est pas dirigée par des syndicats "responsables". Il s'agit de faire apparaître les "ouvriers de la base", manipulés et encouragés en sous-main par la CGT locale et par le syndicat nationaliste corse STC comme une poignée d'irresponsables. La menace et le chantage au dépôt de bilan signifiant la mise au chômage pour tous les ouvriers de l'entreprise, s'est avérée une arme d'autant plus efficace que l'Etat ne pouvait se permettre de laisser une entreprise publique en faillite pour la première fois de son histoire.
Quant au gouvernement, il aurait témoigné de sa " bonne volonté" en dépêchant à maintes reprises plusieurs ministres pour négocier.
Au bout du compte, ce n'est que derrière les "syndicats responsables", seuls interlocuteurs reconnus, qu'on pourrait lutter, limiter les dégâts contre les attaques et les licenciements et "faire pression pour freiner les dérives libérales" du gouvernement, à l'instar du patron de la CGT, Bernard Thibault qui, depuis une semaine martelait l'idée qu'il fallait faire marche arrière pour éviter le dépôt de bilan.
Cela n'est pas contradictoire car le seul objectif de la bourgeoisie est de désorienter, de diviser la classe ouvrière et de dissuader par tous les moyens les prolétaires d'entrer en lutte sur leur véritable terrain de classe, de les empêcher de reconnaître et d'affirmer les besoins de leur lutte.
Ce que la classe ouvrière doit retenir de cette lutte est tout différent.
Les méthodes mises en avant par les syndicats à Marseille et en Corse ont été en constante opposition avec les besoins réels de la lutte ouvrière.
Le besoin vital de la lutte et le seul moyen de mener une grève et d'imposer un rapport de forces à la bourgeoisie est de l'étendre, d'entraîner dans la lutte d'autres secteurs, d'aller chercher la solidarité d'autres entreprises voisines et de les entraîner dans le même combat. C’est seulement ainsi que peut s’affirmer une solidarité de classe dans la lutte. A la SNCM, les syndicats ont constamment empêché un lien réel avec les grévistes du port autonome de Marseille, les dockers, les employés des transports publics. Le dramatique isolement des salariés dans les transports publics marseillais en grève depuis trois semaines que les syndicats enferment dans un jusqu'au-boutisme épuisant et démoralisant l’illustre encore aujourd'hui. Il est nécessaire pour le combat de classe de dépasser le carcan de l'enfermement corporatiste qui est par excellence le terrain du sabotage syndical de la lutte. L'extension de la lutte aux entreprises voisines autour des mêmes revendications de classe est une question de vie ou de mort pour la lutte. Pour cela, il ne faut pas s'en remettre aux syndicats qui profitent de leur contrôle sur les AG pour en interdire l'accès aux travailleurs des autres entreprises considérés comme des "étrangers" ou des "intrus" alors que l'unité de la classe ouvrière et la participation de tous les ouvriers, aux AG, ceux au travail comme ceux réduits au chômage, est l'oxygène indispensable de la lutte, la circulation du sang d'une classe ouvrière vivante.
Alors que les syndicats de la SNCM prétendaient défendre les emplois, les ouvriers d’autres entreprises de la région dans le privé étaient confrontés à la même menace de licenciements comme les salariés de Nestlé à Marseille, de ST-Microelectronics près d'Aix-en-Provence. Rien n’a été fait pour aller dans leur direction et pour les rencontrer. Au contraire, le thème de la défense du service public ne pouvait que les isoler et leur procurer un sentiment d’exclusion vis-à-vis de la lutte à la SNCM. Il est clair que toute lutte enfermée sur elle-même et isolée dans le cadre de la corporation, de l'entreprise, du secteur ne peut aller que vers la défaite.
La défense du service public mise en avant d'un bout à l'autre de la lutte par les syndicats a été d'ailleurs le leitmotiv constant de la grève, non seulement à la SNCM, mais chez les employés du port, chez les dockers, chez les grévistes dans les transports publics. Ce n'est pas sur ce terrain-là que la classe ouvrière peut se battre. En désignant un objectif erroné à la lutte : contre la privatisation et pour réclamer le maintien majoritaire de l’entreprise dans les mains de l’Etat, ce dévoiement ne pouvait déboucher que sur un terrain nationaliste qui n'est nullement le terrain de lutte du prolétariat mais celui de la bourgeoisie. Ces ouvriers à qui on faisait chanter l'hymne national dans les manifestations, se sont laissés mettre la tête sur le billot par les syndicats en réclamant derrière eux la protection de l'Etat français qui était pourtant le maître-d'œuvre de l'attaque portée contre eux. Leurs revendications ont pu ainsi être dévoyées par les syndicats sur le terrain de la bourgeoisie, servant en fin de compte la même cause de la défense de l'entreprise au nom de "l'intérêt national" que le "patriotisme" économique ou social de Villepin.
Les syndicats ne peuvent entraîner les ouvriers que sur le terrain du corporatisme et derrière la défense de l'intérêt national et les mener chaque fois ainsi, pieds et poings liés, à la démoralisation et à la défaite.
Wim (20 octobre)
Les manœuvres de la bourgeoisie pour dévoyer la colère ouvrière dans des impasses
La bourgeoisie française sait qu'elle a face à elle une classe ouvrière au sein de laquelle se développe un questionnement de plus en plus profond, devant une situation inquiétante : guerres et attentats à répétition dans le monde, désastres écologiques, diminution drastique du niveau de vie, etc. En même temps, ce questionnement ne donne pas naissance à des expressions de combativité clairement exprimées de façon massive, comme ce fut le cas lors des grèves contre la réforme du système des retraites en mai et juin 2003. Il existe même un certain déboussolement et une difficulté à entrer en lutte qui traversent les rangs ouvriers.
Il est donc important pour la bourgeoisie d’exploiter au maximum ce déboussolement pour dévoyer le mécontentement de la classe ouvrière sur les terrains pourris du nationalisme, de la défense du secteur public ou de l'entreprise, derrière les syndicats et pour enfermer la réflexion dans les impasses "citoyennes".
Courant septembre, plusieurs milliers de suppressions d’emploi sont annoncés chez Hewlett-Packard (HP), dont 1460 en France. Toute la presse monte l'affaire en épingle tandis que les syndicats jouent à fond sur l’anti-américanisme ambiant pour dénoncer les vilains patrons d'outre-Atlantique. Parallèlement, les syndicats insistent sur la rentabilité de l'entreprise dans son ensemble et mettent en avant que le site de Grenoble, le plus touché par les menaces de licenciements, fait des profits.
La grève s'est donc ainsi trouvée enfermée sur la question de la viabilité de l'entreprise et sur le terrain de la défense du site de Grenoble, alors que des menaces de licenciements étaient annoncés chez ST-Microelectronics et dans d'autres usines de la région. Le sale travail des syndicats a donc été de poser d'emblée les questions en termes de gestion de l'entreprise de façon à tuer dans l'œuf toute réflexion sur le fait que les problèmes sont les mêmes partout et afin de miner toute possibilité de mise en œuvre d'actions solidaires et de rencontres entre les différents ouvriers des entreprises concernées dans une zone géographique durement frappée par les licenciements.
Pour mieux enfoncer le clou de la défense de l'entreprise, on a pu voir le maire de Grenoble se déplacer en Californie, à grands renforts de médias, pour aller "discuter" avec les dirigeants de HP. Ce "combat exemplaire" et "citoyen" du maire de Grenoble s'est soldé par une grande "victoire" : la direction américaine de HP a revu (momentanément) ses licenciements à la baisse – 1240 au lieu des 1640 initialement prévus -pour le site de Grenoble, mais avec la remise en cause des accords passés sur les 35 heures en contrepartie.
L'idée principale que devaient retenir les ouvriers de HP, mais surtout toute la classe ouvrière, en France et ailleurs, c'est que lutter derrière les syndicats et derrière les représentants de l’Etat paie, puisque le plan de licenciements prévu initialement a été modifié. Il s'agit en fait d'une véritable arnaque : d'une part, les conditions de travail et l'exploitation vont s'aggraver pour ceux qui ne seront pas licenciés à Grenoble et, d’autre part, les licenciements y sont quand même maintenus dans leur plus grande partie comme dans les autres usines du groupe en France.
Nous avons là encore un exemple caractéristique de ces défaites que la bourgeoisie et ses syndicats s'efforcent de faire passer pour des victoires ouvrières. Et parmi les aspects les plus nocifs de cette défaite, non seulement les ouvriers se sont fait avoir en s'en remettant à un représentant de l’Etat pour la défense de leurs intérêts, mais cela a eu pour résultat de provoquer une division au sein des ouvriers. Ainsi, certains à Grenoble vont "sauver leur place" au détriment d'autres ouvriers du même site et des autres sites du groupe !
Au lendemain de la journée d'action du 4 octobre, les syndicats et la gauche se sont félicités du "succès" de cette mobilisation nationale qui a vu défiler environ un million de personnes dans les rues des principales villes de l'Hexagone : 100 000 à Paris, 15 000 à Lyon, 30 000 à Marseille et Toulouse, 20 000 à Grenoble, et à Lille, etc.
Une telle présence de nombreux salariés dans les secteurs les plus divers et les plus importants est révélateur du questionnement et de l'inquiétude qui se développe dans l'ensemble de la classe ouvrière. Cependant, malgré le nombre de grévistes, peu de combativité s'est exprimée dans ces manifestations, où une certaine morosité et une certaine passivité prédominaient,.
Pour autant, les syndicats, avec à leur tête la présence massive de la CGT, se sont félicités d'avoir amené dans les rues autant de salariés pour dire "non" à la politique du gouvernement et défendre l'emploi et les salaires. Les organisations syndicales pouvaient en effet être satisfaites car cette journée d'action avait pour objectif essentiel d'être une opération de recrédibilisation de syndicats qui étaient restés particulièrement discrets depuis le printemps dernier, alors que les attaques ne cessaient de pleuvoir sur la classe ouvrière.
Le discours du premier ministre le soir même à l'Assemblée nationale, proclamant qu'il avait "écouté le message des Français", était une réponse en contrepoint venant donner de la "valeur ajoutée" au battage syndical. Autrement dit : suivez les syndicats, avec eux, vous serez écoutés car ce sont des interlocuteurs valables, responsables !
En plein développement de la grève jusqu'au-boutiste des marins de la SNCM (voir notre article ci-dessus), il fallait justement pour la bourgeoisie opposer ceux qui savent diriger des négociations et les mener à bien dans l'intérêt des salariés et de leur outil de travail, les centrales syndicales, alors que ceux de la SNCM prenaient le risque majeur de tout perdre.
Tout d'abord, il faut être clair sur le fait qu'une journée d'action comme celle du 4 octobre, encadrée et ficelée par les forces syndicales, à coups de flonflons et de fumigènes rendant toute discussion difficile sinon impossible, ne peut être un réel moment de solidarité ouvrière. Même si des ouvriers de HP étaient présents en tête de la manifestation grenobloise ou parisienne du 4 octobre, aucune solidarité concrète ne pouvait s'y manifester. La vraie solidarité, celle qui peut mener à une véritable unité dans la classe ouvrière, on l'a vu lors de la grève d'Heathrow (voir RI n°360 et notre site Internet sur la question). Défiler passivement, isolément derrière les banderoles syndicales ou celles de "son" entreprise, ne mène qu'à l'impuissance.
La lutte ouvrière ne peut être forte que si elle est solidaire au-delà de l'usine, au-delà de l'entreprise et du secteur, lorsqu'elle se développe sur le terrain de la défense des intérêts de toute la classe ouvrière, au-delà des fausses différences que veulent nous imposer les syndicats entre le privé et le public.
Suivre les syndicats et leurs discours mensongers, bien loin de renforcer l'identité de la classe ouvrière, sa solidarité et son unité, ne peut que réduire les prolétaires à une somme d'individus faibles et impuissants qui ne pourront que continuer à subir de plein fouet les attaques de la bourgeoisie.
Mu (21 octobre)
Loin d’être une spécificité hispano-marocaine, la répression
des émigrants à Ceuta et Melilla est le dernier épisode d’une longue liste
d’horreurs que le capitalisme fait subir à cette partie la plus pauvre de la population. Des
milliers d’émigrants se noient chaque année dans le détroit de Gibraltar.
Autant, sinon plus, sont violemment réprimés et parqués dans des camps de
transit pour avoir voulu, à bord d’embarcations de misère tenter de rejoindre
l’Europe, via la Sicile, les Canaries et plus récemment Chypre et Malte. Les
champions des "droits de l’homme", France et Angleterre ne sont pas
en reste, comme le montre la fermeture conjointe du centre de Sangatte dans le
Pas-de-Calais laissant des centaines de réfugiés dans le dénuement le plus total,
de même que la promesse de Sarkozy de renvoyer 24.000 sans papiers par
charter d’ici la fin 2005 ou les négociations en cours que mène la France pour
que la Libye ouvre des camps de transit, comme au Maroc, en Algérie ou encore
en Ukraine et Moldavie. Face à une crise économique qui ne cesse de
s’amplifier, où en 30 ans, le nombre de migrants dans le monde est passé de 75
à 200 millions de personnes, le capitalisme est aux abois et le sort qu’il
réserve à l’humanité, à l’avenir, est condensé dans ce qu’il fait subir à cette
masse d’immigrés. Car c’est bien la misère des
immigrés qui résume la misère du prolétariat en tant que classe ne
possédant rien d’autre que sa seule force de travail. Dans la condition
inhumaine qui est faite aujourd’hui aux émigrants, cette force de travail
apparaît clairement pour ce qu’elle est : une simple marchandise que les
négriers bourgeois ont toujours achetée au plus bas prix pour faire fructifier
leur capital et quand il y a trop de main d’œuvre sur le marché, c’est le
chômage pour une grande partie de la classe ouvrière, l’exode, la répression et
la mort pour les plus pauvres d’entre nous.
Au cours des deux dernières semaines nous avons assisté à une succession de scènes hallucinantes à la frontière Sud de l'Union Européenne. Il y a eu d’abord les assauts massifs des clôtures barbelées installées par le gouvernement espagnol que des milliers d'émigrants ont réussi à franchir, non sans y avoir laissé des lambeaux de vêtements et du sang. Puis il y a eu les rafales de balles qui ont fauché la vie de 5 émigrants, des rafales tirées, selon toute probabilité, et en dépit des contorsions des porte-parole officiels, par les forces du "très démocratique" et "très pacifiste" gouvernement de Monsieur Zapatero qui aime se donner l'image d'un Bambi, d’un faon inoffensif. Ensuite est arrivé le déploiement massif de troupes de la Légion et de la Garde Civile avec la consigne de repousser "de manière humaine" (sic) les émigrants. Le 6 octobre, après d'obscures négociations entre les gouvernements espagnol et marocain, les événements prennent un virage : 6 émigrants meurent mitraillés en territoire marocain. Ces meurtres sont le début du déchaînement d'une série d'actes de plus en plus brutaux : émigrants abandonnés dans le désert au Sud d'Oujda le 7 octobre, coups de filet massifs dans les villes marocaines où se concentrent les émigrants ; vols charter de rapatriement vers le Mali et le Sénégal avec des hommes et des femmes entassés, nouvelle déportation massive d'émigrants, dans des autobus de la mort, vers le désert du Sahara.
À partir du 6 octobre, le gouvernement Zapatero récupère son rôle de "champion du savoir faire". Il "proteste" bruyamment auprès du Maroc pour le traitement "inhumain" que ce dernier réserve aux émigrants et il présente, avec un grand déploiement médiatique, son projet d'une clôture "ultramoderne" (en réalité 3 clôtures juxtaposées) qui empêcherait toute pénétration des émigrants "sans leur causer la moindre égratignure". Ses collègues de l'Union Européenne s'unissent de façon pressante au chœur de la "protestation démocratique" face aux "excès" marocains, ils "exigent" "un traitement respectueux des émigrants" et nous assènent leurs bavardages habituels sur l'Union Européenne "terre d'accueil" et sur la nécessité du "développement" des pays africains. Le ministre espagnol des affaires extérieures, un expert en sourires béats, montre les crocs et annonce très sérieusement que "l'Espagne ne va tolérer aucune émigration illégale bien que cela soit compatible avec le respect aux émigrants" (sic). Dans cette crise nous pouvons voir les deux visages des États démocratiques. Depuis le 6 octobre, le Gouvernement Zapatero, après avoir habilement sous-traité au Maroc sa sale guerre contre les émigrants, exhibe son masque habituel de promoteur angélique de la "paix", des "droits de l'homme" et du "respect des personnes". C'est le visage du cynisme, du mensonge et de la manoeuvre, le manteau habituel avec lequel s'entourent les "grandes démocraties", celui de l'hypocrisie la plus répugnante.Cependant, dans les jours précédents, le gouvernement Zapatero est apparu avec l'autre visage : celui du mitraillage massif, celui du Garde civil brutalisant un émigrant, celui des barbelés et des hélicoptères survolant les émigrants, celui des déportations vers les pays africains... Un visage qui déchire le voile hypocrite des discours sur les "droits" et les "libertés" et laisse entrevoir la réalité pure et dure : le "socialiste" Zapatero se conduit envers les émigrants exactement de la même façon que le tellement décrié Sharon avec son mur en Cisjordanie et à Gaza ou que les staliniens Est allemands Ulbricht et Honecker qui avaient élevé le mur de Berlin. Les deux visages, celui de l'hypocrisie démocratique et celui du chien sanglant, ne sont pas en réalité opposés mais ils sont complémentaires. Ils forment une unité indispensable dans la méthode de domination du capitalisme, un système social qui soutient une classe minoritaire et exploiteuse, la bourgeoisie, dont la survie heurte chaque fois plus frontalement les intérêts et les nécessités du prolétariat et de la grande majorité de la population.
Dans le problème tragique de l'émigration nous voyons comment le capitalisme, confronté à une crise chaque fois plus aiguë - et qui prend la forme la plus extrême dans des continents comme l'Afrique - n'est plus capable d'assurer un minimum de survie à des masses chaque fois plus énormes d'êtres humains qui s'enfuient de l'enfer de la faim, des guerres, des épidémies les plus mortifères.
Dans leur fuite, ils sont matraqués et dévalisés par les policiers et les maffias des pays qu'ils traversent, qui disposent toujours de l'approbation intéressée de leurs États respectifs, et quand ils parviennent au but convoité, ils se heurtent à un nouveau mur de la honte, avec des barbelés, des balles, des déportations... Soumis à une crise toujours plus grave, les pays de l'Union Européenne sont toujours moins ce "refuge de paix et de prospérité" avec lequel ils veulent nous éblouir. Leurs économies peuvent absorber seulement quelques gouttes de cette immense marée humaine et dans des conditions d'exploitation toujours plus infamantes qui ressemblent de plus en plus à celles des pays dont s'enfuient les émigrants.
Cette situation est accompagnée d'un contexte croissant de tensions impérialistes entre les différents États chacun cherchant le moyen de frapper son rival ou de trouver des armes pour exercer un chantage sur lui. Cela fait des émigrants une masse de manœuvre alléchante utilisée par les différents gouvernements. Le Maroc essaie de faire chanter l'Espagne en donnant toutes sortes de facilités aux maffias spécialisées dans la traite des émigrants et qui leur permettent d'effectuer leurs "sauts" de l'autre côté. Mais de son côté, l'Espagne, par sa situation de porte d'entrée du Sud dans l'Union Européenne essaie de se faire rétribuer au meilleur prix ses services de cerbère sanglant.
Ce jeu sanglant de charlatans et d'escrocs se mène au détriment des vies de centaines de milliers d'êtres humains condamnés à une tragique odyssée. Les États les plus forts se présentent au monde comme "les plus humains et solidaires" simplement parce que, en coulisse, ils ont obtenu que leurs collègues plus faibles se chargent du sale boulot. Le Maroc apparaît comme le "méchant du film" (la tradition de brutalité la plus sauvage de ses forces policières et militaires lui permettant d'interpréter ce rôle à la perfection) tandis que l'Espagne et les "partenaires" de l'UE, ses commanditaires sans scrupule [1] [631], ont le culot de lui donner des leçons de "démocratie" et de "droits humains". Cependant, les contradictions croissantes du capitalisme, l'approfondissement de sa crise historique, le processus de décomposition qui le mine peu à peu, l'aiguisement progressif de la lutte de classes, font que ces grands États, spécialistes consommés du rôle du "vertueux" dans le théâtre démocratique, apparaissent chaque fois plus directement sous le visage de chiens sanglants. Il y a 3 mois, nous avons vu comment la police britannique, la "plus démocratique du monde", a assassiné de sang froid un jeune brésilien [2] [632] ; il y a moins d'un mois nous avons vu comment l'armée et la police américaines distribuaient des coups de matraque en lieu et place de nourriture et d’aides aux victimes de l'ouragan Katrina, nous voyons aujourd'hui le Gouvernement Zapatero assassiner des émigrants, déployer des troupes et élever un mur de la honte. Un capitalisme à visage humain n'est pas possible. Les intérêts de l'humanité sont incompatibles avec les nécessités de ce système. Pour que l'humanité puisse vivre le capitalisme doit mourir. Détruire l’État capitaliste dans tous les pays, abolir les frontières et l'exploitation de l'homme par l'homme, telle est l'orientation que le prolétariat doit donner à sa lutte pour que l'humanité puisse, tout simplement, commencer à vivre.
Courant Communiste International (11 octobre)[1] [633] Ces derniers jours, les dirigeants de l’Union Européenne ont rappelé ouvertement à leurs confrères marocains qu’ils leur avaient accordé des crédits pour qu’ils jouent leur rôle de gendarmes, ce qu’ils avaient éludé jusqu’à présent.
[2] [634] Voir sur notre site l’article "Exécution sommaire dans le métro de Londres [635] : La bourgeoisie démocratique prépare ses "escadrons de la mort".
Nous publions ici un article d'intervention que la section du CCI en Espagne (Acción Proletaria) a mis sur Internet dans un Forum sur l'autonomie du prolétariat [www.alasbarricadas.org [636], en langue espagnole].
A l'origine de ce Forum, il y a la reproduction de la part d'un camarade que nous ne connaissons pas, d'un article-bilan que nous avions écrit [1] [637] à propos d'une rencontre sur l'autonomie ouvrière et notre intervention au sein de celle-ci. Cette rencontre, qui a eu lieu à Barcelone, a provoqué un débat passionnant, profond et loyal. Tous les participants partageaient la même volonté d'en finir avec le système capitaliste qui entraîne tant de souffrances de toutes sortes (économique, psychique, morale, écologique) à la grande majorité de l'humanité. Mais c'est sur la question suivante: "qui peut être le moteur d'une si gigantesque transformation sociale ?" que le débat se situe. D'une façon synthétique, deux réponses sont apparues clairement : c'est la classe ouvrière, le prolétariat pour les uns. Pour les autres, dont un camarade qui se fait appeler Piti [2] [638] et d'autres camarades, c'est une communauté d'individus rebelles, qu'ils nomment prolétariat.
Nous défendons résolument, bien sûr, la première réponse. Et nous allons exposer ci-dessous les arguments qui la justifient.
À la suite de la dissolution graduelle du communisme primitif tribal, la société humaine s'est divisée en classes et le moteur de son évolution a été la lutte de classe.
Cette guerre sociale a eu lieu dans un contexte historique des modes de production successifs (esclavagisme, féodalisme, capitalisme). C'est aussi dans ce cadre général que le développement des forces productives a pu se réaliser d'une façon contradictoire.
Voilà l'explication la plus cohérente de l'histoire humaine. Voilà le moyen de compréhension que les générations actuelles pourront utiliser pour la faire progresser face aux dilemmes que la situation actuelle du capitalisme nous pose : ou la destruction de l'humanité ou sa libération et le commencement d'une nouvelle étape historique basée sur l'abolition des classes sociales, des Etats et des frontières nationales, l'unification des êtres humains dans une communauté humaine qui vit et agit pour et par elle-même.
Face à cette explication, dont le marxisme est le défenseur le plus cohérent, on a opposé une quantité de théories dont le dénominateur commun n'est pas tant le refus de l'existence des classes – une évidence que seuls les plus bornés osent nier -, mais le refus du fait que la lutte de classe soit le moteur de l'histoire.
Comme moteurs alternatifs, on nous a présenté Dieu, l'Esprit Universel, des princes et autres individus possédant des pouvoirs spéciaux, des groupements d'individus de bonne volonté, une minorité de conspirateurs, d'illuminés ou des prêcheurs de toutes sortes de systèmes sociaux et philosophiques, tous investis pour rendre compte des maux de ce bas monde…
La lutte de classe, tout au long de l'histoire, a mis face à face une classe révolutionnaire porteuse d'une nouvelle organisation de la vie sociale et une classe réactionnaire accrochée à la défense des privilèges et des intérêts attachés à l'ordre ancien. En général, ces conflits se dénouent par le triomphe de la nouvelle classe révolutionnaire et la disparition plus ou mois rapide de l'ancienne classe. Mais ce n'est jamais décidé à l'avance par on ne sait quel déterminisme irrévocable. Il y a eu des moments de l'histoire où se sont produites des situations de blocage dans l'évolution sociale, où les deux classes principales de la société se saignaient mutuellement dans des conflits stériles sans trouver d'issue. C'est pour cela que le Manifeste Communiste conçoit la lutte de classe comme une guerre sociale "qui finira toujours en transformation révolutionnaire de la société toute entière ou en destruction des deux classes en lutte".
Aucune classe sociale n'est le moyen aveugle d'un destin historique préétabli, ni l'exécutant forcé d'une nécessité déterminée par l'évolution de la société. Pour libérer la société des entraves imposées par l'ordre ancien, les classes révolutionnaires ont besoin d'un certain degré de conscience et de volonté. Si celles-ci manquent, la nécessité objective, qui n'existe qu'en tant que potentialité historique, ne pourra pas se réaliser et l'évolution sociale stagnera en pourrissant dans le chaos et la destruction.
Dans le passage de la vieille société esclavagiste à l'ordre féodal qui lui succéda, le facteur déterminant était l'évolution objective, alors que la conscience et l'action subjective ont joué un rôle très limité. Dans la destruction du féodalisme et l'avènement du capitalisme, les forces objectives ont été le facteur central, mais la conscience – une conscience surtout idéologique - a eu un rôle important, surtout lors de la dernière étape, celle de la prise du pouvoir politique par la bourgeoisie une fois que la domination économique de la société était assurée.
Par contre, lors de la révolution qui en finira avec le capitalisme, le rôle décisif appartiendra à la conscience, à l'enthousiasme, à la solidarité, à l'héroïsme et à la combativité des grandes masses prolétariennes. Sans cette force subjective, sans cet engagement d'un grand nombre d'individus conscients, la révolution ne sera pas possible. Piti insiste sur la nécessité de la conscience (il l'appelle, lui, nécessité "d'individus auto-conscients", de la solidarité et de la confiance mutuelle (qu'il appelle "communauté de rebelles")… Nous partageons cette préoccupation : pour nous, une des tâches cruciales d'aujourd'hui c'est que les générations actuelles de la classe ouvrière cultivent et développent, dans la lutte, pour la lutte et par la lutte, la conscience, la solidarité, leur critère propre. Sans un développement massif des forces mentales et morales, la révolution mondiale ne pourra pas avoir lieu.
Piti pense, par contre, que la classe ouvrière n'est plus la classe révolutionnaire. Il ne dit pas que la lutte de classe a disparu, il ne nie pas que cette lutte ait pu exister, dans d'autres étapes du capitalisme, le moteur du changement historique, mais sa prémisse est péremptoire: "Ce que j'appelle le "premier assaut à la société de classe", (je parle là du début du 20e siècle et de ses révolutions : Russie, Kronstadt, Allemagne, par exemple), et le "deuxième assaut à la société de classe", mai 68, révoltes autonomes en Allemagne, Autonomia Operaia en Italie, les grèves ouvrières en Pologne, le mouvement des assemblées en Espagne. Ces mouvements ont été défaits, l'autonomie ouvrière a été défaite."
Certes, la vague révolutionnaire mondiale fut défaite et cette défaite laissa la porte ouverte à la plus terrible contre-révolution de toute l'histoire humaine. Il est vrai aussi que l'impulsion initiale des luttes ouvertes en 1968 s'est diluée peu à peu jusqu'à ce qu'en 1989 se produise un fort recul de la conscience et de la combativité ouvrières.
Cependant, pourquoi Piti tire-t-il de ces échecs la conclusion que la classe ouvrière a perdu son caractère révolutionnaire ? Il l'explique en se basant sur deux éléments : d'un côté, le capitalisme a vécu un tel changement que nous nous trouverions face à un nouveau "modèle économique" et ce nouveau modèle économique apporterait une telle quantité de changements sociaux que ceux-ci auraient signé la fin de la classe ouvrière comme classe révolutionnaire. "C'est alors (dans les années 1980) que les changements commencent. Les syndicats, en tant qu'instruments d'intégration de la classe ouvrière agissent directement au service de leurs propres intérêts en négociant avec le patronat et l'État, en acceptant sans broncher les politiques de réductions sociales et du personnel. Ceci brise toute une génération rebelle, une communauté rebelle héritée de l'étape précédente, brise sa conscience. La classe ouvrière est jetée des usines, il y a des reconversions industrielles et une tertiairisation de l'économie (changement du modèle économique), et la délocalisation d'entreprises à la recherche d'une main-d'œuvre bon marché et esclave (...) La technologie joue un rôle fondamental, il y a une révolution technologique qui fait que beaucoup d'ouvriers sont obligés de faire des stages de formation. La technologie favorise la mondialisation de l'économie et l'automatisation. Cependant, ces nouvelles conditions permettent d'augmenter le bien-être d'une minorité de travailleurs. Des cadres techniciens apparaissent, des ouvriers-proprietaires, des petits entrepreneurs, etc. (...) L'époque actuelle est unique et il n'y aura pas de retour en arrière dans le système productif, on ne reviendra pas à "l'identité usine".
Tout au long de son histoire, le capitalisme a vécu de nombreux changements technologiques, d'organisation, sociologiques... Le capitalisme est un mode de production dynamique, toujours contraint à changer continuellement son organisation, les méthodes et les outils de production... Le Manifeste communiste reconnaît que "La bourgeoisie ne peut exister sans révolutionner constamment les instruments de production, ce qui veut dire les rapports de production, c'est-à-dire l'ensemble des rapports sociaux. Le maintien sans changement de l'ancien mode de production était, au contraire, pour toutes les classes industrielles antérieures, la condition première de leur existence. Ce bouleversement continuel de la production, ce constant ébranlement de tout le système social, cette agitation et cette insécurité perpétuelles distinguent l'époque bourgeoise de toutes les précédentes."
Mais ce dynamisme, signifie-t-il un changement de nature du capitalisme, une modification des bases mêmes de ce système d'exploitation ?
Le capitalisme est passé par de nombreuses étapes : manufacture, machinisme, grande industrie, capital monopoliste, impérialisme, capitalisme d'Etat, etc. Le régime de propriété capitaliste s'est modifié constamment (marchands, propriété individuelle des patrons de l'industrie ; propriété collective par le biais des sociétés par actions ; propriété étatique totale – comme dans les soi-disant pays "socialistes"- ou mixte ; propriété multinationale...) ; les technologies ont vécu des changements spectaculaires (machinisme, chemins de fer, bateaux à vapeur, aviation, télécommunications, informatique, énergie pétrolière ou nucléaire etc.); l'organisation du travail est passée par des stades différents (extensif, intensif, organisation scientifique du travail et taylorisme, industries géantes, décentralisation, délocalisations, sous-traitance, etc.); le régime de travail prend plusieurs formes (travail à domicile, travail des femmes et des enfants, travail à durée indéterminé, fonctionnaires, travail forcé, journaliers, précaires, travail à la tâche, à la pièce, etc.). Cependant, un fil conducteur traverse comme un noyau inaltérable cette multiplicité toujours changeante :
1º) L'expropriation des producteurs, de telle sorte que les paysans et les artisans sont séparés de leurs moyens de production et de vie, devenus ouvriers et obligés de passer sous les fourches caudines du travail salarié pour subvenir à leurs besoins ;
2º) L'exploitation de la force de travail de l'ouvrier dont le salaire tend à couvrir sa reproduction individuelle et celle de sa famille, en produisant une plus-value servant à l'accumulation du capital;
3º) L'accumulation du capital. Le but de la production n'est pas tant de satisfaire les besoins de consommation de la classe dominante mais le réinvestissement de la plus-value reproduisant un nouveau capital.
Quand Piti évoque la mondialisation comme un grand changement fondamental qui se produit tout au long des années 80, il faut lui dire qu'il vient de découvrir quelque chose qui a eu lieu plus d'un siècle plus tôt : "Par l'exploitation du marché mondial, la bourgeoisie donne un caractère cosmopolite à la production et à la consommation de tous les pays. (…) A la place des anciens besoins, satisfaits par les produits nationaux, naissent des besoins nouveaux, réclamant pour leur satisfaction les produits des contrées et des climats les plus lointains. A la place de l'ancien isolement des provinces et des nations se suffisant à elles-mêmes, se développent des relations universelles, une interdépendance universelle des nations. Et ce qui est vrai de la production matérielle ne l'est pas moins des productions de l'esprit. Les oeuvres intellectuelles d'une nation deviennent la propriété commune de toutes. L'étroitesse et l'exclusivisme nationaux deviennent de jour en jour plus impossibles et de la multiplicité des littératures nationales et locales naît une littérature universelle. Par le rapide perfectionnement des instruments de production et l'amélioration infinie des moyens de communication, la bourgeoisie entraîne dans le courant de la civilisation jusqu'aux nations les plus barbares. Le bon marché de ses produits est la grosse artillerie qui bat en brèche toutes les murailles de Chine et contraint à la capitulation les barbares les plus opiniâtrement hostiles aux étrangers. Sous peine de mort, elle force toutes les nations à adopter le mode bourgeois de production ; elle les force à introduire chez elle la prétendue civilisation, c'est-à-dire à devenir bourgeoises. En un mot, elle se façonne un monde à son image." Ce passage n'est pas tiré d'un texte pro- ou anti-mondialiste acharné, mais du Manifeste communiste, écrit en 1848 !
Révolution technologique ? Il est vrai que les télécommunications se sont développées ainsi que l'informatique et les réseaux télématiques ; on parle de biotechnologie et de cellules souches ; il est vrai que de larges étendues de terres agricoles tombent sous le charme d'une spéculation immobilière qui fait surgir des gratte-ciel imposants, des logements intelligents et des barres et des barres sans fin de logements…vides. Mais ces changements "fascinants" ne représentent pas de véritable développement ; ils ressemblent plutôt aux derniers soubresauts d'une société malade. Par ailleurs, aucun de ces changements ne peut se comparer aux transformations radicales qui se sont produites dans la phase ascendante du capitalisme : "La bourgeoisie, au cours de sa domination de classe à peine séculaire, a créé des forces productives plus nombreuses; et plus colossales que l'avaient fait toutes les générations passées prises ensemble. La domestication des forces de la nature, les machines, l'application de la chimie à l'industrie et à l'agriculture, la navigation à vapeur, les chemins de fer, les télégraphes électriques, le défrichement de continents entiers, la régularisation des fleuves, des populations entières jaillies du sol - quel siècle antérieur aurait soupçonné que de pareilles forces productives dorment au sein du travail social ?" (Manifeste Communiste).
Le mode de production capitaliste ne se définit pas essentiellement par les technologies, les formes d'organisation de l'entreprise ou du travail... Celles-ci peuvent tourner comme un manège parce qu'elles ne sont que la peau qui couvre un mécanisme : des rapports de production fondés sur le travail salarié et l'extraction de plus-value. Ces mécanismes centraux n'ont pas du tout changé. Ils constituent toujours les piliers qui tiennent tout l'édifice. Piti, qui critique tant la société du spectacle, est victime de l'effet d'optique typique du capitalisme : face à l'immobilisme rigide des sociétés précédentes, le capitalisme apparaît comme un spectacle incessant de changements, mais qui laissent toujours les fondements intacts.
Ces formes ne sont pas non plus déterminantes pour la dynamique réelle du capitalisme. Celui-ci cherche toujours désespérément une masse de plus en plus grande de plus-value et un marché toujours plus grand à la mesure de ses besoins d'accumulation. Quand le capitalisme se rend maître du marché mondial au début du 20e siècle, cette dynamique inexorable le fait entrer dans l'étape historique de décadence et de dégénérescence. Cette étape est toujours, bien sûr, celle de la société actuelle, avec ses guerres sans fin, sa barbarie sans limites, ses crises et ses convulsions économiques, son totalitarisme étatique et sa décomposition idéologique et morale, etc. Ces changements, dont on parle tant, sont superficiels (technologie, finances, services), mais on oublie totalement ce "changement" autrement significatif et déterminant pour la vie quotidienne d'énormes masses humaines. Ce changement entre la période ascendante du capitalisme et sa phase de décadence qui s'est déroulée tout le long du 20e siècle nous permet de comprendre la terrible souffrance, la profonde détresse que des milliers d'êtres humains subissent, nous aide à comprendre la réalité d'une société à l'agonie, nous donne des forces et de la conscience pour lutter vers la construction d'une nouvelle société. Par contre, l'autre vision nous aveugle avec une "modernité" et un "progrès" qui cachent le terrible enfer dans lequel vit la plus grande partie de l'humanité.
Acción Proletaria (16 mai 2005)
[1] [639] Acción Proletaria nº 181 "Ils parlent d'autonomie ouvrière pour mieux faire passer leur message sur la fin du prolétariat" (article en espagnol).
[2] [640] Piti est l'un des camarades qui est intervenu dans ce Forum pour défendre une position qu'il définit lui-même comme "néo-situationniste".
Contrairement aux élucubrations altermondialistes "contre la marchandisation du monde", voilà belle lurette que, sous l’égide du capitalisme, les rapports marchands régissent l’ensemble des rapports sociaux et humains de la société. Dans la société capitaliste, fournir et vendre une marchandise, constitue, sous peine de se trouver privé de tout moyen de subsistance, le seul moyen d’obtenir une part des biens produits. Pour ceux qui ne possèdent aucun moyen de production, les prolétaires, et se trouvent de ce fait dans l’impossibilité matérielle de produire des marchandises, il ne leur reste plus qu’à proposer sur le marché une marchandise particulière, leur force de travail.
Comme pour toute autre marchandise, la valeur de la force de travail se traduit sur le marché par un prix et en argent : le salaire. La marchandise force de travail ne se distingue en rien des autres marchandises sur le marché, si ce n’est qu’elle est inséparable de son vendeur, le travailleur, et qu’elle ne supporte pas d’attendre trop longtemps l’acheteur, parce qu’elle périra avec son porteur, le travailleur, par manque de vivres.
La force de travail constitue pour l’acheteur capitaliste, le bourgeois, qui la consomme, la source de son profit. Si le capitaliste industriel ne faisait travailler le salarié qu’il a engagé que pendant le temps suffisant à l’ouvrier pour créer la valeur du salaire qu’il touche, le patron ne réaliserait aucun bénéfice. Il faut que le salarié travaille en plus de ce temps. Le temps de travail de tout ouvrier se compose, sans qu’il ne s’en rende compte, de deux parties : une partie payée, où l’ouvrier ne fait que restituer la valeur de son salaire, et une partie non payée, où il accomplit du travail gratuit ou du surtravail pour le capitaliste qui s’approprie la totalité de la production.
La condition du prolétaire se résume à l’insécurité de son existence. "Le prolétaire est démuni de tout ; il ne peut pas vivre un seul jour pour soi. La bourgeoisie s’est arrogée le monopole de tous les moyens d’existence au sens le plus large du terme. Ce dont le prolétaire a besoin, il ne peut l’obtenir que de cette bourgeoisie dont le monopole est protégé par le pouvoir d’Etat. Le prolétaire est donc, en droit comme en fait, l’esclave de la bourgeoisie ; elle peut disposer de sa vie et de sa mort. Elle lui offre les moyens de vivre mais seulement en échange d’un "équivalent", en échange de son travail ; elle va jusqu’à lui concéder l’illusion qu’il agit de plein gré, qu’il passe contrat avec elle librement, sans contrainte, en être majeur. Belle liberté, qui ne laisse au prolétaire d’autre choix que de souscrire aux conditions que lui impose la bourgeoisie (…)" [1] [641]
Dans le système capitaliste, la soif d'exploitation du surtravail n’a pas de limites : plus le capitalisme tire du travail non payé des travailleurs, mieux c’est. Extorquer de la plus-value, et l’extorquer sans limites, tel est le but et le rôle de l’achat de la marchandise force de travail par le capitaliste. "Le capitaliste industriel n’en reste pas moins au fond un marchand. Son activité comme capitaliste (…) se réduit à celle qu’exerce un marchand sur le marché. Sa tâche consiste à acheter aussi judicieusement, à aussi bas prix que possible, les matières premières et accessoires, les forces de travail, etc., qui lui sont nécessaires, et à vendre aussi cher que possible les marchandises fabriquées dans sa maison. Dans le domaine de la production, un seul point doit le préoccuper : il lui faut faire en sorte que l’ouvrier fournisse, pour le salaire le plus petit possible, le plus de travail possible, rende le plus de plus-value possible." [2] [642]
Cette exploitation ne trouve sa limite que dans l’épuisement de l’exploité et dans la capacité de résistance que la classe ouvrière oppose à l’exploiteur. Pour augmenter la partie du temps de travail gratuit, où le prolétaire fournit au capitalisme sa plus-value, le capital dispose de différents moyens : l’allongement de la journée de travail, l’intensification des cadences pendant la durée du travail et l’abaissement des salaires, et même le minimum nécessaire au simple maintien en vie de l’ouvrier.
Comme toute marchandise, la force de travail est soumise à la concurrence et aux aléas du marché capitaliste. "…Quand il y a plus de travailleurs que la bourgeoisie ne juge bon d’en occuper, lorsque par conséquent au terme de la lutte des concurrents, il en reste encore un certain nombre sans travail, ceux-là précisément, devront mourir de faim ; car le bourgeois ne leur donnera probablement pas de travail, s’il ne peut vendre avec profit les produits de leur travail." [3] [643] La concurrence, "expression la plus parfaite de la guerre de tous contre tous qui fait rage dans la société bourgeoise moderne" où "les travailleurs se font concurrence tout comme les bourgeois se font concurrence" opposant actifs et chômeurs, autochtones et immigrés ou différentes fractions nationales du prolétariat constitue "l’arme la plus acérée de la bourgeoisie dans sa lutte contre le prolétariat." [4] [644]
La délocalisation de sites de production des pays industrialisés vers des pays à main-d’œuvre à bon marché constitue une évidente expression des lois capitalistes de la recherche d'un taux de profit maximum. Sous la pression de la concurrence à tout va entre grands pays industrialisés capitalistes pour des marchés de plus en plus limités, les salaires horaires moyens de 18 € en Espagne, 4 € en Pologne et en République Tchèque, 2 € au Brésil et au Mexique, 1 € en Roumanie, 0,7 € en Inde ou en Chine contre 23 € en Europe de l’Ouest ou aux Etats-Unis, constituent une immanquable aubaine pour le capitalisme, vampire de la force de travail.
Dès le 19e siècle, la bourgeoisie n’a jamais hésité, quand la technique de production le permettait, à démonter, par exemple, les métiers à tisser, pour aller chercher ailleurs, dans une autre région, une main d’œuvre moins chère ou plus docile à l’exploitation.
Même si les délocalisations, ne sont pas pour la classe ouvrière, une nouveauté, mais constituent un phénomène ancien et international, commun à tous les pays, depuis les années 1990, sous l’impulsion de la crise économique qui dure depuis plus de trois décennies, ce phénomène a connu une certaine accélération. Dans maints secteurs où le coût de la main-d’œuvre représente une part importante du coût de revient global de la production, ce transfert des pays industrialisés vers ceux où les coûts de production sont les plus faibles est même " déjà largement réalisé." [5] [645]
Dans le secteur automobile par exemple il y a longtemps que les grands constructeurs ont eu recours aux délocalisations. Renault produit la R12 depuis 1968 en Roumanie. "Dès les années 1970, Renault, comme d’ailleurs PSA, multiplie les partenariats locaux au Brésil, au Mexique, en Argentine, en Colombie et en Turquie. (…) Après les restructurations des années 80, Renault se lance dans le rachat de Samsung en Corée du Sud et de Dacia en Roumanie, en 1999 ." [6] [646] La bourgeoisie n'a d'ailleurs pas attendu l'effondrement des régimes staliniens et la fin d'une prétendue "économie socialiste" pour que les puissances occidentales investissent et délocalisent dans les pays de l'ex-bloc de l'Est.
Si tous les secteurs de la production capitaliste sont touchés par les délocalisations, toute la production n’est pas destinée à être délocalisée comme le laisse entendre la propagande de la bourgeoisie. "Les secteurs de l’industrie concernés par les délocalisations sont nombreux : cuir, textile, habillement, métallurgie, électroménager, automobile, électronique… Egalement touché le secteur tertiaire : centres téléphoniques, informatique, comptabilité… A vrai dire, toute production de masse et tout service répétitif sont susceptibles d’être délocalisés dans des territoires où le coût de la main d’œuvre est nettement moindre." [7] [647] La baisse drastique des prix des transports accomplie dans les années 1990 (baisse de 45% du coût du fret maritime et de 35% de celui du fret aérien entre 1985-93) a rendu encore plus infime l’inconvénient de l’éloignement des lieux de production de nombre de marchandises du marché où elles seront consommées.
L’exploitation à bas prix de la force de travail intellectuelle high-tech, trop chère dans les pays occidentaux, est frénétiquement recherchée, tout en s’épargnant les frais de sa formation, assurée sur place. En Chine, organismes publics occidentaux et entreprises privées sont de plus en plus nombreux "à créer sur place, telle France Télécom à Canton en juin 2004, des centres de recherche afin de bénéficier du fantastique vivier de scientifiques à bas prix qu’offrent les laboratoires chinois." [8] [648] L’Inde est aussi devenue en quelques années un pays de destination pour la conception de logiciels.
D’autre part, les délocalisations sont largement mises à profit pour réduire les coûts non productifs des grosses entreprises (gestion informatisée, exploitation de réseaux et maintenance, gestion des salaires, services financiers, service clientèle, gestion des commandes, centres d’appels téléphoniques), jusqu’à 40 à 60%. A tel point que "tout ce qui peut être fait à distance et transmis par téléphone ou satellite est bon à délocaliser." C’est ainsi que l’Inde "tend à devenir l’arrière-boutique des entreprises américaines et britanniques." (5)
Dans la compétition à mort que se livrent les nations, les Etats des pays développés mettent explicitement un coup de frein au départ à l’étranger de certaines activités. Posséder sur le territoire certaines industries garantes d’une puissance militaire capable de rivaliser avec les nations du même ordre constitue une nécessité stratégique et une question de survie dans l’arène impérialiste. Plus généralement, sur le plan économique, conserver sur son sol les productions centrales des différents secteurs-clés qui font la force de tel capital national face à la concurrence est tout aussi indispensable. Dans l’automobile, "Sous la pression de la concurrence qui oblige à produire à des coûts toujours plus bas se dessine un mouvement de délocalisation de la production des petites voitures destinées au marché français dans des pays à faible coût de main-d’œuvre, tandis que l’on garde dans l’Hexagone la production de véhicules haut de gamme dans des usines très automatisées. (…)" (6) Idem dans le textile où "aujourd’hui seuls les textiles incorporant technologie et savoir-faire sont encore fabriqués dans l’Hexagone." (6)
Le nombre des pays bénéficiaires des délocalisations est réduit : " l’Inde, le Maghreb, la Turquie, les pays d’Europe centrale et orientale (PECO) et l’Asie (notamment la Chine)."(7) Si chaque capital national possède sa terre d’élection, chacune répond à une même série de critères impératifs. Ces pays doivent non seulement posséder une certaine stabilité intérieure, ce qui est le cas d’un nombre toujours plus réduit de pays, tant bourgeonnent à la surface de la planète les zones entières livrées aux ravages de la guerre. Mais ils doivent également avoir une infrastructure adaptée et disposer d’une force de travail, rompue à l’exploitation capitaliste, voire relativement formée. La plupart des pays-cibles, ont connu un passé industriel (pays de l’Est) ou un semblant d’industrialisation. A contrario, les pays de l’Afrique subsaharienne, candidats à recevoir des délocalisations, n’en ont pas vu la couleur.
La définition même des délocalisations comme "le déplacement vers l’étranger d’une activité économique existante [par exemple] en France dont la production est ensuite importée en France" (8) nous livre une partie du secret des chiffres mirifiques alignés par la bourgeoisie au sujet des prétendus miracles chinois ou hindou. A prendre la totalité de la production mondiale, les délocalisations forment une opération blanche. S’il y a bien création d’un pôle industriel qui n’existait pas avant, en aucun cas il n’y a développement ou nouvel essor de la production capitaliste puisque la création d’une activité inexistante auparavant dans tel pays d’accueil a au contraire pour corollaire direct la désindustrialisation et la stagnation des économies les plus avancées.
Pendant des décennies, ces pays ne sont pas parvenus à réaliser les investissements pour l’acquisition massive, d’une technologie moderne, condition indispensable pour soutenir la concurrence des pays plus développés et à accéder à une industrialisation digne de ce nom, même avec une main d’œuvre à très bas coût. Leur sous-développement, et le maintien dans cet état sont même actuellement une des conditions de l’intérêt que trouve le capitalisme à l’exploitation de la classe ouvrière sur place.
L’absence de perspective d’amélioration des conditions de vie du prolétariat des pays destinataires des délocalisations ainsi que le développement du chômage dans les pays occidentaux, vers lesquels se dirige le gros de la production délocalisée, ne peuvent pas contribuer à l’expansion du marché mondial, mais à l’aggravation de la crise de surproduction.
Les délocalisations ne constituent pas par elles-mêmes la cause du chômage et de la baisse du niveau de vie du prolétariat. Elles ne sont que l’une des formes que prennent les attaques qu’il subit, mais toutes possèdent la même racine : les lois économiques du système capitaliste qui s’imposent à chaque nation et à chaque bourgeois et qui plongent le monde capitaliste dans une crise de surproduction sans issue.
Pour engranger la plus-value produite par la classe ouvrière et enfermée dans les marchandises fabriquées, il faut encore que le capitaliste vende celles-ci sur le marché.
Les crises capitalistes de surproduction, fléau du système capitaliste, trouvent toujours leur origine dans la sous consommation des masses à laquelle est contrainte la classe ouvrière par le système capitaliste d’exploitation du travail salarié qui diminue constamment la part de la production sociale qui revient au prolétariat. Le capitalisme doit trouver une part de ses acheteurs solvables en dehors de ceux qui se trouvent soumis au rapport travail-capital.
Auparavant, l’existence sur le marché intérieur, de larges secteurs de production précapitalistes (artisanale et surtout agricole) relativement prospères, formaient le sol nourricier indispensable à la croissance capitaliste. Au plan mondial, le vaste marché extra-capitaliste des pays coloniaux en cours de conquête, permettait de déverser le trop plein des marchandises produites dans les pays industrialisés. Depuis qu’au début du 20e siècle, le capitalisme a soumis l’ensemble de la planète à ses rapports économiques, il ne dispose plus des conditions historiques qui lui avaient permis de faire face à ses contradictions.
Il entre dès lors dans sa phase de déclin irréversible qui condamne l’humanité aux guerres, aux convulsions des crises et à la misère généralisée, faisant peser la menace de sa destruction pure et simple.
Scott
[1] [649] Engels, La situation laborieuse en Angleterre, (1845) Editions sociales p.119.
[2] [650] K. Kautsky, Le programme socialiste, (1892), chapitre "Le prolétariat".
[3] [651] Engels, Ibidem p.121.
[4] [652] Engels, Ibid. p119.
[5] [653] Novethics.fr. 10 janvier 2001
[6] [654] L'Expansion 27 janvier 2004.
[7] [655] Vie publique.fr.12 janvier 2004.
[8] [656] Le Monde.fr. 27 juin 2004.
Le problème du chômage se retrouve au coeur des questions posées par les émeutes des banlieues qui viennent de se dérouler en France mais, contrairement à ce que nous présente la bourgeoisie et ses politiciens, ce n'est pas un problème limité aux jeunes issus de l'immigration. Tous leurs débats et leurs discours hyper-médiatisés pendant plusieurs semaines ont cherché à nous persuader que la question posée serait uniquement celle des jeunes d'origine africaine ou maghrébine entassés dans le ghetto des cités de banlieues, même si le chômage atteint parmi eux des taux de 30 à 40 %. En le faisant apparaître comme un problème spécifique, catégoriel de laissés-pour-compte, la classe dominante, en France comme dans tous les pays, a focalisé l'attention sur une catégorie particulière de la population, sur des jeunes sans perspective d'avenir afin de masquer et évacuer le problème de fond posé par cette situation. Le chômage est une question qui concerne et menace l'ensemble de la classe ouvrière (voir article page 8). Tous les jours, ce sont de nouvelles charrettes de licenciements massifs et des milliers d'ouvriers supplémentaires qui sont mis sur le pavé non seulement en France mais dans tous les pays les plus "développés", comme partout dans le monde. Ce que la bourgeoisie cherche à cacher, c'est la signification profonde de ce chômage de masse. Elle cherche à empêcher de faire le lien existant entre le phénomène des banlieues et les licenciements de prolétaires au quotidien. Cette polarisation sur la partie la plus défavorisée, la plus fragile, vulnérable et décomposée du prolétariat, n'est pas nouvelle : dans les années 1980, l'apparition d'un chômage de masse, le démantèlement du système de protection sociale et le brutal enfoncement dans la paupérisation de la classe ouvrière avaient été mis sur le compte de l'apparition d'une nouvelle catégorie sociologique baptisée les "nouveaux pauvres" que l'on marginalisait et qu'on isolait ainsi du reste de la population ouvrière.
La bourgeoisie a toujours cyniquement exploité la misère et le désespoir qu'engendre le capitalisme. Ceux qui sont présentés comme les laissés-pour-compte, qui ont perdu tout espoir en l'avenir, qui n'ont pas de perspective ni de repères, délibérément ignorés et méprisés depuis des décennies, sont projetés du jour au lendemain sur le devant de la scène comme s'ils étaient devenus le centre du monde. C'est l'arbre qui cache la forêt de la misère croissante qui frappe de plus en plus d'ouvriers. A travers cela, la classe dominante tente de nous livrer une panoplie d'explications sur l'origine et la nature du problème : crise identitaire des jeunes, insuffisance d'intégration des immigrés, inégalités des chances, problèmes de discrimination à l'embauche, manque d'éducation citoyenne, résultat d'une mise en échec scolaire, montée du racisme et de la xénophobie…
Toutes ces explications superficielles et partielles lui servent à mettre en avant la mystification qu'il y aurait des "solutions", des réformes possibles à l'intérieur du capitalisme pour améliorer le sort des jeunes des banlieues. Ce ne sont pourtant nullement toutes les propositions avancées et les mesures totalement illusoires du gouvernement qui pourront résoudre le problème du chômage : contrats d'apprentissage dès 14 ans, débloquer davantage d'argent et de moyens aux organismes associatifs, multiplication de stages de formation, service civil volontaire, etc. Ces mesures ne sont au contraire qu'une tentative vouée à l'échec d'un aménagement du poids croissant du chômage, de la précarité de l'emploi et de la misère dans la société. Tout cela est fondamentalement de la poudre aux yeux. Toutes les fractions de la bourgeoisie, de gauche comme de droite n'ont rien d'autre à proposer. Mais cela permet aussi de déverser à flots le poison d'une propagande idéologique qui sert fondamentalement à diviser les exploités, à opposer les intérêts des uns par rapport aux autres. La classe dominante justifie ainsi un clivage permanent entre générations, entre ouvriers autochtones et ouvriers immigrés, entre ouvriers en activité et ouvriers au chômage. D'un côté, elle pousse les chômeurs à considérer les ouvriers qui ont encore un emploi comme des privilégiés qui ne devraient pas se plaindre ni lutter pour la défense de leurs salaires, contre la diminution de leurs pensions de retraite ou la détérioration de leurs conditions de travail. De l'autre côté, elle incite les travailleurs à se représenter toute future lutte de chômeurs comme une émanation de la "racaille", seulement capable de déchaîner la rage aveugle, la haine, l'autodestruction.
Le profond malaise social qu'ont révélé les émeutes dans les banlieues est l'expression de la crise économique mondiale du capitalisme et une manifestation révélatrice de la faillite irréversible de ce système. C'est pour cela que les violences urbaines en France ont soulevé une réelle inquiétude parmi les autres bourgeoisies européennes qui sont confrontées au même problème. Si les émeutes des jeunes des banlieues, sous le signe du "no future", n'est porteuse d'aucun avenir, d'aucune perspective en elles-même car elles sont le simple reflet de l'enfer capitaliste, elles sont néanmoins révélatrices du malaise profond et de l'absence de perspective d'un système capitaliste en crise qui est désormais incapable d'intégrer les jeunes générations dans son appareil productif. Cette manifestation particulièrement éloquente de la faillite du capitalisme pose plus que jamais l'alternative : renversement de l'ordre bourgeois ou enfoncement de toute la société humaine dans le chaos, la misère et la barbarie.
La seule réponse nécessaire et possible au chômage qui menace de plus en plus les enfants d'ouvriers, c'est la mobilisation, le développement unitaire et massif des luttes de résistance de la classe ouvrière, face aux licenciements et à toutes les attaques qu'elle subit. Seule cette lutte de classe pourra permettre aux ouvriers réduits aux chômage comme aux éléments aujourd'hui impliqués dans les émeutes de trouver leur place dans l'affirmation d'une perspective révolutionnaire et internationaliste. Face au "no future" et au désespoir exprimés par les émeutes des banlieues, le prolétariat est la seule classe porteuse d'avenir parce qu'elle est la seule force sociale capable de renverser le système d'exploitation capitaliste, d'éradiquer la misère, le chômage, d'abolir le salariat, le profit et les rapports de concurrence. C'est la seule classe qui puisse permettre l'instauration et l'épanouissement d'autres rapports sociaux à travers lesquels l'humanité pourra enfin développer une activité déterminée par la réalisation de ses besoins.
W (18 novembre)
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Plus de 6000 véhicules brûlés : voitures particulières, autobus, camions de pompiers ; des dizaines de bâtiments incendiés : magasins, entrepôts, ateliers, gymnases, écoles, crèches ; plus d'un millier d'arrestations et déjà plus d'une centaine de peines de prison prononcées ; plusieurs centaines de blessés : des manifestants, mais aussi des policiers et plusieurs dizaines de pompiers ; des coups de feu tirés sur la police. Chaque nuit, depuis le 27 octobre, ce sont par centaines que sont touchées des communes dans toutes les régions du pays. Des communes et des quartiers parmi les plus pauvres, ou s'entassent, dans des tours sinistres, des millions d'ouvriers et leur famille, en grande majorité originaires du Maghreb ou d'Afrique noire.
Ce qui frappe, plus encore que l'ampleur des dégâts et des violences, c'est leur totale absurdité. On peut comprendre assez facilement que des jeunes des quartiers déshérités, notamment ceux issus de l'immigration, aient envie de s'affronter à la police. C'est de façon quotidienne qu'ils sont soumis, souvent sans égard et avec grossièreté, insultes racistes à l'appui, à des contrôles d'identité et à des fouilles au corps, et il est logique qu'ils ressentent les policiers comme des persécuteurs. Mais ici, les principales victimes des violences ce sont leur propre famille ou leurs proches : des petits frères ou sœurs qui ne pourront plus aller dans leur école habituelle, des parents qui ont perdu leur voiture qui leur sera remboursée à un prix dérisoire car ancienne et achetée d'occasion, qui seront obligés de faire leurs achats loin de leur domicile puisque le magasin de proximité à bas prix a volé en fumée. En outre, ce n'est nullement dans les quartiers riches habités par les exploiteurs que les jeunes déchaînent leurs actions violentes et les déprédations mais dans les quartiers qu'ils habitent et qui seront encore plus sinistrés et invivables qu'auparavant. De même, les blessures infligées aux pompiers, des personnes dont c'est la profession de secourir les autres, souvent au péril de leur vie, ne peuvent que choquer. Comme sont choquantes les blessures infligées aux passagers d'un bus auquel on a mis le feu et, également, la mort d'un homme de soixante ans frappé par un jeune qu'apparemment il voulait empêcher de commettre des violences.
En ce sens, les actes de violence et les déprédations qui se commettent, nuit après nuit, dans les quartiers pauvres n'ont rien à voir, ni de près ni de loin avec une lutte de la classe ouvrière.
Celle-ci, dans son combat contre le capitalisme, est contrainte d'employer la violence. Le renversement du capitalisme sera nécessairement une action violente puisque la classe dominante, avec tous les moyens de répression dont elle dispose, défendra bec et ongle son pouvoir et ses privilèges. L'histoire nous a appris, notamment depuis la Commune de Paris de 1871 parmi beaucoup d'autres exemples, à quel point la bourgeoisie est capable de fouler aux pieds ses grands principes de "démocratie" et de "liberté-égalité-fraternité" quand elle se sent menacée : en une semaine (la "semaine sanglante") ce sont 30.000 ouvriers parisiens qui ont été massacrés parce qu'ils avaient tenté de prendre le pouvoir entre leurs mains. Et même dans la défense de ses intérêts immédiats, dans des luttes qui ne menacent pas directement le règne de la bourgeoisie, la classe ouvrière est souvent confrontée à la répression de l'État bourgeois ou des milices patronales, répression à laquelle elle oppose sa propre violence de classe.
Mais ce qui se passe en ce moment en France n'a rien à voir avec la violence prolétarienne contre la classe exploiteuse : les principales victimes des violences actuelles, ce sont des ouvriers. Et au delà de ceux qui subissent directement les conséquences des dégâts provoqués, c'est l'ensemble de la classe ouvrière du pays qui est touchée : le battage médiatique autour des événements actuels vient occulter toutes les attaques que la bourgeoisie déchaîne en ce moment même contre les prolétaires, de même que les luttes qu'ils essaient de mener pour y faire face.
Quant aux capitalistes et aux dirigeants de l'État, tranquillement installés dans leurs quartiers huppés, ils mettent à profit les violences actuelles pour justifier un renforcement des moyens de répression. C'est ainsi que la principale mesure du gouvernement français, pour faire face à la situation, a été de décréter, le 8 novembre, l'état d'urgence, une mesure qui a été appliquée pour la dernière fois il y a 43 ans et qui s'appuie sur une loi adoptée il y a plus de cinquante ans pendant la guerre d'Algérie. Comme élément majeur de ce décret, il y a le couvre-feu, l'interdiction de circuler dans les rues à partir d'une certaine heure, comme au temps de l'occupation allemande entre 1940 et 1944 ou comme au moment de l'état de guerre en Pologne 1981. Mais ce décret permet beaucoup d'autres entorses à la "démocratie" classique (comme les perquisitions de jour et de nuit, le contrôle des médias ou le recours aux tribunaux militaires). Les politiciens qui ont décidé la mise en œuvre de l'état d'urgence ou qui le soutiennent (comme le parti socialiste) nous assurent qu'il ne sera pas fait d'abus de ces mesures d'exception, mais c'est un précédent qu'on a fait accepter à la population, et notamment aux ouvriers, et demain, face aux luttes ouvrières que les attaques capitalistes vont faire surgir, il sera plus facile de ressortir et de faire accepter cette arme de l'arsenal de répression de la bourgeoisie.
Les jeunes qui brûlent des voitures comme les ouvriers ne peuvent tirer rien de positif de la situation actuelle. Seule la bourgeoisie, peut, d'une certaine façon en tirer un avantage pour le futur.
Cela ne veut pas dire que ce soit la bourgeoisie qui ait délibérément provoqué les violences actuelles.
C'est vrai que certains de ses secteurs politiques, comme l'extrême droite du "Front national", pourra en tirer des gains électoraux. C'est vrai aussi qu'un Sarkozy, qui rêve de racoler les électeurs d'extrême droite pour remporter les prochaines présidentielles, a jeté de l'huile sur le feu en disant il y a quelques semaines qu'il fallait "nettoyer au karcher" les quartiers sensibles et en traitant de "racailles", au début des violences, les jeunes qui y participaient. Mais il est clair que les principaux secteurs de la classe dominante, à commencer par le gouvernement, mais aussi les partis de gauche qui, en général sont à la tête des communes les plus touchées, sont très embarrassés par la situation. C'est un embarras qui est motivé par le coût économique de ces violences. C'est ainsi que la patronne du patronat français, Laurence Parisot, a déclaré sur une chaîne de radio (Europe 1), le 7 novembre, que "la situation est grave, même très grave" et que "les conséquences [en] sont très sérieuses sur l'économie".
Mais c'est surtout sur le plan politique que la bourgeoisie est embarrassée et inquiète : la difficulté qu'elle éprouve à "rétablir l'ordre" porte un coup à la crédibilité des institutions grâce auxquelles elle gouverne. Même si la classe ouvrière ne peut tirer aucun bénéfice de la situation actuelle, son ennemie de classe, la bourgeoisie, fait la preuve de sa difficulté croissante à maintenir "l'ordre républicain" dont elle a besoin pour justifie sa place à la tête de la société.
Et c'est une inquiétude qui ne concerne pas seulement la bourgeoisie française. Dans les autres pays, en Europe mais aussi à l'autre bout du monde, comme en Chine, la situation en France fait la une des journaux. Même aux États-Unis, dans un pays où en général la presse fait peu de cas de ce qui se passe en France, c'est en boucle que reviennent sur les News de la télévision les images des voitures et des bâtiments en flammes.
Pour la bourgeoisie américaine, la mise en évidence de la crise qui frappe aujourd'hui les quartiers pauvres des villes françaises est l'occasion d'un petit règlement de comptes : les médias et les politiciens français avaient fait grand bruit sur la faillite de l'État américain lors de l'ouragan Katrina ; aujourd'hui, on trouve une certaine jubilation dans la presse ou chez certains dirigeants des États-Unis pour moquer "l'arrogance de la France" à cette occasion. Cet échange d'amabilités est de bonne guerre entre deux pays qui s'opposent de façon permanente sur le plan diplomatique, notamment sur la question de l'Irak. Cela dit, la tonalité de la presse européenne, même si elle peut contenir quelques piques contre le "modèle social français" vanté en permanence par Chirac contre le "modèle libéral anglo-saxon", exprime une réelle inquiétude. C'est ainsi que, le 5 novembre, on pouvait lire, dans le quotidien espagnol La Vanguardia "Que personne ne se frotte les mains, les bourrasques de l'automne français pourraient être le prélude à un hiver européen". Et il en est de même de la part des dirigeants politiques :
"Les images qui nous viennent de Paris sont pour toutes les démocraties un avertissement à faire en sorte que ces efforts d'intégration ne doivent jamais être considérés comme achevés, mais qu'on doit sans cesse leur donner un nouvel élan (…) La situation n'est pas comparable, mais ce qui est clair c'est que l'une des tâches du futur gouvernement sera d'accélérer l'intégration." (Thomas Steg, l'un des porte-parole du gouvernement allemand, lundi 7 novembre).
"Nous ne devons pas penser que nous sommes tellement différents de Paris, c'est seulement une question de temps" (Romano Prodi, leader du centre gauche en Italie et ancien président de la Commission européenne).
"Tout le monde est inquiet de ce qui se passe" (Tony Blair).
Cette inquiétude révèle que la classe dominante prend conscience de sa propre faillite. Même dans les pays où des "politiques sociales" ont traité de façon différente les problèmes liés à l'intégration des immigrés, elle est confrontée à des difficultés qu'elle ne peut pas résoudre parce qu'elles découlent de la crise économique insurmontable à laquelle elle est confrontée depuis plus de trente ans.
Aujourd'hui, les bonnes âmes de la bourgeoisie française, et même le gouvernement qui a surtout manié jusqu'à présent le bâton plutôt que la carotte, affirment qu'il faut "faire quelque chose" pour les quartiers défavorisés. On annonce une rénovation des citées lugubres dans lesquelles vivent les jeunes qui se révoltent. On préconise plus de travailleurs sociaux, plus de lieux de culture, de sport ou de loisir où les jeunes pourront s'occuper plutôt que d'aller brûler des voitures. Tous les politiciens sont d'accord pour reconnaître qu'une des causes du malaise actuel des jeunes provient du chômage considérable dont ils sont victimes (plus de 50% dans ces quartiers). Ceux de droite en appellent à de plus grandes facilités données aux entreprises pour s'installer dans ces secteurs (notamment une baisse de leurs impôts). Ceux de gauche réclament plus d'enseignants et d'éducateurs, de meilleures écoles. Mais ni l'une ni l'autre de ces politiques ne peut résoudre les problèmes qui se posent.
Le chômage ne baissera pas parce qu'on installe une usine à tel endroit plutôt qu'à tel autre. Les besoins en éducateurs et autres travailleurs sociaux pour s'occuper des centaines de milliers de jeunes désespérés sont tels que le budget de l'État ne peut y faire face, un budget qui, dans tous les pays, ne cesse de toute façon de réduire l'ensemble des prestations "sociales" (santé, éducation, pensions de retraite, etc.) afin de garantir la compétitivité des entreprises nationales sur un marché mondial de plus en plus saturé. Et même s'il y avait beaucoup plus de "travailleurs sociaux", cela ne pourrait résoudre les contradictions fondamentales qui pèsent sur la société capitaliste dans son ensemble et qui sont à l'origine du malaise croissant dont souffre la jeunesse.
Si les jeunes des banlieues se révoltent aujourd'hui avec des moyens totalement absurdes, c'est qu'ils sont plongés dans un profond désespoir. En avril 1981, les jeunes de Brixton, quartier déshérité de Londres à forte population immigrée, qui s'étaient révoltés de façon semblable, avaient placardé sur les murs ce cri : "no future". C'est ce "no future", "pas de futur", que ressentent des centaines de milliers de jeunes en France, comme dans tous les autres pays. C'est dans leur chair et au quotidien, du fait du chômage, du mépris et de la discrimination que les jeunes "casseurs" des quartiers populaires ressentent cette absence totale d'avenir. Mais ils sont loin d'être les seuls. Dans beaucoup de parties du monde, la situation est encore pire et l'attitude des jeunes prend des formes encore plus absurdes : dans les territoires de Palestine, le rêve de beaucoup d'enfants est de devenir "kamikazes" et un des jeux favoris des gamins de 10 ans est de s'entourer le corps d'une ceinture fictive d'explosifs.
Cependant, ces exemples les plus extrêmes ne sont que la partie visible de l'iceberg. Ce ne sont pas seulement les jeunes les plus défavorisés, les plus pauvres, qui sont envahis par le désespoir. Leur désespoir et leurs actes absurdes ne sont que les révélateurs d'une absence totale de perspective, non seulement pour eux-mêmes, mais pour l'ensemble de la société, dans tous les pays. Une société qui, de façon croissante, se débat dans une crise économique insurmontable du fait des contradictions insolubles du mode de production capitaliste. Une société qui, de plus en plus, subit les ravages de la guerre, des famines, des épidémies incontrôlables, d'une détérioration dramatique de l'environnement, de catastrophes naturelles qui se transforment en d'immenses drames humains, comme le tsunami de l'hiver dernier ou les inondations de la Nouvelle-Orléans à la fin de l'été.
Dans les années 1930, le capitalisme mondial avait subi une crise semblable à celle dans laquelle il s'enfonce aujourd'hui. La seule réponse que le capitalisme put lui apporter fut la guerre mondiale. C'était une réponse barbare mais elle avait permis à la bourgeoisie de mobiliser la société et les esprits autour de cet objectif.
Aujourd'hui, la seule réponse que peut apporter la classe dominante à l'impasse de son économie est encore la guerre : c'est pour cela que les conflits guerriers n'ont pas de fin et impliquent de façon croissante les pays les plus avancés ou qui avaient été épargnés pendant une longue période (tels les États-Unis ou certains pays d'Europe comme la Yougoslavie tout au long des années 1990). Cependant, la bourgeoisie ne peut aller jusqu'au bout de ce chemin vers la guerre mondiale. En premier lieu, parce que lorsque les premiers effets de la crise se sont fait sentir, à la fin des années 60, la classe ouvrière mondiale, et notamment dans les pays les plus industrialisés, a réagi avec une vigueur telle (grève générale de Mai 68 en France, "automne chaud" italien de 69, grève en Pologne de 70-71, etc.) qu'elle a fait la preuve qu'elle n'était pas prête comme auparavant à servir de chair à canon pour les visées impérialistes de la bourgeoise. En second lieu, parce qu'avec la disparition des deux grands blocs impérialistes, après l'effondrement du bloc de l'Est en 1989, les conditions militaires et diplomatiques n'existent pas à l'heure actuelle pour une nouvelle guerre mondiale, ce qui n'empêche pas les guerres plus locales de se perpétuer et de se multiplier.
Le capitalisme n'a aucune perspective à offrir à l'humanité, sinon celle de guerres toujours plus barbares, de catastrophes toujours plus tragiques, d'une misère toujours croissante pour la grande majorité de la population mondiale. La seule possibilité pour la société de sortir de la barbarie du monde actuel est le renversement du système capitaliste. Et la seule force capable de renverser le capitalisme, est la classe ouvrière mondiale. C'est parce que, jusqu'à présent, celle-ci n'a pas encore trouvé la force d'affirmer cette perspective, à travers un renforcement et une extension de ses luttes, que des centaines de milliers de ses enfants sont amenés à sombrer dans le désespoir, exprimant leur révolte de façon absurde ou se réfugiant dans les chimères de religions qui leur promettent le paradis après leur mort. La seule véritable solution à la "crise des quartiers déshérités" est le développement des luttes du prolétariat vers la révolution qui permettra de donner un sens et une perspective à toute la révolte des jeunes générations.
CCI (8/11/2005)
Voilà plus de deux ans que l’armée américaine a pris le contrôle de l’Irak. Voilà plus de deux ans que le chaos se développe implacablement sur tout le pays. Près de 120 000 morts dans la population, 2000 soldats américains tués et 18 000 blessés, sans compter les destructions d'habitations ou de bâtiments publics : l'Irak connaît une des pires situations que l’histoire ait connu depuis la Seconde Guerre mondiale et la guerre contre l'Iran. Mais, en plus des dévastations qui s'abattent sur les Irakiens, cette guerre a pour effet d'attiser plus largement les tensions impérialistes des petits et des grands, et c'est l'ensemble du Moyen- et du Proche-Orient qui est entré irrémédiablement dans une période d'instabilité plus explosive que jamais. Le triple attentat d'Amman en Jordanie, jusqu'ici épargnée, a signé clairement la dynamique actuelle d'extension de cette instabilité.
L’intervention américaine a ainsi ouvert la voie à une phase d'accélération vers la barbarie militaire, vers une aggravation de tous les conflits ouverts ou latents dans une région de tous temps pleine de dangers.
La situation de l’Irak est celle d’un pays dévasté, en plein marasme économique et social et en situation de pré-guerre civile. Le "nouvel Irak" "prospère" et "démocratique" annoncé par l'administration Bush est une ruine. La guérilla permanente contre les forces d'occupation et la continuation de multiples attentats perpétrés ignoblement contre les civils irakiens rendent complètement illusoire toute idée de reconstruction. De surcroît, les divisions entre cliques sunnites, chiites et kurdes, qui prennent en otage des populations laminées et déboussolées, se sont violemment exacerbées. Ce qui laisse augurer du futur d'un Etat irakien traversé par les pires dissensions. Au Nord, les Sunnites et les anciens baasistes, soutenus activement par la Syrie, n’ont de cesse de faire pression à coups d'assassinats sur les Kurdes afin de les chasser aux confins de la Turquie et de l'Iran. A Bagdad et au Sud, ce sont les luttes entre fractions chiites et sunnites qui prédominent. Meurtres, attentats et menaces sont le lot quotidien des relations entre ces deux fractions qui s'entredéchirent pour le contrôle du pouvoir.
Une telle situation n'a pu qu'aiguiser les appétits impérialistes de l'Iran et de la Syrie. Cette dernière sert déjà de base arrière aux terroristes sunnites et autres ex-hommes de main de Saddam Hussein, marquant ainsi sa volonté d'intervenir de venir défendre ces intérêts dans la mêlée irakienne. Dans un tel contexte, où son éviction récente du plateau du Golan, une de ses revendications territoriales fondamentales, n'a pu qu'attiser encore ses velléités guerrières en direction de l'Irak.
Du côté de l'Iran, qui joue le bras de fer avec les Etats-Unis et les pays européens sur la question de la constitution d'un armement nucléaire, le marasme existant en Irak et la position de force des Chiites dans le gouvernement, en particulier dans les forces de sécurité, est une véritable aubaine. A terme, il s'agit d'une voie ouverte vers une influence déterminante et prépondérante dans tout le Proche-Orient et le renforcement d'une position stratégique sur le Golfe Persique et les zones pétrolifères pour l'Etat iranien. C'est cette perspective qui le pousse à bomber le torse face aux grandes puissances, de même que le retour en force de la fraction la plus rétrograde et des "durs" du régime annoncent une involution vers un état de guerre.
L'exode des populations kurdes qui s'amorce vers le Nord va quant à lui être facteur d'une nouvelle déstabilisation de cette région d'Irak qui avait connu, malgré la guerre, un calme relatif.
Enfin, l'attentat qui s'est produit au cœur d'Amman, et que toute la bourgeoisie internationale s'est empressée de "dénoncer", est venu en point d'orgue rappeler que pas un territoire, pas une région, ne seront épargnés par les forces destructrices mises en branle à l'heure actuelle. Cet attentat-suicide est d'autant plus significatif qu'il frappe, à travers la Jordanie, les intérêts américains et qu'il vient faire un lien direct entre la question de l'Irak et celle du conflit israélo-palestinien. Ce petit pays a en effet joué un rôle tampon déterminant entre Israël et les groupes palestiniens, l'OLP en particulier, qu'il a hébergés jusqu'aux détournements d'avions du début des années 1970, pour le compte de l'impérialisme américain. Il s'agit ainsi d'un indéfectible allié des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne qui est à présent sous le feu des terroristes, à l'instar de l'Arabie Saoudite qui connaît depuis la dernière guerre en Irak les attaques répétées des membres d'Al Qaida.
Ainsi, il suffit de regarder une carte pour prendre conscience de l'étendue du désastre qui se développe au Proche- et au Moyen-Orient.
Dans cette situation, il faut aussi prendre en compte l'escalade guerrière à l'initiative de Sharon et qui ne peut déboucher que sur une aggravation des tensions avec les Palestiniens et les différents groupes armés comme le Hamas, mais aussi entre ce dernier et le Fatah. De plus, la politique guerrière d'Israël, servie sous couvert de désengagement de la bande de Gaza qui va se transformer en un énorme ghetto, a pour objectif de mieux contrôler et d'investir le territoire de la Cisjordanie, région stratégique importante pour Tel-Aviv, mais aussi, derrière cela, de faire en sorte de déployer plus de moyens en direction du Liban.
Dans cette situation, il est clair que l'administration américaine éprouve les pires difficultés pour continuer à justifier son intervention et le maintien de sa présence militaire en Irak. Celle de la lutte contre le terrorisme a fait long feu, car jamais la vague d'attentats n'a reflué, ni en Irak même, au nez de la première puissance mondiale, ni sur la planète entière. Et en guise d'instauration de la "démocratie" et de la "paix", c'est le chaos qui règne en maître. C'est pourquoi l’administration Bush se trouve prise entre le feu des critiques qu'elle subit de la part de ses adversaires au sein de la "communauté internationale", France et Allemagne en tête, et de celles provenant de la bourgeoisie américaine elle-même. Et, aux côtés des démocrates, ce sont les électeurs de Bush, ceux du parti républicain, qui commencent à ruer dans les brancards, face à l'impopularité grandissante de la politique guerrière américaine. La baisse de popularité de Bush aux Etats-Unis, les débats qui se sont ouverts au Sénat, à majorité républicaine, autour de la nécessité pour l’Amérique de commencer à retirer ses troupes d’Irak dès 2006, autour de la question de la torture des prisonniers de Guantanamo, les manipulations aujourd'hui avérées autour des preuves fabriquées sur l'existence d'armes de destruction massive en Irak, montrent l'impasse dans laquelle se trouve actuellement la bourgeoisie d’outre-Atlantique.
La logique de l'occupation se trouve chaque jour un peu plus réduite à néant.
Et malgré certaines tentatives de démonstrations de force militaire, qu’on a pu voir encore à travers l’offensive de septembre contre les bastions rebelles du Nord de l’Irak, l’impuissance des Etats-Unis en Irak est de plus en plus manifeste.
Aussi, le Pentagone est pris entre deux feux :
- celui de la pression d’une opinion publique qui exprime son inquiétude devant l’inanité de l’opération militaire en Irak, pression qui la contraint à partir le plus rapidement possible ;
- celui d’une situation de catastrophe sociale existant en Irak qui contredit totalement les annonces de mise en place de la paix et de la stabilité "démocratiques" promises avant l’intervention militaire et dont elles étaient les justifications majeures.
Cette position difficile dans laquelle se trouvent les Etats-Unis ne peut que satisfaire les puissances qui se sont opposées à la guerre en Irak, car elle sert de tremplin à leurs critiques vis-à-vis de la première puissance mondiale et de moyen pour justifier leurs propres menées impérialistes, sous prétexte d'offrir leurs bons offices. C'est ce qu'on a vu par exemple à l'occasion de l'attentat d'Amman, où la France, par la voix de Villepin, s'est empressée de proposer ses bons offices à la Jordanie, en réalité de chercher à utiliser ces attentats pour venir marcher sur les plate-bandes américaines.
Le monde que prépare la bourgeoisie à l'humanité peut se mesurer à l'aune des horreurs qui se déroulent en Irak et dans la région, mais aussi sur le reste de la planète, et ses mensonges sont à l'avenant des coups tordus qu'elle prépare.
La fuite en avant irrationnelle du capitalisme dans le chaos et la barbarie guerrière entraîne le monde à sa perte. Seuls le renversement et la destruction de ce système pourra permettre de construire une autre société, le communisme.
Mulan (19 novembre)
Depuis la fin de la période de reconstruction après la Seconde Guerre mondiale, le monde capitaliste a continué à sombrer, lentement mais inexorablement, dans la crise économique.
Alors que cette crise est de nouveau sur le point de connaître une accélération brutale, nos gouvernants essaient d’embarquer la classe ouvrière vers les explications boiteuses du genre "c’est la faute aux excès de l’économie libérale", pour donner aux ouvriers un semblant de sens à la détérioration de leurs conditions de vie depuis la réapparition de la crise économique à la fin des années 1960 et spécialement depuis le début des années 2000.
La classe ouvrière, qui paie un lourd tribut à la banqueroute du capitalisme, sans parler des attaques massives contre les retraites et du démantèlement des services de santé doit aussi essuyer cet autre discours cynique de la bourgeoisie qui essaie, comme toujours, de la convaincre que tous ces sacrifices ne sont que le fruit de difficultés passagères, "tout ira mieux demain", que ses conditions de vie s’amélioreront et que le chômage diminuera. Les mensonges n’ont encore cette fois qu’un seul but : faire en sorte que la classe ouvrière accepte et paie par une misère et une exploitation accrues la plongée catastrophique du capitalisme dans sa propre crise économique.
En dépit de ce que nous raconte la bourgeoisie, l’évolution de l’économie est celle d’un déclin, lent mais inéluctable.
Le capitalisme a tiré un maximum de leçons à la suite de l’effondrement économique qui a frappé le monde à la fin des années 1920 et au début des années 1930. Depuis lors, et surtout après la Seconde Guerre mondiale, le capitalisme s’est organisé de façon à prévenir un effondrement soudain de son économie. Nous voyons ainsi un renforcement du rôle de l’Etat dans toutes les économies nationales. Par-dessus le marché, la bourgeoisie s’est adjointe des organismes internationaux tel le FMI qui ont la tâche de limiter tout à-coup violent dans l’économie. Ainsi, le capitalisme d’Etat peut certainement ralentir sa crise mais il ne peut empêcher son développement inexorable.
C’est pourquoi, depuis les années 1960, les reprises économiques ont été de plus en plus limitées et les récessions, celles de 1967, 1970-71, 1974-75, 1991-93 et 2001-2002, de plus en plus profondes.
Le monde capitaliste s’enfonce dans la crise. L’Afrique, l’Amérique Centrale, l’ancien bloc russe et la plus grande partie de l’Asie, chacun avec ses particularités, ont sombré dans un chaos économique grandissant. Depuis des années, les effets de la crise ont atteint directement les Etats-Unis, l’Europe et le Japon. Aux Etats-Unis, le taux de croissance par décennie entre 1950-1960 et 1990-1999 est passé de 4,11 à 3 % et pendant la même période, de 4,72 à 1,74 % en Europe (source : OCDE). Après la période de reconstruction qui a suivi le deuxième conflit mondial, l’économie a progressivement pris le chemin de la récession. Si cette période a été entrecoupée de périodes de reprise (de plus en plus courtes), ce n’est que parce que la bourgeoisie mondiale s’est endettée et s’est autorisée des déficits budgétaires sans cesse croissants. La principale puissance de la planète, les Etats-Unis, en donne l’exemple le plus criant. De surplus budgétaires de 2 % en 1950, elle en est aujourd’hui à un déficit budgétaire qui approche les 4%. Ainsi, la dette totale des Etats-Unis, qui s’est lentement accrue depuis les années 1950 jusqu’au début des années 1980, a connu une réelle explosion en une vingtaine d’années. Elle a doublé de quinze mille milliards à plus de trente mille milliards de dollars. Les Etats-Unis, qui étaient le principal financier de la planète, sont devenus le pays le plus endetté du monde. Cependant, il serait complètement faux de penser que c’est une situation spécifique de la principale puissance mondiale : cette tendance s’inscrit dans l’évolution globale de l’économie capitaliste. A la fin des années 1990, la dette de l’Afrique atteignait plus de 200 milliards de dollars, celle du Moyen-Orient aussi ; la dette de l’Europe de l’Est dépasse les 400 milliards de dollars ; celle de l’Asie et de la région Pacifique (y compris la Chine), plus de 600 milliards ; et c’est la même chose pour l’Amérique Latine (source : Etat du Monde, 1998).
Si on considère la production industrielle, la réalité du ralentissement de l’économie mondiale depuis la fin de la période de reconstruction est encore plus évidente. De 1938 à 1973, soit en 35 ans, la production des pays développés s’est accrue de 288 %. Pendant les vingt années qui ont suivi, cette croissance n’a été que de 30 % (source : OCDE).
Le ralentissement de la production industrielle mondiale est donc bien visible. Et c’est la classe ouvrière qui paie inévitablement le prix de cette réalité. On peut voir une évolution tout à fait frappante du chômage quand on considère les cinq pays les plus développés économiquement. Le chômage est passé d’une moyenne de 3,2 % en 1948-1952 à 4,9 % en 1979-1981, pour arriver finalement à 7,4 % en 1995 (source : OCDE). Ces chiffres sont ceux de la bourgeoisie et tendent consciemment à minimiser la réalité aux yeux de la classe ouvrière. Depuis 1995, le chômage n’a fait que continuer à se développer dans l’ensemble du monde.
Pour ralentir sa descente dans la crise, il n’a pas suffi que la bourgeoisie se dote de nouvelles institutions au niveau international, ou accumule une dette qui dépasse l’entendement pour maintenir artificiellement un peu de vie sur un marché mondial saturé. Il lui a aussi fallu essayer de freiner la chute progressive du taux de profit. Les capitalistes n’investissent que pour dégager un profit du capital investi. C’est ce qui détermine son fameux taux de profit. De 1960 à 1980, celui-ci a chuté de 20 à 14 % en Europe, pour s’élever comme par magie à 20 % aux Etats-Unis et à plus de 22 % en Europe à la fin des années 1990. Deux facteurs peuvent expliquer cette augmentation : l’élévation de la productivité sur les lieux de production ou l’austérité accrue imposée aux ouvriers. En fait, l’augmentation de la productivité du travail a été divisée par deux pendant cette période. C’est donc bien en attaquant les conditions de vie de la classe ouvrière que la bourgeoisie a été capable d’améliorer, momentanément, son taux de profit. L’évolution des salaires en pourcentage du PIB (Produit Intérieur Brut) en Europe illustre parfaitement cette réalité. Dans les années 1970-80, ce pourcentage s’élevait à plus de 76 % pour chuter à moins de 66 %. C’est bel et bien l’aggravation de l’exploitation et le développement de la misère ouvrière qui est la cause de cette amélioration temporaire du taux de profit dans les années 1990.
T.
Tout ce que raconte le gouvernement du président argentin Kirschner sur la "reprise fantastique" de l'économie argentine après la débâcle de 2001, n’est que bobards. La réalité que subissent au quotidien les travailleurs et l'immense majorité de la population est de plus en plus oppressante. Quelques chiffres peuvent l'illustrer : la population qui vit au-dessous du seuil de pauvreté est passée de 5% en 1976 à 50% en 2004. La famine, limitée jusque là aux provinces du Nord (Tucumán ou Salta, où 80% des enfants souffrent de malnutrition chronique) envahit désormais les zones pauvres de l'épouvantable ceinture de bidonvilles du sud de Buenos Aires.
C'est contre une telle situation, insupportable, que les ouvriers se sont révoltés. Entre juin et août, on a assisté à la plus grande vague de grèves depuis 15 ans ([1] [659]). Les luttes ont ainsi touché des hôpitaux comme ceux de Quilmes et Moreno, des entreprises telles que Supermercados Coto, Parmalat, Tango Meat ou Lapsa, le métro de Buenos Aires, les travailleurs communaux d'Avellaneda, Rosario et des villes les plus importantes de la province méridionale de Santa Cruz, les marins et les pêcheurs au niveau national, les employés de la justice partout dans le pays, les instituteurs de cinq provinces, les médecins de la commune de Buenos Aires, les enseignants des universités de Buenos Aires et Cordoba... Parmi ces luttes, la plus remarquable est celle de l'hôpital de pédiatrie Garrahan (Buenos Aires) pour la combativité et l'esprit de solidarité qui s'y sont exprimés.
Les luttes ont obtenu ici ou là quelques améliorations salariales éphémères, mais face à un capitalisme qui plonge de plus en plus dans une crise sans issue, la conquête principale des luttes ne se trouve pas sur le terrain économique, mais sur le terrain politique. Les leçons tirées de ces luttes serviront à la préparation de nouvelles qui seront inévitables. Il en va ainsi de l’importance de la solidarité, de l'esprit d'unité, qui mûrissent chez les ouvriers, la compréhension de qui sont leurs véritables ennemis, etc.
Le prolétariat s'affirme comme classe en lutte
En 2001, il y a eu en Argentine une révolte sociale spectaculaire, qui fut saluée par les milieux altermondialistes comme étant une situation "révolutionnaire". Mais cette mobilisation s'est placée clairement sur un terrain inter-classiste, avec des questionnements nationalistes et des "reformes" de la société argentine qui ne pouvaient entraîner que le renforcement du pouvoir capitaliste. Dans un article que nous avons publié dans la Revue Internationale nº 109, nous avons mis en relief le fait que "Le prolétariat en Argentine s'est trouvé submergé et dilué dans un mouvement de révolte inter-classiste. Ce mouvement de protestation populaire, dans lequel la classe ouvrière a été noyée, n'a pas exprimé la force du prolétariat mais sa faiblesse. Celui-ci n'a été en mesure d'affirmer ni son autonomie politique, ni son auto-organisation."([2] [660])
Nous affirmions ainsi que : "Le prolétariat n'a pas besoin de se consoler ni de s'accrocher à des chimères illusoires. Ce dont il a besoin, c'est de retrouver le chemin de sa propre perspective révolutionnaire, de s'affirmer sur la scène sociale comme seule et unique classe capable d'offrir un avenir à l'humanité, et partant, d'entraîner derrière lui les autres couches sociales non exploiteuses". Nous y disions que les capacités de lutte du prolétariat argentin ne se sont pas épuisées, loin de là, et que celles-ci devaient se déveopper à nouveau, mais qu'il était fondamental qu'"il soit tiré une leçon claire des événements de 2001 : la révolte inter-classiste n'affaiblit pas le pouvoir de la bourgeoisie, ce qu'elle affaiblit principalement, c'est le prolétariat lui-même." (2)
Aujourd'hui, quatre ans plus tard, la vague de grèves en Argentine a montré un prolétariat combatif qui apparaît sur son propre terrain de classe, qui commence à se reconnaître comme tel, même si c'est encore timidement. D’ailleurs, la gauche du capital elle-même ne cherche pas à nier l’évidence. Ainsi, la publication Lucha de Clases : Revista Marxista de Teoría y Política de juillet 2005, reconnaît que l'"un des faits le plus remarquable de cette année-ci, a été le retour agissant des travailleurs actifs au centre de la scène politique argentine, après des années de recul. Nous sommes devant un cycle long de luttes revendicatives, où les travailleurs luttent pour l'amélioration de leur salaire et contre les conditions dégradées du travail, cherchant à se réapproprier les conquêtes perdues dans les décennies passées", en ajoutant que "Au moment où les travailleurs de l'industrie et des services commençaient à faire entendre leur voix, d'autres voix gardaient le silence : celles qui avaient décrété la 'fin du prolétariat'".
Ce surgissement combatif du prolétariat n’est pas un phénomène local dû aux particularités argentines. Sans pour autant nier l'influence des facteurs spécifiques, en particulier la baisse rapide et violente du niveau de vie des grandes masses de la population, conséquence d'une dégradation économique qui s'est accélérée avec l'effondrement de 2001, cette vague des grèves fait partie du mouvement international de reprise de la lutte de classe que nous avons signalée depuis 2003. Elle en fait pleinement partie par ses caractéristiques et ses tendances de fond.
Dans un texte publié récemment ([3] [661]), nous avons mis en évidence les caractéristiques générales de cette reprise : lente et difficile, pas encore concrétisée dans des luttes spectaculaires, avançant non pas tant grâce à une succession de luttes victorieuses, mais de défaites dont les ouvriers tirent des leçons qui feront vivre des luttes futures bien plus fortes. Le fil conducteur qui les porte et qui contribue à leur lente maturation est "le sentiment, encore très confus mais qui ne demande qu’à se développer dans la période qui est devant nous, qu’il n’existe pas de solution aux contradictions qui assaillent le capitalisme aujourd’hui, que ce soit au plan de son économie ou des autres manifestations de sa crise historique, comme la permanence des affrontements guerriers, la montée du chaos et de la barbarie dont chaque jour qui passe démontre un peu plus clairement le caractère irrésistible". Lors de cette vague de grèves, il est apparu, comme dans d'autres luttes ailleurs dans le monde (Heathrow en Grande-Bretagne, Mercedes en Allemagne), une arme fondamentale pour faire avancer la lutte prolétarienne : l’expression de la solidarité prolétarienne.
Dans le Subte (métro de Buenos Aires), tout le personnel s'est arrêté spontanément après la mort de deux ouvriers de maintenance, causée par le manque total de mesures de protection contre les accidents du travail. Les travailleurs des hôpitaux de la capitale fédérale ont mené plusieurs actions de solidarité avec leurs camarades du Garrahan. Dans le Sud (province de Santa Cruz), la grève des employés municipaux dans les villes principales a suscité une forte sympathie de la part de larges couches de la population. A Caleta Olivia, des travailleurs du pétrole, des employés de la justice, des enseignants, des chômeurs, se sont joints aux manifestations de leurs camarades employés municipaux. A Neuquen, les ouvriers de la santé se sont joints spontanément à la manifestation des instituteurs en grève qui marchaient vers le siège du gouvernement provincial. Réprimés violemment par la police, les manifestants réussirent à se regrouper et ont pu voir comment des passants se joignaient à la manifestation en critiquant durement la police, qui se retira à une distance prudente.
Il est aussi à signaler la façon unitaire avec laquelle fut posée la revendication salariale chez les salariés de l'hôpital pédiatrique Garrahan : au lieu d'exiger des augmentations proportionnelles qui ne font qu'approfondir les différences entre les différentes catégories et poussent à la division et à la concurrence entre travailleurs, ils ont lutté pour une augmentation égale pour tous et favoriser les secteurs les moins bien rémunérés.
La riposte de la bourgeoisie
Il serait cependant stupide de croire que la classe dominante pourrait rester les bras croisés face aux efforts de son ennemi mortel pour se réapproprier son identité de classe et sa perspective révolutionnaire. Elle riposte, inévitablement, en déployant l'arme de la répression, mais une aussi en attaquant à tout va la conscience de classe des ouvriers.
Voilà ce que nous avons vu concrètement en Argentine. Le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux ont employé la force policière contre les grévistes : arrestations, tribunaux de justice, sanctions administratives sont tombés drus sur beaucoup de travailleurs. Mais le gros de la riposte de la bourgeoisie s'est concentré dans une manœuvre politique destinée à isoler les secteurs les plus combatifs, calomnier les ouvriers en lutte, mener les différents foyers de combat vers l'impasse et la démoralisation et bien inscrire dans les têtes que "la lutte ne paye pas", que la mobilisation n'apporte rien.
Pour cela, l'Etat a pris la lutte de l'hôpital Garrahan –qui, comme nous l'avons dit, a eu un rôle de premier plan dans la vague de grèves- comme cible pour ses manoeuvres.
En premier lieu, il a déclenché une campagne assourdissante traitant les ouvriers de "terroristes", en les présentant comme des scélérats qui mettraient en avant leurs "intérêts particuliers" contre la santé des enfants soignés à l'hôpital. Avec une hypocrisie à vomir, ces gouvernants, qui laissent mourir de faim des milliers d'enfants, affichent tout d'un coup une "préoccupation" pour les enfants "menacés" par ces "abominables" grévistes.
Tout cela a été une évidente provocation pour isoler les travailleurs de Garrahan, ce qui a été parachevé par l'accusation absurde selon laquelle ils seraient manipulés par une prétendue conspiration politique "anti-progressiste" inspirée par Menem et Duhalde ([4] [662]).
Mais ce qui a affaibli le plus la lutte des travailleurs de Garrahan a été "l'aide" prêtée par les organisations de piqueteros ([5] [663]). Celles-ci se sont collées comme des sangsues à la lutte à Garrahan (elles ont fait la même chose avec les ouvriers de Tango Meat) au nom de la "solidarité". C'est ainsi que les ouvriers de Garrahan se sont vus associés -et le gouvernement et ses médias n'ont pas raté l'occasion d'en faire la plus grande publicité- aux méthodes commandos des organisations de piqueteros qui, au lieu de frapper la classe dominante, ne visent qu’à diviser les ouvriers et enfoncer un coin dans le développement de leur solidarité. Les organisations de piqueteros, par exemple, ont coupé le pont Pueyrredón, point névralgique de la capitale, aux heures de pointe, en provoquant des embouteillages monstres qui ont surtout affecté des nombreux travailleurs de la banlieue sud de Buenos Aires. Ou ce qui est arrivé à Cañadón Seco (au Sud) où une quarantaine de personnes ont coupé les accès de la raffinerie de Repsol-YPF sans la moindre consultation préalable des travailleurs de l'usine.
La vraie solidarité ne peut se développer qu'en dehors et contre le carcan syndical, c'est une lutte commune où s'intègrent de nouveaux secteurs de travailleurs, où il y a des envois de délégations, des manifestations et des assemblées générales, où les ouvriers, directement, vivent, luttent, réfléchissent et comprennent ensemble, et c'est ainsi que d'autres opprimés et exploités pourront se joindre à eux. Dans un tel mouvement, les divisions qui émiettent les ouvriers commencent à disparaître parce qu'ils peuvent vérifier concrètement qu'ils appartiennent à la même classe, parce qu'ils prennent conscience de leur force et de leur unité.
Cette solidarité directe, active, de masse, la seule qui donne la force et fait avancer la lutte prolétarienne, a été remplacée par une "solidarité" d'intermédiaires (les organisations "sociales" avec leurs dirigeants en tête), passive et minoritaire, qui produit l'euphorie de croire qu'on "est soutenu par les masses qui sont derrière ces organisations". On finit par se rendre compte avec amertume qu'on est encore plus isolés et divisés qu'auparavant.
CCI (16 septembre)
[1] [664] "Le mois de juin dernier a connu le niveau le plus élevé des conflits de la dernière année : 127 mouvements, qui ont touché 80% du secteur public, 13 % dans les services et le 7 % restant dans les différentes branches de l'industrie. Ce mois a dépassé en conflits ceux enregistrés dans tous les autres mois de juin depuis 1980. L'analyse des conflits du travail des mois de juin des 26 dernières années, 1980 inclus, montre que le mois de juin de 2005 est le plus élevé." (Colectivo Nuevo Proyecto Histórico, groupe surgi en Argentine, dans son texte "Sindicato y necesidades radicales").
[2] [665] "Revoltes populaires en Argentine : seule l'affirmation du prolétariat sur son terrain peut faire reculer la bourgeoisie" (Revue Internationale nº 109).
[3] [666] Revue Internationale n° 119 : "Résolution sur la lutte de classes"
[4] [667] Anciens présidents argentins particulièrement impopulaires.
[5] [668] Sur les piqueteros, lire "Révoltes 'populaires en Amérique Latine: l'indispensable autonomie de classe du prolétariat", Revue Internationale nº 117 et "Argentine: la mystification des piqueteros", Revue Internationale nº 119.
Durant trois semaines, les émeutes dans les banlieues ont fait la Une de l’actualité. Des milliers de jeunes, issus pour une grande part des couches les plus pauvres de la population, ont crié leur colère et leur désespoir à coup de cocktails Molotov et de caillasses (voir article page 1).
Les premières victimes de ces destructions sont les ouvriers. Ce sont leurs voitures qui sont parties en fumée. Ce sont leurs lieux de travail qui ont été fermés, plaçant plusieurs centaines d'entre eux au chômage technique. Un ouvrier interviewé pour le journal de 20h a magistralement résumé la parfaite absurdité de ces actes en ces termes : "Ce matin, j’ai trouvé sur le pare-brise de ma voiture calcinée cette affiche. C’est marqué dessus ‘Nique Sarkozy’. Mais c’est pas Sarkozy qu’on a niqué, c’est moi !"
Même si l'explosion de colère des jeunes des banlieues est tout à fait légitime, la situation sociale qu'elle a créée représente un réel danger pour la classe ouvrière. Comment réagir ? Faut-il se ranger derrière les émeutiers ou derrière l'Etat "républicain" ? Pour la classe ouvrière, il s'agit là d'une fausse alternative car les deux pièges sont à éviter. Le premier serait de voir à travers la révolte désespérée de ces jeunes un exemple de lutte à suivre. Le prolétariat n’a pas à s’engouffrer sur ce chemin auto-destructeur. Mais la "solution" criée partout haut et fort par la bourgeoise est une impasse tout aussi grande.
En mettant à profit la peur que suscitent de tels événements, la classe dominante, avec son gouvernement, son Etat et son appareil répressif, se présente aujourd'hui comme le garant de la sécurité des populations et notamment des quartiers ouvriers.. Mais derrière ses beaux discours qui se veulent "sécurisants", le message qu’elle cherche à faire passer est lourd de menaces pour la classe ouvrière : "Lutter contre l'ordre républicain, c'est-à-dire l'Etat capitaliste, c’est ce comporter en voyou, en racaille".
Incapable de résoudre le problème de fond, la crise économique, la bourgeoisie préfère naturellement le cacher et exploiter à son profit le côté spectaculaire des émeutes : les destructions et les violences… Et là, on peut dire que les journalistes ont su mouiller leur chemise afin d’alimenter au mieux cette propagande de la peur.
Ils sont allés chercher l’information au cœur des cités, livrant par centaines des images de voitures en flammes ou calcinées, multipliant les témoignages de victimes, réalisant des enquêtes sur la haine de ces jeunes pour toute la société.
Les reportages ont fourmillé montrant, dans la nuit, ces bandes de jeunes, casquette vissée sur la tète et recouverte elle-même d’une capuche masquant le visage. C’est en gros plan qu‘on a eu droit aux jets de cocktails Molotov et de cailloux, aux affrontements avec les forces de l’ordre et, de temps en temps, à l’interview d’un des émeutiers exultant en direct sa colère : "On existe, la preuve : les voitures brûlent" (Le Monde du 6 novembre) et aussi "on parle enfin de nous".
La bourgeoisie a ici exploité à merveille la violence désespérée des jeunes banlieusards pour créer un climat de terreur. C’est pour elle une occasion idéale pour justifier le renforcement de son arsenal répressif. La police peut en effet s’octroyer le luxe d’apparaître comme la protectrice des ouvriers, la garante de leur bien-être et de leur sécurité. Le débat entre le PS et l’UMP sur ce point a donné d’ailleurs le "la". Pour la droite, la solution est évidemment de donner plus de moyens aux forces de l’ordre en renforçant les unités d’intervention type CRS. Et pour la gauche c'est la même chose avec un autre enrobage. Le PS a proposé le retour de la police de proximité. Autrement dit, plus de flics dans les quartiers ! C'est bien pour cela que ces deux grands partis bourgeois se sont prononcés en faveur de l’Etat d’urgence.
Toutes ces mesures de renforcement de l'appareil répressif ne pourront mettre fin aux violences dans les banlieues. Au contraire, si elles peuvent être efficaces de façon immédiate et temporaire, à terme, elles ne peuvent qu’alimenter la tension et la haine de ces jeunes envers les forces de l'ordre. Les hommes politiques le savent très bien. En réalité, ce que vise la bourgeoisie avec le renforcement du quadrillage policier des quartiers "sensibles", ce ne sont pas les bandes d'adolescents désœuvrés mais la classe ouvrière. En faisant croire que l'Etat républicain veut protéger les prolétaires contre les actes de vandalisme de leurs enfants ou ceux de leurs voisins, la bourgeoisie se prépare en fait à la répression des luttes ouvrières lorsque celles-ci constitueront une véritable menace pour l'ordre capitaliste. La mise en place de l’Etat d’urgence, par exemple, vise à habituer la société, à banaliser le contrôle permanent, le flicage permanent et les perquisitions légales dans les quartiers ouvriers.
La dimension la plus répugnante de la propagande actuelle est celle qui consiste à désigner les immigrés comme boucs émissaires.
Du fait que les émeutiers sont en partie des enfants issus de l’immigration, les ouvriers immigrés ont été insidieusement accusés de menacer "l'ordre public" et la sécurité des populations puisqu'ils sont incapables de tenir leurs enfants, de leur donner une "bonne éducation" en leur transmettant des valeurs morales. Ce sont ces parents "irresponsables" ou "démissionnaires" qui ont été montrés du doigt comme les vrais coupables. Et la palme du racisme affiché est revenue au ministre délégué à l’emploi, Gérard Larcher, pour qui la polygamie serait "l’une des causes des violences urbaines" (Libération du 17 novembre) !
Mais les forces de gauche ont apporté elles aussi leur petite pierre à l’édifice, mettant en avant, sous couvert d’humanisme, les difficultés de la société française à intégrer des populations de "divers horizons culturels" (pour reprendre leur terminologie). Les deux plus grands sociologues actuels sur la question des banlieues, Didier Lapeyronie et Laurent Mucchilie, qui se positionnent à la gauche radicale de l’échiquier politique, insistent ainsi sur le fait qu’aux yeux des jeunes issus de l’immigration "la promotion par l’école est réservée aux ‘blancs’, les services publics ne sont plus du tout des vecteurs d’intégration […] et les mots de la République […] sont perçus comme les masques d’une société ‘blanche’."(Libération du 15 novembre) Les prolétaires immigrés auraient donc un problème spécifique qui n’aurait rien à voir avec le reste de la classe ouvrière.
En désignant les travailleurs immigrés comme les vrais responsables des violences urbaines, la bourgeoisie cherche ainsi à monter les ouvriers les uns contre les autres, à créer une division entre français et immigrés. Elle exploite la révolte aveugle des jeunes des banlieues afin de masquer la réalité : la paupérisation croissante de l’ensemble de la classe ouvrière, quelle que soit sa nationalité, ses origines ou sa couleur. Le problème de la misère, du chômage, de l'absence de perspective ne serait pas la conséquence de la crise économique insurmontable du capitalisme mais se résumerait à un problème "d’intégration" ou de "culture" ! En diabolisant ainsi les parents des jeunes émeutiers, la classe dominante justifie par la même occasion des attaques prétendument ciblées sur les "fauteurs de troubles" d’aujourd’hui mais qui, en réalité, toucheront toute la classe ouvrière demain. C’est par exemple le cas de la suppression des allocations pour les familles de "délinquants". Et que dire des mesures d’expulsion immédiate des étrangers pris dans les émeutes ? Le ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy, a demandé aux préfets d’expulser "sans délai de notre territoire national" les étrangers condamnés dans le cadre des violences urbaines des treize dernières nuits, "y compris ceux qui ont un titre de séjour" (Libération du 9 novembre). Mais la classe ouvrière ne doit pas se faire d'illusion. Cette mesure ne restera pas une exception réservée aux seuls "petits voyous". Ces expulsions territoriales pour ‘trouble de l’ordre public’, l'Etat républicain n'hésitera pas à les utiliser dans le futur contre l’ensemble de la classe ouvrière lorsque celle-ci développera ses luttes : pour briser une grève et son unité en obligeant les ouvriers qui justement "ont un titre de séjour" à reprendre le travail sous peine de "reconduction aux frontières".
Pawel (17 novembre)
Face à la multiplication des attaques qu'elle impose et à la dégradation très forte du niveau de vie des prolétaires, la bourgeoisie redoute un inévitable développement des luttes ouvrières et, dans celui-ci, la maturation d'une réflexion et d'une remise en cause de son système d'exploitation. C'est pourquoi les syndicats, qui sont sa première force d'encadrement social, se placent sur le devant de la scène pour court-circuiter et enrayer cette dynamique, dévoyer la combativité et saboter les luttes. Déjà, le mois dernier, face à la montée d'un ras-le-bol de plus en plus manifeste, ils avaient pris les devants en organisant la journée d'action nationale du 4 octobre destinée à défouler la colère et à les remettre en selle pour les faire apparaître comme les seuls capables de défendre les intérêts de la classe ouvrière. Mais surtout, avec la complicité de toutes les fractions de la bourgeoisie et des médias, ils avaient organisé une véritable provocation en manipulant un des secteurs les plus corporatistes et les plus rétrogrades du prolétariat, les marins de la SNCM, pour pousser l'ensemble de la classe ouvrière sur la voie de la défaite et de la démoralisation (voir nos articles dans RI n°362). Aujourd'hui, la bourgeoisie et ses syndicats continuent d'enfoncer le même clou. Non contente d'utiliser et d'exploiter le désespoir des jeunes des banlieues contre le prolétariat, c'est le terrain de la lutte de classe qu'investit la bourgeoisie pour pourrir la conscience des ouvriers.
Chez les conducteurs de bus et de métro de Marseille comme à la SNCM, la bourgeoisie s'est appuyée sur la lutte d'un secteur particulièrement gangrené par les illusions corporatistes et fortement encadré par les syndicats. Les prolétaires de ce secteur n'ont pas su tirer la moindre leçon de l'échec de la lutte de leurs camarades de l'entreprise voisine. A l'heure actuelle, la grève dure depuis 40 jours et n'est toujours pas terminée, mais son issue ne fait pas le moindre doute. Malgré le déploiement de toute leur combativité, les grévistes s'apprêtent à subir une défaite encore plus cuisante et amère.
C'est depuis le 3 octobre, à la veille de la grande manifestation syndicale où ils ont défilé aux côtés de la SNCM et autour du même slogan pour réclamer le "sauvetage du service public", que les traminots de la Régie des transports de Marseille (RTM) sont en grève. Ils se sont mobilisés autour d'une unique revendication : s'opposer à la gestion et à l'exploitation du futur tramway marseillais par une société privée, la Connex (qui est d'ailleurs appelée à "patronner" en partie la SNCM). Mais alors que le projet va se traduire par la fermeture de certaines lignes de bus et de nouvelles suppressions d'emploi, alors que les salaires sont "gelés" depuis des années, toutes leurs craintes réelles par rapport aux licenciements, aux conditions de travail et aux salaires ont été étouffées derrière la défense du service public. D'autres grèves chez les traminots ont été mises sous le boisseau à Bordeaux, à Nancy ou à Lille alors qu'elles portaient sur des revendications de hausse des salaires. Sous la houlette d'une intersyndicale "unie" dans laquelle la CGT est cependant encore une fois à la pointe "de l’action", ce conflit a été mis sous les projecteurs notamment à partir du moment où le maire de droite de la ville, Gaudin, a parlé de "réquisition". C'est l'image d'une grève extrêmement dure et jusqu’au-boutiste ; pour "radicaliser" et exacerber encore le conflit, la direction et la mairie se sont livrés à une véritable provocation en assignant la lutte devant les tribunaux pour faire déclarer la grève "illégale", avec à la clé une menace de réquisition, voire de sanctions à l’encontre des chauffeurs. Ainsi, au bout d’un mois de grève et après une reprise du travail provisoire de 5 jours, les syndicats ont pu faire repartir un mouvement qui s'essoufflait en posant un nouveau préavis de grève.
C’est avant tout une grève-repoussoir, extrêmement impopulaire auprès d’un million de personnes de l’agglomération marseillaise, notamment auprès des autres ouvriers qui doivent emprunter les transports en commun pour se rendre à leur travail, amener leurs enfants à la crèche ou à l'école. Il est bien difficile de se sentir solidaires d'une lutte dans ces conditions. Cela n'a pas empêché le leader de la LCR, Besancenot, de venir déclarer aux grévistes "Vous faites honneur au syndicalisme. Toute la France vous regarde !" Au contraire, cela ne peut que susciter la colère, la division, voire l’hostilité dans les rangs des autres secteurs du prolétariat.
Avec le durcissement de la grève, tandis que les syndicats ont mis des voitures en travers pour empêcher la sortie des bus des dépôts, l'encadrement policier a été renforcé sous prétexte de protéger les chauffeurs non grévistes mais aussi les grévistes contre d'éventuelles agressions d'usagers mécontents : 4 compagnies de CRS et de gardes mobiles ont ainsi été placées aux portes de 4 grands dépôts de bus. De même la quarantaine de bus réquisitionnés fin octobre, cible favorite de commandos cégétistes, ont été escortés de motards et truffés de flics en civil. La municipalité est restée inflexible, refusant pendant des semaines toute négociation, puis lors de chaque rencontre, toute concession. C'est dans ce climat délétère et d'intimidation que la grève s'est déroulée et pourrit lentement sur pied de jour en jour, même si un millier de travailleurs sont toujours en grève sur les 3200 que compte l'entreprise. Son isolement est total. Pour la plupart des traminots, la note sera salée avec la perte de plus d’un mois de salaire, voire bien davantage. Non seulement les traminots marseillais ne sont pas prêts à reprendre le combat de classe de sitôt, mais cela ne peut déboucher que sur un énorme écœurement, une très forte démoralisation dans toute la classe ouvrière vis-à-vis de la lutte.
Quelles sont les fausses leçons que la bourgeoisie voudrait que la classe ouvrière retire à travers cette lutte ?
La première est précisément celle-ci : il s'agit de dissuader les ouvriers d'entrer en lutte en montrant que lutter ne mène à rien sinon à la défaite. La RTM est donnée en exemple : voilà une lutte pourtant longue, déterminée, combative et "radicale" qui n'a servi à rien !
A travers l'image donnée par les médias, les grèves ne pourraient au contraire qu'empoisonner les conditions de vie et de travail des autres ouvriers. Toute lutte ouvrière ne pourrait que défendre de façon irresponsable des intérêts particuliers, égoïstes, corporatistes prenant les autres ouvriers en otage, les pénalisant de façon inadmissible, certains courent même le risque de se retrouver au chômage en paralysant l'activité d'autres entreprises.
L'autre son de cloche est celui qui est colporté par les syndicats. Il faut s'en remettre à l'Etat pour se défendre. Les seules luttes ou les seules grèves qui aient un sens et qui vaillent la peine de "se sacrifier" seraient d'une part celles pour assurer la défense du service public mais aussi d'autre part, la lutte pour défendre la démocratie et le "droit à la négociation". Ainsi, l'objectif assigné par les syndicats dans les luttes n'est même plus de faire aboutir des revendications ouvrières, mais le but de la lutte devient l'ouverture de négociations, présentée déjà comme une "victoire".
Dans la foulée, les syndicats poussent à se mobiliser contre la série de privatisations en cours de plusieurs services publics : EDF, la Poste, les sociétés d'autoroutes, etc. pour lesquels ils se préparent à organiser un feu roulant de nouvelles grèves ou journées d'action. Les principaux syndicats du secteur (CGT, FO, SUD, syndicat autonome des conducteurs) ont déposé un autre préavis de grève reconductible à partir du 21 novembre à la SNCF avec la même stratégie. Les syndicats martèlent l'idée que la privatisation amène des licenciements, alors qu'en réalité, la logique de l'exploitation capitaliste est inverse, c'est le besoin de licencier qui amène la privatisation. Ils alimentent ainsi une campagne forcenée sur la défense du service public où l'unique but de la lutte serait d'empêcher une dérive libérale et un démantèlement du service public. Ce qui signifie pousser les ouvriers à s'en remettre à l'Etat pour les protéger, se réfugier derrière l'Etat-patron pour se défendre. Pousser les ouvriers à rechercher la protection de l'État, en suscitant une fausse opposition entre "politique libérale" ou "plus d'État" est un leurre. C'est précisément l'Etat qui est l'organisateur et l'ordonnateur de toutes les attaques dirigées contre les prolétaires, c'est lui qui préconise, oriente et facilite les procédures de licenciements, qui planifie la rigueur budgétaire et l'austérité salariale. C'est lui qui assure la défense indéfectible des intérêts du capital national contre la classe ouvrière.
Toutes ces manœuvres cherchent à persuader les ouvriers qu'ils n'ont qu'une alternative : soit faire confiance à l'Etat et aux syndicats pour se défendre, soit renoncer à lutter. C'est une escroquerie.
La lutte de classe, ce n'est pas la lutte que nous proposent les syndicats. Elle est incompatible avec la défense d'intérêts corporatistes derrière lesquels les ouvriers sont divisés et montés les uns contre les autres Elle est incompatible avec la défense des intérêts de l'entreprise, du capital national et de l'Etat vers lesquels ceux-ci nous rabattent. Elle n'est possible que sur la base du refus des licenciements, de la défense des salaires et des conditions de travail. C'est sur cette base que peuvent se développer et s'affirmer les besoins vitaux de la lutte, son extension, sa prise en charge par les ouvriers eux-mêmes, la solidarité qui sont des expressions du caractère unitaire de la classe en lutte. L'affirmation de ces besoins sont diamétralement à l'opposé et antagoniques aux méthodes et aux moyens que mettent en œuvre et préconisent les syndicats : le repli sur l'entreprise ou le dépôt, les AG qui interdisent l'accès aux ouvriers d'autres entreprises ou réduits au chômage, les actions-commandos. C'est ce dévoiement, cette dénaturation, ce travail de sape et de sabotage permanents par les syndicats qui conduisent inévitablement les luttes vers une défaite démoralisante, l'épuisement et la démolition stérile de leur combativité et l'écoeurement. Le développement des luttes est plus que jamais nécessaire pour faire face aux attaques de la bourgeoisie. Les prolétaires n'ont pas d'autre choix que de se battre. Mais pour cela, ils ne doivent pas s'en remettre à ces auxiliaires les plus précieux de la bourgeoisie et de son Etat dans les rangs ouvriers que sont les syndicats.
Wim (19 novembre)
L’ensemble de la classe ouvrière, dans tous les pays, tous les secteurs, toutes les entreprises, vit aujourd’hui avec cette inquiétude obsédante: comment échapper à la menace du chômage? Quel avenir la société actuelle réserve-t-elle à nos enfants? Que peut-on faire pour sortir de cette situation ?
Jamais depuis la dernière guerre mondiale le monde capitaliste n’avait connu un degré de misère et de barbarie tel que celui d’aujourd’hui. Les guerres ne cessent de se développer et le chômage croît sans fin. Dans les pays sous-développés, les massacres, les épidémies, les famines sont le lot quotidien de centaines de millions d’êtres humains ; dans les pays les plus industrialisés, une masse croissante d’ouvriers est jetée sur le pavé à chaque nouvelle vague de licenciements. Ainsi des Etats, tels l’Allemagne, qui nous avaient été présentés pendant des décennies comme des modèles de prospérité, ne sont plus épargnés par le développement du chômage massif.
Ce ne sont pas seulement les jeunes, à l’issue de leur scolarité, qui se retrouvent sans emploi ou avec un travail de misère, mais l’ensemble des prolétaires intégrés dans le système productif qui se retrouvent chaque jour, par milliers, brutalement licenciés sans aucune perspective de pouvoir retrouver un emploi durable.
Cette aggravation de la misère et du chômage, ce sont tous les ouvriers qui la subissent de plein fouet, dans tous les secteurs, tous les pays. Toute la classe ouvrière est aujourd’hui directement concernée par cette attaque du capital. Non seulement les prolétaires exclus de la production, mais aussi ceux qui ont encore un emploi.
Dans toutes les usines, les ateliers, les bureaux, chacun redoute d’être inscrit sur la liste noire des prochaines charrettes de licenciements. Partout, règne la même atmosphère d’inquiétude et d’insécurité.
Mais le chômage n’est pas seulement une situation que les ouvriers "actifs" redoutent pour l’avenir. Cette attaque, ils la subissent déjà dans la réalité quotidienne de toutes leurs conditions de vie.
De plus, l’ensemble de la classe ouvrière voit après chaque vague de licenciements, chaque nouvelle suppression d’emplois, ses conditions de travail empirer, notamment à travers les augmentations de cadences dues aux baisses d’effectifs.
Enfin, l’Etat ne se contente pas seulement de faire peser ainsi le poids du chômage sur le dos des travailleurs. Il exerce encore un chantage crapuleux sur les ouvriers en semant l’illusion que s’ils acceptent les baisses de salaires sans broncher, ils pourront participer à améliorer la compétitivité de leur entreprise et donc s’éviter de nouvelles vagues de licenciements.
Voilà la situation intolérable que subissent les ouvriers au travail, auxquels l’Etat, le patronat, la maîtrise, cherchent en permanence à faire courber l’échine en leur répétant sans cesse: "Si tu n’es pas content, fous le camp. Il y en a cent, il y en a mille dehors qui attendent ta place."
Non seulement les ouvriers au travail sont contraints de faire les frais de la crise du système qui les exploite, mais c’est par centaines de milliers qu’ils sont amenés à subvenir, avec leurs revenus de plus en plus maigres, aux besoins élémentaires des membres de leurs familles déjà au chômage, en particulier de leurs enfants qui ne trouvent pas de travail à la fin de leurs études.
Le seul avenir que peut promettre le capitalisme aux nouvelles générations de prolétaires, c’est la misère absolue, une misère encore plus terrible que celle que subissent aujourd’hui les ouvriers au chômage, condamnés à vivre au jour le jour, à courir des journées entières après des offres d’emplois toujours plus rares et pour lesquelles 10, 100, 1000 personnes se déplacent en pure perte.
L’Etat et le patronat obligent ces ouvriers au chômage à accepter n’importe quel petit boulot précaire et sous-payé, amputent régulièrement leurs allocations, voire les suppriment tout simplement. De plus en plus d’ouvriers licenciés sont ainsi réduits au désespoir, parce qu’ils ne trouvent plus les moyens de se loger, se vêtir, se nourrir, eux et leur famille tandis que dans les cités ghettos, un nombre croissant de jeunes chômeurs sont menacés par la délinquance, la drogue, la criminalité.
Ces prolétaires que le capitalisme a définitivement rejetés de la production viennent chaque jour grossir les rangs des indigents que la classe dominante, ses médias aux ordres et ses curés baptisent "nouveaux pauvres" ou "exclus", leur enlevant ainsi toute leur identité de classe afin de les séparer du reste de la classe ouvrière, de les isoler, et d’empêcher une lutte commune entre chômeurs et ouvriers au travail.
De même, toute la bourgeoisie, à travers un matraquage médiatique permanent, cherche à culpabiliser les ouvriers au travail, à les opposer aux chômeurs en les présentant comme des "privilégiés", dont "l’égoïsme" serait responsable de cette situation alors que c’est elle, la classe exploiteuse et son système en crise, qui sont les seuls responsables de la misère et du chômage.
Ceux qui nous gouvernent, ceux qui exploitent la force de travail, ceux qui veulent nous faire payer toujours plus le prix de la faillite de leur système, répètent depuis des années que c’est un mauvais moment à passer, que les sacrifices d’aujourd’hui sont destinés à préparer des lendemains meilleurs. Ils mentent !
Aujourd’hui, comme hier, ils veulent nous faire croire que ce sont les travailleurs "immigrés" qui sont responsables de l’augmentation du chômage. Depuis des années, en France comme dans la plupart des pays industrialisés, on verrouille les frontières, on organise la chasse aux "clandestins", on expulse manu militari des familles entières vers leur "pays d’origine" qu’elles n’ont souvent même pas connu et où les conditions économiques et sociales sont encore plus catastrophiques qu’ici. Malgré ces mesures policières, le chômage n’a cessé de croître inexorablement, frappant aussi bien les travailleurs immigrés que les ouvriers autochtones. Et le langage ne cesse de s’adapter, mais les mensonges restent. Aujourd’hui par exemple, il faudrait croire que toutes les mesures prises – attaque contre les retraites, la santé, les réductions d’allocations aux chômeurs – seraient des réformes nécessaires qui ne pénaliseraient pas ou seulement ceux qui "abusent" !
Tous les gouvernements d’Europe et d’Amérique, de droite et de gauche, prétendent aujourd’hui faire de la lutte contre le chômage la priorité numéro 1. Tous nous racontent que la reprise économique, même si elle n’est pas encore à l’ordre du jour, ne saurait tarder. Ils mentent ! Mensonges aussi que ceux des "alter-mondialistes" qui cherchent à nous faire croire que le chômage ainsi que les autres fléaux pourraient trouver une solution dans un capitalisme bien géré et qui rejetterait le soi-disant libéralisme. Ces mystificateurs nous présentent un capitalisme sans contradictions dans lequel l’Etat, s’il le voulait bien, pourrait être le garant du bonheur de tous et de chacun ! Tous ces menteurs patentés veulent nous faire oublier que les fléaux de la société d’aujourd’hui ne sont que la dramatique illustration de la faillite du capitalisme.
La vérité, c’est que la crise de l’économie mondiale n’a pas d’issue. Quelles que soient les mesures que prendra la bourgeoisie, quels que soient les partis au gouvernement, le système capitaliste ne peut que continuer à s’effondrer. La classe ouvrière ne doit se faire aucune illusion: les sacrifices d’aujourd’hui ne font que préparer des sacrifices encore plus douloureux demain.
Les patrons, les Etats licencient, suppriment les emplois, réduisent les salaires parce qu’ils n’arrivent pas à vendre en quantité suffisante les marchandises produites par les ouvriers. Ils n’arrivent pas à écouler ces marchandises parce que le marché mondial est devenu trop étroit pour absorber l’ensemble de la production de tous les pays. Face à la guerre commerciale à laquelle se livrent tous les requins capitalistes qui se disputent les parts de plus en plus restreintes du marché mondial, toutes les bourgeoisies nationales sont obligées de "rationaliser" leur production.
Pour cela, elles doivent fermer des usines, augmenter la productivité du travail, diminuer les effectifs, accélérer les cadences, baisser les salaires.
Depuis ses origines, notamment au xixe siècle, le capitalisme a connu des crises qui, à chaque fois, se traduisaient par une poussée du chômage et une dégradation des conditions d’existence du prolétariat. Mais les crises qui accompagnaient régulièrement, de façon cyclique, l’expansion du capitalisme au siècle dernier ne sont nullement comparables à celle que nous vivons aujourd’hui.
En effet, au xixe siècle, à l’époque où le capitalisme était un système en plein développement qui n’avait pas encore conquis toute la planète, les crises de surproduction finissaient toujours par se résoudre grâce à la découverte de nouveaux débouchés dans les régions du monde où prédominaient des modes de productions plus archaïques. C’est par le feu et par le sang que la bourgeoisie naissante qui avait succédé aux seigneurs féodaux, partait à la conquête de nouveaux marchés. Elle a chassé sauvagement les paysans de leurs terres afin de les obliger à vendre leur force de travail au capital. Elle s’est lancée dans les conquêtes coloniales en exterminant des populations entières afin de piller les matières premières et s’ouvrir de nouveaux débouchés.
C’est au prix d’une barbarie inconnue jusque là dans l’histoire de l’humanité que cette nouvelle classe exploiteuse pouvait non seulement écouler le surplus de ses marchandises dans les zones pré-capitalistes, mais aussi étendre son mode de production à toute la planète. C’est au prix de souffrances effroyables que les anciens producteurs de la société féodale sont devenus des prolétaires contraints par la force à se soumettre à l’esclavage de l’exploitation capitaliste.
Mais la situation des premières générations de prolétaires, durant cette période ascendante du capitalisme, malgré son caractère particulièrement inhumain, n’avait pas une signification aussi tragique, une perspective aussi catastrophique que celles auxquelles sont confrontés les ouvriers en ce début du xxie siècle.
Dans la période ascendante du capitalisme, le chômage, même lorsqu’il explosait massivement dans les moments de crise aiguë, n’était jamais de très longue durée. Dès que la crise était résorbée avec l’ouverture de nouveaux marchés, il y avait pour les ouvriers une nouvelle perspective de retrouver rapidement un travail.
Par ailleurs, les chômeurs étaient d’une grande utilité pour la bourgeoisie. Ils constituaient une "armée industrielle de réserve" qu’elle exploitait également dans les périodes de ralentissement économique pour faire baisser les coûts de production et améliorer la compétitivité de ses marchandises. Grâce à cette réserve de main d’oeuvre qui crevait de faim, la classe dominante pouvait faire pression sur les salaires et entraver le développement des luttes ouvrières.
Ainsi, le chômage était à cette époque un phénomène que la classe exploiteuse entretenait et contrôlait parfaitement pour les besoins de l’accumulation du capital.
Pour les prolétaires, malgré la misère et la surexploitation qu’ils subissaient, les conditions de développement du capitalisme leur permettaient non seulement de vendre leur force de travail, mais encore de se constituer en classe, de s’organiser, de développer leur unité, et d’arracher aux exploiteurs des améliorations substantielles et durables de leurs conditions d’existence.
Les crises cycliques du 19ème siècle étaient donc des étapes par lesquelles le système capitaliste devait passer pour continuer sa marche en avant vers l’accroissement des forces productives de la société.
Lorsque le capitalisme atteint son apogée à la fin du xixe siècle, en ayant soumis toute la planète à ses lois économiques, il n’existe plus de zones extra-capitalistes capables d’absorber la surproduction des marchandises des pays industrialisés. La classe dominante se trouve alors confrontée à une saturation du marché mondial. C’est l’ouverture d’une nouvelle période dans l’histoire de l’humanité: celle de la décadence du capitalisme.
Désormais, ce système est gangrené par une crise de surproduction permanente qui, lorsqu’elle se manifeste de façon ouverte, ne peut aboutir qu’à un affrontement armé entre les grandes puissances pour le repartage du marché mondial. C’est ainsi que la Première Guerre mondiale a marqué l’entrée du mode de production bourgeois dans sa période de déclin historique.
Aujourd’hui avec le développement du chômage massif, de plus en plus d’ouvriers se retrouvent dans une situation de dénuement total, sans maison, n’ayant pas les moyens de se vêtir, se nourrir. Un nombre croissant d’entre eux, réduits à l’état d’indigents, lorsque l’Etat leur supprime jusqu’au minimum vital, ne peut survivre que grâce aux associations caritatives et à la mendicité. Si l’on se contentait d’une vision photographique, cette situation ne manquerait pas d’évoquer un retour aux conditions de la classe ouvrière à l’aube du capitalisme.
Cependant, il existe une différence fondamentale entre la situation présente et celle de la période ascendante du capitalisme.
Depuis 80 ans, ce système a atteint ses limites historiques. Il n’a pu se maintenir en vie, de façon artificielle depuis le début du xxe siècle, qu’au prix d’une destruction toujours plus massives des richesses de la société, à travers un cycle infernal de crise-guerre mondiale-reconstruction - nouvelle crise - nouvelle guerre mondiale... En ce sens, les conditions de vie misérables du prolétariat ne sont nullement comparables à celles des ouvriers au siècle dernier.
Alors que le capitalisme avait pour raison d’être essentielle de développer les forces productives en généralisant le salariat comme c’était le cas dans le passé, son incapacité évidente à donner aujourd’hui du travail à des dizaines de millions d’ouvriers signifie que ce système est arrivé au bout du rouleau. Il ne peut prolonger son agonie qu’en continuant à plonger toute la société humaine dans une paupérisation absolue et une barbarie sans nom.
De même, c’est encore l’incapacité du système à surmonter sa crise de surproduction qui est à l’origine des famines dans les pays du tiers-monde car le capitalisme ne produit pas pour satisfaire les besoins humains mais pour vendre ses marchandises. Et lorsqu’il ne peut pas écouler ses stocks, il les détruit. Il est hors de question pour le capitalisme de les distribuer gratuitement car une telle mesure provoquerait nécessairement un effondrement des cours sur le marché. En réalité, un capitalisme qui donnerait ce qu’il produit ne serait plus du capitalisme.
Ainsi, l’absurdité de ce système se traduit par une destruction massive de richesses à un pôle de la société tandis qu’à l’autre pôle, la misère, la pénurie, la faim laminent des millions d’êtres humains.
En rejetant de la production des masses sans cesse croissantes de prolétaires, le capitalisme mondial dévoile son vrai visage: celui d’un système qui n’a plus rien à proposer à l’humanité qu’une misère et une barbarie toujours plus effroyables. Il fait la preuve de sa faillite historique.
Ce système ne peut donner un travail et un salaire aux ouvriers, se servir de leurs bras et de leur cerveau, que lorsqu’il a les moyens de surmonter ses crises. Aujourd’hui, s’il plonge des dizaines de millions de prolétaires dans le dénuement le plus total, s’il condamne les deux tiers de l’humanité à la famine, c’est justement parce qu’il n’est plus capable de résoudre les contradictions qui l’assaillent.
Les ouvriers doivent oser regarder la réalité en face: un système qui menace la survie de l’espèce humaine, non parce qu’il ne produit pas assez, mais parce qu’il produit trop, est une absurdité.
Ce système moribond, la classe ouvrière mondiale a la responsabilité de le détruire avant qu’il n’entraîne dans son agonie toute la société. Ce n’est qu’en s’attaquant aux fondements mêmes du capitalisme, en développant et unifiant partout ses luttes contre la misère et l’exploitation, que le prolétariat pourra accomplir sa tâche historique. C’est pour cela que ses luttes immédiates pour la défense de ses conditions de vie portent avec elles une perspective plus globale, celle du renversement du capitalisme, pour la construction d’une autre société sans crise, sans exploitation, sans famines, sans guerres. Une société dont l’activité économique sera déterminée non par la recherche du profit, non par les contraintes du marché, mais par la satisfaction des besoins de toute l’humanité.
Seule cette transformation du monde par le prolétariat pourra mettre définitivement un terme au fléau du chômage car elle nécessitera le concours de tous à la production. L’activité productive, source de richesses pour l’ensemble de l’humanité, ne signifiera plus contrainte et abrutissement, mais au contraire travail propice à l’auto réalisation de tous et de chacun. Tels sont les véritables enjeux des combats de la classe ouvrière. En engageant et développant la lutte contre le chômage sous toutes ses formes, le prolétariat ne s’attaque pas seulement à un aspect de la barbarie capitaliste. Il attaque cette barbarie à sa racine.
A la différence des émeutes sans lendemain dans les pays du tiers-monde ou dans les banlieues des grandes métropoles industrielles, cette lutte est d’emblée un combat à l’échelle de toute la société. Un combat qui porte avec lui, non seulement la défense immédiate du niveau de salaire, mais l’abolition du salariat.
C’est à travers le développement de l’unité et de la solidarité de tous les ouvriers en lutte que le prolétariat prendra conscience de son être en tant que classe révolutionnaire. Cette unité et cette solidarité constituent une nécessité vitale pour le renversement du capitalisme. C’est bien cette unité et cette solidarité qui seront, demain, une des bases sur lesquelles la classe exploitée devra édifier une véritable communauté humaine mondiale. C’est uniquement dans la lutte que les ouvriers au travail pourront affirmer leur solidarité vis-à-vis des chômeurs en comprenant que ces derniers n’ont, s’ils restent isolés, aucune possibilité de s’en sortir.
Les ouvriers au travail doivent se situer aux avant-postes du combat. Participant à une vie collective avec leurs camarades de travail, ils sont, de ce fait, moins exposés que les chômeurs au danger de "lumpénisation" résultant de la décomposition de la société capitaliste (drogue, prostitution, trafic de toutes sortes, débrouille individuelle, délinquance...). Ils ont les moyens de bloquer la production, de paralyser toute l’activité économique capitaliste, et par conséquent d’exercer une pression sur la bourgeoisie, de montrer au grand jour la force du prolétariat.
CCI
L'année 2005 avait déjà commencé sous les pires auspices : avec le sentiment d'horreur provoqué par les ravages du tsunami en Asie du Sud-Est qui avaient fait plus de 300 000 morts. Elle s'achève sur une double menace encore plus lourde de conséquences : une pollution des eaux suite à l'explosion d'une usine chimique qui expose la vie de plus de 5 millions de personnes en Chine et en Russie (voir article page 8) et le risque de propagation d'un nouveau fléau, la grippe aviaire, sur n'importe quel coin de la planète, avec le flux migratoire des oiseaux au printemps prochain.
Entre temps, c'est avec le même sentiment d'impuissance qu'on a assisté aux ravages du cyclone Katrina qui a quasiment rayé de la carte la ville de La Nouvelle Orléans et ses environs, puis à une vague sans précédent d'ouragans dévastateurs dans le golfe du Mexique, au tremblement de terre au Cachemire pakistanais et à d'autres cataclysmes similaires. Ces images d'apocalypse ne sont pas le produit d'une fatalité, de simples catastrophes naturelles. Ce sont les lois du capitalisme qui les ont transformé en épouvantables et dramatiques catastrophes sociales : c'est l'incurie de ce système qui est en cause, dans son incapacité de prévenir et de prémunir des effets de ces catastrophes, son incapacité de protéger les populations comme de les secourir efficacement.
Par ailleurs, la concurrence commerciale à outrance, la recherche de l'exploitation maximum et de la rentabilité immédiate, la transgression permanente des normes de sécurité les plus élémentaires, au mépris le plus total de la vie humaine, provoquent de plus en plus de catastrophes meurtrières, telles les catastrophes aériennes à répétition.
Mais la folie et la barbarie du capitalisme se manifestent encore plus clairement à travers le caractère de plus en plus irrationnel des guerres et des conflits sanglants qui ravagent la planète, entretenus par les appétits impérialistes de tous les Etats, engendrant toujours davantage de chaos et de destruction. Outre l'attisement de haines interethniques et de guerres claniques endémiques comme en Afrique, les foyers quotidiens de massacres en Irak, au Liban, au Moyen-Orient, dans le Caucase, trouvent un prolongement dans le recours systématique aux attentats kamikazes et dans leur multiplication comme arme de la guerre impérialiste. Depuis le 11 septembre 2001, les croisades anti-terroristes n'ont fait que les exacerber et leur donner une autre dimension, susceptible de frapper aveuglément n'importe quel coin du globe terrestre : on l'a vu avec la série d'attentats de Londres l'été dernier, mais aussi en Indonésie, en Egypte et en Inde.
Cette domination de la barbarie sur une large partie de la planète converge avec une accélération sans précédent des attaques contre la classe ouvrière dans les pays centraux du capitalisme. Celle-ci se retrouve frappée de plein fouet par l'aggravation de la crise économique. Et ce sont les mêmes mesures qui sont mises en place par tous les gouvernements, qu'ils soient de droite ou de gauche. Les prolétaires sont partout soumis à des conditions d'exploitation de plus en plus insupportables qui se traduisent par une très forte détérioration de leurs conditions de vie et une paupérisation croissante. L'aggravation du chômage, l'intensification des plans de licenciement dans tous les secteurs et la précarisation du travail viennent se cumuler à la détérioration de leurs conditions de travail, au démantèlement de la protection sociale, à la baisse de leur pouvoir d'achat, à la dégradation de leurs conditions de logement. Non seulement le capitalisme jette à la rue de plus en plus larges fractions de la classe ouvrière mais il s'avère de plus en plus incapable de leur assurer les moyens de survie les plus élémentaires. L'ampleur et la profondeur des attaques de la bourgeoisie contre la classe ouvrière révèlent l'enfoncement inexorable du capitalisme dans les convulsions de sa crise mondiale. Quant à la bourgeoisie, elle démontre qu'elle n'a plus les moyens d'étaler ses attaques contre les conditions d'existence les plus vitales de ceux qu'elle exploite.
Le capitalisme est contraint de dévoiler de plus en plus ouvertement sa faillite. L'accélération dramatique de cette situation sur la terre entière démontre clairement que, non seulement ce système d'exploitation est incapable d'assurer un meilleur sort pour l'humanité mais qu'il menace au contraire, de façon permanente, d'engloutir la planète dans un gouffre de misère et de barbarie.
Face à la gravité d'un tel enjeu il n'existe qu'une seule issue : le renversement de ce système par la seule classe qui n'a à perdre que les chaînes de son exploitation, le prolétariat. La classe ouvrière détient la clé de l'avenir.
Elle seule, par le développement de ses luttes, a les moyens de sortir l'humanité de cette impasse. Elle est la seule classe capable de s'opposer à la perpétuation de ce système d'exploitation. Elle est la seule classe de l'histoire porteuse d'une autre société dont le moteur ne serait plus le profit et l'exploitation mais la satisfaction des besoins humains.
W (16 décembre)
Pour chaque prolétaire, il n'est guère possible d'avoir la moindre illusion sur les "solutions" proposées par le gouvernement pour "combattre" et "résorber le chômage" comme pour "améliorer" ses conditions de vie et de travail, alors que chaque mois, des dizaines de milliers d'emplois disparaissent réduisant au chômage et à la misère de nouvelles dizaines de milliers de familles ouvrières. Ainsi, plus de 7 millions de personnes vivent en France en dessous du seuil de pauvreté, les demandes de RMI ont augmenté de plus de 5% en un an, 51 000 entreprises ont déposé leur bilan depuis le 1er janvier 2005 (5,8% de plus que l'an dernier). Il est clair que le pouvoir d'achat dégringole, que les salaires stagnent, que les conditions de vie et de travail se détériorent, que les prestations sociales (pensions, retraites, remboursement des dépenses de santé, indemnités chômage) sont rognées ou remises en cause. Il ne fait aucun doute que les jeunes générations ont de plus en plus de difficulté à s'insérer sur le marché du travail, contrats nouvelle embauche ou pas.
Les prolétaires ne peuvent se résigner à cette situation. Plus ou moins confusément, ils savent qu'ils n'ont pas d'autre choix que de se battre, de résister aux attaques massives et incessantes du gouvernement et de toute la bourgeoisie.
Mais, dans leurs hésitations à s'engager résolument dans la lutte, ils sont aujourd'hui confrontés aux manœuvres de la bourgeoisie pour les empêcher de se poser les véritables questions qui sont l'enjeu de ce combat : autour de quelles revendications ? Comment ? Avec qui se battre?
D'emblée, les syndicats, les partis de gauche, les organisations gauchistes leur "offrent" de prétendues alternatives. Après la journée d'action du 4 octobre, où ils se sont assurés d'un contrôle général de la situation, et le rassemblement spécifique sur la défense du service public le 19 novembre, les syndicats ont ensuite organisé un feu roulant de journées d'action ou de grèves d'abord avec la grève des 21 et 22 novembre à la SNCF où 3600 postes ont été supprimés en 2005 (conducteurs, agents d'équipement et d'entretien, guichetiers), le 23 à la RATP, le 24 chez les enseignants, le 29 pour les agents des impôts, une "semaine d'action" du 21 au 26 novembre à La Poste, le 1er décembre à la Banque de France contre la réforme des retraites de ce secteur. Enfin, les syndicats ont promis une grande journée d'action nationale contre la privatisation d'EDF en janvier 2006.
Dans les principales grèves qui ont marqué ces derniers mois, dans leurs manifestations et leurs journées d'action, les uns et les autres n'ont cessé d'appeler à se mobiliser largement autour de "la défense du service public", contre la privatisation d'un certain nombre d'entreprises publiques. Ce combat leur est d'abord présenté comme un bon moyen de résister aux menaces de licenciements, de suppressions d'emploi, d'une précarisation grandissante. Le secteur public est présenté comme la meilleure garantie de l'emploi tandis que le privé serait assimilé au libéralisme, à l'insécurité de l'emploi, à la déréglementation et à la recherche effrénée de profits. Ce serait la faute de la logique libérale des entreprises privées qui recourent systématiquement à des plans de licenciements massifs bénéficiant des dérives d'un gouvernement de droite, qui privatiserait à tour de bras par complaisance envers le patronat privé.
Cette argumentation s'appuie sur une part de réalité. Ainsi, la privatisation de France Télécom en 2002 a été suivie par la suppression de 13 100 postes en 2003 (dont 7800 en France), 12 500 postes en 2004 et 8500 en 2005 ("compensés" par 3000 recrutements cette année dont plus de la moitié par des temps partiels). De même, la récente privatisation d'EDF et sa cotation en bourse qui a permis la vente record de 5 millions d'actions par le gouvernement a été suivie par l'annonce de 6000 suppressions d'emploi (non compensation de postes de départs en pré-retraite). Elle est donc venu relancer la campagne sur ce thème.
Mais il s'agit pourtant d'une gigantesque escroquerie idéologique. Par exemple, les 6000 postes supprimés à EDF ont été programmés par l'Etat lui-même avant la privatisation. Il n'est pas vrai non plus que les suppressions d'emploi soient réservées aux privatisations et que l'Etat traite mieux ses salariés. Chez les fonctionnaires, les suppressions de postes durent depuis des années et le projet à partir de 2006 est de ne plus remplacer les départs en retraite d'une personne sur deux. En trois ans, l'Education nationale a déjà supprimé 17 000 emplois contractuels, le nombre d'enseignants non titulaires embauchés s'est accru. Ce recrutement est passé d'un équivalent de 18 000 "plein temps" en 2004 à 8000 cette année. L'exemple dramatique de la réduction de postes dans le secteur hospitalier public est connu depuis des années. L'Etat-patron donne l'exemple en matière de précarité d'emploi : toujours dans l'Education nationale, 15 000 personnes sont employées avec des salaires inférieurs ou égaux au SMIC, sans couverture sociale ni congés payés. La Loi d'Orientation de la Loi des Finances (LOLF) mise en place et généralisée à tous les fonctionnaires début 2006 découpe le budget en "missions" dans une logique de gestion de la dépense publique axée sur "le résultat et la performance", et les économies réalisées sur les salaires (décès, décompte de journées de grève,…) serviront à augmenter les investissements de chaque centre gestionnaire. De même, l'Etat "délocalise" à tour de bras dans le même but : depuis plusieurs années, on assiste au "transfert" de budgets de gestion, d'emploi et de postes vers les départements ou des collectivités territoriales et locales de pans entiers de la fonction publique (notamment dans les secteurs les plus coûteux et prioritaires comme la santé et l'éducation justement pour faciliter les mesures de "déréglementation" sur l'emploi du personnel (baisse de subventions, de salaires, possibilité de licenciements, multiplication des emplois précaires). C'est justement parce que l'Etat participe au premier chef à la concurrence capitaliste sur le marché mondial qu'il s'attaque à l'hypertrophie d'un secteur public qui pèse lourd sur la compétitivité du capital national. Ainsi, la privatisation d'EDF n'est pas une "lubie" d'un gouvernement "trop libéral", c'est un enjeu dans un secteur essentiel qui vise à améliorer la compétitivité nationale de cette entreprise en Europe (en alignant ses tarifs sur ceux de ses concurrents) comme sur le plan international. La privatisation ou la nationalisation d'EDF n'est pas un enjeu pour la classe ouvrière, elle l'est seulement du point de vue du capitalisme et de la classe bourgeoise.
Le mythe d'un Etat protecteur est un pur instrument de propagande idéologique, véhiculé par toute la gauche et particulièrement "instrumentalisé" par les organisations gauchistes. Ainsi les appels de "Lutte Ouvrière" (LO) à se mobiliser "pour la défense du service public" sont particulièrement édifiants d'une argumentation "radicale" perverse. Dans son mensuel "théorique" Lutte de Classe n°92 (novembre 2005), LO écrit : "même 'à 100% service public', propriété d'Etat, EDF était avant tout au service des grands consommateurs d'électricité, des grandes entreprises, de la classe capitaliste. Elle remplissait cependant un rôle utile vis-à-vis de l'ensemble de la population. Idem pour la poste qui (…) répondait aux besoins de ceux qui s'en servaient le plus massivement en l'occurrence la bourgeoisie (…) Or, depuis bien des années, l'Etat se désengage des services publics (…) au nom de la recherche de la rentabilité (…) L'Etat abandonne ce qui dans ses fonctions, correspond un tant soit peu à l'intérêt de l'ensemble de la société pour consacrer une part croissante de ses ressources et de ses immenses possibilités aux intérêts privés (…)" pour conclure "Le recul de tous les services publics se traduit par une dégradation des conditions de vie de la classe ouvrière". C'est un véritable tour de passe-passe : la critique du "service public" ne sert qu'à endormir la méfiance des ouvriers envers l'Etat que LO ne nomme jamais pour ce qu'il est : un Etat bourgeois entièrement dévolu aux intérêts de la classe dominante et il est glissé sournoisement l'idée que la mission de cet Etat serait aussi la défense de l'intérêt général (et non plus de la classe dominante). A partir de là, LO a beau jeu de tirer un trait d'égalité entre privatisation et abandon de l'intérêt général et de faire croire que le véritable rôle de cet Etat serait de "protéger les populations". Cela permet d'appeler les ouvriers à rejoindre la lutte pour la défense des services publics à côté de toute la gauche et de tous les syndicats.
L'autre type de propagande est de présenter cette "défense du service public" comme un thème "unificateur" pour la classe ouvrière assurant à la fois la défense des salariés du secteur public contre les méfaits d'une société libérale et d'un gouvernement de droite qui cherche à privatiser des pans entiers de l'activité économique dans une pure logique de profit et les "usagers" qui auraient tout intérêt à assurer cette défense pour bénéficier de meilleurs services au moindre coût. Ce discours est totalement mensonger : en fait d'unité, on l'a vu en particulier avec les grèves dans les transports, la défense du service public est utilisée pour entretenir et exacerber la division entre ouvriers : la paralysie (souvent artificiellement entretenue par les syndicats qui bloquent les dépôts au moyens d'actions commandos même quand la grève est minoritaire) de transports en commun est essentiellement pénalisante pour les "usagers" autrement dit les autres secteurs de la classe ouvrière et nourrit le caractère impopulaire de la grève. C'est d'ailleurs cette hostilité envers les grévistes qui permet au gouvernement et aux élus de chercher à faire passer l'instauration d'un service minimum, voire la réquisition comme lors de la grève dans les transports marseillais. La bourgeoisie en a profité pour discréditer la grève récente des conducteurs sur les lignes D et B du RER à Paris, alors qu'il s'agit pourtant véritablement d'une lutte contre la dégradation des conditions de travail (un "service d'hiver" qui représente une surcharge de travail supplémentaire de 147 heures journalières avec l'embauche de seulement 11 personnes nouvelles). Le battage organisé autour de la défense du "service public" et l'entreprise de discrédit auprès des usagers désignés comme des nantis ou des privilégiés ont pour objectif d'isoler les salariés de la fonction publique et des entreprises d'Etat du reste de la classe ouvrière comme de masquer la réalité et la profondeur des attaques que la bourgeoisie est en train de porter contre eux.
En fait, le type d'unité dont peut se targuer ce genre de mobilisation s'illustre clairement à travers la manifestation du 19 novembre où une grande manifestation a rassemblé 30 000 personnes à Paris à l'appel de toutes les fractions de gauche, PS, PC, Verts, altermondialistes d'Attac de même que diverses organisation trotskistes (LCR, PT, LO). Organisé par une "Fédération des collectifs de défense des services publics" réclamant "des services publics de qualité partout et pour tous", ce rassemblement se voulait pour certains la continuation de celui de Guéret l'été dernier qui avait mobilisé 7000 personnes. "C'est un succès car on a réussi à construire les convergences entre les syndicats, les associations citoyennes, les forces politiques et les élus, ce qui est assurer la meilleure défense de l'emploi essentiel pour que les services publics se développent", commentait le président de cette association, Bernard Defaix. Belle "convergence" en effet à travers laquelle on fait passer l'unité circonstancielle entre les forces politiques et syndicales, les associations citoyennes et les élus pour une manifestation de l'unité ouvrière ! Il s'agit au contraire d'un rassemblement destiné à noyer les ouvriers dans un vaste mouvement interclassiste et à dévoyer la conscience de classe sur un terrain qui n'est pas celui du prolétariat dans un fatras démocratique, antilibéral citoyen, altermondialiste, réseaux associatifs qui sont de vulgaires appendices des partis de gauche et des syndicats.
Les luttes menées contre les privatisations, au nom de la défense du service public, comme à la SNCM puis à la STM de Marseille ont permis de faire passer les attaques et les licenciements, conduisant ces grèves à l'isolement le plus complet et à la plus cuisante des défaites (voir RI n°362 et 363). La "défense du service public" n'est qu'une mystification idéologique et ces journées d'actions défouloirs sans lendemain ne sont que des manœuvres visant à renvoyer à la classe ouvrière un sentiment d'impuissance. La répétition des journées d'action sectorielles ou nationales organisées par les syndicats sont autant de manœuvres destinées à désamorcer, stériliser la colère des ouvriers et à faire passer les attaques du gouvernement, de l'Etat et du patronat. Le mot d'ordre de "défense du service public" ne sert qu'à mieux diviser et isoler les ouvriers derrière la défense d'intérêts sectoriels, et les empêcher de se battre tous ensemble. La classe ouvrière n'a pas à se mobiliser pour choisir un "meilleur" exploiteur, l'Etat, contre les "méchants" patrons privés. Elle doit se battre dans le public comme dans le privé et unifier ses luttes autour de ses propres revendications de classe : contre les licenciements, contre les suppressions de postes, contre l'augmentation des cadences, contre la baisse des salaires et du pouvoir d'achat. Pour mener une lutte efficace contre les attaques de la bourgeoisie, elle doit refuser de se laisser entraîner sur le terrain pourri des syndicats, des partis de gauche et des gauchistes. Défendre le service public, c'est toujours accepter et défendre l'exploitation et la misère capitalistes !
Wim (16 décembre)
Les émeutes qui ont embrasé les banlieues françaises au cours des mois d’octobre-novembre 2005, ont été pour le moins spectaculaires. Les mots "d’insurrection" et de "guerre civile" ont même fait leur apparition ici ou là. Finalement, l’idée du "quand ça brûle c’est bon signe", parce que cela serait une preuve tangible d’une authentique contestation sociale, a bel et bien traversé tout ce chaos. Mais le plus significatif, c’est que cette idée a été officiellement appuyée et relayée par voie de communiqués par des organisations du milieu anarchiste, telles la CNT-AIT qui, en plein milieu des événements a clairement laissé entendre que "dans une situation de crise, de misère économique et sociale, d’oppression étatique, qui nous excède tous, les jeunes qui se sont révoltés peuvent être l’étincelle pour une remise en question plus globale de cette société fondamentalement injuste". Ce que l’on retrouve encore dans un texte du bureau confédéral de la CNT, en date du 13 novembre, où il est dit que "cette implosion de violence est l’expression d’un affrontement contre un système capitaliste qui les marginalise."
En somme, il s’agit de faire des jeunes émeutiers "des insurgés" dont la violence serait le retour de flamme nécessaire pour faire sauter le couvercle de la marmite capitaliste. Comme si les fumées s’échappant des carcasses des bagnoles calcinées emportaient avec elles l’odeur d’un soulèvement populaire. Tout cela n’est ni gratuit ni fortuit mais vise un objectif bien précis, celui d’émasculer la classe ouvrière, réduire à néant son identité révolutionnaire en mettant un grand coup de gomme sur la lutte de classe pour lui substituer l’exemple de l’émeute aveugle et sans espoir.
Pourtant, c’est cette colère désespérée des jeunes de banlieues que la CNT-AIT monte en épingle pour en faire le nec plus ultra de la lutte contre le capitalisme. Pourquoi ? Parce qu’ainsi, elle peut jeter un voile sur la seule colère et la seule révolte capable de menacer l’ordre établi, à savoir celle qui émane de la classe ouvrière. En effet, celle-ci est autrement plus dangereuse pour la classe dominante parce qu’elle porte un avenir, la possibilité d’en finir avec la misère et la barbarie, la possibilité d’un autre monde, la perspective d’une société communiste qui est inscrite au plus profond de ses luttes, même les plus immédiates.
De plus, tout ce discours "radical" ne sert qu’à renvoyer à la classe ouvrière une image bien peu reluisante d’elle-même puisque l’acte révolutionnaire (qui est au cœur de son identité) est amalgamé ici avec la mise à sac, les déprédations, la folie suicidaire de jeunes sans avenir. En effet, la CNT-AIT applaudit les émeutiers qui brûlent les voitures de leurs parents et voisins, bien qu'elles soient des éléments indispensables de leurs conditions de travail et de survie dans les cités.
Comment redonner l’espoir à tout ces jeunes de cité ? Comment comprendre et quelle solution apporter au chômage massif, à la grande pauvreté qui frappe de plein fouet les banlieues populaires ? Evidemment, il n’est pas question pour la classe dominante de laisser entrevoir, ne serait ce qu’une fraction de seconde, la perspective que porte le prolétariat et ses luttes. Alors, pour bien couvrir le terrain et cadenasser tout effort de réflexion, elle ne s’est pas privée tout au long des événements, et encore aujourd’hui, de proposer une autre impasse, celle de la mobilisation sur le terrain électoral et démocratique.
C’est de cette façon que la Ligue Communiste Révolutionnaire (LCR) se retrouve en première ligne pour faire bruyamment la promotion de ce terrain totalement pourri. Ici, il est question , dans un premier temps, de dédouaner le capitalisme de toute responsabilité face à la misère croissante en mettant en accusation une simple dérive du système, celle du libéralisme et de ses "méchants patrons" "sans foi ni loi", pour proposer de la contrecarrer à grand coup de mobilisations citoyennes et de réformes démocratiques. "Pour la LCR, le gouvernement est totalement responsable de la situation dégradée que connaissent les quartiers populaires… les jeunes et les populations des quartiers doivent, non pas s’opposer, mais trouver le chemin de la solidarité. La mobilisation populaire contre le gouvernement est indispensable pour […] stopper les réformes libérales." "La LCR en appelle à la population, aux jeunes, aux forces de gauche et démocratiques à ne pas se laisser diviser et à réagir, ensemble pour défendre leur exigence de justice ; d’égalité des droits et de dignité, et combattre les politiques libérales" (communiqués de la LCR du 7/11/05).
Ainsi, en même temps qu’elle se donne des faux airs de radicalité, de manière à flatter démagogiquement "les jeunes de banlieue", quitte à les inciter à aller au casse-pipe et à s'affronter aux forces de police comme lors de son appel "à braver le couvre-feu là où il serait instauré" le 9 novembre, la LCR renvoie, au bout du compte, tout le monde dans le marécage des initiatives citoyennes.
C'est d'abord en les poussant vers les isoloirs qu'Olivier Besancenot, porte-parole de la LCR, compte "recréer de la solidarité et de l’espoir dans la jeunesse". C'est d’ailleurs toute la propagande que distille actuellement le collectif "Devoirs de mémoires" dans son appel publié le 8 décembre dans le Nouvel Observateur et qui commence par une nauséabonde évocation du cri du chant patriotique national : "Allons jeunes et moins jeunes de la patrie, le jour de s’inscrire sur les listes électorales est arrivé". Ce collectif, créé il y a un an par le rappeur Joey Starr, quelques autres vedettes du spectavle et… (faut-il s’en étonner ?) Olivier Besancenot, nous martèle que pour changer les choses, pour "construire l’avenir", il faut "s’inscrire" pour aller voter : "Chacun de nous est une voix, chacun de nous a des droits sur les choix sociaux, économiques, culturels et politiques, faisons-les valoir". En résumé, la LCR et son collectif nous incitent à tirer la conclusion que, pour changer la société, l’avenir, ce n’est pas la lutte de classe mais le bulletin de vote. Autrement dit, les "solutions concrètes" résident dans l’effort pour rendre le capitalisme plus juste, plus humain, plus démocratique mais surtout il s'agit de ne pas remettre en cause les fondements et l'existence-même de ce système. Quand ce collectif déclare dans son appel, "la démocratie n’attend que nous", il ne s'adresse aux ouvriers que pour les détourner de leur terrain de classe.
Tous ceux qui voudraient faire croire que les prolétaires n'ont pas d'autre choix que les émeutes ou le bulletin de vote ne font qu'agir dans le sens des intérêts de la bourgeoisie, en tentant de priver la classe ouvrière de tout moyen d'action et de stériliser toute réflexion en son sein sur la nécessité d'en finir avec ce monde incapable d'offrir la moindre perspective d'avenir. Ces organisations sous leur masque radical ne font en définitive que participer au sale travail de sape de l'identité de classe des prolétaires.
Azel (10 décembre)
Les émeutes qui se sont déroulées dans les banlieues de France ont sans aucun doute inquiété la bourgeoisie qui a vu des bandes incontrôlées mettre des quartiers entiers à feu et à sang. Mais quelle qu'ait pu être cette inquiétude, la classe dominante n'a pour autant pas oublié d'utiliser ces événements contre la classe ouvrière (voir RI 363). Elle s'est en particulier fixée pour objectif, à travers l'assimilation répétée des émeutiers avec la fraction immigrée de la classe ouvrière, d'en profiter pour accentuer sa pression contre les immigrés eux-mêmes.
Le gouvernement de Villepin, par la voix de Sarkozy qui déclarait fin novembre : "La France ne veut plus de ceux dont on ne veut plus nulle part dans le monde", compte bien "maîtriser l'immigration subie pour développer une immigration choisie".
Il a ainsi relancé à l'occasion de ces émeutes certains dispositifs propres aux populations immigrées, comme la double peine qui permet d'expulser un étranger condamné par la justice à l'expiration de sa peine ou la suppression des allocations familiales pour les parents dont les enfants ne vont plus à l'école ou sont interpellés dans la rue par la police.
Mais le gros de l'attaque, à côté de cette politique menée pour rendre la vie impossible aux immigrés, est d'accélérer les expulsions. 25.000 expulsions sont ainsi prévues pour 2006, après 12.000 en 2003, 15.000 en 2004 et plus de 20.000 en 2005. L'accélération est évidente. Mais à côté de ces mesures d'expulsion directes, le gouvernement prévoit de se doter d'un cadre répressif plus sévère pour contenir l'immigration. Pour "éviter que la scolarisation ne devienne une nouvelle filière de l'immigration illégale", les familles d'immigrants clandestins dont les enfants sont scolarisés pourront être expulsées, année scolaire ou pas.
L'accès aux soins pour les immigrés va également être limité. Il est d'ailleurs intéressant de voir l'utilité de la mise en place de la CMU qui a permis à l'Etat de répertorier de façon beaucoup plus précise le nombre d'immigrés et donc de prendre des mesures contre eux. Il en sera de même pour les hébergements d'urgence, qui ne seront permis que dans les situations d'attente de "retour au pays d'origine". C'est-à-dire dans les camps de rétention d'immigrés !
Le lien "automatique entre le mariage et le titre de séjour" pour les étrangers en situation irrégulière au moment de l'union va être supprimé, à moins de justifier de "conditions de ressources et de logement".
Le contrôle du "travail illégal", sous couvert, et c'est un comble, de lutter contre l'exploitation éhontée dont les immigrés clandestins sont l'objet et contre les "filières criminelles", va s'accentuer.
Face aux organisations de gauche qui critiquent Sarkozy et l'appellent à ne pas y aller "trop fort", ce dernier s'est fait une fierté de répondre : "On va aller encore plus fort." Au-delà de l'aspect délibérément provocateur qui fait son fonds de commerce, les grands effets d'annonce de Sarkozy sont du pain béni pour cette gauche qui peut ainsi se positionner contre autant "d'inhumanité".
Cela lui permet en particulier de tenter de faire oublier que c'est elle, à l'instar de Chirac qui en juillet 1991 déclarait qu'un "travailleur français devient fou s'il a sur le même palier de HLM une famille immigrée, qui touche cinquante mille francs de prestations sociales sans travailler, plus le bruit et l'odeur", qui a mis en œuvre les mesures les plus contraignantes contre les immigrés. Des expulsions de Maliens au bulldozer en 1981 par le PCF à Montreuil-sous-Bois aux charters préconisés par Edith Cresson (PS) en 1991, en passant par "La France ne peut pas héberger toute la misère du monde" de Rocard (PS) fin 1989, de même que, suite aux émeutes de Vénissieux en 1981, Charles Hernu (PS) " demandait-il (…) devant la communauté urbaine de Lyon le "rejet des familles indésirables" des HLM et l'expulsion des "coupables du territoire" (Le Monde du 22 septembre 1981), la gauche s'est particulièrement distinguée dans ce domaine.
Les préoccupations de cette gauche qui a justifié toutes ses attaques répressives contre les immigrés sous le prétexte de s'inquiéter de leur sort et d'améliorer leur condition n'ont jamais été différentes lorsqu'elle était aux affaires de l'Etat de celles de la droite. Le discours unilatéral et musclé de Sarkozy sert en fait de cache-sexe à ses propres crapuleries anti-immigration. Et il sert également à masquer la réalité que ce ne sont pas que les immigrés qui sont visés dans cette attaque, mais bel et bien toute la classe ouvrière.
Car en instituant ces mesures contre les immigrés, non seulement la bourgeoisie accentue le flicage de l'ensemble des ouvriers, mais elle construit une barrière de division entre immigrés et français.
Comme nous le disions dans RI n°206 [669] de novembre 1991 :
"Face à la misère et à la barbarie de ce monde en pleine putréfaction, il n'y a qu"une seule perspective pour la classe ouvrière : rejeter fermement la logique de la concurrence et du "chacun pour soi" de ses propres exploiteurs. Quelles que soient son origine, sa langue, sa couleur de peau, le prolétariat n'a aucun intérêt commun avec le capital national. Ses intérêts, il ne pourra réellement les défendre qu'en développant partout sa solidarité de classe internationale, en refusant de se laisser diviser entre ouvriers immigrés et ouvriers "autochtones". Cette solidarité, il doit l'affirmer en refusant partout d'adhérer aux campagnes bourgeoisies, qu'elles soient xénophobes ou anti-racistes, en développant massivement ses luttes sur son propre terrain de classe, contre toutes les attaques qu'elle subit quotidiennement.
Seule l'affirmation de ses intérêts communs, dans la lutte permettra au prolétariat de rassembler toutes ses forces, de s'affirmer comme classe mondiale solidaire et unie, pour abattre le Moloch capitaliste avant qu'il ne détruise toute la planète."
MUG (17 décembre)
Comme chaque hiver maintenant, les appels à la charité publique et à la "vigilance citoyenne" sont devenus endémiques. Les médias aux ordres réagissent dès qu’apparaissent les premières "victimes du froid". Alors se déclenche, comme on a pu le voir encore dernièrement, une nouvelle campagne idéologique destinée à couvrir en toile de fond cette tragédie du capitalisme.
Depuis quelques années, le nombre des victimes prend en effet des proportions de plus en plus grandes et dramatiques. Partout en Europe, les plus démunis font les frais des "politiques pour l’emploi" et sont jetés à la rue, exposés brutalement à la misère et à la mort face aux intempéries. En Pologne par exemple, depuis le mois d’octobre, c’est 178 victimes du froid qui sont recensées dont un quart sont sans abri (ce qui signifie que bon nombre de prolétaires n’ont plus les moyens de se chauffer quand ils ont la chance d’avoir encore un toit pour dormir). En France, nous en sommes déjà à 8 victimes officielles ! Et il ne s’agit plus seulement d’une partie de la population marginalisée au chômage qui est exposée. Maintenant, de plus en plus de salariés sont touchés par une grande précarité. La première victime recensée, au mois d’octobre en France, juste avant la trêve hivernale, résume à elle seule les conditions dans laquelle est plongée une partie croissante de la classe ouvrière : un prolétaire de 38 ans, intérimaire devenu chômeur, a été expulsé de son logement. Il a été retrouvé mort dans son véhicule (seul abri qui lui restait pour survivre !). Ce sinistre phénomène des "travailleurs pauvres", qui est apparu depuis plus d’une décennie, s’installe donc durablement : selon les chiffres de l’INSEE, un tiers des "sans domicile fixe" a un emploi. Et parmi eux, un quart est sur un CDI !
Conformément aux nécessités du capital pour faciliter l’exploitation d’une main d’oeuvre à bas prix, il n’est pas étonnant de devenir pauvre en travaillant. C’est aussi pour cela, par exemple, que le ministre Dominique de Villepin demande au SAMU social de tenter de garantir "un hébergement stable, pour un mois minimum, à toute personne sans toit disposant d’un contrat de travail". Les autres "SDF", ceux sans emploi, dont on ne peut extraire de la plus-value, peuvent par contre crever dehors ! Au mieux, ils peuvent tenter de s’entasser dans des centres d’hébergements pleins à craquer, dans une promiscuité dégradante, où ils seront virés à 6 heures le matin, ou mourir dans la rue sous les cartons ! Par cette mesure d’urgence qui est censée apparaître comme "du social", il est clair que l’Etat introduit une division supplémentaire au sein des prolétaires les plus fragilisés : entre ceux qui ont un contrat et les autres, parmi lesquels on isole sournoisement les immigrés. Une division que les révolutionnaires doivent dénoncer, comme ils doivent s’indigner et réagir au sort qui est réservé de plus en plus à tous les exploités.
Aujourd’hui, la situation est telle que le renforcement du centre d’appel d’urgence au numéro 115 et la hausse des capacités d’hébergements ne donnent plus l’illusion de répondre à la situation. C’est d’ailleurs pour cela que les médias et les politiciens de gauche ou les gauchistes de tous poils mettent plus en exergue "les dérives libérales" et "la mauvaise politique sociale" d’un gouvernement "de droite".
Cette "analyse", comme celle qui consiste à incriminer "le froid" en culpabilisant les ouvriers, a pour but essentiel de renforcer l’Etat bourgeois et de masquer la réalité d’une faillite totale du système capitaliste, d’un système qui ne peut plus générer autre chose que la misère et la mort.
WH (11 décembre)
Nous publions ici un article d'Internacionalismo (publication du CCI au Venezuela) d'octobre dernier sur la situation au Venezuela. L'article montre bien ce qu'est le "socialisme" à la Chavez, au pouvoir depuis 7 ans, après des années de partage de pouvoir entre la droite (démocrate-chrétienne) et la gauche (AD, Social-démocrate), des années où aussi bien les uns que les autres se sont remplis les poches d'une façon si arrogante et éhontée qu'ils ne pouvaient que faire le lit à un démagogue comme Chavez, lui-même accué de "dictateur" par ses adversaires.
En fait, l'autoritarisme de Chavez n’est pas dirigé contre l'ancienne "classe dominante", les vieux partis politiques corrompus jusqu'à la moelle, qui ont même essayé d'organiser un coup d'État grand'guignolesque contre Chavez. En fait, au-delà des vantardises chavistes contre ceux qu'il appelle les "capitalistes", toute sa politique n'a eu qu'un but : contrôler la population, mater la classe ouvrière. Chavez a créé autour de lui une cour de protégés aussi corrompus que ceux de l'ancienne caste politicienne, en faisant des aumônes avec l'argent du pétrole dans un contexte permanent de dégradation des conditions de vie de la population. Tel est le nouvel héros des altermondialistes et des gauchistes de tout poil.
Début décembre, se sont tenues des élections au Venezuela. L'abstention a atteint 80 %. Ce taux d’abstention ne s'explique pas seulement par le fait que seuls les candidats chavistes se sont présentés, mais, surtout, il exprime le ras-le-bol de la population et surtout des travailleurs vis-à-vis du "socialisme" chaviste. Pas seulement du chavisme, mais de toute la bourgeoisie et de ses manigances.
La violente confrontation continuelle entre les fractions bourgeoises chavistes au pouvoir et les fractions bourgeoises dans l'opposition, a occulté une réalité : il existe entre elles un partage des tâches visant à attaquer les conditions de vie du prolétariat. Dans d'autres articles d'Internacionalismo, nous avons analysé l'émergence du chavisme comme une nécessité du capital national face à la débâcle des partis de la bourgeoisie qui ont gouverné jusqu'à la fin des années 1990 ; dans ce sens, le gouvernement de Chavez se situe dans la parfaite continuité avec la classe bourgeoise en ce qui concerne les mesures à prendre contre le prolétariat pour affronter la crise économique et survivre sur le marché mondial.
Ce partage des tâches se fait sur deux plans, très imbriqués
et dépendants l'un de l'autre : l'attaque idéologique permanente pour
affaiblir la conscience de la classe ouvrière et sa combativité ; et une
attaque sans répit contre ses conditions d'existence.
Une attaque sans trêve contre la conscience de
classe du prolétariat…
Pour préserver son système social en pleine décadence, la bourgeoisie a besoin d'oxygéner son appareil idéologique pour empêcher que le prolétariat, le "fossoyeur" du capitalisme (Manifeste Communiste), prenne conscience du fait que la seule façon d'en finir avec la misère et la barbarie auxquelles nous soumet le capitalisme est la révolution prolétarienne.
Déjà bien avant le triomphe de Chavez en 1998, les chavistes et l'opposition actuelle se faisaient concurrence sur qui était la meilleure expression de la démocratie, les uns défendant la "démocratie participative", les autres la "démocratie représentative". 7 ans se sont écoulés dans ce va-et-vient, dans ce tango qui a marqué le rythme électoral de la bourgeoisie : d'un côté, le chavisme essayant de fabriquer un socle pour sa "révolution bolivarienne" ; de l'autre, les opposants essayant de l'affaiblir en traitant Chavez de dictateur. Avec des campagnes électorales incessantes, la bourgeoisie est arrivée à créer une polarisation, une nasse dans laquelle la classe ouvrière a été attrapée, en cultivant des divisions en son sein, ce qui s'est concrétisé par une perte de solidarité de classe et une baisse significative de ses luttes contre les capitalistes privés ou d'État.
Par ailleurs, la bourgeoisie chaviste, pour fabriquer une base sociale à sa "révolution bolivarienne" a développé toute une série d'organes de contrôle social : les cercles bolivariens, les missions, les milices, etc., qui lui permettent de diluer les travailleurs dans la masse du "peuple" ; de son côté, l'opposition essaye de faire la même chose avec les "assemblées citoyennes" ; de cette manière, la nécessaire autonomie que doit avoir le prolétariat est diluée dans des couches de la petite bourgeoisie et les autres couches exploitées et appauvries de la population. Au sein même des travailleurs, le chavisme a introduit massivement le coopérativisme à la manière chaviste, la cogestion et l'autogestion, directement promues et financées par les partis et les organes de l'État, voulant ainsi donner un caractère "ouvrier" au nouveau gouvernement ; mais, en fait, ces coopératives sont devenues de plus en plus des moyens de contrôle idéologique des travailleurs pour les soumettre, en plus, à des conditions de travail précaires.
Mais la plus grande attaque idéologique contre la conscience du prolétariat a été l'identification que fait la bourgeoisie chaviste de son "projet" étatique avec le "socialisme". On sait que ce n'est pas la première fois que la bourgeoisie déguise ses politiques capitalistes d'État avec un discours "marxiste" et "révolutionnaire" : la bourgeoisie stalinienne, à la suite de la défaite de la Révolution russe imposa l'exploitation la plus féroce au prolétariat russe pendant presque 60 ans au nom du "socialisme soviétique" et de la même manière toutes les classes dominantes de l’ex- "bloc socialiste" ; et aujourd'hui les bourgeoisies de Cuba, de la Chine et de la Corée du Nord, font la même chose contre les prolétaires de leurs pays respectifs. Mais ce mensonge monstrueux de l'identification du capitalisme d'État, du stalinisme, avec le socialisme, n'aurait jamais eu l'impact idéologique qu'il a eu contre la classe ouvrière mondiale sans la participation des bourgeoisies du bloc adverse, autrement dit l'ancien "bloc américain" : tandis que les bureaucrates russes soumettaient le prolétariat à l'exploitation et la répression les plus féroces au nom de la "défense de la patrie socialiste", les bourgeoisies d'occident, avec les Etats-Unis à leur tête, matraquaient le prolétariat de leurs pays avec des campagnes sur les pénuries et les maux du "socialisme" et du "communisme", en présentant la démocratie comme le meilleur des mondes.
C'est ce même partage des tâches que nous voyons à l'heure actuelle au Venezuela : tandis que la bourgeoisie chaviste exploite le prolétariat vénézuélien au nom de la "révolution bolivarienne", préambule au "socialisme du 21e siècle", l'opposition se charge d'attaquer le "castro-communisme" des chavistes, en vantant ainsi les merveilles de la démocratie. Bref, les uns et les autres font la paire pour entretenir la confusion et l'affaiblissement de la conscience de classe.
Cette idéologie du "socialisme du 21e siècle" est complétée par celle de l'"anti-impérialisme", en utilisant le rejet de la population contre les agissements impérialistes de la bourgeoisie nord-américaine, pour tenter de ramener le prolétariat derrière les intérêts propres de la bourgeoisie chaviste, de la même manière que d'autres bourgeoisies dans le monde essayent de tirer profit de toutes les difficultés de la bourgeoisie américaine en Irak, Afghanistan et au Moyen Orient, pour tenter de faire croire que le seul impérialisme dans le monde serait celui des États-Unis ; ceci permet aux uns et aux autres de camoufler leurs propres appétits impérialistes. Le partage des tâches entre les fractions bourgeoises, chaviste et d'opposition, fonctionne aussi dans cette idéologie : les chavistes exprimant un anti-américanisme virulent, utilisant la fourniture du pétrole comme arme de chantage, alors que l'opposition est bien plus proaméricaine ; mais, finalement, les uns et les autres sont tous d'accord pour défendre et renforcer les intérêts de la bourgeoisie vénézuélienne dans leurs zones d'influence : les Caraïbes, l'Amérique Centrale et les pays andins (Colombie, Pérou, Bolivie et Équateur).
…pour le soumettre à une exploitation encore plus grande
Ce contexte a permis à l'ensemble de la bourgeoisie nationale pendant le régime chaviste d'accentuer les attaques contre les conditions de vie du prolétariat, sans que, pour l'instant, celui-ci n’ait été en mesure de riposter par des luttes importantes.
La plus grande attaque et la plus significative a été celle menée contre les travailleurs du pétrole. Avec l'action coordonnée des secteurs chavistes et ceux de l'opposition, la classe dominante est arrivée à assener le coup le plus rude que la classe ouvrière vénézuélienne ait reçu : elle n'a pas seulement réussi à diminuer le nombre d'ouvriers et d'employés (la moitié des 20 000 licenciés depuis l'arrêt de travail pétrolier de 2002-2003 contre Chavez), mais le gouvernement chaviste a réussi, entre autres choses, à faire passer une loi souhaitée depuis longtemps par la bourgeoisie vénézuélienne : l'élimination de l'économat qui, depuis le temps des multinationales pétrolières, permettait aux travailleurs et à leurs familles d'obtenir des denrées alimentaires à moindre prix. Et ceci avec des arguments comme "la situation est très dure" pour tous, les travailleurs du pétrole sont des privilégiés, ils sont une "aristocratie ouvrière".
Après cette attaque sans précédent contre les travailleurs du pétrole, où tous les partis et les syndicats ont été complices, aussi bien ceux au pouvoir que ceux de l'opposition, le gouvernement chaviste a eu les mains libres pour infliger de plus fortes attaques contre les conditions de vie des travailleurs actifs : gel des conventions collectives, augmentations ridicules du salaire minimum, bien en deçà des augmentations des prix de consommation courante, etc. On fait du chantage avec la menace de licenciements massifs aux travailleurs qui tentent de faire grève pour leurs revendications ; c'est ce qui a été fait face aux protestations des travailleurs de la santé ou de l'éducation tout au long de ces années de gouvernement chaviste ; ou avec les travailleurs du secteur de la Justice, ou de la Télévision d'État, que Chavez lui-même a menacé d’ "écraser" comme il l'a fait avec les ouvriers du pétrole.
Les conditions de vie des travailleurs, surtout du secteur public, sont attaquées par le biais de missions, de coopératives, des entreprises cogérées ou autogérées que le gouvernement a créées pour y exercer son contrôle politique et social. Avec ces organes, le gouvernement chaviste a progressivement réussi à "flexibiliser" la force de travail, parce que les travailleurs embauchés par le biais de ces organes le sont temporairement, sans aucun salaire social et pour la plupart d'entre eux avec des salaires plus bas que le salaire minimum officiel. C'est ainsi que la bourgeoisie chaviste fait la même chose que les bourgeoisies des autres gouvernements de droite et de gauche de la région, qui appliquent les mesures typiques du "neo-libéralisme sauvage" en faisant en sorte que l'emploi soit de plus en plus précaire et l'exploitation plus brutale. Voilà le vrai visage du "socialisme du 21ème siècle" ! Mais ces organes sont aussi des instruments de chantage contre les travailleurs actifs : avec les missions et les coopératives, le gouvernement a couvert progressivement les services publics, avec l'objectif explicite d'affaiblir et faire du chantage sur les travailleurs actifs qui réalisent ces services ; et s'ils se mobilisent pour mettre en avant des revendications, ils sont menacés de licenciement et d'être remplacés par des travailleurs organisés en coopératives. C'est ainsi que le chavisme pousse les travailleurs les uns contre les autres, les missions et les coopératives contre les employés du secteur public.
Derrière toutes ces attaques contre les travailleurs du secteur public se trouve, occultée, une vieille nécessité de la bourgeoisie vénézuélienne : celle de réduire de façon drastique les emplois publics. Lors du gouvernement Caldera, le ministre, de gauche, de Planification de l'époque, Teodoro Petkoff, disait qu'il fallait réduire d'un demi million les effectifs de la fonction publique. Les déclarations répétées de Chavez et ses acolytes pour dénoncer la "contre-révolution bureaucratique", n'ont qu'un objectif : dénigrer les employés du secteur public pour justifier des attaques toujours plus fortes contre leur condition de vie et les licenciements.
Mais les attaques de la bourgeoisie contre le prolétariat ne s'arrêtent pas là. Le chavisme, grâce au travail coordonné entre le gouvernement et l'opposition, a réussi à imposer une série de mesures qui, dans d'autres circonstances, auraient provoqué des protestations inévitables chez les ouvriers et la population : il s’agit de l'augmentation brutale des impôts et, surtout, de la TVA (qui accroît de 14% le prix de la plupart des produits et des services) grâce à laquelle l'État collecte plus de la moitié du budget de 2005 (plus de 15000 milliards de $ US) ; les taxes sur certains produits de consommation ont atteint 30% en 2005. Enfin, les lois approuvées par le parlement envisagent de créer d'autres impôts, tel que celui prévu pour les dépenses de santé, 4% pour tous les travailleurs, actifs, chômeurs, retraités et de "l'économie souterraine".
Les attaques contre les salaires et les baisses du salaire social des travailleurs, ajoutées aux nouveaux impôts de l'État, cumulées à une politique économique et fiscale qui engendre un taux d'inflation qui est le plus élevé de la région (23% en moyenne entre 2003 et 2004), qui érode mois après mois les salaires, tout cela est en train d'enfoncer des millions de travailleurs et leurs familles dans une paupérisation alarmante : d'après des statistiques non officielles, 83% des travailleurs (sur une force de travail totale de 12 millions) perçoivent le salaire minimum de 405 000 bolivars. (180 $ USA), alors que le "panier" alimentaire de base, d'après le gouvernement lui-même, coûte actuellement 380 000 Bs, alors que d'autres organismes le situent autour de 600 000 bolivars. Et cela sans parler des niveaux atteints par la malnutrition, les pandémies, etc. qui n'ont fait qu'augmenter dans la population. Le gouvernement fait tout pour maquiller les chiffres sur la pauvreté pour qu'ils puissent être cohérents avec son mensonge sur la "lutte contre la pauvreté", mais il est impossible d’occulter les évidences.
Par ailleurs, en plus du taux de chômage alarmant, la pauvreté et la misère qui écrasent les quartiers ouvriers, engendrent de plus en plus une décomposition sociale que la propagande officielle essaye d'occulter, mais qui est bien visible partout : mendiants issus des villes ou des campagnes, enfants vivant dans la rue, prostitution des enfants et des jeunes, etc. Un des fléaux qui n'a fait que s'exacerber et augmenter pendant l'administration chaviste est celui de la criminalité : chaque semaine se produisent environ une centaine de meurtres dans le pays, surtout dans les quartiers les plus pauvres, où habite un fort pourcentage de la classe ouvrière. Le gouvernement chaviste, faisant appel à ses cerveaux en manipulation médiatique, a trouvé un nom à son projet : la "révolution jolie", mais ce que la classe ouvrière vit au quotidien c'est la sale laideur du capitalisme en décomposition ; et c'est la seule réalité que la bourgeoisie peut nous offrir, qu'elle soit de droite ou de gauche.
La classe ouvrière menace toujours de riposter
Malgré les chantages et les intimidations, les travailleurs n'ont pas d'autre choix que lutter contre la détérioration sans répit de leurs conditions de vie.
On sent de plus en plus fréquemment monter l'indignation dans les rangs ouvriers : les protestations des chômeurs à la recherche d'un poste de travail, des retraités pour la satisfactions de leurs revendications qui ont été accordées mais pas appliquées (comme cela a été le cas avec les retraités de SIDOR et de la CVG dans la Zone du Fer), des médecins, des travailleurs du Métro, etc. ; et les menaces de lutte chez les employés du secteur public de l'éducation, de la santé, de la justice, etc. sont toujours là.
Conscient du fait que la lutte des travailleurs est la véritable menace qui pèse sur lui, le gouvernement prépare ses forces de dissuasion : les réservistes et les miliciens de la Garde Territoriale, qui dépendent directement de la présidence de la République, dont la tâche consiste à intervenir, en dernière instance, face aux "convulsions sociales". De la même manière, dans les hôpitaux et d'autres établissements publics, l'État y a introduit le dénommé "service de contrôle social", autrement dit, des groupes payés par le gouvernement pour servir de police contre les travailleurs.
Mais consciente que ce n'est pas toujours à coups de répression qu'on peut en finir avec un mouvement de classe, la bourgeoisie dans son ensemble joue une carte plus efficace contre les travailleurs : la rénovation syndicale et la dissidence syndicale à l'intérieur du chavisme même. C'est ce qui explique les tentatives de la Confédération des Travailleurs Vénézuéliens (CTV), avec Froilan Barrios et Alfredo Ramos a sa tête pour essayer de récupérer la CTV avec "un nouveau modèle de syndicalisme" ; mais, surtout, avec la montée de Machuca, dirigeant syndical adepte du chavisme, qui se profile comme un "leader ouvrier" non seulement dans la zone industrielle de Matanzas, mais au niveau national, promouvant des mobilisations ouvrières même contre Chavez, comme celle qui a eu lieu en en septembre dernier. De la même manière que la CTV contrôlée par Action Démocratique (AD, Social-démocratie) gardait à l'époque une certaine "distance" et faisait une certaine "opposition" par rapport aux gouvernements AD du moment, c'est la même chose que fait aujourd'hui un élément comme Machuca, lequel sait très bien faire son travail de contrôleur du mécontentement social puisque, et ce n'est pas un hasard, il reçoit des félicitations aussi bien du chavisme au gouvernement que de l'opposition.
Le prolétariat, pour en finir avec la bourgeoisie (chaviste et de l'opposition) doit canaliser son indignation pour renforcer son identité de classe, la solidarité entre prolétaires et sa conscience du fait qu'il est la seule classe qui peut et doit conduire la lutte des exploités pour en finir avec la barbarie à laquelle nous soumet le capital.
D’après Internacionalismo n° 55, organe du CCI au Venezuela
Début décembre dernier, lors du dernier sommet franco-africain à Bamako, Chirac a fait le grand show de l’impérialisme français, meilleur défenseur mondial de l’Afrique. Reprenant le bon vieux ton du pays traditionnellement "protecteur" du continent, appelant à la "modernisation" des liens avec ce dernier, le bilan de la visite est mince. Il faut dire que ce 23e sommet, institué sous de Gaulle pour mieux maîtriser et diriger les chefs d’Etat placés aux ordres de la France, a été marqué par l’absence non négligeable et significative d’un certain nombre de dirigeants des régions d’Afrique qui participaient traditionnellement à ce sommet bisannuel : il en est ainsi du chef d’Etat guinéen, de ceux du Congo, du Burundi, du Rwanda, et de l’Angola, et chose à noter, de celui de Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo. Mais plus significative encore est l’absence des chefs d’Etat algérien, tunisien et marocain. Il est vrai que la France avait bien préparé le terrain avec la publicité faite autour de l’adoption de la loi du 23 février qui fait en sorte que les programmes scolaires "reconnaissent le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord".
A l’heure où la France se trouve en situation de réelle difficulté pour conserver un minimum d’influence en Afrique, et où les Etats-Unis, mais aussi des pays comme l’Allemagne ou même la Chine, exercent une pression importante pour, non seulement marcher sur ses plate-bandes, mais aussi et surtout l’évincer de l’Afrique noire, ce ne sont pas les beaux discours humanitaires qui vont changer la donne. Ce que cachent en réalité ces événements c'est l’entrée dans une politique de plus en plus musclée de la France face à ses rivaux et au chaos qui s’aggrave, dans le but de conserver un minimum de positions sur ce continent.
Il y a un an, le 6 novembre 2004, des avions ivoiriens larguent des roquettes sur le camp français de Bouaké, tuant 9 soldats de l’armée tricolore. Aussitôt, cette dernière réplique en détruisant entièrement l’aviation ivoirienne, provoquant de ce fait des affrontements armés et des massacres au sein des populations locales, de même qu'un début de pogrome contre les ressortissants français qui seront évacués massivement par les autorités françaises.
Quelle est la situation aujourd’hui ?
Depuis un an, la situation en Côte d'Ivoire est plus fragile que jamais, menaçant d'exploser à tout moment, alors que le pays est d'ores et déjà coupé en deux. On assiste épisodiquement à des tueries et des règlements de compte entre les forces armées en présence en particulier entre les soldats français et ceux de Gbagbo. Ainsi, un officier ivoirien, sortant d’une "cérémonie officielle" à l’ambassade de France à Abidjan, a été accusé de "complot" et mitraillé par les hommes du pouvoir ivoirien. En même temps, le chef d’état-major de l’armée ivoirienne est en fuite et, depuis l’étranger, jure de chasser le régime en place par tous les moyens. Pour sa part, l’armée française sur place est accusée régulièrement d’exactions, ou de crimes masqués, comme par exemple la mort par étouffement d’un chef de bande local, qualifié de "coupeur de routes". Pendant ce temps, la population s’enfonce dans la misère la plus atroce tandis que l’insécurité règne partout, à Abidjan comme dans les autres villes du pays. La Côte d'Ivoire est en guerre permanente, divisée entre le Nord et le Sud depuis les affrontements sanglants de septembre 2002 (voir RI n°327).
Face au chaos qui menace, les puissances impérialistes étalent leur cynisme et leur hypocrisie en brandissant une énième "nouvelle résolution" sur la Côte d’Ivoire, pour "instaurer la paix". En effet, devant la fin du mandat présidentiel de Gbagbo, le Conseil de Sécurité de l’ONU a voté le 21 octobre dernier une résolution qui, d’une part, prolonge d’un an le mandat du président ivoirien et, d’autre part, charge deux des parrains locaux des belligérants (l'Afrique du Sud et le Nigeria) de mener des consultations "en vue de la nomination d’ici au 31 octobre 2005, d’un nouveau premier ministre(de transition) acceptable par toutes les parties ivoiriennes (…), qui exercera pleinement son autorité sur son cabinet(…) et disposera de tous les pouvoirs nécessaires".
En fait, ce "nouveau plan de paix" de l’ONU (proposé par la France) ressemble comme deux gouttes d’eau au précédent plan dit des "accords de Marcoussis", rédigé par le gouvernement Chirac en mars 2003, et qui n’a fait qu’aggraver la situation de chaos (voir RI n°332). Dans le cadre de son "plan de paix" initial, le gouvernement français avait fixé au 30 octobre 2005 l’organisation d’une élection présidentielle. Mais face à la situation qui règne en Côte d’Ivoire, les parrains impérialistes ont dû se résoudre à reporter le scrutin en fixant des nouvelles échéances. Personne ne se fait en réalité la moindre illusion sur la faisabilité de ce nouveau "chiffon". En effet, fort de son expérience du précédent "plan de Marcoussis", le président Gbagbo fait semblant d’accepter le nouveau plan de l’ONU pour gagner du temps, mais sans aucune réelle intention de passer la main à un rival quelconque.
De leur côté, les forces rebelles rejettent en toute logique la résolution de l’ONU qui prolonge le mandat de Gbagbo et proposent de nommer un de leurs chefs, Guillaume Soro, premier ministre du futur "gouvernement de réconciliation". Autrement dit, les "parties ivoiriennes" dont parle l’ONU, ne sont pas prêtes à se soumettre au "nouveau plan de paix", au contraire, elles se préparent à de nouveaux affrontements guerriers.
La récente nomination au poste de premier ministre d'un homme de la France, Charles Konan Banny, qui a pour mission de rassembler au sein du futur gouvernement toutes les tendances politiques ainsi que des représentants de la rébellion, n'annonce qu'une monstrueuse foire d'empoigne et le prétexte à de nouvelles flambées de violence. Son prédécesseur, Seydou Diarra, avait mis plus de trois mois pour former un "gouvernement de réconciliation" nationale après Marcoussis, avec le résultat que l'on sait.
La responsabilité criminelle des parrains impérialistes
Non seulement les bourgeoisies locales pillent les matières premières pour s’armer, mais les parrains impérialistes n'hésitent pas à fournir des armes pour tenter d'influer sur le rapport de forces. L’hypocrisie criminelle du Conseil de Sécurité est évidente. D'une part, il fait semblant d’instaurer un embargo sur les armes à destination de la Côte d’Ivoire et, de l'autre, laisse les forces de l’ONU sur place fermer les yeux sur l’entrée massive d'engins de mort en provenance ou en transit des pays voisins. Il en est ainsi des avions de chasse de type Mig-23, des hélicoptères de combat, et d’autres armes, qui passent par la Guinée, le Togo, le Libéria, le Burkina. Voilà une démonstration éclatante de la responsabilité directe des puissances impérialistes dans les massacres.
Mais derrière cela, il y a aussi les luttes d’influence que se livrent dans la région les petites et grandes puissances entre elles. Par exemple, celles qui profitent de l’affaiblissement de l’impérialisme français en Côte d’Ivoire pour s’y faire une place. C’est d’abord le cas de l’impérialisme américain, bien content de voir son rival français se noyer dans le bourbier ivoirien, qui poursuit son objectif d’évincer définitivement la France de son ancien bastion colonial.
Il y a encore la poussée des puissances moyennes "émergentes", telle l’Afrique du Sud (accusée de "rouler" pour Gbagbo), qui avait réussi à s’emparer du "parrainage" des négociations de "paix" entre les cliques ivoiriennes, avant d’échouer à son tour devant l'opposition du Sénégal, du Nigeria et, bien sûr, de la France. Tandis que la Grande Bretagne et les Etats-Unis sont de la "mêlée" à travers leur parrainage du "Groupe international de travail" (GIT) sur la Côte d’Ivoire. Il n’ y a pas moins de 16 pays impliqués quasi-directement dans la situation ivoirienne, tous concurrents à des degrés divers : un répugnant panier de crabes.
En guise de plan de "paix", tous ces gangsters impérialistes se préparent en réalité à une nouvelle boucherie.
Quel terrible cynisme de la part des représentants des grandes puissances impérialistes, qui montrent qu’ils se fichent complètement du sort des populations, premières victimes non seulement des carnages mais aussi pillées, violées, spoliées, rackettées par toutes ces bandes armées qui ratissent la région.
Soumises à l'horreur des exactions guerrières, éreintées par la soldatesque, vivant dans des conditions de misère et d'insalubrité effroyables, crevant du paludisme et du sida : c'est cela la perspective qu'offre aux Ivoiriens et plus largement aux populations de toute l'Afrique la foire d'empoigne des capitalistes rivaux.
Amina (10 décembre)
Depuis le printemps 2003, avec les grèves et manifestations massives contre la réforme des retraites qui se sont déroulées en France, de nombreux pays sont touchés par une remontée de la combativité ouvrière, dont les moments les plus significatifs ont été les grèves en Allemagne en 2004 dans l’industrie automobile (voir Ri n°352) et les grèves sauvages de l’aéroport de Londres l’été dernier (voir RI n°360 ). Un pays comme la Suède, un des symboles tant vantés de la "paix sociale", où les ouvriers se font exploiter "en douceur", a été à l’automne le théâtre d’un certain nombre de grèves sauvages, vites récupérées par les syndicats, qui marquent ce retour international de la lutte ouvrière contre les attaques qu’elle subit sur tous les aspects de ses conditions de vie et de travail.
Ainsi, dans les hôpitaux de Malmö et Umea, de nombreuses réactions et grèves contre les conditions de travail, bien qu’elles soient restées dispersées et sans lendemain, se sont développées. Il faut rappeler ici que la Suède se targuait depuis dix ans d’être un des pays d’Europe connaissant le plus bas niveau de conflits sociaux depuis 1995, année où l’on avait justement vu 70 000 infirmières se mettre en grève contre leurs conditions de travail et exiger des augmentations de salaires.
Outre les mouvements récents dans les hôpitaux, nous avons aussi récemment vu une grève sauvage des ouvriers de la construction à la raffinerie de Preem à Lysekil, où des centaines d’intérimaires se sont mis en grève contre les conditions de travail inhumaines qui leur sont imposées. 200 d’entre eux, des ouvriers thaïlandais "loués" par une entreprise chinoise à fonds italien, se sont ainsi mis en grève sauvage début septembre, contre ces conditions de travail et pour exiger les augmentations de salaires promises par la direction. Les ouvriers se sont trouvés soumis à la fois aux menaces de la direction de les renvoyer chez eux (quatre d’entre eux ont été immédiatement renvoyés) et au discours des syndicats qui se disaient "solidaires" avec eux mais n’ont strictement rien fait, à part appeler la direction à "respecter les accords de travail suédois et la législation suédoise". Ainsi, la direction de Preem et les syndicats détournaient l’attention sur une responsabilité "extérieure" tandis que les médias opéraient un soigneux black-out en Suède même, de façon à accroître l’isolement des ouvriers thaïlandais. Le travail a repris au bout de dix jours, après la promesse faite aux grévistes qu'ils toucheraient leurs salaires… à la condition de reprendre le travail. Ce qui s’est avéré être un mensonge car, au bout du compte, non seulement la plupart d’entre eux ont été proprement virés et remplacés par des ouvriers d’autres régions d’Asie, mais ceux qui sont restés attendent toujours les augmentations promises.
Mais c’est aussi chez les salariés de Connex-SL entreprise internationale de transports urbains, que l’on a vu monter la colère.
Connex est la plus importante compagnie d’autobus en Suède et gère aussi 4 lignes de train, le métro de Stockholm, et des ferries dans l’archipel de Göteborg. La section du métro et des tramways de Stockholm du syndicat SAC-Syndikalisterna a mené plusieurs conflits contre Connex. Ces derniers mois, Connex a dénoncé unilatéralement un certain nombre d'accords.
En premier lieu, celui qui permettait au personnel de partir à la retraite à 63 ans, pour obliger les ouvriers à travailler jusqu’à l’âge de 65 ans. C’est pourtant un secteur constamment classé dans la catégorie des conditions de travail les plus stressantes et les plus dangereuses de Suède. Connex, afin de faire des économies, utilise au maximum les embauches à temps partiel et les contrats d’emploi "à l’heure", provoquant ainsi une explosion de la précarité parmi les salariés. C'est aussi l’accord local réglant les heures des programmes de service et de travail qui est dénoncé pour le substituer à des "programmes de travail"qui représentent une détérioration importante des conditions de travail. Par exemple les durées journalières de service de dix heures ne sont pas rares, ce qui signifie qu’il est pratiquement impossible d’être parent en travaillant dans le métro.
De même, c'est depuis plus de six mois, que les règles d’administratives sur le temps de travail et les régimes de travail ont été unilatéralement modifiées. Les bulletins de paye sont envoyés avec des erreurs, le calcul des congés annuels et les commandes sont aussi truffés d’erreurs. Le nouveau système administratif est si opaque qu'il est impossible qu’un employé obtienne un rapport complet et détaillé de son décompte d'heures payées. Aussi, lesouvriers ne peuvent pas vérifier leurs bulletins de paye !
Devant la montée de la colère, la direction a licencié de façon provocatrice un syndicaliste, l’accusant de "manque de loyauté" à l’égard de l’entreprise pour avoir divulgué dans la presse des éléments sur les conditions de travail des employés de la Connex. Cela a permis au syndicat suédois, SEKO (une branche du syndicat LO, équivalent des TUC en Grande-Bretagne), de prendre la tête de la grève, après avoir laissé des syndicalistes de base lancer la grève, prétendument de façon "sauvage", le 6 octobre, en paralysant tous les services de métro de la capitale. Cela a encore permis, tout en faisant croire aux ouvriers qu’ils dirigeaient la grève, de détourner les revendications et la colère sur la nécessité de pouvoir "s’exprimer" et de "défendre le syndicalisme".
Au bout de trois jours, le mouvement s’est arrêté, sans que bien sûr les ouvriers de la Connex n’obtiennent quoi que ce soit, à part la réintégration du délégué syndical, c’est-à-dire de leur pire ennemi dans l’entreprise.
Cela dit, la perspective n'en est pas moins au développement de la lutte ouverte, contre les attaques dont les ouvriers sont tous l’objet, dans tous les secteurs, et dans tous les pays, contre leurs ennemis, le patronat, l’Etat et contre leurs faux amis comme les syndicats.
Chaque lutte qui se déroule aujourd’hui illustre cette dynamique et est un nouvel apport au développement international de la lutte prolétarienne.
D'après Internationell Revolutie, section du CCI en Suède
Le CCI
organise, partout où il le peut, des réunions ouvertes à tous ceux qui veulent
sincèrement changer le monde. Nos réunions publiques (RP) et nos permanences se
veulent être des lieux de débats fraternels où chaque participant peut poser
ses questions, confronter ses arguments et analyses.
Ainsi, tout au long des mois d’octobre et novembre, la section du CCI en France a tenu des RP à Tours, Marseille, Nantes, Toulouse, Paris et Lyon sur le thème "La révolution prolétarienne est la seule perspective d’avenir pour l’humanité". Inévitablement, l’actualité brûlante des émeutes est revenue dans chacune de nos salles comme une préoccupation centrale et récurrente : comment considérer la violence désespérée des jeunes banlieusards ?
Le débat qui s'est déroulé à Toulouse est particulièrement significatif du questionnement de la classe ouvrière sur ces émeutes, partagée entre un sentiment de solidarité envers la détresse de ses propres enfants et la colère de voir son voisin se faire agresser, sa voiture ou l’école du quartier être détruites.
Lors de la réunion publique du 19 novembre à Toulouse, nous avons, comme toujours, lancé le débat par un court exposé introductif. Celui-ci montrait en quoi la classe ouvrière est la seule force de la société qui puisse changer le monde en renversant le capitalisme à l’échelle internationale. Nous y avions intégré l’actualité des émeutes soulignant avec force le désespoir contenu dans ces explosions de violence.
Brûler des voitures, des écoles, des bus, des gymnases… tout ceci est purement autodestructeur. Aucune perspective, aucun espoir ne peuvent ressortir de tels actes. Ne sachant comment lutter, ces jeunes en souffrance s’en sont pris à leurs parents, leurs voisins… Ces fils d’ouvriers, involontairement, ont retourné leur colère contre leur propre classe.
Les réactions furent vives et immédiates. De nombreux participants critiquèrent notre prise de position sur Internet ([1] [671]) dont s’inspirait l’exposé.
Dès la première intervention, un camarade a ainsi affirmé son profond désaccord : "Le tract du CCI ([2] [672]) me pose problème. Les émeutes sont montrées comme une révolte en soi. Le tract peine pour mettre en jeu l’affrontement de classe. Le positionnement du CCI n’est pas assez combatif. Il y a également un aspect manquant, c’est la solidarité par rapport aux conditions de vie de ces jeunes. Il fallait montrer l’absurdité du capitalisme et non parler des jeunes des quartiers déshérités. C’est une partie de la classe ouvrière […]. Le tract passe à côté de la question de l’identité de classe. Comme le dit le PCI/Prolétaire ([3] [673]) dans son tract, ces jeunes, qu’ils en soient ou non conscients, appartiennent à la classe ouvrière. De même, par rapport à cette révolte des jeunes, où en est le prolétariat en ce moment ? Face à ce couvre-feu social, il faut rattacher le combat de ces jeunes au prolétariat." Emboîtant le pas à cette intervention, un jeune contact, membre d’un cercle de discussion sur la ville rose, poursuivit en ces termes : "[…] J’ai habité en banlieue et pour moi les jeunes des banlieues n’ont certes pas de conscience de classe ni même de notion de classe mais ces actes de violence s’inscrivent contre le capitalisme. C’est une révolte contre le système [...]". Et enfin, un troisième participant conclut dans le même état d’esprit ce premier tour de parole : "au Mirail, il y a près de 50% de prolétaires qui sont au chômage. Les jeunes ne trouvent pas de travail ou que des petits boulots […]. Il fallait mettre en avant non les faiblesses mais la perspective du prolétariat […]."
Cette réaction n’est absolument pas surprenante. Bien au contraire. La souffrance exprimée par les enfants de notre classe et son utilisation cynique par la bourgeoisie expliquent en partie cette forte tendance parmi l'assistance à éprouver avant tout un sentiment de solidarité envers ces "laissés pour compte". L'explosion spectaculaire de la violence urbaine a révélé au grand jour les conditions de vie totalement insupportables d'une grande partie de la jeunesse ouvrière. D’ailleurs, contrairement à la critique portée sur notre prise de position prétendant qu'il y manquait "la solidarité par rapport aux conditions de vie de ces jeunes", nous affirmions sans ambiguïté : "Si les jeunes des banlieues se révoltent aujourd'hui […] c'est qu'ils sont plongés dans un profond désespoir […]. C'est dans leur chair et au quotidien, du fait du chômage, du mépris et de la discrimination que les jeunes "casseurs" des quartiers populaires ressentent cette absence totale d'avenir."
Pour autant, pouvait-on aller jusqu’à dire, comme le font ces camarades, que "ces actes de violence s’inscrivent contre le capitalisme" et que "c’est une révolte contre le système" ? Que fallait-il dire aux ouvriers ? Passer sous silence la totale absurdité de détruire pour détruire ? Ignorer qui sont les premières victimes de ces actes ?
Evidemment non. C’est aussi dans leur chair que les ouvriers ont ressenti ces émeutes. Comme l’a formulé très clairement l’un des participants : "[…] Quant aux destructions des voitures, certains camarades dans leurs interventions relativisent ces incendies. Eh bien, moi, je leur dit clairement que j’espère que ma voiture ne sera pas brûlée, car comme les autres ouvriers, j’en ai besoin pour aller travailler." Le soutien aux émeutiers, ou du moins, la sous-estimation de l’aspect nihiliste de ces événements ont donc fait réagir. Les camarades présents dans la salle se sont répondus dans un débat dynamique. "Je ne suis pas d’accord avec ce que disent les camarades sur ces émeutes. C’est une révolte contre l’Etat bourgeois, certes, mais elle n’a aucun avenir. On ne peut pas être solidaire avec ceux qui détruisent les voitures des voisins, des ouvriers. On peut les comprendre puisqu’ils sont laissés pour compte, la société capitaliste n’a plus rien à leur offrir. Il y a un ras-le-bol. Mais on ne peut pas être d’accord avec cette violence. Ils connaissent le chômage et la misère depuis déjà un certain nombre d’années. C’est une partie de la classe qui a été fortement attaquée. C’est vrai. Mais ce n’est pas par ces actes qu’on peut se sentir proche. Cela n’a rien à voir avec la lutte de la classe."
Ce type d’explosion de violence va en effet à l’encontre des intérêts de la classe ouvrière. Elle distille la crainte, le repli et la division en ses rangs. Tout ceci, la bourgeoisie l’a très bien compris. Elle a orchestré d’une main de maître une propagande de la peur afin de justifier le renforcement de son arsenal répressif. Ces émeutes n’ont pas alimenté la conscience du prolétariat. Elles ont au contraire créé un terrain propice à l’idéologie bourgeoise. La classe dominante a instrumentalisé cette frange désespérée de la jeunesse pour justifier ses mesures d’urgence sécuritaires et ainsi accroître le flicage des quartiers ouvriers. Surtout, elle a pu masquer momentanément la faillite de son système, accusant pêle-mêle la "racaille" et les immigrés d’être la cause de tous les maux.
Par conséquent, si nous rejoignons entièrement le camarade, intervenu en tout premier, quand il dit "ces jeunes, qu’ils en soient ou non conscients, appartiennent à la classe ouvrière", nous ne le suivons plus lorsqu’il affirme : "il faut rattacher le combat de ces jeunes au prolétariat". En réalité, cette partie de la jeunesse impliquée dans les émeutes a tendance à s’éloigner du combat prolétarien. Et c’est justement parce que ce sont des enfants d’ouvriers, que leur comportement destructeur pèse autant contre la classe ouvrière. C’est ici une partie d’elle-même qui se trompe de chemin et de lutte. En ce sens, si le prolétariat est solidaire des victimes du capitalisme et donc de cette jeunesse désespérée, en même temps cela ne veut pas dire que nous devons saluer ce type de révolte car elle se situe à l’opposé des besoins du prolétariat. Ces émeutes n’appartiennent ni de près ni de loin à la lutte de la classe ouvrière.
Il n’était donc pas question d’encourager de tels actes de violence comme a pu le faire de manière ambiguë et fausse le PCI/Prolétaire ! En effet, le tract de cette organisation porte un titre enflammé : "La révolte des banlieues annonce la reprise de la lutte prolétarienne révolutionnaire". Et l’appui à de telles révoltes est encore plus marqué à la fin du texte : "vive la révolte des jeunes prolétaires des banlieues contre la misère, le racisme et l’oppression" !!!
Comment peut-on croire que ces actes de violence dirigés contre les ouvriers "annonce la reprise de la lutte prolétarienne révolutionnaire" ? Ici, ce groupe se laisse tout simplement abuser par le caractère spectaculaire de ces révoltes et perd la notion de ce qu’est la lutte de classe, tant dans sa forme que dans son contenu. Le prolétariat dans sa lutte tend vers l’unité et développe pour cela la solidarité. Ces émeutes sont le contraire, elles sont le produit de ressentiments individuels et n’ont comme perspective que la destruction et l’autodestruction.
Sous la plume du PCI/Prolétaire, tout est inversé. Ce sont ces jeunes égarés qui insuffleraient une dynamique à l’ensemble d’une classe ouvrière pour l’instant amorphe. C’est l’exact opposé qui est vrai. Le prolétariat a déjà commencé à reprendre le chemin de sa lutte. Depuis les grèves du printemps 2003 en France, la classe ouvrière réaffirme partout de façon certes embryonnaire mais croissante sa combativité et sa tendance naturelle à la solidarité. Ces émeutes ne sont donc pas un accélérateur mais au contraire un frein à ce développement de la lutte de classe.
Oui, les jeunes émeutiers sont des victimes du système capitaliste. Oui, ils constituent une partie de la classe ouvrière particulièrement en souffrance. Mais comment exprimer notre solidarité envers ces enfants d’ouvriers ? Certainement pas en semant des illusions ou en les suivant dans leur cri de détresse. La classe ouvrière n’a pas à suivre ces jeunes dans leur auto-destruction ; elle a au contraire à les embarquer derrière elle. Elle a le pouvoir et la responsabilité de montrer une perspective d'avenir. Comme nous l'affirmons dans notre prise de position sur Internet : "C'est parce que, jusqu'à présent, [ la classe ouvrière ] n'a pas encore trouvé la force d'affirmer cette perspective, à travers un renforcement et une extension de ses luttes, que des centaines de milliers de ses enfants sont amenés à sombrer dans le désespoir, exprimant leur révolte de façon absurde ou se réfugiant dans les chimères de religions qui leur promettent le paradis après leur mort. La seule véritable solution à la "crise des quartiers déshérités" est le développement des luttes du prolétariat vers la révolution qui permettra de donner un sens et une perspective à toute la révolte des jeunes générations" !!!
Traditionnellement, nous finissons nos réunions par un 'tour de table‘ permettant à chacun qui le souhaite de donner son avis sur la tenue et la qualité de la réunion, pour réaffirmer un désaccord persistant ou poser toutes les questions qui n'ont pu être traitées et qui vont permettre la poursuite du débat.
De manière générale, les participants ont ressenti une certaine satisfaction et témoigné de l’intérêt réel pour cette réunion publique.
Les camarades qui avaient pointé leur désaccord ont eux aussi salué le débat. Néanmoins, deux de ces camarades ont regretté que le CCI ne soit pas intervenu dans les quartiers et dans le reste de la classe ouvrière avec un tract. Cette dernière remarque démontre que des divergences, certes limitées, existaient encore à la fin de cette réunion.
De toute manière, les réunions du CCI n'ont pas pour vocation d'imposer une démonstration exhaustive clôturant tout débat. Au contraire, la richesse et la dynamique de la discussion ont apporté beaucoup plus de questions que de réponses. Par exemple, nous n'avons fait qu'effleurer la différence fondamentale entre la violence destructrice de ces émeutes et la violence créatrice de la classe ouvrière, violence utilisée nécessairement dans son renversement de l'ordre capitaliste. Le sujet est donc loin d'être épuisé !
Nous conclurons par ces quelques lignes d'une lettre d’une jeune contact venant pour la première fois à une RP du CCI et témoignant de l'esprit fraternel qui a animé le débat :
"Ce que j’ai particulièrement apprécié dans la conduite du débat (et que j’avais rarement eu l’occasion de pratiquer dans d’autres situations que ce soit professionnelles ou personnelles), c’est qu’elle rend possible une véritable écoute de ce que chacun dit, elle s’attache à répondre aux préoccupations de personnes en présence, tout en ne perdant pas de vue la question posée et la nécessité de contribuer à y répondre […]. Ces événements (les violences urbaines) semblent absurdes, par leur absence d’objectif et par leurs moyens et ils ne semblent pas s’inscrire dans une logique de lutte des classes, mais ils suscitaient beaucoup de questions parmi les personnes présentes à la réunion et il semblait donc nécessaire de leur accorder une grande attention, et c’est ce que le CCI a fait. Ces événements ne s’inscrivaient pas dans une logique révolutionnaire (et même en terme de révolte, ces événements sont difficilement compréhensibles, compte tenu des cibles des violences qui ont eu lieu), mais il semblait nécessaire de les analyser pour les définir, pour caractériser les acteurs de ces événements, afin de pouvoir poser ensuite la question de l’organisation prolétarienne dans une perspective de révolution, des "signes" actuels de l’action prolétarienne en ce sens, des conditions nécessaires pour qu’elle ait lieu et du comment […]."
Pawel (15 décembre)[1] [674] "Emeutes dans les banlieues française : face au désespoir, seule la lutte de classe est porteuse d’avenir".
[2] [675] Il s’agit en fait du texte Internet considéré malencontreusement comme un tract. Nous l’avons précisé au cours de la réunion.
[3] [676] Organisation révolutionnaire bordiguiste présente en France et en Italie.
En Chine les coups de grisou et les effondrements de galeries se succèdent à un rythme effrayant. Au mois d’août dernier, dans la province de Guangdong, 101 mineurs sont bloqués dans une mine noyée de millions de mètres cube d’eau. Au même moment un coup de grisou dans une mine de la province de Guizhou tuait 14 ouvriers mineurs. Récemment, une nouvelle explosion dans une mine au nord de la Chine dans la province de Dong fend a coûté la vie, à nouveau, à 134 mineurs. Cet automne, c’est pratiquement de manière quotidienne que des accidents ont frappé dans ce secteur. Ces accidents à répétition font des mines chinoises les plus dangereuses du monde, officiellement 6000 morts par an, sans doute plus près de 20 000 selon des sources indépendantes." Soit 45 fois plus que celles d’Afrique du Sud, et cent fois plus que celles des Etats-Unis. L’exemple des mines de charbon illustre dramatiquement la réalité barbare qui se cache derrière les fameux taux de croissance du capitalisme chinois. Dans les provinces de Stianxi, de Hebei, du Heilongjiang et en Mongolie intérieure, les ressources charbonnières sont abondantes. Depuis 10 ans, le gouvernement, afin d’augmenter à tout prix la production, a massivement privatisé les mines. Résultat, la licence s’achète à bon compte auprès des fonctionnaires sensibles aux pots-de-vin. Dans ces mines, on y entre et travaille à plat ventre, sans équipement de sécurité. Dans ces conditions d’exploitation féroce, les catastrophes ne peuvent que se multiplier, (éboulements, explosions). "En 2005, le nombre de morts dépasse celui de 2004 : 717 morts pour les 6 premiers mois de l’année, contre 347 à la même période l’an dernier (Selon le Bulletin d’information de la commission de sécurité d’Etat)" ([1] [677]). Les ouvriers mineurs en Chine connaissent très bien tous les risques. Mais pour eux, il n’y a pas le choix. C’est accepter de prendre ce risque ou bien voir sa famille mourir de faim. Et pour un salaire de misère de 1 dollar par jour, 7 jours sur 7, dans des conditions inhumaines. Les conditions d’exploitation et de travail ne sont pas meilleures dans les mines publiques, où tout est sacrifié à la rentabilité. Les fonctionnaires, responsables provinciaux et gouvernementaux, pourris par la corruption, cachent la réalité par tous les moyens possibles et imaginables. Il est de bonne politique en France, d’essayer d’entraîner les ouvriers dans la défense du service public. La Chine démontre que lorsque la possibilité le permet le capitalisme ne fait aucune différence entre secteur public et secteur privé. Ainsi, dans les grands sites houillers publics : "Bu Guishing confirme que certains fonctionnaires locaux s’empressent de fermer les exploitations dangereuses dès qu’ils ont vent d’une visite d’inspection des autorités provinciales. Ces dernières trouvent des machines encore chaudes, mais la mine est vidée de son personnel, ce qui rend toute inspection impossible." (2) En Chine, on peut évaluer la classe ouvrière à 100 millions d’habitants, sans compter "les ouvriers paysans", avec une précarisation qui ne cesse de s’accélérer et un taux de chômage de plus de 50%. Les ouvriers licenciés s’appellent les xiapang (descendu de poste). Les conditions de vie effroyables, où chaque jour la classe ouvrière doit risquer sa vie pour ne pas mourir de faim, entraînent, malgré la répression, des explosions de colère souvent violentes. "Presque chaque jour, des protestations, des grèves ouvrières ou des agitations paysannes d’ampleur plus ou moins grande, se produisent en Chine. Ween Tiejun, un spécialiste des questions sociales, les évalue à 60 000 par an." ([2] [678])
Le mépris de la bourgeoisie pour la vie des prolétaires
"Avis à la population de Harbin : en réponse aux craintes de la pollution de la rivière Song hua à la suite d’une explosion survenue dans une usine chimique de la ville de Jilin, le bureau de l’environnement de Jilin a déclaré qu’aucune trace de pollution n’avait encore été détectée." ([3] [679]). Comme toutes les bourgeoisies du monde, la bourgeoisie chinoise pratique le mensonge éhonté en matière d’information, au mépris total de la vie humaine. La catastrophe n’a été reconnue que le 22 novembre, alors que celle-ci a effectivement eu lieu le 13 novembre. Les premières déclarations des autorités devant se justifier des coupures d’eau, évoquent des "manœuvres de maintenance". Harbin est une agglomération de 9 millions d’habitants, située sur le cours inférieur de la Song hua. Cette ville d’importance y puise depuis des centaines d’années, l’eau qui est nécessaire à la population. La pollution au benzène, produit extrêmement dangereux pour la vie humaine, a affecté tout le cours supérieur de la rivière, la nappe de pollution s’étendant sur plus de 80 km. Mais pire encore, la pollution du cours supérieur de la Song hua va forcément causer un désastre humain dans toutes les villes et districts situés en aval, comme Harbin, mais également Mulan, Tonghe et Jiamusi. Fin novembre, une nouvelle explosion chimique frappait le sud-ouest du pays, sans qu’aujourd’hui aucune nouvelle fiable ne sorte de la Chine. C’est ainsi que nous pouvons lire dans Libération du 28 novembre : "Les victimes de la mine de Dong feng, comme les dégâts environnementaux, encore difficile à évaluer dans l’opacité générale de la catastrophe de Jalin, s’ajoutent à une liste qui s’agrandit quotidiennement."
La nécessaire solidarité de classe avec les ouvriers en Chine
Cette succession de catastrophes en Chine révèle aux yeux du prolétariat du monde entier la réalité du "miracle économique chinois". Les taux de croissance à près de 10% cachent l’exploitation féroce des ouvriers dans ce pays, ainsi que le mépris total pour la vie humaine de la part de la bourgeoisie chinoise, à l’image de la bourgeoisie dans tous les pays du monde. La Chine est un mastodonte économique bâti sur du sable, qui se développe pour le moment en suçant, tel un vampire, le sang du prolétariat et en détruisant de manière accélérée les ressources et l’environnement. Face à la misère et aux dangers auxquels elle expose son prolétariat, les explosions de colère, le plus souvent réprimées très violemment, ne peuvent que se multiplier dans l’avenir. "Ce même 26 juin 2005, 10 000 personnes défilant dans les rues de Cizhou, province d’Anhui, mettent le feu aux voitures de police, au commissariat. L’affaire a débuté par un simple accrochage avec un de ces nouveaux riches que compte la Chine d’aujourd’hui qui a renversé un lycéen. L’incident a tourné à l’émeute quand la police a pris le parti du conducteur." (1). Les ouvriers de tous les pays, eux-mêmes exploités par leur propre bourgeoisie, doivent se sentir solidaire de leurs frères de classe en Chine. La bourgeoisie des pays les plus développés, comme en France déversent en permanence des larmes de crocodiles sur le sort de ouvriers en Chine. En réalité celle-ci utilise au maximum le fait que les ouvriers dans ce pays sont contraints pour survivre de travailler dans des conditions particulièrement dures, permettant une exploitation féroce pour y installer des entreprises à rentabilité maximum. De plus elle se sert de cette exploitation féroce pour justifier dans des pays comme la France la nécessité d’accepter des baisses de salaire croissantes sous peine de délocalisations, tentant ainsi de dresser hypocritement une partie du prolétariat contre une autre. En vérité seule la classe ouvrière, parce qu’elle est une classe internationale, défendant partout ses mêmes intérêts, peut ressentir dans sa chair les conditions de vie dégradées que subissent les ouvriers en Chine. Dans ce pays, malgré toute la volonté de se battre, la classe ouvrière est noyée dans une marée humaine de population sans travail qui subit la répression violente de l’appareil d’Etat chinois. Il revient aux ouvriers d’Europe par le développement de leur lutte de classe d’offrir une perspective au prolétariat en Chine ; c'est la seule voie face à cet avenir capitaliste fait de catastrophes et de barbarie.
Tony
Depuis le début de l'année, la bourgeoisie française porte des coups de plus en plus rudes à la classe ouvrière sur tous les plans.
Toute une série de mesures sont mises en place pour accélérer le démantèlement de la protection sociale et imposer une réduction des dépenses de santé.
Un nouveau cap a été franchi dans la précarisation des emplois. Après la création, il y a six mois, du Contrat Nouvelle Embauche pour les entreprises de moins de 20 salariés (qui touche déjà 220 000 jeunes ouvriers), le Contrat Première Embauche élargit désormais la même mesure qui permet aux entreprises de moins de 50 salariés de licencier brutalement, sans motif ni autre procédure, les jeunes de moins de 26 ans pendant une période de deux ans. Et ce n'est pas fini : Villepin a fait part d'un projet de contrat de travail unique généralisant la "période d'essai" de 2 ans qui pourrait être adopté l'été prochain. Cette précarisation s'étendra d'ailleurs à toutes les tranches d'âge : pour les "seniors" (c'est-à-dire les travailleurs de plus de 57 ans) seront créés des contrats à durée déterminée de 18 mois, renouvelables une seule fois.
La flexibilité touchera aussi les plus de 60 ans, encouragés à reprendre un travail sous-rémunéré au-delà de l'âge de la retraite.
On dénombre déjà officiellement aujourd'hui 850 000 sans logis dont un tiers sont des salariés insuffisamment payés.
A cela s'ajoute un projet de révision de calcul du SMIC avec la mise en avant que la loi des 35 heures n'a pas été intégrée dans le calcul de base et qu'il devrait par conséquent être revu à la baisse.
De nouvelles lois viennent de durcir les conditions d'obtention des cartes de séjour et favoriser les mesures d'expulsion immédiate des travailleurs immigrés déjà surexploités.
Tandis que l'intensification des contrôles visent à radier de toute indemnisation un maximum d'ouvriers réduits au chômage, la réduction de la durée de leur indemnisation sera applicable aux nouveaux inscrits dès janvier 2006 grâce à l'accord d'une majorité des syndicats. 36 000 sans-emploi supplémentaires vont ainsi perdre leur allocation.
Les plans de licenciements continuent du plus belle : Ford dans la région bordelaise, les Chantiers de l'Atlantique, Seb, Nestlé, Areva, Arcelor, etc.
L'Etat donne également l'exemple à travers la détérioration des conditions de travail de ses fonctionnaires : 1 poste sur 2 n'est pas remplacé, suite aux départs en retraite ou aux mutations. Il en est de même dans la plupart des services publics, privatisés ou non (SNCF, La Poste, France Telecom, …) où des milliers d'emplois disparaissent au nom de la rentabilité insuffisante.
Pour prendre un seul exemple, dans l'Education nationale : parmi les récentes "réformes", le régime du cumul de 2 matières par enseignant pour le même salaire a été élargi, le recours au "volontariat" forcé pour pallier aux absences d'enseignants malades s'est généralisé. Cela se traduit par la suppression de 1500 postes d'enseignants dans le primaire où sont pourtant attendus 42 700 élèves supplémentaires, et de 2000 dans le secondaire (lycées et collèges) ; de même, il y a une diminution de 6000 postes dans les recrutements sur concours dans l'Education nationale, alors que se multiplient les embauches de non titulaires ou de titulaires sans poste fixe avec les divers statuts de vacataires, de contractuels, de maîtres-auxiliaires.
C'est l'ensemble de la classe ouvrière, quel que soit l'âge, le secteur d'activité, le niveau de qualification qui est frappée partout, massivement et simultanément. Ce que démontrent clairement ces attaques, c'est la faillite du capitalisme, c'est l'incapacité de plus en plus manifeste de ce système à assurer l'emploi, la protection sociale, le salaire, le logement, des conditions de travail et de vie décentes aux travailleurs qu'il exploite.
Ce qu'elles démontrent aussi, parce que tous les secteurs et toutes les générations de prolétaires sont attaqués aujourd'hui en même temps, c'est qu'il est nécessaire d'opposer à ces attaques une mobilisation massive et unie des ouvriers.
Face à l'éparpillement des luttes organisé par les syndicats (voir page 3), la classe ouvrière doit riposter massivement, autour de revendications unitaires, communes à tous. C'est le seul moyen de se défendre, de construire un réel rapport de forces face aux attaques de la bourgeoisie et de développer un combat capable de remettre en cause ce système d'exploitation.
W (27 janvier)
Partout sur la planète, les attaques pleuvent avec une violence redoublée sur les prolétaires de tous les secteurs et de tous les âges. Mais cette offensive d’une bourgeoisie prise à la gorge par l’enfoncement dans la crise économique de son système voit la classe ouvrière se dresser de plus en plus ouvertement contre les mesures capitalistes d’aggravation de ses conditions de vie et de travail. Ainsi, faits significatifs, la dernière semaine de l’année 2005, en plein dans la "trêve des confiseurs" de Noël où la classe dominante rêve de faire croire au Père Noël à tous les exploités, s’est achevée par deux grèves ouvrières d'envergure à la fois sur le vieux continent (les ouvriers de la SEAT dans la région de Barcelone) et sur le nouveau (dans les transports new-yorkais). Ces grèves ne sont pas des phénomènes isolés mais sont la claire manifestation d'une combativité montante au sein de la classe ouvrière à l'échelle internationale. Elles démontrent une volonté de plus en plus forte au sein du prolétariat de se défendre et de riposter aux attaques capitalistes. Elles viennent rappeler que la classe ouvrière est une classe internationale, pour laquelle les intérêts sont les mêmes, au-delà des nationalités, des couleurs de peau et des générations.
Ces grèves sont venues également illustrer le fait que les syndicats restent encore et toujours les pires ennemis de la lutte ouvrière, les véritables saboteurs et les briseurs de grève, ceux dont le travail de fond est en outre d’enrayer toute prise de conscience de la nécessité et de la possibilité de détruire le système capitaliste. Les ouvriers doivent garder la mémoire de leurs luttes et en tirer les leçons pour celles à venir.
Suite à la crise qui déchire le milieu anarcho-syndicaliste depuis quelques années, des débats animent toute une série de regroupements. La prise de position du bulletin « A trop courber l’échine » est représentative du type de questions qui y sont discutées :
Pour les marxistes, le caractère révolutionnaire du prolétariat n’est pas une profession de foi ou une déification de cette classe. La nature révolutionnaire du prolétariat ne s’explique pas en premier lieu par sa capacité à entrer en révolte contre l’ordre établi. Bien des classes exploitées du passé ont pu s’affronter à la classe dominante, ainsi que la révolte des esclaves de l’Antiquité (Spartacus) ou celle des serfs au Moyen Age (les jacqueries), ont pu se revendiquer d'un communisme et d'un égalitarisme grossiers, sans pour autant constituer la classe révolutionnaire de leur temps. Pour le marxisme, les classes révolutionnaires se distinguent des autres classes de la société par le fait que, contrairement à ces dernières, elles ont la capacité de renverser la classe dominante. Tant que le développement matériel des forces productives était insuffisant pour assurer l’abondance à l’ensemble des membres de la société, celle-ci était condamnée au maintien des inégalités économiques et des rapports d’exploitation en son sein. Dans ces conditions, seule une nouvelle classe exploiteuse pouvait s’imposer à la tête du corps social. L’esclavagisme a été dépassé par la classe féodale ; le féodalisme a été détruit par la bourgeoisie.
La nature révolutionnaire du prolétariat ne se fonde pas non plus sur la perspective du rétablissement d’une "équité" en faveur du prolétariat spolié de "ses droits" par la classe dominante. Ce qui confère sa nature révolutionnaire au prolétariat, c’est la place qu’il occupe dans les rapports capitalistes de production : si le capitalisme s’effondre, c’est non pas parce qu’il produit trop peu mais parce qu’il produit trop, faute de trouver une demande solvable suffisante. C’est dans l’incapacité de la société à acheter la totalité des marchandises produites, bien que les besoins humains soient bien loin d’être satisfaits, que réside cette calamité vraiment absurde de la crise de surproduction. Celle-ci a pour racine le règne généralisé des rapports d’échange marchands. L’unique moyen d’en surmonter les contradictions réside dans l’abolition de toutes les formes de marchandises et en particulier, de la marchandise force de travail (le rapport social du salariat qui fait de la force de travail du prolétariat une marchandise comme une autre). Ce n’est que lorsque les richesses de la société seront appropriées par celle-ci collectivement que pourront disparaître l’achat et la vente. Le levier de cette contradiction, c’est le prolétariat, la classe associée productrice de l’ensemble des biens de la société mais privée du produit de son travail. Seul le prolétariat, qui subit la forme spécifique de l’exploitation capitaliste, le salariat, peut se donner la perspective du dépassement des rapports sociaux capitalistes.
Le capitalisme, comme tous les systèmes d’exploitation avant lui est un système transitoire dans l’histoire, voué à disparaître. En se développant, il a créé les conditions de l’abondance matérielle, préalable à l’abolition de toute exploitation, mais aussi la classe, celle des prolétaires, la première dans l’histoire apte à faire du communisme une réalité matérielle. La spécificité du prolétariat est justement d’être la première classe de l’histoire à être à la fois une classe exploitée et une classe révolutionnaire ([2] [684]). La nature révolutionnaire de la classe ouvrière ne peut pas être comprise si l’on ne voit pas la dimension historique de son combat. Toute conception politique qui s’attache à une vision photographique, immédiate, à l’apparence d’une classe ouvrière divisée et "intégrée" au capital, ne peut que faire le jeu (et même servir) des intérêts de la classe dominante.
Le discours de A trop courber l’échine selon lequel la classe ouvrière d’aujourd’hui n’aurait plus rien à voir avec celle du passé pour affirmer, finalement, qu’on ne peut plus compter sur elle, n’est pas une nouveauté pour le mouvement ouvrier. Constamment les révolutionnaires ont dû - et devront - mener une lutte implacable contre ce type de poison. Ainsi, à la veille de 1905, comme le rappelle Trotsky, la bourgeoisie russe claironnait encore qu’"il n’y a pas de peuple révolutionnaire en Russie" au moment même où "le télégraphe transmettait au monde entier la grande nouvelle du début de la révolution russe… Nous l’attendions, nous ne doutions pas d’elle. Elle avait été pour nous, pendant de longues années, une simple déduction de notre ‘doctrine’ qui excitait les railleries de tous les crétins de toutes les nuances politiques. Ils ne croyaient pas au rôle révolutionnaire du prolétariat. (…) Il n’y avait pas de préjugés politiques qu’ils n’acceptassent les yeux fermés. Seule, la foi dans le prolétariat leur paraissait un préjugé." [3] [685]
Depuis quelques années, on assiste à la floraison de tout une littérature qui recycleles rengaines les plus éculées utilisées dans le passé par les adversaires de la classe ouvrière. Par exemple, pour le groupe "radical" Krisis, la lutte entre la bourgeoisie, "simple élite de fonction", et le prolétariat "dont les luttes ne permettent pas de sortir du capitalisme" n’est pas une lutte entre une classe dominante et une classe révolutionnaire, mais entre " deux intérêts différents" à l’intérieur du capitalisme. Il s’agirait de se libérer du travail "sans s’appuyer sur aucune loi de l’histoire" mais "sur le dégoût qu’éprouve l’individu face à sa propre existence." [4] [686]
En vue de garantir son emprise sur les exploités, et de les maintenir dans la passivité, la classe dominante n’hésite pas, à chaque occasion, à prononcer sentencieusement la disparition du prolétariat, son intégration, son embourgeoisement, etc., quitte à être, à chaque fois… démentis par les faits !
Ainsi, à la fin de la période de contre-révolution, dans les années 1960, le groupe de Castoriadis Socialisme ou Barbarie avait annoncé que l’antagonisme entre bourgeoisie et prolétariat, avait cédé la place à l’antagonisme entre "dirigeants et dirigés". Plus tard Marcuse, considérant la classe ouvrière "intégrée" à la société capitaliste, affirmait que les seules forces de contestation étaient les catégories sociales marginalisées, tels les noirs aux Etats-Unis, les étudiants ou les paysans des pays sous-développés. Ces élucubrations ont été balayées par la gigantesque grève de Mai 68 et le retour sur la scène de l’histoire du prolétariat dont les luttes des années 1970-80 allaient culminer avec la grève de masse en Pologne en 1980.
Les doutes sur la nature révolutionnaire du prolétariat de A trop courber l’échine ne sont pas seulement typiques des périodes où la lutte de la classe ouvrière ne révèle pas de façon explicite son caractère révolutionnaire. Plus généralement, ils expriment le poids et l'influence de l'idéologie de la classe dominante au sein de la société. Surtout, à la base de ces doutes, il y a les confusions de l’anarchisme.
Alors que devient de plus en plus apparente aux yeux de la classe ouvrière l’impasse dans laquelle se trouve le système capitaliste, où l’effondrement économique sans issue condamne des parties de plus en plus importante de la population à la misère absolue, où la guerre ravage des régions entières de la planète, la classe ouvrière est poussée à rechercher une alternative à ce désastre. L’idéologie bourgeoise n’hésite pas aujourd'hui à se donner les couleurs de "l’anti-capitalisme" - à l’aide de l’altermondialisme - pour maintenir en vie les illusions sur la possibilité de réformer le système, pour mieux saboter la confiance du prolétariat dans ses propres forces et le détourner de sa perspective révolutionnaire. Grâce à cette idéologie soi-disant "anticapitaliste", les syndicats et partis de gauche rénovent leur discours pour se rendre plus attractifs afin de mieux mystifier les ouvriers.. Exploitant la vulnérabilité encore importante de la classe ouvrière, la bourgeoisie cherche à dissoudre le prolétariat dans la "population". Elle joue sur le sentiment "anticapitaliste" largement répandu pour amener le prolétariat à exprimer sa colère dans le cadre des institutions de l’Etat démocratique, dans les urnes électorales; c’est-à-dire là où il est complètement impuissant.
En complément de l'idéologie réformiste de l’altermondialisme, l’idéologie anarchiste (qui en forme le versant radical), montre toute son utilité pour la bourgeoisie. Quel avantage la classe dominante peut-elle tirer de l'anarchisme, de cette idéologie, en apparence aussi "anti-étatique" et anti-bourgeoise ?
Celui du ‘révolutionnarisme’, trompeur, car inoffensif et incapable à mettre en péril la domination de la bourgeoisie, et cela du fait que l'anarchisme partage avec la bourgeoisie "démocratique" certaines conceptions qui l’enchaîne à la société capitaliste :
Aujourd’hui, le traumatisme historique du stalinisme, font que beaucoup de prolétaires à la recherche d’une perspective réellement révolutionnaire sont séduits par le courant "libertaire".
Dans ce milieu autour de l’anarchisme et de l’anarcho-syndicalisme, la clarification politique de ceux qui sont sincèrement attachés à la cause du communisme, passe par leur volonté de comprendre et de se réapproprier l'expérience historique réelle de la classe ouvrière.
[2] [688] Nous n’abordons pas dans cet article la question : qui fait partie de la classe ouvrière ? Nous indiquerons seulement que c’est "le fait d’être privé de moyens de production et d’être contraint pour vivre, de vendre sa force de travail à ceux qui les détiennent et qui mettent à profit cet échange pour s’accaparer une plus-value, [qui] détermine l’appartenance à la classe ouvrière." Pour plus de détails lire l’article "Le prolétariat est bien la classe révolutionnaire" dans les numéros 73 et 74 de la Revue Internationale.
[3] [689] L. Trotsky, 1905, Editions de Minuit, p. 76-77
[4] [690] R. Kurz, E. Lohoff, N. Trenke, Manifeste contre le travail, 2002, Ed. Léo Scherr.
L’article que nous publions ci-dessous a été rédigé avant les élections palestiniennes dont la tenue avait été auparavant unanimement saluée par toutes les grandes démocraties occidentales comme un pas important pour la démocratie au Moyen-Orient. La victoire retentissante du Hamas intégriste, évince d’emblée du pouvoir un Fatah profondément divisé et largement discrédité dans la population qui n’y a vu qu’un régime corrompu et rendu responsable d’années de misère et de répression. Cette victoire-surprise d’une fraction "extrémiste" jusqu’ici partisane d’une lutte à mort contre l’Etat d’Israël et dont la branche armée a signé les attentats-kamikazes les plus meurtriers et sanglants de ces dernières années, inquiète les principales puissances démocratiques de la planète. D’une part, cet événement constitue d’abord une illustration supplémentaire de l’enfoncement de cette région du monde dans l’engrenage d’une barbarie et d’un chaos que les grandes puissances ont de plus en plus de difficultés à contrôler. D’autre part, il représente en lui-même un puissant facteur d’accélération de ce chaos.
La disparition maintenant certaine de la scène politique d’Ariel Sharon, avant même sa mort effective, ont donné lieu à un véritable concert de louanges de la part de la bourgeoisie : partout il est proposé à la classe ouvrière de pleurer "cet homme de paix". Le 7 janvier nous pouvions lire dans Libération : "Le successeur d’Ariel Sharon aura-t-il les épaules assez larges pour relancer le processus de paix. La question semble tarauder depuis mercredi soir tous les états-majors politiques qu’ils soient palestinien, arabe, occidental ou bien sûr israélien." Le président américain, pour sa part, n’a pas fait dans la nuance : "C’est un homme bon, un homme fort, qui avait une vision de la paix." Tout ceci n’est qu’un ramassis de mensonges et d’hypocrisie. Si la bourgeoisie des plus grands pays verse aujourd’hui des larmes de crocodile, c’est qu’elle trouve son intérêt à mettre en scène la mort politique de l’un des siens. La classe bourgeoise poussée dans une fuite en avant impérialiste et guerrière, dont elle maîtrise de moins en moins le déroulement, tente une nouvelle fois, à travers cette campagne idéologique, de faire croire à la classe ouvrière qu’il peut exister un avenir de paix dans cette société capitaliste pourrissante.
Ariel Sharon, grand serviteur de la bourgeoisie
Cet "homme de paix" commence sa brillante carrière militaire en tant qu’officier dès l’age de 28 ans. Il y commande alors en 1956, pendant la guerre de Suez, la 202e brigade. Sharon participe activement à l’offensive militaire menée conjointement par Israël, l’Angleterre et le France contre l’Egypte et qui aboutit après de violents affrontements à un échec retentissant. le Likoud. Commence alors parallèlement à une élection comme député du Likoud sa carrière de chef de guerre à la solde de l’Etat hébreu. Pendant la guerre du Kippour à la fin des années 1970, il se rendra célèbre en tant que commandant des blindés, dans son affrontement avec la 11e armée égyptienne. Les aviations égyptiennes sont mises hors de combat en quelques heures. La péninsule du Sinaï et la Cisjordanie sont totalement occupées. Les conditions de l’enfoncement dans la barbarie sont ainsi mises en place au Moyen-Orient. En 1982, Sharon est le chef incontesté de l’armée israélienne qui assiège Beyrouth au Liban. Les troupes israéliennes pénètrent dans la capitale en septembre, laissant les phalanges chrétiennes massacrer près de 1500 personnes. Il sera reconnu "indirectement" responsable par la commission d’enquête dirigée par le juge en chef Yizhak Kahan, de la cour suprême, du massacre de ces populations civiles palestiniennes des camps de réfugiés de Sabra et Chatila. Il sera alors momentanément obligé de démissionner de son poste de ministre de la défense. Mais Sharon ne terminera pas là sa triste histoire politique. Sa présence provocatrice sur l’esplanade des Mosquées est le facteur déclencheur de la 2e Intifada. Elle traduit une volonté d’attiser la haine entre Palestiniens et Israéliens, après l’échec des négociations de Camp David à l’été 2000.
Réélu premier ministre de l’Etat d’Israël en mars 2003, il ne cessera depuis de mener la politique guerrière et barbare de l’Etat israélien en Cisjordanie et à Gaza. Au cours des trois dernières années, l’administration Sharon, tout en poursuivant raids et bombardements aériens sur les zones de population civile, ira jusqu’à légaliser les "attentats ciblés" : meurtres programmés et organisés par l’administration israélienne.
Le départ d’Ariel Sharon du Likoud il y a quelques mois et la fondation d’un nouveau parti entièrement rassemblé autour de sa personne ne traduisaient en rien une volonté de paix de la part du chef israélien. La politique internationale menée par son gouvernement est au contraire la politique impérialiste la mieux adaptée à la défense des intérêts d’Israël. Lorsque Gaza a été évacuée l’été dernier, les médias bourgeois pouvaient parler d’un pas important effectué en direction de la paix. On voit aujourd’hui ce qu’il en est réellement. Gaza est un territoire encerclé, coupé du monde et plongé dans une totale anarchie où les bandes armées privées font régner leur loi. Ce retrait israélien de la Bande de Gaza, orchestré par Sharon, correspondait au besoin d’un renforcement de la présence d’Israël en Cisjordanie. Le mur bâti autour de cette région et dont le tracé a été modelé par la bourgeoisie israélienne va permettre l’implantation de nouvelles colonies ; il permet également l’isolement total de Jérusalem-Est. Les limites d’Ariel Sharon n’étaient ni les exigences de l’Autorité palestinienne, ni celles de la communauté internationale. L’accord d’une majorité de la bourgeoisie israélienne et de l’administration Bush lui étaient seuls nécessaires.
Pour le Financial Times, la réalité est encore plus clairement affichée. La politique de Sharon n’est en rien compatible avec un minimum de stabilisation dans cette partie du Moyen-Orient, "car sa conception de la sécurité d’Israël est incompatible avec l’avènement d’un cadre de vie pour les Palestiniens."
Chaque jour en Israël, à Gaza, en Cisjordanie, connaît son lot de violence et d’attentats. La crise au sein de l’Autorité palestinienne ne cesse de s’aggraver. Comme nous l’avions déjà écrit dans notre presse, la mort de l’ancien leader palestinien Arafat ne pouvait être qu’un facteur d’accélération du chaos et de la barbarie.
L’enfoncement dans la barbarie guerrière, seule perspective au Moyen-Orient
Pour la bourgeoisie israélienne, comme pour la bourgeoisie palestinienne, il n’existe pas d'autre choix que la fuite en avant dans l’affrontement. La perspective de la restauration d’une autorité forte en territoires palestiniens, embryon d’un futur Etat est une pure illusion. Quant à Israël, sa perspective de fuite dans la barbarie impérialiste n’est pas dépendante du "centrisme" affiché du nouveau parti d’Ariel Sharon, comme de la radicalisation à droite du Likoud de Netanyahou, pas plus qu’à la propagande pacifiste d’une partie de la gauche israélienne. Depuis la fin du 2e conflit mondial, jamais la guerre n’a cessé au Moyen-Orient, dont l'histoire est ponctuée par des affrontements impérialistes caractérisés, avec la guerre de Suez en 1956, celles des Six Jours en 1967, du Kippour en 1973 et du Liban en 1982.
Depuis mai 2003, les négociations ont repris autour "d’une feuille de route", proposé par les Etats-Unis, l’ONU, l’Union Européenne et la Russie. Mais le développement féroce des intérêts impérialistes toujours plus divergents entre ces grandes puissances est la garantie dramatique de l’aggravation de la barbarie dans cette région du monde. Il n’y a pas de paix possible dans le capitalisme.
Tino (19 janvier)
Que nous proposent aujourd'hui les syndicats qui prétendent défendre nos intérêts pour résister aux attaques massives de la bourgeoisie ? Ils nous appellent à nous mobiliser à travers une ribambelle de journées d'actions à répétition en évoquant le "succès" de celle du 4 octobre dernier qui était restée sans lendemain.
Le 31 janvier, l'appel à des mobilisations inter-professionnelles locales "pour la défense de l'emploi, des salaires et des conditions de travail" est lancé par la seule CGT.
Le 1er février, syndicats d'enseignants et de parents d'élèves sont appelés à une manifestation contre le manque de moyens des écoles dans la banlieue parisienne.
Le 2 février, c'est au tour de toute la fonction publique que les principaux syndicats (CGT, FO, FSU, CFDT) ont appelé à manifester pour réclamer une hausse des salaires des fonctionnaires et une refonte de la grille indiciaire, tout en faisant l'impasse sur les suppressions massives de postes et la dégradation des conditions de travail. En fait, pour mieux morceler cette "riposte", trois syndicats ont donné, quelques jours auparavant, leur accord (ce qui a clôturé la négociation) à une augmentation symbolique proposée par le gouvernement : deux augmentations salariales de 0,5 % en juillet et en… février 2007, agrémentées d'un dérisoire point d'incice supplémentaire à tous les agents de l'Etat en novembre prochain.
Le 7 février, en pleine période de vacances scolaires, (ce qui est un bon moyen d'éviter une mobilisation massive) CGT, FO, CFDT, CFTC, FSU, UNSA ainsi que le syndicat UNEF pour les étudiants et UNL pour les lycéens, appellent à un large rassemblement et à des manifestations communes pour "le retrait du contrat première embauche".
Enfin, à l'appel de la Confédération Européenne des Syndicats, une manifestation est organisée à Strasbourg contre l'hydre de la directive Bolkestein.
Que peuvent retirer les ouvriers de ces journées d'action ? Rien, sinon un épuisement stérile de leur combativité, un sentiment d'impuissance et de démoralisation avec l'impression que "lutter ne sert à rien". Et c'est exactement le but recherché par les syndicats et l'ensemble de la bourgeoisie. C'est aussi le but recherché par les organisations trotskistes, comme celle d' Arlette Laguiller, qui font semblant de défendre les luttes ouvrières contre le sabotage syndical.
Dans son n° 1956 du 27 janvier, le journal "Lutte Ouvrière" adopte un ton "radical" dans un article sur la journée d'action syndicale du 2 février :"Emploi et salaire sont des exigences partagées par tous. Malheureusement, l'égrènement des dates des journées fixées par les centrales syndicales dilue dramatiquement la réponse des travailleurs (…) C'est bien la même riposte qu'il faut construire". Mais dans le même numéro, un communiqué de LO en encadré appelle à participer à la journée d'action syndicale du 7 non pas contre TOUTES les attaques de la bourgeoisie, mais uniquement contre le Contrat Première Embauche avec comme mot s'ordre : "Villepin doit retirer son projet !"
La multiplication des mobilisations syndicales, l'éparpillement, le saucissonnage de la riposte, n'est ni un produit de la division syndicale, ni le résultat d'une tactique erronée. C'est une manœuvre de sabotage de la lutte qui correspond à la fonction que les syndicats occupent depuis près d'un siècle : être des organes d'encadrement de la classe ouvrière au service de l'Etat capitaliste (<!--[if !supportFootnotes]-->[1]<!--[endif]--> [691]). C'est pour cela que la mise en avant de revendications particulières à tel ou tel secteur, divisant, opposant, les intérêts des ouvriers entre eux constitue la tâche quotidienne, ordinaire et sans relâche des syndicats. Ce travail de division s'oppose directement aux besoins d'unité et de solidarité de la classe ouvrière. Les syndicats (et leurs appendices trotskistes) se posent d'autant plus comme des obstacles au développement des luttes ouvrières que les attaques massives actuelles n'épargnent aucun secteur ni aucune génération.
La multiplication actuelle de leurs "journées d'action" sert à émietter et défouler la montée du mécontentement social et à épuiser la combativité des ouvriers. C'est pour empêcher la classe ouvrière de prendre des initiatives que les syndicats prennent les devants en quadrillant tout le terrain social.
L'action des syndicats sert en même temps à paralyser la réflexion de la classe ouvrière et à l'empêcher de comprendre l'enjeu réel de ses luttes immédiates : la perspective de renversement du capitalisme, la possibilité de construire une nouvelle société qui abolira la misère, le profit et l'exploitation.
Alors que l'aggravation des attaques de la bourgeoisie est l'expression de la faillite irrémédiable du système capitaliste, l'idéologie syndicale veut faire croire que ces attaques seraient le produit d'un choix, d'une politique libérale d'un gouvernement de droite faisant le jeu du patronat privé. Bref, qu'il suffirait d'une "bonne" gestion de l'économie (ou de "prendre dans la poche des riches") pour améliorer le sort de la classe ouvrière.
Cette propagande est un complément de la mystification démocratique et électorale qui vise à faire croire qu'un bulletin de vote pourrait changer la donne.
Pour pouvoir développer leurs luttes, les ouvriers ne peuvent pas s'en remettre aux syndicats, ni rester à leur remorque. Ils doivent prendre eux-mêmes la direction de leur combat, à travers les Assemblées Générales massives, ouvertes à toute la classe exploitée, aux jeunes comme aux "seniors", aux ouvriers actifs comme aux chômeurs
L'expérience de la grève de masse en Pologne en août 1980 a montré que la classe ouvrière est capable de s'organiser sans les syndicats pour développer, unifier ses luttes et faire trembler la bourgeoisie. Cette expérience a montré que c'est grâce au syndicat Solidarnosc (soutenu par certains syndicats occidentaux) que la bourgeoisie en Pologne a pu briser la dynamique de la grève de masse. C'est à cause des illusions sur le syndicalisme "libre" et "démocratique", un syndicalisme "à l'occidentale", que les ouvriers de Pologne ont été battus (ce qui a permis le coup d'Etat du général Jaruzelski en décembre 1981) (<!--[if !supportFootnotes]-->[2]<!--[endif]--> [692]).
Pour se défendre, opposer un front massif et uni face aux attaques de la bourgeoisie, les ouvriers doivent tirer les leçons de cette expérience : lutter derrière les syndicats, c'est aller à coup sûr à la défaite !
W (28 janvier)
<!--[if !supportFootnotes]-->[1]<!--[endif]--> [693] Lire notre brochure Les syndicats contre la classe ouvrière.
<!--[if !supportFootnotes]-->[2]<!--[endif]--> [694] Voir sur notre site Web notre article sur les leçons d'août 1980 en Pologne.
A l’occasion de la commémoration des dix ans de la mort de Mitterrand, début janvier 2006, le groupe trotskiste "Lutte Ouvrière" (LO) a, une fois encore, dévoilé son hypocrisie et sa duplicité.
Dans l’éditorial de son hebdomadaire n°1954, Arlette Laguiller n’a aujourd’hui pas de mots assez durs pour dénoncer Mitterrand, en rappelant que "cet ‘homme de gauche’ avait commencé sa carrière sous Pétain comme homme de droite (…)" et qu’il "s’était illustré par des déclarations de guerre du genre (…) : ‘La seule négociation, c’est la guerre’" (lors de la guerre d’Algérie).
A la fin de son éditorial, Arlette appelle donc la classe ouvrière à se souvenir de Mitterrand comme "d’un homme qui a rendu au grand patronat et à la bourgeoisie le fier service de faire passer pour une politique de gauche une politique de soutien sans faille au grand patronat, au détriment des intérêts élémentaires du monde du travail."
Notre Arlette nationale, ne se prive pas, au passage, d’épingler le PCF : elle lui reproche d’avoir mystifié les ouvriers en les appelant à voter pour Mitterrand en 1974 et 1981. Et, mieux encore, LO reproche au PC d’avoir dévoyé les luttes ouvrières sur le terrain électoral puisqu’il a fait "croire aux travailleurs que Mitterrand représentait un espoir, en propageant parmi eux l’idée funeste que ce n’était pas par leurs propres luttes qu’ils pouvaient se défendre mais en permettant à la gauche d’arriver au pouvoir".
Que LO exhorte la classe ouvrière à ne jamais oublier "le mal" que Mitterrand "faisait aux travailleurs", c’est très bien ! Qu’elle dénonce le PC comme rabatteur pour le PS lors des campagnes électorales des années 1970-80, c’est très bien ! Qu’elle affirme aujourd’hui que les ouvriers devaient "se défendre" par "leurs propres luttes" et non pas en votant pour la gauche, bravo ! Arlette a fait un "sans faute"…ou presque.
En effet, il y a dans son pensum juste deux ou trois petites choses qu’elle a "oublié" de rappeler à ses lecteurs. D’abord, le PC n’est pas le seul à avoir appelé les ouvriers à voter pour Mitterrand. LO a fait exactement la même chose ! En 1974, au second tour des présidentielles, voilà ce qu’on pouvait lire dans son hebdomadaire : "Le 19 mai, les travailleurs doivent voter Mitterrand, (…) pas une seule voix ouvrière ne doit manquer à la gauche" ("Lutte Ouvrière" n° 298). En 1981, si Mitterrand a pu être élu président c’est aussi grâce à la campagne de LO dont le mot d’ordre était "Le 10 mai, sans illusion MAIS SANS RÉSERVE, votons Mitterrand" ("Lutte Ouvrière" n°675) (<!--[if !supportFootnotes]-->[1]<!--[endif]--> [695]).
Arlette semble avoir la mémoire bien courte, ou plutôt une mémoire très sélective (avec l’âge, l’éternelle candidate de LO commencerait-elle à avoir ce type de problèmes ?).
Mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit. La vérité, c’est qu’avec ses grossiers mensonges "par omission", LO nous prend pour des imbéciles ! En appelant les travailleurs à "se souvenir" de la politique anti-ouvrière et militariste de Mitterrand, LO cherche tout simplement à faire oublier sa complicité avec le PC. Elle cherche à faire oublier son sale travail de dévoiement des luttes ouvrières sur le terrain bourgeois des élections et son propre rôle de rabatteur de la gauche.
C’est justement parce que LO a fait la même chose que le PC qu’elle utilise les mêmes méthodes que son grand frère stalinien. Ainsi, depuis 1992, LO refuse de nous attribuer un stand et des forums à sa kermesse annuelle, la "Fête de Lutte Ouvrière". La raison "officielle" invoquée par LO pour justifier cette décision était la suivante : nous aurions été "malpolis" à son égard lors d’un forum, l’année précédente. En effet, au cours d’une intervention, nous avions eu la "mauvaise idée" de rappeler, preuves à l’appui, que LO avait appelé les ouvriers à voter Mitterrand en 1974 et 1981. Dès que nous avons commencé à évoquer ces faits "gênants" en brandissant les pages de couverture de son hebdomadaire du 14 mai 1974 et du 9 mai 1981, LO nous a immédiatement empêché de parler en coupant le micro. C’est pour cela que nous avons protesté en dénonçant cette attitude digne des flics staliniens (voir RI n° 214, 244 et 291).
Aujourd’hui, LO a le culot d’affirmer, avec une répugnante duplicité, que les ouvriers "ne pouvaient se défendre" que "par leurs propres luttes" et non en votant pour Mitterrand. A travers ce "radicalisme" de façade, LO ne vise qu’un seul but : tenter de se refaire une virginité pour continuer à mystifier la classe ouvrière et mieux saboter ses luttes.
Si les ouvriers doivent se souvenir de la politique capitaliste de Mitterrand, ils doivent aussi se souvenir que cette politique n’a pu être menée que grâce à tous ceux qui, comme le PC et comme LO, ont appelé à voter pour lui. Ceux-là sont tous dans le camp de la bourgeoisie !
Sofiane
<!--[if !supportFootnotes]-->[1]<!--[endif]--> [696] Les premières pages des numéros 298 et 675 de Lutte Ouvrière, dont il est question, peuvent être adressés à tout lecteur qui nous en fera la demande.
Une tactique commune dans les attaques capitalistes contre les retraites et les allocations de santé est la tentative de créer des systèmes "multi-niveaux", dans lesquels les nouveaux employés perçoivent des avantages ou des retraites plus faibles, que cela prenne la forme de baisse de la valeur des avantages perçus par les plus récents employés ou celle d’exiger d’eux un paiement plus élevé des contributions à l’assurance maladie ou aux fonds de pension. Les ouvriers plus anciens sont bridés par la promesse que les coupes ne les affecteront pas, mais seulement ceux qui seront embauchés à l'avenir. Traditionnellement, les syndicats aident à faire passer ces "marchés", saluant leurs "efforts" pour avoir préservé les ouvriers déjà employés comme des "victoires". Cette tactique monte les ouvriers les uns contre les autres, opposant les intérêts des ouvriers employés de longue date à ceux fraîchement embauchés, la vieille génération contre la jeune – une recette désastreuse pour l’unité de la classe ouvrière – permettant aux directions de diviser les ouvriers et de vaincre leur résistance. Cela a précisément été la l'option choisie : diviser les ouvriers qui s’est trouvée au cœur de la récente lutte dans les transports de la ville de New York. La Metropolitan Transit Authority, contrôlée par le gouverneur, et dans une moindre mesure par le maire, a cherché à reculer l’âge de la retraite pour les nouveaux embauchés, des actuels 55 ans à 62 ans, et à exiger que ces derniers paient 6 % de leur salaire pour les fonds de pension. L’âge de la retraite à 55 ans (après 25 ans de service) est depuis longtemps en place du fait de la reconnaissance des conditions de travail extrêmement pénibles dans lesquelles triment les ouvriers des transports, dans des souterrains vieux de cent ans, avec un air vicié, le pullulement des rats et le manque général de structures sanitaires. La proposition du gouvernement n’aurait cependant touché aucun des ouvriers déjà employés.
Mais les ouvriers du métro et des bus n’étaient absolument PAS prêts à se laisser diviser par cette escroquerie. Instruits par l'expérience vécue chez nombre de leurs camarades dans d'autres secteurs ayant déjà subi une attaque sur leurs retraites, les ouvriers des transports ont refusé d’accepter qu'on touche à leur régime de retraites. De fait, ils se sont mis en grève pour protéger les retraites des ouvriers qui n’étaient pas encore au travail, ceux qu’ils appelaient "nos pas encore nés", leurs fururs collègues. En tant que telle, cette lutte est devenue l’incarnation la plus claire du mouvement pour réaffirmer l’identité de classe du prolétariat et sa solidarité à ce jour. Elle n’a pas seulement eu un impact profond sur les ouvriers qui ont participé à la lutte, mais aussi sur la classe ouvrière dans d’autres secteurs. Les ouvriers du métro se sont ainsi mis en grève par solidarité de classe avec la génération future, avec ceux qui n’étaient pas encore embauchés. Cette grève a eu un écho favorabche chez beaucoup d’ouvriers, dans de nombreuses industries, qui ont enfin vu des ouvriers se lever en disant : "Ne touchez pas aux retraites !".
La grève des 33 700 ouvriers du métro qui a paralysé la ville de New York trois jours durant dans la semaine avant Noël a été la lutte ouvrière la plus significative depuis quinze ans aux Etats-Unis. Elle a été importante pour un nombre de raisons qui sont liées :
La signification de cette grève ne doit pas être exagérée ; elle ne peut être comparée aux grèves des années 1980 qui ont non seulement été capables de remettre en cause l'autorité de l'appareil d'encadrement syndical destiné à contrôler et à faire dérailler les luttes ouvrières mais qui ont aussi posé la question de l’extension de la lutte à d’autres ouvriers. Cependant, considérant le contexte de conditions difficiles dans lesquelles la classe ouvrière lutte aujourd’hui, cette signification doit être clairement comprise.
Bien qu’elle soit restée strictement sous le contrôle d’une direction syndicale locale dominée par les gauchistes et les syndicalistes de base, la grève du métro a reflété non seulement la combativité montante de la classe ouvrière, mais aussi des pas en avant significatifs et importants dans le développement d’un sentiment retrouvé de l’identité et de la confiance en elle-même de la classe ouvrière, ainsi que de la compréhension de la solidarité de classe, de l’unité des ouvriers par-delà les frontières des générations et des lieux de travail. Les ouvriers du transports ont entrepris cette grève alors même qu’ils savaient être en violation de la loi Taylor de New York qui interdit les grèves dans le secteur public et pénalise automatiquement les grévistes de deux jours de salaire pour chaque jour de grève, ce qui veut dire perdre trois jours de salaire pour chaque jour de grève (un jour pour celui non travaillé et deux jours de pénalité). La ville a ainsi menacé de requérir une amende pénale de 25 000 dollars contre chaque ouvrier pour fait de grève, et de la faire doubler chaque jour : 25 000 dollars le premier jour, 50 000 le deuxième, 100 000 le troisième. Face à des manaces si lourdes brandies par la bourgeoisie, la décision de faire grève n’a pas été prise à la légère par les ouvriers mais a représenté un acte courageux de résistance.
Ce qui rend la grève des transports de New York si significative n’est pas simplement qu’elle a paralysé la plus grande ville de l’Amérique trois jours durant, mais par le niveau de progrès dans le développement de la conscience de classe qu’elle reflète.
Comme nous avons dit, la principale question dans la grève était la défense des retraites, qui subissent une attaque incroyable de la bourgeoisie partout dans le monde et spécialement aux Etats-Unis. Dans ce pays, les allocations gouvernementales de sécurité sociale sont minimales et les ouvriers comptent sur leur entreprise ou sur des fonds de pension liés à leur travail pour maintenir leur niveau de vie une fois à la retraite. Ces deux genres de pensions sont en danger dans la situation actuelle, la première sous les efforts de l’administration Bush pour "réformer" la sécurité sociale, et la deuxième à travers le véritable manque de finances et les pressions pour réduire le paiement des retraites.
La réaffirmation de la capacité de la classe ouvrière à se concevoir et à réagir en tant que classe a pu être constaté à plusieurs niveaux et dans de nombreuses manifestations dans la lutte des transports. Clairement, le problème central lui-même – la protection des retraites pour les futures générations d'ouvriers – contenait cet aspect. Ce n’est pas seulement à un niveau abstrait mais à un niveau concret qu’on pouvait le percevoir et l’entendre. Par exemple, à un piquet de grève d’un dépôt de bus de Brooklyn, des douzaines d’ouvriers se sont rassemblés en petits groupes pour discuter de la grève. Un ouvrier a dit qu’il ne pensait pas qu’il était juste de lutter sur les retraites pour de futurs ouvriers, pour des gens qu’on ne connaissait même pas. Ses collègues s'opposèrent à lui en argumentant que ces futurs ouvriers contraints d’accepter l’attaque contre les retraites "pouvaient être nos enfants". Un autre a dit qu’il était important de maintenir l’unité des différentes générations dans la force de travail. Il a montré que dans le futur il était probable que le gouvernement essaierait de diminuer les avantages médicaux ou le paiement des retraites "pour nous, quand nous serons en retraite. Et il sera important pour les gars au travail alors de se souvenir que nous nous sommes battus pour eux, afin qu’ils se battent pour nous et les empêchent de casser nos avantages". Des discussions similaires se sont passées ailleurs dans la ville, reflétant clairement et concrètement la tendance des ouvriers à se concevoir en tant que classe, à rechercher au-delà des barrières générationnelles que le capitalisme cherche à utiliser pour diviser les uns et les autres.
D’autres ouvriers passant devant les piquets de grève klaxonnaient en signe de solidarité et criaient des hourras de soutien. A Brooklyn, un groupe d’enseignants d’une école élémentaire a exprimé sa solidarité en discutant de la grève avec les élèves et a amené les classes d’élèves de 9-12 ans à rendre visite à un piquet de grève. Les enfants ont apporté des cartes de Noël aux grévistes avec des messages comme : "Nous vous soutenons. Vous vous battez pour le respect."
La grève des transports est devenue un point de référence pour les ouvriers dans d’autres secteurs. A côté des démonstrations de soutien et de solidarité mentionnées ci-dessus, il y a eu de nombreux autres exemples. Les ouvriers qui nne travaillaient pas dans les transports étaient bienvenus aux piquets de grève. Par exemple, un groupe de maîtres-assistants de l’université de New York en grève a rendu visite au piquet de Brooklyn ; ils se sont présentés pour discuter des problèmes de la grève et de sa stratégie avec les ouvriers. Dans d’innombrables lieux de travail autour de la ville, d’autres ouvriers d’autres secteurs ont parlé de l’importance de la solidarité comme étant un exemple sur la question de la défense des retraites.
La sympathie pour les grévistes est restée forte malgré une intense campagne de diabolisation des grévistes menée par la bourgeoisie dès le deuxième jour de la paralysie des transports. Les tabloïdes, comme le Post et le Daily News, traitaient les grévistes de "rats" et de "lâches". Même le libéral New York Times dénonçait la grève comme "irresponsable" et "illégale".
L’illégalité de la grève elle-même a déclenché des discussions importantes au sein de la classe ouvrière à travers la ville et dans le pays. Comment pouvait-il être illégal pour les ouvriers de protester en se retirant du travail ? demandaient beaucoup d’ouvriers. Comme l’a dit un ouvrier lors d’une discussion dans une école de Manhattan, "c’est presque comme si on ne pouvait faire grève que si elle n’avait aucun effet".
Alors que le syndicat local des ouvriers des transports, conduit par les gauchistes et syndicalistes de base contrôlait clairement la grève, employait une rhétorique combative et adoptait un langage de solidarité pour tenir fermement en mains la grève, le rôle du syndicat a été de miner la lutte et de minimiser l’impact de cette grève importante. Très tôt les syndicats ont laissé tomber la revendication d’une augmentation de salaire de 8 % pendant trois ans, et ont focalisé entièrement sur les retraites.
La collusion entre le syndicat et la direction a été révélée dans un reportage publié après la grève dans le New York Times. Tandis que le maire et le gouverneur appelaient bruyamment à la reprise du travail comme pré-condition à l’ouverture de négociations, des négociations secrètes étaient en fait en route à l’Hôtel Helmsley, et le maire acceptait secrètement une proposition de Toussaint d’obtenir de la direction le retrait de l’attaque sur les retraites en échange d’une augmentation des contributions des ouvriers à la couverture maladie, pour dédommager le gouvernement du coût représenté par le maintien des retraites pour les futurs employés.
Cette fin orchestrée par le syndicat et le gouvernement n’est bien sûr pas une surprise, mais simplement une confirmation de la nature anti-ouvrière de tout l’appareil syndical, et n’enlève rien à la signification des apports importants réalisés dans le développement de la conscience de classe. Cela nous remet en mémoire les tâches importantes qui restent devant la classe ouvrière pour se débarrasser du carcan syndical et pour garder le contrôle de la lutte dans ses propres mains.
D'après Internationalism (publication du CCI aux Etats-Unis)Décembre 2005
Le 23 décembre, dans l'entreprise automobile SEAT de Barcelone, les ouvriers des équipes du matin et de l’après-midi, se sont spontanément mis en grève, en solidarité avec les 660 camarades à qui la direction avait adressé le jour même une lettre de licenciement.
C’était le début de la riposte à une attaque criminelle contre leurs conditions de vie. Une attaque parfaitement préméditée et traîtreusement portée par le triangle infernal constitué par le patronat, la Généralité (<!--[if !supportFootnotes]-->[1]<!--[endif]--> [697]) et les syndicats. Une attaque qui va bien au-delà des 660 licenciements, puisqu’à ces derniers s’ajoutent les licenciements disciplinaires des ouvriers qui avaient participé aux actions de début décembre, des licenciements masqués sous couvert de 296 démissions "volontaires", les plans d’intensification de l’exploitation visant à augmenter la production et au moyen desquels on faisait payer aux travailleurs leurs "heures dues"… En définitive, c’est une attaque brutale qui ouvre la porte à de nouvelles attaques. Ce n’est pas gratuitement que le président de la compagnie a annoncé avec arrogance et de façon provocante que "les mesures contenues dans l’accord ne résorbent pas tout l’excédent de personnel".
Comme les camarades de SEAT et tous les travailleurs, nous devons lutter ; mais pour pouvoir lutter avec force, nous devons tirer au plus vite les leçons de la stratégie de manipulation et de démobilisation que le patronat, les gouvernants et les syndicats ont mise en place contre les travailleurs.
Une stratégie calculée pour démobiliser les travailleurs
Depuis l'annonce, à la mi-août, par l’entreprise de la "nécessité" de mener à bien une réduction de personnel, "échangeable" éventuellement contre une baisse des salaires de 10%, les dirigeants de l’entreprise, ainsi que ceux qui se prétendent "représentants" des ouvriers, c’est-à-dire les syndicats et le gouvernement de "gauche" de la Généralité, se sont partagé les rôles pour empêcher qu’une lutte ouvrière réelle puisse bloquer l’application du plan.
Pendant plus de deux mois, depuis août jusqu’au début de décembre, les représentants syndicaux se sont consacrés à tenter d’anesthésier l’inquiétude qui se propageait parmi les travailleurs face à la menace de licenciements, en disant que ceux-ci ne seraient pas justifiés puisque "l’entreprise était bénéficiaire", la crise de SEAT serait "conjoncturelle" ou conséquente à une "mauvaise politique commerciale". Avec de tels mensonges - que nous avons dénoncés dans notre tract "SEAT : Sauver l’entreprise signifie des licenciements et des contrats bidon. La seule riposte est la lutte ouvrière" - ils faisaient baisser la garde des travailleurs, leur faisant croire que ce n’était qu’une bravade du Patronat insatiable, à laquelle les études économiques des syndicats ou les pressions du gouvernement "progressiste" et de "gauche" de la Généralité, finiraient par mettre bon ordre. Ce même patronat a participé à cette mystification, jouant à cache-cache pendant des semaines jusqu’au 7 novembre où il a annoncé la ERE (Procédure de Régulation de l’Emploi) pour 1346 travailleurs.
Les syndicats avaient prévu ce jour-là une grève partielle, que les travailleurs ont débordée par des manifestations qui, dans la Zone Franche et à Martorell (<!--[if !supportFootnotes]-->[2]<!--[endif]--> [698]), ont coupé les routes. Face à une telle situation, la Plate-forme Unitaire (à laquelle participent l’UGT, les CCOO, et la CGT) (<!--[if !supportFootnotes]-->[3]<!--[endif]--> [699]) appellent à une grève d’une journée, le 10 novembre, et à une manifestation pour "exiger" que la Généralité "s’implique dans le conflit en faveur des travailleurs" (!). Les trois syndicats veulent par cette ‘action’ "confier notre sort à nos bourreaux, aux maîtres de la bonne parole et du coup de poignard dans le dos. L’État n’est pas le représentant du peuple mais le défenseur inconditionnel des intérêts du capital national. Toutes les autorités –du président du gouvernement au moindre maire- sont là pour veiller à la défense de celui-ci".
Après cette mascarade, les 3 syndicats se sont débarrassés du problème et n’ont plus appelé à la moindre action ! Jusqu’au 1er décembre ! Soit trois semaines pendant lesquelles les travailleurs ont été maintenus dans la passivité et l’attente, abrutis par d’interminables ‘négociations’, puis par la ‘médiation’ de Monsieur Rané, conseiller au Travail [à la Généralité]. Comme nous le dénonçons dans le tract, "cette tactique des 'pressions' et des 'pétitions' dupe les ouvriers et les rend passifs".
La Plate-forme Unitaire des 3 syndicats s’engagea à "revenir à la charge" après la semaine des "congés" (du 5 au 10 décembre). Mais ce n’était qu’un mensonge de plus ! Prétextant des limites légales imposées par le ERE, les pressions de la Généralité qui faisait planer la menace d’un "arbitrage",… ils ont "oublié" les mobilisations et, le 15 décembre, les CCOO et l’UGT (la CGT s’étant retirée le 13) ont signé l'accord pour les 660 licenciements.
Mais le pire était à venir : elles ont gardé le silence pendant toute une semaine sur l’identité des victimes, gardant pour le dernier jour précédant les vacances le "gros" des lettres de licenciements, et comble du cynisme et de l’humiliation, ils ont traité les travailleurs concernés de fainéants et de criminels. Cette manœuvre vile et lâche les démasque (ne disaient-ils pas avoir signé le "meilleur accord possible" ?) et démontre également qu’ils ont peur des travailleurs, car s’ils s’étaient sentis sûrs d’eux, ils auraient tout de suite annoncé les licenciements, et n’auraient pas multiplié les agents de sécurité privés qui gardent de près les sièges de l’UGT et de CCOO.
La lutte doit être menée par l’assemblée des travailleurs
La CGT joue le rôle du "bon syndicat" qui est proche des travailleurs. Il est certain que 145 de ses adhérents font partie des licenciés. Mais la souffrance de ces camarades et la solidarité avec eux ne peuvent cacher que la CGT n’a pas été une alternative à l’UGT-CCOO, et que, bien au contraire, elle n’a rien à leur envier. Pourquoi a-t-elle participé à la mascarade des "négociations" et de "lutte" de la Plate-forme Unitaire qu’elle n’a quitté qu’à la date tardive du 13 décembre ? Pourquoi, lorsque l’UGT et les CCOO ont signé, l’unique "mobilisation" à laquelle elle a appelé fut un rassemblement en dehors de l’usine, dont très peu d’ouvriers furent informés et à laquelle se rendirent 200 personnes seulement ? Pourquoi le matin du 23, avant les grèves spontanées, "la CGT a-t-elle décidé de limiter la protestation à quelques heures seulement" (Résumé du site Internet Kaosenlared, 24-12-05) alors que c’était le moment de foncer et qu’il y avait des forces comme le démontra l’équipe de l’après-midi qui se réunit en assemblée et décida de se mettre en grève pour la journée entière. Pourquoi toute alternative de sa part se réduisait-elle à "réviser au cas par cas chacun des licenciements et si nécessaire de faire un recours en justice." ?
Jusqu’au 23, les travailleurs ont été victimes d’une démobilisation, d’une stratégie pour empêcher toute riposte. Les syndicats ne se jouent pas de nous seulement en signant les licenciements ; ils se jouent de nous auparavant lorsqu’ils organisent leurs "Plans de Lutte". Leur action contre les ouvriers se concrétise en 3 facettes intimement liées :
- leurs pactes et accords avec le patronat et le gouvernement ;
- leurs plans de "lutte" qui sont en réalité des stratégies contre la lutte ;
- leur défense inconditionnelle de l’intérêt de l’entreprise et de l’économie nationale qu’ils prétendent faire coïncider avec celui des travailleurs alors qu’ils sont diamétralement opposés.
En cela, la principale leçon de la lutte de SEAT que les ouvriers eux-mêmes commencent à tirer dans la pratique avec les grèves spontanées et les assemblées du 23, est qu'on ne peut pas confier la lutte aux syndicats.
Le 23, les licenciés, au lieu de rentrer chez eux ruminer de façon solitaire l’angoissante perspective du chômage, se sont tournés vers leurs camarades, et ceux-ci, au lieu de se laisser aller à la consolation du "ce n’est pas à moi que ça arrive", ou derrière la réponse individualiste du "chacun se débrouille comme il peut", ont manifesté la solidarité de la lutte. Ce terrain de la solidarité, de la riposte commune des licenciés et de ceux qui conservent encore leur emploi, des chômeurs et des actifs, des précaires et des contrats à durée "indéterminée", c'est la base d’une réponse effective aux plans inhumains des capitalistes.
L’année 2006 commence avec le drame des 660 licenciés de SEAT, mais qui peut croire que ce seront les derniers ? Nous savons tous que non. Nous savons que le coup de poignard des licenciements, que le crime des accidents de travail, que l’angoisse de ne pouvoir payer un logement décent, que les menaces sur les retraites, que la "réforme" du travail que concocte le trio infernal gouvernement-patronat-syndicats, seront la source de nouvelles souffrances. Que dans le secteur de l’automobile, comme dans tous les pays, les attaques contre les conditions de vie des ouvriers vont se poursuivre ; que les horreurs de la guerre, la faim, la barbarie qui accompagnent le capitalisme, comme la faux accompagne la mort, vont continuer.
C’est pourquoi il faut se lancer dans la lutte. Mais pour que la lutte soit efficace et puissante, le développement de la solidarité de classe est nécessaire, et elle doit être organisée et contrôlée par les ouvriers eux-mêmes.
Le besoin de la solidarité de classe
Le problème de SEAT ne se réduit pas aux 660 licenciés ; le problème concerne tout le personnel. Ce n’est pas seulement le problème des ouvriers de SEAT mais de tous les travailleurs, aussi bien les fonctionnaires ayant un "emploi garanti" (jusqu’à quand ?) que les travailleurs des entreprises du privé, aussi bien les sans-papiers que ceux qui en ont. Nous sommes tous ou nous serons tous dans la même situation que SEAT !
Notre force est la solidarité de classe, l’unité dans la lutte. Une lutte limitée à SEAT et enfermée dans SEAT serait une lutte perdue.
Mais en quoi consiste la solidarité ? Est-ce de boycotter l’achat de voitures de cette marque ? (Est-ce que par hasard les autres marques ne licencient pas ?) Est-ce de faire des rassemblements de licenciés devant les portes de l’usine ? S’agit-il des déclarations de "soutien" de la part du "secteur critique" des Commissions ouvrières ou de EUA (<!--[if !supportFootnotes]-->[4]<!--[endif]--> [700]) ? Consiste-t-elle en des "actes citoyens" dans les quartiers, manipulation qui n'aura servi qu'à faire accepter les manoeuvres crapuleuses du trio infernal à la SEAT ?
Cette "solidarité" est aussi fausse que les "plans de lutte" de la Plate-forme Unitaire de SEAT. La seule solidarité effective est de s’unir dans la lutte ! Que les ouvriers des différents secteurs, des différents quartiers, se fondent dans une même lutte en brisant ces barrières qui nous affaiblissent tant : l’entreprise, le secteur, la nationalité, la race, au moyen de la force directe de délégations, d’assemblées et de manifestations communes.
La nécessité d'assemblées ouvrières souveraines
L’expérience de SEAT est claire : nous savons déjà ce qui arrive lorsque nous laissons les syndicats, les comités d’entreprise ou des "plateformes unitaires" jouer avec notre sort.
La direction de la lutte doit être entre les mains des travailleurs du début jusqu’à la fin. Ce sont eux qui doivent évaluer les forces sur lesquelles ils peuvent compter, les revendications à mettre en avant, les possibilités d’étendre la lutte. Leur riposte ne peut être influencée par les provocations de l’entreprise ou par les "plans de lutte" de ses complices des syndicats, mais par la décision collective des travailleurs organisés en assemblées et en comités élus et révocables. Les négociations avec le patronat ou avec le gouvernement doivent se faire sous les yeux de tous, comme ce fut le cas à Vitoria en 1976 en Espagne ou en Pologne en 1980. Ce sont les assemblées elles-mêmes qui prennent en charge la recherche de la solidarité, en organisant des délégations et des manifestations.
Le temps de la résignation, de la passivité et de la désorientation doit s’achever. La marge de manœuvre que cette situation a offert pendant des années au capital commence à diminuer. C’est l’heure de la lutte. La voix de la classe ouvrière doit se faire entendre avec de plus en plus de force.
Accion Proletaria
Section du CCI en Espagne
Décembre 2005
<!--[if !supportFootnotes]-->[1]<!--[endif]--> [701] La Généralité (Generalitat) est le gouvernement autonome de la région de Catalogne.
<!--[if !supportFootnotes]-->[2]<!--[endif]--> [702] Zones industrielles de la banlieue de Barcelone.
<!--[if !supportFootnotes]-->[3]<!--[endif]--> [703] L’UGT (Union Générale des Travailleurs) est la confédération de tendance socialiste. Les CCOO (Commissions Ouvrières) est la centrale dirigée par le Parti "communiste" espagnol. La CGT (Confédération Générale du Travail) est une centrale de tendance "syndicaliste révolutionnaire" issue d’une scission "modérée" d’avec la CNT (Confédération Nationale du Travail) anarcho-syndicaliste.
<!--[if !supportFootnotes]-->[4]<!--[endif]--> [704] EUA ("Esquerra Unida i Alternativa – Gauche Unie et Alternative") : déguisement du Parti communiste espagnol en Catalogne.
Une telle intervention au Brésil constituait une première pour le CCI ; elle n’a été possible que grâce aux bonnes initiatives de sympathisants sur place et à la collaboration avec le groupe prolétarien brésilien dénommé "Opposition Ouvrière"[1] [705] qui était l'organisateur des réunions publiques. Pour cette première intervention publique au Brésil, le CCI avait choisi des thèmes lui permettant le plus possible d'exprimer sa vision historique quant à la possibilité et à la nécessité de la révolution prolétarienne. Ainsi, l’exposé commun aux trois réunions publiques, consultable sur notre site en portugais, développait en particulier les aspects suivants :
Dans une de ces réunions publiques, celle de Salvador, suite à la présentation du CCI, était prévue une présentation de l’Opposition Ouvrière mettant en particulier en évidence le rôle fondamental de l'organisation de la classe ouvrière en conseils ouvriers pour le renversement du capitalisme.
Quant à l’exposé de la présentation à l’université, basé essentiellement sur l’article de notre site, "la Gauche communiste et la tradition marxiste", il était articulé autour des axes suivants :
ce qui distingue les fractions de gauche des autres organisations se revendiquant du marxisme ;
Pour rendre compte de ces quatre événements, nous avons pensé préférable de ne pas les traiter séparément mais bien plutôt de rapporter les questions et préoccupations qui, de façon dominante, se sont exprimées et ont donné lieu à des débats. Néanmoins, avant cela, nous pensons essentiel de faire ressortir l'importance qu'a revêtu cet événement tant par la participation nombreuse, parfois très nombreuse, à ces réunions que par le caractère animé et vivant de débats qui se sont à chaque fois poursuivis au delà du temps initialement prévu (aussi longtemps que le permettaient les contraintes locales).
Une participation et un dynamisme prometteurs
Il arrive que les révolutionnaires eux-mêmes soient surpris par l'importance de l'intérêt que leurs positions suscitent à un moment donné, alors que pourtant ils constituent cette partie du prolétariat chez qui existe au plus haut point la confiance dans les capacités révolutionnaires de leur classe, y compris lorsque celle-ci n’est pas traversée de façon immédiate par des préoccupations révolutionnaires explicites. Il faut reconnaître que nous avons été très agréablement surpris par l'ampleur de la participation à ces réunions dans la mesure où, pour certaines d'entre elles, elle a dépassé largement l'assistance ordinaire aux réunions publiques dans les villes où intervient régulièrement le CCI. En effet, près d'une centaine de personnes au total ont participé aux trois réunions publiques. Quant au thème de la Gauche communiste à l'université, il a attiré 260 personnes environ dans un grand amphithéâtre de celle-ci, pendant toute une première partie du débat. La réunion s’étant prolongée de presque deux heures, il restait encore environ 80 personnes lorsque nous avons dû clore, toutes les interventions n'ayant pas à ce moment-là reçu de réponse de notre part.
Il existe un faisceau de circonstances favorables qui ont favorisé une telle affluence. La première apparition publique d'une organisation révolutionnaire internationale n'existant pas au Brésil est évidemment de nature à susciter localement un intérêt particulier. De plus, les réunions publiques avaient bénéficié d’une publicité efficace, prise en charge par l'Opposition Ouvrière, seule ou bien conjointement avec nos sympathisants, selon les villes. Si on peut également invoquer l'intérêt académique, et pas exclusivement politique, qui a pu pousser certains étudiants et professeurs de l’université à participer au débat sur l’histoire de la Gauche communiste, il faut néanmoins prendre en considération le fait que, ce qui au départ, pour des raisons liées au règlement de l’Université, était annoncé comme la présentation d’un historien [2] [706] a de plus en plus ouvertement pris la forme d’un meeting politique présidé par l'un des organisateurs du débat, l'Opposition Ouvrière, et le CCI, avec une table présentant la presse du CCI à l’entrée de l’amphithéâtre.
En réalité, ce succès de nos réunions est en bonne partie imputable à l’existence au Brésil d’une écoute favorable vis-à-vis d’une critique radicale de la société et de ses institutions démocratiques dans la mesure où, dans ce pays, à la tête de telles institutions se trouve le gouvernement de Lula, le grand "leader ouvrier" de gauche au nom duquel sont indissolublement liés ceux du PT (Parti du Travail, fondé en 1980) et de la CUT (Centrale Unique de Travailleurs, premier syndicat "indépendant" depuis la fin de la dictature, fondé en 1983). Aujourd’hui, l’alliance gouvernement, Lula, PT et CUT doit assumer ouvertement le rôle de fer de lance des attaques contre la classe ouvrière requises pour la défense du capital national brésilien sur l’arène internationale, comme n’importe quel gouvernement ou parti de droite le ferait, permettant ainsi de faire apparaître au grand jour leur véritable nature d’ennemis de la classe ouvrière qu’ils ont toujours été. Au Brésil, comme dans les autres pays, la réponse de la classe ouvrière est encore loin de correspondre à l’ampleur des attaques capitalistes qu’elle subit continuellement. Néanmoins (et c’est justement là que réside l’essentiel de l’explication à l’intérêt certain pour ces réunions publiques), il existe aussi dans ce pays une préoccupation croissante pour l’avenir face à la faillite de plus en plus avérée du capitalisme et qui se traduit par un regain d’intérêt pour la perspective d’une alternative à la société actuelle.
Loin d’avoir été reçues comme des dogmes, l'analyse de l'histoire de notre classe et les perspectives de lutte politique en vue de la future société communiste, contenues dans nos présentations et interventions, ont suscité tout un questionnement et un enthousiasme, quelquefois aussi le scepticisme, mais également des marques de sympathie que certains ont tenu à venir nous manifester explicitement à la fin des réunions, en plus de nombreuses autres questions de leur part qu'ils n'avaient pas eu le temps de poser au cours de la séance.
Si l'importance de la participation à ces réunions nous a quelque peu surpris, elle a par ailleurs confirmé cette tendance croissante de la jeunesse à se situer au premier plan d'un questionnement politique face à l'avenir. C'est tellement vrai que, dans l'une des réunions publiques, à Vitoria da Conquista, plus de la moitié de l'assistance était constituée de jeunes et de très jeunes.
Les principales discussions
Nous rapportons ci-après les principales questions qui nous ont été posées de même que les réponses que nous leur avons apportées. Souvent les questions et nos réponses se sont recoupées d'une réunion à l'autre sans pour autant être identiques à chaque fois. Plutôt que de synthétiser par thème la problématique de l'ensemble des questions, nous avons pris le parti, pour chacun des thèmes, de retenir une question particulièrement représentative, ceci afin de refléter le caractère vivant qu’on eu les discussions. Pour ce qui est de nos réponses, nous les rapportons à travers de l'essentiel de l'argumentation que nous avons développée sur l'ensemble des réunions.
Nous sommes bien conscients que ce compte-rendu déjà long omet des questions précises tout à fait intéressantes. Afin de remédier en partie à cet inconvénient, nous appelons tous ceux qui prendront connaissance de ce compte-rendu à ne pas hésiter à nous faire part par écrit de tous leurs questionnements et désaccords n'ayant pas encore trouvé de réponse satisfaisante de notre part. Des réponses leurs seront faites individuellement qui, avec leur accord, pourront éventuellement participer d'animer un débat public dans la presse du CCI ou sur Internet. Nous encourageons également les lecteurs de ce compte-rendu à adopter une démarche analogue vis-à-vis de l'Opposition Ouvrière qui ne manquera pas de leur répondre. A ce sujet, nous voulons préciser que certaines réponses rapportées ci-dessous, n'ont pas été prises en charge par nous-mêmes mais par l'Opposition Ouvrière. Néanmoins, comme elles correspondaient tout à fait à ce que nous aurions dit, nous les faisons nôtres. Ce qui, par ailleurs, ne signifie pas que toutes les réponses apportées par l'une ou l'autre de nos organisations aient totalement été partagées par elles deux.
La nature des syndicats
Il n'existe en effet pas un seul pays où les syndicats, tous les syndicats, ne soient pas des défenseurs de l'ordre bourgeois. S'il en est ainsi c'est parce qu'ils sont devenus partout des organes de l'Etat bourgeois ayant pour fonction spécifique d'encadrer la classe ouvrière afin de saboter ses ripostes aux attaques et d'éviter qu'elles ne débouchent sur la remise en cause du capitalisme en crise.
Pour comprendre les facteurs profonds d'une telle situation, il est effectivement nécessaire de ne pas perdre de vue qu'au 19e siècle les ouvriers se battaient pour obtenir le droit de s'organiser en syndicats. C'est en menant des luttes importantes au moyen de ceux-ci qu’ils ont réussi à arracher des réformes durables ayant réellement permis des améliorations de leurs conditions de vie au sein du capitalisme. De plus, même si les idées réformistes (qui visaient à réduire le combat de la classe ouvrière aux seules luttes pour des réformes) étaient fortement présentes au sein du mouvement syndical, il n'en demeure pas moins que les syndicats constituaient également, à cette époque, un lieu privilégié de la propagande en faveur des idées révolutionnaire, une « école du communisme », comme le disait Marx.
Au début du 20e siècle s'est produit un événement considérable, inédit dans la vie du capitalisme, l'éclatement de la première guerre mondiale. En l'espace d'un temps relativement bref, les contradictions du capitalisme ont engendré une destruction considérable de forces productives, sans aucune mesure avec les conséquences des guerres ou des crises cycliques qui avaient jusque là émaillé la croissance du capitalisme. De telles contradictions étaient l’expression du fait que, de facteur de progrès de la société, le système s'était mu en menace de mort pour celle-ci. Ce sont le déchaînement d'une telle barbarie et la menace pour l'existence même de la vie de la société qui avaient constitué le ferment de la première vague révolutionnaire du prolétariat mondial.
Face à l'irruption de contradictions inconnues jusqu'alors dans la société bourgeoisie, l'État acquiert un rôle d'une importance qu'il n'avait jamais eue auparavant sous le capitalisme. C'est à lui qu'il revient de maintenir sous un corset de fer l'ensemble de la société afin de mobiliser et canaliser toutes ses ressources en vue de la défense nationale. Dans ce contexte, les ouvriers voient leurs anciens organes de lutte que sont les syndicats échapper à leur contrôle pour devenir des organes chargés de faire accepter la militarisation du travail. Un tel mouvement est irréversible et ceux des syndicats qui, comme la CNT espagnole, ne seront pas soumis à ce moment de vérité, parce que l'Espagne n'était pas impliquée dans la première guerre mondiale, seront néanmoins absorbés ultérieurement par l'Etat. Désormais, les seules organisations de masse et unitaires de défense des intérêts de la classe ouvrière ne peuvent surgir et se maintenir qu'avec la mobilisation de la classe ouvrière pour la lutte.
L'avant-garde du prolétariat mondial avait pris conscience qu'avec la Première Guerre mondiale et la première vague révolutionnaire était née l'époque des "Guerres et des révolutions", comme le proclamait la Troisième Internationale, posant comme enjeu à la lutte du prolétariat l'alternative suivante pour la société : "Socialisme ou barbarie". La massivité des faits imposait cette compréhension. Il était par contre nécessaire de pouvoir disposer de plus de recul pour en saisir toutes les implications concernant la vie de la société (le développement du capitalisme d'Etat) et les conditions de la lutte de classe : impossibilité pour la classe ouvrière de continuer à utiliser pour sa lutte le Parlement (dont la seule fonction est devenue celle de la mystification démocratique) et les syndicats. Mais, toutes les fractions du prolétariat mondial ne sont pas placées dans les mêmes conditions concernant leur propre expérience de la confrontation aux syndicats. Et, sur ce plan, la situation du prolétariat russe est spécifique vu que, dans ce pays, le régime tsariste, totalement anachronique, s'était montré incapable d'opérer l'intégration à l'Etat de syndicats par ailleurs assez peu puissants et apparus tardivement. De ceci il a résulté une plus grande difficulté de Lénine et de ses compagnons pour saisir pleinement la fonction de ces organes dans la nouvelle phase du capitalisme.
L'organisation de la classe ouvrière en conseils ouvriers et le rôle des révolutionnaires
C'est une question importante puisque ces paroles de Lénine avant la révolution de 1917, "les soviets sont la forme enfin trouvée de la dictature du prolétariat", n'avaient pas une validité limitée à la première vague révolutionnaire mais une portée universelle.
Ainsi, dans les futures luttes révolutionnaires du prolétariat, celui-ci sera de nouveau organisé en soviets (le mot russe désignant les conseils). Ceux-ci font leur première apparition lors de la révolution de 1905 en Russie. Il sont la création spontanée de la classe ouvrière qui découvre ainsi par elle-même les moyens de lutte qui lui sont nécessaires afin de développer son combat dans des conditions nouvelles. Quelle est donc leur fonction ? La classe ouvrière en Russie trouve face à elle le pouvoir de l’Etat qui, de façon intransigeante et malgré la montée de la mobilisation, refuse de céder sur les revendications des ouvriers. Cette situation préfigure la situation générale du capitalisme dans la phase de décadence de ce système où les contradictions croissantes auxquelles il est confronté lui interdisent non seulement d’accorder des réformes durables à la classe ouvrière, comme cela pouvait être le cas en ascendance, mais encore le pousse en permanence à attaquer les conditions de vie des ouvriers. Dans ces conditions, la dynamique de la lutte elle-même amène les ouvriers à s’opposer à l’Etat capitaliste et à l’affronter de façon en plus en plus massive. De ce fait, la lutte acquiert spontanément une dimension politique qui se superpose à la dimension économique toujours présente.
Les syndicats ne correspondent plus aux nécessités de cette nouvelle forme de lutte ni à ses enjeux, et ce sont les soviets capables de regrouper l’ensemble de la classe ouvrière qui s’imposent alors. Désormais, les syndicats deviennent des organes inutilisables pour la lutte de classe. Mais, loin de dépérir, ils seront récupérés par l'Etat. Par ailleurs, cet épisode est l’aboutissement de tout un processus de constitution du prolétariat en classe au travers duquel il a acquis une maturité lui permettant désormais de construire dans le feu de l’action ses propres organes de lutte, sans être dépendant, pour entrer en lutte, de l’existence préalable de syndicats comme c’était le cas au 19e siècle.
Les soviets ne surgissent pas à tout moment indépendamment du niveau de la lutte de classe. Ils apparaissent lorsque la classe ouvrière est capable de poser le problème d’un affrontement décisif avec l’État capitaliste. Ils sont le produit d’une telle mobilisation du prolétariat et, lorsque celle-ci reflue, ils disparaissent ou bien ils sont investis par l’Etat. Cela signifie qu’il n’est pas possible qu’une minorité de la classe, plus avancée, mette en place la structure des soviets en vue de hâter la mobilisation ouvrière avant que celle-ci ne se manifeste explicitement.
Cela signifie-t-il que, en dehors des soviets, il n’existe pas de possibilité pour que s’expriment la mobilisation ouvrière et la lutte de classe, vu que les syndicats ne sont plus d’aucune utilité pour cette dernière ? Bien sûr que non. L’expérience vivante de la lutte de classe montre qu’une des formes élémentaires de la mobilisation des ouvriers est l’assemblée générale. Et ce n’est pas un hasard si les syndicats font tout afin qu’elle ne puisse se tenir ou, lorsqu’ils ne peuvent l’empêcher, afin qu’elle ne remplisse pas la fonction de lieu d’organisation et de décision de la lutte. Avec le développement de la lutte se fait sentir la nécessité de son organisation, de sa centralisation avec l’élection par les assemblées de délégués révocables. Un tel mode d’organisation de la classe ouvrière, en dehors de périodes pré-révolutionnaires, préfigure l’organisation en soviets, mais elle n’en est pas l’embryon. Elle en constitue une préparation indispensable en ce sens que c’est à travers ce type d’organisation que les ouvriers prennent confiance en eux-mêmes et en leur capacité de s’organiser.
Par ailleurs, si les évènements de 1905 illustrent la capacité de la classe ouvrière à s’auto organiser ainsi que sa nature de classe spontanément révolutionnaire, cela n’amoindrit pas pour autant le rôle fondamental de l’organisation des révolutionnaires et du parti. En effet, à propos des évènements de 1905, Rosa Luxemburg met en évidence que l’intervention de la social-démocratie révolutionnaire avait participé à préparer le terrain à l’irruption de la grève de masse. De même, en 1917, sans l’intervention du parti bolchevique au sein des conseils ouvriers pour combattre en leur sein l’influence dominante des partis liés à la bourgeoisie, ceux-ci n’auraient pas pu constituer l’instrument de la révolution prolétarienne. De même, aujourd’hui, il est de la responsabilité des révolutionnaires de rappeler à leur classe comment elle s’est organisée par le passé, de mettre en évidence que pour développer son combat il n’existe pas d’autre moyen que de prendre ses luttes mains à travers des assemblées générales souveraines.
La révolution russe, sa dégénérescence et la contre-révolution
Nous ne savons pas exactement ce qu’a dit Jacques Courtois, mais c’est tourner le dos à la réalité que d’affirmer une telle chose alors que les principaux pays du monde, impliqués dans la guerre mondiale, adoptent tous des mesures de militarisation de la société civile en vue d’imposer aux populations, et aux ouvriers en particulier, les sacrifices que requiert la boucherie mondiale, dont celui de leur propre vie sur les champs de bataille. Et c’est justement en réaction à une telle barbarie que se développe la vague révolutionnaire mondiale dont l’avant poste a été constitué par la prise du pouvoir par le prolétariat en Russie en 1917.
Il est possible que Jacques Courtois se fasse l’avocat des thèses bourgeoises du Menchevisme selon lesquelles la révolution d’Octobre n’avait été qu’un putsch ayant porté un coup fatal à l’œuvre démocratique de la révolution de février. Ce refrain bien connu des dénigreurs de la révolution russe veut lui aussi occulter la réalité des faits. Ce sont en effet les masses ouvrières, et à leur suite les masses paysannes, qui ont ôté le pouvoir à la bourgeoisie alors que celle-ci, arrivée au pouvoir en février et tenant une position majoritaire au sein des conseils ouvriers, démontrait dans la pratique, à travers la poursuite de la guerre impérialiste et d’une politique anti-ouvrière, qu’elle était la digne représentante d’un système à renverser qui ne pouvait qu’engendrer la guerre et la misère.
Pour bien comprendre ce qu’a signifié la défaite de la révolution russe à travers sa dégénérescence, il faut d’abord être clair sur ce que cette révolution a réellement représenté. Un îlot de socialisme au sein d’un monde capitaliste ? Certainement pas dans la mesure où l’abolition du capitalisme ne peut être réalisée qu’à l’échelle mondiale après la victoire de la révolution mondiale. Après la prise du pouvoir, tous les efforts et les espoirs du prolétariat révolutionnaire en Russie étaient tendus en direction de l’extension de la révolution mondiale, et notamment dans le pays déterminant pour l’évolution du rapport de forces entre les classes à l’échelle internationale, l’Allemagne. L'assaut révolutionnaire du prolétariat dans ce pays fut vaincu comme on le sait en janvier 1919, ouvrant ainsi la voie à une série de défaites majeures qui eurent raison de la vague révolutionnaire en Allemagne et à l’échelle mondiale. Dans ces circonstances, isolé et sorti exsangue de la guerre civile et de l’encerclement imposés par les principales puissances capitalistes, le pouvoir prolétarien en Russie dégénéra.
Ainsi, ce qui changea avec la contre-révolution en Russie, ce ne sont pas les rapports de production mais le fait que le pouvoir cessa d’être prolétarien. Le retour de la bourgeoisie s’y effectua, non pas avec le retour de l’ancienne classe bourgeoisie déchue, mais à travers la transformation en nouvelle classe exploiteuse de la bureaucratie au sein de l’Etat.
Sur le plan politique, la manifestation la plus significative du changement de nature du pouvoir en Russie, incarné désormais par le stalinisme, fut l’abandon de l’internationalisme prolétarien à travers l’adoption de la thèse du « socialisme en un seul pays ». Le plus dramatique de la défaite de la révolution russe, c’est la manière dont elle s’est produite, suite à sa dégénérescence interne et non pas à son renversement, permettant ainsi à la bourgeoisie mondiale, de l'extrême droite à l’extrême gauche, d’entretenir le mensonge du « socialisme en URSS », au nom duquel staliniens et trotskistes appelaient les prolétaires du monde entier à lutter, et à se faire massacrer durant la seconde guerre mondiale pour la défense de l'impérialisme russe.
Parti et Gauche communiste internationale
Nous partageons avec Lénine la conception d'un parti minoritaire d'avant-garde de la classe ouvrière ayant pour rôle de participer activement à la prise de conscience du prolétariat. Cependant, contrairement à lui (et à l’ensemble des marxistes d’avant 1917), nous estimons que son rôle n’est pas de prendre le pouvoir au nom du prolétariat, tâche qui revient à l’ensemble de la classe organisée en conseils ouvriers. Concernant le mode d’organisation du parti, nous nous revendiquons, pour l’essentiel, de la conception défendue par Lénine dans le congrès de 1903 du Parti ouvrier social-démocrate de Russie (POSDR) et telle qu'elle a été assumée en particulier par le parti bolchevique et, plus tard, par le KAPD (Parti Communiste Ouvrier d'Allemagne). De ce congrès, à propos duquel Lénine a écrit Un pas en avant, deux pas en arrière, nous retenons bien sûr la définition de qui est militant, quiconque s'engage à militer pour défendre les positions du parti, contre celle des mencheviks selon laquelle pour être membre du parti il suffit de partager ces mêmes positions. Mais nous retenons également le combat, au moins aussi important, qui y a été mené par Lénine en faveur d'un comportement militant animé par l'esprit de parti, contre l'esprit de cercle alors dominant au sein du POSDR du fait de ses origines à partir de toute une série de petits cercles qui étaient apparus en Russie et dans l’émigration à la fin du 19e siècle. En particulier, nous défendons l’idée d’un Congrès souverain dont les décisions doivent être appliquées avec discipline par l’ensemble des militants et nous rejetons la position des mencheviks qui estimaient qu’on pouvait se dispenser de cette discipline si on n’était pas d’accord avec ces décisions.
Ce n'est pas un oubli, et si le nom de Gramsci était apparu, cela aurait été pour le définir comme un des représentants de la politique de plus en plus opportuniste de l'Internationale Communiste au sein du Parti communiste d’Italie. Alors qu'au sein de ce parti, la Gauche avec Bordiga à sa tête était, de 1921 à 1924, largement majoritaire face à la tendance de droite animée par Gramsci, ce dernier fut placé autoritairement par l'IC à la tête du parti en vue de bâillonner la gauche. La démarcation vis-à-vis du Stalinisme que Gramsci a opéré par la suite a fait de lui une référence plus acceptable que Staline, mais pas révolutionnaire pour autant.
La nature de classe des partis sociaux-démocrates, des partis « communistes » et du courant trotskiste
«Quelle est la signification du programme de transition rédigé par Trotski en 1938 ?»
Trotski et l'Opposition de gauche ont animé dans les années 1920 une réaction prolétarienne face à la dégénérescence de la révolution russe et au stalinisme. Mais elle n'était pas la seule, ni la plus claire concernant d'une part les implications de la défaite de la vague révolutionnaire sur la classe ouvrière et, d'autre part, la fidélité au marxisme face au développement de l'opportunisme dans les rangs des partis de l'Internationale communiste. La Gauche communiste internationale a combattu très tôt, dans les années 1920, les différentes manifestations de cet opportunisme et en particulier la politique de Front unique avec d'anciens partis ouvriers passés dans le camp bourgeois, avec l'argument de ne pas se couper des masses ouvrières restées sous leur influence. De même, elle a su voir que, loin de pouvoir se lancer à nouveau dans une vague révolutionnaire, le prolétariat était face à une période de contre-révolution qui ne lui permettrait pas de s'opposer à la venue d'une seconde guerre mondiale dans laquelle ses différents secteurs nationaux allaient se trouver embrigadés derrière la défense d'un camp impérialiste ou d'un autre. Au contraire, Trotsky croit que la révolution est encore possible au cours des années 1930 et que ce qui lui manque est une direction véritablement révolutionnaire, ce qui le conduit à voir à tort les prémisses de mouvements révolutionnaires dans les mobilisations de 1936 en France et en Espagne. Son « Programme de transition », en réintroduisant des revendications minimum destinées selon lui à établir un pont avec le programme de la révolution socialiste, ne fait rien d'autre que tromper les masses avec l'idée qu'il pourrait exister, à l'époque des guerres et des révolutions, un programme de réformes au sein du capitalisme alors que le seul programme réaliste, même s’il n’est pas réalisable à tout instant, ne peut être que celui de la révolution. A travers le mot d'ordre de « Front unique ouvrier » avec les partis anciennement prolétariens, sociaux-démocrates et staliniens ayant trahi la cause du prolétariat, il ne fait que désarmer ce dernier face à ses pires ennemis.
Il existe des évènements majeurs de la vie de la société, comme la guerre et la révolution, qui tranchent dans la pratique la nature de classe d’une organisation, quoi qu’elle proclame sur son propre compte. Ainsi, en s’opposant à la révolution d’Octobre, les mencheviks signèrent leur appartenance au camp de la bourgeoisie. Face à la Première Guerre mondiale, la plupart des partis sociaux démocrates trahirent l’internationalisme prolétarien, et donc la classe ouvrière, en prenant fait et cause pour la défense du capital national. L’histoire démontre qu’une telle trahison est irréversible, c'est-à-dire qu'à partir du moment où elle a eu lieu, c'est en permanence une politique bourgeoise que défendent les anciens partis du prolétariat passés dans le camp ennemi. Aboutissement de leur dégénérescence opportuniste, les PC passèrent à leur tour dans le camp de la bourgeoisie dans les années 1930 alors que plus rien en leur sein ne s'opposait désormais à la défense nationaliste d'un camp impérialiste, préparant ainsi l'embrigadement du prolétariat en vue de la seconde guerre mondiale. L'éclatement de la Seconde Guerre mondiale a également constitué l'heure de vérité pour le Trotskisme qui a choisi son camp : non pas celui de l'internationalisme et du prolétariat comme Lénine en 1914, mais celui de la défense de l'impérialisme russe et de la démocratie (avec cependant des réactions en son sein de la part d’éléments qui, à cette occasion, ont rompu avec lui). Cet aboutissement tragique de la dynamique opportuniste d'un parti du prolétariat est le produit de la méthode politique erronée de Trotsky tout au long des années 1930. Cela dit, les graves erreurs qu’il a commises ne permettent pas d’affirmer qu’il aurait maintenu sa position jusqu’au bout du conflit impérialiste mondial. S'il n'avait pas été assassiné avant la fin de la guerre, peut-être celle-ci aurait-elle constitué une épreuve lui permettant de remettre en question ses dérives opportunistes passées. Après sa mort, sa femme, Natalia Sedova, qui avait toujours lutté à ses côtés, a rejeté la politique de défense de l’URSS et a rompu avec le mouvement trotskiste. De même, les derniers écrits de Trotsky annoncent une telle possible remise en cause de ses positions antérieures.
La décadence du capitalisme
Le capitalisme d'Etat est la réponse du capitalisme à l'irruption des contradictions insurmontables qui l'assaillent avec l'entrée en décadence, sur les trois plans : celui de la guerre, de la lutte de classe et de la crise. La crise de 1929 impose à la bourgeoisie de renouer avec les mesures de capitalisme d'Etat qui avaient été relâchées une fois terminée la première guerre mondiale. Ces mesures ne feront que se renforcer durant les années 1930, notamment avec les politiques keynésiennes d’injection massive de capitaux dans l’économie nationale par l’Etat, des politiques qui se sont notamment concrétisées par de grands travaux d’équipement et par le développement des armements en préparation de la Seconde Guerre mondiale.
Elles se poursuivront et seront intensifiées au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.
Avant même que ne soit épuisée la période de prospérité ayant succédé à la Seconde Guerre mondiale, la bourgeoisie aura recours à des politiques d'endettement de plus en plus massif. Elle parvient ainsi à reporter dans le futur l'éclatement des contradictions de son économie, mais en aggravant celles-ci.
La période de décadence se traduit sur le plan économique par un freinage du développement des forces productives et non pas, comme le disait Trotsky dans le « Programme de transition », par un blocage complet de leur croissance. Pour vérifier si l'évolution économique au cours de la décadence exprime une telle tendance au freinage au développement des forces productives, il convient de considérer l'ensemble de cette période et non pas une phase spécifique de celle-ci, notamment celle, particulièrement faste, qui suit la Seconde Guerre mondiale. Or, le développement des forces productives sur la période couvrant les 70 premières années du 20e siècle s'effectue à un rythme inférieur à celui de la seconde moitié du 19e siècle. La différence serait encore plus importante si l'on considérait l'ensemble du 20e siècle.
La période de prospérité d'après la Seconde Guerre mondiale est un phénomène tout à fait exceptionnel au sein de la décadence qui ne se reproduira jamais plus dans la mesure où les facteurs qui sont à son origine sont épuisés :
1. l'utilisation d'un « trésor de guerre » issu de cycles passés de l'accumulation, les réserves d'or de l'Etat américain, injectées en bonne partie dans les économies d'Europe occidentale et du Japon afin de reconstruire et développer leur appareil productif, non par philanthropie mais en vue de les soustraire aux tentative de l'impérialisme russe de les placer dans sa sphère d'influence ;
2. l'exploitation méthodique et systématique des derniers marchés extra capitalistes, tant au sein des pays industrialisés, mais disposant encore d'un vaste marché agricole pré-capitaliste, que dans les ex-colonies en voie de décolonisation ;
3. un début de fuite en avant dans l'endettement de la part des principaux pays industrialisés, alors que le niveau global de l'endettement est encore relativement faible.
Il n'existe aucune perspective de solution véritable à la crise ouverte à la fin des années 1960 ; au contraire, elle est condamnée à une aggravation sans merci. Néanmoins, faire correspondre la phase de décadence avec cette seule période, c'est évacuer un phénomène majeur de la décadence, la Guerre mondiale, d’une ampleur et avec des destructions aux proportions totalement inconnues lors des guerres des périodes précédentes et qui constitue un facteur essentiel de risque de destruction de la société.
La baisse tendancielle du taux de profit est effectivement une contradiction du mode de production capitaliste, ainsi que Marx l’a mis en évidence dans le livre 3 du Capital.
Néanmoins, elle n’est pas la seule et pas nécessairement la plus déterminante. Comme nous l’avons déjà dit, l’avant-garde révolutionnaire était unanime, lors de la fondation de l’IC en 1919, pour reconnaître l’entrée du système en décadence. Elle était beaucoup plus hétérogène, on l’a vu également, concernant les implications de cette modification de la vie du capitalisme. C’est encore plus vrai concernant l’analyse des causes économiques du changement de période. Rosa Luxemburg et Lénine donneront deux analyses différentes de l'impérialisme. Celle de Rosa Luxemburg prend plus largement en compte la dynamique de développement du capitalisme au sein d'un monde non capitaliste et qui a besoin de marchés extracapitalistes pour se développer. Lorsque ces derniers commencent à se trouver en nombre insuffisant face aux énormes besoins de l'accumulation, alors la machine commence à se gripper. C’est au sein de ce cadre que, de notre point de vue, il faut prendre en compte la baisse tendancielle du taux de profit dont les effets négatifs pour l’économie capitaliste se conjuguent à ceux de la saturation des marchés.
Le pourrissement sur pied de la société capitaliste
Il n’est pas une réunion où cette question ne nous ait pas été posée. Il existe au moins deux raisons à cela : d’une part le battage médiatiques auxquels ces évènements ont donné lieu au Brésil, comme dans la plupart des pays du monde d’ailleurs ; d’autre part, la perplexité qu’ils suscitent. Nous ne rentrerons pas ici dans le détail de notre analyse qui est développée dans un communiqué sur notre site Internet, y inclus en langue portugaise. Nous avons surtout mis en évidence que ces révoltes stériles et sans lendemain exprimaient le désespoir et le manque total de perspective de cette partie des enfants de la classe ouvrière qui n’a jamais été intégrée au travail et ne le sera jamais, sinon dans la précarité et des conditions misérables. Nous avons bien insisté sur le fait que, non seulement, ils ne constituaient en rien une expression, même confuse, de la lutte de classe mais que, de plus, ils ne pouvaient qu’être utilisés contre la classe ouvrière, notamment à travers le renforcement des mesures de quadrillage policier des quartiers ouvriers.
La montée de l’intégrisme est une autre manifestation de l’absence totale de perspective au sein de la cette société qui conduit à des aberrations comme les attentats suicides. Et bien que de telles aberrations soient le produit de son propre système, cela n’empêche évidemment pas la bourgeoisie de les utiliser comme prétextes au déclenchement de guerres pour la défense de ses intérêts impérialistes. En fait, ce phénomène de pourrissement sur pied de la société capitaliste est le produit de l’accumulation des contradictions du capitalisme, et qui pourrait conduire à la destruction même de l’humanité si la classe ouvrière n’était pas capable d’imposer sa propre solution révolutionnaire.
Les luttes des opprimés et des couches non exploiteuses
La société de classes porte avec elle l’oppression de minorités, la discrimination raciale, l’inégalité entre hommes et femmes… Le capitalisme ne fait pas exception à cela. Cela dit, la lutte spécifique pour l’émancipation de la femme ou contre le racisme, non seulement n’a aucune chance d’aboutir tant que se perpétuera la société de classes mais, de plus, elle n’est pas de nature à changer la société dans la mesure où elle ne constitue pas une remise en cause des fondements de celle-ci. Toutes ces questions ne pourront trouver de solution véritable que lorsque aura été aboli le capitalisme et au cours de la transformation de la société vers des rapports communistes sur l’ensemble de la planète. Il n’existe donc aucune alternative à la lutte révolutionnaire de la classe ouvrière pour débarrasser l’humanité des inégalités et fléaux qui l’accablent actuellement.
La classe ouvrière est la seule classe révolutionnaire de la société. Néanmoins cela ne signifie pas qu’elle fera la révolution contre toute la société. Tout au contraire, il lui faudra pouvoir entraîner derrière elle, dans sa lutte révolutionnaire, toutes les classes non exploiteuses de la société, lesquelles ont objectivement intérêt au renversement du capitalisme. Mais pour être en mesure de jouer ce rôle d’entraînement, elle doit être capable de s’affirmer à travers sa lutte, comme la classe révolutionnaire de la société, et avec son projet révolutionnaire de renversement du capitalisme et d’instauration d’une autre société. La pire chose qui puisse arriver est que la classe ouvrière, en se diluant dans les mouvements de révolte de toutes ces couches plongées dans la misère par la crise, mais sans perspective aucune, soit incapable de s’affirmer en tant que force révolutionnaire de la société. Un tel danger est bien réel comme l’ont mis en évidence, par exemple, les révoltes stériles de 2001 en Argentine au sein desquelles de nombreux prolétaires avaient été entraînés aux côtés d’éléments de toutes sortes et en particulier de franges de la petite et moyennes bourgeoisies ruinées par la crise.
Cet exemple constitue une illustration de l’impossibilité actuelle de faire converger le mouvement de la classe ouvrière avec, derrière elle, celui des paysans sans terre tant que celui n’abandonne pas sa spécificité. Il est à présent de notoriété publique que ce mouvement est totalement encadré par l’Etat. En quoi ses revendications sont-elles conciliables avec celles de la classe ouvrière ? En rien. Alors que le refus par la classe ouvrière de subir les attaques requises par la crise du capitalisme constitue déjà la base de la remise en question de l’ordre capitaliste, il en va tout autrement des revendication parfaitement réactionnaires du Mouvement Sans Terre qui se résument au droit à la propriété pour tous.
Chavez, Lula, Castro, …, altermondialisme, … un même combat de la gauche du capital contre le prolétariat.
De nombreuses interventions ont signalé que la politique du gouvernement de gauche de Lula ne se différenciait pas de celle des gouvernements de droite qui l'ont précédé, ce que confirme déjà l'augmentation de la paupérisation au Brésil. Cependant la question du gouvernement Chavez a été l'objet de nombreuses interrogations, doutes et mêmes des marques de sympathie dans les interventions considérant que celui-ci mettait les ressources de l'Etat au service d'un combat courageux contre l'impérialisme américain, bien différent du timide positionnement de la bourgeoisie brésilienne.
Le fait qu'au Venezuela soit arrivée au pouvoir une fraction de la bourgeoisie "radicale" de gauche est une conséquence du haut niveau de décomposition de la bourgeoisie vénézuélienne qui s'est trouvée incapable de mettre au pouvoir des secteurs modérés de gauche comme cela a été le cas, par exemple, au Brésil. C'est pour cette raison que la fraction chaviste du capital national, constituée de secteurs de la bourgeoisie et de la petite bourgeoisie qui, dans leur majorité, avaient été exclues des gouvernements antérieurs, développe une politique d'exclusion vis-à-vis des autres secteurs de la bourgeoisie, ce qui occasionne une confrontation permanente entre fractions de la bourgeoisie, dans laquelle le prolétariat vénézuélien s'est trouvé impliqué.
Le Chavisme, qui bénéficie de l'appui du gouvernement cubain et d'une pléiade de dirigeants et intellectuels latino-américains et dans le monde, des mouvements anti-globalisation et altermondialistes, de même qu'il dispose d'une montagne de dollars provenant des exportations pétrolières (et de l'exploitation de la classe ouvrière vénézuélienne) a mis en place un programme de gouvernement appelé "révolution bolivarienne" dont le fondement est le programme national de capitalisme d'Etat symbolisé par les forces de la guérilla dans les années 1960. La dite "révolution bolivarienne" n'a rien à voir avec la révolution prolétarienne, tout au contraire. Elle vit de l'exploitation de la classe ouvrière à laquelle elle inflige une attaque idéologique et physique, à la manière des régimes staliniens et fascistes. Le Chavisme, tout comme les gouvernements de Lula au Brésil, Kirchner en Argentine, etc. n'a que des illusions à vendre au prolétariat et ne peut que redistribuer la misère entre les pauvres, ce qui est le propre de tout gouvernement qui a pour fondement l'exploitation de la classe ouvrière ; ceci expliquant que le niveau de paupérisation augmente au Venezuela comme dans les autres pays capitalistes.
Concernant "l'anti-impérialisme".
Dans le capitalisme décadent, tout Etat développe nécessairement une politique impérialiste contre les autres nations. Ceci résulte fondamentalement du fait que, face aux contractions croissantes sur le plan économique, chaque nation se voit obligée de renforcer toujours davantage une politique militariste pour se maintenir sur l'arène impérialiste mondiale.
L'influence d'un pays sur l'arène impérialiste dépend de sa force économique, militaire et de conditions géopolitiques. Par exemple, il est évident que les Etats-Unis, première puissance mondiale, disposent des capacités les plus grandes pour imposer leur politique impérialiste au niveau mondial.
"L'anti-impérialisme" bruyant de Chavez contre Bush et les Etats-Unis, n'est rien d'autre qu'une campagne idéologique développée tant au niveau interne qu'externe afin d'obtenir le soutien de la classe ouvrière et des exploités à la politique impérialiste de la bourgeoisie vénézuélienne pour le contrôle de ses aires d'influence (les Caraïbes, le Centre et d'autres parties de l'Amérique du Sud). Le gouvernement Chaviste engage d'importantes ressources financières au service d'une telle campagne afin que les dirigeants, les intellectuels et les groupes de la gauche "radicale" de la région lui servent de caisse de résonance. De même, il tente également de mettre à profit les difficultés de l'impérialisme américain dans d'autres parties du monde (principalement en Irak), celles-ci ne faisant qu'augmenter son impopularité et rendre plus difficile son opposition aux velléités impérialistes de la bourgeoisie vénézuélienne.
Les bourgeoisies de la région, en particulier ses fractions de gauche, partagent, appuient et utilisent en leur faveur la mégalomanie de Chavez et son anti-américanisme frénétique, dans la mesure où le discours chaviste correspond à leurs intérêts géopolitiques. En particulier, la stratégie impérialiste de la bourgeoisie brésilienne, plus discrète que celle du Venezuela, et se situant sur un plan plus diplomatique, est d'une plus grande efficacité contre les intérêts des Etats-Unis. On peut s'en rendre compte à travers la grande influence du Brésil dans les négociations de l'ALCA, où il utilise le fait qu'il est la première puissance économique de la région comme un atout géopolitique important que le gouvernement Lula exploite de façon très intelligente.
Le prolétariat doit confronter et dénoncer l'idéologie "anti-impérialiste", alors qu'elle est utilisée afin de l'embrigader derrière les oripeaux et intérêts du capital national. La lutte du prolétariat contre l'impérialisme est inscrite dans sa lutte quotidienne contre sa propre bourgeoisie car l'impérialisme est le mode de vie du capitalisme décadent.
La perspective révolutionnaire
La société actuelle n’est pas une société de consommation pour tout le monde. Ce n’est pas très difficile de s’en rendre compte. Le capitalisme a étendu et généralisé, comme aucune société ne l’avait fait avant lui le règne de la marchandise. Dans ce monde tout s’achète, tout est marchandise. Le capitalisme est aussi le système qui été capable de développer les forces productives comme aucun autre avant lui, si bien qu’il a rendu parfaitement imaginable la possibilité de l’abondance pour tous sur terre. La seule chose qui s’y oppose, c’est ce système lui-même qui produit non pas en vue de la satisfaction des besoins humains, mais en vue de faire du profit et d’accumuler. Une contradiction du monde actuel réside en ceci qu’une proportion croissante de l’humanité et de la classe qui produit les richesses, la classe ouvrière, n’a accès qu’à une partie toujours moindre des marchandises produites, même s’agissant de celles qui sont vitales. Ce contraste énorme entre ce que pourrait être la vie dans la société bénéficiant de toutes les richesses accumulées et ce qu’elle est en réalité est un facteur de prise de conscience de la nécessité du renversement révolutionnaire du capitalisme.
Selon la propagande bourgeoise, la révolution est la pire chose qui pourrait arriver parce qu’elle est anti-démocratique. De quoi s’agit-il en réalité. Elle est le renversement d’une classe minoritaire, la bourgeoisie, en vue du bien-être de l’immense majorité, la classe ouvrière et l’ensemble des couches non exploiteuses de la société.
Quant à la démocratie bourgeoise, elle n’est que le masque hypocrite de la dictature du capital. Et plus la classe ouvrière sera amenée à se confronter au capital, plus cette dictature apparaîtra dans sa réalité crue.
Qu’est-ce qui peut faire dire que la classe ouvrière aux Etats-Unis soutient sa propre bourgeoisie, à part une certaine propagande qui a intérêt à entretenir ce mensonge ?
La classe ouvrière aux Etats-Unis n’a pas actuellement les moyens de s’opposer à la guerre en Irak. Cela résulte d’un niveau encore insuffisant de la lutte de classe internationalement et dans ce pays. Cela signifie-t-il pour autant que cette fraction du prolétariat international adhère à cette guerre ? Certainement pas, comme en témoignent les difficultés de l’Etat américain pour recruter de nouveaux effectifs. Comme en témoignent également les actions de mères de familles pour interdire les accès des écoles aux sergents recruteurs. Nous ne sommes pas dans une période où des fractions majoritaires du prolétariat des pays les plus importants sont prêtes à soutenir l’effort de guerre de leur propre bourgeoisie, comme cela pouvait être le cas dans les années 1930. A cette époque, les prolétaires américains, anglais, allemands, français, russes, … se faisaient massacrer par millions, et massacraient, dans les armées régulières ou de résistance nationale, pour des intérêts qui n’étaient pas les leurs mais bien ceux des différentes fractions nationales de la bourgeoisie mondiale.
Les chômeurs sont une partie de la classe ouvrière et leur lutte n’est pas différente de celle de la classe ouvrière dans son ensemble. Le fait d’être privé d’emploi, et ainsi de la proximité de camarades de lutte, rend la mobilisation plus difficile en particulier du fait de l’atomisation croissante de la vie sociale. C’est la raison pour laquelle il est important qu’ils fassent tout ce qui est possible pour rejoindre les mobilisations des ouvriers ayant encore un emploi, lorsqu’elles se produisent, et que ces derniers appellent les chômeurs à participer à leurs manifestations.
Par ailleurs, il faut être conscient que l’Etat bourgeois ne reste pas inactif vis-à-vis du potentiel explosif que représente le nombre des chômeurs. C’est la raison pour laquelle il s’emploie à les encadrer, notamment en prenant en charge certains de leurs besoins les plus vitaux, à travers la distribution de nourriture assumée par des associations, l’église, les partis de gauche à sa solde (par exemple, dans des "Comedores" en Argentine). Une telle assistance n'est évidemment pas neutre et a pour objectif de maintenir les ouvriers qui en bénéficient dans la dépendance vis-à-vis de l'Etat, sans remettre en cause les fondements de la misère. Par ailleurs, de telles institutions sont également utilisées pour dévoyer la lutte de ceux qui sont au travail vers une fausse solidarité, opposée à la solidarité de classe (comme ce fut le cas lors de la vague de lutte durant l'été 2005 en Argentine).
La classe ouvrière aujourd'hui est toujours la classe qui produit l'essentiel des richesses de la société. Elle est toujours la classe exploitée et, sans elle, le capitalisme ne peut pas exister. Quelles que soient les modifications sociologiques ayant pu intervenir en son sein, celles-ci ne modifient en rien sa nature révolutionnaire. Si lors de la vague révolutionnaire de 1917-23, la proportion d'ouvriers industriels dans l’ensemble de la classe ouvrière était certainement plus importante qu'elle ne l'est à présent, ce n'est pas pour autant qu'il n'existe pas au sein de celle-ci des secteurs autres que les ouvriers de l’industrie capables d’une grande combativité et de développer une prise de conscience. La mobilisation dans le secteur de l’enseignement en Italie en 1987 a déjà illustré ce fait en plaçant ce secteur momentanément à la pointe de la volonté de s'organiser en dehors et contre les syndicats. Les ouvriers en Russie en 1917 avaient également cette réputation, bien que ne sachant généralement pas lire, de bien connaître l'histoire de leur classe, et en particulier l'histoire de la Commune de Paris. Sur ce plan, il existe effectivement une différence puisque les nouvelles générations sont caractérisées par une ignorance assez importante de l'histoire. Mais nous avons confiance dans la capacité du prolétariat révolutionnaire à se réapproprier sa propre histoire à mesure que les enjeux l'exigeront. Pour cela il pourra compter sur l’intervention des organisations révolutionnaires visant à susciter et accompagner un tel effort.
La révolution est plus que jamais une nécessité et elle est encore possible. La première vague révolutionnaire mondiale s'est développée en réaction à la plongée brutale dans la barbarie occasionnée par la Première Guerre mondiale. Aujourd'hui, la classe révolutionnaire chargée d'appliquer la sentence de mort que l'histoire a prononcée contre le capitalisme dispose d'énormes réserves de combativité pour développer sa lutte face à une crise économique insoluble et qui ne pourra que s'approfondir. Depuis qu'il a repris le chemin historique de sa lutte en 1968, le prolétariat a connu de nombreuses difficultés, en particulier un recul de plus de 10 ans de sa conscience et de sa combativité avec les campagnes sur « la mort du communisme » qui ont accompagné l'effondrement des régimes staliniens. Mais aujourd'hui il est de nouveau en mesure de développer, dans la lutte, sa conscience et la confiance en ses capacités révolutionnaires.
Une expérience à renouveler
C'est un bilan tout à fait positif que le CCI tire de ces quatre interventions publiques.
En plus de constituer une première pour le CCI, du fait qu’elles se déroulaient au Brésil, ces réunions ont constitué une des rares occasions qu’a eu le CCI d’effectuer une intervention commune avec une autre organisation prolétarienne[3] [707]. Pour notre part, c'est également un bilan très positif que nous tirons de cette expérience en ce qui concerne tant la qualité de la collaboration avec l'Opposition Ouvrière que l’impact qu’a pu avoir sur l’auditoire une telle unité d’intervention. En effet, le fait que deux organisations distinctes, avec des différences ou divergences existant entre elles, s’adressent conjointement à leur classe préfigure la capacité des différents éléments de l’avant-garde révolutionnaire à travailler ensemble pour la défense de la cause qui leur est commune, la victoire de la révolution. A ce sujet, il était entendu entre nos deux organisations que, dans les interventions des réunions publiques, la priorité serait donnée à la question de l’organisation du prolétariat à travers ses propres organes que sont les conseils ouvriers pour sa lutte révolutionnaire, ainsi qu'à celle de la dénonciation de la mystification démocratique et parlementaire et du rôle contre-révolutionnaire des syndicats. Mais il était également entendu entre nous que nous ne chercherions pas à masquer des approches parfois différentes concernant les explications à telle ou telle situation, et qui se sont effectivement exprimées dans l’argumentation des uns et des autres, ou même des différences concernant telle ou telle question. Il était également convenu entre nos deux organisations que ces différences devraient faire l’objet d’un débat approfondi entre elles visant à en cerner mieux la réalité et les implications.
Pour notre part, nous sommes plus que jamais disposés à renouveler l'expérience. Encore une fois, nous remercions nos sympathisants pour la qualité de leur engagement à nos côtés et nous saluons l'Opposition Ouvrière pour son attitude ouverte et solidaire, en un mot : prolétarienne.
CCI (2 décembre 2005)
[1] [708] Ce groupe, avec lequel le CCI développe une relation de discussion et collaboration politiques, appartient clairement au camp du prolétariat du fait en particulier de son engagement dans le combat internationaliste en vue de la victoire du communisme. Il démontre par ailleurs une clarté significative concernant la nature des syndicats et la mystification démocratique et électoraliste. Pour consulter son site : https://opop.sites.uol.com.br/ [709].
[2] [710] L’objectif militant était cependant clairement présent dés le départ dans l’intitulé de notre présentation puisque celle-ci avait comme surtitre "Le futur appartient à la lutte de classe".
[3] [711] Un précédent avait été constitué par la tenue d'une réunion publique commune avec la CWO (Communist Worker's Organisation), représentante du BIPR en Grande-Bretagne, à l'occasion du 80e anniversaire de la révolution de 1917. Malheureusement cette expérience n'a pas eu de suite, la CWO et plus généralement le BIPR estimant impossible de la renouveler à cause du prétendu idéalisme du CCI illustré en particulier par son analyse de l'existence d'un cours historique aux affrontements de classe.
"La guerre de 14-18 comme jamais nous ne l’avions vue au cinéma". C’est ainsi que débute la critique, pour le moins dithyrambique, du magazine Historia à propos du film Joyeux Noël de Christian Carion, sorti le 9 novembre dernier dans les salles, et sélectionné pour représenter la France aux Oscars 2006.
Que peut-il y avoir de si merveilleux dans ce film qui mérite un tel engouement ?
Le cinéaste a choisi de traiter une "soirée particulière" au cours de cette vaste boucherie, celle du 24 décembre 1914, la première nuit de Noël depuis le déclenchement de la guerre en août. Ce soir-là, comme le dit Carion dans le roman inspiré de son film, "l’impensable s’est produit". Malgré l’impératif qu’ils avaient de s’entretuer, malgré la haine du "boche" ou du "französe" apprise 10 ans plus tôt sur les bancs de l’école primaire en vue de cette guerre, les soldats de part et d’autre vont, ce soir-là, poser les fusils, chanter ensemble quelques cantiques de Noël puis vont tout aussi spontanément sortir des tranchées pour se serrer la main et partager le vin, le schnaps, le pain et les cigarettes. Des parties de football seront même organisées le lendemain, d’après les archives militaires. Ce sont ces moments de fraternisations de décembre 1914 que met en scène le film.
Evidemment, la bourgeoisie ne laisse pas entrer n’importe quel film dans le Panthéon de sa grande cinémathèque, surtout lorsqu’il traite d’un sujet aussi délicat que les fraternisations de la "Grande Guerre". Alors, si elle est prête à la gratifier d’un Oscar, c’est que la version de Carion lui convient parfaitement.
En effet, si les moments du film où les soldats fraternisent ne peuvent que nous submerger d’émotions vives, la signification, ou plutôt l’absence de signification donnée à cet événement est un véritable seau d’eau glacée jeté à la face du spectateur qui ne relève que de la falsification historique.
Finalement, Noël 1914 devient une jolie et émouvante parenthèse sans lendemain, qui devra très vite se refermer parce que "les affaires" doivent nécessairement reprendre. Les dialogues entre les officiers français, britanniques et allemands sont édifiants :
"- L’issue de la guerre ne se jouera probablement pas ce soir… Personne ne nous reprochera d’avoir posé nos fusils une nuit de Noël !
- Rassurez-vous ! C’est juste pour cette nuit renchérit Horstmayer, [l’officier allemand] qui veut "rassurer" son homologue français…"
Et dans l’épilogue du roman, on peut lire en guise de conclusion : "Bien sûr, la guerre a repris ses droits (…) Lorsque Noël 1915 a pointé son nez, les états-majors avaient bien retenu la leçon et ne se sont pas laissé prendre au dépourvu : ils ont fait bombarder les secteurs trop calmes à leurs yeux. Il n’y a plus eu de fraternisations comme en 1914." Et voilà, fin de l’histoire, pour reprendre les mots d’Audebert (l’officier français), la "parenthèse est refermée".
Dès 1914, les journaux, notamment ceux d’Angleterre, sont au courant des fraternisations de Noël mais ils ne chercheront pas à les dissimuler, bien au contraire, ils en feront l’étalage dans leurs colonnes avec un traitement similaire à celui que l’on retrouve aujourd’hui dans Joyeux Noël. Ainsi, on pouvait lire dans le Manchester Guardian du 7 janvier 1915 : "‘Mais ils sont rentrés dans leurs tranchées’ pourrait dire un observateur parfaitement avisé et totalement inhumain, venu d’une autre planète, ‘et ils se sont brutalement remis à tuer et à se faire tuer. A l’évidence, cette attitude qui partait d’un bon sentiment est restée sans lendemain’. Ce à quoi, naturellement nous aurions raison de lui rétorquer qu’il y avait encore beaucoup à faire – qu’il fallait encore délivrer la Belgique de l’horrible joug qui pesait sur elle, comme il nous fallait apprendre à l’Allemagne que la culture ne pouvait être imposée par l’épée."
"Il y a encore beaucoup à faire, donc trêve de plaisanterie et regagnons nos tranchées respectives", c’est exactement ce que Carion fait dire aux soldats de son film, à l’image de l’un des personnages principaux, le soldat allemand Nikolaus qui refuse la désertion que lui propose sa belle parce que, tout de même, "Je suis soldat ici ! J’ai des devoirs, des obligations comme tous les autres !".
C’est ici, dans cette morale à deux sous, que le film dérape copieusement pour devenir une pure fiction, un fantasme de la classe dominante qui réécrit l’Histoire à sa guise et confisque de cette manière celle de la classe ouvrière.
Les fraternisations de Noël 1914 n’ont jamais été ces sortes de "miracles sans lendemain" ou "une pause, un entracte avant l’acte suivant du drame effroyable", pour reprendre l’expression de l’historien Malcolm Brown, coauteur avec Marc Ferro de Frères de tranchées (disponible en librairie un peu avant la sortie du film de Carion).
Avant décembre 1914 et bien après, tout au long de la guerre, les scènes de fraternisation se sont répétées sur tout les fronts : à l’Ouest entre soldats allemands et britanniques ou français, à l’Est entre soldats russes et allemands ou austro-hongrois, sur le front austro-italien entre soldats autrichiens et italiens. Partout, les mêmes scènes de partage de boisson, nourriture et cigarettes qui volent de tranchée à tranchée, les mêmes tentatives pour s’échanger quelques mots (certains regrettent de ne pas parler la langue de celui d’en face). Et l'on s’entend le plus souvent pour ne pas s’entretuer (les historiens eux-mêmes ont appelé ça le "vivre et laisser vivre"). Les cas de fraternisation sont parfois si poussés que les officiers sont obligés de demander à l’artillerie ennemie de canarder leurs hommes pour qu’ils daignent enfin retourner dans leurs tranchées.
L’idée selon laquelle les fraternisations étaient "sans lendemain" implique un autre mensonge que celui consistant à dire que le phénomène fut "rare et limité". Le "sans lendemain" veut dire aussi "sans espoir" de mettre un terme au carnage. Le film, appuyé par une ribambelle d’historiens bourgeois, cherche en effet à vider de tout contenu politique de tels événements. Comme le fait Marc Ferro en disant : "C’était un cri de désespoir poussé contre les offensives inutiles par des soldats qui n’en pouvaient plus… Mais elles n’ont pas été un pas vers une remise en cause de la guerre", mieux, elles n’ont "pas eu de contenu révolutionnaire".
Si un prix Nobel de la mauvaise foi existait, alors Monsieur Ferro serait un sérieux concurrent. Il est pourtant évident que des soldats que l’on envoie s’entredéchirer et qui, au contraire, posent leurs fusils pour aller se serrer la main, remettent de facto en cause la guerre.
"Ces fraternisations n’ont pas de signification politique", mais c’est tout le contraire qui est vrai. En effet, elles expriment la nature internationale de la classe ouvrière, le fait qu’elle n’a aucun intérêt à se faire massacrer pour des intérêts qui sont ceux de ses exploiteurs et de leur patrie. Les fraternisations depuis 1914 puis les mutineries de 1917 (voir RI n°285, décembre 1998) [1] [712] sont l’expression de la révolte montante de la classe ouvrière, excédée au front comme à l’arrière par les souffrances imposées par la guerre, dont le point d’orgue sera la révolution russe de 1917. Les exemples de ce qu’annoncent les fraternisations ne manquent pas. Ainsi, le caporal Barthas rapporte qu’en décembre 1915, dans le secteur de Neuville-Saint-Vast, les tranchées étant inondées, soldats français et allemands durent sortirent et commencèrent à fraterniser. Un peu plus tard, après un discours, un soldat allemand brise son fusil dans un geste de colère, alors, écrit Barthas, "des applaudissements éclatèrent de part et d’autre et l’Internationale retentit". De même, un soldat français rapporte en janvier 1917 : " Les boches nous font signe avec leurs fusils qu’ils ne veulent plus tirer sur nous ; si on les obligeait, ils lèveraient en l’air" (lever la crosse en l’air est un signe de mutinerie). Encore dans le témoignage de Barthas, cette fois dans les Vosges en septembre 1917 : " … il y en a un [soldat allemand] qui a pris son fusil et l’a agité la crosse en l’air et il a achevé son geste en mettant son fusil en joue mais en nous tournant le dos et en visant vers l’arrière. C’était très explicite et nous en avons déduit qu’il faudrait qu’ils tirent mais vers ceux qui les menaient ".
Le mouvement ouvrier sait pertinemment la valeur et la signification des fraternisations. Lénine, lui-même, dans un article de la Pravda en date du 28 avril 1917 le dit magistralement : "Les capitalistes tournent en ridicule les fraternisations… or les ouvriers, les semi-prolétaires et paysans pauvres qui, guidés par l’instinct même des classes opprimées, marchent dans les traces des ouvriers conscients, voient les fraternisations avec la plus vive sympathie ; il est évident que les fraternisations sont une voie vers la paix."
Il est évident que cette voie ne va pas dans le sens des gouvernements capitalistes, mais va au contraire dans un sens opposé. Elle développe, renforce, consolide le sentiment de confiance fraternelle qui unit les travailleurs de différents pays. Elle commence à miner la discipline maudite des casernes-prisons… Il est évident que les fraternisations constituent une initiative révolutionnaire des masses, qu’elle signifie l’éveil de leur conscience, l’esprit de courage des classes opprimées, qu’elles sont en d’autres mots un des nœuds de la chaîne qui conduit à la révolution socialiste prolétarienne.
Vivent les fraternisations : vive la révolution socialiste mondiale prolétarienne !"
C’est cette réalité que le film Joyeux Noël fait disparaître. Il choisit les fraternisations de 1914 en escamotant leur contenu et ce qu’elles préfigurent : l’éclatement de la révolution prolétarienne de 1917 en Russie. Ce genre de film, sous couvert de bons sentiments humanistes et pacifiques " tourne en ridicule les fraternisations" pour confisquer et altérer la mémoire de la classe ouvrière et par là sa perspective révolutionnaire.
Azel (2/01/2006)
[1] [713] Article : "Les mutins de 1917 appartiennent à la mémoire du prolétariat international, pas à celle de la nation !"
Nous publions ci-dessous une lettre d’un de nos sympathisant qui a « commis le crime » de rappeler, preuves à l’appui, l’appel à voter Mitterand aux élections présidentielles de 1974 et 1981.
Pour cela, LO l’a purement est simplement interdit d’accès à ses forums !
Une telle pratique de la part de cette organisation d’extrême gauche de la bourgeoisie ne doit pas nous étonner. Comme le rappelle notre sympathisant, c’est à peu de chose près ce qui est arrivé au CCI en 1992 à la fête de LO. Quand nous avons montré ces mêmes premières pages de Lutte Ouvrière LO a immédiatement coupé le micro pour nous faire taire !
Aussi pour mémoire, sous la lettre du camarade, nous publions également les unes du journal de « Lutte Ouvrière », appelant à voter Mitterand.
Chers camarades,
Depuis quelques mois, je me suis lancé dans des discussions politiques sur des forums Internet dont celui des amis de Lutte Ouvrière. En tant que sympathisant du CCI, j’y défends les positions révolutionnaires. Autant dire que dans un forum trotskiste c’est une opération un peu kamikaze. La simple évocation du CCI leur colle des ulcères.
Récemment, j’ai posté un sujet sur le forum de LO que j’ai appelé LO et Mitterrand[1]. En fait, je me suis inspiré de votre article Dix après la mort de Mitterrand, les « trous de mémoire » d’Arlette Laguiller paru sur internet dans le Révolution Internationale de février. J’en ai cité un large extrait pour montrer qu’aujourd’hui LO fait mine de critiquer Mitterrand et la gauche alors qu’en 1974 et 1981 elle appelait en première page de son journal à voter pour ce même Mitterrand.
Cette discussion n’a pas dû leur plaire parce que depuis, l’accès de ce forum m’est interdite. D’ailleurs, la méthode employée par LO pour m’expulser vaut son pesant de cacahuètes : censure et flicage…tout un programme !
Alors que la discussion se développait, j’en ai parlé à un collègue de travail dont je connais la sensibilité pour les idées de LO (en fait, il vote à chaque élection pour cette organisation). Mais il se trouve que par rapport aux épisodes de 1974 et 1981, il m’a exprimé ses critiques à l’égard de LO et particulièrement sur leur appel de 1981 à voter Mitterrand. Au bout d’un moment, j’ai finalement réussi à le convaincre d’intervenir dans la discussion sur le forum pour qu’il exprime ses critiques. Ce qu’il a fait en utilisant, tout comme moi, les ordinateurs du boulot. Résultat somme toute logique, les messages de maurizio (mon pseudo sur Internet) et ceux de Laquille (celui du collègue) sont partis du même réseau informatique. Il n’en fallait pas plus pour les modérateurs, les flics de LO sur le forum, pour nous expulser. Ils ont profité de cette commodité, l’utilisation en commun de postes informatiques, pour nous foutre dehors. Ce serait marrant que LO vienne reprocher aux travailleurs de discuter politique au boulot et de « voler » un peu de temps aux patrons pour profiter d’Internet. Qu’elle vienne leur dire qu’ils sont « malhonnêtes », j’aimerais sincèrement voir ça !
En tout cas, en ce qui me concerne, ils ne se sont pas privés de m’insulter publiquement de « personne malhonnête ». Là, c’est vraiment le monde à l’envers. Le message du modérateur dit ceci : « Note de la modération: ce fil a été créé par Maurizio, qui a également posté des messages sous le nom de "Laquille" au bout d'un moment, pour se donner du crédit. Il faut donc le lire en ayant cette information à l'esprit. Le procédé en dit long ». C’est du grand délire mais c’est surtout franchement dégueulasse. Leur attaque est publique et je devrais avoir un droit de réponse publique, mais visiblement c’est plus commode pour eux de m’insulter sans que je puisse dire quoi que se soit pour me défendre. D’ailleurs, le modérateur du forum n’a même pas indiqué que Laquille et moi étions expulsés sans droit de réponse… laissant ainsi croire à tous les participants que je me serais éclipsé la queue entre les jambes. Un autre participant, lui aussi sympathisant du CCI, à qui j’ai expliqué toute l’affaire, a essayé de répondre à ce procédé puant mais son message a tout simplement été supprimé au bout de quelques minutes !!! Le modérateur a justifié cette mesure en affirmant que tout commentaire sur la modération était interdite donc… « circulez y’a rien à voir ». Il est évident que c’est à partir du moment où le collègue a envoyé les images des premières pages de LO de 1974 et 1981 appelant à voter Mitterrand (images que je vous avais demandé et que je me suis fait un plaisir de lui transmettre) qu’ils ont eu comme un malaise et qu’ils ont envoyé leurs tontons flingueurs pour nous faire fermer nos gueules. Bizarrement, c’est à peu de chose près ce qui est arrivé au CCI en 1992 à la fête de LO puisque c’est lorsque vous avez montré ces mêmes premières pages de Lutte Ouvrière que LO a coupé le micro pour vous faire taire.
Si le modérateur ne veut pas que je donne les explications de pourquoi mes messages et ceux de Laquille sont partis du même endroit, c’est surtout parce qu’il a trouvé là un prétexte pour me virer tout simplement du forum et en finir avec une discussion gênante. Le message d’un participant visiblement ardent défenseur de la politique et des méthodes de LO est d’ailleurs très révélatrice de la volonté de mettre un terme à cette discussion « indésirable » : « ça tourne en rond. Ce qui ne gêne pas les intervenants CCI-RIstes tant ils en ont l'habitude. Il va falloir songer à clore ». Rappeler la vérité, ils n’aiment pas du tout ça chez LO…encore plus si ça vient de sympathisants du CCI.
Flicage des ordinateurs et censure…c’est le menu stalinien des méthodes de LO et c’est plutôt ça qui en dit long.
Merci de bien vouloir me laisser un droit de réponse car je n’ai pas de site internet personnel.
maurizio
[1] Si vous voulez aller voir, voici le lien direct vers le « débat » : forumlo.cjb.net/index.php?showtopic=15969
Les attaques que le gouvernement et l'ensemble de la bourgeoisie française mènent en particulier contre les jeunes générations ouvrières à travers le contrat nouvelle embauche (CNE) ou le contrat première embauche (CPE) sont accompagnées d'une intense propagande idéologique.
Que les sirènes de la bourgeoisie persuadent les uns qu'il s'agit d'une "chance", d'une "occasion à saisir" ou qu'elles poussent les autres derrière les partis de gauche et les syndicats dans de stériles journées d'action défouloirs (comme celles du 7 février ou du 7 mars) en leur faisant miroiter l'illusion d'une autre gestion possible du capitalisme, tout cela n'est que de la propagande. La classe dominante tente de profiter ainsi du fait que les jeunes générations de prolétaires n'ont aucune expérience concrète de la lutte ouvrière, contrairement à leurs aînés qui ont mené le combat dans les années 1980.
L'objectif est de tenter d'empêcher ces jeunes prolétaires de développer leur réflexion en profondeur, d'entrevoir une remise en cause du système capitaliste. Cela, en dévoyant leur réactions soit sur le terrain de la "débrouille" individualiste, soit sur celui de "la mobilisation citoyenne" où la bourgeoisie les empêche de prendre conscience de leurs conditions de prolétaires. Toute cette entreprise mystificatrice est non seulement destinée à diviser au maximum les jeunes prolétaires entre eux, à les déboussoler ; mais surtout, à les cloisonner, les isoler du reste de la classe ouvrière et à créer un fossé entre les générations ouvrières en tentant de faire apparaître le CNE ou le CPE comme un problème spécifique "pour les jeunes".
La bourgeoisie masque ainsi que des attaques comme le CNE et le CPE préparent une généralisation de la précarité à l'ensemble de la classe ouvrière. Le gouvernement Villepin a d'ailleurs annoncé la couleur en dévoilant son projet d'étendre les mêmes dispositions à tous les contrats de travail d'ici l'été prochain. Il s'agit donc d'empêcher la classe ouvrière dans son ensemble de prendre conscience que cette attaque est un révélateur de la faillite du système capitaliste.
C'est pourquoi se battre contre la précarisation croissante de l'emploi n'est nullement un combat réservé "aux jeunes". Il concerne au contraire toute la classe ouvrière.
La bourgeoisie prend ainsi les devants pour éviter une mobilisation massive contre le CNE ou le CPE. Elle tente de dévoyer et d'enrayer le sentiment spontané de sympathie dont bénéficient les jeunes générations ouvrières face à cette nouvelle attaque. L'assassinat barbare et crapuleux d'un jeune homme d'origine juive par une bande de voyous sans scrupules a constitué du pain bénit pour toute la classe politique bourgeoise afin de lancer une gigantesque campagne médiatique. Le but principal de ce battage est de jeter l'opprobre et le discrédit sur la partie de la classe ouvrière la plus déshéritée mais aussi la plus fragilisée et sans doute la moins consciente. Ainsi, les jeunes de banlieue, dont une grande partie sont d'origine immigrée, sont montrés du doigt comme un foyer potentiel de criminels racistes et antisémites. Par ailleurs, la bourgeoisie ne s'est pas privée d'évoquer le spectre des émeutes de novembre dernier et les voitures cramées. Le message est clair : ces jeunes ne sont pas que des "pauvres victimes" de la misère, du chômage, de la précarité, ils peuvent être non seulement des vandales mais aussi des bourreaux en puissance. Ainsi, cette odieuse propagande est destinée d'abord à diviser davantage les prolétaires entre eux mais plus largement à marginaliser et isoler davantage les enfants des cités de banlieue du reste de la classe ouvrière. Nous développons par ailleurs (voir article en page 2) les autres aspects idéologiques de cette campagne qui visent tous à saper la conscience des ouvriers et à paralyser l'expression de toute solidarité de classe.
Cependant, la classe ouvrière a les moyens de réagir. Lors de la grève des transports publics à New York en décembre dernier, par exemple, alors que l'attaque sur les retraites ne visait explicitement que ceux qui seraient embauchés dans le futur, nous avons déjà évoqué et salué la capacité des ouvriers de refuser une telle manœuvre de division (voir RI n°365). La grève a été largement suivie car la plupart des prolétaires avaient pleinement conscience que se battre pour l'avenir de leurs enfants, pour les générations à venir, faisait partie de leur combat de classe. Ce sont de telles manifestations de solidarité qui sont aujourd'hui une nécessité pour développer le combat de classe. C'est aussi la responsabilité des prolétaires les plus expérimentés de ne pas laisser leurs jeunes camarades isolés face aux attaques de la bourgeoisie et de ne pas se laisser piéger et diviser par ses manœuvres idéologiques. La seule réponse possible est dans le développement des luttes massives, toutes générations, tous secteurs de la classe ouvrière confondus.
W (25 février)
Depuis le début de l’année, le gouvernement accélère ses attaques contre toute la classe ouvrière. Sur le terrain de la précarisation des conditions de vie de la classe ouvrière, après le contrat nouvelle embauche de l’automne dernier, Villepin nous a sorti le contrat première embauche, destiné plus spécialement à imposer aux moins de 26 ans des conditions d’exploitation aggravées. Dans la fonction publique, ce sont entre 20 000 et 25 000 emplois qui vont sauter. France Telecom va licencier 17 000 employés et, dans l’ensemble du secteur privé, les fermetures d’entreprises et les licenciements qui les accompagnent sont en constante augmentation. Pendant ce temps, le gouvernement veut faire croire qu'il fait baisser le chômage alors qu'il ne fait qu'accentuer la pression sur les chômeurs et éjecter des milliers d’entre eux des listes de l’ANPE.
Face à cette offensive en règle du capital français, les syndicats sont montés au créneau et ont organisé toute une série de journées d’action, alors qu’ils étaient restés particulièrement silencieux depuis le mois d’octobre.
Le 2 février, nous avons eu droit au spectacle de "l’unité syndicale", CGT, FO, FSU, CFDT, UNSA, CGC, etc. appelant à manifester contre les accords salariaux passés dans la fonction publique… accords déjà entérinés quelques jours auparavant par des négociations entre la CFDT, la CFTC, l’UNSA et le gouvernement.
Le 7, l’ensemble des syndicats ainsi que les organisations lycéennes et étudiantes appelaient à manifester contre le CPE, en pleines vacances scolaires, ce qui n’empêchait pas que le texte soit voté au parlement dans la nuit du 8 au 9 février. Le 16, le 20 puis le 23 février, les appels à des manifestations sur tout le territoire se répétaient, de la part des organisations de jeunesse et de la CGT en particulier. Et c’est encore pour le 7 mars que FO, rapidement suivie par l’ensemble des syndicats, proposait une journée d’action interprofessionnelle pour le retrait du CPE.
Tout cela donne ainsi l’impression d’une riposte en règle de la part des syndicats pour contraindre Villepin à retirer le CPE, pendant que ce dernier multiplie les déclarations provocatrices du type : "Le CPE, c’est plus de chance sur le marché du travail et plus de sécurité dans l’emploi." Il est évident qu’il n’en est rien et que ce "contrat" est un marché de dupes, mais il s’agit de donner du grain à moudre aux syndicats pour mieux donner l’illusion qu’ils se mobilisent pour défendre les intérêts de la classe ouvrière.
En effet, ces journées d’action n’ont aucunement pour objectif de pousser le gouvernement à retirer ses mesures anti-ouvrières mais, tout au contraire, à les faire passer en déboussolant la classe ouvrière et en défoulant une partie de la combativité comme on l’a vu lors de certaines manifestations lycéennes et étudiantes en province.
La multiplication de ces mobilisations syndicales, cet éparpillement d’une prétendue riposte sont des manœuvres de sabotage de la lutte. En mettant en avant des revendications particulières à tel ou tel secteur de la classe ouvrière, les syndicats organisent la division voire l’opposition des ouvriers entre eux. Et même lorsqu’ils font semblant de mobiliser les ouvriers "tous ensemble", c’est pour mieux mettre en avant dans les manifestations des intérêts catégoriels et spécifiques. Les ouvriers ne peuvent rien en retirer qu’un sentiment d’impuissance, de lutte stérile et sans lendemain qui débouche sur la démobilisation et la démoralisation. C’est ce que cherchent les syndicats, qui en rajouteront une couche en cherchant de surcroît à culpabiliser les ouvriers eux-mêmes en les rendant responsables de leurs conditions de misère, parce qu'ils ne se mobiliseraient pas assez dans les journées d'action à répétition.
Le but recherché aujourd’hui est de créer une fausse impression de riposte qui serait menée par les organisations syndicales et de faire barrage à des initiatives de la part de la classe ouvrière. Ceci afin de mieux saboter la prise de conscience de la nécessité pour les ouvriers de prendre leurs luttes en main et que c’est réellement tous ensemble qu’il faut lutter, que l’on soit du privé ou du public, jeunes ou vieux, au chômage ou au travail.
Cependant, cette nécessité commence de plus en plus clairement à germer dans les rangs ouvriers, bien que la réflexion soit encore embryonnaire et limitée à une minorité dans la classe ouvrière.
Ainsi, lors des interventions du CCI dans certaines de ces mobilisations, nous avons eu de nombreuses discussions avec des manifestants. Lors de la manifestation du 2 février à Paris en particulier, dans une ambiance d’encadrement syndical sinistre et apathique, soigneusement organisée par des syndicats qui avaient fait en sorte de saucissonner le défilé en paquets bien encadrés par les différents services d’ordre derrière les banderoles de chaque chapelle syndicale, les critiques fusaient de la part d’ouvriers (dont des syndicalistes) qui suivaient le cortège sur les trottoirs. "On est là mais ça ne sert à rien" "Ce type de manif ne sert à rien." "C’est du sabotage." Ou encore plus précisément : "Ce qu’il faut, c’est la révolution." De telles réflexions sont exemplaires d’un état d’esprit qui se développe dans la classe ouvrière, celui du besoin de lutter pour ne pas se faire avoir, mais pas n’importe comment, ainsi que d’une certaine prise de conscience que les syndicats ne font que nous balader.
Bien qu’elle ne soit que naissante, cette dernière est significative du tournant qui s’opère depuis quelques années dans la classe ouvrière. Et c’est pour cette raison que les gauchistes, trotskistes en tête, montrent autant de dynamisme dans le recrutement de jeunes lycéens et étudiants, comme on a pu le voir dans la manifestation du 7 février, car toute une réflexion en profondeur se développe dans la tête de ces futurs exploités. En particulier, quand une réelle méfiance par rapport aux centrales syndicales existe chez les jeunes, les trotskistes se chargent de la récupérer, non pas pour développer une conscience claire de la nécessité de détruire le capitalisme, mais pour mieux les rabattre dans le carcan du syndicalisme, avec l’illusion mortelle qu’on peut réformer le capitalisme.
Les syndicats et les gauchistes ne sont nullement les ennemis du gouvernement et du patronat, ils sont au contraire les meilleurs alliés de la bourgeoisie et les meilleurs défenseurs de ses attaques anti-ouvrières.
Mulan (25 février)
Entre l'affaire d'Outreau et le fait divers du gang des barbares de Bagneux, l'actualité des dernières semaines fut particulièrement sordide. Torture, meurtre, enfants violés, vies détruites… l'étalement de toutes ces horreurs met à nu le pourrissement de cette société.
Mais ce qui confine à l'écœurement, c'est l'exploitation cynique par la bourgeoisie de ces atrocités. Sans aucune vergogne, les médias et les hommes politiques de tous bords se sont jetés sur ces événements tels des charognards. En braquant ainsi tous les projecteurs sur des monstruosités et des individus en particulier, la bourgeoisie a cherché à jeter une ombre sur la misère et la barbarie générales de son système.
Un battage médiatique au service de la bourgeoisie
Dans la presse, les magazines, les émissions spéciales et les 20 heures, le procès d'Outreau et ses suites tiennent le haut du pavé de l'information. Non seulement, le juge d'instruction tout désigné comme bouc-émissaire a été jeté dans la fosse aux lions pendant des heures sous l'œil de caméras de télévision mais, comment ne pas éprouver un malaise devant l'aspect dégradant, choquant et indécent du spectacle de télé-réalité organisé auquel nous avons été conviés : celui d'hommes et de femmes tardivement innocentés (sans compter le drame de 25 enfants traumatisés à vie et séparés de leurs parents) dont les vies ont été irrémédiablement broyées, saccagées et qui sont jetés en pâture au spectacle télévisuel. Leur désarroi, voire leur désespoir, est exploité pour les balader comme des zombies errants de tribunaux en prétoires, de caméras en micros pour répéter sans fin leur haine parfois, leur incompréhension et leur hébétude. Pourquoi ? A quoi peut bien servir un tel déballage de souffrance ?
Ce flot de propagande pousse chaque "citoyen" à prendre partie et à se prononcer pour savoir qui doit être tenu pour responsable de ce fiasco. On voudrait nous faire croire, soit que l'erreur est à la charge d'un juge d'une immaturité flagrante, soit que la faute incombe à un appareil juridique inadapté. Quelle hypocrisie ! Avec un cynisme incroyable quand on sait qu'à Outreau pas moins de 67 magistrats ont participé au dossier d'instruction en soutenant et cautionnant les décisions du juge Burgaud, la bourgeoisie déploie la politique du bouc-émissaire en faisant porter le chapeau à un magistrat, lâché par ses corélligionnaires et livré au réquisitoire implacable d'une commission d'enquête parlementaire de circonstance. La vrai responsabilité ne repose pas sur tel ou tel individu ni sur une justice imparfaite mais sur l'ensemble de la bourgeoisie. C'est pour défendre ses intérêts, pour développer une propagande mystificatrice qu'elle a jeté en 2001 son appareil judiciaire sur un événement sordide et local stigmatisant la pédophilie.
La focalisation des médias sur un fait divers n'est en effet jamais gratuite. A l'origine, ce gigantesque battage médiatique a permis de frapper les esprits face à la "découverte", particulièrement horrible et monstrueuse, d'un vaste réseau pédophile impliquant une vingtaine de personnes. Le retentissement avait été comparable à l'affaire Dutroux en Belgique en 1996. La publicité était à la mesure de ce qu'on nous présentait avec cynisme comme un des plus "fameux procès du siècle". Alors que les affaires de pédophilie se multipliaient, ce procès devait être "exemplaire" de la fermeté de la justice. L'heure n'était pas à la prudence… les chiens étaient lâchés.
La réalité, c'est que plus un phénomène paraît horrible et monstrueux, plus il sert à masquer l'horreur et la monstruosité du système social qui l'engendre. Car l'objectif principal de cette vaste campagne idéologique était d'empêcher la remise en cause du système capitaliste dans son ensemble. Il s'agissait de masquer que le véritable responsable de la multiplication de pratiques sexuelles perverses et criminelles, notamment contre des enfants, c'est le capitalisme. La misère et la barbarie que le capitalisme porte en lui et qu'il diffuse à profusion tous les jours partout sur la planète sont indissolublement liées à une misère sexuelle et affective grandissante pour l'humanité. La réduction à des rapports humains marchands pousse à la frustration, au sadisme, à la violence et à la perversion. Ce sont les produits contaminés d'une société capitaliste pourrissante et déshumanisée qui s'enfonce dans le fumier de sa propre dégénérescence.
C'est le lien profond entre l'existence du capitalisme et la putréfaction des rapports sociaux que cette propagande médiatique et judiciaire cherchait à masquer. Et il ne faut pas croire qu'à travers toutes les commissions parlementaires actuelles ou les excuses gouvernementales, l'esprit qui anime les dirigeants politiques et les médias est aujourd'hui différent ou plus humain.
Derrière la prétendue remise en cause des institutions judiciaires, la dénonciation des "dysfonctionnements de la machine judiciaire", il s'agit encore et toujours de semer un maximum d'illusions sur la possibilité de réformer la justice.
Une diversion dirigée contre la classe ouvrière
Avec l'affaire du "gang des Barbares", la bourgeoisie utilise de nouveau l'horreur au service de sa propagande.L'enlèvement crapuleux et le meurtre sadique d'Ilan Halimi constituent une nouvelle manifestation édifiante de la décomposition du tissu social et le reflet abject d'un monde où il s'agit de gagner de l'argent par n'importe quel moyen. Mais l'énorme publicité médiatique là encore assurée à cet événement a permis d'en dénaturer le sens. S'il a été bruyamment présenté comme un "crime raciste et antisémite", c'est en fait que la bourgeoisie y trouvait son intérêt. Toute la classe politique a cyniquement exploité et instrumentalisé cet horrible assassinat pour appeler la population à une "union sacrée" autour de la défense des valeurs citoyennes et démocratiques. Ainsi, de l'extrême gauche jusqu'à … Le Pen, tous ont sauté sur l'occasion pour appeler à une grande manifestation à Paris sur le thème de "l'antiracisme". Plus insidieusement, c'est la jeunesse immigrée de banlieue, majoritairement noire ou maghrébine, qui se retrouve potentiellement stigmatisée et sur laquelle on fait retomber le soupçon de racisme et d'antisémitisme. Le déclenchement de cette campagne, elle-même vécue comme une provocation par ceux qui sont ainsi montrés du doigt, ne peut en retour que mettre de l'huile sur le feu, attiser pour de bon des réflexes racistes et développer un climat de haine et de tension entre communautés ethniques.
La fonction idéologique la plus pernicieuse de ce type de propagande est qu'elle participe d'une entreprise systématique pour saper la confiance et la solidarité des prolétaires entre eux. Une partie de la classe ouvrière est opposée à une autre. La bourgeoisie dresse des barrières entre différentes communautés ethniques ou religieuses pour mieux diviser les prolétaires entre eux. Plus largement, la classe dominante a recours à cette méthode pour alimenter une méfiance généralisée envers l'autre, pour susciter un sentiment de peur et d'insécurité envers lui. On pousse chacun à percevoir le collègue de travail, le voisin de palier, l'enseignant, les parents des copains de vos enfants, le quidam qui vous aborde dans le la rue, dans les transports, comme un ennemi potentiel susceptible d'être reconnu demain comme un individu asocial, un assassin monstrueux, un terroriste intégriste ou un dangereux pédophile. Cette entreprise vise à alimenter un sentiment d'isolement, d'atomisation individuelle parmi les exploités. La presse a d'ailleurs enfoncé le clou en multipliant les témoignages de voisins n'ayant rien vu ni rien entendu ou se déclarant sidérés d'avoir côtoyé si longtemps tel ou tel criminel qui paraissait si poli, calme et gentil. Le message ici délivré est qu'en banlieue, les prolétaires vivent cloîtrés, sans se soucier de l'autre. Plus écœurant encore, les commentaires journalistiques insinuaient que même ceux qui savaient n'ont pas réagi par peur et indifférence. Il s'agit d'entretenir à tout prix la division entre les ouvriers. La bourgeoisie et ses médias tentent ainsi d'empêcher les prolétaires de se reconnaître entre eux comme ayant les mêmes intérêts de classe à défendre et de les détourner de la nécessité de lutter ensemble face aux attaques massives du capitalisme. Elle cherche, derrière cette propagande, à briser la force collective que représente la classe ouvrière et à étouffer dans l'œuf tout élan de solidarité potentielle entre prolétaires. Il s'agit en fait de les empêcher de prendre conscience de la force collective qu'ils représentent et de s'opposer à leur unification qui n'est possible qu'à travers le développement de leurs luttes sur un terrain de classe.
Wim (23 février)
Il est aujourd’hui encore très difficile de faire un réel bilan humain de l’épidémie de chikungunya qui frappe depuis près d’un an l’île de la Réunion. Officiellement, nous en sommes à 52 décès ; et 110 000 personnes sur une population totale d’environ 700 000 habitants auraient été touchées ([1] [716]). Soit plus d’un habitant sur sept !
Mais en réalité l’horreur va certainement bien au-delà. Durant l’année 2005, les statistiques notent une augmentation significative de la mortalité sur l’île. Un communiqué publié par le ministère de la santé précise ainsi "On compte [...] en 2005, 396 décès de plus qu‘en 2004, 258 de plus qu’en 2003" (Libération du 17 février). De plus, les scientifiques n’ont pour l’instant aucune idée des conséquences sur les enfants nés de mères infectées. Ils constatent néanmoins d’ores et déjà des pathologies d’encéphalites chez ces bébés.
Et le pire reste encore à venir. Alors que durant toute l’année 2005, ‘seulement’ 10 000 cas avaient été recensés, nous en somme déjà à plus de 100 000 depuis le début 2006. Le rythme de contagion ne cesse de s’accélérer : elle est aujourd’hui de 22 000 nouveaux cas par semaine !
Sous le capitalisme, une vie humaine ne vaut pas grand chose
Comment une situation aussi désastreuse a pu voir le jour ? Le chikungunya est-elle une maladie si virulente et si incontrôlable ? Absolument pas.
Si une cinquantaine de personnes sont mortes au cours de ces derniers mois, c’est tout simplement parce que l’Etat français n’a strictement rien fait pour lutter contre la maladie. Qu’on en juge ! Lors de la déclaration des premiers cas en février 2005, aucune précaution n'a été prise pour procéder à l'isolement réel (hospitalisation) ou seulement virtuel (protection à domicile des porteurs de la maladie). Pourtant, les Aedes (l'espèce de moustiques vecteur de la maladie) devient porteur en piquant un être malade. Une simple mesure de quarantaine aurait donc pu suffire dès le départ à enrayer la propagation. Quand les cas ont commencé à se multiplier, l'Etat a réagi en… attendant l'hiver austral, spéculant sur une extinction spontanée des Aedes. En novembre 2005, alors que les autorités reconnaissent enfin officiellement au Sénat une "véritable catastrophe sanitaire" qui "ravage l'île", le ministère de la santé attend encore un mois pour réagir. Et pour faire quoi ? Pour débloquer la somme de 52 000 Euros et un renfort de 20 personnes pour poursuivre la démoustication. A l'aune de ces quelques deniers, la déclaration de Xavier Bertrand du 30 janvier affirmant sur le sol réunionnais qu'il lance une "stratégie globale de lutte pour ne pas se faire prendre de vitesse" apparaît aussi ridicule que révoltante.
A partir de février 2006, le nombre de morts commence à inquiéter. L'Etat bombe le torse, se veut protecteur et rassurant. Il prend les choses en main en le clamant haut et fort. Le quotidien Libération titre ainsi "La France accentue son effort" (le 9 février 2006). Seulement, encore une fois, la réalité des moyens débloqués est dérisoire. Le 8 février, le ministre Xavier Bertrand annonce que la situation s’est aggravée puis annonce triomphalement une série de nouvelles mesures : augmentation de la capacité d'accueil des hôpitaux de 65 lits et envoi de 30 infirmiers et 20 médecins (Libération du 9 février). Il faut le lire et le relire encore pour le croire : contre 20 000 nouveaux malades chaque semaine, l'Etat 'offre' 65 lits, 30 infirmiers et 20 médecins !
Sous le capitalisme, la recherche médicale est un secteur économique comme un autre
La lenteur de la réaction et la médiocrité des moyens mis en place révèlent quelle valeur a la vie humaine pour la bourgeoisie et son Etat : moins que rien.
Mais le cynisme n'a pas de limite. Les responsables et les médias aux ordres avancent comme excuse la méconnaissance de la maladie. Un communiqué du ministère délégué à la recherche indique ainsi qu'il s'agit maintenant de "mieux comprendre, connaître et surtout mieux combattre cette maladie émergente". Le chikungunya, une maladie émergente, une maladie nouvelle et méconnue ? De qui se moque t-on ? Ce virus est connu de longue date. Il a été identifié la première fois en Ouganda en 1953 ! Il y a plus de 50 ans ! Depuis, il circule en permanence en Afrique de l'Est, en Asie du Sud-Est et dans le sous-continent indien. Et il ne faut pas croire que la recherche scientifique s'est désintéressée depuis tout ce temps de ce virus. Au contraire, des centaines de millions de dollars lui ont été consacrés pour… en faire une arme de guerre. Le 24 septembre 2001, 13 jours après l'attaque des Twin Towers, l'OMS avait établi une liste concernant les agents biologiques susceptibles d'être utilisés à des fins terroristes. Parmi eux figurait en septième position l’inoculation du virus du chikungunya. Plus loin dans le temps, dans les années 1980, l'armée américaine s'était intéressée à en faire une arme bactériologique. Et par contre pas un sou pour la recherche médicale. Aucun vaccin, pas le moindre médicament. Il n’y a aucune rentabilité économique à investir pour soigner des populations misérables.
La mortalité est un produit de la misère
Ce qui surprend le plus le corps médical est la nature mortelle de certaines contaminations. Jusqu' alors, le chikungunya était considérée comme une maladie grave, entraînant des troubles importants et parfois des séquelles mais nullement mortelle. Chikungunya signifie littéralement "marcher courbé". Pourquoi aujourd'hui ce virus tue-t-il ? Les 52 décès officiellement reconnus sur l'île de la Réunion concernaient des patients déjà fragilisés par d'autres pathologies. En d'autres termes, si le chikungunya fait aujourd'hui des ravages, c'est qu'il touche des populations affaiblies. Comme toute les maladies, ce virus trouve dans la misère le terreau le plus fertile à son développement et à sa virulence.
Ce n'est donc pas un hasard si cette épidémie dépasse largement les frontières de la petite île et commence à toucher toutes les régions bordant l’océan Indien : aux Seychelles, à Mayotte, sur l'île Maurice, à Madagascar… Et cette liste ne fait que s'allonger.
La façon dont la maladie touche l’île de Madagascar est particulièrement caractéristique du développement des maladies au fur et à mesure que la capitalisme pourrit sur pied. Dans les hôpitaux, les médecins sont incapables d'établir un quelconque diagnostic quand les malades débarquent aux urgences. Pourquoi ? Tout simplement parce que le nombre de maladies répandues dans la population est considérable. Les symptômes du chikungunya peuvent être ainsi confondus avec ceux du paludisme, de la dengue ou autre arbovirose. Et les médecins en viennent à espérer que le malade soit touché par le chikungunya car c'est la maladie la moins mortelle du lot !
L'avenir du capitalisme, c'est plus de misère et plus d'épidémies
Face au chikungunya, la bourgeoisie a encore une fois montré toute son incurie 3 ans après les 15000 morts de la canicule en France méropolitaine. Cette classe domine un système qui est incapable de protéger la population. Pire, en développant la misère, elle livre sans soin une population affaiblie aux ravages de tous les virus qui passent.
C'est pourquoi tous les discours sur le sacro-saint principe de précaution, sur les mesures préparatoires afin de faire face à la grippe aviaire ne sont que de grossiers mensonges.
Chikungunya, paludisme, sida, retour de la lèpre et de la tuberculose pour des pans entiers du globe, voilà la seule promesse d'avenir que le capitalisme sera capable de tenir !
Pawel (20 février)
[1] [717] Une semaine après l'écriture de cet article, il faut noter que le décompte des victimes est déjà passé à 150 000 malades et 77 morts.
Nous publions ici un bilan de notre intervention dans la lutte des travailleurs de SEAT contre les licenciements ([1] [718]). Cette intervention a eu comme axe principal celui de soutenir le début d’une lutte ouvrière authentique et de dénoncer le sabotage syndical de cette manifestation de combativité et de solidarité ouvrières. Si nous publions un compte-rendu de ce qui a été défendu par notre organisation aux portes des usines de SEAT, lors des assemblées, dans les manifestations, c’est justement pour montrer que l’alternative : ou bien on accepte ce que les syndicats organisent ou bien on reste, démoralisés, à ruminer notre impuissance, est une alternative fausse. Une autre idée fausse est celle qui prétend que l’activité d’une organisation révolutionnaire serait celle d’une espèce de club organisant des débats stériles et distants. Notre intervention chez SEAT a montré que nos positions politiques, fruits des leçons de plus de 200 ans de luttes ouvrières contre l’exploitation, peuvent et doivent se concrétiser en propositions et en orientations pour renforcer la lutte des travailleurs d’aujourd’hui et de demain, et les mettre en garde contre les pièges de leurs ennemis. Nous sommes allés dire aux travailleurs : "Faites des assemblées pour diriger vous-mêmes votre lutte", "Ne vous laissez pas diviser" "Ne laissez pas casser votre combativité avec des mobilisations qui vous affaiblissent et vous isolent, à travers lesquelles ceux qui vous ont trahi essaient de récupérer votre confiance", …
Ainsi, nous avons dit à haute voix ce qu’un bon nombre de travailleurs de SEAT ou de n’importe quel autre secteur ou n’importe quel pays pensent sans oser l’exprimer ouvertement. Et nous continuerons à le faire parce que ce sont les bases de la véritable lutte ouvrière, celle du 23 décembre chez SEAT, dans l’automobile en Allemagne en 2004, en Argentine l’an dernier,… C’est la seule manière pour que la classe exploitée gagne en solidarité, en force, en confiance en elle-même pour s’opposer au capitalisme.
Voici ce que nous avons défendu dès le premier moment de notre intervention comme l'exprime le premier communiqué que nous avons réalisé dans les premiers jours de janvier et dont nous reproduisons ici quelques extraits :
Intervention du CCI en solidarité avec les travailleurs de SEAT
Avec nos forces limitées, nous nous sommes mobilisés pour soutenir les travailleurs de SEAT. Lundi 2 janvier, à 5h30 du matin, premier jour après la parenthèse des vacances, nous sommes allés aux portes de SEAT pour y distribuer notre tract "Pour lutter il faut affronter le sabotage syndical"[2] [719].
Cette action est en continuité avec notre présence active dans la lutte chez SEAT : aux portes de l’usine d’abord depuis le mois d’octobre, dans les manifestations par la suite (voir notre tract : "SEAT: Sauver l’entreprise veut dire : licenciements et contrats poubelle. La réponse c’est la lutte ouvrière !"[3] [720] et le 23 décembre, lorsque la grève spontanée a éclaté.
Aux portes de l’usine il y avait un groupe de licenciés de SEAT. C’est une initiative très positive de ne pas rester chez soi, de s’adresser aux camarades qui tôt ou tard pourront être eux aussi victimes de licenciement. Ils scandaient : "Non aux licenciements", "Aujourd’hui c’est nous, demain ça pourrait être vous", ils dénonçaient les syndicats signataires du pacte des 660 licenciements. Il est important d'éviter la séparation entre les camarades licenciés et ceux qui restent. L’unité est nécessaire et cette action va dans le sens de la défendre. Les licenciés ne doivent pas rester isolés, il faut rejeter fermement toutes les mesures qui vont dans le sens de l’isolement, du chacun pour soi, comme celle de se présenter devant les tribunaux pour exiger le licenciement individuel, cas par cas.
Nous soutenons les camarades : REINTEGRATION DES LICENCIÉS. AUCUN LICENCIEMENT. Une idée qui pourrait être utile : organiser des délégations vers les autres usines, les quartiers, les autres lieux de travail, poser le problème des licenciements chez SEAT, demandant la vraie solidarité : aujourd’hui pour moi, demain pour toi. Lutter aujourd’hui pour empêcher les licenciements chez SEAT c’est développer les forces pour lutter contre de futurs licenciements dans d’autres entreprises, dans d’autres secteurs. Beaucoup de travailleurs sont attentifs à ce que font les camarades de SEAT et ils se sentent stimulés par leur lutte.
D’autres camarades se joignent à notre intervention
Nous avons reçu des lettres de soutien de la part des camarades qui ont montré leur disposition à nous aider dans notre intervention solidaire. Il y a des camarades qui collaborent avec nous dans la distribution des tracts dans les usines et les quartiers. Un camarade nous a envoyé la prise de position suivante :
"Chers camarades : je viens de recevoir aujourd’hui même, 28 [décembre], votre courrier avec votre tract sur SEAT, et je vous répond de suite et brièvement :
Le tract résume, à mon avis, d’une façon approfondie les événements de SEAT. C’est une analyse parfaitement juste, surtout en ce qui concerne l’importance qualitative de la tentative des travailleurs pour entreprendre leur lutte autonome en brisant les brides syndicales et le reste de l’appareil d’Etat et du patronat qui sont derrière les syndicats. Je salue donc votre intervention, je me solidarise avec son contenu et avec les travailleurs qui, malgré la police syndicale, se sont mis en grève spontanée, c’est cela qui est vraiment significatif. Je ne pense pas que la CGT[4] [721] s’en tire, de ce rapport de force, aussi renforcée que certains le prétendent, étant donné que les illusions non seulement sur les syndicats mais aussi sur le syndicalisme sont en train de tomber chez les travailleurs. Etre affilié à un syndicat ne sert même pas de garantie pour ne pas être inclus dans la charrette du dernier "plan social". Il va y avoir une réflexion chez les ouvriers sur cet aspect. Il faut dénoncer très spécialement le syndicalisme radical, proposant même aux travailleurs de demander la démission des délégués du comité d’entreprise et de la table de négociation, etc. Signé : German".
Cette mobilisation de nos camarades est une grande satisfaction pour nous et renforce notre détermination à continuer le combat.
Nous avons pris position sur la "Lettre" que les licencié(e)s de SEAT ont adressée au PDG de l’entreprise :
"Camarades :
Nous voulons d’abord vous exprimer notre solidarité sans faille et ajouter notre voix pour que le cri "réintégration des licenciés, aucun licenciements de plus", se fasse entendre le plus fort possible.
En deuxième lieu, nous vous proposons ceci : Pourquoi ne pas faire une lettre adressée à tous les travailleurs ? Voilà ce que faisaient d’habitude les licenciés lors des luttes des années 70 : c’est une bonne tradition que nous devrions reprendre. Une lettre montrant que les licenciements de SEAT sont le couronnement de bien d’autres qui s’étaient produits auparavant : par exemple chez Gearbox, ou à Unidad Hermética, ou dans Papelera etc., et l’annonce de beaucoup d’autres dans bien d’autres entreprises, SEAT elle-même y incluse, comme le PDG l’a lui-même annoncé avec toute son arrogance hypocrite, une fois signé l’accord de la honte de ce 15 décembre. Une lettre pour dire qu’aujourd’hui c’est vous, mais demain ce sera peut-être le tour de beaucoup d’autres. Une lettre pour demander la solidarité de tous les travailleurs, dans le sens de la vrai solidarité : aujourd’hui pour toi, demain pour moi, aujourd’hui pour les camarades de SEAT de sorte que demain ils aient de la force face aux nouveaux licenciements. Cette solidarité aurait pu se concrétiser dans la convocation d’une manifestation au centre de Barcelone où des travailleurs de toutes les entreprises sans distinction de secteur, sexe ou nationalité, puissent se rendre. Une manifestation unitaire pour dire clairement au patronat, au Gouvernement et aux deux syndicats majoritaires que les ouvriers en ont marre et qu’ils ne se laisseront plus agresser, une manif pour pouvoir sentir dans la pratique la force des travailleurs.
Dans votre lettre apparaît l’idée suivante : "…et laissez [s’adressant au PDG] que SEAT continue à être ce quelle a toujours été, une entreprise espagnole, vraiment compétitive, avec ses problèmes mais sans licenciements.". Nous vivons dans une société où la concurrence est la loi. Les nations se font une concurrence à mort entre elles pour le partage du marché mondial. Le slogan hitlérien "Exporter ou mourir" pourrait être le leur. De la même façon, les entreprises se font une concurrence féroce dans leur secteur. Dans cette concurrence il y a des Etats qui gagnent et d’autres qui perdent, des entreprises qui s’imposent au détriment des autres. Cependant, aussi bien chez les gagnantes que chez les perdantes, il y a ceux qui perdent toujours : les travailleurs et la plupart des humains. Chez les gagnants parce que pour être compétitifs ils vont licencier, étendre la précarité, baisser les salaires, imposer des horaires d’enfer, avec des trucs comme les "bourses d’heures". Chez les perdants, parce qu’on ferme les usines, ils licencient des gens pour se maintenir un peu hors de l’eau. C’est la compétitivité qui est à la base des licenciements, de la précarité, de l’attaque contre nos conditions de vie. Nous, les travailleurs, comme le reste des êtres humains, avons besoin de nous nourrir, nous habiller, de vivre sous un toit, digne d’un avenir pour nos enfants, des nécessités que nous ne pouvons pas faire dépendre du fait que l’Espagne ou l’entreprise soient compétitives. Le capitalisme est un système où la vie est sacrifiée à la production, alors que la société à laquelle les travailleurs aspirent est une société où la production sera au service de la vie. A leur compétitivité nous devons opposer notre solidarité.
Salut, camarades. Solidarité et lutte !"
Dans un autre article : "Leçons de la lutte chez SEAT,..."[5] [722], nous mettons en avant que les syndicats ont tout fait pour retarder et escamoter la vraie lutte et cela depuis septembre, comptant sur la démobilisation des vacances de Noël pour que l’indignation et la combativité du 23 décembre se dilue. La CGT qui avait assumé le "parrainage" des licenciés, s'est arrangée pour que n'ait lieu en tout et pour tout qu'un seul rassemblement des travailleurs de SEAT dans les 10 jours suivant le 23 décembre. Et encore s'agissait-il d'une réunion éloignée de l’usine où ne pouvaient participer que les licenciés. Nous y sommes allés quand même, nous avons diffusé nos tracts, nous avons discuté avec les présents à l’assemblée, et nous avons de suite rédigé un deuxième communiqué sur notre intervention que nous résumons ci-dessous.
L'assemblée du 2 janvier
Ce court texte n’a pas la prétention de faire une analyse, mais d’informer sur comment nous avons continué notre intervention face à la situation générée par les licenciements chez SEAT.
Le 3 janvier une Assemblée de Licencié(e)s de SEAT était convoquée. Elle était organisée par la CGT et elle a été perçue ainsi : "La CGT nous a informé hier que ce sont les camarades licencié(e)s qui assisteront à l’assemblée et c’est eux qui décideront le type d’action à mener. Les autres camarades de la CGT ou d’autres syndicats et organisations anti-capitalistes comprenons que nous devons être présents à l’extérieur du lieu de l’assemblée, pour montrer notre soutien à ces camarades et pour bien monter que, bien que ce soit eux qui doivent mener la lutte, ils ne sont pas seuls… La majorité des camarades consultés pensent qu’une fois que l’assemblée aura décidé des actions à mener, nous pourrons montrer notre solidarité" (Kaosenlared 2-1-06[6] [723]). Dans le forum Internet Alasbarricadas une personne qui signait "Cegetero" (Cégétiste) signalait : "Attention : la convocation à l’assemblée de SEAT n’est pas claire. Sur l’affiche en tête et autour du dessin y est écrit : contre les licenciements de SEAT, sois présent ! Mais sur l’en-tête de la nouvelle dans Rojo y negro[7] [724] il y est dit : Assemblée des licencié(e)s de SEAT. Autrement dit, on ne fait pas appel à tous les effectifs de SEAT, mais seulement aux personnes licenciées. Plus bas il est écrit qu’on ne laissera pas entrer les affilié(e)s de la CGT qui n’appartiennent pas à SEAT".
Il faut que les travailleurs décident par eux-mêmes. Mais cela ne veut pas dire du tout qu’ils ne puissent pas compter sur la participation, l’aide et le soutien d’autres secteurs ou sur les apports de militants organisés etc. La présence d’autres secteurs de la classe ouvrière est encourageante, elle permet d’oser entreprendre des actions dont on ne se sentirait pas capables si on était seuls et isolés. De plus, les affaires d’un secteur de la classe ouvrière sont les affaires de toute la classe ouvrière, parce que ce sont des problèmes qui touchent tout le monde : licenciements, précarité, bas salaires etc.
Et voilà qu’on ne permet même pas l’entrée aux travailleurs de SEAT qui n’ont pas été licenciés ! Quelle unité peut se développer dans de telles conditions ? Et, par ailleurs, même les affilié(e)s d’autres secteurs et d’autres entreprises ne sont pas autorisés à entrer.
L’argument peut paraître très "démocratique" : seuls ceux qui sont touchés doivent décider. Mais, est-ce que les travailleurs n’ont pas la capacité de jugement pour savoir quelles sont les propositions qui leur conviennent ? Pourquoi faut-il les "protéger d’influences extérieures" ?
Tout cela ne conduit qu'à l’enfermement et à l’isolement des licenciés, leur séparation par rapport au reste de la classe ouvrière, en commençant par leurs propres camarades de SEAT. Ceci ne peut que les entraîner vers un sentiment d’impuissance, d’abandon, vers cette idée si répendue dans cette société d’individualisme et de concurrence, comme quoi chacun doit "se débrouiller comme il le peut", vers la méfiance vis-à-vis du "reste du monde" qui ne "devrait pas s’immiscer".
Aux portes de la salle et sur les différents lieux où les ouvriers se réunissaient, nos militants ont distribué notre tract et ont défendu que la seule possibilité pour développer la lutte était que tous les licenciés, ensemble et en bloc, aillent aux portes de l’usine et affirment devant les autres ouvriers (qui demain peuvent aussi subir le chômage) la nécessité d’une lutte commune autour de l’objectif "Réintégration des licenciés. Aucun licenciement". C’était le point de départ de la grève le 23 décembre et c’était la seule possibilité valable pour continuer le combat.
Comment se sont posés les problèmes lors de l’Assemblée ? "En deuxième partie, il a été fait un exposé juridique de la situation et sur comment , d’un point de vue légal, il faudrait mener la lutte pour la défense des postes de travail" (texte relatant l’Assemblée, paru sur Kaosenlared 3-1-06). Ça veut dire quoi ça ? La meilleure réponse est donnée par un camarade qui signe "Travailleur de SEAT" dans un commentaire où il répond au document précédent : "Et maintenant, la CGT fait une assemblée, amène une avocate (qui va être payée comme tout le monde, ce qui est juste car les avocats mangent aussi), accepte les conditions signées par l’UGT et les CO[8] [725] (même si elles sont très mauvaises), en conseillant de s’inscrire à une réadmission qui, selon la CGT, n’existe pas. Là, ou il a quelqu’un qui est dans l’incohérence, ou on veut nous faire avaler des couleuvres. La seule alternative est la mobilisation permanente" (Kaosenlared 3-1-06).
Ce qui a été proposé à l’Assemblée n’était pas du tout de lutter en commun, mais sauve qui peut ! C’est ce qu'exprime parfaitement un commentaire signé, où il est très clairement écrit en majuscule : "Quelle honte !!! Tout ça n’est qu’une manipulation. Epouse d’un ouvrier licencié, je n’ai qu’une chose à dire : Honte à tous les syndicats, UGT, CCOO et CGT. Mon mari était affilié à cette dernière et maintenant il est à la rue parce qu’il est à la CGT. J’aimerais voir plus d’actions de la part de ce syndicat, parce que la réunion d’hier m’a paru un mensonge de plus. La vérité c’est qu’il y a 660 personnes à la rue et les autres sont dedans et il est très facile de parler de l’intérieur, et il est très triste qu’on jette quelqu’un dehors soi-disant par manque de "polyvalence"… !! MENSONGE !!! et maintenant SEAT qui fait des appels à des entretiens pour y être engagé, celui qui comprendra ça peut-il me l’expliquer ?. Arrêtez de profiter des licenciés, arrêtez votre pub et luttez vraiment pour tous ces gens qui sont dans la rue" (Kaosenlared 3-1-06).
Cette camarade a tout a fait raison et elle dit les choses haut et clair. Parce que, à part les réclamations légales, quel genre de mobilisation a été proposé ? Le texte cité plus haut dit que "La troisième partie a été consacrée à préparer la mobilisation ; le débat a été profond et on a décidé de continuer le 12 janvier, même lieu. Les propositions ont été très variées, très suggestives et déterminées. Elles seront rendues publiques au moment approprié" (Kaosenlared 3-1-06). Autrement dit, rien. Attendons donc au 12 janvier. Et, si par hasard on a toujours envie de faire quelque chose, "il a été décidé de participer à la manifestation et à la journée de lutte des travailleurs européens de l’automobile qui aura lieu à Saragosse le 20 janvier".
On nous dit d’impulser une alternative au syndicalisme traître des CO et l’UGT. Mais est-ce vraiment une "alternative" ? N’est pas un peu la même soupe ?
Les travailleurs doivent tirer une leçon claire de cette histoire : aucun syndicat va nous défendre, ni le jaune genre CO-UGT ni le plus ou moins rose genre CGT, ni aucun autre, la seule alternative est : ou bien on organise la lutte nous-mêmes avec des assemblées et des comités élus et révocables, ou, si on laisse nos affaires aux mains de ces "spécialistes", c’est la démobilisation et la défaite.
Notre intervention qui, rappelons-le, proposait des réponses concrètes à la lutte, paraissait avoir gêné un petit cercle de syndicalistes qui se sont avancés vers un de nos camarades nous, ont pris et jeté ses tracts en l’appelant "vendu au patronat" ; après, face au calme du camarade, qui n’est pas tombé dans leurs provocations, ils se sont adressés à une camarade. Celle-ci n’est pas non plus tombée dans leur petit jeu et leur a demandé des arguments pour démonter en quoi nos tracts, nos propositions montreraient que nous étions à la solde du patronat. Finalement, ils ont préféré s’éclipser.
Nous déclarons notre plus totale solidarité avec nos camarades et dénonçons ce comportement de provocation grossière. Nous n’allons pas reculer apeurés. Nous sommes ouverts à la discussion avec des camarades qui ne partagent pas nos positions, mais nous répondrons fermement à toute tentative d’insulte, de calomnie ou de nous faire taire[9] [726].
Avec "l’assemblée" du 3 janvier, la lutte a reçu un coup mortel. On a spolié les licenciés de leur véritable force, c'est-à-dire de la mobilisation unitaire de tous les travailleurs contre les licenciements et, par contre, on va les attacher à une noria "d’actions" plus apparentes qu’efficaces, qui vont permettre à la CGT et ses compères de se présenter comme les champions de la lutte, quand, en fait, ils ont consacré leur temps à la saboter. C’est pour cela que face à l’assemblée convoquée pour le 12 janvier, véritable acte de "liquidation" définitive de la lutte, notre organisation a décidé de ne pas intervenir pour les raisons que nous avons expliqué dans un troisième communiqué que voici :
Pour quoi nous ne sommes pas allés intervenir à "l’Assemblée de Licenciés" du 12 janvier ?
Nous avons été présents lors des manifestations de novembre, nous avons été avec vous le 23 décembre quand on vous a communiqué les 660 licenciements et que vous avez débrayé spontanément (personne ne vous a convoqué, personne ne vous a "organisé") en solidarité avec les licenciés et en révolte contre l’accord signé par l’UGT, les C.O. et le patron. Nous avons été présents le 2 janvier pour voir s’il était possible de continuer avec la même dynamique de lutte. Nous sommes aussi allés à l’Assemblée du 3 dans un local d’Hostafranchs[10] [727]. Nous sommes allés cette même semaine aux portes de l’usine de la Zona Franca de Barcelone et celle de Martorell[11] [728] pour vous montrer encore et toujours notre solidarité face à une attaque contre vos conditions de vie qui nous touche tous, et pour expliquer quelles sont les raisons qui, à notre avis, ont rendu possible ce coup de hache sur les travailleurs. Nous avons assisté à toutes les concentrations et les réunions où il pouvait exister un minimum de dynamique de lutte collective des ouvriers, avec l’objectif de l’impulser comme on peut le voir dans nos communiqués précédents. Par contre, nous ne voulons pas devenir complices d’une réunion dont le but est de renforcer la défaite et l’enterrement qui ont été imposés le 3 janvier.
Le syndicalisme agit de telle manière que, lorsque la force et la combativité des travailleurs sont présentes, toute excuse est bonne pour retarder la lutte, diluer la combativité, l’affaiblir en fin de compte. Par contre, quand la lutte se termine, quand les ouvriers sont abattus et ressentent la réalité de la défaite, alors le syndicalisme devient "radical", lançant des propositions ultra-combatives dont le seul but est, en réalité, d’accroître la démoralisation et l’humiliation des travailleurs.
Le 23 décembre, il y a eu une explosion de solidarité et de combativité des travailleurs contre les 660 licenciements. Qu’est-ce que les syndicats ont fait ? Ne parlons pas de l’UGT et des CO qui se sont évaporées. Mais la CGT elle-même qui prétend "s’engager" dans la lutte contre les licenciements ne voyait que des inconvénients partout : les arrêts de travail sont illégaux, on ne peut rien faire jusqu’au 3 janvier et patati et patata,...
Le 2 janvier il y a toujours dans l’air l’inconnu de savoir si les travailleurs vont poursuivre ce qu’ils ont laissé le 23, ou si, au contraire, ce qui va peser c’est la démobilisation de Noël organisée avec la complicité des syndicats qui, évidemment, se sont bien gardés de convoquer la moindre action ces jours-là. Et que trouvent les ouvriers de SEAT ? Une convocation de la CGT non pas à se rendre aux portes des usines, mais dans un local dans Barcelone. Les syndicats affirment être nécessaires à notre lutte parce qu’ils possèdent une "capacité d’appel", parce qu’ils disposent des locaux et des moyens organisationnels pour les ouvriers. Lors de la lutte chez SEAT, il a été une fois de plus démontré que cet appareil syndical n’est pas au service des travailleurs, mais il est surtout là pour empêcher une véritable lutte.
L’assemblé du 3 janvier fut un coup de massue brutal. Les licenciés ont dû aller aux bureaux de l’entreprise pour y signer le récépissé de leur licenciement En attendant, le nouvel appel à se réunir ce sera pour…dix jours plus tard !, le 12 janvier…Et pendant ce temps ? Nada, rien de rien, mais la CGT présente tout ça, avec le plus grand des cynismes, comme "une forte ambiance de lutte".
Du 3 au 12 janvier, on parcourt le chemin du néant à la misère. Le 12, un mois après l’accord qui jette dehors 660 camarades à la suite du pacte signé par le patron, les syndicats (CO et UGT) et le Gouvernement tripartite[12] [729] de Catalogne, avec le soutien de la plupart des organisations gauchistes, ont fait une grande proposition de solidarité avec les licenciés : la création d’un Comité de Solidarité avec les licenciés de SEAT "unitaire, ouvert aux réseaux, plateformes, organisations, mouvements et entités sociales, syndicales, politiques et citoyennes, avec l’objectif d’organiser la solidarité vis-à-vis des licencié(e)s de SEAT, de se mobiliser pour leur réintégration et s’opposer à l’offensive patronale qui cherche à rendre encore plus précaire l’emploi et meilleurs marchés les licenciements" (publié dans Kaosenlared). À cela s’ajoutent des propositions aussi ridicules que stériles, telles que des "actions" contre les concessionnaires de la marque,…
Bref, éteindre par tous les moyens tout ce qui pourrait rester de la véritable riposte massive et unitaire des travailleurs, et essayer d’enterrer sous une couche de sable les véritables leçons de la lutte de SEAT. Les ouvriers ont pu vérifier avec les 660 lettres de licenciement du 23 décembre, que les "mobilisations" (les manifestations de novembre) pour sensibiliser l’opinion publique n’avaient servi à rien. Eh bien, maintenant ce qu’on leur propose c’est tout simplement un peu plus de la même soupe. Le 23 décembre ou le 2 janvier les travailleurs ont pu se rendre compte par eux-mêmes qu’ils ne peuvent compter que sur eux-mêmes, sur leur lutte, sur leur solidarité de classe d’abord ; et voilà que maintenant on veut encore leur vendre la même camelote frelatée selon laquelle la médiation des citoyens, des organes politiques et syndicaux, pourraient faire réintégrer les gens licenciés. Et le comble c’est qu’ils prétendent le faire en se ventant d'avoir été au sein de la lutte des ouvriers de SEAT contre les licenciements.
Entre la lutte ouvrière du 23 et la gesticulation du Comité citoyen de Solidarité c’est le jour et la nuit. La première était une tentative authentique et solidaire des travailleurs avec leurs camarades licenciés, la deuxième est une cynique plaisanterie contre la solidarité de classe.
C’est pour cela que nous n’avons pas voulu participer à ce simulacre de solidarité. C’est pour cela que nous défendons que la vraie solidarité avec les licenciés de SEAT consiste à faire en sorte que les travailleurs puissent tirer les véritables leçons de cette défaite. Ces leçons vont nous servir pour préparer de nouvelles luttes, parce qu’il ne faut pas se faire d’illusion : les licenciements vont pleuvoir sur le textile, sur l’automobile, et, entre autre, sur la SEAT encore ; la précarité va se renforcer avec la nouvelle "reforme" du travail. Nous serons obligés de lutter avec force en luttant tout d’abord contre le sabotage syndical.
CCI, 14 janvier 2006.
[1] [730] Faute de place, nous ne publions ici que de larges extraits. La version intégrale en français est reproduite sur notre site.
[2] [731] Lire l’article “Grève spontanée des ouvriers de SEAT en Espagne : Pour développer la lutte, il faut affronter le sabotage syndical” (R.I. nº 365, février 2006)
[3] [732] Ce tract peut être lu en espagnol [733].
[4] [734] La CGT (Confédération Générale du Travail) est une centrale de tendance "syndicaliste révolutionnaire" issue d’une scission "modérée" d’avec la CNT (Confédération Nationale du Travail) anarcho-syndicaliste (NDR)
[5] [735] Cet article « Leçons… » a été publié dans le même numéro de AP que ce « Bilan… » (Acción Proletaria nº 187, janvier-mars 2006 : “Lecciones de la huelga de SEAT: No a las «movilizaciones» sindicales, Sí a la lucha obrera [736]” et “Balance de nuestra intervención en SEAT [737]”
[6] [738] Kaosenlared et Alasbarricadas : Forums alternatifs sur Internet
[7] [739] Rojo y negro est le journal de la CGT.
[8] [740] L’Union Générale des Travailleurs est le syndicat « socialiste » et les Commissions Ouvrières c’est le syndicat lié historiquement au PC et à ses variantes et avatars.
[9] [741] Nous voulons remercier par leur importance, les manifestations de solidarité comme celle exprimée par quelqu’un qui se fait connaître comme “Germán”. La voici : «Solidarité active avec les militants et les sympathisants du « Courant Communiste International » (CCI) et contre les provocations et les menaces de la « pieuvre syndicalei».
Aujourd’hui même je reçoit l’information via Internet, des provocations à l'encontre des militants du CCI de la part d’éléments syndicalistes essayant de réprimer par la force la diffusion d’un tract sur le conflit chez SEAT, un tract que j’ai pu lire et avec lequel je suis d’accord parce qu’il cadre bien les choses, et boycottant, en plus, les interventions orales de ces camarades.
C’est une honte que les « forces spéciales » du syndicalisme aient recours à ces viles méthodes pour faire taire des militants ouvriers. Ceux-ci voulaient se solidariser avec les camarades licenciés et discuter avec eux sur comment lutter contre ces licenciements et contribuer ainsi à la nécessaire clarté devant permettre aux travailleurs de prendre conscience qu’on ne peut pas avec des représentants et des fondés de pouvoir sortis d’élections syndicales convoquées et réglementées par l’Etat capitaliste. Au contraire, nous ne pouvons compter que sur nos propres forces, sur notre auto-organisation, sur l’extension de la lutte, étant donné que l’isolement veut toujours dire défaite et triomphe du patronat et de ses fidèles serviteurs, les syndicats, même ceux qui se prétendent ultra-révolutionnaires. Qu’est-ce qu’ils se croient ces petits messieurs ? Qu’ils ont le monopole et l’exclusivité de la mobilisation ? Pas du tout ! Bien au contraire, il sont les spécialistes émérites dans l’anesthésie des luttes, dans l’enfermement de celles-ci dans une légalité imposée par les capitalistes et leur État totalitaire et dont le premier objectif est de créer chez les ouvriers un sentiment d’impuissance et, en même temps, de dépendance vis-à-vis des syndicats. Je n’ai aucune certitude pour affirmer que les provocateurs soient des dirigeants de la CGT ou d’un autre syndicat, mais je pense que chez les ouvriers en général, y inclus chez ceux qui sont syndiqués, il commence à se faire jour l’impression comme quoi le syndicalisme n’est plus une arme des ouvriers mais du patronat. C’est pour cela que les bonzes syndicaux deviennent nerveux quand des camarades, non seulement ne veulent pas éviter la discussion mais, au contraire, la recherchent parce la discussion ouverte est une arme de la classe ouvrièr. Les bonzes syndicaux craignent, comme le système dans son ensemble, la réflexion des ouvriers. Pourquoi les chefs syndicaux ont si peur qu’on parle publiquement de syndicalisme ? Dorénavant et suite à la lutte dans SEAT, je propose un débat dans tous les forums sur la nature des syndicats aujourd’hui, c'est-à-dire : sont-ils des organes de la classe ouvrière ou bien de l’Etat et du capital ?
Excusez la brièveté de mon intervention. Je voulais faire une prise de position rapide à cause de mon irritation causée par les comportements des chefs syndicaux vis-à-vis des militants qui ont subi ces provocations. Soit dit en passant, est-ce qu’on va voir ce même « courage » de la part des chefs syndicaux pour défendre les travailleurs face au patronat ?
J’envoie ma plus chaleureuse solidarité à tous les camarades de SEAT licenciés et aux militants et sympathisants du CCI provoqués et/ou menacés.
Barcelone, 5/1/2006. German.»
[10] [742] Quartier de Barcelone
[11] [743] Usines de SEAT
[12] [744] Le gouvernement catalan (Généralité) est dirigé par une coalition « de gauche » : PS, PC (avec une étiquette plus « moderne » et catalaniste) et ER (gauche indépendantiste catalane)
Ce qu’il est convenu maintenant d’appeler l’affaire "des caricatures de Mahomet" a envahi l’espace médiatique bourgeois. Chaque jour de nouvelles manifestations pro-islamistes éclatent dans le monde. La simple publication de dessins montrant un Mahomet belliqueux a donné immédiatement lieu à une empoignade généralisée entre les Etats impérialistes, non seulement dans le monde musulman, mais également à l’échelle de la planète. Ces événements sont en réalité une dramatique illustration du niveau de tension existant entre les différentes puissances capitalistes.
Une affaire de gangsters impérialistes
Le 30 septembre dernier, le quotidien danois Jyllands-Posten a publié douze caricatures représentant le prophète Mahomet affublé de bombes, mèches de dynamites et autres ustensiles terroristes. Ces dessins seront repris dans les semaines suivantes par de nombreux journaux, tel France-Soir. La suite, nous la connaissons. Des manifestations, parfois ultra violentes, éclatent à travers l’ensemble des pays dits musulmans. En Afghanistan, certains affrontements se traduisent même par des morts et des blessés graves. Comment quelques caricatures ont-elles pu engendrer une telle déflagration de haine ? Comment et pourquoi de simples dessins d’un journal danois se sont-ils retrouvés au cœur d’une tempête internationale ?
Pourtant au début d’octobre 2005, cette affaire n’avait encore que des répercussions nationales au Danemark. C’est alors que onze ambassadeurs de pays musulmans vont demander un entretien avec Fagh Rasmussen, premier ministre du Danemark et proche du journal Jyllands-Posten. Celui-ci refusant de les rencontrer, une délégation de représentants des associations musulmanes au Danemark va faire une tournée dans de nombreuses capitales du monde musulman, officiellement pour sensibiliser l’opinion publique sur cette affaire. Le résultat ne s’est alors pas fait attendre. Des manifestations commencent à éclater au Pakistan. A partir du mois de janvier, les manifestations vont gagner l’ensemble du "monde musulman" et notamment le Moyen-Orient. Ces manifestations prennent rapidement une ampleur et une violence anti-occidentale qui ne peuvent que surprendre au regard de la banalité apparente que peuvent représenter quelques caricatures journalistiques de Mahomet. Cependant, pour comprendre, il est nécessaire de se souvenir que, depuis la Seconde Guerre mondiale, cette région du monde et plus encore le Moyen-Orient n’ont jamais cessé de connaître un enfoncement dans la guerre et la barbarie. Depuis la fin des années 1980, les tensions deviennent de plus en plus explosives et incontrôlables. Ainsi, la déstabilisation irréversible du monde musulman en Afghanistan, en Irak, au Liban, en Palestine, souvent sous l’effet direct de la fuite en avant militaire et guerrière des grandes puissances impérialistes (au premier rang d’entres elles les Etats-Unis) se traduit aujourd’hui inévitablement par une montée du radicalisme religieux le plus archaïque au sein des populations complètement désorientées de ces régions. L’impasse totale dans laquelle se trouvent ces pays ne peut produire qu’un phénomène de montée en puissance des fractions les plus rétrogrades de la bourgeoisie. Tel est le sens, par exemple, de l’arrivée au pouvoir en Palestine du Hamas, mouvement politique radical, adepte jusqu’à ce jour du fanatisme anti-israélien le plus caricatural. C’est la même réalité du fondamentalisme le plus rétrograde qui explique la présence au pouvoir en Iran du parti ultraconservateur de Mahmoud Ahmadinejad. Les tensions entre chaque puissance de cette région et de celles-ci envers les Etats-Unis s’étalent chaque jour un peu plus. Il est bien évident que dans cette situation de montée des archaïsmes et du chacun pour soi, la bourgeoisie et les différentes cliques armées de cette partie du monde ne pouvaient que se saisir de cette opportunité, offerte par la publication de ces fameuses caricatures, afin de renforcer leurs positions sur place et de participer au mieux de leurs intérêts à la foire d’empoigne généralisée impérialiste au niveau mondial. Derrière ces manifestations apparemment spontanées se trouvent en réalité le bras armé des cliques bourgeoises, locales ou étatiques. Après des attaques d’ambassades danoise ou française, la Libye décide de fermer son ambassade à Copenhague. L’ambassadeur du Danemark au Koweït est convoqué. Les gouvernements Syriens et Irakiens se déclarent publiquement particulièrement choqués. Tout cela n’a rien plus à voir avec la publication de quelques dessins dans la presse bourgeoise occidentale et Jordanienne. Ces caricatures sont en réalité devenues des armes de guerre aux mains des classes bourgeoises dans le monde musulman, répondant ainsi à la politique impérialiste toujours plus agressive de la part des Etats-Unis, de la France, de l’Allemagne ou de l’Angleterre notamment. Comment, par exemple, ne pas faire le lien entre cette utilisation de quelques dessins avec la montée des menaces envers l’Iran à propos de son programme nucléaire de la part de la France ou des Etats-Unis ? La manipulation, à des fins de politique impérialiste, par les différentes bourgeoisies, de populations de plus en plus réduites à la misère, subissant en permanence la guerre, est alors un cynique jeu d’enfant. Ces manifestations violentes de masses croissantes de désespérées ne surgissent donc pas si "spontanément" ou si "naturellement". Elles sont le produit des politiques de guerre, de haine, et d’embrigadement idéologique nationaliste de toutes les bourgeoisies aux quatre coins de la planète.
Alors que les Etats-Unis se font depuis les attentats du 11 septembre 2001, les champions de la défense des valeurs de l’occident, les pourfendeurs du fanatisme religieux musulman et de la lutte contre le mal qu’il est censé incarner, nous assistons à propos des caricatures de Mahomet à une très surprenante compréhension de l’administration Bush face aux réactions en Iran et ailleurs. Pourquoi ? Bien entendu, tout ceci n’a rien à voir avec la défense du droit de chacun à choisir librement sa religion comme ils peuvent le prétendre. La réalité est beaucoup plus cynique. Les Etats-Unis sont bien trop satisfaits de voir des pays impérialistes concurrentiels tels que la France embourbés à leur tour dans une situation d’affrontement politique avec plusieurs états du Moyen-Orient et du monde arabe. Dans ce monde pourri, en guerre perpétuelle, de tous contre tous, chaque Etat capitaliste ne peut que se réjouir de voir des concurrents tomber dans une chausse trappe.
Et la perfidie des fractions bourgeoises et leur volonté d’utiliser tous les aspects de la vie du capitalisme pourrissant sont encore plus criantes quand on regarde le positionnement du Hamas dans cette affaire. Le Hamas, parti radical religieux s’il en est, adepte jusqu’à maintenant de la lutte armée et du terrorisme, propose tout simplement ses bons offices en tant que médiateur dans cette affaire ! Le chef du bureau politique du mouvement palestinien Hamas, Khalel Mechaal déclare en effet à ce propos : "le mouvement est disposé à jouer un rôle pour apaiser la situation entre le monde islamique et les pays occidentaux à condition que ces pays s’engagent à mettre fin aux atteintes aux sentiments des musulmans." (Le Monde du 9 février 2006). Afin de se faire un peu plus reconnaître sur le plan international, le Hamas est ainsi prêt à rentrer momentanément ses griffes.
Au regard de cette véritable foire d’empoigne, où chaque nation et clique bourgeoise attise la haine, toute la propagande des ‘grandes démocraties’ sur la liberté de la presse et le respect des religions apparaît ainsi pour ce qu’elle est : une vaste fumisterie.
Liberté de la presse et respect des religions, deux poisons au service de la bourgeoisie
The Independant, journal anglais cité par le Courrier International, résume très bien la campagne idéologique bourgeoise : "Il ne fait aucun doute que les journaux devraient avoir le droit de publier des dessins que certaines personnes estiment offensants". Voilà ici mis en scène le sacro saint droit de liberté d’expression, dont toute une partie de la bourgeoisie nous rabat les oreilles aujourd’hui. D’un autre côté, affirme immédiatement le même journal, "dans une situation aussi complexe, il est facile de se réfugier dans de banales déclarations sur les droits de la presse libre. Le plus difficile n’est pas de trancher entre le vrai et le faux, mais de prendre une décision qui tienne compte des droits des uns et des autres. Il y a le droit à l’expression libre de toute censure. Mais il y a aussi le droit pour de nombreux musulmans de vivre dans une société plurielle et laïque sans se sentir oppressés, menacés, raillés. Elevé un droit au dessus des autres est le masque du fanatisme." Le piège idéologique, développé par la démocratie bourgeoise contre la classe ouvrière, est ici clairement exposé. Elle se doit de choisir entre ce qui serait un droit, la liberté d’expression, et un devoir moral, le respect des croyances d’autrui. En tout état de cause, le prolétariat est appelé à faire preuve de modération et de compréhension dans cette affaire pour le plus grand bénéfice de… ses maîtres bourgeois ! Voici ce que pensait Lénine dans les thèses sur la démocratie au premier congrès de l’IC ([1] [745]) : "La liberté de la presse est également une grande devise de la ‘démocratie pure’. Encore une fois, les ouvriers savent que les socialistes de tous les pays ont reconnus des millions de fois que cette liberté est un mensonge, tant que les meilleures imprimeries et les plus gros stocks de papiers sont accaparés par les capitalistes, tant que subsiste le pouvoir du capital avec d’autant plus de clarté, de netteté et de cynisme que le régime démocratique et républicain est développé comme par exemple en Amérique." Et encore, Lénine et les communistes de son époque ne connaissaient pas les moyens de matraquage idéologiques d’aujourd’hui, que sont la radio et la télévision.
Quant à l’autre choix, celui du respect des croyances de chacun, il suffit de citer une phrase de Marx pour savoir ce que les communistes en pensent : "La religion est l’opium du peuple." Quelle que soit cette religion, la croyance comme toute forme de mysticisme est un poison idéologique que l’on distille dans la tête des ouvriers. C’est un des nombreux pare-feu que possède la classe bourgeoise contre la prise de conscience du prolétariat.
La liberté de la presse n’est donc rien d’autre que la liberté pour la bourgeoisie d’enfoncer son idéologie dans le crâne des ouvriers ! Et le respect des religions est le respect de la classe dominante pour tout ce qui mystifie le prolétariat !
Il est évident que cette prolifération de manifestation et de violence à partir de quelques dessins publiés dans la presse bourgeoise ne peut laisser la classe ouvrière indifférente. Il est vital que la classe ouvrière ne se laisse pas impressionner par cette levée massive d’agitations anti-occidentale dans le monde musulman. Tout cela ne fait que traduire l’accélération du chaos dans la société capitaliste et rendre plus urgent le développement de la lutte de classe. La réponse du prolétariat ne se trouve pas dans le faux choix proposé par la bourgeoisie. A l’irrationalité grandissante du monde capitaliste, le prolétariat doit opposer la rationalité de la lutte de classe, du développement de sa conscience et du communisme.
Tino (20 février)
[1] [746] Internationale Communiste, Troisième Internationale.
Jacques Attali, le très médiatique ex-conseiller de Mitterrand à l'Elysée, nous a récemment gratifiés d'un bouquin sur la vie de Marx : Karl Marx ou l'esprit du monde. La sortie de ce livre, plus de quinze ans après le début des campagnes de la bourgeoisie sur la mort du communisme et alors que la classe ouvrière commence à relever la tête, n'est pas le fruit du hasard. Face aux interrogations et à la perspective d'un développement des luttes du prolétariat, la bourgeoisie sait que sa meilleure arme est de dévoyer son ennemi sur le terrain de la défense de la démocratie. C'est pour cela qu'aujourd'hui l'un de ses intellectuels les plus en vue cherche à faire de Marx une icône inoffensive aux antipodes du communisme, un des "pères fondateurs de nos démocraties modernes".
Son ouvrage à peine publié, le sherpa de Mitterrand se vantait d'avoir écrit une biographie de "référence", "objective" et "la plus complète possible" (en effet, pas une seule des crises de furonculose du vieux Marx ne nous est épargnée... c'est dire tout le sérieux de l'ouvrage). Evidemment, elle n'a "d'objective" que le point de vue d'un intellectuel bourgeois et de sa classe qui ne peuvent s'empêcher de cracher sur l'un des plus grand combattant de la classe ouvrière.
Sous la plume d'Attali, Marx n'est plus le diable aux idées "sanguinaires", image dont la bourgeoisie a toujours aimé se repaître à l'instar de Françoise Giroud et de son Jenny Marx ou la femme du diable. Non, ici, il est "l'esprit du monde"...mais un esprit totalement démocrate : "journaliste avant tout, la liberté de penser lui paraît le plus sacré des droits ; pour lui la démocratie parlementaire doit être protégée, quoi qu'il arrive." (p. 203) A travers l'utilisation de ce genre de raccourcis, en dehors de tout contexte, notre biographe porte une virulente attaque contre Marx : "Ce livre permet...de réinterpréter ce 19e siècle dont nous sommes les héritiers et de comprendre comment certains de ses successeurs [ceux de Marx] ont crée nos démocraties, pendant que d'autres, récupérant et distordant ses idées, en ont fait la source des deux principales barbaries de l'histoire. " (4e de couverture)
Karl Marx, un authentique militant révolutionnaire
Sous les lauriers, le poignard... et voilà Marx intronisé père spirituel de la démocratie bourgeoise dont l'authentique filiation résiderait dans le réformisme petit-bourgeois qui fleurira au sein de la 2e Internationale autour des révisionnistes de l'acabit de Bernstein.
En somme, Marx n'a jamais été marxiste. Mieux, le marxisme (à savoir la conception révolutionnaire du monde) serait à l'exact opposé de la pensée de Marx : "ce qui deviendra après Marx, contre Marx, le marxisme". Il fallait oser, Attali l'a fait. Mais pour que la sauce d'un Marx "champion du parlementarisme bourgeois" prenne, encore faut-il trouver un ingrédient pour le moins consistant. Attali va donc se servir principalement d'une interview de Marx accordée au journal américain le New York World, en juillet 1871, au sujet du mouvement ouvrier en Angleterre : "Quand le journaliste l'interroge sur les formes démocratiques ou violentes que doit prendre la conquête du pouvoir, il répond que la révolution est inutile en situation démocratique" [suit la déclaration de Marx] "En Angleterre, par exemple, la voie ouvrière qui mène au pouvoir politique est ouverte à la classe ouvrière. Une insurrection serait folie là où l'agitation pacifique peut tout accomplir avec promptitude et sûreté." (p. 351)
Ce qui échappe à Jacques Attali, c'est que Marx n'était pas un "cerveau infaillible". D'ailleurs, le marxisme n'est pas la théorie de la vérité toute faite et tombée directement du ciel ; c'est une méthode de pensée vivante qui se nourrit constamment de l'expérience historique pour se critiquer elle-même, revenir sur ses erreurs et incompréhensions et finalement les dépasser. C'est pourquoi, la pensée de Marx n'était pas à l'abri d'erreurs ([1] [747]) que lui-même ou le mouvement ouvrier ont corrigé par la suite. L'extrapolation abusive des possibilités ouvertes par le développement du mouvement ouvrier en Angleterre constitue typiquement une telle erreur.
Marx passera la moitié de sa vie à Londres en côtoyant le prolétariat le plus développé, engendré par la première puissance industrielle du 19e siècle, et aussi le plus organisé avec ses trade-unions (les premiers syndicats). Il est logique que beaucoup de révolutionnaires, dont Marx, aient porté leurs espoirs sur cette avant-garde du prolétariat mondial. Cependant, elle ne donnera pas les fruits escomptés. Le poids des trade-unions, de la lutte pour la défense des intérêts économiques dans les conditions légales de la démocratie vont miner de l'intérieur le développement politique du mouvement ouvrier en Angleterre. Alors que Marx voyait dans la Première Internationale fondée en 1864 à Londres, l'expression de l'unification du prolétariat mondial, base nécessaire pour la révolution future, les chefs trade-unionistes n'y voyaient que l'immédiate possibilité d'arracher des succès dans la lutte gréviste en empêchant l'introduction en Angleterre de briseurs de grèves.
Toutefois, aussi décevant qu'ait pu être le développement du mouvement ouvrier anglais et malgré son erreur d'en conclure à une particularité de ce dernier, Marx n'a jamais perdu de vue que la lutte de classes était le moteur de l'histoire. Engels, trois ans après la mort de son vieil ami et camarade de combat écrira dans la préface de la traduction anglaise du Capital : "Certes, on devait écouter...la voix d'un homme dont la théorie est le résultat d'une vie consacrée à l'étude des conditions économiques de l'Angleterre ; cette étude l'amena à conclure que, du moins en Europe, l'Angleterre est le seul pays dans lequel l'inévitable révolution sociale pourrait s'effectuer par des moyens légaux et pacifiques. Il n'oubliait jamais d'ajouter qu'il ne s'attendait pas à ce que les classes dominantes de l'Angleterre se soumissent sans 'rébellion esclavagiste' à cette révolution 'pacifique et légale'."
Attali s'exerce en fait à un vrai bidouillage, somme toute classique, ne retenant que certaines déclarations de Marx, en dehors de leur contexte historique. Il est vrai que Marx, depuis la Ligue des communistes de 1848, a combattu l'abstentionnisme, le boycott des élections érigé en principe par les blanquistes et plus tard les bakouninistes, les partisans du "prenons tout, tout de suite". Mais cette politique ne fait certainement pas de Marx un chantre du parlementarisme. Elle correspondait à un des premiers enseignements du socialisme scientifique. La révolution prolétarienne n'est possible que si l'économie capitaliste de par le développement de sa production industrielle pose les conditions matérielles d'une société nouvelle, capable de libérer l'humanité de ses chaînes. La participation aux élections au 19e siècle pour soutenir les fractions les plus progressistes de la bourgeoisie ne visait qu'une chose pour Marx : accélérer le mouvement de l'Histoire, faire tomber les entraves de l'absolutisme, favoriser partout le développement du capitalisme et de la classe ouvrière, et ainsi rapprocher l'échéance de la mise à l'ordre du jour de la révolution communiste mondiale. Et il était très clair pour Marx que celle-ci ne pouvait se faire avec l'assentiment démocratique de la bourgeoisie. Ainsi, malgré l'erreur qu'il commet au sujet de l'Angleterre (comme au sujet de l'Amérique et de la Hollande) il ajoutera de suite "nous devons reconnaître aussi que, dans la plupart des pays du continent, c'est la force qui doit être le levier de nos révolutions ; c'est à la force qu'il faudra en appeler pour un temps, afin d'établir le règne du travail." (discours prononcé à Amsterdam en septembre 1872). On pourrait multiplier les citations qui attestent qu'il s'agit là du sens profond du plus illustre père du socialisme scientifique :
- "Si le prolétariat, dans sa lutte contre la bourgeoisie, se constitue forcément en classe, s'il s'érige par une révolution en classe dominante et, comme classe dominante, détruit par la violence l'ancien régime de production, il détruit, en même temps que ce régime de production, les conditions de l'antagonisme de classe, (...)" (Le Manifeste communiste).
- "Au Moyen-Age, il y avait en Allemagne un tribunal secret, la "Sainte-Vehme", qui vengeait tous les méfaits commis par les puissants. Quand on voyait une croix rouge sur une maison, on savait que son propriétaire aurait affaire à la Sainte-Vehme. Aujourd'hui, la croix rouge mystérieuse marque toutes les maisons d'Europe [autrement dit les nations européennes]. L'histoire elle-même rend la justice, et le prolétariat exécutera la sentence." (discours de Marx prononcé à une fête des chartistes de Londres le 14 avril 1856).
Le mouvement communiste, seul héritier des apports de Karl Marx
Marx "parlementaire et père fondateur de la démocratie moderne" n'est qu'une calomnie. Pourtant, Jacques Attali, qui n'a pas froid aux yeux, persiste dans sa lancée. Finalement, si nous ne connaissons pas ce " Marx démocrate", comme lui le connaît du haut de son érudition bourgeoise, c'est parce que le "grand penseur de la démocratie" a été trahi par son plus fidèle camarade, Friedrich Engels qui (toujours selon Attali) dans son Anti-Dühring "...commence le dévoiement de la philosophie de la liberté que Marx a élaboré dans ses propres textes". (p. 390) C'est donc à Engels que J. Attali pense lorsqu'il dit : "ces idées [de Marx] qui seront un jour, peut-être le pressent-il, accaparées et détournées par des diables...",(p. 286), il fallait bien que le "diable marxiste" ressurgisse de sa boîte.
Attali ne fait pas qu'inventer et sortir de son chapeau un "Marx démocrate", il en fait aussi un schizophrène ! En effet, la plupart des œuvres de Marx et Engels ont vue le jour grâce à une étroite collaboration entre les deux hommes. Il en va ainsi de L'idéologie Allemande, du Manifeste du parti communiste, du Capital....jusqu'à l'Anti-Dühring. Au delà de l'humilité d'Engels, qui s'est toujours considéré comme "un second violon", il y a la réalité d'un travail mené de concert. Ce qu'il décrit dans la préface de son Anti-Dühring en septembre 1885 : "Une remarque en passant : les bases et le développement des conceptions dans ce livre étant dus pour la part de beaucoup la plus grande à Marx, et à moi seulement dans la plus faible mesure, il allait de soi entre nous que mon exposé ne fût point écrit sans qu'il le connût. Je lui ai lu tout le manuscrit avant l'impression et c'est lui qui, dans la partie sur l'économie a rédigé le dixième chapitre."
Attali, en accusant Engels de trahison, arrive nécessairement à cette conclusion absurde : Marx s'est trahi lui-même !
L'acharnement sur Engels est pitoyable, mais soyons en sûrs, si Attali avait pu, il ne se serait pas privé de le faire passer lui aussi pour autre chose qu'un militant révolutionnaire. D'autres, auparavant, ont essayé et s'y sont cassé les dents. Ainsi, le courant révisionniste au sein de la social-démocratie allemande a tenté de travestir Engels en réformiste en trafiquant sa préface au texte de Marx sur Les luttes de classes en France. Rosa Luxembourg, dans son Discours sur le programme s'insurgea contre cette supercherie : "Engels n'a pas vécu assez longtemps pour voir les résultats, les conséquences pratiques de l'utilisation que l'on fit de sa préface (...) Mais je suis sûre d'une chose : quand on connaît les œuvres de Marx et d'Engels, quand on connaît l'esprit révolutionnaire vivant, authentique, inaltéré qui se dégage de leurs écrits, de tous leurs enseignements, on est convaincu qu'Engels aurait été le premier à protester contre les excès qui ont résulté du parlementarisme pur et simple (...) Engels et même Marx, s'ils avaient vécu, auraient été les premiers à s'insurger violemment contre cela, à retenir, à freiner brutalement le véhicule pour empêcher qu'il ne s'enlise dans la boue." Rosa ignore à ce moment là qu'Engels avait déjà vivement protesté contre ces manipulations de bas étage. Le 1er avril 1895, il écrivit à Kautsky pour exprimer son indignation de trouver dans le journal Vorwärts un extrait remaniée de sa préface qui le faisait "apparaître comme un partisan à tout prix de la légalité." Il se plaignit également à Lafargue en ces termes : "[Wilhelm] Liebknecht vient de me jouer un joli tour. Il a pris de mon introduction aux articles de Marx sur la France de 1848-1850 tout ce qui a pu lui servir pour soutenir la tactique à tout prix paisible et non violente qu'il lui plaît de prêcher depuis quelques temps".
Il est vrai que contrairement à Engels, Marx ne vécut pas assez longtemps pour se défendre lui-même. Seul les communistes, ses véritables héritiers, peuvent défendre sa mémoire. Ce que fit naturellement Engels dans le discours qu'il prononça aux funérailles de Marx : "...il était d'abord et avant tout un révolutionnaire. Sa mission dans la vie était de contribuer, d'une façon ou d'une autre, à abattre la société capitaliste et les institutions d'Etat qu'elle a crées pour libérer le prolétariat moderne dont il a été le premier à définir les conditions de l'émancipation. Combattre était son élément. Et il combattait avec une passion, une ténacité et un succès sans rivaux [...]. Marx était l'homme le plus haï et le plus calomnié de son temps. Les gouvernements absolutistes ou républicains l'ont déporté. Bourgeois, conservateurs ou démocrates, se sont unis contre lui. De tout cela il ne s'est pas occupé, sauf en cas d'extrême nécessité. Et il mourut adoré, révéré et pleuré par des millions de camarades révolutionnaires, des mines de Sibérie, en Californie, en Europe et en Amérique." Contrairement aux saloperies déversées par Attali, pour qui le marxisme est né sur la tombe de Marx, ce dernier a été l'un des grands militants révolutionnaires et certainement pas le père du réformisme petit-bourgeois.
"Décidément, la voie de la révolution est inutile, pense Marx"... (p. 315) ou devrait-on dire "pense Monsieur Attali", puisque finalement c'est de cela qu'il s'agit.
Comment prendre au sérieux un seul instant un conseiller élyséen qui prétend s'immiscer dans l'esprit de Marx, pour lui prêter de telles âneries qui n'ont de sens que dans la bouche de Monsieur le conseiller ?
Le Manifeste communiste de 1848, rédigé par Marx et Engels, montre très clairement que le but qu'ils poursuivaient était sans équivoque : "Les communistes ne s'abaissent pas à dissimuler leurs opinions et leur projets. Ils proclament ouvertement que leurs buts ne peuvent être atteints que par le renversement violent de tout l'ordre social passé. Puissent les classes dirigeantes trembler à l'idée d'une révolution communiste ! Les prolétaires n'ont rien à perdre que leurs chaînes. Ils ont un monde à gagner."
Azel (1er février 2006)
[1] [748] Notamment en 1848 et 1864 lorsqu'il pensait que les conditions matérielles de la révolution étaient déjà présentes. Il dira par exemple dans une correspondance avec Engels en 1857 : "Je travaille comme un fou pour finir mon livre sur l'économie politique parce que, sinon, le système va s'écrouler avant que j'ai fini mon livre !"
Au cours du périple qui l’a conduit dans de nombreux pays en 2004 (au Brésil, en Uruguay, en Argentine, en Inde, au Qatar et en France), le président Chavez a non seulement démontré son antiaméricanisme, mais il s’est en outre permis de proclamer, face à des auditoires acquis à sa cause, qu’on ne pourrait supprimer la pauvreté du Tiers Monde en restant dans le système capitaliste de libre entreprise, qu’il faudrait pour y parvenir inventer « le socialisme du XXIe siècle ».
Nous allons voir comment cette « invention » n’en est pas vraiment une, qu’elle ne signifie qu’une adaptation du capitalisme d’Etat à des conditions de crise plus aiguë et surtout à des niveaux importants de décomposition de l’ordre capitaliste. Cette situation exige une réadaptation tant des politiques économiques que de l’ensemble de l’arsenal idéologique que doit développer chaque bourgeoisie nationale pour tromper et soumettre le prolétariat. Toutes les bourgeoisies nationales, et plus encore celles des pays de la périphérie, n’ont d’autre perspective que celle de redistribuer la misère. Le « néo-socialisme », proposé par Chavez et applaudi par tous les altermondialistes, le démontre car il est impossible d’éradiquer la misère sans révolution communiste.
Le « projet » chaviste : un projet clairement bourgeois
Le projet « chaviste » trouve ses origines dans le mouvement civico-militaro-bolivarien développé par les idéologues de la guérilla des années 60 qui avaient rompu avec le Parti communiste du Venezuela, projet qui fut repris dans les années 80 par le mouvement MBR-200 ([1] [749]) ; ce projet vise au développement d’une véritable « bourgeoisie nationaliste », diamétralement opposée à la bourgeoisie « oligarchique » qui avait émergé après la déroute de la dictature du général Marcos Perez Jimenez en 1958. Ce mouvement s’inspire du modèle capitaliste d’Etat à la sauce stalinienne (dite « marxiste-léniniste » par la gauche), pimenté par un soupçon de tropicalisme à la mode bolivarienne ; il se situe à l’extrême gauche des forces politiques de la bourgeoisie vénézuélienne et, comme tout projet capitaliste, se nourrit de la plus-value extraite par l’exploitation de la classe ouvrière au Venezuela.
L’irrésistible ascension de Chavez est fondamentalement le fruit du niveau élevé de décomposition qui affecte la bourgeoisie vénézuélienne et qui n’est jamais que l’expression de la décomposition du système capitaliste dans son ensemble. Les secteurs de la bourgeoisie qui avaient gouverné tout au long des dernières décennies du siècle dernier étaient incrustés au pouvoir, protégés par une ambiance d’impunité et de corruption. Ils ont perdu la capacité de mystifier par des illusions les secteurs le plus pauvres de la société : pour pouvoir affronter la crise économique, ils ont progressivement réduit les plans sociaux pour les plus pauvres (grâce auxquels ils avaient pu maintenir la « paix sociale »), provoquant l’explosion de la paupérisation tandis qu’ils ont appliqué de draconiennes mesures d’austérité contre la classe ouvrière, et aussi une envolée du chômage et la chute du pouvoir d’achat des masses travailleuses.
L’incapacité de ces secteurs de la bourgeoisie au pouvoir à gérer une situation explosive fut mise en évidence par les émeutes de la faim en 1989, lorsque des milliers de commerces furent mis à sac, principalement à Caracas, et qu’ils ne furent capables que d’infliger une répression terrible (les chiffres, il est vrai non officiels, parlent de plus de dix mille morts). Malgré ce cri d’alerte et de désespoir lancé par les secteurs paupérisés, la bourgeoisie nationale fut incapable de réaliser le minimum de réformes nécessaires dans ses structures de pouvoir pour contenir le mécontentement social.
Ce contexte a préparé le terrain pour que se concrétise le premier pas du projet chaviste, la tentative de coup d’Etat de 1992 qui, malgré son échec, a permis de mettre au premier plan un parfait inconnu, Chavez. Celui-ci se lança dans l’arène électorale dès sa libération en 1994, faisant une critique dévastatrice des fractions de la bourgeoisie alors au pouvoir. Fort d’un puissant charisme personnel, il adapta petit à petit le projet de « révolution bolivarienne » des années 60 à la nouvelle période historique caractérisée par la disparition des deux grands blocs impérialistes, attirant dans ses rangs des millions de pauvres en leur laissant croire que son accession au pouvoir les sortirait de leur misère.
Après son écrasant triomphe lors des élections de 1998, commence un processus qui domine la scène politique jusqu’à nos jours, marqué par la confrontation de deux fractions du capital national : d’un côté, la « vieille » bourgeoisie représentée par les partis traditionnels (principalement AD, COPEI, quelques secteurs du MAS, etc.), de l’autre la « nouvelle bourgeoisie » (les partis et groupes de gauche, gauchistes militaires, etc.) qui avait été exclue du pouvoir pendant la seconde moitié du siècle dernier. En fait, quand les chavistes et consort disent que le gouvernement bolivarien est celui des « exclus », il ne fait pas référence à l’immense masse croissante des pauvres qui vivent dans ce pays, mais à ces secteurs de la bourgeoisie et de la petite-bourgeoisie qui détiennent aujourd’hui le pouvoir et qui se partagent le butin constitué par les recettes de l’Etat, attaquant aujourd’hui avec toute la force de leur rancoeur les autres fractions de la bourgeoisie nationale. Comme leurs prédécesseurs « adecos » et « copeyanos » ([2] [750]), ils n’ont d’autres options que celles d’accentuer les conditions d’exploitation des travailleurs et de s’attaquer à cette masse de pauvres qu’ils prétendent défendre, généralisant la misère, répartissant « socialement » des miettes parmi les secteurs les plus appauvris par le biais de soi-disant « Missions » ([3] [751]) pour tenter de maintenir la « paix sociale », utilisant bien sûr tout un verbiage « révolutionnaire » basé sur la démagogie et le populisme.
Le chavisme : un mouvement décomposé de naissance
Il serait faux de voir le chavisme comme un produit « made in Venezuela », produit de caractéristiques purement nationales. Le « phénomène » chaviste est le produit des contradictions propres au système capitaliste, de la crise qui secoue le capitalisme au niveau mondial depuis la fin des années 60 et qui exige de chaque bourgeoisie nationale l’attaque permanente des conditions de vie des masses travailleuses et de la population dans son ensemble. Mais il est aussi le résultat de la période de décomposition dans laquelle s’enfonce le capitalisme depuis deux décennies, décomposition dont l’expression majeure a été la disparition du système de blocs impérialistes après l’implosion de l’ex bloc « socialiste » en 1989.
Dans le cas particulier du Venezuela, l’apparition du chavisme exprime de façon caricaturale la décomposition de la bourgeoisie nationale, qui atteint de telles proportions que ses conflits d’intérêt ont créé les conditions pour que le gouvernement tombe entre les mains de secteurs de la petite-bourgeoisie gauchiste qui ont clairement l’intention de s’y maintenir à tout prix. Le secteur « chaviste » de la bourgeoisie tente de se différencier « radicalement » de l’idéologie démocratique de la « vieille oligarchie » en adaptant la virulence aigrie de la gauche du capital vénézuélien et du gauchisme aux temps nouveaux de la « fin de l’histoire » ([4] [752]), en se référant :
– au bolivarisme, repris de la guérilla gauchiste des années 60, mêlé de références à l’idéologie zamorienne et robinsonienne ([5] [753]), auxquelles il faut ajouter l’indigénisme et la négritude, saupoudrant le tout d’une dose de mysticisme et de religion qui viennent donner une connotation fondamentaliste à l’idéologie bolivarienne ;
– à la démocratie représentative qui faisait vivre les vieux partis, le chavisme oppose la démocratie « participative et protagoniste » qui serait la base du « socialisme » chaviste.
Pourquoi ?
La « démocratie participative et protagoniste » a permis au chavisme de mobiliser la population pour adapter juridiquement le modèle démocratique bourgeois et contrôler les institutions de l’Etat par l’adoption d’une nouvelle constitution. L’aspect « innovant » de ce modèle bourgeois se trouve dans le fait qu’il renforce la « nouvelle bourgeoisie » chaviste sur deux plans :
– sur le plan économique, le soi-disant « développement endogène » basé sur le coopérativisme, la cogestion et l’autogestion permet de développer les politiques de capitalisme d’Etat par l’attribution des ressources de l’Etat à la nouvelle bourgeoisie chaviste et aux secteurs du capital privé qui soutiennent le projet ;
– sur le plan économique et social, l’attribution des ressources de l’Etat par le biais d’organisations comme les Cercles bolivariens, les Missions, les milices, etc., permet au chavisme un contrôle politique et social des secteur les plus misérables que sont la majorité de la population (le chavisme ne se distingue en rien à ce niveau des régimes staliniens ou fascistes). Et cette attribution des ressources permet surtout au chavisme de distribuer des miettes qui légitiment tous les discours idéologiques sur la « redistribution des richesses » et « l’égalitarisme » de la gauche ; c’est là ce qui, selon le chavisme et l’ensemble de la gauche, ouvrira la voie au « socialisme du XXIe siècle ».
Mais ce « socialisme », avant de « redistribuer les richesses » (vieille rengaine bourgeoise pour justifier sa dictature de classe) se propose en fait la redistribution de la misère, « l’égalisation » de la société par le bas, par la précarité. Le travail des Missions permet en fait d’informaliser les conditions de travail, ce qui « flexibilise » (c’est-à-dire précarise) la force de travail à travers les coopératives dans lesquelles les travailleurs perçoivent des salaires inférieurs au salaire minimum déjà misérable sans bénéficier de la moindre protection sociale. Par ailleurs, toutes les branches de service ou de production dont s’occupent ces Missions en violant allègrement toutes formes de conventions collectives, sont le théâtre d’attaques des conditions de travail des travailleurs réguliers qui sont victimes du chantage au licenciement s’ils n’acceptent pas les conditions imposées par l’Etat. Enfin, dans la mesure où les Missions ont essentiellement comme fonction politique le contrôle social, le militantisme « pro-révolutionnaire » étant exigé pour pouvoir grappiller les miettes distribuées par l’Etat, la qualité des services publics est en chute libre. Au fur et à mesure que grandit la couverture sociale des Missions, la précarité s’étend aussi à l’ensemble de la classe ouvrière et à l’ensemble de la société. Par ailleurs le coopérativisme, la cogestion et l’autogestion, formes d’organisation de la production à laquelle la gauche et les gauchistes prêtent une nature magique « anticapitaliste », n’éliminent en rien l’exploitation des travailleurs par le capital, qu’il soit privé ou étatique : les rapports de production de biens ou de services propres à toutes les formes d’organisation de la production capitaliste sont maintenus, et les biens et services produits par les travailleurs devront tôt ou tard être soumis aux lois du marché. En d’autres termes, c’est ce dernier qui décidera des prix et donc du salaire des travailleurs.
Ici comme ailleurs, la bourgeoisie n’a d’autre choix que de jouer avec la misère, et le chavisme s’est révélé être un maître en la matière. Il tente d’imposer ses idéologies à l’ensemble de la société par le sang et par le feu, créant une ambiance de terreur, de persécution, de chantage et d’attaque permanente sur les conditions de vie des travailleurs à travers le chômage, les salaires de misère, les charges sociales, développant une paupérisation qui se traduit, dans les faits, par une augmentation significative de la pauvreté et de la malnutrition ([6] [754]), de la criminalité et de la prostitution infantile et juvénile, pendant que les nouveaux riches chavistes se répartissent le butin des ressources de l’Etat en s’allouant des traitements et des salaires des dizaines de fois supérieurs à ceux d’un travailleur, promouvant et permettant en outre des niveaux de corruption tels que les régimes antérieurs passent pour des enfants de chœur. Et tout ceci au nom de la soi-disant « supériorité morale » de la gauche du capital, qui n’est rien d’autre que la morale hypocrite bourgeoise hissée à son paroxysme.
Dans ce sens, non seulement le chavisme est un pur produit de la décomposition de la bourgeoisie vénézuélienne, mais il est en outre un facteur accélérateur de ce pourrissement de la classe bourgeoise et de la société vénézuélienne dans son ensemble. Et c’est précisément cette putréfaction que les gauchistes et la gauche dans le monde entier baptisent « révolution » ! Quelle impudence !
Leur radicalisme petit-bourgeois pousse les secteurs gauchistes qui composent le chavisme à baptiser « révolution » un phénomène qui, comme nous l’avons vu, n’est rien d’autre qu’une variante du capitalisme d’Etat : une « nouvelle » forme juridique d’administration de l’Etat bourgeois pour poursuivre l’exploitation du travail par le capital national. Que Chavez et ses disciples et adulateurs l’appellent « socialisme » n’est pas en soi un phénomène nouveau : la gauche et les gauchistes de tout poil n’ont pas cessé, tout au long du XXe siècle, de qualifier de « socialiste » le moindre gouvernement dont l’Etat assume le contrôle de la vie économique, politique et sociale (comme ce fût le cas pour tous ces pays en orbite de la Russie qui formaient le fameux « bloc socialiste » et dont ne survivent que la Chine, la Corée du Nord et Cuba), dans lesquels est éliminé ou tend à l’être le capital privé et que les moyens de production passent sous contrôle de l’Etat et de la bureaucratie. Aujourd’hui, la gauche du capital, en tant que force protectrice des intérêts du capital national, hisse à nouveau le drapeau de ce « socialisme », c’est-à-dire du capitalisme d’Etat, mais sous les nouvelles couleurs des mouvements anti-globalisation et altermondialistes, pour tenter de donner un fond idéologique à son mot d’ordre : « Un autre monde est possible ».
Ce « néo-socialisme » reprend aussi les thèmes populistes auxquels recourt la bourgeoisie dans ses moments de crise économique et politique. La bourgeoisie recourt toujours dans ces cas-là à la manipulation des secteurs les plus pauvres de la population et de la petite bourgeoisie paupérisée, pour tenter de contrôler le mal-être social généré par l’accroissement de la pauvreté et de les utiliser pour maintenir sa domination de classe.
Le chavisme, armé de cette vision du « socialisme du XXIe siècle », nous promet d’éradiquer la misère… à l’horizon de 2021. Il est effectivement possible que le chavisme parvienne pour cette date à créer une société « égalitaire », dans le sens où il aura réussi à plonger la quasi-totalité de la population dans une « égale paupérisation » (à l’exception évidemment des nouveaux riches du chavisme), comme la bourgeoisie est parvenu à le faire à Cuba, en Corée du Nord ou en Chine, ces résidus du vieux « socialisme ». L’accroissement des indices de la misère ne peut plus se déguiser et il est inéluctable : malgré les manipulations éhontées des chiffres par les organismes de l’Etat, l’Institut national de statistiques (INE) indique que l’indice de pauvreté a augmenté de dix pour cent pendant les six années de gouvernement chaviste ([7] [755]).
Cette augmentation de la misère n’est cependant pas due à la mauvaise gestion du chavisme, comme tentent de le faire croire les secteurs de la bourgeoisie dans l’opposition : il est impossible d’éradiquer la misère dans le capitalisme, car ce mode de production non seulement requiert une attaque permanente sur les salaires et les conditions de vie des travailleurs mais, en outre, avec son entrée en décadence, il crée une masse toujours plus grande de prolétaires qui sont laissés à la rue sans qu’existe pour eux la moindre possibilité d’être intégrés à l’appareil productif. La bourgeoisie face à la crise n’a d’autre choix que de rendre toujours plus précaires les conditions de vie du prolétariat pour pouvoir rester compétitive sur le marché mondial et, bien sûr, pouvoir maintenir les privilèges dont elle jouit en tant que classe dominante.
Mais la bourgeoisie chaviste doit compter sur un facteur qui contrariera ses plans : l’approfondissement de la crise du capitalisme et de la décomposition de l’ensemble de la bourgeoisie. Malgré les revenus importants tirés de l’augmentation historique du prix du baril de pétrole sur lesquels compte la bourgeoisie vénézuélienne, ils ne sont cependant pas éternels et par ailleurs sont insuffisants pour répondre au coût de la « révolution ». L’approfondissement de la crise ne tardera pas à faire tourner court l’appareil populiste et les Missions mis en place par le chavisme. Alors les masses se manifesteront de nouveau. Mais ces manifestations seront condamnées à finir dans les impasses de la révolte stérile et de l’impuissance si la classe ouvrière n’a pas la capacité de donner une perspective aux masses les plus pauvres, vers la destruction et le dépassement du capitalisme. Il est donc de la première importance que les travailleurs réagissent par leur lutte contre les attaques faites à leurs conditions de vie et affrontent toute cette idéologie bolivarienne égalitariste.
Dans le capitalisme décadent, la bourgeoisie, de droite ou de gauche, n’a d’autre choix que de recourir à toutes sortes de variantes du capitalisme d’Etat, qu’elle les nomme bolivarisme ou autres noms d’oiseaux. Le « néo-socialisme », ce fameux « socialisme du XXIe siècle » préconisé par Chavez, n’est que l’imposition progressive de conditions de vie toujours plus précaires aux travailleurs et à l’ensemble de la société. Les forces de droite ou de gauche du capital ne peuvent plus réaliser de réformes véritables du système capitaliste, encore moins faire une révolution. L’époque où la bourgeoisie était une classe révolutionnaire est révolue depuis que le mode de production capitaliste a atteint les confins de la planète. L’entrée du capitalisme dans sa phase de décadence avec la Première Guerre mondiale, a mis depuis un siècle un terme à cette période où le prolétariat
Nous ne pouvons ici développer la vision marxiste de la révolution prolétarienne ([8] [756]). Mais nous pouvons affirmer que seul le prolétariat en armes organisé en Conseils ouvriers est à même de donner un caractère révolutionnaire à un mouvement de révolte, en donnant comme perspective la destruction de fond en comble de l’appareil d’Etat de la bourgeoisie et en s’affirmant comme classe dominante de la société, en prenant le contrôle des moyens de production et en incorporant à sa cause les masses non exploiteuses. Là se trouvent les leçons basiques des plus grandes expériences des mouvements révolutionnaires de la classe ouvrière : la Commune de Paris, la Révolution russe de 1905, la vague révolutionnaire internationale qui fut inaugurée par la Révolution russe de 1917. Là se trouve l’unique voie pour passer du règne de la pénurie qu’impose le capitalisme au règne de l’abondance, le communisme.
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[1] [757] Mouvement bolivarien révolutionnaire-200, formé en majorité par les militaires qui participèrent avec Chavez à l’insurrection en 1992.
[2] [758] Partisans des « vieux » partis de la bourgeoisie, AD et COPEI.
[3] [759] Organisations crées et financées par l’Etat, qui travaillent dans des services publics tels que le domaine de la santé, de l’éducation, de la distribution de la nourriture, etc. Ces Missions permettent aussi de développer le travail précaire à travers le coopérativisme. Le réseau tissé par les Missions permet aussi aux partis qui soutiennent le gouvernement d’exercer un réel contrôle social, puisqu’il est exigé de s’engager en faveur de la « révolution bolivarienne » pour pouvoir recevoir des aides de l’Etat.
[4] [760] Un des conseillers de Chavez dans les années 90 était l’argentin Norberto Ceresole, qui avait imaginé un modèle baptisé “post démocratie” qui combinait un ensemble d’idéologies allant du fascisme au bolivarianisme en passant par le stalinisme. Nous voyons là les origines, typiques de la décomposition, du cocktail idéologique de Chavez.
[5] [761] Références faite au « guerrier » Ezequiel Zamora, leader des insurrections paysannes de la moitié du XIXe siècle et à Simon Rodriguez, qui vécut fin XVIIIe et début XIXe siècles, professeur de Bolivar et qui se fit appeler Samuel Robinson ; son modèle avançait que l’Amérique espagnole devait se doter de gouvernements et d’institutions « originaux » hors des modèles donnés par l’étranger.
[6] [762] Une étude récente de l’Institut vénézuélien de recherches scientifiques avance qu’un tiers des enfants entre 2 et 15 ans sondés dans les Etats du centre du pays souffrent d’anémie. Ce niveau terrifiant va jusqu’à 71 % des enfants de moins de 2 ans dans l’un de ces Etats. Il est bon de se souvenir que, dans les années 80, le pourcentage était proche de celui des pays développés.
[7] [763] L’Institut national de statistiques signalait que la pauvreté était passé de 42,8 % en 1999 a 53 % en 2004. Une récente étude de l’entreprise Datos signale cependant que la pauvreté touche 81 % de la population, c'est-à-dire quelques 21 millions de personnes (el Nacional, 31 mars 2005).
[8] [764] Nous invitons nos lecteurs à mieux connaître nos positions et nos analyses sur ce sujet en consultant notre site Internet : www.internaciotionalism.org [765].
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La mobilisation massive des étudiants en France contre les attaques économiques du gouvernement Chirac/Villepin/Sarkozy qui a voulu faire passer son "Contrat Première Embauche" (CPE) par la violence, s'inscrit pleinement dans la dynamique actuelle du renouveau de la lutte du prolétariat mondial. Ce mouvement n'a rien à voir avec les mouvements précédents, interclassistes, de la jeunesse estudiantine. Il appartient au combat de toute la classe ouvrière. D'emblée, ce mouvement s'est situé sur un terrain de classe, contre une attaque économique, contre le "no future" que le capitalisme promet aux jeunes générations. Et c'est justement pour cela que les étudiants en lutte ont été capables de mettre de côté leurs revendications spécifiques (telle la réforme du système des diplômes LMD) au profit de revendications communes à toute la classe ouvrière : "Non au CPE ! Non à la précarité, aux licenciements et au chômage !"
Ce qui a fait la force de ce mouvement, c'est d'abord et avant tout le renforcement de la SOLIDARITÉ active dans la lutte. C'est en resserrant les rangs, en construisant un tissu très serré, en comprenant que l'union fait la force que les étudiants (et les lycéens) ont pu mettre en pratique le vieux mot d'ordre du mouvement ouvrier : "Tous pour un, un pour tous !" C'est comme cela qu'ils ont pu entraîner derrière eux les travailleurs des universités (professeurs et personnels administratifs) qui ont tenu eux aussi des assemblées générales. Ensuite, les étudiants des facultés d'Île de France ont ouvert leurs AG à leurs propres parents-travailleurs, à d'autres travailleurs et même à des retraités (notamment à Paris 3 - Censier). Ils leur ont demandé de prendre la parole et de leur donner des "idées". La "boîte à idées", l'"urne" du mouvement a circulé à toute vitesse partout, dans la rue, dans les AG, dans les supermarchés, sur tous les lieux de travail, sur tous les sites Internet, etc. Voilà comment les bataillons les plus conscients et déterminés du mouvement ont pu faire vivre la solidarité de la classe ouvrière et élargir leur lutte à toute la classe ouvrière !
Au lendemain de la manifestation du 7 mars, dans toutes les facs à Paris comme en province, se développent des AG massives d'étudiants : l'"homme de fer" Villepin, maintient sa politique de fermeté : le CPE sera voté à l'Assemblée Nationale car il est hors de question que ce soit "la rue qui gouverne" (comme le disait en 2003, l'ex-premier ministre Raffarin, qui a fait passer sa réforme du système des retraites pour jeter dans la misère les vieux travailleurs salariés après les avoir exploités pendant 40 ans !). Les étudiants ne cèderont pas à ce bras de fer. Les amphithéâtres où se tiennent les AG sont pleins à craquer. Les manifestations spontanées se multiplient, notamment dans la capitale. Les étudiants lèvent eux-mêmes le black-out des médias et les obligent à "débloquer" la loi du silence et du mensonge.
Du 8 au 18 mars, "dix jours vont ébranler le monde" de la bourgeoisie française. Les étudiants s'organisent de plus en plus pour élargir la riposte dans une seule direction : SOLIDARITÉ et UNITÉ de toute la classe ouvrière.
Dans la capitale, cette dynamique est partie du parvis de la fac de Censier qui sera aux avant-postes du mouvement vers l'extension et la centralisation de la riposte.
Dans les AG, les travailleurs qui "passaient par là" sont en général accueillis à bras ouverts. Ils sont invités à venir participer aux débats, à apporter leur expérience. Tous les travailleurs qui ont assisté aux AG à Paris comme dans plusieurs villes de province (notamment Toulouse) ont été sidérés par la capacité de cette jeune génération à mettre son imagination créatrice au service de la lutte de classe. A la fac de Censier, notamment, la richesse des débats, le sens des responsabilités des étudiants élus dans le comité de grève, leur capacité à organiser le mouvement, à tenir la tribune, à distribuer la parole à tous ceux qui veulent exprimer leur point de vue, à convaincre et à démasquer les saboteurs à travers la confrontation des arguments donnés dans la discussion, toute cette dynamique a vérifié toute la vitalité et la puissance des jeunes générations de la classe ouvrière.
Les étudiants ont défendu en permanence le caractère souverain des AG, avec leurs délégués élus et révocables (sur la base de mandats et remises de mandat), à travers le vote à main levée. Tous les jours, ce sont des équipes différentes qui organisent le débat à la tribune. Dans ces équipes, sont représentés des étudiants syndiqués et non syndiqués.
Pour pouvoir répartir les tâches, centraliser, coordonner et garder la maîtrise du mouvement, le comité de grève de Paris 3 - Censier avait décidé d'élire différentes commissions : presse, animation et réflexion, accueil et information, etc.
C'est grâce à cette véritable "démocratie" des AG et à la centralisation de la lutte que les étudiants ont pu décider des actions à mener, avec comme principale préoccupation l'extension dumouvement aux entreprises.
Les étudiants ont parfaitement compris que l'issue de leur combat est entre les mains des travailleurs salariés (comme l'a dit un étudiant dans une réunion de la coordination francilienne du 8 mars "si on reste isolés, on va se faire manger tout cru"). Plus le gouvernement Villepin refuse de céder et plus les étudiants sont déterminés. Plus Sarkozy cogne et plus il renforce la colère des salariés et fait "râler" ses "électeurs".
Les travailleurs salariés les plus aguerris à la lutte de classe (et les secteurs les moins stupides de la classe politique bourgeoise) savent que ce bras de fer contient la menace de la grève de masse (et non pas de la "grève générale" préconisée par certains syndicats et les anarchistes) si les voyous qui gouvernent s'enferment dans leur "logique" irrationnelle.
Et cette dynamique vers l'extension du mouvement, vers la grève de masse, a démarré dès le début de la mobilisation des étudiants qui ont envoyé partout, aux quatre coins du pays, des délégations massives vers les travailleurs des entreprises proches de leurs lieux d'études. Ils se sont heurtés au "blocage" syndical : les travailleurs sont restés enfermés dans leurs entreprises sans possibilité de discuter avec les délégations d'étudiants. Les "petits sioux" des facs de Paris ont dû imaginer un autre moyen de contourner le barrage syndical.
Pour mobiliser les travailleurs, les étudiants ont fait preuve d'une riche imagination. Ainsi, à Censier ils ont fabriqué une urne en carton appelé "boîte à idées". Dans certaines universités (comme celle de Jussieu à Paris), ils ont eu aussi l'idée de bavarder tranquillement dans la rue, de s'adresser aux passants afin de leur expliquer sans agressivité les raisons de leur colère. Ils ont demandé à tous les "badauds" s'ils avaient des idées à leur proposer car "toutes les idées sont bonnes à prendre". C'est notamment grâce au respect des travailleurs qui passaient par là ou étaient venus leur apporter leur solidarité, que les étudiants ont pu récolter dans leur "urne" des idées qu'ils ont mises en pratique. Grâce à leur expérience, ils ont vu quelles étaient les "bonnes idées" (celles qui vont dans le sens du renforcement du mouvement) et les "mauvaises idées" (celles qui vont dans le sens de l'affaiblir, de le saboter afin de livrer les étudiants à la répression, comme on l'a vu avec "l'occupation de la Sorbonne").
Les étudiants de beaucoup de facultés, celles qui étaient les plus en pointe, ont ouvert les amphithéâtres dans lesquels se tiennent leurs AG, aux travailleurs salariés et même à des retraités. Ils leur ont demandé de leur transmettre leur expérience du monde du travail. Ils avaient soif d'apprendre des vieilles générations. Et les "vieux" avaient soif d'apprendre des "jeunes". Tandis que les "jeunes" gagnaient en maturité, les "vieux" étaient en train de rajeunir ! C'est cette osmose entre toutes les générations de la classe ouvrière qui a donné une impulsion nouvelle au mouvement. La plus grande force de la lutte, la plus belle victoire du mouvement, c'est bien la lutte elle-même ! C'est la solidarité et l'unité de la classe ouvrière, tous secteurs et toutes générations confondues !
Et cette victoire a été gagnée non au Parlement mais dans les amphithéâtres universitaires. Malheureusement les espions au service du gouvernement qui étaient présents dans les AG n'ont rien compris. Ils n'ont pas été capables de donner des "idées" à Monsieur Villepin. Le trio infernal Villepin/Sarkozy/Chirac s'est retrouvé à cours d'"idées". Il a donc été contraint de montrer la vrai visage de la "Démocratie" bourgeoise : celui de la répression.
Le mouvement des étudiants va bien au-delà d'une simple protestation contre le CPE. Comme le disait un professeur de l'université de Paris-Tolbiac, à la manifestation du 7 mars : "le CPE n'est pas seulement une attaque économique réelle et ponctuelle. C'est aussi un symbole." Effectivement, c'est le "symbole" de la faillite de l'économie capitaliste.
C'est aussi une réponse implicite contre les "bavures" policières (celle qui, à l'automne 2005, avait provoqué la mort "accidentelle" de deux jeunes innocents dénoncés comme "cambrioleurs" par un "citoyen" et poursuivis par les flics). En mettant au Ministère de l'Intérieur un pyromane (Monsieur Sarkozy), la bourgeoisie française n'a pas été capable de tirer les leçons de son histoire : elle a oublié que les "bavures" policières (entre autres, la mort de Malik Oussékine en 1986) peuvent être un facteur de radicalisation des luttes ouvrières. Aujourd'hui, la répression des étudiants de la Sorbonne qui voulaient seulement pouvoir tenir des AG (et non pas détruire les livres comme le prétend mensongèrement Monsieur de Robien) n'a fait que renforcer la détermination des étudiants. Toute la bourgeoisie et ses médias télévisées aux ordres n'ont cessé, heure après heure, de faire de la publicité mensongère pour faire passer les étudiants pour des "voyous" (la "racaille" selon le terme employé par le gentleman Sarkozy à l'égard des jeunes des banlieues).
Mais la ficelle était trop grosse. La classe ouvrière n'a pas mordu à l'hameçon des "guignols de l'info". C'est cette violence des voyous de la bourgeoisie qui a révélé au grand jour la violence du système capitaliste et de son État "démocratique". Un système qui jette sur le pavé des millions d'ouvriers, qui veut réduire à la misère les retraités après 40 ans d'exploitation, un système qui fait régner le "droit" et "l'ordre" par la matraque. En continuant à faire la sourde oreille, Monsieur Villepin a vérifié cette blague : "la dictature c'est ferme ta gueule. La démocratie, c'est cause toujours !". Mais le trio Villepin/Sarkozy/Chirac a fait encore mieux. Il a répondu aux étudiants : "cause toujours et ferme ta gueule !"
Et pour pouvoir maintenir leur pouvoir, ces Messieurs ont pu bénéficier de la "solidarité" des médias, et surtout de son instrument d'intoxication idéologique, le journal "télé-visé". Ce que visent les images ignobles des médias, c'est la fascination exhibitionniste de la violence aveugle, la manipulation des foules, le pourrissement de la conscience. Mais plus la télé en rajoute pour intimider la classe ouvrière et la paralyser, plus ses caméras donnent la nausée à la classe ouvrière (et même à l'électorat de la droite).
Et c'est justement parce que les nouvelles générations de la classe ouvrière, et ses bataillons les plus conscients, détiennent entre leurs mains les clefs de l'avenir, qu'ils ont refusé de céder à la provocation de l'État policier (et de ses forces d'encadrement syndicales). Ils ont refusé d'utiliser la violence aveugle et désespérée de la bourgeoisie, des jeunes émeutiers des banlieues, de certains "anars" et autres "gauchistes" excités.
Les enfants de la classe ouvrière qui sont aux avant-postes du mouvement des étudiants sont les seuls qui puissent ouvrir une perspective à toute la société. Cette perspective, la classe ouvrière ne peut la développer que grâce à une vision historique, grâce à la confiance en sa propre force, grâce à la patience et aussi à l'humour (comme le disait Lénine). C'est justement parce que la bourgeoise est une classe sans avenir historique, que la clique de Villepin s'est affolée et ne pouvait utiliser que la violence aveugle du "no future" des jeunes émeutiers.
La détermination de Monsieur Villepin à ne pas céder à la demande des étudiants (le retrait du CPE), révèle encore une chose : la bourgeoisie mondiale ne lâchera pas son pouvoir sous la pression des "urnes". Pour renverser le capitalisme et construire la véritable communauté humaine mondiale, la classe ouvrière sera obligée, dans le futur, de se défendre aussi par la violence contre la violence de l'État capitaliste et de toutes les forces d'appoint de son appareil répressif. Mais la violence de classe du prolétariat n'a strictement rien à voir avec les méthodes du terrorisme ou des émeutes des banlieues (comme veut le faire croire la propagande bourgeoise pour justifier la poursuite du flicage, de la répression des travailleurs, des étudiants et bien sûr des véritables militants communistes).
Pour tenter de faire passer toutes ses attaques économiques et policières, la bourgeoisie avait miné le terrain de la riposte anti-CPE. Elle a d'abord misé sur le calendrier des vacances scolaires pour disperser la colère des étudiants et lycéens. Mais les étudiants ne sont pas des enfants de chœurs (même si certains d'entre eux vont encore à l'église). Ils ont maintenu la mobilisation et ont pu la renforcer après les vacances. Évidemment, les syndicats étaient présents dès le début du mouvement et ont mis toutes leurs forces dans la bataille pour le noyauter.
Mais ils n'ont pas prévu qu'ils seraient massivement débordés dans la plupart des villes universitaires.
Par exemple, à Paris, plus d'un millier d'étudiants se retrouvent sur le parvis de la faculté de Paris 3-Censier pour partir tous ensemble à la manifestation. Les étudiants s'aperçoivent que les syndicats, CGT en tête, ont déplié leurs banderoles pour se mettre à la tête du cortège et encadrer la manif. Immédiatement, les étudiants font demi tour, utilisent les différents moyens de transports et la vitalité de leurs jambes pour contourner les syndicats. Ils prennent la tête de la manif et déplient leurs banderoles unitaires. Ils lancent une multitude de slogans unificateurs : "Étudiants, lycéens, chômeurs, travailleurs précaires, du public et du privé, même combat contre le chômage et la précarité !"
La CGT est ridiculisée. Elle se retrouve à la queue des étudiants avec une multitude de banderoles : "CGT de la métallurgie", "CGT de la RATP", "CGT de l'hôpital de la Pitié Salpêtrière" "CGT de la ville de Pantin", "CGT de la Seine Saint-Denis" etc. Derrière chacune des énormes banderoles rouges de la CGT, une poignée de militants complètement déboussolés. Pour requinquer leurs troupes, les cadres du parti stalinien "rénové" de Maurice Thorez (qui demandait au lendemain de la seconde guerre mondiale, aux mineurs ou aux ouvriers de Renault en grève de rependre le travail, de "retrousser les manches" car "la grève est l'arme des trusts") lancent alors des mots d'ordre "radicaux". Ils essaient de couvrir la voix des étudiants avec leurs hauts parleurs. Les cadres de la CGT et du parti "communiste" FRANÇAIS secouent leurs troupes en leur faisant chanter "L'Internationale". Le vieux dinosaure stalinien se ridiculise encore plus. Beaucoup de manifestants et de passants sur les trottoirs sont pliés de rire. On entend des commentaires du style : "c'est les guignols de l'info !".
Le soir même, le leader de la CGT Bernard Thibault dira à la télé : "il est vrai, qu'il y avait une part d'inconnu".
Les syndicats se sont démasqués eux-mêmes par leurs propres magouilles. C'est ce que Monsieur de Robien n'a toujours pas compris lorsqu'il s'est ainsi "indigné" des actes de vandalisme des "étudiants" à la Sorbonne (en exhibant quelques livres déchirés par les spécialistes bourgeois de la manipulation) : "c'est une petite minorité qui dirige la révolte des étudiants". Monsieur de Robien a mis à l'envers ses lunettes de presbyte : c'est effectivement une "petite minorité" qui dirige, non pas le mouvement des étudiants mais toute la société humaine. Une minorité qui ne produit rien d'autre que l'exploitation et la répression de la grande majorité de la classe des producteurs.
Les syndicats, CGT et FO en tête, n'ont pas encaissé le mauvais coup du 7 mars. C'est pour cela que certains journalistes parmi les plus intelligents ont pu dire à la télévision : "les syndicats sont été humiliés". Ils ont été "humiliés" également par les manifestations spontanées des étudiants dans les rues de la capitale le 14 mars. Incapables de réfréner leur colère contre les "humiliateurs", contre les travailleurs qui ont témoigné leur solidarité active aux étudiants en se joignant à la manifestation du 16 mars, les syndicats ont fini par montrer publiquement, devant les caméras, leur complicité avec les troupes de Monsieur Sarkozy.
A PAris, le"service d'ordre" de la CGT (lié au parti stalinien) et de FO (fondé grâce à l'appui de la CIA après la deuxième guerre mondiale) était à la tête de la manifestation, main dans la main, face aux CRS. Le cordon syndical s'est relâché comme par enchantement à la fin de la manifestation pour donner un ticket d'entrée aux petits "kamikazes" infiltrés dans la manifestation et qui se sont précipités vers la Sorbonne pour commencer leur partie de chat et de souris avec les CRS. Tous ceux qui étaient aux premières loges et ont assisté à ces nouvelles scènes de violence ont raconté que c'est grâce au "service d'ordre" des syndicats CGT/FO que Villepin/Sarkozy ont encore cogné et rempli leurs paniers à salade.
Mais surtout, les images insistantes des affrontements violents qui ont suivi la manifestation à Paris ont pour objectif de faire peur avant la grande manifestation du 18 mars. Beaucoup de travailleurs ou de jeunes qui comptaient y participer risquent de renoncer par peur de ces violences
Les présentateurs du journal télé-visé annoncent la bonne nouvelle aux téléspectateurs : on va vers le "pourrissement du mouvement" (d'après les "info" du soir du 16 mars)
Ceux qui veulent "pourrir le mouvement", ce sont les complices de Sarkozy, les forces d'encadrement syndicales. Et cela la classe ouvrière commence à le comprendre. Derrière leurs discours "radicaux" et hypocrites, ce que veulent les syndicats, c'est sauver la mise au gouvernement. Pour le moment, c'est raté !
Le parti stalinien et sa CGT ont maintenant leur place dans le grand Panthéon de Jurassic Park (à côté des brontosaures de l’UMP). Si les syndicats n’ont pu jusqu’à présent jouer leur rôle de pompiers sociaux, c’est parce que les pyromanes Sarkozy/Villepin ont mis le feu à leurs banderoles le 16 mars.
Et, si les travailleurs sont venus soutenir les étudiants en lutte, c'est parce qu'ils ont vu que les syndicats avaient relayé, dans les entreprises, le black-out des médias sur les AG massives des étudiants.
Depuis la manifestation du 7 mars, les syndicats ont traîné la savate, fait toutes sortes de contorsions pour paralyser les travailleurs salariés. Ils ont fait toutes sortes de manœuvres pour diviser, émietter la colère de la classe ouvrière Ils ont essayé de saboter le mouvement des étudiants. Ils ont radicalisé leurs discours avec un train de retard en "exigeant" le retrait du CPE avant toute ouverture des négociations (alors qu'ils n'arrêtent pas depuis le début de "négocier" dans le dos de la classe ouvrière). Ils ont même brandi la menace de la "grève générale" pour faire "plier" le gouvernement. Bref, ils ont dévoilé ouvertement qu'ils ne voulaient pas que les travailleurs se mobilisent en solidarité avec les étudiants. Le dos au mur, ils ont fini par sortir de leur manche l'"as de pique" : en utilisant quelques gamins excités pour déchaîner encore et toujours la violence.
La seule issue à cette crise politique de la bourgeoisie française, c'est un ravalement de la vieille façade de l'État républicain. Et ce cadeau, c'est la gauche parlementaire qui a voulu l'offrir sur un plateau d'argent à Monsieur Villepin : PS/PC/Vert tous unis ont saisi le Conseil Constitutionnel pour déposer leur "recours" contre le CPE. Finalement, c'est peut-être ce coup de main du PS qui permettra au gouvernement de sortir de l'impasse en retirant le CPE à la demande des "12 sages" : il pourra encore faire sienne la formule de Raffarin, "ce n'est pas la rue qui gouverne", mais en y ajoutant, "c'est les 12 retraités du Conseil constitutionnel" !
En voulant «nettoyer au karcher» les étudiants de la Sorbonne (et leurs camarades qui sont venus leur apporter de la nourriture), Monsieur Sarkozy a ouvert une boîte de Pandore. Et dans cette boîte à "idées noires", le gouvernement Villepin/Sarkozy a fait sortir les "faux amis" de la classe ouvrière, les syndicats.
Le prolétariat mondial peut donc remercier la bourgeoisie française. En agitant son épouvantail Le Pen aux dernières présidentielles, la classe dominante tricolore a réussi à remettre au gouvernement la droite la plus bête du monde. Une droite qui a appliqué une politique de "république bananière" !
Quels que soient les scénarios de l'issue du mouvement, cette lutte de toute la classe ouvrière est déjà une victoire.
Grâce aux nouvelles générations, la classe ouvrière a réussi à briser le "blocage" de la solidarité par les syndicats. Tous les secteurs de la classe ouvrière, et particulièrement ses nouvelles générations, ont vécu une riche expérience qui va laisser des traces profondes dans leur conscience.
Cette expérience appartient au prolétariat mondial. Malgré le black-out des médias "officiels", les médias "parallèles", les caméras "sauvages" et autres radios "libres", et aussi la presse des révolutionnaires, vont permettre aux prolétaires du monde entier de s'approprier cette expérience. Car cette lutte n'est qu'un épisode de la lutte de la classe ouvrière mondiale. Il s'inscrit à la suite de toute une série de luttes ouvrières depuis 2003 qui confirmaient que la classe ouvrière de la plupart des pays industriels était sortie du recul que lui avaient fait subir toutes les campagnes déchaînées par la bourgeoisie au lendemain de l'effondrement du bloc de l'Est, en 1989, et des régimes présentés comme "socialistes" ou "ouvriers". Une des caractéristiques essentielles de ces luttes, c'est le resurgissement de la solidarité entre travailleurs. C'est ainsi que dans deux des pays les plus importants du monde capitaliste, les États-Unis et la Grande-Bretagne, c'est la solidarité qui avait été à l'origine de la lutte ouvrière. Dans les transports de New-York, juste avant Noël 2005, les travailleurs sont entrés en grève non pas pour eux-mêmes, mais pour préserver aux jeunes travailleurs qui seraient embauchés dans le futur les garanties qu'ils avaient acquises pour leur retraite. De même, la grève des bagagistes qui a bloqué plusieurs jours l'aéroport de Heathrow à Londres, en août 2005, était en solidarité avec des travailleurs du secteur de la restauration victimes d'une attaque inique de leur employeur, Gate Gourmet.
Ces grèves particulièrement significatives s’inscrivaient dans une tendance au développement des luttes qui n’a cessé de se confirmer depuis 2003 et le mouvement pour la défense des retraites en la France mais aussi l’Autriche qui avait connu les manifestations de rue les plus importantes depuis la seconde guerre mondiale. Une tendance qui s’est notamment exprimée en 2004 en Allemagne par les luttes dans le secteur de l’automobile (notamment à Daimler-Chrysler et à Opel) qui, face aux licenciements, a posé clairement la question de la solidarité entre travailleurs. Une tendance qui s’est encore confirmée en Espagne, en décembre 2005, à l’entreprise SEAT de Barcelone où les ouvriers ont mené leur lutte en dehors et contre les syndicats qui avaient signé dans leur dos «les accords de la honte» prévoyant le licenciement de 600 de leurs camarades.
Le mouvement des étudiants en France appartient donc à une lutte qui se développe à l’échelle de l’Histoire et dont l’issue finale permettra de sortir l’espèce humaine de l’impasse de la barbarie capitaliste. Les jeunes générations, qui ont engagé la lutte sur un terrain de classe ouvrent aujourd’hui les portes de l’avenir. Nous pouvons leur faire confiance : dans tous les pays, elles vont continuer à préparer un monde nouveau débarrassé de la concurrence, du profit, de l’exploitation, de la misère, et du chaos sanglant.
Évidemment, le chemin qui mène au renversement du capitalisme est encore long et parsemé d’embûches, de pièges de toutes sortes, mais il a commencé à se dégager.
Courant Communiste International (17 mars 2006)
Le mouvement des étudiants en France contre le CPE n'a rien à voir avec la plupart des mouvements précédents, interclassistes, de la jeunesse estudiantine. Il s'inscrit pleinement dans le combat de toute la classe ouvrière mondiale. Face à une attaque particulièrement ignoble contre les jeunes générations de travailleurs, une attaque qui institutionnalise la précarité au nom de la "lutte contre la précarité", les étudiants ont d'emblée compris et assumé le caractère de classe de leur combat.
Ainsi, alors que certains voulaient mêler des revendications spécifiquement étudiantes (comme le retrait du LMD – la norme européenne des cursus universitaires) à la revendication centrale de retrait du CPE, les assemblées étudiantes ont décidé de ne garder que les revendications qui concernent l'ensemble de la classe ouvrière.
Ce qui a fait la force de ce mouvement, c'est justement qu'il s'est placé résolument sur le terrain de la lutte de classe des exploités contre les exploiteurs. Et cela en adoptant des méthodes et des principes de lutte qui sont justement ceux de la classe ouvrière. Le premier de ces principes est celui de la solidarité. Rompant avec le "chacun pour soi", l'idée que "si je fais de bonnes études, si je me tiens à carreau pendant deux ans, alors je pourrai passer entre les gouttes", les étudiants ont adopté la seule attitude possible pour la classe ouvrière contre les attaques du capitalisme : la lutte unie. Et cette solidarité ne s'est pas manifestée seulement "entre étudiants". D'emblée, ils se sont adressés aux salariés, non seulement pour gagner leur solidarité, mais aussi parce qu'ils ont bien compris que c'est toute la classe ouvrière qui est attaquée. Par leur dynamisme, leur combativité et leurs appels, ils ont réussi dans beaucoup de facultés à entraîner le personnel de celles-ci - enseignants et agents administratifs - dans la lutte en leur proposant notamment de tenir des assemblées générales communes.
Un autre trait clairement prolétarien du mouvement, c'est sa volonté de développer la conscience de ses participants. La grève des universités a commencé par des blocages. Mais ces derniers n'étaient pas conçus comme des "coups de force" par lesquels une "minorité d'énergumènes impose sa loi à la majorité", comme le rabâchent tous les dimanches après la messe les petits groupes d'"anti-bloqueurs" en tenue blanche de premiers communiants. Les blocages étaient un moyen que se sont donné les étudiants les plus conscients et combatifs pour manifester leur détermination et surtout pour entraîner un maximum de leurs camarades vers les assemblées générales où une proportion considérable de ceux qui n'avaient pas compris la signification des attaques du gouvernement ou la nécessité de les combattre ont été convaincus par le débat et les arguments.
Et justement, ces assemblées générales qui ont réussi à s'organiser de façon croissante, qui se sont donné des comités de grève et des commissions responsables devant elles, qui ont constitué le poumon du mouvement, ce sont des moyens propres à la lutte de la classe ouvrière. En particulier, ces assemblées étaient ouvertes vers l'extérieur, et non pas repliées sur elles-mêmes comme le sont en général les assemblées syndicales où ne sont autorisées que "les personnes de la boîte", ou à la limite des syndicalistes patentés d'autres "boîtes" ou des "instances syndicales supérieures". Très vite on a vu la participation de délégations d'étudiants d'une université aux AG d'autres universités, ce qui outre le renforcement du sentiment de force et de solidarité entre les différentes AG a permis à celles qui étaient en retrait de s'inspirer des avancées de celles qui étaient plus en pointe. C'est là aussi une des caractéristiques importantes de la dynamique des assemblées ouvrières dans les mouvements de classe ayant atteint un niveau important de conscience et d'organisation. Et cette ouverture des AG vers l'extérieur ne s'est pas limitée aux seuls étudiants d'autres universités mais elle s'est étendue également à la participation de personnes qui n'étaient pas des étudiants. En particulier, des travailleurs ou des retraités, parents ou grands parents d'étudiants et lycéens en lutte, ont reçu en général un accueil très chaleureux et attentif de la part des assemblées dès lors qu'ils inscrivent leurs interventions dans le sens du renforcement et de l'extension du mouvement, notamment en direction des salariés.
Face à cette mobilisation exemplaire des étudiants sur le terrain et avec les méthodes de la classe ouvrière, on a assisté à la constitution d'une sainte alliance entre les divers piliers de l'ordre capitaliste : le gouvernement, les forces de répression, les médias et les organisations syndicales.
La stratégie de pourrissement par la violence
Le gouvernement a d'abord essayé plusieurs ficelles pour faire "passer en force" sa loi scélérate. En particulier, il a usé d'une "kolossale finesse" en essayant de la faire adopter par le Parlement pendant les vacances scolaires. Le coup a manqué : au lieu de démoraliser et de démobiliser la jeunesse étudiante, il a réussi à provoquer sa colère et une extension de sa mobilisation. Ensuite, il s'est appuyé sur les forces de répression pour empêcher que la Sorbonne ne puisse, à l'image des autres universités, servir de lieu de regroupement et de réunion pour les étudiants en lutte. Ce faisant, il comptait polariser la combativité des étudiants de la région parisienne autour de ce symbole. Dans un premier temps, certains étudiants sont tombés dans ce piège. Mais, rapidement, la majorité des étudiants a fait preuve de sa maturité et le mouvement a refusé de tomber dans la provocation quotidienne que constituent ces troupes de CRS armés jusqu'aux dents en plein Quartier latin. Ensuite, le gouvernement, avec la complicité des organisations syndicales avec qui sont négociés les trajets des manifestations, a tendu une véritable souricière aux manifestants parisiens du 16 mars qui se sont retrouvés coincés en fin de parcours par les forces de police. C'était une nouvelle provocation dans laquelle ne sont pas tombés les étudiants mais qui a permis que des jeunes des banlieues se livrent à des violences abondamment filmées par les chaînes de télévision, des violences qui se sont poursuivies autour de la Sorbonne toute proche (le choix du lieu de dispersion n'était évidemment pas le fait du hasard). Il s'agissait de faire peur à ceux qui avaient décidé d'aller à la grande manifestation qui devait se tenir deux jours plus tard. Nouvel échec de la manœuvre : la participation à celle-ci a été exceptionnelle. Enfin, le 23, c'est avec la bénédiction des forces de police que des "casseurs" s'en sont pris aux manifestants eux-mêmes pour les dépouiller, ou tout simplement pour les tabasser sans raison. Beaucoup d'étudiants étaient démoralisés par ces violences : "Quand ce sont les CRS qui nous matraquent, ça nous donne la pêche, mais quand ce sont les gamins des banlieues, pour qui on se bat aussi, ça fout un coup au moral". Cependant, la colère s'est surtout tournée contre les autorités tant il était évident que la police avait été complice de ces violences. C'est pour cela que Sarkozy a promis que désormais la police n'allait plus permettre que se reproduisent de telles agressions contre les manifestants. En fait, il est clair que le gouvernement essaie de jouer la carte du "pourrissement", en s'appuyant notamment sur le désespoir et la violence aveugle de certains jeunes des banlieues qui sont fondamentalement des victimes d'un système qui les broie avec une violence extrême. Là aussi la réponse de beaucoup d'étudiants a été très digne et responsable : plutôt que d'essayer d'organiser des actions violentes contre les jeunes "casseurs", ils ont décidé, comme à la fac de Censier, de constituer une "commission banlieues" chargée d'aller discuter avec les jeunes des quartiers défavorisés, notamment pour leur expliquer que la lutte des étudiants et des lycéens est aussi en faveur de ces jeunes plongés dans le désespoir du chômage massif et de l'exclusion.
Les médias au service de Sarkozy
Les différentes tentatives du gouvernement de démoraliser les étudiants en lutte ou de les entraîner sur le terrain des affrontements à répétition avec les forces de police on reçu de leur part une réponse pleine de sagesse et surtout de dignité. Ce n'est pas la même dignité qu'on a vu de la part des médias. Ceux-ci se sont même surpassés dans leur rôle de prostituées de la propagande capitaliste. A la télévision, les scènes de violence qui se sont produites à la fin de certaines manifestations sont passées en boucle dans les "news" alors qu'il n'y a rien sur les assemblées générales, sur l'organisation et la maturité remarquables du mouvement. Mais comme l'amalgame étudiants en lutte=casseurs ne passe décidément pas, même Sarkozy déclare et répète qu'il fait une différence très nette entre les gentils étudiants et les "voyous". Cela n'empêche pas les médias de continuer avec l'étalage obscène des images de violence qu'on passe juste avant d'autres scènes de violence (telle l'attaque par l'armée israélienne de la prison de Jéricho ou bien un attentat terroriste bien saignant en Irak). Après l'échec des grosses ficelles, c'est l'heure des spécialistes les plus pointus de la manipulation psychologique. Ce qu'on veut provoquer c'est la peur, l'écoeurement, l'assimilation inconsciente du message manifestation=violence même si le message officiel prétend le contraire.
Le rôle des syndicats
Tous ces pièges, ces manipulations, la grande majorité des étudiant et des travailleurs les ont déjoués. C'est pour cela que la 5e colonne de l'État bourgeois, les syndicats, a repris les choses en main et en y mettant les grands moyens. En sous-estimant les ressources de combativité et de conscience que portent en eux les jeunes bataillons de la classe ouvrière, le gouvernement s'est mis dans une impasse. Il est clair qu'il ne peut pas reculer. Raffarin l'avait déjà dit en 2003 : "Ce n'est pas la rue qui gouverne". Un gouvernement qui bat en retraite devant la rue perd son autorité et ouvre la porte à des mouvements bien plus dangereux encore, surtout dans la situation actuelle où s'est accumulé un énorme mécontentement dans les rangs de la classe ouvrière suite à la montée du chômage, de la précarité et de toutes les attaques qui pleuvent quotidiennement sur ses conditions de vie. Depuis la fin janvier, les syndicats ont organisé des "journées d'action" contre le CPE. Et depuis que les étudiants sont entrés dans la lutte appelant les salariés à engager le combat à leur tour, ils se présentent, avec une belle unanimité, qu'on n'avait pas vue depuis longtemps, comme les meilleurs alliés de leur mouvement. Mais il ne faut pas se laisser berner : derrière leur intransigeance affichée, menton en avant, face au gouvernement, ils ne font rien pour mobiliser réellement l'ensemble de la classe ouvrière.
Si on entend souvent à la télé les déclarations martiales de Thibault, Mailly et consort, au niveau des entreprises, c'est le silence radio. Très souvent, les tracts syndicaux (quand il y en a) appelant à la grève ou à la manifestation arrivent dans les services le jour même, voire le lendemain. Les rares assemblées générales organisées par les syndicats ont eu lieu dans les entreprises (telles EDF et GDF) ou ils sont particulièrement puissants et où ils ne craignent pas d'être débordés. De plus, ces assemblées n'ont rien à voir avec ce que nous avons connu dans les facultés depuis un mois : les travailleurs y sont invités à écouter sagement les discours soporifiques des permanents syndicats qui viennent à tour de rôle prêcher pour leur chapelle en vue des prochaines élections au Comité d'entreprise ou des "délégués du personnel". Lorsque Bernard Thibault, invité du "Grand Jury RTL" du 26 mars, insistait lourdement sur le fait que les salariés avaient leurs propres méthodes de lutte différentes de celles des étudiants et qu'il ne voulait pas que les uns veuillent faire la leçon aux autres et réciproquement, il ne parlait pas en l'air : hors de question que les méthodes des étudiants soient reprises par les salariés car cela voudrait dire que les syndicats ne contrôleraient plus la situation et qu'ils ne pourraient plus jouer leur rôle de pompiers de l'ordre social ! Car c'est là leur fonction principale dans la société capitaliste. Leurs discours, même les plus radicaux comme ceux d'aujourd'hui, ne sont là que pour garder la confiance des travailleurs et pouvoir ainsi saboter leurs luttes quand le gouvernement et les patrons risquent d'être mis en difficulté.
C'est là une leçon que non seulement les étudiants, mais aussi l'ensemble des travailleurs devront retenir en vue de leurs combats futurs.
A l'heure où nous écrivons, nous ne pouvons encore prévoir comment va évoluer la situation. Cependant, même si la sainte alliance entre tous les défenseurs de l'ordre capitaliste vient à bout de la lutte exemplaire des étudiants, ces derniers, comme les autres secteurs de la classe ouvrière, ne devront pas sombrer dans la démoralisation. Ils ont déjà remporté deux victoires très importantes. D'une part, la bourgeoisie va devoir pour un temps limiter ses attaques sous peine d'être à nouveau mise en difficulté comme elle l'est aujourd'hui. D'autre part, et surtout, cette lutte constitue une expérience inestimable pour toute une nouvelle génération de combattants de la classe ouvrière.
Comme le disait il y a plus d'un siècle et demi le "Manifeste communiste" : "Parfois, les ouvriers triomphent; mais c'est un triomphe éphémère. Le résultat véritable de leurs luttes est moins le succès immédiat que l'union grandissante des travailleurs." La solidarité et le dynamisme de la lutte, sa prise en main collective par les assemblées générales, voila des acquis de la lutte actuelle des étudiants qui montrent le chemin aux futurs combats de l'ensemble de la classe ouvrière.
Courant Communiste International (28 mars 2006)
Il y a maintenant trois ans que la guerre en Irak a commencé. L’offensive militaire gigantesque dirigée par les Etats-Unis devait participer activement à apporter la sécurité au monde. La croisade américaine contre le terrorisme international, dont l’Irak de Saddam Hussein se devait d’être un bastion, avait été lancée au nom de la paix, du progrès de la civilisation et de la lutte contre la tyrannie et l’obscurantisme. Après trois années de carnages et de tueries, qu’en est-il effectivement aujourd’hui ? Dans quelle situation se trouvent l’Irak et l’ensemble de la région du Moyen-Orient ? Quel avenir nous réserve ce monde en pleine décomposition ?
L’enfoncement irrémédiable de l’Irak dans une guerre généralisée
Il n’y a qu’à regarder la situation tragique que connaît actuellement la population en Irak pour avoir un début de réponse à ces questions. Le mois de février a connu une accélération des attentats suicides. Plus de 75 personnes ont été tuées au cours d’une nouvelle flambée de violence, le mardi 28 février, dans cinq explosions à Bagdad. En une semaine seulement, du 22 au 28 février, le pseudo-gouvernement irakien annonce tout simplement que 458 personnes auraient été blessées et 379 auraient été tuées et ceci sans compter les victimes dues à l’attentat qui a frappé le sanctuaire chiite de Samarra. La violence et la barbarie qui se développent actuellement dans ce pays sont de plus en plus sanglantes et inhumaines. Le mardi 28 février, plus de trente deux personnes ont été tuées et plus de cent autres blessées dans l’explosion quasi simultanée de deux bombes par des kamikazes fanatisés. L’enfoncement au quotidien dans l’horreur est malheureusement de plus en plus visible et certain. Ces deux attentats ont été perpétrés dans une file d’attente de personnes qui achetaient du fuel domestique dans le quartier Al Amine au sud-est de Bagdad, ainsi qu’à proximité d’un bureau de poste de cette agglomération. En Irak, les attentats sont devenus quotidiens, plongeant la population dans une peur permanente.
Le développement du chaos en Irak s’est particulièrement concrétisé à partir du 22 février dernier. L’Irak déjà soumis sans cesse à des attentats anti-américains mais également sur des bases d’affrontements communautaires, se voit alors ce jour confronté à un évènement lourd de conséquences : l’attentat qui a endommagé la mosquée sacrée chiite de l’Imam Ali de Bassorah, dans le sud de l’Irak. Cette explosion a causé un mouvement de panique dans la ville, au sein d’une région à majorité chiite. Cet attentat a provoqué une violente accélération des affrontements armés entre Chiites et Sunnites. Depuis ce moment, l’affrontement à caractère confessionnel a sans aucun doute fait plus de 300 morts. Les affrontements les armes à la main se sont multipliés. La torture et les assassinats sommaires tendent à se généraliser : "Les corps de 15 jeunes irakiens, les mains ligotées et portant des traces de pendaison, ont été découverts dans une fourgonnette dans l’ouest de Bagdad. Par ailleurs, 29 autres corps criblés de balles, les mains ligotées ont été retrouvés dans une fosse commune dans l’est de Bagdad. Ces corps ont été enterrés récemment et il pourrait y en avoir d’autres, a ajouté la source du ministère." (cité par Courrier International le 14 mars 2006). La classe ouvrière en Irak n’est pas épargné : en effet, aux alentours du 25 février, 45 ouvriers d’une briqueterie, de confession chiite ou sunnite, ont été retrouvés, criblés de balles, sans que personne ne sache qui étaient les assassins. L’horreur capitaliste est vécue au quotidien par la population irakienne. La flambée de violence, la montée irréversible et en puissance de la guerre entre communautés a poussé le "gouvernement" dans ce pays à imposer à partir du 22 février un couvre-feu entre 20 heures et 6 heures dans les régions situées au nord de la capitale où se trouve notamment Samarra. Cette mesure visait à ramener un peu de calme dans ce pays. La poursuite et l’accélération des massacres et des attentats, malgré les directives du pouvoir irakien, démontrent sa totale impuissance à contrôler la situation. La présence massive de l’armée américaine, son potentiel en armement terrestre et aérien, loin d’être, comme le souhaite la bourgeoisie des Etats-Unis, un facteur de stabilisation afin de mieux contrôler le pays, est un élément déterminant et croissant du développement de l’instabilité et du chaos. L’Irak est définitivement ingouvernable. Même si au même moment, les chefs des groupes parlementaires ont commencé, sous la houlette de l’ambassadeur des Etats-Unis Zalmay Khalizad, à "négocier" la formation d’un nouveau gouvernement. Le président Jalal Talabami a annoncé à cet effet la création d’une commission parlementaire. Dans ce panier de crabes où chaque clique bourgeoise vient aux négociations les armes à la main, la question de la nomination du premier ministre et de ses prérogatives fait voler en éclats le vernis démocratique : "Les Kurdes et les Sunnites refusent la reconduction à son poste du premier ministre sortant Ibrahim Jaa Fari, souhaitée par les Chiites conservateurs, majoritaires." (Courrier International, 13 mars 2006). Dans une situation d’enfoncement dans la guerre et le chaos, chaque chef des différentes bourgeoisies communautaires se battra toujours plus férocement pour obtenir pouvoir, bénéfices militaires et pécuniaires.
Une tentative de réaction américaine vouée à un échec certain
Trois ans après son offensive et face à la visibilité patente de l’échec total de leur politique militariste en Irak, les Etats-Unis se devaient de tenter de frapper un grand coup. Leur affaiblissement en tant que première puissance mondiale, leur enlisement toujours grandissant dans le bourbier irakien ne pouvaient pas laisser la bourgeoisie américaine sans réaction. Et ceci, d’autant plus que la politique guerrière de l’administration Bush est de plus en plus contestée par la population américaine, donnant naissance à des manifestations appelant au retrait pur et simple de l’armée américaine d’Irak. Les 2291 morts de soldats américains officiellement recensées depuis mars 2003, pèsent très lourdement dans un tel contexte d’échec de la politique impérialiste américaine. Alors que les Etats-Unis intervenaient à l’ONU pour appeler au calme, de peur que le pays qui a basculé dans une guerre ouverte entre la minorité sunnite hier encore au pouvoir, et la majorité chiite pleine d’appétit, ne devienne totalement incontrôlable, ils n’en préparaient pas moins une nouvelle offensive militaire sur les zones sensibles en Irak. Celle-ci se voulait la plus massive depuis le déclenchement de la guerre, il y a trois ans. A grand renfort de publicité, des nuées de bombardiers, d’hélicoptères s’envolaient des bases américaines au Moyen-Orient afin de porter un rude coup "aux terroristes et autres activistes nostalgiques du pouvoir de Saddam Hussein". De fait cette formidable offensive a fait long feu, démontrant une fois encore la fragilisation et l’affaiblissement croissant des Etats-Unis en Irak et dans le monde.
Le chaos et la guerre ne peuvent que se propager dans l’ensemble du Proche et du Moyen-Orient
Tout récemment, lors de sa visite en France, le roi de Jordanie Abdallah II a manifesté publiquement ses inquiétudes sur le danger bien réel d’une extension de la guerre ouverte entre Chiites et Sunnites à tout le Proche et le Moyen-Orient : "En parlant de croissant chiite, j’exprimais des craintes de voir le jeu politique, sous couvert de religion, déboucher sur un conflit entre Sunnites et Chiites, dont nous assistons aux prémices en Irak. Le risque potentiel d’un conflit inter-religieux existe. Cela serait désastreux pour nous tous." ( Le Monde Diplomatique, mars 2006). La présence massive des Chiites au Kurdistan, en Arabie Saoudite et surtout en Iran, rend ce danger plus que probable. La politique iranienne de défense de ses intérêts impérialistes en Irak à travers la majorité chiite est un facteur important participant du développement de la guerre dans toute la région. Le conflit israélo-palestinien s’inscrit totalement dans cette extension du chaos. La présence du Hamas au pouvoir en Palestine, hier encore fraction bourgeoise (archaïque et irrationnelle) adepte du terrorisme ne peut que conduire à terme à accélérer la fuite en avant guerrière de l’impérialisme israélien. La déstabilisation croissante de cette région mais également de la Jordanie risque ainsi de rejoindre la poudrière irakienne.
La poursuite du conflit en Irak affaiblit durablement l’armée américaine. Le représentant démocrate John Murtha qui avait provoqué une vive polémique en novembre 2005 en demandant le retrait immédiat d'Irak des troupes américaines justifiait sa position en invoquant le fait que "des officiers lui avaient expliqué que l’armée était au bord de la rupture." (d'après Le Monde.fr du 20 mars 2006). Les Etats-Unis sont de plus en plus dans l’incapacité matérielle et politique de maintenir les 138 000 soldats présents en Irak. C’est pour cela que malgré la perte de contrôle de la situation en Irak, l’Etat américain se voit obligé d’envisager le retrait de 38 000 soldats avant la fin 2006. Cette incapacité croissante de soutenir la guerre en Irak se manifeste également dans l’échec de la campagne de recrutement de l’armée américaine en 2005 : "Le résultat en a été le plus mauvais depuis un quart de siècle." (Le Monde.fr, 20 mars 2006). Aujourd’hui la bourgeoisie américaine est contrainte de recruter essentiellement dans des classes d’âge de plus en plus jeunes de 17 à 24 ans, tout en étant moins exigeante au niveau de la sélection physique. Le développement de la misère aux Etats-Unis ne pousse plus les jeunes générations à s’enrôler dans l’armée. Le mécontentement de la population face à la guerre en Irak s’exprime ainsi ouvertement. Le Pentagone offre aujourd’hui 20 000 dollars de prime aux recrues. De plus, l’âge pour s’engager devrait passer après accord du Congrès de 35 à 42 ans. Tout ceci traduit ouvertement et crûment l’affaiblissement accéléré de la première puissance militaire mondiale.
Cet affaiblissement de l’impérialisme américain ne peut que le pousser toujours plus en avant dans sa politique guerrière. Celle-ci s’exprime clairement dans la déclaration du président américain G.Bush cité dans Courrier International du 17 mars dernier : "L’Iran est peut-être le plus grand défi que nous pose un pays." Certes, la perte de contrôle des Etats-Unis en Irak et l’influence grandissante de l’Iran dans ce pays à travers la communauté chiite, se concrétise par des tractations diplomatiques entre les deux pays. Mais la montée irrésistible des antagonismes impérialistes, conjuguée à l’affaiblissement accéléré américain ne permettra de fait aucun répit. Cette confrontation américano-iranienne à venir pourrait bien commencer à se concrétiser au Proche-Orient en terre libanaise. Alors que la bourgeoisie libanaise s’entredéchire, après le retrait de l’armée syrienne, l’importance du Hezbollah, mouvement chiite qui défend ouvertement la guerre contre Israël est une arme importante de l’Iran face aux Etats-Unis. A l’intransigeance de Téhéran en matière de politique nucléaire correspondent les déclarations belliqueuses des Etats-Unis à son encontre. Le soutien de plus en plus manifeste de la Russie à l’Iran, conjugué à la montée irrationnelle de la politique guerrière des Etats-Unis, ne présage ainsi rien de bon.
L’affaiblissement des capacités d’occupation militaire des Etats-Unis, leur incapacité à développer leurs troupes au sol, laissent entrevoir la possibilité de poursuite de la barbarie capitaliste sous la forme de bombardements massifs, ne laissant derrière eux que ruines et désolation. La bourgeoisie des principaux pays impérialistes concurrents acharnés des Etats-Unis tels la France, l’Allemagne, la Russie et même la Chine ne peuvent que se réjouir cyniquement de cet affaiblissement américain. Ils n’auront aucun scrupule à participer activement autant que possible à l’enlisement militaire des Etats-Unis, tel que cela se passe déjà en Afghanistan et en Irak.
Face à la montée de la barbarie capitaliste il faut opposer la lutte de classe
Au moment où la barbarie capitaliste connaît une nouvelle phase d’accélération, l’espoir de toute l’humanité se manifeste concrètement dans le développement de la lutte de classe : aux Etats-Unis, en Allemagne, en Angleterre et surtout maintenant en France. Seule cette lutte de la classe ouvrière, en se développant de manière toujours plus unie et solidaire, pourra par la révolution communiste stopper le bras armé du capitalisme pourrissant. Les jeunes générations ouvrières, aujourd’hui en plein combat contre le capitalisme, doivent savoir que c’est leurs frères de classe qui ont, en 1917, par la révolution prolétarienne victorieuse en Russie, obligé la bourgeoisie mondiale à mettre fin à la première boucherie impérialiste. Cette révolution et la vague révolutionnaire de l’époque qui s‘est tout particulièrement développée en Europe centrale et en Allemagne n’était pas une exception, un accident passé de l’histoire. Elle est dans notre époque historique, possible et nécessaire.
Tino (24 mars)
La première grande grève dans le secteur public en Allemagne depuis une bonne décennie n´est pas une surprise. Les attaques de l´Etat sont trop brutales pour être plus longtemps acceptées, vu le mécontentement des salariés.
Pour faire passer ces attaques frontales contre les conditions de vie et de travail des ouvriers, l´État patron a utilisé exactement les mêmes moyens que les patrons privés : la calomnie et la répression. Ainsi les éboueurs, comme le personnel des hôpitaux, qui ont pourtant des conditions de travail pénibles, ont été traités de fainéants parce qu´ils refusent de travailler "18 minutes de plus par jour". La quasi-totalité du personnel de soins a été réquisitionné en service d´urgence, ce qui signifie qu´ils peuvent être purement et simplement licenciés s´ils se mettent en grève. Dans les autres secteurs, les grévistes ont été ouvertement menacés d´être remplacés définitivement par des entreprises privées s´ils n´acceptaient pas le diktat du capital. Les médias ont eu leur part dans ce sale travail en assénant que, malgré les suppressions massives de postes, les fonctionnaires du secteur public sont des privilégiés qui bénéficient de la sécurité de l´emploi !
Les patrons et les syndicats (principalement Ver.di et l´Union des fonctionnaires allemands, DBB) ont mis la question du temps de travail au centre du débat. Bien qu'il s'agisse d'une véritable attaque (l'équivalent de plusieurs semaines supplémentaires par an devront être travaillées gratuitement), elle sert d'écran de fumée à toutes les autres attaques.
Les patrons l´ont fait pour monter les ouvriers du secteur privé contre ceux du public. Dans de nombreuses entreprises privées, l’augmentation du temps de travail sans compensation salariale a été imposée dans le cadre des"pactes pour l´emploi". Que ce soit chez AEG à Nuremberg ou chez Volkswagen, l´emploi n´a absolument pas été garanti. L'argument utilisé est qu'il n´y a "aucune raison pour qu´il n'en aille pas de même dans le service public".
Du côté des syndicats, la question du temps de travail est un thème très sensible. En effet, depuis des années, ils affirmaient à l'unisson que la réduction du temps de travail mènerait à la création de nouveaux emplois et donc à la réduction du chômage. Cette prétention est battue en brèche par la réalité de cinq millions de sans-emploi.
Les syndicats du service public arguent donc aujourd´hui que l´augmentation du temps de travail mènera à de nouveaux licenciements massifs. Derrière cette vérité, ce qu'ils cherchent à masquer, c´est qu'ils ont eux-mêmes créé les conditions de la flexibilité dans leurs accords (bien sûr en prétendant ainsi "préserver la garantie de l'emploi"). Les salariés peuvent sauter d´un poste à l´autre en fonction des besoins et c'est ainsi que des postes peuvent être supprimés.
Après des années de baisse continue des salaires réels, les attaques actuelles signifieront pour beaucoup la chute dans la misère pure et simple. Là-dessus, Etat, patrons et syndicats gardent le silence.
Par contre, l´ensemble des "partenaires sociaux" utilisent les négociations salariales dans le secteur public pour mettre en scène un désaccord sur quelle serait la politique salariale, qui permettrait "une plus forte croissance de l´économie".
Les patrons prônent une réduction impitoyable de la part salariale dans le budget. Les syndicats, eux, avancent au contraire qu´une politique budgétaire "socialement plus équilibrée" aux dépens des riches remplirait aisément les caisses de l'Etat.
En bref, patrons et syndicats instrumentalisent la grève dans le secteur public afin de démontrer à la population laborieuse que le capitalisme n´est absolument pas en faillite, mais qu´il lui faut simplement une politique générale et salariale raisonnable" pour repartir à nouveau dans le bon sens.
Les syndicats affirment cela alors qu'ils participent partout à abaisser les salaires à travers leurs accords par branches.
En réalité, les hausses de salaires, par exemple en Allemagne, pourraient tout à fait momentanément stimuler la conjoncture. Mais le principal gagnant en serait la concurrence étrangère, du fait que le capital allemand y perdrait une partie de sa compétitivité. Et c´est la raison pour laquelle les revendications salariales de Ver.di et de l´IG Metall ne sont rien d´autres qu´une radicalité de façade et une esbroufe.
Des hausses de salaire sont absolument indispensables ! Mais pas parce qu´elles seraient bonnes pour le capital, mais bien parce que c´est pour la classe ouvrière qu´elles le sont ! Les intérêts du travail salarié et du capital sont inconciliables. C´est ce que les "partenaires sociaux" et les médias cherchent de concert à dissimuler.
D'après Welt Revolution,
organe du CCI en Allemagne
La lutte contre le CPE en France, qui a notamment mis en évidence le potentiel des jeunes générations de prolétaires, n'est pas la seule expression d'une remontée des luttes ouvrières. Même si elles ne sont pas aussi spectaculaires, chaque mois se déroulent dans le monde de nouvelles luttes montrant une des caractéristiques essentielles du développement actuel des luttes ouvrières à l'échelle internationale : la solidarité ouvrière au-delà des secteurs, des générations, des nationalités. Elles portent des germes annonçant l'avenir. C'est ainsi que d'autres manifestations récentes de solidarité ouvrière se sont produites récemment en Grande-Bretagne, en Suisse et en Inde.
De nouveaux exemples de solidarité ouvrière en Europe…
La lutte la plus significative au Royaume-Uni s'est déroulée en Irlande du Nord où après des décennies de guerre civile entre catholiques et protestants, 800 postiers se sont spontanément mis en grève en février pendant deux semaines et demie à Belfast contre les amendes et les pressions de la direction pour leur imposer une forte augmentation des cadences. A l'origine, ces travailleurs se sont mobilisés pour empêcher l'exécution de mesures disciplinaires à l'encontre de certains de leurs camarades de travail dans deux bureaux de postes, l'un "protestant", l'autre "catholique". Le syndicat des communications a alors montré son vrai visage et s’est opposé à la grève. A Belfast, un de leurs porte-parole a même déclaré : "Nous refusons la grève et demandons aux travailleurs de retourner au travail, car elle est illégale". Mais les ouvriers ont poursuivi leur lutte, ne tenant aucun compte du caractère légal ou non de leur lutte. Ils ont ainsi démontré qu'ils n'avaient pas besoin des syndicats pour s'organiser.
Lors d'une manifestation commune, ils ont franchi la "frontière" séparant les quartiers catholiques et protestants et ont défilé ensemble dans les rues de la ville, montant d'abord par une grande artère du quartier protestant, puis redescendant par une autre du quartier catholique. Ces dernières années, des luttes, principalement dans le secteur de la santé, avaient déjà montré une réelle solidarité entre ouvriers de confessions différentes. Mais c'était la première fois qu'une telle solidarité s'affichait ouvertement entre ouvriers "catholiques" et "protestants" au cœur d'une province ravagée et déchirée depuis des décennies par une sanglante guerre civile.
Par la suite, les syndicats, aidés par les gauchistes, ont tourné casaque et ont prétendu à leur tour apporter leur "solidarité", notamment en organisant des piquets de grève dans chaque bureau de poste. Cela leur a permis d'enfermer les travailleurs dans leurs bureaux de poste, de les isoler ainsi les uns des autres, et de saboter finalement la lutte.
Malgré ce sabotage, l'unité ouverte des ouvriers catholiques et protestants dans les rues de Belfast durant cette grève ont fait revivre la mémoire des grandes manifestations de 1932, où les prolétaires des deux camps divisés s'étaient unis pour lutter contre la réduction des allocations de chômage. Mais c’était dans une période de défaite de la classe ouvrière. Aujourd’hui, il existe un plus grand potentiel pour rejeter, dans l'avenir, les politiques de division pour mieux régner de la classe dominante qui ont si fortement contribué à préserver l’ordre capitaliste. Le grand apport de la dernière grève a été l’expérience d’une unité de classe entreprise en dehors du contrôle des syndicats. Cet apport ne vaut pas que pour les employés des postes impliqués dans cette lutte mais pour chaque ouvrier encouragé par cette expression de l’unité de classe.
A Cottam, près de Lincoln dans la partie orientale du centre de l'Angleterre, fin février, une cinquantaine d'ouvriers dans les centrales électriques se sont mis en grève pour soutenir des travailleurs immigrés d'origine hongroise payés en moyenne la moitié moins que leurs camarades anglais. Les contrats de ces travailleurs immigrés étaient également très précaires, sous la menace d’être licenciés du jour au lendemain ou transférés à tout moment sur d'autres chantiers n'importe où en Europe. Là encore, les syndicats se sont opposés à cette grève vu son "illégalité" puisque, de part et d'autre, pour les ouvriers hongrois comme pour les ouvriers anglais, elle n'avait pas été décidée à l'issue d'un vote "démocratique". Les médias ont également dénigré cette grève, une feuille de chou locale rapportant même les propos d'un intellectuel de service à la botte de la bourgeoisie disant qu'appeler les ouvriers anglais et hongrois à se mettre ensemble dans les piquets de grève allait donner une image "inconvenante" et constituait une "dénaturation du sens de l'honneur de la classe ouvrière britannique". A l'inverse, pour la classe ouvrière, reconnaître que tous les ouvriers défendent les mêmes intérêts, quels que soient la nationalité ou les détails spécifiques de salaires et de conditions de travail, est un pas important pour entrer en lutte comme une classe unie.
En Suisse, à Reconvilier, 300 métallurgistes de Swissmetal se sont spontanément mis en grève de fin janvier à fin février en solidarité avec 27 de leurs camarades licenciés, après une première grève en novembre 2004. Cette lutte a démarré en dehors des syndicats. Mais ceux-ci ont finalement organisé la négociation avec le patronat en imposant le chantage suivant : soit accepter les licenciements, soit le non paiement des journées de grève, "sacrifier" soit les emplois, soit les salaires. Suivre la logique économique du système capitaliste, cela revenait, selon la formule utilisée par une ouvrière de Reconvilier, à "choisir entre la peste et le choléra". Accepter la logique du capitalisme ne peut conduire les ouvriers qu'à accepter toujours plus de nouveaux "sacrifices". Une autre vague de licenciements concernant 120 ouvriers est d'ailleurs déjà programmée. Mais cette grève est parvenue à poser clairement la question de la capacité des grévistes de s'opposer à ce chantage et à cette logique du capital. Un autre ouvrier tirait d'ailleurs la leçon suivante de cet échec de la grève : "C'est une faute que nous ayons laissé le contrôle des négociations dans d'autres mains".
… et en Inde
En Inde, il y a moins d'un an, se déroulait la lutte de milliers d'ouvriers de Honda à Gurgaon dans la banlieue de Delhi en juillet 2005 qui, après avoir été rejoints dans la lutte par une masse d'ouvriers venus d'usine voisines d'une autre cité industrielle et avaient reçu l'aide de la population, s'étaient confrontés à une répression policière extrêmement brutale et à une vague d'arrestations parmi les grévistes.
Le 1er février dernier, ce sont 23 000 ouvriers qui se sont mis en grève dans un mouvement touchant 123 aéroports du pays contre les menaces sur leur emploi. Cette grève était une riposte à une attaque massive de la direction qui projetait d'éliminer progressivement 40 % des effectifs, principalement les travailleurs les plus âgés qui risquent de ne plus retrouver d'emploi. A Delhi et à Bombay, le trafic aérien a été paralysé pendant 4 jours, il a été également arrêté à Calcutta. Cette grève a été déclarée illégale par les autorités. Celles-ci ont envoyé la police et des forces paramilitaires dans plusieurs villes, notamment à Bombay, pour matraquer les ouvriers et leur faire reprendre le travail, en application d'une loi permettant la répression "d'actes illégaux contre la sécurité de l'aviation civile". En même temps, en bons partenaires de la coalition gouvernementale, syndicats et gauchistes négociaient parallèlement avec cette dernière dès le 3 février. Ils ont appelé ensuite conjointement les ouvriers à rencontrer le Premier ministre et les poussaient ainsi à reprendre le travail en échange d'une vaine promesse de celui-ci de réexaminer le dossier du plan de licenciements dans les aéroports. Ils contribuaient ainsi à les diviser dans un partage des tâches efficace entre partisans de la reddition et partisans de la poursuite de la grève.
La combativité ouvrière s'est également exprimée aux usines Toyota près de Bangalore où les ouvriers ont fait grève pendant 15 jours à partir du 4 janvier contre l'augmentation des cadences de travail, à l'origine d'une part d'une multiplication des accidents de travail sur les chaînes de montage, et d'autre part d'une pluie d'amendes. Ces pénalités pour "rendements insuffisants" étaient systématiquement répercutées sur les salaires. Là encore, ils se sont spontanément heurtés à l'opposition des syndicats qui ont déclaré leur grève illégale. La répression a été féroce : 1500 grévistes sur 2300 ont été arrêtés pour "trouble de la paix sociale". Cette grève a reçu le soutien actif d'autres ouvriers de Bangalore. Cela a obligé les syndicats et les organisations gauchistes à monter un "comité de coordination" dans les autres entreprises de la ville en soutien à la grève et contre la répression des ouvriers de Toyota, pour contenir et saboter cet élan spontané de solidarité ouvrière. Mi-février également, des ouvriers d'autres entreprises de Bombay sont venus manifester leur soutien à 910 ouvriers de la firme Hindusthan Lever en lutte contre des suppressions d'emploi.
Une maturation internationale des luttes porteuse d'avenir
Ces luttes confirment pleinement un "tournant" et une maturation, une politisation dans la lutte de classes qui s'est dessinée avec les luttes de 2003 contre la "réforme" des retraites, notamment en France et en Autriche. La classe ouvrière avait déjà manifesté clairement des réactions de solidarité ouvrière que nous avons régulièrement répercutées dans notre presse, en opposition au complet black-out organisé par les médias sur ces luttes. Ces réactions se sont exprimées en particulier dans la grève chez Mercedes-Daimler-Chrysler en juillet 2004 où les ouvriers de Brême s'étaient mis en grève et avaient manifesté aux côtés de leurs camarades de Sindelfingen-Stuttgart victimes d'un chantage aux licenciements en échange du sacrifice de leurs "avantages", alors même que la direction de l'entreprise se proposait de transférer 6000 emplois de la région de Stuttgart vers le site de Brême.
Il en est de même avec les bagagistes et employés de British Airways à l'aéroport d'Heathrow, qui, en août 2005, dans les jours suivants les attentats de Londres et en pleine campagne antiterroriste de la bourgeoisie, se sont mis spontanément en grève pour soutenir les 670 ouvriers d'origine pakistanaise de l'entreprise de restauration des aéroports Gate Gourmet menacés de licenciements.
Autres exemples : la grève de 18 000 mécaniciens de Boeing pendant 3 semaines en septembre 2005 refusant la nouvelle convention proposée par la direction pour baisser le montant de leur retraite et la diminution des remboursements médicaux en s'opposant à la fois à la discrimination des mesures entre les "jeunes et les anciens ouvriers ainsi qu'entre les usines. Plus explicitement encore, lors de la grève dans le métro et les transports publics à New York en décembre 2005, à la veille de Noël, et alors que l'attaque sur les retraites ne visait explicitement que ceux qui seraient embauchés dans le futur, les ouvriers ont démontré leur capacité de refuser une telle manœuvre de division. La grève a été largement suivie malgré la pression des médias car la plupart des prolétaires avaient pleinement conscience de se battre pour l'avenir de leurs enfants, pour les générations à venir (ce qui apporte un cinglant démenti à la propagande d'un prolétariat américain intégré ou inexistant et alors que traditionnellement, les prolétaires aux Etats-Unis ne sont pourtant pas considérés comme l'avant-garde du mouvement ouvrier). En décembre dernier, aux usines Seat dans la région de Barcelone, les ouvriers se sont opposés aux syndicats qui avaient signé dans leur dos des "accords de la honte" permettant le licenciement de 600 d'entre eux.
En Argentine, la plus grande vague de grèves depuis 15 ans a touché notamment les hôpitaux et les services de la santé, des entreprises de produits alimentaires, les employés du métro de Buenos Aires, les travailleurs municipaux de plusieurs provinces, les instituteurs, durant l'été 2005. A plusieurs reprises, des ouvriers d'autres entreprises se sont joints aux manifestations en soutien aux grévistes. Ce fut le cas en particulier des travailleurs du pétrole, des employés de la justice, des enseignants, des chômeurs qui ont rejoint dans la lutte leurs camarades employés municipaux à Caleta Olivia. A Neuquen, des travailleurs du secteur de la santé se sont joints à la manifestation des instituteurs en grève. Dans un hôpital pour enfants, les ouvriers en lutte ont exigé la même augmentation pour toutes les catégories professionnelles. Les ouvriers se sont heurtés à une répression féroce ainsi qu'à des campagnes de dénigrement de leurs luttes dans les médias.
Ce ne sont pas encore des luttes massives mais ce sont des manifestations significatives d'un changement dans l'état d'esprit de la classe ouvrière. Le développement d'un sentiment de solidarité face à des attaques très lourdes et frontales, conséquences de l'accélération de la crise économique et de l'impasse du capitalisme, tend à s'affirmer dans la lutte au-delà des barrières qu'imposent partout chaque bourgeoisie nationale : la corporation, l'usine, l'entreprise, le secteur, la nationalité. En même temps, la classe ouvrière est poussée à prendre elle-même en charge ses luttes et à s'affirmer elle-même, à prendre peu à peu confiance en ses propres forces. Elle est ainsi amenée à se confronter aux manœuvres de la bourgeoisie et au sabotage des syndicats pour isoler et enfermer les ouvriers. Dans ce long et difficile processus de maturation, la présence de jeunes générations ouvrières combatives qui n'ont pas subi l'impact idéologique du recul de la lutte de classe de "l'après- 1989" constitue un ferment dynamique important. C'est pourquoi les luttes actuelles, malgré toutes leurs limites et leurs faiblesses, constituent un encouragement et sont porteuses d'avenir pour le développement de la lutte de classes.
Wim (24 mars)
Nous publions ci-dessous la seconde partie de l’article sur les délocalisations paru dans RI n° 362. Dans la première partie, contre les mensonges gauchistes et altermondialistes, nous avons traité du fait que les délocalisations ne sont pas un phénomène récent ou nouveau, mais qu’elles sont nées avec le capitalisme comme produit de la concurrence effrénée entre capitalistes inhérente à ce système et comme un des moyens de rechercher une exploitation maximum de la classe ouvrière. Dans cette seconde partie, nous verrons que les délocalisations sont un moyen de mettre en concurrence les prolétaires du monde entier tout en faisant partie de l’ensemble des attaques capitalistes contre ceux-ci. Et le battage effectué par les secteurs de gauche contre ces délocalisations sert au fond à en faire une attaque particulière, qui serait "évitable" et donc moins "acceptable" que les autres, et à masquer la réalité de la crise mortelle du système capitaliste et de son effondrement.
Les délocalisations ont causé la destruction de milliers d’emplois dans les pays occidentaux. En quelques décennies des filières industrielles entières, comme le textile, ont été quasiment entièrement transférées vers des pays à plus faible coût de main d’œuvre. "La filière textile française n’emploie plus que 150 000 personnes, soit autant que la tunisienne, contre un million il y a trente ans."([1] [769]) Dans d’autres secteurs, elles expliquent, pour une part, la baisse continue de l’emploi. Ainsi, "les effectifs salariés dans l’automobile en France, passés de 220 000 à 180 000 depuis 1990 malgré l’arrivée de constructeurs étrangers comme Toyota, devraient encore diminuer."([2] [770]) Les délocalisations forment l’une des attaques, parmi les plus brutales, de la classe dominante contre le prolétariat. D’abord par la proportion que peut prendre, à certains moments, cette attaque parmi les autres. Ainsi, en Belgique entre 1990 et 1995, plus de 17 000 travailleurs ont été touchés par les délocalisations, ce qui représente 19% des licenciements collectifs. Ensuite du fait que les ouvriers concernés ont toutes les chances de ne pas retrouver d’emploi et de rejoindre les rangs des chômeurs de longue durée. Enfin, les délocalisations s’étendent à de nouvelles catégories d’ouvriers, celle des "cols blancs" et à la main-d’œuvre très qualifiée. En France "200 000 emplois dans les services [dont 90 000 relèvent du service aux entreprises, 20 000 de la recherche et développement] sont menacés d’être transférés en Europe de l’Est ou en Asie, d’ici 2010."([3] [771])
Cependant, les effets des délocalisations ne frappent pas uniquement ceux qui perdent leur emploi dans les pays occidentaux. C’est l’ensemble du prolétariat mondial qui se trouve soumis à la pression de la folle course concurrentielle entre nations capitalistes et au chantage à la délocalisation, aussi bien dans les pays de départ que de destination des délocalisations. Il y a, en Inde, la crainte de la concurrence de la Russie, du Pakistan et de la Chine. La classe ouvrière de l’Est de l'Europe dans certains secteurs (alimentation, textile, pétrochimie et équipements de communication) est aussi confrontée aux délocalisations vers les pays d’Asie. La recherche de la production à moindre coût a fait de la délocalisation à l’intérieur de la Chine vers les régions du centre et de l’est, pauvres, une tendance dominante du secteur du textile. Le capital n’a pas attendu que la directive Bolkestein soit mise sur le tapis pour utiliser les délocalisations "inverses" en faisant venir des travailleurs d’un pays "à différentiel économique" pour remplacer une main-d’œuvre existante. Le recours à l'emploi illégal connaît une croissance considérable depuis les années 1990 ; il atteint 62% dans l’agriculture en Italie !
Ce qu’illustrent en réalité les délocalisations, c’est l’impitoyable mise en concurrence de différentes parties de la classe ouvrière au plan international.
En délocalisant vers l’Est européen et la Chine, les grandes entreprises et les Etats occidentaux visent à profiter des terribles conditions d’exploitation qu’y impose le capital. Ainsi en Chine, où "des millions de personnes travaillent entre 60 et 70 heures par semaine et gagnent moins que le salaire minimum de leur pays. Elles vivent dans des dortoirs où s’entassent parfois jusqu’à vingt personnes. Les chômeurs qui ont récemment perdu leur emploi sont quasiment aussi nombreux que ceux du reste du monde réuni."([4] [772]) "Les primes de licenciement et les allocations promises aux travailleurs ne leur sont jamais versées. (…) les travailleurs peuvent se voir refuser le droit de se marier, il leur est souvent interdit de se déplacer dans les usines (où ils sont logés) ou d’en sortir en dehors des heures de travail.(…) Dans les usines de la zone spéciale de Shenzhen, au sud de la Chine, il y a en moyenne 13 ouvriers qui perdent un doigt ou un bras chaque jour et un ouvrier qui meurt d’un accident de travail tous les 4,5 jours."([5] [773])
Ce qui pousse le capital à délocaliser vers l’Est de l'Europe, c’est le même but d’y exploiter "une population bien formée et peu coûteuse. (…) Tous ces pays ont des durées de travail plus longues qu’à l’Ouest, respectivement, 43,8 et 43,4 heures en Lettonie et en Pologne. Surtout cette amplitude s’accompagne d’une moindre, voire d’une absence, de rétribution des heures supplémentaires. [On y] observe également une forte progression du travail à temps partiel. Celui-ci est souvent l’apanage des personnes âgées, des handicapés et des jeunes entrant sur le marché du travail. En Pologne, 40% des travailleurs à temps partiel sont soit des retraités, soit des personnes ayant une infirmité. (…) [Les nombreuses entreprises à capitaux étrangers] sont aussi celles qui pratiquent le plus souvent le travail "asocial" : il est courant de trouver des grandes surfaces ouvertes sept jours sur sept, vingt-quatre heures sur vingt-quatre."([6] [774])
Dans les pays occidentaux, les délocalisations signifient la mise au rancart de travailleurs, dont l’exploitation est insuffisamment profitable pour le capital. Cependant, la part prise par les délocalisations parmi les autres attaques montre que les délocalisations sont loin de représenter l’unique source du chômage et de la remise en cause des conditions de vie du prolétariat et que le but recherché par la bourgeoisie n’est certainement pas d’imposer massivement le transfert de l’ensemble de la production vers des pays à bas salaires. Ainsi, "leur impact sur l’emploi n’est pas nul, mais reste limité. (…) les délocalisations n’expliquent que 7% des restructurations et 5% des emplois supprimés en Europe. (…) Entre 1990 et 2001, les délocalisations d’entreprises allemandes vers les pays d’Europe centrale et orientale ont conduit à la destruction de 90 000 emplois en Allemagne soit 0,7% des effectifs des sociétés concernées et 0,3% de l’emploi allemand total"([7] [775])
En France, "95 000 emplois industriels auraient été supprimés et délocalisés à l’étranger entre 1995 et 2001, soit en moyenne 13 500 par an. A titre de comparaison, les suppressions d’emplois annuelles dans l’industrie sont de l’ordre de 500 000. (…) Les présomptions de délocalisations s’élèvent au total à 2,4 % des effectifs de l’industrie hors énergie (…) Un peu moins de la moitié seulement des délocalisations sont à destination des pays dits "à bas salaires". Ces derniers accueillent environ 6400 emplois délocalisés par an, soit 0,17% de l’emploi industriel hors énergie. Autrement dit, les délocalisations vers les nations émergentes expliqueraient seulement moins de 2% des suppressions d’emplois industriels. Environ une fermeture d’établissement industriel sur 280 correspondrait à une délocalisation vers un pays à bas salaire." ([8] [776]) Les dires mêmes de la bourgeoisie mettent en pièces le mensonge qui fait des délocalisations l’explication principale à la désindustrialisation et au chômage de masse.
Par contre, le recours systématique au chantage aux délocalisations par la bourgeoisie comme moyen de faire accepter au prolétariat des sacrifices toujours plus grands, indique où se situe l’enjeu réel pour la bourgeoisie : imposer des conditions d’exploitation plus dures et la réduction du coût de la force de travail (la baisse des salaires) là où la production n’est pas délocalisable et ne doit pas l’être, là où les enjeux de puissance économique sont les plus importants pour le capital et la concurrence entre requins capitalistes la plus rude.
L’exemple de l’Allemagne est particulièrement illustratif. C’est au nom de la compétitivité de "l’entreprise Allemagne" et grâce au chantage aux délocalisations et aux suppressions d’emplois que la flexibilisation du temps de travail a été imposée, soit réduction avec perte de salaire, soit élévation sans compensation de salaires. Ainsi Siemens : après avoir transféré ses activités de services et de développement en République tchèque, en Inde, en Russie et en Chine, il impose en 2004 la semaine de 40 heures sans compensation salariale à une grande partie de ses 167 000 salariés allemands sous la menace de la délocalisation d’au moins 5000 emplois. En 2005, après avoir annoncé 2400 suppressions de postes dans sa filiale de service informatique SBS, la direction impose aux 4600 salariés de la filière communication Com une réduction du temps de travail à 30 heures hebdomadaires (au lieu de 35,8) avec réduction de salaires ! Parallèlement, c’est le secteur public qui se fait le champion du "travailler plus". La compagnie ferroviaire DB est passée aux 40 heures et de nombreux Etats régionaux ont fait passer le temps de travail des fonctionnaires régionaux de 40 à 42 heures. Au total, c’est ainsi qu’en Allemagne où la bourgeoisie a en ligne de mire les coûts de main-d’œuvre les plus élevés parmi les grands pays de l’OCDE, "les rémunérations ont, en valeur réelle, reculé de 0,9% entre 1995 et 2004"([9] [777]) Là comme ailleurs, le chantage aux délocalisations n’est pas dissociable des autres attaques et va de pair avec la réforme du fonctionnement du marché du travail ainsi que la remise en cause des systèmes de retraites et d’assurance maladie.
Si les campagnes bourgeoises mettent pleins feux sur les seules délocalisations, c’est aussi parce la classe dominante en tire avantage contre le prolétariat afin de désarmer sa lutte. Lorsque syndicats, partis de gauche, gauchistes et altermondialistes vitupèrent les délocalisations pour stigmatiser le retour à des conditions dignes du 19e siècle, c’est pour mieux masquer au prolétariat la signification réelle de la situation qui lui est faite dans la société.
Le marxisme n’a jamais dénoncé les tendances à l’allongement de la journée de travail et à l’abaissement des salaires vers le minimum de la subsistance vitale comme imputables au caractère carnassier de tel ou tel capitaliste en particulier, mais comme le produit des contradictions inscrites dans la nature même du système capitaliste. C’est en véritable vampire invétéré de la force de travail dont il tire le profit et se nourrit, que le capitalisme saigne littéralement à blanc ceux qui en sont les porteurs, les prolétaires. "Dans sa passion aveugle et demeurée, dans sa gloutonnerie de travail extra, le capital dépasse non seulement les limites morales, mais encore la limite physiologique extrême de la journée de travail. (…) Le capital ne s’inquiète donc point de la durée de la force de travail. Ce qui l’intéresse uniquement, c’est le maximum qui peut en être dépensé dans une journée. Et il atteint son but en abrégeant la vie du travailleur.(…) La production capitaliste, qui est essentiellement production de plus value, absorption de travail extra, ne produit donc pas seulement par la journée de travail qu’elle impose la détérioration de la force de travail, en la privant de ses conditions normales de fonctionnement et de développement, soit au physique, soit au moral - elle produit l’épuisement et la mort précoce de cette force."([10] [778])
L’énorme différence avec aujourd’hui, c’est qu’au 19e siècle, le prolétariat pouvait espérer une atténuation de sa situation au sein du système capitaliste. "Les premières décennies de la grande industrie ont eu des effets si dévastateurs sur la santé et les conditions de vie des travailleurs, ont provoqué une morbidité si effrayantes, de telles déformations physiques, un tel abandon moral, des épidémies, l’inaptitude au service militaire, que l’existence même de la société en paraissait profondément menacée. (…) Il fallait donc dans son propre intérêt, pour permettre l’exploitation future, que le capital impose quelques limites à l’exploitation présente. Il fallait un peu épargner la force du peuple pour garantir la poursuite de son exploitation. Il fallait passer d’une économie de pillage non rentable à une exploitation rationnelle. De là sont nées les premières lois sur la journée de travail maximale." 11 Encore ce résultat ne fut-il imposé que contre la résistance farouche des capitalistes et après des décennies d’une implacable lutte de classes. Il ne pouvait être obtenu que parce que le système capitaliste se trouvait alors dans sa phase d’ascendance, en pleine expansion.
Aujourd’hui l’implacable concurrence entre nations capitalistes en lutte pour des marchés toujours plus étroits, sursaturés de marchandises, ne peut que provoquer l’inexorable remise en cause générale du "standard de vie" établi dans les pays occidentaux, sans espoir de retour en arrière. Tous ces faits confirment les prévisions du marxisme, l’effondrement du capitalisme dans la catastrophe sociale.
Il reste aux ouvriers du monde entier à apprendre à se considérer comme des camarades de lutte et à se tendre la main par dessus les limites des secteurs et les frontières, pour faire de leurs mouvements une seule lutte contre le capitalisme et développer leur conscience que cette lutte ne peut trouver sa finalité que dans la destruction du système capitaliste, c’est-à-dire l’abolition du salariat et du caractère marchand de la force de travail, racine de l’esclavage du prolétariat.
Scott
[1] [779] L’Expansion, 27 octobre 2004
[2] [780] L’Expansion, 27 octobre 2004
[3] [781] L’Expansion.com, 19 avril 2005
[4] [782] CISL en ligne, 9 décembre 2005
[5] [783] Chine Amnesty International, 30 avril 2002
[6] [784] Le Monde, 18 octobre 2005
[7] [785] Le Monde, 26 mai 2005
[8] [786] Dossiers et documents du Monde, novembre 2005
[9] [787] L’Humanité, 14 février 2006
[10] [788] Marx, Le Capital, Livre 1, chapitre X. Pour les notions de force de travail, plus value, travail extra (surtravail) se reporter à la première partie de cet article dans RI n° 362
Une lectrice nous a envoyé une lettre contenant une réflexion sur l’article "L'avenir, c'est la lutte de classe" (RI nº 362, novembre 2005) qui analysait les dernières luttes de notre classe partout dans le monde, des luttes qui montrent que le prolétariat est "bien vivant", contrairement à toutes les campagnes de la bourgeoisie qui l’ont déclaré moribond ou inexistant. Nous y décrivions plus particulièrement des grèves comme celles de l’aéroport londonien d'Heathrow, celle de 18 500 mécaniciens de Boeing aux Etats-Unis, ou celles de l’Argentine.
Parmi les préoccupations soulevées par notre camarade, la plus importante nous semble être la suivante : " Cependant une phrase dans le premier article du journal me pose question. Vous dîtes au sujet des ouvriers mécaniciens de Boeing : ' La colère était d’autant plus forte que les bénéfices de l’entreprise ont triplé au cours des 3 dernières années. ' (…) J’aurais besoin d’explications sur ce discours qui est tenu par les gauchistes et les syndicats scandalisés de voir une entreprise en ‘bonne santé’ qui licencie."
Syndicats et gauchistes enferment et divisent dans la logique des entreprises
Cette remarque est très juste. Il existe en effet une ambiguïté regrettable dans la formulation du journal car ce discours consistant à "dénoncer" les entreprises qui licencient alors qu’elles font des bénéfices a justement servi à de nombreuses reprises, comme le signale la camarade, aux gauchistes et aux syndicats pour dévoyer la riposte ouvrière. Cette question est d'ailleurs très importante car elle touche à ce qui constitue deux fondements du système capitaliste, la course au profit et la recherche de l’exploitation la plus forte de la force de travail. Les syndicats et les gauchistes veulent ainsi faire croire que le système capitaliste pourrait être autre chose qu’un système de profit. Ils cherchent ainsi à masquer que le capitalisme est une société d'exploitation qui tire forcément son profit, sa plus-value, d'une exploitation constante et féroce de la force de travail de la classe ouvrière et non pas d’une simple mauvaise répartition de la richesse sociale. L'idée selon laquelle il pourrait y avoir une autre répartition des richesses si l'entreprise fait des bénéfices est illusoire et dangereuse et, de plus, masque le fait que le capitalisme se trouve dans une situation de crise insurmontable. Quand une entreprise fait des bénéfices, elle vire des ouvriers et baisse les salaires, d'une part en prévision d'une aggravation de la situation économique dans un futur proche, d'autre part pour augmenter la part de ses bénéfices pour réaliser une accumulation de capital imposée par les lois du capitalisme. Cette accumulation devient particulièrement problématique dans les périodes de récession économique. Si les entreprises qui licencient ne parviennent pas forcément à surnager et à faire face à la concurrence, le recours à des licenciements de plus en plus massifs a été le moyen le plus efficace depuis plus de trente ans pour affronter la guerre économique et "faire des bénéfices". Comme l’avait dit Charles Bickers, un des porte-parole de Boeing : "Nous ne pouvons donner notre accord à une proposition limitant notre capacité à être compétitif et à gagner de nouveaux marchés. La concurrence est de plus en plus agressive. Nous devons mettre l'accent sur la productivité et la qualité." (Libération du 19 septembre 2005). C’est cette référence à la nécessité d’ouvrir les vannes à l’exploitation la plus féroce du fait de la situation de crise définitive du capitalisme que veulent cacher les meilleurs défenseurs du capital que sont les syndicats et les gauchistes.
Quelle différence y-a-t-il entre des ouvriers licenciés parce que leur entreprise a fait faillite, c’est-à-dire n’a pas fait de profit, et des ouvriers licenciés alors que la leur fait du profit ? Aucune, ils sont mis à la porte dans les deux cas et se retrouvent ensemble au chômage.
Mais il est vrai que le fait de savoir que l’entreprise avait triplé ses bénéfices ne pouvait qu’attiser le sentiment de révolte et d’injustice pour l’ensemble des ouvriers frappés de licenciements.
Aussi, est-ce que les ouvriers doivent se sentir plus motivés pour lutter lorsque les entreprises font des profits ? Et à l'inverse, les ouvriers devraient-ils se résigner lorsqu'ils sont mis à la porte d'une entreprise en faillite ? C'est ce faux questionnement qu'introduisent et alimentent les défenseurs patentés de l'ordre capitaliste qui insistent sur l'idée fausse qu’il pourrait exister un capitalisme à "visage humain" dont les lois pourraient être au service des êtres humains. Il s'agit d'opérer une division entre ces deux catégories de licenciés en en démoralisant une partie et en créant l'illusion dans l'autre.
La LCR propose : "Il faut imposer, tous ensemble, un Smic européen et interdire les licenciements dans les entreprises qui font des profits." ("Bolkenstein fait des petits", LCR, mai 2005). LO n’est pas en reste : "Prendre sur ces profits pour assurer un salaire à tous, voilà pourtant la seule vraie solution au chômage et aux licenciements. Une solution que les travailleurs auraient la force d'imposer." (Lutte Ouvrière n°1779 du 6 septembre 2002). Quant aux altermondialistes d’ATTAC, où l’on retrouve de tout, y compris différentes composantes des partis de gauche et des syndicats, ils proposent "pour en finir avec les licenciements de convenance boursière", des mesures du style : "définir les critères permettant de caractériser les "difficultés économiques", attribuer aux Comités d’entreprise un droit suspensif des licenciements, exiger des entreprises qu’elles fournissent toute l’information économique et financière utile ; favoriser la possibilité de reprise des entreprises par leurs salariés ; augmenter significativement les indemnités de licenciement.."
Cette vision implique que quand une entreprise "ne fait pas de profits", il est normal qu’on licencie. Faire dépendre la lutte pour les salaires ou contre les licenciements des profits des entreprises, c’est rester dans la logique même du capitalisme, c’est mettre en concurrence les ouvriers entre eux. Cette vision demande la "protection" de la loi et de l’Etat qui serait le prétendu défenseur des "acquis sociaux", quand il est, en fait, le garant de l’exploitation des ouvriers.
Autrement dit, on pourrait aménager ce système et y vivre en "harmonie", sous le règne de la "paix sociale" : des exploités, heureux et silencieux, aux côtés de leurs exploiteurs, partageant leurs bénéfices.
Ce discours sert ainsi à engager les ouvriers dans des luttes portant l’illusion mortelle d’une autre gestion possible du capitalisme.
Mais au delà, il sert aussi à les ligoter, les enfermer dans le cadre strict de la défense de l’entreprise et de ses intérêts, qui sont diamétralement opposés aux leurs. C’est ce qu’on avait vu avec les ouvriers de LU-Danone, les Moulinex, etc. qui sont restés, malgré toute la publicité faite autour de "leur" lutte, complètement enfermés dans les problèmes de "leur entreprise" qui "faisait des bénéfices" (voir RI n°312, avril 2001). C’est un levier idéologique dont se sont servis la bourgeoisie et ses syndicats pour enfermer, diviser les ouvriers entre eux, alimenter le corporatisme le plus étroit, tout en poussant les ouvriers vers la défaite dans des luttes isolées, jusqu’au-boutistes, épuisantes et démoralisantes, non seulement pour les ouvriers concernés mais pour l’ensemble de la classe ouvrière.
La solidarité ouvrière, une force pour l'avenir
Les luttes immédiates autant que les perspectives des luttes à venir passent par la recherche de la solidarité, la recherche de l’unité du mouvement, de l’extension à d’autres secteurs. Voilà qui est à la fois une nécessité et un moteur pour la lutte et non pas le "scandale des sur-profits". C’est ce besoin de solidarité qui est brisé et court-circuité par les forces de la bourgeoisie qui font tout leur possible pour le dénaturer et pousser au contraire dans la division. C’est ce que la camarade rappelle dans sa lettre en disant : "…ce que je retiens de l’article, c’est qu’il y a eu un rapport de force et le refus de division entre "nouveaux" et "anciens" et l’exigence que les propositions s’étendent aux autres sites de Boeing". En effet, c’est une leçon fondamentale qui ressort de la grève à Boeing : les ouvriers ont été capables d'opposer un rapport de force à la bourgeoisie grâce à la solidarité. Dans ce cas, c’est entre les générations que cela s’est manifesté. Les ouvriers ont refusé les divisions entre anciens et nouveaux embauchés, puisque la direction voulait faire signer des contrats différents pour les jeunes, ce qui avait pour conséquence la suppression de toute couverture médicale attachée à la retraite pour les nouveaux employés.
Ce sont de tels éléments que nous avons pu vérifier dans les luttes des dernières années. Depuis les grèves en France en 2003, en passant les grèves en Argentine, en Angleterre, au métro de New York ou chez Boeing aux Etats-Unis, chez Seat en Espagne et dernièrement dans la lutte contre le CPE en France, c’est cette pratique de la solidarité, la volonté d’union qui ressortent, contre les attaques menées par la bourgeoisie.
La camarade dans sa lettre nous dit encore : "Répondez- moi car j’ai besoin de reprendre des forces pour mieux lutter". Nous ne pouvons que saluer ce souci qui s’inscrit complètement dans celui de l’ensemble du prolétariat et du CCI. Avoir des réponses claires, développer sa conscience des enjeux dans les évènements auxquels la classe ouvrière est confrontée, c’est aussi développer la confiance en soi et c’est prendre des forces pour le futur. C’est pour cette raison que les idéologues bourgeois et autres troupes de sabotage des luttes ouvrières s’efforcent de casser la prise de conscience dans les rangs ouvriers de la véritable situation de faillite dans laquelle se trouve le capitalisme. C’est pour cette raison qu'ils font tout leur possible pour émietter et diviser les ripostes ouvrières contre les attaques capitalistes et s'opposer au développement de la lutte de classe. C’est encore pour cette raison que les prolétaires ne doivent jamais hésiter à faire part de leurs questionnements et à développer la discussion la plus large en leur sein.
DP
La prétendue "Fraction Interne du CCI" (FICCI) est un tout petit groupuscule composée d’anciens membres du CCI exclus lors de notre 15e congrès international pour mouchardage. Ce n'est pas la seule infamie dont ces éléments s'étaient rendus responsables puisque, reniant les principes fondamentaux de comportement communiste, ils s'étaient également distingués par des attitudes typiques de voyous, tels que la calomnie, le chantage et le vol. Pour ces autres comportements, bien qu'ils soient très graves, le CCI n'avait pas prononcé d'exclusion à leur égard, mais une simple suspension. C'est-à-dire qu'il était encore possible pour ces éléments de revenir un jour dans l'organisation à condition évidemment qu'ils restituent le matériel et l'argent qu'ils avaient dérobés à celle-ci et qu'ils s'engagent à renoncer aux comportements qui n'ont pas leur place dans une organisation communiste. Si le CCI a décidé finalement de les exclure, c'est qu'ils ont publié sur leur site Internet (c'est-à-dire au vu de toutes les polices du monde) des informations internes facilitant le travail de la police :
la date où devait se tenir la conférence de notre section au Mexique ;
les véritables initiales d'un de nos camarades présenté par eux comme "le chef du CCI", avec la précision qu'il était l'auteur de tel ou tel texte compte tenu de "son style" (ce qui est une indication intéressante pour les services de police). [1] [789]
Il faut préciser qu'avant de procéder à leur exclusion, le CCI avait adressé à chacun des membres de la FICCI une lettre individuelle lui demandant s'il se solidarisait individuellement de ces mouchardages. Lettre à laquelle la FICCI avait finalement répondu en revendiquant collectivement ces comportements infâmes. Il faut préciser également qu'il avait été donné à chacun de ces éléments la possibilité de présenter sa défense devant le Congrès du CCI ou encore devant une commission de 5 membres de notre organisation dont 3 pouvaient être désignés par les membres de la FICCI eux-mêmes. Ces courageux individus, conscients que leurs comportements étaient indéfendables, avaient rejeté ces ultimes propositions du CCI.
La FICCI se présente comme "le véritable continuateur du CCI" qui aurait connu une dégénérescence "opportuniste" et "stalinienne". Elle déclare qu'elle poursuit le travail, abandonné à ses dires par le CCI, de défense dans la classe ouvrière des "véritables positions de cette organisation".
En fait de défense des positions communistes dans la classe ouvrière, son activité consiste essentiellement dans la publication sur son site Internet d'un "Bulletin Communiste" lequel est envoyé aux abonnés de notre publication en France dont les membres de la FICCI ont volé le fichier des adresses bien avant qu'ils aient quitté notre organisation. De plus, chacune des livraisons de ce "Bulletin" est consacrée pour une bonne partie à des calomnies, voire à des ragots de concierge, contre notre organisation. Il lui arrive quand même de diffuser de temps en temps un tract face à des événements importants comme les émeutes dans les banlieues à l'automne 2005 où les récentes mobilisations étudiantes sur le CPE. En réalité, même ce type d'intervention est considéré par la FICCI comme secondaire par rapport à sa préoccupation principale : répandre le maximum de calomnies contre le CCI sur la base du principe : "Calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose !"
La meilleure preuve de cela nous a été donnée par le communiqué qu'elle a publié le 11 mars sur son site Internet et intitulé : "Communiqué de la 'Fraction Interne du CCI' à tous les groupes et militants se revendiquant de la Gauche communiste : Cette fois, ça y est ! Ils ont physiquement agressé et frappé nos militants !" En matière d'intervention dans la lutte contre le CPE, il a fallu attendre le 18 mars pour que la FICCI daigne faire quelque chose sous la forme d'un tract qu'elle a diffusé à la manifestation qui s'est tenue ce jour-là. Avant cette date, pas la moindre prise de position, même sur son site Internet. Visiblement, sur ce sujet, la FICCI était en mal d'inspiration puisque le document qu'elle a finalement publié constituait par endroits une sorte de "copié-collé" des deux tracts que nous avions déjà diffusés et qui avaient été placés sur notre site Internet. A cette date également nous avions déjà tenu une réunion publique à Paris sur le thème " Mobilisation des étudiants contre le CPE : Étudiants, lycéens, futurs chômeurs ou futurs précaires, ouvriers au travail ou sans travail, même combat contre le capitalisme !" Et c'est justement à la suite de cette réunion publique et à son propos que la FICCI s'était réveillée pour nous gratifier de sa prose. Que pouvons-nous lire dans ce "Communiqué" ?
" Parce que notre première responsabilité de Fraction est de combattre, par tous les moyens, la dérive opportuniste dans laquelle est engagée notre organisation, nous avons dépêché, ce samedi 11 mars, à sa dernière réunion "publique", 2 de nos militants. (…) La camarade et le camarade qui avaient pour tâche de distribuer un tract à l'entrée de la "réunion", ont été reçus par une dizaine de gros bras, formant une véritable milice à la stalinienne. Nos camarades ont été empoignés violemment, frappés à plusieurs reprises et reconduits manu militari jusqu'au métro 150 mètres plus loin. Précisons bien que ces agressions ont eu lieu, encore une fois, dans la rue et que, pour notre part, nous n'avons jamais cherché à répondre physiquement à la provocation qui nous était imposée sauf pour en limiter la brutalité. Malgré cela, les gros bras (qui se prennent encore pour des militants communistes), complètement excités, ont continué à cogner nos camarades (rappelons que l'un des deux est une femme) sous l'oeil effaré des passants, nombreux à cette heure-là sur l'avenue de Choisy à Paris."
Cette déclaration n'a rien à voir avec la réalité. Effectivement, et nous expliquerons plus loin pourquoi, une équipe du CCI (qui était loin d'atteindre la dizaine de membres, et dont les bras n'ont rien à voir avec la description athlétique qu'en donne la FICCI) a reconduit jusqu'au Métro les deux individus de la FICCI qui s'étaient présentés devant l'entrée de notre réunion publique. Mais, à aucun moment, nos camarades n'ont "frappé à plusieurs reprises" et encore moins " continué à cogner" ces individus. En ce sens, nous pouvons rassurer la personne qui signe "Bm" et qui a envoyé un message à la FICCI déclarant "La première chose est de savoir si vous n'êtes pas blessés et si vous n'avez pas besoin d'une aide quelconque." ("Bulletin Communiste" n° 35) Si les éléments de la FICCI ont exhibé des bosses ou des bleus, ils ne sont pas le fait des militants du CCI.
En réalité, la "reconduite au Métro" des membres de la FICCI que nous avons pratiquée le 11 mars fait suite à la politique que nous menons depuis l'été 2003 et explicitée dans notre article de Révolution Internationale 338, "Les réunions publiques du CCI interdites aux mouchards".
Dans cet article, nous écrivions :
"Le CCI a pris la décision d'interdire la présence à ses réunions publiques et à ses permanences des membres de la prétendue "Fraction interne" du CCI (FICCI).
Cette décision fait suite à l'exclusion de ces mêmes membres de la FICCI lors de notre 15e congrès, au printemps 2003 et résulte des motifs de cette exclusion : l'adoption par ces éléments d'une politique de mouchardage contre notre organisation. (…)
Pour que les choses soient bien claires : ce n'est pas en soi parce que ces éléments ont été exclus du CCI qu'il ne peuvent pas participer à ses réunions publiques. Si le CCI était conduit à exclure un de ses membres à cause, par exemple, d'un mode de vie incompatible avec l'appartenance à une organisation communiste (comme la toxicomanie), il ne l'empêcherait pas ensuite de venir à ses réunions publiques.
C'est bien parce que ces éléments ont décidé de se comporter comme des mouchards que nous ne pouvons tolérer leur présence à celles-ci. Cette décision du CCI s'applique à tout individu qui se consacre à rendre publiques des informations pouvant faciliter le travail des services de répression de l'État bourgeois. (…)
Au vu de ses bulletins, les ragots et les mouchardages sur le CCI et ses militants sont un des principaux fonds de commerce de la "Fraction" :
dans le n°18, nous trouvons un rapport détaillé sur une réunion publique du PCI-Le Prolétaire, où sont détaillés tous les faits et gestes de "Peter alias C.G." ;
dans le n°19, on revient à la charge sur Peter "qui diffusait seul" dans telle ou telle manifestation et on soulève une question "hautement politique" : "Enfin, et vous comprendrez que nous posions aussi cette question : où est Louise ? Absente des manifestations, absente des réunions publiques, est-elle de nouveau 'malade' ?"
En fait, la principale préoccupation des membres de la FICCI lors de leur participation aux manifestations et aux réunions publiques du CCI est de savoir QUI est absent, QUI est présent, QUI fait quoi et QUI dit quoi afin de pouvoir par la suite faire état publiquement de tous les faits et gestes de nos militants. C'est un travail digne des agents des Renseignements généraux ! Nous ne pouvons pas interdire aux membres de la FICCI de sillonner les manifestations de rue pour nous surveiller. En revanche, nous pouvons les empêcher de faire leur sale besogne de flicage dans nos réunions publiques. A ces dernières, ils n'ont pas la possibilité de s'exprimer depuis que nous avons exigé comme condition à leur prise parole qu'ils nous restituent d'abord l'argent volé au CCI. La seule raison motivant leur présence est la surveillance de type policier et le racolage des éléments intéressés par nos positions."
Malgré l'interdiction des membres de la FICCI dans la salle de nos réunions publiques, nous avons continué de permettre pendant plus de deux ans que ces individus soient présents devant le portail d'entrée du lieu où elles se tiennent, ce qui leur permettait de tenter de dissuader nos contacts et sympathisants d'y participer en dénigrant systématiquement notre organisation dans des tracts truffés de calomnies et en leur disant "méfiez-vous, ce sont des staliniens". En même temps, nous avons supporté les quolibets, les insultes et les provocations qu'ils ne manquaient pas d'adresser à nos camarades faisant partie du "piquet anti-mouchards".
Là où nous avons commencé à réagir plus fermement, c'est lorsqu'un des membres de la FICCI, celui qui se fait appeler "Pédoncule", a adressé une menace de mort à un de nos camarades, lui promettant de lui "trancher la gorge". [2] [790] Nous avons alors décidé d'interdire l'approche du lieu de nos réunions publiques à cet élément en expliquant que l'interdiction ne concernait pas les autres membres de la FICCI, épisode que la FICCI a rapporté à sa façon dans son Bulletin 33 ("Application de l'état d'urgence contre notre fraction, Le CCI nous interdit la rue et veut nous imposer le couvre-feu !") en faisant croire que c'étaient TOUS les membres de la FICCI qui étaient interdits de séjour devant le lieu de nos réunions, ce qui à ce moment là était totalement faux, et la FICCI le savait.
Si nous avons finalement décidé de mettre effectivement en pratique une telle attitude c'est pour les raisons suivantes :
suite à la publication de notre article sur les comportements du sieur Pédoncule, il n'y a jamais eu la moindre critique dans les bulletins de la FICCI des menaces de mort qu'il avait proférées ; au contraire, le texte qu'elle avait publié en réponse à notre article se solidarise totalement avec cet individu ;
c'est de façon totalement mensongère que la FICCI a rapporté l'interdiction faite à Pédoncule d'approcher du lieu de notre réunion publique ;
mais surtout, suite à notre intervention au sein de la mobilisation des étudiants contre le CPE, nous attendions la venue de nouveaux éléments à notre réunion publique du 11 mars consacrée justement à cette mobilisation (ce qui effectivement a été le cas à Paris et dans d'autres villes) et nous ne voulions pas que la FICCI ait l'occasion de poursuivre devant et à l'égard de ces nouveaux éléments la politique qu'elle a menée depuis des années : les calomnies, les provocations et surtout le flicage.
En effet, les sympathisants qui venaient auparavant à nos réunions publiques étaient connus depuis longtemps par les membres de la FICCI. En ce sens, le travail parasitaire et policier dont elle s'est fait une spécialité ne pouvait s'appliquer à eux. Par contre, nous ne pouvons tolérer que de nouveaux éléments qui s'intéressent à la politique communiste soient immédiatement "fichés" par la FICCI. Dans la mesure où l'arrivée de ces nouveaux éléments se confirme et tendra probablement à s'amplifier dans le futur, le CCI a donc décidé d'interdire dorénavant aux membres de la FICCI, non seulement l'entrée du lieu de nos réunions publiques, mais également les abords de celui-ci.
Cette décision, comme nous l'avons déjà indiqué dans notre presse à propos des autres mesures que nous avons été conduits à prendre contre la FICCI où ses membres, n'a rien à voir avec un "refus du débat politique", comme nous en accuse la FICCI. De même, elle n'est nullement en contradiction, comme elle le prétend également, avec le principe que nous avons toujours défendu de rejeter la violence au sein de la classe ouvrière.
En 1981, avec l'accord, voire la participation, de certains membres actuels de la FICCI, nous avions récupéré "manu militari" le matériel que l'individu Chénier et des éléments de sa "tendance" avaient dérobé à notre organisation dans la mesure où leur attitude de voleurs les avaient mis en dehors du camp prolétarien. Par bien des côtés, les comportements des membres de la FICCI ont dépassé en infamie ceux des amis de Chénier. C'est la même politique que nous menons à l'égard de ceux-là.
Quant aux témoignages de "solidarité" reçus par la FICCI et publiés dans son Bulletin 35 dans la rubrique "La saine réponse du camp prolétarien", ils manifestent (si ce ne sont pas des faux) soit l'ignorance, soit la volonté de ne pas connaître la réalité des comportements de voyous et de mouchards de la FICCI, soit la haine que la politique communiste du CCI provoque nécessairement chez des éléments de la petite bourgeoisie ou du lumpen. En tout cas, parmi ces témoignages de "solidarité" envers la FICCI, il en est un que nous avons reçu et que la FICCI s'est bien gardée de publier : en en prenant connaissance sur notre site [791], chacun pourra comprendre pourquoi.
(CCI, 18/05/2006)
1 [792] Voir notamment à ce sujet nos articles "XVe Congrès du CCI, Renforcer l'organisation face aux enjeux de la période [304]" dans la Revue internationale n° 114 et "Les méthodes policières de la FICCI [305]" dans Révolution internationale n° 330.
2 [793] Voir notre article à ce propos dans Révolution Internationale n°354 ("Défense de l'organisation : Des menaces de mort contre des militants du CCI [794]").
Nous publions ci-dessous le message de soutien qu’un cercle de discussion en Inde nous a demandé de publier dans notre presse, de même que des extraits de deux courriers que nous avons reçus à propos du mouvement des étudiants contre le CPE.
Le premier nous a été adressé par un postier (abonné à notre presse) qui a été témoin des manœuvres de sabotage syndical sur son lieu de travail. Dans son courrier, ce lecteur dénonce en particulier la politique de sabotage de la solidarité menée par le syndicat SUD : face à la répression dont Cyril Ferez a été victime, les leaders de SUD se sont précipités dans les coulisses pour aller rencontrer Monsieur Sarkozy au lieu d’appeler les travailleurs de la Poste à se mobiliser en solidarité avec leur camarade Cyril qui s’est fait piétiner et tabasser par les CRS à la fin de la manifestation du 18 mars. Ce lecteur nous a adressé la motion adoptée dans une AG de son centre de tri postal et remise au syndicat SUD.
La deuxième lettre, est un soutien d’une sympathisante du CCI aux orientations que nous avons défendues dans ce mouvement.
Lettre de Lulu :
"Nous n’avons pas à aller demander aux ministres – de la police en particulier – de faire en sorte que toute la lumière soit faite, alors que les faits sont déjà confirmés, alors qu’on voit bien qu’ils font tout pour masquer la vérité. La seule question qui doit être la nôtre, c’est de savoir si la lutte et la manifestation à laquelle il (Cyril Ferez) participait étaient justes ou pas, si cette lutte contre le chômage et la précarité sont les nôtres, nous la reconnaissons comme nôtre. Et là-dessus, pour ma part, il n’y a aucun doute à avoir. Cette lutte anti-CPE, ça fait partie de notre lutte. Alors la question que je me pose, c’est pourquoi, les organisations syndicales, quand un ouvrier tombe sous les coups de la répression policière dans une lutte qui est la nôtre, n’ont pas immédiatement appelé à la mobilisation, à la riposte collective, et n'ont pas appelé le soir même ici, et partout, à des débrayages. Pour dénoncer ce qui s’est passé et prévenir d’autres actes de répression. Et qu’on vienne pas me dire qu’il n’y a pas eu le temps de poser de préavis. L’absence de préavis dans ce cas là est de rigueur, inévitable, sans compter que ça n’a jamais été la condition indispensable pour se mettre en lutte, pour riposter… Quand un ouvrier est frappé, ce sont tous les ouvriers qui sont touchés. Pour ma part, je propose en conséquence qu’on arrête de travailler dès midi et demi… En tout cas, pour ma part, j’y suis prêt. C’est à nous d’en décider".
Motion transmise au syndicat SUD
L’AG du 21 mars 2006 de l’établissement X de la Poste, située à… en banlieue parisienne, réunissant les personnels des brigades de nuit D, demi-nuit, et brigade E, adopte à l’unanimité la motion suivante (à transmettre à toutes les autres brigades, à tous les établissements, aux médias, à la hiérarchie, aux ministres et à toutes les organisations syndicales).
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Lettre de B. :
"La lutte que les étudiants et les lycéens sont en train de mener est une véritable gifle à tous les mensonges que nous subissons depuis des années, aussi bien de la droite que de la gauche, les syndicats et les gauchistes. En ouvrant les assemblées générales aux travailleurs, retraités, chômeurs, pères et mères de famille, les étudiants s’attaquent à un des fléaux de la lutte de classe : le corporatisme, la lutte par secteurs, la division de la classe ouvrière. Et déjà, même si la lutte s’arrête là, ils ont posé les jalons pour une transformation des conditions de lutte pour l’ensemble de la classe ouvrière.
(…) Je pense, comme vous l’avez affirmé, que nous assistons à des événements très importants, une rupture avec les années de désespoir, et d’impuissance, entraîné par la propagande intensive de l’ensemble de la bourgeoisie mondiale qui assimilait stalinisme et communisme et portait le message suivant : il n’y a que le capitalisme et sa "démocratie" comme système politique possible.
Lors des manifestations, j’ai discuté avec de nombreuses personnes et notamment, à plusieurs reprises, avec des chômeurs ou des Rmistes. J’ai été frappée naturellement par leur désespoir et leur solitude, mais j’ai pu constater que ce mouvement leur ouvrait enfin une perspective, même si ce n’était qu’une ébauche (…)."
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Lettre d’un cercle de discussion en Inde :
"Nous, les participants d’un groupe de discussion du Bengale en Inde, avons pris connaissance des évènements en France à partir des documents publiés sur votre site web en anglais. Nous considérons que le mouvement en France est un moment significatif de la lutte de la classe ouvrière, surtout dans cette phase où les attaques capitalistes prennent un caractère de plus en plus généralisé, ce qui appelle une réponse de plus en plus généralisée de la part de la classe ouvrière. Nous attendons avec impatience son développement sur un terrain entièrement prolétarien. Nous pensons qu’il est de notre devoir, en tant que partie du mouvement ouvrier international, d’envoyer notre solidarité au mouvement. Cette lettre doit être considérée comme une déclaration de solidarité, de la part des membres du groupe de discussion, à tous les camarades qui luttent contre le CPE, et contre la pourriture du capitalisme en général. Nous serions très heureux si vous pouviez transmettre cette déclaration de solidarité aux camarades en lutte. Salutations à vous tous, de la part du groupe de discussion du Bengale."
Pour ne pas "se couper" du mouvement social, la gauche a été contrainte de "durcir " peu à peu le ton contre le gouvernement Villepin, son CPE, son CNE et sa loi sur "l'égalité des chances", sous peine de se discréditer aux yeux de la classe ouvrière. Il a été frappant de voir se reconstituer à l'issue de ce mouvement la grande famille de la "gauche plurielle".
Celle-ci tente de nous refaire le coup du Front populaire en présentant toutes ses forces réunies dans une union sacrée contre le gouvernement comparable à celle de 1936. C’est ainsi qu’à partir de la fin du mois de mars, se sont succédés les déclarations, appels, pétitions, conférences de presse et autres meetings communs à l’initiative de ce beau monde allant du PS jusqu’à la LCR (sans oublier notamment les altermondialistes, la Confédération paysanne, le PCF et les Verts), à l'image de la vaste union syndicale affichée dans le mouvement.
Mais la situation sociale n'est nullement la même qu'à cette époque de contre-révolution triomphante où la gauche avait ainsi embrigadé la classe ouvrière pour l'amener aux massacres de la guerre impérialiste. Elle n'est pas non plus identique aux plus beaux jours de l'union de la gauche et du programme commun. L'histoire, rappelait déjà Marx dans Le 18 Brumaire, quand elle semble se répéter prend souvent la première fois la forme d'une tragédie, et la seconde fois celle de la comédie. Et dans cette farce, toute la gauche a joué les intermittents du spectacle : pendant les manifestations et les AG, on ne les voyait ni entendait guère alors qu'elle occupait bruyamment la scène pour recueillir les applaudissements et s'approprier le mérite du retrait du CPE. Tous ces gens-là n'ont certes pas le même programme mais ils se retrouvent ensemble dans une "union sacrée" dès qu'il s'agit de faire face à la classe ouvrière et à ses luttes.
En effet, le programme du PS, du PC et consorts, on le connaît. Le PS au gouvernement (avec ou sans le PC) a mené une politique antiouvrière. Même aujourd'hui, au sein du PS, l'ancien gauchiste Julien Dray, rêve ouvertement de briguer le ministère de l'Intérieur en 2007. La politique tant décriée de la droite a toujours été en continuité de la politique de la gauche, la seule différence c'est que les uns tendent à parler franc et ne n'embarrassent pas de fioritures pour mener leurs attaques tandis que les autres enrobent les mêmes attaques d'un discours idéologique mystificateur. C'est d'ailleurs le vote protestataire contre la politique de Jospin qui a permis l'élection de Chirac en 2002.
Au milieu de ces meetings de la dernière heure, on pouvait remarquer la présence inattendue, de l’organisation trotskiste Lutte Ouvrière, d’ordinaire plus discrète et distante à l’égard de ses congénères sociaux-démocrates et staliniens. Fait que nous illustrons ci-contre par la reproduction d’un tract diffusé lors de la manifestation du 28 mars à Toulouse. Il faut souligner que de semblables appels étaient lancés simultanément à Lyon, à Rouen et dans de nombreuses villes de province annonçant la tenue, le lendemain, d’un " meeting unitaire de l’ensemble des forces de gauche ", comme l’indique la guirlande de signatures, apposée au bas de ces tracts. Ne manque même pas le MRG de Tapie (jadis tenu pour un parti totalement bourgeois auquel LO avait toujours refusé de s'associer jusqu'ici, notamment au temps de l'union de la gauche justifiant ainsi son refus de s'associer au programme commun).
Evidemment, l’organisation d’Arlette Laguiller n’a pas tenu à faire une trop grande publicité dans sa presse au sujet de cette "Sainte Alliance". Et pour cause, on comprend bien que tremper trop souvent dans le même jus que des partis tels le PC ou le PS, qui, lorsqu'ils étaient au gouvernement n’ont eu de cesse d’attaquer les conditions de vie de la classe ouvrière, peut être préjudiciable à une organisation qui se prétend "prolétarienne".
Tout ceci est-il fait pour nous étonner ? Pas le moins du monde. LO, malgré ses flots de paroles pleines de " radicalité" et "d’intransigeance" vis-à-vis de la gauche s’est toujours débrouillée pour soutenir sociaux-démocrates et staliniens.
On se souvient parfaitement (et à son grand dam) de ses appels, en première page, à voter " sans réserve" pour Mitterrand en 1974 et 1981 (voir RI n°365).
Il faut savoir sauver les apparences…
C’est pourquoi LO, passée maître dans l’art de l’hypocrisie et du double langage, nous tient d’un côté un discours radical à l’encontre de la gauche pour, de l’autre, s’associer avec elle publiquement (mais pas trop quand même…). D'ailleurs, à Paris, LO n'est apparu à la tribune aux côtés des autres partis de gauche dans les "débats" organisés dans les universités que dans l'enceinte de quelques amphithéâtres.
Tout au long du mouvement contre le CPE, le journal Lutte Ouvrière a justement rappelé le pedigree des gouvernements de gauche en matière de précarisation :
" …c’est véritablement à partir de 1981, après l’élection de François Mitterrand, que le nombre des emplois précaires a explosé…Le premier gouvernement Mauroy a d’abord institué, dès 1981, les "stages 16-18", destinés aux apprentis, offrant ainsi de la main d’œuvre quasi gratuite aux employeurs. Ces stages avaient été surnommés les stages Rigoud, du nom du ministre communiste à la formation professionnelle […] " (LO du 17/02/2006).
Puis viendront en 1990 avec Rocard les CES et en 1997 avec Jospin les "emplois jeunes".
Conclusion : " Pour inventer des formules de contrats précaires les dirigeants du PS en connaissent un rayon…" (LO du 7/04/2006). Plus directement encore, Arlette Laguiller n’a pas hésité à dire, lors de son meeting du 7 avril à Grenoble (qui n’était pas en commun celui là !) que "…les partis de droite comme les partis de gauche sont des partis bourgeois car ni les uns ni les autres ne veulent toucher l’ordre existant mais, au contraire, le gérer tel qu’il est…" Pourtant, c’est avec ces mêmes partis, acquis depuis belle lurette à la cause du capital, que LO s’attable et s’affiche et pas seulement de façon "occasionnelle". C’est la LCR qui, dans son journal Rouge du 6 avril, crache le morceau avec un article au titre long mais lourd de signification :
" Riposte contre la droite : les travaux pratiques
Face au contrat première embauche, la gauche se rassemble pour réclamer le retrait de la mesure gouvernementale. De LO au PS, des réunions se tiennent régulièrement. La LCR en est partie prenante. " (souligné par nous).
L'absence de LO dans les débuts du mouvement anti-CPE a été telle que lors de la manifestation du 18 mars, des vieux copains d'Arlette, surpris par l'ampleur de la mobilisation, affolés et complètement dépassés par la situation, se sont rangés sur le bord du trottoir, se sont contentés de gonfler leurs ballons et de coller précipitamment à la sauvette des badges sur les manifestants en leur demandant s'ils viendraient à la prochaine fête de LO le week-end de Pentecôte. Dans la lutte contre le CPE, la LCR et LO, qui avaient discrètement planqué leur drapeau en se fondant dans la masse pendant le mouvement ont pris ouvertement ensuite le relais des chefs syndicaux Thibault, Mailly et Chérèque A LA FIN DU MOUVEMENT pour entraîner les étudiants dans des actions minoritaires et jusqu'au-boutistes et appeler d'autres ouvriers à rejoindre la lutte à ce moment-là.
Lors de la récente commémoration des 10 ans de la mort de Mitterrand, on pouvait lire dans Lutte Ouvrière du 13 janvier ce passage plein de bon sens et qui résonne aujourd’hui, à l’heure des meetings communs, comme un écho ironique : " A côté des ex-ministres socialistes, étaient également présents au cimetière de Jarnac le directeur de cabinet de Chirac, un de ses ministre en exercice et son ancien Premier ministre, Raffarin. ‘Qui se ressemble s’assemble’ ! "
Et bien oui, "qui se ressemble s’assemble" et ça marche aussi dans l’autre sens "qui s’assemble se ressemble".
Pour le coup, LO n’aura jamais été aussi proche de la vérité, en théorie comme en pratique !
Azel (15 avril)
Nous publions, suivie d’une courte réponse, une lettre de menaces qui nous a été adressée par un « supporter » d’une petite association de malfaiteurs autoproclamée « Fraction interne du CCI » (composée de quelques éléments que le CCI a exclus de ses rangs pour leurs comportements de mouchards).
Le courrier de ce sympathisant de la FICCI appelle quelques remarques.
1) A. se permet de nous faire une petite leçon de « morale prolétarienne » et dénonce avec virulence notre mépris de la « bienséance sociale ». N’importe quel lecteur dont les neurones n’ont pas été complètement détruits par la pourriture de la décomposition capitaliste pourra se faire une idée claire de ce qu’est la « bienséance sociale » et la « politique prolétarienne » préconisée par notre détracteur.
2) A. commence par affirmer qu’il n’aura « aucun scrupule » à « porter plainte », si l’un de nos camarades s’avisait de porter la main sur « l’un de ses proches » (c’est-à-dire ses copains de la FICCI !). La première chose qu’on doit constater, c’est que ce « supporter » apporte aujourd’hui publiquement et sans détour sa bénédiction aux moeurs de gangsters de la FICCI (vol, mouchardage, calomnie, mensonges grossiers, menaces de mort contre nos camarades) !
Mais la « politique prolétarienne » selon notre donneur de leçons ne s’arrête pas là. Le sieur A. n’a « aucun scrupule » à affirmer haut et fort qu’il n’hésitera pas à faire appel aux forces de répression de l’Etat bourgeois contre nos camarades. Bravo ! Monsieur Sarkozy peut compter sur A. pour nettoyer au Kärcher les militants du CCI. Il peut maintenant décerner aux hommes de mains de la FICCI la médaille d’or de la « bienséance sociale » !
3) Cette politique soi-disant « prolétarienne » préconisée par A. n’est pas pour nous surprendre. Quant on fricote avec des mouchards, il n’est pas étonnant qu’on finisse par... appeler les flics à la rescousse. Qui se ressemble s’assemble !
Pour notre part, nous avons toujours rejeté la politique typiquement BOURGEOISE consistant à faire appel aux forces de répression de l’Etat capitaliste lorsque notre organisation est attaquée. C’est bien pour cela que le CCI n’est pas allé « porter plainte » au commissariat lorsque, en 1981, l’individu trouble Chénier et ses complices nous avaient volé du matériel. Nous sommes allés nous-mêmes récupérer ce matériel. C’est dans la continuité de cette politique (qui a toujours été celle du mouvement ouvrier) que nous n’avons pas « porté plainte » lorsque les petits voyous de la FICCI nous ont, à leur tour, volé de l’argent et du matériel politique (notamment le fichier d’adresses des abonnés de notre publication en France).
Nous tenons, à ce propos, à informer aujourd’hui nos lecteurs que, au printemps 2002, une délégation du CCI est allé récupérer une partie du matériel de l’organisation (les archives de l’organe central du CCI) dans la résidence secondaire d’un membre de la FICCI, Olivier. Nous savions que l’alarme de cette résidence était reliée directement à la gendarmerie (afin de protéger les objets de valeur contre les cambriolages). C’est pour cela que nous avons attendu qu'Olivier soit présent pour venir récupérer nos archives qu’il s’apprêtait à « déménager ». Le citoyen Olivier n’a tenté aucune résistance et nous a remis tous les documents internes qui étaient entreposés dans ce lieu. Cette opération de récupération de notre matériel politique s’est déroulée sans aucune échauffourée et dans le plus grand respect des règles de « bienséance sociale » (à tel point que la compagne d’Olivier qui était présente sur les lieux et a été témoin de la « scène » nous a même proposé de prendre l’apéro !). C’est bien pour cela qu'Olivier n’est pas allé crier sur tous les toits qu’il a été brutalisé par nos camarades.
4) Cette lettre de menace révèle surtout que la « bienséance sociale » dont se revendique son auteur s’apparente davantage aux moeurs des hooligans et des gangs maffieux que des méthodes de la classe ouvrière : « je me défendrai physiquement très sérieusement ». Ces aboiements de pitbull se situent dans la pleine continuité des menaces de mort proférées, devant plusieurs témoins, par le petit malfrat Pédoncule ("éminent" membre de la FICCI) à l’un de nos camarades : « Je vais te trancher la gorge ! ». Voilà la belle « morale prolétarienne » dont se gausse ce « supporter » de la FICCI ! Les mouchards peuvent compter sur la loyauté indéfectible et sans principe de ce preux chevalier de la « bienséance sociale » !
Pour sa part, le CCI ne se laissera pas intimider par les propos « musclés » de A. et autres menaces de mort de ses « copains égorgeurs ». Nous continuerons à défendre les principes du mouvement ouvrier en ne permettant pas que des éléments provocateurs (dont la seule « morale » est celle du lumpen) viennent saboter nos réunions publiques. Nous ne permettrons pas que des mouchards infiltrent les réunions publiques du CCI pour fliquer nos camarades et nos contacts.
Quant à nos prétendues méthodes « staliniennes », nous ne pouvons que conseiller à A. de lire notre article intitulé « Réponse aux calomnies honteuses d’un petite association de malfaiteurs » dans lequel nous dénoncions, à l’automne 2005, la complicité de la FICCI avec un crypto stalinien en Argentine, le citoyen B. Mais, sur cette sordide affaire, A. préfère sans doute se mettre la tête dans le sable, comme les autruches, pour rester fidèles à ses « proches » de la FICCI ! De toute évidence, la fréquentation de ses « proches » lui a porté sur le ciboulot. S'il tient réellement à savoir ce que signifie la "morale prolétarienne », nous ne pouvons que lui conseiller de prendre un peu de distance avec eux.
CCI
Pour la FICCI, aucun mensonge n'est trop gros pour calomnier notre organisation. C'est ainsi que sur son site Internet (Bulletin Communiste 35) on peut lire un texte intitulé "Manifestations et grèves en France : le nouveau CCI affirme sa solidarité avec les CRS et la police anti-émeutes !" qui se donne comme objectif de démontrer que le "nouveau CCI" a commis une "trahison ouverte, évidente, de la véritable position du CCI, de la Gauche communiste et de toute l'histoire du mouvement ouvrier" puisque "dans la réalité de la lutte des classes, [il] se solidarise avec la police, les CRS et la gendarmerie". Quelles sont d’après la FICCI les "preuves" de cette "trahison" du CCI ?
"Une nouvelle fois, le CCI actuel liquide une des positions de principe du mouvement ouvrier. Face à la répression violente des manifestations étudiantes et ouvrières en France par la police bourgeoise, il exprime sa solidarité avec... les CRS :
"L'assemblée générale de l'université de Censier a adopté une motion "en soutien aux étudiants blessés, contre les destructions faites aux immeubles, et en solidarité avec les CRS blessés". Le point important de cette motion est qu'elle n'est absolument pas en soutien à la répression par la police, mais qu'elle reconnaît que les enfants des CRS qui sont mal payés, sont eux-mêmes touchés par les attaques du gouvernement (comme certains étudiants ont essayé de l'expliquer à la police anti-émeute durant des confrontation non-violentes (...)." (Notes sur les luttes étudiantes en France, 19 mars 2006, uniquement paru sur le site anglais du CCI, traduit et souligné par nous).
Qu'il s'agisse d'une motion adoptée (et connue du seul CCI) dans une assemblée, ne change rien au fait que le CCI l'appuie ouvertement, comme un exemple à suivre. Le CCI des liquidateurs exprime ainsi publiquement sa "solidarité" avec la police, avec les CRS et les gardes mobiles. Et alors même que ces derniers venaient juste, lors de la manifestation de la veille, d'envoyer un ouvrier à l'hôpital qui se trouve encore aujourd'hui dans le coma, entre la vie et la mort. Et il ne s'agit pas là d'un dérapage isolé lié à un simple opportunisme vulgaire vis-à-vis d'étudiants qu'on ne voudrait pas contredire pour mieux les caresser dans le sens du poil et recruter :
"Les étudiants et les jeunes en lutte ne se font aucune illusion sur le rôle des prétendues "forces de l'ordre". (...) Cependant, certains (...) ont tenté de discuter avec les Gardes Mobiles (...) Ceux qui ont essayé de discuter avec les gardes mobiles ne sont pas des naïfs. Au contraire, ils ont fait preuve de maturité et de conscience. Ils savent que derrière leurs boucliers et leurs matraques, ces hommes armés jusqu'aux dents sont aussi des êtres humains, des pères de famille dont les enfants vont être eux aussi frappés par le CPE (...)" (tract du CCI du 11 mars 2006, nous soulignons).
Ici, le CCI appelle à dialoguer, à comprendre et à se solidariser avec les CRS, la police anti-émeute, anti-ouvrière, sous le prétexte qu'ils sont des "êtres humains" et "des pères de famille avec des bas salaires" ! "
Au delà de cette dénonciation de la trahison du CCI des principes du mouvement ouvrier, il serait nécessaire que la FICCI dénonce également la "trahison" de Trotsky lorsqu'il décrit et approuve l'attitude des ouvriers russes en février 1917 à l'égard des cosaques dont il ne cache pas pourtant "qu'ils étaient fort pénétrés d'esprit conservateur" et qu'ils étaient de "perpétuels fauteurs de répression et d'expéditions punitives". (Histoire de la Révolution russe, T.1, page 147)
Que nous dit Trotsky ? "Cependant, les Cosaques attaquaient la foule, quoique sans brutalité (…) ; les manifestants se jetaient de côté et d'autre, puis reformaient des groupes serrés. Point de peur dans la multitude. Un bruit courait de bouche en bouche : "Les Cosaques ont promis de ne pas tirer." De toute évidence, les ouvriers avaient réussi à s'entendre avec un certain nombre de Cosaques." (Ibid. page 145) (…) Les cosaques se mirent à répondre individuellement aux questions des ouvriers et même eurent avec eux de brefs entretiens. (Ibid. page 147) (…) Un des authentiques meneurs en ces journées, l'ouvrier bolchevik Kaïourov, raconte que les manifestants s'étaient tous enfuis, en certain point, sous les coups de nagaïka de la police à cheval, en présence d'un peloton de Cosaques ; alors lui, Kaïourov, et quelques autres ouvriers qui n'avaient pas suivi les fuyards se décoiffèrent, s'approchèrent des Cosaques, le bonnet à la main : "Frères Cosaques, venez au secours des ouvriers dans leur lutte pour de pacifiques revendications ! Vous voyez comment nous traitent, nous, ouvriers affamés, ces pharaons [les policiers à cheval]. Aidez-nous !" Ce ton consciemment obséquieux, ces bonnets que l'on tient à la main, quel juste calcul psychologique, quel geste inimitable ! Toute l'histoire des combats de rues et des victoires révolutionnaires fourmille de pareilles improvisations." (Ibid. page 150)
Les ouvriers russes savaient parfaitement quelle était la fonction des cosaques. Ils savaient qu'ils étaient, pour citer la FICCI à propos des CRS : "un corps institutionnel organisé et discipliné, hautement entraîné tant physiquement qu'idéologiquement dans l'art de casser sans remord les crânes d'ouvriers et d'étudiants. C'est-à-dire que leur unique "travail", leur unique fonction, [était] de réprimer brutalement les mouvements des masses ouvrières." Ils connaissaient leurs états de service parmi lesquels les assassinats d'ouvriers ne se comptaient plus. Pourtant, ces mêmes ouvriers s'étaient "entendus avec un certain nombre de Cosaques", ils discutaient avec eux et leurs "posaient des questions", ils ont "retiré leur bonnet" devant eux et leur ont parlé "sur un ton obséquieux". Et le pire, c'est que Trotsky salue leur attitude ! Le traître ! Ce n'est donc pas seulement le CCI mais Trotsky lui-même que la FICCI doit accuser de vouloir "cacher le caractère répressif de l'État capitaliste et instiller la confiance dans ses instruments !" Nous attendons avec impatience une telle prise de position de la FICCI dénonçant cette "trahison crapuleuse" commise par Trotsky dans son livre "La Révolution russe". Ce faisant, il faudra qu'elle s'aligne sur les staliniens qui n'ont jamais perdu une occasion pour affirmer que toute la politique de Trotsky au cours de la révolution de 1917 a consisté à tenter de saboter la véritable ligne révolutionnaire représentée par Lénine et… Staline. Il faudra qu'elle fasse une critique impitoyable des positions de la Gauche communiste, notamment celle d'Italie, qui a toujours salué le rôle de premier plan joué par Trotsky dans la victoire de cette révolution et la grande qualité politique du livre qu'il a écrit à son sujet.
Sérieusement, il ne faut pas avoir une profonde connaissance de l'histoire du mouvement ouvrier pour savoir qu'une révolution n'est possible que lorsqu'une partie significative des forces de "maintien de l'ordre bourgeois" soit manifeste sa "neutralité", c'est-à-dire qu'elle renonce à défendre les exploiteurs, soit passe carrément du côté de la classe ouvrière. Il est clair qu'un tel processus ne peut aboutir que lorsque sont données les principales conditions de la révolution mais même dans des affrontements sociaux qui ne sont pas révolutionnaires, le danger d'un manque de fiabilité des forces de répression constitue une préoccupation de la bourgeoisie. C'est ainsi qu'en 1968, il est arrivé en plusieurs endroits (notamment à l'usine d'aviation de Marignane) que les ouvriers et les CRS s'engagent dans une sorte de démarche de "fraternisation". Ainsi, les CRS qui étaient basés devant l'usine de Marignane avaient proposé aux ouvriers qui occupaient celle-ci de venir manger à leur cantine ce qui fut l'occasion de longues discussions. Il va sans dire que cette compagnie de CRS a été déplacée au bout d'une semaine pour être installée à plusieurs centaines de km de là.
Tout cela, les membres de la FICCI devraient le savoir s'il leur restait le moindre souvenir de ce qu'ils avaient appris quand ils étaient dans une organisation révolutionnaire, la nôtre. Mais chez eux les références aux acquis du mouvement ouvrier ne sont là que pour donner le change à ceux qui veulent encore croire à leurs mensonges et pour masquer leur véritable trahison de ces acquis. Ce qui les intéresse avant tout c'est de "démolir le CCI" à qui ils vouent une haine inexpugnable. Et pour ce faire, tout est bon, y compris les mensonges les plus crapuleux.
C'est ainsi que la FICCI essaie de faire croire que le CCI veut "cacher" que "l'État actuel est l'organe de domination de la classe capitaliste, domination qui repose sur deux piliers : la mystification idéologique et la répression (…) que la police anti-émeute, les CRS et les gardes mobiles en France sont un des principaux instruments de répression dont dispose l'État capitaliste. Il voudrait "cacher" que "la présence des CRS dans les manifestations actuelles n'a pas pour objet de s'affronter aux groupes minoritaires violents (souvent manipulés par la police elle-même), ni de protéger les vitrines des boutiques (et encore moins de "protéger" la liberté de manifestation !), mais avant tout de terroriser les masses qui veulent lutter, les dissuader d'essayer de sortir du cadre de l'ordre établi et imposé par la bourgeoisie". Et dans quel but le CCI ferait-il toutes ces cachotteries ? La FICCI nous donne le fin mot de l'histoire : "pour cacher le caractère répressif de l'État capitaliste et instiller la confiance dans ses instruments ! (…) pour cacher que, tôt ou tard, dans un prochain mouvement, quand les masses ouvrières s'affronteront et briseront le contrôle idéologique et politique des syndicats et des partis de gauche du capital, ces masses (et non les groupes minoritaires) devront aussi s'affronter et s'opposer à la répression menée par les institutions spécialisées de l'État que sont les CRS et les gardes mobiles !
En somme, la volonté du CCI serait d'envoyer les ouvriers au casse pipe en leur cachant la répression qui les attend. Il fallait oser !
En fait, c'est probablement dans ce but que nous avons écrit dans nos articles et dans nos tracts récents :
"Les étudiants et les jeunes en lutte ne se font aucune illusion sur le rôle des prétendues "forces de l'ordre". Elles sont les "milices du capital" (comme le scandaient les étudiants) qui défendent, non pas les intérêts de la "population" mais les privilèges de la classe bourgeoise. "L'ordre républicain", c'est le "désordre" d'une société qui condamne au chômage, à la précarité et au désespoir des masses croissantes de jeunes qui se décarcassent pour essayer d'avoir une vie décente. (…) A ceux qu'on attaque avec des mesures ignobles comme le CPE et qui veulent utiliser les facs comme lieux de discussion et de débat pour organiser leur riposte, on envoie la répression, les grenades lacrymogènes et les matraques. Voila le vrai visage de notre belle "démocratie républicaine". Voilà le vrai visage du fameux "Liberté, égalité, fraternité" issu de la révolution bourgeoise de 1789 !" (Notre tract du 10 mars : "Les CRS à la Sorbonne : Non à la répression des enfants de la classe ouvrière ! [795]", derrière le sous-titre "L'ordre" des matraques et des grenades lacrymogènes)
"Les étudiants et lycéens qui ont protesté sans violences dans les manifestations le 7 mars et encore le 14 mars ne se battent pas seulement pour eux-mêmes. Ils manifestent massivement pour l'avenir de TOUTE la société, pour toutes les générations, pour les chômeurs et les travailleurs précaires, pour donner une perspective aux jeunes des banlieues et leur permettre de surmonter le désespoir qui les a poussés dans une violence aveugle en novembre dernier. Ils luttent contre la décomposition du tissu social, contre la concurrence de tous contre tous, contre le "chacun pour soi" ! La seule réponse qu'ils ont reçue, c'est la répression de l'État policier de Monsieur Sarkozy ! "L'ordre républicain" que cet État est censé préserver, c'est le "désordre" d'une société qui condamne au chômage, à la précarité et au désespoir des masses croissantes de jeunes qui se décarcassent pour essayer d'avoir une vie décente. C'est l'ordre de l'intimidation et de la matraque ! C'est la provocation des bandes réactionnaires de l'extrême droite auxquelles apportent une contribution involontaire quelques petits groupes d'inconscients qui s'imaginent affaiblir l'État en bombardant les CRS, sous les caméras des médias aux ordres, de canettes de bière ou de barrières métalliques ! Un "ordre" qui trouve un soutien puissant dans la manipulation et le black-out organisés par les médias, notamment par la télévision. Un "ordre" que soutiennent aussi les syndicats de salariés qui refusent de dénoncer les mensonges et les manipulations du journal télévisé, qui refusent, malgré leurs déclarations officielles, de faire des tracts et d'appeler à des assemblées générales massives dans les entreprises pour dire la vérité aux salariés." (Notre tract du 16 mars "Solidarité de tous les travailleurs salariés avec les étudiants et lycéens en lutte contre le CPE ! [796]")
"Celle-ci [la classe ouvrière], dans son combat contre le capitalisme, est contrainte d'employer la violence. Le renversement du capitalisme sera nécessairement une action violente puisque la classe dominante, avec tous les moyens de répression dont elle dispose, défendra bec et ongle son pouvoir et ses privilèges. L'histoire nous a appris, notamment depuis la Commune de Paris de 1871 parmi beaucoup d'autres exemples, à quel point la bourgeoisie est capable de fouler aux pieds ses grands principes de "démocratie" et de "liberté-égalité-fraternité" quand elle se sent menacée : en une semaine (la "semaine sanglante") ce sont 30.000 ouvriers parisiens qui ont été massacrés parce qu'ils avaient tenté de prendre le pouvoir entre leurs mains. Et même dans la défense de ses intérêts immédiats, dans des luttes qui ne menacent pas directement le règne de la bourgeoisie, la classe ouvrière est souvent confrontée à la répression de l'État bourgeois ou des milices patronales, répression à laquelle elle oppose sa propre violence de classe." ("Émeutes dans les banlieues françaises : Face au désespoir, seule la lutte de classe est porteuse d'avenir [797]" dans Révolution Internationale n° 363).
"Pour renverser le capitalisme et construire la véritable communauté humaine mondiale, la classe ouvrière sera obligée, dans le futur, de se défendre aussi par la violence contre la violence de l'État capitaliste et de toutes les forces d'appoint de son appareil répressif. Mais la violence de classe du prolétariat n'a strictement rien à voir avec les méthodes du terrorisme ou des émeutes des banlieues (comme veut le faire croire la propagande bourgeoise pour justifier la poursuite du flicage, de la répression des travailleurs, des étudiants et bien sûr des véritables militants communistes)." ("Salut aux nouvelles générations de la classe ouvrière ! [798]" dans le supplément à Révolution Internationale n° 366.
La FICCI veut nous faire passer pour des auxiliaires de la répression policière. Pour ce faire, elle "cache" nos véritables prises de position en les remplaçant par des (…). Mais ce qu'elle ne réussit pas à cacher, c'est sa volonté de tenter de retourner contre notre organisation l'accusation que nous lui faisons de faire le jeu de la répression policière par ses mouchardages. Et pour étayer notre accusation, nous n'avons pas besoin de cacher quoi que ce soit. Au contraire, nous encourageons les lecteurs à lire attentivement les propres écrits publics de la FICCI, et notamment son Bulletin 14 de même que nos articles à son propos ("Les méthodes policières de la 'FICCI' [305]" dans Révolution Internationale n° 330 et "Les réunions publiques du CCI interdites aux mouchards [799]" dans RI n° 338).
CCI (2 juin 2006)
Le mouvement des étudiants en France contre le CPE est parvenu à faire reculer la bourgeoisie qui a retiré son CPE le 10 avril. Mais si le gouvernement a été obligé de reculer, c’est aussi et surtout parce que les travailleurs se sont mobilisés en solidarité avec les enfants de la classe ouvrière, comme on l’a vu dans les manifestations des 18 mars, 28 mars et 4 avril.
Malgré la "stratégie du pourrissement" décidée par le gouvernement pour faire passer son "Contrat pour se faire entuber" par la force, les étudiants ne se sont pas laissés impressionner par l’ordre de l’intimidation capitaliste, avec ses flics, ses fayots et ses mouchards.
Par leur détermination, leur courage exemplaire, leur sens profond de la solidarité, leur confiance dans la classe ouvrière, les étudiants en lutte (et les lycéens les plus mûrs et conscients) ont réussi à convaincre les travailleurs et à les entraîner dans la rue avec eux. De nombreux salariés de tous les secteurs, du public comme du privé, étaient présents dans les manifestations.
Ce mouvement de solidarité de toute la classe ouvrière a suscité une profonde inquiétude au sein de la bourgeoisie mondiale. C’est pour cela que les médias ont systématiquement déformé la réalité et que la bourgeoisie allemande a été obligée de freiner la mise en application du frère jumeau du CPE en Allemagne. En ce sens, la répercussion internationale de la lutte des étudiants en France est une des plus grandes victoires de ce mouvement.
Les plumitifs les plus médiocres du capital (comme ceux de Libération qui annonçaient dans leur quotidien rose que le "grand soir" des enfants de la "classe moyenne" allait se transformer en "petit matin") peuvent toujours chanter la messe ou La Marseillaise : le combat contre le CPE n’était pas une "fronde" de coupeurs de têtes dirigée par des jacobins des temps modernes, ni une "révolution orange" orchestrée par des fans de chansons "yéyé".
Même si, du fait de leur manque d’expérience, de leur naïveté et de leur méconnaissance de l’histoire du mouvement ouvrier, la grande majorité des étudiants en lutte n’ont pas encore une conscience claire de la portée historique de leur combat, ils ont ouvert les portes de l’avenir. Ils ont repris le flambeau de leurs aînés : ceux qui ont mis fin à la guerre de 1914-18 en développant la solidarité internationale de la classe ouvrière sur les champs de bataille ; ceux qui ont continué à défendre, dans la clandestinité, les principes de l’internationalisme prolétarien pendant le deuxième holocauste mondial ; ceux qui, à partir de mai 68, ont mis fin à la longue période de contre-révolution stalinienne (voir article sur Mai 68) empêchant ainsi le déclenchement d’une troisième guerre mondiale.
Si la bourgeoisie a reculé, c’est aussi pour pouvoir sauver la mise de ses syndicats. La classe dominante (qui a pu bénéficier de la "solidarité" de toute la classe capitaliste des grandes puissances d’Europe et d’Amérique) a fini par comprendre qu’il valait mieux "perdre la face" momentanément plutôt que de plomber son appareil d’encadrement syndical. C’est bien pour sauver les meubles que la cheftaine des patrons, Laurence Parisot (qui, pour la circonstance, a joué brillamment son rôle de "médiateur" et de "partenaire" de la paix sociale) est allée "négocier" avec l’intersyndicale.
Si le gouvernement a fini par céder aux pressions de la rue, c’est parce que, dans la plupart des entreprises, un questionnement s'est fait jour sur l'attitude des syndicats. Ceux-ci n'ont rien fait pour favoriser l'expression de la solidarité des travailleurs avec les étudiants, tout au contraire. Dans la grande majorité des entreprises du public comme du privé, il n’y a eu aucun tract syndical d’appel à la manifestation du 18 mars. Les préavis de grève de la "journée d’action et de mobilisation" du 28 mars et du 4 avril ont été déposés par les directions syndicales à la dernière minute dans la confusion la plus totale. Et si les syndicats ont tout fait pour éviter la tenue d’assemblées générales souveraines, c’est avec l’argument que les salariés n’ont pas "les mêmes méthodes de lutte que les étudiants" (dixit Bernard Thibault, à l'émission Le grand jury de RTL le 26 mars) ! Quant à leur menace de déclencher la "grève générale reconductible" à la fin du mouvement, elle est apparue ouvertement aux yeux d’un grand nombre de travailleurs comme une esbroufe digne du Grand Guignol !
Le seul secteur où les syndicats ont fait un maximum de publicité pour appeler les travailleurs à faire grève lors des journées d’action du 28 mars et du 4 avril, est celui des transports. Mais ces appels à la mobilisation avaient pour seul objectif de saboter le mouvement de solidarité de toute la classe ouvrière contre le CPE. En effet, le blocage total des transports est une manœuvre classique des syndicats (et notamment de la CGT) pour rendre la grève impopulaire et monter les ouvriers les uns contre les autres.. Le fait que les appels syndicaux au blocage des transports aient été peu suivis a permis qu’un maximum de travailleurs puisse se rendre aux manifestations. Il est également révélateur d'une perte de crédit des syndicats dans les entreprises, comme en témoigne encore le fait que, dans les manifestations, un nombre très important de salariés se sont regroupés sur les trottoirs et le plus loin possible des banderoles syndicales.
Et c’est parce que les ouvriers du secteur privé (comme ceux de la SNECMA et de Citroën dans la région parisienne) ont commencé à se mobiliser en solidarité avec les étudiants, contraignant les syndicats "à suivre" pour ne pas perdre le contrôle, que le patronat a fait pression sur le gouvernement pour qu’il recule avant que des grèves spontanées n’éclatent dans des entreprises importantes du secteur privé.
Pour éviter que ses syndicats ne soient complètement discrédités et débordés par un mouvement incontrôlable des salariés, la bourgeoisie française n’avait donc pas d’autre alternative que de voler à la rescousse des syndicats en retirant le CPE le plus vite possible après la manifestation du 4 avril.
Les journalistes les plus intelligents avaient vu juste lorsqu’ils affirmaient à la télé le 7 mars : "il y a des poches de grisou partout" (Nicolas Domenach).
En ce sens, Monsieur Villepin a dit une partie de la vérité lorsqu’il réaffirmait devant les guignols de l’Assemblée Nationale, au lendemain de cette "journée d’action", que sa principale préoccupation, n’est pas la défense de son orgueil personnel, mais "l’intérêt général" (c'est-à-dire du capital national !).
Face à cette situation, les secteurs les moins stupides de la classe dominante ont tiré la sonnette d’alarme en prenant la décision d’annoncer une "sortie rapide" de la crise après la journée d’action du 4 avril où plusieurs millions de manifestants (dont de nombreux travailleurs du secteur privé) sont descendus dans la rue.
Malgré la superbe démonstration de "solidarité" de l’État capitaliste envers ses syndicats, ces derniers ont perdu trop de plumes pour pouvoir mystifier la classe ouvrière avec leurs discours "radicaux". C’est justement pour pouvoir contrôler et quadriller tout le terrain social que, une fois encore, la carte traditionnelle de la "division des syndicats" a été sortie à la fin du mouvement entre les vieilles centrales (CGT, CFDT, FO, CGC, UNEF) et les syndicats "radicaux" SUD et CNT.
Quant à la "coordination nationale", on a pu voir, à la fin du mouvement, de façon très claire que son principal objectif était d’épuiser les étudiants, de les démoraliser et les ridiculiser devant les caméras de télévision (comme cela s’est passé à Lyon le week-end des 8 et 9 avril où, pendant deux jours, les délégués des universités venus de toute la France, ont passé leur temps à voter sur… ce qu’ils doivent voter !)
Quant aux travailleurs salariés qui se sont mobilisés contre le CPE, ils sont appelés maintenant à faire confiance aux syndicats qui sont les seuls à détenir le monopole de la grève (et surtout de la négociation secrète avec le gouvernement, le patronat et le ministère de l’Intérieur).
Dans les AG qui se sont tenues à la rentrée, après les vacances, les étudiants ont fait preuve d’une grande maturité en votant majoritairement pour la levée du blocage et la reprise des cours, tout en manifestant leur volonté de rester soudés pour poursuivre la réflexion sur le formidable mouvement de solidarité qu’ils viennent de vivre. Il est vrai que beaucoup de ceux qui veulent maintenir le blocage des universités éprouvent un sentiment de frustration car le gouvernement n’a fait qu’un petit pas en arrière en reformulant un article de sa loi sur "l’égalité des chances". Mais le principal gain de la lutte se situe sur le plan politique car les étudiants ont réussi à entraîner les travailleurs dans un vaste mouvement de solidarité entre toutes les générations.
De nombreux étudiants favorables à la poursuite du blocage ont la nostalgie de cette mobilisation où "on était tous ensemble, unis et solidaires dans l’action".
Mais l’unité et la solidarité dans la lutte peuvent aussi se construire dans la réflexion collective car dans toutes les universités et les entreprises des liens se sont tissés entre étudiants, entre travailleurs. Les étudiants et les travailleurs les plus conscients savent très bien que "si on reste tout seuls, on va se faire manger tout crus" demain, et cela quelle que soit la couleur du futur gouvernement (n’est-ce pas le ministre socialiste Allègre qui avait mis en avant la nécessité de "dégraisser le mammouth" de l’Éducation Nationale ?).
C’est pour cela que les étudiants, de même que toute la classe ouvrière, doivent comprendre la nécessité de tirer un bilan clair du combat qu’ils viennent de mener contre le CPE autour des questions suivantes : qu’est-ce qui a fait la force de ce mouvement ? Quels ont été les pièges dans lesquels il ne fallait pas tomber ? Pourquoi les syndicats ont-ils autant traîné les pieds et comment ont-ils récupéré le mouvement ? Quel a été le rôle joué par la "coordination" ?
Pour pouvoir mener cette réflexion et préparer les combats futurs, les étudiants et les travailleurs doivent se regrouper pour continuer à réfléchir collectivement, en refusant de se laisser récupérer par ceux qui veulent aller à la soupe et s’installer à Matignon ou à l’Élysée en 2007 (ou tout simplement "faire un score" dans les élections de 2007). Ils ne doivent pas oublier que ceux qui se présentent aujourd’hui comme leurs meilleurs défenseurs ont d’abord tenté de saboter la solidarité de la classe ouvrière en "négociant" dans leur dos la fameuse "stratégie du pourrissement" par la violence (n’est-ce pas l’intersyndicale qui avait conduit à plusieurs reprises les manifestants vers la Sorbonne et a permis ainsi aux bandes de "casseurs" manipulés d’attaquer les étudiants ?).
Le mouvement anti-CPE a révélé le besoin de politisation des jeunes générations de la classe ouvrière face au cynisme de la bourgeoisie et de sa loi sur l’"égalité des chances". Il n’est nul besoin d’étudier Le Capital de Karl Marx pour comprendre que l’"égalité" tout court dans le capitalisme est un miroir aux alouettes. Il faut être complètement idiot pour croire un seul instant que les enfants d’ouvriers au chômage qui vivent dans des cités ghetto peuvent faire des études supérieures à l’ENA ou à Sciences Po. Quant à "l’égalité des chances", l’ensemble de la classe ouvrière sait pertinemment qu’elle n’existe qu’au loto ou au tiercé. C’est pour cela que cette loi scélérate est une grosse "boulette" de la classe dominante : elle ne pouvait être perçue par la jeunesse estudiantine que comme une pure provocation du gouvernement.
La dynamique de politisation des nouvelles générations de prolétaires ne pourra se développer pleinement sans une vision plus globale, historique et internationale des attaques de la bourgeoisie. Et pour pouvoir en finir avec le capitalisme, construire une autre société, les nouvelles générations de la classe ouvrière devront nécessairement se confronter à tous les pièges que les chiens de garde du capital, dans les universités comme dans les entreprises, n’ont pas fini de leur tendre pour saboter leur prise de conscience de la faillite du capitalisme.
L’heure est venue pour que la "boîte à actions-bidon" des syndicats, des anars et des gauchistes se referme afin que s'ouvre à nouveau la "boîtes à idées", que toute la classe ouvrière puisse partout réfléchir et discuter collectivement de l’avenir que le capitalisme promet aux nouvelles générations. Seule cette réflexion peut permettre aux nouvelles générations de reprendre, demain, le chemin de la lutte encore plus forts et plus unis face aux attaques incessantes de la bourgeoisie.
(23 avril 2006)
Pendant des semaines, chaque jour a apporté son lot de révélations nouvelles sur l'affaire Clearstream. Cette hyper-médiatisation outrancière a permis à la classe dominante de masquer que ce nouveau scandale se situait dans la continuité d'une véritable crise politique au sein de la bourgeoisie ouvertement révélée par la lutte contre le CPE. Car l'affaire a éclaté au grand jour dans un contexte bien précis : juste après le recul du gouvernement sur le CPE. En ce sens, si la bourgeoisie a polarisé l'attention sur ce feuilleton, c'est que cela lui a permis de déployer un rideau de fumée pour brouiller les consciences, pour empêcher les prolétaires de tirer les leçons de leur lutte contre le CPE.
Cela démontre une fois de plus quelle est la réelle nature de la "solidarité" de la bourgeoisie. Celle-ci n'a pas cessé de mettre en avant la "solidarité gouvernementale" pendant la lutte anti-CPE. En effet, toute la bourgeoisie, syndicats compris, s'est retrouvée bel et bien unie pour faire face à la classe ouvrière, mais dès que le mouvement est retombé, elle a pu donner libre cours aux règlements de comptes entre ses fractions concurrentes.
Il n'y a rien pour nous surprendre dans l'épisode Clearstream. Cette affaire, comme les autres scandales qui l'ont précédée, est avant tout un révélateur des mœurs de gangsters, des pratiques mafieuses et "barbouzardes" de toute la classe bourgeoise, et d'abord de sa classe politique. Ce n'est nullement un phénomène nouveau : les scandales n'ont cessé d'éclabousser les principaux partis bourgeois en France au cours de ces dernières décennies, à gauche comme à droite. Les hauts cris effarés des partis de gauche ne peuvent faire oublier leurs propres turpitudes. L'affaire Urba mouillait naguère aussi bien le PC que le PS, le scandale du sang contaminé a été couvert pendant des années par les ministres du PS, certains notables sociaux-démocrates sont allés jusqu'à puiser dans la caisse de cotisations des étudiants (la MNEF) ou des retraites de la fonction publique (le CREF). Tous ont trempé dans les financements occultes. Tous les scandales sont le produit de "fuites" plus ou moins savamment orchestrées par un clan contre un autre. Et ce phénomène n'est pas spécifique à la France : la corruption généralisée au sein de l'Etat italien dans les années 1980 avait conduit la classe politique à mener l'opération "mani pulite" (mains propres). Mais cette vaste opération publicitaire "d'assainissement" n'a été que de la poudre aux yeux et une couverture pour poursuivre les mêmes trafics et les mêmes magouilles : elle a permis par exemple l'institutionnalisation du système Berlusconi, mêlant ouvertement ses intérêts privés aux intérêts de l'Etat. Aux Etats-Unis, des scandales financiers à répétition n'ont pas empêché la continuité des liens bien connus des hommes politiques et des dirigeants syndicaux avec la mafia, ni les liens de Bush avec les lobbies.
D'ailleurs, on sait que le point de départ de l'affaire Clearstream est l'enquête sur les pots-de-vin ayant servi de moyen de pression pour permettre la vente des frégates françaises à Taiwan, malgré l'opposition de la Chine. La "banque des banques" Clearstream et une de ses concurrentes, Eurostream représentent à elles seules 40% des transactions financières mondiales alors qu'elles permettent essentiellement de blanchir anonymement l'argent sale et notamment les trafics d'armement ou l'argent de la drogue. Ainsi, la portée internationale de ces réseaux et de ces pratiques ne fait aucun doute. La pourriture généralisée des mœurs de la classe dominante n'est qu'une des expressions de la décadence de ce système.
Cependant, les "bavures" à répétition du clan Chirac discréditent l'Etat français sur la scène internationale, en particulier au sein de l'Europe.
C'est à un autre niveau que l'affaire Clearstream revêt une importance particulière. L'avalanche des coups tordus et les affrontements sans merci entre la bande à Sarkozy et le clan Chirac-de Villepin témoignent de la violence exceptionnelle des règlements de compte entre les hommes et les clans rivaux au sommet de l'Etat.
L'affaire Clearstream constitue une profonde crise politique paralysante dont la bourgeoisie s'inquiète parce qu'elle s'avère de plus en plus incapable d'en maîtriser les conséquences. Le discrédit croissant de l'appareil d'Etat affecte l'ensemble de la classe politique. La bourgeoisie tente toutefois d'utiliser cette crise pour tenter de masquer ses attaques derrière la mise en vedette de l'affaire Clearstream :
Les journaux comme Libération ou Le Monde ont clairement exprimé par rapport aux gesticulations de Villepin envers la Sogerma que le retour de la question sociale au premier plan de l'actualité n'était qu'une opération de diversion par rapport à l'affaire Clearstream alors que la réalité est inverse. Contrairement aux vœux de la bourgeoisie, les prolétaires ne sauraient oublier les attaques du capitalisme et de la bourgeoisie dont ils sont tous les jours les victimes ! Ce qui les préoccupe, c'est précisément leur situation sociale, les fins de mois de plus en plus difficiles, les licenciements, le développement du chômage et de la précarité, leur angoisse pour leur avenir et ceux de leurs enfants.
Cette situation est la même sur toute la planète. Partout, les gouvernements et la bourgeoisie adoptent des mesures similaires, partout les licenciements pleuvent. En Allemagne, Volkswagen a annoncé une réduction d'effectifs de 20 000 salariés et Siemens a décidé de supprimer un millier d'emplois. En Grande-Bretagne ont été annoncés en moins de deux mois près de 60 000 suppressions d'emplois chez les postiers et les fonctionnaires, 10 000 dans les hôpitaux et des dizaines de milliers d'autres dans le secteur privé (notamment 6000 chez le n°1 du câble NTL, 2300 dans le groupe chimique ICI, 2000 à Orange-Wanadoo, 1200 aux magasins Littlewoods, 1100 chez Vauxhall et 2300 à Peugeot). En même temps, le gouvernement Blair vient de lancer une nouvelle attaque féroce contre le régime des retraites. Aux Etats-Unis, 1300 licenciements sont annoncés chez AOL. Whirlpool se prépare à supprimer 4500 emplois aux Etats-Unis, au Canada et au Mexique.
Face à cette situation, on assiste à un véritable partage du travail au sein de la bourgeoisie. Pendant que le gouvernement cogne à tour de bras, les syndicats occupent le terrain social pour saboter et pourrir la riposte des prolétaires. Ainsi, en France, la CFDT et FO encadrent la lutte à la Sogerma, la CFDT est à la pointe des grèves sporadiques dans les bureaux de poste tandis que Sud-Rail a lancé une grève des contrôleurs à la SNCF qui a perturbé le trafic ferroviaire plusieurs jours de suite. La CGT n'est pas en reste et tente de mettre sur pied un encadrement syndical destiné aux travailleurs précaires. Partout les méthodes syndicales sont les mêmes, visant à enfermer et isoler les travailleurs dans le secteur, dans l'entreprise, en les poussant à se battre par catégorie particulière. Leur but est d'émietter, d'éparpiller la colère et la combativité des ouvriers. C'est exactement l'antithèse de ce qu'on fait les étudiants face à l'attaque du CPE. Ces derniers ont constamment affiché leur volonté d'ouvrir leurs AG à tous les travailleurs, ils ont tenté d'aller chercher leur solidarité active et ont multiplié les appels à étendre la lutte. La lutte des étudiants et des lycéens en France trouve aujourd'hui un certain écho en Allemagne : une partie d'entre eux s'est mobilisée contre la hausse des droits d'inscription dans les universités, et une centaine d'étudiants sont allés apporter leur solidarité avec des éboueurs en lutte à Hambourg. En Espagne, ce sont les grévistes de la métallurgie qui ont poussé plus loin les sentiments d'unité et de solidarité de la classe ouvrière en organisant les AG dans la rue (lire notre article en page 5).
La mobilisation contre le CPE a ouvert la voie au mûrissement de la conscience de classe et au surgissement d'autres luttes.
La classe ouvrière n'a rien à attendre du capitalisme. C'est lui qui constitue le véritable scandale permanent de cette société.
W. (25 mai)
"Après
le raz de marée des dernières grandes mobilisations contre le CPE, le millésime
2006 du 1er mai a un peu fait pâle figure. Qu’est-ce que 20.000
manifestants, quand on frôlait les 300.000 le 4 avril ? Et le reste
de la France […] n’a pas fait mieux. Le principal cortège, celui de
Marseille, comptait à peine plus de 5000 personnes. Petite cuvée, donc".
Le contraste fut en effet saisissant. Durant deux mois, les étudiants et les ouvriers se sont rassemblés par centaines de milliers dans les rues, dans une atmosphère combative produisant une effervescence de discussions. Quinze jours après la fin de ce mouvement, la kermesse syndicale du 1er mai a pris un tout autre visage. Tout l’arsenal publicitaire des centrales étaient pourtant bien en place. Des centaines de gros ballons "FO", "CGT", "CFDT", flottaient dans les airs. Aux banderoles corporatistes succédaient d’autres banderoles corporatistes. Mais derrière, personne ou presque, les étudiants, les lycéens, les ouvriers auparavant en lutte, brillant surtout par leur absence. Seuls étaient présents les troupes syndicales, badge à la poitrine. Clairsemées, atomisées, celles-ci défilaient sans entrain, la mine un peu triste. Il ne restait plus rien du grand mouvement contre le CPE ou plutôt que la lie, Bruno Julliard (UNEF) et Karl Stoeckel (UNL).
Alors que les syndicats occupaient la rue, Libération étalait un titre bien plus révélateur qu’il ne l’aurait voulu : "1er mai : le repos des guerriers".
Tout a été fait pour qu’il y ait le moins de monde possible dans la rue en ce 1er mai 2006. Syndicats et médias ont marché main dans la main pour démobiliser, diviser et décourager. Le 30 avril, TF1, France 2, France 3, toutes les chaînes annonçaient au journal télévisé de 20 heures un "petit 1er mai", insistant sur la fatigue des étudiants, l’éparpillement des revendications, la multiplication des cortèges… Il est vrai que cette année, les syndicats ont fait fort dans la division sectorielle et corporatiste. Sous le titre "Un 1er mai presque unitaire" (sic !), un article de Libération dresse un tableau édifiant : "le chacun pour soi traditionnel des directions confédérales", "les grandes confédérations, selon la tradition, n’ont pas lancé d’appel national commun" ou encore "des 1er mai unitaires, il y en a eu très rarement dans l’Histoire". Le message est clair : circulez, y’a rien à voir ! Et au cas où certains ouvriers ou futurs travailleurs n’auraient pas compris qu’ils étaient priés de rester chez eux, les syndicats ont bien pris soin de multiplier les défilés. A Paris, FO a organisé un rassemblement au Père Lachaise, la CFTC a emprunté un autre circuit que le cortège principal, le collectif Euromayday a organisé sa manifestation "spécial précaires", isolant ainsi encore un peu plus les stagiaires, les chômeurs et les sans-papiers. Et le secrétaire de la CFDT, François Chérèque, a carrément participé à la fête du travail le… dimanche ([1] [800]) !
Pourquoi déployer autant d’énergie à maintenir les ouvriers et les étudiants loin de la rue ?
Cette année, le 1er mai avait cette particularité de se dérouler juste après un grand mouvement de la classe ouvrière durant lequel les syndicats furent particulièrement débordés. Or, la "fête du travail" est depuis belle lurette une affaire strictement syndicale. Cette journée leur appartient. En effet, au cours de la première partie du 20e siècle, la bourgeoisie et ses syndicats sont parvenus à dénaturer radicalement ce qui était une journée appartenant dans le passé à la lutte du prolétariat. Initialement la Deuxième Internationale avait décidé de faire du 1er mai une journée de manifestation et d’expression de la solidarité internationale de la classe ouvrière (en référence à la répression sanglante de la grève de Chicago de mai 1886). Et, durant des décennies, ce jour fut réellement un moment de combat et de rassemblement des prolétaires. Mais, comme le drapeau rouge ou le chant de l’Internationale, la bourgeoisie a récupéré ce symbole par l’intermédiaire de ses officines spécialisées en traîtrise et camouflage. C’est ainsi par exemple que René Bélin, un membre de la CGT, secrétaire d’Etat au Travail dans le gouvernement du maréchal Pétain, désigna officiellement le 1er mai comme "la fête du travail". Ce jour ne représentant plus aucun danger pour la bourgeoisie, est devenu un moment d’embrigadement et de dévoiement idéologique. L’Etat français décida même d’en faire un jour férié et payé en mai 1947 afin de drainer le plus grand nombre possible d’ouvriers vers cette véritable opération de publicité pour les syndicats.
Il n’était donc
pas question pour eux que la "fête du travail", "leur
fête", s’inscrive en aucune manière en continuité du mouvement anti-CPE.
Il n’était pas question de se laisser déborder par les étudiants. Les syndicats
n’ont pas oublié que, lors de la manifestation du 7 mars à Paris, les étudiants
voyant les syndicats se mettre à la tête du cortège se sont précipités à
l’avant, parfois en métro, pour reprendre le contrôle et la direction de la lutte. Ainsi, le 1er
mai, quand des étudiants à Montpellier ont essayé effectivement de renouveler
l’expérience et de se positionner en tête du cortège, la réaction fut immédiate
et agressive. Les centrales ont catégoriquement refusé de marcher derrière ces
futurs travailleurs trop autonomes à leur goût, exerçant même une pression
physique pour les faire déguerpir.
C’est justement
pour empêcher les travailleurs et les étudiants de ridiculiser leur "fête
nationale", et pouvoir garder le contrôle de la rue, que les syndicats ont
éparpillé les cortèges afin d’éviter que leur carnaval annuel soit de nouveau
transformé en véritable journée de lutte de la classe ouvrière.
[1] [801] Rappelons que le 1er mai tombait cette année un lundi.
La mobilisation des étudiants contre le CPE a montré qu’il n’y a rien à attendre de la démocratie. Avec elle c’est… "cause toujours".
Le slogan de Raffarin "Ce n’est pas la rue qui gouverne" apparaît, en effet, de plus en plus comme la véritable devise de la République.
Dans la foulée, avec la bouillabaisse Clearstream, c’est toute la puanteur des us et coutumes des nobles représentants de cette même démocratie bourgeoise qui remonte à la surface.
Décidément, voilà des réalités bien crues dont se serait volontiers passé la classe dominante.
Ainsi, l’hebdomadaire Marianne, par la voix de son maître à penser Jean-François Kahn, joue les Cassandre et alerte ses congénères : c’est "la République qui prend tous les coups".
"Trop c’est trop… il faut voler au secours de la démocratie"… et de ses apparences trompeuses. Pour cela, qui d’autre que Marianne en personne, ou plutôt en la personne de son Saint Jean-François Kahn qui ne s’est pas fait prier pour jouer les apôtres de la régénérescence démocratique de la nation.
Dans son édito du n°473 de Marianne, Monsieur Kahn semble poser, de prime abord, une question pour le moins décapante : "Face à la déliquescence de notre démocratie. Rupture ou révolution ?"
Qu’on se rassure tout de suite, le drapeau de Marianne n’a pas changé de couleur, le bleu et le blanc précèdent toujours le rouge. En fait, le citoyen Jean-François Kahn cherche avant tout à capter les interrogations qui commencent à poindre autour de la nature de ce système afin de mieux les enfermer à nouveau dans l’impasse démocratique. Ainsi Monsieur K. appelle solennellement à "la refondation d’un projet révolutionnaire humaniste" dont l’objectif serait "de restaurer la démocratie et de rétablir la république dans notre pays." Le contraire aurait été étonnant !
Ce brave citoyen, qui a visiblement compris que le ridicule n’a jamais tué personne, nous explique que la "révolution", qu’il appelle de ses vœux, pour "une société radicalement neuve" doit se nourrir "de la sève de la continuité nationale". Voilà qui est parfait, du "radicalement neuf" dans "la continuité nationale". Bref, une autre société pourvu que ce soit la même… Merci, Monsieur Kahn !
Le discours est archi connu, c’est celui que nous refourgue depuis quelques années la gauche "alter mondialiste" et qui veut nous faire croire que le meilleur "projet révolutionnaire" pour "réinventer l’avenir", c’est de "réinventer la démocratie " dans le cadre du système capitaliste !
Ce qui est sûr, c’est qu’en fin de compte il s’agit du meilleur projet pour embobiner les ouvriers et les empêcher de remettre en cause l’ordre capitaliste établi.
La démocratie "pure", "authentique", "régénérée" ou "réinventée" n’est qu’une grosse supercherie. Même dans une version produite par Walt Disney, il est hors de question pour la bourgeoisie d’accepter d’obéir à la majorité que compose la masse de ceux qu’elle exploite. Derrière les contes de fées républicains, il y aura toujours la réalité d’un gouvernement de la bourgeoisie, par la bourgeoisie et pour la bourgeoisie. En 1919, Lénine disait déjà que "… la plus démocratique des républiques bourgeoises ne saurait être autre chose qu’une machine à opprimer la classe ouvrière…".
C’est pourquoi, bien loin des projets frelatés de Marianne, seul le renversement de l’Etat capitaliste par la révolution prolétarienne mondiale porte l’avenir, celui de l’émancipation de l’humanité.
Jude (23 mai)
Plus que jamais, le Proche et le Moyen-Orient s’enfoncent dans le chaos et la barbarie, entraînant les populations dans une spirale de misère et d’horreurs sans fin.
En Palestine, avec la suspension par les Etats-Unis, Israël et l'Union européenne du financement de l'Autorité palestinienne après le succès électoral du Hamas, la situation humanitaire se dégrade dangereusement dans la bande de Gaza.
Sur le plan humanitaire et sanitaire, la détérioration de la situation n’a jamais été aussi forte alors que les tensions à l’intérieur de ce vaste camp de concentration que constitue Gaza explosent. Ainsi Gaza n'est plus qu'une vaste prison à ciel ouvert où plus d’un million et demi d'habitants, dont la moitié ont moins de 15 ans, perdent tout espoir, parce que prisonniers d'une absence totale d'ouverture sur l'avenir. "Imaginez un bidonville de 30 kilomètres sur 10 avec l'une des densités démographiques les plus fortes de la planète" (Le Courrier, journal suisse daté du 23 mai). Les bombardements quotidiens le long de la ligne verte séparant Israël de Gaza éprouvent en permanence les nerfs des Palestiniens, avec parfois une explosion toutes les cinq minutes. De plus, le blocus imposé par Israël, en principe mesure politique à l'encontre du Hamas, fait payer le prix fort à la population : Karni, unique point de passage pour les marchandises entre Gaza et Israël, a été fermé soixante jours au cours des trois derniers mois. Par conséquent, non seulement les approvisionnements sont devenus rares et irréguliers mais les prix des denrées de base, lait, pain, poisson, flambent.
Aussi, la "feuille de route" que cherchait à imposer Bush en 2004 est non seulement restée lettre morte mais a été le levier d'une aggravation majeure de la situation dans les territoires occupés, entre Palestiniens et Israéliens, et des tensions entre les fractions palestiniennes. Le Fatah et le Hamas, après des mois de règlements de compte plus ou moins directs, en sont aujourd'hui à l'affrontement armé ouvert et quasi-permanent. Le "dialogue national" qui s’était ouvert entre les deux fractions palestiniennes a débouché sur un regain de violences dans les rues. Aussi, la perspective d'un gouvernement palestinien stable n'est plus qu'un vague souvenir et se trouve rejeté aux calendes grecques. Dans une telle situation, les populations palestiniennes sont prises dans le faux choix de subir passivement les exactions des uns et des autres, ou de s'engager pour l'une ou l'autre des factions en présence, et en définitive d'être toujours le jouet d'enjeux dont elles seront inévitablement les victimes.
De son côté, l'Etat israélien mène une politique de plus en plus violente et agressive à leur égard, multipliant les attaques à l'intérieur des zones palestiniennes et manifestant une agressivité guerrière de plus en plus marquée à l'égard des pays arabes, en particulier de l'Iran. Ce qui ne peut que pousser à son paroxysme le nationalisme palestinien et arabe, ainsi que les sentiments anti-juifs justifiant la recrudescence d'attentats-suicide en Israël.
Cela est d’autant plus vrai que les Etats-Unis sont contraints de soutenir presque inconditionnellement cet allié que représente Israël et sa politique impérialiste de plus en plus brutale, dans le contexte de leur affaiblissement au Moyen-Orient. Cet affaiblissement est particulièrement marqué par l’échec politique de leur offensive en Irak qui n'a fait que plonger ce pays dans une guerre civile totalement incontrôlable.
En Afghanistan, depuis novembre 2001, date à laquelle les Etats-Unis avaient lancé l'opération militaire "Liberté immuable" suite à l'attentat contre les Twin Towers et sous le prétexte de la "lutte contre le terrorisme international", la situation ne cesse de s’aggraver. Le marasme économique et politique qui ne pouvait que résulter de l'après-Etat taliban, avec la constitution d'un gouvernement fait de bric et de broc, assemblage hétéroclite de factions particulièrement arriérées, aux mœurs de gangsters qui se nourrissent essentiellement du commerce et de l'idéologie mafieuse liés au trafic de drogue, a permis aux taliban de regagner petit à petit du terrain, malgré la présence militaire occidentale. C'est pourquoi la bourgeoisie américaine, devant leur agressivité grandissante et en perspective du retrait progressif prévu pour cette année de ses propres troupes, vient de lancer une récente opération de "nettoyage" dans le Sud afghan, nommée "Lion des Montagnes".
A coups d'obus de 30 mm, tirés à la vitesse de 4000 par minute (!) par les avions A-10 Thunderbolt, les opérations commencées depuis mercredi 17 mai ont déjà fait "officiellement" près de 340 morts chez les taliban, et quatre chez les forces de la "coalition internationale" (Etats-Unis, Canada, Grande-Bretagne, France). Cette offensive est une des plus sanglantes, voire la plus meurtrière, depuis l'attaque américaine de novembre 2001. Et, comme à cette époque, les populations civiles ne sont pas épargnées. Ainsi, dans le village d'Azizi, dans la province d'Oruzgan au Sud de l'Afghanistan, les bombardements américains contre les taliban ont fait 30 à 60 morts chez ces derniers mais surtout des dizaines de victimes dans la population civile, au sein de laquelle s'étaient réfugiés les "combattants d'Al Qaïda". La justification de l'état-major américain, par son porte-parole Tom Collins, concernant ce massacre de la population est la suivante : "La vraie raison pour laquelle des civils ont été blessés et tués, c'est parce que les taliban ont décidé en toute connaissance de cause d'occuper les maisons des victimes dans cette zone. Ce sont eux qui n'ont aucune considération pour les civils." "C'est une loi commune en droit international que d'avoir le droit de se défendre. Quand nos troupes sont prises pour cible, elles se défendront." (1). Le colonel Collins précise encore que les forces aériennes ont "utilisé des tirs de précision" sur les habitations, sans savoir "qu'il y avait des civils dans les habitations" (1). A cette déclaration d'un cynisme sans borne en répond une autre, celle du gouverneur de la province de Kandahar, Asadullah Khalid :"Ce genre d'accident arrive durant les combats, surtout quand les taliban se cachent dans des habitations. Je demande vraiment aux gens de ne pas leur donner abri." ([1] [802]) En résumé, les meurtres massifs de populations ne sont que des "accidents" et, en définitive, si on réfléchit bien, de la faute même des civils, puisqu'ils hébergent "volontairement" des combattants.
Le CCI a toujours affirmé que les opérations militaires américaines en Afghanistan et en Irak, particulièrement meurtrières, ne pouvaient avoir pour issue qu'une aggravation du chaos destructeur qui règne au Moyen-Orient comme sur des zones de plus en plus larges de la planète. Ce qui se passe sous nos yeux est un condensé particulièrement expressif de l'avenir que nous offre les grandes puissances et le système capitaliste qu'elles défendent.
Mulan (26 mai)
Les organisations révolutionnaires du prolétariat ont la responsabilité d’intervenir de façon claire et déterminée au sein des luttes de la classe ouvrière. Elles ont la responsabilité de rendre compte dans leur presse de l’intervention qu’elles ont menée. C’est justement parce que le CCI a été capable d’identifier rapidement la nature prolétarienne du mouvement des étudiants contre le CPE, qu’il a pu être partie prenante de ce premier combat mené par les nouvelles générations de la classe ouvrière.
Dès le 7 février, malgré la période des vacances scolaires, nous étions présents dans les manifestations organisées à l’appel des syndicats, à Paris comme en province. Lors de la diffusion de notre presse, de nombreux étudiants et lycéens à la recherche d’une perspective sont venus discuter avec nos militants et ont manifesté un réel intérêt et une réelle sympathie pour nos publications.
Mais c’est surtout à partir du début du mois de mars que nous avons pu être pleinement partie prenante du mouvement contre le CPE. Dès le samedi 4 mars, nos militants sont présents à la réunion de la coordination nationale. La semaine suivante, nous intervenons dans les assemblées générales massives qui se tiennent dans toutes les facs et nous pouvons constater que la question de la recherche de la solidarité se trouve au coeur des discussions.
C’est à partir de cette question de la solidarité (identifiée par le CCI comme étant une des caractéristiques principales de la dynamique actuelle des luttes ouvrières dans tous le pays), que nous sommes intervenus dans le mouvement, à partir du 5 mars en produisant deux tracts et un supplément à notre publication mensuelle ("Salut aux nouvelles générations de la classe ouvrière"). L’ensemble de notre presse a été très largement diffusé dans les universités, sur les lieux de travail et dans les manifestations. Par ailleurs, en France comme dans la plupart des pays où le CCI assure une présence politique, notre organisation a tenu deux réunions publiques : la première visait à combattre le black-out des médias sur la nature et le contenu des débats qui se sont déroulés au sein des assemblées générales ; la seconde, qui s’est tenue à la fin du mouvement, avait pour objectif de tirer les principaux enseignements de cette formidable expérience des jeunes générations afin de dégager des perspectives pour les futurs combats de la classe ouvrière.
Face au black-out et aux manipulations idéologiques ignobles de la classe dominante et de ses médias aux ordres, notre responsabilité première a consisté à combattre la loi du silence et du mensonge. C’est pour cela que nous avons publié immédiatement sur notre site Internet, en treize langues, nos tracts et nos articles afin de rétablir la VERITé face aux fausses informations relayées par la bourgeoisie internationale. Dans tous les pays, la presse, la télévision n’ont cessé de diffuser à profusion les images des affrontements violents entre "casseurs" et CRS. Nulle part, dans aucun pays, il n’a été fait mention des assemblées générales massives, de la richesse des débats qui s’y déroulaient, de la recherche permanente de la solidarité. Les "bloqueurs" étaient présentés la plupart du temps comme des preneurs d’otages, des "casseurs".
La propagande internationale de la bourgeoisie "démocratique" s’est encore vautrée dans le mensonge, la falsification, la désinformation, l’intoxication des consciences. On se serait cru au temps de la révolution russe de 1917, lorsque les bolcheviks étaient représentés avec un couteau entre les dents.
C’est en grande partie grâce à la presse des véritables organisations révolutionnaires, et notamment celle du CCI, que le prolétariat dans de nombreux pays a pu découvrir la vérité. Les prolétaires, en France comme dans les autres pays ont pu ainsi témoigner leur solidarité aux étudiants en lutte autour desquels la bourgeoisie internationale a tenté d’établir un "cordon sanitaire" afin de les isoler, les conduire à la défaite et les livrer pieds et poings liés à la répression. En menant un combat déterminé contre le black-out des médias, en appelant à la solidarité avec les enfants de la classe ouvrière, notre organisation a rempli pleinement ses responsabilités (n’en déplaise à nos détracteurs de tout poil).
Grâce à l’esprit d’ouverture des étudiants, à leur initiative ingénieuse d’ouvrir une "boîte à idées" où toute la classe ouvrière pouvait déposer des propositions, les militants du CCI ont pu intervenir directement dans les AG, d’abord à Paris (notamment dans les facultés de Censier, Jussieu et Tolbiac), puis dans les autres universités de province. Dès que nous nous sommes présentés à la porte des amphithéâtres en tant que travailleurs (salariés ou retraités) et parents d’étudiants en lutte venus apporter notre solidarité au mouvement, nous avons été accueillis avec enthousiasme et à bras ouverts. Ce sont les étudiants eux-mêmes qui nous ont proposé de prendre la parole dans les AG, de leur apporter notre expérience en tant que travailleurs et bien sûr de leur apporter des "idées". Dans toutes les universités où nous avons pu prendre la parole devant des assemblées de plusieurs centaines d’étudiants, les motions et propositions concrètes de marche que nous avons mises en avant ont été reçues avec un grand intérêt et ont été soumises au vote et adoptées. Ainsi, par exemple, le 15 mars à la faculté de Censier, l’un de nos camarades a proposé une motion qui a été saluée et adoptée à la majorité. Cette motion appelait les étudiants réunis en AG à prendre immédiatement en charge l’extension directe de la lutte aux salariés. Elle proposait qu’un tract soit diffusé massivement notamment dans les gares des banlieues parisiennes. Dans les universités de province (notamment à Toulouse et Tours), c’est dans le même sens que nos camarades sont intervenus, en proposant que soient organisées des manifestations vers les entreprises, les administrations et les hôpitaux et que, dans ces manifestations, soient distribués des tracts appelant les salariés à se joindre à la lutte des étudiants.
Jamais depuis Mai 68, nos interventions dans des assemblées générales n’avaient eu un tel écho. Dans toutes les AG où nous sommes intervenus, les propositions concrètes que nous avons faites en vue de l’extension du mouvement aux salariés ont été reprises par les étudiants et mises en application (même si les saboteurs syndicaux et gauchistes ont développé toutes sortes de manœuvres soit pour récupérer nos motions afin de coller au mouvement et en garder le contrôle, soit pour les faire "discrètement" disparaître après les AG en les noyant dans une multitudes de propositions "d’actions" ponctuelles).
Néanmoins, les étudiants sont parvenus en partie à déjouer ces manœuvres. Les "idées" que le CCI a toujours mises en avant dans les luttes ouvrières depuis plus d’un quart de siècle, ont été mises en pratique par les étudiants : ils sont allés chercher la solidarité active des travailleurs en diffusant des tracts d’appel à la solidarité, et en envoyant des délégations massives vers les entreprises les plus proches (notamment dans les gares comme ce fut le cas à Rennes, à Aix ou à Paris). Partout les étudiants ont compris très vite que "si on reste isolés, on va se faire manger tout cru" (selon l’expression d’un étudiant de Paris-Censier). C’est grâce à cette dynamique d’extension du mouvement à l’ensemble de la classe ouvrière, une dynamique née de l’ouverture des assemblées générales, que le mouvement a pu faire reculer la bourgeoisie.
Parmi les propositions que nous avons faites, celle consistant à organiser des AG communes entre étudiants et personnels des universités en grève, a également été retenue (notamment à Paris-Censier). Néanmoins, la faible mobilisation des travailleurs du secteur de l’éducation nationale (qui ne se sont pas encore relevés de la défaite qu’ils ont subie au printemps 2003) ne leur a pas permis de surmonter leurs hésitations. Les salariés de ce secteur n’ont pas été en mesure de se joindre massivement aux étudiants et de se porter à l’avant-garde du mouvement. Dans les AG, seule une toute petite minorité d’enseignants ont pris la parole pour soutenir les étudiants en lutte. Et il faut reconnaître que là où nous avons pu intervenir en fonction de nos forces réduites, les enseignants les plus courageux, les plus solidaires des étudiants et les plus convaincus de la nécessité d’élargir immédiatement la lutte aux salariés de toutes les entreprises (sans attendre les directives des syndicats) étaient essentiellement des militants du CCI. ([1] [804])
Bien évidemment, dès que nos propositions ont commencé à emporter la majorité, et que nos camarades ont été identifiés comme militants du CCI, les syndicats et les gauchistes ont immédiatement fait circuler toutes sortes de rumeurs afin d’inoculer le poison de la méfiance, reprendre le contrôle de la situation dans les facs et surtout empêcher les éléments à la recherche d’une perspective révolutionnaire de se rapprocher des positions du courant de la Gauche communiste. ([2] [805])
Dans les universités où nos militants se sont présentés d’emblée comme membres du CCI, nous avons pu assister à une manœuvre classique de sabotage de l’ouverture des AG aux "éléments extérieurs". Ainsi à la faculté de Toulouse-Rangueil (où s’est constituée la "coordination nationale"), nos camarades qui se sont présentés à la porte des AG, au début du mouvement, comme militants du CCI ont été interdits de parole par le présidium contrôlé par les trotskistes de la Jeunesse Communiste Révolutionnaire (organisation de jeunesse de la LCR de Krivine et Besancenot).
Par contre à la faculté du Mirail, les interventions de l’un de nos camarades enseignant dans cette université ont été accueillies avec beaucoup d’enthousiasme. A la demande des étudiants, il a pu faire un exposé sur le mouvement de mai 68 et leur transmettre ainsi notre analyse sur la signification historique de ce mouvement.
Nous sommes également intervenus à plusieurs reprises aux réunions de la "coordination nationale". Le 4 mars, le CCI était allé à l’entrée de la réunion de la "coordination" qui s’est tenue à Paris pour y diffuser sa presse (laquelle a été très bien accueillie par un grand nombre d’étudiants) et tenter d’intervenir au sein de l’assemblée. Après deux heures de débats, l’ AG a fini par voter le principe de laisser entrer dans la salle les "observateurs extérieurs" mais sans droit de parole.
Néanmoins face aux manœuvres politiciennes visant à verrouiller les AG et nous interdire la parole, de nombreuses discussions ont eu lieu parmi les étudiants. Ce sont essentiellement les étudiants non syndiqués et n’appartenant à aucune organisation politique qui ont été les plus déterminés à déjouer les manoeuvres de sabotage de l’UNEF et des gauchistes. A la faculté de Paris-Censier, les étudiants ont décidé de donner la parole aux "éléments extérieurs", et d’ouvrir les AG aux travailleurs venus apporter leur solidarité au mouvement.
C’est ainsi que nos camarades, parents d’étudiants en lutte, ont pu intervenir le 8 mars à la réunion de la "coordination francilienne" pour y défendre la nécessité d’élargir la lutte en allant chercher la solidarité des travailleurs dans les entreprises (notamment celles du secteur public tels la SNCF, les hôpitaux ou la Poste).
A la fin du mouvement, nous avons pu voir les manœuvres des politicards de la "coordination" (noyautée par toute la "gauche plurielle", du PS aux trotskistes, et qui considère les étudiants comme du gibier et les universités comme un terrain de chasse !) saboter cette dynamique d’ouverture lors de la réunion de la "coordination nationale" qui s’est tenue à Lyon, à la veille du retrait officiel du CPE, les 8 et 9 avril. Ne pouvant empêcher les militants du CCI d’entrer dans la salle sous peine de se discréditer complètement aux yeux des étudiants, les "dirigeants" de la "coordination" ont réussi à faire voter de nouveau le refus du droit de parole aux… "observateurs extérieurs" ! Cette assemblée des délégués des universités (qui, pour la plupart, étaient venus sans aucun mandat clair de leur fac) a été un véritable fiasco : pendant deux jours, les spécialistes du sabotage ont passé leur temps à faire voter les délégations d’étudiants sur comment et sur quoi ils devaient voter ! Beaucoup d’étudiants sont sortis écoeurés de cette réunion de la "coordination nationale" et se sont de nouveau tournés vers les orientations que nous avons mises en avant dans les AG : ils ont fait preuve d’une grande maturité, d’un courage et d’une intelligence remarquables en votant majoritairement la levée du blocage des facs, après le retrait du CPE, afin de ne pas tomber dans le piège des "actions-commando" jusqu’au-boutistes et du pourrissement du mouvement par la violence.
Comme nous l’avons toujours mis en évidence, la presse est le principal outil de notre intervention au sein de la classe ouvrière. C’est essentiellement dans les manifestations que nous avons pu diffuser massivement nos publications (plusieurs milliers d’exemplaires).
Le CCI a été présent à toutes les manifestations depuis celle du 7 février à Paris, Toulouse, Tours, Lyon, Marseille, Lille, Grenoble. Nos tracts tout comme notre journal et notre supplément ont été accueillis très chaleureusement par de nombreux étudiants, lycéens, travailleurs et retraités.
Lors de la manifestation du 18 mars, de nombreux groupes d’étudiants sont venus à notre table de presse nous témoigner leur sympathie. Certains nous ont demandé s’ils pouvaient coller nos tracts sur les abris d’autobus. D’autres nous ont pris des petits paquets de tracts qu’ils voulaient distribuer autour d’eux. D’autres ont tenu à prendre des photos ou à filmer nos publications. Un petit groupe d’étudiants nous ont a même dit : "quand on voit vos publications dans toutes ces langues, c’est formidable ; c’est évident que vous êtes les seuls vrais internationalistes". D’autres encore sont venus à plusieurs reprises nous remercier pour le soutien que le CCI a apporté aux étudiants "en faisant connaître notre mouvement, nos AG, dans les autres pays" face aux mensonges colportés par les médias. C’est justement à cause de la sympathie évidente que nous ont témoigné un grand nombre d’étudiants que les bonzes staliniens et les services d’ordre des syndicats n’ont pas osé nous agresser ouvertement comme ce fut le cas lors de la manifestation du 7 mars.
Jamais, de toute l’histoire du CCI, notre intervention n’avait eu un tel impact dans un mouvement de la classe ouvrière. Jamais nous n’avions eu autant de discussions avec autant de manifestants de toutes les générations, et notamment parmi les jeunes générations à la recherche d’une perspective historique.
De toute évidence, au sein de ces manifestations, la presse du CCI a constitué un véritable pôle de référence, au milieu d’une kyrielle de tracts de groupuscules (gauchistes et anarchoïdes) plus "radicaux" les uns que les autres, et qui ont poussé comme des champignons sur le macadam de la capitale comme dans la plupart des grandes villes de province.
La sympathie que nous ont témoigné un grand nombre d’étudiants et de travailleurs qui se sont mobilisés dans les manifestations est pour nous un encouragement à poursuivre notre activité avec la plus grande détermination. Et si, aujourd’hui, nous pouvons tirer un bilan très positif de l’écho de notre intervention dans le mouvement contre le CPE, ce n’est nullement pour nous envoyer des fleurs. C’est parce que l’ouverture des nouvelles générations aux idées révolutionnaires est révélatrice de la maturation de la conscience au sein de la classe ouvrière.
De la même façon que notre intervention a contribué à renforcer la confiance des jeunes générations en leurs propres forces, l’enthousiasme qu’elle a suscité ne peut que contribuer à renforcer encore notre confiance dans les potentialités historiques de la classe ouvrière.
Malgré les illusions démocratiques, syndicalistes et réformistes qui pèsent encore d’un poids très lourd sur la conscience des jeunes générations, leur esprit d’ouverture aux idées révolutionnaires, leur volonté de poursuivre la réflexion et le débat sont un révélateur de la grande maturité et de la profondeur de ce mouvement. C’est de la capacité des révolutionnaires à faire mûrir cette réflexion que dépendra l’avenir de la société humaine.
Sofiane
[1] [806] En effet, nous avons pu constater de visu que la grande majorité des professeurs des universités dans lesquelles nous sommes intervenus (à Paris comme en province) ont brillé par leur silence au sein des AG d’étudiants. Certains se sont même opposés ouvertement au mouvement comme à la faculté des Sciences "humaines" (sic !) cliniques de Paris 7-Jussieu (parfois en n’ayant aucun scrupule à faire usage de la violence physique contre les étudiants "bloqueurs"). Dans d’autres universités, ces idéologues patentés de l’Etat démocratique bourgeois ont fait mine de "soutenir" le mouvement en parole, pour mieux l’empoisonner en faisant passer l’idéologie réformiste de la gauche "plurielle". En réalité, un grand nombre de professeurs de l’enseignement "supérieur" ont révélé, par leur positionnement dans le mouvement, leur appartenance non pas à la classe ouvrière mais à une classe sans devenir historique : l’ "intelligentsia" de la petite-bourgeoisie (et dont la principale fonction politique est la transmission de l’idéologie de la classe dominante dans les universités). Tous ces fayots aux idées courtes ont contribué à inoculer les "valeurs" démocratiques, "citoyennes" et syndicalistes de notre belle république bananière quand ils n’ont pas exécuté béatement les ordres de Monsieur Gilles De Robien (dont on a pu voir à la télé la grossière mise en scène consistant à exhiber des livres soi-disant déchirés par les étudiants à la Sorbonne !) : flicage, délation des grévistes, et bien sûr sanction aux examens contre les "agitateurs".
[2] [807] Vers la fin du mouvement, un certain nombre d’étudiants des facs les plus en pointe (comme celle de Censier) et qui étaient les plus favorables à nos interventions, ont brusquement fait un pas en arrière : "Ce que vous dites, c’est bien mais nous, on ne veut pas faire la révolution, on veut seulement le retrait du CPE". "Vous êtes trop critiques avec les syndicats. On ne peut pas lutter sans les syndicats". Ou encore : « on ne veut pas se faire récupérer par des organisations politiques. Notre mouvement doit être a-politique".
Dans le "grand manuel d’Histoire" de la bourgeoisie, le mois de juin 1936 est figé comme un mythe.
A l’entendre, ce fût le mois "des acquis mémorables", "des accords de légende" négociés par le non moins légendaire Front Populaire ([1] [808]) au pouvoir depuis le 5 juin.
Alors que la crise économique ravage le monde depuis 1929, jetant des millions d’ouvriers sur le pavé, et que les puissances impérialistes préparent leurs armes en vue de la Seconde Guerre mondiale qui s’annonce, la France aurait goûté, pendant ce temps, au "Jardin des Délices" avec la semaine de 40 heures, le temps libre, les congés payés et de meilleurs salaires. Et tout ça grâce à la volonté du Front Populaire "de donner du pain aux travailleurs, du travail à la jeunesse et la paix au monde".
Bien souvent, les leçons d’histoire de la classe dominante se révèlent être de grossiers mensonges… Juin 1936 n’échappe pas à la règle.
Derrière le slogan "Du pain, la paix, la liberté", la classe ouvrière en France apprendra dans sa chair que le seul et unique programme du Front Populaire sera "de la sueur, du sang et des larmes".
Après l’échec de la vague révolutionnaire de 1917-1923 (premier assaut d’ampleur international qui avait précipité la fin de la Grande Guerre), le prolétariat se retrouve mondialement défait et affaibli au point de laisser les mains libres à la bourgeoisie pour la préparation d’une seconde boucherie internationale, décidément seul avenir que le capitalisme en faillite soit capable de réserver à l’humanité.
Néanmoins, l’aggravation de l’exploitation, provoquée par la crise et le développement de l’économie de guerre des années 1930, ne laisse pas la classe ouvrière sans réaction. En effet, au printemps 1936, une vague de grèves massives et spontanées explose en France. Pour la bourgeoisie, c’est un caillou au fond de sa botte qui gêne sa marche à la guerre. Il faut le pulvériser et c’est au Front Populaire que la classe dominante fera appel pour accomplir cette tâche.
C’est à partir du 7 mai 1936 qu’une série de grèves déferle sur la France, en commençant par le secteur aéronautique au Havre, à Toulouse et Courbevoie. Comme le fait remarquer Bilan (revue de la Fraction italienne de la Gauche communiste dans les années 1930) : "Ce n’est pas par hasard si ces grandes grèves se déclenchent dans l’industrie métallurgique en débutant par les usines d’avions […] c’est qu’il s’agit de secteurs qui travaillent aujourd’hui à plein rendement, du fait de la politique de réarmement suivie dans tous les pays. Ce fait ressenti par les ouvriers fait qu’ils ont dû déclencher leur mouvement pour diminuer le rythme abrutissant de la chaîne (…)"
Au fils des semaines, ces grèves que l’on dit "sur le tas", sous forme d'occupations d'usine, prennent un caractère de plus en plus massif. Le 28 mai, 35 000 ouvriers des usines Renault Billancourt cessent le travail et 100 000 métallos réclament l’augmentation des salaires et l’amélioration des conditions de travail.
Contrairement à ce que pense Trotsky, à l’époque, ce n’est pas la révolution qui commence en France. Le prolétariat étant brisé mondialement, la perspective qui domine est bien celle de son embrigadement vers la guerre. Comme l’écrit Bilan dans son article "Sous le signe du 14 juillet" en 1935 : "(…) on peut affirmer que pas plus en France qu’en Allemagne ne subsiste une classe prolétarienne luttant pour ses objectifs historiques propres. A ce sujet le 14 juillet [1935] marque un moment décisif dans le processus de désagrégation du prolétariat et dans la reconstitution de l’unité sacro-sainte de la Nation capitaliste…ce fut le triomphe du républicanisme intégral…". Les grèves de 1936 sont par conséquent les ultimes soubresauts d’une des dernières poche de résistance de la classe ouvrière avant l’embrigadement total vers la guerre.
Cela étant dit, la situation reste évidemment préoccupante pour la bourgeoisie française qui, au même titre que les autres nations, a besoin du maximum d’ordre et de discipline pour conduire l’ensemble de la société (et en premier lieu la classe chargée de produire) à tendre toutes ses forces et à consentir tous les sacrifices pour l’effort de guerre.
La classe dominante n’aura donc d’autre recours que de confier, le 5 juin, les rênes du pouvoir à l’union des partis de gauche, qui formera un gouvernement de Front Populaire dirigé par Léon Blum, afin d’en finir avec le mouvement de grèves qui paralyse le pays et ses préparatifs guerriers. L’inquiétude est telle que le président Lebrun supplie Blum de lancer un appel aux ouvriers par radio : "Dites leur que le Parlement va se réunir, que, dès qu’il sera réuni, vous allez lui demander le vote rapide et sans délai des lois (sociales)… ils vous croiront …et alors, peut-être le mouvement s’arrêtera-t-il ?".
C’est dans cette perspective que sont signés le 7 juin les "mémorables" accords de Matignon entre la Confédération Générale du patronat français (CGPF), la CGT et le gouvernement Blum. Il va sans dire que ces accords seront entérinés sans broncher et sans délai par le patronat, l’Assemblée Nationale et le Sénat.
Parmi les mesures adoptées, on retient l’augmentation des salaires de "15% pour les salaires les moins élevés pour arriver à 7% pour les plus élevés", sous condition bien entendu (puisque c’est là l’objectif des accords) "de la reprise du travail".
Mais cela ne suffit pas. Les ouvriers, moins impressionnés par ces accords que les journaux "de gauche" criant à la victoire et au triomphe, tardent à reprendre le travail. Mieux, le mouvement prend de l’ampleur comme dans la région lyonnaise où le nombre de grévistes passe de 7000 à 20 000. Malgré le célèbre "Il faut savoir terminer une grève dès que satisfaction a été obtenue. Il faut même savoir consentir au compromis si toutes les revendications n’ont pas encore été acceptées…" lancé le 11 juin par le dirigeant stalinien Maurice Thorez, et qui sera repris dès lors dans tous les discours des staliniens et des syndicats, la France compte 2 millions d’ouvriers en grève.
Pour parvenir enfin à la reprise du travail, le Front Populaire décide donc d’en remettre un couche par l’adoption complémentaire des fameuses lois sociales des 20 et 21 juin, à savoir : les 40 heures ("…la durée du travail effectif des ouvriers et employés de l’un et l’autre sexe et de tout âge ne peut excéder 40 heures par semaine.") sans réduction de salaire et 15 jours de congés payés "pour tous les travailleurs".
Devant ce qui apparaît comme une avancée sociale considérable, la lutte s’effrite puis s’arrête.
Les lois sociales de 1936 auront bel et bien permis de briser les grèves de mai-juin et de remettre les ouvriers sous la pression des impératifs de production pour la défense nationale. Mais elles avaient une autre vertu, tout aussi importante dans la perspective bourgeoise de 1939. Sous l’apparence de "concessions" à la classe ouvrière, la bourgeoisie faisait passer des mesures essentielles pour conditionner les travailleurs et leur faire accepter une intensification sans précédent des cadences de production via l’introduction de nouvelles méthodes d’organisation du travail destinées à décupler les rendements horaires si nécessaire pour faire tourner à plein régime l’industrie d’armement. Ce sera la généralisation du taylorisme, du travail à la chaîne et de la dictature du chronomètre à l’usine.
De l’aveu même de l’historien bourgeois Antoine Prost : "Ce qui frappe le plus dans l’épisode du Front Populaire, c’est l’adéquation des conquêtes ouvrières à la situation économique et sociale (…) Les 40 heures et les congés payés répondent à la surexploitation entraînée par la crise économique dans des entreprises en voie de rationalisation…".
Un aveu encore plus retentissant sera celui de Léon Blum en personne, qui déchirera le voile "social" posé sur les lois de 1936 à l’occasion du procès organisé par le régime de Vichy à Riom en 1942 cherchant à faire du Front Populaire et des 40 heures, les responsables de la lourde défaite de 1940 suite à l’assaut de l’armée nazi.
Blum défendra magistralement son honneur bafoué de patriote lors de l’audience du 10 mars : "Le rendement horaire, de quoi est-il fonction ? (…) il dépend de la bonne coordination et de la bonne adaptation des mouvements de l’ouvrier à sa machine ; il dépend aussi de la condition morale et physique de l’ouvrier."
Il y a toute une école en Amérique, l’école Taylor, l’école des ingénieurs Bedeau, que vous voyez se promener dans des inspections, qui ont poussé très loin l’étude des méthodes d’organisation matérielle conduisant au maximum de rendement horaire de la machine, ce qui est précisément leur objectif. Mais il y a aussi l’école Gilbreth qui a étudié et recherché les données les plus favorables dans les conditions physiques de l’ouvrier pour que ce rendement soit obtenu. La donnée essentielle c’est que la fatigue de l’ouvrier soit limitée…
Ne croyez-vous pas que cette condition morale et physique de l’ouvrier, toute notre législation sociale était de nature à l’améliorer : la journée plus courte, les loisirs, les congés payés, le sentiment d’une dignité, d’une égalité conquise, tout cela était, devait être, un des éléments qui peuvent porter au maximum le rendement horaire tiré de la machine par l'ouvrier."
Voilà "l’homme de 36" qui nous explique par A+B comment et pourquoi les mesures "sociales" de son gouvernement furent un passage obligé pour adapter et façonner les prolétaires aux nouvelles méthodes infernales de production visant l’armement rapide de la nation avant que ne tombent les premières déclarations de guerre officielles. D’ailleurs, il est à noter que les fameux congés payés, sous une forme ou sous une autre, ont été accordés à la même époque dans la plupart des pays développés s’acheminant vers la guerre et imposant de ce fait à leurs ouvriers les mêmes cadences de production.
L’acte d’accusation du Maréchal Pétain dénonçant "l’esprit de jouissance" qui l’aurait "emporté sur l’esprit de sacrifice" tombe en miette avec le verdict de la Cour de Riom obligée de reconnaître que le cabinet Blum avait plus fait que ses prédécesseurs pour la défense nationale en créant les conditions économiques et sociales adéquates. Et le résultat parle de lui-même puisque de 1936 à 1937, on note un accroissement de 30% du potentiel militaire français dans l’armée de l’air, la flotte et la production de blindés.
On peut dire que si la Seconde Guerre mondiale se prépare dans les meilleurs conditions, à savoir la mise au pas des prolétaires, c’est grâce à la gauche flanquée de ses gardes-chiourme syndicaux. En effet, c’est la CGT qui aura prêché sans cesse l’ordre, la sagesse et l’esprit de conciliation aux ouvriers en lutte en 1936, non seulement pour qu’ils se remettent à produire des blindés mais aussi pour leur faire accepter la nouvelle organisation du travail permettant une exploitation totale et forcenée de leurs muscles ainsi dévorés par la production militaire.
Léon Jouhaux, socialiste et dirigeant syndical, nous explique cela en ces termes : "…les organisations ouvrières [syndicats] veulent la paix sociale. Tout d’abord pour ne pas gêner le gouvernement de Front Populaire et pour, par la suite, ne pas freiner le réarmement." Il est donc tout à fait naturel que les accords de Matignon aient aussi cherché à renforcer l’emprise des syndicats sur les ouvriers via leur plus large implantation dans les usines. Ainsi l’article 3 précise que "les employeurs reconnaissent la liberté ainsi que les droits des travailleurs d’adhérer librement et d’appartenir à un syndicat professionnel…". En fait, quand la bourgeoisie prépare la guerre, l’Etat se voit contraint de contrôler l’ensemble de la société pour orienter toutes ses énergies vers la macabre perspective. Et, dans l’usine, il se trouve que c’est le syndicat qui est le mieux à même de permettre à l’Etat de développer sa présence policière. Voilà encore un autre des merveilleux acquis de 1936 !
Une fois la fin des grèves obtenue et l’installation durable d’un rendement horaire maximum de l’exploitation de la force de travail, il ne restait plus au gouvernement de Front Populaire qu’à passer à la reconquête du "terrain concédé" en augmentant le nombre d’heure de travail en priorité, cela va de soi, dans tous les secteurs clés de l’économie de guerre. C’est comme cela que la boucle est bouclée !
Alors que la hausse des salaires est très rapidement annulée par la hausse encore plus importante des prix (augmentation de 54% des prix des produits alimentaires entre 1936 et 1938), les dérogations à la loi des 40 heures tombent en cascade, un an après les accords de Matignon.
Ainsi, l’arrêté du 29 juillet 1937 autorise les heures supplémentaires "dans les secteurs essentiels de la vie économique" comme les mines de fer et de charbon. Dans la même veine, le comité d’enquête sur la production, composé de la CGT et de la CGPF (ancêtre de l'actuel Medef), obtient le 24 août 1937 des assouplissements et dérogations supplémentaires "pour les industries intéressant la défense nationale".
Dans la continuité du Front Populaire, le gouvernement Radical de Daladier, en 1938, poursuivra la série de décrets-lois anti-ouvriers avec la suppression des majorations pour les 250 premières heures de travail supplémentaire, l’annulation des dispositions des conventions collectives interdisant le travail aux pièces et l’application de sanctions pour tout refus d’effectuer des heures supplémentaires pour la défense nationale. Quant aux congés payés, ils seront dévorés en une bouchée puisque sur proposition du patronat, appuyé par le gouvernement Blum et relayé par les syndicats, les fêtes de Noël et du Premier de l’An seront à récupérer. Une mesure qui s’appliquera ensuite à toutes les fêtes légales soit 80 heures de travail supplémentaire ce qui correspond exactement aux 2 semaines de congés payés.
Les ouvriers, notamment ceux du nord de la région parisienne déclencheront des grèves de protestations contre des conditions de travail devenues plus abominables qu’elles ne l’étaient déjà avant les "lois sociales". Mais l’encadrement syndical et les mystifications drainées par la gauche font que la mobilisation n’est plus la même qu’au printemps 1936. La classe dominante peut lâcher ses chiens : 1500 policiers attaquent l’usine Renault le 23 novembre 1938. Des centaines d’ouvriers seront blessés et 300 en état d’arrestation. La classe ouvrière est alors sous le talon de fer de la bourgeoisie.
Finalement, le seul est unique bénéficiaire des accords de Matignon et des lois sociales n’est autre que le capital national et ses préparatifs guerriers.
C’est pourquoi, le 70e anniversaire du Front Populaire, fêté en ces mois de mai-juin 2006, comme les précédents, est avant tout l’anniversaire de la guerre, de la victoire de la bourgeoisie sur le prolétariat international, de son intégration à l’économie de guerre et de l’hégémonie de l’idéologie nationaliste.
En 1968, la reprise des luttes de la classe ouvrière marquera le réveil de cette longue nuit contre-révolutionnaire entamée à la fin des années 1920. Certes, nous ne sommes plus aujourd’hui dans le brouillard des années 1930. Cela étant, les nouvelles générations de prolétaires doivent se réapproprier de telles leçons, si chèrement payées par le passé. C’est la condition sine qua non pour comprendre la véritable nature de la gauche du capital, des syndicats et tous leurs pièges et ainsi mener jusqu’à son terme la future révolution prolétarienne.
Azel (14 mai 2006)
[1] [809]Union des partis de gauche décidée en 1935 entre la SFIO (ancêtre du PS), le Parti Radical et le PCF pour diffuser le plus largement possible l’idéologie anti-fasciste et patriotique dans les rangs ouvriers. Lors de la prise de pouvoir du Front Populaire, en 1936, le PCF choisira de ne pas entrer dans la composition du gouvernement mais restera son plus solide pilier en jouant le rôle, selon son expression, de "ministre des masses".
La prétendue Fraction Interne du CCI (FICCI) a publié le 20 mai sur son site Internet un communiqué intitulé "Une nouvelle agression violente du CCI contre nos militants" qui illustre une fois encore à quel point le mensonge et la calomnie constituent le seul fond de commerce de cette petite bande de voyous et de mouchards. Que dit ce communiqué ?
"Ce samedi 20 mai, trois militants de notre Fraction étaient chargés de diffuser un tract à la porte du lieu où se tient la Réunion "publique" du CCI.
A nouveau, une milice de ce groupe - qui nous a exclus en 2001 - attendait fermement nos camarades pour leur interdire le passage sur la voie publique.
A nouveau, nos camarades ont subi une lâche agression physique ; et celle-ci était d'autant plus violente qu'ils n'ont pas voulu "obtempérer", qu'ils ont cherché à se défendre.
Rappelons que nos militants étaient au nombre de 3 (dont une femme) et qu'ils avaient à faire face à 6 ou 7 "courageux" gros bras.
Si ces miliciens décérébrés ont cessé de les malmener et si nos camarades n'en sont sortis qu'avec quelques "bleus", c'est uniquement dû à l'intervention de plusieurs personnes, dans la rue, venues à leur rescousse.
Nous condamnons, une fois de plus et de la façon la plus ferme, ces pratiques qui n'ont rien à voir avec le prolétariat, mais beaucoup avec le stalinisme de sinistre mémoire. Quand on refuse le débat politique, quand on se soustrait à la confrontation des positions, la logique des faits ne peut que vous amener à vous donner les moyens de faire taire les voies dissonantes. Le CCI en est là, aujourd'hui."
Nous l'affirmons tout net : cette version des faits, encore une fois, est un tissu de mensonges !
Dans notre article "Calomnie et mouchardage, les deux mamelles de la politique de la FICCI envers le CCI [810]" nous avions remis les pendules à l'heure par rapport à un autre communiqué similaire de la FICCI datant du 11 mars et intitulé "Communiqué de la 'Fraction Interne du CCI' à tous les groupes et militants se revendiquant de la Gauche communiste : Cette fois, ça y est ! Ils ont physiquement agressé et frappé nos militants !" Dans notre texte, nous dénoncions les mensonges de la FICCI nous accusant d'avoir "frappé à plusieurs reprises" et "continué à cogner" ses membres et nous précisions : "En ce sens, nous pouvons rassurer la personne qui signe "Bm" et qui a envoyé un message à la FICCI déclarant "La première chose est de savoir si vous n'êtes pas blessés et si vous n'avez pas besoin d'une aide quelconque." Si les éléments de la FICCI ont exhibé des bosses ou des bleus, ils ne sont pas le fait des militants du CCI."
Cette fois-ci, nous ne dirons pas la même chose au compatissant "Bm" : un flacon d'arnica avec, en prime, une boîte de chocolats seront aujourd'hui les bienvenus pour la FICCI. Effectivement, si un des membres de cette petite bande de voyous, le citoyen Juan, est rentré chez lui avec quelques bleus, les militants du CCI n'y sont pas pour rien. Cela dit, le récit qui est donné par la FICCI de l'épisode où il a attrapé ces "bleus" n'a rien à voir avec la réalité.
Dans notre article "Calomnie et mouchardage, les deux mamelles de la politique de la FICCI envers le CCI", nous avons expliqué pourquoi, dorénavant, nous interdisons aux membres de celle-ci les abords du lieu où se tiennent nos réunions publiques :
"… suite à notre intervention au sein de la mobilisation des étudiants contre le CPE, nous attendions la venue de nouveaux éléments à notre réunion publique du 11 mars consacrée justement à cette mobilisation (ce qui effectivement a été le cas à Paris et dans d'autres villes) et nous ne voulions pas que la FICCI ait l'occasion de poursuivre devant et à l'égard de ces nouveaux éléments la politique qu'elle a menée depuis des années : les calomnies, les provocations et surtout le flicage.
En effet, les sympathisants qui venaient auparavant à nos réunions publiques étaient connus depuis longtemps par les membres de la FICCI. En ce sens, le travail parasitaire et policier dont elle s'est fait une spécialité ne pouvait s'appliquer à eux. Par contre, nous ne pouvons tolérer que de nouveaux éléments qui s'intéressent à la politique communiste soient immédiatement "fichés" par la FICCI. Dans la mesure où l'arrivée de ces nouveaux éléments se confirme et tendra probablement à s'amplifier dans le futur, le CCI a donc décidé d'interdire dorénavant aux membres de la FICCI, non seulement l'entrée du lieu de nos réunions publiques, mais également les abords de celui-ci." [1] [811]
Lors de notre réunion publique du 20 mai à Paris, nous avions donc disposé à une cinquantaine de mètres autour du portail d'entrée du lieu où elle devait se tenir plusieurs groupes de deux camarades chargés de barrer le chemin aux membres de la FICCI. Lorsqu'ils ont vu arriver les trois membres de celle-ci, deux de nos camarades leur ont indiqué qu'ils devaient rebrousser chemin. L'un de nos camarades, K., s'est placé devant le membre de la FICCI qui se fait appeler "Pédoncule" (celui qui avait menacé un de nos camarades de lui "trancher la gorge") et l'autre, F., devant Juan, le membre plus éminent de la FICCI. Notre camarade F. a écarté les bras en déclarant "On ne passe pas !". C'est alors que Juan, sans sommation et en profitant du fait que le geste de notre camarade F. l'empêchait de se protéger, lui a asséné un violent coup de poing au visage et un coup de genou dans le bas ventre avant de le saisir au collet. Il était tellement évident que Juan était l'agresseur qu'une vieille dame asiatique qui se trouvait à proximité a pris le bras de celui-ci pour l'empêcher de continuer à cogner. Même le sieur Pédoncule ("l'égorgeur" de la FICCI) a tenté de calmer Juan (était-ce par crainte de représailles ou parce qu'il avait compris que son complice était devenu fou ?). Suite à l'intervention du citoyen Pédoncule et de la vieille dame, le voyou Juan a alors donné la consigne à ses deux complices, l'"égorgeur" et sa compagne Aglaé : "On se tire !". Quelques instant après, d'autres camarades de notre équipe sont arrivés sur les lieux et, constatant que notre camarade F. avait été blessé, ils ont décidé de partir à la poursuite du commando de la FICCI pour lui signifier que le CCI ne saurait tolérer de telles opérations "coups de poing" contre nos militants. Quand nos camarades ont rejoint les trois pieds nickelés de la FICCI, l'un d'entre eux, B., a dit à ces derniers : "On ne va pas vous laisser partir comme cela". C'est alors que Juan a de nouveau porté un coup de poing et un coup de pied à notre camarade B. lequel s'est légitimement défendu en lui portant à son tour plusieurs coups de poing (relativement modérés puisque, suivant les termes même de la FICCI, Juan n'a eu que "quelques bleus"). Plusieurs personnes se sont alors interposées mais il était tellement clair que, une nouvelle fois, c'était le sieur Juan qui avait déclenché les hostilités, qu'une de ces personnes (un homme d'une quarantaine d'années, également d'origine asiatique) a accompagné pendant une centaine de mètres nos camarades pendant qu'ils revenaient vers le lieu de la réunion publique. Ce témoin leur a dit qu'il était évident que c'était "les autres" qui étaient les agresseurs.
Tels sont les faits qui se sont réellement déroulés.
Effectivement, cette fois-ci, un de nos camarades a été contraint, pour se défendre contre les exactions de l'individu Juan, de donner des coups à un membre de la FICCI (contrairement à ce que laisse entendre la FICCI, les deux autres, Pédoncule et Aglaé, n'ont reçu aucun coup). Ce que le "communiqué" de la FICCI se garde bien de dire, c'est que l'attitude de notre camarade faisait suite à deux agressions successives de la part de Juan. En fait, c'était la toute première fois qu'un membre du CCI frappait un membre de la FICCI (contrairement à ce que raconte de façon mensongère celle-ci tout au long de ses Bulletins). En revanche, ce n'est pas la première fois que le sieur Juan portait des coups à un militant du CCI puisque, le 22 avril 2002, il avait déjà donné un coup de pied à un de nos camarades sous le prétexte (parfaitement mensonger) qu'il avait "agressé" un autre membre de la FICCI, Jonas (voir à ce sujet la note 10 de notre article "Le PCI (Le Prolétaire) à la remorque de la "fraction" interne du CCI [812]" dans Révolution Internationale n° 328).
Évidemment, certains pourraient considérer qu'il n'y a pas plus de raisons de croire notre version des faits que celle de la FICCI. En somme, ce serait "parole contre parole".
A cela nous voulons opposer les faits suivants :
Jusqu'à présent, la FICCI (à part un coup de pieds de Juan en 2002), avait limité (si on peut dire) ses comportements de bande de voyous au vol, au chantage, à la calomnie, au mouchardage et aux menaces de mort (excusez du peu). Cette fois-ci, un de ses membres a agressé physiquement en les cognant deux de nos camarades. Il est clair que cette agression est dans la droite ligne des comportements précédents, tant de la FICCI comme un tout, que du voyou Juan en particulier. La seule passion qui anime la FICCI n'est sûrement pas celle de la défense du combat de la classe ouvrière mais LA HAINE du CCI, ainsi que de ses militants. [3] [815] Nous sommes persuadés que les membres de la FICCI n'ont pas fini d'exprimer cette haine qui les pousse aujourd'hui à se conduire comme des brutes, dévoilant ainsi ouvertement leur appartenance au lumpen et non au milieu politique prolétarien. Comme nous l'avons mis en évidence à plusieurs reprises (et notamment dans notre article "Réponse aux calomnies honteuses d'une petite association de malfaiteurs"), les agissements de ce trio maffieux sont d'ores et déjà au service des forces de répression de l'État capitaliste. A qui ces tristes sires veulent-t-ils encore faire croire que leur préoccupation est la "confrontation politique des arguments" ? Les comportements répugnants de Juan sur la place publique le 20 mai (après ceux de son copain "égorgeur") nous ont donné encore un aperçu très clair de la nature de leurs "arguments" (sic !).
Notre organisation ne se laissera pas intimider par les comportements de voyous et autres actes de brutalité du forcené Juan ou de qui que ce soit. Plus que jamais, l'entrée de nos réunions publiques restera interdite aux mouchards, aux provocateurs, aux "cogneurs" et autre "égorgeur"de la FICCI. Face aux exactions physiques de cette petite bande de dégénérés, le CCI saura se défendre, défendre ses principes et défendre chacun de ses militants et de ses sympathisants avec la plus grande détermination comme il l'a fait le 20 mai. C'est ce que nous avons mis en évidence dans le point d'information que nous avons fait dans notre dernière réunion publique tout de suite après ces événements.
Courant Communiste International (2 juin 2006)
[1] [816] La validité de notre préoccupation de ne pas permettre que la FICCI puisse "ficher" les nouveaux venus à nos réunions publiques s'est confirmée dès la réunion que nous avons tenue le 20 mai. En effet, à la fin de celle-ci, un étudiant qui avait joué un rôle de premier plan dans les assemblées générales d'une des universités de la région parisienne nous a dit qu'il ne tenait absolument pas à ce que sa présence à notre RP soit connue dans la mesure où cela risquait "d'aggraver encore son cas" auprès de certains de ses enseignants dont il redoutait des représailles suite à sa participation à la mobilisation contre le CPE. Nous sommes bien conscients que les mesures que nous prenons contre les mouchards de la FICCI ne sauraient empêcher la police d'envoyer un indicateur se renseigner dans nos réunions publiques. Nous avons déjà répondu à cette objection : "Cela est évidemment parfaitement vrai. Mais est-ce que ça veut dire pour autant que nous devons laisser faire lorsque des gens qui ont déjà démontré qu'ils sont prêts à publier n'importe quoi, qui ont déjà déclaré qu'ils ne se sentent tenus par aucune loyauté envers le CCI ni envers ses militants [ni envers ses sympathisants, pouvons-nous ajouter] dont ils ont une connaissance détaillée, viennent dans nos réunions en remplissant leur calepins de copieuses notes ? Est-ce que, en somme, nous devrions laisser venir des mouchards ouverts et avérés sous prétexte que nous ne pouvons pas détecter les mouchards cachés ?" ("Les réunions publiques du CCI interdites aux mouchards [799]", Révolution Internationale n° 338).
[2] [817] La première exclusion d'un membre de la FICCI, Jonas, remonte à 2002 et nous avons expliqué dans notre presse les motifs de cette exclusion (voir le "Communiqué à nos lecteurs [160]" dans Révolution Internationale n° 321). Quant aux autres membres de la FICCI, c'est au printemps 2003 qu'ils ont été exclus pour mouchardage par notre 15e congrès international (voir notamment "XVe Congrès du CCI : Renforcer l'organisation face aux enjeux de la période [304]" dans la Revue Internationale n° 114). C'est d'ailleurs tellement vrai que les membres de la FICCI n'ont pas été exclus en 2001 que deux d'entre eux étaient présents à la réunion plénière de notre organe central international qui s'est tenue en janvier 2002, qu'ils ont pris connaissance des rapports présentés à cette occasion et qu'ils ont pris part au vote des résolutions adoptées par cette réunion (faits qui sont amplement confirmés par différents textes de la FICCI publiés dans son Bulletin n° 6).
[3] [818] A quoi faut-il attribuer la rage hystérique de Juan qui, auparavant, se contentait de ricaner, de "rouler les mécaniques" et de provoquer nos camarades (une de ses "spécialités" étant de menacer tel ou tel d’entre eux de lui "casser la gueule" le jour où il le rencontrerait seul) ? On peut imaginer que la publication sur notre site Internet, quelques jours auparavant, de notre prise de position "Calomnie et mouchardage, les deux mamelles de la politique de la FICCI envers le CCI [810]" y est pour quelque chose, notamment du fait que dans ce texte nous mettions en évidence que la FICCI n'avait rien à dire sur la mobilisation contre le CPE (ce qui l'obligeait à plagier nos propres prises de position). On peut également penser que notre intervention et l'impact de celle-ci dans ce mouvement lui a fait monter le taux d'adrénaline, puisqu'elle mettait en relief la totale nullité de "l'intervention" de la FICCI. On peut aussi penser que la publication sur notre site d'une lettre de A., supporter de la FICCI, lui a fait perdre la boule puisque A. annonçait qu'il était prêt à porter plainte auprès de la police contre les militants du CCI ("La FICCI reçoit le type de solidarité qu'elle mérite [791]"). A moins que l'affirmation de A. ("contrairement à la FICCI, je me défendrai physiquement très sérieusement"), n'ait piqué Juan au vif : connaissant le personnage de longue date, nous ne doutons pas un seul instant que ce héros de bande dessinée avait de toute évidence besoin de prouver à ses supporters qu’il est un vrai "caïd". Les coups portés à nos camarades par le "cake" Juan auraient constitué une preuve que lui aussi (comme A.) "avait quelque chose dans le pantalon" : ce serait tout à fait dans la "logique" de ce pauvre type (bien que dangereux) qui passe son temps à bomber le torse et jouer au matamore comme un enfant de 5 ans qui veut en mettre plein la vue à ses petits copains de l’école maternelle.
A l’heure où nous mettons sous presse, le ballon rond fait la une de l’actualité : la coupe du monde de football (avec la victoire des « Bleus » contre l’équipe du Brésil en quart de finale) occupe tous les esprits. C’est dans une atmosphère de liesse populaire et d’union sacrée derrière le drapeau tricolore que la bourgeoisie a ainsi les coudées franches pour faire passer « en douce » ses nouvelles attaques contre la classe ouvrière. Comme le disait le gouvernement Villepin au lendemain de la crise du CPE, il fallait « tenir jusqu’au Mundial » !
Les propos de Chirac lors de son interview télévisé sur France 2 le 26 juin dernier sont révélateurs de la préoccupation essentielle de toute la bourgeoisie : "Nous n’avons pas les moyens d’abandonner le terrain, de perdre du temps. Le temps perdu ne se rattrape pas (…) Mon obsession, c’est de poursuivre l’action, de ne pas débrayer (…) Le gouvernement a une feuille de route. Il s’y tiendra." Le message martelé par le président de la République est clair : le seul programme qui s’impose à la bourgeoisie, c’est de poursuivre les attaques, c’est de cogner encore et toujours plus fort sur les prolétaires Dès que la lutte contre le CPE a reflué, le gouvernement a pu relancer aussitôt une série d’attaques d’envergure.
Après les "jeunes", la cible désignée est cette fois les "plus âgés". A travers le "plan emploi séniors", les plus de 57 ans se voient désormais "offrir" à leur tour des CDD sous-payés pendant 18 ou 36 mois. Alors que la dette de l’Etat français atteint 66% du PIB, des restrictions budgétaires draconiennes sont prévues. Ainsi, le gouvernement vient d’annoncer la suppression de 15 000 emplois dans la Fonction publique en 2007 (soit 3 fois plus qu’en 2006 !) avec le non remplacement d’un départ à la retraite sur trois. 8700 d’entre eux concernent le seul secteur de l’Education nationale.
Parallèlement, à travers la réforme des primes et de la notation, un "salaire au mérite" s’installe peu à peu chez les fonctionnaires. Dans la foulée, les suppressions d’emploi pleuvent dans le secteur des salariés de la Sécurité sociale : à la Caisse primaire d’assurance maladie, 11 000 postes sur 85 000 doivent être supprimés d’ici deux ans, au nom du regroupement des services et de la centralisation, présentés comme une amélioration de l’efficacité des services publics. Les départs à la retraite à la Caisse d’allocations familiales ne seront plus remplacés. Dans la branche URSSAF (caisses de retraite du secteur privé), d’autres emplois sont supprimés, notamment en Loire Atlantique et dans la région parisienne.
On assiste à de nouvelles fermetures de centres hospitaliers ou d’unités médicales particulières (notamment des maternités) sous prétexte de non-rentabilité ou de normes de sécurité insuffisantes.
En même temps, le gouvernement est en train de peaufiner l’unification des fichiers de l’ANPE et des caisses d’allocations-chômage, réorganisant l’ensemble des services pour permettre de passer tous les chômeurs au crible du flicage.
Sans compter le durcissement de l’appareil répressif et la multiplication des mesures d’expulsion envers les travailleurs clandestins, mises au point par l’éventail des lois Sarkozy ; dans tous les domaines, les conditions de travail et d’exploitation des prolétaires empirent. Les maladies professionnelles ont augmenté de 7% en 2005 par rapport à l’année précédente. Les accidents de travail suivent la même courbe ascensionnelle. Le pouvoir d’achat dégringole : en-dehors même de ceux réduits au chômage, 10% des salariés en activité et leur famille sont d’ores et déjà contraints de recourir aux associations caritatives et aux banques alimentaires pour se nourrir.
Dans le secteur privé, les plans de licenciements tombent à une cadence toujours plus soutenue, touchant aussi bien les travailleurs dans les grandes entreprises ou leurs filiales (d’EADS et Sogerma à Eurodec Industries) que dans d’innombrables PME. L’accélération des attaques anti-ouvrières n’est nullement un phénomène propre au capital français. Il n’est pas davantage lié à des gouvernements de droite : en Allemagne, sous la tutelle d’un gouvernement de large coalition, après les 25 000 licenciements annoncés chez Volkswagen, ce sont 7500 salariés de la compagnie d’assurance Allianz qui vont se retrouver au chômage dans les prochains mois.
Les prolétaires subissent partout les mêmes attaques, y compris dans les pays les plus "riches". Un seul exemple : après les plans de restructuration chez Ford et General Motors au printemps dernier, GM vient d’annoncer une nouvelle charrette concernant 35 000 ouvriers (soit 10% des effectifs de ce géant de l’automobile), négociée avec les syndicats ! Ceci constitue une nouvelle manifestation du caractère universel de la crise du capitalisme qui démontre la faillite de ce système d’exploitation.
Comme tous les ans, la bourgeoisie se prépare de surcroît à profiter de la dispersion de la classe ouvrière pendant les congés d’été pour porter un maximum de nouvelles attaques.
La classe ouvrière n’a absolument rien à attendre des prochaines élections que la bourgeoisie lui fait miroiter. La gauche a exactement le même programme anti-ouvrier que la droite. Si elle gagnait les élections, elle prendrait des mesures dans la plus parfaite continuité de celles prises par le gouvernement actuel, comme elle l’a d’ailleurs toujours fait dans le passé. Les uns et les autres sont et seront les ardents défenseurs de l’ordre capitaliste et la classe ouvrière n’a rien à attendre de tous ceux qui la poussent par tous les moyens à la détourner de ses luttes et à les happer dans le cirque électoral.
Elle n’a rien à attendre non plus de ces organes d’encadrement au service de la bourgeoisie que sont les syndicats. Ces derniers ne sont présents que pour enfermer, cloisonner, diviser, démoraliser les ouvriers, saboter leurs luttes et finalement faire passer les attaques portées par le reste de la bourgeoisie. On l’a vu encore récemment : tandis qu’ils poussaient les ouvriers de GDF à se battre contre la privatisation et contre la fusion avec le groupe Suez, les mêmes syndicats organisaient en même temps une autre manifestation exhortant les 60 000 employés de Suez à réclamer la fusion des deux entreprises.
La mobilisation massive des futurs prolétaires dans les universités et les lycées contre le CPE et la maturité dont ils ont fait preuve au cours de cette lutte (capacité d’organiser des AG ouvertes à tous les ouvriers, prise en charge massive de l’extension du mouvement) ont démontré que la lutte sur un véritable terrain de classe était le seul moyen d’établir un rapport de forces capable de mettre en échec les attaques de la bourgeoisie. A contrario, c’est justement parce que les travailleurs de l’Education nationale ne se sont pas mobilisés massivement contre le CPE, en solidarité avec les étudiants, que le gouvernement met aujourd’hui à profit ces hésitations à engager la lutte pour cogner encore plus fort en annonçant des milliers de suppressions de postes dans ce secteur. Ainsi, moins la classe ouvrière lutte, plus la bourgeoisie a les coudées franches pour asséner de nouvelles attaques. C’est une leçon que toute la classe ouvrière doit encore tirer du mouvement des jeunes générations contre le CPE : seule la lutte solidaire, massive et unie paie et peut obliger le gouvernement et le patronat à reculer.
W (28 juin)
Une fois de plus, le Proche-Orient connaît une escalade guerrière qui ne peut ouvrir que sur un nouvel enfoncement dans la barbarie. L’offensive menée par l’armée israélienne dans la bande de Gaza mercredi 28 juin, en représailles à l’enlèvement d’un soldat israélien, est le commencement d’une épreuve de force dont les populations palestiniennes et israéliennes vont être les véritables otages. Actuellement 5000 soldats de Tsahal et des dizaines de blindés sont massés aux frontières sud et nord de la bande de Gaza, face aux bandes armées palestiniennes, piégeant ainsi les populations civiles dans un étau meurtrier
La situation actuelle au Proche-Orient, ce baril de poudre à ciel ouvert de plus en plus explosif depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, va encore faire la preuve que chaque prétendu "pas en avant" vers la "paix" ne fait que mieux relancer la guerre. A peine une semaine auparavant, le 22 juin, le premier ministre israélien Olmert et le président palestinien Abbas s’étaient rencontrés pour "relancer le processus de paix". Olmert avait d’ailleurs à cette occasion déclaré être "prêt à tout pour un seul objectif : parvenir à la paix, faire des compromis, opérer des retraits de certains territoires". Aujourd’hui, c’est par l'utilisation des "moyens les plus extrêmes" qu’est menacée la population palestinienne. L’aviation israélienne a ainsi bombardé la centrale électrique la plus importante de Gaza, coupant l’alimentation de la majeure partie du territoire palestinien pour au moins six mois. La population fuit tant bien que mal les zones de combat au sud et au nord de cette souricière que constitue la bande de Gaza. En temps "normal", les civils de cette région sont déjà soumis à des raids et des tirs de roquettes incessants, provoquant insomnies, traumatismes psychiques et autres troubles nerveux. C'est une population sinistrée, privée d’eau potable, de vivres, de médicaments ; un million deux cent mille êtres humains dont le seul destin semble être la misère la plus absolue, la folie et la mort. C’est avec le mépris le plus total de la dite "communauté internationale" qu’une telle situation a pu s’installer, communauté internationale qui avait même supprimé son aide "humanitaire" aux Palestiniens suite au succès électoral du Hamas, groupe islamiste ne reconnaissant pas Israël.
Quels que soient le ou les groupes à l’origine de l’enlèvement du jeune soldat israélien, c’est clairement le Hamas et surtout sa branche radicale qui sont visés par Israël. L’arrestation le 29 juin par l’armée israélienne de 90 responsables du gouvernement palestinien en Cisjordanie, dont une dizaine de ministres et une vingtaine de députés, montre la détermination de Tel-Aviv. En quelques jours, on se retrouve bien loin du rapprochement entre Mammoud Abbas et Ehud Olmert, opéré en Jordanie la semaine précédente, et de la perspective d’un référendum qui avait pour but d’entériner les pas importants faits par le Hamas lui-même vers la reconnaissance d’Israël et la reprise de pourparlers avec le gouvernement israélien.
La seule perspective contenue dans la situation actuelle ne peut être que celle d’une aggravation des tensions entre toutes les parties en présence. Malgré les exhortations envers Israël des ministres des Affaires étrangères du G8 réunis à Moscou "à la plus grande retenue" et malgré l’infléchissement des Etats-Unis qui, après avoir soutenu pleinement l’offensive, appellent "à ce qu'il puisse y avoir de nouveau de l'espoir pour le processus de paix", ces évènements sont annonciateurs de nouveaux massacres. Parce que l’attitude du gouvernement israélien, dans la parfaite lignée de celle de Sharon, montre l’irrationalité la plus totale, l’enfoncement irrémédiable et irréfléchi dans la barbarie. Des deux côtés, c’est l’escalade guerrière qui domine. Le Hamas et les factions proches du Fatah qui, récemment, se déchiraient avec une violence effrénée dans les rues de Gaza ont ponctuellement mis de côté leurs différends pour se préparer en commun à mener une défense "en règle" des territoires palestiniens face à l’offensive israélienne. L’armée israélienne opère quant à elle un encerclement de la bande de Gaza, avec tous les risques de débordements et de dérapages que cela implique et, dans le même temps, est en train d’alourdir et d’accélérer le quadrillage de la Cisjordanie.
Mais au-delà de la situation dans les territoires occupés, ce renforcement de la position israélienne signifie aussi une pression grandissante sur le Liban et surtout la Syrie qui soutient en sous-main les groupes islamistes radicaux du Hamas et du Jihad islamique, en attendant de pouvoir montrer une agressivité plus ouverte, d’autant qu’elle n’a pas digéré le revers subi il y a un an et demi avec son retrait du Liban imposé par les grandes puissances, France et Etats-Unis en particulier.
Ce contexte d’aggravation des tensions entre Israël et la Palestine est particulièrement marqué par l’échec des Etats-Unis à imposer la "feuille de route" proposée par Bush en 2004 et par l’échec de leur politique dans tout le Moyen-Orient. L’Irak est un pays à feu et à sang, les attentats se succèdent à un rythme catastrophique, la guérilla anti-américaine ainsi que les luttes de factions entre Chiites, Sunnites et Kurdes s’exacerbent jour après jour, tandis que les Etats-Unis montrent de plus en plus leur impuissance. Après l’Espagne, l’Italie et la Roumanie s’apprêtent "à quitter le navire" en perdition. Washington, dont le nombre de soldats tués atteint les 2500 est d'autant plus devant la nécessité d’un retrait, qui laisserait derrière lui, en lieu et place de la "démocratie prospère" promise en 2003, une terre de désolation et de massacres, avec des cliques n’attendant que son départ pour se lancer dans une guerre à outrance. Le groupe terroriste Al Qaïda, à l’origine de la justification des offensives sur l’Afghanistan et l’Irak, est non seulement loin d’être anéanti, mais connaît une expansion sans pareil. Au point qu’en Irak même il mène une véritable surenchère, comme en témoigne l’exécution filmée et présentée sur internet de quatre diplomates russes le 25 juin dernier.
Mais c’est encore la question de l’Iran qui se trouve être une épine de taille dans le pied du colosse américain et un facteur de premier plan aujourd’hui dans l’aggravation des tensions guerrières. Le refus ouvert et provocateur de Téhéran de revenir sur son programme nucléaire contre les exigences américaines, a aggravé la position de faiblesse de Washington et renforcé celle de l’Iran dans ses velléités de prétendre à jouer les décideurs au Moyen-Orient. La situation de force de la fraction chiite au pouvoir en Irak ne peut que conforter le gouvernement iranien dans cette perspective. D’autant que le rapprochement actuel de l’Iran avec une Russie manifestant de plus en plus fortement ses propres prétentions à revenir sur la scène internationale comme challenger d’une Amérique en perte de vitesse, comme au "bon vieux temps" des blocs impérialistes, ne peut qu’alimenter l’agressivité iranienne.
Ce qui caractérise toute la situation actuelle, c’est le "no future", les destructions 1 [819] toujours plus violentes et sans but. Chaque jour voit un pas en avant de plus vers le néant et montre avec plus d’évidence l’impasse que représente pour l’humanité le système capitaliste en pleine décomposition.
Mulan (30 juin)
1 [820] En 2005, les dépenses militaires ont augmenté de 3,4% par rapport à 2004, et de 34% depuis dix ans ! !
Le 17e congrès de la section du CCI en France s’est tenu au moment précis où se déroulait le mouvement de lutte des jeunes générations ouvrières contre la généralisation de la précarité. Le mouvement des étudiants contre le CPE exprime à ce jour le point le plus haut atteint par la reprise internationale des luttes ouvrières, qui vient de se confirmer à nouveau à Vigo en Espagne (voir Internationalisme n° 326 [821]).
La lutte de classe est entrée maintenant dans une nouvelle période. Face à cette situation, notre organisation se devait, en priorité, d’axer les travaux de ce congrès sur l’analyse et les exigences que posent une situation aussi importante. Le CCI se devait d’en saisir la dimension historique et internationale.
Les travaux de ce congrès se sont ainsi orientés clairement vers la compréhension de toutes les implications que cette lutte pouvait avoir sur notre activité, en particulier sur notre intervention. Dans cette situation, conscient de ses responsabilités, le congrès a pleinement rempli son devoir et ses tâches.
La présence à ce congrès, et sur notre invitation, d’une organisation révolutionnaire venue du Brésil prend alors toute sa signification politique. Il est indéniable que le milieu politique prolétarien est en train d’entrer dans une nouvelle phase de développement après celle que nous avons connue à la fin des années 1960 et au début des années 1970. C’est une donnée essentielle de la nouvelle période historique. Et c’est afin d’être à la hauteur des nécessités de cette nouvelle situation que notre organisation a proposé d’inviter le groupe brésilien Opposition Ouvrière1 [822] (OPOP) à l’ensemble des travaux du congrès.
Dès 2003, nous mettions en relief qu’un tournant s’est effectué dans la lutte de classe internationale. Comme nous l’écrivions à l’époque, "les mobilisations à grande échelle, du printemps 2003 en France et en Autriche représentent un tournant dans la lutte de classe depuis 1989. elles sont un premier pas significatif dans la récupération de la combativité ouvrière après la plus longue période de reflux depuis 1968" (Revue Internationale n°119 [823]). Cette reprise de la lutte de classe s’avérait certes difficile, mais elle vient de connaître avec le mouvement des étudiants en France une avancée politique très importante. A l’issue de longues et riches discussions, le congrès a souligné toute l’importance de ce premier combat des jeunes générations de la classe ouvrière dans un texte rassemblant l’ensemble des caractéristiques et des leçons de ce mouvement. Les "thèses sur le mouvement des étudiants du printemps 2006 en France" furent ainsi adoptées par le 17e congrès de RI. Celles-ci mettent en avant que "Cette classe [la bourgeoisie] ne pourra supprimer toute l’expérience accumulée pendant des semaines par des dizaines de milliers de futurs travailleurs, le réveil politique et leur prise de conscience. C’est un véritable trésor pour les luttes futures du prolétariat, un élément de premier plan de leur capacité à poursuivre leur chemin vers la révolution communiste." ("Thèses" [824] Revue Internationale n° 125). La dimension internationale de ce mouvement a clairement été développée dans les débats du congrès. Il en va de même bien sûr pour les leçons et l’expérience à en tirer. OPOP, pendant le congrès, s’est situé entièrement dans ce cadre : "… [la] préoccupation [de] l'internationalisme prolétarien (…) a été explicite dans la plupart des discussions, vu que la lutte de classe a été abordée, dans la plupart des interventions, sous un prisme internationaliste, même lorsqu'il s'agissait de la situation en France" (prise de position de OPOP sur les travaux du congrès de RI).
Cette capacité à comprendre profondément la signification historique et internationale de la lutte des jeunes générations en France a trouvé également une concrétisation dans le renforcement de la cohésion interne du CCI. Ce congrès a manifesté une volonté profonde de clarification de la part de toutes les délégations du CCI et de tous les militants. Mais cette clarification n’est pas possible sans une vision et une vie prolétarienne interne toujours plus solide, marquée par un esprit profond de camaraderie dans les débats.
La solidarité, la confiance des camarades entre eux et envers l’organisation sont indispensables à une véritable culture prolétarienne des débats. Cette culture du débat, la volonté de confronter les arguments a été, pendant le congrès, tout particulièrement saluée par la délégation d’OPOP qui a pu, grâce à un climat fraternel dans les discussions, s’inscrire tout naturellement dans les débats : "Nous pensons que, suite aux débats qui ont déjà eu lieu entre nos deux organisations tant au Brésil qu'en France, il existe à présent des éléments permettant une activité commune, ou au moins des travaux communs, à chaque fois que cela sera possible et s'inscrira dans le développement de nos deux organisations avec en vue le développement de la conscience et de l'organisation des travailleurs du monde entier."
Une telle capacité de s’inscrire clairement dans l’activité du milieu politique prolétarien, comme on l’a vu au congrès, a été accueillie avec enthousiasme par notre organisation. Il est en effet nécessaire, malgré les désaccords qui peuvent persister entre organisations, que tout groupe du milieu politique prolétarien participe activement à la clarification, à l’élaboration théorique sur les problèmes centraux posés au prolétariat. Comme il est indispensable que doive être développée, face à des situations cruciales pour le prolétariat, une intervention commune. Contre tout sectarisme, immobilisme, opportunisme, et aux côtés du CCI, OPOP a manifesté une compréhension riche de promesses pour l’avenir : "Malgré quelques différences que nous avons perçues, traitées et approfondies dans les discussions et rencontres appropriées, nous tenons à mettre en évidence les points que nous avons en commun : nous sommes deux organisations qui appartiennent au camp du prolétariat, qui ne cherchent pas à disputer l'espace politique bourgeois, qui ne se font pas d'illusions sur les organisations syndicales qui sont enchaînées à l'Etat capitaliste mais qui les combattent." La démarche politique que manifeste OPOP dans ce passage de sa prise de position sur les travaux du congrès est sans équivoque. C’est cette même démarche que nous avons mise en avant depuis la fondation du CCI. C’est encore cette démarche qui, à l’image d’OPOP, va traverser les nouveaux groupes prolétariens , à l’opposé de celle qui a gangrené le milieu issu de la Gauche communiste depuis la reprise historique de la lutte de classe à la fin des années 1960.
Sur la base de ces débats notre organisation, tout en continuant d’être partie prenante du mouvement des jeunes générations contre le CPE, n’a pas manqué de tracer des perspectives d’activité pour l’avenir. Le congrès a clairement affirmé que c’est l’intervention qui doit orienter l’activité du CCI dans la période de remontée de la lutte de classe au niveau international. Mais dans ce domaine tout particulièrement, le présent ne s’oppose pas à l’avenir. La mobilisation intensive de l’organisation pour l’intervention dans les assemblées générales des étudiants comme dans les manifestations, a été un élément déterminant pour inscrire nos perspectives d’activité dans les besoins historiques de la lutte du prolétariat. Comme le démontre concrètement la lutte dans les universités et dans les lycées, les jeunes générations tout en luttant contre la dégradation des conditions de vie de toute la classe ouvrière ont immédiatement et simultanément posé des questions politiques plus larges : quelles perspectives offre le capitalisme à l’humanité ? Pourquoi le monde s’enfonce-t-il dans la misère et la guerre ? Répondre à ce questionnement qui se développe au sein des nouvelles générations doit être une des priorités de l’activité des révolutionnaires. Le congrès s’est fermement inscrit dans cette orientation d’activité. Ce sont ces orientations et ces discussions sur la lutte internationale du prolétariat et ses exigences tant de manière immédiate qu’à plus long terme qui ont été tout particulièrement soulignées par OPOP : " … nous sommes reconnaissants qu'il nous ait été permis de participer à une réunion où les préoccupations et les discussions ont été déterminées par la lutte de classe au niveau international, où s'est vérifié le fait que nous étions, depuis un certain temps déjà, en train de vivre une période historique de reprise du développement de la conscience de la classe ouvrière à l'échelle mondiale, et où enfin a été mise en évidence l'importance du rôle des nouvelles générations, qui n'ont pas été affectées par les faiblesses et les conditionnements politiques des précédentes, dans les luttes futures des travailleurs du monde entier. OPOP partage la vision qu'il existe une dynamique de reprise de la conscience, engendrée par l'aggravation de la crise du capitalisme et par la nécessité de réagir face à la précarisation engendrée par le système et qui est mise massivement en application au moyen des différentes réformes promulguées par l'Etat aux quatre coins de la planète.
Nous nous gardons cependant d'une vision trop optimiste à court terme, laquelle a peut-être existé au sein d'un congrès qui se déroulait à la chaleur de la lutte des étudiants et des travailleurs en France." Il est parfaitement clair qu’OPOP partage avec le CCI la compréhension de la reprise internationale de la lutte de classe amorcée en 2003, comme l’importance grandissante en son sein des jeunes générations. Par contre, nous voulons ici signaler le fait que notre organisation ne partage pas l’idée que le CCI, lors de ce congrès, aurait été trop "optimiste". Nous ne pouvons, dans le cadre de cet article, développer une réelle réponse à la remarque d’OPOP. Nous invitons les camarades à lire attentivement nos thèses qui développent et argumentent largement sur l’importance historique et internationale de ce mouvement à long terme. Cependant, nous voudrions dès à présent attirer l’attention sur la signification politique de la peur qu’a ressentie la bourgeoisie face à la possibilité d’extension du mouvement à l’ensemble de la classe ouvrière courant avril. C’est bien face à ce danger et à l’exemple qu’il pouvait représenter pour le prolétariat dans d’autres pays que la bourgeoisie a développé sa contre-offensive politique. En France, elle a été obligée de retirer le CPE après la grande manifestation du 4 avril. Dans d’autres pays d’Europe telle l’Allemagne, la classe dominante a dû mettre de côté, au moins pour un temps, les projets de lois équivalents au CPE. Cette réalité démontre le contenu hautement prolétarien de ce mouvement, son importance de façon immédiate mais plus encore pour les luttes futures.
Dans ce congrès, une discussion particulière a été développée sur l’évolution dans l’organisation d’un débat interne commencé au niveau international en juin 2004 sur les questions de l’éthique et de la morale prolétarienne. Cette discussion se révèle être cruciale pour le combat de l’ensemble de la classe ouvrière, mais également pour le renforcement de la vie de ses minorités révolutionnaires. Notre organisation, dès sa fondation, s’est préoccupée de ces questions. Mais cette préoccupation s’est manifestée d’une manière plus intuitive que consciemment assumée. Il nous aura fallu être confrontés aux comportements de voyous et de mouchards d’une petite association de malfaiteurs auto-proclamée de façon mensongère "Fraction Interne du CCI" pour que nous comprenions la nécessité de nous affronter théoriquement à la question de l’éthique en lien avec celle du comportement politique des révolutionnaires.
La dégénérescence des moeurs dans la société capitaliste, la montée du chacun pour soi et la décomposition du tissu social ont provoqué un développement indéniable du pessimisme sur les qualités humaines, un rejet, voire même un déni, de l’importance des valeurs morales qui distinguent l’espèce humaine du monde animal. L’Homme aurait toujours été et sera à jamais un loup pour l’Homme selon la célèbre formule de Hobbes. A cette vision nihiliste de la bourgeoisie à propos de la "nature humaine", les révolutionnaires se doivent d’opposer celle du prolétariat. A la vision de la négation de toute morale de la part de ce capitalisme décadent doit être opposée à la morale prolétarienne. C’est pour cela que depuis maintenant deux années, sur ce sujet, notre organisation développe en profondeur une réflexion et un débat théorique. Pour le marxisme, l’origine de la morale réside dans la nature entièrement sociale et collective de l’humanité. Connaître les origines de la morale, son évolution à travers l’Histoire est indispensable pour la capacité du prolétariat à développer la morale prolétarienne sous tous ses aspects. Dans ce sens, il est donc également nécessaire de se réapproprier la lutte du marxisme contre la "morale" bourgeoise.
C’est sur l’avancée de l’approfondissement théorique déjà effectué par l’organisation sur ces questions que le congrès a travaillé. Il a décidé de poursuivre ce débat afin que le fruit de cette élaboration théorique collective puisse être répercuté dans notre presse et transmise à l’ensemble de la classe ouvrière.
L’importance de la question de l’éthique et de la morale prolétarienne pour le combat de classe n’a pas échappé à OPOP. Cette organisation a manifesté pendant le congrès, à travers sa délégation, le désir de participer concrètement à ces discussions. Nous avons accueilli avec le plus grand intérêt cette initiative de OPOP : "Un autre aspect à souligner a été la discussion sur l'éthique. Il est salutaire qu'une organisation du prolétariat se préoccupe et s'implique dans la formation de ses militants, formation politique générale mais également concernant le comportement militant. Bien que nous n'ayons assisté qu'à des discussions relatives à des conclusions partielles d'une discussion qui (comme cela nous a été dit) se développe déjà depuis deux ans, nous avons pu percevoir une tentative d'approfondissement du sujet, qui est néanmoins exposée au risque d'une certaine fragmentation (ceci dit, nous n'avons pas connaissance de l'ensemble des discussions en cours)." OPOP exprime ici dans sa prise de position une compréhension en profondeur de l’importance politique de cette question. Il souligne avec raison qu’il a existé une certaine dispersion dans ce débat sur l’éthique pendant le congrès. Mais ce qui a pu apparaître fragmenté dans cette discussion est en fait le reflet de l’immensité de la tâche théorique à mener. Les questions de l’éthique et de la morale prolétarienne, celles sur la "nature humaine" nécessitent d’investiguer le champ des sciences afin d’en retenir ce qui peut enrichir la vision marxiste. Cela a toujours été une préoccupation du marxisme que de se tenir au courant et d’assimiler les avancées scientifiques et techniques de la civilisation humaine. Le travail d’Engels dans "La dialectique de la nature" en est, entre autres, une claire illustration. C’est ce même type de travail théorique que notre organisation s’est engagée à poursuivre aujourd’hui sur la question de la morale prolétarienne 2 [825].
Les nouveaux groupes prolétariens surgissant dans cette période de remontée des luttes ouvrières exige du CCI qu’il assume pleinement ses responsabilités d’organisation de la Gauche communiste. L’organisation prolétarienne Opposition Ouvrière, qui a surgi dans les années 1980, est portée, dans sa dynamique, dans son ouverture au débat et à la confrontation sérieuse et fraternelle comme dans l’intervention commune des révolutionnaires, par la dynamique profonde de ce nouveau milieu. Face à l’émergence de ce nouveau milieu prolétarien, le CCI continuera à assumer ses responsabilités, dans le même état d’esprit qu’il l’a fait dans ce congrès et que OPOP a salué : "Nous avons eu le très grand honneur de participer, au printemps de cette année, au congrès de la section du CCI en France. Nous avons assisté, en tant que groupe invité, au déroulement des travaux du congrès que nous avons suivis attentivement, avec la possibilité d'intervenir à chaque fois que nous l'avons jugé nécessaire."
Le CCI se doit d’être un élément moteur du pôle de clarification et de regroupement pour les forces révolutionnaires dans l’avenir. L’expérience accumulée par le CCI en matière de conception de l’organisation et de fonctionnement est un élément indispensable aux nouvelles organisations prolétariennes. Un congrès est un moment essentiel de la vie d’une organisation révolutionnaire dans lequel se manifeste concrètement la conception organisationnelle de celle-ci. "A l'ordre du jour du congrès du CCI figurait un bilan de l'activité de l'organisation, discussion grâce à laquelle nous avons pu découvrir grandement le fonctionnement de cette organisation, avec la possibilité d'en retirer des enseignements pour notre propre vie politique, comme la manière dont on traite de la presse révolutionnaire, l'importance et l'utilité d'Internet, un instrument supplémentaire au service de la propagande et d'une intervention réellement prolétarienne" (OPOP). C’est cette expérience de notre vie interne que le congrès s’est efforcé de transmettre à OPOP.
Après plus de dix années de tendance à l’isolement des groupes issus du courant de la Gauche communiste, le développement actuel de la vague internationale de luttes ouvrières ouvre la perspective d’un nouveau pôle de regroupement à l’échelle internationale. La présence d’OPOP au 17e congrès de RI, sa participation fraternelle aux débats, sa volonté de poursuivre la discussion avec le CCI, constituent une claire illustration de la dynamique de remontée de la lutte et de la conscience de classe à l’échelle internationale.
CCI
1 [826] Ce groupe, avec lequel le CCI développe une relation de discussion et collaboration politiques, appartient clairement au camp du prolétariat du fait en particulier de son engagement dans le combat internationaliste en vue de la victoire du communisme. Il démontre par ailleurs une clarté significative concernant la nature des syndicats et la mystification démocratique et électoraliste. Pour consulter son site : opop.sites.uol.com.br
2 [827] Le compte-rendu que nous pouvons faire ici de ces deux années de débat, sur lequel le congrès a fait le point, ne peuvent évidemment pas être développé dans le cadre de cet article. Le CCI publiera très prochainement un texte reflétant les premières avancées de son débat sur cette question.
Lutte Ouvrière a tenu, comme chaque année lors du week-end de Pentecôte, sa grande fête dans le parc de son château. Cet événement est toujours une sorte d’immense kermesse où règnent barbe à papa, chamboule-tout et autres réjouissances. Mais encore une fois, l’attraction principale fut sans conteste les inimitables discours contorsionnistes tenus par LO, maniant d’un côté une phraséologie radicale et combative pour de l’autre saper toute volonté de lutte en rabattant les ouvriers vers les ‘solutions’, en forme d’impasse, de la gauche. Il fallait entendre les envolées made in LO (l’organisation partie prenante de toutes les élections et de tous les combats syndicaux) fustigeant sans pitié PS, PC, Verts et syndicats, dénonçant les élections comme un piège ou applaudissant les “jeunes” qui, dans le mouvement contre le CPE, ont pu faire reculer le gouvernement.
Les centaines de milliers d’étudiants auparavant en lutte étaient évidemment absents de cette fête, témoignant par là même leur indifférence voire leur méfiance à l’égard d’Arlette et de sa bande. Seule une poignée d’étudiants ont participé aux différents débats. La fameuse “Cité politique” était cette année un ghetto relégué aux fins fonds du terrain, bien à l’écart de tous les stands. Quant aux nombres de débats, ils étaient réduits comme peau de chagrin. Cette morosité contrastait ainsi furieusement avec l’effervescence des manifestations et les discussions enflammées des AG qui se tenaient seulement quelques semaines plus tôt dans les universités.
Le résultat de tout son travail de racolage parmi les étudiants est plutôt maigre pour LO qui avait pourtant fait une large publicité dans les facs autour de la présence de la compagnie de théâtre “Jolie Môme” qui est venue donner un spectacle autour de chants révolutionnaires (et gauchistes).. C’est donc avec d’autant plus de véhémence que l’organisation trotskiste a mené une véritable “opération séduction” envers les rares proies venues à elle. Ainsi, lors du forum du dimanche intitulé “Après le mouvement anti-CPE, quel bilan ?” et constituant le débat phare du week-end, LO a salué très chaleureusement la lutte contre le CPE, vantant même l’ingéniosité et la combativité des étudiants. Pas une seule critique ne fut formulée. Le présidium est allé jusqu’à organiser le tour de parole comme le faisaient les étudiants dans leurs AG en donnant 3 minutes à chaque intervenant alors que dans tous les autres forums LO laissait parler et surtout coupait les intervenants… à sa guise. Mais à y regarder de plus près, c’est-à-dire en déchirant ce voile de flagorneries, c’est en fait à une véritable entreprise de démolition de la signification de la lutte des étudiants que LO s’est attelée.
Pas un mot sur les assemblées générales qui ont constitué le poumon du mouvement, le lieu où les étudiants ont pris en main leur lutte, ont discuté et se sont organisés collectivement. Pas un mot sur l’ouverture de ces AG aux travailleurs actifs ou retraités. Pas un mot non plus, sur le choix des revendications communes à tous les ouvriers. LO a donc mis sciemment de côté tout ce qui constituait la force du mouvement contre le CPE. Par contre, le présentateur en a fait des tonnes sur des questions totalement secondaires, focalisant ainsi l’attention, par exemple, sur la tactique du blocage des facultés (question qui, sous la houlette gauchiste, a déjà paralysé des AG durant des heures pendant le mouvement).
L’hypocrisie de LO fut d’ailleurs vite révélée par les interventions des quelques étudiants n’appartenant ni à LO ni à la LCR. Un étudiant qui avait participé à la lutte s’est ainsi fortement étonné d’entendre l’organisation trotskiste soutenir ici en parole la volonté et les tentatives d’extension du mouvement des étudiants aux travailleurs salariés alors que dans les faits cette même organisation s’y était opposée dans certaines universités. Ainsi, cet étudiant nous a appris (ce qui n’était pas pour nous étonner) qu’à la faculté de Jussieu à Paris, une délégation d’étudiants avait en effet pour mandat d’aller chercher la solidarité chez les travailleurs du bâtiment qui travaillaient dans les locaux de la fac. Des militants de LO les ont découragés en s’opposant ouvertement à cette initiative avec l’argument suivant lequel cette lutte n’était pas une grande lutte et qu’elle ne concernait pas toute la classe ouvrière ! Cet exemple de sabotage de l’extension du mouvement aux travailleurs est on ne peut plus parlant et dévoile ouvertement la nature anti-ouvrière et la duplicité de l’organisation d’Arlette Laguiller.
Ce sabotage de l’extension n’est pas une erreur locale ou individuelle, elle résulte de la politique générale et permanente de LO. Cette organisation de l’extrême gauche du capital, malgré ses beaux discours, a toujours cherché à diviser les ouvriers, en les enfermant dans leur secteur ou leur entreprise (comme ce fut le cas par exemple lors de la grève de la SNCF en 1986 ou celle des hôpitaux en 1988). Les forums de boîte organisés lors de cette kermesse annuelle en sont encore une illustration : les “débats” étaient disséminés aux quatre coins de la fête et polarisés sur une entreprise particulière et sur “ses” problèmes particuliers.
Par exemple, lors de la discussion dans le forum de l’usine Citroën d’Aulnay, il n’était absolument plus question du CPE et de la lutte des étudiants. Pourtant les interventions du CCI ont rappelé l’importance de ce mouvement pour toute la classe ouvrière, y compris pour les ouvriers de l’usine Citroën d’Aulnay. La réponse de LO fut intraitable : “Ce qu’ont fait les étudiants c’est très bien, mais ce n’est absolument pas possible pour le reste de la classe ouvrière car les ouvriers ne sont pas prêts à se battre”. Et nous pouvons ajouter : surtout quand il sont encadrés par LO ! Les AG souveraines, la nécessité de se battre de façon unie et solidaire quels que soient les secteurs… tout cela fut rejeté d’un revers de main par les porte-parole de LO. Et notre intervention rappelant la lutte des ouvriers métallurgistes de Vigo, en Espagne, où les travailleurs ont mis en pratique les méthodes de lutte des étudiants en France et sont allés chercher la solidarité par délégations massives de 600 ouvriers auprès de l’usine la plus proche, à savoir Citroën 1 [828] ( !), tout cela fut purement et simplement ignoré comme quantité négligeable par LO. Mieux encore, dans ses interventions suivantes, LO a lourdement insisté sur l’absence de combativité de l’usine Citroën d’Aulnay, et sur les efforts “herculéens” qu’il faut aux syndicats pour simplement réussir à faire débrayer “les gars” une heure. Notons au passage que toutes les actions préconisées dans ce forum de boîte soulignaient la nécessité d’utiliser les syndicats alors qu’une centaine de mètres plus loin, devant les étudiants, LO sortait la version radicale de son discours, allant même jusqu’à affirmer que les syndicats sont des organes réactionnaires appartenant à la bourgeoise et cela… “depuis trois quart de siècle !”. Voilà encore un bel exemple du double langage de LO.
Ne reculant devant aucun mensonge et autre manipulation, LO a sorti la grosse artillerie tant contre l’ensemble de la gauche que sur les élections.
Dans son forum consacré à juin 1936, LO a dénoncé la politique anti-ouvrière des forces de gauche sous le Front populaire, sous Mitterrand, sous Jospin…, affirmant qu’il ne fallait avoir aucune illusion de ce côté pour l’avenir. Rappelons brièvement, et entre autres exemples de collaboration, que LO a appelé à voter Mitterrand en 1974 et en 1981 ! Poussant le bouchon encore un peu plus loin, lors du traditionnel débat de sa kermesse entre LO et la LCR, l’organisation de Laguiller a critiqué avec une grande virulence la participation de la LCR, en pleine lutte contre le CPE, à des meetings unitaires réunissant le PS, le PC, la LCR, les Verts, alors qu’elle-même était présente à cette communion de la gauche “plurielle” comme on a pu le voir par exemple à Toulouse et à Lyon ! 2 [829] C’est preuve à l’appui que nous avons dénoncé ces mensonges éhontés en sortant par deux fois, durant les débats, les affiches de ces fameux meetings au bas desquels le logo “LO” apparaissait au côté de ceux de toutes les autres organisations de gauche et d’extrême gauche .
Quant à la question électorale, l’hebdomadaire de LO vendu à la fête étalait en titre : “Le changement ne viendra pas par les urnes”. Cela prête évidemment à sourire quand on sait que l’icône Arlette est de toutes les élections depuis 1974. Finalement, LO a faite sienne la maxime chiraquienne “plus c’est gros, mieux ça passe”. Le but de ce titre si “radical” est en fait d’emmener les plus sceptiques vers les urnes, mine de rien. Les discours quotidiens de Madame Laguiller lors de cette fête n’ont d’ailleurs cessé de marteler l’objectif de 2007, récolter le plus de voix possible, en maniant à merveille le double langage : “Les élections à venir l’année prochaine, présidentielle et législatives, sont un épiphénomène. Mais c’est une occasion de défendre devant un public large les objectifs politiques qui aujourd’hui correspondent aux exigences et aux aspirations des travailleurs et à leurs intérêts politiques” ou encore “plus ils [les ouvriers] seront nombreux [à voter], plus cela aidera les luttes indispensables”.
Les élections ne sont pas un “épiphénomène” ; elles sont l’instrument majeur de la bourgeoisie pour faire croire à la classe ouvrière que grâce au vote, elle peut s’exprimer et changer les choses. Les élections ne sont pas un moyen pour préparer les luttes, elles en sont au contraire le frein principal. C’est pourquoi la bourgeoisie et son Etat font autant de bruit autour des élections ; c’est pourquoi des pubs passent à la télé proclamant “votez, votez pour n’importe qui, mais votez”. LO participe ici pleinement à cette propagande. Le message qu’elle ne va cesser de marteler durant les 12 mois qui nous séparent de l’élection présidentielle de 2007 sera donc en chuchotant “le changement ne viendra pas par les urnes” pour mieux clamer haut et fort “alors surtout votez” !
Telle est la politique bourgeoise de Lutte Ouvrière. Si cette aile gauche du capital se tape aujourd’hui si fort sur la poitrine en criant “vive la lutte !” devant les éléments les plus combatifs de la classe ouvrière, en particulier les jeunes générations, c’est pour mieux saper la confiance et l’unité de l’ensemble du prolétariat, sur le terrain, en répétant quotidiennement dans les boîtes qu’il ne se passe rien ailleurs, que les “gars” ne sont pas motivés et que finalement, pour rependre LO, “dans ces conditions, il ne reste plus qu’à s’en remettre aux syndicats pour organiser quelques débrayages et aller voter pour se faire entendre”.
Mais la réalité, c’est bien au contraire que la classe ouvrière est en train de retrouver le chemin de sa lutte, que partout sur la planète elle développe sa solidarité et sa combativité, n’en déplaise à LO.
Pawel
1 [830] Lire l’article "Grève dans la métallurgie à Vigo en Espagne [821]"
2 [831] Voir RI 368, mai 2006 [832].
Le dernier film documentaire du réalisateur autrichien Hubert Sauper, Le cauchemar de Darwin, sorti dans les salles de cinéma en 2005, est rapidement devenu un succès international. L’avalanche de prix qu’il a reçue de Chicago à Venise (en passant par Copenhague, Montréal ou Fribourg), ainsi que ses multiples diffusions cette année sur la chaîne Arte, en témoignent.
La raison d’un tel succès est simple à comprendre : pas une seule âme, à moins d’être sèche comme la pierre, ne peut rester insensible devant ce film choc qui nous livre les images brutes et effroyables de Mwanza, petite ville de Tanzanie accrochée sur les bords du lac Victoria. Là-bas, les usines consacrées à l’exploitation industrielle d’un poisson hors normes, la perche du Nil, côtoient une population réduite aux dernières extrémités de la misère. Les ravages causés par la faim et le sida sont tels qu’ils déversent sans tarir des flots d’orphelins dans les rues de la ville ; des mômes qui se bagarrent entre eux jusqu’au sang pour une miraculeuse poignée de riz et se shootent avec la colle récupérée sur des emballages en plastique afin de chasser la peur lorsque tombe la nuit, propice à toutes sortes de violences.
En Afrique, la famine, les épidémies et les guerres semblent s’étendre sans jamais prendre de pause. La mort est certainement la seule à faire ripaille sur ce continent. Cela n’est un secret pour personne… sauf peut-être pour François Garçon, historien du cinéma et l’un des rares critiques à avoir porté une charge virulente, dans la revue Les Temps modernes, contre le documentaire de Sauper. Pour cet hurluberlu, le film est beaucoup trop "catastrophiste" : "Exit les contrastes sociaux intra-africains… les immeubles modernes, tous signes de modernité industrielle qui contrarient la thèse ultra-misérabiliste d’une Afrique scotchée au Malheur, cliché conforme il est vrai à l’attente du spectateur occidental.". Il en est par contre qui, portés par un irrésistible élan négationniste, n’ont pas oublié d’être conformes au cliché de l’imbécile heureux !
Dans le fond, Le cauchemar de Darwin ne nous apprend rien que nous ne sachions déjà. Mais, ce que l’on sait il nous le montre et cela suffit pour nous glacer le sang. Le cauchemar est bien réel et nous vivons dedans. Mwanza est le reflet de l’Afrique, et l’Afrique en cendres et décharnée, c’est le sort que le capitalisme en faillite réserve à toute l’humanité.
Dans une interview, H. Sauper disait :"Je viens de soulever le couvercle de notre poubelle collective et quand on voit ça, ça pue à mort." Mais, contrairement à ce qu’il semble croire, il n’a pas soulevé le couvercle d’une poubelle planquée dans un débarras, un recoin honteux du capitalisme ; ce qu’il a soulevé, c’est le couvercle posé sur le visage atroce du monde dans lequel nous vivons et l’avenir qu’il prépare. Depuis longtemps, les rives du lac Victoria sont considérées comme étant le berceau de l’humanité ; il est fort probable que sous le règne du capitalisme elles en préfigurent le tombeau.
825 millions de personnes dans le monde sont en état de sous-alimentation et chaque année ce sont 5,6 millions d’enfants qui meurent de dénutrition principalement en Afrique et en Asie du Sud. La main osseuse de la faim frappe impitoyablement et s’abat sur un nombre sans cesse croissant d’êtres humains. En Tanzanie, au Niger et ailleurs, les hommes en sont réduits à creuser les termitières dans le maigre espoir de recueillir les quelques grains de blé ou de mil stockés par les insectes. A part çà… "tout va bien !", si l’on en croit notre critique burlesque F. Garçon mais aussi la délégation de la commission européenne que l’on voit dans le film en visite à Dar-es-Salaam. Cette ribambelle d’ambassadeurs et de représentants d’Etats-membres, en admiration devant les infrastructures industrielles pour l’exploitation de la perche, nous lance, avec un splendide cynisme, un …"c’est vraiment génial !".
Monsieur Garçon disait vouloir du contraste, et pourtant en voilà un qu’il a feint de ne pas voir. Dans Le cauchemar de Darwin, Sauper braque sa caméra sur une usine de découpe et de conditionnement de la perche. Selon le patron de l’usine, Mwanza produit "au minimum" 500 tonnes de poissons par jour. Les avions cargo Iliouchine, affrétés par une compagnie russe, embarquent jusqu’à 55 tonnes de filets de perche vers les marchés européens. Chargés jusqu’à la gueule, ces géants des airs sont parfois même incapables de décoller et s’abîment dans le lac ou se brisent à proximité des habitations. Malgré cette production massive de nourriture, la population de Mwanza et celle de l’arrière-pays crève inexorablement de faim. Les plus "chanceux" d’entre eux pourront toutefois se payer le "luxe" de s’offrir les carcasses de poisson putréfiées qui, une fois passées à la friture, seront consommées. Comme disent Messieurs les ambassadeurs… "c’est vraiment génial !"
François Garçon ne voit toujours pas le problème et pourtant, un enfant de 7 ans saurait voir la terrible contradiction. Dans une interview accordée au site comme au cinéma.com, Sauper dit : "Encore une chose bizarre, dans une région où les gens meurent de faim, où les enfants ont le ventre gonflé par le manque de protéines. J’ai alors posé cette question naïve qui est devenue la base du film : comment se fait-il que cette nourriture s’envole d’un endroit où les gens ne mangent pas ? La réponse était très simple, la bonne nourriture va là où on est capable de payer…".
Quand Sauper fait remarquer au propriétaire de l’usine, d'où sortent des tonnes de filet de poissons chaque jour, qu’il y a une famine en Tanzanie, ce dernier lui répond sans se démonter : "la pluie… il y en a eu peu" et "le riz a besoin de beaucoup d’eau". C’est mot pour mot le discours officiel que nous tient la classe dominante. "Il y a une famine ?...et bien ce doit être la faute à pas de chance", "le sort qui s'acharne", en un mot "la fatalité". Ici, les experts bourgeois nous expliquent "savamment" qu’ "une pluviométrie insuffisante entraîne la sécheresse des sols et au final de mauvaises récoltes, c’est logique"…la belle affaire !
"D’autres fois ce sont les invasions de criquets pèlerins qui dévorent tout sur leur passage". Il fallait oser le dire… la famine à cause des criquets ! ? ! Il ne manque plus que Charlton Heston, les grenouilles et la grêle pour que la bourgeoisie nous rejoue Moïse et les 10 plaies d’Egypte.
Que les récoltes soient abondantes ou non n’a jamais été le problème. Dans l'économie capitaliste, les capacités de production ne sont absolument pas en cause. Le problème c’est qui va pouvoir acheter les marchandises produites, le fruit des récoltes et les tonnes de poissons de Mwanza ?
Le capitalisme a développé à un tel niveau la production industrielle qu’il pose la possibilité technique de produire suffisamment pour répondre aux besoins les plus vitaux de l’humanité. Il a développé ce potentiel mais sa limite historique réside dans le fait qu’il est tout bonnement incapable de le réaliser concrètement, de nourrir toute l’humanité, parce que ce système n’écoule ses marchandises que si on les lui achète, que s’il existe un marché solvable sur lequel il sera possible de réaliser des profits. Et nous sommes là au cœur de ce qui cause la faillite du capitalisme, la crise (inédite dans l’Histoire) de surproduction. "Parce que la société a trop de civilisation, trop de moyens de subsistance, trop d’industrie" 1 [833] par rapport à ce que peuvent contenir ses règles de fonctionnement économique, elle menace de faire sombrer le monde jusqu’au dernier degré de la barbarie et de la misère.
Non seulement le capitalisme en crise emporte tous les jours et par grandes brassées des vies humaines mais en plus il transforme, à petit feu, la planète en une immense plaine brûlée et stérile.
Là aussi, Le cauchemar de Darwin nous donne un exemple édifiant. L’introduction (dans les années 1950) et l’exploitation industrielle de la Perche du Nil se sont faites sans aucune considération quant à la pérennisation des ressources du lac Victoria. Les perches, de nature carnivore, après avoir mangé toutes les autres espèces se mangent désormais entre elles ! Selon les scientifiques de l’International Center for Research in Agroforestry de Nairobi, le lac Victoria, le plus grand lac tropical du monde, deviendra un point d’eau mort avant les années 2050. Mais qu’importe, le capital ne voit que son profit immédiat et pour le reste il se dit "après moi, ça peut bien être le déluge". C’est de cette façon que raisonne le bras droit du patron de l’usine de Mwanza lorsqu’il fait la remarque qu’ "une fois introduite, la perche a dévoré les autres poissons mais économiquement c’est bon". Voilà tout ce qui compte aux yeux du capitalisme…qu’économiquement cela soit bon. "Le capital abhorre l’absence de profits ou un profit minimum comme la nature a horreur du vide. Que le profit soit convenable, et le capital devient courageux : 10% d’assurés, et on peut l’employer partout, 20% il s’échauffe ! 50% il est d’une témérité folle ; à 100% il foule aux pieds toutes les lois humaines ; 300% et il n’est pas de crime qu’il n’ose commettre, même au risque de la potence." (P.J Dunning, cité par Marx dans le Livre I du Capital).
Les conséquences d’une telle logique sont évidemment catastrophiques pour l’environnement. Le capitalisme fait si peu de cas de l’avenir de l’espèce humaine et de son milieu de vie naturel que cette potence qu’il dresse servira avant tout à pendre l’humanité tout entière.
"Montrer sans rien dire", c’est la recette cinématographique des films de Sauper. C’est aussi le meilleur moyen pour ne pas dire d’âneries. Mais tôt ou tard, il faut bien répondre aux interviews et faire des commentaires, et là les choses se gâtent… "tout les débats autour de ce film c’est sur la mondialisation" ; voilà poindre timidement le fond de la critique d’Hubert Sauper. Finalement, son cauchemar, ce n’est pas l’ordre capitaliste mais sa "dérive libérale"… la tarte à la crème préférée de la bourgeoisie pour nous faire gober qu'avec une réforme de-ci de-là, le capitalisme pourrait être un monde meilleur, loin de ce cauchemar quotidien. L’ennui, c’est que ce ne sont pas les bons sentiments qui régissent ce système mais l’intraitable loi du profit et de son accumulation. Changer cette loi implique inévitablement de changer de système.
Mais Sauper est si attaché à l’ordre capitaliste (comme tout altermondialiste qui se respecte) que d’après lui : "L’éternelle question qui consiste à se demander quelle structure sociale et politique est la meilleure pour le monde semble avoir trouvé une réponse. Le capitalisme a gagné. Les sociétés futures seront régies par un ‘système consumériste’ perçu comme ‘civilisé’ et ‘bon’. Dans le sens darwinien le ‘bon système’ a gagné. Il a gagné en convainquant ses ennemis ou en les éliminant."
Cela valait vraiment la peine de faire un film dénonçant les contradictions les plus criantes d’un mode de production qui, contrairement à la perche, n’a ni queue ni tête, pour conclure que ce même système est le nec plus ultra, le produit fini de l’évolution des sociétés humaines.
Le capitalisme serait donc le compétiteur le mieux adapté… oui, mais à quoi ? Parce que s’il existe un système devenu complètement inadapté à l’existence des êtres humains c’est bien le capitalisme.
Dans la longue évolution des sociétés humaines, le mode de production capitaliste a représenté une étape cruciale et décisive car, en décuplant les forces productives par son industrie, il a créé les conditions matérielles pour l’apparition d’une nouvelle société. Une société capable de dépasser toutes les contradictions mortelles du capitalisme parce qu’elle ne produira pas pour réaliser des profits mais pour répondre aux besoins des hommes.
Le capitalisme n’a pas gagné. Loin de là. Chaque jour, il nous montre ses limites et la nécessité de le renverser.
Au beau milieu de ce cauchemar, il y a bel et bien une lueur d’espoir, celle que porte la classe ouvrière au travers de ses luttes : la promesse de cette nouvelle société que sera le communisme.
Azel (21 juin)
1 [834] Manifeste Communiste.
Dubaï, l’un des sept Etats des Emirats Arabes Unis, est un vaste chantier immobilier, alternant constructions d’immeubles de bureau et manufacturiers.
Entre autres "merveilles" du gigantisme architectural capitaliste, c’est là que se construit un des fleurons du capitalisme débridé, la plus grande tour du monde, la Durj Dubaï Tower. Les ouvriers, en leur totalité immigrés et en majorité d’Inde et du Pakistan, qui travaillent dans ce gigantesque chantier permanent y subissent des conditions d’exploitation et de vie effroyables. Sous-payés (70 euros les "bons" mois) quand ils le sont, maltraités par les employeurs, sans jours de congés ni vacances, les accidents de travail y sont particulièrement nombreux et le taux de suicide impressionnant. Malgré la répression, le flicage et l’interdiction de faire grève, ils ont cependant commencé depuis plusieurs mois à se révolter. Ainsi, des grèves sporadiques éclatent régulièrement depuis l’automne dernier. Au mois de mai, cette poussée de la combativité ouvrière a conduit plusieurs milliers d’entre eux à manifester leur colère dans une véritable révolte : les 2500 ouvriers travaillant dans la tour ont affronté pendant deux jours les patrons et la police, ravageant les bureaux et les voitures de chantiers. Le lendemain, dans un mouvement spontané, des milliers d’ouvriers de l’aéroport international de Dubaï, se mettaient en grève en solidarité avec les travailleurs immigrés victimes de la répression.
Cette vague de luttes ouvrières a touché également d’autres pays tel le Bangladesh 1 [835] où 1,8 million d’ouvriers du textile et de la confection, dont 90% de femmes, concentrés dans des zones industrielles et autour de la capitale, Dhaka, se sont engagés dans une série de grèves sauvages massives et simultanées. Du 20 mai au 6 juin, ce sont différents centres industriels qui ont été touchés de façon répétée par cette vague de grèves, qui a pris un caractère de violence permanent du fait de la répression d’une férocité inouïe à laquelle s’est livré le pouvoir bengali. Trois ouvriers ont été tués, trois mille autres blessés par balles, et plusieurs milliers emprisonnés. Des dizaines de milliers d’ouvriers s’étaient mobilisés dans un mouvement de grève qui s’est répandu comme une traînée de poudre pour protester contre les salaires et les conditions de travail : 15 euros mensuels, pas de congés, pas d’hygiène, viols des ouvrières, etc. Partis d’une usine de Sripur, dans la banlieue de la capitale, des émeutes se sont propagées vers Dhaka, entraînant la fermeture de centaines de manufactures. Pour mieux les matraquer, les forces de répression policières, militaires et paramilitaires, ont tenté d’enfermer les ouvriers dans certaines usines (où l’eau potable avait été coupée !). La violence des affrontements entre les ouvriers et les forces de l’ordre a été telle que 14 usines ont été brûlées et plusieurs centaines saccagées.
En refusant de répondre aux revendications des grévistes, le gouvernement, bien qu’il ait essayé de jouer la carte syndicale, n’a pu faire rentrer les ouvriers au travail qu’en déclenchant une répression encore plus sauvage.
Ce qui a caractérisé ce mouvement, comme celui de Dubaï, c’est l’extrême combativité des ouvriers, leur volonté de s’unir le plus largement et le plus massivement possible, contre la répression et l’exploitation, et leur détermination à refuser l’esclavage barbare du capitalisme.
Ces combats, malgré leurs limites dues au manque d’expérience du prolétariat dans les pays périphériques, en annoncent d’autres car, face à l’aggravation de la crise économique mondiale la bourgeoisie ne peut que continuer à sur-exploiter les ouvriers de ces pays et à les enfoncer dans une misère toujours plus grande. C’est justement face cette perspective de développement des luttes ouvrières dans cette région du monde comme dans tous les pays que, au Bangladesh, le gouvernement et les patrons, qui interdisent ordinairement la présence des syndicats quels qu’ils soient dans les entreprises du textile, les ont appelé à la rescousse pour "organiser", c’est-à-dire étouffer, le mouvement.. C’est la même politique que la classe dominante a mise en place à Dubaï, où même un gouvernement aussi réactionnaire que celui des Emirats Arabes Unis a dû proposer un projet de loi pour autoriser la formation de syndicats dans les entreprises afin qu’ils puissent servir de contre-feu dans les inévitables combats de classe à venir.
La répression féroce et tragique des luttes ouvrières dans les pays de la périphérie du capitalisme constituent un appel à la responsabilité des bataillons les plus concentrés et expérimentés du prolétariat mondial, ceux des pays centraux d’Europe occidentale. Les prolétaires de ces pays doivent partout manifester leur solidarité envers leurs frères de classe sauvagement matraqués par la soldatesque de l’Etat capitaliste. Et cette solidarité, ils ne pourront la faire vivre qu’en développant massivement leurs luttes contre les attaques incessantes qu’ils subissent aussi de la part de "leur propre" bourgeoisie nationale et son Etat "démocratique". Ils ne doivent jamais oublier que cet Etat "démocratique" occidental et "civilisé" n’a pas hésité à envoyer ses propres flics, ses CRS et ses gardes mobiles, contre les enfants de la classe ouvrière qui se sont mobilisées en France, à la même période, contre le chômage et la précarité. Le développement massif de cette solidarité de classe dans les pays les plus industrialisés est la seule force qui puisse ouvrir une perspective d’avenir pour toute la classe ouvrière mondiale. Et cette perspective en vue du renversement du capitalisme ne pourra s’affirmer clairement que lorsque la classe ouvrière des pays "démocratiques" sera capable de briser les remparts du capital que sont les appareils syndicaux et leurs appendices gauchistes.
Mulan (30 juin)
1 [836] Voir l’article de notre section en Inde [837], Communist Internationalist (en anglais).
Nous publions ci-dessous, suivi de notre réponse, un extrait d’un courrier de lecteur qui exprime certains désaccords avec notre analyse du mouvement des étudiants contre le CPE.
"Tant que les secteurs centraux de la classe ouvrière ne bougeront pas massivement leur cul en tant que tels, dans les assemblées, dans des meetings, des manifs de rue, sur des mots d’ordre unitaires, politiques donc et internationalistes, il n’y aura de perspective pour personne, pour aucune partie du prolétariat ou assimilée, aussi bien jeune que vieille, et encore moins de la part et pour celles qui sont à la périphérie, c’est-à-dire soit en partie noyées, influencées dans et par la petite bourgeoisie dans les lycées et les universités, soit en partie gangrenées et influencées par les éléments du lumpen prolétariat dans les cités (…) ‘la jeunesse scolarisée et cultivée’, qui à mon sens, a été très bien et très intelligemment encadrée par les syndicats, s’est montrée combative et solidaire, mais aussi plutôt massivement légaliste et démocratique dans ses actes et ses propos (…) ‘cette jeunesse exemplaire’ a été opposée à la ‘jeunesse violente et inculte’ qui a manifesté il y a peu - et manifestera encore – sa révolte, son manque de foi dans le passé, le présent et l’avenir, en brûlant des écoles, des gymnases, des entrepôts, des entreprises (…). Ces deux ‘mobilisations’ étant à mes yeux :
Bien que ce lecteur affirme à la fin de sa lettre que le mouvement des étudiants contre le CPE était anti-capitaliste et de nature ouvrière, il tend néanmoins à en minimiser l’importance du point de vue de la contribution remarquable qu’il a apportée à la dynamique de la lutte de classe.
Notre lecteur affirme à juste raison que la lutte des étudiants et lycéens contre le CPE, tout comme les émeutes des jeunes des banlieues en novembre dernier, étaient "symptomatiques, annonciatrices de grands mouvements". Elles sont avant tout symptomatiques de l’absence de perspective que porte en lui le capitalisme. Elles sont le produit de l’impasse historique d’un système qui n’a aucun avenir à offrir aux enfants de la classe ouvrière. En ce sens, ces "deux mobilisations" étaient tout à fait légitimes. Néanmoins, leur nature de classe ne peut se comprendre à partir d’une démarche sociologique consistant à opposer la jeunesse "scolarisée et cultivée" et la "jeunesse inculte et violente". Le problème ne se situe pas sur le plan du niveau "culturel" des nouvelles générations mais sur le plan des méthodes que ces "deux mobilisations" ont employé pour manifester leur colère contre le "no future" que leur impose le capitalisme. Ainsi, les méthodes utilisées par les jeunes des cités ouvrières consistant à incendier les voitures de leurs voisins, les écoles, les gymnases des quartiers populaires sont une illustration du désespoir dans lequel ils sont plongés, un désespoir qui sape toute prise de conscience d’appartenir à la même classe que ceux qui ont été les principales victimes de leur violence aveugle. Ces émeutes ne pouvaient déboucher sur aucun mouvement de solidarité de la part de la classe ouvrière. Ces explosions de colère n’ont pas été en mesure de créer des lieux de discussion et de réflexion ouverts à toute la classe ouvrière. Au contraire, les méthodes désespérées des jeunes émeutiers ont créé un sentiment de peur et de repli sur soi de la part de la grande majorité des travailleurs. Même si de nombreux ouvriers pouvaient "comprendre" la colère de ces jeunes exclus, à aucun moment, ils ne se sont reconnus dans de telles méthodes parce qu’elles n’appartiennent pas à la lutte de classe. Et c’est bien parce que le mouvement de la jeunesse scolarisée contre le CPE s’est approprié les véritables méthodes de lutte de la classe ouvrière (notamment les assemblées générales et les manifestations de rue) qu’il a pu bénéficier de la sympathie et de la solidarité active d’un nombre croissant de prolétaires. C’est justement parce que le mouvement contre le CPE était basé non pas sur la destruction des quartiers ouvriers mais sur la solidarité entre les générations, entre tous les secteurs de la classe ouvrière contre les attaques de la bourgeoisie qu’il a pu constituer une force sociale capable de faire reculer le gouvernement. En ce sens, si Monsieur Sarkozy a pu affirmer : "je fais une différence entre les étudiants et les émeutiers car ce sont des voyous", ce n’est nullement parce qu’il serait plus sensible au niveau "culturel" de la jeunesse scolarisée (contre laquelle il n’a pas hésité à envoyer ses flics !). C’est uniquement parce qu’il redoutait que les méthodes de lutte utilisées par les étudiants et lycéens ne fassent tache d’huile et ne débouchent sur un gigantesque mouvement de solidarité incontrôlable de toute la classe ouvrière.
En mettant sur le même plan la révolte des jeunes émeutiers et la mobilisation des étudiants et lycéens, notre lecteur tend à sous-estimer la profondeur du mouvement de la jeunesse scolarisée contre le CPE. Son courrier avance plusieurs arguments :
Ces critiques aux limites et faiblesses du mouvement sont pour le moins exagérées et peu conformes à la réalité. Ce que nous avons pu constater, c’est d’abord que les syndicats ont été surpris et débordés par la situation. Ainsi, dès le 7 mars, ce sont les étudiants qui prennent la tête des cortèges dans les manifestations et obligent les syndicats à se mettre à la queue du mouvement. C’est pour cela que les grandes centrales syndicales ont développé toutes sortes de manœuvres pour empêcher les travailleurs de se mobiliser massivement en solidarité avec les étudiants. Ce qu’on a vu également, ce sont des délégations massives d’étudiants qui, face aux tergiversations des syndicats, sont allées elles-mêmes étendre la lutte dans les gares, les bureaux de postes, les entreprises. Et si la bourgeoisie a fini par reculer ce n’est certainement pas grâce aux syndicats (même si ces derniers ont été obligés de radicaliser leurs discours et ont tenté de récupérer le mouvement). C’est justement parce que les syndicats risquaient de perdre le contrôle de la situation, notamment dans les entreprises du secteur privé, que le gouvernement est allé à leur rescousse en retirant le CPE le plus rapidement possible après la grande manifestation du 4 avril.
Ce que révèlent les critiques de notre lecteur aux limites du mouvement, c’est une vision "puriste" de la lutte de classe. Le combat de la classe ouvrière contre la bourgeoisie est un rapport de force permanent. C’est un combat qui se mène sur le long terme contre les institutions de l’Etat démocratique, contre les illusions qui pèsent sur l’ensemble de la classe ouvrière. Parce que les idées dominantes sont celles de la classe dominante, le prolétariat devra, jusqu’à la révolution, mener le combat contre l’idéologie démocratique sous toutes ses formes ("légalistes", réformistes, électoralistes, syndicalistes). Si la classe ouvrière n’a pas encore été capable de renverser le capitalisme, c’est à cause de toutes ses illusions qui pèsent encore sur sa conscience. Et ce n’est qu’à travers la multiplication de ses expériences, dans la lutte elle-même, que la classe ouvrière peut forger ses propres armes en se heurtant à celles de la bourgeoisie (notamment à travers la confrontation répétée aux pièges et aux manoeuvres de sabotage des syndicats). C’est dans et par la lutte que le prolétariat dans son ensemble pourra progressivement prendre confiance en lui-même et briser tout le carcan idéologique qui entrave le développement de ses combats.
On ne peut donc reprocher à la jeunesse scolarisée d’avoir été "massivement légaliste et démocratique". Ce qu’a montré cette première expérience menée par cette nouvelle génération de la classe ouvrière, c’est surtout le rejet massif des lois scélérates de la bourgeoisie telle que la loi sur "l’égalité des chances". Il est évident que ce mouvement a eu ses propres limites et ne pouvait déboucher immédiatement sur l’ouverture d’une période révolutionnaire. Mais il a eu le mérite de dévoiler ouvertement à l’ensemble de la classe ouvrière le vrai visage de l’Etat démocratique avec ses flics armés jusqu’aux dents et ses médias aux ordres. En ce sens, on peut affirmer sans hésitation que le mouvement des étudiants et lycéens a constitué un jalon dans la prise de conscience du prolétariat sur la barbarie de la démocratie capitaliste.
Le scepticisme de notre lecteur s’exprime également à travers l’argument suivant lequel les lycéens et étudiants sont noyés et influencés par la petite bourgeoisie. La première chose que nous devons affirmer, c’est que, avec l’aggravation considérable de la crise économique, il est de plus en plus évident que la perspective du chômage est la principale préoccupation de la jeunesse scolarisée (ce qui n’était pas le cas dans les décennies précédentes où de nombreux étudiants avaient encore l’ illusion de pouvoir trouver un emploi durable à la fin de leurs études). Le mouvement contre le CPE a montré que malgré l’ "influence" de l’idéologie de la petite-bourgeoisie (surtout dans les universités), il a été capable de se situer d’emblée sur un terrain de classe, contre une attaque économique. Ainsi, les étudiants ont montré leur capacité à mettre de côté leurs revendications spécifiques (telle la réforme LMD) au profit de revendications unificatrices dans lesquelles toute la classe ouvrière pouvait se reconnaître. Par ailleurs, on a pu voir dans les manifestations une multitude de banderoles affichant le slogan : " Etudiants, lycéens, chômeurs, travailleurs, précaires, TOUS UNIS contre le CPE !". Et c’est justement ce qui fait la différence entre le mouvement d’aujourd’hui et les mouvements précédents de la jeunesse estudiantine (tel celui contre la loi Devaquet en 1986) marqués par des revendications interclassistes. L’approfondissement de la crise du capitalisme a balayé les illusions sur l’ ""avenir radieux" que nous promettait le capitalisme après l’effondrement des régimes staliniens. C’est pour cela que la grande majorité des étudiants et lycéens, en tant que travailleurs précaires et futurs chômeurs, sont aujourd’hui capables de se reconnaître comme partie intégrante de la classe ouvrière.
En ne voyant que les faiblesses et limites du mouvement, notre lecteur élude la question : pourquoi la bourgeoisie a-t-elle été obligée de reculer ? Il finit par affirmer que ce mouvement contre le CPE ne pouvait pas montrer une perspective puisque les secteurs centraux de la classe ouvrière n’ont pas bougé "massivement leur cul en tant que tels, dans des assemblées, dans des meetings, des manifs de rue…".
Pour notre lecteur, il n’y a aura pas de perspective "tant que le gros des rangs ouvriers ne se bougera pas, ne montrera pas sa force, ne tracera pas une autre voie… quelque part en Europe."
S’il est vrai que lors du mouvement contre le CPE, on n’a pas vu les travailleurs se mobiliser massivement dans les entreprises (du fait du black-out des médias et des manœuvres de sabotage des syndicats), il faut néanmoins reconnaître que de plus en plus de travailleurs se sont "bougé le cul" dans les manifs. C’est justement parce qu’un nombre croissant de travailleurs sont descendus dans la rue en solidarité avec les étudiants que le gouvernement a été obligé de retirer le CPE.
Mais la question la plus fondamentale est celle de la perspective historique qui ne peut se comprendre qu’en examinant la dynamique de la lutte de classe à l’échelle internationale. C’est dans le cadre de la reprise générale des combats de classe (notamment depuis les luttes du printemps 2003) que s’inscrit le mouvement des jeunes générations contre le CPE. Face à l’aggravation du chômage et des licenciements, cette dynamique internationale a été marquée par une tendance croissante vers la recherche de la solidarité entre les différents secteurs de la classe ouvrière et entre les générations. C’est bien ce qu’on a vu dans toutes les luttes qui se sont développées dans les principaux pays industrialisés : à Daimler-Chrysler en Allemagne, à l’aéroport d’Heathrow à Londres, dans les transports de New York, à l’usine Seat de Barcelone, etc. Bien plus que les émeutes des banlieues, tous ces mouvements de la classe ouvrière internationale étaient annonciateurs de grands mouvements tels que celui des étudiants en France qui a constitué une référence pour l’ensemble du prolétariat dans tous les pays. Ainsi, quelques semaines après la fin du mouvement contre le CPE, c’est un des "secteurs centraux" de la classe ouvrière en Europe, celui de la métallurgie en Espagne, qui se mobilisait en reprenant le flambeau de la lutte des étudiants en France. A Vigo, des milliers d’ouvriers sont descendus manifester dans la rue et sont allés chercher la solidarité de toute la classe ouvrière. Ils sont sortis de l’usine pour organiser des assemblées massives dans la rue en invitant toute la population à y participer (voir Internationalisme n° 326 [821]). Et c’est justement parce que la bourgeoisie sait pertinemment que la classe ouvrière mondiale est en train de tracer "une autre voie … quelque part en Europe" (suivant les termes de notre lecteur) qu’elle a fait le black-out total sur la grève des ouvriers métallurgistes de Vigo tout comme elle avait fait le black-out sur les assemblées générales massives des étudiants en France.
La grève des travailleurs de Vigo, leur volonté d’entraîner dans la lutte les autres secteurs de la classe ouvrière à travers la tenue d’assemblées générales ouvertes à tous, est une nouvelle confirmation de la dynamique de la lutte de classe depuis trois ans.
La dynamique de la solidarité au sein de la classe ouvrière a donc ouvert une nouvelle perspective à l’échelle internationale (y compris dans les pays périphériques tels que les Emirats arabes où les ouvriers de l’aéroport de Dubaï se sont mis en grève fin mai en solidarité avec les travailleurs immigrés victimes de la répression de leur mouvement de révolte contre la misère et l’exploitation féroce qu’ils subissent).
Il est vrai que l’ouverture de cette nouvelle perspective n’est pas encore visible pour toute la société en bonne partie du fait du black-out de la bourgeoisie sur les luttes les plus significatives. Et c’est précisément pour cela que le rôle des organisations révolutionnaires consiste aujourd’hui à combattre plus que jamais les mensonges, les falsifications et le silence des médias bourgeois sur la réalité des luttes ouvrières. C’est ce que le CCI, pour sa part, s’est efforcé de faire dans sa presse en rétablissant la vérité sur le mouvement des étudiants en France.
Sofiane
Alors que dans le mouvement du printemps, les jeunes générations commençaient à mettre en question la précarité, circulaient des tracts dénonçant le CPE, "symbole du néo-libéralisme", et affirmant que la "suppression du chômage et de la précarité est possible" (tract d’ATTAC diffusé avant la manifestation du 28 mars). Tandis que ce mouvement a bien souvent été présenté à l’étranger comme une expression de l’arriération du peuple français qui refuserait systématiquement toute adaptation aux nouvelles situations, ATTAC, au contraire, saluait la réaction à la "révolution conservatrice en cours depuis maintenant presque 30 ans" et appelait ses "adhérents et plus largement tous les citoyens à participer massivement aux manifestations". De fait, ATTAC a été très présent dans ce mouvement pour répondre aux questionnements et à l’angoisse des travailleurs devant la dégradation de leurs conditions de vie et l’avenir que nous réserve le capitalisme. "Il n’y a aucune fatalité au chômage et à la précarisation. Dans ce bras de fer contre la tyrannie des marchés, tout est question de mobilisation sociale et de volonté politique". (tract d’ATTAC) Evidemment, ces affirmations ne peuvent que susciter la sympathie et l’intérêt des travailleurs.
En 1999, l’Association pour une Taxation des Transactions Financières pour l’Aide aux Citoyens (ATTAC) est créée par un collège comprenant, entre autres, Le Monde Diplomatique, Alternatives économiques, la FSU, la Confédération paysanne, Artisans du Monde, etc. Cette association est présente dans une cinquantaine de pays et va se faire rapidement connaître, en particulier en transformant de grandes Conférences Internationales en tribune pour la défense des pays défavorisés, comme à Seattle en 1999, et en participant à de nombreux forums sociaux qui se sont tenus dans divers pays (Porto Alegre, Gênes, Paris,etc.).
ATTAC veut se présenter comme une force "alternative", différente des partis politiques traditionnels, avec des commissions qui regroupent des scientifiques, des économistes, autour du slogan "un autre monde est possible". Dans un monde ravagé par la crise économique, ATTAC entend présenter, avec le maximum de sérieux, des solutions pour "changer le monde", le rendre plus "juste". De ce fait, ATTAC a attiré beaucoup de gens sincères qui ne veulent plus faire confiance aux partis de gauche. Selon le journal Libération, ATTAC a "tout pour être une des forces politiques qui devaient façonner le monde de l’après-guerre froide" et, en tant que telle, a été très médiatisée. Il est difficile aujourd’hui de se préoccuper des questions sociales sans être confronté immédiatement aux idées "altermondialistes" dont ATTAC constitue le fleuron.
En France, ATTAC s’est plus récemment illustrée en faisant une campagne active pour le "non" au referendum sur la Constitution Européenne et, tout dernièrement, en étant très présente aussi bien dans les Assemblées Générales que dans les manifestations du mouvement des étudiants contre le CPE.
Voyons donc ce que nous propose ATTAC dans sont tract "Le CPE est un symbole du néolibéralisme". ATTAC nous explique que nous assistons actuellement non pas à une crise du système capitaliste, mais à "une révolution conservatrice" qui serait la cause du chômage et de la précarité. Ce serait, comme le disait ATTAC au moment du referendum, "les orientations politiques ultra-libérales (qui sont) responsables de la dégradation sociale, de la casse des statuts". Ainsi, selon ATTAC, le capitalisme se porte bien ; ce qu’il faut combattre c’est cet "ultralibéralisme" qui pousserait à déréglementer les législations sociales et à abandonner les "acquis ouvriers" alors qu’il "existe des marges de manœuvre importantes pour créer de l’emploi". Autrement dit, il existe d’autres options pour gérer le capitalisme, pour empêcher ce type de dérive et revenir aux jours glorieux d’il y a quelques 30 ans. Il faut donc lutter non pas contre le capitalisme mais contre ce néolibéralisme en proposant des réformes sociales pour "améliorer" un système tout à fait viable.
Dans le tract cité, nous trouvons en condensé une série de mesures préconisées par ATTAC et qui permettraient de combattre efficacement la "fatalité du chômage" :
- la création d’emplois pour répondre aux besoins individuels et collectifs de la population ;
- la réduction du temps de travail, financée par la redistribution des gains de productivité aux salariés ;
- une mise en œuvre de la taxe Tobin pour créer des millions d’emplois à l’échelle européenne.
Que valent ces trois propositions, ces fameuses nouveautés ?
D’abord, on pourrait se demander pourquoi les capitalistes n’avaient pas pensé avant à créer des emplois "pour répondre aux besoins de la population". Mais ATTAC y apporte elle-même sa réponse : alors que "d’immenses besoins existent dans la société, (que) des millions d’emplois peuvent donc être créés pour y répondre (…) les entreprises privées n’embauchent pas en fonction de la nature du contrat de travail mais en fonction des commandes qu’elles ont ou de leurs perspectives". C’est donc bien "la tyrannie des marchés" qu’ATTAC se propose de limiter avec des "politiques budgétaires qui tournent radicalement le dos au carcan néolibéral imposé par l’Europe des Banquiers". En effet, selon ATTAC, "la demande croissante de services collectifs peut être un formidable réservoir d’emplois". Il est surprenant qu’ATTAC ait eu besoin de s’entourer de "penseurs" et d’universitaires pour découvrir qu’avec les politiques "néolibérales", la principale motivation des capitalistes serait de faire du profit… ce qu’ils ont toujours fait depuis que le capitalisme existe ! Le capital a toujours payé sa main d’œuvre le moins cher possible, y compris la partie du salaire gérée en général par l’Etat et qui concerne les aspects de la vie sociale comme l’éducation et la santé. Et aujourd’hui, alors que le monde s’enfonce dans une crise toujours plus profonde, chaque capital national essaie de limiter le nombre de bras dont il a besoin et de les payer encore moins pour résister à la concurrence sur le marché mondial. En appelant à lutter contre les "sirènes néo-libérales", ATTAC passe sous silence la réalité de la société capitaliste, basée sur l’exploitation de la force de travail et la recherche du profit ; c’est la crise de ce système, et non pas de "mauvais" capitalistes envoûtés par les "sirènes néo-libérales", qui révèle de plus en plus l’horreur de l’esclavage salarié.
Quant à "la réduction du temps de travail", c’est une politique de " gauche " que les ouvriers ont expérimentée dans leur chair ! Les 35 heures ont surtout représenté un moyen d’accroître l’exploitation, avec la flexibilité du temps de travail, l’accroissement des cadences et le blocage des salaires.
Enfin, pour ce qui est de la taxe Tobin, elle représente la mystification de prédilection d’ATTAC pour nous faire avaler que dans ce monde dominé par la bourgeoisie, prendre dans la poche des riches pour redonner aux pauvres…"c’est possible !"
Derrière tout ce discours mystificateur, ATTAC veut nous faire croire qu’il existerait un "bon" et un "mauvais" capitalisme, un bon capitalisme qui, tout en exploitant la classe ouvrière, serait "plus humain", plus soucieux d’améliorer la vie des hommes et leur environnement. Sous ses airs sérieux, loin de la "politique politicienne", ATTAC nous ressert ainsi tout le discours de l’aile gauche du capital qui ne se propose absolument pas de changer la société, mais de faire accepter à la classe ouvrière des mesures qui vont dans le sens de la défense du capitalisme et de son Etat.
ATTAC réclame une répartition plus "équitable" des richesses, comme la gauche dans les années 1970, sous la houlette de l’Etat. "le chômage est une arme aux mains des entreprises multinationales pour dégrader la condition salariale… afin de gonfler les profits". Si l’Etat, dans chaque pays, réduit drastiquement les services sociaux, ce n’est pas, comme veulent le faire croire les partis de gauche et ATTAC parce qu’il est sous la coupe des "multinationales" mais parce que la crise de surproduction ne lui permet plus de garantir des minimums sociaux pour obtenir une certaine paix sociale.
La réalité c’est que l’Etat en personne est le fer de lance de l’attaque contre les conditions de vie des ouvriers lorsqu’il fait des coupes dans les budgets sociaux, supprime des emplois, en particulier dans les secteurs de l’enseignement et de la santé ! L’Etat montre d’ailleurs de plus en plus ce qu’il est réellement : un instrument de préservation de l’ordre social existant et de défense des intérêts de la classe exploiteuse.
ATTAC, en reprenant les thèmes qui avaient fait les beaux jours de la gauche du capital, vole donc au secours de la bourgeoisie. Quand le questionnement dans la classe ouvrière porte de plus en plus sur la réalité de la situation mondiale, ce n’est pas un hasard si ATTAC s’active pour offrir des réponses aux travailleurs en lutte contre cette société, et en particulier, aux jeunes générations. Tout cet éventail de "solutions" aux prétendus "dysfonctionnements" du système n’est là que pour cacher la seule perspective capable de mettre fin à la barbarie et à la misère : le renversement du capitalisme.
C’est justement parce que dans le mouvement contre le CPE, les jeunes générations ont commencé à comprendre que le chômage et la précarité généralisée sont une illustration de l’impasse du capitalisme, du "no future" que leur promet ce système, qu’ATTAC a cherché une fois encore à obscurcir la conscience de la classe ouvrière.
Sandrine
Le samedi 21 mai, le CCI a tenu une réunion publique à Paris sur le thème « MOUVEMENT CONTRE LE CPE, une riche expérience pour les luttes futures». Plusieurs dizaines de personnes, salariés, retraités, étudiants de différentes universités parisiennes étaient présents et ont pu participer activement au débat.
L’exposé introductif s’est donné pour objectif de :
- rappeler l’analyse développée dans notre presse sur la signification historique du mouvement des étudiants contre le CPE ;
- souligner ce qui a fait la force de ce mouvement : sa prise en charge par les étudiants eux-mêmes à travers les assemblées générales massives et souveraines, son extension en direction des travailleurs salariés qui a contraint le gouvernement à reculer ;
- tirer les principaux enseignements de cette formidable expérience que viennent de vivre les nouvelles générations de la classe ouvrière ;
- tirer un bilan afin de tracer des perspectives pour les luttes futures.
Le débat qui a suivi la présentation fut très riche et animé. Les étudiants présents dans la salle ont pu non seulement poser des questions mais également apporter des éléments d’information sur la fin du mouvement et les moyens de poursuivre la réflexion au sein des universités. Un étudiant venu pour la première fois à notre réunion publique a exprimé son enthousiasme face à l’intérêt et au soutien que le CCI a apporté au mouvement. Le débat s’est développé principalement autour des questions suivantes :
- Pourquoi le CCI considère-t-il que le mouvement contre le CPE est-il plus mûr que celui de mai 68 alors que les travailleurs ne se sont pas mobilisés massivement comme c’était le cas en 68 où on a vu 9 millions d’ouvriers en grève ?
- Pourquoi n’a-t-on pas vu les chômeurs s’organiser et se mobiliser dans les manifestations ?
- Le CPE était-il une attaque dont la bourgeoisie pouvait se passer ? N’était-ce pas un « test » politique visant à permettre à la bourgeoisie de faire passer par la suite une attaque sur le contrat unique ?
- Quelle est la fonction de l’idéologie altermondialiste véhiculée aujourd’hui par ATTAC ?
- Qu’est-ce qui différencie le CCI des groupes trotskistes, comme LO ou la LCR, qui eux aussi se disent « révolutionnaires » ?
La discussion fut très dynamique car de nombreuses réponses ont été apportées non seulement par le CCI mais également par les participants qui se sont répondus mutuellement avec un état d’esprit très fraternel et dans un souci de convaincre et de clarifier les désaccords. La présence d’étudiants de plusieurs universités qui ont pris la parole pour apporter leurs témoignages et leur point de vue dans le débat a rendu ce dernier très vivant et en prise avec la situation concrète. Mais ce qui a surtout constitué la qualité de cette réunion, c’est le fait que, dans la salle, des éléments de toutes les générations, et de plusieurs pays d’Europe, se sont retrouvés ensemble pour mener le débat. Les participants ont été très émus par la présence de deux sympathisantes du CCI venues d’Allemagne pour apporter leur soutien et leur salut au mouvement des étudiants en France, ce qui a conféré à la discussion une dimension internationale. L’une d’entre elles a commencé son intervention en disant : « En Allemagne, nous ne savions absolument rien de ce qui se passait en réalité en France car la presse et les médias ont fait un black out total. Ils n’ont montré que les affrontements avec les CRS et ont fait croire que le mouvement des étudiants était des émeutes. Lorsque j’ai appris la vérité en lisant les tracts du CCI, j’ai cru que c’était un conte de fées ! » Ces deux sympathisantes du CCI en Allemagne se sont directement adressées aux étudiants présents dans la salle en affirmant : « Votre mouvement, par votre courage, votre sens profond de la solidarité montre l’exemple pour toute la classe ouvrière. La dynamique de vos assemblées générales était une préfiguration des futurs conseils ouvriers. On peut avoir confiance dans les nouvelles générations. C’est votre expérience qui montre partout comment il faut lutter ; votre lutte montre le chemin de l’avenir ».
Suite à ces interventions, des camarades de Belgique se sont inscrits également dans la discussion pour apporter des témoignages du black out des médias et des attaques similaires contre la classe ouvrière de ce pays.
Un étudiant a affirmé à la fin du débat avoir été très heureux d’avoir pu participer à cette réunion car elle lui a permis de comprendre la dimension et les enjeux politiques du mouvement contre le CPE. Un autre étudiant (venu également pour la première fois) a pris la parole à plusieurs reprises pour animer le débat, apporter ses critiques et répondre aux arguments tout en écoutant avec beaucoup d’intérêt notre propre argumentation et celle des autres intervenants. D’autres ont pris la parole également pour mettre en avant que la volonté de poursuivre la réflexion existe dans leur faculté où les étudiants qui ont participé activement au mouvement veulent rester soudés et maintenir des liens avec leurs camarades d’autres universités.
Au cours de la discussion, plusieurs interventions ont exprimé un certain scepticisme sur l’analyse du CCI, suivant laquelle le mouvement contre le CPE était plus mûr que celui de mai 68. En particulier un étudiant a souligné que dans les entreprises les travailleurs ne se sont pas mobilisés massivement comme c’était le cas en mai 68 et que la force de la classe ouvrière réside dans sa capacité à bloquer la production et à paralyser l’économie pour faire pression sur la bourgeoisie.
La discussion a permis de clarifier cette question en soulignant que, contrairement à la situation de la fin des années 1960, les conditions objectives de faillite de l’économie mondiale ont créé les conditions pour une maturation de la conscience au sein de la classe ouvrière. C’est justement cette maturation qu’a exprimé ce premier combat des jeunes générations contre le chômage et la précarité. D’autre part, il a été souligné également que la raison majeure du recul du gouvernement réside dans le fait que de plus en plus de travailleurs salariés, notamment du secteur privé, se sont mobilisés dans les manifestations. Si la bourgeoisie a fini par retirer le CPE, sous la pression du patronat, après la grande manifestation du 4 avril, c’est justement par crainte que ne surgissent des grèves spontanées échappant au contrôle des syndicats dans le secteur privé. Le fait qu’un nombre croissant de travailleurs aient participé aux manifestations et aient boycotté les cortèges syndicaux a constitué un avertissement pour la classe dominante. Ce n’est donc pas le « blocage » des facs qui a obligé la bourgeoisie à reculer, mais bien le fait que certains secteurs de la classe ouvrière parmi les plus directement concernés par les licenciements et la précarité risquaient de partir en lutte spontanément, en dehors des consignes syndicales.
Le débat a permis par ailleurs de rappeler que ce qui a constitué la principale caractéristique du mouvement des étudiants contre le CPE, ce n’est pas la violence comme c’était le cas en mai 68, mais la recherche de la solidarité, le surgissement d’assemblées générales massives au sein desquelles les étudiants ont pu décider collectivement des actions à mener pour étendre la lutte aux travailleurs salariés. C’est aussi le fait que d’emblée les étudiants ont mené leur combat sur un terrain de classe, contre une attaque économique s’inscrivant pleinement dans la lutte de l’ensemble de la classe ouvrière.
Le débat a également mis en évidence que, en mai 68, la bourgeoisie avait été surprise par le resurgissement du prolétariat sur la scène sociale après un demi-siècle de contre-révolution triomphante. C’est justement le manque de préparation de la classe dominante qui avait permis l’explosion d’une grève massive, inédite dans l’histoire, et impliquant 9 millions de travailleurs.
Le scepticisme sur les potentialités de la classe ouvrière s’est exprimé également dans l’intervention d’un participant qui a mis en avant que certains ouvriers de son secteur rêvent de devenir des patrons. Plusieurs interventions ont répondu à cet argument et ont rappelé que la classe ouvrière n’est pas une somme d’individus et que, comme le disait Marx, « Peu importe ce que tel ou tel prolétaire pense à tel ou tel moment. Ce qui importe, c’est ce que le prolétariat sera historiquement contraint de faire. » Il a également été rappelé qu’à la veille de la révolution de 1905 en Russie, les ouvriers défilaient derrière le pope Gapone en brandissant des icônes et en implorant le tsar. Et c’est cette même classe ouvrière qui, pourtant, a été capable de faire surgir les organes de la prise du pouvoir en Russie, les Soviets.
Faute de temps et du fait de la densité des questions soulevées, le débat n’a pu approfondir la question des perspectives. Néanmoins, les participants ont manifesté une volonté de poursuivre la discussion. Les camarades qui sont venus pour la première fois ont particulièrement apprécié l’esprit d’ouverture des interventions du CCI et le caractère fraternel de cette réunion publique. Le fait que plusieurs étudiants de différentes universités soient venus à cette réunion publique du CCI est une confirmation du fait que le mouvement contre le CPE exprime bien une volonté de politisation des jeunes générations de la classe ouvrière.
CCI
A l’automne 2005, nous avons pu assister à des scènes aussi abominables qu’écœurantes sur les frontières Sud de l'Europe. Autour des enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla, au nord du Maroc, des centaines d’émigrants se lancent par vagues successives dans une course désespérée pour escalader les immenses grilles qui gardent la frontière. On se souvient encore des images de ces êtres humains littéralement empalés sur les grilles barbelées, fauchés par les balles de la police autant espagnole que marocaine, ou largués en plein désert comme des chiens galeux [1] [838].
Aujourd’hui, c’est sur les plages "paradisiaques" des îles Canaries, dans l’ Atlantique, que viennent s’échouer les émigrants qui essayent d’entrer en Espagne pour fuir la misère et la barbarie des conflits guerriers dans leur pays d’origine.
Rien que depuis janvier 2006, plus de 10.000 personnes sont arrivées sur les côtes des Canaries dans des embarcations de (bien mauvaise) fortune. Au mois de mai, ils étaient presque 5.000 et il faut en compter au moins autant qui n’arrivent jamais nulle part, perdus et condamnés à mort au beau milieu de l’océan ; des hommes, des femmes et leurs enfants, sans eau, sans vivres, épuisées par les morsures d’un soleil de plomb.
Début juin, une embarcation à la dérive a été retrouvée à la Barbade, dans les Caraïbes, à plus de 5 000 km des côtes africaines, avec 11 cadavres momifiés. Une soixantaine de sénégalais s’étaient embarqués aux Iles du Cap Vert sur un rafiot affrété par une crapule locale. Après les avoir plumés de 1500 euros par personne, ce rapace mafieux les a purement et simplement abandonné à leur triste sort. Sur le bateau à la dérive, un passager a alors lancé un appel au secours avec un téléphone portable mais le seul "secours" reçu a été celui d’un cargo (sans doute de mèche avec le négrier) qui les a repoussé encore plus vers le large !
Sur 2000 km de côtes, entre le sud du Maroc, la Mauritanie et le Sénégal, ils sont des dizaines de milliers qui attendent qu’un "passeur" vienne leur proposer de les amener au paradis d’occident.
L’Union Européenne, à la rescousse d’un gouvernement espagnol "débordé" par l’afflux de migrants, a organisé une Conférence, avec les pays d’Afrique concernés, pour préparer une réunion euro-africaine, en juillet, sur l’immigration. Lors de cette réunion préparatoire, il a été décidé de faire patrouiller les forces armées espagnoles, appuyées par d’autres pays d’Europe, devant les côtes africaines pour interdire tout départ d’embarcation vers les Canaries. Les Etats africains concernés feront désormais de la "sous-traitance" et l’Europe s’engage de son côté à "financer des centres d'accueil en Mauritanie et au Sénégal". Pour dire les choses plus clairement, les Etats africains seront subventionnés par nos belles et généreuses démocraties occidentales pour faire de la "rétention" dans des camps de type concentrationnaire avant de renvoyer, manu militari, les émigrés à leur pays d’origine. Le message européen est on ne peut plus simple : "il faut prendre exemple sur la politique de la bourgeoisie marocaine à la fin de l’année dernière". Le mot d’ordre est faire peur, harceler, arrêter les émigrants, les tuer ou les larguer au large de l’océan s’il le faut mais surtout s’en débarrasser.
Le document préparatoire de cette Conférence euro-africaine était sans équivoque : il faut "des mesures drastiques contre l’immigration clandestine" (Le Monde du 13 juin 2006). Tout le reste n’est que belles paroles. Personne n’est dupe et le journal Le Monde lui même, dans la même édition, le dit : "Les autres mesures risquent d’apparaître comme un catalogue de vœux pieux : amélioration de la coopération économique, développement du commerce, prévention des conflits’".
Au moment où les vagues de l’immigration sont les plus fortes, partout on entend les mêmes discours qui ne servent qu’à masquer de nouvelles lois encore plus répressives que les précédentes. Derrière les propos lénifiants du genre : "Il faut aider les nations d’où arrivent ces vagues pour fixer la population", la bourgeoisie européenne veut nous faire croire qu’elle peut "aider" les pays d’Afrique "en voie de développement" à mettre fin aux massacres et aux famines. Cela fait plus de 40 ans que la propagande bourgeoise nous bassine avec de tels mensonges. Car dans le capitalisme décadent, la plupart des pays du tiers-monde, et notamment ceux du continent africain, s’enfoncent toujours plus dans le sous-développement, dans le chaos sanglant avec son lot de famines et d’épidémies dont on veut nous faire croire qu’ils seraient les conséquences désastreuses de la "sécheresse". Dans les rapports entre Etats il n’y a ni "aide", ni "amitié " ni "solidarité" pour sauver les populations. Ces rapports sont dictés par les intérêts impérialistes de tous les Etats, petits ou grands. Et à chaque fois que la classe dominante affirme vouloir "s’occuper du mal à la racine", c’est pour mieux masquer aux prolétaires que c’est justement son système en pleine décomposition qui est à la racine de ce "mal". Et le seul "remède" qu’elle est capable d’apporter, c’est encore le racket des ouvriers dans les campagnes "humanitaires" de ses ONG et autres associations caritatives qui visent à culpabiliser les prolétaires en faisant appel à leur "bonne conscience" et à leur "générosité". Tous ces mensonges sont colportés aussi bien par la droite que par la gauche, auxquelles viennent prêter main-forte toute une cohorte d’associations tiers-mondistes et altermondialistes.
Tous ces beaux discours ne peuvent masquer la réalité : pour la bourgeoisie des pays développés, l’heure est à la fermeture des frontières, et les immigrés sans papiers ou "choisis" qui, au terme de leur effroyable périple, arrivent enfin en Europe ou aux Etats-Unis [2] [839], vont subir, s’ils trouvent un travail précaire, une surexploitation accrue et vont être utilisés comme main d’œuvre bon marché pour faire pression sur les salaires des travailleurs autochtones.
Comme nous l’écrivions dans notre article "Le prolétariat : une classe d’immigrés [840]" (voir RI n° 206) : "Ce que la classe dominante cherche aujourd'hui à masquer, c'est son incapacité à offrir la moindre perspective à toute la classe ouvrière. L'exclusion des travailleurs immigrés que le capitalisme condamne à crever de faim "ailleurs", c'est déjà le sort que ce système moribond réserve à des millions de prolétaires autochtones livrés définitivement au chômage".
Sandrine
[1] [841] Voir l’article « Ceuta, Mellila : L'hypocrisie criminelle de la bourgeoisie démocratique [842] » RI 362, 11/2005.
[2] [843] Pour la question de l’immigration aux USA lire l’article “Manifestations de sans papiers aux Etats-Unis: Oui à l'unité de la classe ouvrière! Non à l'unité avec les exploiteurs! [844]”.
De retour sur le sol national, l’équipe de France
de football a reçu une ovation enthousiaste de toute la classe politique.
Jacques Chirac, en chef d’Etat, a ainsi rendu un hommage appuyé aux ‘Bleus’ en
déclarant solennellement : "Vous avez fait à tous égards honneur à la
France". La gauche aussi n’a pas tari d’éloges pour ses ‘héros’. Selon
Ségolène Royal "il faut […] dire merci à l’équipe de France".
Pas une seule voix politique n’a manqué à ce grand "hip hip hip
hourrah" chauvin et surtout pas celle du porte-parole de la Ligue
Communiste Révolutionnaire (LCR), Olivier Besancenot : "Ma génération a
vécu au rythme des matchs de cette équipe de France et aujourd’hui je suis
fier"[1] [845].
Lorsque la classe dominante fait "la ola", la Ligue se lève en rythme
tout naturellement.
En point de mire, il y a bien évidemment les élections présidentielles de 2007.
La LCR se doit donc d’être populaire et médiatique. Tous les moyens sont bons
pour attirer à elle la sympathie et récolter des voix. D’ailleurs, le choix de
mettre en vitrine Olivier Besancenot n’est déjà en lui-même que pure démagogie.
Dans les coulisses de l’organisation, ce jeune militant ‘cool et dynamique’ est
qualifié de "bon produit d’appel", c’est tout dire[2] [846].
Mais au-delà de la volonté de plaire pour faire un bon score électoral, cette
prise de position à la gloire de l’équipe de France révèle une fois encore la
nature profondément bourgeoise de la Ligue qui se prétend pourtant
"communiste" et "révolutionnaire".
En effet, de quoi Olivier Besancenot est-il si fier ? De ‘son’ équipe et de ‘sa
‘ patrie. Le meneur de la LCR est flatté dans son orgueil national. C’est pour
lui un vrai plaisir de voir les ouvriers se regrouper derrière les drapeaux
pour entonner des chants patriotiques. "Dans mon quartier de
Barbès/Château-Rouge, il fallait voir les drapeaux portugais, français même
algériens aux fenêtres, les discussions enflammées dans les troquets…".
Effectivement, il fallait voir partout sur la planète les Etats et leurs médias
exciter les sentiments nationalistes. Il fallait voir, aux quatre coins de
l’hexagone, les drapeaux Bleu-Blanc-Rouge fleurir aux balcons et aux fenêtres,
le maillot national devenir une parure de mode dernier cri ou entendre ses
voisins et leurs amis reprendre en cœur la Marseillaise qui appelle à tuer et à
mourir pour la patrie. Et le plus ignoble dans tout ça c’est que notre jeune
coq tricolore de la LCR ose en plus nous refourguer cette camelote pour une
véritable expression de fraternité internationaliste : "Elle a permis de
faire ressortir des moments de fraternité, d’amitié entre les peuples, une
forme d’internationalisme positif, loin de tout chauvinisme". C'est
chercher à faire prendre "au bon peuple", en général, et aux
prolétaires, en particulier, de France et d'ailleurs, des vessies pour des
lanternes ! "L'internationalisme positif", ce serait de saisir toutes
les occasions de déchaîner l'hystérie nationaliste ! Notre jeune apprenti
présidentiable se pose ainsi en digne héritier du parti stalinien qui proclamait
dans les années 1930 "tout ce qui est national est nôtre". Il
est bien dans la lignée de tous ceux qui, depuis plus de 60 ans, du PCF aux
trotskistes (déjà !) ont toujours appelé au nom de "l'internationalisme
prolétarien" les prolétaires à se laisser entraîner hors de leur terrain
de classe et à s'étriper entre eux derrière toutes les causes
impérialistes !
La courte interview dans Le Parisien[3] [847] du
porte-parole de la LCR est une mine d’or. En moins d'une colonne, il y enfile
les mensonges comme des perles. Ainsi, toujours très fier, il affirme
"cette épopée nous a apporté des pauses dans un monde de brutes".
Mais pour la lutte de classe, il n’y a eu justement aucune pause. Au contraire,
en profitant de cette ‘arme de distraction massive’ que fut le Mondial 2006, la
bourgeoisie a pu placer en catimini certaines de ses attaques. En guise de "pause
dans un monde de brutes", le gouvernement Merkel a pu faire passer, contre
les ouvriers d’Allemagne, une réforme du système de santé comportant notamment
une hausse généralisée des cotisations pour la Sécurité sociale[4] [848].
Finalement, ce n’est pas étonnant d’entendre Olivier Besancenot déclarer
"la génération Zidane, ce n’est pas l’opium du peuple", puisqu’en
réalité non seulement le sport est bien une des drogues idéologiques que
distille la bourgeoisie mais la LCR en est un des dealers.
Alain Krivine peut donc être fier de son poulain : Olivier Besancenot est bien
le digne représentant de la Ligue Cocardière Ramasse-tout.
Pawel, le 14 juillet 2006
Chaque jour apporte une expression nouvelle de la
barbarie capitaliste. Les principales victimes en sont toujours et partout la
population travailleuse et exploitée. L’attaque sur le World Trade Center, les
attentats de 2005 à Londres, ceux de Madrid, de Beslan, de Bali, de
Sharm-el-Sheikh en Egypte, de Delhi, de Bénarès, au Bangladesh, etc. font partie
des crimes les plus épouvantables commis contre l’humanité. Les derniers
attentats dans des trains bondés de Bombay aux heures de pointe, au retour des
ouvriers de leur travail, font partie de cette série d’actes ignobles.
Sept explosions successives le 11 juillet 2006 se sont produites entre 18 h et
18 h 30 de l’après-midi dans les trains de banlieue. Les gens rentraient chez
eux après une dure journée de travail. Mais les bombes des terroristes se
trouvaient sur leur chemin et envoyèrent brutalement et sans pitié un grand
nombre d'entre eux à la mort. Les mots ne sont pas suffisants pour
exprimer toute l’indignation que ces meurtres totalement irrationnels et
monstrueux ont provoquée.
Selon le journal The Stateman du 13 juillet, au moins 190 personnes auraient été tuées et 625 blessées, la plupart très gravement. Le nombre de morts pour d’autres journaux s'élèverait à 200. D'autres sources ont parlé de plus de 400 morts.
Cette ville, capitale de la finance de la bourgeoisie indienne, a déjà été la cible d’attaques terroristes le 12 mars 1993 qui avaient provoqué la mort et de graves blessures chez plusieurs centaines d'ouvriers. A l’époque, on avait compté 13 puissantes explosions dans les parties les plus peuplées de la ville.
Une autre attaque terroriste a eu lieu le matin du même jour dans la ville de Srinagar, capitale de l’Etat de Jammu et Cachemire, considéré comme un paradis sur terre pour l’exquise beauté des paysages environnants. Les terroristes auraient jeté une puissante grenade dans un bus transportant des touristes de différentes régions de l’Inde. Cette attaque à la grenade a fait 8 morts et en a blessé beaucoup d’autres. Elle était suivie par une autre sur des véhicules de touristes le jour suivant, provoquant aussi des morts et de nombreux blessés graves. Cette situation particulière a déjà provoqué par le passé d’innombrables actes de répression de l'Etat, semant le même climat de terreur. Les masses ouvrières et la population exploitée se retrouvent régulièrement prises en sandwich entre ces deux types de terreur provenant de deux cliques politiques bourgeoises concurrentes. Le meurtre et les attaques contre des prolétaires innocents sont devenus quasiment quotidiens.
La bourgeoisie indienne et sa direction politique comme tous ses partis, qu'ils soient de gauche ou de droite ont intérêt à marquer le plus de points possibles face à leur rivale impérialiste voisine, c’est-à-dire la bourgeoisie pakistanaise et l'Etat pakistanais en les humiliant aux yeux de la « communauté internationale ». La bourgeoisie indienne est beaucoup moins concernée par les morts, les blessés et le sort de leurs familles. Cela va de pair avec le caractère cynique du système capitaliste devenu décadent, particulièrement dans sa phase actuelle de décomposition.
En fait, le niveau de cruauté, le nombre énorme de morts et de blessés sont devenus de simples cartes dans un enjeu politique qui visent avant tout à frapper et acculer la bourgeoisie pakistanaise. Les dirigeants indiens ont un discours stéréotypé qu’ils utilisent lorsque de tels crimes haineux sont commis. Ils y dénoncent la main des services secrets de l'Etat pakistanais, l'ISI (Inter Services Intelligence). Aujourd’hui, la formule a été enrichie de nouveaux éléments tels que ceux des liens du Pakistan avec Al Qaida. Aussi, malgré une enquête toujours en cours et qui piétine, les dernières déclarations faites par le Premier Ministre et d’autres dirigeants politiques de droite comme de gauche, accusent ouvertement et agressivement l'Etat pakistanais qui, de son côté nie toute implication dans ces attentats. Le Premier Ministre indien et son gouvernement ont réagi très rapidement. Ils ont annulé les discussions qui devaient se tenir le même mois entre les deux pays au niveau du secrétaire aux Affaires étrangères. Ils ont aussi annulé le voyage d’une délégation parlementaire à la Commission Parlementaire du Commonwealth qui devait se tenir prochainement. . La "guerre au terrorisme", particulièrement dans les régions frontalières entre les deux Etats, a constitué le moyen prédominant de la bourgeoisie indienne pour faire pression sur son impérialiste rival pakistanais.
Le Président, le Premier Ministre, le ministre de l'intérieur et d’autres dirigeants politiques de la bourgeoisie pakistanaise ont condamné les attentats. Selon le Daily Times du 15 juillet 2006, Khurshid Mehamood Kasuri, Premier Ministre du Pakistan a « condamné sans équivoque » les dernières explosions de Bombay et a prétendu que le Pakistan était destiné à jouer un rôle clé en faveur de la paix et de la sécurité du monde du fait de sa situation géo-politique. Selon lui, « ceux qui sont contre le processus de paix et qui n’en veulent pas sont derrière ces attentats». Selon un article du Frontier Post du 15 juillet 2006, le Pakistan a rejeté les inconsistantes allégations indiennes et appelé à la continuation du processus de paix. Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Tasneem Aslam, a affirmé que « le terrorisme est un phénomène qui affecte presque tous les pays du monde. Et de façon sûre, il touche tous les pays de l’Asie du Sud ». Le secrétaire pakistanais aux affaires étrangères, Riaz Mahammad Khan, déclarait de son côté que « le Pakistan ne doit pas laisser son territoire utilisé contre n’importe quel pays. C’est notre ferme politique et notre engagement. » Selon le général Musharraf, « tout atermoiement dans le processus de paix (…) à cause des attaques terroristes équivaudrait à un échec qui jouerait en faveur des terroristes. » Ces déclarations de la part de la classe dominante pakistanaise sont cyniques et manifestement fausses, destinées à servir ses propres intérêts. Néanmoins, les dirigeants politiques de la coalition au pouvoir au Pakistan se montrent plus empressés à la continuation du processus de paix. Cet intérêt pour la paix et la continuation du processus de paix est plus vraisemblablement un des principaux moyens diplomatico-politiques de la bourgeoisie pakistanaise pour poursuivre son conflit impérialiste avec la bourgeoisie indienne.
Tous les Etats et gouvernements capitalistes excellent dans le mensonge et font tout leur possible pour cacher la vérité. Chaque gouvernement, qu’il soit indien, pakistanais ou autre se montre comme le défenseur ardent de la guerre contre le terrorisme mais chacun d’entre eux recourt au terrorisme pour défendre leurs intérêts impérialistes. Tous s’accusent mutuellement de soutenir et être les instigateurs du terrorisme. Le gouvernement indien dénonce la main de l’ISI dans chaque action terroriste sur son territoire mais reste complètement silencieux sur les activités subversives commises par son RAW ("Research and Analysis Wing", pouvant être considéré comme l’homologue de l’ISI) chez ses ennemis dont le plus important est le Pakistan. En fait la RAW a été créée pour contrer les activités des services de renseignements étrangers en Inde et pour organiser des actes subversifs, c’est-à-dire terroristes, sur le territoire ennemi. De son côté, le gouvernement pakistanais voit la main de la RAW dans les attentats terroristes qui ont lieu dans différentes régions du Pakistan, mais se tait sur ceux fomentés par l’ISI. Comment se fier dans ces conditions aux déclarations des uns et des autres ?
Nous devons donc nous centrer sur la question de savoir à qui des parties en présence cet acte ignoble de barbarie procure le maximum de gain politique et diplomatique. La conférence du G8 s’est tenue le 16 juillet 2006 à Saint-Pétersbourg et le Premier Ministre indien y était invité. Les attentats ont eu lieu le 11 juillet. Ceci a fourni à la bourgeoisie indienne une arme politique très puissante pour frapper et humilier la bourgeoisie pakistanaise, sa voisine immédiate et sa rivale impérialiste au sein de la "communauté internationale", en utilisant pleinement l’opportunité de s’adresser à la conférence des Etats impérialistes les plus puissants du monde.
De plus, le gouvernement américain a récemment annoncé qu’il fournirait au Pakistan trente-six avions de combat F-16 de la dernière génération et le gouvernement indien a exprimé sa désapprobation et son désaccord avec cette décision de la bourgeoisie américaine. Cette dernière action terroriste est sûre d’être utilisée pleinement par l’Inde pour faire pression sur les Etats-Unis.
Car quelque temps avant les attentats, les conflits au sein des partis politiques de la clique dirigeante étaient plus ouvertement dirigés sur différents problèmes politiques économiques comme les privatisations, le niveau d'inflation, le rapprochement envers la bourgeoisie américaine dans les relations impérialistes internationales, etc. Les occasions comme le récent et humiliant ratage de l’Agni (la dernière version du missile à moyenne portée) et des lancements d’Insat ("Indian communication satellites") n’ont pas manqué pour ajouter aux querelles du gouvernement avec les partis dans l’opposition. Les partis politiques de la gauche du capital avaient ainsi planifié plusieurs actions politiques de masse contre le gouvernement. Tout cela est passé au second plan après les explosions de Bombay. Même si certains dirigeants politiques et des officiers de police de haut rang ont affirmé que d’autres dirigeants politiques avaient des liens divers avec la pègre et les terroristes. Aussi, nous pouvons affirmer en toute confiance que l’Etat indien a retiré un gain diplomatique maximum de ce massacre barbare d’innocents. Il est donc vraisemblable que même s’il ne trempe pas directement dans cet acte odieux, il l’a laissé faire, de la même façon que l’impérialisme américain s’est servi de l’attaque du 11 septembre sur le World Trade Center et de l’attaque sur Pearl Harbor lors de la Seconde Guerre mondiale pour mettre en place une stratégie impérialiste déjà préparée pour ses intérêts.
La bourgeoisie à travers le monde fait de son mieux pour polariser l’attention sur qui sont les terroristes ou d’où ils viennent et leur fonctionnement. De cette manière, elle a fait passer ses propres conflits impérialistes pour des épisodes de la guerre contre le terrorisme dont l'instigateur principal et le défenseur le plus ardent se trouve être la bourgeoisie américaine. Elle mène cette guerre contre le terrorisme depuis l’attaque du 11 septembre. Mais le terrorisme n'a pas reculé. Au contraire, il s’est développé et est devenu plus étendu et toujours plus barbare au fil des années.
Le terrorisme est le produit inévitable des conditions
matérielles du capitalisme et de la lutte de classe dans cette phase de
décomposition du système capitaliste mondial décadent. Dans les conditions de
la décadence du système, chaque Etat capitaliste, grand ou petit, fort ou
faible, développé ou "en développement" est impérialiste, il en
va de sa survie en tant que fraction nationale du capital. Le marché mondial ne
peut plus permettre le plein développement de toutes les parties du capital.
Aussi, chaque pays s’efforce d’assurer sa propre survie au prix de celle des
autres. Ceci ne peut qu’exacerber le conflit impérialiste de chaque Etat nation
contre tous les autres.
Dans une telle situation internationale, le terrorisme
est devenu un moyen très important de la guerre secrète menée par chaque Etat
capitaliste contre d’autres.
La phase de décomposition qui s’est définitivement affirmée avec l’effondrement du bloc impérialiste soviétique en 1989 a donné une impulsion qualitativement nouvelle au développement du chacun pour soi et à la confrontation de tous contre tous, conduisant ainsi à une situation chaotique dans les relations internationales. Elle a aussi conduit à l’effondrement du bloc occidental et à la disparition de la discipline de bloc que les têtes de blocs pouvaient auparavant imposer. Les anciens alliés de l’impérialisme américain ont commencé à être ses grands concurrents impérialistes et à essayer d’affaiblir par tous les moyens l’autorité mondiale et l’hégémonie de la bourgeoisie américaine. Aussi, le seul but de la stratégie globale de la bourgeoisie américaine est de préserver cette hégémonie et celui des autres grandes puissances est de pousser à son affaiblissement.
Dans cette dynamique impérialiste et guerrière, l’autorité des Etats-Unis s’est affaiblie ces dernières années. En conséquence, la tendance au chacun pour soi a connu une nouvelle avancée et une impulsion conduisant à une aggravation de la situation de chaos dans les relations internationales. Cela signifie que le terrorisme ne peut que connaître une accélération partout dans le monde et particulièrement dans le sous-continent indien. Il faut ainsi s’attendre à ce que les Etats capitalistes du Pakistan, du Bangladesh et de l’Inde déchaînent les uns contre les autres les foudres du terrorisme.
Cette situation particulière de décomposition du système capitaliste décadent a aussi amené à l’intensification de tous les conflits entre les différentes fractions du capital. Ces conflits internes aggravés se sont de plus en plus exprimés dans le développement des luttes armées et des actions terroristes. De nombreux groupuscules maoïstes ont organisé des attentats terroristes, causant pour la plupart le meurtre massif de personnes innocentes. De tels groupes ou organisations qui se développent localement augmentent numériquement et se renforcent politiquement comme militairement. La situation dominante du capitalisme ainsi que la lutte des classes sont obligées de tenir compte de leur force et de leurs activités meurtrières barbares. Il ne fait pas de doute que ces organisations terroristes locales grandissantes seront soutenues, utilisées et liées aux autres puissances rivales impérialistes pour faire avancer leurs propres intérêts. Il n’y aura donc aucun répit dans la course aux attentats sanglants tant que le système capitaliste décadent survivra.
L’Etat est le terroriste le plus organisé, le plus puissant et légalisé. Il possède tous les moyens de la terreur. Dans la phase de décomposition du système capitaliste décadent, chaque Etat sera appelé à recourir de plus en plus aux méthodes terroristes afin de préserver l’ordre capitaliste. Chaque Etat est amené à s'enfoncer de plus en plus dans la crise économique, le "marasme bureaucratique" et dans la fuite en avant dans le militarisme, mettant de plus en plus à nu la réalité de la dictature du capital et déchirant son masque démocratique. La classe ouvrière et les masses exploitées vont de plus en plus être prises en sandwich entre les actes terroristes de l’Etat et ceux de groupes bourgeois plus informels. L'Etat a recours au terrorisme contre la classe ouvrière pour pouvoir accentuer ses attaques contre les conditions de vie et de travail. Les mouvements de la classe ouvrière sont brutalement réprimés par les forces armées de l’Etat partout dans le monde. Ils sont également soumis à des diktats économiques et juridiques. Les grèves de Honda en juillet 2005 (voir Révolution Internationale n°361 [853]) ont été réprimées sans pitié par la police. Le récent mouvement de la jeune génération ouvrière en France a été confronté au déploiement de l'appareil répressif. Les ouvriers des transports new-yorkais ont du faire face à la répression économique et juridique de l’Etat. Partout, l’Etat capitaliste sera appelé à user de mesures répressives et terroristes contre la classe ouvrière (voir Revue Internationale n°125 [853]).
Les différents groupes terroristes qu'ils soient directement
manipulés par l'Etat ou non se combattent pour s'accaparer ou préserver le pouvoir
d’Etat. Tous essayent de se présenter comme les meilleurs amis de la classe
ouvrière et des masses exploitées et demandent à la classe ouvrière de se
rallier à eux dans leur guerre soit pour garder le pouvoir entre leurs mains
soit pour s'en emparer. Le résultat sera le même : il contribuera à accentuer
l’exploitation et la répression contre la classe ouvrière et les masses
de travailleurs. La prétendue "machine de guerre contre le
terrorisme" n’est qu’un autre nom pour les conflits impérialistes et la
guerre d’une forme de terreur contre une autre Tous poursuivent le
même projet : soumettre davantage la classe ouvrière à l’acceptation de
l’exploitation et des attaques contre ses conditions de vie et de travail. Tous
sont également impérialistes, barbares, meurtriers, réactionnaires et
répressifs.
La classe ouvrière ne peut et ne doit jamais choisir un camp dans cette guerre
impérialiste permanente et dans cette guerre entre deux formes de
terrorisme.
Dans chaque attaque terroriste ou dans la guerre anti-terroriste, la classe ouvrière et les masses travailleuses sont les principales victimes. Elles sont tuées ou blessées par centaines et même par milliers dans toutes les formes de la guerre impérialiste permanente du capitalisme décadent. Ce fut le cas du World Trade Center, du métro de Londres, des trains de Madrid. Cela a été le cas dans les attentats terroristes de Delhi, Bénarès et du Bangladesh. Cela fut encore le cas dans les attentats terroristes des différentes parties du Pakistan, de l’Inde et du Pakistan occupé, le Cachemire. Les attentats de Bombay représentent la même réalité barbare de décadence. C’est aussi ce qui se passe en Irak, en Afghanistan, au Soudan, en Israël, au Liban, etc.
L'existence prolongée du système capitaliste décadent dans sa phase de décomposition signifie plus d’incertitude pour la vie, toujours davantage d’attaques sur les conditions de vie et de travail de la classe ouvrière, plus de chômage, de guerre impérialiste et d'attentats. Cela signifie aussi plus de barbarie, de pauvreté, de misère, de pollution et de destruction sur la planète entière. Aussi, le renversement du système capitaliste est la seule solution à l'échelle mondiale. La classe ouvrière est la seule classe capable de remplir cette tâche historique. Elle ne peut être accomplie qu’en se battant contre l’augmentation des attaques du capital, à travers l’extension et l’unification de ses luttes dans tous les secteurs, régionalement et internationalement et par la politisation continue de ces luttes. La classe ouvrière doit donc rejeter avec le plus grand mépris l’appel à l’unité nationale pour la guerre contre le terrorisme et intensifier sa lutte de classe. C’est la seule voie possible à suivre pour elle.
Communist Internationalist,
Il y a trente ans mourait Mao Zedong. Pour ce trentième anniversaire de la mort du "Grand Timonier", pas de grandes pompes organisées par le gouvernement chinois. Tout au contraire, c'est la discrétion qui est de mise pour les caciques de l'Empire du Milieu. Et, paradoxalement, ce sont surtout les médias occidentaux qui ne manquent pas de rappeler l'existence du leader de la "Longue Marche" et "père de la nation chinoise". Mais bien évidemment, ce rappel sert deux objectifs : celui d'alimenter le mesonge selon lequel Mao serait un authentique combattant du prolétariat révolutionnaire et celui de lier son itinéraire politique prétendument prolétarien avec les dizaines de millions de morts dont il est responsable, que ce soit du fait de la répression ou encore de l'exploitation éhontée ou des famines qu'il a fait supporter à la classe ouvrière et à la population durant son règne. Nous publions ci-dessous un article paru dans le n° 269 de juin 1997 de Révolution Internationale qui dénonçait une fois encore ce genre de campagne que la classe dominante ne cesse de sortir de son chapeau pour amalgamer stalinisme et lutte prolétarienne. Pour ceux qui voudraient en savoir plus sur la stalinisation du Parti Communiste Chinois dont Mao fut un des plus forts artisans, ils peuvent se référer à trois articles du Courant Communiste International parus dans les numéros 83, 84 et 85 de notre Revue Internationale à lire sur www.internationalism.org [854]
La bourgeoisie ne rate jamais une occasion de perpétuer et semer le mensonge énorme de l'amalgame entre stalinisme et communisme. Elle veut ainsi nous faire croire que, malgré l'effondrement de l'URSS, il reste encore certains pays "communistes", dont la Chine, patrie de ce prétendu "grand révolutionnaire", Mao Zedong. Cette classe de menteurs est passée maître dans l'art de falsifier l'histoire et voudrait inculquer aux prolétaires que, comme le stalinisme, le maoïsme est un produit du mouvement ouvrier. Une telle mystification est un véritable poison contre la conscience prolétarienne. Pour les révolutionnaires, le maoïsme n'a jamais cessé d'être un courant idéologique et politique bourgeois, né de l'écrasement du mouvement ouvrier en Chine, nourri de la contre-révolution stalinienne et des plus sordides intérêts impérialistes.
Le Parti Communiste Chinois (PCC) fut créé en 1920 et 1921, à partir de petits groupes marxistes, anarchistes et socialistes, sympathisants de la Russie soviétique. Comme d'autres partis, le PCC naquit directement en tant que composante de l'Internationale Communiste (IC) et sa croissance fut liée au développement international des luttes ouvrières, produit de la période historique qui avait elle-même donné naissance à la Révolution russe et aux mouvements insurrectionnels en Europe centrale et occidentale. De 1921 à 1925, le PCC passa de 4000 membres à 60 000, exprimant ainsi la volonté et la détermination du prolétariat qui menait un combat acharné contre la bourgeoisie chinoise depuis 1919, principalement dans les zones les plus industrialisées. Certes, dans ce grand pays colonisé à dominante agraire, le prolétariat constituait une très petite minorité. Il subissait en outre des influences idéologiques particulièrement archaïques et arriérées, n'avait qu'une expérience très réduite de la lutte de classe et possédait de ce fait une conscience faible et extrêmement hétérogène. Mais il était très concentré, ce qui lui permettait de développer une combativité d'une rare vitalité. Ses luttes tendaient dans cette période à se situer de plus en plus sur le terrain de la défense de ses intérêts propres et à sortir des pièges bourgeois telle la résistance aux différentes puissances impérialistes installées en Chine ou aux "seigneurs de la guerre" chinois, derrière lesquels s'efforçaient de l'enfermer et de l'entraîner la bourgeoisie. Aussi, il tendait de plus en plus à diriger ses luttes contre le Guomindang (incarné par le général Tchiang-Kai-shek), qui incarnait l'aile "progressiste" de la bourgeoisie chinoise, et poussait à l'édification d'un Etat unifié depuis 1910 sous l'impulsion de Sun-Yat-Sen.
L'opportunisme montant de l'IC, en lien avec ses conceptions erronées sur le "droit des nations à disposer d'elles mêmes" l'amena à lancer, en 1922, un mot d'ordre aux conséquences dramatiques pour le prolétariat : réaliser un "front unique anti-impérialiste entre le PCC et le Guomindang". En 1923, le PCC est pratiquement absorbé au sein d'un Guomindang qui est ensuite accepté comme membre sympathisant de l'IC, en 1926, à la veille même de la sanglante répression de la Commune de Shanghaï. Prise dans une implacable dynamique de dégénérescence, l'IC, sous la férule d'un Exécutif à la botte de Staline, devient l'instrument direct de la politique impérialiste de l'URSS. Fort de son alliance avec l'IC, le Guomindang, avec la complicité tacite des impérialismes occidentaux, se lance alors dans une répression féroce contre le prolétariat durant les grandes grèves de l'été 1925, assassinant et harcelant les meilleurs militants du PCC qu'il avait auparavant chassés de son organisation. Sourd aux critiques des éléments révolutionnaires du PCC et malgré les exactions anti-ouvrières de Tchiang-Kai-shek, l'Exécutif de l'IC ne renonçait pourtant pas à son alliance avec un Guomindang dont l'unique objectif était de prendre le pouvoir et d'écraser son ennemi mortel, le prolétariat. Le massacre de la Commune de Shanghaï en 1927, mené par Chiang-Kai-shek (avec l'aide précieuse et active des puissantes sociétés secrètes implantées dans le prolétariat comme la Bande Verte), l'écrasement des insurrections de Nanchang puis de Canton, sonna le glas du combat prolétarien et du PCC comme Parti du prolétariat.
Alors que les meilleurs éléments révolutionnaires du PCC étaient pourchassés et exécutés, sa fraction la plus stalinisée, à laquelle appartenait Mao Zedong, chargé spécialement des liens entre le PCC et le Guomindang, soutenait et justifiait ce bain de sang par la politique de collaboration avec la bourgeoisie "progressiste" qui correspondait aux besoins de l'Etat russe.
Vidé de sa base prolétarienne, le PCC, tout en poursuivant la politique anti-prolétarienne prônée par le Komintern dans les centres ouvriers, se mit à théoriser, en particulier sous la plume de Mao, le "rôle révolutionnaire" de la paysannerie, exprimant ainsi la transformation radicale de sa nature de classe. Il se fit alors le défenseur des paysans, mais aussi des couches de la petite bourgeoisie et de la bourgeoisie hostiles à l'autoritarisme du nouveau maître de la Chine, Chiang-Kai-shek. Les nouveaux cadres du Parti étaient soigneusement choisis par Staline, qui utilisait le PCC comme instrument de l'expansion impérialiste russe et comme moyen de pression et de tractations avec le Guomindang. L'affluence massive d'éléments contre-révolutionnaires, d'aventuriers de toutes sortes, de petits bourgeois et bourgeois en rupture avec Chiang-Kai-shek, transforma le PCC en un véritable cloaque d'intrigues et de manoeuvres, où s'opposaient violemment pour le contrôle du Parti différentes cliques adverses.
L'épisode de la "Longue Marche", loin d'être l'épisode héroïque de "résistance communiste" sous la direction du "grand timonier" Mao, eut comme objectif essentiel d'unifier les nombreux foyers de guérilla existant en Chine sous un commandement unique et centralisé, afin de constituer une armée bourgeoise digne de ce nom, pour le compte du grand frère stalinien qui contrôlait étroitement ses cadres. Les appétits impérialistes russes devenaient en effet de plus en plus pressants et avaient de ce fait provoqué un refroidissement de son alliance avec le Guomindang. Dans ce but, les masses des paysans pauvres furent embrigadées et utilisées comme chair à canon : la "Glorieuse Longue Marche", qui dura d'octobre 1935 à octobre 1936, fit plusieurs centaines de milliers de morts parmi eux. Et si ce fut la ligne du "grandiose commandant en chef" Mao qui l'emporta durant cette campagne, ce n'est même pas grâce à ses talents de stratège militaire, réputés être particulièrement médiocres. C'est surtout grâce à sa capacité de jouer et profiter des discordes existantes, et de celles que lui même attisait, pour asseoir son pouvoir au sein d'une Armée rouge chinoise où se mêlaient, aux côtés de combattants sincères, bureaucrates staliniens et arrivistes de tous poils.
Mais au moins une chose était sûre, c'est que toutes ces cliques, que ce soient celles du PCC ou celles du Guomindang, étaient unies sur l'essentiel : la défense du capitalisme chinois. C'est ainsi que lors du conflit sino-japonais de 1936, le PCC, allié à nouveau au Guomindang, se distingua encore comme le principal fournisseur de chair à canon de la guerre impérialiste. En 1941, alors que l'armée allemande entrait en URSS, Staline, menacé sur deux fronts, signa un pacte de non- agression avec le Japon. La conséquence immédiate fut la rupture du PCC avec Moscou et la victoire de la ligne maoïste contre la ligne pro-russe. Le PCC va donc collaborer d'autant plus, les Etats-Unis entrant en guerre contre le Japon en 1942, à une alliance avec le Guomindang aux ordres de l'oncle Sam. Au sein du Parti, de 1943 à 1945, les grandes purges anti-staliniennes atteignirent alors leur apogée, le maoïsme devenant dès lors la doctrine officielle du Parti.
Les historiens et intellectuels bourgeois entretiennent tout un mythe autour du maoïsme, "communisme à la sauce chinoise", porté par Mao Zedong, prôné mensongèrement comme un des fondateurs du PCC, celui qui allait instaurer le "socialisme" dans ce grand pays. Les idéologues de la bourgeoisie présentent l'arrivée du "grand timonier" à la tête de la Chine comme le produit d'une "révolution populaire, paysanne et ouvrière", mais la réalité est radicalement différente : le PCC est arrivé au pouvoir à la suite de sordides tractations impérialistes. En effet, c'est en monnayant son retour dans le giron de Moscou, contre les Etats-Unis et après les accords de Yalta, que le PCC va pouvoir définitivement éliminer son rival direct, le Guomintang, en 1949, et fonder la "République populaire chinoise".
Une fois les rênes de l'Etat en mains, il pourra donc, avec Mao à sa tête, donner libre cours à une exploitation féroce des ouvriers et des paysans pour tenter de reconstruire ce pays immense, totalement exsangue après des décennies de guerre civile et de guerres impérialistes.
En son sein, la lutte à mort entre les différentes fractions rivales va plus que jamais s'exacerber. C'est encore sur le dos des couches exploitées, de la classe ouvrière et de la paysannerie, que vont se régler de la façon la plus sanglante les féroces luttes pour le pouvoir auxquelles s'adonnent Mao et consorts. Et alors que tous les historiens bourgeois nous présentent toutes ces étapes comme un renforcement du "socialisme", elles n'ont au contraire fait que montrer la même férocité et la même impuissance du capitalisme d'Etat façon "maoïste".
Le célèbre discours de Mao Zedong de 1957 proclamant la "Révolution des Cent Fleurs" représenta une première tentative de la part de celui-ci pour consolider son emprise idéologique sur les masses et tenter de les mobiliser contre ses rivaux dans le Parti. Dans sa continuité, et sous couvert de libérer de "nouvelles forces productives", le lancement du "Grand bond en avant", moins d'un an plus tard, avait pour but de prouver que le "leader suprême" était infaillible dans le gouvernement du pays. Ce "Grand bond" fut un bond extraordinaire dans la catastrophe économique (catastrophe annoncée par les dirigeants du Parti eux-mêmes). Le seul résultat économique fut une famine effroyable, faisant des dizaines de milliers de morts en à peine plus d'un an, et, à travers la constitution de "Communes populaires", la mise au pas de la paysannerie, puis l'accentuation de l'exploitation de la classe ouvrière par la naissance embryonnaire d'une industrie lourde au service de l'économie de guerre. Mais il précipita aussi la mise à l'écart de Mao par l'ensemble du Parti en 1959.
Cependant, ce dernier, que ces rivaux comme le nouveau président Liu Shao-qi pensaient avoir neutralisé, oeuvra patiemment durant sept ans dans l'ombre pour provoquer en 1966 le vaste mouvement de la prétendue "Révolution culturelle". Cet événement donna lieu à une des pires falsifications de l'Histoire, à laquelle participèrent avec une rare ferveur les idéologues bourgeois de tous bords. Animé d'une incroyable soif du pouvoir, Mao va jouer sur deux tableaux. D'un côté, en fonction du coup d'Etat prévu, il s'appuiera sur les cadres d'une armée habilement réorganisée par le ministre de la Défense pro-maoïste, Lin Biao, et abondamment abreuvée du "Petit Livre Rouge" ; de l'autre côté, il appellera à la formation des fameux "Gardes rouges", recrutés dans les couches de la petite-bourgeoise estudiantine, excitée et appâtée par des postes dans l'Etat. Ces deux forces se trouveront de plus en plus face à face, entraînant de larges fractions du prolétariat, plongeant tout le pays dans la guerre civile et la misère, dans un chaos indescriptible, ce qui était justement le but recherché par Mao afin d'en rejeter la faute aux dirigeants et en tirer tout le bénéfice. C'est ce qu'il fera d'ailleurs au bout de trois ans d'horreurs sous la direction du "grand timonier", de massacres dans la population, de purges massives dans le PCC, jusqu'après son retour au pouvoir en 1968 qui signera l'arrêt de mort physique de ces "Gardes rouges" qui s'étaient fait berner par son mot d'ordre "N'oubliez pas la lutte des classes". Le nombre de morts résultant des combats et de la famine est incalculable. Mais, des centaines de milliers avancés comme chiffre par les médias occidentaux, Mao, avec un cynisme achevé, dira lui-même à la fin de sa vie qu'ils étaient bien en deçà de la réalité !
Alors que le maoïsme poursuivait sans relâche son oeuvre destructrice sur le sol national chinois, son action impérialiste ne connaissait pas non plus de repos. C'est pour cette raison que l'Etat chinois, marchant sur les plates-bandes russes en Mongolie par exemple, rompait vers 1960 avec l'URSS. L'invasion du Tibet, sa participation active dans la guerre du Viêt-Nam, son soutien de premier plan aux Khmers rouges de Pol Pot au Cambodge avec la bénédiction des Etats-Unis, la création de multiples groupes armés tel le Sentier Lumineux jusqu'en Amérique du Sud, sous prétexte de soutenir les "luttes de libération nationale", ont émaillé la montée de la Chine impérialiste "reconnue" par les "Grands". Et si le mensonge du caractère "révolutionnaire" de l'Etat chinois maoïste (qui avait applaudi la répression de l'insurrection ouvrière de 1956 en Hongrie par les troupes russes) a été perpétué et amplifié à grands coups de trompettes par toutes les fractions de la bourgeoisie occidentale, c'est parce qu'il a été un puissant facteur de mystification et de confusion dans les luttes ouvrières au coeur du capitalisme et à sa périphérie.
Aujourd'hui, la bourgeoisie continue à présenter Mao et ses successeurs comme de véritables et inflexibles représentants du communisme. En perpétuant un tel mensonge, la classe dominante ne vise qu'un seul objectif : pourrir la conscience des prolétaires et dénaturer la perspective historique de leurs combats de classe, la destruction du capitalisme mondial et l'instauration d'une véritable société communiste.
AK
Le
policier britannique qui a annoncé l’arrestation de nombreux suspects dans le
dernier complot à la bombe a dit que le groupe avait planifié "un meurtre
de masse à une échelle inimaginable, sans précédent".
S’il avait en effet été planifié la destruction d’avions avec leurs passagers au-dessus des villes américaines, il s’agit à coup sûr d’un plan en vue d’un meurtre de masse. Les méthodes de Ben Laden et des « djihadistes » qui l’admirent sont celles de la barbarie. Les victimes de leurs attentats sont d’abord et avant tout les exploités et les opprimés, les ouvriers, les pauvres. A New-York, Madrid, Londres, Bombay, Beslan, en Irak chaque jour, la “résistance islamique” massacre ceux qui vont au travail, ceux qui essayent de survivre jour après jour dans une société hostile. Les méthodes des « djihadistes » sont en fait les mêmes que celles des puissances « infidèles » auxquelles ils prétendent être opposés –les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, la Russie et autres.
Et tout comme les gouvernements de l’Ouest cherchent à mélanger l’islamophobie et le racisme contre ceux qui sont identifiés comme musulmans, la réponse des djihadistes est de prêcher le racisme contre les « kafirs », en particulier contre les Juifs, faisant revivre les pires mensonges de l’hitlérisme. Ces idéologies sont utilisées pour justifier le massacre de masse des non-musulmans (dans lequel les musulmans meurent aussi par milliers, comme en Irak aujourd’hui). Les djihadistes sont le véritable miroir de Bush et Blair et de leur « guerre au terrorisme ».
Les atrocités terroristes contre les innocents ne sont ni “inimaginables” ni "sans précédent". Les détenteurs du pouvoir qui condamnent cette dernière atrocité annoncée en provoquent de loin les plus importantes, parce qu’ils ont une puissance de feu de loin supérieure. Ce sont les djihadistes « démocratiques », en charge des Etats principaux du monde, ceux qui sont responsables de massacres de civils à une échelle bien plus grande –en Irak, en Afghanistan, au Liban, en Tchétchénie. Les guerres déclenchées par les puissances « démocratiques » sont le modèle suprême de la terreur : comment peut-on qualifier différemment l’emploi de la force militaire massive pour intimider des populations entières ? La dévastation du Liban par Israël est-elle différente, ou la campagne des Etats-Unis de 2003 « frapper et surprendre », ou encore de la même façon le « bombardement par zones » de l’Allemagne par Churchill à la fin de la Seconde Guerre mondiale ?
La guerre impérialiste, c’est la terreur contre l’humanité. Et les Etats qui la paie sont tout autant adeptes des méthodes de l’ombre qu’utilisent les « terroristes » qu’ils le sont de la terreur ouverte et massive des bombardements aériens. Qui d’autre a entraîné Ben Laden pour combattre les Russes sinon l’Amérique « démocratique » ? Qui s’est servi des cliques de Protestants pour provoquer des assassinats et des attentats en Ulster ? La Grande-Bretagne « démocratique ». A qui appartiennent les « pères fondateurs » terroristes comme Menachem Begin . A l’Israël anti-terroriste. Et grâce à ses espions et à ses informateurs, l’Etat « démocratique » peut encore faire un usage subtil des bandes terroristes même lorsqu’elles sont de « l’autre côté ». Malgré les polémiques officielles contre les « théories de la conspiration », il existe une confirmation grandissante que l’Etat américain a permis à Al Qaïda de mener à bien ses attaques en septembre 2001 ; le but –qui avait déjà été émis ouvertement par les théoriciens «Neo-Con »- était de créer un nouveau Pearl Harbour pour justifier une énorme offensive impérialiste en Afghanistan et en Irak. Et il est tout aussi capable de fabriquer des complots terroristes quand rien n’existe réellement. En effet, que la menace soit réelle ou inventée, l’Etat utilisera toujours les activités des terroristes pour renforcer son arsenal de lois répressives, son vaste appareil d’information et de surveillance.
Après le 11 septembre 2001, Bush a proposé un faux choix : avec nous ou avec les terroristes. Aujourd’hui, des millions de gens ont vu ce que Bush voulait, mais ils n’ont pas échappé à ce faux choix. Beaucoup de jeunes qui voient que le monde dans lequel nous vivons va au désastre sont dévoyés vers le terrorisme comme seule « alternative ». Mais c’est une fausse alternative, une impasse tout aussi désastreuse, les transformant en agents recrutés dans une marche au suicide vers la guerre impérialiste. C’est une évidence dans le conflit qui s’étend à travers le Moyen-Orient, un conflit qui rebondit aussi sur les Etats-Unis et l’Europe.
Mais face à l’inexorable décadence de la société actuelle, qui s’enfonce dans la guerre et le chaos, il existe un autre côté : celui de la classe exploitée, le prolétariat, la grande majorité d’entre nous, qui n’a aucun intérêt à être plongée dans les conflits fratricides et les massacres inter-impérialistes.
Face à l’effondrement accéléré du capitalisme qui, dans chaque région du globe, a prouvé qu’il mettait en danger la survie même de l’humanité, il y a une guerre encore valable à mener : la guerre de classe, unissant les ouvriers de tous les pays et de toutes les couleurs contre les gangsters qui dominent la planète mais qui en perdent de plus en plus le contrôle.
La bataille entre les classes que beaucoup disent être dépassée, est une fois encore en train de surgir. Un certain nombre d’évènements récents nous le montre :
Ces
expressions de la solidarité de la classe ouvrière sont les lignes forces de la
vraie communauté de l’humanité, une communauté faite de l’activité humaine pour
les êtres humains et non plus pour la religion ou l’Etat.
On ne peut qu'être soulevé par des sentiments d'indignation et d’écœurement devant cette nouvelle manifestation, ce déchaînement de barbarie guerrière au Proche-Orient : 7000 frappes aériennes sur le territoire libanais, plus de 1200 morts au Liban et en Israël (dont plus de 300 enfants de moins de 12 ans), près de 5000 blessés, un million de civils qui ont dû fuir les bombes ou les zones de combats. D'autres, trop pauvres pour fuir les zones de combats qui se terrent comme ils peuvent, la peur au ventre… Des quartiers, des villages réduits à l'état de ruines, des hôpitaux débordés et pleins à craquer : tel est le bilan provisoire d'un mois de guerre au Liban et en Israël suite à l'offensive de Tsahal pour réduire l'emprise grandissante du Hezbollah en réplique d'une des nombreuses attaques meurtrières des milices islamistes au-delà de la frontière israélo-libanaise. Les destructions sont évaluées à 6 milliards d'euros, sans compter le coût militaire de la guerre elle-même. Au bout du compte, l'opération guerrière se solde par un échec qui est aussi un cuisant revers, mettant brutalement fin au mythe de l'invincibilité, de l'invulnérabilité de l'armée israélienne. C'est aussi un nouveau recul et la poursuite de l'affaiblissement du leadership américain. A l'inverse, le Hezbollah sort renforcé du conflit et a acquis une légitimité nouvelle, à travers sa résistance, aux yeux de l'ensemble des pays arabes.
Cette guerre aura constitué une nouvelle étape vers une mise à feu et à sang de tout le Moyen-Orient et vers l'enfoncement dans un chaos de plus en plus incontrôlable, à laquelle toutes les puissances impérialistes auront contribué, des plus grandes aux plus petites, au sein de la "prétendue communauté internationale". Pourquoi ces massacres, cette flambée de combats meurtriers ?
L'impasse de la situation au Moyen-Orient s'était déjà concrétisée depuis l'arrivée au pouvoir des "terroristes" du Hamas dans les territoires palestiniens (que l'intransigeance du gouvernement israélien aura contribué à provoquer en "radicalisant" une majorité de la population palestinienne) et le déchirement ouvert entre les fractions de la bourgeoisie palestinienne, entre le Fatah et le Hamas interdisent désormais toute solution négociée. Le retrait israélien de Gaza pour mieux isoler et boucler la Cisjordanie n'aura pas servi à grand chose. Israël n'avait pas d'autre solution que de se retourner de l'autre côté dans le but de stopper l’influence croissante du Hezbollah au Sud-Liban, aidée, financée et armée par le parrain iranien. Le prétexte invoqué par Israël pour déclencher la guerre a été d'obtenir la libération de 2 soldats israéliens faits prisonniers par le Hezbolllah : près de deux mois après leur enlèvement, ils sont toujours prisonniers des milices chiites, et les premières tractations sur ce sujet sont à peine ébauchées par l'ONU. L'autre motif invoqué : "neutraliser" et désarmer le Hezbollah dont les attaques et les incursions sur le sol israélien depuis le Sud-Liban seraient une menace permanente pour la sécurité de l'Etat hébreu. La réalité aura été aussi disproportionnée que de chercher à tuer un moustique avec un bazooka. C'est une véritable politique de la terre brûlée à laquelle s'est livré l'Etat israélien avec une brutalité, une sauvagerie et un acharnement incroyables contre les populations civiles des villages au Sud Liban, chassées sans ménagement de leurs terres, de leur maison, réduites à crever de faim, sans eau potable, exposées aux pires épidémies. Ce sont aussi 90 ponts et d'innombrables voies de communication systématiquement coupés (routes, autoroutes …), 3 centrales électriques et des milliers d'habitations détruites, l'aéroport de Beyrouth inutilisable, des bombardements incessants. Le gouvernement israélien et son armée n'ont cessé de proclamer leur volonté "d'épargner les civils" et des massacres comme ceux de Canaa ont été qualifiés "d'accidents regrettables" (comme les fameux "dommages collatéraux" dans les guerres du Golfe et dans les Balkans). Or, c'est dans cette population civile que l'on dénombre le plus de victimes, et de loin : 90% des tués !
Cette guerre n'a pu se déclencher sans le feu vert des Etats-Unis. Enlisés jusqu'au cou dans le bourbier de la guerre en Irak et en Afghanistan, et après l'échec de leur "plan de paix" pour régler la question palestinienne, les Etats-Unis ne peuvent que constater l'échec patent de leur tactique d'encerclement de l'Europe dont le Proche et le Moyen-Orient étaient stratégiquement des cartes-maîtresses. En particulier, la présence américaine en Irak depuis trois ans se traduit par un chaos sanglant, une véritable guerre civile effroyable entre factions rivales, des attentats quotidiens frappant aveuglément la population, au rythme de 80 à 100 morts par jour. Tous ces échecs et cette impuissance témoignent de l'affaiblissement historique de la bourgeoisie américaine dans la région, qui, par contrecoup, voit son leadership de plus en plus contesté dans le monde entier. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle de nouvelles prétentions impérialistes d'autres Etats s'affirment de plus en plus, à commencer par celles de l'Iran. Dans ce contexte, il était hors de question pour les Etats-Unis d'intervenir eux-mêmes alors que leur objectif dans la région est de s'en prendre à ces Etats dénoncés comme "terroristes" et incarnation de "l'axe du mal", que constituent pour eux la Syrie et surtout l'Iran dont le Hezbollah a le soutien. L'offensive israélienne qui devait servir d'avertissement à ces deux Etats démontre la parfaite convergence d'intérêts entre la Maison Blanche et la bourgeoisie israélienne. D'ailleurs, les Etats-Unis au sein de l'ONU n'ont cessé de freiner et de saboter pendant plusieurs semaines les accords de cessez-le-feu pour permettre à l'armée israélienne d'enfoncer plus loin ses bases opérationnelles en territoire libanais, jusqu'au fameux fleuve Litani.
A part le fait qu'il n'est nullement question pour l'Etat hébreu de s'installer durablement au Sud-Liban, les méthodes et les problèmes auxquels sont confrontés les Etats-Unis et l'Etat d'Israël au Proche et au Moyen-Orient participent d'une même dynamique : mêmes contraintes de fuite en avant dans les aventures militaires pour préserver leurs intérêts impérialistes et leur statut de gendarme, même bourbier dans lequel ils ne peuvent que s'enliser toujours davantage, même incapacité à contrôler une situation de chaos grandissant que provoque leur intervention comme autant de boîtes de Pandore qui leur sautent au visage.
Civils et militaires au sein de la bourgeoisie israélienne se renvoient la responsabilité d'une guerre mal préparée. Israël fait l'expérience amère que l'on ne combat pas une milice disséminée dans la population comme on combat une armée officielle d'un Etat constitué 1 [856]. Le Hezbollah comme le Hamas n'était au départ qu'une de ces innombrables milices islamiques qui se sont constituées contre l'Etat d'Israël. Elle a surgi lors de l'offensive israélienne au Sud-Liban en 1982. Grâce à sa composante chiite, elle a prospéré en bénéficiant du copieux soutien financier du régime des ayatollahs et des mollahs iraniens. La Syrie l'a également utilisée en lui apportant un important soutien logistique qui lui servait de base arrière lorsqu'elle a été contrainte en 2005 de se retirer du Liban. Cette bande de tueurs sanguinaires a su en même temps tisser patiemment un puissant réseau de sergents-recruteurs à travers la couverture d'une aide médicale, sanitaire et sociale, alimentée par de généreux fonds tirés de la manne pétrolière de l'Etat iranien. Aujourd'hui, elle se permet de payer les réparations des maisons détruites ou endommagées par les bombes et les roquettes pour lui permettre d'enrôler dans ses rangs la population civile. On a notamment pu voir dans des reportages que cette "armée de l'ombre" était composée de nombreux gamins entre 10 et 15 ans servant de chair à canon dans ces sanglants règlements de compte.
La Syrie et l'Iran forment momentanément le bloc le plus homogène autour du Hamas ou du Hezbollah. En particulier, l'Iran affiche clairement ses ambitions de devenir la principale puissance impérialiste de la région. La détention de l'arme atomique lui assurerait en effet ce rôle. Depuis des mois, le gouvernement iranien ne cesse en effet de narguer les Etats-Unis en poursuivant son programme nucléaire. C'est pourquoi l'Iran multiplie les provocations arrogantes et affiche ses intentions belliqueuses, déclarant même son intention de raser l'Etat israélien.
Le comble du cynisme et de l'hypocrisie est atteint par l'ONU qui, pendant un mois qu'a duré la guerre au Liban, n'a cessé de proclamer sa "volonté de paix" tout en affichant son "impuissance" 2 [857]. C'est un odieux mensonge. Ce "repaire de brigands" est le marigot où s'ébattent les plus monstrueux crocodiles de la planète. Les cinq membres permanents du Conseil de Sécurité sont les plus grands Etats prédateurs de la planète. Les Etats-Unis dont l'hégémonie repose sur l'armada militaire la plus puissante du monde et dont les forfaits guerriers depuis la proclamation en 1990 "d'une ère de paix et de prospérité" par Bush Senior (les deux guerres du Golfe, l'intervention dans les Balkans, l'occupation de l'Irak, la guerre en Afghanistan …) parlent d'eux mêmes.
La Grande-Bretagne a accompagné jusqu'ici les principales expéditions punitives des Etats-Unis pour la défense de ses propres intérêts. Elle entend reconquérir ainsi la zone d'influence dont elle disposait à travers son ancien protectorat dans cette région (Iran et Irak, notamment). Elle entend maintenir sa présence dans la région, coûte que coûte, en espérant en empocher les dividendes dans les années à venir.
La Russie, responsable des pires atrocités lors de ses deux guerres en Tchétchénie, ayant mal digéré l'implosion de l'URSS et ruminant son désir de revanche, affiche aujourd'hui des prétentions impérialistes nouvelles en profitant de la position de faiblesse des Etats-Unis. C'est pour cela qu'elle joue la carte du soutien à l'Iran et plus discrètement celle du Hezbollah.
La Chine, profitant de son influence économique grandissante, rêve d'accéder à de nouvelles zones d'influence hors de l'Asie du Sud-Est, et l'Iran à qui elle fait les yeux doux fait également partie des Etats sur lesquels elle mise pour parvenir à ses fins. Chacune de leur côté, ces deux puissances n'ont cessé de chercher à saboter les résolutions de l'ONU dont elles étaient parties prenantes.
Quant à la France, le sang qu'elle a sur les mains n'est pas moins sale que les autres. Elle a non seulement participé pleinement aux massacres de la première guerre du Golfe en 1991, mais la carte pro-serbe qu'elle jouait dans les Balkans l'ont poussé à laisser froidement massacrer au sein des forces de l'ONU les populations bosniaques dans l'enclave de Srebrenica en 1993, à participer activement à la traque des talibans en Afghanistan (la mort de 2 soldats au sein des "force spéciales" de la COS vient de remettre en pleine lumière cette activité jusqu'ici fort discrète) 3 [858].
Mais c'est surtout en Afrique que l'impérialisme français s'est illustré dans de sinistres besognes. C'est la France qui a provoqué les massacres inter-ethniques au Rwanda en encourageant la liquidation avec les méthodes les plus barbares des Tutsis par les Hutus, pour la défense de ses sordides intérêts impérialistes sur le sol africain.
La bourgeoisie française a gardé la nostalgie d'une époque où elle se partageait les zones d'influence au Moyen-Orient avec la Grande-Bretagne. Après la remise en cause contrainte et forcée de son alliance avec Saddam Hussein lors de la première guerre du Golfe en 1991 puis l'assassinant de son "protégé" Massoud en Afghanistan, ses espoirs de reconquête se concentrent précisément sur le Liban. Elle en avait été brutalement chassée lors de la première guerre du Liban en 1982/83 par l'offensive de la Syrie contre le gouvernement libano-chrétien puis par l'intervention israélienne commandée par le "boucher" Sharon et téléguidée par l'Oncle Sam contraignant la Syrie jusque là dans le camp de l'ex-URSS à quitter le Liban et à se rallier au camp occidental. Elle n'a pas pardonné à la Syrie l'assassinat en février 2005 (attribué à Bachar al-Assad) de l'ex-premier ministre libanais Rafic Hariri, grand "ami" de Chirac et de la France. C'est pourquoi, malgré son désir de ménager l'Iran (qualifié de "grand pays" et prêchant la négociation avec lui), elle s'est ralliée au plan américain sur le Liban, autour de la fameuse résolution 1201 de l'ONU, concoctant même le plan de redéploiement de la FINUL. En dépit des réticences de l'état-major qui a protesté que les opérations militaires de la France à l'étranger se trouveraient désormais "à flux tendu" (près de 15 000 hommes engagés sur différents et multiples fronts : Côte d'Ivoire avec l'opération Licorne, le Tchad, la RD du Congo, Djibouti, le Darfour, le Kosovo, la Macédoine, l'Afghanistan), le gouvernement français a franchi le Rubicon. Il a accepté de porter son engagement au Sud-Liban de 400 à 2 000 soldats au sein de la FINUL, moyennant certaines garanties : notamment la poursuite de son mandat de commandement général sur le déploiement des 15 000 hommes prévus jusqu'en février 2007, le recours à la force en cas d'agression. En effet, le souvenir de l'attentat contre l'immeuble Drakkar abritant le contingent français à Beyrouth en octobre 1983, qui s'était soldé par la perte de 58 parachutistes au cours d'une attaque de terroristes chiites, reste cuisant et a déterminé le départ de la France du Liban. Cependant, les hésitations de la bourgeoisie française de passer du terrain diplomatique au terrain plus militaire n'ont pas disparues. La mission essentielle de la FINUL est de soutenir une très faible armée libanaise à peine reconstituée -15 000 hommes seulement- chargée de désarmer le Hezbollah. Cette mission s'annonce d'autant plus périlleuse que deux membres du Hezbolllah sont au sein du gouvernement libanais, que le Hezbollah lui-même auréolé du prestige d'avoir à lui seul fait échec à la puissante armée de Tsahal ne s'est jamais senti aussi fort et plein d'assurance (il a démontré sa capacité de lancer des roquettes et de menacer les villes du Nord d'Israël jusqu'à la signature du cessez-le-feu) et surtout que l'armée libanaise est déjà largement infiltrée par lui. D'autres puissances sont également en lice comme l'Italie qui, en échange du plus gros contingent des forces de l'ONU, se verra confier après février 2006 le commandement suprême de la FINUL au Liban. Ainsi, quelques mois à peine après le retrait de ses troupes d'Irak, Prodi après avoir âprement critiqué l'engagement de l'équipe Berlusconi en Irak, ressert le même rata au Liban, confirmant les ambitions de l'Italie d'avoir son couvert sur la table des grands, au risque d'y laisser de nouvelles plumes.
L'échec patent d'Israël et des Etats-Unis représente un nouveau pas important dans l'affaiblissement de l'hégémonie américaine. Mais loin d'être un facteur d'atténuation des tensions guerrières, il ne fait qu'accroître celles-ci. Il constitue un encouragement pour décupler les prétentions impérialistes de tous les autres Etats. Il n'annonce aucune autre perspective qu'une déstabilisation et un chaos croissants.
Le Moyen et le Proche-Orient offrent aujourd'hui un concentré du caractère irrationnel de la guerre où chaque impérialisme s'engouffre de plus en plus pour défendre ses propres intérêts au prix d'une extension toujours plus large et plus sanglante des conflits, impliquant des Etats de plus en plus nombreux. La Syrie et l'Iran sont désormais sur le pied de guerre. En retour, cette situation pousse les Etats-Unis et Israël à organiser une riposte encore plus terrible et meurtrière. Le ministre de la défense israélien a ainsi clairement laissé entendre que le cessez-le-feu n'était qu'une trêve pour redisposer ses forces afin de préparer un deuxième assaut où il promet de liquider définitivement le Hezbollah.
L'extension des zones d'affrontements sanglants dans le monde est une manifestation du caractère inéluctable de la barbarie guerrière du capitalisme. La guerre et le militarisme sont bel et bien devenus le mode de vie permanent du capitalisme décadent en pleine décomposition. C'est une des caractéristiques essentielles de l'impasse tragique d'un système qui n'a rien d'autre à offrir à l'humanité que de semer la misère et la mort.
Des protestations grandissantes contre la guerre apparaissent. L'an dernier, de grandes manifestations s'étaient déroulées à Tel-Aviv et à Haïfa pour protester contre la hausse du coût de la vie. Elles accusaient le gouvernement pour sa politique d'augmentation démesurée des budgets militaires au détriment des budgets sociaux et de provoquer également une hausse exorbitante de l'inflation. L'échec de la guerre aujourd'hui ne peut que favoriser l'expression grandissante du mécontentement social.
Dans les territoires palestiniens, la colère des fonctionnaires non payés depuis plusieurs mois (avec le gel des crédits de l'Union Européenne depuis l'élection du Hamas) s'exprime aussi de plus en plus.
Cependant, des millions de personnes parmi les prolétaires et la population civile qu'elle soit d'origine juive, palestinienne, chiite, sunnite, druze, kurde, maronite chrétienne ou autre, sont prises en otages et subissent une terreur quotidienne.
Quelle solidarité avec les populations victimes de l'horreur guerrière ? La bourgeoisie proclame à l'instar de l'hebdo Marianne du 12 août qu'il faut revendiquer que "nous sommes tous sionistes, nationalistes palestiniens et patriotes libanais" . Au contraire, les révolutionnaires doivent clamer haut et fort le cri de ralliement du prolétariat : "Les prolétaires n'ont pas de patrie". La classe ouvrière n'a aucun intérêt national ni aucun camp à défendre. Ces intérêts nationaux sont toujours ceux de la bourgeoisie qui l'exploite. S'opposer à la guerre, c'est s'opposer à tous les camps capitalistes. Seul le renversement du capitalisme pourra mettre un terme au déchaînement de la barbarie guerrière. La seule solidarité véritable au sein du prolétariat envers ses frères de classe exposés aux pires massacres, c'est de se mobiliser sur son terrain de classe contre ses propres exploiteurs. C'est de se battre et de développer ses luttes sur le terrain social contre sa propre bourgeoisie nationale. Comme elle l'a fait dans les grèves qui ont paralysé l'aéroport de Londres à Heathrow et les transports à New York en 2005, comme les travailleurs de l'usine Seat à Barcelone en début d'année, comme la mobilisation des futurs prolétaires contre le CPE en France ou les ouvriers de la métallurgie à Vigo en Espagne. Ces luttes qui témoignent d'une reprise des combats de classe à l'échelle internationale constituent la seule lueur d’espoir d'un futur différent, d'une alternative pour l'humanité à la barbarie capitaliste.
Wim (28 août)
1 [859] Les critiques qui se sont multipliées sur la manière dont la guerre a été menée et son impréparation affectent même le haut état-major militaire israélien. Un journaliste pouvait ainsi déclarer que l'armée que l'on surnomme partout "la grande muette" était devenue "la grande bavarde".
2 [860] Ce cynisme et cette hypocrisie se sont pleinement révélés sur le terrain, à travers un épisode des derniers jours de la guerre : un convoi composé d'une partie de la population d'un village libanais, avec nombre de femmes et d'enfants tentant de fuir la zone de combats est tombé en panne et a été pris sous la mitraille de Tsahal. Les membres du convoi ont alors cherché refuge auprès d'un camp de l'ONU tout proche. On leur a répondu qu'il était impossible de les abriter, qu'ils n'avaient aucun mandat pour cela. La plupart (58 d'entre eux) sont morts sous la mitraille de l'armée israélienne et sous les yeux passifs des forces de la FINUL (selon le témoignage au journal télévisé d'une mère de famille rescapée).
3 [861] L'insistance inaccoutumée des médias sur cet épisode qui survient "opportunément" vise avant tout à habituer la population à accepter l'idée qu'il y ait d'autres morts de soldats et de nombreuses futures victimes au cours des opérations militaires auxquelles vont participer les forces françaises au Sud-Liban au sein de la FINUL.
Quelle rentrée ! "Le chômage baisse", "le pouvoir d’achat augmente" et "demain sera encore meilleur" ! En fait, à en croire les déclarations ministérielles successives ou les gros titres des quotidiens, tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Tout ceci n’est évidemment que mensonges. La réalité, c’est la dégradation des conditions de vie, la flexibilité du travail, le gel des salaires et l’augmentation des cadences. La réalité, c’est le développement de la misère et la réapparition des bidonvilles comme, par exemple, en bordure du périphérique parisien.
La rentrée, c’est aussi une nouvelle vague de hausses des prix (loyers, gaz, électricité, essence, impôts, transports publics, baguette de pain...) qui viennent amputer davantage le pouvoir d’achat des prolétaires alors qu’on veut nous faire croire que ce dernier augmente.
Fin août, le ministre de l’emploi, Jean-Louis Borloo, a annoncé que le taux de chômage passait sous la barre des 9%, déclarant même triomphalement "Nous sommes dans un cercle vertueux, celui de la confiance". Ce petit soldat de l’Etat peut effectivement être fier de lui. S’il y a moins de chômeurs, c’est parce que les radiations se multiplient ou que les petits boulots de 2 à 3 heures par-ci par-là se généralisent. Non seulement le chômage réel ne baisse pas, mais il augmente de façon dramatique. La classe ouvrière en France subit une avalanche d'attaques, avec, au centre, des milliers de suppressions de postes et de licenciements. Dans les petites unités industrielles comme dans les grandes entreprises, les ouvriers et les employés sont jetés à la rue par paquets. A Arcelor, par exemple, depuis la fusion avec Mittal, c’est l’emploi de milliers de travailleurs qui est directement menacé. Et cet Etat qui aujourd’hui veut nous faire croire que tout va bien, qu’il nous protège et s’occupe de nous, annonçait il y a à peine deux mois la suppression de 15 000 postes chez les fonctionnaires dont principalement 8700 dans le secteur de l’enseignement et 3000 au ministère des Finances. Mais ce n’est pas tout. D’autres entreprises du secteur public sont aussi dans le collimateur : dans les hôpitaux, les effectifs sont revus à la baisse, la fusion de Gaz de France avec Suez menace près de 6000 emplois, sans parler de la SNCF ou encore la Sécurité Sociale, et notamment sa branche « prise en charge maladie », où 4500 postes vont être supprimés sur 80 000 agents. Dans le secteur de la recherche, le gouvernement va réduire de 3000 à 1500 le nombre d’emplois créés.
A la vue de cette effroyable liste, on comprend mieux pourquoi les journaux et le gouvernement déploient autant d’énergie et d’inventivité à fabriquer de fausses bonnes nouvelles. Le but est de créer un rideau de fumée, de masquer la réalité des attaques quotidiennes par l’effet de grandiloquentes déclarations. Car toutes ces mesures anti-ouvrières, toutes ces hausses du coût de la vie, tous ces licenciements et suppressions de postes ne peuvent que nourrir la combativité et la réflexion de la classe ouvrière. Ainsi, ce n’est pas un hasard si le ministre de l’éducation Gilles de Robien se montre à tous les journaux télévisés pour affirmer que la rentrée scolaire va être "tout à fait satisfaisante". Les 8700 postes supprimés vont avoir un impact direct et immédiat sur les conditions de travail. Enseignants, surveillants ou ATOSS, tous vont être confrontés à des classes surchargées sans les moyens matériels et humains d’y faire face. Signe de la colère qui gronde dans ce secteur, les syndicats commencent d’ailleurs d’ores et déjà à préparer le dévoiement et l’encadrement des luttes appelant le 6 septembre à des journées d’action locales puis le 28 septembre à la grève nationale sur le thème pourri de la défense des missions et de la qualité du service public.
Ces coupes budgétaires et ces réductions drastiques d’effectifs tordent justement le cou à ce mensonge répugnant répandu par l’idéologie bourgeoise qui consiste à faire croire aux prolétaires que le service public est un secteur à part. Au nom de cette particularité, les fonctionnaires sont toujours appelés à défendre leur statut et la nature soi-disant citoyenne de leur mission tandis qu’aux yeux des autres ouvriers des boîtes privées ces mêmes fonctionnaires sont dénoncés comme des privilégiés se tournant les pouces et dont l’emploi est garanti à vie. L’ensemble de ces mesures anti-ouvrières prises par l’Etat contre ceux qu’il embauche directement viennent en effet rappeler une nouvelle fois qu’il n’existe pas de secteur ‘privilégié’ ou à part. Les entreprises du public comme celles du privé subissent les lois du capitalisme, exploitent et dégraissent. Cette propagande vise à diviser les ouvriers, à les dresser les uns contres les autres et à leur faire perdre de vue l’ennemi de classe, la bourgeoisie et son Etat, à l’heure où l’ampleur des attaques nécessitent une réponse de l’ensemble de la classe ouvrière.
Alors que l’ensemble de la classe ouvrière subit de violentes attaques, les syndicats, les partis de gauche et leurs appendices gauchistes ne cessent de nous ressortir le mot d’ordre anti-libéral de "lutte contre les privatisations ou, dit autrement, de "défense du secteur public", avec sa pointe obligée de nostalgie sur les "bienfaits" des nationalisations pour le bien-être social de la classe ouvrière, et leurs couplets sur "la défense des acquis sociaux", si chèrement acquis selon eux au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Mais la réalité historique vient démentir tout ce bel échafaudage de mensonges idéologiques.
Si l’Etat, à partir du 20e siècle, prend en charge de plus en plus directement des secteurs toujours plus vastes de l’économie et de la société, ce n’est certainement pas pour "neutraliser les méchants patrons exploiteurs" ou défendre un quelconque principe de "justice sociale", mais bel et bien pour faire face à la faillite historique du mode de production capitaliste, sa crise économique inextricable et ses irrésistibles tensions guerrières, en organisant le plus efficacement possible la défense des intérêts du capital national. Les nationalisations n’ont donc en rien permis d’améliorer les conditions d’existence des ouvriers, elles ont au contraire impliqué une intensification de l’exploitation.
En 1929, le capitalisme connaît une des plus graves crises de son histoire. Partie des Etats-Unis, elle va se développer dans l’ensemble du monde industriel. L’effondrement de la Bourse américaine atteindra l’Europe au début des années 1930. En France, jusqu’à la veille de l’avènement du Front Populaire, la production industrielle chute, les faillites se multiplient, le secteur bancaire est en déroute. A cette époque, Roosevelt lance son fameux "New Deal", l’intervention massive de l’Etat dans le domaine économique, exemple repris dans de nombreux pays européens et notamment en France sous le gouvernement du Front Populaire. Dans le secteur bancaire, l’Etat prend la direction de la Banque de France, nationalise les usines d’armement et prend sous sa coupe le secteur des transports, en particulier : les chemins de fer avec la création de la SNCF alors que les compagnies privées étaient déclarées en faillite. C’est également le cas des transports maritimes qui passent sous le contrôle de la Compagnie Générale Transatlantique assurant les liaisons avec l’Amérique et aussi des transports aériens avec la mise sous tutelle étatique de la compagnie Air France créée en 1933. D’ailleurs, le choix de nationaliser ces secteurs vitaux pour la conduite d’une guerre mondiale qui s’approche à grands pas n’est pas le fruit du hasard. C’est aussi pourquoi la guerre et le gouvernement de Vichy n’ont en rien remis en cause les nationalisations du Front populaire. Au contraire, les Houillères ont été, par exemple, nationalisées fin décembre 1943. L’Etat sous Pétain comme au lendemain de la guerre va renforcer son contrôle en nationalisant les chaînes de radio, puis la télévision. Il crée l’Agence France-Presse pour la diffusion des informations. Après la guerre, la France est un pays ruiné. La reconstruction de l’économie nationale s’impose et là encore le rôle de l’Etat est incontournable. Dès 1945, l’Etat français, va reprendre à un rythme accéléré les nationalisations (qui sont aussi mises en place dans d’autres pays européens, notamment la Grande-Bretagne) : regroupement de plusieurs sociétés de constructions de moteurs d’avion en une seule entreprise, la SNECMA ; création d’une industrie aéronautique, la SNIAS ; prise de contrôle de Renault, de la Banque de France et des quatre principales banques françaises, des compagnies d’assurances et de crédits, et surtout de l’énergie : le charbon, le gaz, l’électricité (création d’EDF et GDF) ; il lance un programme d’énergie nucléaire (le CEA). Fin 1946, l’Etat a entre ses mains le contrôle de la totalité de l’infrastructure économique afin de remettre sur pieds le capital national. La reconstruction a un coût : l’Etat emprunte plus de 400 millions de francs à la Banque de France, les Etats-Unis débloquent plusieurs milliards de dollars à travers le Plan Marshall pour s’assurer de la fidélité de la France au bloc occidental dans le cadre du repartage du monde après les accords de Yalta.
Contrairement aux discours idéologiques qui présentent les nationalisations et la création du Service public censé "assurer à tous l’égalité d’accès à des biens communs jugés indispensables" (dixit le groupe ATTAC) comme un progrès pour les travailleurs, là aussi la réalité historique parle d’elle-même. Jamais la situation de la classe ouvrière n’a été aussi dramatique sous le Front Populaire et surtout aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale où de manière unanime l’ensemble des forces politiques et syndicales de la bourgeoisie, dans un concert d’union nationale, ont exhorté le prolétariat à "retrousser ses manches", le parti stalinien et son appendice cégétiste en tête (déjà sous Pétain, le ministre du travail, Belin, était un des principaux dirigeants de la CGT). Cet "Etat Social" n’a d’ailleurs jamais hésité lorsque la classe ouvrière se révoltait contre l’accroissement de son exploitation à envoyer la police et l’armée réprimer dans le sang les grèves dans les arsenaux, dans les Houillères ou à réquisitionner les ouvriers d’EDF-GDF (ainsi c’est un ministre de la SFIO, ancêtre du PS, Jules Moch qui a créé les Compagnies Républicaines de Sécurité). La répression n’était pas la seule réponse de la bourgeoisie, tout un arsenal d’encadrement était mis en place : sur le plan idéologique avec la mise en place des Comités d’Entreprise et des délégués du personnel, instruments que se donnait la bourgeoisie pour enchaîner le prolétariat aux impératifs économiques capitalistes.
Une réalité s’impose de plus en plus aux travailleurs : ce n’est pas le patronat privé qui dirige le capitalisme, mais c’est l’Etat lui même qui contrôle et fait appliquer les mesures économiques et sociales dictées par l’intérêt du capital national dans sa concurrence avec les autres Etats sur le marché mondial, y compris à travers les privatisations qu’il décide. Depuis la fin des années 1960, la crise a ressurgi. L’Etat, de plus en plus endetté, doit se décharger du poids trop grand du financement des entreprises pour l’économie nationale. Aussi, dès les années 1980, gauche et droite privatisent à grande échelle. Les caisses de l’Etat sont renflouées pour payer les dettes, les patrons adaptent les entreprises à l’âpreté de la concurrence internationale en licenciant, en fermant les usines moins rentables. Ce processus de privatisation touche aujourd’hui des secteurs très sensibles comme la SNCF, EDF et GDF ou encore les Télécommunications, secteurs où l’Etat garde une part importante des actions, même s’il n’est plus majoritaire, pour continuer à y exercer un contrôle. Contrairement à nombre de discours de gauche et d’extrême gauche, aucune entreprise ne peut échapper à la course au profit, qu’elle soit du domaine public ou du secteur privé. A la SNCF par exemple, la direction vient d’annoncer un redressement spectaculaire de l’entreprise en enregistrant un bénéfice de 417 millions d’euros pour l’année 2005. Comment ce résultat a été obtenu ? Essentiellement par un gain de productivité, et ce par la réduction des effectifs (3590 postes supprimés en un an) et par le gel des salaires. Autrement dit, par une exploitation accrue de la classe ouvrière. C’est toujours avec le même objectif, rentabiliser l’entreprise pour l’adapter à la concurrence afin qu’elle puisse dégager des bénéfices, que l’Etat envisage la fusion de GDF avec une société privée, Suez. La "garantie de l’emploi" pour le service public devient un moyen de chantage pour que les ouvriers acceptent des blocages de salaires, des suppressions de postes, un renforcement de leur exploitation. Au moment des privatisations, il décide, avec le concours des syndicats, du nombre de licenciements et fait porter le chapeau aux entrepreneurs privés. Il est encore plus féroce avec ses employés : le recours aux différents contrats précaires (CDD, CES, CEP, CAE…) est systématique et reconductible, alors que dans le privé ils ne peuvent être renouvelés qu’une fois ; de plus, tout est calculé pour que certains contrats n’ouvrent pas droit au chômage ; les nouveaux embauchés, effectuent le même travail que leurs collègues tout en ayant un tiers du salaire en moins comme par exemple à La Poste, avec moins de protection sociale et moins de droit à la retraite. Et ce ne sont là que quelques exemples. Voilà comment l’Etat "garantit" l’emploi. En fait, il s’agit d’une véritable politique de précarisation, de licenciements et de surexploitation.
Les nationalisations, le rôle protecteur de l’Etat nous sont présentés comme progressistes pour les travailleurs et pour l’ensemble de la population alors qu’il s’agit d’une réaction de l’Etat capitaliste face à la faillite de son système. Aujourd’hui, les privatisations nous sont présentées comme une régression où l’Etat abandonnerait son rôle aux profits du patronat et de spéculateurs avides de profits. De fait, tous ces discours sont un piège car ils cachent, aux yeux de la classe ouvrière, la faillite du système capitaliste et l’enchaînement de la classe ouvrière derrière son principal ennemi : l’Etat. Les suppressions massives de postes de fonctionnaires viennent rappeler une nouvelle fois à l’ensemble de la classe ouvrière qu’il faut se battre tous unis !
André (31 août)
Les lois anti-immigrés de Sarkozy sont simples à saisir comme la consigne du ministre de l’Intérieur à ses préfets en février dernier, “ il faut accroître le nombre de reconduites à la frontière ”.
La chasse aux travailleurs clandestins et à leurs familles se fait donc plus impitoyable et l’été 2006 en porte déjà les premiers stigmates. Ainsi, le mois de juillet, avec la fin de l’année scolaire, s’est ouvert sur l’expulsion de lycéens sans papiers tandis que le mois d’août se termine avec l’évacuation de 500 squatters, d’origine africaine, du bâtiment F de la cité universitaire de Cachan (Val-de-Marne) dont la moitié se trouve être en situation irrégulière. Les 900 policiers mobilisés à cette occasion ont réalisé un véritable tri sélectif pour attraper dans leurs filets 66 clandestins immédiatement escortés vers les centres de rétention de la région parisienne.
Bien évidemment, devant ce sinistre spectacle, la gauche associative, syndicale et politique s’est dressée comme un seul homme et d’une seule voix a crié toute son indignation contre cette “ honteuse politique ”. Mieux…n’écoutant que leur “ bon cœur ” et leur “ courage ”, plusieurs militants et élus dont le porte-parole de la LCR, Olivier Besancenot, et le président PCF du conseil général du Val-de-Marne, Christian Favier, ont (d’après le récit du journal Libération) “ tenté de s’interposer entre les forces de l’ordre et les familles ” lors de l’évacuation du campement de fortune que 200 ex-squatters avaient installé sur le trottoir.
Le show humaniste et médiatique de la gauche “ sociale ”, ayant revêtu pour l’heure ses habits de “ défenseur farouche ” des immigrés sans-papiers, nous offre surtout le spectacle grandiose de son hypocrisie. Ces gens-là semblent vraiment croire que notre mémoire ne vaut guère mieux que celle d’un poisson rouge ! Et pourtant on se souvient parfaitement qu’il y a dix ans, la gauche plurielle (PS, PC, Verts) promettait la suppression des lois Pasqua/Debré suscitant ainsi l’espoir chez beaucoup de clandestins et le dépôt de nombreuses demandes de régularisation. Seulement, une fois au gouvernement, Jospin, selon ses termes de l’époque, “ n’a pas choisi de donner des papiers à tous ” et 100 000 dossiers ont été refusés, soit autant de clandestins fichés par les services de police. Le piège est facile et la gauche en use à merveille.
Aujourd’hui, Besancenot peut bien railler “ une gauche gênée aux entournures ”, il n’empêche que la “ gauche de la gauche ” dont il se revendique fait exactement la même chose en se servant de son image de “ protecteur ” des clandestins et de son capital confiance auprès d’eux pour les faire sortir du bois d’où ils se cachent.
Les lois Sarkozy dites “ d’immigration choisie ” portent bien leur nom. Il s’agit pour la bourgeoisie de faire venir d’autres pays des ouvriers de tel ou tel secteur selon les besoins de l’économie et de les renvoyer “ chez eux ” une fois le travail accompli tout en les maintenant dans un “ statut ” de clandestin qui les oblige à accepter les pires conditions d’exploitation. Evidemment, tout cela implique un système de fichage policier digne du Big Brother de Georges Orwell. C’est pourquoi, depuis la fin du mois d’août, un nouveau fichier nommé ELOI est chargé de recenser les “ étrangers en situation irrégulière en voie d’expulsion ” avec leur nationalité, photographie, situation professionnelle, indications sur la “ nécessité d’une surveillance particulière au regard de l’ordre public ”, etc…
Mais comment les services de police peuvent-ils obtenir une telle quantité d’informations et de documents sur des individus par définition condamnés à la discrétion ? Trop simple…il suffit de demander !
Ainsi, la circulaire ministérielle du 13 juin, ouvrant jusqu’au 13 août la possibilité pour les sans-papiers ayant des enfants scolarisés de déposer une demande de régularisation, a permis à notre gauche “ bienfaitrice ” d’inciter un maximum de familles, fort naturellement rétives à toute mise en relation avec les services de police, à constituer un dossier en bonne et due forme !
L’association Réseau Education Sans Frontière (Resf), dont les membres ne sont autres qu’ATTAC, DAL, MRAP, CNT, FSU, SUD, CGT, Alternative Libertaire, LCR, PC, Verts…, a finalement permis le dépôt en préfecture de 30 000 dossiers familiaux dont 24 000 ont été refusés au titre de la régularisation mais fort bien acceptés pour nourrir le bon ELOI…Belle récolte !
Le médiateur officiel du ministère de l’Intérieur, Arno Klarsfeld, l’a d’ailleurs exposé sans fard le 21 août sur France2 : “ Les associations, comme Resf, ont une responsabilité vis-à-vis des familles qu’elles ont poussées à se déclarer à la préfecture alors qu’elles savaient qu’elles étaient hors champs de la circulaire. Alors, ces gens qui n’étaient pas repérés par les services de police, maintenant ils vont avoir un arrêté de reconduite à la frontière. ” Voilà qui est clair…trop clair au goût de la presse gauchiste qui s’est abattue à bras raccourcis sur l’avocat parisien. En effet, M. Klarsfeld est un novice en politique, bien maladroit il n’a pas encore retenu la vieille leçon social-démocrate : “ ces choses là se font mais ne se disent pas ! ”
C’est donc avec la plus infecte hypocrisie que les associations de gauche, les syndicats et les trotskistes se sont servis de la détresse des clandestins en leur faisant miroiter le sésame de la régularisation pour les conduire tout droit vers les guichets des préfectures.
Sarkozy, “ ministre des expulsions ” a trouvé dans cette gauche “ sociale ” et “ humaine ” les plus fidèles adjoints de sa politique anti-ouvrière.
Azel (31 août)
Nous publions ci-dessous le courrier d'une lectrice travaillant dans le secteur de l'Education nationale. Ce témoignage parle de lui-même et vient clairement illustrer les conséquences de l'aggravation des attaques portées par l'Etat à la tête de toute la bourgeoisie, à savoir la détérioration accélérée des conditions de travail des prolétaires, en particulier au sein de la fonction publique.
Vendredi 1er septembre 2006. Enième rentrée. Enième réunion. Enièmes problèmes. Chaque année, on en bave, chaque année, on conclut en se disant : « C’est de pire en pire ». Chaque rentrée, on est bêtement reposé et on a oublié… enfin, vaguement. Parce que c’est réellement de pire en pire. Parce qu’on en bave de plus en plus. Parce qu’il n’y a plus de solutions mais uniquement des problèmes, anciens et nouveaux. Parce que derrière le vieux rêve enchanteur d’enseigner, il n’y a plus que d’affreux nuages noirs, et que tous les mensonges sur une éducation pour tous ne peuvent plus être avalés.
On nous crée gentiment 1000 postes d’enseignants relais, pour aider les 250 établissements les plus en difficulté… Oui ! Mais on ne crée aucun poste au concours pour cela. Alors d’où viennent-ils ces profs ? Comment se les est-on procurés ? Tout simplement en piochant ailleurs, en dégarnissant d’autres établissements.
On supprime 8500 postes Education Nationale, pour éliminer les ‘surplus payés à ne rien faire’, à en croire les déclarations du gouvernement. Et on oublie pour cela de remplacer les départs à la retraite. Ah bon ? Les quasi-retraités ne servaient à rien ?
Et surtout, on utilise au maximum toutes les ressources possibles. Environ 80% des TZR (titulaires sur zones de remplacements) qui ont été affectés au 1er septembre dans l’académie de Créteil sont sur 3 établissements ! Et on nous parle de projets pédagogiques et de réussite scolaire ?!?
Pour ma part, je vis tout cela en direct. Je suis en poste dans un petit collège. L’an passé, je faisais même 2 heures supplémentaires. Des classes de 22 à 25 élèves, je m’en sortais plutôt bien par rapport à beaucoup d’autres établissements. Mais pour cette rentrée, il fallait récupérer des postes pour compenser les 8500 supprimés… Alors on nous a supprimé 3 classes, sous prétexte d’une légère baisse d’effectifs. Mais en réalité pour parvenir à ce résultat, il a surtout fallu ‘se tasser’ : 30 élèves par cours ! Certaines salles ne sont même pas adaptées à un tel nombre : en technologie, en physique, il n’y a pas assez de place pour les chaises et les tables, pas assez de matériel pour les expériences.
Le résultat voulu a été obtenu : un départ à la retraite non remplacé et des professeurs nomades faisant de 4 à 10 heures dans un autre établissement.
J’appartiens à cette seconde catégorie et je vais faire une bonne partie de mes heures ailleurs. Il n’a pas été question de profiter de ce sous-service pour que je m’occupe des élèves les plus en difficulté de façon libre et adaptée… certainement pas ! J’ai été affectée dans un des établissements le plus dur du coin (classé ZEP, violence, sensible). Pour moi, cela veut dire des trajets supplémentaires non remboursés (puisque je travaille parfois sur les 2 établissements dans la même journée), le double de réunions et le double de boulot. Pour les gamins et les familles, cela signifie une "prof" moins disponible. Pour cet établissement, cela signifie qu’il n’y a pas besoin de créer un poste pour ces 10 heures.
Ma rentrée est dure et amère.
Des parents d’élèves ont été horrifiés lorsqu’ils ont appris que les classes allaient être autant surchargées, et ils ont raison. Nous ne pouvons pas nous occuper correctement de leurs enfants. Nous n’en avons plus les moyens au sein des établissements scolaires. Comment une institutrice peut-elle apprendre à lire et à écrire à une classe de 30 bambins de cours primaire ? La réponse est simple : elle ne peut pas.
Certains enseignants sont découragés et, à à peine 40 ans, pensent déjà à un autre travail... Encore faut-il trouver !
Crèches, écoles primaires, ou secondaires, facultés, hôpitaux,… partout j’entends le même refrain : "on manque de moyens", "il n’y a pas assez de personnels" ; et partout on supprime des postes en fermant les accès aux concours, on restreint les budgets, on crée des emplois précaires.
Voilà la réalité de la rentrée 2006 !
Florence
L’hiver dernier, l’organisation non gouvernementale Médecins du Monde (MDM) distribuait 300 tentes aux Sans Domicile Fixe (SDF) parisiens afin de rendre leurs conditions de vie plus "humaines" et rendre "la misère plus visible" afin de pousser les pouvoirs publics à "prendre des mesures en leur faveur". Depuis, Paris a vu apparaître ici et là des mini-campements dans les rues, le long des berges de la Seine et même sur les bords du périphérique, au beau milieu de la pollution automobile. Jusqu’à cet été, hormis quelques groupements de riverains hostiles à leur présence dans certains quartiers, on ne peut pas dire que l’effet escompté par MDM de voir une "mobilisation de l’opinion publique" et des "pouvoirs publics" ait été une réussite. Mais, période estivale oblige, le tourisme et les "opérations" du style "Paris-Plage" ont été le moteur d’une "prise de conscience" de ces "écolos" et "humanistes" réputés que sont le maire socialiste de Paris et le gouvernement de Villepin. Aussi, Delanoë lançait-il une campagne "humaine et ferme" pour déloger les sans-abri vivant sous des tentes et les déplacer sous prétexte de "risques sanitaires liés à la canicule" mais aussi sous l’effet des plaintes grandissantes de riverains. Côté gouvernement, la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, Catherine Vautrin, nommait une "médiatrice" chargée de "trouver une solution au problème posé par les tentes de SDF". Derrière l’hypocrisie de cette façade "démocratique", le rêve de tout ce beau monde serait à l’évidence de procéder à un "nettoyage au Kärcher" des SDF. D’ailleurs, l’incendie de quatre tentes Gare du Nord le 20 juillet et la disparition de douze tentes et de leurs occupants le 21 suite à une intervention de la police sous le métro Sèvres-Babylone, ont rendu bien service à toute la bourgeoisie.
Dès le 9 août, le ministère annonçait l’ouverture pour "avant la fin de l’hiver prochain" (!) de 1100 places d’hébergement et MDM criait victoire et déclarait que "l’objectif de l’association [était] réalisé", c’est-à-dire la mobilisation de "l’opinion". D’un côté comme de l’autre, c’est se payer de mots.
Sous prétexte de "rendre la misère plus visible", et malgré la réelle bonne volonté des bénévoles associatifs, MDM a en réalité installé un certain nombre de SDF dans une autre misère, mieux cachée derrière des toiles de tente, prétendument "plus digne" mais tout aussi ignoble, elle les a encore mieux enfermés dans cette catégorie honteuse de la population que seraient les sans-abri, les isolant d’autant plus du reste de la population tout en permettant une surveillance, médicale certes, mais surtout policière.
Côté gouvernement, les 1100 places d’hébergement sont une promesse qui ne sera pas tenue, on le sait, et, de même que les 300 tentes distribuées par MDM, constituent de surcroît une véritable fumisterie face à l’ampleur du phénomène.
Une estimation du gouvernement évalue le nombre de SDF à Paris entre 2000 et 5000 personnes, alors qu’ils seraient selon les associations de bénévoles près de 10 000.
Cependant, au-delà des polémiques qui animent le gouvernement, la gauche et les associations "humanitaires" ou "caritatives" et, au-delà de la volonté ou non de porter assistance aux sans-abri, il s’agit d’un problème insoluble dans le cadre du système capitaliste. Parce que c’est justement cette société qui en est à l’origine : c’est le capitalisme qui provoque la crise, le chômage, la misère. La bourgeoisie ne peut à la fois jeter au chômage et à la rue des millions de gens qu’elle ne peut plus entretenir sur le marché du travail et en même temps leur trouver une solution de rechange. Elle n’en a aucune sinon au mieux de leur permettre de survivre et de crever en silence pour perturber le moins possible son image de démocratie moderne et civilisée.
Seuls la révolution prolétarienne internationale et l’avènement du communisme pourront apporter un espoir et une solution à tous les miséreux de la planète comme à toute l’humanité.
Mulan (31 août)
Durant tout l’été, les deux principales organisations trotskistes en France, Lutte Ouvrière (LO) et la Ligue Communiste Révolutionnaire (LCR), ont aligné déclaration sur déclaration pour condamner ce qu’ils nomment "la sale guerre d’Israël" 1 [862]. LO, par la voix d’Arlette Laguiller, a décrit l’horreur des populations écrasées sous les bombes de Tsahal : "On ne peut que ressentir un immense sentiment d’indignation devant les images venues du Liban, montrant ces cadavres d’enfants écrasés par des bombes israéliennes dans la cave où ils avaient cru trouver un abri". Et la LCR a organisé des manifestations pour réclamer la fin de la guerre : "Criez stop, arrêtez le massacre […]. Ensemble, faisons-nous entendre pour dire stop à la guerre, stop à l’horreur. Pour qu’enfin le Moyen-Orient connaisse la paix".
Il est évident que ces hécatombes d’hommes, de femmes et d’enfants innocents sont purement insupportables. Pourtant, il ne faut pas s’y tromper, derrière les protestations pour la paix de ces officines trotskistes se cache en fait l’idéologie nationaliste, cette idéologie de la classe dominante qui partout engendre et justifie les guerres.
La énième boucherie impérialiste de cet été est le produit de l’affrontement des bourgeoisies israélienne, palestinienne, libanaise, syrienne et iranienne, chacune soutenue et armée dans l’ombre par les plus grandes puissances de la planète, des Etats-Unis à la France, de la Chine à la Russie 2 [863].
C’est cette réalité de la politique guerrière de tous les Etats qui est niée et dissimulée par LO et la LCR. Car encore une fois, ces organisations ont pris fait et cause pour un camp impérialiste contre un autre, soutenant sans réserve les Etats libanais et palestinien. Pour la LCR par exemple, "Israël a lancé contre le Liban une guerre totale […]. Palestine et Liban sont les deux victimes d’une même logique impériale."
Pour justifier leur soutien à certaines nations, ces organisations nous servent encore et toujours la même rengaine. Liban et Palestine seraient de pauvres petits Etats opprimés par de grands Etats riches et impérialistes. Dans la bouche de LO, cela donne : "Cette guerre est bien une guerre de pays riche contre des populations pauvres." Tout est là ! Par un tour de passe-passe terminologique, la guerre ne se déroule plus entre deux nations capitalistes qui utilisent leur population comme chair à canon, mais entre "pays riches" et "populations pauvres". Lors de chaque conflit, LO et la LCR distinguent ainsi deux camps, celui des nations impérialistes et celui des nations victimes et opprimées. Et c’est au nom de cette théorie que dans les guerres qui ensanglantent la planète depuis plus d’un demi-siècle, ces organisations ont successivement pris parti pour l’Indochine, l’Algérie, le Vietnam, l’Irak, la Serbie, la Tchétchénie… et aujourd’hui, le Liban et la Palestine.
Poussant à la caricature cette logique d’analyse, la LCR ne semble voir sur cette planète qu’une seule nation impérialiste, les Etats-Unis (et son vassal, l’Etat d’Israël). Cette organisation crache en effet à longueur de colonnes sa haine vis-à-vis de la première puissance mondiale. A l’en croire, seuls les Etats-Unis alimenteraient la guerre au Moyen-Orient alors que le tort de l’Etat français et de l’ONU serait de ne pas avoir le courage de se dresser contre l’ogre militaire américain et de ne pas suffisamment œuvrer pour la paix ! La LCR ose même affirmer que "seule la solidarité internationale arrêtera le bain de sang". Comme si une quelconque "solidarité internationale" pouvait exister entre requins capitalistes ! Comme si les Etats français, allemand, italien ou russe pouvaient tous se donner la main dans un élan humaniste et désintéressé et œuvrer collectivement pour la paix au Moyen-Orient ou ailleurs !
Cette politique de soutien à un camp armé a une conséquence directe et concrète, celle de légitimer la haine nationaliste et la barbarie guerrière. En soutenant les Etats libanais et palestinien, Lutte Ouvrière et la Ligue justifient et encouragent l’enrôlement des ouvriers les plus désespérés dans des combats meurtriers où ils n’ont rien à gagner et que la vie à perdre.
La LCR appelle sans vergogne à la résistance, n’hésitant pas à nommer les milices ou les organisations terroristes tel le Hezbollah de "mouvement de résistance libanais". S’acoquinant avec les fractions de la bourgeoisie libanaise spécialiste de l’oppression et de la répression ouvrière, Rouge 3 [864] est même allé jusqu’à ouvrir ses colonnes aux militants du Parti Communiste Libanais (PCL) et à reproduire des déclarations communes desquelles émane une idéologie des plus va-t-en guerre et chauvine : "la résistance libanaise, bien qu’elle soit à caractère confessionnel (avec le Hezbollah notamment) est une résistance entièrement légitime et elle a le soutien politique du Parti Communiste Libanais". Par "soutien politique", il faut bien sûr entendre que ce parti stalinien participe activement à l’embrigadement des ouvriers à cette boucherie nommée "résistance" et qui justifie les tirs de roquettes totalement aveugles sur les populations terrorisées vivant sur le territoire israélien. Rappelons que les actes barbares de ces milices ont fait plus d’une centaine de victimes civiles en l’espace de trois semaines.
Le discours de LO est quant à lui fidèle à sa tradition, c’est-à-dire plus alambiqué, portant de-ci de-là des critiques envers les organisations terroristes, le PCL ou la politique de l’Etat libanais en général. Mais, au final, le résultat est évidemment le même, un soutien à peine voilé aux fractions bourgeoises et va t-en guerre. Ainsi, tout en portant le fer contre le Hezbollah, LO n’oublie pas d’affirmer cependant que "son désarmement par le gouvernement libanais ou les troupes de l’ONU laisserait la population du sud encore plus sans défense face aux attaques d’Israël".
Les discours pour la paix et les larmes sur les morts versées par ces organisations trotskistes, à la lumière de leur politique nationaliste et guerrière, ne peuvent donc que susciter la colère et le dégoût. Pourtant le pire reste encore à venir. Au nom de cette distinction mensongère entre Etats impérialistes et Etats opprimés, entre Etats colonialistes et Etats résistants, Lutte Ouvrière va jusqu’à prôner l’égalité des "droits" à l’armement nucléaire : "Cette question se pose aussi dans le monde tel qu’il est aujourd’hui, où quelques grandes puissances impérialistes dictent leur loi à tous les peuples des pays sous-développés [la notion de ‘puissance’ d’un côté et de ‘peuples’ de l’autre réapparaît ici soudainement]. Ces peuples ont bien évidemment le droit, s’ils veulent s’émanciper de cette dépendance, d’utiliser tous les moyens militaires qui sont à leur disposition […]. Par exemple, si Cuba, qui fut si longtemps menacé d’une intervention militaire directe par l’impérialisme américain, avait possédé une bombe atomique, et l’avait utilisé contre une flotte d’invasion, qui aurait eu le droit de le lui reprocher, au nom du ‘caractère inhumain’ de l’arme nucléaire… ou des risques de pollution de l’Atlantique ?" 4 [865]. Et cette politique meurtrière et barbare, ce "droit" à la possession et à l’utilisation de cette arme dévastatrice qu’est la bombe nucléaire, LO l’applique aussi à l’Iran ou à la Corée du Nord.
Voilà ce qui se cache derrière la soi-disant défense des Etats et des peuples opprimés : la défense de l’idéologie nationaliste qui attache les ouvriers à un territoire, à un Etat et finalement… à une fraction de la bourgeoisie. Au nom de la défense des Etats "opprimés, au nom de la résistance nationale à l’envahisseur impérialiste, les trotskistes justifient les pires atrocités, les pires crimes : des attentats suicides du Hamas aux roquettes aveugles du Hezbollah, des armes chimiques de l’Irak à la bombe nucléaire de l’Iran.
Toute cette phraséologie partisane est construite sur un mensonge, une pure mystification. Car dans le capitalisme décadent, il n’existe pas d’Etat qui ne soit pas impérialiste. "La politique impérialiste n’est pas l’œuvre d’un pays ou d’un groupe de pays. Elle est le produit de l'évolution mondiale du capitalisme à un moment donné de sa maturation. C’est un phénomène international par nature, un tout insécable qu’on ne peut comprendre que dans ses rapports réciproques et auquel aucun État ne saurait se soustraire". Voilà ce qu'affirmait, il y a déjà près d'un siècle, Rosa Luxembourg dans sa célèbre brochure de Junius 5 [866]. Quelle que soit la taille de leurs armées, qu'ils mènent les guerres à la machette, à la roquette ou aux chars d'assaut ultra-sophistiqués, tous les Etats sont impérialistes. Tous tentent de s'imposer sur l'arène mondiale ou régionale, l'arme à la main, en utilisant les prolétaires comme simple chair à canon et en prenant en otage les populations civiles. C'est pourquoi le 20e siècle fut le siècle le plus barbare de l'histoire de l'humanité. Toutes les nations, sans distinction, portent le masque de l'impérialisme et sèment la mort.
La classe ouvrière n’a donc certainement pas à choisir un camp impérialiste contre un autre. C’est ici un piège mortel tendu par la bourgeoisie en général et le trotskisme en particulier. Les prolétaires n’ont pas de patrie et seul le développement de leurs luttes contre leur propre bourgeoisie nationale, dans tous les pays, pourra entraver la dynamique guerrière de l’ensemble du capitalisme.
Derrière leur propagande "pacifiste, les trotskistes ne font encore que semer l’illusion que la paix serait possible dans le capitalisme et qu’une "solidarité internationale" entre les Etats toutes classes confondues pourraient mettre fin à la barbarie guerrière. La seule solidarité qui puisse mettre fin à toutes les guerres, c’est la solidarité de classe du prolétariat mondial contre la classe capitaliste dans tous les pays. Contrairement aux groupes du courant trotskiste, les véritables organisations communistes et révolutionnaires, doivent, dans cette guerre comme dans celles du 20e siècle, rejeter tous les drapeaux nationaux et brandir celui de l’internationalisme prolétarien en appelant les prolétaires à refuser de faire cause commune avec leurs propres exploiteurs et de prendre parti dans une guerre qui n’est pas la leur et qui ne sert que les sordides intérêts de la classe dominante. "Cette folie, cet enfer sanglant cesseront du jour où les ouvriers […] se tendront une main fraternelle, couvrant à la fois le chœur bestial des fauteurs de guerre impérialistes et le rauque hurlement des hyènes capitalistes en poussant le vieil et puissant cri de guerre du travail : prolétaires de tous les pays, unissez-vous !" (R. Luxemburg, Brochure de Junius)
Pawel (26 août)
1 [867] Toutes les citations sont extraites d’articles mis en ligne sur les deux sites Internet de ces organisations (www.lutte-ouvriere.org [868] et www.lcr-rouge.org [869]) .
2 [870] Lire notre article : « Guerre au Proche-Orient… » [871].
3 [872] Organe de presse de la LCR.
4 [873] Ces lignes qui font froid dans le dos, le lecteur pourra les trouver dans l’organe de presse plus ‘théorique’ et surtout confidentiel de LO, Lutte de Classe n°15, septembre-octobre 1995, sous le titre « Contre les essais nucléaires français… et contre le pacifisme ! » [874].
5 [875] Pseudonyme de Rosa Luxembourg pour ces écrits de prison.
Le CCI (Courant Communiste International) et OPOP (Oposição Operária) ont tenu des réunions publiques communes fin mai 2006 à Salvador et à Vitoria da Conquista. Le thème central en a été "Le mouvement des étudiants contre la précarité". A Salvador, les camarades de OPOP présentèrent les mobilisations de 2003 dans l’Etat de Bahia, animées par la jeunesse scolarisée, contre l’augmentation des prix des transports (baptisées aussi "la révolte de Buzu", du nom donné par les habitants de Salvador aux bus des transports en commun) ; pour sa part, le CCI a présenté le mouvement de ce printemps des étudiants en France contre le Contrat Première Embauche (CPE).
Nous invitons nos lecteurs à prendre connaissance du compte-rendu exhaustif de ces réunions publié sur Internet (sur nos pages en langue espagnole [876] ou portugaise [877]), notamment concernant la présentation des mobilisations de 2003 au Brésil, essentiellement lycéennes, contre l’augmentation du coût des transports et peu connues en dehors de ce pays. De même, nous ne pouvons pas revenir ici en détail sur le mouvement des étudiants du printemps en France. Nous invitons nos lecteurs, ici aussi, à consulter notre site ou nos publications précédentes.
Les discussions ont été très riches et animées. Ce qui surprit agréablement les participants, et que la présentation faite par le CCI leur permit de comprendre, c’est la dimension réelle du mouvement en France, tout à fait différente de celle dont les médias au Brésil (ainsi que dans le reste du monde) avait rendu compte. Ceux-ci avaient déformé totalement l’évènement en le présentant comme la suite des émeutes qui s’étaient développées en France fin 2005, dans les banlieues de Paris et d’autres villes importantes, et sur lesquelles ils s’étaient largement épanchés. Plusieurs participants témoignèrent du fait que, concernant le mouvement contre le CPE, les medias avaient mis particulièrement l’accent sur les actions violentes d’affrontement avec la police.
Un autre aspect qui attira positivement l’attention des participants a été le cadre donné par nos deux organisations pour analyser les luttes "du Buzu" et contre le CPE, leur permettant de comprendre que ces mouvements, dans lesquels les jeunes générations ont été à l’avant-garde, n’étaient pas des événements isolés dans le temps et dans l’espace mais faisaient partie du lent mais persistant réveil de la classe ouvrière, la " vieille taupe " dont parlait Marx pour se référer au mouvement souvent imperceptible du prolétariat vers la destruction révolutionnaire du système capitaliste.
Dans ce sens, les deux mouvements s’inscrivent à la suite des luttes que le prolétariat en France et en Autriche a commencé en 2003 contre les attaques des systèmes de protection sociale, ainsi que des luttes des travailleurs au Brésil contre les attaques portées à ces systèmes par le gouvernement de gauche de Lula. Comme les grèves chez Mercedes en 2004 en Allemagne, celles du métro de New York en 2005 et celle des métallurgistes de Vigo en mai 2006 en Espagne, où les expressions de solidarité de classe ont été mises particulièrement en avant.
Au cours des discussions furent posées diverses questions très intéressantes, auxquelles répondirent tantôt des militants de OPOP ou du CCI. Nous en donnons ici un aperçu.
Effectivement, une des caractéristiques tant du mouvement de Salvador 2003 que des mobilisations contre le CPE a été leur caractère spontané. Ces mouvements surgissent spontanément comme riposte des jeunes générations de futurs prolétaires à la précarité que tente d’imposer la bourgeoisie par les mesures qu’elle prend pour affronter la crise économique. Le mouvement tend aussi à s’organiser spontanément en se donnant ses propres moyens de lutte. Dans le cas du mouvement des étudiants en France, cela put se concrétiser par des assemblées générales souveraines avec des délégués élus et révocables par celles-ci, des comités de grève, etc., grâce à la propre dynamique du mouvement et à la faiblesse relative des forces d’encadrement syndical dans ces secteurs, beaucoup moins fortes bien sûr que dans les lieux de travail. Le mouvement put ainsi s’opposer à l’action des syndicats et des organisations estudiantines qui tendent à maintenir le mouvement dans le cadre des barreaux de la légalité bourgeoise et à le contrôler pour mieux l’asphyxier.
La spontanéité n’est pas une nouveauté dans les luttes du mouvement ouvrier. Dès qu’il commence à se constituer en classe, le prolétariat lutte de façon spontanée contre les conditions d’exploitation que lui impose le capital. C’est ainsi qu’ont surgi les syndicats au 19e siècle. Cependant, quand ces organes ont été absorbés par l’Etat capitaliste au 20e siècle (notamment pour les besoins de l’embrigadement du prolétariat lors de la Première Guerre mondiale), le prolétariat a tendu spontanément, pour défendre ses intérêts de classe, à se doter d’autres moyens de lutte qui lui soit propres. L’expression la plus haute de cette capacité d’auto-organisation de la classe ouvrière est donnée, en période de lutte révolutionnaire, par la formation des conseils ouvriers, apparus pour la première fois en 1905 en Russie. Les AG autonomes (c’est-à-dire contrôlées par les ouvriers eux-mêmes) que tendent à former les ouvriers dans leur lutte quotidienne contre le capital sont la préfiguration de ces conseils ouvriers que fera surgir la classe ouvrière quand sa lutte révolutionnaire l’amènera à un affrontement décisif contre l’Etat capitaliste.
Ceci dit, le fait que les luttes soient spontanées ne signifie pas qu’elles surgissent du néant. L’explosion de luttes est le résultat de conditions historiques en lien avec le niveau atteint par la crise du capitalisme et par la conscience au sein de la classe ouvrière quant à l’incapacité du capitalisme à offrir un avenir à l’humanité. Ainsi les réactions des étudiants contre le CPE, par exemple, sont aussi le produit des attaques que subit depuis des années le prolétariat en France (et dans le monde) au niveau de la sécurité sociale, des salaires, des retraites, etc., avec toutes leurs conséquences pour l’ensemble des familles ouvrières.
C’est une des questions importantes qui s’est posée lors des deux réunions, et qui exprime d’une certaine façon la préoccupation présente dans la classe ouvrière pour comprendre les avancées organisationnelles qui peuvent être réalisées dans un mouvement de l’envergure de celui qui a eu lieu en France. Nous avons probablement déçu quelques participants lorsque nous avons répondu que, malgré la capacité du mouvement à faire reculer la bourgeoisie française, il n’avait pas fait naître de nouvelle organisation, dans ou en-dehors des syndicats.
Du point de vue organisationnel, le mouvement a su générer diverses formes et moyens au feu de la lutte. Comme nous l’avons dit, les AG furent le poumon du mouvement et sa vitalité s’exprimait dans les débats et décisions qu’elles prenaient. Mais ces formes d’organisation ne pouvaient vivre que tant que se maintenait la mobilisation. Ayant réussi à faire reculer le gouvernement sur la revendication de retrait du CPE, la mobilisation cessa et, avec elle, les formes d’organisation qu’elle avait fait surgir.
Derrière ces questionnements de participants, il y a la préoccupation de pouvoir construire de nouvelles organisations permanentes de défense des intérêts de classe, mais différentes des syndicats puisque beaucoup des personnes présentes à ces réunions partageaient notre position sur la nature des syndicats, organes de l’Etat au sein de la classe ouvrière. Le mouvement contre le CPE vient montrer une fois de plus que les organes autonomes dont se dote la classe pour la lutte ne peuvent que disparaître avec son reflux. L’expérience du mouvement ouvrier montre que des organisations unitaires de défense des intérêts de la classe ouvrière ne sont capables de se maintenir dans le temps que dans les périodes prérévolutionnaires, quand le prolétariat a la force et la conscience nécessaires pour défier l’Etat bourgeois, comme le firent les conseils ouvriers en Russie en 1905 et en 1917, les ouvriers en Allemagne et d’autres pays d’Europe pendant la vague révolutionnaire mondiale qui suivit la Révolution russe. En dehors de ces moments, toute organisation unitaire de défense des intérêts de la classe ouvrière qui veut se maintenir de façon permanente tend inévitablement à se vider de ses effectifs et à être absorbée par l’Etat bourgeois.
Les " Cobas " en Italie (Comités de base), en 1987, constituent un exemple significatif de cette réalité. Cette année- là, la lutte hors et contre les syndicats des professeurs avait abouti, dans ce pays, à la constitution des Cobas, véritables organes de lutte, composés de délégués élus par les assemblées de lutte. Influencés par des organisations d’extrême gauche (trotskistes entre autres), une partie des Cobas se maintint après le mouvement en tant qu’organes prétendument représentatifs des professeurs. Ils finirent par devenir un nouveau syndicat, plus radical, mais au service lui aussi de l’Etat capitaliste.
Ceci ne veut pas dire que les luttes du prolétariat, et en particulier celles de grande envergure, ne laissent pas de profondes traces dans la classe ouvrière. Les leçons que laisse le mouvement en France, et qui doivent continuer d’être tirées, sont fondamentalement politiques : comment être forts face à l’Etat bourgeois, en ne comptant que sur ses propres forces, en s’organisant par soi-même, en mettant en pratique dès le début la solidarité de classe entre prolétaires de différents secteurs (actifs, chômeurs, futurs prolétaires…) et de différentes générations ? Comment s’organiser pour les luttes futures, comment contrecarrer les manœuvres de l’Etat, surtout celles des partis de gauche et des syndicats ?
La crise du capitalisme, qui engendre le chômage, la précarité et l’exclusion sociale parmi des millions de jeunes dans le monde, est évidemment à la racine des deux mouvements, comme le désespoir qu’offre le capitalisme aux fils de la classe ouvrière et l’indignation que cette situation suscite.
Il y a cependant deux aspects qui montrent une différence fondamentale entre les deux mouvements : la question des méthodes de lutte et celle de la solidarité. En effet, les émeutes des banlieues ne peuvent être considérées comme des formes même embryonnaires de la lutte de classe, parce qu’elles expriment fondamentalement un désespoir total face à la situation. Les composantes essentielles des mouvements prolétariens –la solidarité, l’organisation, le contrôle collectif et conscient de la lutte– non seulement furent totalement absentes des émeutes, mais elles furent même rejetées.
Le mouvement des étudiants fut une leçon concrète de la façon dont un mouvement qui emploie des méthodes prolétariennes de lutte peut donner une perspective à des jeunes et à des couches désespérées de la population qui utilisent la révolte pour exprimer leur indignation. Ainsi, les jeunes des banlieues qui participèrent massivement aux manifestations ont pu assumer des méthodes de lutte totalement opposées à celles des émeutes de 2005.
Quelques groupes de jeunes des banlieues, probablement manipulées par l’Etat, participèrent à des actions violentes d’affrontement contre la police et en arrivèrent même à attaquer les manifestants. Cependant, la réponse du mouvement ne fut pas de recourir, contre eux, à l’adage " œil pour œil, dent pour dent ", bien au contraire certaines AG décidèrent d’envoyer des délégations dans les banlieues pour expliquer à ces jeunes que la lutte contre le CPE était aussi une lutte qui les concernait, puisqu’elle attaquait les mesures imposées par l’Etat et qui à la longue accentuent le chômage et l’exclusion sociale.
La discussion permit de mettre au clair en particulier que c’est la solidarité et le rejet de la violence au sein de la classe qui caractérise un mouvement de classe du prolétariat.
Cette question fut posée surtout par quelques-uns des participants à la réunion publique qui avaient connu le mouvement de mai 68 en France et avaient été influencés par lui.
Ces deux mouvements sont l’expression d’une agitation sociale qui, d’une certaine façon, annonçait un changement important au niveau de la lutte de classe. Mai 68 ouvrit une dynamique de lutte de classe qui se développa jusqu’aux années 80, par de nombreuses et importantes luttes dans plusieurs pays. La plus importante et significative fut la grève de masse des ouvriers en Pologne en 1980.
La crise inexorable du capitalisme est à la base de ces deux mouvements. Cependant, il faut remarquer une différence importante entre eux : en mai 68, la crise capitaliste faisait à peine son apparition après les décennies de " prospérité " qui suivirent la Seconde Guerre mondiale, alors que le mouvement de 2006 surgit après plusieurs décennies de crises du capitalisme, qui n’ont cessé d’attaquer les conditions de vie des familles prolétaires et ont fait croître de façon exponentielle les couches d’exclus sociaux. Dans ce sens, les jeunes qui protestaient en 68 ne sentaient pas le poids de la crise de la même manière que les jeunes qui aujourd’hui protestent contre le CPE.
Les mouvements comme celui des étudiants contre le CPE manifestent un degré de maturité plus élevé des nouvelles générations de prolétaires, qui se posent des questions sur le futur que leur offre cette société. Si nous la comparons à 68, une caractéristique significative de la période actuelle est précisément que les jeunes décident de " rentrer en scène " et de s’opposer à la précarité. C’est en cela que le mouvement des étudiants en France, comme celui de Buzu au Brésil, rompt avec les schémas classiques des " mouvements étudiants " traditionnels qui défendent la plupart du temps des revendications corporatistes, car noyés dans un milieu interclassiste, voire même nationaliste.
Ce terme "d’espace prolétarien" vient d’un des participants à une réunion publique et il correspond à l’état d’esprit qui dominait dans ces réunions. Il ne peut que motiver nos deux organisations, le CCI et OPOP, pour continuer à travailler ensemble à ce que ces "espaces prolétariens" se maintiennent et se développent. Malgré les questions en attente de discussion entre nos deux organisations, un accord sur les questions fondamentales s’est vérifié dans les réponses qui furent données aux diverses questions posées par l’assistance.
Une fois de plus, le CCI remercie les camarades de OPOP pour leur engagement et leur enthousiasme dans l’organisation de ces réunions, qui ont constitué une condition essentielle de leur tenue. Mais nous remercions surtout les camarades qui ont répondu à notre appel et qui par leurs interventions contribuent à forger une perspective prolétarienne mondiale. Nous les invitons à participer aux prochaines réunions que nous organiserons, comme nous les invitons à nous faire parvenir leurs commentaires sur le bilan que nous faisons ici de cette importante rencontre du prolétariat qui s’est réalisée au Brésil en mai 2006.
CCI (Juillet 2006)
Nous avons vu dans les deux précédents articles consacrés à ce sujet (voir les n° 362 [878] et 367 [879] de RI) que le battage sur les délocalisations sert essentiellement de moyen de chantage pour contraindre la classe ouvrière à accepter des salaires toujours plus faibles et des conditions de travail toujours plus dégradées.
La crise irréversible que connaît le capitalisme se traduit invariablement par le rejet massif d’ouvriers hors de l’emploi. La force de travail, dont l’exploitation constitue la source du profit capitaliste, voit d’autant plus son prix baisser dans ce contexte (comme toute marchandise pléthorique sur un marché saturé), que la réduction drastique des coûts de production (au premier rang desquels se trouve le salaire) est le seul moyen à la disposition de la bourgeoisie pour soutenir la concurrence sur des marchés toujours plus étroits et saturés de marchandises. Depuis quasiment une centaine d’années qu’il se trouve dans sa phase de déclin historique, le système capitaliste démontre à quel point il ne peut offrir d’autre avenir à ceux qu’il exploite qu’une fragilisation croissante des conditions d’existence : chômage de masse et paupérisation absolue où plongent des franges de plus en plus importantes de la population, y compris lorsqu’elles disposent d’un travail.
Dans sa lutte, la classe ouvrière a dans le monde entier la même tâche. Elle ne peut plus en rester à la lutte pour tenter de limiter les effets de l’exploitation. La seule perspective réaliste qui lui permettra de mettre un terme à tous les tourments auxquels le condamne le système capitaliste, c’est de s’attaquer aux causes de son exploitation. La seule issue à la crise économique capitaliste et la seule voie permettant au prolétariat d’accéder à une existence digne passent par l’abolition du caractère marchand de la force de travail, c’est-à-dire la destruction des rapports sociaux capitalistes et l’abolition du salariat à l’échelle mondiale.
Les délocalisations sont aussi directement utilisées pour attacher le prolétariat à l’idéologie de la concurrence, l’enfermer dans le cadre de la défense du capital national et le soumettre ainsi à ses impératifs. C’est en premier lieu ce que vise la propagande bourgeoise en érigeant l’idée selon laquelle l’Etat capitaliste pourrait être un " rempart protecteur" contre les " méfaits de la mondialisation". C’est l’exemple aux Etats-Unis du baratin autour des dispositions prises pour "interdire aux entreprises qui délocalisent de participer aux appels d’offre publics", ainsi que la surenchère dans l’esbroufe des initiatives parlementaires du camp démocrate en vue de rendre " obligatoire une consultation du personnel et des élus de la région avant tout transfert de production à l’étranger " 1 [880] Le bla-bla du gouvernement, comme de son opposition, d’après lequel "il faut agir dans ce pays, pour garantir aux citoyens des emplois nationaux." (G. Bush) cherche à renforcer la mystification d’un Etat " au-dessus des classes" et " au service de tous les citoyens" et à entretenir l’illusion d’une possible conciliation des intérêts de la classe dominante avec ceux de la classe ouvrière au sein du cadre national. Tout au contraire, l’Etat ne peut en aucun cas constituer un allié pour les ouvriers. Celui-ci est à la fois le garant des intérêts de la classe dominante dans le maintien de son système d’exploitation et l’outil entre ses mains pour orchestrer les attaques contre le prolétariat. Comme le montrent la guerre économique sans merci entre tous les Etats du monde ainsi que l’embrasement de conflits guerriers, l’Etat national constitue le moyen par lequel les différentes nations se livrent à une concurrence effrénée. Il n’est en aucune manière une bouée de sauvetage pour la classe ouvrière mais bel et bien un ennemi des plus redoutables. Dans sa lutte, c’est à l’Etat que le prolétariat doit s’affronter.
D’autre part, la propagande bourgeoise, en reportant la responsabilité de la dégradation des conditions de vie du prolétariat occidental sur les ouvriers polonais, chinois ou hindous, constitue une répugnante entreprise de division entre les différentes parties du prolétariat mondial. Par exemple, de fin 2004 et durant l’année 2005, la bourgeoisie a fait du "conflit" de Vaxholm en Suède, le modèle de la lutte " antilibérale". L’emploi sur un chantier d’ouvriers lettons moins bien payés que les ouvriers suédois, a servi aux syndicats à orchestrer une gigantesque campagne largement utilisée par la bourgeoisie, même en dehors de ce pays. Au nom de la "solidarité " et du "refus de la discrimination entre travailleurs", le blocus du chantier par plusieurs fédérations de syndicats, sous les slogans de "Go home !" a fini par priver de leur gagne-pain les ouvriers lettons, contraints au départ, et a débouché sur une vaste mobilisation nationale pour rameuter les ouvriers derrière les pouvoirs publics, le gouvernement social-démocrate et les syndicats pour la "protection du modèle social suédois" et la défense du "code du travail, notre sécurité" ! Cette expérience ne montre qu’une chose : enjoindre les prolétaires à lutter contre "le moins disant social", revient à enfermer le prolétariat, fraction par fraction, dans la défense de "ses" conditions d’exploitation au sein de chaque nation capitaliste, à le segmenter en entités opposées et concurrentes. En cherchant ainsi à piéger la classe ouvrière dans le cadre de la défense du capital national et sur le terrain nationaliste, la bourgeoisie s’attache à opposer entre eux les prolétaires et leur interdire toute possibilité d’unité et de solidarité ouvrière par delà les frontières.
Cette question de la solidarité possède déjà une portée concrète, lorsque les patrons mettent en concurrence les ouvriers des différents sites géographiques d’une même entreprise, par le biais des délocalisations.
La solidarité ouvrière est nécessairement destinée à prendre une dimension primordiale dans l’avenir de la lutte de classe. Aussi bien dans les pays de départ, que de destination des délocalisations, aucune fraction du prolétariat ne reste à l’écart de l’actuelle reprise des luttes que provoque la crise économique aux quatre coins du monde. Notre presse a déjà fait part des luttes ouvrières en Inde (RI n° 367 [881]), à Dubaï ou au Bangladesh (RI n° 370). En Chine aussi se développe un nombre croissant de luttes ouvrières qui "ont aujourd’hui gagné le secteur privé et les usines de la Chine côtière, tournées vers l’exportation. Des fabriques qui sous-traitent pour des sociétés étrangères grâce à une main-d’œuvre pléthorique et docile (…) parce que les ouvriers, surtout les nouvelles générations, sont de plus en plus conscients de leurs droits. Ils ont aussi atteint un point où la situation n’est plus acceptable." 2 [882] Au Vietnam, fin 2005-début 2006, le pays a été secoué pendant plusieurs mois par une vague de grèves spontanées démarrée en dehors de tout contrôle syndical et impliquant plus de 40 000 ouvriers des zones franches de Saigon et des régions intérieures. " Le conflit portant sur les salaires et les conditions de travail a commencé en décembre au Vietnam (…) où des douzaines de compagnies étrangères ont installé des usines pour tirer profit de l’énorme masse de main-d’œuvre à bas coût. (…) Cette vague de grèves spontanées, considérée comme la pire depuis la fin de la guerre du Vietnam (…) [a] commencé il y a presque trois mois principalement dans les usines à capitaux étrangers situées dans la banlieue sud de Saigon." 3 [883] On y retrouve les mêmes tendances qui caractérisent les luttes ouvrières actuelles qui placent en leur centre la question de la solidarité ouvrière et implique simultanément des dizaines de milliers d’ouvriers de tous les secteurs. A partir de fin décembre " les débrayages se sont succédés pendant plus d’un mois et se sont durcis après un arrêt de travail de 18 000 salariés, chez Freestend, une firme taiwanaise dont l’usine fabrique des chaussures pour le compte de marques comme Nike et Adidas." 4 [884] Le 3 janvier, " dans la région de Linh Xuat, province de Thuc Duc, onze mille employés de six usines font grève pour exiger une augmentation de salaire. Dès le jour suivant, ces grèves gagnent les usines de Hai Vinh et Chutex. Le même jour, cinq mille employés de la société Kollan & Hugo rejoignent la grève pour demander que les salaires minimums soient augmentés. (…) A la société Latex, tous les 2340 employés font grève par solidarité avec celle de Kollan et demandent une augmentation de 30% pour les salaires les plus bas. Ces ouvriers se rendent à la société Danu Vina, entraînant les membres du personnel à se joindre à leur grève. Le 4 janvier, les travailleurs vietnamiens de la plantation Grawn Timbers Ltd, dans la province de Binh Duong, près de Saigon manifestent contre la réduction soudaine des salaires, sans préavis ni aucune explication. Le même jour des milliers d’employés de l’entreprise Hai Vinh, Chutex, située dans la même région industrielle que la plantation Grawn Timbers Ltd se mettent en grève pour protester contre les salaires. Le 9 janvier, les grèves dans ces régions se poursuivent. Dans la banlieue de Saigon éclatent quatre nouvelles grèves auxquelles participent des milliers de travailleurs." 5 [885] Dans le monde capitaliste, la concurrence constitue la racine des rapports sociaux et elle épargne d’autant moins les ouvriers que la bourgeoisie en profite et en joue pour les diviser et les affaiblir. La classe ouvrière ne peut développer sa propre force qu’en opposant à la concurrence ambiante son principe de solidarité de classe. Seule cette solidarité permet le développement de la lutte ouvrière comme véritable moyen de s’affronter à l’Etat et comme base au projet de société alternatif à ce monde du chacun pour soi : la société sans classes, celle du communisme. Cette solidarité ne peut évidemment se concevoir qu’au plan international. Dans la société actuelle, la classe ouvrière, est la seule classe apte à développer une solidarité à l’échelle mondiale. D’ailleurs, très rapidement le mouvement ouvrier a su affirmer son caractère international. Ainsi à l’époque de Marx, l’une des raisons immédiates qui conduisit à la fondation de l’Internationale fut la nécessité pour les ouvriers anglais de coordonner leur lutte avec ceux de France, d’où les patrons essayaient de faire venir des briseurs de grève. " La crise économique accentuait les antagonismes sociaux, et les grèves se succédaient dans tous les pays de l’Europe Occidentale. (…) Dans beaucoup de cas, [l’Internationale] réussit à empêcher l’introduction de briseurs de grèves étrangers, et là où des ouvriers étrangers, dans leur ignorance des conditions locales, faisaient office de briseurs de grève, elle les amena souvent à pratiquer la solidarité. Dans d’autres cas, elle organisa des souscriptions pour soutenir les grévistes. Non seulement cela donnait aux grévistes un appui moral, mais encore cela provoquait chez les employeurs une véritable panique : ils n’avaient plus affaire à ‘ leurs’ ouvriers, mais à une puissance nouvelle et sinistre, disposant d’une organisation internationale. " 6 [886] Le prolétariat n’est jamais aussi fort que lorsqu’il s’affirme face à la bourgeoisie comme force unie et internationale.
Scott (juillet 2006)
2 [888] Le Monde, du 14.octobre 2005
3 [889] Dépêche AFP du 15 mars 2006
4 [890] Courrier International n°796
5 [891] " Grèves massives au Vietnam pour obtenir des salaires décents" sur Viettan.org. " Pris de court, le gouvernement a acheté la paix socialeen imposant aux firmes étrangères, sur-représentées au Vietnam, une augmentation de 40% du salaire de leurs ouvriers. Mais 40% de presque rien, cela ne fait toujours pas grand chose : environ 870 000 dongs, soit 45 euros mensuels pour les manœuvres employés par les firmes étrangères et moitié moins pour ceux qui travaillent dans l’industrie locales. Un rattrapage d’autant moins exorbitant qu’en dépit d’une croissance fulgurante, le salaire minimum n’avait pas bougé depuis… sept ans" (Marianne n°470 du 22 avril 2006).
6 [892] B.Nicolaïevski, O. Maenchen-Helfen, La Vie de Karl Marx, NRF, Gallimard, p. 317.
Derrière
l'esbroufe des effets d'annonces du gouvernement en France (période
pré-électorale oblige !) pour masquer la dégradation
accélérée des conditions d'existence des
prolétaires (prétendue baisse des impôts,
pseudo-diminution du chômage, soi-disant augmentation du
pouvoir d'achat des ménages, "réduction" du
déficit de la sécurité sociale), les attaques
anti-ouvrières se poursuivent et s'intensifient sans la
moindre relâche.
Chaque semaine, de nouveaux plans de licenciements tombent et des milliers de salariés sont impitoyablement jetés sur le pavé dans tous les secteurs d'activité, dans toutes les régions : 832 suppressions d'emploi chez le câblo-opérateur Noos, 123 salariés licenciés à la chocolaterie Suchard à Strasbourg, fermeture du site de Cernay de l'équipementier automobile Dalphimetal avec 191 salariés, 700 emplois sont menacés dans les 2 prochaines années chez Bosch à Rodez, la papeterie Stora-Enso à Corbehem ferme ses portes après l'échec du plan de reprise par les salariés eux-mêmes. On licencie aussi bien chez Conforama que dans le personnel hôtelier. Même la CGT à Montreuil en Seine Saint Denis ne se prive pas de virer ses salariés comme n'importe quel autre patron. Le secteur automobile est particulièrement visé avec l’annonce de suppression de 10 000 emplois chez Peugeot-Citroën, les mises en chômage technique se multiplient à Renault Sandouvillle alors que Citroën ne recrute plus que des intérimaires. Les emplois industriels sont en baisse à un rythme de 2,5 % par an alors que les emplois en intérim explosent (hausse de 8% depuis un an) ; la précarité se généralise.
Dans le secteur public, ce sont 15 000 emplois qui doivent à leur tour disparaître et le gouvernement s'apprête à poursuivre non seulement l'attaque contre les retraites (voir article page 3) mais aussi contre les régimes spéciaux. On nous vante que le déficit de la Sécurité sociale a été ramené à 9 milliards d'euros pour le régime général et à 15 milliards tous régimes confondus. On planque en réserve jusqu'au lendemain des élections le rapport alarmiste de la Cour des comptes qui prévoit 39 milliards de déficit pour 2009 en préparation d'autres mauvais coups accélérant le démantèlement de la protection sociale.
L'ampleur
de ces attaques est noyée et masquée par un barouf
électoral qui ne va cesser d'enfler au cours des prochains
mois. Toute la bourgeoisie française s'efforce déjà
aujourd'hui de polariser l'attention sur les prochaines élections
présidentielles de mai 2007. Et les projecteurs des médias
se braquent alternativement sur les moindres faits, les gestes, les
paroles des deux principaux rivaux, favoris des sondages, Nicolas
Sarkozy et Ségolène Royal. Il n'y a aucune illusion à
se faire : quel que soit le vainqueur de ce cirque, il poursuivra de
plus en plus férocement les attaques contre les conditions de
vie de la classe ouvrière.
La classe ouvrière n'a qu'une façon de répondre aux attaques : développer ses luttes. Comment ? Là est toute la question qui se pose ouvertement aux prolétaires. Toute la bourgeoisie exploite les hésitations à entrer en lutte, les interrogations suscitées par les journées d'action stériles proposées par les syndicats malgré l'accumulation d'un ras-le-bol général, d'une colère grandissante qu'exprime épisodiquement tel ou tel secteur : on l'a vu récemment avec la manifestation parisienne du 25 septembre qui a rassemblé environ 5000 pompiers professionnels civils pour protester contre la suppression d'une prime de risque sur leur paie et pour réclamer une revalorisation de leur retraite assujettie à la loi Fillon.
Il est de plus en plus manifeste que, pour résister, les ouvriers ne peuvent pas compter sur les syndicats. L'objectif de ceux-ci n'est nullement de défendre les ouvriers mais au contraire de saboter leurs luttes. Cela s'est illustré une fois de plus dans le secteur de l'enseignement. L'annonce à la veille des vacances de la suppression de 8700 postes dans le seul secteur de l'Education nationale avait suscité une levée de boucliers de la part des syndicats qui s'étaient portés immédiatement en première ligne pour dénoncer le caractère "inacceptable" de ces coupes budgétaires dans ce secteur prioritaire et avaient promis bruyamment une "rentrée chaude". Or, qu'a-t-on vu en réalité ? Il était prévu dès le 6 septembre une forte mobilisation qui a fait long feu, grâce à un vague projet d'une journée de mobilisation élargie à toute la fonction publique le 28 septembre. Finalement, quelques jours avant cette date, on apprend que les syndicats "ont renoncé" à cette large mobilisation sous prétexte de ne pas noyer les revendications propres aux enseignants ou à l'Education nationale. En fait, cela n'a servi qu'à isoler et étouffer les revendications dans un cadre corporatiste et, autant que possible, école par école.
En même temps, ce sabotage a été accompagné d'un "black-out" médiatique quasiment complet, aucune publicité n'a été faite à cette journée de grève. Même dans le secteur de l'enseignement, les syndicats ont fait circuler le minimum de tracts. A la place a été organisé un grand battage sur la carte scolaire qui permettait de mettre en valeur la concurrence entre établissements. Résultat : tous les médias ont pu mettre en avant un "échec" de cette journée avec un taux de grévistes oscillant entre 15 et 30% selon les établissements et une manifestation qui n'a pu rassembler qu'autour de 5000 personnes à Paris, plus quelques milliers en province (alors qu'elle rassemblait les 5 principales fédérations d'enseignants, des parents d'élèves, des étudiants et des lycéens). La bourgeoisie et ses syndicats ont tout intérêt à éviter que ça bouge dans toute la fonction publique et de mettre de l'huile sur le feu. Ils ont ainsi pu exploiter à fond une hésitation à entrer dans la lutte dans l'Education nationale, un secteur déjà éprouvé par une longue bataille en 2003, qui s'est retrouvé totalement isolé et dont la grève n'a débouché que sur une cuisante défaite lors de la lutte contre la "réforme" du régime des retraites. De même prédomine aujourd'hui, là comme dans l'ensemble de la fonction publique, une lassitude face à des journées d'action syndicales vécues comme stériles. Dans ce secteur, comme dans le reste de la classe ouvrière, non seulement un sentiment croissant de "ras-le-bol" et une volonté de se battre demeure, de même que grandit aussi une interrogation sur comment on peut se battre.
Mais dans
l'immédiat, ces doutes et ces hésitations à
entrer en lutte sont exploités à fond par la
bourgeoisie pour accentuer le déboussolement et accroître
le climat de confusion au sein de la classe ouvrière afin de
la démoraliser, de la décourager, et finalement la
pousser à la résignation pour tenter de rabattre un
maximum d'ouvriers sur le terrain électoral.
A la base de ces manœuvres pour anesthésier ou désamorcer la combativité ouvrière, il y a le fait que toute la bourgeoisie s'efforce ainsi d'effacer les traces de la lutte contre le CPE et d'empêcher les ouvriers d'en tirer les leçons essentielles pour l'avenir. Dans les facultés et les lycées, les jeunes générations de prolétaires ou de futurs prolétaires ont déjà démontré au printemps dernier, il y a seulement quelques mois, quelle était la véritable voie à suivre. Elles ont montré à l'ensemble de la classe ouvrière que le seul moyen de se battre, de faire reculer la bourgeoisie et de freiner ses attaques, c'était de ne pas attendre les consignes syndicales, de se mobiliser de façon unie et massive en refusant les manœuvres de division, de chercher à étendre la lutte en allant chercher la solidarité d'autres travailleurs. Pour pouvoir lutter efficacement, il faut, comme l'ont montré les étudiants et lycéens au printemps dernier, prendre nos luttes en mains à travers des assemblées générales massives, souveraines et ouvertes à tous les prolétaires, avec des délégués élus et révocables à tout moment.
C'est justement pour faire oublier cette expérience et ses leçons que la bourgeoisie déploie aujourd'hui des trésors d'énergie pour tenter d'en effacer la mémoire dans la conscience des ouvriers.
Wim (29 septembre)
Le récent conflit entre Israël et le Hezbollah au Liban a été une nouvelle fois l'occasion, dans bon nombre de pays, d'entendre des voix s'élever contre "l'impérialisme américain" comme principal, voire unique, semeur de guerre et de déstabilisation. Les gauchistes sont souvent les premiers dans ce registre. En France, les trotskistes de LO et de la LCR en particulier ne ratent jamais une occasion de stigmatiser l'impérialisme américain, et celui de son allié israélien qualifié "d’expansionnisme sioniste", qui massacrent, pillent, occupent et exploitent les "peuples" et les "nations" opprimées .
Mais la première puissance mondiale n’a pas le monopole de l'impérialisme. Bien au contraire , ce dernier est une condition sine qua non à la survie de chacune des nations. La période de décadence du capitalisme, commencée il y a près d'un siècle, marque l'entrée du système dans l'ère de l'impérialisme généralisé auquel aucune nation ne peut se soustraire. Cet affrontement permanent contient la guerre comme perspective et le militarisme comme mode de vie pour tous les Etats, qu'ils soient grands, petits, forts, faibles, agresseurs ou agressés.
Pour en donner une définition très générale, l’impérialisme est la politique d’un pays qui cherche à conserver ou à étendre sa domination politique, économique et militaire sur d’autres pays, territoires, ce qui renvoie à de très nombreux moments de l’Histoire humaine (depuis les anciens empires assyrien, romain, ottoman ou aux conquêtes d’Alexandre le Grand jusqu’à nos jours). Seulement, dans le capitalisme, ce terme prend un sens très particulier. Comme l’écrivait Rosa Luxembourg, "la tendance du capitalisme aux expansions constitue l’élément le plus important, le trait remarquable de l’évolution moderne ; en fait l’expansion accompagne toute la carrière historique du capital, elle a pris dans sa phase finale actuelle, l’impérialisme, une énergie si impétueuse qu’elle met en question toute l’existence civilisée de l’humanité" 1 [893]. Il est donc vital de comprendre ce qu’est l’impérialisme dans un système capitaliste devenu décadent, ce qui engendre aujourd’hui partout des conflits mettant la planète à feu et à sang, ce qui dans la "phase finale actuelle […] met en question toute l’existence civilisée de l’humanité".
Dès lors que le marché mondial a été constitué au début du 20e siècle et a été partagé en zones commerciales et d'influences entre les Etats capitalistes avancés, l'intensification et le déchaînement de la concurrence qui en résultaient entre ces nations a conduit à l'aggravation des tensions militaires, au développement sans précédent d'armements et à la soumission croissante de l'ensemble de la vie économique et sociale aux impératifs militaires de la préparation permanente de la guerre.
Rosa Luxembourg a fait voler en éclats les bases de la mystification qui fait d'un Etat, ou d'un groupe particulier d'Etats, ceux qui disposent d'une certaine puissance militaire, les seuls responsables de la barbarie guerrière. Si tous les Etats ne disposent pas des mêmes moyens, tous ont la même politique. Si effectivement les ambitions de domination mondiale ne peuvent éclore que parmi les Etats les plus puissants, il n'en reste pas moins que les plus petits partagent les mêmes appétits impérialistes. Comme dans le milieu de la mafia, seul le grand parrain peut dominer la ville entière, tandis que le maquereau de quartier ne règne que sur une seule rue. Pourtant, rien ne les distingue au plan des aspirations ou des méthodes de gangsters. C'est ainsi que tous les petits Etats développent avec autant d'énergie que les autres leur ambition à devenir une plus grande nation aux dépens de leurs voisins.
C'est pourquoi il est impossible de faire une distinction entre Etats oppresseurs et Etats opprimés. En effet dans les rapports de force qui s'imposent entre les requins impérialistes, tous sont également concurrents dans l'arène mondiale. Le mythe bourgeois de l'Etat agresseur ou du bloc "d'agression" au militarisme viscéral sert de justification à la guerre "défensive". La stigmatisation de l'impérialisme le plus agressif ne constitue que la propagande de chaque adversaire pour embrigader les populations dans la guerre.
Le militarisme et l'impérialisme constituent des manifestations de plus en plus ouvertes de l'entrée du système capitaliste dans sa décadence, à tel point qu'ils provoquent dès le début du 20e siècle un débat parmi les révolutionnaires.
Face au phénomène de l'impérialisme, différentes théories ont été développées par le mouvement ouvrier pour l'expliquer, notamment par Lénine et Rosa Luxembourg. Leurs analyses se sont forgées à la veille et au cours de la Première Guerre mondiale contre la vision de Kautsky qui faisait de l'impérialisme une option parmi d'autres politiques possibles pour les Etats capitalistes et qui pouvait déboucher sur une "phase de superimpérialisme, d'union et non de lutte des impérialismes du monde entier, une phase de la cessation des guerres en régime capitaliste, une phase d'exploitation en commun de l'univers par le capital financier uni à l'échelle internationale." 2 [894]
A contrario, les approches marxistes ont en commun de considérer l'impérialisme non seulement comme un produit des lois du capitalisme mais de plus en plus comme une nécessité inhérente à son déclin. La théorie de Lénine revêt une importance particulière car elle lui a permis dans le premier conflit mondial de défendre un strict internationalisme devenant ensuite la position officielle de l'Internationale Communiste. Cependant Lénine aborde surtout la question de l'impérialisme d'une façon descriptive sans parvenir à expliquer clairement l'origine de l'expansion impérialiste. Pour lui, elle est essentiellement un mouvement des pays développés ayant pour caractéristique principale d'exploiter dans les colonies le capital des métropoles "en surabondance" en vue d'obtenir des "superprofits" en profitant d'une main d'œuvre moins chère et de matières premières abondantes.
Dans cette conception, les pays capitalistes avancés deviennent les parasites des colonies ; l'obtention des "superprofits", indispensables à leur survie, explique l'affrontement mondial pour conserver ou conquérir des colonies. Elle a pour conséquence de diviser le monde en pays oppresseurs d'une part et en pays opprimés dans les colonies, d'autre part. "L'insistance de Lénine sur le fait que les possessions coloniales étaient un trait distinctif et même indispensable de l'impérialisme n'a pas tenu l'épreuve du temps. Malgré la prévision que la perte des colonies, précipitée par les révoltes nationales dans ces régions, ébranlerait le système impérialiste jusque dans ses fondements, l'impérialisme s'est adapté tout à fait facilement à la "décolonisation". La décolonisation [après 1945] n'a fait qu'exprimer le déclin des anciennes puissances impérialistes et le triomphe des géants impérialistes qui n'étaient pas entravés par un grand nombre de colonies au moment de la première guerre mondiale. C'est ainsi que les Etats-Unis et l'URSS purent développer une politique cynique "anti-coloniale" pour mener à bien leurs propres objectifs impérialistes, pour s'appuyer sur les mouvements nationaux et les transformer immédiatement en guerres inter-impérialistes par "peuples" interposés." 3 [895]
En partant de l'analyse de l'ensemble de la période historique et de l'évolution du capitalisme comme système global, Rosa Luxembourg parvient à une compréhension plus complète et plus profonde du phénomène de l'impérialisme. Elle a mis en évidence la base historique de l'impérialisme dans les contradictions mêmes du système capitaliste. Alors que Lénine se borne à constater le phénomène de l'exploitation des colonies, Rosa Luxembourg analyse que les conquêtes coloniales ont constamment accompagné le développement capitaliste nourrissant l'insatiable nécessité de l'expansion capitaliste et a représenté, par la pénétration de nouveaux marchés, l'introduction des rapports capitalistes dans des zones géographiques où ils n'existaient pas encore : "L'accumulation est impossible dans un milieu exclusivement capitaliste. De là résultent dès la naissance du capital son besoin d'expansion dans des pays et des couches non capitalistes, la ruine de l'artisanat et de la paysannerie, la prolétarisation des couches moyennes, la politique coloniale (la politique "d'ouverture" des marchés), l'exportation des capitaux. L'existence et le développement du capitalisme depuis son origine n'ont été possible que par une expansion constante dans des domaines de la production et des pays nouveaux." 4 [896]
C'est ainsi que l'impérialisme s’est considérablement accentué dans le dernier quart du 19e siècle. . "Le capitalisme, à la recherche aride et fiévreuse de matières premières et d'acheteurs qui ne fussent ni capitalistes, ni salariés, vola, décima et assassina les populations coloniales. Ce fut l'époque de la pénétration et de l'extension de l'Angleterre en Egypte, de la France au Maroc, à Tunis et au Tonkin, de l'Italie dans l'Est Africain, sur les frontières de l'Abyssinie, de la Russie tsariste en Asie Centrale et en Mandchourie, de l'Allemagne en Afrique et en Asie, des Etats-Unis aux Philippines et à Cuba, enfin au Japon sur le continent asiatique." 5 [897]
Mais cette évolution enferme le capitalisme dans la contradiction fondamentale : plus la production capitaliste étend son emprise sur le globe, plus deviennent étroites les limites du marché créé par la recherche effrénée du profit, par rapport au besoin d'expansion capitaliste. Au-delà de la concurrence pour les colonies, Rosa Luxembourg identifie dans la saturation du marché mondial et la raréfaction des débouchés non capitalistes un tournant dans la vie du capitalisme : la faillite et l'impasse historiques de ce système qui "ne peut plus remplir sa fonction de véhicule historique du développement des forces productives." 6 [898]. C’est aussi la cause, en dernière analyse, des guerres qui caractérisent désormais le mode de vie du capitalisme décadent.
Une fois atteintes les limites du globe terrestre par le marché capitaliste, la raréfaction des débouchés solvables et des nouveaux marchés ouvre la crise permanente du système capitaliste alors que la nécessité d'expansion reste une question vitale pour chaque Etat. Désormais, cette expansion ne peut se faire qu'au détriment des autres Etats dans une lutte pour un repartage par les armes du marché mondial.
"A l'époque du capitalisme ascendant les guerres (nationales, coloniales et de conquêtes impérialistes) exprimèrent la marche ascendante, de fermentation, d'élargissement et de l'expansion du système économique capitaliste. La production capitaliste trouvait dans la guerre la continuation de sa politique économique par d'autres moyens. Chaque guerre se justifiait et payait ses frais en ouvrant un nouveau champ d'une plus grande expansion, assurant le développement d'une plus grande production capitaliste. (…) La guerre fut le moyen indispensable au capitalisme lui ouvrant des possibilités de développement ultérieur, à l'époque où ces possibilités existaient et ne pouvaient être ouvertes que par la violence." 7 [899]
Désormais, "La guerre devient le seul moyen non pas de solution à la crise internationale mais le seul moyen par lequel chaque impérialisme national tend à se dégager des difficultés avec lesquelles il est aux prises, aux dépens des Etats impérialistes rivaux." 8 [900] Cette nouvelle situation historique impose dans tous les pays du monde le développement du capitalisme d'Etat.
Chaque capital national est condamné à la compétition impérialiste et trouve dans l'Etat la seule structure suffisamment forte pour mobiliser toute la société afin d'affronter ses rivaux économiques sur le plan militaire.
"La
crise permanente pose l'inéluctabilité, l'inévitabilité
du règlement des différends impérialistes par la
lutte armée. La guerre et la menace de guerre sont les aspects
latents ou manifestes d'une situation de guerre permanente dans la
société. La guerre moderne est une guerre de matériel.
En vue de la guerre une mobilisation monstrueuse de toutes les
ressources techniques et économiques des pays est nécessaire.
La production de guerre devient aussi l'axe de la production
industrielle et principal champ économique de la société."
9 [901]
C'est pourquoi le progrès technique est entièrement
conditionné par le militaire : l'aviation est développée
d'abord militairement pendant la première guerre mondiale,
l'atome utilisé comme bombe en 1945, l'informatique et
Internet conçus comme outils militaires par l'OTAN. Le poids
du secteur militaire dans tous les pays absorbe toutes les forces
vives de l'économie nationale en vue de développer un
armement à utiliser contre d'autres nations.
A l'aube de
la décadence, la guerre était conçue comme un
moyen de repartage des marchés.
Mais au fil du temps, la guerre impérialiste perd de plus en plus sa rationalité économique. Dès le début de la décadence, la dimension stratégique prend le pas sur les questions strictement économiques. Il s'agit de conquérir des positions géostratégiques contre tous les autres impérialismes dans la lutte pour l'hégémonie, afin de s'imposer comme puissance et de défendre son rang. Dans cette période du déclin du capitalisme, la guerre représente de plus en plus un désastre économique et social. Cette absence de rationalité économique de la guerre ne signifie pas que chaque capital national s'abstienne de piller les forces productives de l'adversaire ou du vaincu. Mais cette "rapine", contrairement à ce que pensait Lénine, ne constitue plus le but principal de la guerre. Alors que certains imaginent encore, officiellement par fidélité à Lénine, que la guerre puisse être motivée par des appétits économiques (le pétrole étant premier au hit-parade sur cette question), la réalité se charge de leur répondre. Le bilan économique de la guerre en Irak menée par les Etats-Unis depuis 2003 n’a pas l’air franchement penché du côté de la "rentabilité". Les revenus du pétrole irakien, même espérés pour les 100 prochaines années, pèsent bien peu face aux dépenses abyssales effectuées par l'Etat américain pour mener cette guerre, sans pour le moment entrevoir leur ralentissement.
L'entrée du capitalisme dans sa phase de décomposition porte à l'incandescence les contradictions contenues dans la période de décadence. Pour tous les pays, chaque conflit particulier dans lesquels ils sont engagés entraîne des coûts qui dépassent largement les bénéfices qu'ils peuvent en tirer. Les guerres n'ont pour résultat, sans parler même des massacres, que des destructions massives laissant complètement exsangues et dans la ruine complète les pays où elles se déroulent et qui ne seront jamais reconstruits. Mais aucun de ces calculs de profit ou de perte n'écarte la nécessité pour les Etats, tous les Etats, de défendre leur présence impérialiste dans le monde, de saboter les ambitions de leurs rivaux, ou d'accroître leurs budgets militaires. Au contraire, ils sont tous pris dans un engrenage irrationnel au point de vue économique et de la rentabilité capitaliste. Méconnaître l'irrationalité de la bourgeoisie revient à sous-estimer la menace réelle de destruction pure et simple qui pèse sur l'avenir de l'humanité.
(d'après Révolution Internationale n° 335 - mai 2003)
1 [902] Rosa Luxembourg, L’Accumulation du capital, Œuvres IV, Edition Maspero, p219.
2 [903] Lénine, L'impérialisme stade suprême du capitalisme, Editions de Pékin, p. 112.
3 [904] Revue Internationale n°19, p. 11.
4 [905] Rosa Luxembourg, Critique des critiques. Dans L'Accumulation du capital, elle montre que la totalité de la plus-value extraite de l'exploitation de la classe ouvrière ne peut être réalisée à l'intérieur des rapports sociaux capitalistes, car les ouvriers dont les salaires sont inférieurs à la valeur créée par leur force de travail, ne peuvent acheter toutes les marchandises qu'ils produisent. La classe capitaliste ne peut pas consommer toute la plus-value puisqu'une partie de celle-ci doit servir à la reproduction élargie du capital et doit être échangée. Donc le capitalisme, considéré d'un point de vue global, est constamment obligé de rechercher des acheteurs à ses marchandises en dehors des rapports sociaux capitalistes.
5 [906] Le Problème de la guerre par Jehan, 1935, cité dans la Revue Internationale n°19.
6 [907] Rosa Luxembourg, Critique des critiques.
7 [908] Rapport à la conférence de juillet 1945 de la Gauche Communiste de France.
8 [909] Ibid.
9 [910] Ibid.
Depuis quelques années le bulletin Négatif 1 [911] s’attache à tirer les leçons des luttes les plus significatives de la dernière décennie. C’est de façon tout à fait valable qu’il souligne le rôle qu’y ont joué les syndicats : "En 1995, mais aussi en 2002/2003, nous avons pu constater que non seulement les centrales syndicales n’ont rien fait pour radicaliser la lutte contre l’Etat et sa politique de régression sociale, mais qu’elles ont tout mis en œuvre pour éviter une telle radicalisation. (…) L’histoire récente, de 1968 à 2003, fournit des exemples particulièrement frappants de la duplicité des directions syndicales labellisées par l’Etat et le patronat sous le nom de ‘partenaires sociaux’, de leur action néfaste ayant fortement contribué à l’échec des mouvements sociaux. (…) les luttes ouvrières du 20e siècle ont été loin de se confondre avec l’action syndicale (…) dans les moments où a soufflé l’esprit révolutionnaire, les ouvriers ont toujours trouvé face à eux, pour leur faire reprendre le chemin des ateliers et de la sacro-sainte production, les grandes organisations syndicales." 2 [912] La question de la nature et du rôle des syndicats est de toute première importance pour le prolétariat dont les mouvements actuels expriment la recherche de la solidarité et de l’unité la plus large possible et se heurtent justement à l’obstacle syndical.
Il est donc à saluer que Négatif affirme "nous devons nous auto-organiser en dehors des partis et des syndicats" et il "est souhaitable que l’assemblée générale soit l’instance de décision souveraine dans un mouvement". Cependant, dans son analyse et sa critique, ce groupe s’arrête en chemin. Ne comprenant pas réellement la nature du syndicalisme, ses racines, il retombe finalement dans le piège du syndicalisme révolutionnaire ou ‘radical’. Ainsi, Négatif est attiré par l’expérience des Industrial Workers of the World (IWW), qui ont développé leur activité aux Etats-Unis au début du 20e siècle.
En dépit de son effort pour développer sa critique des syndicats en faisant appel à l’histoire de la classe ouvrière, en s’appuyant sur des écrits de militants authentiquement prolétariens comme B. Péret et A. Pannekoek, Négatif ne retient que les côtés les plus faibles de ces contributions. En résumé, pour Négatif "la critique de [l’]action [des syndicats] à tel ou tel moment de leur histoire se confond (…) avec celle d’une bureaucratie toute puissante, qui a réussi à maintenir son emprise sur l’ensemble des salariés et à sauvegarder ses intérêts propres". L’approche de Négatif qui a pour conséquence d’admettre qu’un syndicalisme débarrassé de toute bureaucratie peut constituer un moyen pour la lutte des classes, est une importante faiblesse politique. Elle ouvre grand la porte aux mystifications constamment avancées par la bourgeoisie justement lorsque les ouvriers expriment ouvertement leur méfiance vis-à-vis du travail de sabotage des luttes par les syndicats et s’en détachent : celle de la possibilité d’un syndicalisme soit disant différent de celui des centrales, plus radical, plus ouvrier, de base ou révolutionnaire.
Dans sa critique des syndicats Négatif ne tient pas compte d’un argument central de Pannekoek : "Leur puissance contre-révolutionnaire ne sera pas anéantie, pas même entamée, par un changement de dirigeants, le remplacement des chefs réactionnaires par des hommes de ‘gauche’ ou ‘révolutionnaires’. C’est bel et bien la forme d’organisation elle-même qui réduit les masses à l’impuissance ou tout comme, et qui leur interdit d’en faire les instruments de leur volonté." 3 [913]
Négatif en vient ainsi, pour notre époque, à admettre la possibilité d’un syndicalisme en période de prospérité : "le syndicalisme fonctionne bien quand les classes dirigeantes sont disposées à admettre un partage minimum des richesses. Lorsque cela n’est pas le cas, comme aujourd’hui, les syndicalistes ne peuvent rien faire d’autre que négocier la régression sociale et apporter ainsi leur contribution à l’éternel retour de la défaite." Il perd de vue que depuis 1914 c’est en permanence et en toutes circonstances que les syndicats constituent un organe anti-ouvrier et un élément essentiel du totalitarisme étatique du capitalisme décadent pour soumettre le prolétariat aux impératifs du capital national, pour prévenir et défaire toute tentative de développement révolutionnaire.
Négatif retricote même l’histoire en fonction de ses lubies antiautoritaires : "les syndicats vont s’institutionnaliser et se bureaucratiser après la première guerre mondiale", sous l’impulsion de "la ‘bolchevisation’ [de la CGT]". Exit la trahison ignominieuse du prolétariat et de l’internationalisme par l’ensemble des syndicats dans tous les pays en 1914 ! Exit le passage des syndicats avec armes et bagages au service de leurs bourgeoisies respectives, scellant leur sort à celui de l’Etat capitaliste en proclamant l’Union Sacrée et l’interdiction de la lutte des classes ! Exit le rôle de sergent recruteur joué par la CGT anarcho-syndicaliste chauvine pour mobiliser le prolétariat dans la guerre mondiale au profit de l’impérialisme français !
Là encore le prisme déformant de la vision apolitique et ‘économiste’ typique de l’anarchisme dont est prisonnier Négatif l’aveugle sur la nature bourgeoise des syndicats, organes intégrés à l’Etat capitaliste à notre époque. Dépourvu d’une méthode basée sur des critères de classe pour faire l’analyse critique de l’histoire, Négatif ne voit pas non plus la faillite du syndicalisme révolutionnaire au début du 20e siècle. Celui-ci n’a pas connu un sort différent de celui du syndicalisme en général, passant dans le camp du capital, comme ce fut le cas pour la CGT et la CNT espagnole, ou bien il a quasiment disparu de la scène sociale, comme les IWW aux Etats-Unis. Négatif fait complètement fausse route en cédant à sa fascination pour le "mode de fonctionnement" des IWW, qui, "à la structure rigide et sclérosée des vieux syndicats, opposaient une forme d’organisation souple appelée à varier en fonction de la situation politique et sociale" et dont le but " n’était pas de devenir un syndicat de masse, mais d’aider le prolétariat à s’émanciper et à mener la lutte pour son propre compte, c'est-à-dire consciemment." Outre le fait que les IWW avaient une conception particulièrement confuse de la nature de la révolution prolétarienne réduite à un acte économique pouvant ignorer le pouvoir d’Etat de la bourgeoisie, ils développaient la double confusion intrinsèque au syndicalisme révolutionnaire. D’une part, leur conception de l’organisation pouvant être en même temps révolutionnaire (regrouper des agitateurs conscients et des militants révolutionnaires) et une organisation unitaire ouverte à tous les ouvriers dans la lutte de classe, ainsi que les tensions générées par cette contradiction, les amenèrent à une existence instable et à se préoccuper surtout de la construction d’une organisation syndicale au détriment des principes révolutionnaires. D’autre part, en dépit de leur engagement réel pour défendre les intérêts de leur classe, la lutte de l’unionisme industriel contre le syndicalisme de métier ou réformiste, au moment où la forme d’action syndicale elle-même devenait inadaptée à la lutte des classes, ne constituait déjà plus qu’un anachronisme. Justement, ce que l’expérience de IWW nous montre, c’est l’impossibilité de construire des syndicats "vraiment ouvriers" dans la période de décadence du capitalisme. 4 [914]
Si Négatif a raison de dire que "la force d’un mouvement réside dans le niveau de conscience de ceux qui y participent. La forme d’organisation qu’ils se donneront dépendra de ce niveau de conscience", il se fourvoie quand il affirme que celles-ci "restent à inventer." En considérant ainsi que le combat de la classe part de zéro, Négatif tourne le dos aux apports de la longue expérience de lutte du prolétariat.
Comme classe dépourvue de tout moyen de production dans la société le prolétariat ne dispose comme armes dans son combat pour son émancipation que de sa conscience et de son unité. Le processus d’unification d’une part, et la nécessité d’élever son niveau de conscience d’autre part, constituent pour la classe ouvrière deux tâches indispensables dont elle doit s’acquitter de façon organisée. C’est pourquoi le prolétariat s’est toujours donné deux formes fondamentales d’organisation :
- les organisations politiques, fondées sur une plate-forme politique et des critères politiques stricts d’adhésion et dont la fonction est de contribuer à l’approfondissement et à la généralisation de la conscience révolutionnaire de la classe ;
- les organisations unitaires regroupant tous les travailleurs, du simple fait de leur qualité d’ouvrier, indépendamment de leurs idées politiques, dont la fonction est de contribuer au rassemblement, à l’unification du prolétariat et au développement de sa conscience.
Si, au 19ème siècle, les syndicats étaient des instruments de la lutte des classes, ce n’est pas grâce à la baguette magique de l’anarchisme comme le pense Négatif (selon lequel c’est "après les années 1880, lorsque les anarchistes se tournent vers l’action syndicale [que] les syndicats deviennent des instruments de la lutte des classes") mais justement parce qu’à cette époque-là, ils constituaient les organes unitaires du prolétariat.
Les marxistes, tout en sachant dès le départ qu’effectivement les syndicats n’étaient pas voués à devenir les organes de la révolution, comprenaient qu’ils pouvaient et devaient concourir à la préparation des forces du prolétariat à la bataille à venir de la révolution, justement en ne limitant pas leur action aux seules revendications économiques (comme le préconisaient les réformistes mais aussi… les anarchistes), afin de jouer pleinement leur rôle "de foyers organisateurs de la classe ouvrière dans le grand but de son émancipation radicale" et pour "aider tout mouvement social et politique tendant dans cette direction." 5 [915]
En même temps, en tant qu’action engagée sur le terrain même de l’ordre capitaliste et qu’activité orientée vers l’obtention de réformes, il était clair que la lutte syndicale ne constituait pas une fin en soi. Elle ne formait (tout comme la lutte parlementaire, complémentaire) qu’une "simple phase, un stade dans la lutte prolétarienne globale dont le but final dépasse aussi bien la lutte parlementaire que la lutte syndicale" 6 [916]
La plongée du système capitaliste dans sa phase de déclin historique irréversible, où se pose désormais la lutte pour le communisme, bouleverse profondément les conditions de la lutte des classes.
De nouvelles formes de luttes, les grèves de masse, et de nouveaux organes unitaires, adaptés au but de la première révolution massive et consciente de l’histoire, surgissent des luttes qui, désormais tendent à faire éclater au grand jour, leur contenu révolutionnaire, les conseils ouvriers, avec "une double fonction : d’une part se poser en organes d’autogestion et de défense des intérêts ouvriers ; d’autre part œuvrer simultanément sur le plan politique en vue de renverser le régime. Il s’agissait en fait de deux aspects complémentaires qui reflétaient ce mélange inextricable de lutte économique contre le patronat et de lutte politique contre l’ordre établi, qui dans son essence caractérisa la révolution ouvrière de 1905." 7 [917]
Ces assemblées générales de délégués, mandatés par les assemblées générales de travailleurs, organes de l’unification de la classe où se forgent les forces prolétariennes de l’attaque contre l’Etat capitaliste, possèdent une spécificité : elles ne peuvent surgir que lors d’une lutte généralisée de la classe ouvrière et n’ont une existence permanente que lorsque la lutte devient elle-même permanente, c’est-à-dire lors du processus révolutionnaire. Lorsque la lutte n’atteint pas ce stade, elle se développe sous la forme d’assemblées générales de grévistes coordonnées entre elles par des comités de délégués élus et révocables, responsables en permanence devant elles. Avec le reflux de la lutte, et le retour à la passivité du prolétariat, ces formes de luttes disparaissent. Cette situation où le prolétariat semble "disparaître" entre deux phases de luttes, ne doit pas plus être la cause de panique ou de démoralisation que la "disparition" du soleil chaque soir à son coucher : c’est la caractéristique même des conditions de la lutte prolétarienne dans la décadence du capitalisme. Ces éclipses ne sont qu’une phase dans une situation historique d’impasse complète du système capitaliste qui rend nécessaire et inéluctable la reprise et le développement de ses luttes par le prolétariat. Sa vitalité politique continue à se manifester à travers l’existence et l’activité de ses minorités révolutionnaires organisées qui défendent en permanence le programme communiste et le but de la révolution.
La lutte de classe ne prend plus la forme syndicale du fait de l’impossibilité d’obtenir des réformes durables et une amélioration des conditions de vie du prolétariat. Les syndicats sont intégrés à l’Etat capitaliste. Mais avec leur disparition comme instruments de la lutte prolétarienne, la classe ouvrière perd aussi la possibilité de s’organiser de façon unitaire en dehors des périodes de lutte. Les syndicats n’étaient pas seulement des formes d’organisation pour la lutte ouverte, mais de véritables pôles permanents de regroupement unitaire de la classe ouvrière, du fait de leur fonction : la lutte systématique pour l’obtention de réformes, autour de laquelle les travailleurs pouvaient se regrouper et créer un véritable lieu vivant de formation de la conscience de classe. Lorsque la lutte syndicale est devenue inefficace, "La seule activité qui peut engendrer une organisation stable sur un terrain de classe en dehors des périodes de lutte est une activité qui ne peut être conçue à court terme, une activité qui doit se placer au niveau du combat historique et global de la classe et qui n’est autre que celle de l’organisation politique prolétarienne, tirant les leçons de l’expérience historique ouvrière, se réappropriant le programme communiste et faisant un travail d’intervention politique systématique. Or c’est là une tâche de minorité qui ne peut en aucun cas constituer une base réelle de regroupement unitaire de la classe." 8 [918]
C’est l’incompréhension de ces questions qui est à l’origine de l’échec et de la dislocation des IWW. Aujourd’hui, pour qui veut réellement travailler au renforcement du combat de classe du prolétariat, réitérer l’expérience des IWW constitue une impasse.
Scott
1 [919] Bulletin-negatif.org
2 [920] Négatif n°5, octobre 05, (toutes les citations de Négatif en proviennent)
3 [921] cité par Gorter, Réponse à Lénine, 1920, chapitre 2, la question syndicale
4 [922] Lire Les IWW (1905-21) : l’échec du syndicalisme révolutionnaire aux Etats-Unis dans la Revue Internationale n°124 et 125.
5 [923] Résolution sur les syndicats, 1er Congrès de l’AIT, Genève, 1866.
6 [924] R. Luxembourg, Grèves de masses, Parti et Syndicats, chapitre 8
7 [925] O. Anweiler, Les Soviets en Russie, p68
8 [926] Les Syndicats contre la classe ouvrière, brochure du CCI, p.53
A la mi-septembre, le clan Sarkozy a une fois de plus fait la Une de tous les journaux pour des déclarations jugées provocatrices et scandaleuses par l’ensemble de la classe politique. François Fillon a en effet "lâché" son intention de réformer "les régimes spéciaux" des retraites "dès le début de la prochaine législature", propos immédiatement soutenus par Nicolas Sarkozy lui-même : "Nous ferons la réforme parce que la réforme doit être faite".
A droite comme à gauche, de hauts cris de protestations ont immédiatement fusé. Jean-Louis Debré a jugé ces déclarations "inutiles, inopportunes et maladroites" et Jacques Chirac a assuré n’avoir "aucune intention de modifier" ces régimes. Evidemment, le Parti Socialiste et le Parti Communiste se sont empressés d’enfiler leur costume de défenseurs émérites des travailleurs. Jack Lang est "tombé des nues" et s’est demandé si François Fillon "avait perdu la tête ?". La secrétaire nationale du PCF, Marie-George Buffet s’est dite "choquée" et son député Alain Bocquet a dénoncé fermement "la logique pure et dure du libéralisme gouvernemental".
Toutes ces gesticulations ne doivent tromper personne. Depuis plus de 15 ans, droite et gauche se donnent la main pour attaquer sans relâche les retraites. Depuis plus de 15 ans, les gouvernements se succèdent et la politique anti-ouvrière demeure. Il n’y a aucune illusion à avoir. Sarkozy vient d’annoncer aujourd’hui ce que Royal ou un autre fera dès demain, quel que soit le président élu en mai 2007.
La dégradation continuelle des conditions de vie des prolétaires s’inscrit dans la logique même du capitalisme. Face à une crise économique insurmontable, la bourgeoisie démantèle peu à peu toutes les structures de l’Etat providence et en particulier l’un de ses piliers, le régime des retraites.
En 1991, le premier ministre socialiste Michel Rocard publiait ce qui est considéré par les spécialistes comme "l’acte fondateur de la réforme du régime des retraites" : son fameux "livre blanc". Au nom de la lutte contre les déficits, une très large propagande fut lancée à l’époque sur la nécessité impérieuse pour la société de faire passer à 42 ans la durée de cotisation pour tous. En réalité, le but n’était pas alors d’attaquer frontalement et immédiatement l’ensemble de la classe ouvrière mais de préparer les esprits aux sacrifices à venir. Depuis lors, les gouvernements qui se succèdent, quelle que soit leur couleur, appliquent progressivement l’ensemble des mesures de ce plan Rocard en usant toujours de la même ficelle : cibler un secteur particulier de la classe ouvrière et justifier la réforme au nom de l’équité, de la solidarité et de la sauvegarde du système paritaire. Au bout du compte, année après année, paquets par paquets, ce sont tous les prolétaires qui subissent les attaques sur les pensions de retraite.
Ainsi, en 1993, Balladur s’est concentré sur le secteur privé pour imposer un allongement des cotisations de 37,5 ans à 40 ans et une base de calcul des pensions sur les 25 meilleures années (au lieu des 10 meilleures). Cette mesure a impliqué une chute brutale du niveau de vie avec des pensions amputées jusqu’à 40%.
En 1995, le célèbre Plan Juppé (celui qui avait engendré les mouvements sociaux de décembre de la même année) mettait déjà en avant la réforme des régimes spéciaux. Il s’agissait alors d’une véritable provocation. La bourgeoisie savait très bien qu’il était inacceptable pour le prolétariat de tolérer une attaque aussi brutale remettant si profondément en cause les conditions de travail et de vie de centaines de milliers d’ouvriers. Après le retrait de cette "mesure phare", les syndicats avaient pu crier victoire et redorer un blason bien terni après des années de sabotage des luttes. Mais ce recul gouvernemental avait en réalité permis à Juppé puis à Jospin de faire passer en coulisse l’ensemble des autres mesures du Plan, à savoir la réforme du financement de la sécurité sociale et l’institution d’un nouvel impôt appliqué à tous les revenus.
A partir de 1997, le gouvernement Jospin n’avait donc aucune raison de revenir, même partiellement, sur des mesures que son parti avait très largement contribué à instaurer. Au contraire ! Au pouvoir, les socialistes ont poursuivi le sale boulot en préparant le terrain à des nouvelles mesures anti-ouvrières. Ainsi, Jospin avait envisagé et élaboré pour l’après-2002 un ensemble de "réformes progressives" visant tout le secteur public et destinées à allonger jusqu’à 42,5 ans la durée nécessaire de cotisation ! Mais Chirac étant sorti vainqueur des urnes, c’est à la droite qu’est revenue la responsabilité de mener ce nouveau train d’attaques.
Ainsi, en 2003, l’équipe Raffarin, avec Fillon en figure de proue, s’attela à faire trinquer à leur tour les ouvriers du public. Toujours au nom de l’égalité et de la justice sociale. Toujours en divisant et en dressant les ouvriers les uns contres les autres. A ce stade, les fonctionnaires furent désignés une fois encore comme des privilégiés refusant de faire les mêmes "efforts" que les autres. Finalement, le nouveau gouvernement de droite ne fit ici qu’appliquer les mesures préparées quelques mois auparavant par les socialistes. D’ailleurs, dans le cadre confidentiel de l’université d’été du Medef, Jean-Pierre Raffarin a rendu fort justement un bel hommage au gouvernement socialiste de Lionel Jospin : "Sans le travail préparatoire qu’il avait engagé, je n’aurais pas pu faire la réforme des retraites." 1 [927]
Aujourd’hui, c’est au tour des ouvriers d’EDF, de GDF, de la SNCF ou de la RATP d’être dans le collimateur. Mais ce qui était une mesure provocatrice en 1995 est aujourd’hui appliquée progressivement et inexorablement. Le régime spécial dont bénéficiaient les postiers a été totalement démantelé dès 2003 par la loi Fillon. En août 2004, le parlement a voté une loi remettant déjà partiellement en cause le régime spécial des agents d'EDF et GDF. Depuis, le régime spécial des chambres de commerce a été aboli comme celui de La Poste et la réforme de celui de la RATP est quasiment bouclée. Quant à celui de la Banque de France, il est déjà tout prêt sur le bureau de Thierry Breton. Et une chose est certaine, tous les partis bourgeois vont continuer à se donner la main pour mener la poursuite de ces attaques. S’il revient au pouvoir, le PS fera comme il a toujours fait : il enrobera ces mesures d’une phraséologie doucereuse pour mieux poignarder dans le dos la classe ouvrière. Il suffit de lire les déclarations. Pour Ségolène Royal, "il y a un chantier d’harmonisation à conduire dans le système de réforme des retraites". Pour Lionel Jospin, "Il faudra prendre ce problème" par le biais du "dialogue". Dans la bouche de Laurent Fabius, "Il faut rouvrir le dossier des régimes spéciaux". Et pour François Hollande, "Bien sûr qu’il faudra réformer ces régimes" mais "ça se fera dans le cadre concerté". Bref, le PS tapera autant sur la classe ouvrière que l’UMP mais en lui faisant croire que c’est pour son bien et avec son accord !
Après les régimes spéciaux, il est prévu de faire passer la durée de cotisation à 41 annuités en 2012 pour tous, puis 42 en 2016, 43 en 2020... Les objectifs du "Livre Blanc" de Rocard seront alors atteints et largement dépassés. En planifiant ces attaques, l’Etat avoue d’ailleurs qu’il ne croit pas lui-même à tous ses mensonges sur les perspectives de croissance économique car en réalité ce rythme d'attaques planifiées par les lois de 2003 seront forcément revues à la hausse, compte tenu de l'aggravation catastrophique de la crise et du niveau de l'endettement de l'Etat.
Ici, une absurdité manifeste saute aux yeux. Pourquoi repousser toujours plus loin l’âge de la retraite alors qu’il n’y a déjà pas assez de boulot pour tout le monde ? Pourquoi augmenter les trimestres de cotisation quand les boîtes licencient à tour de bras les plus de cinquante ans ? C’est tout simplement que le principal but visé n’est pas de faire trimer jusqu’à 65 ans (ou plus) les ouvriers usés. Non, c’est en réalité de diminuer les pensions.
Les premiers régimes de retraites sont nés au 19e siècle dans les mines, les chemins de fer puis pour les électriciens ou les gaziers. Il s’agissait à l’époque pour la bourgeoisie d’attirer vers ces secteurs de pointe une main d’œuvre qualifiée et de l’encourager à ne pas aller voir ailleurs. Bien plus tard, après la Seconde Guerre mondiale, le régime des retraites fut généralisé à l’ensemble de la classe ouvrière pour inciter les ouvriers à retrousser leurs manches pour la reconstruction de l’économie nationale. La classe dominante avait en effet besoin d’ouvriers au maximum productifs et donc en bon état physique.
Aujourd’hui, compte tenu de la profondeur de sa crise économique, le capitalisme n’a même plus les moyens de cette politique, il n’a que faire de la santé de sa main d’œuvre. C’est pourquoi la retraite, dans tous les pays et sous tous les gouvernements, est peu à peu repoussée à des âges canoniques et donne lieu à des pensions de plus en plus maigres. Tant pis si ces ouvriers sexagénaires ne peuvent plus assumer leur tâche. Et surtout, tant pis s’ils sont malades et épuisés, ou plutôt, tant mieux. Car c’est bien là le calcul de la classe dominante : que les ouvriers qui n’ont pas été licenciés en cours de route soient contraints à laisser tomber leur emploi, résignés et au bout du rouleau, sans avoir obtenu leur nombre de trimestres. Qu’ils crèvent à la tâche ou qu’ils partent avec leur pension de misère !
Aujourd’hui déjà, plus d’un million de retraités vivent avec moins de 600 euros par mois. Et cette situation de misère ne va cesser de croître au fur et à mesure que toutes ces réformes vont s’appliquer aux nouveaux retraités.
La seule réponse est la lutte ! En refusant d’être attaquée paquets par paquets, la classe ouvrière doit répondre par une mobilisation la plus unie et solidaire possible.
Pawel (25 septembre)
1 [928] Marianne n°491 du 16 septembre 2006.
Le cinquième anniversaire des attentats du 11 septembre 2001 sur le World Trade Center a été une fois de plus l'occasion pour la bourgeoisie internationale de se vautrer dans cette attitude de contrition et cet humanitarisme hypocrites dont elle a le secret. Du couple Bush déposant, la larme à l'œil, des fleurs sur l'emplacement des Twin Towers à Kofi Annan déplorant ce "crime contre l’humanité" en passant par Chirac qui appelait à communier "dans le souvenir des victimes, de leurs familles et de leurs proches" et a rendu "hommage à toutes les victimes du terrorisme à travers le monde", pas une voix n’a manqué dans la classe dominante pour rappeler l’horreur de l’événement et montrer du doigt la monstruosité que représente le terrorisme.
Le rappel des évènements ne peut en effet que faire froid dans le dos. Ce sont près de 3000 personnes qui ont trouvé la mort en deux heures à New York, 189 à Washington et 44 en Pennsylvanie. Et la sinistre statistique du nombre de tués n’est pas seule à inscrire ces attaques terroristes dans les mémoires. Ainsi, 70% des 40 000 personnes présentes dans le voisinage immédiat de Ground Zero dans les jours et les semaines qui ont suivi les attaques aériennes sont aujourd’hui atteintes de troubles pulmonaires aigus. Membres des services municipaux, volontaires venus des quatre coins des Etats-Unis, habitants proches, policiers, pompiers, sont touchés par la "toux du World Trade Center". Il ne s’agit pas d’un syndrome passager mais d’une maladie qui va inévitablement frapper mortellement nombre d’entre eux dans les années à venir, conséquence de l’inhalation des produits hautement toxiques, dont de l’amiante en très grande quantité, pulvérisés lors de l’incendie et de l’effondrement des tours.
Toute cette population, ces victimes passées et à venir du terrorisme et de la guerre, c’étaient et ce sont dans leur immense majorité des ouvriers et des employés. Comme à Madrid il y a deux ans, comme à Londres l’an dernier, comme à Bombay cet été, comme partout, même lorsque les médias parlent de "touristes", ce sont des ouvriers, des salariés qui sont frappés, ce sont eux qui partout paient le prix fort de la violence aveugle et destructrice résultant de la guerre entre cliques bourgeoises, qu’elles soient "occidentales", islamistes ou autres. La bourgeoisie peut bien se répandre en lamentations, on sait bien qu’elle n’en a cure. Elle peut bien nous abreuver de films comme celui d’Oliver Stone, World Trade Center, pour faire pleurer dans les chaumières, c’est pour mieux exalter le nationalisme et au bout du compte la guerre. Et bien pire, car en définitive, ces attentats ont été une véritable aubaine, pour la bourgeoisie américaine mais aussi pour toute la classe dominante.
L’Amérique, sous prétexte de "guerre au terrorisme", a ainsi pu lancer une offensive militaire et stratégique visant à rétablir et imposer un leadership de plus en plus remis en question sur l’ensemble de la planète. C’est à elle que le crime du 11 septembre a réellement profité à l’époque, pas à Ben Laden ou à sa clique de "fous de Dieu". Dans sa logique de coups tordus, la bourgeoisie n’a jamais hésité à utiliser, voire provoquer ou organiser elle-même des destructions de grande ampleur, afin d’arriver à ses fins. Pour choisir un événement parmi les plus connus, on peut citer le bombardement de la base américaine de Pearl Harbour par les Japonais en décembre 1941, prélude à l’entrée en guerre des Etats-Unis. On sait que l’administration Roosevelt connaissait parfaitement le projet japonais d’attaque de la base et qu’elle a au moins laissé faire, provoquant devant cet acte odieux, l’adhésion à l’entrée en guerre des Etats-Unis d’une opinion publique jusqu’alors hostile à la participation américaine dans la Seconde Guerre mondiale (Voir nos Revue Internationale n° 107 et 108 sur le sujet).
Aujourd’hui, le terrorisme est une arme de guerre de toutes les bourgeoisies, grandes ou petites. Aussi, la croisade "du bien contre le mal", faisant suite au 11 septembre 2001 et annoncée dès le 16 comme allant durer "jusqu’à l’éradication de tous les groupes terroristes à portée mondiale", a permis aux Etats-Unis de réunir une des plus formidables coalitions de l’histoire, incluant la Russie, les pays de l’OTAN, l’Ouzbékistan, le Tadjikistan, le Pakistan, l’Arabie Saoudite et les autres pays du Golfe, et l’accord tacite de l’Iran et de la Chine (voir notre Revue Internationale n° 107, 4e trimestre 2001), et d’aller envahir un pays comme l’Afghanistan. Si cette alliance contre le régime des talibans s’est ensuite progressivement délitée, en particulier suite à l’invasion de l’Irak, il faut se rappeler du concert commun de toutes ces puissances prêtes à aller prétendument casser du terroriste, en réalité accourant pour défendre leurs propres intérêts impérialistes.
Et si cette meute enragée était prête à mettre sans états d’âme l’Afghanistan à feu et à sang, elle n’a pour autant pas oublié ses propres populations. C’est ainsi que l’ouverture de la "guerre contre le terrorisme" a permis dans de nombreux pays un renforcement de la répression et du flicage de la population, aux Etats-Unis comme dans les pays d’Europe. Au pays de la "Liberté", le "USA Patriot Act", voté sans même passer par les législateurs immédiatement après le 11 septembre, introduisait de nombreuses mesures d’intrusion dans la vie privée : espionnage du courrier, des mails, fouilles systématiques des gens se rendant au travail, jusqu’à l’obligation par les bibliothèques de fournir la liste de leurs abonnés et celle de leurs emprunts de livres. La Grande-Bretagne en profitait pour accélérer sa surveillance des villes par caméras vidéo et la France relançait diverses mesures policières comme le plan Vigipirate devenu dès lors permanent.
Et c’est régulièrement depuis cinq ans qu’on nous remet une louche de psychose du terrorisme pour renforcer encore les mesures policières.
Dans le cirque médiatique fait autour du 11 septembre, à côté des lamentations hypocrites, sont ainsi réapparues de façon plus virulente que jamais les critiques faites à l’incompétence de Bush et de ses services secrets, et même clairement la dénonciation de l’organisation des attentats du 11 septembre par Bush et sa clique, comme dans le film Loose Change, visible gratuitement sur internet, c’est-à-dire dans le monde entier. Rappelons qu’après le 11 septembre, dans l’ambiance d’hystérie nationaliste de l’époque, le CCI était intervenu pour dénoncer ces attentats comme servant en fait les intérêts impérialistes américains, alors que nous évoquions la probabilité que l’administration Bush ait laissé faire les attentats. A l’époque, on nous avait traité de tous les noms en nous accusant d’avoir une vision machiavélique de l’histoire. Aujourd’hui, étonnamment, c’est au sein de la bourgeoisie elle-même que l’on voit mettre en avant la thèse de la machination fomentée par l’équipe au pouvoir.
L’Union sacrée d’après 2001 a donc fait son temps. Finie l’embellie nationaliste durant laquelle on pouvait voir le drapeau américain flotter sur chaque véhicule et à chaque fenêtre de New York, jusque dans les quartiers les plus déshérités. Finies les déclarations percutantes rassemblant Démocrates et Républicains dans la sacro-sainte guerre contre le "terrorisme international" désigné par avance. L’heure est à la désunion, aux critiques de Bush et des services secrets. Malgré le lancement à grands frais de films comme World Trade Center, qui exalte le "courage" et "l’esprit de sacrifice" des policiers et des pompiers de New York, cherchant ainsi à renouer avec la "grande communion" de l’après-11 septembre 2001, le cœur n’y est plus, de toute évidence. Les 3000 Gi’s morts officiellement (certaines sources parlent de 10 000) en Irak en trois ans, les 278 morts en Afghanistan depuis 2002, ne peuvent que raviver dans l’opinion publique américaine le "syndrome du Vietnam" et, avec le rejet de la guerre, celui des raisons qui l’ont justifiée. Ainsi, ce sont plus de mille déserteurs américains qui se seraient réfugiés au Canada depuis deux ans.
Plus d’un tiers des Américains et près de la moitié des New-yorkais pensent qu’il s’est agi d’un coup monté par Bush pour justifier la guerre au Moyen-Orient. Sur des dizaines de sites internet, dans les interventions de scientifiques et d’universitaires foisonnent les arguments défendant cette thèse du complot, Démocrates et Républicains confondus.
Les attaques contre Bush vont également bon train en dehors des Etats-Unis. Car alors que le 11 septembre 2006 a permis aux dirigeants de la planète d’exprimer leur "émotion profonde" et de pleurer sur les malheurs du monde, cela a encore été pour eux l’occasion d’étaler de nombreuses critiques virulentes sur la politique américaine en Irak, au Moyen-Orient. Cet "anniversaire" a donc en définitive été une manifestation générale de l’inexorable affaiblissement de l’Amérique sur l’arène impérialiste mondiale et cela malgré l’omniprésence militaire d’une Amérique qui, prétendant lutter contre le terrorisme n’a fait que renforcer celui-ci et lui donner une dimension inconnue jusqu’ici. Un très récent rapport confidentiel des services secrets américains, intitulé "Tendances du terrorisme mondial : implications pour les Etats-Unis", concluait ainsi que la guerre en Irak avait "accru la menace terroriste".
La situation en Irak est telle que les Etats-Unis y sont complètement coincés et contraints d’y rester pour colmater autant que faire se peut les brèches de plus en plus larges qui s’ouvrent vers un chaos total du pays, le tout sans aucune perspective d’y gagner quoi que ce soit. C’est dans cet échec phénoménal de la politique américaine avec toutes les retombées qu’il a et aura pour les intérêts américains que se trouve la véritable raison de ce déferlement d’accusations anti-Bush. L’enlisement dans une telle situation a exacerbé les oppositions au sein de la bourgeoisie américaine comme les rapports de force avec les autres puissances sur la planète. Si l’offensive américaine avait été une réussite, ne doutons pas que la plupart de tous ces accusateurs ronronneraient dans le giron de celui-là même qu’ils vouent à présent aux gémonies, tandis que d’autres comme la France aurait mis plusieurs bémols à la virulence de leurs attaques.
Car tous n’ont que faire de la vie humaine. Ils crient au fou et à l’assassin, dénoncent la bande à Bush qui s’en met plein les poches grâce à la mainmise sur le pétrole, mais ils ne valent pas mieux. Leurs critiques n’ont pas pour but de rétablir une quelconque vérité ni de tenter de renverser la vapeur. Reflet de cette lutte à mort que se mènent les fractions bourgeoises de par le monde, elles ont aussi pour fonction de dévoyer toute réflexion sur le terrain bourgeois, de la ramener sur le terrain du faux choix entre telle ou telle clique bourgeoise, de la canaliser vers la "défense de la démocratie". Dans un tel "débat", ce n’est pas le système capitaliste, ce n’est pas la bourgeoisie qui sont visés, mais des "méchants", des "rapaces", des "salauds", qui ne respectent rien, et surtout pas les vies humaines. Bien sûr, Bush et ses complices méritent bien les épithètes dont on les gratifie. Mais cette imagerie populaire cultivée à foison a pour but de rendre confuse toute réflexion et de la dévier sur des individus, bien sûr responsables, pour appeler à les remplacer par d’autres, qu’on espère meilleurs ou moins mauvais, et au bout du compte à faire confiance à la classe exploiteuse qui gouverne le monde et qui est la première responsable de la misère, de la guerre et des massacres.
Ce ne sont pas des individus qui font ce qu’est le capitalisme, c’est ce système en pleine déliquescence qui les produit en tant que dignes représentants de la classe bourgeoise décadente, une classe qui se défend bec et ongles face à sa propre agonie, n’hésitant pas à entraîner avec elle l’humanité toute entière dans la barbarie. Qu’un gouvernement comme celui des Etats-Unis laisse faire, voire organise, une monstruosité comme les attentats du 11 septembre pour finir par se mettre dans un guêpier comme l’Irak est une illustration évidente du niveau extrême de décadence et de décomposition dans lequel se trouve le capitalisme aujourd’hui.
Cela donne une idée de ce qui attend l’humanité dans la période à venir de la part de ceux qui se proclament les garants du bien-être de milliards d’êtres humains alors que ce sont eux et le système capitaliste qui sont les véritables responsables. Une telle situation ne peut que renforcer le questionnement grandissant qui naît dans l’ensemble du prolétariat, et de la part des soldats eux-mêmes, issus dans leur grande majorité de familles ouvrières, vis-à-vis de la justification anti-terroriste des guerres actuelles. Allié aux luttes ouvrières qui se développent un peu partout dans le monde y compris aux Etats-Unis contre les attaques économiques, ce questionnement doit ouvrir la voie à une prise de conscience que c’est tout le capitalisme qui nous entraîne vers la misère et le chaos le plus total, et qu’il faut le détruire.
Mulan (26 septembre)
Dans la nuit du 19 au 20 août, le Probo Koala, navire aux dimensions colossales spécialisé dans le transport de pétrole, s’est allègrement délesté dans la ville d’Abidjan, en Côte d’Ivoire, de plusieurs centaines de tonnes de déchets toxiques. La société hollandaise Trafigura, employeur du cargo, parlera quant à elle "d’eaux usées"… La population d’Abidjan, ses 8 morts et ses 7000 victimes d’intoxication, appréciera sans nul doute la formule !
Ainsi, à son réveil, la ville était garnie d’une douzaine de nouvelles décharges, en plein air et à proximité des habitations, accueillant les "slops" (déchets maritimes) du Probo Koala. Des "slops" particulièrement gratinés puisque composés de sulfure d’hydrogène dont la forte concentration est mortelle pour tout être vivant.
Devant ce crime, la bourgeoisie évidemment se scandalise et s’agite sous le regard des caméras pour nous promettre de faire le ménage et nous débarrasser de ces "pollueurs d’Afrique", ces "entrepreneurs sans scrupules qui prennent le monde pour une poubelle et n’ont aucune considération pour les vies humaines".
"La justice est en route…". Pour preuves, pas moins de trois enquêtes sont en cours : celles du parquet et de la ville d’Amsterdam en plus de celle diligentée par le ministre néerlandais des Transports.
"…Et les responsables seront châtiés !", puisque d'ores et déjà deux dirigeants de Trafigura ont été interpellés à l’aéroport d’Abidjan.
Mais derrière tout ce cirque et ces belles paroles, se cache le véritable coupable, celui que la bourgeoisie cherche désespérément à planquer et qui n’est autre que son "propre" monde.
Finalement, le périple et la destination macabre du navire hollandais ne sont qu’une illustration, à la fois frappante et quotidienne, de la logique meurtrière d’un système capitaliste en faillite. En effet, pour rivaliser dans une situation de concurrence exacerbée et pouvoir espérer réaliser des profits, chaque entreprise se doit d’être la plus compétitive sur le marché ; "être compétitif ou périr !" … il n’y a pas d’autre choix. Il faut donc réduire les coûts de production par tous les moyens, même si c’est au prix de la destruction de l’environnement et de vies humaines.
C’est ainsi que le Probo Koala commence sa course, le 2 juillet, dans le port d’Amsterdam avec l’annulation des opérations de nettoyage de ses "eaux sales". L’explication du porte-parole de Trafigura, Jan Maat, sera sans détours : "Nous avons d’abord décider d’en traiter la moitié à Amsterdam et la moitié à Rotterdam, mais les délais nous auraient fait perdre beaucoup d’argent, 35 000 dollars par jour de retard au port d’Amsterdam et 250 000 dollars de pénalités au port suivant. Nous avons alors repompé les déchets à bord du navire et cherché un autre port." Par la suite, le navire fera escale en Estonie pour charger une cargaison de pétrole. Selon le quotidien néerlandais De Volkskrant, ce pétrole brut aurait été transformé en essence à bord même du navire par l’addition de soude et de naphta. Ce raffinage sauvage, qui évite des procédés de transformation trop coûteux à terre, a aussi le mérite de produire des déchets extrêmement toxiques, ceux-là mêmes qui finiront leur voyage au beau milieu de la population d’Abidjan !
La bourgeoisie a vite fait de montrer du doigt les entrepreneurs "sans foi ni loi" ainsi que les Etats corrompus du tiers monde, "tous prêts au pire pour quelques dollars de plus". Ainsi, le problème ne se résume plus qu’à un simple jeu entre "corrupteurs et corrompus" violant la législation vertueuse des saintes démocraties. "Les habitants d’Abidjan vivent un drame exemplaire… Et, une fois de plus, ce sont les habitants d’un pays d’Afrique noire, maillon faible par excellence en raison de turbulences politiques internes, qui trinquent. Chaque fois qu’un Etat baisse la garde, ou pire, se livre au plus offrant, des flibustiers des temps modernes se précipitent et y déversent les rebuts de la partie la plus développée de la planète." (Libération du 14 septembre).
Et pourtant, faire des économies, rogner sur tous les postes de dépenses (salaires, effectifs, normes de sécurité, etc…) au nom de la rentabilité et du profit n’est certainement pas l’apanage de quelques brebis galeuses du capitalisme, les "flibustiers des temps modernes", mais bien la règle général du système. En effet, les largages de déchets toxiques ou les explosions d’usines lâchant sur des dizaines de milliers de personnes leurs nuages toxiques ou radioactifs n’ont pas seulement lieu à la périphérie du système comme à Bhopal en 1984 ou Tchernobyl en 1986 mais aussi en plein cœur de cette "partie développée" et "vertueuse" du capitalisme. Il suffit de se souvenir de l’explosion en 1976 d’un réacteur chimique à Seveso déversant des tonnes de dioxine sur les populations alentour en Italie, de la fusion d’un réacteur nucléaire en 1979 sur l’île de Three Mile Island aux Etats-Unis, de l’explosion de l’usine chimique AZF à Toulouse en 2001 ou encore des innombrables marées noires sur les côtes françaises ou espagnoles. Ce florilège de catastrophes industrielles est la preuve que derrière les patrons et les Etats véreux que la bourgeoisie cloue au pilori, se cache le vrai responsable, le système capitaliste.
Le pavillon traditionnel de la piraterie, tête de mort et sabres croisés, est aujourd’hui l’emblème le plus approprié pour symboliser le capitalisme, flottant comme une menace au-dessus de l’humanité.
Jude (26 septembre)
Alors que l’horizon politique semble assombri par la guerre et la barbarie, la perspective prolétarienne vit toujours et se développe. C’est ce que démontrent non seulement le développement des luttes de la classe ouvrière dans de nombreuses régions, mais aussi l’apparition dans différents pays de petits groupes et d’éléments politisés cherchant à défendre les positions internationalistes qui sont la marque distinctive de la politique prolétarienne.
Le groupe "Enternasyonalist Komunist Sol" ("Gauche communiste internationale") en Turquie est une expression de cette tendance. Nous reproduisons ci-dessous un tract que ce groupe a produit en réponse à la guerre au Liban. L’émergence de cette voix internationaliste en Turquie est d’autant plus significative que le nationalisme (colporté notamment par la gauche) est particulièrement fort dans ce pays. De plus, la Turquie est profondément impliquée dans les rivalités inter-impérialistes, qui ravagent cette région. L’Etat turc est sur le point de lancer une nouvelle offensive contre les nationalistes kurdes du PKK – une campagne militaire qui sera certainement justifiée idéologiquement par la récente vague d’attaques terroristes dans plusieurs villes turques, attribuées aux factions nationalistes kurdes. La question kurde est directement liée à la situation en Irak et en Syrie, et la Turquie est un des quelques Etats à avoir des liens étroits avec Israël. La guerre au Liban pèse fortement sur les ouvriers en Turquie ; en même temps, la classe ouvrière turque qui a une longue tradition de luttes combatives, pourrait jouer un rôle majeur dans le développement d’une alternative prolétarienne à la guerre impérialiste dans la région.
Le 12 juillet, juste après le kidnapping de soldats israéliens par le Hezbollah, le président israélien Ehoud Olmert a promis aux libanais une "réponse très douloureuse et de grande ampleur". Le 3 juillet à l’aube, l’Etat d’Israël commençait une invasion et poussait sa classe ouvrière dans une nouvelle guerre nationaliste et impérialiste. L’Etat d’Israël a lancé cette invasion pour ses propres intérêts et sans se soucier du sang qui pourrait être versé. En 15 jours, environ 400 civils libanais ont perdu la vie. Le récent cessez-le-feu ne garantit pas que les massacres ne recommenceront pas puisque l’Etat d’Israël a montré qu’il détruirait tout ce qui menace ses propres intérêts, pas seulement dans le dernier conflit mais aussi à travers la torture continuelle des palestiniens.
Cependant, nous ne devons pas oublier qu’Israël n’est pas le seul responsable de ce conflit. Ni le Hezbollah qui attire actuellement l’attention du monde par les combats qu’il livre contre les israéliens avec une violence qui égale la leur, ni l’OLP et le Hamas qui ont mené une guerre nationaliste en Palestine depuis des années, ne peuvent être considérés comme "clean". Le Hezbollah qu’Israël a montré du doigt au monde avant le début du conflit, a tué des civils israéliens avec des roquettes provenant de Syrie et d’Iran, pendant toute la guerre. Le Hezbollah est une organisation anti-sémite et fondamentaliste. Plus important encore, contrairement à ce que pensent certains, le Hezbollah ne s’est pas battu pour protéger le Liban. Au lieu de cela, c’est pour ses propres intérêts qu’il a forcé la classe ouvrière libanaise à rejoindre le front nationaliste et il ne s’est battu que pour défendre les territoires qu’il contrôle et l’autorité qu’il détient. L’OLP qui a poussé les ouvriers palestiniens du terrain de la lutte de classe dans les griffes de leur bourgeoisie nationale et le Hamas qui est aussi réactionnaire, violent, anti-sémite et fondamentaliste que le Hezbollah, ne font eux aussi que défendre leurs propres intérêts. Ici, il est nécessaire de décrire brièvement ce qu’est l’impérialisme. Contrairement à ce que beaucoup de gens pensent, l’impérialisme n’est pas une politique qu’exercent les puissants Etats nationaux afin de prendre le contrôle des ressources des Etats nationaux plus faibles. Au contraire, il s’agit de la politique de tout Etat national, ou d’organisations fonctionnant comme un Etat national, qui contrôlent une certaine zone, les ressources de cette zone et qui exercent leur autorité sur la population de ce territoire. Plus simplement, l’impérialisme est la politique naturelle que pratique n’importe quel Etat national ou n’importe quelle organisation fonctionnant comme un Etat national. Comme nous l’avons vu dans le dernier conflit entre Israël et Hezbollah, dans certaines situations, les Etats nationaux ou les organisations fonctionnant comme un Etat national ont des conflits d’intérêt et ces conflits aboutissent à une guerre inter impérialiste.
Dans une telle situation, ce que disent les gauchistes en Turquie et dans le monde, s’avère encore plus ridicule et incohérent. En Turquie comme dans le monde, la plupart des gauchistes ont apporté leur soutien total à l’OLP et au Hamas. Dans le dernier conflit, ils se sont exprimés d’une seule voix pour dire "nous sommes tous le Hezbollah". En suivant cette logique qui consiste à dire "l’ennemi de mon ennemi est mon ami", ils ont pleinement soutenu cette organisation violente qui a poussé la classe ouvrière dans une désastreuse guerre nationaliste. Ce soutien des gauchistes au nationalisme nous montre pourquoi ils n’ont pas grand chose à dire qui diffère de ce que dit le MPH (parti du mouvement national - les Loups gris fascistes) non seulement sur le Hezbollah, l’OLP et le Hamas mais aussi sur d’autres sujets. En Turquie, tout particulièrement, les gauchistes n’ont aucune idée de ce dont ils parlent.
La guerre entre le Hezbollah et Israël et la guerre en Palestine sont toutes les deux des guerres inter impérialistes, et les différents camps en jeu utilisent tous le nationalisme pour entraîner la classe ouvrière de leur région dans leur camp. Plus les ouvriers sont aspirés dans le nationalisme, plus ils perdront leur capacité à agir en tant que classe. C’est pourquoi ni Israël, ni le Hezbollah, ni l’OLP, ni le Hamas ne doivent être soutenus en aucune circonstance. Ce qui doit recevoir un soutien pendant ce conflit, c’est la lutte des travailleurs pour survivre, pas les organisations nationalistes ou les Etats qui les font tuer. Et plus important encore, ce qu’on doit faire en Turquie est d’œuvrer pour la conscience de classe et la lutte de classe qui se développeront ici. L’impérialisme et le capitalisme enchaînent les pays les uns aux autres ; c’est pourquoi l’indépendance nationale est impossible. Seul le combat de la classe ouvrière pour ses propres besoins peut offrir une réponse.
Pour l’internationalisme et la lutte de classe !
Enternasyonalist Komunist Sol
Depuis début septembre, période "traditionnelle" de la "rentrée sociale" , il ne se passe pas un jour sans que les médias ne nous invitent à nous intéresser au "débat politique " préparatoire aux futures présidentielles. A grands coups de shows télévisés, c’est quotidiennement que les prolétaires sont matraqués par les dissensions au sein des partis politiques.
De l’UMP au PS, chaque candidat potentiel essaie de nous vendre sa soupe indigeste pour nous amener à "choisir" notre futur président. Du "débat au sein du PS" où ça flingue tous azimuts, en passant par les règlements de compte au sein de l’UMP, on a droit à toute la panoplie des "propositions alternatives" censées améliorer le sort des Français à condition que ceux-ci comprennent la nécessité d’aller voter et sachent bien pour qui voter. Au milieu de tout ce tintamarre, on nous présente Sarkozy comme l’ennemi public numéro 1, la figure de proue d’une droite ultra-libérale musclée, pro-américaine, et surtout comme le principal responsable des mesures "sécuritaires" et des attaques anti-immigrés. L’objectif de tout ce cirque électoral est clair : il faut mettre le paquet pour "battre Sarkozy " qui n’est, en réalité, que le nouvel épouvantail mis en avant par la classe politique pour faire croire que les autres candidats sont plus acceptables du point de vue des intérêts de la classe ouvrière.
Pourquoi un tel barouf médiatique à huit mois des échéances électorales ?
Tout ce cirque n’est qu’un rideau de fumée destiné à masquer l’augmentation du chômage, la baisse drastique du pouvoir d’achat des ménages, les charrettes de licenciements, les suppressions de postes et autre attaques qui ne cessent de tomber sur le dos de la classe ouvrière. L’ouverture prématurée de la campagne électorale vise ainsi à masquer que la crise économique n’a pas d’issue, qu’elle ne peut que s’aggraver et que la classe ouvrière va continuer à en faire les frais, et cela quelle que soit l’équipe au pouvoir.
Ce barouf médiatique vise encore et surtout à empêcher les prolétaires de réfléchir sur la façon dont ils doivent se défendre, non pas à travers un bulletin de vote, mais par la lutte la plus massive, solidaire et unie possible. Ainsi, ce n’est pas un hasard si on n’entend plus parler des luttes du printemps dernier contre le CPE (sauf pour nous mentir et la réduire à une "lutte étudiante") alors que toute l’attention est focalisée sur le risque de nouvelles "flambées" de violence dans les banlieues. Ce n’est pas un hasard non plus si les syndicats ont préparé une "rentrée sociale " très discrète et ne font rien pour mobiliser massivement la classe ouvrière dans tous les secteurs alors que partout le mécontentement ne cesse de croître. Au contraire, leur stratégie consiste aujourd’hui encore à émietter la colère des ouvriers en multipliant les journées d’actions sans lendemain, secteur par secteur, entreprise par entreprise à des lieux et dates différents. A travers le calendrier de leurs journées d’actions, leur seul objectif consiste non seulement à laisser la campagne électorale battre son plein, mais également à occuper tout le terrain social pour décourager les ouvriers d’entrer en lutte. C’est bien pour cela que ces journées d’actions sans lendemain, dans l’Education nationale comme à EDF/GDF ont été de véritables fiascos. Aujourd’hui, malgré la colère que ressentent la grande majorité des ouvriers, ceux-ci ne sont pas prêts à perdre des journées de salaire pour rien. Partout, les travailleurs prennent de plus en plus conscience que ces journées d’actions syndicales sont totalement stériles et que ce type de "lutte "ne sert à rien.
C’est justement parce qu’une réflexion en profondeur est en train de mûrir dans les rangs ouvriers autour de la question "comment lutter ? " que toute la classe politique et ses syndicats visent aujourd’hui à empêcher un mûrissement de cette réflexion au sein de la classe ouvrière, surtout après la victoire remportée sur le CPE au printemps dernier. C'est justement parce que cette lutte constitue un pôle de référence majeur dans un contexte de développement de luttes à l'échelle internationale (voir notre article sur les luttes en Amérique latine [930] en page 6) que la bourgeoisie tente de la gommer et de la dénaturer.
Ce que toute la bourgeoisie veut faire oublier, ce sont les leçons essentielles de cette expérience et de la solidarité entre les générations ouvrières qui s'y est exprimée. Ce que tous les partis politiques et les syndicats veulent nous faire oublier, c’est que seule une lutte massive, solidaire, unie de toute la classe ouvrière peut faire reculer le gouvernement et le patronat. Ce qu’a démontré le mouvement des étudiants contre le CPE, c’est que les jeunes générations de la classe ouvrière ont été capables de développer une lutte exemplaire en s’appropriant les méthodes de lutte du mouvement ouvrier. Seule la prise en charge du mouvement et de la solidarité active par les grévistes eux-mêmes, à travers la tenue d’assemblées générales ouvertes à tous les ouvriers, massives, souveraines où les décisions étaient discutées et prises collectivement, à travers l’élection de comités de grève et de délégués élus et révocables a pu freiner les attaques de la bourgeoisie. Ces assemblées générales massives ont été le véritable poumon de la lutte. C’est justement cette prise en main de leur lutte par les étudiants (et notamment l’envoi de délégations massives vers les entreprises pour aller chercher la solidarité des travailleurs sans attendre les "consignes" syndicales) qui a fait trembler la classe dominante. C'est parce que les étudiants et beaucoup de lycéens ont été capables de mettre de côté leurs revendications spécifiques, comme la réforme des diplômes au profit de revendications communes à toute la classe ouvrière : "Non au CPE ! Non à la précarité, aux licenciements et au chômage !" que leur mouvement a eu la force de faire reculer la bourgeoisie C’est aussi la solidarité des travailleurs qui se sont mobilisés dans les manifestations aux côtés des étudiants et lycéens en lutte contre le chômage et la précarité qui a obligé le gouvernement à retirer le CPE. Et c’est justement parce que la classe ouvrière est en train de réfléchir à l’efficacité des méthodes de luttes utilisées dans le mouvement contre le CPE que toute la bourgeoisie cherche à saboter cette réflexion en créant un maximum de confusion autour de la campagne électorale. Toute la classe dominante, et notamment ses syndicats, ses partis de gauche et d’extrême-gauche, veut maintenant nous faire croire que le mouvement des étudiants du printemps dernier n’était qu’une petite escarmouche et qu’il s’agit maintenant, pour les ouvriers comme pour les jeunes générations, de passer aux choses "sérieuses" : se préparer à aller voter chacun dans son coin contre l’"ultra libéralisme" et son homme de fer, Sarkozy.
Les jeunes générations, tout comme l’ensemble de la classe ouvrière ne doivent pas oublier que c’est la même rengaine qu’on nous avait servie en 2002 lorsqu’au deuxième tour des présidentielles, on nous avait appelés, manifestations à l’appui, à voter Chirac pour "faire barrage" à Le Pen et "sauver la démocratie". C’est ainsi que beaucoup sont allés remplir leur devoir de "citoyen "en votant Chirac au nom de la politique du "moindre mal ". En "battant " Le Pen, ils ont voulu "sauver la démocratie" et "protéger les immigrés". Depuis cette "victoire" électorale de 2002, notre belle démocratie française a amplement montré son vrai visage, celui de la dictature implacable du capital.
La classe ouvrière n’a pas à choisir entre ses exploiteurs. Elle n’a rien à gagner sur le terrain électoral. Il doit être clair que le duel Royal/Sarkozy qui s’ouvre aujourd’hui, de même que les dissensions au sein du PS ou de l’UMP, ne servent qu’à embrouiller la conscience des prolétaires pour les empêcher de se battre dès à présent sur leur propre terrain de lutte. Les ouvriers n’ont pas d’autre choix que de reprendre le chemin de la lutte massive, unie et solidaire entre tous les secteurs et toutes les générations .
La classe ouvrière doit garder en mémoire que la suppression du CPE, qui a empêché une aggravation supplémentaire de l’exploitation capitaliste, ne s’est pas gagnée au parlement mais dans les amphithéâtres universitaires, dans des assemblées générales ouvertes aux parents d’élèves, à tous les travailleurs, aux retraités, aux apprentis. L’expérience accumulée pendant des semaines de lutte par des dizaines de milliers de futurs travailleurs, leur éveil à la politique et leur avancée dans la prise de conscience de l’impasse que leur réserve le capitalisme sont un véritable trésor pour les futures luttes du prolétariat.
Sofiane (26 octobre)
Une immense publicité médiatique est faite aujourd’hui autour de l’ "anniversaire" des émeutes de l’automne dernier dans les banlieues. Les caméras sont même invitées à filmer en direct des opérations d’interpellations musclées dans diverses cités où les flics se "trompent d’appartement", mettent en joue et menottent à tours de bras, y compris les mères de famille !
Pourquoi un tel vacarme sur les banlieues alors qu’il y a un véritable silence radio sur tout ce qu’a été la lutte des jeunes générations contre le CPE au printemps ? Où est le véritable danger pour la bourgeoisie ?
Toute la classe politique promettait plus de moyens pour les "quartiers difficiles". Un an après, il n’y a pas besoin d’être grand clerc pour constater "l’effort" soi-disant entrepris pour "tarir la source" des violences : rien. Rien n’a bougé, ni dans le fond, ni en vitrine, sinon en pire! Les banlieues transpirent toujours la misère, le chômage et l’ennui à tous les étages. Les éducateurs promis? Les crédits sont très largement à la baisse et les jeunes encore plus livrés à eux-mêmes sans possibilité d’accueil ou d’écoute. La réussite scolaire tant attendue ? Ce sont 8500 suppressions de postes enseignants dans le budget 2007. Par contre la bourgeoisie sait faire les efforts qui lui importent : à Clichy-sous-Bois, point de départ des émeutes de l’année dernière, un nouveau commissariat et une nouvelle antenne de justice sont enfin annoncés !
On peut largement comprendre que des centaines de jeunes, qu’ils soient chômeurs, actifs ou lycéens restent prêts à en découdre à nouveau, la rage au ventre, même si le fait de brûler la voiture de son voisin de palier n’exprime que l’impuissance et le désespoir sans lendemain. Cette violence permet par contre au gouvernement de justifier le renforcement de son propre arsenal répressif pour soi-disant protéger les "bonnes gens", qu’il laisse d’ailleurs crever le reste du temps. Le gouvernement, Sarkozy en tête, a misé toute sa politique sur la répression, y compris celle qui se veut de proximité , toujours avec force brigades d’intervention de la BAC ou bataillons de CRS en réserve. Dans le budget pour 2007, toutes les dépenses sont revues à la baisse, exception faites de celles de la justice et de la police qui devraient augmenter de 5% ! Face à des émeutes totalement aveugles, c’est parfois la peur, plus largement la méfiance ou le ras-le-bol qui s’insinuent dans la classe ouvrière. C’est le parfait alibi pour la bourgeoisie pour renforcer Etat policier et répression dont le principal objectif n'est certainement pas de protéger la population mais au contraire d’encadrer l’ensemble de la classe ouvrière. Rappelons-nous , lors de la lutte contre le CPE, ces cordons de CRS autour de la Sorbonne qui terrorisaient les étudiants barricadés.
Le ministre de l’Intérieur est devenu la bête noire de toutes les cités. Sur les murs, on y voit fleurir le nouveau sigle à la mode "T.S.S.": "Tout sauf Sarko". Tout un programme …électoral, bien sûr !!! Il faudrait virer Sarko par les urnes : c’est ce que clame en fait l’ensemble de la gauche. Et comme toutes les pointures politiques sont à la "ramasse", on demande à tous les relais culturels , issus si possible de l’immigration , sans doute plus crédibles, d’assurer le rabattage vers les bureaux d’inscription électorale. Associations, "personnalités", comme Joe Starr ou Djamel Debouzze ; n’en loupent pas une pour matraquer le message à tous les jeunes des cités : "Votez et virez Sarkozy, faîtes-vous entendre dans les urnes !". "Sur dix rappeurs, huit appellent à s’inscrire et voter". (J.Claude Tchikaya, membre de Devoirs de mémoire). Axiom First, le plus politique d’entre eux, va jusqu’à affirmer que "Le Vote est une arme". Force est de constater que cette "mobilisation citoyenne" a un impact : les inscriptions sur les listes électorales, très hésitantes au départ, s’accélèrent. "La hausse des inscriptions sur les listes électorales [avait] varié selon les villes de 7 à 32% par rapport à 2004. Dans les 2/3 des cas, elle concerne les jeunes de 18 à 35 ans" (collectif Banlieues Respect). Les villes de banlieue y enregistrent les augmentations les plus notables (Nanterre +25%, Bobigny +26%).
Tout sauf Sarkozy, alors ? Mais qu’en est-il des autres prétendants à transformer les banlieues et à changer la vie ? Les partis de gauche, PS et PCF en tête, sont les premiers à stigmatiser la politique sécuritaire de Sarkozy, à critiquer le gouvernement pour son inertie face aux problèmes des banlieues. Ont-ils fait mieux pendant leurs années au pouvoir ? Ont-ils donné du travail aux jeunes et aux moins jeunes, investi dans le social, le logement, la culture, l’éducation pour "tarir la source" des violences urbaines? Que dalle ! C’est tout le contraire qui est vrai. Qu’on en juge !
Quand Ségolène Royal, l’égérie du PS, alter ego au féminin du "diabolique" Sarko pour ces fameuses présidentielles, affirme sa différence, c’est pour dire que "la faillite de la politique de sécurité est flagrante… Il faut une autre politique, beaucoup plus ferme". (Bondy, Juin 2006). Concrètement ? "Il faut trouver une réponse de masse à un système de production de délinquance de masse." Donc ? "stages de parentalité obligatoires… mise sous tutelle des allocations familiales dans une logique éducative… systèmes d’encadrement à dimension militaire (pour les plus de 16 ans) au lieu de la prison." Sarko en a rêvé, Ségolène et la gauche le feront : plus de flics et de flicage !!
Dans les banlieues et chez tous les jeunes ou moins jeunes qui aujourd’hui se questionnent sur l’avenir que la société nous réserve, il doit être clair qu’il n’y a RIEN à attendre ni de la droite ni du PS et d’un gouvernement de gauche, quel qu’il soit. Car au niveau de la gestion de la crise et de la répression, la gauche n’a JAMAIS eu de leçons à recevoir de la droite. De la création des Compagnies Républicaines de Sécurité par Jules Moch, ministre SFIO d’après guerre, en passant par tous les massacres coloniaux, à Madagascar, en Algérie où se sont illustrés nombre de pointures "socialistes" et staliniennes à la tête de l’Etat, en continuant par la répression des luttes ouvrières, comme en 1984 où le ministre PCF des Transports, Fiterman, faisait matraquer les grévistes de la SNCF à la gare Saint-Lazare, les exemples sont légions.
La gauche a toujours défendu, toutes griffes dehors, l’intérêt de l’Etat, l’exploitation bourgeoise, contre la classe ouvrière qu’elle soit jeune, immigrée ou retraitée. Hier, aujourd’hui comme demain.
Les nouvelles générations vivant en banlieue sont pour une grande part prises dans l’étau de la misère et de la répression policière. C’est insupportable et inacceptable. Mais pour y faire face, il faut absolument éviter les deux pièges tendus par la bourgeoisie : répondre aux provocations par une révolte désespérée et destructrice ou tomber dans l’illusion électorale.
La seule voie, c’est la lutte sur le terrain de la classe ouvrière. La seule ! Exactement comme l’ont fait les étudiants durant le mouvement anti-CPE ! Prise en main de leur lutte, unie et solidaire, mots d’ordre communs à l’ensemble des travailleurs. Les étudiants avaient justement mis en avant l’amnistie des émeutiers et de très nombreux "banlieusards" s’étaient ralliés à cette lutte qui proposait une perspective, une véritable alternative. Plus la bourgeoisie mettra en scène les banlieues et ses "horreurs", plus nous devrons mettre dans la lumière les leçons de la lutte contre le CPE, la lutte ouvrière, véritable oxygène contre le doute ou le désespoir .
Ross (22 octobre)
A moins de s’être profondément endormi au cours du mois de septembre, il est impossible de ne pas avoir vu ou entendu parler d’Indigènes, "l’événement cinématographique de l’année 2006".
Dans ce film, le réalisateur Rachid Bouchareb nous livre un plaidoyer en règle en faveur de la réhabilitation, dans les mémoires, des soldats issus des colonies d’Afrique (Algériens, Marocains, Sénégalais…) qui ont participé à la "Libération" de la France en 1944. Conséquence logique, le film est aussi un appel aux autorités françaises pour la réévaluation des pensions de ces anciens combattants oubliés de la métropole.
Une chose est sûre, Indigènes restera dans les annales comme le film qui a "ému" le président Chirac et fait "bouger le gouvernement" au point que tout ce beau monde s’est accordé le 27 septembre pour rétablir l’égalité des pensions entre soldats des colonies et soldats de la métropole.
Mais, à en juger par son aura médiatique, ce film est, pour la classe dominante, bien plus que ça…
C’est un cadeau en or pour la bourgeoisie française…un Noël avant l’heure puisque Bouchareb lui offre là un moment immanquable pour lâcher la bonde de son nationalisme.
Il faut dire que les occasions sont rares et le sujet délicat à diffuser. En effet, il est devenu plus compliqué, aujourd’hui, pour la bourgeoisie de faire vibrer la fibre patriotique, d’exalter la fierté nationale. C’est que la classe ouvrière se souvient des massacres et des souffrances endurées lors de la Première puis de la Seconde Guerre mondiale : dix millions de morts après 1914-1918, cinq fois plus après 1939-1945, au nom justement de la "défense nationale" propagée par l’hystérie chauvine.
Désormais, chaque bourgeoisie nationale doit prendre des gants et attendre le moment propice pour verser son poison dans les crânes. Les grandes rencontres sportives comme le Mondial de football sont un excellent prétexte pour cela. Le cinéma en est un autre et avec Indigènes un cap vient d’être franchi.
Après la débandade de l’armée française en mai 1940 et l’installation à Vichy d’un gouvernement défaitiste, la France libre du général de Gaulle mobilise dans les colonies pour renforcer l’armée française d’Afrique. Ainsi, la première scène du film nous expédie tout droit en 1943 dans un village algérien où un recruteur lance l’appel "il faut laver le drapeau français avec notre sang !"… inutile d’aller plus loin ; le reste du film est tout entier résumé dans cette phrase ! Le message est explicite, l’exaltation patriotique à son comble… et le tout est un grand succès !
Pourquoi ? Simplement parce que les héros ont le teint basané et l’acteur principal est un comique populaire, Djamel Debbouze. "Qui mieux que Debbouze peut se permettre ce numéro décalé ? Clown désarmant et déjanté, à mille lieues de l’univers militaro-machiste…" (Le Nouvel Observateur) Il fallait simplement y penser, des acteurs d’origine magrehbine (Debbouze, Bouajila, Roshdy Zem, Sami Naceri), sympathiques et au goût du jour, pour incarner des patriotes… de couleur (Saïd, Abdelkhader, Messaoud, Yassir) et ça coule comme du miel. "C’est le jour J de Jamel, le D-Day de Debbouze. L’icône des banlieues défend le drapeau français. Il était la voix de Rodney le hamster dans "Docteur Dolittle" ; dans "Indigènes", il est la voix de la nation." (Le Nouvel Observateur). La recette est imparable et la bourgeoisie parvient ainsi à nous resservir subtilement sa bouillie chauvine. Il n’y a qu’à le dire avec une fleur… au bout du fusil !
Jusqu’à
présent la seule épopée cinématographique
traitant de la Seconde Guerre mondiale, côté français,
était contenue dans la pitoyable trilogie des aventures de la
7e compagnie ("perdue"… "retrouvée"…"au
clair de lune"). Autant dire qu’avec Indigènes,
soulagement pour la classe dominante française, le coq gaulois
retrouve le plein éclat de ses 3 couleurs et, comme un second
souffle, un deuxième chant national, Le chant des
tirailleurs :
"Nous
venons des colonies
Pour
sauver la Patrie (…)
Car nous
voulons porter haut et fier
Le beau
drapeau de notre France entière
Et si
quelqu’un venait à y toucher
Nous
serions là pour mourir à ses pieds", etc…
Bref, un hymne aussi débile et sanguinaire que La Marseillaise mais qui résume à merveille l’idéologie guerrière et la perspective macabre de tous ces gens et de leur monde .
Pour le réalisateur Rachid Bouchareb, ce film ne s’adresse pas qu’à ceux qui ont oublié" mais aussi et en premier lieu à "ceux qui ne savent pas", c’est-à-dire tous les jeunes de France et de Navarre. Si les principaux acteurs se sont fendus d’un généreux tour de France des avant-premières, réunissant des classes entières de lycéens, ce n’était pas en vue de la traditionnelle promotion commerciale mais plutôt de celle de la Nation républicaine et de la citoyenneté. Indigènes a donc clairement une vocation de propagande pédagogique qui inonde d'ores et déjà les cours d’Education civique des établissements scolaires. La leçon doit être martelée et apprise par coeur : "Quelle que soit ton origine, mon petit, tu peux être fier d’être Français et prendre ta part du drapeau bleu-blanc-rouge"… autrement dit "maintenant ou plus tard il faudra aller voter pour continuer à défendre la nation et son ordre comme l’on fait vos ancêtres qui se sont sacrifiés en 1940 contre les nazis". C’est exactement le même discours que nous servait il y a un an à peine le collectif "Devoirs de mémoire" dans la foulée des émeutes de banlieues : "la démocratie n’attend que nous" alors "Allons, jeunes et moins jeunes de la patrie, le jour de s’inscrire sur les listes électorales est arrivé". Un collectif dans lequel on trouvait déjà à l’oeuvre le même "show-bizz" gauchisant, mobilisé pour transmettre aux jeunes l’envie d’aimer la patrie et la démocratie : le rappeur Joey Starr, le footballeur Lilian Thuram et encore une fois l’incontournable comique d’Etat… Djamel Debbouze.
La machine à laver les jeunes cerveaux est donc repartie pour un tour. Et les dégâts peuvent être impressionnants comme en témoigne l’état lamentable et délirant de l’un des acteurs d’Indigènes, Sami Naceri, qui après une inhalation excessive du poison qu’il a contribué à déverser, déclare dans une interview : "Moi, si demain tu me coupes un bras je me bats pour la France. Je suis Français dans le 4e arrondissement. Je suis un vrai Parigot."
L’amour et la défense de la patrie, quel que soit le drapeau, sont un jeu de dupe pour le prolétariat qui ne peut y trouver au mieux que la promesse d’une place réservée au fond d’un cimetière militaire, ces drôles de champs que sait si bien faire pousser le capitalisme.
Les "devoirs de mémoire" de la classe dominante (façon Indigènes) sont là justement pour faire oublier que les ouvriers n’ont pas de patrie, et qu’ils ne se délivreront de leurs chaînes capitalistes que par leur union fraternelle et internationale contre les nations.
Azel (6 octobre)
Dans la nuit du 25 au 26 octobre à Nanterre, Montreuil et à nouveau Grigny en banlieue parisienne ainsi qu’à Vénissieux, dans la banlieue lyonnaise, plusieurs bus en service ont été attaqués puis incendiés, entraînant la panique des passagers et des chauffeurs.
D’emblée, ce qui frappe, c’est le caractère ultra-organisé de ces violences. Ces attaques de bus font penser à de véritables opérations commandos, quasi-simultanées et parfaitement orchestrées. A Montreuil, les assaillants étaient cagoulés et pour la moitié d’entre eux armés ; de sang -froid, ils ont fait descendre tous les occupants et ont déplacé le bus pour le faire exploser quelques centaines de mètres plus loin. Ces méthodes ressemblent beaucoup plus à celles de gangsters attaquant une banque qu’au cri de désespoir des jeunes désœuvrés des cités.
De tels événements n’ont rien de surprenant. Depuis plusieurs semaines, la bourgeoisie souffle sur les braises. Il ne s’est pas passé un jour sans que journaux, radios et télévisions ne reviennent en long, en large et en travers sur les événements d’octobre 2005. Le message rabaché mille fois était clair et net : l’anniversaire des émeutes de l’année dernière risquait à nouveau de replonger toutes les banlieues dans la violence. Si la bourgeoisie n’a pas elle-même organisé ces opérations criminelles, elle a au moins tout fait pour les provoquer. Pourquoi ? Tout simplement pour distiller la peur dans les rangs ouvriers et l’empêcher, par tous les moyens, de réfléchir. Faire silence sur la lutte exemplaire et victorieuse des étudiants contre le CPE n’est pas suffisant pour endiguer la réflexion en profondeur de la classe ouvrière aujourd’hui. Pour éviter que les leçons de ce combat ne soient tirées, que la solidarité ne se développe, la classe dominante tente de déverser dans le crâne des ouvriers un sentiment permanent d’insécurité et de suspicion. Que chaque prolétaire apeuré cherche de l’aide du côté de l’Etat pour se protéger, c’est tout ce que la bourgeoisie demande ! D’ailleurs, le renforcement de l’arsenal policier dans les moyens de transports a immédiatement été annoncé.
Que la classe ouvrière ne s'y trompe pas, ces moyens de répression, c’est à elle que la bourgeoisie les destine. Le quadrillage des quartiers ouvriers, des bus, des métros prépare la répression de demain, dans les luttes, les grèves et les manifestations. La classe ouvrière ne doit pas se laisser prendre par ce type de magouille.
TR (27 octobre)
Les lois Sarkozy de 2003 et 2006 ont considérablement renforcé la politique anti-immigrés. Les expulsions s'enchaînent à un rythme infernal : 12 000 en 2003, 15 000 en 2004, plus de 20 000 en 2005 et probablement 25 000 pour 2006. La peur au ventre, des milliers de familles vivent et se cachent, terrorisées à l'idée d'être renvoyées dans un coin du globe où seule la mort les attend. Comment ne pas être indigné et en colère devant une politique si inhumaine ? Même les enfants scolarisés peuvent être raflés afin "d'éviter que la scolarisation ne devienne une nouvelle filière de l'immigration illégale" (sic !). Comment réagir et lutter contre ces mesures cruelles et inacceptables ? Les organisations et les associations de gauche pointent toutes du doigt le même responsable : le ministre de l'intérieur, Nicolas Sarkozy. Pour mettre fin à tout ça, il faudrait bouter Sarko hors du pouvoir. "Votez, votez contre Sarko en mai 2007 et tout ira mieux", tel est en substance le message inlassablement répété par toutes les forces de gauche. Mais est-ce vraiment la solution ?
Evidemment non ! Ce serait se bercer d'illusions de croire que les partis socialistes et communistes mèneront une politique différente s'ils sont au pouvoir. Il n'y a qu'à se replonger sur quelques hauts faits d'armes de ces fractions bourgeoises pour s'en convaincre. Le PCF ne s'est jamais privé d'utiliser les moyens les plus brutaux pour se débarrasser des immigrés qu'il jugeait indésirables. Ainsi, en 1981, c'est tout simplement au bulldozer que le PCF a chassé d'une de ses villes, Montreuil-sous-Bois, des clandestins maliens. Quant au PS, sa ligne politique est résumée dans cette déclaration fracassante du premier ministre socialiste Michel Rocard de 1989 "La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde". C'est pour ne "pas accueillir toute la misère du monde" que la socialiste Edith Cresson a mis en place des expulsions massives, à coup de charters, en 1991. C'est pour ne "pas accueillir toute la misère du monde" que Jean-Pierre Chevènement a, sous l'ère Jospin, excité puis lâché ses chiens sur les clandestins en intimant l'ordre aux forces de l'ordre de multiplier les expulsions : "L'activité en matière d'éloignement des étrangers se situe à un niveau anormalement bas. (...) J"attache aussi du prix à ce que, dans les derniers mois de 1999, une augmentation significative du nombre d'éloignements effectifs intervienne." 1 [931] Voilà qui déchire le voile hypocrite des grands discours de gauche sur l'humanisme et autres droits à la dignité !
En fait, depuis 1974, droite et gauche se relaient aux plus hautes responsabilités de l'Etat et la même politique anti-immigrés demeure. La raison en est simple. A la fin des années 60, le retour de la crise économique a signifié la fin du plein emploi et la hausse du chômage. N'étant que de la chair à usine ne trouvant plus à être exploités, les immigrés sont devenus de plus en plus encombrants. C'est pourquoi le président de l'époque, Giscard d'Estaing, a décidé de "suspendre" l'immigration puis, trois ans plus tard, de créer une "aide au retour". Depuis lors, au fil des récessions, les lois anti-immigrés n'ont fait que se durcir, sous tous les gouvernements sans exception.
Ce capitalisme moribond est devenu incapable d'intégrer une partie toujours croissante de l'humanité au processus de production. Sa "solution" est d'expulser loin de ses frontières le "surplus" pour qu'il aille crever ailleurs. Le prochain gouvernement, quelle que soit sa couleur politique, accentuera encore cette pression. La seule différence entre la gauche et la droite sera la terminologie, l'enrobage idéologique. Il est vrai que le PS est passé maître dans l'art d'habiller de rose ses mesures les plus inhumaines. "L'immigration choisie" fera ainsi place à une "immigration partagée" fondée sur la "contractualisation des flux migratoires avec les pays d'origine". En clair, il s'agit d'une "politique de fermeté à l'égard de l'immigration illégale" avec en prime la création d'une "police commune présente aux frontières de l'Union" 2 [932]. Mais que l'on se rassure, ces expulsions se feront avec le PS de façon très pédagogique comme l'a affirmé fièrement François Hollande : "Nos lois sur l'immigration doivent être expliquées à nos partenaires". Après tout, comme le dit Laurent Fabius, "on peut être humaniste sans être laxiste" ! 3 [933]
En fait, aucun parti, aucun "homme (ou femme) providentiel" ne pourraient mener une autre politique à la tête de l'Etat. Les racines du problème sont beaucoup plus profondes, liées à la nature du système capitaliste et à sa crise historique. A travers le problème tragique de l'émigration, nous voyons comment ce système d'exploitation n'est plus capable d'assurer un minimum de survie à des masses chaque fois plus énormes d'êtres humains qui fuient l'enfer de la faim, des guerres et des épidémies. En 30 ans, le nombre de migrants dans le monde est passé de 75 à 200 millions de personnes ! Et depuis le début des années 2000, la situation sanitaire mondiale s'est considérablement dégradée. Aujourd'hui, avec la prolifération des conflits armés et le développement effroyable de la misère, un nouveau pas qualitatif vient d'être franchi ; l'exode atteint une ampleur jamais vue jusque -là dans toute l'histoire de l'humanité. Face à ce raz de marée, toutes les nations ferment leurs frontières.
Aux Etats-Unis, le long de la frontière mexicaine, c'est un véritable mur de 1200 km qui doit être construit d'ici 2008 avec des radars, des détecteurs, des caméras infrarouges et une armée de 18 000 gardes-frontières. L'Etat mobilise même des satellites et des drones ! Alors que déjà des centaines de personnes périssaient dans le désert chaque année pour atteindre les Etats-Unis, avec ce "mur de la honte", ces désespérés seront bientôt des milliers à y crever la bouche ouverte.
En Europe, la situation est encore plus dramatique. Tout autour de l'espace Schengen, les camps où l'on entasse les clandestins prolifèrent. Il y a un an, cette horreur éclatait au grand jour quand autour des enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla, au nord du Maroc, des images nous parvenaient d'êtres humains littéralement empalés sur les grilles barbelées de la frontière, fauchés par les balles de la police ou largués en plein désert comme des chiens galeux. Ces actes barbares furent d'ailleurs commis sous l'ordre du chef du gouvernement espagnol, le très "démocratique" et "pacifiste" Monsieur Zapatero, montrant une nouvelle fois que sous le masque humaniste se cache le vrai visage haineux et sanguinaire de la social-démocratie. Depuis la situation n'a fait qu'empirer, se généralisant même à l'ensemble du ud et de l'Est européen. Cette année, sur les plages "paradisiaques" des îles Canaries, dans l' Atlantique, 27 000 personnes sont arrivées dans des embarcations de (bien mauvaise) fortune, soit cinq fois plus qu'en 2005 ! Même tragédie au large de l'Italie, sur l'île de Lampedusa, à Malte ou à Chypre. Même tragédie à la frontière ukrainienne où les très démocratiques pays européens sous-traitent en catimini à l'Etat hongrois la gestion de camps, véritables bidonvilles dans lesquels s'entassent par milliers les clandestins venus de l'ex-URSS ou d'Asie. Et le pire reste à venir. Comme l'affirme sans détour Froilàn Rodriguez (vice-ministre des Canaries pour l'immigration), "Il faut se préparer à des avalanches jamais vues'"4 [934]. Conscientes de cette accélération et sachant que la situation ne va cesser de s'aggraver, les bourgeoisies européennes sont en train de se doter d'une véritable armée high-tech chargée de repousser vers la mort ces milliers de migrants, exactement comme aux Etats-Unis : construction de camps, jumelles infrarouges, patrouilles aériennes et navales…
Le capitalisme est aux abois et le sort qu'il réserve à l'humanité est condensé dans ce qu'il fait subir à cette masse d'immigrés. En comprenant que c'est le capitalisme en décadence qui produit toute cette misère et cette inhumanité, une réalité devient évidente : voter en mai 2007, pour qui que se soit, ne servirait strictement à rien, juste à se bercer d'illusions. Pour que l'humanité puisse vivre, le capitalisme doit mourir. Une fois consciente de cet enjeu et de l'ampleur de la tâche, la première réaction est souvent "mais en attendant le 'grand soir', il faut bien faire quelque chose !". Oui, il faut bien faire quelque chose. Il faut lutter, lutter sur le terrain de la classe ouvrière. C'est dans la lutte que s'expriment en pratique les plus profonds sentiments de fraternité. Et aujourd'hui justement, la classe ouvrière est en train de retrouver ce chemin, retrouver sa combativité, retrouver ces instincts d'unité et de solidarité.
De façon très immédiate, il y a ces enseignants et ces parents d'élèves qui se mettent en grève et empêchent physiquement la police de venir récupérer un enfant directement dans la classe. Dans toutes les écoles primaires, les collèges et les lycées dans lesquels se trouvent des "clandestins" en culotte courte, des discussions se développent sur comment empêcher la rafle, comment cacher tel ou tel enfant.
Il y a ces ouvriers qui arrêtent le travail pour défendre leurs camarades sans-papiers de l'usine, menacés d'expulsion.
Et enfin, il y a ces luttes qui témoignent de la profonde solidarité et unité du prolétariat comme ces bagagistes qui ont bloqué plusieurs jours l'aéroport de Heathrow à Londres, en août 2005, en solidarité avec des travailleurs pakistanais du secteur de la restauration victimes d'une attaque inique de leur employeur, Gate Gourmet. Et pourtant, ces bagagistes n'étaient pas menacés de licenciement et partout au même moment 5 [935] les médias relayaient la propagande étatique du sieur Blair (encore un socialiste !) qui excitait la haine contre justement les Pakistanais, tous prétendus terroristes en puissance. Dans cette lutte exemplaire, la différence entre la pourriture de l'idéologie bourgeoise et la grandeur de la morale prolétarienne fut presque palpable.
La solidarité de la classe ouvrière n'a rien à voir avec la pitié et tous les sentiments condescendants. Il s'agit d'une solidarité réelle, forgée par la conscience d'appartenir au même combat, d'être des frères de classe victimes du même système, de la même exploitation, quelle que soit sa nationalité, sa couleur ou sa religion.
En affirmant qu'une nation "ne pouvait accueillir toute la misère du monde", Michel Rocard exprimait le mode de pensée de toute la bourgeoisie. Mais la classe ouvrière n'a pas à accepter la logique du capitalisme et ses barrières nationales. Au contraire, elle doit y opposer son être internationaliste en affirmant bien haut "Les prolétaires n'ont pas de patrie. Prolétaires de tous les pays, unissez-vous !" .
Pawel (16 octobre)
1 [936] Circulaire ministérielle d'octobre 1999.
2 [937] Mesure adoptée fin mars dans le cadre de "la commission du projet 2007" du Parti Socialiste.
3 [938] Libération du 24 août 2006.
4 [939] Libération du 12 septembre 2006.
5 [940] Cette grève eut lieu au même moment que les attentats dans le métro londonien.
Nous publions ci-dessous le courrier d'un de nos lecteurs qui a tenu à témoigner de la précarisation des conditions de travail.
Camarades,
Je travaille dans l’Education Nationale et je tiens à vous envoyer un témoignage de l’intérieur sur les conditions d’embauche des personnels contractuels dernièrement recrutés par l’Etat.
Depuis cette rentrée scolaire, l’Etat a créé dans l’enseignement primaire des emplois d’ "assistant administratif au directeur d’école", financés par les Conseils Généraux, qui sont en fait des emplois polyvalents alternant travail de secrétaire et celui d’aide-éducateur. Ces emplois, réservés aux bénéficiaires de minima sociaux (Allocation de Parent Isolé et Revenu Minimum d’Insertion principalement), ont officiellement été créés en réponse à la longue grève administrative des directeurs d’école primaire ; mais, outre d’évidents motifs électoraux, cet expédient sert en réalité à faire diversion aux quelque 8000 postes de fonctionnaires de l’Education Nationale (15 000 dans toute la Fonction Publique) dont le gouvernement a annoncé la suppression pour 2007.
Ces emplois se présentent sous la forme d’un contrat de travail d’une durée de 10 mois (du 1er septembre au 30 juin) éventuellement renouvelable. Le travail est payé au SMIC horaire (8,26 € brut par heure) pour une durée hebdomadaire moyenne de 26 heures par semaine (en réalité 28 heures par semaine quand on ne compte pas les vacances scolaires) ce qui donne un salaire mensuel net inférieur à 770 €. Il ne donne droit : ni à l’assurance maladie (mais à la Couverture Maladie Universelle) ; ni aux allocations chômage (mais au RMI) ; ni à l’indemnité de fin de contrat.
Par conséquent, comme stipulé dans le contrat : en cas d’arrêt de travail pour maladie, congé maternité ou accident de travail et ce dès le premier jour d’absence, le salaire du travailleur n’est pas maintenu par l’employeur (c’est-à-dire l’Etat-patron) : dans ce cas, il a royalement droit à un trentième de RMI par jour d’absence (soit 14,44 € par jour) ; si ces contrats sont renouvelés (ce qui est probable, "grâce" aux élections), ils le seront pour la même période scolaire : ce qui signifie qu’entre la fin du précédent contrat (30 juin) et le début du suivant (1er septembre), le travailleur redeviendra un RMIste.
Mais cette précarité criante n’était pas encore suffisante pour certains politiciens bourgeois. Ainsi, dans le département du Nord : les 200 RMIstes et autres qui avaient signé en juin un contrat de travail ont appris fin août que le Conseil Général du Nord, présidé par le PS, refusait de contresigner leur contrat. Motif invoqué : l’impossibilité pour le département de financer ces emplois sans l’aide du gouvernement. Ainsi la gauche, après avoir cyniquement fait miroiter aux plus pauvres d’entre les chômeurs un emploi précaire pour la rentrée, leur a littéralement enlevé le pain de la bouche. On imagine sans mal le désespoir qu’a pu entraîner une telle décision chez ces prolétaires.
A noter que ce type de contrat est dénommé "Contrat d’Avenir"... Tant que la bourgeoisie et son Etat décideront de notre avenir, nous n’en aurons pas !
CL (septembre 2006)
D’après la bourgeoisie, la classe ouvrière devrait se réjouir. Il ne se passe pas un jour, sans que ses médias journaux, radios, télévisions ne nous parlent de la bonne santé actuelle de son économie. Pour cela, elle met en avant les chiffres de la croissance. Celle-ci a augmenté au niveau mondial de 3,2% en 2005, après avoir enregistré 4 % en 2004 et moins de 2,6% en 2003. Elle prévoit tranquillement une croissance en hausse de 3,3% pour l’année 2006. Cette classe d’exploiteurs se cache à elle-même la réalité. Mais surtout, elle ment effrontément à la classe ouvrière.
Elle tente à tout prix de cacher la gravité de la situation. Pour cela tout est bon. En France, elle va jusqu’à parler d’une "réduction significatice" des chiffres du chômage, en oubliant de mentionner à quel point toutes ses statistiques sont truquées. Comment la classe ouvrière qui vit de plus en plus un chômage de masse pourrait avaler de telles balivernes ? Les ouvriers dont beaucoup sont réduits à cumuler plusieurs boulots précaires pour survivre avec un salaire de misère, savent très bien ce que valent ces campagnes idéologiques de la bourgeoisie. Depuis l’accord de l’UNEDIC en 2002, la bourgeoisie française a déjà radié de tout droit d’indemnisation 850 000 chômeurs, qu’elle a envoyés sans aucun scrupule tout droit à la misère du RMI. Mais tout ceci n’est encore rien. C’est le capitalisme mondial qui est dans la tourmente économique et avec lui toute la classe ouvrière. Pour cette classe de prédateurs, au moment où la crise impose une guerre économique de tous les instants, il ne lui reste plus que la poursuite de sa politique de fuite en avant dans l’endettement, tout en développant férocement l’ensemble de ses attaques contre les conditions de vie de la classe ouvrière. Au moment même où la crise de l’économie capitaliste entre dans une nouvelle phase d’accélération, faut-il que la classe ouvrière admette sans réfléchir les perspectives mensongères que nous avance la bourgeoisie ? Le prolétariat doit-il attendre passivement, sans lutter, des lendemains qu’on nous annonce meilleurs ? En fait, derrière les discours idéologiques de façade, le système économique rentre dans une nouvelle phase, qui aura des effets autrement plus dévastateurs que ceux que nous avons connus, depuis le retour de la crise ouverte à la fin des années 1960.
Cette dégradation violente de l’économie, la classe ouvrière la vit au quotidien. Les plans de licenciements massifs se succèdent sans répit. Des entreprises supposées aussi performantes que Alcatel et Intel annoncent des licenciements à la chaîne. Dans l’automobile, la bourgeoisie ne fait pas de détail. Elle prévoit tout simplement 70 000 suppressions de postes d’ici à la fin de l’année chez General Motors, Ford et Delphi. Ce chiffre donne la mesure des difficultés du secteur automobile aux Etats-Unis. La situation qui n’est pas meilleure dans le reste du monde amène les constructeurs partout à annoncer des licenciements massifs. En France, c’est au tour de Renault et de Peugeot-Citroën d’annoncer des milliers de nouveaux licenciements. Tous les secteurs de pointe du capitalisme sont dans la tourmente. La société EADS, qui vient de connaître quelques ennuis de fabrication, se voit immédiatement lourdement sanctionnée par les acheteurs potentiels du futur Airbus A380. Dans l’état de surproduction de ce secteur, aucune erreur n’est permise. Le résultat ne s’est pas fait attendre, après le constructeur américain Boeing, c’est au tour du constructeur européen d’annoncer des milliers de licenciements. A Séoul, en Corée du Sud, un des plus grands chantiers navals au monde appartenant au groupe Halla, a annoncé la suppression de 3000 postes, soit la moitié des effectifs, alors que la pratique des licenciements massifs était inconnue jusqu’à ce jour dans ce pays. Mais la classe ouvrière ne subit pas une attaque frontale que sur la question des licenciements. Ce sont toutes ses conditions de vie qui sont attaquées. En Allemagne, la bourgeoisie vient de déclarer qu’il faut repousser l’âge du départ à la retraite à 67 ans. C’est la même offensive qui est menée dans tous les pays. La bourgeoisie en pleine faillite ne peut plus payer les retraites. Après avoir sucé toute la force de travail des ouvriers, elles les jette ainsi aux ordures. "L’Etat providence" déjà fortement démantelé, ne pourra pas résister à la nouvelle dégradation économique. Tous les jours des médicaments et des soins ne sont plus remboursés. La bourgeoisie veut définitivement enterrer la sécurité sociale. Dans tous les secteurs, publics ou privés, les moyens pour les ouvriers et leurs familles de se soigner sont attaqués férocement. Le budget mis en avant par la bourgeoisie française est la concrétisation amère de toutes ces attaques. Il annonce la suppression pure et simple de 15 000 postes de fonctionnaires. La fonction publique et le secteur hospitalier sont tout particulièrement visés. Avec des salaires toujours plus bas, la classe ouvrière en est réduite à se battre au jour le jour pour se loger et pour manger. C’est exactement la même politique qui sévit en Allemagne sous le gouvernement Angéla Merkel ou en Italie avec celui de Romano Prodi. Il ne peut y avoir aucune exception à cette politique frontale anti- ouvrière, quel que soit le pays, quelle que soit la couleur politique du gouvernement en place.
Un organisme aussi représentatif de la bourgeoisie que l’ONU par l’intermédiaire de son département des affaires économiques et sociales avance à demi-mots que la croissance mondiale ne peut que ralentir en 2006. "Dans l’avenir proche, l’éventualité de nouvelles flambées des cours du pétrole, du passage d’une crise circonscrite de la grippe aviaire à une pandémie, ou de l’effondrement du prix de l’immobilier dans les pays les plus riches font planer le risque d’un ralentissement graduel de la croissance mondiale." (Courrier International, octobre 2006). Les millions de morts d’une éventuelle pandémie de la grippe aviaire ne posent aucun problème humain à la bourgeoisie, par contre son utilisation idéologique pour faire croire qu’une brusque accélération de la crise, serait due à une catastrophe indépendante de son système pourrissant lui sert pleinement. Mais n’en déplaise à tous les organismes bourgeois, les faits finissent par être plus têtus que les mensonges. L’éclatement de la bulle immobilière a déjà commencé aux Etats-Unis. Des millions d’Américains vont se retrouver de ce fait incapables de rembourser leurs dettes. L’éclatement de cette bulle du logement va avoir de graves répercussions sur le système financier mondial comme sur l’ensemble de l’économie. Cette bulle a été financée par de l’argent "bon marché", à des taux de prêt très bas. Au cours des toutes dernières années, l’administration américaine a fait marcher à fond la planche à billets, inondant ainsi le monde et les Etats-Unis de dollars. Un article de Courrier International du 27 juillet 2006 met crûment en lumière cette politique de fuite en avant suivie par la banque centrale américaine : "En juin, l’indice des prix à la consommation à montré, s’il en était encore besoin, quelle immense erreur la banque centrale américaine à commise en matière de politique monétaire entre fin 2003 et 2005". ( Cette "erreur" est d’autant plus grave que, contrairement aux discours bourgeois, ce sont les Etats-Unis qui continuent de tirer la demande mondiale. Une crise majeure de l’économie américaine plongerait inévitablement le monde dans une récession violente. C’est en premier lieu à travers sa dépendance envers l’économie américaine que la Chine peut connaître des taux de croissance records. La Chine dépassera cette année le Mexique pour devenir le deuxième partenaire commercial des Etats-Unis, juste derrière le Canada. La Chine comme l’Inde et tous les Etats d’Asie du Sud-Est ne supporteraient pas un ralentissement trop important de la demande extérieure américaine, sans connaître eux-mêmes un violent coup de frein de leur croissance. Et c’est ce chemin que l’économie mondiale à d’ores et déjà commencé à emprunter. Les Etats-Unis se sont endettés au-delà de tout ce que l’on peut imaginer. Le déficit américain atteint 800 milliards de dollars. Il est bien évident que parmi les éléments d’une structure financière en déconfiture, le niveau d’endettement est le plus préoccupant. En 2002, suite à l’effondrement boursier dû, en partie, à l’éclatement de la bulle de la "nouvelle économie", la bourgeoisie craignait l’arrivée de la déflation. Elle a pu repousser cette échéance. Mais de l’avis de nombreux spécialistes bourgeois, ce spectre est à nouveau possible dans la situation actuelle. Cette masse incroyable de dollars en circulation aujourd’hui dans le monde peut entraîner cette monnaie dans le gouffre, avec des répercussions d’une extrême gravité sur toute l’économie mondiale. La suppression de la publication de l’indice M3 par la banque centrale américaine, indice qui permet de mesurer la masse de dollars en circulation, démontre l’impuissance croissante de la bourgeoisie à maîtriser ses déséquilibres. Elle en est réduite à la politique de l’autruche qui consiste à cacher le danger faute de pouvoir y faire face. En attendant, cette politique d’argent facile aux Etats-Unis, comme dans l’ensemble des pays développés a fait de nouveau réapparaître l’inflation. Depuis douze mois, les prix ont augmentés aux Etats-Unis, à un rythme annuel de 4,3% et depuis trois mois de 5,1%. La banque centrale américaine ne peut par conséquent, à l’image des banques centrales d’Europe ou d’Asie, que continuer à augmenter ses taux d’intérêts. A moins que dans ces temps de folie, ces banques ne décident d’accélérer leur fuite en avant en laissant filer la valeur du dollar afin de financer leurs dettes avec de la monnaie dévaluée. Dans les deux cas, le résultat pour l’économie mondiale sera le même : ce sera la récession. La montée actuelle des cours boursiers ne correspond pas à une embellie dans la marche de l’économie capitaliste, mais à son exact contraire. Ce n’est que le signe précurseur de la tempête. Une crise boursière d’ampleur guette l’économie capitaliste. Celle-ci sera plus profonde que celles que nous avons connues jusqu’à présent.
Pour faire face à la crise ouverte à la fin des années 1960, le capitalisme allait avoir recours à un endettement important, tout en portant ses premières attaques frontales contre la classe ouvrière. Les pays centraux reportaient alors toute une partie de la crise sur les pays pauvres qui s’enfonçaient dans une misère et un chaos qui n’a jamais cessé de s’approfondir depuis. Pendant qu’au cœur du capitalisme c’étaient les secteurs traditionnels de l’industrie capitaliste qui étaient démantelés : mines, sidérurgie, textile, etc. La bourgeoisie pour la première fois depuis l’époque des "Trente Glorieuses" allait devoir faire appel à la planche à billets et à un niveau d’endettement inconnu jusqu’alors, afin de créer artificiellement une demande solvable. Cet endettement n’a rien à voir avec celui qui existe aujourd’hui. Celui-ci allait pourtant produire un niveau d’inflation rapidement intolérable. La bourgeoisie se devait de réorienter sa politique économique sans pousser celle-ci dans une récession trop violente. C’est ce qui fut fait au début des années 1990 et qui allait donner malgré les souffrances infligées au prolétariat encore dix années de répit au capitalisme. L’endettement privé prenait alors en partie le relais de l’endettement public. Les banques, fonds de pension, assurances, institutions financières, entreprises et "classe moyenne", notamment aux Etats-Unis, jouaient le rôle de soutien de la croissance. Cette politique, voulue par les Etats, tout au long de ces années a permis de maintenir l’activité tout en jugulant l’inflation. Et ceci d’autant plus que la bourgeoisie s’acharnait à faire baisser le coût du travail. L’éclatement de la bulle de la nouvelle économie sonnait alors le glas de cette période. Depuis lors, la fuite en avant de la politique économique a consisté à cumuler celle des années 1980 et celle des années 1990. A un endettement public inimaginable a été ajouté un endettement privé incalculable. L’éclatement en cours de la bulle immobilière aux Etats-Unis signifie, après seulement trois ou quatre ans d’usage, la fin de cette folie économique. Les déséquilibres financiers et industriels ainsi portés à des niveaux insoutenables, notamment en Amérique font inévitablement rentrer l’économie capitaliste dans une nouvelle phase, qui ne pourra être faite que de faillites boursières et industrielles, ébranlant l’économie toute entière.
La bourgeoisie n’a pas le choix. Cette nouvelle aggravation de la crise économique va l’obliger à développer, ses attaques de la classe ouvrière à un niveau bien supérieur à tout ce que nous avons déjà connu depuis le retour de la crise ouverte à la fin des années 1960. Il n’y aura aucun répit pour le prolétariat. Cependant ces attaques ne vont pas s’abattre sur une classe ouvrière abattue et amorphe. Depuis le début des années 2000, celle-ci partout dans le monde a repris le chemin de la lutte. Au moment où la classe ouvrière dans les pays centraux est en train d‘assimiler les premières leçons de cette reprise des luttes, l’accélération de la faillite de l’économie bourgeoise et la généralisation des attaques ne pourront être que des facteurs importants dans sa réflexion, sa prise de conscience et son combat.
Tino (23 octobre)
Partout dans le monde, la classe ouvrière subit les coups les plus rudes de la part de ses exploiteurs, qu’il s‘agisse des patrons privés comme de l’Etat, que ce soit dans les pays développés ou dans les plus pauvres. Attaques sur les salaires, aggravation du chômage, baisse des subventions de toute nature, attaques et contraintes accrues sur les conditions de travail, enfoncement dans la misère de fractions de plus en plus massives de la classe ouvrière au niveau international, tel est le lot d’un prolétariat qui paie à un prix chaque jour plus fort la crise du capitalisme. Mais ces attaques ne frappent pas un prolétariat abattu, prêt à accepter passivement tous les sacrifices qu'on exige de lui.
Au contraire, on voit se manifester dans l’ensemble des pays du monde des réactions ouvrières de plus en plus fortes pour résister et riposter à ces attaques. Malgré l’énorme black-out opéré par les médias dans les pays développés, on voit en particulier le continent latino-américain être le théâtre des réactions d’une classe ouvrière qui n’est pas décidée à accepter la misère sans se battre. Celles-ci ne sont pas des actions isolées, elles sont en réalité un moment de la combativité grandissante qui se développe à l'échelle internationale depuis trois ans.
Au Honduras, en septembre, ont eu lieu des grèves très importantes des transports en commun de la capitale du pays Tegucigalpa, qui se sont complètement arrêtés pendant deux jours après que les chauffeurs de taxi et de bus se soient mis en grève pour protester contre l’imposition par le gouvernement d’une augmentation du prix des carburants de 19,7%. Au Nicaragua, après les violentes protestations qui ont eu lieu, en début d’année, à Managua suite à l’augmentation des tarifs des transports, après les grèves massives des personnels de la santé en avril, la capitale a été bloquée par les grévistes du secteur des transports.
Au Chili, dans un contexte de perquisitions, d’arrestations et de répression brutale menée par le gouvernement social-démocrate de Michelle Bachelet (si fortement soutenue par "notre" Ségolène nationale), s’est déroulée fin septembre, dans le secteur de l’éducation, une grève contre des conditions d’enseignement lamentables et réunissant professeurs, étudiants et lycéens, ces derniers menant une lutte très radicale depuis le mois d’août. Un des thèmes du mouvement était de refuser les grèves partielles et d’engager une lutte du maximum d’ampleur. Cet été, les ouvriers de la mine de cuivre d'Escondida se sont mis en grève, pour la première fois depuis l’ouverture de la mine en 1991, pendant trois semaines pour réclamer 13% d’augmentation de leurs salaires et une prime de 30 000 euros. Ils n’ont obtenu en définitive qu’une augmentation de salaire de 5% ainsi qu’une prime exceptionnelle de 13 000 euros. De plus leur nouveau contrat aura une durée de 40 mois au lieu de deux ans, ce qui est une arnaque car les salaires ne seront plus renégociables avant ces 40 mois.
En Bolivie, les ouvriers travaillant dans les mines d’étain sont entrés en lutte plusieurs semaines pour des revendications de salaires et contre la perspective de licenciements en cours, subissant la féroce répression du gouvernement de gauche d’Evo Morales, grand ami de Fidel Castro.
Au Brésil, après les grèves du mois de mai dans les usines Volkswagen contre les 5000 licenciements prévus par le groupe automobile, les employés de banque étaient en grève en septembre pour des revalorisations salariales (voir notre encart ci-contre).
Au Mexique, plusieurs milliers d’ouvriers de la sidérurgie ont arrêté le travail pendant cinq mois entre le printemps et l’été dans les usines de Sicartsa et Atenco, sur la côte Pacifique du pays, grèves réprimées par une violente répression policière. Et ce sont aussi les grèves des enseignants de la ville d’Oaxaca, un des trois Etats les plus pauvres du Mexique, grèves qui ont donné naissance à un mouvement d’occupation de la ville par toute la population, de la mi-juin à aujourd’hui, et sont venues affirmer cette résistance accrue de la classe ouvrière contre les attaques capitalistes.
Cependant, les expressions de cette forte combativité dans la classe ouvrière d’Amérique latine sont entravées par les nombreux pièges que développe la bourgeoisie au niveau idéologique. Ainsi, ces luttes se déroulent dans une ambiance générale de propagande électoraliste et populiste de gauche dont les tenants les plus médiatiques sont Lula et surtout Chavez. Les récentes élections de Morales en Bolivie, de Bachelet au Chili, ont étés saluées par toute la presse, de gauche et gauchiste en particulier, comme des avancées de la démocratie et viennent à point nommé pour pervertir et dévoyer ce développement de la lutte de la classe ouvrière. Il en est de même avec la tenue des élections présidentielles au Brésil et le battage autour du maintien de Lula au pouvoir.
Au Mexique, la grève massive des 70 000 enseignants engagée depuis la mi-juin à Oaxaca, malgré la puissante volonté militante des travailleurs, malgré le fait que toute la population se retrouvait et soutenait cette grève, a été détournée et enfermée sur la revendication essentielle de virer le gouverneur Ruiz, dans une ambiance interclassiste où toutes les fractions de gauche et gauchistes, syndicales et politiques, sont venues dévoyer le sentiment de solidarité réel parcourant la population sur un terrain localiste et nationaliste sous prétexte d’apporter leur soutien aux enseignants.
Des milliers de manifestants bloquaient la ville, occupant plusieurs stations de radio, défendant avec bâtons et machettes leurs "plantons" contre les "convois de la mort" (des policiers en civil "encagoulés" aux ordres du gouverneur), à l’occasion d’attaques armées. Une Assemblée Populaire du Peuple d’Oaxaca (APPO) était même créée, dans laquelle l’idéologie "indianiste indigène" était particulièrement forte, visant à noyer encore plus les revendications des enseignants dans une vaste "revendication populaire" informe.
Le SNTE (syndicat national des enseignants) et les partis de gauche se sont attachés à focaliser le mouvement de grève initial des salaires et des moyens donnés aux enseignants et aux enfants sur une question de personne. Ainsi, la revendication qui fait l’unanimité depuis le mois d’août est la démission d’Ulises Ruiz, le gouverneur de l’État qui a détourné l’argent destiné aux écoles (en particulier celui destiné à payer le goûter des enfants) pour les besoins de sa campagne électorale et qui avait fait tirer sur les enseignants occupant le centre ville le 14 juin, donnant naissance à une radicalisation extrême du mouvement. Depuis septembre, ce mouvement, probablement en train de se terminer à l’heure où nous écrivons, et cela dans la plus grande confusion grâce aux syndicats et à L’APPO, avec la fin de la grève des enseignants, a été une farce sinistre avec manifestations "de soutien" à Mexico, grèves de la faim, soutien d’Amnesty International, etc., le tout baignant dans une atmosphère gauchiste pseudo-radicale destinée à enrayer toute prise de conscience de quels étaient les enjeux au début de la grève et des possibilités d’extension réelle qu’elle offrait. Ainsi, un million de personnes ont bloqué le centre de Mexico pendant deux mois pour dénoncer le trucage des élections à l’issue desquelles le candidat "des pauvres", Andres Manuel Lopez Obrador (AMLO), avait été défait, pour exiger un recomptage des voix. Ce dernier s’est même fait élire "par acclamations" chef du gouvernement, proclamant que "c’est la rue qui gouverne".
En Bolivie, les mineurs se sont faits complètement enfermer par les syndicats, tenants du gouvernement "indianiste" de gauche de Morales dont l’élection avait été saluée comme "un espoir pour le peuple", dans la défense de "leur" mine pour finir dans un bain de sang.
C’est bien à l’échelle mondiale qu’on constate aujourd’hui, particulièrement depuis 2003, une tendance à la reprise des combats du prolétariat. Tant dans les pays centraux et les plus développés de la planète que dans les pays de la périphérie et les plus pauvres, la classe ouvrière essaie d’opposer ses luttes et sa solidarité de classe aux attaques incessantes et de plus en plus brutales que lui porte un système capitaliste en crise. Et les armes utilisées par la bourgeoisie pour faire passer ces attaques sont toujours du même type : la violence et la mystification.
La violence, la répression, c’est évidemment dans les pays de la périphérie, notamment en Amérique latine, qu’elle prend ses formes les plus spectaculaires. Mais elle est également présente dans les plus développés où, lorsque qu’elle ne s’exerce pas à coups de matraque et par des gaz lacrymogènes, elle continue de peser au quotidien sous la forme du chantage au chômage et aux licenciements.
Quant aux mystifications visant à saboter les luttes, à détruire la solidarité et la conscience de classe, à disperser et dévoyer la combativité, elles non plus ne connaissent pas de frontières. Partout, les syndicats, les partis de gauche et les organisations gauchistes en sont les principaux pourvoyeurs. Et les thèmes se ressemblent comme des frères : ils peuvent se résumer dans la défense de la démocratie bourgeoise et dans la défense du capital national. Partout, la mystification électorale est employée à doses massives : il faut "bien voter", et si on ne peut élire les "meilleurs pour les travailleurs" (c’est ainsi que se présentent les partis d’extrême gauche), alors il faut empêcher les "pires" de gagner (les partis de la droite traditionnelle) en votant pour les "moins mauvais" (la gauche classique).
De même, il faudrait selon tous ces organes bourgeois que les ouvriers se mobilisent non pas contre le capitalisme comme un tout, quelles que soient ses formes, mais contre le "capitalisme libéral et mondialisé". En ce sens, les mensonges employés contre les luttes ouvrières en Amérique latine ne sont pas si différents que ceux que nous servent ici les partis de la "gauche anti-libérale". Il s’y ajoute seulement quelques ingrédients du terroir, tels que l’indigénisme (la défense des droits des indiens) ou le populisme à la Chavez ou à la Morales. Les discours "anti-impérialistes" radicaux de ces personnages, qui sont les nouveaux héros d’une bonne partie de l’extrême gauche des pays développés, n’en font pas des défenseurs des ouvriers dont l’exploitation est la même, qu’elle soit organisée par des "étrangers", des "compatriotes" ou par l’État national lui-même. Bien au contraire, le chauvinisme que ces gens-là essaient d’incruster dans les consciences ouvrières a toujours été le pire ennemi du prolétariat.
Pour que les luttes ouvrières qui se développent actuellement à l’échelle internationale ne soient pas étouffées par la classe dominante, qu’elles constituent une nouvelle étape du prolétariat vers son émancipation, il est nécessaire que se développe au sein de celui-ci une conscience grandissante tant de leurs enjeux que des pièges tendus par les défenseurs de l’ordre bourgeois pour les défaire : la conscience qu’il n’y a pas d’autre salut pour les ouvriers que de prendre eux-mêmes leurs luttes en main et de les étendre le plus possible, de façon solidaire, la conscience que ces luttes participent d’un combat international des exploités contre tous les secteurs de la bourgeoisie.
Mulan (25 octobre)Au Brésil, "après les licenciements massifs des employés (75% du personnel) de la compagnie aérienne Varig au printemps dernier, c’est le tour des employés des usines Volkswagen de la ceinture industrielle de Sao Paulo (ABC). (…) C’est le syndicat des métallurgistes de l’ABC qui, en collaboration avec la direction de Volkswagen a fixé le quota de 3600 licenciements étalés jusqu’à 2008. Dans les assemblées, le climat était à une très forte intimidation, les syndicats exerçant le chantage à davantage de licenciements, si les employés n’acceptaient pas les modalités proposées pour des départs volontaires. Dans l’assemblée où l’accord a été conclu, les syndicalistes ont été hués, qualifiés de "vendus" et accusés d’avoir arnaqué les ouvriers. (…) Mais ce n’est pas tout puisque les ouvriers qui vont conserver leur emploi vont voir leur salaire amputé de 1 à 2% du fait de l’augmentation de la cotisation à la sécurité sociale, ceci encore avec l’assentiment des syndicats." (Extrait d'une déclaration commune entre l'Opposition Ouvrière -OPOP - et le CCI)
Au Brésil toujours, les employés de banque, dont le nombre est passé en vingt ans de 1 million à 400 000, se sont mis en grève durant une semaine pour des revendications salariales, malgré les consignes syndicales qui les exhortaient à ne pas faire grève à cause de la campagne électorale.
Au Brésil, chaque année au mois de septembre a lieu la campagne de revendication salariale des employés de banque. Régulièrement, cette campagne se traduit par des grèves qui, depuis quelques années, ne permettent que très modestement de ralentir les attaques sur les salaires. En moins de 5 ans, les salariés des banques publiques ont subi une perte considérable de leur pouvoir d’achat. Cette année, du fait des élections, les syndicats avaient décidé de différer la campagne de revendication salariale afin qu’elle ne coïncide pas avec la campagne électorale. Mais les employés de banque en ont décidé autrement. Ils ont mis en échec la manœuvre du cartel des syndicats incluant la CUT. Des assemblées générales, pourtant appelées et tenues par les syndicats, décidèrent de la grève contre l’avis même des syndicats locaux et de leur représentation nationale, dans les villes ou Etats suivants : Bahia, Porto Alegre, Florianópolis et Pernambuco. Certaines assemblées générales élirent des délégués pour constituer une centralisation nationale afin qu’elle représente le mouvement. La grande majorité des délégués élus ne représentaient aucun syndicat et même, n’étaient en général pas syndiqués. A Salvador, la délégation élue était constituée de nos camarades de l’Opposition Ouvrière. Face à l’extension de la lutte au niveau national, afin de n’être pas désavoués et pour reprendre le contrôle du mouvement, les syndicats ont déclaré la grève tout en manœuvrant pour retarder l’entrée en lutte des employés de banque de Sao Paulo. Lorsqu’ils ont finalement convoqué une assemblée générale pour décréter la grève dans cette ville, les ouvriers concernés n’ont pas voulu se contenter d’accepter passivement les consignes syndicales. Ils ont voulu prendre la parole et se sont heurtés violemment (mercredi 4 octobre) à la milice syndicale qui entourait et protégeait le présidium composé des mafieux syndicaux, afin qu’ils conservent le monopole de la parole.
Finalement les syndicats ont réussi à venir à bout du mouvement, au moyen d’une grosse manœuvre. Ils ont fait reprendre le travail à São Paulo et Brasília – ce qui a démoralisé les autres villes en lutte - en convoquant des assemblées dans lesquelles ils s’étaient assurés que les non grévistes participeraient massivement alors que, pour la plupart, les grévistes n’étaient pas ou peu informés.
Aujourd’hui, tous les ouvriers sont confrontés à la dégradation continue de leurs conditions de vie. Cette réalité incontestable, la bourgeoisie tente malgré tout de la dissimuler, ne reculant pour cela devant aucun mensonge ni devant aucun stratagème pour faire diversion.
Les élections présidentielles n’auront lieu qu’au mois de mai, et pourtant elles saturent déjà l’espace médiatique depuis plusieurs mois. Sarkozy et Royal s’étalent à la Une de tous les magazines. Pas moyen d’y échapper ! Et pour relancer en permanence l’intérêt du show électoral, la bourgeoisie n’hésite pas à tirer sur les grosses ficelles en maintenant un suspens haletant…"Alors ? candidat ou pas ?" C’est ce battage assourdissant auquel nous avons eu droit autour de l’investiture de Madame Royal. Maintenant, c’est au tour de l’UMP d’entretenir le"suspense" : Sarkozy sera-t-il confronté à une concurrence "démocratique" au sein de son parti ? Michèle Alliot-Marie va-t-elle "oser" se présenter ? Jacques Chirac remettra-t-il le couvert ? Evidemment, le PCF et l’extrême-gauche occupent aussi la scène avec leurs discussions et leurs négociations pour un candidat unitaire de la "cause anti-libérale". Et pour renforcer encore ce bourrage de crâne, les guest-stars façon José Bové ou Nicolas Hulot posent un jour, pour retirer le lendemain, leur projet de candidature.
La bourgeoisie pilonne sa propagande, ne laissant pas une seule seconde souffler les ouvriers afin d’éviter à tout prix qu’ils aient le temps de réfléchir. En focalisant ainsi tous ses médias sur le cirque électoral, elle espère détourner l’attention des préoccupations réelles des prolétaires : les charrettes de licenciements, les fermetures d’usines, la baisse des salaires, la hausse des prix et l’inaccessibilité au logement. La bourgeoisie peut bien crier sur tous les toits que"tout va bien", que le pouvoir d’achat est en hausse et que "les Français sont moins pauvres qu’il y a dix ans" 1 [941], tous ces mensonges sont trop gros pour être crédibles. Le cinglant zéro pointé pour la croissance économique du troisième trimestre en France révèle la profondeur réelle de la crise. D’ailleurs, en regardant de plus près les derniers chiffres de l’INSEE publiés à grand renfort de publicité, on s’aperçoit que, malgré tous les traficotages statistiques, le nombre de Rmistes ne cesse de croître et que les personnes vivant sous le seuil de pauvreté (moins de 788 euros par mois) sont 100 000 de plus chaque année.
Comment pourrait-il en être autrement ? Tous les secteurs de la classe ouvrière, mois après mois, sont touchés de plein fouet par une pluie incessante d’attaques.
Dans le privé, depuis la rentrée, les annonces de "restructurations" (comme ils disent) accompagnées de leurs cortèges de licenciements et de reclassements bidons se multiplient. La fermeture de l’usine Thomé-Génot dans les Ardennes, jette 300 salariées à la rue. Le groupe pharmaceutique, Sanofi-Aventis, supprime 500 postes ; pour Valéo, dans la Somme, ce sera 130 postes en moins et 150 intérimaires n’auront pas de renouvellement de contrat ; pour Delphimétal, ces suppressions concernent 300 emplois et 792 postes pour le cablo-opérateur Noos. Les ouvriers du textile ont essuyé quant à eux une véritable rafale : Well perd 300 emplois, Aubade 180 et Arena 169. Et dans certaines branches, c’est en milliers que l’on compte : chez Peugeot et Citroën, 10 000 emplois seront supprimés d’ici fin 2006 (non renouvellement des contrats temporaires et non remplacement des départs à la retraite) ; dans l’industrie du verre, 7000 emplois sont menacés et des dizaines de milliers de suppression d’emplois sont programmées à La Poste et chez Orange (France-Télécom). Même Airbus, cette industrie de pointe, fleuron de l’économie nationale, est en pleine déconfiture. Les chiffres sont encore inconnus, mais ce n’est pas une fantaisie de dire que les victimes se compteront en dizaines de milliers (les 1000 CDD non reconduits dès à présent n’étant qu’un avant-goût de l’attaque qui se prépare). L’ampleur de la saignée ne peut même plus être dissimulée par la presse. Des titres du genre "Des milliers d’emplois perdus cette année" ou encore "Industrie : Les plans sociaux se multiplient en 2006 en France" 2 [942] s’étalent ainsi dans les journaux.
Le secteur public n’est évidemment pas épargné. Par exemple, à la SNCF, uniquement pour le fret, 7000 postes ont déjà été supprimés ces trois dernières années et cette "réorganisation" se poursuit, notamment au nom de la flexibilité. 35 000 emplois seront supprimés dans la Fonction publique (dont 8500 postes d’enseignants à la rentrée 2007), conséquence du non remplacement des départs à la retraite et de la baisse des recrutements par concours, ce qui implique une surcharge de travail pour ceux qui restent. C’est en fait dans toutes les administrations, dans tous les services que les effectifs fondent comme neige au soleil par ce système ou par la non reconduction des contrats précaires.
Ne pouvant cacher totalement l’ampleur de ces attaques, la bourgeoisie se fait forte de promesses électorales. En votant pour tel ou tel candidat, elle nous le jure la main sur le cœur, l’économie nationale se redressera : car tantôt pour la droite, elle sera plus compétitive, tantôt pour la gauche, elle sera gérée de façon plus humaine. Mais une nouvelle fois, tous ces mensonges ne tiennent pas si l’on jette un simple coup d’œil au delà des frontières. Partout sur la planète, quel que soit le gouvernement, qu’il soit de gauche ou de droite, le même constat, les mêmes attaques. Volkswagen, après avoir supprimé plus de 20 000 emplois en Allemagne, vient d’annoncer la suppression de 4000 postes en Belgique, 10 000 en comptant les sous-traitants. En Espagne, Renault a mis 1300 ouvriers au chômage technique, ce qui implique dans la réalité une menace directe pour 5000 emplois (équipementiers et autres sous-traitants ). Le groupe d’aluminium Alcoa va supprimer 6700 emplois dans le monde, notamment au Mexique et au Portugal. Les déboires d’Airbus impliquent aussi des dizaines de milliers de licenciements supplémentaires en Allemagne. Une liste complète des licenciements annoncés serait interminable. Mais déjà ce bref tour d’horizon révèle la faillite du système capitaliste et son incapacité à sortir de la crise.
Face à toutes ces attaques, le battage médiatique autour des prochaines élections ne peut suffire à dévoyer le mécontentement et la réflexion. La colère et la combativité au sein de toute la classe ouvrière ne font que croître. Dans ce contexte, l’expérience de la lutte des étudiants contre le CPE fait peur à la bourgeoisie. Il est hors de question pour elle que se renouvelle un tel mouvement porteur d’unité, de solidarité et de confiance pour toute la classe ouvrière, pour tous les travailleurs. Ses chiens de gardes, les syndicats, déploient donc une immense énergie pour saucissonner les luttes, pour isoler la riposte des ouvriers usine par usine, entreprise par entreprise, secteur par secteur.
Ainsi, les journées d’actions par branche se multiplient : grève nationale le 14 octobre pour la métallurgie, le 8 novembre pour la SNCF, le14 novembre pour La Poste et le même jour mais séparément pour le ministère des finances, le 21 novembre pour le secteur de la recherche. Et quand des ouvriers sont touchés par les"restructurations" et les fermetures d’usines ou réclament des augmentations de salaire, tout est fait pour enfermer ceux-ci dans leur usine par des occupations parfois de plusieurs semaines ou les isoler dans des actions coups de poing. Dans les Ardennes, par exemple, confrontés à la fermeture de Thomé-Génot, les syndicats ont maintenu la colère des 300 salariés dans les murs de l’usine (exception faite pour une journée-défouloir"Ardennes mortes"), durant des semaines - alors que toutes les autres usines du département sont menacées de fermeture d’ici 2008. A l’usine Alstom-Belfort, la grève d’une cinquantaine d’ouvriers partie des ateliers de machines électriques depuis le 13 novembre pour réclamer une augmentation de 150 euros sur le salaire de base et une prime de fin d’année de 1000 euros a été rapidement canalisée par les syndicats qui ont poussé les ouvriers à rester repliés dans l’usine. Ce que Libération du 24 novembre résume en une formule édifiante :"C’est une grève en vase clos". Car le but des manœuvres syndicales est de diviser les ouvriers, de les cloisonner entre eux, d’éparpiller leur riposte, d’épuiser leur combativité et d’écarter ainsi tout risque d’unification de leur luttes. A ce titre, la manifestation des pompiers civils professionnels du mardi 21 novembre pour la défense de leurs retraites et l’octroi d’une prime supplémentaire de risque est très révélatrice. Devant des conditions de travail de plus en plus intolérables et la baisse continuelle du salaire réel, ces travailleurs sont animés d’une grande combativité. Ils subissent ce que subit toute la classe ouvrière. Pourtant, c’est bien une journée d’action nationale particulière, avec des revendications spécifiques, qui fut organisée par les syndicats. Pire, ces forces d’encadrement ont organisé un véritable piège en appelant à manifester près du pont d’Austerlitz à Paris alors que les forces de l’ordre très nombreuses bloquaient tous les accès vers le centre de la capitale et obligeaient les manifestants à se replier vers les boulevards extérieurs. Tout a été fait pour que les pompiers très remontés se retrouvent coincés face à des CRS chauffés eux aussi à blanc. Le but était clair : créer des affrontements, des explosions de violence. La bourgeoisie a pu ainsi faire tourner en boucle sur les écrans de télévision les images de ces pompiers jetant tout ce qui leur tombait sous la main contre les flics dans une véritable bataille rangée. Là encore, il s’agissait de diviser la classe ouvrière, de l’effrayer, de la décourager d’entrer en lutte et surtout l’empêcher d’exprimer tout sentiment de solidarité. Chaque fois, les syndicats sabotent les luttes en les conduisant vers des pièges et des impasses en poussant les ouvriers vers l’isolement le plus complet dans l’usine, dans le cadre le plus corporatiste possible ou vers le déchaînement de la violence la plus aveugle. Toutes ces manœuvres visent à faire obstacle au besoins les plus vitaux de la lutte : la mise en œuvre de son extension et de la solidarité.
Il n’y a aucune illusion à se faire ni sur les élections, ni sur les syndicats qui sont des rouages du maintien de l’exploitation capitaliste au service de la classe exploiteuse et de son Etat. Devant la massivité des attaques, la prise en main des luttes par les travailleurs eux-mêmes est la seule réponse possible pour pouvoir affirmer, développer et unir leurs forces dans un même combat de classe !
Régis (25 novembre)
1 [943] Le Monde du 23 novembre 2006.
2 [944] Le Parisien du 24 novembre 2006.
Alors que la guerre qui vient de secouer le Liban est à peine terminée, après le retrait des troupes israéliennes, ce pays est à nouveau menacé de sombrer dans une nouvelle phase de chaos.
L’assassinat du ministre chrétien de l’industrie Pierre Gemayel (sixième dirigeant politique assassiné depuis un an) plonge un peu plus ce pays dans l’anarchie et le déchirement. Ses obsèques ont permis à des centaines de milliers de personnes d’exprimer leur colère contre la tutelle syrienne. Sous l’influence directe d’autres puissances, le fossé se creuse toujours un peu plus entre les communautés, Chrétiens et Sunnites se retrouvant très momentanément alliés contre les Chiites. Depuis l’échec de l’invasion israélienne, le poids politique du Hezbollah, pro-syrien et soutenu également par l’Iran, s’est considérablement renforcé au Liban. Ce petit pays du Proche-Orient cristallise à lui seul toutes les tensions impérialistes qui traversent l’ensemble de la région. Le drame libanais, comme l’ensemble du développement des tensions impérialistes dans le monde, est directement déterminé par l’affaiblissement croissant de la première puissance mondiale, les Etats-Unis. De ce fait, l’Etat d’Israël, principal allié de l’Oncle Sam dans toute la région du Moyen-Orient, ne peut lui-même qu’étaler au grand jour ses propres faiblesses. Par contrecoup, l’Iran s’affirme toujours davantage comme une puissance régionale aux appétits féroces. Son influence en Irak, comme au Liban aux côtés de la Syrie, ne pourra laisser les Etats-Unis et Israël sans réaction. Et ceci d’autant plus que les autres impérialismes, français et italien notamment, sous couvert d’intervention pour maintenir la paix au Liban, se sont précipités militairement sur le terrain afin d’y défendre leurs sordides intérêts. Le niveau de tensions qui se développe entre la France et Israël s’est affiché au grand jour récemment lorsque des avions de combat israéliens ont survolé le Sud-Liban. Les forces armées françaises ont réagi immédiatement en disposant leurs batteries anti-aériennes en position de tir.
Face à cette accumulation de tensions impérialistes, il ne pourra plus y avoir dans ce pays, devenu quasiment ingouvernable, de période de stabilité. Cette situation de guerre permanente et de chaos est celle qui se répand inexorablement dans tout le Moyen-Orient.
Depuis un mois, les territoires palestiniens de la bande de Gaza font de nouveau la une des médias bourgeois. Chaque jour qui passe y connaît son lot de violence et de tueries. Cette population déjà réduite à la misère la plus extrême (plus de 70% de la population se trouve au chômage) vit en permanence la peur au ventre et sa seule préoccupation est de tenter de survivre au quotidien.
Au début du mois de novembre, de nouvelles roquettes tirées depuis les territoires palestiniens de la bande de Gaza se sont abattues dans le Sud d’Israël, touchant plus particulièrement à la mi-novembre la ville de Sderot. En réponse à cette attaque, le ministre de la défense Amir Péretz a donné l’ordre à l’armée israélienne de développer une offensive aérienne et terrestre dans les territoire de la bande de Gaza. Les raids de l’aviation israélienne commencés au début du mois se sont alors multipliés. Dans la seule nuit du 15 au 16 novembre, cinq raids aériens ont été menés sur des maisons supposées abriter des militants du Hamas, dans les camps de réfugiés de Jabalia et Chatti ainsi qu’à Rafah. La bourgeoisie israélienne n’a eu aucun scrupule à proclamer cyniquement vouloir mener des opérations ponctuelles et des liquidations ciblées en bombardant des maisons en pleine agglomération. A Beit Hanoun, en un seul bombardement aérien, ce sont 19 civils palestiniens qui ont été tués. Ces raids n’épargnent évidemment personne, ni femmes, ni enfants, ni vieillards.
La bourgeoisie, quelle que soit sa nationalité, se moque éperdument des souffrances qu’elle provoque avec une violence redoublée, pour défendre ses sordides intérêts impérialistes. Quelle différence peut-il y avoir entre les attaques terroristes aveugles, perpétrées par des Palestiniens kamikazes fanatisés par la branche armée du Hamas et les raids aériens israéliens aveugles et meurtriers ? En réalité, il n’y en a aucune : chaque bourgeoisie ne fait qu’utiliser, au mépris de toute vie humaine, les moyens dont elle dispose, au mieux de ses intérêts de clique impérialiste. De ce fait, ce conflit israélo-palestinien ne peut que s’enfoncer dans la barbarie. Le retrait de l’armée israélienne de la bande de Gaza en septembre 2005, après 38 ans d’occupation militaire, ne signifiait en rien un retour au calme et encore moins une possibilité d’aller vers la paix. Depuis un an, la violence n’a fait que se développer pour connaître pendant ce mois de novembre une nouvelle accélération brutale. La dernière déclaration du ministre de la défense Amir Peretz donne le ton de ce qui va se passer dans les semaines à venir, lorsqu’il demande à l’état- major de l’armée israélienne de plancher "sur de nouvelles initiatives agressives dans la bande de Gaza." (cité par Courrier international du 17 novembre). Tandis que son collègue aux infrastructures, le travailliste Binyamin Ben Eliezer avance de son côté : "Il faut les poursuivre nuit et jour. Nous leur ferons voir ce qu’est la dissuasion. Si les tirs ne s’arrêtent pas, ils [les responsables du Hamas] n’auront pas de répit, à commencer par le premier ministre, Ismail Haniyeh, jusqu’au dernier des siens." (Idem)
L’Etat d’Israël, après son échec au Liban, est entraîné comme les Etats-Unis dans un processus d’affaiblissement irréversible. Cet affaiblissement du leadership américain et de son allié israélien ne peut qu’encourager toutes les autres puissances impérialistes, des plus grandes aux plus petites, à s’impliquer dans les conflits. La multiplication des affrontements au sein de l’ONU en témoigne. Ainsi, les Etats-Unis ont posé leur veto à la résolution soutenue par les membres du Conseil de Sécurité et proposée par le Qatar, et condamnant entre autres les opérations militaires israéliennes dans la bande de Gaza. De même, "l’initiative de paix" pour le Proche-Orient prise par la France et l’Espagne a été également immédiatement refusée par Israël et froidement accueillie par Washington.
Le Liban est un enjeu de la mêlée à laquelle se livrent ces bourgeoisies à travers le conflit israélo-palestinien pour défendre leurs intérêts particuliers. Au-delà du Liban lui-même, tous ces "défenseurs de la paix" ne font en définitive que chercher à déstabiliser leurs rivaux et à pousser les fractions rivales locales à s’entre-déchirer dans la région comme dans l’ensemble du Moyen-Orient, où ils ne font qu’attiser la guerre et le chaos.
Tino (25 novembre)
Hier encore, patrons, gouvernement et syndicats affirmaient en chœur aux travailleurs de Volkswagen : si vous acceptez plus de flexibilité et une accélération des cadences, vos emplois seront sauvegardés. On voit aujourd’hui ce que valent ces belles promesses : 4000 licenciements directs et 8 à 10 000 licenciements indirects.
Depuis plusieurs jours, à coups d’émissions en direct et d’éditions spéciales, les médias bourgeois étalent tout le désarroi des travailleurs de VW jetés à la rue comme de vulgaires Kleenex. Le message que la bourgeoisie veut faire passer est clair : c’est triste et regrettable mais il n’y a rien à faire, ce sont les lois de l’économie et les conséquences de la mondialisation. Cela ne sert à rien d’opposer une résistance, car la logique de la concurrence capitaliste s’imposera de toute façon. La seule manière de s’en sortir est d’être plus compétitif et donc d’accepter encore plus de sacrifices, demandés par nos exploiteurs dans l’intérêt de la sauvegarde de l’économie nationale.
Mais ces " lois de l’économie de marché", ce sont les lois du capitalisme, leurs lois à eux : patronat et gouvernements. Des lois qui conduisent à un cycle sans fin de licenciements, de délocalisations, et de baisses des salaires. Des lois qui imposent aux ouvriers des pays industrialisés un rythme de travail et une flexibilité insupportables, et à leurs frères de classe des pays " émergents " des conditions de travail inhumaines.Quant à la solidarité qui nous est demandée avec le patronat et le gouvernement de " notre pays ", c’est la garantie de devoir encore subir plus de plans d’austérité ou de flexibilité au nom de " la compétitivité de ‘notre’ économie", c’est-à-dire au nom de la défense des taux de profit de la bourgeoisie belge dans la guerre de concurrence impitoyable qu’elle mène avec ses congénères, c’est la garantie d’être opposé aux travailleurs des autres pays dans une spirale sans fin de baisses des salaires, de hausses de productivité et de dégradation des conditions de vie.
Après les licenciements massifs à Renault Vilvorde, la SNCB, la Sabena, Ford Genk, DHL, Inbev ou AGFA Gevaert, avec demain peut-être Opel et, une fois de plus, la Poste, après "le pacte des générations" pour la compétitivité ou l’emploi, qui a réduit nos salaires et augmenté la flexibilité jusqu’à des niveaux effroyables, quelle perspective offre cette spirale d’austérité et de concurrence effrénée ? L’expérience des semaines passées à VW confirme ce que de plus en plus de travailleurs commencent à ressentir : l’économie capitaliste n’a rien à offrir que la paupérisation, l’insécurité et la misère sans fin.
La soi-disant surprise de la bourgeoisie belge face à la brutale attaque à VW n’est que pure hypocrisie. Ce séisme social tombe bien à point pour elle au moment où doit se conclure un nouvel accord interprofessionnel devant fixer la " modération salariale " dans l’ensemble de l’industrie. Ce n’est d’ailleurs pas par hasard si, plusieurs semaines avant l’annonce des licenciements massifs, des rumeurs, savamment distillées, couraient déjà sur différents scénarios de licenciements. Aussi, dès que les chiffres se sont concrétisés, la bourgeoisie et ses syndicats étaient sur place pour encadrer la colère, diviser les travailleurs et en faire une démonstration d’impuissance pour l’ensemble de la classe ouvrière.
Dès avant l’annonce définitive, les syndicalistes socialistes pointaient du doigt les responsables : les coupables n’étaient pas le patronat ni l’Etat bourgeois, mais les travailleurs allemands et "leurs "organisations syndicales qui, pour sauver leurs emplois, auraient sacrifié VW-Forest ! Quel mensonge répugnant ! Les travailleurs allemands, comme ceux de tous les pays, sont tout autant victimes de l’agression capitaliste. Nos ennemis, ce ne sont pas nos frères de classe d’un autre pays ou d’une autre région : ils subissent les mêmes attaques sauvages sur leurs conditions de vie ou de travail. Non ! Notre ennemi, c’est le capitalisme qui engendre fatalement cette logique infernale d’exploitation accrue et de licenciements, cette logique de compétition économique et guerrière de par le monde. En réalité la bourgeoisie et ses syndicats (en Belgique comme en Allemagne) jouent un jeu crapuleux en montant les ouvriers d’un pays contre ceux d’un autre à travers un immonde chantage aux salaires et à l’emploi
En braquant les projecteurs de l’ensemble des médias sur la colère impuissante et le désarroi des ouvriers à VW, l’objectif de la bourgeoisie et des organisations syndicales est d’étaler ce sentiment d’impuissance sur l’ensemble de la classe ouvrière de Belgique. La signification du message est claire : si ce puissant contingent, qui s’est régulièrement fait remarquer par ses luttes et sa combativité (les médias se plaisent à rappeler que l’usine avait la réputation dans les années 1990 d’être une usine "gréviste ") ne peut s’opposer à de telles mesures, alors la classe ouvrière ne le pourra nulle part en Belgique.
Le développement de ce battage n’est pas innocent. Gouvernement, patronat et syndicats sont inquiets face au développement d’un sentiment de colère un peu partout dans la classe ouvrière, sentiment qui commence à se manifester par une reprise du chemin des luttes dans de nombreux secteurs. C’est pour faire barrage à cette montée des conflits que la bourgeoisie essaie de faire passer ce sentiment d’impuissance et de fatalité.
Les organisations syndicales sont parvenues à éviter l’éclatement de la lutte à VW. Ils ont demandé aux ouvriers de rester isolés chez eux à la maison, sans informations ni perspectives, dépendant du bon vouloir des patrons et des négociations à venir. Ils ont ensuite imposé aux ouvriers non pas une lutte active, mais une grève interminable (annoncée jusqu’au 15 décembre, le jour de la notification officielle des décisions en Allemagne), où chacun est resté isolé chez soi. La seule préoccupation des syndicats est de "rester digne", de " préserver l’outil de travail", de "ne pas occuper le site" sous le fallacieux prétexte de ne pas fâcher le patronat qui, disent-ils, tiendrait compte de "cette attitude responsable" ! Purs bobards ! Les syndicats dévoilent là leur véritable nature de défenseurs des intérêts du capitalisme contre les intérêts des travailleurs !
C’est pourquoi, afin de ne pas apparaître comme de purs et simples saboteurs, ils organisent une mascarade de solidarité autour du cas de VW. C’est une mascarade parce que ce n’est en rien une réelle solidarité dans la lutte afin de faire plier, tous ensemble, le patronat et le gouvernement, mais un simulacre de solidarité consistant à organiser une manifestation nationale sans lendemain le 2 décembre et à envoyer quelques délégations syndicales dans les autres usines automobiles pour y rencontrer leurs homologues syndicalistes et quémander leur "soutien". C’est une véritable mascarade puisque tout cela est fait dans le seul but de "négocier avec les patrons les moins mauvaises conditions de licenciements", d’appuyer le gouvernement dans son "exigence" "d’un nouveau projet industriel" et de discuter le "reclassement" des milliers de sans-emploi … aux conditions du "Pacte des générations" c’est-à-dire avec obligation d’accepter n’importe quel travail à n’importe quelles conditions sous peine de perdre ses droits aux allocations !
Toute l’histoire montre aussi que seule l’extension de la lutte aux autres fractions de la classe ouvrière est capable, même temporairement, de faire reculer la bourgeoisie. Et, vu l’effervescence parmi les travailleurs de nombreux secteurs, vu les menaces de licenciements dans d’autres usines, de telles possibilités d’extension ne sont nullement imaginaires. Mais cela signifie aussi que la solidarité ouvrière et l’extension des luttes ne peuvent être réalisées que par les ouvriers eux-mêmes. Ceci exige des assemblées massives et souveraines, prises en main par les ouvriers au travers d’une participation massive de tous et de tous les secteurs en lutte. Ceci ne peut être réalisé qu’en se confrontant au sabotage syndical et sous le contrôle direct des ouvriers en lutte.
Pour cela, il nous faut prendre exemple sur les combats récents (comme les luttes contre le CPE en France, les grèves du métro de New-York en décembre 2006 ou encore celle des métallurgistes à Vigo en Espagne au printemps dernier), où sont réapparues les marques de solidarité prolétarienne, les assemblées générales sous le contrôle des ouvriers ainsi que l’exigence de négocier directement, sans la médiation syndicale.
D’après Internationalisme, organe du CCI en Belgique ( 24 novembre 2006)
La campagne pour l’investiture socialiste en vue des prochaines élections présidentielles a ENFIN touché son but et the winner is… Ségolène Royal. Le 16 novembre, le beaujolais nouveau est arrivé, le candidat PS aussi !
L’éléphant accouche de sa souris mais diable que ce fût long et bruyant ! Il aura fallu presqu’un an de gestation et surtout de gesticulations pour en arriver à ce résultat. De l’éclosion à l’explosion médiatique de Madame Royal, jusqu’au bouquet final de la "guerre des 3 roses" (opposant Fabius, Royal et DSK au cours de 6 débats publics dont 3 diffusés sur les chaînes parlementaires), en passant par la capitulation de Jack Lang et celle de Lionel Jospin, l’épopée des candidats à la candidature socialiste nous aura été présentée sous toutes les coutures.
Sur le modèle des primaires américaines et italiennes, la bourgeoisie française a très clairement voulu faire de ces élections internes au Parti Socialiste un enjeu colossal ! "Mais qui sera le candidat désigné pour défendre les couleurs du PS en 2007 ?" La question n’a pas cessé de tourner en boucle sur les plateaux de télé, dans la presse et sur Internet. Depuis le mois de septembre, pas moins de 25 sondages ont été commandés et diffusés sur ce thème. Certains journaux, à l’image du Parisien, en ont tellement abusé qu’ils ont fini par décider de "lever le pied" pour ne pas donner l’impression de participer "à la canonnade sondagière".
Le soir du 16 novembre, la tension était donc fatalement à son comble… jusqu’à l’écrasante victoire du clan Royal. Evidemment, cette mise en haleine et ce suspense quasi hitchcockien ne pouvaient viser qu’un seul objectif, celui d’embrouiller les consciences en suscitant le maximum d’intérêt pour les élections présidentielles à venir. Ainsi, à la veille du vote interne, Madame Royal, savante dans l’art de faire monter la pression, déclarait solennellement dans une ultime vidéo : "Le 16 novembre c’est déjà le premier tour du vote de 2007." Rien que ça !
Monsieur Hollande (candidat plus que sérieux au titre de "première dame de France") ne s’est pas trompé en qualifiant de "belle réussite" cette "procédure inédite" de sélection du prétendant socialiste au trône élyséen.
En effet, pour la classe dominante, ce déluge médiatique est une "belle réussite" parce qu’il permet de raviver la vieille illusion selon laquelle le bulletin de vote peut être source de changement et d’avenir.
"Aux urnes citoyens !" ; la bourgeoisie découvre avec le cirque pré-électoral des primaires, un excellent moyen de polariser les esprits (bien avant l’heure) sur ce même choix pourri qu’elle nous resservira d’ici quelques mois : "Alors ? La peste ou le choléra ?"
Au cours de cette campagne interne au PS, la bourgeoisie a tenté de nous faire croire que trois gauches s’affrontaient avec trois "projets d’avenir" radicalement différents. "Laurent Fabius incarne un socialisme étatique et républicain de gauche, Dominque Strauss-Kahn une social-démocratie rénovée, tandis que Ségolène Royal prône une démocratie participative…" (Le Monde du 9 novembre 2006). Au bout du compte, ce qui devait impérativement ressortir de cette campagne, c’est l’image d’une "renaissance du PS", "plus à gauche", "plus moderne", "plus démocratique" ou "plus de n’importe quoi", peu importe pourvu que l’on fasse avaler aux travailleurs que quelque chose de neuf s’est produit à gauche et peut encore se produire pour leur propres destinées s’ils votent judicieusement pour cette "promesse d’avenir" en 2007.
"Le PS nouveau est arrivé" et il faut bien dire que le triomphe de Ségolène Royal reste l’option la plus crédible pour donner chair à cette supercherie. "Parce que c’est ELLE", comme l’a dit Jack Lang ; parce qu’ "une femme enfin est en mesure de l’emporter à la présidentielle !", d’après Libération ; "le peuple français est en train d’écrire une nouvelle page de son histoire", selon Madame Royal en personne. Voilà la nouveauté ? La belle affaire ! Une femme chef de file du PS et, peut-être, présidente. En quoi cela changerait-il la nature du PS et la face du monde ? C’est simple… en rien !
DSK, Fabius et Royal ont eu beau faire des ronds de jambes sur le trottoir de la rue Solférino pour aguicher le chaland, on ne sait que trop bien l’odeur fétide de leur camelote.
La reconversion sur le tard de Monsieur Fabius en chantre du "socialisme vraiment social" ("si, si, cette fois c’est promis, on vous le jure !") ne fait que difficilement illusion. Il faut dire que l’animal a un pedigree plutôt gratiné.
"Pour ceux qui sont en haut du panier tout va très bien, ils ont tout […] Et les autres ?"
"Je me suis toujours senti proche des pauvres…". Ce doit être pour cela que ce bon Fabius, Premier ministre de 1984 à 1986, avec ses copains "socialos", a lancé le fameux "plan acier" en 1984. Un plan de restructuration du secteur sidérurgique (sous couvert de "modernisation" industrielle) qui a laissé sur le carreau des milliers d’ouvriers. La Lorraine se souvient encore de cette suppression massive d’emplois. Un an plus tard, il lancera les TUC (travaux d’utilité collective) rémunérés à la moitié du SMIC. Voilà le Fabius authentique, pionnier de la précarisation du travail. Alors, quand il se présente en 2006 avec pour slogan "à gauche toute", on ne peut s’empêcher de penser que sa reconversion aurait été plus simple et naturelle… sur la voie du grand comique.
Quant à Royal et DSK, ils ont un passé tout aussi remarquable en tant que têtes d’affiche de cette gauche plurielle conduite par Jospin en 1997. Une gauche qui a su nous prouver, une nouvelle fois au pouvoir, tout ce qu’elle avait de "social" à travers sa chasse aux immigrés, la flexibilisation du travail, l’intensification des cadences de production via l’instauration des 35h (inspirées par DSK alors ministre de l’économie) ou encore la réforme du système de santé entamée par Martine Aubry.
Le PS a-t-il aujourd’hui un programme différent de celui d’hier ? Peut-il proposer une autre politique que celle consistant à taper toujours plus fort sur les travailleurs ? Il est évident que non ! Le projet du PS adopté au congrès du Mans en novembre 2005, démagogique à souhait comme il se doit en ces circonstances électorales, nous laisse cependant un avant-goût des prochaines rafales qu’il réserve à la classe ouvrière. Ainsi, le programme d’entrée dans la vie active, nommé plantureusement EVA, n’augure rien moins qu’un retour du CPE… à la sauce Royal bien entendu.
Les propositions avancées par la candidate socialiste ne laissent d’ailleurs subsister aucun doute quant à la nature irrémédiablement anti-ouvrière du PS. "Il est devenu insupportable de défaire la nuit ce que Pénélope a fait le jour. Je ne déferai pas pour le plaisir ce qu’a fait la droite." (Ségolène Royal interviewée par les lecteurs du Parisien dans son édition du 23 février)
Précarité, flexibilité et flicage… le la est donné par cette autre brave Pénélope fidèle à son Parti et à sa classe, celle des exploiteurs.
Dans un entretien au Financial Times, le 2 février, Royal expliquait en effet que "Tony Blair a été caricaturé en France, cela ne me dérange pas de me référer à certaines de ses idées… il a obtenu un véritable succès en mettant en avant plus de flexibilité…"
De même, Ségolène Royal compte plus que jamais poursuivre les suppressions de postes dans le secteur public. Sa déclaration au sujet du temps de travail des enseignants lors d’une réunion socialiste à huis clos, diffusée sauvagement sur fonds de règlements de compte par le clan Strauss-Khan, est de ce point de vue très explicite : "… moi j’ai fait une proposition, par ailleurs je vais pas encore la crier sur les toits… que les enseignants restent 35h au collège…" Ne pas remplacer les départs d’enseignants, administratifs ou surveillants, implique effectivement d’augmenter le temps de présence et la charge de travail des profs. Tout ceci s’inscrit logiquement dans la politique du dégraissage, l’interminable cure d’amaigrissement des effectifs de l’Education Nationale.
Aussi, la nouvelle star du PS n’a pas oublié de s’exprimer sur le flicage de la classe ouvrière en planifiant d’ores et déjà le renforcement de l’encadrement syndical. Il faut dire que l’idée de départ de Madame Royal était ni plus ni moins que l’adhésion obligatoire aux syndicats. Enfin, la chasse aux immigrés sera toujours de mise (cela va sans dire) mais "dans le respect de la personne", les clandestins sauront apprécier cette délicate attention.
"Exploitation, ordre et sécurité", c’est tout le programme de ce "socialisme rénové" et de sa candidate. "L’ordre juste" (formule de campagne de Ségolène Royal) ou "juste l’ordre", c’est effectivement l’essence du projet de la social-démocratie et cela depuis qu’elle est passée avec armes et bagages, il y a près d’un siècle, dans le camp de la défense du capital.
Azel (18 novembre 2006)
Le 1er novembre 2006, à Vienne (Autriche), la Confédération Syndicale Internationale (CSI) a vu le jour en regroupant, en son sein, 330 syndicats en provenance de 156 pays. Cette jonction des forces syndicales dans une seule et même instance a été saluée par tous les médias comme un "grand événement de portée historique", mettant fin à une division syndicale héritée de la période de la "guerre froide".
En effet, cette CSI réunit désormais sous une même bannière les trois grands courants syndicaux d’obédience social-démocrate, chrétienne et stalinienne, c’est-à-dire les entreprises d’embrigadement idéologiques les plus massivement utilisées depuis un siècle contre la classe ouvrière
En France, les quatre principales centrales syndicales (FO, CGT, CFDT, CFTC) figurent désormais parmi les adhérentes de cette nouvelle structure. A côté de ces vieilles boutiques traditionnelles, ce bric-à-brac a également fait l’amalgame de syndicats plus récents qui ont particulièrement pullulé au cours des deux dernières décennies dans le "tiers-monde" face au développement international des luttes ouvrières : en Afrique, en Asie ou en Amérique latine (comme la CUT au Brésil ou le COSATU en Afrique du Sud). Puisque "la valeur n’attend pas le nombre des années", c’est tout naturellement que ces "jeunots" ont fait, partout, leurs preuves en tant que saboteurs acharnés du combat ouvrier.
La "création" du CSI nous est aujourd’hui présentée par l’ensemble de la presse comme l’émergence d’un organe "unifié" de luttes contre les méfaits de la "mondialisation"… Les objectifs de la CSI parlent d’eux-mêmes. Il ne s’agit évidemment nullement de développer la lutte de classes ni d’œuvrer au renversement du capitalisme mais de "changer la mondialisation afin qu’elle fonctionne en faveur des travailleuses et des travailleurs, des sans-emploi"… Sa première initiative serait "d’organiser une journée d’action mondiale afin de réclamer une action internationale immédiate pour formuler et mettre en œuvre l’agenda d’une nouvelle mondialisation". Plus langue de bois et plus creux, tu meurs! Et pour les plus "radicaux" de ces Messieurs (ardents défenseurs de ce regroupement) il s’agirait là, carrément, "d’une nouvelle Internationale". C’est en particulier le cas de l’organisation trotskiste LCR qui lui consacre une double page dans son hebdomadaire Rouge du 2 novembre : "Les internationalistes que nous sommes ne peuvent que se réjouir de ce mouvement. Travailler à l’unité de la classe ouvrière mondiale est bien la réponse appropriée à la phase actuelle du développement capitaliste." Quelle imposture ! En fait de "travail à l’unité de la classe ouvrière mondiale", tous ces syndicats sont ceux qui depuis des lustres travaillent sans relâche CONTRE LA CLASSE OUVRIERE, POUR SA DIVISION. C’est à eux que revient la tâche de faire gober aux prolétaires toutes les attaques comme tous les plans de licenciements décidés par la bourgeoisie et les gouvernements. Ce sont eux qui assument directement la gestion des organismes sociaux comme l’assurance maladie, les mutuelles, l’assurance chômage, les caisses de retraite et qui ont participé en première ligne au démantèlement de la protection sociale, au recul de l’âge de la retraite, aux attaques contre la sécurité sociale, à la baisse d’indemnisation des chômeurs, à la hausse des cotisations sociales, etc... Ce sont toujours eux qui, dans tous les pays, sabotent les luttes par la promotion qu’ils font de l’enfermement usiniste, corporatiste ou sectoriel, du particularisme, et de l’isolement en tout genre… Ils ont depuis un siècle partout la même fonction. Rouages parfaitement intégrés à l’appareil d’Etat, ils tentent d’encadrer la classe ouvrière et de dévoyer ses luttes sur le terrain de la gestion du capital. Pourquoi faire aujourd’hui une CSI, cette escroquerie qui ne peut que proposer une énième contrefaçon de la lutte de classe ? D’abord pour tenter de redorer le blason terni du syndicalisme. Enfin, et surtout, la bourgeoisie est contrainte d’organiser un contre-feu face à une remontée internationale de la lutte de classe qui s’affirme depuis trois ans. C’est parce qu’il existe et se développent au sein de la classe des besoins réels d’unité, d’extension, de solidarité, d’internationalisation que les syndicats cherchent à les reprendre à leur compte pour les dénaturer avec l’appui de toute la bourgeoisie.
La CSI est bien une internationale, mais elle est uniquement celle des syndicats contre la classe ouvrière. Un bel exemple de solidarité et d’entraide entre syndicats de tous les pays pour que chacun puisse profiter de l’expérience accumulée par les autres en matière de sabotage des luttes. "Ensemble, on est plus fort"… La bourgeoisie a toujours su mettre de côté ses dissensions pour faire front commun face au danger prolétarien.
Il faut se souvenir qu’il n’y a pas si longtemps, en 1980, la horde syndicale venue d’Occident accourait en Pologne afin de mettre sur pied et consolider le nouveau syndicat Solidarnosc dans le seul but d’étouffer la lutte massive que les ouvriers avaient enclenchés.
Regroupés en "Internationale" ou pas, les syndicats n’en continueront pas moins à poursuivre exactement leur sale boulot qui en font les ennemis farouches de la classe ouvrière.
W. (21 novembre)
Pour la population vivant en Irak, la vie quotidienne est devenue insupportable. Chaque jour apporte son lot nouveau d’attentats, de destructions et de morts. La soif de destruction ne semble plus avoir de limites. Le jeudi 23 novembre, Bagdad a connu son attentat le plus meurtrier, et de loin, depuis 2003 et le déclenchement de la guerre. La cible principale était Sadr City, l’immense quartier populaire chiite de la capitale irakienne. Voitures en flammes, cadavres calcinés, échoppes ravagées, tout le quartier offrait un air de désolation. Cet attentat, dans lequel au moins quatre véhicules bourrés d’explosifs ont été détruits, aurait fait plus de 152 morts et 236 blessés. Au même moment, une centaine d’hommes armés attaquaient le ministère de la santé, contrôlé par Ali al Chémari, partisan de Moqtada Sadr, l’imam radical chiite et chef d’une milice puissamment armée. L’Irak est en plein chaos. La guerre fait rage entre Chiites et Sunnites. Le gouvernement ne contrôle plus rien. Quant à l’armée américaine, elle est stationnée dans des camps retranchés, dont elle ne sort plus que pour mener des opérations coup de poing, qui se soldent à chaque fois par des morts supplémentaires, dans la population civile et au sein de l’armée elle-même. Pour les Etats-Unis, cette guerre est un échec cuisant. Rien ne semble pouvoir empêcher l’enlisement définitif des Etats-Unis dans ce bourbier Irakien.
Les élections qui viennent de se dérouler dans ce pays ont donné pour la première fois depuis douze ans le contrôle des deux chambres du Congrès américain au parti démocrate. Il faut remonter à 1974 pour voir ce dernier gagner autant de sièges en une seule élection. Le président Bush lui-même a parlé d’une "raclée" infligée à son parti. Mais toute la presse bourgeoise américaine est unanime, ce rejet de Bush et du parti conservateur est avant tout : "une réaction à la guerre en Irak…" (Washington Post cité par Le Monde du 9 novembre 2006) La guerre en Irak et en Afghanistan est en train de devenir plus onéreuse que la tristement célèbre guerre du Vietnam. Depuis 2001, 502 milliards de dollars ont déjà été dépensés pour la "guerre contre le terrorisme." Sans cesse, la population américaine apprend que de tout jeunes soldats y perdent presque chaque jour leur vie. Et tout cela pourquoi ? En Irak tout le monde sait maintenant que la paix ou la stabilité sont devenues des mirages. Quant au terrorisme, il ne cesse de s’y développer. Avec cette guerre, l’affaiblissement accéléré de la première puissance mondiale s’étale au grand jour. La très grande majorité de la bourgeoisie américaine, y compris au sein du parti conservateur de George Bush, cherche à tout prix les moyens de se sortir de cette impasse. Déjà, depuis quelques mois, la bourgeoisie américaine avait tenté de réagir. Elle a créé à cet effet une commission formée de personnalités républicaines et démocrates, intitulée : "Groupe d’étude sur l’Irak". Ce groupe, co-présidé par James Baker, vieux routier de la politique internationale des Etats–Unis, réfléchissait sur les moyens de sortir le pays de cette crise. Cette éminence grise de la bourgeoisie américaine a sans contestation aucune pris de plus en plus de poids auprès de George Bush au détriment de ses conseillers habituels. Robert Gates, ami de James Baker et membre du même groupe de travail sur la question irakienne a été nommé à la place de Donald Rumsfeld, au sein de l’administration Bush. En public, James Baker a dévoilé les différentes options qui sont actuellement discutées au sein de son groupe d’étude et de l’administration américaine. Il aurait été envisagé de découper l’Irak en trois régions autonomes. Cette option surréaliste proposée par le démocrate Joe Biden, conduirait tout droit à une guerre civile permanente, totale et incontrôlable, qui serait un facteur de premier ordre pour accélérer la déstabilisation de l’ensemble de la région. La deuxième option proposée par Lawrence Korb, du "Tink tank Center for Americain Progress", consisterait à déplacer les troupes américaines vers des pays voisins, d’où ils ne se rendraient plus en Irak que pour des actions coups de poing. Cette option, en plus de la généralisation totale du chaos en Irak, se traduirait inévitablement par une accélération du discrédit du leadership des Etats-Unis dans le monde. Un tel camouflet pour une première puissance mondiale déjà mal en point, serait tout à fait insupportable. L’impasse des Etats-Unis en Irak est telle que cette même commission, par l’entremise de James Baker, affirme en accord avec une grande partie de la classe politique américaine sa volonté d’ouvrir le dialogue avec la Syrie et l’Iran. Il propose tout simplement que la diplomatie américaine s’oriente vers de nouvelles négociations régionales. Au moment-même où la Syrie et l’Iran affichent toujours plus fortement leurs propres appétits impérialistes en défiant ouvertement les Etats-Unis, cette nouvelle orientation diplomatique se révèle au niveau international comme un véritable aveu d’impuissance.
Les résultats des élections aux Etats-Unis ont été salués avec enthousiasme par la presque totalité de la classe politique américaine, démocrates et républicains confondus. Tout au long de la campagne électorale, les démocrates n’ont cessé de critiquer la politique extérieure de l’administration Bush, répétant qu’il faudrait une nouvelle orientation de la politique en Irak, sans pour cela pouvoir préciser celle qui avait leur approbation. En réalité, les Etats-Unis ne peuvent pas quitter l’Irak sous peine de perdre toute crédibilité internationale. La bourgeoisie américaine ne se fait d’ailleurs plus aucune illusion sur ce sujet : "Ce n’est pas tant que les Etats-Unis et le Royaume-Uni ne disposent plus d’options sur le terrain. L’ennui, c’est qu’aucune n’est bien reluisante." (The Observer cité par Courrier International le 16 novembre 2006). Quelle que soit la politique suivie dans les mois à venir, l’affaiblissement des Etats-Unis va continuer de s’étaler au grand jour, favorisant la montée des appétits impérialistes de toutes les autres puissances et la fuite en avant dans le chaos.
Rossi (26 novembre)
Fin octobre 2006, une conférence d'organisations, groupes et militants internationalistes a été convoquée en Corée du Sud par l'Alliance Politique Socialiste (SPA). Le SPA est (à notre connaissance) la première expression organisée en Extrême-Orient sur la base des principes de la Gauche communiste et cette conférence était certainement la première du genre. Le CCI lui a apporté son plein soutien en envoyant notamment une délégation pour y participer.
Peu avant la Conférence, l’Etat nord-coréen annonçait triomphalement l'explosion de sa première bombe nucléaire, déclenchant ainsi une série de manœuvres de la part d’autres différentes puissances impérialistes présentes dans la région (États-Unis, Chine, Japon, Russie, Corée du Sud). Face à cette aggravation dramatique des tensions inter-impérialistes dans la région, et après un large débat, les participants à la conférence ont adopté une déclaration défendant l’internationalisme prolétarien.
La présence d'une telle voix internationaliste en Corée est un réel pas en avant pour le prolétariat, non seulement de ce pays mais de tout l'Orient et bien au-delà encore.
En 1927, le massacre des ouvriers de Shanghai a marqué le dernier épisode de la lutte révolutionnaire qui a secoué le monde suite à la Révolution d'octobre 1917 en Russie. Les années suivantes, la classe ouvrière, et l'humanité toute entière, a subi l'horreur de la contre-révolution la plus terrible que le monde ait jamais connue. En Extrême-Orient, les masses laborieuses ont alors subi, entre autres calamités, la Seconde Guerre mondiale avec la bombe atomique sur Hiroshima et Nagasaki, la guerre de Corée, la famine provoquée par le "Grand Bond en Avant" de la Chine maoïste, la guerre du Vietnam, etc... En Corée, les destructions causées par la guerre de 1950-53, l'occupation par les troupes américaines et leur soutien à la dictature militaire en place jusqu'en 1988, ainsi que la division en deux du pays, ont donné une coloration particulière aux expressions nationalistes du gauchisme local, caractérisé par un fort sentiment anti-américain et un soutien ouvert (ou à peine voilé) au régime stalinien qui sévit en Corée du Nord.
Ainsi, le fait qu'une telle déclaration ait pu être adoptée en Corée, dans une conférence appelée par un groupe qui s'identifie explicitement à la Gauche communiste, afin de dénoncer non seulement l'impérialisme américain mais aussi l’Etat nord coréen, désigné sans ambiguïté comme de nature capitaliste, revêt donc une importance historique toute particulière.
Suite à l'annonce de l'expérience nucléaire en Corée du Nord, nous, communistes internationalistes réunis à Séoul et Ulsan :
1) Dénonçons le développement d'une nouvelle capacité nucléaire entre les mains d'un autre État capitaliste : la bombe nucléaire est l'arme ultime de la guerre inter impérialiste, sa seule fonction étant l'extermination massive des populations civiles en général et de la classe ouvrière en particulier.
2) Dénonçons sans réserve ce nouveau pas vers la guerre accompli par l'Etat capitaliste de Corée du Nord qui a ainsi démontré une nouvelle fois (si cela était nécessaire) qu'il n'a absolument rien à voir avec la classe ouvrière ou le communisme, et qu'il n'est pas autre chose qu'une version extrême et grotesque de la tendance générale du capitalisme décadent vers la barbarie militariste.
3) Dénonçons sans réserve la campagne hypocrite des États-Unis et de leurs alliés contre leur ennemi Nord-Coréen qui n'est pas autre chose qu'une préparation idéologique pour déchaîner – lorsqu'ils en auront la possibilité- leurs propres frappes préventives dont les populations travailleuses seront les principales victimes, comme c'est le cas aujourd'hui en Irak. Nous n'avons pas oublié que les Etats-Unis sont la seule puissance à s'être servie des armes nucléaires, lorsqu'ils ont annihilé les populations civiles de Hiroshima et Nagasaki.
4) Dénonçons sans réserve les prétendues "initiatives de paix" qui sont en train d'apparaître sous l'égide d'autres gangsters impérialistes tels que la Chine. Ces derniers ne sont nullement préoccupés par la paix mais bien par leurs propres intérêts impérialistes dans la région. Les travailleurs ne peuvent accorder la moindre confiance aux "intentions pacifique" d'aucun État capitaliste.
5) Dénonçons sans réserve toute tentative de la bourgeoisie sud-coréenne, sous prétexte de la protection de la liberté nationale ou de la démocratie, de prendre des mesures répressives contre la classe ouvrière ou contre des militants dans leur défense des principes internationalistes.
6) Affirmons notre entière solidarité envers les travailleurs de la Corée du Nord et du Sud, de Chine, du Japon, de Russie qui seront les premiers à souffrir en cas d'un déclenchement des affrontements armés.
7) Déclarons que seule la lutte des ouvriers à l'échelle mondiale peut mettre fin pour toujours à la menace de la barbarie, de la guerre impérialiste et de la destruction nucléaire qui est suspendue sur l'humanité sous le capitalisme.
Cette déclaration a été signée par les organisations et groupes suivants : Alliance politique socialiste (Corée), réunion du groupe de Séoul du 26 octobre 2006, Courant communiste international, Perspective internationaliste.
Un certain nombre de camarades présents à la Conférence ont également signé la déclaration sur une base individuelle : SJ (Groupe de Séoul pour les Conseils ouvriers), MS (Groupe de Séoul pour les Conseils ouvriers), LG, JT, JW (Ulsan), SC (Ulsan), BM.
Depuis l’hiver 2003, un véritable génocide se déroule au Darfour, région de l’Ouest du Soudan et limitrophe du Tchad. On compte officiellement plus de 300 000 morts et 2,5 millions de personnes déplacées dans des camps où aucune sécurité n’est assurée, tandis que d’autres sont en errance dans une zone comprise entre le Tchad et le Soudan, mourant de faim et subissant les attaques des bandes armées plus ou moins contrôlées qui gangrènent la région. Les villages sont régulièrement pilonnés par l’aviation soudanaise et la population est soumise, avec l’appui du gouvernement qui les paie, aux exactions des "janjawids", milices sanguinaires apparues en 1988 au Darfour suite à la défaite de Khadafi au Tchad et du retrait de son allié tchadien, protégé par Khartoum, dans cette région.
Ces derniers violent femmes et enfants, pillent, brûlent les villages et les champs, attaquent le bétail, menant une politique de destruction systématique.
Ce n’est qu’en juillet 2004 que l’ONU, en la personne de Kofi Annan, commencera à "s’inquiéter" de la situation, mettant en avant un conflit "ethnique et racial". Et, malgré les déclarations de bonnes intentions, les pseudo-menaces de mesures de rétorsion, les conditions n’ont fait qu’empirer. Et ce ne sont pas les quelque 7000 soldats, sans moyens, sans directives claires, envoyés par l’Union Africaine, qui pouvaient les faire changer. En janvier 2005, l’ONU parle clairement de "crimes contre l’humanité" et appelle, avec sa deuxième résolution n°1593, la Cour pénale internationale à engager des poursuites à l’encontre des responsables des crimes commis. En août 2006, le Conseil de sécurité de l’ONU vote l’envoi de 17 000 soldats et 3000 policiers que refuse Omar al-Béchir, le président soudanais, qui la considère comme une "invasion".
Aujourd’hui, alors que l’Etat soudanais accentue sa pression militaire sur les mouvements rebelles, principalement l’Armée de libération du Soudan, dont la montée a été le prétexte au déchaînement de cette violence, les exactions sur la population redoublent. Et c’est à présent au Tchad, qui soutient les groupes rebelles à Khartoum sous l’œil bienveillant de la France, qui lui-même apporte une aide aux rebelles tchadiens, et en Centrafrique, que s’exportent les tueries, tandis que l’ONU se montre toujours aussi impuissante, malgré les "discussions très bonnes et constructives" d’Addis-Abeba.
En réalité, ce panier de crabes se contrefiche des populations et les tergiversations dont il est l’objet expriment avant tout les différences d’intérêt des uns et des autres. En fait de conflit racial, le Darfour est la résultante des dissensions entre les grandes puissances. Car le Soudan et son pétrole sont particulièrement courtisés par les pays développés, ce qui lui permet de continuer et d’accentuer sa politique de terre brûlée au Darfour. Il en est ainsi des Etats-Unis, qui ont imposé pour la galerie un de ces embargos sur les armes dont on connaît l’inefficacité, et de la Grande-Bretagne qui s’est carrément opposée à toute intervention militaire. La France encore, dont les accointances déjà existantes avec le Soudan l’ont amenée à fermer les yeux. Ce n’est qu’aujourd’hui avec les risques de déstabilisation du Tchad et du Centrafrique, deux de ses derniers bastions en Afrique, que le gouvernement souhaite "stabiliser le Darfour" pour éviter un effet domino. Autrement dit, tant qu’ils crèvent au Darfour, ce n’est pas important mais qu’ils ne viennent pas semer la pagaille dans les chasse-gardées françaises !
Quant à la Chine, vendeuse particulièrement active d’armes dans le monde, elle a trouvé là une aubaine pour l’écoulement de son matériel militaire.
Et même si l’ONU envoie sa soldatesque "pacificatrice" au Darfour, on peut être sûr que ce ne sera que pour ouvrir une période de déstabilisation bien pire, car chacun des protagonistes n’aura pour but que de venir défendre ses propres intérêts, à travers le soutien à des bandes rebelles.
Voila une fois encore la réalité de ce monde capitaliste en pleine putréfaction, où l’humanité n’est que l’otage et le jouet des luttes intestines et des guerres entre cliques armées qui se multiplient sur la planète, soutenues par les puissances, petites ou grandes, qui elles-mêmes s’entredéchirent derrière leurs discours mensongers et cyniques.
Mulan (24 novembre)
L’Organisation Communiste Libertaire (OCL) a publié dans son mensuel Courant Alternatif de l’été 2006 un long dossier au titre des plus prometteur : "Les émeutes de banlieues au regard du mouvement anti-CPE". Rares sont les organisations qui aujourd’hui reviennent ainsi sur la lutte exemplaire du printemps dernier. Le mouvement des étudiants en France est pourtant une mine d’or pour l’ensemble du prolétariat mondial. Sa dynamique et ses méthodes sont autant de leçons pour développer partout la prise en main des luttes par la classe ouvrière. Vouloir comprendre les émeutes des banlieues "au regard du mouvement anti-CPE" est donc de toute première importance. Et l’OCL pose d’emblée la bonne question : "L’immense élan de solidarité dont a bénéficié au début de l’année 2006 la jeunesse scolarisée mobilisée contre le CPE […] incite à se repencher sur la révolte sociale qu’ont connu de nombreux quartiers populaires à l’automne dernier […] Pourquoi cette révolte-là a-t-elle pour sa part obtenu aussi peu de sympathie dans la population ?"
Mais pour cette organisation libertaire, cette belle déclaration d’intention n’est en fait qu’un alibi pour cracher colonne après colonne sur le mouvement du printemps et dénigrer les étudiants en lutte.
En réalité, pas une seule fois l’OCL ne se penche sur les émeutes "au regard du mouvement anti-CPE". Pas une seule fois elle ne tente de comprendre "au regard" des Assemblées Générales (AG) ouvertes à tous les ouvriers et aux mots d’ordres unificateurs de la lutte des étudiants, pourquoi la mise à feu des quartiers les plus populaires n’a fait qu’engendrer la peur et le repli de la grande majorité des travailleurs, que faciliter le renforcement de la politique sécuritaire et des mesures répressives de l’Etat.
Au contraire, en se couvrant des oripeaux de la radicalité, l’OCL se livre à une apologie de la violence, justifiant point par point les incendies des bus, des écoles, des voitures, des gymnases… pour prouver que ce "ne sont pas des actes gratuits", que ces "cibles" représentent une révolte contre tout ce qui opprime les jeunes des cités au quotidien. La preuve nous dit-elle : "Pourquoi cibler des véhicules personnels […] ? Parce que, quand entre un tiers et deux tiers des ménages de certaines banlieues n’ont pas les moyens d’en posséder, avoir une voiture devient presque – comme un emploi stable - un truc de privilégiés pour certains jeunes." Eh bien justement, attaquer son voisin parce qu’il est un peu moins dans la misère est l’antithèse du combat prolétarien. Evidemment que la colère de ces jeunes émeutiers est légitime, que leur vie présente et à venir est insupportable et inacceptable, mais emportés par la rage du désespoir et le "no future", ils ne peuvent que s’exprimer sur le terrain pourri de la haine et de la destruction.
Ces émeutes ne pouvaient déboucher sur aucun mouvement de solidarité de la part de la classe ouvrière. Même si de nombreux ouvriers pouvaient "comprendre" la colère de ces jeunes exclus, ils en étaient surtout les premières victimes. A aucun moment, ils ne pouvaient se reconnaître dans de telles méthodes parce qu’elles n’appartiennent pas à la lutte de classe.
C’est pourquoi l’Etat a multiplié les provocations lors du mouvement anti-CPE, espérant entraîner à leur tour les étudiants dans l’impasse de la violence des émeutes. L’objectif était clair : briser "l’immense élan de solidarité", briser la dynamique de développement de l’unité et de la confiance du prolétariat en faisant passer ces jeunes manifestants pour des voyous et ainsi faire peur aux travailleurs qui se joignaient à chaque manifestation toujours plus nombreux aux cortèges. Début mars, la Sorbonne fut assiégée par des troupes de CRS armés jusqu’aux dents, créant au Quartier latin une atmosphère de guerre urbaine. Les étudiants pris au piège, refusant de céder, étaient privés d’eau et de nourriture. Tout a été fait pour les faire craquer et provoquer des affrontements. Mais les étudiants n’ont pas craqué. Le 16 mars, rebelote : le gouvernement, avec la complicité des organisations syndicales avec qui sont négociés les trajets des manifestations, tend une véritable souricière aux manifestants parisiens qui se retrouvent coincés en fin de parcours par les forces de police. Mais une nouvelle fois, ils ne tombent pas dans le piège de l’excitation du face à face musclé 1 [947]. Et, une nouvelle fois, les médias travestiront totalement le déroulement de cette journée en braquant toutes leurs caméras sur les quelques centaines de jeunes des banlieues qui se livreront, à la marge du cortège, à des jets de pierres et autres violences stériles. Enfin le 23, c’est avec la bénédiction des forces de police que des bandes s’en sont pris aux manifestants pour les dépouiller ou pour les tabasser sans raison. Et ce n’est pas qu’en France, mais à l’échelle internationale que la bourgeoisie a tenté ainsi de focaliser l’attention de la classe ouvrière sur le terrain pourri de la casse et de la castagne anti-flic. En Angleterre, aux Etats-Unis… les journaleux n’avaient que le mot "riots" 2 [948] à la bouche.
A la lumière de ces faits, les prises de position de l’OCL apparaissent purement nauséabondes. Pour elle, la seule chose à retenir de positif du mouvement anti-CPE est justement cet esprit de destruction : "Une minorité active s’est efforcée de le radicaliser, à la fois par des actions violentes en marges des manifs ou des occupations sauvages." L’OCL réaffirmait plus loin : "Une minorité radicalisée d’étudiants ou de militants révolutionnaires s’est montrée décidée à en découdre avec la police et à détruire des vitrines ou d’autres symboles de la société de consommation." Et ce sont ces actes "héroïques" qui sont censés représenter une "cohabitation dans une même démarche violente" avec "ceux et celles venant des quartiers populaires". Voici enfin apparaître le vrai visage de cette solidarité envers les jeunes des banlieues tant prônée par l’OCL : reprendre à son compte les méthodes émeutières, encourager l’ensemble de la jeunesse et des travailleurs à se plonger dans cette fournaise et cette lutte sans perspective.
L’OCL ne fait donc rien d’autre que le jeu de l’Etat qu’elle proclame tant haïr. C’est justement cette "minorité radicalisée d’étudiants" et ces "militants" soi-disant "révolutionnaires" que la bourgeoisie a utilisé pour tenter de décrédibiliser le mouvement et y introduire la crainte, la méfiance et la division.
Mais l’OCL ne se contente pas de faire le jeu de la bourgeoisie, elle va plus loin encore en dénigrant sans vergogne la lutte des étudiants : "On apprécie mieux ici les graves conséquences qu’a eues pour les jeunes des cités populaires l’arrêt de la mobilisation anti-CPE : en lâchant sur ce point, le gouvernement a obtenu les coudées franches pour appliquer tels quels le reste de la loi sur l’égalité des chances et le CESEDA sur l’immigration." Il fallait oser ! Les incessantes attaques qui pleuvent aujourd’hui sur la classe ouvrière auraient été facilitées, in fine, avec la lutte de ce printemps. Plus abject encore : "La ‘victoire’ du mouvement anti-CPE a […] été obtenu en partie sur le dos des jeunes cantonnés au bas de l’échelle sociale, en sauvegardant pour d’autres l’espoir d’en gravir les échelons." Les étudiants seraient donc finalement des petits bourgeois se battant pour leur pomme, pour maintenir leurs privilèges, sans se soucier des autres travailleurs et encore moins des jeunes des banlieues, ils seraient des individus "soucieux de passer des examens pour grimper dans la hiérarchie sociale". Rien n’est plus faux ! 3 [949]
La réalité, c’est au contraire que les étudiants conscients de leur précarité présente et à venir se sont reconnus dans la classe ouvrière. Ils se sont battus massivement pour l’avenir de TOUTE la société, pour toutes les générations, pour les chômeurs et les travailleurs précaires, et donc aussi pour donner une perspective aux jeunes des banlieues et leur permettre de surmonter le désespoir qui les a poussés dans une violence aveugle en novembre 2005. La faculté de Censier à Paris a constitué une "commission banlieues" chargée d’aller discuter avec les jeunes des quartiers défavorisés, notamment pour leur expliquer que la lutte des étudiants et des lycéens est aussi en faveur de ces jeunes plongés dans le désespoir du chômage massif et de l’exclusion. Régulièrement dans les AG, des interventions retentissaient : "En refusant le CPE, nous luttons autant pour nous que pour les plus démunis." La démonstration la plus éclatante en est sans nul doute la revendication d’amnistie pour tous les jeunes condamnés durant "l’automne chaud" de 2005. Contrairement aux mensonges colportés par l’OCL, la force du mouvement anti-CPE, la capacité des étudiants à porter dans la lutte un sentiment de solidarité a eu un résultat immédiat : celui d’embarquer dans ce combat la très grande majorité de la jeunesse des banlieues. Au fur et à mesure du développement de la lutte, les élèves des lycées des banlieues sont venus de plus en plus nombreux grossir les rangs des manifestants, laissant à la marge, minoritaires, les racketteurs et autres petits délinquants. Alors que les émeutes ne pouvaient entraîner qu’une partie des jeunes dans une hystérie de violence tandis que l’autre partie se cloîtrait apeurée, la lutte des étudiants, ses méthodes et ses buts, ont offert à la fois, une autre façon de se battre et une perspective.
C’est bien parce que le mouvement de la jeunesse scolarisée contre le CPE s’est approprié les véritables méthodes de lutte de la classe ouvrière (notamment les assemblées générales, les mots d’ordre unitaires et les manifestations de rue) qu’il a pu bénéficier de la sympathie et de la solidarité active d’un nombre croissant de prolétaires. C’est justement parce que le mouvement contre le CPE était basé non pas sur la destruction des quartiers ouvriers mais sur la solidarité entre les générations, entre tous les secteurs de la classe ouvrière, contre les attaques de la bourgeoisie, qu’il a pu attirer vers lui des milliers de jeunes plongés dans le désespoir quelques mois auparavant et constituer une force sociale capable de faire reculer le gouvernement.
Pawel (19 novembre)
1 [950] Lire l'article de ce même numéro traitant spécifiquement de la question de l’affrontement aux forces de l’ordre.
2 [951] "Riots" signifie "émeutes" en anglais.
3 [952] Il est ainsi des plus comiques de pouvoir lire dans la conclusion de ce dossier : "Il faut rechercher en priorité l’établissement d’une solidarité entre prolétaires, en faisant ressortir le lot commun de l’exploitation capitaliste et de la précarité qui menace toutes et tous, (sans pouvoir s’empêcher de rajouter) quoique à des degrés divers."
L’OCL éprouve une véritable fascination pour la haine et la violence des jeunes des cités qui ont "appris à tendre des guets-apens qu’une police extérieure peine à déjouer, pour ‘danser avec les loups’ en se vengeant de leurs agressions permanentes et pour exprimer leur mal-être global". Mais derrière ces envolées lyriques, cette "danse avec les loups", ce sont en réalité des gamins de 14 ou 15 ans qui sont envoyés droit au casse-pipe. Ni plus ni moins.
Tous ceux qui appellent aujourd’hui, comme l’OCL, aux émeutes et à la vengeance, en se prenant pour des "révolutionnaires, des durs, des vrais" ne font en réalité que renforcer matériellement et idéologiquement les capacités de répression de la classe dominante. Sur le terrain de la violence pour la violence, de la castagne pour la castagne, la classe ouvrière ne peut que se faire écraser. Les étudiants, durant la lutte contre le CPE, ont fait preuve d’une conscience bien plus grande en refusant le piège de l’affrontement stérile et en tentant au contraire d’ébranler la conviction des CRS sur leur rôle de "maintien de l’ordre".
E effet, alors que la Sorbonne était encerclée par les forces de répression et que les étudiants allaient en être violemment expulsés, nous écrivions dans un tract intitulé "Les CRS à la Sorbonne : Non à la répression des enfants de la classe ouvrière !" : "Les étudiants et les jeunes en lutte ne se font aucune illusion sur le rôle des prétendues ‘forces de l’ordre’. Elles sont les ‘milices du capital’ (comme le scandaient les étudiants) […]. Cependant, certains de ceux qui étaient venus prêter main forte à leurs camarades enfermés dans la Sorbonne ont tenté de discuter avec les gardes mobiles : ils n’étaient pas venus pour saccager les locaux, ils n’étaient pas venus pour ‘faire la peau au flics’ ni pour s’amuser et ‘faire la fête’ comme le prétendaient les médias bourgeois. Ils étaient venus apporter des vivres à leurs camarades qui avaient faim et leur manifester leur solidarité ! Ceux qui ont essayé de discuter avec les gardes mobiles ne sont pas des naïfs. Au contraire, ils ont fait preuve de maturité et de conscience. Ils savent que derrière leurs boucliers et leurs matraques, ces hommes armés jusqu’aux dents sont aussi des êtres humains, des pères de famille dont les enfants vont être eux aussi frappés par le CPE. Et c’est ce que ces étudiants ont dit aux gardes mobiles dont certains ont répondu qu’ils n’avaient pas d’autre choix que d’obéir."
Cette attitude n’est pas nouvelle dans l’histoire du mouvement ouvrier. Au contraire, les étudiants se sont ici spontanément et intuitivement emparés du meilleur de la tradition prolétarienne. L’exemple le plus célèbre en ce sens est sans nul doute l’attitude des ouvriers russes en février 1917 à l’égard des Cosaques dont parle Trotski dans l’Histoire de la Révolution russe : "Cependant, les Cosaques attaquaient la foule, quoique sans brutalité (…) ; les manifestants se jetaient de côté et d’autre, puis reformaient des groupes serrés. Point de peur dans la multitude. Un bruit courait de bouche en bouche : ‘Les Cosaques ont promis de ne pas tirer.’ De toute évidence, les ouvriers avaient réussi à s’entendre avec un certain nombre de Cosaques. (…) Les Cosaques se mirent à répondre individuellement aux questions des ouvriers et même eurent avec eux de brefs entretiens."
Une révolution n’est possible que lorsqu’une partie significative des forces de "maintien de l’ordre bourgeois" soit manifeste sa "neutralité", c’est-à-dire qu’elle renonce à défendre les exploiteurs, soit passe carrément du côté de la classe ouvrière. Il est clair qu’un tel processus ne peut aboutir que lorsque sont données les principales conditions de la révolution mais même dans des affrontements sociaux qui ne sont pas révolutionnaires, le danger d’un manque de fiabilité des forces de répression constitue une préoccupation de la bourgeoisie. C’est ainsi qu’en 1968, il est arrivé en plusieurs endroits que les ouvriers et les CRS s’engagent dans une sorte de démarche de "fraternisation". Les CRS qui étaient basés devant l’usine d’aviation de Marignane avaient proposé aux ouvriers qui l’occupaient de venir manger à leur cantine ce qui fut l’occasion de longues discussions. Il va sans dire que cette compagnie de CRS a été déplacée au bout d’une semaine pour être installée à plusieurs centaines de kilomètres de là.
Voilà comment se manifestent la véritable force de la classe ouvrière, son organisation et sa conscience, sa capacité dans la lutte à fédérer une masse toujours plus grande à son combat !
P.
La bourgeoisie de tous les pays les plus développés, chacune pour la défense de leurs propres intérêts impérialistes, y compris aux Etats-Unis a salué la sortie du plan Baker sur la politique extérieure américaine, élaboré par un groupe d’étude comprenant de hauts responsables politiques américains : conservateurs et démocrates. Après l’échec cuisant du président Bush et de son administration aux dernières élections américaines pour renouveler les chambres des représentants, provoqué essentiellement par l’échec total de la politique impérialiste des Etats-Unis en Afghanistan et plus encore en Irak, la bourgeoisie américaine se devait de tenter de réagir. L’enlisement toujours plus grand de son armée en Irak, l’absence totale de perspectives, et un chaos s’agrandissant sans cesse ne sont que des manifestations de l'affaiblissement accéléré de la première puissance impérialiste. Dans une impasse totale, la bourgeoisie américaine travaillait très officiellement depuis plusieurs mois à une nouvelle orientation qui se voulait plus crédible et mieux adaptée à la défense de ses intérêts impérialistes. Telle est la raison de la constitution de la commission d’enquête sur l’Irak, qui vient, sous les feux des projecteurs et des médias, de publier son rapport.
Ce plan aborde toute la politique impérialiste des Etats-Unis. Il part d’un constat, visible par tous, de l’absence totale de possibilités de réussite de la politique de guerre américaine en Irak. Mais bien plus encore, il souligne la montée en puissance de la résistance de la politique anti-américaine et anti-israélienne, partout, au Proche et au Moyen-Orient. Ce rapport semble ainsi prendre le contre-pied de la politique suivie depuis plusieurs années par les Etats-Unis dans toute cette partie du monde. Il préconise un retrait progressif des troupes américaines d’Irak et le renforcement massif de l’armée irakienne qui devrait passer sous la direction du premier ministre Nouri Kamal Al-Maliki. Alors que les attentats se succèdent tous les jours de manière de plus en plus meurtrière, avec un gouvernement totalement impuissant et une armée américaine retranchée dans des camps fortifiés, une telle proposition apparaît immédiatement pour ce qu’elle est : irréaliste, inapplicable et en dehors de toute réalité. Ceci est à ce point la vérité que le plan Baker se garde bien de préciser la date butoir d’un retrait des troupes américaines d’Irak. Tel est également le cas de toutes les autres propositions avancées par ce rapport. Ce qui frappe également à la lecture du rapport, ce sont les propositions de renouer un dialogue officiel avec la Syrie et l’Iran. Le rapport précise même : « L’Iran doit recevoir des propositions incitatives, telle que le rétablissement des relations avec les Etas-Unis, et dissuasives pour stopper le flots d’armes à destination des milices irakiennes. Le pays doit être intégré au Groupe d’étude sur l’Irak. » (Courrier International du 14 décembre 2006) Cette proposition du rapport est tellement irréaliste qu’elle montre clairement l’impasse totale des Etats-Unis en Irak, et pire encore, leur incapacité croissante à limiter la montée des exigences syriennes et iraniennes. L’impossibilité pour l’armée américaine de résoudre la situation en Irak pousse même la bourgeoisie américaine à envisager d’associer l’Iran dans une tentative de maîtriser le chaos irakien. Cette alternative politique ne pourrait se traduire que par des exigences accrues de l’Iran, en matière de développement de son arme nucléaire, mais également sur le terrain, dans l’ensemble du Proche et du Moyen-Orient. Autant d’exigences et de pas en avant de l’impérialisme iranien que ni Israël, ni les Etats-Unis eux mêmes, ne seraient en mesure de supporter. Il est fort possible que, dans les mois à venir, la tonalité des discours américains en matière de politique internationale soient plus mesurés et fassent plus appel à une « collaboration internationale », dans ce que la bourgeoisie appelle sa lutte contre le terrorisme international. Au cas fort improbable où celle-ci passerait, un chaos tout aussi important se développerait dans tout le Proche et Moyen-Orient. Le ton est d’ailleurs donné par la déclaration du roi d’Arabie Saoudite Abdallah au vice président américain Dick Cheney, en visite il y a quelques semaines à Riyad : « L’Arabie Saoudite a fait savoir à l’administration Bush qu’en cas de retrait des troupes américaines le royaume pourrait apporter un soutien financier aux Sunnites en Irak dans n’importe quel conflit qui les opposerait aux Chiites. » (Courrier International du 13 décembre 2006) En Irak, les Etats-unis sont totalement coincés. Aucune des options envisagées sur le plan militaire n’est satisfaisante pour l’impérialisme américain. La montée en puissance de la contestation de la suprématie américaine non seulement par l’Iran, mais également par des puissances impérialistes telles que la France, l’Allemagne ou encore la Russie, ne peut pousser dans l’avenir les Etats-Unis, par delà l’évolution de leur politique en Irak, que dans une fuite en avant guerrière, toujours plus meurtrière et barbare. De la part de ce capitalisme en pleine décomposition, les actes militaires les plus destructeurs et les plus irrationnels, sont encore et plus que jamais devant nous.
Rossi
L'année 2006 est venue confirmer l'existence d'une remontée significative de la combativité de la classe ouvrière et de ses luttes à l'échelle internationale. Il faut dire que partout dans le monde, ses conditions de vie se dégradent et que les attaques pleuvent. Tous les Etats, avec à leur tête des gouvernements de gauche comme de droite, que ce soit en Grande-Bretagne, en Chine, en Allemagne, au Brésil, en Argentine ou ailleurs, mènent une politique anti-ouvrière féroce. La faillite historique dans laquelle se trouve le capitalisme pousse la classe dominante de tous les pays à baisser le coût de la main d'œuvre, en diminuant les salaires réels et en augmentant les charges de travail. C’est un pur mensonge que de dire que les ouvriers anglais - dont 17 % vivent en dessous du seuil de pauvreté - espagnols, chinois ou américains peuvent espérer voir leur situation s’améliorer. La réalité, c'est bien que, sous le capitalisme, la misère s’aggrave et va continuer de s'aggraver partout pour la classe ouvrière. Il en est de même en France où tous les prolétaires sont touchés par des attaques incessantes : les actifs, les chômeurs, les retraités. L'accroissement de la précarité, les plans de licenciements, les suppressions de postes, le blocage des salaires, la chute de mois en mois plus dramatique du pouvoir d'achat, l'abandon des couvertures sociales, la détérioration accélérée des conditions de travail dans tous les secteurs, dans le public comme dans le privé, poussent partout les prolétaires à se mobiliser contre ces attaques. Ils n'ont pas d'autre choix.
Récemment encore au Brésil, la grève des employés de banques en a fourni une claire illustration (voir RI n°373 [953], novembre 2006). De façon plus significative encore, une lutte comme celle qui s'est produite au mois de mai à Vigo, en Espagne, autour des métallurgistes et suivie en solidarité par les ouvriers des chantiers navals, a su pendant quelques jours rompre l'enfermement syndical et corporatiste par l'organisation d'assemblées générales en-dehors des usines et ouvertes à la population de la ville (voir Internationalisme n°326 [821], juin 2006). Après des années sombres, sans réaction, la classe ouvrière est en train de retrouver progressivement le chemin de sa lutte et de reprendre en main l'organisation de ce combat.
Evidemment, la bourgeoisie a parfaitement conscience de cette dynamique. Partout, dans tous les pays, elle tente de l'endiguer en dévoyant la réflexion, en sabotant les luttes, et parfois même en les réprimant, comme à Oaxaca, au Mexique (voir RI n°374 [954]).
En France, la classe dominante déploie une énergie considérable pour endiguer toute éventuelle riposte du prolétariat. Sur le terrain de la lutte, ce sont les syndicats qui sont chargés de ce sale boulot. Encadrer et saboter les grèves ouvrières, voilà quelle est toujours et partout la fonction des syndicats. Depuis trois mois, ceux-ci égrènent un chapelet de journées d'action épuisantes, démoralisantes, tantôt à la SNCF, tantôt dans les transports publics de telle ou telle ville, tantôt chez les pompiers civils, tantôt chez les fonctionnaires, noyant, saucissonnant et isolant systématiquement chaque lutte avec des revendications spécifiques par centre, par secteur, par corporation, par catégorie. Ainsi, dans l'Education nationale, le grève du 18 décembre ne fut proposée qu'au seul corps enseignant, excluant d’emblée les personnels administratifs et de service, ainsi que (comme de bien entendu) tout le reste des travailleurs.
Mais la bourgeoisie ne se contente pas de diviser les ouvriers grâce à ses chiens de garde syndicaux. En permanence, elle leur bourre le crâne de sa propagande, martelant encore et toujours le même message : "Votez, votez et revotez !". Ainsi, après avoir confisqué aux ouvriers l'organisation de leur lutte, elle fait tout pour les empêcher de réfléchir par eux-mêmes. Depuis plus de six mois, il n'est question dans les médias que des échéances électorales d’avril 2007. Toute la bourgeoisie s'efforce de faire gober à travers cet intense matraquage idéologique, contre toute évidence, que le sort de la classe ouvrière dépendrait du "choix" de tel ou tel candidat. Un battage monstre est organisé partout pour pousser les nouvelles générations de prolétaires à aller s'inscrire sur les listes électorales ; les rappeurs, les chanteurs, les sportifs et artistes en tous genres font du racolage tous azimuts envers les "jeunes". Ils nous chantent sur tous les tons "si tu veux que ça change, mon pote, utilise ton bulletin de vote" (voir notre article dans ce même numéro).
Mais ce barouf n'a rien d'étonnant. Si la bourgeoisie française déploie autant d'effort à saboter les luttes au risque de décrédibiliser ses syndicats, à pourrir la réflexion en usant jusqu'à la corde la mystification électorale, c'est parce que c'est justement en France que s'est produite la lutte la plus importante pour le prolétariat, non seulement pour 2006, mais de ces vingt dernières années : le mouvement anti-CPE.
Toute la bourgeoisie est aujourd'hui liguée pour tenter d'effacer des mémoires qu'au printemps dernier, un mouvement social dont les méthodes de lutte et d'organisation s'inspiraient du meilleure de la tradition ouvrière a été capable de faire reculer les attaques gouvernementales non seulement en France, mais aussi en Allemagne où l'Etat a été obligé de freiner la mise en œuvre du frère jumeau du CPE par peur de voir le mouvement de lutte s’étendre.
Les luttes de 2006 constituent une expression de la maturation et du développement de la lutte de classe à l'échelle internationale. Alors que les conditions de vie et de travail des ouvriers partout dans le monde ne cessent de se dégrader, alors que l’avenir que nous offre le système capitaliste est chaque jour plus sombre, alors que la barbarie s’étend sur une partie toujours plus grande de la planète, la classe ouvrière et en particulier ses nouvelles générations ont mené des luttes qui montrent le chemin et indiquent comment développer le combat de classe contre le capitalisme ! Voilà pourquoi la bourgeoisie déploie une telle débauche d'énergie pour tenter de les faire oublier.
W (16 décembre)
En 2005, la commémoration des cent ans de la SFIO a pu servir à rappeler l'attachement des socialistes français à la social-démocratie. Avec le grand cirque des primaires au PS en 2006, le terme "social-démocratie" a été là encore remis au goût du jour au gré des candidats à la candidature, lui collant tour à tour les épithètes de "moderne" ou de "social". Quoi qu'il en soit, le PS ne rate pas une occasion de rappeler "son" vieil héritage. Pour la bourgeoisie, l'opportunité est trop belle pour ne pas revendiquer "l’appartenance" de sa "gauche gouvernementale" à un mouvement né dans le 19e siècle au sein même de la classe ouvrière. Cette prétendue continuité historique qui irait de Bebel à Royal en passant par Jaurès, Blum et Mitterrand aurait de quoi séduire… encore aurait-il fallu que nous soyons frappés d'un Alzheimer foudroyant.
En effet, s'il y a un rapport évident et historique entre la social-démocratie et le mouvement ouvrier, ce rapport a volé en éclats il y a près d'un siècle, dans une rupture définitive en forme d’aller sans retour, au cours de la Première Guerre mondiale. Et depuis, le curriculum vitae de la social-démocratie n’a cessé de se remplir de nouveaux faits d'armes, aussi bien dans les périodes de responsabilité gouvernementale que lorsqu’elle était dans l'opposition, faisant ainsi la preuve de son attachement viscéral au camp anti-ouvrier.
La social-démocratie voit le jour en Allemagne avec la fondation en 1875 du SPD (Sozialistische Partei Deutschlands), issu de la fusion entre les partisans de Karl Marx et de Ferdinand Lassalle. Très rapidement, ce premier parti de masse de l'histoire va constituer le phare théorique et politique du mouvement ouvrier, même après la fondation de l'Internationale Socialiste, deuxième Internationale, en 1889. Cependant, la gangrène opportuniste fera très tôt son funeste travail et les dissensions entre révolutionnaires et réformistes trouveront une première réponse au congrès d'Erfurt en 1899, où le courant réformiste emmené par Bernstein sera battu par la majorité représentée par Bebel. Beaucoup de sociaux-démocrates de nos jours considèrent le congrès d'Erfurt comme le moment fondateur de la social-démocratie moderne. L'Histoire, quant à elle, ne tardera pas à trancher le différend de manière radicale, en plaçant le SPD devant le choix entre d'une part l'internationalisme prolétarien qu'il défendait encore un an avant le conflit, et le soutien à l’effort national en vue de la préparation à la guerre. Si le combat fut rude, il aboutira à la trahison de l'internationalisme par le vote de la majorité du SPD en faveur des crédits de guerre au parlement le 4 août 1914. En France, la SFIO se rallie aussi au même moment à la politique de défense nationale, alors qu'à la mi-juillet de la même année, elle votait une motion quasi-unanime en faveur d'une réponse de classe à la guerre qui se préparait.
Laissant peu de répit à ses nouvelles recrues, la bourgeoisie ne tarde pas à placer des sociaux-démocrates dans les gouvernements, histoire de parfaire la trahison et de renforcer le profond désarroi que provoquent ces brutales volte-faces des principaux partis européens. Plusieurs dirigeants social-démocrates accèdent à des maroquins ministériels, et pas n'importe lesquels : en Allemagne, Gustav Noske, futur boucher de la révolution allemande en 1919, est nommé... ministre de la guerre ; en France, Jules Guesde est nommé ministre d'Etat dès le 27 août, Marcel Sembat devient ministre des travaux publics et Albert Thomas, après avoir organisé la production de guerre pour le gouvernement, devient en 1916... ministre de l'armement !
Ainsi, la social-démocratie n'aura pas mis longtemps à mettre sur le terrain les principes ayant présidé à sa trahison en livrant le prolétariat à la première boucherie impérialiste.
Parallèlement à la guerre qui tire à sa fin, la bourgeoisie internationale doit gérer la première vague révolutionnaire mondiale dont un poste avancé campe en Allemagne. Et là, face au soulèvement ouvrier, c'est un social-démocrate, Friedrich Ebert, qui est promu à la présidence de la République, afin d’organiser la répression sanglante de la révolution allemande et d'ordonner l'assassinat des révolutionnaires Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht, tâche abjecte dont se chargeront les corps francs, avec une barbarie qui démontre toute leur haine pour le prolétariat révolutionnaire.
Sitôt la classe ouvrière vaincue, la bourgeoisie ne tardera pas à se confronter, dans les années 1930, à une crise économique telle que la perspective d'un second conflit impérialiste généralisé devient inévitable. En Allemagne, le délitement économique et social phénoménal et la situation d'écrasement physique et idéologique du prolétariat permet la mise en place d'une solution dictatoriale. Mais en France par exemple, c'est de nouveau la social-démocratie qui est mise à contribution pour préparer le terrain d’une prochaine guerre mondiale.
En mai 1936, le Front Populaire fondé moins d'un an plus tôt emporte les législatives et conduit Léon Blum à la Présidence du Conseil. Composé majoritairement des radicaux de gauche et de la SFIO, avec le plein soutien significatif des staliniens du PCF, il va construire sa politique autour de l'anti-fascisme et, partant de là, de la préparation à la guerre. C'est par un enfermement progressif de la classe ouvrière dans l'idéologie démocratique et nationaliste que le Front Populaire va s'illustrer en premier lieu, en agitant devant les ouvriers en grève le "danger fasciste" qui n'attend qu'un "affaiblissement de la nation française" pour "déferler sur le pays".
La classe dominante cherche à enrôler le prolétariat dans la guerre, et d'ores et déjà, à le soumettre aux conditions intensives de travail nécessitées par la préparation de cette guerre. Et finalement, ces mesures ne s'éloigneront que par leur vernis idéologique des mesures économiques mises en oeuvre dans les années 1930 par l'URSS stalinienne ou l'Allemagne nazie. Cette similitude n'est pas un hasard ni un accident : c'est la manifestation flagrante que toute la bourgeoisie, confrontée à une crise généralisée de son système, s'engage dans la seule voie possible pour elle, la guerre.
On pourrait toujours rétorquer que les augmentations de salaires, les congés payés et autres "avantages" acquis sous la pression des grèves de 1936 ont contribué dans la durée à améliorer les conditions de vie de la classe ouvrière. A cela, nous ne pourrons pas mieux dire que Léon Blum lui-même pour apporter un démenti définitif. Lors du procès de Riom, fantaisie vichyste destinée à faire porter la responsabilité du gouvernement social-démocrate dans la défaite de 1940, "l'homme de 36" défend sa politique avec ferveur en rappelant comment les mesures sociales ont servi à masquer, accompagner et rendre possible l'intensification du travail nécessitée par le développement de l'économie de guerre : "Ne croyez-vous pas que cette condition morale et physique de l’ouvrier, toute notre législation sociale était de nature à l’améliorer : la journée plus courte, les loisirs, les congés payés, le sentiment d’une dignité, d’une égalité conquise, tout cela était, devait être, un des éléments qui peuvent porter au maximum le rendement horaire tiré de la machine par l'ouvrier".
Les deux premières expériences de la social-démocratie au pouvoir offrent un bilan sans appel : écrasement du prolétariat révolutionnaire dans le sang, et enrôlement dans la préparation de la Seconde Guerre mondiale. Par la suite, d’autres terrains vont s’offrir à la social-démocratie "moderne" qui pourra, au pouvoir comme dans l'opposition, continuer son sale boulot contre la classe ouvrière.
Il serait trop long de revenir sur tous les faits remarquables de la social-démocratie au service du capital. Mais il faut tout de même évoquer les années 1970, où la gauche française va commencer à jouer un rôle important, cette fois dans l'opposition.
Tout commence en 1971 avec le mythique congrès d'Epinay-sur-seine, qui marque la mue de la vieille social-démocratie dans ses nouveaux habits. François Mitterrand y fait forte impression à la tribune en ce dimanche 13 juin, au point qu'il termine le congrès à la tête de ce PS "d'union de la gauche" avec un mandat, conclure un accord de gouvernement avec le PCF. Le ton est donné par Mitterrand dans son discours : il y parle de "révolution", de "rupture anti-capitaliste" et de "front de classe".
Pendant toutes les années 1970, cette social-démocratie moderne incarnée par le PS de Mitterrand va fourbir ses armes dans l'opposition. Mais loin d'être passive, cette opposition va permettre au PS d'apporter une contribution fondamentale à la bourgeoisie, en encadrant la colère ouvrière provoquée par les attaques de la droite, en se présentant comme une alternative crédible pour accéder au pouvoir, ce qui permet d'entretenir au passage l'illusion démocratique et parlementaire dans les rangs ouvriers.
En 1981, Mitterrand est élu président, le moment est logiquement venu de mettre en oeuvre concrètement cette "rupture anti-capitaliste" tant scandée au congrès d’Epinay, de faire cette "révolution".
L’illusion ne durera pas longtemps. Après une petite année "de grâce", les masques ne tiennent déjà plus. Le programme d'austérité établi dès 1982 par Pierre Mauroy est brutal : fin de l'indexation des salaires sur les prix alors même que depuis 1981 l'inflation ne pouvait être contenue, restructurations dans les grandes entreprises entraînant la suppression de centaines de milliers d'emplois dans tous les grands secteurs d'activité, développement du travail précaire avec l'invention des premiers contrats précaires publics (les TUC en 1984). Au final, le chômage se développera sans cesse pendant ces années, alors même que son indemnisation sera toujours plus réduite.
Le deuxième septennat de Mitterrand est du même tonneau : renforcement du flicage de la société, développement de la chasse aux immigrés clandestins, premières réflexions sur la réforme des retraites dont la philosophie générale sera reprise dans la réforme de 2003.
Sur le front de l'emploi, pour réduire encore et toujours l'indemnisation du chômage, la gauche a créé le RMI. Présenté comme une mesure sociale, il est au contraire tout à la fois une façon plus économique d'assurer la survie de ceux que le système ne peut plus intégrer, et un formidable aveu d'impuissance de la bourgeoisie face à l'avancée de sa crise.
A l'étranger, les sociaux-démocrates se sont toujours illustrés, au gouvernement, par la défense de l'intérêt national, en particulier en Afrique. Pour défendre son pré-carré, la gauche n'a jamais reculé devant aucun massacre, aucun amoncellement de cadavres : du Tchad au Zaïre, les raids militaires s'enchaînent et le génocide du Rwanda, ce déchaînement de barbarie planifié par Mitterrand 1 [955], se met en place. Sans oublier que la France a tenu son rang dans la première guerre du Golfe contre l'Irak.
Enfin, le tableau de l’œuvre social-démocrate ne serait pas complet si nous n’évoquions l'une des plus grandes attaques portées contre la classe ouvrière depuis la fin de la deuxième guerre mondiale : les 35 heures. Cette loi portée par Martine Aubry, ministre de l'emploi de Jospin, a touché et continue de toucher l'ensemble de la classe ouvrière en introduisant un maximum de flexibilité dans l'exploitation, tout en contribuant à bloquer les salaires.
La voilà donc cette social-démocratie qu'on nous dit "pleine d'avenir" ! La voilà donc cette "nouvelle façon de faire de la politique". A la rigueur, nous pourrions concéder au PS d'aujourd'hui un certain talent pour faire du neuf avec du vieux. Mais cette entourloupe de brocanteur véreux ne trompera personne, le vernis ne tient pas ! La social-démocratie, depuis sa trahison de l'internationalisme en 1914, n'a plus aucun lien avec le mouvement ouvrier. Au contraire, elle a eu d'innombrables occasions de faire la joie de sa mère adoptive, la bourgeoisie. Au pouvoir comme dans l'opposition, elle n'aura fait que servir les intérêts de sa classe et de l'Etat, sans hésiter, quand il le faudra, à y mettre elle-même les mains, quitte à les enduire du sang de la classe ouvrière. Hier encore, elle était au pouvoir et montrait la même détermination à attaquer le prolétariat dans ses conditions de travail et ses conditions de vie. Aujourd'hui, elle s'apprête à reprendre du service avec exactement les mêmes objectifs 2.
Mais demain, elle devra s'attendre à trouver sur sa route une classe ouvrière déterminée à lui arracher son masque et à l'envoyer avec le reste de la bourgeoisie dans les oubliettes de l'histoire.
GD (15 décembre)
1 [956] Voir notre article [957] à ce sujet.
2 Lire « En costume ou en tailleur, le PS reste un ennemi de la classe ouvrière » [958] dans RI n° 374.
Le rapport 2006 de la Fondation Abbé Pierre sur le "mal logement" est sans appel : la France est en proie à une "crise sans précédent". Comme les Restos du cœur, submergés d’année en année de nouvelles demandes d’aide alimentaire 1 [959], les Compagnons d’Emmaüs font à leur tour le constat de leur propre impuissance. Le long cortège des sans-abri, mal-logés, mal nourris ne cesse de s’étirer de par le monde telle une interminable muraille de Chine et l’ombre énorme des bidonvilles tentaculaires de Rio, Nairobi, Port au Prince ou Bombay, plane désormais ostensiblement au-dessus des têtes des travailleurs des pays les plus riches. Pour exemple, un recensement commandé par le gouvernement britannique vient de faire le sinistre constat de l’existence à Londres de plus de 60 000 familles sans domicile fixe, contraintes de vivre dans des hôtels miteux ou des foyers sociaux.
Le phénomène n’est certes pas nouveau. Le termes de "slum" (bidonville) est lui-même apparu pour la première fois à Londres au 19e siècle lorsque les prolétaires, tout juste sortis des campagnes, allaient se concentrer, pêle-mêle, à la ville où fabriques et usines les attendaient (tels de monstrueux alchimistes) pour changer en or leur sueur et leur sang. Depuis, la classe ouvrière s’est organisée et a mené le combat pour l’amélioration de ses conditions de vie. L’époque de la pleine vitalité du système capitaliste rendait cela encore possible et la perspective était alors celle de la transformation des banlieues sordides de Manchester, magistralement dépeintes par Engels, vers des conditions de logement plus humaines ou, dans un premier temps, moins indignes. En revanche, avec l’entrée fracassante du capitalisme dans sa période de faillite historique, à partir du 20e siècle, cette dynamique se renverse et ce monde, ne sachant plus propager autre chose que la misère, condamne l’humanité entière à un seul et même avenir… la planète bidonville !
De ce point de vue, la situation des ouvriers en France est on ne peut plus emblématique du sort réservé à l’ensemble de la classe ouvrière.
Loin de l’image d’Epinal d’un Archimède le Clochard, réfractaire et marginal interprété par Jean Gabin à la fin des années 1950, ou à l'opposé de celle du philosophe grec Diogène ayant élu domicile dans un tonneau pour trouver le bonheur, la réalité est avant tout celle d’une masse croissante d’ouvriers, chômeurs ou non, se heurtant à l'impossibilité de se loger décemment. Retraités, étudiants, jeunes travailleurs, chômeurs, salariés de la "grande distribution", fonctionnaires de l’Education Nationale ou des collectivités territoriales, ce sont des pans entiers de la classe ouvrière qui se retrouvent dans l’incapacité croissante de faire face à cette dépense répondant pourtant à une nécessité vitale…
Le choix que laisse le capitalisme à un nombre toujours plus grand de prolétaires se résume entre périr dans l’incendie d’un taudis insalubre, ou mourir de froid l'hiver sous une tente de sans-abri.
Et l’Abbé Pierre de lancer son cri : "Mon Dieu…Pourquoi ?". Mais il est bien inutile de jeter un regard interrogatif vers le ciel pour trouver une réponse improbable quand celle-ci nous crève les yeux ici-bas.
En 20 ans, le nombre de contrat à durée déterminée (CDD) a été multiplié par 6, le temps partiel subi gagne chaque année en ampleur, les 2/3 des jeunes accèdent au travail sous une forme précaire (intérim, stage, CAE…) et 1/5 sont au chômage. Entre emploi précaire et chômage, on compte en France 15 à 20 millions de personnes en état de survie.
Pas besoin d’aller chercher, avec l’Abbé, midi à 14 h sur la grande horloge céleste, pour se rendre compte que le capitalisme n'est plus capable de faire vivre ses esclaves autrement qu’avec des salaires de misère et dans la précarité.
Dans ces conditions, accéder à un logement, payer un loyer et en assumer les charges (eau, gaz, électricité…) devient un problème insurmontable, révélateur de la gangrène du système. Le poids du loyer dans le budget des ménages est à ce point insupportable qu’il est souvent inévitable pour ceux-ci de se serrer la ceinture en économisant sur la nourriture et les soins médicaux. Et lorsque ce n’est pas possible, que la somme restante est trop dérisoire, alors il ne reste plus qu’à renoncer aux formes "traditionnelles" de l’habitat pour se retourner vers des solutions de fortune. Le logement "atypique" fait de bric et de broc : squat, hébergement chez des proches, sur-entassement façon boîte à sardines, construction de cabanes avec 3 planches et une bâche dans les sous-bois de la région parisienne (où se réfugient des retraités dont les pensions misérables ne permettent plus de régler le loyer), ou encore le camping à l’année qui accueillent du côté de Toulouse (et ailleurs) les caravanes de salariés en contrat précaire. Le camping se fait aussi sauvage, sous les ponts et bretelles du périphérique parisien où des familles (au grand complet) s’installent et où poussent, tels des champignons, des camps de travailleurs (bulgares, roumains…). Enfin, sur les sites de production automobile de Peugeot Ile-de-France et Citroën à Rennes, les responsables avouent (sans en faire mystère) que les rémunérations de bon nombre de leurs salariés ne leurs permettent pas de se loger à proximité du lieu de travail. Pour ceux-là, il reste l’hôtel miteux, les structures d’urgence ou bien vivre dans leur voiture ! Voilà comment, un peu partout, les bidonvilles réapparaissent.
La situation des jeunes travailleurs est particulièrement symptomatique de cette société aux promesses d’avenir bien sombres. Traditionnellement, le jeune prolétaire débute dans la vie avec une situation inconfortable, sorte de période de transition vers une plus grande stabilité. A présent, il n’en n’est plus question. Les jeunes ne parviennent plus à se sortir des solutions d’habitat bricolées… elles sont là pour la vie ! Le rapport de la Fondation Abbé Pierre le pose avec beaucoup de lucidité : "la jeunesse est devenu un temps d’apprentissage de la précarité" qui marquera le reste de l’existence du sceau de l’incertitude. De là, tout projet de vie aussi simple que fonder une famille, avoir des enfants se trouve irrémédiablement compromis.
Evidemment, la bourgeoisie tient à nous faire savoir qu’elle fera tout pour désamorcer ce qu’elle a elle-même appelé "la crise du logement". Mais dans les faits, elle essaie surtout de nous embobiner en rejetant la faute sur "la folie des bailleurs" qui réclament des loyers toujours plus prohibitifs. La solution est donc toute trouvée… l’intervention de l’Etat "justicier" pour faire "rendre gorge" à ces "gougnafiers" mais aussi pour contraindre les maires à respecter le quota de 20% de logements sociaux dans leurs communes. Piètre supercherie… L’unique politique du logement menée par la classe dominante, poussée par la crise de son système, consiste à supprimer, purement et simplement, ce qu’il reste des aides au logement. Celles-ci permettent actuellement de rendre solvables plus de 6 millions de familles en France qui, sans elles, se retrouveraient manu militari à la rue. Or, depuis l’année 2000, les économies réalisées ont provoquées la sortie du dispositif de plusieurs dizaines de milliers de ménages. Cette évolution pousse d’ailleurs la revue Habitat et Société (n°39) à se demander si nous ne sommes pas engagés dans un processus conduisant à passer "de l’aide à la personne à l’aide à personne" …
Finalement, la "crise du logement" se résume au fait qu’une part croissante de la classe ouvrière ne dispose plus d’un revenu suffisant pour échapper à la pauvreté. "Le travailleur devient un pauvre et le paupérisme s’accroît… Il est donc manifeste que la bourgeoisie est incapable de remplir plus longtemps son rôle de classe dirigeante… Elle ne peut plus régner, parce qu’elle est incapable d’assurer l’existence de son esclave…" (Le Manifeste communiste).
C’est pourquoi l’appel de l’abbé Pierre à "l’insurrection de la Bonté", variante chrétienne de l’antienne gauchiste "partageons les richesses mais ne touchons pas aux sacro-saints rapports d'exploitation capitaliste" ne nous sera d’aucun secours. Le renversement du capitalisme et la révolution du prolétariat à l'échelle mondiale sont les seuls moyens capables d'ouvrir un avenir à l’humanité et de fonder de nouveaux rapports sociaux permettant à chacun de vivre en fonction de ses besoins.
Jude (17 décembre)
1 [960]En vingt ans, la misère a explosé. Les Restos du cœur distribuaient 8,5 millions de repas en 1985, aujourd'hui c'est plus de 66,5 millions !
Le "jeune" est devenu depuis quelques temps le cœur de cible privilégié de la campagne électorale pour les prochaines présidentielles. De Ségolène Royal à Nicolas Sarkosy, chacun sort sa panoplie de meilleur ami de la jeunesse en s’exhibant avec les starlettes (fraîchement recrutées) du moment : Sarko parade avec son Doc Gynéco quand Ségo prend la pose avec le chanteur pop-rock, Cali. Comme le dit Jack Lang, fin connaisseur en la matière, il s’agit d’une véritable opération de "drague vers les jeunes".
Cela étant, l’engouement pour la fleur de l’âge n’a rien d’une lubie. Attirer la jeunesse dans les filets de l’électoralisme est devenu un objectif majeur de la classe dominante afin de couper court à toutes formes de réflexions portant sur l’avenir que réserve le monde capitaliste.
Ainsi, à côté de l’effort de séduction que fournissent les partis politiques pour racoler le plus grand nombre et en plus de la campagne gouvernementale appelant par voie d’affichage, jusque dans les lycées, au "civisme" électoral, une opération phénoménale est actuellement menée au niveau national à travers la contribution d’artistes à la mode pour appeler les jeunes à s’inscrire sur les listes électorales et à "aller voter". Chanteurs, humoristes, acteurs, sportifs, tous les emplumés du show bizz défilent, à la queue leu leu, sur les plateaux de télévision et de radios, des trémolos dans la voix, pour mieux persuader la jeunesse de France (et de Navarre) de la nécessité d’apporter sa pierre à l’édifice démocratique.
Pour donner encore plus d’écho à ce cirque, TF1 n’a pas hésité a financer et à diffuser, du 15 au 31 décembre, une série de mini-films où une ribambelle de "people" se succèdent pour marteler l’idée selon laquelle : "S’inscrire, c’est voter. Voter, c’est exister." donc "si tu votes pas, t’es mort !" Admirable syllogisme qui parvient à faire d’une planche pourrie une planche de salut !
Le concours de l’artiste qui farcira de purée électoraliste le plus de jeunes cerveaux est ouvert, et c’est dans la grande famille du rap français que l’on trouve les meilleurs compétiteurs.
Ainsi, Joe Star, ex-leader du groupe NTM, connu pour son radicalisme "anti- système" et ses brutalités en tous genres, appelle "férocement" à voter. Monsieur Morville, de son vrai patronyme, ne reculant devant rien est même allé pousser la chansonnette sur le prime time de la Star Academy pour faire son office de bourrage de crâne : "n’oubliez pas d’aller voter"… "n’oubliez pas de vous inscrire"… "n’oubliez pas d’aller voter"… Le disque devait être rayé ce soir-là !
D’autres, comme Diam’s, nous chante "Ouvre-la"… dans l’isoloir, confirmant par là (et bien malgré elle) ce que nous savions déjà : "Si la dictature, c’est ferme ta gueule, la démocratie, c’est cause toujours" !
On voit même aujourd’hui l’ancien groupe de rock Trust, célèbre en son temps, reprendre du service pour participer à la grande foire électoraliste. Ainsi, à chacun de ses concerts, s’inscrit en lettres de lumière, au-dessus de la scène, le titre de leur album : "Soulagez-vous dans les urnes."
Un tel rouleau compresseur lancé contre la conscience des plus jeunes est totalement inédit dans l’histoire des campagnes électorales françaises. Et il ne s’explique pas par le seul besoin des présidentiables de récolter un maximum de suffrages.
Il s’agit avant tout d’une opération de décervelage répondant aux interrogations quant au futur que prépare cette société et qui se développent en profondeur depuis plusieurs années dans toute la classe ouvrière et en particulier dans les rangs de ceux qui formeront les prochaines générations de travailleurs. La mobilisation des lycéens en 2005 et le mouvement des étudiants contre le CPE au printemps dernier ont une signification que la classe dominante a très bien perçue. Tous ces jeunes sont dans un âge où il est normal de se demander "quel sera mon avenir ?", "quel métier vais-je trouver ?", "quels choix professionnels?"…or, les choix qu’offre ce système en crise ne sont guère reluisants. "Précarité à toutes les sauces", voilà le menu affiché par la bourgeoisie.
Dès lors, le risque pour cette dernière est, bien évidemment, que cette foule de questionnements n’aboutissent à une remise en cause de fond en comble de son système.
D’où cette frénésie propagandiste, sollicitant tous les canaux susceptibles de parvenir aux oreilles de ces jeunes, afin qu’ils se soulagent l’esprit de l’idée de lutte en se défoulant dans la cellule capitonnée de l’isoloir.
De plus, au son de la trompette anti-extrême droite et anti-Sarko, on leur répète à satiété qu’il existe, grâce à cette "démarche citoyenne" un espoir : celui de changer l’avenir, qu’ils vont ainsi construire une société "meilleure"… Foutaises !
Les élections sont d’abord le terrain de nos exploiteurs, ceux qui font ce monde tel qu’il est.
Ce monde d’horreurs et de misère ne changera pas par la "magie" du bulletin de vote. Bien au contraire, il n’en sera que mieux consolidé. Seule la lutte de la classe ouvrière porte l’espoir d’une société nouvelle.
Mulan (20 décembre)
Depuis un mois, l’impérialisme français intervient militairement au Tchad et en Centrafrique, mobilisant tous ses dispositifs militaires dans la région, à savoir 1200 soldats basés au Tchad, 800 hommes au Gabon et des centaines d’autres soldats présents en Centrafrique avec aussi des avions Mirage, des hélicoptères et d’autres engins de mort.
Officiellement, l'Etat français intervient au Tchad et en Centrafrique pour "accentuer la coopération des forces de paix"et prêter "main- forte"aux pauvres forces de l’Union africaine au Darfour. Voilà un gros mensonge, tellement énorme qu'un autre justificatif plus "présentable », moins cynique, est mis en avant. Celui qui consiste à dire que la France serait intervenue uniquement pour protéger des "régimes amis", dont Paris est lié par des "accords de défense mutuelle", agressés par des forces extérieures : le Soudan et ses alliés. Mais il s'agit là aussi d'une ignoble mystification pour mieux masquer le but de l’intervention de l’impérialisme français.
Quelles que soient les "raisons"avancées, l’intervention de Paris est une réponse à l'exportation au Tchad et en Centrafrique du conflit qui ravage le Darfour depuis plusieurs années. Les dissensions aggravées entre les fractions dites "rebelles"opposées à Khartoum et les forces du gouvernement soudanais appuyées par les bandes armées, les "djanjawids", à sa solde ont provoqué une situation de plus en plus incontrôlable. Entre l'exode massif de plus d'un million et demi de gens depuis trois ans, la dispersion des forces "rebelles"au-delà de la frontière même du Soudan, avec les tensions qui se manifestent ouvertement en Ethiopie et en Somalie, avec un redémarrage des guerres dans cette région, les risques sont grands pour la France de se voir rapidement débordée. Aussi, ce n'est nullement pour venir soutenir les forces de paix de l'Union africaine et de l'Europe, ni pour aider une population qu'elle laisse crever depuis des années que le gouvernement français vient apporter son soutien logistique militaire : c'est pour essayer d'endiguer les risques de perte de contrôle d'une région stratégiquement fondamentale dans sa position impérialiste en Afrique. En effet, l'extension actuelle du conflit au Darfour vient clairement mettre en cause la stabilité des régimes du Tchad et de Centrafrique, qu'elle soit voulue ou non par le Soudan et derrière lui éventuellement les Etats-Unis. Voilà les vraies raison de l'intervention musclée de l'Etat français. "Si la France maintient une forte présence militaire au Tchad (1 350 soldats, 6 avions de chasse Mirage et 3 hélicoptères), c’est pour des raisons historiques, stratégiques et diplomatiques. A deux reprises, de 1980 à 1984 et 1985-1986, elle a décidé de se retirer et chaque fois, elle a dû renvoyer un contingent militaire à N’Djamena. Depuis l’indépendance en 1960, tous les présidents tchadiens, du Français Tombalbaye au général Maloum, d’Hissène Habré à Idriss Déby, ont entretenu des rapports étroits avec Paris." (Le Monde du 17 avril 2006)
Et pour mieux se faire comprendre face à ses ennemis impérialistes, la France a dû dépécher sur place, à N’Djamena (en novembre dernier), Mr de Villepin, son premier ministre, afin de notifier à tous la volonté de Paris d’user de tous les moyens pour se défendre. Ce message s’adresse d’abord aux grands concurrents des Français au Tchad, c'est-à-dire aux Américains et aux Libyens, dont la forte présence dans ce pays sonne comme une volonté d’éjecter Paris de son ancien pré carré. "En attendant, fidèles à leurs habitudes, les Américains ne se sont pas fait prier pour renforcer leur présence dans le pays. Déjà présents sur le champ pétrolier du bassin de Doba (200 000 barils/J de brut) avec la firme américaine Exxon Mobil, qui détient 40% du consortium d’exploitation, c’est dans la foulée de la visite de Donald Yamamoto (sous–secrétaire d’Etat aux affaires africaines) qu’un accord dit' ciel ouvert' a été signé le 31 mai 2006." (Jeune Afrique du 2 décembre 2006) La riposte de l'Etat français et de ses alliés est donc massive : "Kadhafi vient en effet de prêter à Idriss Déby Itno, confronté aux rebelles de Mahamet Nouri, cinq avions d’attaque au sol italiens Machetti, deux appareils russes de transport de troupes- le tout équipage compris- et un important stock d’armes, dont certaines se sont aussitôt retrouvées entre les mains des milices zaghawas du Darfour, qui combattent l’armée soudanaise sous la houlette de Daoussou, le propre frère du président tchadien."(idem)
Le contrôle du Tchad et de sa région constitue donc l’enjeu principal de la guerre entre les divers vautours impérialistes. C’est cela qui les pousse à régler leurs comptes dans cette région. Voilà pourquoi le Tchad et ses voisins sont à feu et à sang depuis des décennies, ruinés à jamais et qu'ils n’ont jamais connu la "paix"depuis leur "indépendance ».
Parallèlement à leurs confrontations indirectes mais sanglantes sur le terrain, les brigands impérialistes se battent à l’ONU comme des chiffonniers à coups d’innombrables "résolutions de paix"sur le Darfour. En réalité, leurs résolutions ne sont que des masques visant à cacher les abominables crimes qu’ils commettent sur le terrain. En clair, pendant leurs interminables bavardages hypocrites à l‘ONU, les mêmes puissances impérialistes, France et Etats-Unis en tête, laissent sciemment les bandes criminelles qu’ils téléguident poursuivre tranquillement les massacres et les mutilations des populations. C’est ainsi qu'en trois ans, on dénombre au Darfour des centaines de milliers de morts et des millions de réfugiés. Et on vient d’apprendre, au moment où nous écrivons ces lignes, que l’offensive en cours a déjà tué, en quelques jours, des centaines de civils et provoqué l’exode de 80 000 personnes.
Amina (15 décembre)
Chaque jour, les médias bourgeois font des articles et des reportages sur la tragédie que vit actuellement le Liban. Il n’y a là aucun souci pour la vie humaine. Les préoccupations des bourgeoisies de tous les pays, sont autrement plus sordides. Le Liban est un tout petit pays de quatre millions d’habitants et, contrairement à bien d’autres Etats du Moyen-Orient, son sous-sol ne contient aucune ressource stratégique et économique particulière : pas de pétrole, pas de gaz, rien qui puisse aiguiser, en apparence, l’appétit de tous les prédateurs impérialistes de la planète. Et pourtant beaucoup d’entre eux, du plus petit au plus puissant, sont impliqués dans la crise majeure que connaît ce pays. D’où vient cet intérêt de la part de toutes ces puissances impérialistes ? Quel avenir peut-il y avoir pour la population du Liban, prise dans l’étau mortel du développement des tensions inter- impérialistes ?
Le dimanche 10 décembre, Beyrouth, capitale du Liban, a vu la tenue de manifestations massives, entraînant une foule surexcitée et prête à toutes les exactions. C’est la première fois dans ce pays, à l’histoire déjà très tourmentée, qu’une telle foule est rassemblée. Dans un des quartiers de la ville, ce sont plusieurs centaines de milliers de chiites, partisans du Hezbollah pro-syrien, rejoints par les chrétiens fidèles au général Aoun, ayant lui-même à son tour épousé la cause chiite, qui ont étalé une haine violente envers la communauté sunnite.
Cette foule, encadrée par des miliciens en armes, a réclamé à cor et à cri la démission du gouvernement. Dans le même temps, à Tripoli, une foule tout aussi nombreuse et tout aussi excitée, formée essentiellement de Sunnites, clamait son soutien à ce même gouvernement. Durant ce mois de décembre, le Hezbollah, renforcé politiquement et militairement après ce qui est apparu comme une victoire sur l’armée israélienne et indirectement sur le "grand Satan américain" lors de la dernière confrontation armée, au mois d’août dernier, a tout simplement organisé le siège du Sérail, haut-lieu du premier ministre Fouad Siniora.
Des dizaines de tentes ont été dressées dans le centre ville de Beyrouth, bloquant tous les accès au Sérail et l’encerclant de toutes parts, sans que l’armée libanaise ne puisse intervenir. De leur côté, des groupes armés sunnites menacent d’assiéger le parlement et de prendre en otage son président chiite Nabil Berri. Les routes reliant Beyrouth à la plaine de la Bekaa et au Sud-Liban, siège des fiefs du Hezbollah, sont menacés d'être coupées.
A ce stade de tensions entre les différentes fractions dont les Druzes eux-mêmes ne sont pas écartés, la moindre étincelle provoquerait un embrasement généralisé de tout le pays. Lors d’un entretien télévisé tout récent, le général Michel Aoun a proposé : "Un plan de l’opposition pour former un nouveau gouvernement" et "des réflexions du président de la République Emile Lahoud et du président du Parlement Nabih Berri sur la manière de faire tomber le gouvernement de Fouad Siniora." (cité par Courrier International du 14 décembre 2006)
Il est même question de former de la part du Hezbollah et des Chiites, ainsi que de leurs alliés, un gouvernement provisoire, clairement pro-syrien. Et tout cela avec la bénédiction de la partie chiite de l’armée libanaise.
Ainsi, le bras de fer s’accélère au Liban entre les différentes communautés, chacune inféodée à des requins impérialistes plus puissants qu’eux.
Il serait erroné de penser que, lorsque des centaines de milliers de personnes font le siège du gouvernement de Fouad Siniora, il ne s’agit là que de faire tomber le gouvernement. L’enjeu est bien plus vaste et implique directement de nombreux Etats de la région, derrière lesquels se cachent les plus puissants pays impérialistes de la planète. Ce que veulent en réalité les Chiites et les partisans du général Aoun, c’est tout simplement un retour en force de la Syrie au Liban.
Pour Damas qui, à l'égal de l’Iran, soutient politiquement et militairement le Hezbollah, il s’agit de profiter au maximum de l’affaiblissement de l’Etat israélien et de son allié américain pour faire valoir ses appétits sur le Liban et indirectement sur la région du Golan, occupée par l’Etat hébreu. Depuis le retrait forcé de ses troupes du Liban en 2005, jamais la Syrie ne s’est retrouvée dans une situation apparemment aussi favorable. Mais l’Iran, qui est actuellement un allié de circonstance de la Syrie au Liban, n’a lui-même aucunement renoncé à renforcer sa présence et son influence politique dans ce pays. Pour l'Etat iranien, peser sur le Liban, au travers de la communauté chiite, c’est de fait renforcer son influence sur cette même communauté en Irak et s’affirmer toujours plus comme un acteur incontournable dans toute la région, face à Israël et aux Etats-Unis.
D'autre part, apparemment inquiètes d’un renforcement du rôle dans la région de l’Iran chiite, qui finance le Hezbollah, l’Egypte, l‘Arabie Saoudite et la Jordanie, dirigées par des Sunnites, ont apporté ces derniers jours leur soutien au gouvernement de Siniora. Ces Etats arabes, particulièrement influencés par la politique impérialiste américaine, expriment ainsi directement leur inquiétude devant la montée en puissance du frère ennemi iranien.
Aussi, ce qui se profile, c’est une cassure irrémédiable au sein de l’ensemble du monde musulman. Et cette montée en puissance des tensions au sein du monde arabe ne présage rien de bon dans l’avenir pour toute cette région.
Et cette brèche ouverte est une opportunité pour des puissances telles que l’Allemagne et la France, cette dernière étant déjà présente militairement sur le terrain. Le mardi 5 décembre, ces deux pays ont ainsi fait savoir dans une déclaration commune qu’ils ne souhaitaient aucune ingérence extérieure au Liban ; ils ont même précisé qu'il fallait que la Syrie " s’abstienne d’apporter son soutien aux forces qui recherchent la déstabilisation du Liban et de la région, et établisse avec le Liban, une relation égalitaire et respectueuse de la souveraineté de chacun ". (Libération du l5 décembre 2006) Pour tout requin impérialiste qui se respecte, l’ennemi de mon allié du moment est mon propre ennemi. La France notamment, qui ne peut s’appuyer pour l’heure au Liban que sur la majorité chrétienne ennemie de la Syrie n’a de cesse de critiquer cette dernière.
La montée des tensions guerrières dans toute la région, dont la crise libanaise est une tragique expression, vient de s’exprimer directement et spectaculairement dans ce que la presse bourgeoise a appelé hypocritement "le vrai-faux lapsus nucléaire" du premier ministre israélien Ehoud Olmert. Maintenir l’ambiguïté sur son arsenal nucléaire était une règle d’or de la politique internationale de l’Etat d’Israël. Pourtant lors d’une interview accordée le 12 décembre à une chaîne de télévision allemande, ce même premier ministre, critiquant les tentatives de justifications de l’Iran en matière de recherche et de développement nucléaire, a laissé directement entendre qu’Israël posséderait l’arme nucléaire, au même titre que la France, la Russie ou encore les Etas-Unis. Cette affirmation prend tout son sens, quand on la relie au fait que quelques jours plus tôt, Robert Gates, nouveau ministre de la défense américain, a cité Israël, dans une audition devant le Congrès, parmi les pays possédant la bombe nucléaire. Il n’y a à ce niveau aucune erreur ni de lapsus. C'est un avertissement clair et net à l’Iran qui remet à sa juste place le plan Baker et le rapport du Groupe d’étude sur l’Irak dont nous parle actuellement sans relâche la bourgeoisie. Selon le quotidien pan-arabe Al-Quds-Arabi, ceci serait également "une préparation pour un éventuel recours au nucléaire, si jamais Israël se décide à attaquer les sites nucléaires iraniens". (cité par Courrier International du 13 décembre 2006) Cette éventualité n’est malheureusement plus à écarter. Marx, il y a près de cent cinquante ans, constatait que le capitalisme était né dans la boue et le sang. Aujourd'hui, en pourrissant sur pied, l'agonie de ce système se prépare à faire plonger l’humanité dans un enfer autrement plus terrifiant.
Tino (15 décembre)
Malgré la spirale de haine nationaliste qui paralyse la plupart du temps la lutte de classe en Israël et en Palestine, les sévères privations économiques résultant de l’état de guerre permanent ont poussé les ouvriers des deux camps antagoniques à se battre pour leurs propres intérêts de classe. En septembre, en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza, des grèves et des manifestations ont été organisées pour exiger que le gouvernement du Hamas règle plusieurs mois de salaires impayés, suite au blocus des fonds internationaux par l'Etat israélien, rejoignant ainsi les revendications d'une bonne partie des 170 000 fonctionnaires en grève. Ainsi, les enseignants des écoles se sont mis en grève depuis le 4 septembre avec des taux de grévistes atteignant de 80 à 95%, de Rafah (sud de la bande de Gaza) à Jénine (nord de la Cisjordanie).
Ce mouvement s'est propagé jusque dans la police palestinienne et surtout début octobre dans le secteur de la santé où la situation sanitaire est dramatique, y compris en Cisjordanie. Les fonctionnaires du ministère de la Santé n'ont reçu que trois paiements partiels en sept mois et ils ont décidé une grève illimitée pour réclamer le paiement de leur dû.
Parallèlement, le 29 novembre, le site d’information Libcom.org rapportait qu’une grève générale avait surgi dans le secteur public israélien, comprenant les aéroports, les ports, et que les bureaux de poste étaient tous fermés. 12 000 employés des services municipaux ainsi que les pompiers se sont mis en grève à l'appel de la centrale syndicale Histadrout (la Fédération Générale du Travail) en réponse aux violations des accords entre les syndicats et les autorités locales et religieuses. Histadrout a ainsi déclaré que ces dernières ont des arriérés de salaires à payer et que l’argent des employés qui devaient être versés en fonds de pension avait disparu.
La guerre impérialiste amplifie la ruine économique et la misère des prolétaires dans la région. La bourgeoisie des deux camps est de plus en plus incapable de payer ses esclaves salariés.
Ces deux luttes ont fait l’objet de toutes sortes de manipulations politiques. En Cisjordanie et à Gaza, la fraction d’opposition nationaliste, le Fatah, a essayé de se servir des grèves comme d’un moyen pour faire pression sur ses rivaux du Hamas.
En Israël, Histadrout a une longue tradition d’appels à des « grèves générales » hyper-contrôlées pour rabattre la colère des ouvriers sur le terrain bourgeois et au profit de telle ou telle fraction. Mais il est significatif qu’en Israël, la grève générale d'Histadrout (qui a été arrêtée au bout de 24 heures) a été précédée d’une vague de grèves moins bien contrôlées parmi les bagagistes, les enseignants, les professeurs d’université, les employés de banque et les fonctionnaires.
La désillusion devant le fiasco militaire d’Israël au Liban a sans aucun doute alimenté ce mécontentement grandissant. Pendant la grève de septembre dans les territoires palestiniens, le gouvernement du Hamas dénonçait l’action des fonctionnaires comme étant contraire à l’intérêt national et tentait de dissuader les enseignants grévistes: "Si vous voulez manifester, manifestez contre Israël, les Américains et l'Europe !".
En effet, la lutte de classe s’affirme comme contraire à l’intérêt national et s’oppose de ce fait à la guerre impérialiste.
Amos (2 décembre)
En septembre 2006, le CCI a eu l'occasion de présenter, devant un auditoire de 170 étudiants d'une université brésilienne, son analyse de la conjoncture mondiale et de l'alternative historique. Cette présentation1 [961] était organisée autour des axes suivants : la guerre, la lutte de classe et le rôle des élections. Nous publions l'essentiel des débats auxquels elle a donné lieu2 [962].
Avant tout, nous voulons souligner la manière dont les participants se sont situés par rapport à notre présentation, dont le contenu n'était pas "habituel" pour eux puisqu'il dénonçait les élections comme étant totalement au service de la bourgeoisie et mettait en évidence la perspective du développement de la lutte de classe internationale. Malgré cela, loin de provoquer hostilité ou scepticisme, nos analyses ont au contraire suscité un grand intérêt, et souvent même un soutien explicite.
La présentation avait peu développé sur le rôle et la nature des syndicats. Une intervention sur cette question a été particulièrement bienvenue puisqu'elle a mis en évidence que ceux-ci sont des appendices des partis bourgeois et qu'ils constituent un tremplin pour ceux qui veulent faire partie de la haute bureaucratie de l'Etat.
Il nous a été demandé si nous estimions que le gouvernement de Lula était de gauche ou de droite. Nous avons répondu, "de gauche, sans le moindre doute". Le fait qu'il se soit comporté au gouvernement comme un ennemi du prolétariat ne change en rien cette réalité, vu que la gauche est élue avec la même mission que la droite : défendre les intérêts du capital national, ce qui ne peut être réalisé qu'au détriment du prolétariat.
Quel que soit le discours, plus ou moins radical, de Bachelet au Chili, de Kirchner en Argentine, de Chàvez au Vénézuela ou Morales en Bolivie, ils sont tous les mêmes. Le plus "radical" d'entre eux, Chàvez, qui se confronte aux secteurs de la bourgeoisie nationale qui gouvernaient jusqu'en 1988 et qui ne rate pas une occasion pour dénoncer publiquement l'impérialisme des Etats-Unis -et de renforcer sa propre zone d'influence dans les Caraïbes- n'hésite pas à organiser, avec la même brutalité, l'exploitation des prolétaires vénézuéliens.
Si nous disons que la gauche et la droite défendent toutes les deux les intérêts du capital national contre le prolétariat, cela ne signifie pas pour autant qu'elles sont identiques. En effet, de façon générale, les prolétaires ne se font pas d'illusion sur les intentions de la droite qui défend ouvertement les intérêts de la bourgeoisie. Mais malheureusement, ce n'est pas le prolétariat dans son ensemble qui parvient à la même clarté en ce qui concerne le rôle de la gauche. Ceci signifie que la gauche, et encore plus l'extrême gauche, disposent d'une plus grande capacité pour mystifier le prolétariat. Pour cette raison, ces fractions de l'appareil politique de la bourgeoisie constituent un ennemi plus dangereux pour le prolétariat.
Quelques interventions sont revenues sur les élections dont le rôle avait été largement développé dans la présentation. "Est-ce que c'est vraiment impossible de les utiliser en faveur d'une transformation sociale ?" Sur cette question, notre position n'a rien de dogmatique, mais reflète une réalité mondiale qui existe depuis le début du 20e siècle. À partir de ce moment, non seulement "Le centre de gravité de la vie politique quittait définitivement le parlement", comme disait l'Internationale communiste, mais en plus le cirque électoral ne peut qu'être une arme idéologique entre les mains de la bourgeoisie contre le prolétariat.
"Si les élections ne sont pas un moyen de la lutte de classe, comment le prolétariat va-t-il faire pour lutter ?"
Les luttes que le prolétariat a développées depuis 1968 n'ont pas été des "luttes électorales". Bien qu'elles n'aient pas été capables de tracer explicitement une perspective révolutionnaire, elles ont pourtant été suffisamment fortes pour empêcher une guerre mondiale du temps de la Guerre froide et – depuis - des chocs frontaux entre grandes puissances. Le prolétariat continue à être un frein au déchaînement de la guerre. Le prolétariat, et la population exploitée en général, ne sont pas mobilisés derrière les bannières des différentes bourgeoisies nationales. L'impossibilité actuelle des Etats-Unis à recruter des soldats pour servir de chair à canon dans les conflits en Irak et en Afghanistan, illustre une telle situation.
Refusant de se soumettre à la loi de la détérioration constante de ses conditions de vie résultant de l'aggravation de la crise, le prolétariat mondial va nécessairement amplifier ses luttes. En particulier depuis deux ans, ses luttes, qui se développent à l'échelle mondiale, présentent de manière croissante des caractéristiques qui constituent des ingrédients nécessaires au développement futur d'un processus révolutionnaire :
• le caractère massif de la lutte, comme nous venons de voir avec la grève de deux millions d'ouvriers au Bangladesh ;
• la solidarité démontrée par les prolétaires de l'aéroport de Heathrow à Londres et des transports à New York en 2005 ;
• la capacité de faire surgir, au sein de la lutte, des assemblées massives ouvertes à tous les ouvriers, comme dans la grève des métallurgistes à Vigo en Espagne au cours du dernier printemps ;
• la capacité de la lutte des étudiants en France, durant ce même printemps, à donner naissance à des assemblées générales souveraines, capables de préserver l'indépendance de la lutte par rapport aux syndicats et partis de la bourgeoisie qui essayaient de la contrôler pour l'affaiblir.
A propos de ce dernier mouvement, il s'est exprimé une insistance afin que nous en parlions davantage, ce que nous avons fait brièvement. Ce ne sont pas les salariés qu'il a essentiellement mobilisés mais, cependant, ceux qui étaient en lutte faisaient déjà partie du prolétariat. En effet, une très grande proportion des étudiants est contrainte de travailler pour survivre, de même qu’un très grand nombre d'entre eux va intégrer, à la fin de leurs études, les rangs du prolétariat. Les étudiants se sont mis en lutte pour la révocation d'une loi qui, parce qu'elle aggravait la précarité, constituait une attaque contre tout le prolétariat. C'est donc en toute conscience que la grande majorité du mouvement a pris en charge la recherche de la solidarité de l'ensemble du prolétariat et des tentatives de le mobiliser dans la lutte. A différentes reprises, il y a eu des manifestations massives qui ont mobilisé 3 millions de personnes le même jour dans différentes villes de France. Dans la plupart des universités en grève, il y avait régulièrement des assemblées générales souveraines qui constituaient le poumon de la lutte. La solidarité se trouvait au centre de la mobilisation alors que, dans le même temps, s'exprimait dans la population et dans le prolétariat en particulier, un énorme courant de sympathie en faveur de cette lutte. Tout ceci a obligé le gouvernement à reculer devant la mobilisation afin d'éviter qu'elle ne s'amplifie davantage.
Quelques interventions ont exprimé des préoccupations concernant les difficultés objectives du développement de la lutte de classe : "Est-ce que la dissolution des unités de production ne posera pas un obstacle à ce développement ?" De manière générale, nous assistons à une diminution du prolétariat industriel comme résultat, à la fois, des mutations dans le processus de production (qui a également comme conséquence qu'un nombre croissant de prolétaires travaillent dans le secteur dit tertiaire), de la crise économique et des délocalisations de secteurs de production vers des pays où la main-d'œuvre est moins chère, comme la Chine, qui a connu un développement important ces dernières années. Ce phénomène constitue une difficulté pour le prolétariat mais celui-ci a déjà montré qu'il est capable de la surmonter. En effet, le prolétariat ne se limite pas à la classe ouvrière industrielle. Le prolétariat inclut tous ceux qui, en tant qu'exploités, n’ont que leur force de travail à vendre comme source de leur survie. Le prolétariat existe partout et son lieu privilégié pour se regrouper et s'unir est la rue, comme l'a à nouveau illustré le mouvement des étudiants en France contre la précarité.
La délocalisation de secteurs d'activité vers des pays comme la Chine a créé une division entre le prolétariat chinois, hyper exploité avec des conditions de vie terribles, et le prolétariat des pays centraux qui, à cause de la disparition de secteurs importants de production, souffre des conséquences d'un chômage accentué. Mais ceci n'est pas une situation exceptionnelle. En effet, depuis le début de son existence, le capitalisme a mis les prolétaires en concurrence les uns contre les autres. Et, dès le début, la nécessité de résister collectivement à cette concurrence a contraint les ouvriers à surmonter celle-ci par la lutte collective. Il vaut la peine en particulier de signaler que la fondation de la Première Internationale a correspondu à la nécessité d'empêcher la bourgeoisie anglaise d'utiliser des ouvriers de France, Belgique ou Allemagne afin de briser les grèves des ouvriers anglais. Aujourd'hui, malgré des luttes importantes du prolétariat chinois, celui-ci n'est pas capable, à lui seul, de rompre son isolement. Cela met en évidence la responsabilité du prolétariat des pays les plus puissants pour impulser, à travers ses luttes, la solidarité internationale.
Le développement de la lutte de classe sera marqué par la capacité croissante du prolétariat à contrôler ses luttes et à prendre en charge lui-même leur organisation. Pour cela, la pratique des assemblées générales souveraines, qui élisent des délégués révocables par elles-mêmes, tendra à se généraliser. Cette pratique précède le surgissement des conseils ouvriers, futurs organes de l'exercice du pouvoir du prolétariat. Ce type d'organisation est le seul permettant aux prolétaires de prendre collectivement un contrôle croissant sur la société, sur leur existence et sur le futur.
Un tel objectif ne saurait être atteint au moyen de formes organisationnelles qui ne rompent pas avec le cadre de l'organisation de la société bourgeoisie, telle que, par exemple, la "démocratie participative" qui, soi-disant, corrigerait les défauts de la démocratie représentative classique. Une intervention nous a demandé notre position à ce sujet. Pour nous, la démocratie participative n'est rien de plus qu'un moyen permettant de faire en sorte que les exploités et les exclus gèrent eux-mêmes leur propre misère, et visant à les tromper quant aux pouvoirs qui leur seraient ainsi réellement conférés au sein de la société. En fin de compte, la démocratie participative n'est rien de plus qu'une pure mystification.
Il est nécessaire d'asseoir les perspectives du développement de la lutte de classe sur l'expérience historique du prolétariat. A ce propos, la question suivante nous a été posée : "Pourquoi la Commune de Paris et la Révolution russe ont-elles été défaites ? Et pourquoi la Révolution russe a-t-elle dégénéré ?"
La Commune de Paris n'était pas encore une "vraie révolution", c'était une insurrection victorieuse du prolétariat limitée à une ville. Ses limites ont été essentiellement le résultat de l'immaturité des conditions objectives. En effet, à cette époque, d'un côté, le prolétariat ne s'était pas encore suffisamment développé pour pouvoir confronter, dans les principaux pays industrialisés, le capitalisme pour le renverser. De l'autre côté, le capitalisme n'avait pas encore cessé de constituer un système progressif, capable de développer les forces productives sans que ses contradictions se manifestent d'une manière chronique et encore plus brutale. Cette situation a changé au début du 20e siècle, avec le surgissement en Russie en 1905 des premiers conseils ouvriers, organes de pouvoir de la classe révolutionnaire. Peu après, le déclenchement de la Première Guerre mondiale constituait la première manifestation brutale de l'entrée du système dans sa phase de décadence, dans sa "phase de guerre et de révolutions" comme la caractérisait l'Internationale communiste. En réaction au déclenchement de la barbarie à une échelle inconnue jusqu'alors, une vague révolutionnaire s'est développée au niveau mondial, dans laquelle les conseils ouvriers ont de nouveau fait leur apparition. Le prolétariat parvenait à prendre le pouvoir politique en Russie, mais une tentative révolutionnaire en Allemagne en 1919 fut défaite grâce à la capacité de la social-démocratie de tromper les prolétaires. Cet échec a considérablement affaibli la dynamique révolutionnaire mondiale qui, en 1923, était déjà presque éteinte. Isolé, le pouvoir du prolétariat en Russie ne pouvait que dégénérer. La contre-révolution s'y est manifestée par l'ascension du stalinisme et à travers la formation d'une nouvelle classe bourgeoise personnifiée par la bureaucratie étatique. Mais, contrairement à la Commune de Paris qui n'avait pu s'étendre à cause de l'immaturité des conditions matérielles, la vague révolutionnaire mondiale fut défaite à cause de la conscience insuffisante, au sein de la classe ouvrière, des enjeux historiques et de la nature de classe de la social-démocratie qui avait définitivement trahi l'internationalisme prolétarien et le prolétariat au moment de la Guerre Mondiale. Les illusions persistantes dans les rangs prolétariens vis-à-vis de cet ennemi de classe ne lui ont pas permis de démasquer ses manœuvres visant à défaire la révolution.
Moins d'une année après avoir fait une présentation à l'université de Vitòria da Conquista, devant plus que 250 étudiants, sur le thème "La Gauche communiste et la continuité du marxisme", cette dernière réunion nous permet de vérifier avec beaucoup de satisfaction que, en lien avec un rejet croissant de la misère matérielle, morale et intellectuelle de ce monde en décomposition., il existe un intérêt croissant de la part des nouvelles générations pour le devenir de la lutte de classe Nous invitons tous ceux qui étaient présents à cette réunion ou qui ont l'opportunité de lire le présent article à continuer le débat commencé et de se manifester par écrit à propos des questions qui ont été présentées.
CCI (12 octobre 2006)
1 [963] Disponible en portuguais ici : “La conjoncture mondiale et les élections” [964]
Depuis le mois de juin, un des Etats les plus pauvres du Mexique, celui d’Oaxaca, connaît une situation sociale particulièrement dramatique (voir RI n° 373 [930] et 374 [954]). Les derniers évènements ont eu pour épilogue une répression féroce orchestrée par l’Etat mexicain qui a envoyé le 27 octobre dernier les FPF (Forces de la Police Fédérale) à la rescousse des milices du gouverneur Ulizes Ruiz confronté à une forte agitation de la population. Depuis une quinzaine de jours, on compte des dizaines de morts et des centaines d’emprisonnement. Voilà le vrai visage de la démocratie bourgeoise : assassinats et répression de masse ! Mais, pour que cette réponse de la classe dominante puisse avoir lieu, il a fallu auparavant que d'autres forces bourgeoises lui aient ouvert la voie. Syndicalistes, gauchistes et populistes de tous poils se sont ainsi mis à l’œuvre, sous prétexte de "soutien" au mouvement des enseignants, afin de pourrir la réflexion qui pouvait se mener au sein de ce mouvement. Parti initialement sur des revendications salariales et l’amélioration des conditions de travail des enseignants d’Oaxaca, le mouvement a été rapidement détourné sur des revendications populistes et interclassistes, se fixant non plus sur la défense des intérêts ouvriers mais sur celui de la défense de la démocratie et de l’opposition au gouverneur Ruiz. Dans cette entreprise de sabotage du mouvement des enseignants, on a vu se précipiter tout ce que le pays compte de groupes et groupuscules prêts à "soutenir" le mouvement comme la corde soutient un pendu. C’est ce travail de sape qui a permis d’ouvrir le temps de la répression contre le mouvement.
Nous reprenons ci-dessous un article de Revolucion Mundial [967] qui dénonce le travail de sabotage que, parmi d’autres, les groupes trotskistes ont mené pendant le mouvement.
Les groupes trotskistes voudraient nous faire croire qu’on se trouverait dans une situation révolutionnaire, avec des soviets, un double pouvoir (caractéristiques de la révolution prolétarienne) et presque en situation de prise du pouvoir par les travailleurs. Il est, bien sûr, regrettable que ce ne soit pas le cas, mais en mettant cela en avant, ces groupes ont semé la confusion et ont poussé les travailleurs à faire confiance à des actions clairement éloignées de leur terrain de classe.
Voici une affirmation mise en avant dans un tract du groupe trotskiste El Militante 1 [968]: “La décomposition sans précédent de l’appareil d’Etat est l’un des symptômes les plus clairs du fait que nous nous trouvons aux portes d’un processus ouvertement révolutionnaire. L’élément le plus important (…) est la disposition des masses pour la lutte et la volonté de mener cette lutte jusqu’au bout. Il ne manque que cette volonté de lutte soit dirigée vers la prise du pouvoir par les travailleurs et la destruction totale de l’appareil d’Etat bourgeois; c’est pour cela que le programme, la stratégie et la tactique qui seront décidés par la Convención Nacional Democrática (CND) 2 [969] seront déterminantes pour le futur mouvement”.
Il est d’abord nécessaire de clarifier une chose : le développement d’une grande combativité ne veut pas dire qu’au sein de la classe il y ait une conscience claire sur ce qu’on doit faire et vers où l'on va. Combativité et conscience ne vont pas forcément de pair dans le développement des luttes. C’est pour cela qu’il y a beaucoup d’expressions combatives qui finissent en révoltes sans lendemain. La combativité et la conscience ont tendance à se rejoindre au fur et à mesure qu’une situation révolutionnaire mondiale commence à poindre à l’horizon. La révolution est une œuvre consciente avant tout. Mais il faut surtout bien souligner que cette "volonté de lutte" dont parle El Militante est totalement soumise aux orientations d’une fraction de la bourgeoisie, parce que la CND est un défenseur de la démocratie, de l’Etat et, bien évidemment, elle ne mettra jamais en question le moindre aspect de la dictature du capital sur le travail.
Les travailleurs et les masses non exploiteuses prises dans la nasse des illusions du cirque électoral, ont beaucoup de difficultés pour voir clairement quelle direction prendre, par où il faut aller. Ainsi, lorsque El Militante affirme que "nous nous trouvons aux portes d’un processus ouvertement révolutionnaire", il cherche à mystifier les travailleurs en leur donnant de faux espoirs, pour ainsi les désarmer et les mettre sous contrôle de la fraction de la bourgeoisie représentée par Obrador, le PRD et la CND.
Face à ces évènements, un groupe trotskiste, la Ligue des travailleurs pour le Socialisme-A Contre-courant (LIT-CC), dans son journal Estrategia Obrera nº 53 (16-09-2006) joue son rôle d’instrument de la confusion. Tout en semblant dénoncer le PRD, il ne fait qu’apporter de l’eau au moulin de la bourgeoisie : "…la combinaison d’une forte crise au sommet, l’existence d’un mouvement démocratique de masse et la commune d’Oaxaca, ouvrent une situation prérévolutionnaire, qui pourrait être le préambule de la deuxième révolution mexicaine, ouvrière et socialiste."
L’expression "Commune d’Oaxaca" est typique de ces phrases démagogiques dont le seul but est de créer la confusion chez les travailleurs. C’est un mensonge. D’abord parce que ce qui se passe à Oaxaca est l’expression d’une masse qui n’est pas dirigée par le prolétariat, mais à laquelle c’est lui qui est soumis aussi bien sur les objectifs que dans les décisions prises. Mais, surtout, parce que si la Commune de Paris a légué une leçon au mouvement ouvrier, une leçon que le marxisme a toujours défendue, c’est bien qu’il ne s’agit pas de "conquérir" la machine étatique mais de la détruire de fond en comble. Demander la destitution du gouverneur Ulises Ruiz est non seulement aux antipodes de la destruction de l’Etat mais représente surtout une manœuvre pour détourner la lutte des travailleurs vers un objectif bourgeois. Aussi, prétendre qu’à Oaxaca, il y aurait eu une "Commune" est une manière sournoise de faire passer pour prolétarien un mouvement qui a migré entiérement en dehors du terrain de la classe ouvrière.
La prétendue "Révolution mexicaine" relève de la même falsification de l’histoire du mouvement ouvrier. Les références à Lénine, pour caractériser une situation révolutionnaire, disant que "ceux d’en haut ne peuvent plus gouverner", n’ont rien à voir avec ce qu’on est en train de vivre à Oaxaca. Dans cette région existait effectivement un processus de radicalisation des masses, mais qui a été détourné vers des actions stériles et désespérées de défense des objectifs bourgeois de l’APPO, sans autre objectif que de sortir du gouvernorat le satrape Ulises Ruiz.
Pour un autre groupe trotskiste, Germinal (Espagne), l’APPO n'est rien de moins que "l’embryon du possible Etat ouvrier 3 [970], l’organe de nature soviétique le plus développé qu’on a pu voir depuis des décennies sur toute la planète" (13 septembre 2006). Une telle affirmation est une véritable épine dans le pied des ouvriers d’Oaxaca. Il s’agit d’une déformation délibérée pour faire en sorte que les travailleurs voient un soviet là où il n’y a qu’un vulgaire front interclassiste. Un soviet, ou conseil ouvrier, est une organisation qui germe dans une période prérévolutionnaire ou directement révolutionnaire, où participent tous les travailleurs, avec des assemblées qui sont l’âme et la vie de l’insurrection, avec des délégués élus et révocables. Dans l’APPO se sont enkystés des "leaders" dont la proximité avec les structures du pouvoir sont bien connues (comme les porte-parole de l’APPO : Rogelio Pensamiento, bien connu pour ses liens avec l’encadrement du PRI, l’ex-député du PRD, Flavio Sosa ou le syndicaliste du SNTE, Rueda Pacheco, dont on sait très bien qu’il a reçu pendant longtemps des "soutiens économiques" de la part du gouvernement d’Ulises Ruíz lui-même). Si, en plus, on regarde la composition de ce prétendu "soviet", on constate sur le premier compte-rendu de l’APPO que celle-ci s’est constituée avec 79 organisations "citoyennes", 5 syndicats et 10 représentants des écoles et de parents d'élèves. Cet amalgame permet l’expression de tout, excepté celle de l’indépendance et de l’autonomie du prolétariat.
Les décisions de ce pseudo “soviet” ou de cette prétendue “commune” dont parlent les trotskistes ne se distinguent pas, dans la pratique, de celles prises par n’importe quel organe préoccupé par la bonne marche des affaires capitalistes. Le groupe Germinal lui-même le fait remarquer pour l’applaudir des deux mains : "Une police municipale propre a été créée (le ‘corps de topiles’)" et "le 3 septembre, en même temps qu’il a été approuvé de convoquer à la constitution d’assemblées populaires dans tous les états du Mexique, il a été décidé : (…) que dans les ordonnances on envisage la réactivation de l’économie, de la sécurité citoyenne, de la propreté et de l’embellissement de la ville, une ordonnance pour le transport urbain et suburbain, une ordonnance pour attirer le tourisme et une autre pour la vie en commun harmonieuse". Voilà les faits qui leur font affirmer que c’est l'organe prolétarien "le plus développé qu’on a pu voir depuis des décennies sur toute la planète", autrement dit, la défense pure et simple d’un meilleur fonctionnement économique, politique et social du capitalisme !
Le soulèvement à Oaxaca était on ne peut plus justifié, les instituteurs se trouvent dans une misère noire, la même que des millions de leurs frères de classe dans le reste du pays et du monde entier, mais leur colère a été récupérée et dévoyée par la bourgeoisie. Voilà pourquoi l’APPO n’est pas un exemple de ce qu’il faut faire, mais de ce qu’il ne faut surtout pas imiter. La question vitale de l'autonomie de la lutte du prolétariat est toujours un problème qui reste à résoudre.
Marsan (10 octobre 2006)
1 [971] Ce groupe se dit être la "voix marxiste des travailleurs", ce qui ne l’empêche pas de se proclamer courant "cofondateur du Parti de la Révolution Démocratique", le PRD de Lopez-Obrador.
2 [972] La Convention National Démocratique, coalition de la gauche mexicaine qui ne reconnaît qu’Obrador comme président "légitime", et qui, à l'initiative de ce dernier, organise régulièrement des grands rassemblements à Mexico (comme le 1er décembre pour contrer l'investiture "officielle" de Calderon) afin de maintenir la "pression populaire".
3 [973] Ajoutons au passage que pour le CCI "Etat ouvrier" est un contresens. Les ouvriers devront détruire l’Etat et ce n’est pas en y ajoutant le qualificatif "ouvrier" qu’on va changer sa nature. Voir à ce sujet notre brochure L’État de la période de transition.
L'annonce en pleine période pré-électorale de la nécessité de poursuivre et de renforcer les attaques sur les retraites en dit long sur la profondeur de la crise et à quel point la bourgeoisie est prise à la gorge. Le Conseil d'Orientation des Retraites a sorti le 11 janvier dernier un rapport commandité par l'actuel gouvernement. Ce rapport préconise d'une part un nouvel allongement de la durée des cotisations à 42 ans pour tous afin de pouvoir bénéficier d'une retraite à taux plein, d'autre part une remise en cause des régimes spéciaux. Les régimes spéciaux permettent à certaines catégories de travailleurs de partir à la retraite dès 55 ans, en fonction de la pénibilité du travail (les marins, les mineurs, le secteur de l'imprimerie…) ou en fonction d'accords avec certains secteurs nationalisés au lendemain de la Seconde Guerre mondiale (à EDF-GDF, à la SNCF, à la RATP, chez les militaires). Pour faire passer la pilule, on montre du doigt les autres Etats de l'Union Européenne où "c'est pire" : de fait, ces nouvelles attaques sur les retraites, qui se préparent à porter l'âge moyen du droit à la retraite de 65 à 67 ans en Allemagne ou de 67 à 68 ans en Grande-Bretagne, illustrent clairement la faillite générale et globale du système capitaliste incapable de nous payer une retraite décente à l'issue d'une vie d'exploitation. Déjà, en France, le recours croissant à des emplois "seniors" sous-payés montre la voie. Sous prétexte de "l'inexpérience" des uns, ou du "manque de productivité" des autres, toutes les tranches d'âge paient le tribut d'une crise permanente qui les plonge toujours davantage dans la précarité, le chômage, la misère. Depuis la parution du "livre blanc" du socialiste Rocard en 1991 préconisant toutes les mesures ultérieures, droite et gauche se sont relayées sans relâche pour repousser l'âge de la retraite et surtout diminuer le montant des pensions :
- en 1993, le gouvernement Balladur avait porté à 40 ans la durée de cotisations dans le secteur privé ;
- en 1995, le plan Juppé avait mis à l'ordre du jour la suppression des régimes spéciaux ;
- une large partie de ces régimes ont été progressivement supprimée par les gouvernements Jospin puis par celui de Villepin, notamment à la Banque de France, dans les assurances, à La Poste et à France-Télécom ;
- enfin, la "réforme" de 2003 sur les régimes de retraites a étendu à toute la fonction publique l'attaque de 1993 en allongeant aussi à 40 ans la durée des cotisations pour ces travailleurs
Et tout cela va se poursuivre. La droite comme la gauche se préparent déjà à de nouvelles attaques pour l'après-mai 2007. Il y a 6 mois, le ministre Fillon a relancé le bouchon sur la suppression totale des régimes spéciaux (ou plutôt ce qu'il en reste), puis le candidat Sarkozy a inclus cette attaque dans ses priorités au "nom de l'équité sociale". Plus discrètement mais tout aussi sûrement, la candidate de la gauche, madame Royal, propose exactement le même programme : "Il y a un chantier d'harmonisation à conduire dans le système de réforme des retraites". Et le mentor du PS, Hollande renchérit : "Bien sûr qu'il faudra réformer ces régimes : ça se fera dans un cadre concerté au moment où le rendez-vous a été fixé." Quant à celui qui se présentait naguère comme le champion de l'aile gauche du PS Fabius, il a déclaré également : "Il faut rouvrir le dossier des régimes spéciaux." Le futur "ministre de l'économie" de l'équipe, DSK, a d'ailleurs proposé de financer les dépenses des caisses de retraite par la CSG (Contribution Sociale Généralisée), autrement dit par une nouvelle augmentation de cette taxe qui va toucher tout le monde, y compris les retraités eux-mêmes qui paieront ainsi doublement leurs droits de pension. Le seul "truc" du PS, c'est de chercher à camoufler l'attaque en se réfugiant derrière l'hypocrite "décision prise à l'issue d'une négociation démocratique avec tous les partenaires sociaux", autrement dit, les syndicats. Alors qu'on connaît d'avance la partition musicale, la CFDT, sur qui repose la gestion des caisses de retraites, jouant à fond la carte de la réforme, la CGT et les autres faisant mine de s'opposer à elle pour pouvoir encadrer la contestation et l'isoler branche par branche, secteur par secteur.
Mais ce n'est pas tout : en plus des plans de licenciements qui pleuvent de plus belle (voir article sur Airbus en page 2), il est prévu d'éliminer à nouveau en 2007, 25 000 postes dans la Fonction publique. Parmi ceux-ci, 5000 emplois d'enseignants seront supprimés à la prochaine rentrée. Par un curieux paradoxe, l'Etat français se vante de détenir le ruban bleu (ou rose) du record de naissances en Europe et son gouvernement d'accueillir de moins en moins d'enfants dans les écoles. Cherchez l'erreur ! Pour l'Education nationale par exemple, l'attaque ne s'arrête pas là puisque la "gaffe calculée" de madame Royal sur le projet d'extension des 35 heures hebdomadaires aux enseignants montrait la voie. Elle est relayée aujourd'hui par la suppression de la rémunération d'une à trois heures de décharge d'enseignement hebdomadaire, contribution quasi-obligatoire au travail administratif de l'établissement. Les enseignants se retrouvent ainsi contraints d'accepter de donner des heures de cours supplémentaires sous peine de perdre entre 1000 et 1600 euros par an. D'autre part, le projet de loi du ministère prévoit de généraliser la "bivalence" : faire assurer l'enseignement dans deux disciplines distinctes par un même prof dans les lycées et collèges. Tout cela se traduit par une détérioration des conditions de travail, une précarisation accrue et une chute du niveau de vie dans le secteur de l'Education nationale. Le Monde daté du 21 janvier titrait sur la paupérisation des profs. Celle-ci est étayée par une étude révélant que les enseignants du secondaire et les profs d'université ont perdu 20% de leur pouvoir d'achat entre 1981 et 2004 et de 9% pour les instituteurs (soit dit en passant, cette érosion des salaires a commencé dès l'arrivée de la gauche au gouvernement). 2007 voit aussi la poursuite des suppressions de postes dans les autres services publics. Ainsi à la SNCF, le fait qu'il y ait "seulement" 4500 emplois prévus en moins (au lieu de plus de 5000 en 2006) est quasiment présenté comme une "bonne nouvelle". La bourgeoisie ne recule devant aucun effet de manches.
Pas d'illusions ! Le choix des urnes ne changera absolument rien au menu des attaques. Ce n'est pas par la voie électorale, atomisés dans les isoloirs, que les prolétaires pourront se défendre contre de telles attaques. Face à un gouvernement qui, quel qu'il soit, se prépare à cogner toujours plus fort, les ouvriers n'ont pas d'autre choix que de développer leurs luttes sur un terrain de classe.
W (23 janvier)
D’après un sondage commandé début décembre par l’association Emmaüs, près d’un Français sur deux craint de devenir un jour sans domicile.
Loin de la paranoïa ou du fantasme collectif, ce sentiment aigü de fragilité face à l’existence n’a rien d’étonnant et trouve même son entière légitimité dans un monde capitaliste parvenu aujourd’hui au stade suprême où plus aucune de ses promesses n’a de sens hormis celle de la pauvreté pour tous. Chômage, travail et revenus précaires, accès d’autant plus improbable au logement et aux soins ; l’avenir est devenu pour bon nombres de travailleurs un gigantesque point d’interrogation.
Avec ou sans travail, jeunes ou vieux, de plus en plus d’ouvriers vivent avec la peur au ventre, la menace sourde de se retrouver du jour au lendemain jetés à la rue comme de vulgaires chiens galeux. Les prolétaires ont d’excellentes raisons de s’inquiéter de l’avenir qui leur est réservé ainsi que de celui qui se prépare pour leurs enfants.
La réapparition et l’extension de bidonvilles dans un alignement de caravanes et de tentes sur les quais ou sous les ponts des grandes villes sont là pour en attester ; le capitalisme impose une marche ininterrompue vers la misère.
Il est bien difficile, dès lors, de ne pas être ulcéré par les conditions de vie inhumaines dans lesquelles se débattent des franges toujours plus grandes d’hommes, de femmes, voire de familles entières, privés de logement.
Comment ne pas être révolté contre un système qui laisse mourir ses esclaves parce qu’il est, de plus en plus, incapable de fournir le strict minimum pour assurer leur survie ?
Evidemment, la bourgeoisie (soucieuse de la conservation des bases sur lesquelles repose son monde) ne peut laisser l’indignation et la colère monter dans les rangs ouvriers.
Autant dire que l’arrivée sur la scène médiatique des Enfants de Don Quichotte au beau milieu du mois de décembre a été, pour elle, une occasion en or pour faire mine de "désamorcer" ce qu’il est convenu d’appeler désormais la crise du logement.
En effet, avec une rapidité fulgurante l’association des Don Quichotte, fraîchement mise sur pattes par la famille Legrand, est devenue le défenseur n°1 des sans-abri après l’installation d’un campement de 250 tentes le long du Canal Saint Martin à Paris. Le fils de cette sainte famille, Augustin, "le grand frère des pauvres", nouvelle coqueluche des médias habillée par ces derniers en Abbé Pierre collection hiver 2006/2007, s’explique : "Je me suis dis, je vais organiser une révolution pour leurs donner [aux SDF] la possibilité de s’exprimer et faire venir des bien-logés pour manifester"… "on s’est dit que si des milliers de personnes campaient dans la rue, le gouvernement serait bien obligé d’agir."
En voilà une drôle de révolution où il faut s’agenouiller et supplier le gouvernement de ceux qui nous exploitent pour que cesse la misère !
Quoi qu’il en soit, on ne devient jamais superstar sur un simple mal entendu… ça se mérite ! De ce point de vue, il faut bien dire que le discours de la famille Legrand a constitué un savoureux pain béni pour la classe dominante.
Pourquoi avoir choisi la célèbre figure de Don Quichotte ? Est-ce parce qu’il s’agit du "combat de l’impossible" ? Pas tout à fait puisque Augustin Legrand n’a eu de cesse d’invoquer les grands principes de la démocratie et de ses droits : "je suis fier d’être Français parce qu’on a les Droits de l’Homme avec nous." Extraordinaire espoir !
Ainsi, la messe est dite. Plus besoin finalement d’aller faire la révolution, le capitalisme se suffit à lui-même… il n’y a plus qu’à mettre un peu d’huile de coude, de la bonne volonté pour faire appliquer la loi, les droits et voilà le tour est joué… Don Quichotte est devenu Merlin l’Enchanteur.
Evidemment, l’irruption de la question du logement en pleine campagne présidentielle a également conduit la plupart des partis bourgeois (montés sur leur poulain, pouliche, ou vieille carne respectivement) à se bousculer et jouer des coudes pour signer la Charte du Canal Saint Martin pour l’accès de tous à un logement dans un grand élan… d’hypocrisie.
Ainsi, Nicolas Sarkozy (empruntant à Jospin la formule du "zéro SDF") a promis, lors de son déplacement à Charleville-Mézières le 19 décembre, que «plus personne ne sera obligé de dormir sur le trottoir et d’y mourir de froid" (à condition qu’il soit élu) car "le droit à l’hébergement est une obligation humaine" (toujours à la même condition !). De son côté Ségolène Royal, qui promet elle aussi monts et merveilles aux mal logés, déclare dans une envolée lyrique "que la grande pauvreté existe encore dans un pays comme le nôtre, voilà le scandale". Bayrou, Besancenot, Hollande, Boutin, Buffet… les uns après les autres, sont venus souffler dans les voiles du moulin à promesses en signant la Charte des Don Quichotte et par là répondre à l’inquiétude grandissante des ouvriers leur faisant croire que la solution pour demain est contenue dans le système capitaliste lui-même.
Plus fort, le gouvernement Villepin (poussé par les vœux du président) est allé jusqu’à donner dans le concret en annonçant l’adoption prochaine d’une loi faisant du "droit au logement", inscrit dans la constitution de 1946, un droit "opposable". Xavier Emmanuelli, membre du Haut comité pour le logement des personnes défavorisées, chargé de la rédaction du fameux projet de loi explicite ce charabia juridique : "Le droit au logement opposable consiste à mettre le citoyen en situation de s’adresser à une autorité responsable et à lui ouvrir des voies de recours."
En somme, «si tu n’as plus de logement, fait appel à la Justice pour qu’elle te trouve un toit».
La classe ouvrière vient donc de gagner le droit de se plaindre (ou d’aller se faire voir, c’est quif quif)… belle affaire !
Désormais, le droit au logement sera "opposable" au même titre que le droit aux soins, nous dit-on triomphalement. Mais lorsque l’on jette un œil sur la politique de santé menée depuis quelques années (déremboursement des médicaments, sous effectifs et suppressions de lits dans les hôpitaux) on mesure mieux la valeur de cette nouvelle loi… à savoir, nettement moins qu’un pet de lapin.
Voilà ce que la bourgeoisie ose présenter comme une "victoire" et une "sortie de crise" pour les sans-abri et les mal logés. Et notre Don Quichotte national de se dire, au 13h de France 2 le 3 janvier, "très satisfait" des annonces de Villepin car "bien sûr c’est la loi qui va réinsérer ces gens là, on est en train de faire appliquer des mesures d’urgence qu’on peut appliquer très vite par décret de loi que le gouvernement va prendre et ça on est formel, ils vont le faire… c’est une question de Droit de l’Homme…"
"Bien sûr"… dormez braves gens, l’Etat veille sur vous !
Ainsi, Augustin Legrand peut "héroïquement" faire lever le camp le 8 janvier. C’est fini, "Un changement radical de politique concernant les sans-abri…nous conduit à une sortie de crise immédiate"… "nous démarrons immédiatement le processus qui nous conduira à la fin de tous les campements". "Et hop…circulez, plus rien à voir" ; "rentrez chez vous messieurs dames" ; "on a gagné, faut remballer». Les SDF se regardent dubitatifs à l’annonce du patron des Don Quichotte… "partir ? oui, mais où ?". Evidemment, rien n’a été réglé et les campements du Canal Saint Martin et d'ailleurs n’ont pas bougé d’un seul centimètre.
"Mes amis au secours… une femme vient de mourir gelée cette nuit à 3 heures sur le trottoir du boulevard Sébastopol… Chacun de nous peut venir en aide aux sans-abri. Il nous faut pour ce soir, et au plus tard pour demain, 5000 couvertures, 300 grandes tentes… Grâce à vous, aucun homme, aucun gosse, ne couchera ce soir sur l’asphalte ou sur les quais de Paris. Merci." Cet appel aurait très bien pu être celui des Don Quichotte de 2007 mais ce n’est pas le cas. Ici c’est l’Abbé Pierre qui donne de la voix et nous sommes le 1er février 1954. Cinquante ans plus tard, il y a comme un goût de déjà vu et pourtant ce n’est pas la guerre qui est venue cette fois balayer les hommes et leurs logements. Il faut dire que la faillite du capitalisme a plus d’un tour dans son sac pour anéantir la vie. Ainsi, le retour de la crise économique depuis la fin des années 1960 (après un bref instant de répit) n’a cessé de répandre la misère à travers le monde. A ce jour, la France compte 7 millions de travailleurs pauvres, 3 millions de sans abris dont 30% ont un boulot mais cherchent pourtant soir après soir un endroit où dormir …
L’idée donquichottesque selon laquelle "les moyens existent" pour "un plan Marshall d’éradication de la pauvreté" est dans le meilleur des cas une chimère.
Ne pas voir la réalité de ce monde mais le fantasmer tel qu’il ne sera jamais est exactement l’effet que la bourgeoisie cherche à produire sur les cerveaux ouvriers pour qu’ils oublient leur révolte et s’éloignent de la tentation révolutionnaire.
Les enfants de Don Quichotte et après eux (pourquoi pas ?) les petits-enfants d’Emile Zola, avec leurs suppliques adressées à l’Etat, ne peuvent rien pour sauver les indigents toujours plus nombreux dans ce monde…à part donner l’occasion à la classe dominante de nous bercer d’illusions.
Seuls les fils d’Octobre 1917 portent avec eux l’espoir d’en finir avec la misère, parce qu’ils portent en eux la perspective d’un autre monde, celui du communisme.
Jude (21 janvier)
Pour prononcer ses "bons vœux" aux salariés d'Airbus, Louis Gallois, nouveau dirigeant de cette société aéronautique et ex-"tueur" d'emplois à la SNCF, a annoncé que les "grandes lignes" de la restructuration qui menace l'entreprise depuis octobre 2006 seraient décidées début février. Ce plan, baptisé "Power 8", ou "Energie 8", a été en réalité décidé et tenu au chaud depuis l'été dernier. Il prévoit clairement une vaste réorganisation de la production de l'avionneur européen, actuellement dispersée sur 16 sites en Europe, et des suppressions d'emplois, en vue de réduire les coûts de 2 milliards d'euros par an à l'horizon 2010. Il s'agit d'une attaque en règle contre tous les emplois touchant de près ou de loin la construction de l'Airbus, dans un contexte d'aggravation aiguë de la concurrence qui fait rage entre les plus grands constructeurs de l'aviation.
Cette crise, qui touche l’industrie aéronautique européenne à travers Airbus (face à son concurrent principal Boeing) est un exemple frappant de la guerre commerciale que se livrent les nations capitalistes. Ainsi, pour renforcer leur compétitivité, les bourgeoisies européennes concernées tentent de diminuer au maximum le coût de fabrication de l'A380 tout en accélérant sa finalisation. Ce qui se traduit pour la classe ouvrière, en termes de licenciements et d'exploitation accrue touchant des centaines de milliers d’ouvriers en Europe.
Alors que la direction d'Airbus prétend que les mesures du plan de restructuration prendront effet après février 2007, l'attaque a de fait déjà commencé . Le grand mot d’ordre est : "Il faut réduire les coûts de production." Depuis l’annonce de la crise (septembre 2006) les contrats précaires (CDD, intérim) ne sont plus renouvelés, ce qui signifie 1000 emplois supprimés sur chacun des sites d’Hambourg et de Toulouse depuis l'automne 2006.
Ces 2000 licenciements ont pour conséquence une augmentation des charges de travail qui se traduit déjà par des heures supplémentaires imposées. Mais si l’attaque a déjà commencé, elle va toucher dans un premier temps, les sous-traitants. 56 000 personnes, dont le nombre doit être réduit de 80%, sont concernées pour la seule région Midi-Pyrénées. Les chiffres annoncés sont d'une rare brutalité : "Le report du calendrier va coûter près de 5 milliards d'euros à l'avionneur Airbus, qui vient d'annoncer une réduction du nombre des sous-traitants de 3000 à 500. Un sur deux sera installé dans un pays à bas coût de main-d'œuvre." (La Nouvelle République du 14 novembre 2006)
Toutes ces mesures d’économies sont inévitables pour "restaurer" la compétitivité d'Airbus. Aussi, afin de bien "remettre Airbus sur les rails", ses dirigeants ont aussi préparé un plan d’austérité impitoyable pour les ouvriers d’Airbus eux-mêmes, plan que la direction a commencé à mettre en place depuis bien avant les récentes déclarations de Gallois : "Airbus compte notamment réduire de 30% ses frais de fonctionnement"(AFP du 3 octobre 2006) ; il faut gagner "20% de productivité dans toutes les usines dans les 4 prochaines années » et réduire "les coûts de 5 milliards d'euros jusqu'en 2010"(Libération du 9 octobre 2006). Enfin, "à partir de 2010, l’entreprise doit économiser 2 milliards d’euros par an pendant 3 ans"et "diminuer le nombre de fournisseurs"pour tenter de trouver de nouveaux capitaux.
Le nouveau PDG a réuni depuis le mois de septembre tous les "acteurs"du sommet de l’Etat au Comité Central d’Entreprise, c’est-à-dire les syndicats. Dans cette situation, ces derniers ont tous eu le même langage, celui de minimiser la gravité de ce qui se préparait, s'inscrivant pleinement dans les mensonges de la direction et des différents Etats concernés. Dès le début, FO, syndicat majoritaire, a fait semblant de dénoncer les commentaires des médias qui amplifieraient la crise : "Il faut arrêter de déstabiliser notre entreprise au risque d’aggraver dangereusement la situation !" (tract du 10 octobre). De son côté, la CGT minoritaire dénonçait les actionnaires comme fauteurs de la crise : "Ce sont bien les actionnaires avec leurs exigences de rentabilité immédiate qui sont à l’origine des difficultés actuelles et à venir dans cette industrie..."(octobre 2006). Ils sont même allés jusqu’à féliciter les salariés, comme le font les patrons, d’avoir accepté des sacrifices dans l’intérêt de l’entreprise. Les syndicats ont montré, par là, qu’ils sont bien les garants de la bonne gestion de l’entreprise. Tous les syndicats ont donc appliqué les consignes de discrétion soi-disant pour ne pas "déstabiliser l’entreprise vis-à-vis de la concurrence". Ceci est confirmé par cette déclaration du secrétaire de la section syndicale FO à Toulouse : "Si je laisse filer un quelconque document ou si je dis un mot de travers, ça peut se retrouver le lendemain dans la presse américaine ou anglaise. Et je ne voudrais pas être à l'origine d'un effondrement du titre EADS en Bourse." Les syndicats des sites de Nantes et Saint-Nazaire, ainsi que tous les élus de la région (qui ont eux aussi été mis au courant depuis belle lurette), peuvent bien à présent se "mobiliser" et crier leur "indignation"contre la menace de licenciement qui risque de frapper 16 000 emplois en Pays de Loire, tout ce beau monde savait ce qu'il en était depuis des mois.
Aux sacrifices supplémentaires que demande la direction et les "partenaires sociaux", il faut répondre par la lutte. Pour être forts et unis, pour faire reculer les attaques, nous devons rejeter la division entre ouvriers d'EADS et sous-traitants, entre ouvriers français et ouvriers d'Europe ou d’Amérique. La concurrence et le profit sont les maîtres-mots des patrons, de l'Etat et des syndicats, pas les nôtres! La classe ouvrière doit au contraire cultiver ce qui fait sa force, celle de la lutte collective qui seule peut faire reculer une exploitation toujours plus féroce.
Pour développer la lutte, il ne faut pas faire confiance aux organisations syndicales qui créent la division et font passer les attaques. Les récents combats menés par d'autres ouvriers, qu'il s'agisse des jeunes générations lors du mouvement contre le CPE en France, ou de la grève des ouvriers métallurgistes à Vigo en Espagne, montrent l'exemple du chemin à suivre, par la solidarité ouvrière et la volonté de tenir les luttes en mains dans les assemblées générales les plus massives possibles, en-dehors et contre les syndicats.
Damo
Il y a près de 40 ans, les spécialistes de l’environnement mettaient en garde contre le risque à venir d’une crise écologique majeure et la classe dirigeante de ce monde se réunissait déjà (comme à Stockholm en 1972) pour se poser la question : "que faire ?"… sans jamais trouver de réponse qu’elle puisse se permettre d’appliquer.
Aujourd’hui, le danger a mûri pour devenir une réalité indiscutable et meurtrière. Ce n’est un secret pour personne, le mode de production capitaliste pollue l’air et l’eau de ses divers rejets toxiques et réchauffe le climat 1 par l’émission de gaz à effet de serre (CO2). Les conséquences sont désastreuses pour la vie et en premier lieu celle de l’espèce humaine. Inondations, ouragans, canicules, maladies 2… ne sont qu’un avant-goût de ce que prépare la dégradation continue de l’environnement.
Dans ce contexte, le succès d’un Nicolas Hulot, nouveau pape de l’écologie en France, n’a rien d’étonnant.
Après la tournée mondiale d’Al Gore et de son film Une vérité qui dérange, Monsieur Hulot tire à son tour la sonnette d’alarme : "L’heure n’est plus à la réflexion, aux analyses ou aux querelles de chapelles. Agissons ensemble avant qu’il ne soit trop tard." Pour cela, il s’est bruyamment invité dans la campagne présidentielle ; "l’occasion de placer l’écologie au cœur du débat politique" mais aussi "d’élire un candidat capable d’infléchir la trajectoire qui nous mène vers l’abîme."
C’est ainsi que Monsieur Hulot, le globe-trotter de la Maison Bouygues, pose sur la table les 259 pages d’un "programme d’action, à la fois ambitieux et réaliste" : le pacte écologique.
La vedette de TF1 n’est pas tombée du ciel avec la dernière pluie, il sait pertinemment qu’une solution crédible implique la "refondation d’une autre société", "d’autres façon de produire…de consommer…de se déplacer, de se nourrir, de se chauffer, de se loger…"… "Une révolution ? Oui !". Pas de panique, que tout le monde se rassure, Monsieur Hulot n’est pas, non plus, tombé sur la tête. Il reste bien l’homme d’une seule classe, celle de son vieil ami Chirac et du futur président français à qui son pacte s’adresse. C’est pourquoi cette "autre société" n’est rien moins que le rêve fumeux d’un capitalisme propre, non polluant, capable de se préoccuper des hommes et de leur environnement plutôt que de ses profits. Bref, une de ces bestioles improbables tout droit sortie d’un livre de mythologie antique qui n’a d’existence possible que dans le cerveau étriqué d’un Nicolas Hulot, telle une marmite bouillonnante sur laquelle reposerait un couvercle de plomb.
Outre le mythe moyenâgeux du retour à la terre, présent dans son pacte sous la forme d’une société "sobre et économe" pratiquant la réduction drastique des déplacements et "l’augmentation de la population agricole", il n’en reste pas moins une série de mesures tout à fait valable pour lutter efficacement contre la pollution : le développement des transports en commun, le train plutôt que le transport routier ; la conception de logement moins énergivores car mieux isolés, le développement d’énergies non polluantes (éolien, solaire…) ; la production de biens recyclables dotés d’une durée de vie plus longue…
Les solutions ne manquent pas mais Monsieur Hulot semble éluder une question de taille : le capitalisme est-il capable de les mettre en œuvre ? Il est pourtant évident que non. En effet, toutes ces mesures nécessiteraient une telle réorganisation de l’appareil productif que le coût de ce chambardement pour chaque nation serait insupportable. Les dépenses de conversion aux énergies propres, de recherches et mise en place de nouveaux procès de fabrication, de conception et production de marchandises non pas au rabais mais de qualités pour qu’elles soient capables de durer dans le temps, seraient exorbitantes. Aucun capitaliste, aucune économie nationale ne peut supporter un tel coût sans signer en même temps son acte de décès. Le système capitaliste ne vit que pour une chose : faire du profit. Si demain, comme le demande Nicolas Hulot, la France adopte toutes ces mesures de protection de l’environnement afin de servir d’exemple et d’entraîner dans une réaction en chaîne le reste du monde, alors la bourgeoisie française est sûre de se faire sauvagement piétiner sur le marché mondial par les nations concurrentes qui auront gardé leur compétitivité intacte en continuant à polluer à moindre frais.
Depuis les années 1970, les conférences internationales et les traités pour la sauvegarde de la planète prolifèrent (Montréal, Rio, Kyoto)… sans résultats. La classe dominante a conscience du fait que son mode de production conduit à la catastrophe écologique. Elle voudrait sûrement qu’il en soit autrement mais il lui est impossible d’aller à l’encontre des lois qui régissent son monde. Le capitalisme emmène l’humanité droit dans le mur et il y va en klaxonnant. Le pacte de Nicolas Hulot s’inscrit lui aussi dans ce récurrent aveu d’impuissance.
Au final, le présentateur d’Ushuaïa a choisi de "faire confiance à la parole des candidats" qui ont signé son pacte et de ne pas se présenter lui-même à l’élection présidentielle… Pas folle la guêpe. Elle sait bien que le discrédit est assuré.
Le péril écologique ne pourra jamais être dépassé dans le cadre du capitalisme, simplement parce que c’est précisément ce cadre qu’il s’agit de défaire pour instaurer une autre société capable d’orienter toutes ses forces vers la préservation de la vie. Et cette autre société, c’est exactement le projet de la classe ouvrière.
Azel (22 janvier)
1 "Cinq degrés de différence sur la moyenne de la température actuelle, c’est ce qui sépare notre époque de la dernière période glaciaire… A la sortie de l’âge glaciaire, il a fallu plusieurs milliers d’années pour que la température moyenne remonte de cinq degrés et que s’établisse le climat que connaît la planète depuis environ dix mille ans. Les perturbations climatologiques que notre société industrielle a déclenchées conduisent à un phénomène de même ordre, c’est-à-dire un changement d’ère climatique. Mais, cette fois, le mouvement se déroulerait sur un siècle, soit cinquante fois plus vite que dans le passé, ce qui risque de provoquer un choc considérable pour la vie…" (extrait de Pour un pacte écologique)
2 Selon un rapport de l’OMS du 16 juin 2006, près du quart des maladies à travers le monde sont dues à l’évolution des conditions environnementales.
C’était écrit, la belle aventure de la "gauche de la gauche" a fait long feu, cette "gauche anti-libérale" issue du "Non" à la constitution européenne de 2005. Les rats ont quitté le navire les uns après les autres, après s'être copieusement entre-déchirés, sans pouvoir choisir de candidat.
Olivier Besancenot, premier à appeler de tous ses vœux ce rassemblement au printemps dernier, a aussi été le premier à s'éclipser dès novembre. Celui qui frétillait d'espoir dans un article du quotidien Le Monde intitulé : "Marie-George, Arlette, José…, si on causait ?" sur la perspective de "s'opposer à la droite et résister au social-libéralisme" (Le Monde du 28 avril 2006), n'a plus pour ambition que de rassembler "les voix de la réelle gauche anticapitaliste" autour de la LCR.
Dans cette chronique d’une cacophonie annoncée, José Bové, chantre de l’écologisme radical altermondialiste, valeureux coupeur de têtes… de maïs, s'est lui aussi distingué. Après avoir répondu présent à l’appel de Besancenot, pour mieux proposer ses services de candidat potentiel dès cet été, puis après s’être retiré en novembre de la compétition, "dégoûté" des querelles de chapelle, "militant" ensuite en faveur d’un consensus regroupant la LCR et le PCF pour agréger les forces de cette gauche du "changement de société" et "faire" plus de voix, le revoilà se hissant pour son propre compte sur le podium des candidats avec ses 28 000 signatures de soutien au sein de la Confédération paysanne.
Passons les innombrables petites phrases assassines qui ont émaillé les considérations des uns par rapport aux autres au sein de ce "rassemblement de l'espoir", et qui n'ont pas dérogé à la règle de tous les partis bourgeois : la foire d'empoigne. C'est d'ailleurs bien cette ligne directrice qui a guidé les "antilibéraux" dans leur prétendue quête du Graal "unitaire". Pour exemple significatif, les 9 et 10 décembre, réunis afin de "choisir" "leur" candidat, les 1500 délégués des "collectifs locaux" représentant la "coalition antilibérale" se sont copieusement écharpés et insultés, exhibant à l'envie leurs divisions et leurs dissensions. Le seul point faisant l’unanimité a été l'opposition à l'OPA tentée par le PCF pour s'approprier la représentation de cette gauche ainsi que l'hostilité ouverte à la candidature de Marie-George Buffet.
Car c'est là que se trouve la pierre d'achoppement principale, celle qui tue : le PCF et sa candidate. Il faut dire que ni l'un ni l'autre ne sont particulièrement attractifs, sentant tous deux puissamment l'odeur de naphtaline des uniformes staliniens qu'ils conservent dans leurs placards, malgré leurs tentatives désespérées de se "moderniser" aux yeux des jeunes en particulier. La tentative de passage en force de la "candidate" Marie-George (déjà tout un programme) pour le compte de la "gauche antilibérale" a profondément déplu et n'a fait qu'attiser les oppositions. Son intronisation par l'appareil du PCF, avant même que les délégués ne soient réunis, a attisé une situation qui était en substance explosive.
La candidature de Buffet pour le PCF se présentait comme une gageure pour la secrétaire nationale. On sait qu'à l'occasion de la Fête de L'Humanité de septembre 2006, cette dernière avait dû faire face à une puissante contestation avec de multiples oppositions et pressions qui s'étaient manifestées pour qu'elle ne soit pas la représentante du PCF et donc encore moins de la gauche "anti-libérale". Le conflit qui scinde le parti entre les "conservateurs" et les ""rénovateurs" s'était à cette occasion fortement ravivé. Plusieurs outsiders s'étaient même mis en avant, dont Patrick Braouezec, rénovateur, mais surtout la jeune louve Clémentine Autain.
Au sein même du Parti communiste, de nombreuses voix, dont un collectif de 350 cadres du PCF, s'étaient même faites entendre pour demander le retrait de Marie-George, au profit si nécessaire de Clémentine Autain ou bien encore de José Bové.
Alors pourquoi un tel acharnement du parti "communiste" pour s'afficher comme le représentant de la gauche antilibérale et pour présenter une candidate dont les chances ne sont pas les meilleures ? La réponse se trouve en premier lieu dans les efforts désespérés que fait le PCF pour survivre. Cette survie est liée au nombre d'élus locaux et de députés qu'il pourra conserver dans l'avenir et qui dépend de ce que voudra bien lui accorder le PS en fonction du nombre de voix obtenues aux présidentielles. C'est ce qui explique l'appel du PCF à voter PS au deuxième tour, discussion qui a été une des principales pommes de discorde dans la coalition antilibérale. Mais le PC doit aussi prendre des airs "révolutionnaires", se prétendre le représentant des forces d'opposition, pour continuer à justifier son existence, de plus en plus maigre, sur l'échiquier politique de la bourgeoisie française. C'est donc ce qui explique aussi la ténacité dont il a fait preuve pour manger la laine sur le dos des petits copains de la "gauche de la gauche" et vouloir s'imposer, quitte à alimenter, sinon provoquer, la pire zizanie dans ce "rassemblement" de contestataires.
Maintenant, pourquoi Marie-George Buffet ? Son élection comme dirigeante du PC après un Robert Hue encore trop marqué par le style "école du parti" avait représenté une tentative de ce dernier pour se donner une coloration moins stalinienne, plus social-démocrate. Cela a été peine perdue. Le passé stalinien du PCF est inscrit dans ses gènes, et les caciques de ce parti sont congénitalement incapables d'avoir l'air d'autre chose que ce qu'ils sont : des produits du stalinisme. Les magouilles minables consistant à créer des "collectifs locaux" bidons pour blinder les voix en faveur de Marie-George Buffet, les pressions en douce pour imposer cette dernière comme candidate de la coalition, etc., ont été autant d'éléments montrant s'il en était encore besoin la nature du PCF, parti bourgeois dont les méthodes d'existence tiennent toujours d'un mode de fonctionnement hérité directement de l'oppression et de la répression qui prédominaient dans les pays de l'ex-bloc soviétique.
L'explosion de "l'union" anti-libérale n'a donc rien d'étonnant. Tous ces groupes de gauche ou d'extrême gauche jouent des coudes quand vient l'heure d'aller à la soupe, défendant leurs misérables intérêts de cliques bourgeoises concurrentes. Tous se battent pour une place de choix dans l'arène de la politique de la bourgeoisie française. Mais cette désunion, aussi grotesque soit-elle, ne signifie pas que ses acteurs s'apprêtent à baisser les bras, tant dans leur combat pour aller à la soupe gouvernementale que pour jouer leur rôle de sabotage de la réflexion dans les rangs ouvriers. Car si toutes ces officines sont aujourd'hui dispersées lors de l'assaut électoral, elles ne manqueront pas demain de travailler toutes de concert idéologiquement contre la classe ouvrière. Main dans la main, elles tenteront d'enfoncer dans le crâne des ouvriers la même camelote idéologique frelatée : cette idée que tous les maux des travailleurs sont dus aux méfaits de la mondialisation libérale. Car finalement, derrière leurs querelles de chapelles, ces champions de l'antilibéralisme seront tous unis demain pour prétendre qu'il faut s'en remettre à un Etat protecteur, plus juste et plus social pour instaurer un capitalisme plus humain et démocratique et finalement pour empêcher les prolétaires de développer leurs luttes sur un terrain de classe.
Mulan (25 janvier)
L'exécution précipitée de Saddam Hussein illustre les sanglants règlements de compte entre fractions rivales de la bourgeoisie. Elle est une confirmation du cynisme et de la duplicité des grandes puissances qui ne prétendent apporter la paix et rétablir davantage de justice ou de démocratie aux populations que pour masquer la défense de leurs sordides intérêts impérialistes concurrents, facteur prépondérant de l'aggravation des conflits et de l'accumulation de la barbarie guerrière du capitalisme
Le jugement et l'exécution de Saddam Hussein ont été salués spontanément par Bush comme une "victoire de la démocratie". Il y a une part de vérité dans cette déclaration : c'est souvent au nom de la démocratie et de sa défense présentée comme l'idéal de la bourgeoisie que celle-ci a perpétré ses règlements de compte ou ses crimes. Nous avons déjà consacré un article de notre Revue Internationale à le démontrer (Lire Revue Internationale n°66, 3e trimestre 1991, "Les massacres et les crimes des grandes démocraties"). Avec un cynisme sans bornes, Bush a également osé déclarer le 5 novembre 2006, à l'annonce du verdict de la condamnation à mort de Saddam Hussein, alors qu'il était lui-même en pleine campagne électorale dans le Nebraska, que cette sentence pouvait apparaître comme une "justification des sacrifices consentis par les forces américaines" depuis mars 2003 en Irak. Ainsi, pour Bush, la peau d'un assassin valait celle de plus de 3000 jeunes Américains tués en Irak (soit davantage de victimes que la destruction des Twin Towers), la plupart dans la fleur de l'âge ! Et il ne compte pour rien la peau de celles des centaines de milliers d'Irakiens depuis le début de l'intervention américaine. En fait, depuis l'occupation des troupes américaines, il y a eu plus de 600 000 morts côté irakien que le gouvernement irakien vient d'ailleurs de décider de ne plus décompter pour ne pas "saper le moral" de la population.
Les Etats-Unis étaient au plus haut point intéressés à ce que l'exécution de Saddam Hussein ait lieu avant que ne se tiennent les procès suivants. La raison en est qu'ils ne tenaient en rien à ce que soient évoqués trop d'épisodes compromettants pour eux. Il s'agit de faire le maximum pour ne pas rappeler le soutien total des Etats-Unis et des grandes puissances occidentales à la politique de Saddam Hussein entre 1979 et 1990, à commencer par la guerre entre l'Irak et l'Iran (1980 -88).
En effet, un des multiples chefs d'accusation requis contre Saddam Hussein dans l'un de ces procès concernait le gazage à l'arme chimique de 5000 Kurdes à Halabjah en 1988. Ce massacre intervenait dans le cadre et à la fin de la guerre entre l'Irak et l'Iran, qui a fait plus de 1 200 000 morts et deux fois plus de blessés et d'invalides. C'était alors les Etats-Unis et, derrière eux, la plupart des puissances occidentales qui soutenaient et armaient Saddam Hussein. Prise par les Iraniens, cette ville avait été reprise par les Irakiens qui avaient décidé d'une opération de représailles à l'encontre de la population kurde. Ce massacre n'était d'ailleurs que le plus spectaculaire au sein d'une campagne d'extermination baptisée "'Al Anfal" ("le butin de guerre") qui fit 180 000 victimes parmi les Kurdes irakiens entre 1987 et 1988.
Lorsque, à l'époque, Saddam Hussein déclenche cette guerre en attaquant l'Iran, il le fait avec le plein soutien de toutes les puissances occidentales. Face à l'avènement d'une république islamiste chiite en 1979 en Iran où l'ayatollah Khomeiny se permettait de défier la puissance américaine en qualifiant les Etats-Unis de "Grand Satan" et que le président démocrate de l'époque, Carter, avait échoué à le renverser, Saddam Hussein a joué le rôle de gendarme de la région pour le compte des Etats-Unis et du camp occidental en lui déclarant la guerre et en la faisant durer pendant 8 ans, pour affaiblir l'Iran. La contre-attaque iranienne aurait d'ailleurs amené ce pays à la victoire si l'Irak n'avait pas bénéficié du soutien militaire américain sur place. En 1987, le bloc occidental sous la houlette des Etats-Unis avait mobilisé une formidable armada dans les eaux du Golfe persique avec le déploiement de plus de 250 bâtiments de guerre en provenance de la quasi-totalité des pays occidentaux, avec 35 000 hommes à leur bord et équipés des avions de guerre les plus sophistiqués de l'époque. Cette armada, présentée comme une "force d'interposition humanitaire", a détruit, notamment, une plate-forme pétrolière et plusieurs des navires les plus performants de la flotte iranienne. C'est grâce à ce soutien que Saddam Hussein a pu signer une paix le ramenant sur les mêmes frontières qu'au moment où il avait déclenché les hostilités.
Déjà, Saddam Hussein était parvenu au pouvoir, avec le soutien de la CIA, en faisant exécuter ses rivaux chiites et kurdes mais aussi les autres chefs sunnites au sein du parti Baas, accusés à tort ou à raison de fomenter des complots contre lui. Il a été courtisé et honoré pendant des années par ses pairs comme un grand homme d'Etat (devenant par exemple le "grand ami de la France", et de Chirac et Chevènement en particulier). Le fait qu'il se soit distingué tout au long de sa carrière politique par des exécutions sanguinaires et expéditives en tous genres (pendaisons, décapitations, tortures des opposants, gazage à l'arme chimique, charniers de populations chiites ou kurdes) n'a jamais gêné le moindre homme politique bourgeois jusqu'à ce que l'on "découvre", à la veille de la guerre du Golfe de 1991 qu'il était un affreux tyran sanguinaire1, ce qui lui valut à cette époque le "titre" de "boucher de Bagdad" qui ne lui avait pas pourtant été "décerné" lorsque précédemment il était l'exécutant sanguinaire de la politique occidentale.
Il faut également rappeler que Saddam Hussein était tombé dans un piège quand il a cru bénéficier du feu vert de Washington lors de son invasion du Koweït à l'été 1990, fournissant le prétexte aux Etats-Unis pour engager la plus monstrueuse opération militaire depuis la Seconde Guerre mondiale. C'est ainsi qu'ils ont monté la première guerre du Golfe, en janvier 1991, en désignant dès lors Saddam Hussein comme l'ennemi public n°1. L'opération montée sous la houlette américaine et baptisée par eux "Tempête du Désert ", que la propagande a voulu faire passer comme une guerre propre avec ses images de "war game" en vidéo, aura fauché près de 500 000 vies humaines en 42 jours, opéré 106 000 raids aériens en déversant 100 000 tonnes de bombes, expérimentant toute la gamme des armes les plus meurtrières (bombes au napalm, à fragmentation, à dépression, obus à l'uranium…). Elle avait pour but essentiel de faire une démonstration de la suprématie militaire écrasante des Etats-Unis dans le monde et de forcer leurs anciens alliés du bloc de l'Ouest, devenus leurs plus dangereux rivaux impérialistes potentiels, à y participer derrière eux. Il s'agissait ainsi de donner un coup d'arrêt à la tendance de ces derniers à vouloir se dégager de la tutelle américaine depuis la dissolution du bloc de l'Ouest et des alliances qui le sous-tendaient.
Avec le même machiavélisme, les Etats-Unis et leurs "alliés" ont ourdi une autre machination. Après avoir appelé les Kurdes au Nord et les Chiites au Sud à se soulever contre le régime de Saddam Hussein, ils ont laissé dans un premier temps intactes les troupes d'élite du dictateur pour lui permettre cyniquement de noyer dans le sang ces rébellions, n'ayant aucun intérêt à voir remettre en cause l'unité du pays, la population kurde en particulier étant livrée une nouvelle fois à d'atroces massacres.
Les médias européens aux ordres et jusqu'au très pro-américain Sarkozy en France lui-même peuvent hypocritement dénoncer aujourd'hui "le mauvais choix", "l'erreur", "la maladresse" que constituerait l'exécution précipitée de Saddam Hussein. Pas plus que la bourgeoisie américaine, la bourgeoisie des pays d'Europe occidentale n'a intérêt à ce que soit rappelée la part qu'elle a pris à tous ces crimes, même au travers du prisme déformant des "procès" et "jugements". Il est vrai que les circonstances de cette exécution débouchent sur un regain d'exacerbation des haines entre communautés : elle s'est déroulée alors qu'avait débuté la période de l'Aïd, la plus grande fête religieuse de l'année pour l'islam, ce qui pouvait plaire à la partie la plus fanatisée de la communauté chiite vouant une haine mortelle à la communauté sunnite à laquelle appartenait Saddam Hussein ; elle ne pouvait par contre qu'indigner les Sunnites et choquer la plupart des populations de confession musulmane. De plus, Saddam Hussein a pu être présenté, auprès des générations qui n'ont pas connu sa férule, comme un martyr.
Mais toutes les bourgeoisies n'avaient pourtant pas d'autre choix car elles partagent le même intérêt que l'administration Bush à cette exécution hâtive qui permet de masquer et de faire oublier leurs propres responsabilités et leur entière complicité face à ces atrocités qu'elles continuent à alimenter aujourd'hui. Les sommets de barbarie et de duplicité atteints au Moyen-Orient ne sont en fait qu'un concentré révélateur de l'état du monde, ils constituent le symbole de l'impasse totale du système capitaliste qui est de mise partout ailleurs.2
Wim (10 janvier)
1 D'ailleurs, un autre tyran de la région, le Syrien Hafez-el-Assad, éternel rival de Saddam, lui, sera resté au-delà de ses funérailles un "grand homme d'Etat", en compensation de son ralliement au camp occidental à l'époque des blocs, malgré une carrière aussi sanguinaire et l'usage des mêmes procédés que Saddam Hussein.
2 Certains plumitifs de la bourgeoisie sont même capables de constater la nausée que provoque cette accumulation insoutenable de barbarie dans le monde actuel : "La barbarie châtiant la barbarie pour enfanter à son tour la barbarie. Une vidéo circulant sur Internet, dernière contribution au festival d'images de l'innommable, depuis les décapitations orchestrées par Zarkaoui jusqu'à l'amoncellement de chairs humiliées à Abou Ghraïb par les GI (…) Aux terribles services secrets de l'ex-tyran succèdent les escadrons de la mort du ministre de l'Intérieur dominés par les brigades Al-Badr pro-iraniennes. (...) Qu'ils se réclament de la terreur ben-ladiste, de la lutte contre les Américains ou qu'ils se disent les relais du pouvoir (chiite), les meurtriers qui enlèvent les civils irakiens ont un trait commun : ils opèrent sous la loi de la pulsion individuelle. Sur les décombres de l'Irak pullulent les charognards de toutes espèces, de tous clans. Le mensonge étant la norme, la police pratique le rapt et le brigandage, l'homme de Dieu décapite et éviscère, le Chiite applique au Sunnite le traitement qu'il a lui-même subi" (l'hebdomadaire français Marianne daté du 6 janvier). Mais cela est mis sur le compte de la "pulsion individuelle", et finalement de "la nature humaine". Ce qu'ils ne peuvent pas reconnaître et comprendre, c'est que cette barbarie est au contraire un produit éminemment historique, un produit du système capitaliste et qu'il existe historiquement une classe sociale tout aussi capable d'y mettre un terme : le prolétariat.
Depuis des décennies, les différentes organisations gauchistes, et en particulier les trotskistes, soutiennent "la juste lutte du peuple palestinien" contre "l'impérialisme américain et israélien" au nom du caractère "progressiste" des "luttes de libération nationale". Aujourd'hui, les territoires palestiniens sont plongés en plein chaos par des luttes intestines. Depuis que le président de l’Autorité palestinienne a annoncé le 16 décembre dernier la tenue d’élections présidentielles et législatives anticipées, des affrontements armés ont lieu à Gaza entre factions rivales mettant aux prises d'un coté les islamistes du Hamas à la tête du gouvernement et de l'autre le Fatah du président Mahmoud Abbas. Les affrontements entre ces milices armées sont sanglants : combats de rue, attentats à la voiture piégée, enlèvements à répétition. Leurs règlements de compte meurtriers sèment la terreur et la mort parmi les populations de la bande de Gaza, déjà réduites à la misère.
Face à un tel déchaînement de violence et de barbarie, comment se positionnent les organisations trotskistes, telles Lutte Ouvrière (LO) ou bien encore la Ligue Communiste Révolutionnaire (LCR) ?
Sans jamais avoir varié d’un iota, LO et LCR montrent du doigt les seuls coupables selon elles, à savoir les Etats-Unis et "l’Etat sioniste israélien". LO dans l’article de son hebdomadaire du 6 octobre 2006 déclare : «Chaos et affrontement sont les conséquences directes des sanctions financières décrétées par l’Union Européenne, le gouvernement des Etats-Unis et celui d’Israël. » ou encore : "Or, c’est bien Israël et ses principaux tuteurs occidentaux qui sont les responsables de la situation désastreuse dans laquelle vivent les Palestiniens" (Lutte Ouvrière n°2003 du 22 décembre 2006). L'impérialisme est inhérent à la vie de chaque fraction nationaliste bourgeoise et s'exprime à travers une lutte pour la défense de l'intérêt du capital national entre tous les Etats concurrents, du plus grand au plus petit, du plus puissant au plus faible. A noter (n'en déplaise aux groupes trotskistes) que si le Fatah peut compter sur le soutien d'Israël, des Etats-Unis et de l'Union Européenne et que le Hamas est appuyé financièrement et armé par l'Iran et la Syrie, c'est justement en tant que cliques bourgeoises palestiniennes.
Ainsi, en soutenant soi-disant "tous les Palestiniens", LO encourage en fait la classe ouvrière à se ranger derrière des cliques bourgeoises et à s’enrôler comme chair à canon au nom de la défense de la patrie palestinienne. C'est toujours ce que défend cette organisation qui, comme l'ensemble des groupes trotskistes, ne désigne comme impérialistes que la politique de certaines nations, de certains Etats.
Quant à la LCR, elle ne s'encombre pas de formulations hypocrites en clamant tout haut son soutien direct non au "peuple palestinien" en général mais directement à telle ou telle fraction, à telle ou telle milice. Au lendemain des élections dont le Hamas est sorti victorieux, un communiqué de la LCR du 26 janvier 2006 déclarait : "Fondamentalement, les gouvernements israélien, celui de Sharon en tête, et les USA portent une lourde responsabilité dans ce que certains appellent 'un séisme politique'. Cette politique musclée de Mrs Bush et Sharon ont déconsidéré les dirigeants du Fatah et fait le jeu du Hamas." Les organisations trotskistes ont un besoin viscéral de choisir constamment un camp bourgeois en présence, dans toutes les guerres, dans tous les conflits. Et cette politique tourne ici purement au ridicule. C'est ainsi qu’on a assisté en un an à un glissement progressif de ce soutien du Fatah vers le Hamas de la part de la LCR : "Les États-Unis et Israël tentent de renforcer le président de l'Autorité palestinienne, (...) afin d’affaiblir le gouvernement Hamas, massivement élu et toujours soutenu par la majorité des Palestiniens" ou encore plus explicitement, "C’est l’arrière-fond des confrontations sanglantes à Gaza de ces dernières semaines entre des militants du Fatah et des militants du Hamas, et dont le Fatah porte l’entière responsabilité" (souligné par nous).
Cette politique de girouette crée un désarroi dans le courant trotskiste, ce dont témoignent les furieuses empoignades sur le forum des marxistes révolutionnaires (forumtrots.agorasystem.com/lcr animé et contrôlé en sous-main par la LCR). Alors que la guerre fait rage entre fractions palestiniennes, la préoccupation des intervenants consiste à choisir l’une de ces fractions afin que le peuple palestinien, dans la boue et le sang, puisse enfin trouver le chemin de sa "libération nationale". Pour certains, il faudrait soutenir le Fatah qui serait progressiste. Pour d’autres, au contraire, et pour les mêmes raisons, il faudrait soutenir le Hamas.
Petit florilège, l’un avance : "L'une des fractions est nationalistes bourgeoises et l'autre représente le fascisme vert. Je préfère le Fatah !" Un autre lui répond : "Ce qu'on voit de façon assez claire dans cette crise, c'est quand même le Fatah passant un seuil dans le rôle de supplétif de l'impérialisme, en condamnant le gouvernement Hamas […] et en cherchant par tous les moyens à le déstabiliser".
Un troisième point de vue s’exprime : "Le Hamas ne défend pas la bourgeoisie ni le fascisme mais bien un système féodal basé sur l'obscurantisme religieux tandis que la Fatah, nationaliste laïque […] défend un Etat souverain dirigé par une bourgeoisie nationale […]. Moi, je choisis le FPLP."
Un autre sympathisant trotskiste renchérit : "Même si le FPLP soutient le Hamas ?" Réponse du précédent : "En l'absence d'une organisation marxiste et révolutionnaire capable de peser sur le cours des événements j'apporte mon soutien critique à qui je peux ! Et donc au FPLP en l'occurrence..."
Au nom de la démocratie, la LCR laisse cyniquement ces arguments sans réponse. Et pour cause, la cacophonie du débat n’est que le reflet de leurs propres contradictions.
Internationalisme prolétarien contre nationalisme bourgeois
Lutte Ouvrière et la Ligue Communiste Révolutionnaire évitent soigneusement de poser la question : où se trouve la défense des intérêts de la classe ouvrière, en Palestine, en Israël, ou ailleurs dans le monde ? L’exploitation féroce de la classe ouvrière par la bourgeoisie palestinienne et israélienne a, comme par enchantement, disparu. La "défense de la patrie palestinienne, au nom des justes droits des Palestiniens" est martelé comme un mot d’ordre mobilisateur à destination de la classe ouvrière dans le bourbier inter-impérialiste. De ce fait, les officines trotskistes déversent le pire poison nationaliste dans les consciences ouvrières. Chaque bourgeoisie, palestinienne comme israélienne, appelle les ouvriers vivant sur son sol à participer à la guerre. D’un côté, il faudrait lutter pour "la juste cause du peuple palestinien", de l’autre, il faudrait, "défendre Israël contre la menace du fanatisme du monde arabo-musulman." Quelles sont les conséquences pour les ouvriers qui vivent en Palestine, comme en Israël, d’une telle position ? Quelle doit être l’attitude des ouvriers partout dans le monde face à ce conflit ? L’idéologie nationaliste est-elle une arme de combat de la bourgeoisie ou de la classe ouvrière ? Ces questions et les réponses qui en découlent ne sont pas secondaires pour la lutte de classe, bien au contraire, elles sont vitales pour le développement du combat de classe et de la conscience prolétarienne.
Partout les ouvriers ont les mêmes intérêts à défendre, contre la même classe d’exploiteurs. Cela ne signifie qu’une seule chose pour la classe ouvrière : aux guerres impérialistes et nationales de la bourgeoisie, le prolétariat ne peut opposer que sa guerre de classe et son unité internationale. Rosa Luxembourg, une des plus grandes figures du prolétariat révolutionnaire, l’affirmait déjà haut et fort il y a près d’un siècle : "A l’époque de l’impérialisme déchaîné, il ne peut y avoir de guerre nationale. Les intérêts nationaux ne sont qu’une mystification qui a pour but de mettre les masses populaires laborieuses au service de leur ennemi mortel : l’impérialisme." 1 Sous couvert de bons sentiments et au nom de la défense d’une patrie palestinienne où les droits du peuple seraient respectés, voilà à quel sale travail s’attellent des organisations comme LO ou la LCR. Pire ! Quand elles ont en face d’elles des organisations défendant de façon réelle et vivante l’internationalisme prolétarien, elles les traitent "d’indifférentistes". La seule position marxiste et révolutionnaire possible est celle que réaffirme un sympathisant des positions de la Gauche communiste intervenant dans le Forum trotskiste : "Ce qui se passe à Gaza montre encore une fois le danger que représente l'idéologie nationaliste pour la classe ouvrière. Quand la classe ouvrière est empoisonnée par cette idéologie, cela amène toujours celle-ci à s'entretuer entre elle pour des intérêts qui ne sont pas les siens. On l'a vu en 1914, lors de la deuxième guerre mondiale, lors des conflits entre le bloc de l'Est et le bloc de l'Ouest. Aujourd'hui avec la dislocation de l'Autorité palestinienne, on amène les ouvriers palestiniens à s'entretuer entre eux au nom du fait que tel ou tel camp serait progressiste. Alors que tous les camps en présence défendent une cause nationale qui n'est pas le terrain de la classe ouvrière. Face à cette situation encore une fois le cri de guerre du mouvement ouvrier doit être mis en avant : LES PROLETAIRES N'ONT PAS DE PATRIE."
Tino (22 janvier)
1 Thèses sur la démocratie internationale.
La Somalie est sous le feu des gangs et des puissances impérialistes depuis plus de 15 ans .
Au bout d’une semaine d’affrontements sanglants (fin décembre 2006), les troupes éthiopiennes, épaulées par l’armée américaine, ont mis en déroute les bataillons des Tribunaux islamiques qui ont dû fuir la capitale, Mogadiscio, en allant se réfugier dans les environs emportant leurs armes lourdes. Mais ces derniers sont loin d’être vaincus et livrent déjà une guérilla contre les forces d’occupation éthiopiennes et leur allié, le gouvernement fédéral.
En clair, sous l’égide de leurs parrains impérialistes respectifs, les rapaces qui s’affrontent en Somalie mènent une de ces guerres des plus sordides, par exemple, en allant jusqu’à enrôler de force des enfants, dont beaucoup ont moins de 10 ans, armés jusqu’aux dents pour tuer et se faire tuer. Par ailleurs, certains récits soulignent les atrocités et la barbarie du comportement de certains tueurs et autres violeurs qui profèrent des menaces particulièrement odieuses envers leurs victimes, du genre : " on va ôter aux jeunes filles leur virginité à coups de baïonnette". Pour les victimes, on parle de plusieurs milliers de morts en quelques jours.
Le "volcan somalien" sort donc de son lit pour se répandre dans tous les pays de la région, à commencer par l’Ethiopie et l’Erythrée qui en profitent pour poursuivre leur vieux et sanglant règlement de compte en terre somalienne. Et chacun de ces deux gangsters impérialistes a massé plusieurs milliers d’hommes en s’appuyant sur les deux principales cliques somaliennes en guerre. De son côté, le Kenya est d’ores et déjà impliqué dans le conflit du fait, notamment, de la présence sur son sol de dizaines de milliers de réfugiés. Et Nairobi est en train de refouler militairement des milliers de Somaliens qui fuient les combats sous prétexte d’empêcher l’incursion sur son territoire de "groupes terroristes".
La guerre se généralise ainsi, alors que la Somalie baigne toujours dans le chaos terrifiant dans lequel elle a été plongée par les divers chefs de guerre locaux téléguidés par les puissances impérialistes qui se disputent le contrôle de la région depuis les années 1990. En effet, depuis le renversement en 1991 de l’ancien président Siad Barré, les divers clans sanguinaires se succédant au pouvoir à coups de massacres incessants des populations, procèdent systématiquement à la destruction du pays. C’est ainsi que l’Etat central a disparu et le pays est coupé en régions sous le contrôle des factions maffieuses, à l’image de la capitale, Mogadiscio, morcelée en plusieurs zones entre les mains des bandes rivales, où chacune défend son territoire à coups de rackets, de viols, d’assassinats à grande échelle. Cela veut dire que ces zones constituent un véritable enfer pour les populations qui subissent toutes sortes de sévices sans aucun secours possible.
Non content d’avoir armé et encadré l’armée éthiopienne qui vient de chasser du siège du pouvoir les Tribunaux islamiques, le Pentagone a mené mi-janvier des raids aériens en Somalie provoquant plusieurs dizaines de morts. Il s’agit d’une nouvelle offensive militaire des Etats-Unis dans ce pays après l’échec cuisant de leur précédente intervention de 1993.
En effet, sous le prétexte fallacieux de l’opération "Restore Hope" ("Rendre espoir"), les Etats-Unis (en compagnie de la France et de l’Italie) visaient à contrôler la situation à leur profit en envoyant des dizaines de milliers de soldats et armements lourds sur place. Et, en 1994, les Etats-Unis ont dû plier bagages précipitamment sous le feu nourri des forces adverses, non sans continuer à téléguider, en sous-main, leurs pions criminels sur place face aux autres concurrents.
Selon l’Administration Bush, le but de l’engagement militaire des Etats-Unis en Somalie est de lutter contre le "terrorisme islamique des partisans de Ben Laden".
Grossière tromperie, car les Etats-Unis étaient déjà intervenus militairement en Somalie, bien avant l’existence d’Al-Qaida. En réalité, les Etats-Unis font la guerre dans cette région pour défendre leurs intérêts stratégiques impérialistes :
"La Corne de l’Afrique est d’une importance grandissante pour l’administration américaine. La région est considérée comme stratégique à la fois pour contenir le terrorisme islamiste et empêcher des ‘ Etats défaillants ‘, comme la Somalie, de devenir un sanctuaire pour Al-Qaida et, plus classiquement, pour contrôler les abords du golfe Persique et protéger le trafic pétrolier." (Le Monde du 4 janvier 2007)
Comme on le voit, le véritable but de la guerre que livre Washington est bien le contrôle des abords du golfe Persique, tout en tentant de se rendre maître de l’approvisionnement de l’or noir. Justement la Somalie est en face du golfe et constitue de fait un point stratégique pour toutes les puissances impérialistes qui se disputent le contrôle de la zone. D’ailleurs, c’est dans ce but que les Etats-Unis ont décidé de créer un sixième et nouveau commandement régional spécifique pour l’Afrique, appelé "US Africa Command". En fait, les Etats-Unis cherchent à élargir leur dispositif de surveillance dans les environs alors qu’ils possédaient déjà une base militaire à Djibouti et une autre à Diego Garcia sur l’Océan indien, en face de la Somalie. Dès lors, il est clair que les prétentions américaines ne peuvent que se heurter aux ambitions des puissances impérialistes rivales, qui, comme les Etats-Unis, instrumentalisent les diverses bandes locales en vue de leurs confrontations majeures qui se profilent dans la région.
Tant que les bras armés du capitalisme mondial ne seront pas brisés, la perspective pour la Somalie est plus que jamais à un nouveau plongeon dans la profondeur du chaos. En tous cas, c’est bien ce que la bourgeoisie avoue à travers un rapport de l’ONU, cité par la presse mondiale, dont Le Monde du 16 novembre 2006 :
"Victime d’une militarisation à outrance, la Somalie se dirige, selon les experts de l’ONU, inéluctablement vers une guerre de grande ampleur qui menace d’entraîner les pays de la région. (…) Les Tribunaux islamiques consolident leur emprise sur le pays en raison du soutien militaire de l’Erythrée, mais aussi de l’Iran, de la Syrie,, du Hezbollah libanais, de l’Egypte, de la Libye, de l’Arabie saoudite et de Djibouti.
Le gouvernement de transition, internationalement reconnu mais réfugié à Baidoa, bénéficie du "soutien agressif" de l’Ethiopie, de l’Ouganda et du Yémen. Selon le rapport, le gouvernement (de transition) ne fait toutefois pas le poids face aux islamistes, qui contrôlent la capitale, Mogadiscio, ainsi que la plupart du centre et du sud du pays, et sont capables de transformer la Somalie en un scénario de type irakien, avec attentats et assassinats."
Certes, les Tribunaux islamiques viennent d’être chassés de la capitale somalienne, mais ils ne sont pas loin et peuvent compter sur un nombre ahurissant de soutiens impérialistes pour mener des raids de grande ampleur contre leurs adversaires notamment américains. En clair, il est plus que probable que le pays se dirige tout droit vers un processus de "type irakien" : des tueries massives et aveugles par attentats et kamikazes contre rafles et bombardements massifs. Ou alors de "type congolais", à savoir, l’occupation du pays par un ensemble d’autres pays qui s’entretuent tout en se taillant, chacun, un territoire sous sa coupe.
La Somalie a beau être extrêmement pauvre et délabrée, elle n’en reste pas moins particulièrement convoitée par les vautours impérialistes. En cela, elle illustre la réalité la plus barbare du chaos et de la décomposition du capitalisme en Afrique.
Amina (13 janvier 2007)
Nous publions ci-dessous de larges extraits d'un courrier de lecteur qui s'interroge sur le devenir des luttes ouvrières. La préoccupation centrale du camarade est de comprendre comment et où vont se développer les futurs combats de la classe ouvrière.
« Chaque année environ 1% de la population chinoise (soit 13 000 000 de personnes, voire plus, soit une population au moins égale ou supérieure à celle de la Belgique) quitte les campagnes pour les villes. Ce phénomène est le même qu'a connu l'Europe au 19e siècle, sauf que les proportions ont changé et constituent une première historique.
La "classe moyenne", distinction de la sociologie bourgeoise, augmente numériquement, à vitesse grand V, et nous ne sommes qu'au début de ce processus. Mais ceci nous renseigne sur la taille du marché intérieur qui augmente tous les jours en Chine et qui est une convoitise de l'impérialisme unitaire. La Chine est dans sa phase de maturité impérialiste et une "aristocratie ouvrière" se forme déjà et se formera durant la prochaine génération. L'Inde ne la suit qu'avec quelques années de retard, on parle du tiers de l'humanité.
Ce sont ces 1% qui caractérisent notre époque. Ils sont la substance inflammable des futures luttes de classes qui seront d'abord juste économiques. Puis viendront les luttes politiques du prolétariat dont les rangs croissent très vite. L'impérialisme est réactionnaire sur toute la ligne c'est certain, mais cela ne veut pas dire que les capacités productives ne se développent plus.
A défaut de se développer d'un point de vue qualitatif (capacités destructives et crises), elles se développent d'un point de vue quantitatif. Il ne faut pas sous-estimer la capacité de putréfaction de l'impérialisme qui voit ses contradictions augmenter et qui connaît des crises partielles ou locales elles-mêmes fruit de ce développement […]. Car DANS SON ENSEMBLE, le capitalisme trouve aujourd'hui des solutions et c'est pour cela qu'il n'y a pas de crise aiguë et qu'on connaît une telle passivité sociale dans les métropoles opulentes de l'impérialisme (les luttes de classe en Europe et aux States sont très faibles aujourd'hui) […]. »
Les trois idées fondamentales défendues par ce riche courrier sont donc:
1. Le capitalisme ne connaît que des "crises partielles ou locales" car "dans son ensemble", il "trouve aujourd’hui des solutions" lui évitant toute "crise aiguë". Mieux, des pans entiers du globe, comme la Chine et l'Inde, sont en plein boom économique.
2. Cette bonne santé du capital expliquerait la "passivité" des ouvriers d'Europe et d'Amérique du nord, douillettement installés dans le confort des "métropoles opulentes".
3. Ainsi, à l'avenir, l'espoir reposerait sur les épaules de la masse ouvrière des régions d’Asie, véritable "substance inflammable des futures luttes".
Tenter de comprendre comment a évolué le capitalisme ces dernières décennies, comme le fait le camarade, est évidemment primordial. La physionomie de la classe ouvrière a bien changé depuis la Seconde Guerre mondiale. L'Europe, et en partie les Etats-Unis, se sont progressivement désindustrialisés. Aujourd'hui, les ouvriers, lorsqu’ils ne sont pas au chômage, travaillent majoritairement dans le tertiaire. Par contre, en Amérique latine et surtout en Asie, la classe ouvrière industrielle a connu une très forte croissance numérique, jusqu'à représenter 80% des travailleurs de ce secteur.
Mais toutes ces mutations sont-elles réellement le fruit de la vitalité économique du capitalisme au niveau mondial, comme aimerait nous le faire croire la propagande bourgeoise? Evidemment, non. Au contraire ! C’est bien à cause de l’aggravation inexorable de la crise économique depuis la fin des années 1960 que la bourgeoisie des pays centraux a fermé les usines, délocalisé dans les pays du Tiers-Monde, là où la main d’œuvre est moins chère, et jeté sur le pavé des millions de prolétaires. La tendance à la disparition des ouvriers du secteur industriel en Europe s’est soldée par des charrettes de licenciements et par le surgissement du chômage massif dans les "métropoles opulentes".
Le capitalisme, comme un tout, est un système agonisant. Au milieu de la concurrence effrénée que se livrent toutes les nations, au gré des enjeux géostratégiques, des alliances, des fuites dans l'endettement et des déréglementations monétaires, certains pays durant quelques années peuvent connaître une forte croissance. Mais chaque fois, implacablement, la crise ressurgit plus forte encore, balayant toutes les illusions véhiculées par les médias sur ces prétendus "miracles économiques". Tel fut le sort de l'Argentine et du Brésil dans les années 1980, des « tigres et des dragons » dans les années 1990. Tel sera le sort de la Chine et de l'Inde dans les années à venir 1. Contrairement à ce que pense notre lecteur, le processus de prolétarisation de la classe exploitée en Asie n'est absolument pas "le même que celui qu’a connu l’Europe au 19e siècle". Aucune "aristocratie ouvrière" 2 ne "se forme" et aucune ne se "formera durant la prochaine génération". En Chine, comme en Inde, la tendance réelle est à la paupérisation extrême de la classe ouvrière. L'exploitation y est forcenée. Les usines sont de véritables "bagnes industriels" : les ouvriers mangent et dorment sur place, travaillent plus de 70h par semaine… tout cela pour être au bout de quelques mois tout simplement jetés sur le trottoir, épuisés 3. Et si dans la période d’ascendance du capitalisme, les ouvriers de la vieille Europe au 19e siècle voyaient peu à peu leurs conditions de vie s'améliorer au fil des réformes résultant de leurs luttes, les prolétaires d'Asie n’ont, quant à eux, qu’une seule perspective : encore et toujours plus de surexploitation et de misère. Aujourd’hui, les conditions de vie de tous les ouvriers, sur les cinq continents, sont marquées du sceau de la décadence du capitalisme, de sa crise économique insurmontable et toujours plus aiguë.
En qualifiant la classe ouvrière d'Europe de "passive" et celle d'Asie de "substance inflammable", le camarade sous-entend que l'avenir du combat dépend des travailleurs de Chine et d'Inde. Ce serait cette partie du prolétariat qui pourrait entraîner derrière elle ses frères de classe pour l'instant trop apathiques dans les pays d’Europe occidentale et d’Amérique. Il est vrai que face à leurs conditions de vie effroyables, les ouvriers d'Orient entrent en luttent massivement quand ils déclenchent une grève, comme en mai et juin 2006, au Bengladesh, quand deux millions d'ouvriers du textile ont mené une lutte spectaculaire par son ampleur et sa combativité. Mais au-delà du nombre et de la colère, l'aspect central du développement des luttes futures est la conscience.
En effet, pour la première fois de l'Histoire, la classe révolutionnaire est une classe exploitée. Ne disposant d'aucun pouvoir économique dans la société, elle tire sa force non seulement de son nombre et de sa concentration sur les lieux de production, mais aussi et surtout de son éducation et de sa conscience. Sa capacité à s'organiser collectivement dans la lutte, à se reconnaître en tant que classe, à développer en son sein, entre les différents secteurs et entre les différentes générations, l'unité et la solidarité… voila ce qui constitue la puissance du prolétariat. Ce n'est donc pas par hasard si c'est aujourd'hui au cœur de l'Europe que la classe ouvrière redécouvre la prise en main de ses luttes par les assemblées générales souveraines, comme ce fut le cas durant la lutte contre le CPE en France ou pendant la grève des métallurgistes de Vigo, en Espagne, au printemps 2006. Certes, ces luttes sont encore bien insuffisantes en comparaison des guerres et des famines qui ravagent la planète. Mais le plus significatif n'est pas tant l'ampleur de ces luttes que la réflexion dans les rangs ouvriers qu’elles révèlent. Il ne faut pas s'y tromper, une lutte comme le mouvement des jeunes générations de la classe ouvrière contre le CPE indique clairement que notre classe a ouvert une perspective la menant, à terme, vers les luttes de masses. Et c'est justement cette dynamique que la bourgeoisie tente par tous les moyens de cacher, ne reculant devant aucun mensonge sur les luttes quand elle ne les passe pas tout simplement sous silence. La grève exemplaire des métallurgistes de Vigo fut ainsi écrasée sous une véritable chape de plomb médiatique.
Les ouvriers d'Europe ont une expérience, une histoire qui leur confèrent la responsabilité d'être la référence principale des luttes internationales. Evidemment, les ouvriers des pays d'Asie ou d'Amérique du Sud sont confrontés à des conditions de vie terribles, et leur colère ne peut être qu'immense. Mais c'est en Europe que le capitalisme est né. C'est en Europe, sur finalement un tout petit territoire, que des millions d'ouvriers vivent depuis deux siècles, accumulant les expériences de lutte, la confrontation aux pièges les plus sophistiqués de la bourgeoisie, au sabotage syndical ou à la mystification démocratique. C'est aux ouvriers d'Europe que revient la tâche de montrer le chemin, en indiquant les buts et les méthodes qui permettent le développement de l'unité, de la solidarité et de la confiance au sein du prolétariat.
Le capitalisme est un système en faillite. Il attaque dans tous les pays la classe ouvrière. En Allemagne, aux Etats-Unis, en Chine ou ailleurs, le seul avenir qu'il nous réserve c'est toujours plus d'exploitation et toujours plus de misère. Mais face aux coups de boutoir de la crise économique, le prolétariat relève peu à peu la tête, resserre les rangs, pour aller uni au combat. La lutte de la classe ouvrière est par essence internationale : elle est comme un tremblement de terre dont les ondes se propagent aux quatre coins du globe. L'épicentre de ce séisme se situe en Europe, dans le berceau du capitalisme. Ce prolétariat, le plus expérimenté, chargé d'histoire, a la possibilité et la responsabilité de développer ses luttes, d'entraîner derrière lui tous ses frères de classe des autres régions du monde. Pour cela, il va devoir continuer son travail de ré-appropriation de son propre passé, masqué derrière le fatras idéologique et les mensonges de la bourgeoisie. Quant aux révolutionnaires, l'une de leurs tâches est de transmettre dans tous les pays le meilleur de la tradition de la lutte ouvrière, passée, présente et à venir. C'est ce que fit, par exemple, le CCI lors du mouvement anti-CPE en France en rompant le black-out international orchestré par la bourgeoisie.
Pawel
1 Nous ne pouvons ici, en quelques lignes, développer suffisamment ce que représente réellement la croissance économique en Chine, pourquoi sa nature révèle, elle aussi, la faillite du capitalisme. Nous reviendrons sur cette question importante dans de futurs articles et nous encourageons tous nos lecteurs à participer à ce débat, à venir l'enrichir de leurs questions, doutes et analyses en nous écrivant.
2 Le terme "aristocratie ouvrière" renvoie à une conception particulière de la classe ouvrière avec laquelle nous sommes en total désaccord. Pour en savoir plus, lire notre article : "Aristocratie ouvrière: une théorie sociologique pour diviser la classe ouvrière", disponible sur notre site Internet, www.internationalisme.org [975]
3 Pour se faire une idée des conditions effroyables de vie et d'exploitation en Chine, lire "Temps moderne, horaires antiques" de Pietro Basso.
La campagne électorale officielle pour les présidentielles en France ne commence que le 19 mars alors que depuis des mois tous les médias mettent le paquet et nous bourrent quotidiennement le crâne pour nous pousser vers les urnes, tentent de nous polariser sur de prétendus enjeux de société dont dépendrait ce "choix" pour l'avenir, à coups de shows télévisés, d'interviews, de débats, de commentaires, de sondages, de pronostics. La chaîne TF1 se félicite déjà de programmer huit fois plus de temps d'antenne pour ces élections qu'en 2002. Le dernier chic des candidats pour appâter le futur électeur, c'est de conclure un "pacte" avec les Français. La mode a été lancée par Nicolas Hulot avec son "pacte écologique", Sarkozy lui a emboîté le pas avec son "pacte républicain". Et voilà Ségolène Royal qui y va de son "pacte présidentiel". La montée en puissance de cette propagande s'est traduite ces dernières semaines par de spectaculaires "rebondissements" censés nous tenir en haleine : il y a eu "l'effet Ségolène", puis "l'effet Sarko", suivi de "l'effet Bayrou" dans les sondages. Sans oublier l'épouvantail Le Pen qui reste à l'affût… Et celui qui caracole en tête peut dégringoler du jour au lendemain, au gré des manipulations médiatiques de "l'opinion publique", maintenant intact cet "insoutenable suspense" à double détente : qui sera présent au second tour ? Qui sera le prochain président (ou la présidente) ? On voit ainsi Sarkozy se lancer dans des promesses sociales, Bayrou se présenter comme un "homme de gauche". Quant à l'ineffable Madame Royal, égérie de la "modernité", de l'écoute des aspirations populaires via ses "débats participatifs", qui ambitionne de devenir la première présidente de la République de l'histoire de France, après avoir martelé la nécessité de bousculer les conventions, elle finit par s'entourer de son pack d'éléphants du PS au grand complet, alors que la plupart d'entre eux, de DSK à Fabius en passant par Jospin, étaient naguère ses pires concurrents.
Et tous les candidats nous inondent de belles promesses. Alors qu'une flopée de "petits candidats" sont en chasse de parrainages, chacun des "grands", la main sur le cœur, se dit prêt à nous choyer (mais, attention, "sans tomber dans l'assistanat"), à nous sortir du marasme économique par le dynamisme de ses propositions, à nous donner un toit, à nous procurer du travail, à mieux nous payer, à mieux assurer notre protection et notre éducation. Le rêve ! Dans ce domaine, la candidate du PS n'hésite pas à faire de la surenchère, depuis son discours programme de Villepinte du 11 février, lançant les "100 propositions" de son pacte présidentiel, issu de ses 5000 débats de la "démocratie participative" jusqu'à sa prestation à l'émission de TF1 "J'ai une question à vous poser". Personne n'est oublié dans la distribution : du travail pour tous, hausse des salaires et du pouvoir d'achat, revalorisation des "petites retraites", des logements sociaux aux mal-logés, de l'insertion et de la formation pour "aider les jeunes", des crédits supplémentaires pour les éducateurs, les chercheurs, les enseignants, les fonctionnaires, les PME, les paysans, les artisans, les commerçants, les handicapés… Le tout ponctué par des envolées messianiques et patriotardes : "Je veux remettre la maison France debout (…). Je veux être la présidente de la France qui entreprend et qui gagne (…), il faut réconcilier les Français avec leurs entreprises (…). Je suis la mieux à même de relancer la machine économique." Poudre aux yeux ! Et quelle "modernité", vraiment… : le recours à la vieille recette de la gauche qui lui a maintes fois servi déjà de pur leurre électoral : la relance de l'économie du pays par le développement de la "consommation populaire". Comme l'a souligné malicieusement un concurrent, "l'ordre juste", ce sera juste l'ordre ! Quant au reste, l'emprunt de mesurettes qui "marchent" dans d'autre Etats européens présentés comme modèles, ce ne sont que des gadgets destinés à masquer la détérioration globale des conditions de vie et de travail de la classe ouvrière partout dans le monde. Et comment croire qu'un pays comme la France deviendrait d'un coup de baguette magique la locomotive de la relance mondiale ?
Loin du miroir aux alouettes de la "Ségosphère", tous les prolétaires seront confrontés dès demain, quel que soit l'élu de la République, à la même politique anti-ouvrière que son gouvernement mettra inévitablement en œuvre. Il n'y aura qu'un seul programme, le même à gauche ou à droite pour la classe dominante : attaquer la classe ouvrière toujours davantage.
Il n'y a même plus de trêve électorale à l'heure où Airbus-EADS, Alcatel-Lucent, PSA, etc. annoncent de nouvelles charrettes de milliers de licenciements. Il n'y a aucune illusion possible : passé le cirque électoral, les coupes budgétaires prévues seront appliquées, les suppressions d'emploi déjà annoncées dans la fonction publique seront effectives, la suppression des régimes spéciaux des retraites, la réduction des pensions et l'allongement de la durée des cotisations sont déjà sur leurs rampes de lancement, tous les budgets sociaux seront de plus en plus amputés, comme ailleurs. Les lois du capitalisme sont inexorables, poussant chaque capital national, chaque gouvernement à accroître toujours davantage la flexibilité et la précarisation du travail, à prescrire la réduction du coût du travail, la diminution des salaires et l'intensification de l'exploitation pour faire face à la concurrence. Et ce système fait tout pour masquer sa faillite qui se révèle dans son incapacité croissante à nourrir, à loger, à soigner ceux qu'il exploite ou licencie.
La classe ouvrière ne peut se permettre d'entretenir la moindre illusion sur une possibilité de voir son sort s'améliorer ni par les urnes, ni en faisant confiance à ceux qui prétendent répartir autrement les richesses. C'est exactement le contraire. Elle ne peut que s'enfoncer dans une misère de plus en plus insupportable. La voie électorale est un piège, une impasse totale depuis bien longtemps (voir l'article [976] dans ce même numéro et dans Internationalisme no. 331). Seul le développement de ses luttes pour renverser ce système à l'échelle mondiale peut lui permettre de s'ouvrir une autre perspective.
Wim (24 février)
Il y a quelques semaines, aux Etats-Unis, la victoire des Démocrates aux dernières élections au Congrès et au Sénat avait répandu un vent d’optimisme dans les médias bourgeois. Cet optimisme avait été renforcé par les propositions du fameux plan Baker, conseiller de Bush Junior. L'opinion publique américaine désormais majoritairement anti-guerre pouvait rêver à un retrait des troupes dans un délai raisonnable. Peut-être même, à la fin de la guerre en Irak. Tout cela n’était que pure illusion ! Les Démocrates n’ont de fait aucune politique alternative à proposer. La réalité est venue immédiatement et dramatiquement confirmer qu’il ne peut plus y avoir de paix en régime capitaliste dans cette région du monde. Le projet de budget, présenté par l’administration américaine, prévoit au contraire une nouvelle augmentation des dépenses militaires. Il sera alloué 622 milliards au Pentagone, dont 142 milliards pour l’Irak. Englué dans le bourbier irakien, la fuite en avant de l’impérialisme américain ne peut que se poursuivre. 21 500 soldats supplémentaires devraient être rapidement envoyés sur le terrain des opérations. L’armée américaine, en coopération avec les bataillons de la police gouvernementale de Bagdad, s’apprête à lancer une offensive généralisée sur la capitale. Celle-ci a officiellement pour but de nettoyer les secteurs occupés par des milices armées anti-américaines. Cette nouvelle offensive, comme les précédentes depuis quatre ans, ne peut se solder que par des massacres supplémentaires et un chaos encore plus grand. Elle ne fera que pousser encore plus ces groupes armées et ceux qui les rejoindront dans une surenchère de plus en plus violente . Il y a une dizaine de jours, un hélicoptère des marines de type CH-46 s’est écrasé dans la province sunnite d’Al-Anbar, à l’Ouest de Bagdad, faisant sept morts parmi les membres de l’équipage. Cela fait maintenant officiellement six appareils de ce type qui sont abattus, en moins de trois semaines. Dans cette guerre infâme, les moyens de destruction utilisés sont ainsi de plus en plus meurtriers. L’armée américaine affirme que l’Iran fournit des armes aux insurgés en Irak. Et ceci est, sans aucun doute, tout à fait exact. C’est pour cela que les forces américaines viennent de boucler les frontières de l’Irak avec la Syrie et l’Iran. Mais comme le dit le Washington Post, daté du 12 février dernier et cité par Courrier International : "Ce même genre d’affirmation et de mise en scène, mais à propos d’armes de destruction massive, avait été le prélude à l’invasion américaine de l’Irak, avant que cela se révèle être une manipulation."
La perte de contrôle accélérée de la puissance américaine au Moyen-Orient aiguise férocement l’appétit de tous les impérialismes de la région. L’Iran s’affirme de plus en plus comme une puissance régionale aux dents longues. Au Liban, en Irak, partout où cela est possible, elle pousse en avant ses "pions chiites" , participant ainsi elle-même activement à la guerre et aux massacres en cours. Les Etats-Unis sont actuellement en train d’amener dans le Golfe persique la deuxième formation navale américaine, conduite par l’US-Stennis. La montée accélérée des tensions impérialistes dans tout le Moyen-Orient provoque une course nouvelle au nucléaire dans les pays de l’ensemble de la région. En décembre dernier, les pays membres du conseil de coopération du Golfe, Arabie saoudite, Koweït, Emirats Arabes Unis, Qatar, Bahreïn, Oman ont annoncé, à l’issue de leur sommet annuel, qu’ils envisageaient un programme nucléaire civil commun. Ces pays du Moyen-Orient étaient rejoints, au mois de janvier, par la Jordanie et le Yémen. Autant de pays qui possèdent des réserves importantes de pétrole et donc d’énergie civile. Mais à l’égal de l’Iran derrière l'alibi du nucléaire civil, ce sont inévitablement les programmes nucléaires militaires qui progressent partout. Pour ces pays arabes du Golfe, la montée en puissance de l’Iran chiite est intolérable. Tout le Moyen-Orient à l’image de l’Irak est en train de se scinder en deux. Communautés chiites et sunnites se retrouvent de plus en plus face à face et, à l'intérieur de chaque camp, des bandes rivales s'entre-déchirent déjà. Les risques non seulement d'éclatement de l'Irak mais aussi de propagation de la guerre civile dans toute la région comme il y a quinze ans dans l'ex-Yougoslavie sont désormais une menace concrète. Le capitalisme en pleine crise de sénilité n’est plus en mesure de freiner le développement de la barbarie et du chaos. Bien plus, il est en train de masser dans cette région du monde de quoi y anéantir la quasi-totalité de la population.
Tino (17 février)
Les annonces de restructurations se succèdent à un rythme infernal. Tous les secteurs sont touchés. Sur les chaînes de montages, dans les bureaux ou les laboratoires, dans les écoles… Face à ces attaques massives, les "spécialistes de la lutte" ne restent pas sans réaction ; au contraire, dans la plus pure tradition syndicale, ils s'activent, déployant toute leur énergie à organiser la lutte… une lutte corporatiste, cloisonnée, morcelée et donc fatalement impuissante.
Parmi les classiques syndicaux pour semer la division, l'opposition public-privé fait figure de best-seller. C’est ainsi que le jeudi 8 février, une journée de grève et de manifestation a été planifiée contre la baisse du salaire réel et les suppressions de postes à l’attention des seuls agents de la fonction publique. Pourtant, de tels mots d'ordre concernent incontestablement l’ensemble de la classe ouvrière, du public comme du privé !
Ne s'arrêtant pas en si bon chemin, les syndicats ont poursuivi leur sale boulot de désunion au sein même du corps fonctionnaire. Lors de cette fameuse journée du 8 février, tout a été entrepris pour limiter la mobilisation et surtout isoler quelques branches. Les tracts syndicaux appelant à manifester ont été diffusés le plus discrètement possible. Seules trois corporations furent réellement encouragées à l'action : les cheminots, les agents des impôts et les enseignants. Et là encore, comme si cela ne suffisait pas, les organisations syndicales ont poussé au chacun pour soi. A Paris, trois lieux de rendez-vous, avec trois horaires bien distincts, furent fixés… tout un symbole ! Ainsi, pour focaliser les esprits sur la défense de "leur ministère", les agents des impôts durent se rassembler à 10 heures devant le ministère des Finances, à Bercy, alors que la manifestation "unitaire" se déroulait l'après-midi à la gare d'Austerlitz ! Mais le piège le plus sophistiqué, c'est aux enseignants qu'il fut tendu. L'Etat, les médias et les syndicats se sont en effet parfaitement coordonnés pour qu'il y ait le plus de professeurs possible dans cette journée d'action sans lendemain. Cette cible n'a pas été choisie par hasard. Parmi les 15 000 suppressions d'emplois programmés pour 2007, 8500 concernent l'Education Nationale. Les conditions de travail, déjà très difficiles dans les écoles, vont tout simplement devenir insupportables à la rentrée de septembre. Il était donc important pour la bourgeoisie de mobiliser les enseignants dès maintenant dans une lutte parfaitement contrôlée et démoralisatrice. Pour cela, la concertation Etat-syndicats accoucha d'une date de manifestation bien choisie : précisément la semaine durant laquelle tombait l'annonce des nouvelles dotations en moyens humains par établissement, moyens revus considérablement à la baisse. De plus, une étude universitaire mettant en avant une perte de 20% du pouvoir d'achat en 25 ans pour les professeurs a été judicieusement publiée en première page du Monde une quinzaine de jours plus tôt. Résultat : des enseignants dans la rue par milliers, mais finalement bien seuls, sans la plupart des salariés des autres secteurs pour discuter, débattre, se rendre compte que c'est partout la même histoire, les mêmes attaques, la même dégradation du niveau de vie.
Ces dernières semaines, les médias ont encore annoncé des restructurations de grande ampleur chez Renault et Peugeot-Citroën, 1500 suppressions d'emplois chez Alcatel (12 500 dans le monde), 350 chez Lagardère (990 dans le monde), 500 chez Reuters (10 000 dans le monde) et 10 000 chez Airbus (à "partager" entre les usines situées en Allemagne, en Angleterre et en France). Et ici aussi, les syndicats tentent d'endiguer toute possibilité d'unité et de solidarité dans la lutte en attachant les ouvriers à "leur usine". Chez Airbus, pour manifester le "mécontentement" et "l'inquiétude" des salariés tout en faisant preuve de "responsabilité" et "d'attachement à l'entreprise" (pour reprendre la terminologie syndicale), les centrales ont proposé le 6 février… un débrayage d'une heure. Belle "protestation" quand 10 000 ouvriers et leur famille vont tout perdre. Pire ! C'est bien le poison nationaliste que ces organisations syndicales répandent sur les travailleurs quand elles clament: "Nous savons aussi qu'Airbus ne pourra affronter l'avenir qu'avec ses personnels et des moyens industriels robustes, productifs et adaptés à nos produits. Et nous, organisations syndicales, affirmons qu'Airbus France (souligné par nous) répond déjà à ces exigences." Autrement dit, tant pis pour les ouvriers des autres pays, si leur site n'est pas compétitif, c'est normal que ce soit eux qui paient les pots cassés. Voici comment, à travers un tract diffusé par l'intersyndicale le 5 février sur le site de Toulouse, les ouvriers de France sont incités à défendre "leur" compétitivité et sont mis en concurrence avec leurs frères de classe exploités de l'autre côté des frontières !
Derrière les syndicats, il n'y a rien à gagner. Depuis longtemps déjà, ces organismes sont devenus les chiens de garde du capital. Prise entre l'Etat, ce chef d'orchestre des attaques, et les syndicats, ces saboteurs professionnels des luttes, la classe ouvrière doit desserrer l'étau. Pour cela, il faut s'inspirer du mouvement contre le CPE. Si le gouvernement a alors reculé, ce fut grâce à la dynamique d'unité qui se faisait jour dans les rangs ouvriers. Les étudiants, ces travailleurs de demain, en appelant les ouvriers à les rejoindre, avaient réussi à déclencher un véritable élan de solidarité et de combativité. C'est ce terrain de classe qui constitue notre force !
Pawel (20 février)
Participant à la grande kermesse électorale, Lutte Ouvrière (LO) inonde depuis quelques semaines les façades des quartiers populaires de ses affiches de campagne. A l'effigie d'Arlette Laguiller, en toute simplicité, celles-ci interpellent le passant par un slogan choc "Qui d'autre peut sincèrement se dire dans le camp des travailleurs ?" .
Il faut dire que LO est sans aucun doute la grande organisation d'extrême gauche à la façade la plus radicale, celle qui est peinte avec le rouge le plus vif. Cette officine trotskiste n'hésite pas, en effet, à faire flèche de tout bois envers les "socialistes", les "communistes", les altermondialistes… bref, les "réformistes" de tout poil. Sa presse ne manque pas de condamnations explicites et sans appel. Ainsi, Lutte Ouvrière peut constater "la complète intégration de la social-démocratie au pouvoir d'Etat de la bourgeoisie" , affirmer que "le stalinisme a déformé ou vidé de sens la plupart des objectifs du mouvement ouvrier" et que "le courant altermondialiste n'est que le dernier avatar de ce type de courant", pour conclure : "nous devons nous démarquer clairement et fermement de ces courants, lever les ambiguïtés de leur langage et dénoncer leur politique qui, derrière des aspects contestataires, est fort respectueuse de l'ordre social. " (Lutte de Classe, N°101, Décembre 2006-Janvier 2007). Même ses amis trotskistes telle la LCR en prennent pour leur grade. Celle-ci est jugée pas assez "révolutionnaire" et trop compromise par ses tentatives d'acoquinage et ses concessions opportunistes envers ces différents courants.
Mais LO est-elle vraiment la "douche froide" cinglante qui viendrait remettre en question le monde capitaliste, le gouvernement ou les partis de la gauche réformiste intégrés à l'Etat ?, Fait-elle, comme elle le prétend, trembler le "grand capital" et les "riches" en assénant "en toute sincérité" des "vérités" qui dérangent?
Lorsque les échéances électorales sont lointaines, LO se permet de critiquer sans détour le cirque démocratique, scandant la primauté de la lutte sur le vote. Ainsi, en décembre 2005, alors que toutes les stars du show-biz à la mode encourageaient, main dans la main avec les partis de gauche, les jeunes des banlieues à s'inscrire sur les listes électorales, LO se démarquait en rappelant qu' "aucun bulletin de vote ne changera jamais la vie de la jeunesse des banlieues (…). Pas plus qu'aucun bulletin de vote n'a jamais changé la vie des travailleurs, la vie des exploités." Pourquoi ? Parce que "les élections et toute leur organisation sont, comme tous les autres aspects de la société, sous la coupe du grand capital." Le message est clair : "ce sont les luttes collectives qui permettent de changer les choses." (Lutte Ouvrière n°1951 du 23 décembre 2005).
Mais derrière les beaux discours, il y a la réalité des actes. Arlette Laguiller est aujourd'hui la doyenne des candidats. Depuis les présidentielles de 1974, elle est de toutes les campagnes électorales. Et cette participation active au cirque électoral ne se limite pas aux présidentielles. LO n'a jamais manqué de répondre "présent" pour les législatives, les municipales ou les européennes.
Pour ceux qui se rendraient compte de cette flagrante contradiction, l'organisation trotskiste a préparé une argumentation en béton, toujours la même, servie inlassablement à chaque soupe électorale : "le bulletin de vote peut non seulement contribuer à dire ce que l'on pense, mais il peut servir à se compter. Et plus nombreux seront ceux qui diront qu'ils refusent de considérer le chômage et les licenciements comme des fatalités et l'exprimeront par leurs votes, plus cela pourra contribuer à renforcer le moral des classes populaires et à inverser le rapport de forces en leur faveur." (Lutte de classe n°64, février 2002). Voici donc l'argument massue : les travailleurs doivent se compter, non dans la lutte, dans les rues ou dans les assemblées générales… mais dans les isoloirs !
De deux choses l’une : soit "le bulletin de vote n'a jamais changé la vie des travailleurs", soit il peut contribuer "à renforcer le moral des classes populaires et à inverser le rapport de forces en leur faveur". Le double langage de LO est ici manifeste. Ses phrases grandiloquentes sur la lutte, entre les périodes électorales, ne servent qu'à mieux rabattre les travailleurs vers les urnes le moment venu au nom de cette dérisoire comptabilité des "voix révolutionnaires". D'ailleurs, "faire voter" n'est pas une activité annexe de LO. C'est un devoir inscrit dans le marbre de son programme: "il est du devoir des communistes révolutionnaires [de continuer] à nous présenter aux élections" (LO, Les Fondements programmatiques de notre politique, 20 octobre 2003) !
Pour LO, "seul, le premier tour permet d'exprimer un choix politique" (Lutte de Classe n°64). Et elle n'a pas de mots assez durs contre l'allégeance du parti socialiste au "grand patronat". Dans le journal hebdomadaire de LO, des articles entiers sont consacrés à la dénonciation de la politique et du programme Royal. Renvoyant "presque" dos à dos PS et UMP, les titres sont en eux mêmes explicites: "Celui [Sarkozy] qui est ouvertement au service du grand patronat et celle [Royal] qui n'ose pas y toucher." (Lutte Ouvrière n°2011 du 16 février 2007). Est-ce à dire que LO limite sa participation à la seule mystification électorale du premier tour ? Qu'au second tour, elle retourne de nouveau sa veste (jusqu'à ce qu'elle craque de tous côtés ?), pour condamner sans ambiguïté la politique anti-ouvrière de la gauche ?
Pas du tout ! LO a soigneusement pris la précaution de laisser la fenêtre ouverte pour y laisser de nouveau entrer ce qu'elle a fait sortir à grands fracas par la porte : "La bourgeoisie qui, elle, a une véritable conscience de classe, surtout la grande, préfère, tous comptes faits, la droite à la gauche". Le sous-entendu est à peine voilé, si la bourgeoisie préfère la droite, la classe ouvrière doit certainement avoir pour intérêt de lui préférer la gauche. Logique implacable ! Quand elle joue les rabatteurs pour la gauche, LO déploie en effet une incroyable ingéniosité pour glisser, au milieu d'une bouillie de phrases alambiquées son message ( quasi subliminal) : "Bien moins que les autres fois, nous ne savons ce que nous ferons ou dirons au deuxième tour. En effet, entre appeler à voter blanc, dire que nous ne donnerons pas de consignes de vote ou que nous nous abstiendrons mais que nous ne ferons rien pour empêcher le candidat de gauche d'être élu, ou encore que nous appellerons à voter pour lui (ou pour elle), il y a des nuances importantes » (Lutte de Classe n°101, Décembre 2006-Janvier 2007).
Incroyable mais vrai ! LO peut à la fois affirmer "la complète intégration de la social-démocratie au pouvoir d'Etat de la bourgeoisie " pour, après mille détours, mieux appeler à voter PS et rabattre vers les urnes les plus récalcitrants, ceux qui savent que la gauche au pouvoir pendant des années en France a attaqué à tour de bras les salaires et toutes les conditions de vie de la classe ouvrière. LO prépare ainsi déjà le terrain pour pousser son "électorat", ses "voix révolutionnaires" à se mobiliser pour rallier le chœur qui proclamera bientôt "tout sauf Sarkozy !"
Car LO se donne pour tâche non pas de rappeler au prolétariat les hauts faits d'armes anti-ouvriers du parti socialiste, mais au contraire de les faire oublier, en les passant sous silence. Elle affirme ainsi: "[dans cette campagne] nous devrons considérer que nos critiques principales devront être dirigées contre la droite parce que c'est elle qui dirige le pays actuellement... et qui représente politiquement les intérêts du grand patronat". Pire ! Elle fait l'apologie de l'amnésie : "Nous devons cependant éviter de nous appuyer trop sur le passé, même récent (sic!), du gouvernement de la gauche plurielle . Le passé s'oublie, de jeunes électeurs ne l'ont pas vécu et au rappel des gouvernements de gauche qui ont précédé Jospin, sous la présidence de Mitterrand, seuls les militants sont sensibles" (Lutte de classe n° 100, Octobre 2006). LO ne veut surtout pas "effrayer" les ouvriers et les jeunes avec le rappel du travail bourgeois des "éléphants" et des "mammouths" du PS et du PC : Mauroy, Fabius, Joxe, Hernu, Rocard, Cresson, Fiterman... etc. C'est vraiment prendre les ouvriers et les jeunes pour des imbéciles !
LO avait d'ailleurs usé du même stratagème en 1974 et en 1981, comme elle l'avoue elle-même: "la droite était au pouvoir depuis 16 ans, dont plus de dix ans de pouvoir de De Gaulle. Mitterrand avait, en 1974, frisé la victoire. En 1981, c’était pire, la droite était au pouvoir depuis sept ans de plus, c’est-à-dire 23 ans. Toutes les classes d’âge qui avaient 18 ou 20 ans en 1958, et celles d’après, n’avaient connu que la droite.". Les "jeunes électeurs" ne connaissaient donc pas la gauche au pouvoir et devait, pour LO, faire leur propre expérience et c'est pourquoi "au deuxième tour, nous (LO) avons quand même appelé à voter Mitterrand devant le sentiment populaire." Cette politique de "rabatteur radical" n'est pas une abstraction, elle est une réalité tangible, se matérialisant dans le type de manchettes reproduites ci-dessous.
Mitterrand avait promis de "changer la vie" , poussant nombre d'ouvriers à descendre dans la rue pour faire la fête place de la Bastille au soir de son élection, le 10 mai 1981. Nous connaissons la suite. Très rapidement, dès 1982, la gauche a montré son vrai visage menant pendant des années les attaques sur les salaires, la santé, les grands plans de licenciements (sidérurgie, métallurgie, textile…), la flexibilité et la précarisation de l'emploi à travers les lois Aubry sur les 35 heures, la sécurité sociale, les retraites, l'éducation et bien d'autres questions touchant les conditions de vie ouvrières. Ces attaques furent possibles en grande partie du fait des illusions de la classe ouvrière sur la nature du parti socialiste…, illusions que LO avait grandement contribué à propager.
26 ans après, LO persiste et signe... toujours en invoquant l'amnésie de la classe ouvrière, la nécessité pour les travailleurs de faire leur propre expérience… Avec LO, la classe ouvrière doit repartir sans cesse de zéro. Cela est révélateur du mépris avec lequel cette organisation considère toujours le prolétariat comme une espèce de "poisson rouge" qui, tournant en rond dans son bocal avec sa mémoire n’excédant pas les 20 secondes, dirait, à chaque tour (électoral) sourire aux lèvres à ses exploiteurs: "bonjour, enchanté, qui êtes-vous ? ".
Lutte Ouvrière peut toujours prétendre qu'elle est dans le camp des travailleurs, en tenant des discours radicaux sur le capitalisme ou en formulant des critiques sur les autres partis de gauche, sa véritable fonction, c'est de recrédibiliser le cirque électoral en ramenant chaque prolétaire tenté de s'en détourner dans les isoloirs. LO est un spécialiste du rabattage électoral, qui ne cesse de semer des illusions tant sur le pouvoir du vote que sur la nature des partis de gauche. Si elle refuse de signer un chèque en blanc au PS et au PC, c'est tout simplement parce qu'ils ont un compte commun.
Les plus grands ennemis de la classe ouvrière sont ceux qui avancent masqués. La classe ouvrière doit retrouver sa mémoire pour confondre de tels "faux amis" qui sont autant d'entraves pour le développement de sa conscience.
Ross (17 février)
Depuis le 10 janvier dernier, la Guinée connaît une situation sociale explosive marquée par un mouvement de grèves sans précédent dans un pays qui connaît pourtant depuis des années des grèves à répétition. La classe ouvrière de Conakry, suivie par celle de plusieurs grandes villes comme Kankan, soutenue activement par l'ensemble de la population, s'est lancée dans un mouvement de protestation qui exprime un gigantesque ras-le-bol. Dans ce pays soumis à la poigne de fer du président-général Lansana Conté, successeur du pro-stalinien Sekou Touré, la population vit une situation de misère phénoménale et irrémédiablement croissante. Les prix à la consommation augmentent de 30% par an depuis 1995. La politique d'inflation délibérée menée par le gouvernement a plongé les Guinéens dans une misère chaque jour plus insupportable. Entre 2001 et 2007, le franc guinéen a été divisé par trois : de 2000 FG pour un dollar en 2001 on est passé à 6000 FG pour un dollar en 2007. Un Guinéen sur deux vit avec moins d'un dollar par jour, le salaire annuel d'un ouvrier est de moins de 20 dollars (c'est-à-dire 120 000 FG) alors que le sac de riz, denrée de base de la population, était de 150 000 FG en janvier, pour passer à 250 000 FG depuis la grève du 10. Ecrasés d'un côté par une exploitation sans retenue, soumis de l'autre à la répression policière et militaire toute-puissante des hommes de main de Lansana Conté, les ouvriers de Guinée se sont lancés avec toutes leurs forces dans la lutte pour réclamer la baisse du prix du riz et des augmentations de salaire. L'an dernier déjà, lors d'un précédent mouvement de grève en juin, Conakry avait été le théâtre d’affrontements violents sporadiques entre étudiants en grève et forces de l'ordre qui avaient fait plus de trente morts. Cependant, la répression n'a pas fait baisser les bras des grévistes et a au contraire renforcé leur détermination. Comme disait un manifestant, "on est déjà mort alors on n'a plus rien à perdre". Quant à la reprise du travail, on pouvait entendre : "Quel travail ? Il n'y en a pas. Et ceux qui ont un salaire ne peuvent même pas acheter un sac de riz." (rapporté par Jeune Afrique) Devant cette détermination et devant le jusqu'au-boutisme exprimés par la population et les ouvriers, les syndicats se sont faits fort de se poser en leader du mouvement afin de le dénaturer. Ainsi, l'intersyndicale, principalement menée par l'Union générale des travailleurs de Guinée (USTG), ajoutait aux revendications sur les salaires et le prix du riz, lors de la déclaration de grève du 10 janvier, le retour en prison du "patron des patrons guinéens", Mamadou Sylla, en butte à des accusations de magouilles en tous genres mais soutenu par le général-président. Cette focalisation sur la corruption dans le gouvernement, même si elle est parfaitement réelle, permettait dans un deuxième temps aux syndicats de mettre en avant la nomination d'un nouveau premier ministre comme exigence à l'arrêt de la grève et non plus les revendications ouvrières initiales. Face à une montée en puissance du mouvement qui voyait l'arrêt de tout trafic de marchandises dans le port de Conakry, excepté le riz et le sucre, l'intersyndicale pouvait de cette façon faire cesser la grève le 28 janvier, tandis que la répression et ses 60 morts n'avaient fait que renforcer la détermination des grévistes.
Le 9 février, après 12 jours de trêve larvée, Lansana Conté, sans avoir respecté aucun engagement sur les revendications salariales ni sur le paiement de jours de grève, nommait Eugène Samara, un de ses proches, ouvrant la porte à une flambée de colère dans la population, au redémarrage de la grève et à une nouvelle vague de répression de l'Etat guinéen qui instaurait l'état de siège le 12. Dans une telle situation, les syndicats avaient beau jeu de focaliser encore plus sur la question du gouvernement et de la présidence, appelant alors au départ de Lansana Conté dont les forces de l'ordre, appuyées par des troupes libériennes et bissau-guinéennes, faisaient de nouveau plus de 50 morts à Conakry mais aussi dans d'autres villes gagnées par le mouvement et où les symboles du pouvoir sont systématiquement attaqués : Coyah, Maferinya, Boké, Dalaba, Labé, Pita, Siguiri, N'zérékoré, etc.
A l'heure actuelle, la Guinée est dans une situation de crise politique qui s'intensifie jour après jour. Signe des temps, le 24 février, le parlement, pourtant à la botte du président guinéen, a refusé de reconduire l'état de siège. La presse locale et internationale parle de plus en plus clairement de putsch militaire en préparation et, dans cet état de fin de règne quasiment annoncé, la France est assez inquiète d’avoir envoyé le "Sirocco", cargo militaire dans le golfe de Guinée pour évacuer ses ressortissants tandis que Chirac envisage l'intervention des troupes françaises stationnées dans la région. La Guinée a été, avec le Darfour, au centre des discussions du dernier sommet franco-africain à Cannes. La Cedeao, l'UA et l'ONU n'ont pas cessé d'adresser des messages appelant au calme et au règlement "pacifique" d'un conflit qui risque de déstabiliser toute la région.
Bien que cette préoccupation soit réelle de la part des bourgeoisies de la région et du monde, elles aimeraient surtout voir finir cette grève qui paralyse le transport de la bauxite dont la Guinée est le premier exportateur mondial.
Les ouvriers de Guinée doivent savoir que si les bonnes fées du capitalisme se penchent en ce moment avec attention sur leur sort, ce n'est nullement pour voir aboutir leurs revendications. Si Lansana Conté est éjecté, comme cela semble se dessiner, la situation de misère qui est la leur ne va pas s'améliorer, mais les syndicats font tout pour leur faire croire que cette perspective d'un "nouveau gouvernement" est la solution à leurs maux et faire passer ainsi la pilule de la reprise du travail, sans rien avoir obtenu… que des promesses pour demain.
Cependant, au-delà de la nécessité pour la classe ouvrière, en Guinée comme partout ailleurs dans le monde, de savoir s'opposer à ces faux amis que sont les syndicats et à lutter en dehors et contre eux, il est certain que l'isolement des ouvriers et le matraquage idéologique auxquels ils sont soumis rendent plus difficile le développement de la lutte sur son propre terrain. C'est pour cette raison qu'il appartient au prolétariat des pays développés du capitalisme, là où il est concentré et puissant, de catalyser la conscience et les expressions autonomes de la lutte ouvrière sur l'ensemble de la planète.
Mulan (24 février)
Il y a tout juste 80 ans, en mars 1927, les ouvriers de Shanghai se levèrent dans une insurrection triomphante et prirent le contrôle de la ville tandis que l'ensemble de la Chine était en effervescence. En avril, cette insurrection était totalement brisée par les forces du Kuomintang, parti nationaliste dirigé par Tchang Kai-Chek, que le Parti communiste chinois (PCC) avait élevé au rang de héros de la "révolution nationale" chinoise.
Derniers sursauts de la grande vague révolutionnaire qui avait débuté en 1917 en Russie, la défaite des luttes prolétariennes en Chine de 1925 à 1927 (comme celles du prolétariat allemand en 1921 et 1923) a accentué l’isolement international de la Russie révolutionnaire et ainsi accéléré le mouvement vers une longue période de contre-révolution.
Après 1924, la fraction stalinienne progressivement maîtresse de la Russie, devait peser de tout son poids dans cet écrasement de l’insurrection chinoise. Mais avant même cette date, la politique des bolcheviks en Chine avait déjà semé les graines des futures défaites. En 1922, le représentant du Comintern en Chine, H. Maring (alias Sneevliet) avait posé, après des discussions amicales avec Sun-Yat-Sen, les éléments d'une alliance entre le PCC et le Kuomintang. Le but était de faire une sorte de "front uni anti-impérialiste" pour la libération nationale de la Chine, dans laquelle le premier problème est de lutter contre les seigneurs de la guerre qui contrôlent de grandes parties de la Chine, spécialement au Nord. L'alliance incluait que les militants du PCC rejoignent le Kuomintang individuellement tout en maintenant une autonomie politique nominal en tant que parti. En pratique, cela signifiait la totale soumission du PCC aux objectifs du Kuomintang.
Le 30 mai 1925, les ouvriers et les étudiants manifestèrent à Shanghaï en solidarité avec une grève dans une usine de fabrication du coton appartenant au Japon. La police municipale dirigée par la Grande-Bretagne tira sur les manifestants, faisant 12 victimes. La réponse ouvrière fut immédiate. En deux semaines, Shanghai, Canton et Hong-Kong furent paralysées par une grève générale. A Shanghaï, la grève était conduite par l’Union General Labour dominé par le PC. Mais à Canton et Hong-Kong, l’organisation de la grève fut assumée par un soviet embryonnaire, la « Conférence des délégués des grévistes». Soutenue par 250 000 ouvriers, qui élirent un délégué pour 50 ouvriers, la Conférence mit sur pied 2000 piquets de grève et prit en charge les hôpitaux, les écoles et l’administration de la justice.
La réponse des puissances impérialistes fut, comme on pouvait s’y attendre, hystérique.
Mais cette puissante confirmation de la mobilisation du prolétariat eut aussi un effet significatif sur la «bourgeoisie nationaliste» organisée au sein du Kuomintang. Ce parti avait toujours été une alliance trouble d’industriels, de militaires, d’étudiants et de rêveurs petits-bourgeois –en fait toutes les couches de la bourgeoisie, sauf celles les plus liées aux propriétaires terriens et aux seigneurs de la guerre (la plupart de ces dernières devaient d’ailleurs rejoindre par la suite le Kuomintang lorsque le vent tourna contre elles)... Sous la conduite de Sun-Yat-Sen, le Kuomintang avait initialement le sentiment qu’il pouvait se servir d’une alliance avec le PCC, car ce dernier pouvait mobiliser le prolétariat urbain en faveur de la «révolution nationale». Tant que les luttes ouvrières étaient dirigées contre les compagnies étrangères et la domination impérialiste de l’étranger, la bourgeoisie du pays était toute prête à les soutenir. Mais quand les grèves commencèrent à s’étendre aux entreprises nationales, cette même bourgeoisie chinoise découvrit que les ouvriers s’engageaient dans des «excès stupides», que c’était «une chose d’utiliser les ouvriers… mais tout à fait une autre de les laisser mordre plus qu’ils ne pouvaient mâcher» (cité de la Revue chinoise hebdomadaire, mars et avril 1926, dans le livre de H. Isaacs, La Tragédie de la Révolution chinoise). Très rapidement, les capitalistes chinois apprirent qu’ils avaient beaucoup plus de choses en commun avec les «impérialistes étrangers» qu’avec «leurs» ouvriers.
Ces événements provoquèrent une rupture au sein du Kuomintang, entre une aile gauche et une aile droite. La droite représentait les intérêts de la grande bourgeoisie qui voulait mettre fin à la lutte ouvrière, se débarrasser des communistes, et arriver à un compromis avec les impérialismes établis. La gauche, principalement animée par des intellectuels et les rangs subalternes de l’armée, voulait garder l’alliance avec la Russie et le PCC. Ce ne fut pas par hasard si le principal boucher du prolétariat chinois, le général Tchang Kai-Chek, se posa lui-même en représentant de la gauche. En fait, Tchang, bien qu’il ait toujours agi pour assouvir son insatiable ambition personnelle, symbolisait l’ensemble du jeu mené par la bourgeoisie chinoise dans cette période. D’un côté, il flattait le régime soviétique et faisait des discours enflammés en faveur de la révolution mondiale. De l’autre, il multipliait secrètement les accords avec les forces réactionnaires. Comme les nouveaux dirigeants de Russie, il se préparait à utiliser la classe ouvrière chinoise comme d’un bélier contre ses ennemis immédiats, mais tout cela alors qu’il se préparait systématiquement à supprimer tout «excès» (c’est-à-dire tout signe de lutte autonome de la classe ouvrière).
En mars 1926, Tchang déclencha sa première offensive d’envergure contre le prolétariat de Canton. Les communistes et autres militants de la classe ouvrière furent arrêtés, et les quartiers généraux des comités de grève de Canton-Hong Kong attaqués. La grève durait depuis des mois mais fut rapidement brisée par la force soudaine de la répression. La réponse de l’IC à ce changement brutal dans la position de Tchang fut le silence, ou plutôt un déni de toute répression à l’encontre de la classe ouvrière chinoise.
Tchang avait organisé son coup militaire à Canton comme préliminaire à une expédition clé contre les seigneurs de guerre du Nord, mais aussi comme la première étape devant mener aux événements sanglants de Shanghaï. Les troupes de Tchang firent de spectaculaires avancées contre les militaires nordistes, largement grâce aux vagues de grèves ouvrières et de révoltes paysannes qui aidèrent à désintégrer par l’arrière les forces du Nord. Le prolétariat et les paysans pauvres se battaient contre leurs horribles conditions de vie avec l’illusion qu’un Kuomintang victorieux améliorerait matériellement leur sort. Le parti communiste, loin de lutter contre ces illusions, les renforçait au maximum, non seulement pour appeler les ouvriers à se battre pour la victoire du Kuomintang, mais aussi pour freiner les grèves ouvrières et les réquisitions de terre par les paysans quand elles menaçaient d’aller trop loin.
Alors que le PCC et l’IC travaillaient à empêcher les "excès" de la lutte de classe, Tchang s’efforçait de briser les mêmes forces prolétariennes et paysannes qui avaient assisté ses victoires. Ayant interdit toute revendication ouvrière durant la durée de la campagne du Nord, il réprima les mouvements ouvriers de Canton, Kiangsi, et d’autres villes au fur et à mesure de son avancée. Dans la province de Kwantung, le mouvement paysan contre les seigneurs de la guerre fut violemment écrasé. La tragédie de Shanghai ne fut que le point culminant de ce processus.
Shanghaï, avec ses ports et ses industries, abritait la fine fleur du prolétariat chinois. Elle était alors sous le contrôle des seigneurs de la guerre. Comme l’armée du Kuomintang avançait vers la ville, le General Labour Union (GLU-Syndicat Général du Travail) mené par le PCC publia un appel à la grève générale pour renverser la clique dirigeante et donc « soutenir l’armée de l’expédition du Nord» et «saluer Tchang Kaï-Chek» Cette première tentative fut brutalement battue en brèche après de durs combats de rue. Les autorités de la ville établirent un règne de terreur contre la population ouvrière, mais l’état d’esprit combatif de celle-ci restait intact. Le 21 mars, les ouvriers se soulevèrent à nouveau, mieux organisés cette fois, avec une milice forte de 5000 ouvriers et entre 500 000 et 800 000 ouvriers participèrent activement à la grève générale et à l’insurrection. Les postes de police et les garnisons furent pris d’assaut et les armes distribuées aux ouvriers. Le matin suivant, toute la ville était aux mains du prolétariat.
Une période menaçante s’ensuivit. Tchang arriva aux portes de Shanghaï et, confronté à une classe ouvrière armée en plein soulèvement, prit immédiatement contact avec les capitalistes locaux, les impérialistes et les gangs criminels afin de préparer la répression, tout comme il l’avait fait dans toutes les autres villes «libérées». Et de nouveau, alors que les intentions de Tchang étaient plus que claires, l’IC et le PCC continuaient à conseiller aux ouvriers de faire confiance à l’armée nationale et à souhaiter la bienvenue à Tchang en tant que «libérateur». Cependant, le souvenir de la répression exercée par celui-ci avait alerté une minorité de révolutionnaires sur la nécessité pour la classe ouvrière de se préparer à le combattre de même que les seigneurs de la guerre. En Russie, Trotsky exigeait la formation de soviets d’ouvriers, de paysans et de soldats comme base pour une lutte armée contre Tchang et pour l’établissement de la dictature du prolétariat. En Chine, un groupe dissident de représentants de l’IC –Albrecht, Nassonov et Fokkine – prirent une position identique. Au sein du PCC lui-même, la pression montait pour une rupture avec le Kuomintang. Mais la direction du parti restait fidèle à la ligne de l’IC stalinisée. Au lieu d’appeler à la formation de soviets, le PCC organisa un "gouvernement municipal provisoire" dans lequel il s’installa en minorité aux côtés de la bourgeoisie locale. Au lieu d’avertir les ouvriers des intentions de Tchang, le PCC accueillit à bras ouverts ses forces dans la ville. Au lieu d’accentuer la lutte des classes, seul moyen valable de défense et d’attaque pour le prolétariat, le GLU s’opposa aux actions de grèves spontanées et se mit à restreindre le pouvoir des piquets ouvriers armés qui avaient le contrôle effectif des rues. Tchang put ainsi préparer soigneusement sa contre-attaque. Le 12 avril, quand il lança ses mercenaires et ses bandes criminelles (la plupart d’entre eux habillés en "ouvriers" en représentants des syndicats "modérés" nouvellement formés, l’Alliance Syndicale des Ouvriers), les ouvriers furent pris par surprise. Malgré la courageuse résistance des ouvriers, Tchang rétablit vigoureusement "l’ordre" dans un bain de sang où l’on vit les ouvriers se faire décapiter en pleine rue. La colonne vertébrale de la classe ouvrière chinoise avait été brisée.
Quelque temps après cette tragédie, Staline et ses hommes de main admirent que la révolution avait échoué devant "l’obstacle", tout en insistant sur le fait que la politique suivie par le PCC et l’IC avait été correcte !
Les défaites de 1927 ont pavé le chemin d’un nouvel épisode de la guerre impérialiste en Chine, de même que la défaite de la classe ouvrière a ouvert la voie vers un autre carnage impérialiste mondial. Dans tous ces conflits, le PCC s’est montré comme un serviteur fidèle du capital national, mobilisant les masses pour la guerre contre le Japon dans les années 1930 puis dans la guerre mondiale de 1939-45. Il gagnait ainsi sa légitimité à devenir le maître de l’Etat capitaliste après 1949 et le fossoyeur en chef de la classe ouvrière chinoise.
Le prolétariat chinois comme l’ensemble du prolétariat mondial payait son immaturité et ses illusions au prix fort. La politique criminelle et désastreuse du PCC fut en partie le reflet du fait que la classe ouvrière chinoise dans son ensemble n’avait pas pu gagner l’expérience nécessaire pour rompre avec l’étranglement idéologique du Kuomintang et du nationalisme. Elle n’a pas pu non plus s’affirmer comme classe autonome appelée à jouer un rôle historique particulier et déterminant avec ses propres buts révolutionnaires, ni se doter des organes politiques et unitaires nécessaires pour accomplir cette tâche : les conseils ouvriers et une avant-garde révolutionnaire. Mais, en dernière analyse, le sort de la Révolution chinoise s’était décidé dans les rues de Petrograd, de Berlin, de Budapest et de Turin. L’échec de la révolution mondiale ne pouvait que laisser les ouvriers chinois dans l’isolement et la confusion.
Leurs luttes massives et spontanées (ultimes sursauts du prolétariat mondial) purent ainsi être dévoyées sur un terrain bourgeois et finalement écrasées.
CDW
Le dimanche 22 avril, des millions d'ouvriers se rendront, un par un, aux bureaux de vote. Chacun tirera derrière lui le rideau de l'isoloir pour se retrouver, seul, avec son dilemme "pour qui vais-je voter ?". En glissant ainsi un petit bout de papier dans l'urne, les plus optimistes souhaiteraient que les choses changent, mettre fin aux charrettes de licenciements et à la hausse du chômage, dire stop à la paupérisation croissante… Quant aux plus pessimistes, ils veulent au moins éviter ce qu'ils pensent être le pire : voir Le Pen arriver une nouvelle fois au second tour ou Sarkozy (ce politicard antipathique, arriviste et brutal) devenir président le 6 mai au soir.
La hausse spectaculaire des inscriptions sur les listes électorales, annoncée en grandes pompes ces derniers jours dans tous les médias, est le produit de cette profonde inquiétude face à l'avenir. Tous les candidats à cette élection, du centre à l'extrême gauche, ont pris en compte ce ras-le-bol et cette volonté de changement en rivalisant de promesses. François Bayrou s'est ainsi fait le champion de la "sociale-économie". Voulant redonner espoir dans la solidarité, il promet plus de moyens et de postes pour la santé, la justice, l'enseignement… Ségolène Royal, pour rester dans la course, s'est évidemment empressée de surenchérir en certifiant que si elle est élue, il n'y aura pas de baisse d'effectifs des fonctionnaires, pas d'allongement de l'âge de la retraite et qu'au contraire les "petites retraites" augmenteront et que le SMIC passera à 1500 euros. Plus à gauche, Marie-George Buffet, Olivier Besancenot et Arlette Laguiller, voire José Bové, se présentent comme "anti-capitalistes" et les amis des travailleurs en exigeant, entre autres, l'interdiction des licenciements dans les entreprises qui font du profit et une augmentation de 300 euros pour tous et tout de suite. Cette gauche de la gauche jure qu'en étant forte d'un maximum de voix, en symbolisant par les urnes la volonté des travailleurs, elle se bagarrera et fera pression sur le futur gouvernement pour le contraindre à "faire du social". Preuve que nous avons cette fois-ci rendez-vous avec l'Histoire, tous les candidats s'engagent à respecter par écrit leurs belles promesses… tous signent des "pactes" avec les Français !
Pourtant, malgré toutes ces propositions, tous ces engagements, on ne peut pas dire qu'il y ait une vague d'enthousiasme. Une inquiétude, oui ! … mais ces élections ne déclenchent ni passion, ni grands espoirs.
Et pour cause ! Depuis des années, la droite et la gauche ne cessent de se succéder aux commandes du pouvoir, et si les gouvernements changent, la politique anti-ouvrière demeure. Les ouvriers savent donc bien ce que valent toutes ces promesses et tous ces "pactes". Comme l'avait cyniquement dit le roublard Charles Pasqua en son temps : "les promesses électorales n'engagent que ceux qui les croient" !
En 1981, autour de l'élection de François Mitterrand, il y avait eu pour le coup, au sein de la classe ouvrière, de grands espoirs. Après trente ans de règne de la droite, l'arrivée du PS devait tout changer. Mais la politique menée les années suivantes s'était chargée d'apporter un cinglant démenti à ces illusions. Ce fut la "grande désillusion". Les ouvriers n'ont pas oublié que c'est sous Mitterrand que le chômage a explosé, que la productivité (et donc l'exploitation) a connu la plus forte hausse de ces cinquante dernières années, que le forfait hospitalier et la CSG ont été instaurés. Et pour ceux qui avaient la mémoire courte, il y a eu la piqûre de rappel jospinienne : gel des salaires, augmentation de la flexibilité, recours systématique aux emplois précaires, etc.
Sans même remonter ainsi dans le temps, simplement en prenant un peu de recul et en regardant autour de nous, on s'aperçoit qu'au-delà des frontières hexagonales, toutes les couleurs politiques sont représentées et que c'est quand même toujours les mêmes mesures anti-ouvrières qui sont prises : paupérisation, chômage, destruction (dans les pays où il y en a encore) de toutes les couvertures sociales (sécu, retraite, indemnités…). Il suffit de regarder ce que font les socialistes Blair en Angleterre et Zapatero en Espagne. Et franchement, quelle différence y a-t-il en Allemagne entre le Schroeder d'hier et la Merkel d'aujourd'hui ? Même ceux qui se réclament être à la gauche de la gauche montrent qu'au pouvoir ils n'ont qu'une seule priorité : attaquer et attaquer encore les conditions de vie de la classe ouvrière. Les Chavez, Morales, Lula et tous leurs compères d'Amérique du Sud en sont la preuve vivante !
Bref, à chaque élection on nous promet la Lune… mais a-t-on déjà vu la société changer après des élections ? Cela arrive, effectivement. Mais quand il y a un changement, c'est toujours en pire !
La bourgeoisie a bien conscience de cette usure de la stratégie de l'alternance. Et c'est pour cela qu'elle parle tant du renouveau de la classe politique, de l'aspect novateur des candidats en lice aujourd'hui. "Attention avec Bayrou, ce n'est ni la droite, ni la gauche, c'est le centre !" En fait, son idée neuve, sa découverte, son innovation, c'est de prendre les meilleurs… de la droite et les meilleurs… de la gauche. En somme, la quintessence des politiciens les plus habiles à diriger les affaires de la bourgeoisie et à mener campagne contre la classe ouvrière. Belle promesse, en effet ! Quant à Royal, son originalité c'est… d'être une femme. La belle affaire, Thatcher aussi était une personne du beau sexe et sa politique n'était pas réputée pour être particulièrement humaine (rappelons juste son surnom : "la dame de fer", tout un symbole). Il est décidément bien difficile de marcher dans de telles combines.
Au final, aujourd'hui, ce qui pousse principalement les gens à aller voter, ce n'est pas l'espoir, mais la peur, la crainte, la volonté "d'éviter le pire". Quand la gauche ne fait pas rêver, que les gadgets estampillés "New" ne font pas recette, il reste cette idée : tout sauf Sarko ou Le Pen.
C'est vrai que les discours de Sarkozy sur les banlieues, le "tout sécuritaire" ou l'immigration ont de quoi faire froid dans le dos. C'est vrai que les discours de Bayrou ou de Royal sont plus "softs", moins choquants à l'oreille… mais ce n'est qu'un enrobage ! Imaginez Madame Royal (ou n'importe quel autre candidat) venir à la tribune d'un meeting et dire avec sa voix vibrante d'émotion : "Si je suis président(e), je défendrai l'intérêt du capital national, j'accentuerai la férocité de l'exploitation, je jetterai les ouvriers par milliers sur le pavé, je réduirai les dépenses en attaquant les chômeurs, je finirai de démanteler le système de santé et les retraites… car l'intérêt de ma patrie, l'intérêt de ma classe, je les tiens là, chevillés au corps". Aucun homme ou femme politique ne tiendra jamais de tels propos. Et pourtant, c'est bien cette politique là qui se cache derrière tous les discours. C'est bien cette politique là qui sera mise en place après le 6 mai, quel que soit l'élu. Ce discours imaginaire, c'est ce qui reste quand l'enrobage a fondu.
Sarkozy pire que Royal ? La gauche aurait une âme, au fond, bien cachée, plus humaniste ? Demandez aux 300 immigrés de Vitry dont le foyer a été détruit au bulldozer le 24 décembre 1980 sur ordre du maire "communiste" s'ils ont apprécié leur cadeau de Noël. Demandez à tous ceux qui furent renvoyés à une mort probable, dans leur pays d'origine, par des charters du parti "socialiste", s'il y a dans cette organisation bourgeoise l'once d'un sentiment humain. A la vérité, la gauche a les mains couvertes de sang et n'a rien à envier à la barbarie de la droite dite "dure". Un seul exemple : le génocide rwandais de 1994, durant lequel l'armée française, sous les ordres de Mitterrand, a été complice du massacre (à la machette !) de près d'un million de personnes, hommes, femmes et enfants !
Décidément, il n'y a aucun moyen d'éviter le pire par les urnes, car c'est forcément la bourgeoisie qui en sort vainqueur, tel un diable de sa boîte. La classe ouvrière n'a rien à gagner en participant aux élections, juste des illusions !
La bourgeoisie sait très bien qu'elle n'a rien à craindre des ouvriers quand ils sont dans les isoloirs. Isoloir ! C'est un mot significatif. Un isoloir, c'est fait pour isoler. Isoler les ouvriers les uns des autres, les diviser, cultiver l'illusion qu'ils peuvent s'en sortir seuls et non par l'action collective et solidaire. Ce n'est pas pour rien que Royal se demande si le vote ne doit pas devenir une action citoyenne obligatoire comme en Belgique. Ce n'est pas pour rien si l'Etat dépense des millions en spots publicitaires à la télé pour marteler : "votez, votez pour qui vous voudrez, mais votez" !
Par contre, la bourgeoisie se met à trembler quand les ouvriers commencent à discuter et à s'organiser collectivement au boulot, en Assemblée Générale, dans la rue pour manifester… car elle sait que c'est là que son ennemi, la classe ouvrière, est réellement fort, qu'il peut réellement résister aux attaques 1. Car c'est bien là le cœur du problème : l'intensité des attaques ne dépend pas de la présence de la gauche ou de la droite au pouvoir mais bel et bien du rapport de forces entre les classes, du niveau de lutte et de résistance qu'est capable de produire la classe ouvrière.
Les élections sont le terrain de la bourgeoisie. La lutte collective, dans la rue ou en AG, voici le terrain du prolétariat !
Régis (26 mars)
1 Lire notre article sur le mouvement contre le CPE [977] .
Licenciements, suppressions d'emplois, fermeture d'usines, précarisation, délocalisations… : de plus en plus de salariés subissent la terrible réalité de l'accélération de la crise capitaliste . Ce sont les mêmes attaques, en Europe pour le groupe EADS-Airbus , à Alcatel-Lucent, Volkswagen, Deutsche Telekom, Bayer, Nestlé, Thyssen Krupp, IBM, Delphi… et sur le continent américain, avec Boeing , Ford, General Motors, Chrysler… Dans le seul secteur privé en France, il y a eu officiellement 10 000 suppressions d'emplois en 2006 et 30 000 sont déjà prévues d'ici fin 2008. Ces plans désormais à l’échelle mondiale, sont de plus en plus massifs et ne touchent plus seulement des secteurs en perte de vitesse ou archaïques, mais des secteurs de pointe comme l'aéronautique, l'informatique, l’électronique… Ils ne concernent plus seulement les petites et moyennes entreprises, mais s'étendent à tous les grands groupes leaders de l'industrie et leurs sous-traitants, ils ne se limitent plus aux ouvriers sur les chaînes de production mais visent aussi les ingénieurs, les cadres commerciaux, les secteurs de la recherche.
Chaque Etat, chaque dirigeant d'entreprise sait bien que cette situation pousse tous les salariés, du privé comme du public où les prolétaires subissent exactement le même sort à se poser de plus en plus de questions angoissés sur l'avenir qui leur est réservé et encore davantage sur l'avenir de leurs enfants. Il est de plus en plus évident que les prolétaires de tous les pays sont embarqués dans ce même bateau qui prend l'eau de toutes parts. Dans ce contexte inédit, la préoccupation principale de la bourgeoisie n'est pas seulement de tenter de colmater les brèches béantes qui s'ouvrent dans son système mais aussi de gagner du temps, d'empêcher les prolétaires de prendre conscience de cette réalité.
C’est pourquoi les syndicats dont la fonction spécifique au sein de l'appareil d'Etat est d'encadrer et de contrôler la classe ouvrière prennent partout les devants et occupent le terrain social pour couper l'herbe sous le pied de toute tentative de mobilisation unitaire des ouvriers face à ces attaques massives et frontales. Leur tâche essentielle aujourd'hui est de prendre l'initiative de la lutte pour faire passer ces attaques en entretenant la concurrence et la division des ouvriers par atelier, par site, par entreprise, par secteur, par pays .
Les syndicats, le gouvernement, la direction, toute la classe politique et les médias ont polarisé l'attention sur les 10 000 suppressions d'emplois à Airbus (jusqu'ici présenté comme un fleuron "prospère") où ils ont multiplié les manœuvres pour organiser la division des ouvriers entre eux, disperser leur colère et défouler leur combativité.
Ainsi, les syndicats ont commencé par faire croire qu'ils n'étaient pas au courant de ce qui se tramait, qu'ils défendaient les emplois et les intérêts des ouvriers alors que pendant des mois, ils étaient pleinement associés au fameux plan Power 8. En effet, la direction avait créé pour cela "un comité de pilotage" constitué de la Direction des Ressources Humaines et des syndicats, afin justement de "se préparer à tout impact social que ses mesures pourraient avoir" (d'après une note de la direction à l’intérieur de l’usine de Toulouse-Blagnac). Les syndicats ont tous tenu le même langage, celui de minimiser l’attaque au moment où elle était dans sa phase préparatoire, s'inscrivant pleinement dans les mensonges de la direction et des différents Etats concernés. Ensuite, ils ont fait reprendre le travail aux ouvriers à Méaulte qui étaient partis spontanément en grève 48 heures avant l'annonce officielle du plan Power 8 en prétendant que l'usine ne serait pas revendue, alors que la direction faisait savoir ensuite qu'aucune décision n'était pour l'instant arrêtée sur le sujet.
Suivant les usines, s’adaptant à chaque situation particulière, les syndicats ont organisé la division, comme à Toulouse, entre les secteurs touchés et ceux épargnés. Plus fort encore, pendant des mois, ils ont martelé l'idée selon laquelle, si Airbus est dans cette situation, c’est "la faute aux Allemands". En Allemagne, le discours syndical était parallèle : "C'est la faute aux Français". Aussi, les syndicats n'ont cessé d'exalter le "patriotisme économique". Dans un tract du 7 mars cosigné par FO-Métaux (syndicat largement majoritaire à Toulouse), la CFE-CGC (syndicat des cadres) et la CFTC, ils déclarent par exemple : "C'est tout l'intérêt de l'économie française, locale et régionale qui est en jeu (…) Restons mobilisés (…) pour défendre Airbus, nos emplois, notre outil de travail, nos- compétences et notre savoir-faire au bénéfice de toute l'économie locale, régionale et nationale." Cette répugnante propagande poussant les ouvriers à se rallier à la logique concurrentielle du capital se retrouvait déjà lors d’une mobilisation des syndicats des différents pays d’Europe où sont implantées les usines Airbus : "Défendons notre outil de travail ensemble, salariés Airbus, sous-traitants de tous les sites d'Airbus d’Europe" (tract commun à tous les syndicats du 5 février 2007).
Après les manifestations du 6 mars, ils ont fait miroiter une riposte européenne pour le 16 et annoncé une grande manifestation à Bruxelles pour ensuite l’annuler trois jours avant en la remplaçant par des manifestations toujours présentées comme une "journée de mobilisation européenne" mais limitée aux salariés d'Airbus et éparpillées sur les différents sites locaux . Et le pompon était à voir du côté de Toulouse où les syndicats ont cueilli les ouvriers à la sortie de l'usine dans des bus de ramassage pour les amener dans un lieu de rassemblement totalement excentré et les faire marcher jusqu'au siège de Blagnac où les attendait une nuée de caméras de télé pour médiatiser à fond "l'événement". Sitôt arrivés là, on les faisait remonter dans les bus pour regagner l'usine et reprendre le travail1.
Les syndicats comme l’ensemble de la bourgeoisie ne tenaient certainement pas, dans ce contexte d'attaques tous azimuts, à voir une large mobilisation ouvrière à l'échelle européenne où les ouvriers pouvaient se rassembler, se rencontrer entre eux, discuter et échanger leurs expériences. D’autant plus que la coupe des attaques déborde : suppressions de plus de 6000 emplois chez Bayer et allongement de la durée des cotisations pour la retraite jusqu’à 67 ans en Allemagne, mise en place d’une nouvelle attaque contre le secteur de la santé en Grande-Bretagne, 3000 licenciements à Volkswagen-Forest en Belgique .
Il n’était pas question non plus pour les syndicats que la manifestation à Paris des salariés d’Alcatel-Lucent pour dénoncer le plan de restructuration du groupe qui prévoit 12 500 suppressions de postes, dont au moins 3200 en Europe, d'ici 2008, soit organisée en même temps. C’est pourquoi elle a été appelée la veille, le 15 mars. Elle se présentait comme unitaire et européenne, mais il n’y avait que 4000 personnes, venues de tous les sites français touchés, en particulier de Bretagne, mais aussi de pays voisins avec des délégations symboliques exclusivement syndicales d'Espagne, d'Allemagne, des Pays-Bas, de Belgique, d'Italie. Elles étaient d'ailleurs noyées dans une forêt... de drapeaux bretons et la manifestation cadencée au son du biniou ! Dans une série de plus petites grèves en France comme à Peugeot-Aulnay, c'est sur des hausses salariales que les syndicats ont entraîné les ouvriers dans une grève longue et exténuante. Tandis qu'à l'usine Renault du Mans, 150 ouvriers ont été entraînés derrière la CGT dans une grève restée très minoritaire contre un nouveau contrat de flexibilité signé par les autres syndicats. Cependant, quand on sait que PSA comme Renault s'apprêtent à annoncer à leur tour prochainement des plans de licenciements, on s'aperçoit que ces grèves et ces actions lancées par les syndicats n'ont pour but réel que d'épuiser au maximum auparavant la combativité ouvrière pour faire passer ces attaques. De même, si les enseignants ont été appelés à une énième journée d'action le 20 mars, c'est avec le même objectif de les épuiser pour leur imposer plus facilement ensuite toutes les attaques dont ils sont la cible.
Les ouvriers n'ont aucun intérêt commun à défendre avec leur bourgeoisie, par contre la situation les pousse à reconnaître les intérêts qu’ils ont en commun face aux mêmes attaques (massives et simultanées) auxquelles ils sont partout confrontés. Une telle situation favorise le développement de questionnements, de réflexions, qui posent de plus en plus clairement les besoins d'extension de la lutte, d'unité et de solidarité au sein du prolétariat qui seront les clés des luttes à venir. Même si les syndicats parviennent à l'heure actuelle à imposer sans obstacle visible leurs manœuvres de sabotage, de division, d'isolement, d'enfermement des prolétaires, ils sont appelés à se discréditer de plus en plus ouvertement aux yeux de la classe ouvrière. C'est aujourd'hui que mûrissent les conditions qui permettront demain aux ouvriers dans leurs luttes de discuter ensemble, de se rassembler, de confronter leurs expériences, de s'organiser eux-mêmes en dehors des syndicats et au-delà des frontières nationales.
Wim (24 mars)
1 Le lendemain, Libération du 17 mars titrait son article : "Radicalisation jamais vue contre la direction de l'avionneur - Airbus : les salariés de tous les pays se sont unis".
Il y a un an, les amphithéâtres, hauts lieux de l'ennui magistral, étaient brutalement sortis de leur torpeur par le retentissement de discussions enflammées sur le chômage, la précarité, l'exploitation et l'avenir. La jeunesse ouvrière – lycéens et étudiants – se dressait comme un seul homme contre une énième attaque de l'Etat, le Contrat Première Embauche, rebaptisé malicieusement Contrat Poubelle Embauche. Après trois mois de cette lutte effervescente, devant la massivité de la mobilisation, le gouvernement devait plier et retirer son projet de loi inique.
De telles victoires sont rares dans la lutte de classe. La bourgeoisie s'attache toujours à infliger à la classe ouvrière la plus cinglante des défaites, afin de la démoraliser et de lui faire passer le goût du combat. Cette politique systématique fut parfaitement exprimée par l'ex-premier ministre Raffarin qui en 2003 face à la colère des enseignants après une nouvelle réforme des retraites) avait affirmé avec arrogance "ce n'est pas la rue qui gouverne". En 2006, les jeunes générations ont donc fait ravaler ses propos à la bourgeoisie française en montrant clairement que les clefs de l'avenir appartiennent bel et bien à la lutte de classe.
Si la bourgeoisie a ainsi cédé, c'est parce qu'elle a su reconnaître dans ce mouvement un vrai danger.
Les étudiants ont redécouvert l'importance vitale des assemblées générales souveraines. Ces AG ont véritablement constitué le poumon du mouvement. Elles ont en effet permis aux étudiants de se rassembler, de débattre et de s'organiser collectivement. Ils ont ainsi pu prendre conscience, grâce à ces débats ouverts, que leur combat n'était pas un combat particulier mais qu'il appartenait à toute la classe ouvrière. C'est pourquoi ils ont ouvert leurs assemblées générales et leurs amphithéâtres aux lycéens, aux chômeurs, aux travailleurs et aux retraités, accueillant chaque fois les interventions de ces participants par des tonnerres d'applaudissements. Afin d'entraîner dans la lutte le plus grand nombre de travailleurs, ils ont su, consciemment, mettre de côté des revendications spécifiques au milieu universitaire telle que l'abolition de la réforme LMD 1 pour mettre en avant au contraire ce qui était commun à tous les opprimés : la paupérisation croissante. Les étudiants avaient parfaitement compris que l'issue de leur combat était entre les mains des travailleurs salariés. Comme l'a dit un étudiant dans une réunion de la coordination francilienne du 8 mars "si on reste isolés, on va se faire manger tout cru". Les banderoles déployées par les étudiants au dessus de la tête des manifestants portaient des slogans particulièrement révélateurs de cet état d'esprit unitaire: "Étudiants, lycéens, chômeurs, travailleurs précaires, du public et du privé, même combat contre le chômage et la précarité !"
Cette démarche a eu progressivement, au fil des semaines, pour résultat de mobiliser toujours plus d'ouvriers. Les cortèges de manifestants croissaient lentement mais sûrement. Le gouvernement a pourtant tenté toutes les manœuvres -provocations policières et violences, manipulations médiatiques,… – piètres tentatives. En se mobilisant, la classe ouvrière n'exprimait pas une solidarité superficielle et charitable envers la jeunesse, elle se reconnaissait dans ce combat qu'elle faisait sien. En répondant à l'appel à la lutte des nouvelles générations, les ouvriers ont montré que s'il leur était encore difficile de se dresser tous ensemble contre les attaques quotidiennes, ils refusaient par contre catégoriquement que leurs enfants subissent le même sort. L'idée d'un avenir encore et toujours plus sombre pour la jeunesse, symbolisé par ce nouveau Contrat Pour Esclave, leur a été tout simplement insupportable et révoltante. Le mouvement contre le CPE est ainsi peu à peu devenu la lutte de toute la classe ouvrière et pour toute la classe ouvrière.
Nous touchons donc ici du doigt ce qui a tant fait peur à la classe dominante. La bourgeoisie a choisi de reculer pour ne pas laisser se répéter des manifestations contenant le risque que la classe ouvrière reprenne à son compte les méthodes de lutte mises en lumière par les étudiants. Le malaise bourgeois était tel que jusqu’en Allemagne (où la même attaque était en gestation) le gouvernement Merkel a préféré retirer son projet plutôt que de voir les travailleurs descendre dans la rue et (abomination suprême) unir leur forces à celles de le frères de classe outre-Rhin.
Rien n'aurait été pire, à ce moment, pour la bourgeoisie que de voir les ouvriers redécouvrir la prise en main des luttes par les assemblées générales souveraines et l'importance des mots d'ordre unitaires. Surtout, ce mouvement était un terrain bien trop fertile au développement de la solidarité entre les secteurs et entre les générations ouvrières. Pour la bourgeoisie, il fallait donc absolument mettre un terme à cette bouillonnante expérience de lutte durant laquelle les ouvriers avaient sous leurs yeux l'exemple de cette nouvelle génération enthousiaste et énergique.
Mais en reculant, la bourgeoisie n'a fait que retarder l'échéance. Les attaques contre les conditions de vie ne connaissent pas de répit. Et grâce à des luttes comme celle du printemps 2006 en France, la classe ouvrière reprend internationalement peu à peu confiance en elle. Les ouvriers (au travail, au chômage, à la retraite ou dans les amphis) se reconnaissent progressivement à nouveau comme appartenant à une classe, comme ayant des intérêts communs et la possibilité de s'organiser collectivement.
Sur tous les continents, l'avenir appartient à la lutte de classe !
Pawel (13 mars)
1 LMD = Licence-Master-Doctorat, nouveau cycle universitaire rallongeant la durée des études.
La droite n’a pas le monopole de la nation ! La gauche aussi a le droit d’aimer la patrie. Qui le conteste ? Et pourtant, journalistes et politiques (de gauche et d’extrême gauche) jouent la stupeur à l’écoute des récentes déclarations dégoulinantes de chauvinisme de Ségolène Royal pour laquelle "Tous les Français devraient avoir chez eux le drapeau tricolore comme dans d’autres pays où les drapeaux sont sortis aux fenêtres les jours de fête nationale."
Pour une fois qu’un candidat à la présidence parle avec son cœur, en toute franchise, qu’il nous tient le langage de la vérité, celui de ce nationalisme passionnel qui colle aux tripes de tout bourgeois qui se respecte, voilà qu’on s’interroge, l’air circonspect voire outré. Ainsi José Bové (à grands renforts d’hypocrisie) renvoie la candidate PS à sa copie en lui apprenant "que le chauvinisme et le nationalisme n’ont jamais été des valeurs de gauche. Le fait de vanter le ‘sang impur qui abreuve nos sillons’, c’est plutôt attiser la haine que préparer la paix". Belle leçon de la part d’un maître dans l’art du démontage de Mac Do, pourfendeur de multinationales américaines pour la promotion franchouillarde du Roquefort maison. Mais quelle rigolade ! En effet, voilà plus de quatre-vingt-dix ans que le chauvinisme et le nationalisme sont devenus les valeurs phares de la social-démocratie. Depuis les premiers jours d’août 1914 où le "Non à la guerre" des socialistes s’est transformé en "Défense nationale d’abord", ces derniers ont quitté définitivement le camp prolétarien pour rejoindre le banc des nations capitalistes.
Et que dire du Parti Communiste Français (souligné par nous) qui, pendant la Seconde Guerre mondiale, a frénétiquement déversé sur la classe ouvrière (par citernes entières) son jus patriotique : "A la Libération, le Parti communiste a beaucoup joué sur le sentiment national. Il avait même un journal qui s’appelait ‘France d’abord !’" (J.J. Becker, historien interrogé par Libération du 26 mars 2007). Pour défendre son titre du parti de gauche le plus ouvertement chauvin, Marie-George Buffet s'est empressée d'éclabousser à son tour les travailleurs du vieux poison nationaliste : "Ces deux symboles de la République [le drapeau et la Marseillaise] appartiennent au peuple…». Tel le coq tricolore, son porte-parole, Olivier Dartigolles s'est même gonflé d'orgueil pour affirmer qu'au PCF "on joue la Marseillaise en premier et l'Internationale en second depuis 1936" (Libération du 27 mars 2007) !
L’amour patriotique de ces gens-là n’a pas de borne et confine même jusqu’au délire comme l’illustre à nouveau Madame Royal : "Je l’avais déjà dit quand j’étais ministre de l’Enseignement scolaire, … j’avais imaginé des ateliers de couture dans les écoles, où les élèves auraient pu réaliser des drapeaux" (Libération du 26 mars 2007).
"Travail, famille patrie", Pétain en a rêvé, Royal l’a presque fait !
La défense du drapeau national n’a jamais servi qu’au massacre des prolétaires pour les seuls intérêts du capital. Partout, sur tous les continents, les ouvriers sont des frères. Ils subissent le même joug, la même exploitation. Ils ont un seul et même combat : en finir avec ce monde barbare. Loin de la puanteur du nationalisme, le cœur de la classe ouvrière bat pour un monde uni et fraternel, sans frontières ni nations. Son étendard, c'est l'internationalisme prolétarien ; son cri de ralliement, c'est "LES PROLETAIRES N'ONT PAS DE PATRIE ! PROLETAIRES DE TOUS LES PAYS, UNISSEZ VOUS !"
Jude (28 mars)
Quand Sarkozy dit "Chanter la Marseillaise n’est pas ringard. S’émouvoir devant le drapeau tricolore n’est pas démodé. Aimer sa partie n’est pas dépassé.", Arlette Laguiller lui répond tout de go "Non, ce n’est pas ringard, mais elle représente une révolution du passé… de la bourgeoisie… aujourd’hui, c’est une autre révolution qu’il faudrait… Et si une telle révolution se produisait, un autre chant plus humain, plus fraternel devrait remplacer la Marseillaise révolutionnaire et guerrière qui fait dire aux enfants, aux élèves et même aux footballeurs : ‘Qu’un sang impur abreuve nos sillons’". (Le site d’Arlette Laguiller dans la rubrique Sarko, Royal et compagnie).
Depuis le Manifeste communiste de 1848, le mouvement ouvrier sait que les prolétaires n’ont pas de patrie, , cela est un fait marqué au plus profond de leur identité de classe. Alors quand Arlette s’affiche en 4×3 sur les murs de nos grandes villes pour se demander (comme la reine de Blanche-Neige à son miroir) qui d’autre qu’elle-même "peut sincèrement se dire dans le camp des travailleurs", quoi de plus logique pour la Marianne de Lutte Ouvrière que de hisser (au son du clairon) le pavillon internationaliste comme gage de cette "authenticité" ?
Fort heureusement pour Arlette, les belles paroles ne coûtent rien (raison supplémentaire pour ne pas s’en priver).
Certes, LO a toujours su se débrouiller pour faire mine de protester énergiquement contre les mots d'ordres nationalistes (ceux-là même qui envoient les ouvriers se faire étriper pour des intérêts qui ne concernent finalement que leurs exploiteurs) mais diable qu’il y a loin de la coupe aux lèvres ! C’est en tout cas ce que vient illustrer, fort à propos, l’édito du journal Lutte Ouvrière en date du 28 janvier dans lequel on peut lire : "Depuis 1946, le gouvernement [français] avait dépensé des millions pour mener la sale guerre d’Indochine… En 1954, débutait une autre sale guerre, celle d’Algérie… Alors, il n’y avait pas assez d’argent pour loger les sans logis. Mais ceux qui dirigent le pays ont su en trouver pour créer la "force de frappe", et dépensent toujours des fortunes pour construire [aujourd’hui] un nouveau sous-marin (2,4 milliards d’euros) et un nouveau porte-avions nucléaire. Et pour se défendre contre qui ? Aucun Etat ne menace la France…" (souligné par nous).
Avons-nous bien entendu ? Mais oui, pas de doute, c’est bien ça : si un jour, comme par le passé, un Etat belliqueux venait à menacer l’intégrité de la nation en pointant le bout de ses canons sur les frontières de France, alors là (et seulement là), les dépenses militaires deviendraient justes et légitimes ! "L’internationalisme en temps de paix, oui… pour le reste on peut toujours en discuter." Et voilà LO fin prête à voter les prochains crédits de guerre au cas où il s’agirait de sauver la patrie en danger comme l’ont fait ses illustres prédécesseurs : les sociaux-chauvins de la Deuxième Internationale en 1914 ou encore (à leur façon) les PC stalinisés se vautrant dans les préparatifs guerriers des années 1930.
Faut-il s'en étonner ? Pas vraiment… Déjà, au cours de la Seconde Guerre mondiale, l’ancêtre de LO, le groupe Barta 1 avait copieusement versé dans le registre nationaliste (comme l’ensemble de la IVe Internationale trotskiste d’ailleurs) en braillant aux travailleurs "…vous tous qui n’avez que vos chaînes à perdre et un monde à gagner : EMPECHEZ PAR TOUS LES MOYENS LA MACHINE DE GUERRE IMPERIALISTE DE FONCTIONNER CONTRE L’URSS." (Vive l’armée rouge, tract rédigé par le groupe Barta le 30 juin 1941).
Encore et toujours la fameuse défense de la "patrie socialiste" ou, dit autrement, des intérêts impérialistes du bastion stalinien et, par ricochet, du camp allié poussant les ouvriers à rejoindre le mouvement de Résistance à l’occupation allemande : "Si vous ne voulez plus être la chair à canon de cette guerre, il faut non seulement résister à Vichy et à l’impérialisme allemand, mais le faire sous votre propre drapeau de classe, le drapeau rouge… Dans les groupes de résistance, dans le maquis, exigez votre armement…" (La Lutte de classe n°24 du 6 février 1944) 2.
Le drapeau rouge dilué… fondu… broyé… ratatiné dans les couleurs des nations capitalistes, voilà de quel "internationalisme" sont faits le groupe Barta et sa fille légitime : Lutte Ouvrière.
Et depuis, dans les différents conflits de l’après-guerre, cette dernière n’aura de cesse de suivre la même logique guerrière et hypocrite en direction des travailleurs, les incitant à choisir un camp impérialiste contre un autre. Particulièrement contre l’impérialisme américain et israélien, les ouvriers seront inlassablement encouragés à préférer la "patrie" palestinienne ou irakienne venant s’inscrire (qui plus est depuis l’effondrement de l’URSS) dans la droite ligne de la politique pro-arabe et anti-américaine de l’impérialisme français.
"Aimer sa patrie", "chanter la Marseillaise" (mais uniquement sur la musique de l’Internationale), "Non, ce n’est pas ringard" pour Arlette Laguiller, à plus forte raison lorsqu’on se trouve (bien au-delà des apparences de façade) pétri d’un nationalisme viscéral.
Azel (18 mars)
1 Voir notre article La véritable origine bourgeoise de "Lutte Ouvrière" [978] [978] dans RI n°343.
2 La Lutte de classe, feuille de propagande publiée par le groupe Barta pendant la Seconde Guerre mondiale.
Dans la nuit du 19 au 20 mars 2003, une série de bombardements était lancée sur Bagdad. C’était le début de l’opération "Liberté en Irak". La deuxième guerre d’Irak venait de commencer. Cela fait à présent quatre ans que cette boucherie impérialiste ravage le pays. Depuis, les affrontements armés, les attentats aveugles, les massacres de populations civiles n’ont fait que croître inexorablement. A Bagdad, comme dans tout l’Irak, l’horreur se vit au quotidien. La population irakienne, réduite à la pire misère, est prise dans l’étau infernal que constituent les différentes fractions armées : sunnites, chiites, kurdes, forces gouvernementales ou américaines. Les morts irakiens se chiffrent probablement par centaines de milliers. Dans le pays, deux millions de déplacés et autant de réfugiés sont dénombrés depuis le début de la guerre. L’armée américaine a perdu quant à elle plus de 3200 GI’s, pour la grande majorité de jeunes soldats, engagés dans cette horreur pour échapper à la misère et au chômage dans leur propre pays et espérer mettre quelques dollars de côté. Mais déjà, plusieurs milliers de ces jeunes recrues ont déserté et fui cet enfer permanent, se terrant au Canada ou ailleurs. Ces quatre années débouchent sur un chaos sanglant, sans qu’aucune perspective ne permette d’espérer une quelconque nouvelle stabilisation du pays et de la région. Les protestations contre la guerre se multiplient : environ 50 000 personnes se sont mobilisées le 17 mars à Washington, sous la bannière "Stop à la guerre en Irak, pas de guerre contre l’Iran". Des manifestations similaires ont eu lieu le même jour dans plusieurs grandes villes américaines, notamment à New York, Los Angeles, San Francisco, avec à leur tête des milliers de vétérans, pour réclamer le retrait des troupes d'Irak. En Espagne, 400 000 personnes se sont rassemblées à Madrid, à la fois en commémoration des victimes des attentats meurtriers à la gare d'Atocha et pour réclamer la fin de cette guerre. D'autres manifestations similaires étaient organisées dans le pays, de Barcelone à Cadix. Un peu partout, dans le monde, en particulier en Turquie, en Corée du Sud, en Hongrie, des rassemblements plus ou moins nombreux réclamaient le retrait des contingents nationaux d'Irak.
Il y a quelques jours, la première visite du nouveau secrétaire général des Nations-Unies, Ban Ki-moon a été une sorte de baptême du feu : il a été (bien malgré lui devant toutes les télévisions du monde) l’illustration vivante que plus aucune force ne contrôle réellement la capitale irakienne. En effet, c’est lors d’une conférence télévisée, en présence du nouveau secrétaire général de l’ONU qui se tenait dans une "zone verte", secteur considéré comme le plus sécurisé du pays, qu’a éclaté à quelques mètres un obus de mortier. Alors même que le président irakien venait tout juste de déclarer qu’il considérait la visite de Ban Ki-moon comme "un message destiné au monde, qui confirme que Bagdad est à nouveau en mesure d’accueillir des personnalités mondiales importantes parce qu’il a fait d’importants progrès sur la voie de la stabilité."
Quatre années après le début de la guerre, plongée dans le plus grand des désarrois, l’administration américaine ne sait plus comment se sortir du bourbier irakien. Ce qui était encore totalement impensable il y a quelques semaines s’avère aujourd’hui possible. Ainsi, " la secrétaire d’Etat américaine, Condoleezza Rice, a annoncé que le gouvernement irakien allait réunir dans une quinzaine de jours une conférence internationale sur l’Irak à laquelle les Etats-Unis ont décidé de participer, bien que l’Iran et la Syrie soient invités." (Le Monde du 1er mars 2007). Cette conférence, présentée par beaucoup de commentateurs bourgeois comme une des dernières chances pour la paix, n’a été en réalité qu’un moment supplémentaire d’affrontements entre les deux puissances qui se font face indirectement en Irak : l’Iran et les Etats-Unis. Cette confrontation a connu, seulement quelques jours après la tenue de cette conférence, une nouvelle manifestation qui ne laisse planer aucun doute sur le niveau de tension existant, entre les deux pays. En effet, 15 marins et fusiliers britanniques, faisant partie de la coalition militaire en Irak, sous direction américaine, se sont faits prendre par la marine iranienne, au large de Fao, dans le Chatt- al-Arab, le confluent du Tigre et de l’Euphrate qui marque la frontière entre l’Irak et l’Iran. Que ce soit en Irak même ou dans le Golfe persique, et malgré l’incroyable armada maritime des forces de la coalition, les Etats-Unis ne sont plus en mesure d’assurer la sécurité des troupes de cette même coalition. Cette perte de contrôle de la situation aujourd’hui avérée traduit l’affaiblissement irréversible de la première puissance impérialiste du monde, justement dans une région qu'elle prétend "mettre au pas" depuis quatre ans.
Il n’y a pas d'espoir pour les Etats-Unis de se retirer du Moyen-Orient sans une perte de crédibilité énorme. La bourgeoisie américaine est ainsi face à une contradiction aujourd’hui insoluble. "Les Américains maintiennent pourtant un double langage, regrette le quotidien de Téhéran (Kayhan). Condoleezza Rice, secrétaire d’Etat américaine, affirme d’un côté qu’elle est prête à s’entretenir directement avec l’Iran sur les sujets qui concernent les deux pays, et de l’autre, affiche une fermeté indiscutable sur les dossiers comme le nucléaire. Mais les Américains ont besoin de l’Iran plus que jamais. Cette attitude ambivalente montre la confusion et le désespoir qui règnent dans l’administration Bush" (Courrier international du 12 mars 2007). Les Etats-Unis sont acculés à faire un choix entre deux "solutions" de toutes façons désastreuses : soit ils font un compromis humiliant avec l’Iran, soit ils optent pour une nouvelle fuite en avant guerrière. L’Iran, aujourd'hui en situation de force dans la région et soutenant massivement les fractions chiites d’Irak, pose très clairement les termes de ce marchandage sordide entre ces deux nations impérialistes. Une "aide" éventuelle de l’Iran pour tenter de rétablir l'ordre en Irak devra se payer au prix fort par l’administration américaine, principalement par l’acceptation de fait du programme nucléaire iranien. Mais il n’est pas non plus à exclure que l’administration Bush, déjà fortement discréditée, veuille jouer son va-tout et attaque l’Iran, prenant le risque insensé de pratiquer la politique de la terre brûlée. Une telle offensive signifierait une formidable accélération du chaos régional et mondial, sans pour autant que les Etats-Unis en tirent le moindre bénéfice impérialiste.
La guerre en Irak (au terme de ces quatre années d’enfoncement dans un bourbier fait de massacres et de misère galopante) aura déjà participé directement à radicaliser et à développer la haine entre les communautés chiites, sunnites et également kurdes à un point tel que tout retour en arrière semble désormais totalement improbable. Ce conflit a concrétisé non seulement l'incapacité grandissante des Etats-Unis à régler le problème irakien mais aussi, et bien au-delà, à s’imposer en tant que gendarme du monde. En effet, les interventions répétées et l'accroissement des forces militaires de la première puissance mondiale, produits de l'engrenage des rapports de force inter-impérialistes et de ses contradictions, n'ont fait que développer la terreur et le chaos non seulement en Irak mais dans la majeure partie du monde.
Cette guerre, déjà pleine de monstruosités en tous genres, n'est pas achevée, loin de là. Elle est porteuse des pires massacres pour l'avenir, loin des promesses faites par tous ses pseudo-"libérateurs".
Rossi (26 mars)
Ils disent que l'économie espagnole va "à plein tube", ils disent que l'économie mondiale va de l'avant. Les gouvernements, les experts, les économistes, les chefs d'entreprises et syndicaux, nous présentent un "monde" qui n'a rien à voir avec le monde réel que nous subissons tous les jours. Dans leur monde, il y a des édifices éblouissants, des technologies merveilleuses, des résultats économiques "formidables"...
Cependant, dans notre monde, le monde réel, il se passe des choses très différentes : des licenciements à la pelle, des contrats précaires, des pensions de retraite à chaque fois plus réduites et plus difficiles à obtenir, une augmentation de la pauvreté, l'impossibilité d'accéder à un logement digne, un fonctionnement désastreux des services de santé qui sont débordés en permanence, le chaos dans les transports (pour donner un exemple criant, le désastre dans le fonctionnement des trains de banlieue de Barcelone...)
Ce "monde réel" est subi par les travailleurs du monde entier, par l'immense majorité de l'humanité. En nous limitant uniquement au fléau des licenciements, rappelons-nous qu'aux États-Unis, General Motors projette de licencier 30 000 de nos camarades et Ford 10 000 ; en Allemagne, Volkswagen prévoit 10 000 autres licenciements ; en Allemagne et en France, 10 000 suppressions de poste à Airbus avec des répercussions probables en Espagne. Ce ne sont que quelques cas au milieu d'une liste interminable de licenciements qui touche les travailleurs des grandes et des petites entreprises et de nombreux pays.
A Delphi1, avec l'accord du gouvernement régional d'Andalousie et des syndicats, il avait été établi un plan industriel qui, en échange de sacrifices importants des travailleurs, "garantirait l'emploi au moins jusqu'en 2010". Ce fut le énième plan de sauvetage de l'entreprise semblable à celui de SEAT, des chantiers navals et de tant d'autres.
Le mécanisme est toujours le même : les gouvernements, le patronat et les syndicats nous proposent de "sauver l'entreprise". Pour cela ils nous demandent de faire des sacrifices (en nous baissant les salaires, en nous demandant de faire des heures supplémentaires, d'accepter des préretraites et des départs "volontaires") pour avoir un "plan d'avenir". Delphi est la énième démonstration que ces promesses sont uniquement de la poudre aux yeux. Accepter les sacrifices aujourd'hui mène à des sacrifices encore pires et plus nombreux avec comme résultat final les LICENCIEMENTS MASSIFS.
En Allemagne nous avons eu la même situation : en 2003, à Volkswagen, le patronat et les syndicats ont décidé un plan draconien (48 heures de travail par semaine avec 10% de baisse de salaire) pour "empêcher les licenciements". Le résultat : en 2006 et aujourd'hui en 2007, le patronat a décidé plus de 16 000 licenciements.
A SEAT, en décembre 2005, ils ont dit que les 660 licenciements qu'ils ont réussi à imposer avec la complicité effrontée des syndicats seraient "les derniers". Ils ont mis moins d'un an pour se dédire et, aujourd'hui, l'entreprise impose une nouvelle série de licenciements, que les syndicats se contentent de juger "inopportuns" !
Nous devons nous poser la question : pourquoi se passe-t-il toujours la même chose ? Pourquoi les sacrifices n'apportent-ils que de nouveaux sacrifices ? Où allons-nous aboutir ? Les "plans d'avenir" instaurés par le patronat, les syndicats et les partis politiques servent-ils à quelque chose ? Ces "plans d'avenir" ne sont-ils pas la carotte avec laquelle on nous conduit de sacrifice en sacrifice jusqu'au licenciement final de tout le personnel ? Ces "plans d'avenir" sont-ils une alternative réaliste ou bien, ce qui est plus réaliste, s'agit-il de comprendre que le capitalisme n'a pas d'avenir ?
Le capitalisme comme système mondial est dans une situation à chaque fois plus critique. En témoignent la fermeture continue d'entreprises productives, l'interminable cascade de licenciements, le fonctionnement toujours plus désastreux des infrastructures, le fait que pour amortir les coups de la crise en réduisant les coûts de production on transfère des parties importantes de la production en Chine, en Inde, etc., dans des pays transformés en ateliers du monde à bas prix puisque là-bas les conditions de travail sont insupportables.
Les politiciens, les syndicalistes et les économistes se lamentent sur le fait que les multinationales démantèlent les industries pour les transférer en Chine. Mais quelle est la solution qu'ils mettent en avant ? Eh bien d'accepter une dégradation de nos conditions de travail et de vie jusqu'à nous mettre en situation de pouvoir faire concurrence aux prix de la Chine ! Voilà l'avenir que nous offre le capitalisme ! Nous ramener au niveau de nos camarades en Chine qui supportent jusqu'à 70 heures de travail par semaine, des salaires de misère, sans sécurité sociale ni pension garantie et en logeant dans des taudis infects !
L'avenir que nous offre le capitalisme c'est la précarité, le chômage chronique, la perte des pensions, une vie de misère indescriptible et, en même temps, des guerres impérialistes, le désastre des infrastructures, des catastrophes écologiques, la barbarie morale. L'avenir que le capitalisme offre à l'humanité c'est la barbarie.
La seule alternative qu'ont les travailleurs, c'est la lutte. La lutte massive et solidaire. La solidarité est vitale. Face à la menace des licenciements qui pèse sur nos camarades et leurs familles à Puerto Real, tous les ouvriers doivent discuter, sur les lieux de travail, dans les quartiers, sur tous les lieux possibles de réunion, de la nécessité de lutter, de développer la solidarité, de lutter ensemble et de façon unie.
Il y a un an, quand les ouvriers de SEAT ont arrêté spontanément le travail en solidarité avec leurs camarades menacés de licenciement, dans un tract où nous appelions à la solidarité des autres travailleurs sans distinction de secteur, de région ou de race, nous disions : "le problème de SEAT ne se réduit pas aux 660 licenciements ; c'est un problème de TOUT LE PERSONNEL. Mais ce n'est pas seulement le problème des ouvriers de SEAT, mais de TOUS LES TRAVAILLEURS, tant des fonctionnaires avec la 'garantie de l'emploi' (jusqu'à quand ?) que des entreprises privées, tant des sans papiers que de ceux qui ont des papiers, tant des entreprises qui font des bénéfices que des entreprises en déficit. Nous sommes ou serons tous dans la même situation que les camarades de SEAT !"
La réalité montre que NOUS SOMMES TOUS DANS LA SITUATION DES CAMARADES DE DELPHI. C'est pour cela que la réponse est la SOLIDARITE DE CLASSE de tous les travailleurs, la solidarité de tous les exploités.
Nous saluons le commencement de la lutte à Delphi et le fait que ce soit les femmes et les familles qui, de façon solidaire, ont pris l'initiative à travers des manifestations quotidiennes. Nous saluons le fait qu'à l'usine d'Airbus et à Bazan ils ont commencé à faire preuve de solidarité.
Une manifestation a été convoquée pour le 1er mars à Cadix. Plus les travailleurs seront nombreux à y participer, tant à Cadix qu'à Puerto Real comme dans d'autres régions, d'autres entreprises, d'autres secteurs, PLUS LES CAMARADES DE DELPHI AURONT DE FORCE ET PLUS DE FORCE NOUS AURONS TOUS.
La solidarité est une question de vie ou de mort que nous devons discuter et impulser partout.
Nous devons distinguer la FAUSSE SOLIDARITÉ, la "solidarité" du bourreau et de ses complices, de la VÉRITABLE SOLIDARITÉ, qui ne peut être que la SOLIDARITE DE TOUS LES TRAVAILLEURS, DE TOUS LES EXPLOITÉS, exprimée de façon directe et massive.
La FAUSSE SOLIDARITÉ, c'est la solidarité du gouvernement d'Andalousie qui pousse des cris d'orfraie parce que l'entreprise "ne lui a rien communiqué" alors qu'il lui avait versé des subventions à la pelle, et avait déroulé un tapis rouge devant elle en échange d'une limitation des salaires des travailleurs et de l'amélioration de leurs conditions de travail en leur faisant du chantage avec le refrain bien connu : "se sacrifier pour obtenir des créations d'emplois".
La FAUSSE SOLIDARITÉ, c'est celle du gouvernement PSOE, qui par la bouche de Madame Fernandez de la Vega (vice-présidente du gouvernement) a déclaré solennellement qu'elle "travaille avec le gouvernement d'Andalousie pour faire en sorte qu'il n'y ait aucune famille qui souffre des conséquences d'un processus de cette nature", ce qui signifie tout simplement : il faut accepter les licenciements (appelés par euphémisme "le processus") et se contenter de quelques broutilles. Quelle solidarité pouvons-nous attendre d'un gouvernement qui vient d'augmenter de 12 à 15 ans la durée de travail minimale pour avoir droit à une pension et qui a été l'organisateur des licenciements de 2005 dans les chantiers navals ?
La FAUSSE SOLIDARITÉ, c'est celle des organisations syndicales qui, dans le silence des bureaux, signent tout ce que le gouvernement, la CEOE (l'organisation patronale) et les patrons concernés leur mettent sur la table et qui ensuite, pour la galerie, "protestent", "se lamentent". Quelle alternative nous offrent-elles ? Un nouvel "accord" avec de nouveaux sacrifices pour "préserver l'emploi". Accord qui consiste à accepter le licenciement de beaucoup de camarades, la dégradation des conditions des "bienheureux" qui restent en poste et la prolongation de l'agonie pour un ou deux ans jusqu'à ce que la Direction, implacable et renforcée par une telle capitulation, annonce une autre série de licenciements qui sera présentée comme la dernière.
La FAUSSE SOLIDARITÉ, c'est celle des partis, PSOE, PP (Parti Populaire) et IU (Gauche Unie), celle des maires de la région, qui appellent à la "mobilisation citoyenne" dans laquelle on veut diluer et paralyser une riposte forte, unie et solidaire des travailleurs.
La véritable solidarité réside dans la lutte massive et indépendante des travailleurs à laquelle peuvent et doivent s'associer tous les opprimés et exploités. Nous avons un exemple récent à Vigo, en mai 2006 ; les travailleurs du secteur de la métallurgie ne sont pas tombés dans ces pièges de la fausse solidarité et ont mis en pratique la véritable solidarité en luttant massivement, avec la participation aux manifestations des différentes usines, en établissant le contact direct et la lutte directe des ouvriers eux-mêmes. Ils ont organisé chaque jour une ASSEMBLÉE GÉNÉRALE ouverte aux autres travailleurs et à toute personne qui voulait soutenir la lutte et y participer.
A Delphi se pose la nécessité de rester dans l'usine pour éviter que les installations ne soient fermées pendant la nuit dans le dos des ouvriers. Mais en même temps se pose la nécessité, encore plus vitale, de gagner la solidarité directe des autres travailleurs, de Bazan, d'Airbus, de la baie de Cadix... Pour répondre à ces deux nécessités, il faut s'inspirer de l'exemple des camarades de Vigo : il faut organiser des assemblées massives à la porte de l'usine où peuvent se joindre les femmes, les familles, les autres travailleurs... Tous ont quelque chose à apporter, tous unis nous serons forts pour arrêter les licenciements.
Tract d'Accion Proletaria,
organe du CCI en Espagne (25 février 2007)
1 Equipementier pour l’automobile américain ayant plusieurs usines en Espagne et en Europe. C’est l’usine de Puerto Real, en Andalousie, qui a été fermée provoquant la perte de 1600 emplois directs et 4000 indirects.
La véritable débauche de haine, les émeutes accompagnées d'incendies et de pillages, qui s'est déchaînée contre les Caucasiens et les Tchétchènes à Kondopoga, petite ville industrielle proche de la frontière russo-finlandaise, a eu un large retentissement au plan national, en Russie, et même internationalement.
Les événements de Kondopoga sont loin d'être un cas isolé. Surtout depuis la guerre en Tchétchénie qui a commencé en 1994. Mais ces derniers mois, des pogroms ont éclaté dans plusieurs régions de Russie. Au mois de mai 2006, à Novossibirsk, 20 autochtones ont incendié une dizaine de maisons tsiganes sous prétexte de lutte contre le trafic de drogue ; dans la ville de Kharagun (région de Tchita), des heurts ont opposé Russes et Azerbaïdjanais, résultat : un mort ; dans la région d'Astrakhan, à la suite du meurtre d'un jeune Kalmouke lors d'une bagarre avec des Tchétchènes, 300 Kalmoukes ont agressé les Tchétchènes et ont incendié leurs maisons. Un mois après, dans le village de Targuis (région d'Irkoutsk), un pogrom anti-Chinois s'est conclu par l'expulsion de 75 Chinois. Quelques jours plus tard, c'est contre les Daghestanais que les habitants de Salsk (région de Rostov) se sont mobilisés ; les troubles ont fait un mort. Le 21 août, une bombe a explosé sur le marché Tcherkizovo à Moscou, où la plupart des commerçants viennent d'Asie centrale ou d'Extrême-Orient ; bilan : 12 morts et plus de 40 blessés. Les Tchétchènes, cherchant refuge contre la guerre, concentrent sur eux la plus forte hostilité, ainsi que les Tsiganes.
A Kondopoga, le pogrom anti-Caucasiens a pris une intensité sans précédent. Pendant cinq jours, du 30 août au 5 septembre 2006, une foule de plusieurs centaines d'individus (en majorité des jeunes hommes de 15 à 20 ans) se déchaîne. Elle porte sa vindicte d'abord contre le marché de la ville où, comme dans toutes les villes de Russie, des Caucasiens tiennent les stands de fruits et légumes. Les stands sont dévastés, les commerces pillés et incendiés. Puis, les émeutes se répètent plusieurs nuits de suite, attaquant échoppes, garages et voitures appartenant aux Caucasiens, à coups de pierres, de bouteilles et de cocktails Molotov. On tente aussi d'incendier l'école où plusieurs familles d'Asie centrale avaient trouvé refuge ! Plusieurs mouvements nationalistes se sont impliqués et ont publiquement appelé à la "déportation" immédiate des Caucasiens. Les troubles se sont terminés par un départ massif de la population immigrée de la ville prise de panique. 200 Caucasiens et des dizaines de Tchétchènes ont quitté les lieux et trouvé refuge dans une autre ville à 50 kilomètres de là, pour protéger leur vie.
De nombreuses voix ont stigmatisé la responsabilité des ultranationalistes du Mouvement contre l'immigration illégale (DPNI). Venus de Moscou et de Saint-Pétersbourg, les militants de ce groupuscule xénophobe pro-slave, épaulés par des néo-nazis, ont joué un rôle central pour chauffer à blanc les jeunes cerveaux et pour organiser les manifestations dans le pogrom qui a déferlé sur Kondopoga. Cependant, s'ils ont pu agir ainsi, c'est parce qu'ils n'ont pas agi seuls. Leur action n'a été possible qu'avec l'aval des autorités et de la bourgeoisie locales. Le leader ultranationaliste du DPNI, Belov, s'est même rendu sur place à l'invitation du député local du parti populiste LDPR, Nikolaï Kourianovitch, appelant à la formation d'une milice d'anciens combattants russes en Tchétchénie pour y rétablir l'ordre !
Les autorités publiques font des Caucasiens les boucs émissaires responsables de tous les maux qui accablent la population. Elles stigmatisent leur "richesse ostentatoire" et "leur Mercedes roulant à tombeau ouvert" sans parler de leurs "combines mafieuses" ou des pots-de-vin versés à la police pour qu'elle ferme les yeux. Le gouverneur de la région, Katanandov, membre de Russie Unie, le parti de Poutine, étalant le racisme ordinaire propre à sa classe, a largement contribué à souffler sur les braises pour attiser la vindicte et l'irrationalité pogromistes : "La raison principale [des troubles] est que des représentants d'un autre peuple se sont conduits de façon impertinente et provocatrice, ignorant la mentalité de notre peuple." Les Caucasiens auraient ainsi pris l'habitude "de ne pas faire la queue au contrôle technique" en cas d'accident de voiture, "montrant que tout leur est permis" [sic]1 Il en rajoute dans la surenchère nationaliste, justifiant le pogrom en dénonçant "ces jeunes gens venus du Caucase et d'autres régions" qui se comportent "en occupants" pour clamer : "Ils font profil bas ou ils partent."2
La collusion entre les autorités officielles et les groupes néo-nazis n'est pas un dérapage de sous-fifres locaux des échelons inférieurs de l'État. En vérité, l'État russe possède lui-même ses propres raisons pour faire des Caucasiens des boucs émissaires. L'atmosphère de pogrom entre parfaitement dans l'intérêt de l'État russe. Elle est en réalité directement encouragée par la grande bourgeoisie et l'Etat. C'est l'un des moyens les plus répugnants utilisés dans la défense de ses intérêts impérialistes. Les groupes néo-nazis, s'ils ne sont pas directement des émanations du pouvoir, sont largement manipulés par le Kremlin. D'une part, celui-ci se sert d'eux comme d'une police officieuse et parallèle pour leur sous-traiter la sale besogne de la répression contre tout genre d'opposition. D'autre part, ils constituent de précieux auxiliaires pour propager au sein de la population la haine et l'hystérie nationalistes, propices aux exactions barbares de l'impérialisme russe en Tchétchénie.
Dans le bras de fer entre requins impérialistes qui oppose Géorgie et Russie, c'est en attisant cette atmosphère pogromiste que l'État russe a pris des mesures de rétorsions contre les Géorgiens présents en Russie, pour exercer ses représailles contre Tbilissi, suite à la brusque aggravation des tensions entre les deux Etats après l'arrestation de quatre officiers russes accusés d'espionnage, le 27 septembre. Ainsi Poutine, début octobre, donne-t-il lui-même dans la dénonciation des "groupes criminels ethniques" qui régissent le commerce de détail exigeant que l'on "mette de l'ordre" sur les marchés, qualifiés de lieux les "plus ethniquement pollués" du pays, pour défendre "les intérêts des producteurs russes et de la population autochtone"3 afin de procéder à l'expulsion du territoire russe de plusieurs milliers de Géorgiens, "criminalisés" et prétendument en situation irrégulière.
L'autre utilité, et non la moindre, que trouvent la bourgeoisie et l'État en attisant l'esprit de pogrom, c'est le moyen de semer la division dans les rangs de son ennemi mortel, le prolétariat, et pour empêcher les classes opprimées de voir où se trouvent leurs réels ennemis. Ces campagnes abjectes répétées contre les immigrés qui "volent le travail aux Russes et les pervertissent" (credo de l'État comme des groupes ultranationalistes) constituent l'arrière-plan idéologique des attaques et des multiples agressions physiques dont sont victimes les immigrés. Faire porter sur les immigrés la responsabilité du déclin général des conditions de vie de la classe ouvrière, pour en faire les boucs émissaires, est consciemment destiné à saper l'identité et la solidarité de classe du prolétariat.
L'instigation des pogroms par l'État s'inspire directement d'une longue tradition nationale, notamment des crimes du tsarisme envers les Juifs. L'État russe, qui institue la xénophobie comme idéologie officielle, ne fait que remettre au goût du jour la sinistre ‘tradition' des "règlements provisoires destinés à soustraire les Chrétiens de l'exploitation juive" d'Alexandre III (1882) dans la défense de la domination de classe de la bourgeoisie. Prévoyant qu'"un tiers de Juifs émigrera, un tiers se convertira, un tiers périra" , ceux-ci ont été promulgués en grande partie dans le but d'attiser le déchaînement de pogroms antisémites, pour servir de dérivatif afin de paralyser et empêcher toute lutte contre le pouvoir monarchique. C'est pourquoi le mouvement ouvrier dénonçait dans les pogroms le rôle de l'État et de "l'autocrate de toutes la Russie qui sert de protecteur suprême à cette camorra à demi-gouvernementale de brigands et de massacreurs, soutenue par la bureaucratie officielle (...) et qui a pour état-major la camarilla des courtisans" (Trotsky, 1905). Les têtes couronnées ne servent plus de décorum à l'État capitaliste mais celui-ci préside toujours aux mêmes scénarios barbares !
Dans une prise de position, "Kondopoga - un soulèvement populaire qui tourne au pogrom", publiée sur Internet en septembre 20064 et dont nous ne savons pas si elle constitue une initiative individuelle de son auteur (M. Magid) ou si elle reflète la position officielle de l'organisation dont il se revendique (section russe de l'AIT) se trouvent développées de dangereuses confusions tant concernant la nature de classe du mouvement que sur les perspectives dont il est porteur. Bien plus, l'auteur s'évertue même à en faire un mouvement, si ce n'est de la classe ouvrière elle-même, à tout le moins utile à son combat. "Partout, ou presque partout dans la province russe se répand la destruction causée par les bandits de toutes les nationalités qui contrôlent les marchés locaux, les entreprises et les banques. (...) A Kondopoga, nous avons assisté à une tentative des gens pour mettre sur pied un organe d'auto-administration, une assemblée régulière populaire qui prendrait des décisions que les autorités devraient exécuter conformément à l'opinion des gens. Mais les émeutes se sont transformées en émeutes nationalistes. (...) Est-ce que ce mouvement était sous la conduite ou à l'initiative des fascistes ou des négociants locaux ? Non, cette assertion est un mensonge des médias officiels. C'était une émeute populaire, des travailleurs, qui s'est développée dans une direction nationaliste, sans danger pour les autorités, en partie à cause des événements eux-mêmes, en partie à cause de l'initiative des commerçants locaux."
Au final, l'auteur institue les moyens utilisés, l'émeute et le pogrom, comme des armes valables que le prolétariat peut utiliser. Le seul regret critique qu'il émet, c'est le qu'il aurait fallu ne pas se contenter de cibler ceux qu'il nomme les bandits caucasiens mais élargir l'action aux bandits russes. Le plus frappant, c'est qu'il prend sans barguigner pour argent comptant les campagnes nationalistes de l'État capitaliste faisant des Caucasiens "tous des mafieux". A aucun moment il ne lui vient à l'idée que cela pourrait être une idée fausse. C'est clairement céder aux mensonges répugnants de l'État, lui apporter sa caution en se faisant le complice de la désignation raciste des Caucasiens comme boucs émissaires.
Cette attitude est en complète contradiction avec celle que doivent prendre les révolutionnaires en continuité du mouvement ouvrier. Face au pogrom antisémite de Kichinev en 1903, le Congrès de fondation du POSDR recommandait aux militants "d'utiliser tous les moyens en leur possession pour combattre de tels mouvements et pour expliquer au prolétariat la nature réactionnaire et classiste des incitations antisémites ou national-chauvines en général." L'attitude de la classe ouvrière et des révolutionnaires a toujours été d'apporter sa solidarité aux victimes des pogroms et de leur offrir sa protection. C'est une partie du rôle exercé par les soviets en 1905 et 1917 : "Le soviet organisait les masses ouvrières, dirigeait les grèves et les manifestations, armait les ouvriers, protégeait la population contre les pogroms." (Trotsky, 1905) Sous la direction des conseils, dans un grand nombre de villes, les ouvriers organisèrent des milices armées pour réprimer les débordements des voyous pogromistes. Les bolcheviks eux-mêmes se sont constamment et fortement impliqués dans la formation de groupes révolutionnaires armés pour s'opposer à eux. Voici un exemple de l'action bolchevique dans la ville d'Odessa : "Là, je fus témoin de la scène suivante : un groupe de jeunes hommes, âgés de 20 à 25 ans, parmi lesquels se trouvaient des agents de police en civil et des membres de l'Okhrana, raflait quiconque ressemblait à un Juif - hommes, femmes, enfants - les dépouillant de leurs vêtements et les battant sans merci... Nous organisâmes immédiatement un groupe de révolutionnaires armés de revolvers... Nous courûmes à eux et fîmes feu sur eux. Ils déguerpirent. Mais, entre les pogromistes et nous, apparut soudain un solide mur de soldats armés jusqu'aux dents et nous faisant front. Nous battîmes en retraite. Les soldats s'en allèrent et les pogromistes réapparurent. Cela se produisit plusieurs fois. Il était clair pour nous que les pogromistes agissaient de concert avec l'armée." 5 Aujourd'hui, le prolétariat n'a pas la force d'adopter de telles mesures, mais pour retrouver sa force, c'est cette attitude des bolcheviks qu'il faut adopter, et non pas celle que nous propose M. Magid. Si les ouvriers se laissent diviser et se laissent entraîner dans des pogroms, ils courent à leur perte. Pour la classe ouvrière, c'est une véritable question de vie ou de mort.
La vision, que développe Magid, qui autorise la désignation de boucs émissaires sur lesquels on fait porter la responsabilité de la situation insupportable créée par la crise économique capitaliste, procède d'une vision complètement étrangère au prolétariat. Cette ambiguïté sur la nature des pogroms condamne ceux qui l'acceptent à faire le jeu politique de l'État. Ce qui explique ces errements, c'est l'absence de critères de classe pour aborder la réalité de la société capitaliste et les luttes qui la traversent, dissolvant le prolétariat dans le tout indifférencié du "peuple" ainsi que le culte bakouniniste de la violence et du déchaînement des passions destructrices, conçu comme le viatique de la révolution, typiques de l'anarchisme. C'est dans ses fondements mêmes que résident les racines de ces confusions dangereuses pour le combat de classe et les bases qui en font le soutien du pogromisme.
Le prolétariat ne peut parvenir à assumer son avenir révolutionnaire qu'en développant sa solidarité et qu'en rejetant toutes les formes de divisions que le capitalisme lui impose. Toutes les formes de nationalisme et de racisme ne peuvent qu'affaiblir son combat pour son émancipation. La révolution n'est pas et ne peut pas être une vengeance exercée contre une partie de la population rendue responsable de sa situation. La lutte de la classe prolétarienne se développe en vue de la destruction du capitalisme comme système, basé sur l'exploitation du travail salarié dans le cadre des rapports de production capitaliste. Son objectif final est la transformation de l'ordre des choses existant dans la société afin de "créer des conditions de vie pour tous les êtres humains tels qu'ils puissent développer leur nature humaine avec leurs voisins dans des conditions humaines, et ne plus avoir peur que de violentes crises bouleversent leurs vie"6
A bas tous les pogroms !
A bas le système capitaliste qui les engendre et les utilise pour sa préservation!
Vive la solidarité internationale de tous les travailleurs!
1 Libération du 8 septembre 2006.
2 Le Monde du 21 septembre 2006.
3 Le Figaro du 17 novembre 2006.
4 En russe sur avtonom.org ; en anglais sur https://libcom.org/forums/thought/kondopoga-a-popular-uprising-turned-to... [979].
5 Piatnitsky, O., Zapiski Bol'shevika, (Mémoires d'un bolchevik), Moscou, 1956.
6 Engels, Deux discours à Eberfeld, 1845.
Après les multiples forums sociaux organisés par les altermondialistes ces dernières années pour affirmer contre l’idéologie néolibérale"qu’un autre monde est possible", leur leader principal, l’association ATTAC, a produit à l’occasion des élections en France en 2007 un manifeste. A l’image des sept péchés capitaux de la religion catholique, ATTAC a identifié"les sept piliers du néo-libéralisme qu’il faut abattre pour construire un monde démocratique, solidaire et écologique". Ce manifeste, fort d’une centaine de propositions, se veut être un"stimulant au débat public", une aide, entre autres,"aux choix que doivent faire les citoyens".
Le manifeste commence par rappeler que"dès sa fondation en 1998, ATTAC a identifié les politiques néolibérales menées partout dans le monde, et particulièrement en Europe et en France (quels que soient les gouvernements), comme la cause principale de la montée des inégalités, de la dislocation des sociétés par le chômage et la précarité, de l’insécurité sociale, de la prolifération des conflits militaires, etc." Ce néo-libéralisme qui date du début des années 1980 serait la cause essentielle de toutes les calamités que vit l’humanité car"ses méthodes sont bien connues : marchandisation généralisée, liberté d’action des patronats et des investisseurs, extension à l’ensemble de la planète du terrain de chasse des entreprises transnationales." Autrement dit, si on arrive à chasser les prédateurs, ceux qui détiennent le capital, on pourrait arriver à"une mondialisation solidaire contre le libre-échange et la libre circulation des capitaux". Pour mettre cela en œuvre, ATTAC propose une multitude de mesures pour réguler le commerce mondial. Mettre l’OMC sous le contrôle de l’ONU, réformer le FMI, la banque mondiale, créer une organisation mondiale de l’environnement, contrôler les changes, taxer la circulation des capitaux, contrôler les échanges de marchandises de façon équitable, réhabiliter les impôts directs, réduire les inégalités avec une mesure "révolutionnaire" qui serait "la fixation d’un écart maximal entre les revenus des gestionnaires des entreprises et ceux des salariés les moins rémunérés". Contre la logique du profit et le règne de la concurrence, contre les politiques des gouvernements au service des propriétaires du capital, le manifeste d'ATTAC défend la nécessité de préserver des"biens publics mondiaux et des services publics" et "oppose un principe fondateur d’un nouveau monde : les droits des êtres humains et les droits des peuples, les droits sociaux, écologiques, économiques, culturels, politiques." Autrement dit, pour le manifeste des altermondialistes, il n’y a pas de crise économique, mais simplement une mauvaise politique qui fait la part belle aux profits et qui ne pense qu’au pouvoir de l’argent. Si on contrôle tout cela de façon citoyenne, qu’on régule, qu’on réforme, qu’on taxe, que les Etats mènent de bonnes politiques publiques et qu’on mette en œuvre les principes fondamentaux de la démocratie, alors tout devrait aller pour le mieux.
Au bout du compte, ATTAC se paie de mots pour jouer un rôle primordial dans la conservation de ce monde en faisant croire aux exploités qu’il est possible de se battre pour un capitalisme plus"égalitaire", plus"humain" et que finalement un capitalisme sans profit… c’est possible !
Contrairement aux délires mensongers de nos chevaliers altermondialistes, pourfendeurs du néo-libéralisme, l’exploitation capitaliste et le processus de marchandisation pour extraire toujours plus de profit n’a pas commencé au début des années 1980. Le marxisme a déjà mis en avant depuis plus de cent cinquante ans que la course au profit constitue l'essence même de ce système. Comme le soulignait Rosa Luxembourg au début du siècle dernier dans la continuité des travaux de Marx sur le capital :"Le processus de production capitaliste est déterminé par le profit. Pour chaque capitaliste la production n’a de sens et de but que si elle permet d’empocher tous les ans un"bénéfice net"… Mais la loi fondamentale de la production capitaliste à la différence de toute autre forme économique fondée sur l’exploitation n’est pas simplement la poursuite d’un profit tangible mais d’un profit toujours croissant" (extrait de Critique des critiques). Il n'y a donc rien de nouveau sous le soleil capitaliste, contrairement à ce que voudrait faire croire ATTAC pour mieux faire passer sa marchandise idéologique frelatée selon laquelle le capitalisme serait réformable. Il faut être clair et affirmer qu'aucun changement quelconque de politique économique ne pourra jamais remettre en cause l'exploitation capitaliste et les méfaits grandissants qu'il provoque sur toute la planète. Comme le disait encore Rosa Luxembourg :"Le mode de production capitaliste a cette particularité que la consommation humaine qui, dans toutes les économies antérieures, était le but, n’est plus qu’un moyen au service du but proprement dit : l’accumulation capitaliste. La croissance du capital apparaît comme le commencement et la fin, la fin en soi et le sens de toute la production… Le but fondamental de toute forme sociale de production : l’entretien de la société par le travail, la satisfaction des besoins, apparaît ici complètement renversé et mis la tête en bas, puisque la production pour le profit et non plus pour l’homme devient la loi sur toute la terre et que la sous-consommation, l’insécurité permanente de la consommation et par moments la non-consommation de l’énorme majorité de l’humanité deviennent la règle." (Rosa Luxembourg, Introduction à l’économie politique).
C’est cette loi d’airain, cette logique immuable qui fonde la nature du capitalisme. Par conséquent, demander aux capitalistes et à leurs Etats respectifs de redistribuer équitablement les profits reviendrait tout simplement à leur demander de se suicider !
C’est pourquoi il n’est pas surprenant de voir les entreprises et les Etats nationaux adopter des comportements toujours plus féroces et prédateurs, dans une concurrence de plus en plus acharnée entre nations, pour satisfaire leurs besoins toujours croissants de profit. C'est ce qu'ATTAC "dénonce" avec virulence comme étant du "néo-libéralisme", alors qu'il ne s'agit ni plus ni moins que de la norme de fonctionnement du mode de production capitaliste. Et leur avidité est d’autant plus forte que la crise économique s’aggrave irrémédiablement, rendant par là même les conditions de l’accumulation du capital toujours plus incertaines, ce qui explique l'exploitation chaque jour plus forcenée à laquelle sont soumis les prolétaires de par le monde.
Constatant l'aggravation des conditions de vie et de travail devenues la règle générale, ATTAC ne manque ni de propositions, ni de solutions. Seulement, dans l'énumération de ces nombreux moyens dont il faudrait se doter pour "changer le monde", on ne trouve en réalité qu'une liste de mesures appelant l’État au secours. Des mesures qui, certes, sont enrobées du verbiage égalitaro-citoyen à la mode altermondialiste mais qui, à part les vœux pieux et les tapes amicales à destination du prolétariat, ne sont qu'un appel à plus d'Etat.
Ce que veut faire oublier ATTAC, c’est que c'est l’Etat qui régit l'économie capitaliste et qui est le garant du fait que la machine capitaliste puisse réaliser du profit. ATTAC défend donc l’Etat comme le nec plus ultra de la lutte contre le profit et pour améliorer le sort de la population et des ouvriers, alors que c’est justement ce dernier qui est le principal artisan et le chef d'orchestre des principales attaques anti-ouvrières. L’Etat n’est pas un organe neutre au-dessus des classes, ou garant de plus de justice sociale. Au contraire, comme l’écrivait déjà au 19ème siècle Engels,"de tout temps, le but essentiel de cet organisme a été de maintenir et de garantir par la violence armée, l’assujettissement économique de la majorité travailleuse par la stricte minorité fortunée" (Lettre à Ph. Von Patten du 18 avril 1883, Editions 10/18).
ATTAC fustige dans la même veine les transnationales (l’équivalent moderne de ces multinationales tant décriées par la gauche dans les années 1970 et 1980) et le secteur privé qui s’approprieraient pour eux seuls les bénéfices de la production au détriment du bien-être de la population. ATTAC en brandissant ces épouvantails cherche à nous faire croire que l’État aurait pour rôle de répartir équitablement les richesses de la nation. L'Etat serait en quelque sorte le garant du communisme ! Mais ces transnationales ne représentent pas exclusivement les intérêts de capitaux et de bourgeois privés, elles ne sont pas "sans nationalité". Ce sont le plus souvent des grandes entreprises affiliées aux Etats les plus puissants, quand elles ne sont pas des instruments au service des intérêts commerciaux, politiques et militaires de ces mêmes Etats. Même s’il peut exister des divergences entre les Etats et certaines de ces grandes entreprises, cela ne remet nullement en cause le fait qu’elles doivent agir au bout du compte en cohérence et dans le sens de la défense de l’intérêt national et de l’Etat des pays dont elles dépendent. C’est l’Etat qui réglemente les prix, les conventions collectives, les taux d’exportation, de production, etc. C’est lui qui, à travers la politique fiscale, monétaire, de crédit, etc., dicte les conditions du"libre marché", tant aux secteurs financiers que productifs. C’est encore l’Etat et ses institutions les plus"respectables" qui se transforment en véritables croupiers d’une économie de casino pour gérer l’agonie du système capitaliste. Dès la fin des années 1960, avec la réapparition de la crise économique, c’est l’Etat qui a été responsable des grands plans de licenciements au nom de la restructuration industrielle dans la sidérurgie, les mines, les chantiers navals, l’automobile, et l’hémorragie se poursuit toujours aujourd’hui dans l’aéronautique, l’automobile, les télécommunications, etc. C’est l’Etat qui a supprimé des milliers d’emplois dans les postes, à la SNCF, dans les hôpitaux, et il continue dans la fonction publique, l’Education nationale, etc. C’est lui qui réduit en permanence les minima sociaux, favorise l’accroissement de la pauvreté, de la précarité, fait des coupes claires dans les budgets sociaux (logements, retraites, santé, éducation). C’est l’Etat, le principal responsable de l’indigence de milliers d’ouvriers qui se retrouvent sans logement, à survivre dans la rue. Vouloir opposer, comme le fait ATTAC, la gestion à la sauce"libérale" qu'il faudrait "dépasser" au dirigisme des années 1970 et son Etat"providence", c’est réinventer de toutes pièces une réalité mensongère et vouloir gommer la relation indissociable qui existe entre l'Etat et le secteur dit privé.
Les propositions"alternatives" de ce manifeste altermondialiste ne représentent aucun danger pour la classe dominante, car elles ne sortent pas du cadre de la société capitaliste. Par contre, elles constituent un rideau de fumée cachant la seule perspective capable de mettre fin à la barbarie et à la misère : le renversement du capitalisme moribond par la révolution prolétarienne.
« Un autre monde est possible", nous serine ATTAC, mais quel monde ? Un monde de "citoyenneté" et de "démocratie", un monde de "droits des êtres humains", des "peuples", des "travailleurs", etc. L'histoire de l'enfer capitaliste est pavée de ces bonnes intentions en tous genres qui n’ont d’autre fonction que de masquer la réalité de ce monde et faire espérer qu'on pourrait le faire "changer"… mais surtout pas en touchant au système capitaliste lui-même et en le détruisant. A l'instar de nos bourgeoisies développées qui, par l'intermédiaire de l'ONU et de l'UNICEF, publient d'une main une kyrielle de chartes pour les droits des enfants, des femmes dans le monde, etc., et bombardent, déciment, écrasent, polluent ce même monde de l'autre main, ATTAC jette de la poudre aux yeux. C'est pour cela et uniquement pour cela qu'elle existe. En son temps, dans les années 1980, Bernard Tapie avait décrété "le droit au travail et l'interdiction du chômage". Le bateleur de foire avait fait rire devant l'inanité de son propos. ATTAC en revanche, avec un programme sur le fond aussi stérile et sans perspective, veut se prendre et être prise bien plus au sérieux. Ses appels répétés à la "démocratie" sont une preuve des plus tangibles de cette volonté d'être mise dans le sac des organisations "responsables" aux yeux de la bourgeoisie. Cependant, comme elle veut ratisser large et aussi fournir la preuve de ces valeurs "révolutionnaires" qu'elle prétend prôner, ATTAC n'hésite pas à s'emparer de Marx pour mieux saboter la pensée marxiste. Ainsi, cerise sur le gâteau avarié de l'altermondialisme, cette phrase du manifeste d'ATTAC :"il s’agit d’explorer des voies multiples, des terrains disparates afin de remettre fondamentalement en cause le modèle néolibéral par un mouvement réel qui abolit l’état actuel des choses" (souligné par nous). Ceci n’est qu’un mauvais plagiat, une imposture empruntant frauduleusement à Marx ce passage de L'Idéologie allemande :"le communisme n’est pas un état de choses qu’il convient d’établir, un idéal auquel la réalité devra se conformer. Nous appelons communisme le mouvement réel qui abolit l’état actuel des choses" (souligné par nous).
Voici qui résume bien ce qu'est ATTAC et la finalité de son manifeste : falsifier la réalité du capitalisme moribond et illusionner les jeunes et les ouvriers qui se posent des questions en les entraînant dans une voie de garage et en brouillant au maximum leur conscience des véritables enjeux de la situation actuelle.
Donald (21 mars)
Comme un jour d'affluence aux caisses d'un supermarché, les bureaux de vote du premier tour de l'élection présidentielle en France avaient eux aussi leurs files d'attente. Et pour cause : le taux de participation s'est envolé pour atteindre un des niveaux de participation les plus importants de la 5e République et même égalant presque le record de 1965, année de l'instauration de l'élection présidentielle au suffrage universel. Ces élections présidentielles, quel qu'en soit le résultat final, nous auront été surtout présentées comme une belle victoire de la démocratie... d'après les médias et ses commentateurs avisés.
La bourgeoisie a pleinement de quoi se satisfaire de cet engouement citoyen qui sonne toujours à son oreille comme un doux plébiscite à l'égard de son système.
Cerise sur le gâteau, on nous racontait au soir du 22 avril que cette forte mobilisation électorale avait permis de barrer la route à Le Pen. Depuis des mois, la bourgeoisie martelait l'appel "Votez, votez !" dont les agents recruteurs, mouvements associatifs ou citoyens, personnalités en particulier de gauche et d'extrême-gauche en tous genres -rappeurs, chanteurs, footballeurs, acteurs inclus- n'ont cessé de sillonner les banlieues depuis un an. Elle s'est vantée d'avoir poussé à l'inscription sur les listes électorales 3 millions de nouveaux électeurs, en particulier les jeunes.
Y a-t-il lieu de se réjouir ? Qu'avons-nous gagné dans ce vote, derrière la défense de cette démocratie ?
Il faut se souvenir des élections de 2002 où la gauche, au nom de cette démocratie et de sa défense, avait appelé à se mobiliser massivement et à voter Chirac précisément pour "barrer la route à l'extrême-droite" et à "choisir le moindre mal". Pour quel résultat ? Cinq années dominées notamment par l'attaque contre le régime des retraites en 2002, la série de remises en cause des dépenses de santé et l'accélération du démantèlement de la protection sociale depuis 2003, le "contrat nouvelle embauche" (CNE) en 2005, accélérant la précarité, les provocations policières débouchant sur l'explosion des banlieues, la tentative de faire passer en force le CPE en 2006, qui a jeté des centaines de milliers de jeunes (et de moins jeunes) dans la rue, les plans de licenciements à la pelle, le blocage des salaires et la diminution du pouvoir d'achat tout au long de ces années, la prolifération des sans-abri et des mal-logés et un bouquet de nouvelles lois répressives animées par Sarkozy en tant que ministre de l'Intérieur.
Aujourd'hui, elle vient nous refaire le même coup avec son mot d'ordre pendant toute la campagne électorale: "Tout sauf Sarkozy !" C'est pourtant la gauche, en appelant à se rallier à la clique Chirac en 2002, qui a favorisé la promotion de ce même Sarkozy pour nous effrayer et nous pousser vers l'isoloir.
Cela n'est pas nouveau. Dans les années 1980, c'était bien Mitterrand et le PS qui avaient favorisé l'apparition du "phénomène" Le Pen et l'ascension du Front National (FN) en instituant une dose de proportionnelle dans les élections législatives permettant au FN de constituer un groupe parlementaire afin de mettre les bâtons dans les roues de la droite. Bien avant, c'est la social-démocratie au pouvoir au sein de la "république de Weimar" qui a fait le lit du nazisme en écrasant dans le sang la révolution en Allemagne dans les années 1919-1923 et préparé ainsi l'accession légale d'Hitler au pouvoir au nom de la démocratie. La gauche a toujours été le marchepied nécessaire à la montée de la droite et de l'extrême-droite.
Croire qu'il faudrait toujours choisir "le moindre mal" prôné par la gauche et les gauchistes, c'est une pure illusion. La bourgeoisie s'appuie aujourd'hui sur le sentiment de crainte qu'inspire Sarkozy, notamment parmi beaucoup de jeunes, dans les banlieues comme ailleurs. Pour eux, l'élection de Sarkozy signifie plus de chômage et de précarité, la suppression des retraites et de la Sécurité sociale, plus de répression. Cette inquiétude est tout à fait légitime. Ces derniers temps, une large partie des médias bourgeois ont montré Sarkozy du doigt en disant : cet homme-là est dangereux. Et c'est vrai. Le personnage est antipathique, brutal, violent, imbu de lui-même, cynique, autoritaire, voire despotique. Le problème, c'est que les attaques anti-ouvrières ne sont nullement une question de personnalité mais c'est la logique même du capitalisme qui pousse ses politiciens à adopter telle ou telle mesure.
De manière générale, les fractions de droite de la bourgeoisie sont plus aptes à manier un langage de vérité et à mettre en avant plus crûment les besoins réels du capital national qu'elles imposent à la classe ouvrière au nom de la loi et de la défense de l'ordre public. Une des caractéristiques propres aux fractions de gauche, et en particulier chez les sociaux-démocrates, consiste à s'appuyer sur un discours beaucoup plus idéologique, mystificateur et hypocrite pour parvenir aux mêmes fins. En réalité, la gauche n'a rien à envier à la droite en matière de brutalité. Souvenons-nous que c'est Mitterrand qui affichait le pire des cynismes dans sa défense des intérêts de l'impérialisme français en Afrique quand il déclarait, après avoir poussé au déclenchement des massacres au Rwanda en 1994 : "Les génocides dans ces coins-là, ça n'a pas tellement d'importance." La formule de Rocard : "La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde" a servi de modèle à toute la politique anti-immigration et à justifier l'expulsion des travailleurs clandestins pour tous les gouvernements successifs qu'ils soient de gauche ou de droite. En matière de répression, les quartiers des mineurs dans les prisons se sont retrouvés déjà totalement saturés sous Jospin.
Il en est de même pour la détermination dans toutes les attaques que la gauche a portées contre la classe ouvrière quand elle était au pouvoir. Il n'y a pas de différence et l'expérience a largement montré que droite et gauche agissent en pleine continuité. En fait, les prolétaires ont tout autant à craindre de la gauche que de la droite. C'est sous l'ère de Mitterrand et des gouvernements PS-PC que le chômage a connu une brutale accélération et que les grands plans de licenciements industriels ont été pilotés et poursuivis. Les lois Aubry sur les 35 heures étaient un masque pour généraliser la flexibilité et rendre les prolétaires plus corvéables. C'est encore la gauche qui, à chaque fois qu'elle était au pouvoir, a bloqué les salaires et provoqué la diminution du pouvoir d'achat, notamment chez les fonctionnaires. C'est encore Rocard qui a publié "le livre blanc" sur les retraites, rampe de lancement à l'attaque de 2002 ; c'est son gouvernement qui a institué la Contribution Sociale Généralisée au nom de la "solidarité nationale" ; c'est un ministre "communiste" qui a introduit le paiement obligatoire d'un forfait hospitalier ; c'est la gauche qui a développé et multiplié les "stages parkings" pour les jeunes fournissant aux entreprises de la main-d'œuvre gratuite ou sous-payée. De même, c'est au sein de gouvernements de gauche ou dans le cadre de la "cohabitation" qu'ont été mises en place les mesures contre les chômeurs, les économies sur les dépenses de santé ou l'aggravation de la précarité des emplois.
Quel que soit le résultat du second tour, cela montre à quoi vont faire face les prolétaires. le vainqueur du 6 mai ne pourra que continuer à appliquer un seul et même programme, seule réponse que puisse donner le capitalisme face à l'aggravation de sa crise économique comme le font tous les gouvernements de gauche comme de droite dans tous les pays : attaquer toujours davantage la classe ouvrière. La bourgeoisie n'attend plus que la fin de la période électorale pour se lancer à corps perdu dans de nouvelles vagues de licenciements et de suppressions d'emploi, pour mettre en œuvre la suppression des régimes spéciaux sur les retraites et pour annoncer dans les mois à venir un nouvel allongement de la durée des cotisations avec des pensions de retraite encore plus réduites, pour poursuivre de plus belle le démantèlement de toute protection sociale, pour relancer de nouvelles formes du CPE (dont le fameux "contrat première chance" imaginé par Royal donne un avant-goût), etc. Il ne fait aucun doute que la classe ouvrière sera attaquée simultanément sur tous les plans.
Dans le faux choix « droite-gauche » du cirque électoral, seule la bourgeoisie a la parole et le pouvoir de décision. C'est toujours la bourgeoisie qui gagne les élections et les prolétaires n'ont rien, absolument rien à attendre de cette mascarade. Ils n'ont qu'une seule façon de faire entendre leurs voix et d'exprimer leurs intérêts et leurs besoins contre les attaques toujours plus fortes que la bourgeoisie cherchera à leur imposer toujours davantage. C'est seulement à travers le développement de leurs luttes, en manifestant leur profonde solidarité de classe, en exprimant l'unité de leurs intérêts de classe exploitée qu'ils peuvent édifier ensemble un rapport de force capable de faire reculer les attaques capitalistes, comme l'ont montré les jeunes prolétaires qui l'an dernier ont contraint la bourgeoisie à retirer son projet de CPE.
Ce chemin se situe diamétralement à l'opposé de ce qui leur est proposé aujourd'hui au nom de la pseudo-"mobilisation citoyenne" et de la "défense de la démocratie" qui ne les conduit qu'à l'atomisation dans les isoloirs de la bourgeoisie.
Wim (28 avril)
On aurait pu croire l'horreur réservée au Moyen-Orient, à l'Irak ou à la Palestine, sans oublier les génocides quotidiens d'Afrique noire ou du Sud du Caucase. Mais non, la réalité capitaliste est toujours pire que tout ce que l'on peut s'imaginer. Le Maghreb est venu nous rappeler qu'il ne fallait pas l'oublier lui non plus. Là aussi, la barbarie sévit au quotidien. Souvent passée volontairement sous silence par les médias français, la «guerre civile» en Algérie aurait fait au cours des années 1990 plus de 150 000 morts. Mais en ce printemps ensoleillé, la réalité barbare du capitalisme est de nouveau revenue dramatiquement sur le devant de la scène.
Mercredi 11 avril, deux attaques kamikazes à la voiture piégée ont été perpétrées à Alger. Il y aurait officiellement 33 personnes tuées et plus de 220 blessées. Dès le lendemain, la télévision Al-Jezira a annoncé avoir reçu un appel téléphonique dans lequel un interlocuteur se présentant comme un porte parole du mouvement Al-Qaïda au Maghreb revendiquait ces attentats.
En Algérie, depuis quelques années, les groupes terroristes, minés par les guerres entre fractions et traqués par une partie de l'armée et le gouvernement sanguinaire du président Bouteflika, étaient sur la défensive. Ceux qui ne s'étaient pas réfugiés dans les régions montagneuses avaient officiellement déposé les armes. Les redditions de l'AIS (Armée Islamique du Salut, aile militaire du Front Islamique du Salut) et des derniers éléments survivants du GIA ( Groupe Islamiste Armé) semblaient promettre une accalmie sur le front des attentats et des massacres terroristes. Mais tout cela n'était que pure illusion.
A nouveau, les groupes salafistes resurgissent, les armes à la main. Ils sont désormais prêts à utiliser les moyens militaires les plus traditionnels mais également à appliquer les méthodes et la logistique propres à la nébuleuse Al-Qaïda. Cette remontée en puissance du terrorisme ne concerne pas que l'Algérie mais également le Maroc et la Tunisie. Son terreau, c'est avant tout la misère, le chômage et le désespoir de masse. Ce sont tous ces jeunes qui s'entassent dans les bidonvilles de Tunis ou d'Alger. En Algérie, le taux de chômage des jeunes dépasse largement les 50%. Al-Qaïda peut alors puiser sans vergogne dans les rangs de cette jeunesse totalement déboussolée et sans avenir.
«Les relations entre la France et l'Algérie peuvent être bonnes ou mauvaises, en aucun cas elles ne peuvent être banales». Cette déclaration prononcée par l'ancien président algérien Houari Boumediene en 1974 traduit parfaitement que depuis la fin de la colonisation de l'Algérie par la France en 1962, jamais les impérialismes algérien et français n'ont cessé d'avoir des relations politiques extrêmement resserrées. Dans ce pays, depuis son indépendance, l'armée a toujours été la pièce maîtresse du pouvoir par-delà la succession des différents chefs d'Etat. L'histoire interne de l'Algérie, depuis plus de 40 ans, est faite de coups d'Etat et de putschs militaires, exprimant la faiblesse et la division historique de la bourgeoisie algérienne. Même le FLN (Front de Libération Nationale), issu de la guerre coloniale, et son aile armée l'ALN n'ont pas échappé à cette instabilité croissante. Durant toutes ces décennies, au milieu du marasme, la France va défendre bec et ongles ses intérêts dans un pays qu'elle considère comme faisant partie de sa chasse gardée.
Mais au début des années 1990, la bourgeoisie française, malgré tous ses efforts, va peu à peu céder du terrain face à une offensive de son plus grand ennemi, la bourgeoisie américaine. En effet, cette décennie est marquée par une aggravation meurtrière des tensions inter-impérialistes entre la France et les Etats-Unis. Depuis lors, jamais les Etats-Unis n'ont relâché leurs efforts en Algérie afin de tenter d'y renforcer leur influence au détriment direct de l'impérialisme français. Leur soutien actif aux brigades armées islamistes va ainsi s'imposer publiquement.
En 1992, le gouvernement algérien, en réaction à cette situation, décrètera alors l'état d'urgence. Face aux tueries aveugles des terroristes, instrumentalisés par les Etats-Unis, les forces de «l'ordre» algériennes feront disparaître de 1992 à 1998 plus de 7000 personnes. En faisant ainsi couler le sang, la France reprendra alors peu ou prou la main, le début des années 2000 étant marqué par l'apparence de la paix et de la stabilité.
Si ces toutes dernières années, l'impérialisme américain semblait donc moins pouvoir s'impliquer en Algérie, il apparaît clairement que cette situation est à nouveau en train de connaître une dramatique évolution. En effet, début mars, le général d'armée Raymond Hénault, président du Comité militaire de l'Alliance Atlantique, effectue une visite officielle en Algérie. «Le but de cette visite va être immédiatement connu par la réaction du gouvernement algérien. L'Algérie déclare alors par la voix de son ministre des Affaires étrangères que son territoire ne servira pas de base à l'armée américaine. On imagine donc aisément l'objet de cette visite officielle et la position du gouvernement algérien, craignant d'affronter un véritable problème de souveraineté nationale. Sur le plan militaire du moins.» (Ahmed Saifi Benziane, cité par Courrier international du 19 avril 2007). A son tour interrogée au sujet d'éventuelles bases américaines au Maghreb, Condoleeza Rice (secrétaire d'Etat du gouvernement américain) avait déclaré : «Nous essayons juste d'établir une plate-forme de coopération avec ces pays à travers l'échange du renseignement et l'organisation d'exercices militaires avec les gouvernements pour lutter efficacement contre le terrorisme.» (ibid.) Les intentions américaines ne peuvent pas être plus clairement énoncées. L'affaiblissement accéléré de la première puissance mondiale, son enlisement dans le bourbier irakien n'amenuisent en rien ses appétits impérialistes et sa fuite en avant sur le plan militaire. Malgré l'ampleur de ses difficultés, depuis l'Algérie au nord du continent africain jusqu' aux portes du Golfe persique et au Moyen-Orient, rien ne peut laisser les Etats-Unis indifférents.
Le cheval de bataille de la politique impérialiste américaine dans le monde est la lutte contre le terrorisme. C'est sous ce prétexte fallacieux que les Etat-Unis défendent en Algérie et partout dans le monde leurs sordides intérêts.
Pourtant, il est évident que les derniers attentats qui viennent de se dérouler à Alger profitent pleinement à l'Amérique. De manière cynique et hypocrite, le 6 février dernier, les Etats-Unis ont fait état de leur intention de créer un commandement chargé de l'Afrique au Pentagone pour mettre prétendument un terme à l'implantation des groupes terroristes au Maghreb. Le 14 avril, soit trois jours après les attentats d'Alger, l'ambassade américaine dans ce pays déclarait officiellement : «Selon des informations non confirmées, des attentats pourraient être planifiés à Alger le 14 avril dans la zone pouvant inclure entre autres la grande poste et le siège de l'ENTV (télévision publique), dans le boulevard des Martyrs». Ces déclarations de l'ambassade américaine ont été immédiatement comprises pour ce qu'elles sont par la presse algérienne : «Que les Américains veuillent se substituer aux services de renseignements algériens, il y a comme une faute de goût. A moins que les Américains n'aient d'autres idées derrière la tête en voulant instaurer un climat de psychose» (Le Jour d'Algérie, cité par Le Monde du 15 avril 2007). Que les Américains aient d'autres idées dans la tête, c'est une évidence. Celles-ci sont parfaitement claires et peuvent s'énoncer ainsi : «Ce que l'on ne peut pas contrôler, il s'agit tout simplement de le déstabiliser ou même de le détruire.»
La bourgeoisie algérienne, son gouvernement ainsi que les mouvements terroristes, tous instrumentalisés chacun à leur tour par un impérialisme ou un autre, se moquent totalement des souffrances infligées à la population en Algérie. Le nouveau développement au Maghreb des tensions impérialistes, de la barbarie et du chaos, va ainsi faire un lien géographique continu depuis le Moyen-Orient jusqu'aux régions les plus éloignées de l'Afrique centrale et de l'Est.
Tino (26 avril)
Après les annonces de 10 000 suppressions d'emploi ces derniers mois chez Airbus et autant dans le groupe Alcatel-Lucent, l'accélération de la crise économique mondiale contraint la bourgeoisie de tous les principaux pays industrialisés à d'autres plans de licenciements massifs qui se préparent à toucher tous les secteurs, en particulier l'automobile. En France, les restructurations des grands groupes qui sont en train de tomber préfigurent le niveau des attaques auxquelles va être confrontée la classe ouvrière au lendemain des élections.
Paru sur son site informatique, l'article de la revue économique Capital dont nous publions un extrait a fait l'effet d'une petite bombe : "Christian Streiff, le nouveau PDG de PSA, met la dernière main à un plan de restructuration conduisant à la suppression en France et en Europe de 10 000 emplois dans le groupe et parmi ses sous-traitants. Il aurait souhaité le mettre en œuvre "avant la campagne présidentielle" car, dit-il en privé, "il en va de la survie de PSA", mais sous la pression de certains de ses administrateurs et de Matignon, il s'est dit résolu à attendre le lendemain de cette élection (...) A peine arrivé, début février, à la tête de PSA, Christian Streiff a lancé un audit du constructeur automobile. Tout en demandant, dans le même temps, au gouvernement "un geste" pour aider les sous-traitants qui risquaient de se retrouver rapidement "sur le carreau". Ce qui fut fait : avec l'aval de Dominique de Villepin, il déposa très vite un dossier auprès de la Commission européenne pour que les sous-traitants de PSA puissent bénéficier des aides européennes pour "les victimes de la mondialisation". (...)En contrepartie de "son geste", Streiff s'engagea auprès de Gérard Larcher, le ministre délégué à l'Emploi et au Travail à ne pas "annoncer ces charrettes en pleine période de campagne présidentielle", ces suppressions de postes étant "d'autant plus sensibles électoralement" qu'elles risquaient de toucher en France les sites d'Aulnay en région parisienne ou de Rennes. Voire les deux. Le hic, c'est qu'il affirme aujourd'hui en privé que "la mise en œuvre de son plan ne peut plus attendre l'été". Et sans doute même pas le deuxième tour des législatives fixé au dimanche 17 juin. Ajoutant : "l'idéal serait d'annoncer ces suppressions d'emplois après le deuxième tour de la présidentielle". C'est-à-dire après le 6 mai. Quel que soit le prochain président de la République." On sait aujourd'hui que malgré les démentis officiels de la direction, la "nouvelle" s'est propagée très vite. Si bien que l'annonce de la suppression de 4800 emplois en France (qu'on promet comme uniquement sur base "de départs à la retraite ou de départs volontaires") était faite dès le 25 avril sans attendre la réunion du conseil d'administration prévue le 9 mai. Ce plan vient s'ajouter aux 10 000 suppressions d'emploi en cours d'exécution depuis fin 2006, notamment en Grande-Bretagne. Dans la foulée, un éditorialiste de La Tribune déclarait que la situation se présentait de façon aussi critique pour les mêmes motifs chez le constructeur Renault et aurait les mêmes conséquences avec à la clé des réductions d'effectifs comparables. En fait, tout le secteur automobile est au cœur de la tourmente. Dans la même période, le 18 avril, était annoncée la suppression de 1700 emplois à Bochum chez Opel pour le compte de General Motors (3 ans après un précédent plan de restructuration où près d'un tiers des effectifs avaient été supprimés). En même temps, ces suppressions d'emplois qui concernent certaines branches d'activité et pas d'autres sur un site qui marche bien (comme on l'a vu aussi chez Airbus) tentent de relancer la concurrence entre ouvriers et d'alimenter un chantage à la délocalisation et à l'acceptation de contrats d'embauche nouveaux à plus bas salaires.
Une étude du 16 mars intitulée "Les défis de la restructuration mondiale du secteur automobile" commandité à un groupe d'experts économiques à l'assureur Euler-Hermes dressait un tableau sans appel : 117 000 emplois ont disparu de la filière automobile européenne entre 2000 et 2006 (dont 70 000 depuis 2004). En France, 28 000 emplois salariés ont été perdus dans la même période chez les constructeurs et leurs équipementiers dont 9000 dans la seule année 2006. Entre 20 000 et 30 000 emplois devraient disparaître dans les 3 ans chez les constructeurs tandis que les équipementiers devraient sacrifier 5000 emplois par an. Et les chiffres sont encore plus impressionnants dans l'industrie automobile américaine, notamment avec ses géants : General Motors, Ford ou Chrysler. Au total, 300 000 emplois supprimés entre 2000 et 2006 et pour la période 2006-2009, 285 000 le seront à leur tour.
L'automobile n'est pas le seul secteur touché. Dans l'électronique, Philips a supprimé 41 000 emplois entre 2004 et 2006 dans le monde. Le groupe pharmaceutique allemand Bayer a annoncé le mois dernier la suppression de 5000 emplois.
Récemment, BN Amro, première banque des Pays-Bas, et la britannique Barclays, ont annoncé lundi 23 avril leur fusion qui créera la deuxième banque européenne et la cinquième mondiale, avec 220 000 employés et 47 millions de clients ... A quel prix ? La fusion des deux banques va entraîner la suppression de 12 800 emplois, tandis que 10 800 autres seront sous-traités.
Les services publics ne sont pas en reste : dans les télécoms, les transports (comme notamment à la SNCF) ou chez les fonctionnaires, des milliers d'emplois disparaissent chaque année. En France, il y a eu entre 6000 et 9000 suppressions d'emplois à La Poste en 2006, et 874 bureaux de poste ont été supprimés. D'ici 2010, toujours à la Poste 30 000 suppressions d'emplois seraient d'ores et déjà prévues.
Voilà l'avenir que le capitalisme réserve aux prolétaires et à leurs enfants. Seul le développement des luttes ouvrières à l'échelle internationale pourra s'y opposer.
W (27 avril)
A l'heure où nous mettons sous presse, et au lendemain du premier tour des présidentielles, nous apprenons que les ouvriers des usines Airbus ont de nouveau exprimé leur colère contre les attaques du capital.
Mercredi 25 avril, la direction annonce le montant des primes pour cette année: 2,88 euros ! 1 L'année dernière, ces mêmes primes se situaient autour de 4500 euros. La perte de salaire est brutale, il s'agit d'une coupe claire dans les budgets de ces familles ouvrières.
Se sentant traités comme des chiens à qui on daigne jeter quelques miettes, les salariés d'Airbus ont immédiatement réagi. A Toulouse d'abord, dans les ateliers, la colère s'est transformée en lutte. Une chaîne décide d'arrêter spontanément et sans préavis le travail, puis les ouvriers demandent aux autres ateliers de les suivre jusqu'au bureau de la direction. D'atelier en atelier, le courage et la volonté de ne pas se laisser faire se répandent. Un ouvrier raconte ainsi ce qu'il a vécu : "Hier en arrivant à 16h00, tous les gens de ma vacation ont pris connaissance de la prime de 2,88 euros. Les compagnons ont refusé de bosser, et un mouvement spontané de grève a démarré. Toute la FAL [atelier de montage] a suivi". Et ce gréviste pointe avec insistance la spontanéité de la réaction contre l'avis des syndicats : "Un responsable syndical a d'ailleurs pris la parole [...] pour tenter de nous faire reprendre le travail, en disant que le symbole de ce mouvement avait été noté, mais que maintenant c'était bon il fallait gentiment revenir bosser". Ce que dévoile clairement ce témoignage, c'est que les syndicats sont des saboteurs patentés de la lutte et que les ouvriers vont être contraints de plus en plus à ne compter que sur eux-mêmes pour développer leurs ripostes. Ainsi, un responsable syndical s'inquiétant de son manque de maîtrise, a tenté de s'informer "discrètement" auprès de ses syndiqués sur l'ampleur de la combativité en leur demandant implicitement de calmer leurs ardeurs : "Cette action n'était pas à l'initiative d'un syndicat, il faut faire attention à ce que l'on fait [sic !].Veuillez nous donner un peu la tendance de ce matin".
Même scénario sur les sites de Saint-Nazaire et de Nantes. L'indignation se répandant comme une traînée de poudre, les ouvriers ont suivi leurs collègues de Toulouse en réalisant à leur tour des débrayages "sauvages". Ils sont alors sortis massivement de l'usine pour en bloquer l'entrée. Et là encore, ce fut sans et même contre les officines syndicales : "Ce n'est parti d'aucun syndicat. Ça vient d'un ras-le-bol des salariés eux-mêmes" a affirmé un salarié aux journalistes. Sur ces deux sites, là aussi, l'annonce d'une prime dérisoire a été reçue comme une véritable insulte, faisant rejaillir les souffrances et les pressions quotidiennes : "On nous demande de faire des heures supplémentaires le samedi alors que toutes les embauches sont fermées et les contrats intérimaires ne sont pas renouvelés" témoignait, la rage au ventre, un autre ouvrier. 2,88 euros... ce chiffre est devenu pendant quelques heures le symbole de l'inhumanité de la condition ouvrière.
Évidemment, à Toulouse comme à Saint Nazaire, les syndicats n'étant pas parvenus à empêcher l'explosion de colère des ouvriers, ont très rapidement repris le contrôle de la situation en prenant le train en marche. Ainsi, comme l'a fait remarquer un travailleur de l'usine Airbus de Toulouse : "quelques heures plus tard, avant le repas de midi dans mon atelier, FO a organisé un simulacre de débrayage en évitant d'inviter tous les ouvriers".
En se dressant collectivement contre leurs exploiteurs, en refusant d'être traités comme du bétail, les travailleurs d'Airbus ont montré ce qu'est la dignité de la classe ouvrière. Ils viennent de rappeler que, face aux attaques incessantes, dans toutes les boîtes, des patrons et de l'État, il n'y a pas d'autre solution que de lutter tous unis. Malgré toutes les manœuvres de la bourgeoisie visant à monter les ouvriers les uns contre les autres, à développer la concurrence entre eux, la situation sociale est marquée par une tendance croissante à la solidarité active entre les prolétaires. Un ouvrier de Saint-Nazaire l'a d'ailleurs dit explicitement : "On voulait être aussi solidaire du mouvement à Toulouse" ! En se propageant ainsi de chaîne en chaîne, d'atelier en atelier, puis de site en site, cette réaction des travailleurs d'Airbus a montré le chemin que doit prendre toute la classe ouvrière face aux attaques et aux provocations incessantes de la bourgeoisie. Elle a mis en évidence que les syndicats sont bel et bien des forces d'encadrement de l'ordre capitaliste. Dans les mois et les années à venir, les ouvriers n'auront pas d'autre choix que de se confronter toujours plus fortement au sabotage syndical, pour pouvoir développer leur solidarité et leur unité dans la lutte.
Enfin, ces explosions de colère à Airbus (de même que la multitudes de petites grèves dans l'automobile, à la Poste, chez les enseignants, etc.) viennent de révéler que, malgré le battage électoral et le "triomphe de la démocratie", il n'y a pas de trêve réelle dans la lutte de classe.
Béatrice (28 avril)
1 Cette annonce particulièrement scandaleuse pourrait être une provocation pour mieux faire passer l'annonce le 27 avril du détail des suppressions de postes sur les sites. Il n'en demeure pas moins que la réaction spontanée des ouvriers est exemplaire.
Au soir du premier tour électoral, la joie des journalistes, des analystes, des responsables politiques était visible, presque palpable. Tous avaient au coin des lèvres le sourire des bienheureux. Pour cause, ils célébraient leur victoire commune, celle de la participation massive des « citoyens français ». Pour sa part, et malgré des scores au ras des pâquerettes (excepté pour Olivier Besancenot), « la gauche de la gauche » n'a pas été étrangère à cette belle réussite du camp... du capital. Elle y a même grandement contribué en allant dans les quartiers populaires et les usines faire croire aux ouvriers qu'ils pouvaient se faire entendre par les urnes, pour « protester », pour « résister", pour « faire pression », pour « exprimer leur ras-le-bol »... Tout fut bon pour véhiculer en réalité un seul et même message : « pour votre avenir, pour lutter contre les attaques et la dégradation des conditions de vie..., votez !!! ».
La tournée des banlieues de tous les représentants de cette gauche « anti-libérale » n'avait d'autre but que de faire le plein de jeunes pour les envoyer, le moment venu, dans les isoloirs comme du bétail que l'on convie au saloir. C'est pourquoi, Olivier Besancenot, le facteur « jovial et sympathique », s'est appliqué consciencieusement « à parler jeune et à se référer aux rappeurs plutôt qu'à l'orthodoxie trotskiste » (Libération). Les programmes d'éveil à la citoyenneté de l'Education nationale peuvent en prendre de la graine...
Ainsi, c'est avec zèle et dextérité que l'extrême gauche a tenu son rôle de rabatteur vers les urnes électorales et, à l'heure du second tour, vers le vote socialiste organisé sous couvert de « référendum anti-Sarkozy ».
Avant le 22 avril, les Buffet, Bové, Laguiller et Besancenot, tous ces chantres du « 100% à gauche », critiquaient sévèrement la gauche « molle et timorée » de Ségolène Royal, une « gauche du renoncement » « inféodée aux intérêts du capital ». Tout cela pour quoi ? Simplement pour mieux appeler au second tour, dans un magnifique élan d'hypocrisie collégiale, à voter pour cette même candidate socialiste à l'image d'une Marie-George Buffet qui « sans hésitation [a appellé] tous les hommes et toutes les femmes de gauche, toutes et tous les démocrates, à voter et à faire voter le 6 mai, Ségolène Royal. »
Mais, ce que peut dire sans détour la chef de file d'un PCF qui s'est, à n'en plus compter, allègrement compromis au pouvoir avec le PS, doit être évidemment amené avec plus de tact et de subtilité par les organisations de la gauche « anti-capitaliste » peintes d'un vernis plus « radical ».
Ainsi, la LCR d'Olivier Besancenot n'appelle pas à voter « pour Royal » mais « contre Sarkozy » : « Le 6 mais nous serons du côté de ceux et celles qui veulent empêcher Nicolas Sarkozy d'accéder à la présidence de la République. » Belle nuance, en effet !
Quoi qu'il en soit, ce tortueux effort de rhétorique n'en reste pas moins une façon de rendre plus présentable aux yeux des travailleurs le soutien indéfectible de la gauche « radicale » à la vieille social-démocratie... car, au bout du compte, c'est bien de cela qu'il s'agit : faire croire à la classe ouvrière que « quelque part la gauche, c'est quand même pas pareil que la droite ». D'ailleurs, en 1981, la LCR ne s'encombrait pas de tant de manières quand elle appelait sans scrupule dans son journal Rouge à « VOTEZ MITTERRAND pour chasser Giscard ».
Si aujourd'hui, la LCR fait mine de paraître plus intransigeante, afin de séduire une jeunesse au mécontentement grandissant, le fond, lui, reste le même.
Au lendemain des résultats du premier tour, un auditeur de la station RMC livrait son témoignage : « j'ai voté Besancenot parce qu'il parle vrai... quand il vous cause, c'est dans les yeux... ». Il faut ajouter ici, pour être tout à fait complet, que depuis sa consigne de vote pour le 6 mai, le regard louche furieusement (à s'en faire exploser les orbites) du côté de Ségolène Royal. Et pourtant, c'est bien le même Besancenot qui n'a cessé depuis des mois de justifier sa présence dans la course présidentielle et l'avortement d'une candidature unique du camp dit « anti-libéral » (LCR, PCF, altermondialistes) par le fait que son « profil et [sa] candidature présentent une spécificité par rapport à toutes les autres : elle incarne avec le plus de netteté le renouvellement, l'indépendance vis-à-vis du PS... » (Rouge du 25 janvier ), parce qu'« entre la politique défendue par Royal et celle que [LCR] nous appelons de nos vœux, il n'y a pas le plus petit commun dénominateur. » (Rouge du 12 avril).
Voilà, en tout cas, qui résume assez bien le genre de sincérité de ceux qui se targuent à tout bout de champ d'être d'authentiques partisans du camp des travailleurs.
Ainsi, Arlette Laguiller, pour son dernier tour de piste présidentielle, n'a pas manqué l'occasion de faire à nouveau la preuve de la constance politique de son organisation (Lutte Ouvrière) qui pousse, chaque fois que nécessaire, les ouvriers dans les bras de la gauche : « ... je souhaite de tout mon cœur que Sarkozy soit battu... Je voterai donc pour Ségolène Royal. Et j'appelle tous les électeurs à en faire autant. Mais si je fais ce choix, c'est uniquement par solidarité avec tous ceux qui, dans les classes populaires, déclarent préférer ‘tous sauf Sarkozy'. » Ce dévouement fut vite récompensé par Ségolène Royal en personne qui, lors de son meeting à Valence, a pris soin de faire acclamer Arlette Laguiller pour qui elle a eu "une pensée particulière", la salle en effervescence se mettant alors à scander "Arlette, avec nous!" (Le Nouvel Observateur du 25 avril 2007 sur Internet). On ne pouvait rêver plus belle sortie ! Elle symbolise d'ailleurs à la perfection toute la ligne politique suivie par LO depuis sa fondation.
Arlette Laguiller finit en effet sa carrière de candidate comme elle l'avait commencé, en appelant à voter socialiste. En 1974, le journal Lutte Ouvrière inscrivait sur sa première page « le 19 mai tous les travailleurs doivent voter MITTERRAND ». Puis en 1981, Lutte Ouvrière titrait à nouveau en pleine Une « le 10 mai sans illusion mais sans réserve VOTONS MITTERRAND ».
A l'époque, il s'agissait selon LO d'un mal nécessaire pour que la classe ouvrière fasse l'expérience, dans sa chair, de la véritable nature anti-ouvrière du Parti socialiste. Bref, « tire-toi une balle dans le pieds, tu verras comme ça va faire mal... », l'argument vole en éclats !
Aujourd'hui, après le passage au pouvoir de la gauche mitterrandienne puis jospinienne, les socialistes ont amplement fait étalage de leur appartenance au camp bourgeois en attaquant massivement les conditions de vie de la classe ouvrière (vagues de licenciements, suppressions de postes dans la fonction publique, précarisation de l'emploi, réforme du système de santé...). Et malgré cela, Arlette Laguiller revient à la charge avec, à peu de choses près, la même formule qu'en 1981 : « Alors, si c'est sans réserve que j'appelle à voter Ségolène Royal, c'est absolument sans illusion... ». S'agit-il là encore de faire l'expérience de la gauche au pouvoir ?
Décidément, c'est une vieille habitude chez les trotskystes que de prendre les ouvriers pour des pigeons de la veille.
Si avant le premier tour, le « camp anti-libéral » à grands renforts de « collectifs unitaires » n'a pas réussi à s'entendre pour présenter une candidature unique, force est de constater, qu'après le 22 avril, tous ce petit monde (y compris LO) se trouve réuni pour chanter religieusement et à pleins poumons que « sans hésitation » et « de tout notre cœur » il faut voter Royal.
Souvenons-nous, pour notre part, qu'à chaque fois que le PS est arrivé au pouvoir pour frapper à grands coups de massue la classe ouvrière, l'extrême gauche s'est empressée de se faire le « critique radical » de « cette gauche vendue au patronat » dans l'unique espoir de faire oublier à la fois le soutien mutuel qu'ils se portent et le lien infaillible qui les relie.
Mitterrand, à sa façon, avait d'ailleurs salué ce lien lorsque, s'adressant à Cambadélis (ex-trotskyste devenu membre influent du PS), il lui dit : « Vous avez évolué et agi en parallèle avec nous ».
La bourgeoisie a toujours su à qui adresser ses meilleurs remerciements.
Azel (26 avril)
Dans l’hebdomadaire Marianne du 14 avril, une brève intitulée "Expulsion pas ordinaire" nous apprend que "les sans- papiers qui occupaient la Bourse du Travail du 10e arrondissement de Paris, depuis le début du mois de février, ont été expulsés." Jusque-là rien de nouveau sous le triste ciel capitaliste. En revanche, ce qui l’est nettement plus, c’est que la plupart de ces pauvres diables "ont été expulsés par les syndicats CGT, CFDT et FO qui ne pouvaient plus utiliser leurs locaux.".
Le monde s’est-il mis subitement à tourner à l’envers ? Les syndicats marcheraient-ils désormais la tête en bas pour envoyer leurs militants faire évacuer séance tenante des sans-papiers ? Et tout ça "parce qu’ils avaient transformé plusieurs salles de la Bourse en squat" selon la déclaration de Didier Niel, secrétaire général de l’Union départementale de la CGT de Paris, à l’agence de presse Reuters.
Les syndicats, "forces vives du progrès social", prétendus "avocats des faibles contre les puissants", ne sont évidemment pas devenus fous mais nous donnent à voir ici un témoignage poignant de l’humanisme qui les habite.
Ironie du sort, c’est dans cette même Bourse du Travail à Paris que le 26 juin 2004 fut fondé (avec la participation de la CGT, de la CFDT et le soutien de FO) le Réseau Education Sans Frontières (Resf) en faveur de la régularisation des sans-papiers scolarisés et en opposition aux lois anti-immigrés de Sarkozy. Et ce sont encore les mêmes que l’on retrouve dans la liste des membres du collectif "Uni(es) contre une Immigration Jetable" dont l’appel dénonce solennellement "les politiques mises en œuvre par le gouvernement à l’encontre des sans-papiers… faites de répressions, rafles, rétentions, condamnations, expulsions, ce qui fait vivre des conditions inhumaines à de nombreuses familles." Au prochain festival de l’hypocrisie, il ne faudra pas chercher bien loin à qui décerner la palme d’or.
Habituellement, ce sont les forces de l’ordre qui donnent la chasse aux travailleurs immigrés, maintenant on sait qu’il y a aussi les syndicats.
"Comprenez bien", nous implore Didier Niel, « ce n’est pas dans nos habitudes d’appeler la police. »… alors ils font le boulot eux-mêmes !
Non contents d’inciter les sans-papiers à aller se faire recenser auprès des préfectures comme l’été dernier (voir notre article "Expulsion de sans-papiers : quand la gauche prête main forte à la droite" paru dans RI n°371 et disponible sur notre site Internet
www.internationalism.org [854]), les syndicats passent à l’action… : expulsion manu militari des "indésirables".
Si nos préfets viennent un jour à manquer de bras pour leurs futures rafles et ratonnades contre les travailleurs immigrés et leurs familles, ils sauront toujours vers qui se tourner !
La gauche syndicale peut bien crier haro sur un Sarkozy "dernier des salopards", le fait est qu’elle ne vaut guère mieux.
Jude (28 avril)
Mercredi 18 avril fut un jour ordinaire à Bagdad. Ce jour-là, comme presque tous les jours de la semaine, des bombes ont explosé en Irak. Ces attentats ont tué plus de 190 personnes, essentiellement des femmes et des enfants. Comme bien souvent auparavant, la cible principale était un marché, celui d'Al-Sadriyah, tout près d'un chantier où travaillaient des ouvriers, venus gagner, au péril de leur vie, le salaire de misère nécessaire à la survie de leur famille. Ces attentats, qui comptent parmi les plus sanglants depuis la chute de Saddam Hussein en 2003, ont été perpétrés sur le même marché qui avait déjà été frappé le 3 février dernier et qui avait fait 130 morts. La volonté de ceux qui perpètrent de tels crimes est de tuer un maximum de personnes. Leur seul objectif est la destruction, l'annihilation d'autres êtres humains, dont l'existence seule est perçue comme celle d'ennemis. C'est le règne de la haine, de la bestialité, d'une société de plus en plus ravagée, dominée par la sauvagerie et la décomposition sociale.
Au mois de février dernier, l'administration américaine annonçait à grands renforts de déclarations médiatiques un nouveau plan de sécurité pour Bagdad, dénommé Fardh al-Qanoon (Imposer la loi). On allait assister alors à un nouveau déploiement spectaculaire de 85 000 soldats américains et irakiens, dont 30 000 arrivant directement des Etats-Unis. Ce plan avait abouti à l'arrestation de plus de 5000 personnes recherchées par le gouvernement irakien et les Etats-Unis. Pendant quelques semaines, les sanguinaires et tristement célèbres « escadrons de la mort et autres milices lourdement armées » avaient comme par miracle disparu des faubourgs de Bagdad, sans que cela ne ralentisse réellement le rythme des attentats. L'échec de ce dernier plan de sécurité de Bagdad est criant de vérité, à savoir que les assassinats à la chaîne vont pouvoir reprendre leur terrifiant rythme de croisière. Après les attentats au marché d'Al-Sadriyah, lorsque les forces de l'ordre irakiennes ont tenté de se rendre sur place, en principe pour aider la population, elles ont été reçues par des jets de pierre, de la part d'une population totalement désespérée et qui tente, lorsqu'elle le peut, de prendre le chemin de l'exil. Toute la nuit, des affrontements armés ont eu lieu, dans le quartier sunnite d'Al-Adhamiya, sans que personne ne soit en mesure de les interrompre. Le gouvernement américain vient d'annoncer une nouvelle stratégie qui démontre s'il en était encore besoin l'inhumanité et l'impasse totale de la situation. En effet, le 10 avril, l'armée américaine a commencé la construction d'un mur de béton à Bagdad. Les forces américaines érigent depuis de nombreux mois des barrières autour de bastions d'insurgés, comme autour de la ville de Tal Afar, à la frontière avec la Syrie. Mais il s'agit là de la première tentative d'emmurer complètement des quartiers entiers de Bagdad, tels que celui de Dora. Ces murs ne peuvent que nous rappeler ceux qui existent déjà à Gaza ou en Cisjordanie et qui n'ont jamais conduit à un arrêt de la violence et n'ont fait que l'exacerber à une puissance sans cesse renouvelée. Par contre, ils permettent d'y enfermer et d'y laisser crever des populations entières sous le contrôle de la soldatesque de tel ou tel pays ou fraction de la bourgeoisie mondiale.
Le chef de la majorité démocrate au Congrès américain, Harry Reid, a reconnu pour la première fois officiellement le jeudi 19 avril « [qu'il] croyait que la guerre en Irak était perdue et que l'envoi de renforts décidé en janvier ne parvenait à rien » ( Le Monde du 19 avril 2007). La bourgeoisie américaine est aujourd'hui plus divisée que jamais, devant l'impasse totale de toute politique constructive pour elle-même, en Irak. Le Congrès essentiellement démocrate doit voter la semaine prochaine la loi destinée à financer les opérations militaires en Irak et en Afghanistan pour 2007, texte qui prévoit un retrait programmé dans le temps des troupes américaines d'Irak. Mais, d'ores et déjà, l'administration du président Bush a affirmé qu'elle opposerait à ce vote son droit de veto, réagissant immédiatement à la nouvelle vague d'attentats à Bagdad par l'envoi précipité, le jeudi 19 avril, du secrétaire à la défense américain, Robert Gates. A propos de toutes ces violences, celui-ci a cyniquement déclaré : « Les rebelles vont augmenter la violence pour convaincre le peuple irakien que ce plan est voué à l'échec, mais nous avons l'intention de persister et de prouver que ce ne se sera pas le cas. » (Ibid.) Le message est clair, nous allons poursuivre la même politique en Irak.
Il y a quelques jours, le chef religieux et militaire chiite Sadr a fait retirer ses six ministres du gouvernement irakien pour appeler, quelques jours après, à des manifestations massives contre la construction de murs à Bagdad. Ces gestes politiques sont autant de gages irréfutables de l'accélération des combats, massacres et attentats que l'Irak va subir dans les semaines à venir. L'unité nationale de l'Irak relève du passé. La confrontation entre les différentes communautés vivant dans ce pays, et notamment sunnites et chiites est appelée à se développer. Il est maintenant bien connu de tous que l'Iran participe activement au développement de la guerre en Irak, et ceci notamment en armant massivement de très nombreuses milices chiites. Et ceci dans le seul but de défendre ses propres intérêts impérialistes dans la région face aux Etats-Unis. L'Iran ne néglige aucun effort pour entretenir la haine entre les communautés chiites et sunnites, dans un Irak déjà complètement ensanglanté. C'est la très grande majorité du monde arabo-musulman qui est ainsi en train de se scinder en deux camps ennemis. La montée accélérée et totalement folle des tensions dans l'ensemble de la région et plus particulièrement entre l'Iran et les Etats-Unis, aux côtés d'Israël, ouvrent la voie à la pire fuite en avant dans la guerre, la barbarie et un chaos généralisé.
Rossi
« A l'image de ces cavaliers de l'Apocalypse, qui fondent à l'aube sur les villages rebelles en ne laissant de leur passage qu'une trace des cases brûlées, tout, dans ce conflit, est en clair-obscur. Combien de morts depuis quatre ans ? Dix mille selon les autorités soudanaises, quatre cents mille selon les ONG. Comment qualifier la tragédie du Darfour ? Guerre de contre-insurrection, dit-on à Khartoum ; crime de guerre, estime l'ONU ; crime contre l'Humanité, assure l'Union européenne ; premier génocide du XXIe siècle, renchérissent les intellectuels occidentaux, auteurs récemment d'un appel à leurs gouvernements respectifs. Quelle solution pour y mettre un terme ? Désarmer les forces rebelles, assène le général-président Omar el-Béchir ; armer les forces rebelles rétorquent les intellectuels et les lobbies ; négocier et sanctionner le régime soudanais, soutient l'ONU...De ce maelström de passions, d'arrière-pensées, de manipulations et parfois d'irresponsabilités émergent cependant quelques certitudes. » (Jeune Afrique du 1er au 14 avril 2007).
En effet, il y a certitude sur les responsables de ces crimes : il s'agit des grandes puissances impérialistes et de leurs bras armés locaux, le gouvernement de Khartoum et les rebelles. Ce sont ces brigands capitalistes (en particulier les Chinois et, alliés objectifs et de circonstance quand ils s'étripent ailleurs, les Américains et les Français) et leurs valets locaux qui ont commis et commettent impunément encore ces odieux massacres, qui sont des « crimes contre l'humanité ».
« Face à cette chronique d'un désastre annoncé, l'Organisation des Nations unies (ONU) et l'Union africaine adoptent essentiellement des mesures symboliques et dilatoires. Depuis deux ans, une force interafricaine de sept mille cinq cents hommes, la Mission de l'Union africaine au Soudan (MUAS, en anglais African Union in Sudan ou AMIS) est déployée au Darfour. (...) Cette force s'est révélée parfaitement inefficace. En effet, ses effectifs sont trop faibles : il faudrait au moins trente mille hommes pour couvrir les cinq cents mille kilomètres carrés du Darfour. En outre, la MUAS, sous-équipée, ne dispose que d'un mandat ridiculement restrictif : les soldats n'ont pas le droit d'effectuer de patrouilles offensives, ils doivent se limiter à « négocier» et se contentent, en fait, de recenser les tueries.(...) Les soldats africains, désolés, déclarent eux-mêmes en privé : « Nous ne servons à rien. » (Le Monde diplomatique de mars 2007).
S'il en était encore besoin, ce propos illustre l'ignoble hypocrisie des puissances impérialistes qui gouvernent le monde, qui étalent au grand jour au Darfour leur vrai visage de cyniques barbares capitalistes. Ces dirigeants qui votent des « résolutions de paix » et envoient, sous les couleurs de l'ONU, des soldats au Darfour dont la mission consiste, en fait, à « recenser les tueries » et non celle de les empêcher comme annoncé en tamtam. Mais qu'attendre de plus de l'ONU, ce repaire où se retrouvent tous ces brigands, ces vautours immoraux qui se battent pour les restes d'une Afrique en putréfaction ?
Là, le masque tombe, mais le comble du cynisme, c'est quand les bourgeoisies des grandes puissances s'efforcent de camoufler leurs vraies responsabilités dans la tragédie du Darfour à coups de «pèlerinages » médiatiques incessants au milieu des victimes agonisantes.
Pour mieux étouffer toute réflexion et toute prise de conscience par rapport aux buts réels de leurs agissements au Darfour, les « grandes démocraties » organisent régulièrement des « safaris humanitaires » au Darfour et des meetings dans les métropoles en « soutien aux victimes du génocide soudanais ». En effet, dans le sillage des stars hollywoodiennes (comme George Clooney et compagnie), le 20 mars dernier, un meeting a été organisé à Paris à l'initiative d'un collectif d'associations baptisé « Urgence Darfour », composé principalement de célébrités médiatiques (Bernard Kouchner, Bernard-Henri Lévy, Romain Goupil et autres représentants de lobbies nationaux «humanitaires ») se fixant « l'objectif de mettre le Darfour sur l'agenda des présidentiables ». Et effectivement ces derniers (Ségolène Royal, François Bayrou en tête) ont répondu à l'appel en signant un texte qui préconise (entre autres mesures) l'intervention des troupes françaises (en action au Tchad et en Centrafrique), pour faciliter la mise en place « de corridors humanitaires » au Darfour. Et en grands démagogues, les présidentiables en question ont voulu aller plus loin dans le cynisme :
« D'une fermeté inédite en France, le document n'a pas empêché certains prétendants à l'Elysée d'aller plus loin, à l'instar de Ségolène Royal (Parti socialiste) et de François Bayrou (UDF) qui ont proposé de boycotter les Jeux Olympiques de Pékin en 2008 pour faire pression sur la Chine, présentée comme le principal soutien de Khartoum au Conseil de sécurité des Nations unies. » (Jeune Afrique)
Quels hypocrites, quels mystificateurs sans scrupule, cette classe bourgeoise française ou américaine ! Bref, ces défenseurs déguisés des intérêts de leur propre impérialisme, qui font comme si la France n'était pas déjà impliquée en tant qu'alliée puis aujourd'hui, par son soutien au régime tchadien, adversaire du régime soudanais « génocidaire ». D'ailleurs, c'est bien le sens de l'appel des lobbies « politico-humanitaires » en préconisant ouvertement l'intervention de l'armée tricolore pour ouvrir prétendument « un corridor humanitaire » dans la zone des combats. Et ce n'est pas par hasard si la Chine est nommément dénoncée comme le « principal soutien » de Khartoum, car : « Loin derrière les Etats -Unis et la Chine, la France se démène dans l'ombre pour aider ses clients locaux régionaux que le régime soudanais menace. Paris a longtemps protégé Khartoum de l'hostilité « anglo-saxonne », mais cela ne lui a guère valu de gratitude de la part du régime islamique. Les permis pétroliers de Total dans le sud du Soudan demeurent toujours bloqués par des arguties juridiques, et les miliciens du régime s'emploient à déstabiliser, à partir du Darfour, les alliés de la France : le président tchadien Idriss Déby Itno et son homologue centrafricain François Bozizé. » (Le Monde diplomatique de mars 2007).
Et pour finir, certains secteurs de la bourgeoisie française se demandent carrément si, en équipant les milices à la solde de Khartoum qui sont parvenues jusque dans les faubourgs de N'Djamena, Pékin ne chercherait pas à renverser les régimes pro-français en place dans la zone de l'Afrique centrale. Et, effectivement, Pékin est aujourd'hui le premier fournisseur d'armes et le premier acheteur du pétrole soudanais. On voit là pourquoi la Chine ne veut pas voir appliquer une telle résolution qui ne « respecte pas la souveraineté nationale soudanaise » dont elle se contrefiche.
Voilà un élément supplémentaire d'inquiétude pour l'impérialisme français, qui explique le but véritable des mobilisations « médiatiques et humanitaires » contre les autres impérialismes concurrents, la Chine et les Etats-Unis. Il est vrai que ces derniers ne sont pas en reste et excellent aussi dans le cynisme outrancier. Ainsi, Bush a donné, le 18 avril dernier, « une dernière chance au gouvernement soudanais de tenir très vite ses engagements pour mettre fin au ‘génocide' au Darfour ».
Dans les faits, on sait que, tout en fermant les yeux sur les atrocités des cliques sanguinaires, Washington ménage Khartoum, son partenaire dévoué dans la « lutte antiterroriste ». En clair, ce ne sont là que des manœuvres pour tendre la main à une alliance renforcée avec le Soudan tout en ayant l'air de le menacer.
Au bout du compte, ce qui se cache derrière les discours et les actions de « paix » et autres « corridors humanitaires » pour le Darfour, ce sont en réalité de sordides luttes de charognards capitalistes au milieu des cadavres qui s'accumulent infiniment.
Amina (23 avril)
Trois morts au Technocentre de Renault de Guyancourt en quatre mois, quatre chez EDF-GDF à la centrale de Chinon en trois ans, une chez le restaurateur Sodexho début avril, encore un dans une usine PSA du Nord de la France dans le courant du même mois. Ce bilan, c'est celui de la vague de suicides qu'ont connu certaines entreprises récemment. A chacun d'entre eux, ce sont la pression et le harcèlement des chefs, la peur du chômage et le chantage au licenciement systématisé, la surcharge de travail grandissante qui sont invoqués. Rien de moins étonnant. Avec les licenciements massifs des années 1980 et 1990, dans toutes les entreprises et les services, les cadences ont été multipliées par deux ou trois, et, avec cette "grande victoire" de la gauche qu'a représenté la loi sur les 35 heures, cela n'a fait qu'empirer. Car cette dernière a permis de justifier une accélération terrible de l'exploitation et une aggravation sans précédent des conditions de travail. Les centres de production capitalistes ont toujours été des bagnes, ils sont aujourd'hui clairement des enfers où les ouvriers sont plus que jamais condamnés à rôtir puis à être jetés au rebut. "Marche ou crève !", voilà bien la devise immuable de cette société d'exploitation et de misère.
Au Technocentre de Renault-Billancourt par exemple, le "contrat 2009" décidé par l'entreprise exige des salariés, cadres, techniciens, ouvriers à la chaîne, des cadences de travail infernales, avec à la clé des licenciements secs si les "objectifs" ne sont pas respectés. Tout est bon pour réduire les coûts de production. Ainsi, un projet baptisé "nouveaux environnements de travail", adopté à l'unisson par les syndicats CFDT, CGC, CFTC et FO, a mis en place le télétravail lié à une nouvelle notation, dont dépend le salaire, qui double aux résultats de chaque salarié et de la "façon" dont il les a obtenus. Il s'agit en fait d'un véritable flicage dont la pression sur chacun est énorme et porteuse de désastres psychologiques pour certains.
Chez EDF-GDF, c'est la concurrence entre les CDD et les employés en CDI qui est la règle, la direction demandant aux employés "fixes" de s'aligner sur le rythme de travail exigé envers ceux qui espèrent être embauchés et "donnent donc le meilleur d'eux-mêmes".
Mais au-delà de ces entreprises en particulier, les exemples de l'aggravation des conditions d'exploitation partout, dans tous les secteurs, sont innombrables. Les pressions des directions et des petits chefs pour contraindre les ouvriers à accepter de se rendre corvéables à merci se transforment en véritable harcèlement, avec l'utilisation de plus en plus généralisée des méthodes les plus méprisables comme la menace ouverte du chômage ou les "mises au placard" pour faire pression sur les récalcitrants. C'est le règne de la peur, la règle étant encore de diviser pour mieux régner, mettant certains employés à l'index et en quarantaine, quitte à les pousser au suicide, pour mieux effrayer les autres et les rendre plus dociles. Dans certaines entreprises, l'insulte quotidienne, presque la menace physique, sont même la tasse de thé de l'encadrement.
Selon l'Inserm, 12 000 personnes se suicident chaque année en France, sur les 160 000 tentatives répertoriées dans l'ensemble de la population. Parmi ceux-ci, 300 à 400 le sont sur leur lieu de travail, sans exclure que de nombreux autres suicides "hors travail" sont directement liés aux conditions de travail et plus généralement à leur répercussion immédiate sur les conditions de vie. Jusqu'il y a peu, les études effectuées par les spécialistes des risques suicidaires se tournaient ainsi essentiellement vers les "populations à risque", principalement les toxicomanes, les homosexuels, les chômeurs ou encore les adolescents. Le phénomène d'épuisement professionnel décrit par un psychanalyste américain, ou "burn out" (1), apparu à la fin des années 1970 et au début des années 1980, n'est plus une curiosité de chercheur, c'est une réalité endémique.
Alors que, grâce à la mise en place de réseaux médico-sociaux permettant un dépistage plus précoce dans la population, il n'y a pas d'augmentation globale du suicide, le nombre de suicides au travail et de ceux liés directement aux conditions de travail est en constante augmentation. Ainsi, les onzièmes journées nationales pour la prévention du suicide qui ont eu lieu début février 2007 se sont particulièrement intéressées à ce "phénomène nouveau" apparu officiellement il y a une vingtaine d'années, et "en augmentation depuis dix ans et en croissance régulière depuis quatre à cinq ans", selon le vice-président du Conseil économique et social, Christian Larose.
Autre fait "nouveau" : alors que jusqu'il y a dix ans, seules certaines professions étaient particulièrement touchées, comme les agriculteurs et les salariés agricoles croulant sous les dettes, aujourd'hui toutes les catégories professionnelles sont concernées, avec une exposition plus fréquente pour les cadres, les enseignants, les personnels de santé, les gardiens de prison, les policiers, ou encore les pompiers, et les salariés du secteur privé, c'est-à-dire la plus grande proportion des salariés de l'Hexagone.
Cette vague de suicides liés au travail n'est pas une spécificité franco-française, loin de là. S'il est difficile de pouvoir obtenir des estimations précises, on sait par exemple qu'en Europe, 28% des gens avouent que leur travail est source de stress grave. En Chine, le nombre de suicides a littéralement explosé avec l'industrialisation sauvage et les conditions de vie inhumaines des ouvriers. Ainsi, 250 000 personnes entre 18 et 35 ans se sont suicidées en 2006, c'est-à-dire une partie représentative des forces vives au sein de la classe ouvrière chinoise.
La bourgeoisie essaie bien sûr de se servir de ce "malaise social" pour démoraliser la classe ouvrière : elle veut nous faire croire que le désespoir et la concurrence font partie de la "nature humaine" et que la classe ouvrière ne peut qu'accepter cette situation comme une fatalité. Les révolutionnaires, quant à eux, doivent mettre en avant que c'est la barbarie du capitalisme qui est responsable des suicides. Le fait que des prolétaires soient aujourd'hui acculés à se donner la mort à cause des conditions de travail est une révolte désespérée contre la sauvagerie de leurs conditions d'exploitation. Cependant, nous ne devons pas voir dans la misère que la misère : les conditions d'exploitation et la concurrence que connaît aujourd'hui le prolétariat dans le monde n'ont pas comme seule perspective le désespoir individuel, les suicides ou les dépressions. Car la dégradation vertigineuse des conditions de vie des prolétaires porte avec elle la révolte collective et le développement de la solidarité au sein de la classe exploitée. L'avenir n'est pas à la concurrence entre les travailleurs mais à leur union grandissante contre la misère et l'exploitation. L'avenir est à des luttes ouvrières de plus en plus ouvertes, massives et solidaires.
Ainsi, dans le Manifeste Communiste de 1848, Marx et Engels écrivaient : "Parfois les ouvriers triomphent ; mais c'est un triomphe éphémère. Le résultat véritable de leurs luttes est moins le succès immédiat que l'union grandissante des travailleurs. (...) Cette union grandissante du prolétariat en classe (...) est sans cesse détruite de nouveau par la concurrence que les ouvriers se font entre eux. Ainsi elle renaît toujours chaque jour plus forte, plus ferme, plus puissante."
Mulan (28 avril)
1 Phénomène dépressif grave : « incendie intérieur », en référence à un feu qui aurait pris à l'intérieur, ne laissant plus que le vide.
En mai 2006, deux sympathisantes du CCI en Allemagne sont venues à Paris afin "d'éprouver personnellement sur le terrain l'énergie et le sérieux avec lesquels les étudiants et les travailleurs s'engageaient dans le mouvement [contre le CPE]". Participant à l'une de nos réunions publiques consacrées à cette lutte, l'une d'elle a affirmé "j'ai été très touchée par ce que j'ai entendu et vu ; il y avait là l'optimisme et la conscience, qui m'ont été communiqués, que la classe ouvrière n'est pas morte" ou encore "Nous avons pu à nouveau constater à quel point le débat mutuel est important. Comme nous sommes si souvent isolées au quotidien dans notre conviction politique, constamment à contre-courant, à Paris, vivre cette atmosphère, où beaucoup de travailleurs et d'étudiants se rassemblent et discutent de façon vivante, nous a tout particulièrement impressionnées."
Le mouvement des étudiants du printemps 2006 en France appartient à toute la classe ouvrière, il est un exemple pour toutes les luttes à mener, sur tous les continents. Ces camarades venues d'Allemagne l'expriment parfaitement : "Nous avions le désir de témoigner notre attitude internationaliste aux étudiants, aux lycéens et aux travailleurs et de les assurer de notre solidarité sans restriction." Et pour que justement cette leçon de lutte traverse les frontières, elles ont pris la plume et ont exprimé toutes deux à leur façon ce qu'elles ont perçu et retenu de ce mouvement. C'est ce texte, traduit de l'allemand et déjà diffusé largement dans nos publications que nous reproduisons ci-dessous presque intégralement. Ce soutien internationaliste est d'une grande importance, il révèle une fois encore que la classe ouvrière n'a pas de patrie, qu'elle a partout les mêmes intérêts et le même combat. Elle seule est capable d'éprouver ainsi un profond sentiment de solidarité par-delà les frontières, les couleurs de peau ou les religions !
Le mouvement des étudiants était spontané. Les étudiants se sont mobilisés contre le projet du CPE, qui devait autoriser le licenciement sans motif et sans préavis des jeunes travailleurs de moins de 26 ans. Dans leur lutte, ils ont laissé de côté les revendications spécifiquement estudiantines et engagé le combat contre l'attaque de la bourgeoisie dirigée contre la classe ouvrière dans son ensemble. C'est ainsi qu'ils purent gagner la solidarité de toute la classe ouvrière et convaincre les travailleurs de lutter avec eux, ensemble. Ce que les travailleurs firent ensuite aussi en France. Par centaines de milliers, ils ont participé aux manifestations des 18 et 19 mars. [...] C'est là que réside le secret du succès de cette lutte. Les étudiants se sont conçus comme une partie de la classe ouvrière ; très souvent déjà, ils travaillent pendant leurs études comme prolétaires et savent ainsi quel avenir les attend. Ils ont une conscience profonde du fait qu'ils feront partie du prolétariat. C'est l'expression de la solidarité et de l'unité de la classe qui a contraint la bourgeoisie à la capitulation. Le projet du CPE a été retiré le 10 avril. [...]
Les assemblées générales des étudiants ont été ouvertes aux différentes couches de la classe ouvrière et de la population (travailleurs, retraités, parents, grands-parents, chômeurs). Tous ont été invités et encouragés à prendre la parole, à faire des propositions et à apporter leurs expériences de lutte. La jeune génération a écouté avec attention et grand intérêt. Cet échange et ce type de rapports entre les gens ont établi spontanément une relation solidaire entre les générations de combattants.
La bourgeoisie s'efforce dans le monde entier de minimiser l'importance de ce mouvement en le présentant comme une particularité de la France. Le fait que tactiquement la bourgeoisie française n'a justement pas agi de façon intelligente, en voulant imposer cette loi par tous les moyens, peut avoir contribué en partie à ces événements. Mais le plus important est quand même que ce mouvement ne constitue en rien une particularité de la France, mais une expression de la maturation souterraine mondiale dans la classe ouvrière. Avec l'aggravation de la crise mondiale, dans laquelle le système capitaliste s'enfonce depuis désormais plus de 30 ans, les conditions de vie qui deviennent de plus en plus dures pour la classe ouvrière contraignent les travailleurs à réfléchir à leur situation. Les étudiants prennent conscience de ce que sera leur avenir professionnel, avec des contrats de travail de plus en plus précaires. Ce qui est caractéristique des nouvelles luttes de défense de la classe ouvrière (comme la lutte des étudiants en France), c'est la solidarité et la reconnaissance que ce qui concerne une partie de la classe ouvrière, concerne la classe ouvrière dans son ensemble. Il ne s'agit pas ici seulement des étudiants en France. Cette lutte s'inscrit dans toute une chaîne de luttes de défense des travailleurs, depuis celle des ouvriers du métro à New York jusqu'à celle des employés de l'aéroport d'Heathrow à Londres. La classe ouvrière est une classe internationale, c'est pourquoi sa lutte de défense ne peut connaître aucune frontière nationale. C'est pourquoi il est moins important de voir dans quel pays ces luttes ont lieu, que de voir qu'elles ont lieu et qu'elles sont menées par la classe ouvrière.
Les luttes en France ne sont pas isolées. Aux USA, en Angleterre, en Allemagne, etc. il y a eu une série de luttes ces dernières années contre la crise croissante et ses effets sur les travailleurs [...]
Les camarades ont souligné que le mouvement possède la plus haute importance pour la classe ouvrière internationale ce que la bourgeoisie cherche naturellement à minimiser. Cela montre, en plus des exemples cités, que la classe ouvrière est prête à engager la lutte contre l'intensification de la crise. Cela présage l'expression de la solidarité internationale, pour les générations suivantes avec le message : on peut combattre. On peut gagner. Qui ne combat pas, ne peut pas gagner.
Les jeunes des banlieues sont venus aux manifestations à Paris, principalement pour se battre avec la police 1. Dans les manifestations, les syndicats les ont refoulés à coups de matraque dans les bras de la police. À la différence des syndicats, les étudiants ont envoyé de fortes délégations dans les banlieues, pour parler avec les jeunes et pour leur expliquer que les étudiants ne défendent pas de quelconques intérêts spécifiquement estudiantins mais des revendications générales de la classe ouvrière, qui sont aussi dans l'intérêt des jeunes des banlieues. Il était important pour les étudiants de convaincre les jeunes de l'absurdité des émeutes et de se démarquer de ces formes de luttes. Les étudiants ont ainsi exprimé le principe prolétarien, de n'user d'aucune violence au sein de la classe ouvrière.
Il n'y a pas d'organisations de chômeurs. [...] Lorsque les luttes de la classe ouvrière iront plus loin, les chômeurs s'y intégreront. Les chômeurs constitueront en effet une partie importante des luttes. Ils ne sont reliés à aucune entreprise, ils peuvent donc ainsi s'opposer à toute division de la classe. Vu qu'ils reçoivent directement leur soutien de l'État, leur lutte pour l'existence prend directement un caractère politique. Par leur propre situation, l'absence de perspective dans le système capitaliste, les chômeurs se heurteront très rapidement aux racines du mal capitaliste. La lutte des chômeurs provoquera alors une radicalisation, une nouvelle extension et une importante dynamique dans la lutte des classes.
Les femmes se sont activement associées, se sont montrées très intéressées à la discussion. Dans la discussion ne se sont exprimés ni une mise en relief particulière du rôle de la femme ni aucun rabaissement. Les étudiantes ont participé au mouvement. Elles ont apporté des contributions particulièrement importantes, là où il s'est agi d'un travail de conviction d'argumentation, d'explication, d'organisation, de discipline ou de réflexion collective. Parce que les étudiantes dans les manifestations, mises à part quelques exceptions, n'utilisèrent pas la violence, malgré les provocations de la police, les femmes n'ont pas non plus été reléguées au rôle « d'infirmières des barricades » qui leur était encore très typiquement réservé dans le mouvement étudiant de 1968. Ce sont surtout les femmes qui ont fait de l'agitation parmi les policiers des brigades anti-émeute françaises, les CRS, et qui ont bien ébranlé leur assurance. Le fait que les femmes dans ces luttes ont joué un tel rôle, témoigne de la profondeur du mouvement. [...]
Les camarades du CCI étaient dès le début dans le mouvement, dans les manifestations, y compris celles qui ont été organisées par les syndicats. Ils y ont distribué leur presse et sont intervenus dans les différentes discussions avec beaucoup d'étudiants et travailleurs intéressés. [...] Le CCI, dans son soutien, s'était donné deux tâches essentielles. D'abord, il s'agissait de rompre la politique de black-out et les mensonges concernant la nature des discussions dans les assemblées générales. Puis de faire l'analyse précise du mouvement avec pour objectif de tirer les principaux enseignements de ces importantes expériences pour les perspectives des luttes futures.
Les médias officiels ont essayé de présenter les choses de telle sorte que les syndicats auraient dirigé et contrôlé le mouvement. [...] Il y a eu des manœuvres de sabotage par exemple de la part du syndicat étudiant UNEF qui a essayé de verrouiller les assemblées générales, de refuser de les ouvrir à tous les intéressés et d'interdire à certaines organisations [...] d'y prendre la parole. Cette attitude a surtout amené les étudiants non organisés dans des syndicats ou sans appartenance à une organisation politique, à empêcher avec détermination ces manœuvres. Ainsi, les étudiants ont-ils pris, là où ils étaient les plus avancés, leur lutte eux-mêmes en main.
1 Note du CCI : en réalité, ce comportement fut le produit d'une minorité de jeunes ; les lycéens des banlieues ont au contraire participé de plus en plus massivement à la lutte, au fil des manifestations... grâce au travail de solidarité réalisé par les étudiants décrit fort justement par nos camarades.
C'est le retour à la dure réalité pour la classe ouvrière après un battage incessant pour pousser chacun vers les urnes en lui faisant miroiter pendant des mois les illusions "d'un changement", "d'une rupture" par la voie électorale. Tout cela pour quoi ? Le gouvernement Sarkozy est en place, déjà en "ordre de marche" et la bourgeoisie n'a même pas eu besoin d'attendre les législatives pour annoncer la couleur de l'avenir qu'elle nous réserve : des attaques, encore des attaques, toujours des attaques. Son programme n'est pas seulement celui d'une "droite décomplexée", c'est celui de la défense pure et simple des intérêts de toute la bourgeoisie nationale, c'est celui que le PS et sa candidate auraient de toutes façons appliqué. La seule présence de transfuges de la gauche et du centre agrégés dans l'équipe gouvernementale démontre qu'il n'existe aucune barrière réelle entre le programme des uns et des autres, que tous défendent l'intérêt du capital national.
Pour la classe dominante, l'avantage réel de cette situation, à travers un gouvernement ouvertement marqué à droite, bénéficiant d'une large majorité dans tous les rouages de l'appareil d'Etat, c'est de pouvoir pratiquer un langage de vérité, sans s'embarrasser de détours ni de fioritures.
Le gouvernement peut ainsi se permettre d'attaquer plus vite et plus fort. Il a d'ailleurs, aussitôt annoncé un édifiant calendrier de ces attaques :
Le gouvernement a annoncé clairement son intention de tailler de plus belle dans les effectifs de la Fonction publique. Les plans de licenciements et de suppressions d'emploi vont continuer de pleuvoir.
Ceci ne constitue ouvertement qu'un préambule à une poursuite de l'attaque sur l'ensemble des retraites qui sera "revu" et corrigé pour l'occasion dans son ensemble avec le but avoué de repousser jusqu'à 67 ans l'âge requis comme en Grande-Bretagne ou en Allemagne.
Tout cela s'accompagne sans surprise de l'accentuation immédiate de l' appareil répressif : dès le lendemain des élections, les expulsions des clandestins sans papiers ont repris avec zèle, une première mesure du nouveau parlement sera de faire voter une loi fixant des peines-planchers pour les délinquants récidivistes.
"L'ère Sarkozy" qui se prépare à accroître fortement les inégalités sociales s'apparente déjà par beaucoup d'aspects à la politique de Reagan aux Etats-Unis ou encore davantage à celle de Thatcher en Grande-Bretagne au cours des années 1980...
Si les prolétaires, et en particulier les jeunes générations ouvrières, ont pu au cours de ces derniers mois être influencés par le matraquage idéologique de la gauche et de l'extrême gauche qui ont cherché à exploiter la peur de Sarkozy alors que ce dernier cristallisait leurs angoisses devant l'avenir, pour les engluer dans des illusions électoralistes et dans la mystification démocratique, ils ne doivent pas céder à la panique face à la perte de ces illusions qui s'ouvre devant eux. Leur conviction que le capitalisme ne leur réserve qu'un avenir de plus en plus sombre et bouché, ne peut que se renforcer aujourd'hui.
Ces jeunes générations de prolétaires ont déjà prouvé l'an dernier en France dans leur lutte contre le CPE leur capacité de s'opposer efficacement aux attaques de la bourgeoisie, de les faire reculer. Elles ont su mettre en avant que cette attaque était une attaque contre tous les prolétaires. Elles ont cherché à mettre en œuvre et à faire vivre, sans en avoir toujours clairement conscience, les véritables méthodes de la lutte prolétarienne dans les universités : AG ouvertes non seulement aux enseignants et au personnel de l'Education nationale mais à tous les ouvriers, en activité comme au chômage, nomination de délégués élus et révocables à tout moment par l'AG, interventions ou tracts d'appel aux travailleurs salariés pour rejoindre la lutte. Les prolétaires doivent renouer avec cette expérience qui démontre que le développement de la lutte de classe est la seule réponse possible aux attaques de ce système qui condamne tous les prolétaires à une exploitation et à une misère grandissantes. Le développement de ces luttes dépend de la capacité d'affirmer l'union et la solidarité active de tous les ouvriers au-delà de l'usine, de l'entreprise, du secteur et des frontières nationales.
Pour mener à bien les coups qu'il nous prépare, le gouvernement s'est engagé à pratiquer une large "politique préalable de concertation sociale" avec les syndicats. Qu'est ce que cela signifie ? Que ces derniers seront étroitement associés au gouvernement pour faire passer la pilule. On voit déjà comment ce scénario a été amorcé. Tous les leaders syndicaux (Le Duigou ou Maryse Dumas pour la CGT, Mailly pour FO et Chérèque pour la CFDT) se sont relayés sur les plateaux de télé pour proclamer "on est prêts au dialogue et à la négociation". Ils se sont félicités à leur sortie de l'Elysée du "climat positif de coopération" du gouvernement. Et pour cause ! S'ils proclament haut et fort leur "intransigeance" sur le respect "de principe" du "droit de grève", ils martèlent en même temps déjà l'idée que dans la pratique, concernant par exemple le projet d'un "service minimum" : "les problèmes sont à examiner au cas par cas, branche par branche". Ils sont bel et bien sur la même longueur d'ondes que le gouvernement Sarkozy qui ne se livre à cette parodie de "concertation" que pour empêcher une mobilisation unitaire et d'ensemble face à ses attaques et pour permettre précisément aux syndicats de diviser ainsi les ouvriers secteur par secteur.
La bourgeoisie craint la réaction des prolétaires à toutes ces attaques. Elles frappent en effet l'ensemble de la classe ouvrière. Plus clairement que jamais se pose donc le développement de sa riposte dans une unité plus grande et une solidarité plus active.
C'est pourquoi les syndicats sont appelés à occuper sur le devant de la scène un rôle de premier plan, qui leur est assigné par toute la bourgeoisie dans le sabotage des luttes.
Gouvernement et syndicats se partagent le travail pour éviter toute mobilisation d'ouvriers, susceptible par l'exemple qu'il donnerait par leur lutte, d'entraîner d'autres ouvriers d'autres secteurs à les suivre sur la même voie.
Face aux luttes, l'Etat peut compter sur les syndicats pour tout mettre en oeuvre afin de stériliser par leurs manoeuvres toute expression de solidarité ouvrière en confinant les réactions des ouvriers dans le cadre corporatiste, de l'entreprise, comme à Alcatel, Airbus ou dans le secteur de l'automobile.
Souvenons-nous comment en 2003 les syndicats ont causé la défaite de la mobilisation générale contre la "réforme des retraites" en organisant l'isolement du secteur de l'Education nationale.
Les mois qui viennent vont démontrer que "l'homme de fer" Sarkozy n'est pas le seul ennemi de la classe ouvrière : il ne fait aucun doute que son rôle consiste à attaquer la classe ouvrière pour la défense ouverte des intérêts du capital national. L'ennemi le plus dangereux, ce sont les faux amis, les syndicats, qui sabotent en permanence nos luttes et nous mènent à la défaite afin de permettre au gouvernement et au patronat de faire passer leurs attaques.
W. (1er juin)
Les luttes spontanées, en dehors de toute consigne syndicale qui se sont affirmée fin avril et début mai sur plusieurs sites d'Airbus démontrent toute la combativité et la détermination de la classe ouvrière. Pour la plupart, ce sont de jeunes ouvriers, une nouvelle génération de prolétaires qui ont pris la part la plus active dans ces luttes, notamment à Nantes et Saint-Nazaire, où s'est avant tout manifestée une réelle et profonde volonté de développer une solidarité active avec les ouvriers de la production de Toulouse qui avaient cessé le travail la veille (le 26 avril) en réponse à une véritable provocation de la direction.
Face à cette provocation, les ouvriers ont spontanément débrayé. Le caractère provocateur du montant dérisoire de la prime est une évidence. Les ouvriers se sont sentis traités comme des chiens à qui on jette un tout petit os à ronger. C'était d'autant plus une incitation directe à partir en lutte qu'elle était lancée au milieu d'un double scandale : celui du parachute doré de l'ancien PDG Forgeard parti avec plus de 8 millions d'Euros d'indemnités et celui de la mise en cause de ses principaux dirigeants (Lagardère et Forgeard) fortement suspectés de "délit d'initiés".
L'annonce du versement de cette "prime" ne s'est pas faite en catimini, mais au contraire a fait l'objet d'une bruyante publicité de la part des syndicats pour tous les employés d'Airbus.
Il saute aux yeux que les syndicats ont été un vecteur actif de cette provocation. Et pourtant les syndicats, après avoir soufflé le vent, ont tout fait pour étouffer la tempête. Ils ont cherché à freiner au maximum la mobilisation et à s'opposer par tous les moyens aux débrayages spontanés en appelant immédiatement à la reprise du travail. Pourquoi cette réaction ?
Les syndicats et la direction savaient qu'un réel mécontentement couvait parmi le personnel et il fallait éviter qu'il s'exprime suite à l'annonce des licenciements, qu'il se focalise sur cette question des licenciements qui étaient le cœur de l'attaque. Ces licenciements concernaient essentiellement les postes administratifs, une partie au siège d'Airbus à Toulouse, une partie dans les autres centres administratifs et une partie concernant les sous-traitants.
Il s'agissait pour eux :
• D'abord de tester le niveau de combativité des ouvriers, surtout des jeunes, en les faisant partir sur la question des primes, pour amener cette combativité à s'épuiser. A Nantes et Saint-Nazaire, la colère qui s'est exprimée sur la question des primes était d'autant plus forte que les ouvriers savaient qu'ils allaient être sacrifiés quand leur usine serait reprise par un sous-traitant. La colère et la combativité se sont exprimées à travers la reconduction de la grève alors que le mouvement à Toulouse est globalement rapidement retombé. A Nantes en particulier, les grévistes étaient très remontés contre des syndicats vite débordés qui cherchaient uniquement à leur faire reprendre le travail. Sur les sites de Nantes et Saint-Nazaire, des comités de grève ont surgi, très rapidement transformées en "coordination" entre les deux sites. Une telle "coordination" exprimait donc une volonté de la part d'ouvriers combatifs d'organiser leur mouvement, en ne comptant que sur leurs propres forces. Mais en même temps, fait significatif des faiblesses de ce mouvement, des militants de LO revêtus de la casquette syndicaliste de base de la CGT ont pu récupérer immédiatement cette initiative dans le but de ramener les ouvriers derrière les syndicats. Un membre de cette coordination déclarait en effet : "Notre mouvement veut essayer de recréer une connexion entre le personnel et les syndicats. Il doit disparaître après" (Ouest-France du 4 mai 2007). Un militant de LO dans un forum sur Airbus le 27 mai organisé lors de la traditionnelle fête annuelle de cette organisation avouait lui aussi naïvement : "Je suis allé trouver les syndicats en leur disant : qu'est ce que vous foutez ? Si vous n'intervenez pas pour prendre le contrôle de la lutte, il y aura demain un nouveau Mai 68 qui vous pétera au nez !" Après quelques jours d'existence, cette coordination passait effectivement le relais à une "intersyndicale" pour reprendre le contrôle de la grève sur les deux sites jusqu'au moment où, à la suite des propositions de la direction pour casser le mouvement, la plupart des syndicats ont appelé à la reprise du travail à l'exception de la CGT minoritaire qui a entrepris de coller au mouvement jusqu'au vote général de la reprise du travail.
Entre temps, les syndicats avaient négocié avec la direction et Sarkozy l'octroi d'une prime portée à 800 Euros et des augmentations de salaire équivalentes à 2,7% de la masse salariale avec une augmentation minimum prévue de 40 Euros que les syndicats ont prétendu avoir "arraché" grâce à leur "attitude responsable de coopération" ; mais bien entendu ces "compensations" sont réservées aux ouvriers de la production. Pour la bourgeoisie, il fallait isoler les éléments partis en lutte tout en tentant de recrédibiliser momentanément les appareils syndicaux.
Il s'agissait de faire accréditer l'idée que partir en lutte hors des syndicats ne mène à rien, alors qu'avec des syndicats "responsables", on peut obtenir quelque chose.
• Il fallait également faire en sorte que la question des licenciements ne soit pas au centre de la lutte, et pour cela, entretenir la division entre "cols blancs" et "cols bleus". Il fallait que le scandale des primes masque le scandale bien plus grand des licenciements.
A travers son résultat, on perçoit mieux les buts de cette stratégie qui a permis de casser la dynamique de solidarité bien présente dans cette lutte :
• Tout a été fait pour entretenir la division entre les ouvriers à la production et les ouvriers administratifs (qui ne sont pas entrés en lutte parce que c'est sur eux que planait principalement la menace de licenciement).
Il est frappant de constater qu'à aucun moment dans tous ces mouvements, il n'y a pas eu le moindre appel à la solidarité entre "cols blancs" et "cols bleus", c'est-à-dire entre le personnel administratif, qui va être lourdement touché par les licenciements et les ouvriers à la production, qui eux ne seront pas touchés par ces mêmes licenciements, mais vont voir les cadences de travail encore s'accélérer.
• Ensuite en focalisant sur la prime, les syndicats ont poussé à séparer les "Airbusiens" et les ouvriers des entreprises sous-traitantes, menacés également de licenciements comme n'ayant pas les mêmes intérêts à défendre.
• Il s'agissait encore de renforcer le climat idéologique pourri de concurrence et de compétitivité nationalistes entre ouvriers français et allemands, laissant entendre que les ouvriers allemands, allaient toucher, eux, une prime plus conséquente.
• Cela permettait encore un enfermement sur les sites Airbus eux-mêmes et de pousser à fond "l'esprit de défense de l'entreprise" en mettant en avant des revendications spécifiques pour empêcher tout lien et toute solidarité avec les autres luttes (comme notamment à Alcatel et dans le secteur automobile chez qui les mêmes licenciements tombaient simultanément), alors qu'en Allemagne à Hambourg, les ouvriers d'Airbus ont rejoint dans une manifestation des ouvriers d'autres secteurs en grève (Sieta, Still, Blohm & Voss), de même à Berlin, ceux de BMW et ceux de Siemens ont pu manifester ensemble. En Espagne, des salariés d'une usine Airbus en Espagne sont également venus apporter leur solidarité dans une manifestation avec les licenciés de l'équipementier automobile Delphi.
A travers la combativité et la volonté de se battre en dehors même des consignes syndicales, dans cette lutte s'est ouvertement posée la question : comment développer la lutte, comment se battre pour résister efficacement aux attaques de la bourgeoisie ? Tant que les ouvriers se battront dans le cadre de leur entreprise, de leur secteur, des frontières nationales, ils continueront à subir licenciements et défaite boîte par boîte comme c'est le cas non seulement à Airbus, mais à Alcatel ou dans l'automobile
La peur que la lutte s'étende comme à Airbus a amené la bourgeoisie à "acheter la fin du mouvement" aux ouvriers à travers une prime et une augmentation de salaire. Il s'agissait d'empêcher les ouvriers de tirer la leçon que les syndicats poussent les ouvriers dans la division et le sabotage de la lutte. Il est nécessaire d'élargir et d'étendre la lutte en direction des ouvriers des autres entreprises, en particulier ceux qui subissent les mêmes attaques.
Le véritable combat de la classe ouvrière, c'est de se battre sans exclusive contre toutes les attaques qu'elle subit : contre les licenciements, pour des augmentations de salaires, pour des primes, contre l'augmentation des cadences... Etendre et développer ces luttes, c'est l'affaire de tous les ouvriers, quel que soit leur secteur d'activité. Dans chaque lutte, pour pouvoir affirmer leur solidarité active, les ouvriers ont à faire vivre des AG ouvertes à tous. L'exemple de cette lutte est porteuse d'espoir pour l'avenir si les ouvriers renforcent leur volonté d'être solidaires dans leurs combats. Ils ne pourront le faire que s'ils brisent le carcan de l'enfermement sur l'entreprise.
Wu (1er juin)
Une élection s'achève, une autre commence. Après les présidentielles du mois de mai, c'est au tour des législatives d'occuper le terrain de la campagne électorale. A peine le temps de reprendre son souffle et voilà le brave citoyen à nouveau mis à contribution.
Fort heureusement, pour prévenir tout risque d'indigestion, au beau milieu de ce gargantuesque gavage démocratique, la bourgeoisie sait qu'elle peut compter sur les services d'une extrême-gauche toujours prompte à ranimer l'appétit citoyen et convier les ouvriers à se joindre au grand banquet républicain.
Ainsi, Lutte ouvrière et la Ligue communiste révolutionnaire (LCR), chacune dans un registre différent, ont ressorti leurs tambourins pour battre, à grand bruit, le rappel vers les bureaux de vote.
"Il est évident que la victoire de Sarkozy est une très mauvaise nouvelle et qu'on a pris un coup sur la tête le 6 mai. Mais ce n'est pas la fin de l'histoire" (Rouge 17 mai). Attention, personne ne descend du manège, c'est reparti pour 2 tours ! Contrairement à LO, sa vieille cousine, la LCR n'y va pas par quatre chemins et décide d'afficher sans détour son démocratisme façon "extrême gauche décomplexée" en allant, au culot, faire avaler aux ouvriers que le meilleur moyen de se défendre contre les attaques à venir, c'est encore de voter pour des représentants qui, une fois dans les assemblées (ou ailleurs), constitueront "une force anticapitaliste déterminée à lutter pied à pied contre la droite et le patronat... une force qui choisira toujours les salaires contre les profits". Bref, les ouvriers sont cordialement invités à mettre en sourdine leurs luttes ou, du moins, à remettre leur sort entre les mains des institutions démocratiques, celles là même qui ont été édifiées pour défendre les intérêts de la seule classe dominante de ce système : la bourgeoisie.
"Voter pour les candidats de la LCR, le 10 juin, ce sera dire [...] votre volonté de ne pas vous laisser faire. Ce sera un geste en faveur d'une autre répartition des richesses, pour reconstruire la solidarité et l'espoir. Ce sera un vote qui dira clairement qu'il est possible de faire reculer Sarkozy, un vote pour une gauche de lutte" (tract LCR du 29 mai).
Si les meilleures soupes se font dans les vieilles marmites, c'est toujours avec de jeunes carottes. Il est donc bien normal que la vieille LCR avec son jeune Besancenot nous resserve de cette mixture réformiste si efficace pour éloigner la classe ouvrière de sa perspective révolutionnaire en lui faisant espérer qu'un monde nouveau peu sortir des urnes républicaines.
Pour LO, par contre, ç'en est assez de ce cirque électoral... il est temps d'ouvrir les yeux.
"Tout dépend du monde du travail, de sa détermination et de la conscience qu'il aura que le bulletin de vote n'est qu'un chiffon de papier et que seules les luttes peuvent payer" (LO du 11 mai). Voilà que LO hausse le ton...
"Notre avenir est, en fait, entre nos mains. Pas par la grâce d'un bout de papier à glisser dans l'urne..." (LO du 25 mai). Et oui, les élections ne servent pas les intérêts de la classe ouvrière, mais uniquement ceux de la bourgeoisie, le prolétariat ne dispose pas d'autres moyens de défendre ses intérêts que sa lutte, sur son terrain de classe. Et pourtant, LO n'a jamais hésité a imprimer le nom d'Arlette Laguiller sur des millions de ces "chiffons de papier", et cela depuis 1974 !
Comment expliquer cette contradiction apparente ? Le plus simplement du monde, puisque à en croire LO, il n'y en a aucune !
"Les votes pour les grands partis ne changeront rien à rien, si ce n'est renforcer les illusions et les faux espoirs électoraux. [C'est pourquoi] ... les votes pour les candidats de Lutte ouvrière exprimeront au moins qu'une partie, fut-elle petite, de l'électorat ouvrier ne fait pas confiance aux bulletins de vote pour changer son sort" (LO du 25 mai).
Pour dire à la bourgeoisie qu'on "ne fait pas confiance au bulletin de vote" pour changer le monde, il faut... glisser un bulletin de vote dans l'urne ! On reconnaît bien là le double langage de LO qui nous dit d'un côté que voter ne sert à rien pour mieux nous appeler dans la même phrase à faire notre devoir de citoyen. Que l'on ne s'y trompe pas, tout ceci est on ne peut plus logique... du moins pour une organisation qui défend (tous compte fait et sous couvert de radicalisme révolutionnaire) les intérêts du capital, en invitant la classe ouvrière à exprimer sa colère à travers un moyen purement bourgeois et totalement dénué de la moindre efficacité pour remettre en cause l'ordre établi.
C'est à chaque élection que les trotskistes se prêtent à ces petits jeux. A chaque élection, ils font la promotion de la démocratie, cette mystification selon laquelle le "peuple" exercerait le pouvoir politique. Mais le seul pouvoir auquel la classe ouvrière puisse prétendre, c'est celui qu'elle prendra par ses luttes après avoir détruit tout l'appareil démocratique qui sert aujourd'hui à la bourgeoisie pour exercer sa dictature et maintenir le règne de l'exploitation.
GD (24 mai)
Tout ouvrier qui se rend à la CRAM (Caisse de retraite et d'assurance maladie) pour faire valoir ses droits à un départ "anticipé" risque d'avoir une très mauvaise surprise. En effet, il y a loin du discours bourgeois à la réalité ! Avoir "le droit" parait-il de bénéficier d'un des dispositifs de la loi du 21 août 2003 qui permet de partir à la retraite de manière anticipée est une chose, savoir qui et combien d'ouvriers peuvent y prétendre en est une autre ! Et ce dispositif n'est vraiment pas un cadeau de la part de la classe exploiteuse. La règle générale est la suivante : il faut avoir travaillé très jeune avant ses 16 ans et pendant 168 trimestres pour pouvoir prétendre à un repos légèrement anticipé et bien mérité. Ce dispositif de la loi Fillon de 2003, correspond à l'article L 351-11-1, du Code de la Sécurité sociale n'est en plus accessible qu'à la condition que les ouvriers eux mêmes fassent les démarches, sans qu'aucun organisme officiel ne les préviennent de son existence ! Bon nombre d'entre eux continuent ainsi à travailler, alors qu'ils pourraient être à la retraite. Pourtant, les ouvriers qui ont commencé à travailler à l'époque à 14 ans sont très majoritairement ceux qui ont effectués toute leur vie les travaux les plus pénibles et les plus usants. Il n'y a aucune illusion à se faire pour nos exploiteurs, il s'agissait à l'époque avec le saupoudrage de ce dispositif particulier et très limité par le nombre d'ouvriers concernés de faire passer au mieux l'ensemble de l'attaque sur les retraites et notamment l'allongement du temps de travail, pour la très grande majorité d'entre nous. En plus et mensongèrement cet article de loi ne comportait apparemment aucune limite dans le temps. Il était prévu d'en faire le bilan et de réexaminer le dispositif en 2008. Mais tout cela est du langage de technocrate bourgeois. En effet c'est depuis la mise en place du dispositif Fillon, que la "suspension" de la possibilité de départs anticipés pour carrières longues avait été programmée. En premier lieu la possibilité d'intégrer, comme temps travaillé, la période du service militaire, ou au titre d'une indemnisation pour maladie, maternité, accident du travail n'est valable que jusqu'au 31 décembre 2008. En second lieu les conseillers de la branche retraite sur la demande de la CRAM, ne peuvent en aucun cas s'engager au delà de décembre 2008. En réalité, il est dit clairement aux travailleurs qui viennent faire valoir leur droit à la retraite que ce dispositif ne va pas au delà de l'année 2008. Bien sur rien n'est dit officiellement pour le moment sur ce sujet. Ce qui est plutôt mis en avant, cyniquement c'est la suppression des régimes spéciaux, au nom de l'égalité entre tous les ouvriers ! Franchement, cette classe d'exploiteurs se moque totalement de nous. Si nous laissons faire cette classe de charognards c'est l'égalité dans la misère qui attend toute la classe ouvrière.
Tino
Et rebelote, pas de repos pour les braves électeurs. Les "citoyens français" sont à nouveau conviés à se rendre aux urnes, les 10 et 17 juin, afin d'élire cette fois ces dames et ces messieurs députés de l'Assemblée nationale.
Décidément, les enjeux électoraux auront été cette année au cœur de toutes les préoccupations, omniprésents à la télévision, à la radio et dans la presse. L'intérêt suscité par tout ce remue-ménage semble bien réel puisque les taux de participation aux présidentielles ont atteint des sommets. Voter, ce "geste citoyen", est aujourd'hui ressenti par la très grande majorité de la population comme un véritable devoir. Dans le climat actuel, celui qui ose avouer à ses collègues ou à son entourage qu'il ne vote pas, s'attire instantanément les foudres et la désapprobation générale.
S'inquiéter pour l'avenir, vouloir mettre un terme à la dégradation continuelle de nos conditions de vie est tout à fait légitime. Mieux, c'est une nécessité. Mais est-ce vraiment en se mobilisant ainsi massivement sur le terrain électoral que les ouvriers pourront faire face ensembles à toutes ces attaques ?
Officiellement, le droit de vote est un bien précieux. Grâce à lui, chaque citoyen a entre ses mains le pouvoir de choisir la politique à mener dans sa commune, son département, sa région, sa nation. C'est le fondement de la démocratie. Mais ce "pouvoir" n'est-il pas qu'une farce ?
A chaque élection, des projets différents pour l'avenir de la société sont censés s'affronter. Ainsi, pour ces législatives toutes proches, le Parti socialiste martèle qu'il faut absolument éviter la concentration de tous les pouvoirs entre les mains d'un seul homme, Sarkozy. En donnant du poids à la gauche dans l'hémicycle de l'Assemblée, le PS pourrait, soi-disant, s'opposer à la politique d'austérité de la droite et se battre en faveur de mesures sociales. Du vent ! La politique menée par les socialistes depuis des décennies et ressentie dans sa chair par la classe ouvrière, ne diffère en rien de celle de la droite. D'ailleurs, toutes les attaques à venir du gouvernement Fillon faisaient aussi parti du "plan d'action" de Ségolène Royal : réforme des retraites et des régimes spéciaux, démantèlement progressif des couvertures de santé, augmentation des charges de travail... Et il ne pouvait en être autrement. Toutes ces mesures sont nécessaires pour la compétitivité de l'économie nationale et, donc, toute fraction au pouvoir a pour mission de les mettre en place.
La propagande électorale est justement là pour cacher cette vérité toute crue en faisant croire à l'éventualité d'une alternative: "oui, une autre politique est possible... à la condition de bien voter". Mensonges et poudre aux yeux! Que signifie ce nouveau gouvernement, cette "équipe de France" teintée du rose des transfuges socialistes tels Kouchner ou Besson, si ce n'est que tous ces gens là appartiennent bel et bien à la même famille... la bourgeoisie. Les différences qui séparent les partis bourgeois ne sont rien en comparaison de ce qu'ils ont en commun : la défense du capital national. Pour ce faire, ils sont capables de travailler très étroitement ensemble, surtout derrière les portes fermées des commissions parlementaires et aux plus hauts échelons de l'appareil d'Etat. Ce n'est qu'un petit bout des débats de la bourgeoisie qui se montre au parlement. Et les membres du parlement sont en fait devenus des fonctionnaires d'Etat qui de temps à autres gesticulent dans l'hémicycle devant les caméras de France 3 pour feindre l'indignation face à telle ou telle mesure, tel ou tel mot "déplacé" d'un autre député... tout ceci afin d'épater la galerie et faire croire à l'intensité de la vie démocratique.
Les élections n'offrent donc en vérité aucune véritable alternative, aucune issue de secours. La possibilité de faire entendre sa voix par les urnes n'est qu'une illusion savamment entretenue.
Si la classe ouvrière n'a rien à gagner sur le terrain électoral, la bourgeoisie, quant à elle, remporte la mise à tous les coups. En transformant les ouvriers en citoyen-électeur, elle les dilue dans la masse de la population, les isole les uns des autres. Seuls et donc impuissants, elle peut ainsi leur bourrer le crâne à sa guise.
"Tous les hommes naissent libres et égaux en droit" comme cela est gravé dans le marbre de la déclaration universelle des droits de l'homme. Pour ce faire, chaque citoyen a un droit inaliénable, celui de voter. Cette idéologie peut se résumer en une simple équation : un individu = un vote. Mais le problème, c'est justement que cette belle déclaration de principe n'est que virtuelle. Dans le monde réel, les hommes sont tout sauf égaux. Dans le monde réel, la société est divisée en classes. Au dessus et dominante, tenant les rênes, il y a la bourgeoisie; en dessous, il y a toutes les autres couches de la société et en particulier la classe ouvrière. Dans la pratique, cela signifie qu'une minorité détient l'Etat, les capitaux, les médias... La bourgeoisie peut ainsi imposer au quotidien ses idées, sa propagande.
Ce rouleau compresseur médiatique passe et repasse sur le corps électoral depuis plus d'un an. Pas une seule minute la propagande n'a cessé. Les magazines, les journaux, les émissions spéciales se sont succédées à un rythme infernal afin que jamais, oh grand jamais, les ouvriers puissent réfléchir un instant par eux-mêmes. Ce bourrage de crâne n'est pas nouveau, le premier congrès de l'Internationale communiste affirmait déjà en 1919: "[la liberté de la presse] est un mensonge, tant que les meilleurs imprimeries et les plus gros stocks de papier sont accaparés par les capitalistes [...]. Les capitalistes appèlent liberté de la presse la faculté pour les riches de corrompre la presse, la faculté d'utiliser leurs richesses pour fabriquer et pour soutenir la soi-disant opinion publique" 1.
Revenons à notre pauvre bougre qui dans un élan inconscient de témérité osa "avouer" à ses collègues son peu de foi dans le cirque électoral, recevant immédiatement en récompense d'autant de sincérité une volée de bois vert. Le dialogue à couteaux tirés est facile à imaginer. Lui, la goutte au front, bégayant que ça fait des années que nous nous faisons avoir, qu'ils sont tous pareils ces politiciens, que lui refuse de choisir entre la peste et le choléra. Tous les autres coupant court à la discussion puisque ne pas voter c'est... faire le lit du Front national !
En s'appuyant sur la peur du fascisme, telle une ombre planant de façon lointaine au dessus des têtes, la bourgeoisie insiste inlassablement sur la fragilité de la démocratie, sur la nécessité pour tous de la défendre et de la faire vivre. Elle est ainsi parvenue à annihiler d'avance toute discussion potentiellement honnête et constructive sur la question électorale. Le ressort de l'argumentaire est simple: même si la démocratie n'est pas parfaite, elle permet à chacun de se faire entendre. Il est donc interdit de gâcher cette chance.
Mais à y regarder de plus près, là encore, la réalité est toute autre. La démocratie bourgeoise sert de masque à la dictature qu'exerce le capital. Voter donne l'illusion d'agir. L'électeur est acteur juste pendant 3 secondes, le temps de glisser le bulletin dans l'urne, et encore un acteur contraint de jouer un script écrit par un autre. Une fois "le responsable politique" élu, l'électeur n'est plus qu'un spectateur.
La classe ouvrière se doit de développer une façon de vivre, d'agir et de décider collectivement radicalement différente. Dans la démocratie bourgeoise, une fois tous les cinq ans, la société fait semblant d'avoir un grand débat collectif où tout le monde est impliqué. Dans la lutte, au contraire, cette implication de tous est réelle. Dans les assemblées générales authentiquement prolétariennes, la parole est partagée, les débats y sont ouverts et fraternels et, surtout, les délégués sont révocables. Cette révocabilité est importante, elle signifie que le pouvoir reste entre les mains des masses. Si le délégué ne défend plus l'intérêt général, eh bien on en change. La lutte en Pologne en 1980 est un exemple frappant de cette vie ouvrière en action, de cette volonté d'agir réellement collectivement. Quand le comité de grève se réunissait, constitué des délégués élus, la foule écoutait dehors, grâce à des micros et des hauts-parleurs, l'avancée des discussions et manifestait par des cris son approbation ou son mécontentement ! Il n'était pas question de laisser une poignée décider pour tout le monde 2.
C'est donc un gouffre qui sépare la démocratie bourgeoise de la vie politique prolétarienne. D'un côté, les manœuvres, les manipulations, le pouvoir au main d'une minorité dominante. De l'autre, la solidarité, le débat ouvert et fraternel, le pouvoir entre les mains des masses ! Depuis des décennies, les élections se suivent et se ressemblent. Le temps de la campagne, les candidats rivalisent de promesses, jurant la main sur le cœur qu'avec eux, l'avenir sera meilleur. Une fois élus, de gauche ou de droite, toutes leurs belles paroles s'envolent pour retomber sous la forme d'attaques brutales. Toujours la même politique anti-ouvrière, toujours la même austérité. Ces "désillusions", la classe ouvrière en a soupé jusqu'à la nausée.
Le terrain électoral est LE terrain de la bourgeoisie. Sur ce champ de bataille, toutes les armes sont entre les mains de la classe dominante. Elle en sort chaque fois victorieuse et le prolétariat chaque fois vaincu. Par contre, dans la rue, dans les usines, en assemblée générale, les ouvriers peuvent s'unir, s'organiser et se battre collectivement. La solidarité de la classe ouvrière est une des clés de l'avenir contrairement à ces petits bouts de papiers nommés bulletins de vote !
Pawel
1 Thèses sur la démocratie bourgeoise et la dictature prolétarienne présentées par Lénine le 4 mars 1919.
2 Lire notre brochure "Sur la Pologne" (non disponible en ligne à ce jour) .
Réunis pour la troisième fois à Bangkok (du 30 avril au 3 mai) les 120 délégations nationales composant le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) se sont finalement accordées pour livrer, au terme des débats, leur "résumé à l'attention des décideurs" portant sur les "mesures d'atténuation" à prendre d'urgence pour lutter contre le réchauffement climatique.
Précédemment, dans le volet "scientifique" de leur 1er rapport (rendu à Paris en février) ces experts en tous genres avaient posé le constat d'un risque majeur d'élévation des températures mondiales comprise entre 2 et 4 °C d'ici 2100 "dû à l'augmentation des concentrations de gaz à effet de serre engendrées par l'homme" 1.
Quant aux conséquences meurtrières de cette hausse des températures encore jamais vue dans l'histoire de la Terre (du moins sur une si courte période), elles ont été répertoriées par le groupe II du GIEC (réuni en avril à Bruxelles) dans une série de scénarios catastrophes tous plus apocalyptiques les uns que les autres : inondations, sécheresses, ouragans plus fréquents et plus violents, montée du niveau des mers, immersion de terres habitées ou encore extinction de 20 à 30% des espèces animales et végétales. Bref, si le réchauffement climatique continue sa course la planète deviendra à ce point hostile que de nombreuses formes de vie, et en premier celle des hommes, seront impossibles.
C'est ici qu'entre en scène Ogunlade Davidson (co-président du groupe III du GIEC) pour signaler que si les nouvelles contenues dans les deux premiers rapports n'étaient "pas bonnes", le 3e rapport assure que "des solutions sont possibles et que vous pouvez le faire à un coût raisonnable".
Ouf ! Le monde est sauvé. Il fallait bien ça pour trouver un happy end à ce film catastrophe.
Après s'être échiné en février à évacuer la responsabilité du mode de production capitaliste en rejetant la faute (de façon grotesque mais par ailleurs très commode) sur "l'Homme" 2, cet "incorrigible égoïste" qui "saccage", "piétine" la vie et tout ce qui l'entoure depuis la nuit des temps, le GIEC boucle son plaidoyer à Bangkok par une nouvelle pirouette. En effet, au bout du compte, ce groupe d'experts nous invite à bien comprendre que le système capitaliste (et ce quelque soit sa "part" de responsabilité dans le bouleversement climatique) a les moyens de mettre en œuvre une politique de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Et cela pour un coût tout à fait modique, voir un bénéfice économique en matière (nous dit-on) de dépenses de santé ou de créations d'emploi.
Faut-il que la bourgeoisie soit si bête pour ne pas y avoir songé plus tôt ? Ou bien est-ce à nouveau notre guignol's band d'"experts" du climat qui continue à nous prendre pour des imbéciles ? C'est en tout cas ce que laisse entendre l'intervention clownesque du président du GIEC (Rajendra Pachauri) lorsqu'il invite les individus à adopter un mode de vie plus respectueux de la nature en suivant le conseil de l'ancien président des Etat-Unis, Jimmy Carter, qui dans les années 1970 recommandait au bon citoyen de baisser le chauffage à la maison en hiver et de porter un chandail plutôt qu'un T-shirt. Dans la foulée, Monsieur Pachauri n'a pas oublié de féliciter le premier ministre japonais qui a encouragé les cadres à renoncer à la cravate pour pouvoir réduire la climatisation dans les bureaux. Enfin, une autre option à prendre en considération a ajouté ce bon Dr Pachauri (de toute évidence gros contributeur d'émission de gaz à effet hilarant dans le monde)... devenir végétarien ! "Si les gens mangeaient moins de viande, ils seraient peut-être en meilleure santé. Et en même temps, ils contribueraient à réduire les émissions générées par l'élevage bovin." En résumé, pour sauvegarder l'environnement il faut mettre un chandail l'hiver, enlever la cravate l'été et devenir végétarien. A ce compte là c'est sûr, la lutte contre le réchauffement climatique ne risque pas de coûter bien cher !
Plus "sérieusement", il demeure dans le rapport du GIEC des mesures plus concrètes pour enrayer la menace d'un changement brutal du climat : développer les énergies non polluantes (éolien, solaire), construire des habitations mieux isolées donc moins énergivores, généraliser l'utilisation des biocarburants, amorcer une transition des transports routiers vers le rail et les voies fluviales, ou encore développer les technologies de "captage et de séquestration" du CO2 pour limiter les émissions des centrales électriques utilisant la houille par exemple. Voilà des mesures qui paraissent être efficaces. Mais dans ce monde, une grave préoccupation hante l'esprit du capitaliste, et la question fuse comme une balle : "Combien ça coûte ?"
"Et bien, des clopinettes !" répondent en chœur les experts du GIEC toujours soucieux de ne pas mettre en porte à faux le mode de production capitaliste.
"Une stabilisation des concentrations en équivalent CO2 (...) entraînerait une diminution de 0,1% du taux de croissance moyen annuel d'ici à 2030" (GIEC III).
Une goutte d'eau dans un océan, nous répète-t-on à l'envi. Et pourtant, elle n'en reste pas moins une goutte de trop.
Ce n'est pas pour rien si la question du coût des politiques à mettre en œuvre contre le réchauffement climatique a dominé les 5 jours de discussions du GIEC à Bangkok suscitant, entre les différentes délégations nationales, d'âpres débats.
Si, comme semble croire Stephan Singer, du fonds mondial pour la nature (WWF), "aucun gouvernement ne peut [au vu des derniers travaux du GIEC] faire valoir que ça nuirait à son économie" c'est tout simplement parce que ces choses là ne se disent pas en public, bien que certains ne s'en soient pas privé. Ainsi, James Connaugthon (président du conseil de la Maison Blanche sur la qualité environnementale) a estimé que les mesures préconisées à Bangkok "représentent un coût extrêmement élevé" pouvant aller jusqu'à "entraîner une récession". Faisant écho à l'inquiétude américaine, Jacques Chirac (pourtant l'un des plus fervent soutien aux conclusions du GIEC) a précisé que le coût des mesures à prendre seraient "non négligeable". En effet, celles-ci nécessiteraient une telle réorganisation de l'appareil productif que le coût de ce bouleversement serait insupportable, non pas en soi mais au regard de la compétitivité de chaque économie nationale face à ses concurents.
Le capitalisme n'a pas d'autres raison d'être que d'engranger des profits. Si demain un pays se mettait a financer la réduction de ses émissions de CO2 afin de rendre son économie "propre", alors il se ferait impitoyablement balayer du marché mondial par les nations concurrentes qui auront gardé intact leur niveau de compétitivité en continuant à produire à moindre frais.
Réduire les coûts de production au minimum pour être aussi compétitif que possible est la règle incontournable de ce monde. Dans la lutte acharnée que se livrent les rats capitalistes pour se maintenir sur le marché, le coût des mesures visant à endiguer la pollution industrielle (aussi "limité" ou "raisonnable" soit-il) devient un handicap intolérable.
Alors, qui prendra le risque de faire le nettoyage de son économie le premier ? Bien évidemment personne. Chacun sait que cela lui serait fatal. C'est pourquoi toutes les conférences sur l'environnement sont vouées à l'échec comme cela c'est vu dans le passé à Rio ou à Kyoto et comme cela se verra avec le nouvel accord climatique international qui se prépare pour la prochaine conférence ministérielle de l'ONU à Bali en décembre 2007.
Le comportement général du système capitaliste fait penser à celui de ce monstre légendaire dont l'appétit et la stupidité étaient si grands qu'apercevant le bout de sa queue il s'en saisit, commença à la manger et continua jusqu'à ce qu'il se fût entièrement dévoré. La différence entre cette créature et le capitalisme est que ce dernier n'est pas stupide, il n'a tout simplement pas le choix.
Son appétit insatiable pour le profit (but ultime de son existence) le conduit inévitablement à fouler aux pieds toutes les lois humaines. La vie et le bien être des hommes ne font pas le poids devant l'impérieuse nécessité de la rentabilité économique.
Le capitalisme est incapable d'éviter la crise climatique qui s'annonce. Parce qu'il produit sans se soucier des hommes et de leur milieu naturel, obsédé par la compétitivité économique, il est devenu l'unique artisan du chaos à venir.
L'urgence, plus que jamais, réside donc dans la mise à bas de ce monde afin de faire naître une nouvelle société où la vie sera enfin le bien le plus précieux.
Jude (15 mai)
1 Les émissions des gaz à effet de serre rejetées dans l'atmosphère ont en effet augmenté de 70% entre 1970 et 2004.
2 Lire notre article "Réchauffement climatique : le capitalisme ne peut que continuer à détruire la planète" dans RI n° 377.
"Nous touchons les limites de l'inhumanité, nous ne sommes plus en état de continuer à assumer ce travail si important pour le pays dans les conditions où nous sommes dirigés et traités. Nous n'avons plus confiance ni en nos équipements ni en ceux qui nous gouvernent. Nous travaillons les fusils braqués sur nous...". C'est ce message dramatique qu'ont adressé les contrôleurs aériens de Brasilia, de Curitiba, de Manaos et de Salvador dans un Manifeste avant de paralyser le service le 30 mars, d'entamer une grève de la faim et de s'enfermer dans les locaux pour faire pression sur les autorités du Commandement de l'Aéronautique, organe militaire responsable du contrôle du trafic aérien au Brésil 1. A 14 heures, à la fin de leur journée de travail, les contrôleurs de l'équipe du matin du Cindacta-1 (Centre intégré de défense aérienne et contrôle du trafic aérien) de Brasilia, qui contrôle 80 % du trafic aérien du pays et regroupe 120 contrôleurs, décident d'occuper les locaux pour poursuivre le mouvement. Face aux mesures répressives du Commandement de l'Aéronautique, qui ordonne l'arrestation de 16 contrôleurs et menace "d'appliquer le règlement" qui punit d'emprisonnement les "mutins", les contrôleurs décident d'amplifier le mouvement vers d'autres centres de contrôle ; le vendredi, à 18 h 50, ils paralysent 49 des 67 aéroports du pays. La grève est suspendue le samedi 31 à 0 h 30, après que le gouvernement ait annulé les ordres d'emprisonnement de grévistes et se soit engagé à étudier les revendications formulées, principalement la démilitarisation du service des contrôleurs aériens.
Depuis la collision d'avions au Mato Grosso, dans le centre ouest du pays, qui fit 154 victimes le 29 septembre, les contrôleurs ont déjà effectué plusieurs débrayages pour protester contre les accusations du gouvernement et des autorités militaires qui les en rendent responsables. Dans leur Manifeste, les travailleurs se défendent contre ces calomnies : "Six mois après la collision du 29 septembre, aucun signe positif n'a été fait pour résoudre les difficultés rencontrées par les contrôleurs aériens. Au contraire, ces difficultés ne font que s'aggraver. Comme si les difficultés d'ordre technique et de conditions de travail ne suffisaient pas, on nous accuse de sabotage dans le seul but de masquer les failles de gestion du système...". La grève exprime l'indignation des contrôleurs aériens face à la riposte du gouvernement et du haut commandement militaire : "Les mesures de représailles prises par le haut commandement militaire contre les sergents contrôleurs ont provoqué un tel mécontentement que nous ne supporterons plus de nous taire dans un tel contexte d'injustice et d'impunité des véritables responsables du chaos".
Cette grève met à nu toute l'hypocrisie de l'ensemble de la bourgeoisie brésilienne et sa responsabilité dans la crise des transports aériens, tant de la part de la gauche aujourd'hui au gouvernement que de la droite. Celle-ci dénonce l'incapacité du gouvernement Lula et son essaie d'occulter que la détérioration du système de contrôle aérien vient de très loin, bien avant son arrivée au pouvoir. Quant à Lula, il est aussi responsable de la situation, étant de notoriété publique qu'au lieu de travailler à répondre aux besoins de l'ensemble du système aérien, il a accordé la priorité aux investissements du Groupe de transports spéciaux (GTE) qui s'occupe de l'Airbus présidentiel et des vols des hauts dignitaires du gouvernement, civils et militaires. La bourgeoisie tente d'occulter aussi que le déchaînement de la concurrence entre compagnies aériennes, la politique de baisse des coûts, la survente de billets et l'augmentation du nombre de vols conduit le système de contrôle aérien à s'effectuer dans des conditions extrêmes.
L'action des travailleurs a mis le doigt là où ça fait mal. Elle a rendue publique une situation qui restait occulte quand elle n'était pas déformée pour l'ensemble des travailleurs du secteur aérien, des passagers et plus généralement de la population. Cette grève, brève mais ayant un puissant impact, est une manifestation de solidarité des contrôleurs aériens avec les autres travailleurs du secteur et avec la population qui peut être affectée par les accidents aériens. Elle exprime que le prolétariat, par sa lutte consciente, politique et organisée, possède la capacité de réaliser des actions contre le capital en faveur du travail et de l'ensemble de la société, qu'il a les moyens de dépasser l'impuissance à laquelle nous condamne la bourgeoisie.
Syndicats et gouvernement ont été surpris et débordés par les événements. Les autorités aéronautiques croyaient dur comme fer que les contrôleurs reculeraient devant les menaces d'emprisonnement et d'application de la discipline militaire. Ces mesures n'ont fait que radicaliser le mouvement. Face à cette radicalisation qui pouvait avoir des conséquences imprévisibles, Lula lui-même a dû intervenir (alors qu'il se trouvait lui-même dans son confortable Airbus, en route pour aller rencontrer son collègue Bush), faisant appel à toute son expérience de "pompier social" des luttes ouvrières, accumulée quand il était leader syndical à l'ABC de Sao Paulo. Ce n'est pas par "démocratisme" ni parce qu'il est un "président ouvrier" que Lula a obligé les hautes sphères des Forces aériennes brésiliennes à négocier avec les grévistes, mais parce qu'il a une forte expérience de syndicaliste, c'est-à-dire d'agent de l'Etat capitaliste dans le milieu ouvrier. Il a compris que les travailleurs étaient décidés à pousser le conflit jusqu'à ses dernières limites. Il sait très bien que quand se manifeste la colère des travailleurs, elle peut s'étendre comme une traînée de poudre. Il fallait d'abord désamorcer le mouvement.
Les syndicats et associations n'ont rien fait pour soutenir les travailleurs en lutte. Le "Sindicato Nacional dos Trabalhadores de Proteção ao Vôo" (SNTPV), qui regroupe les contrôleurs civils, s'est vu forcé de publier le Manifeste2 sur son site internet. Dans une tentative de diviser les contrôleurs, son président, Jorge Bothelo, est allé jusqu'à déclarer que "le Manifeste avait été signé par les contrôleurs militaires", alors que les contrôleurs civils s'étaient joints à la grève malgré l'opposition du syndicat. Quant aux syndicats des autres secteurs du service aérien, contrôlés par le PT, ils ont soigneusement évité de se prononcer pour ne pas gêner leur chef suprême en voyage à Washington.
Il existe cependant encore beaucoup d'illusions et de pièges autour de ce mouvement. Le Manifeste en exprime certaines quant à l'ouverture "démocratique" du gouvernement et à sa "transparence" : "Le Brésil vit des moments inédits de démocratie et de transparence grâce à la sauvegarde des valeurs éthiques de respect dans les affaires publiques". Les travailleurs ne doivent pas se laisser éblouir par les belles paroles de la gauche, par ses promesses. Elle est la gauche du capital, et utilise en tant que telle l'hypocrisie de la classe dominante. Droite comme gauche alimentent la démocratie bourgeoise, mécanisme politico-idéologique qui permet de maintenir la dictature du capital sur le travail.
Quelques jours après la grève, le gouvernement a déclaré illégal l'accord signé par ses propres représentants et les grévistes, accord qui donnait satisfaction aux revendications. Dans un violent discours adressé à la presse et à la population, le Président Lula a accusé les contrôleurs d'être des "irresponsables" et des "traîtres", pour n'avoir pas respecté les institutions et la hiérarchie militaire : "Les gens doivent savoir que dans un régime démocratique, il est fondamental de respecter les institutions et la hiérarchie" (Folha Online, 5-4-08). Ce discours a ouvert la voie de la répression ouverte, renforçant la volonté des organes militaires de punir, y compris d'incarcérer, les éléments les plus combatifs (ce qu'ils avaient déjà tenté de faire au début du mouvement lorsque 18 contrôleurs avaient été emprisonnés). Les négociations exigées par Lula n'avaient comme but que d'épuiser le mouvement et gagner du temps.
Il est évident que nous ne sommes pas le moins du monde surpris, car les gouvernements, qu'ils soient de droite comme de gauche, ainsi que les syndicats, ne sont que des instruments utilisés par la bourgeoisie pour sauver les intérêts de la classe dominante. Les prolétaires, au Brésil comme partout ailleurs, doivent apprendre quoi qu'il leur en coûte qu'en faisant confiance aux soi-disant libertés démocratiques, aux promesses des patrons et des gouvernants, ils permettent non seulement à la bourgeoisie de combattre les mouvements de lutte, mais qu'ils s'exposent désarmés à de vastes offensives avec leurs cortèges de répressions, de représailles, de licenciements et de violences.
L'explosion du mouvement des contrôleurs nous montre que ni les baïonnettes, ni les syndicats - qu'ils soient contrôlés par des partis de droite ou de gauche - ne peuvent empêcher la lutte du prolétariat. Cette lutte montre que si la gauche du capital, sous les ordres de Lula, est parvenue jusqu'ici à repousser dans le temps les luttes ouvrières, elle ne les a pas fait disparaître. Malgré l'action anti-ouvrière du PT et de la CUT, le prolétariat brésilien vit encore. Dans ce sens, les réformes du travail avancées par le gouvernement Lula peuvent provoquer des réactions dans le prolétariat brésilien 3.
Pour atteindre ses véritables objectifs, le prolétariat doit tirer les leçons de ses propres luttes, des luttes de l'ensemble de la classe, il doit faire la critique de ses illusions sur la capacité d'une société divisée en classes à trouver une issue contre la dégradation des conditions de vie. La grève des contrôleurs aériens a mis en évidence que la force du prolétariat n'est pas seulement quantitative, elle est surtout qualitative. Bien qu'ils ne soient pas plus de 3000, grâce à leur sens élevé de la solidarité, à leur organisation et à leur politisation, et parce qu'ils bénéficiaient du soutien implicite d'importants secteurs de la classe ouvrière, les contrôleurs aériens sont parvenus à s'affronter victorieusement à l'Etat le plus puissant d'Amérique du Sud.
1 Dans leur grande majorité, les contrôleurs aériens au Brésil sont des fonctionnaires militaires ayant le grade de sergent. Sur 2289 contrôleurs, il n'y a que 154 civils.
2 Le texte complet du Manifeste des contrôleurs peut se trouver sur les site du "Sindicato nacional dos trabalhadores de proteção Ao Vôo" (SNTPV), https://www.sntpv.com.br/principal.php [980], qui regroupe les contrôleurs aériens civils. Le syndicat, bien qu'il n'ait pas appelé à la grève, s'est vu obligé de publier le Manifeste sous la pression du mouvement.
3 Le gouvernement développe une réforme législative du droit du travail et des syndicats, sous prétexte de "créer des emplois". Ces réformes, en réalité, ne font que flexibiliser le travail, accentuant la précarisation du prolétariat brésilien pour le plus grand bénéfice du capital national.
Depuis bientôt une quinzaine de jours, des combats d'une violence chaque jour plus exacerbée ont éclaté dans le nord du Liban. Officiellement, on dénombre plus de 90 morts, parmi les soldats libanais et les combattants du Fatah al-Islam, mais aussi dans la population civile palestinienne du camp de Nahr al-Bared, l'un des douze que compte le pays et dans lesquels survivent 400 000 Palestiniens, "réfugiés" de la guerre israélo-arabe de 1969 ! Sur les 31 000 personnes de ce camp, 26 000 ont fui les affrontements, certains pour s'entasser dans le camp voisin de Baddaoui, d'autres dans une errance incertaine, passant de la misère et de la soumission aux lois maffieuses opérés par les groupes palestiniens qui les "protègent" à l'état de bêtes parquées ici et là sous la surveillance de la Croix Rouge et de l'ONU. Pour les 5000 Palestiniens restants, c'est purement et simplement l'horreur. Pris sous le feu croisé des forces libanaises qui encerclent et mitraillent ou bombardent à coups de missiles le camp, et de celles du Fatah al-Islam qui s'en servent de boucliers humains, hommes, femmes, enfants sont étranglés dans une terrible souricière.
Ce sont la décision de l'ONU de constituer un tribunal "à caractère international" chargé de juger les assassins de Rafic Hariri et la perspective d'élections présidentielles au Liban qui ont été les éléments déclencheurs de cet engrenage dans une violence jamais vue depuis le début des années 1970, au plus fort de la Guerre froide. Evidemment, la Syrie est particulièrement visée. L'apparition récente du groupe Hamas al-Islam, scission apparentée à Al-Qaïda d'un groupe pro-syrien, le Hamas Intifada, lui-même issu du vieux FPLP de George Habache opposé à Yasser Arafat et basé à Damas, ne peut que jeter la suspicion sur le rôle de l'Etat syrien dans la situation actuelle. Et cela d'autant que ce groupuscule ne présente aucune revendication palestinienne. De plus, le refus radical de création de ce tribunal par la Syrie, qu'elle rejette d'autant plus violemment que des responsables syriens ont été officiellement mis en cause, vient montrer à nouveau du doigt son implication dans le meurtre d'Hariri. Souvenons-nous que l'assassinat du dirigeant libanais en 2005 avait eu pour conséquence le départ des forces syriennes du Golan que revendique historiquement la Syrie et qui est une pomme de discorde permanente dans les relations entre Damas et Beyrouth.
Bien sûr, la "communauté internationale" s'émeut d'une telle situation, dans un pays qui compte 4500 casques bleus, cette "armée internationale de la paix", c'est-à-dire la plus grande concentration des forces de l'ONU au monde. Et ce sont la France et les Etats-Unis, pour cette fois apparemment sur la même longueur d'onde, qui ont été les plus prompts à proposer leurs bons offices. "Le gouvernement libanais fait ce qu'il a besoin de faire pour combattre un groupe terroriste très dangereux et pour rétablir la loi et l'ordre dans le pays", entendait-on à Washington le 25 mai. Et dans la même foulée, six avions-cargos américains bourrés d'armes et de munitions arrivaient donc au Liban afin de "soutenir" l'action de l'armée de Beyrouth.
Dans sa visite de "solidarité" au Liban, l'indispensable "french doctor" Kouchner, intangible amoureux des caméras, déclarait quant à lui que "la politique française [était] inchangée" et proposait sans réserve la fourniture d'équipements et d'armements militaires, bien sûr "humanitaires", au gouvernement libanais.
C'est clair, ces deux requins impérialistes ne font qu'attiser les affrontements guerriers et y participent même directement. La France et les Etats-Unis sont en effet directement intéressés à intervenir dans la situation au Liban.
Pour les Etats-Unis, qui avaient laissé le Golan à la Syrie au début des années 1990 pour lui rétribuer sa collaboration avec Washington tout en coupant le pied aux velléités impérialistes françaises au Liban, il s'agit de faire payer à la Syrie son soutien aux forces sunnites pro-irakiennes et aux terroristes d'Al-Qaïda qui sont stationnés et soutenus par la Syrie depuis l'invasion américaine en Irak. Aussi, la Maison Blanche ne va pas lésiner sur les moyens offerts à Beyrouth pour taper fort contre l'incursion effectuée par la Syrie à travers le Fath al-Islam.
Pour la France, dont les intérêts au Moyen-Orient sont toujours principalement passés par le Liban, il s'agit de tenter par tous les moyens de faire un retour dans le pays. Après le départ forcé en 1992 du général pro-français Michel Aoun, que les Etats-Unis avaient contraint de partir pour mieux permettre à la Syrie de s'installer dans le Golan et aux rênes de l'Etat libanais via des hommes dévoués à sa cause, l'Etat français n'a cessé de faire des pieds et des mains pour rétablir son influence dans la région.
Aussi, il n'est nullement question de voir une alliance entre l'Amérique et la France en vue d'instaurer la paix au Liban comme dans l'ensemble de la région. Tout au contraire, c'est une véritable concurrence impérialiste qui anime leurs intentions, concurrence qui n'augure strictement rien d'autre que de nouveaux affrontements et une nouvelle accélération des conflits guerriers dans cette zone du monde.
Leurs discours mensongers voudraient nous faire croire qu'un objectif commun les pousserait à régler la question. Loin s'en faut. S'ils ont le même intérêt à voir la Syrie et les terroristes du Hamas al-Islam reprendre leurs billes du Liban et déguerpir, il n'en va pas de même pour le Liban qui restera un enjeu d'importance pour ces deux concurrents impérialistes au Moyen-Orient. Pour les Etats-Unis, la stabilisation du Liban leur permet de contrôler la Syrie et de maintenir la pression sur ce pays qui est une base arrière des forces anti-américaines en Irak. Pour la France, c'est à la fois la question de continuer à prétendre au statut de puissance impérialiste mondiale "qui compte" dans la question moyen-orientale et aussi de continuer à détenir un appui dans cette région pour saboter la politique militaire et stratégique des Etats-Unis, que ce soit en Irak comme dans l'ensemble du Proche et du Moyen-Orient.
La poudrière que constitue le Proche et le Moyen-Orient n'est pas prête de s'éteindre. Les évènements au Liban ont leur pendant dans les territoires occupés de la Bande de Gaza que pilonne l'armée israélienne depuis des semaines. Et l'on retrouve les mêmes protagonistes des pays développés, bons samaritains toujours prêts comme le "Quartette pour la paix au Proche-Orient" (Union européenne, Etats-Unis, Nations unies et Russie) qui appelle en vain à l'arrêt des violences entre Israël et le Hamas dans la Bande de Gaza, comme celles entre le Hamas et le Fatah dans le Nord du Liban.
La véracité des déclarations de bonnes intentions de tous ceux qui gouvernent le monde est à mesurer à l'aune de ce qu'ils font subir partout aux populations et à la classe ouvrière : misère, sueur et sang. C'est le seul langage de la bourgeoisie, c'est le langage du capitalisme.
Mulan (2 juin)
Le 4 mai et les jours suivants se commémorait le 70e anniversaire des tragiques événements de mai 1937 où le gouvernement de la République - avec la complicité directe des dirigeants de la CNT et du POUM 1 - ont massacré les ouvriers de Barcelone qui s'étaient soulevés, exaspérés par une exploitation brutale accrue par "l'effort" de guerre. Nous pensons qu'un large débat est indispensable aujourd'hui pour tirer les leçons de ces événements-là et pour y contribuer, nous reproduisons ci-dessous l'article d'intervention que nos prédécesseurs, la Gauche communiste d'Italie et de Belgique avaient publié à cette époque dans la revue Bilan (1933-1938). Nous espérons ainsi susciter un débat sincère et ouvert allant jusqu'au fond des choses, permettant aux générations actuelles de la classe ouvrière de tous les pays qui n'ont pas vécu cette tragédie de se renforcer dans leur lutte contre un capitalisme chaque fois plus barbare et inhumain.
Courant communiste international (1er mai 2007)
1) Le Parti ouvrier d'unification marxiste (ou POUM, en espagnol Partido obrero de unificación marxista) était une organisation espagnole proche des trotskistes, créée en 1935 et dissoute en 1937, qui a participé activement à la Guerre d'Espagne contre le général Franco.
A peine investi, le gouvernement Fillon-Sarkozy démarre sur les chapeaux de roue et prouve aux travailleurs que son titre de « droite décomplexée » n'est pas une plaisanterie. En effet, le nouveau gouvernement n'a même pas attendu la fin des élections législatives pour mettre en chantier une série d'attaques lourdes : heures supplémentaires, obstacles à l'accès aux soins, hausse des impôts indirects, suppressions massives de postes dans la fonction publique (notamment entre dix et vingt mille chez les enseignants)... Bref, un avant-goût pour l'avenir qui traduit finalement en acte ce « changement de vie » tant annoncé par la classe politique française tout au long des campagnes électorales de 2007.
« Travailler plus pour gagner plus » : l'annonce phare du candidat Sarkozy sera donc le premier coup de boutoir.
En effet, depuis le 6 juin, un texte préparant la défiscalisation des heures supplémentaires a été déposé pour être adopté cet été et appliqué dès le 1er octobre. Avec cette détaxation, les heures supplémentaires coûteront aux employeurs (privé/public) presque la même chose que des heures ordinaires. Il serait dommage de ne pas en profiter ! La porte est donc grande ouverte et le signal donné aux employeurs pour qu'ils utilisent au maximum le contingent de 220 heures supplémentaires autorisées par an. Les salariés seront vite contraints dans ces conditions aux dépassements horaires mais, « gracieuse compensation », pour « gagner plus »... quelques euros de plus ! Les ouvriers de l'usine Kronenbourg à Obernai, en grève début juin, ont bien compris de leur côté qu'il s'agissait en fait de «Travailler plus pour mourir plus vite ». Alors que la loi facilitant le recours aux heures supplémentaires n'est pas encore entrée en vigueur, les salariés de Kronenbourg enchaînent, depuis le mois de mai, les semaines de 50 heures et ont l'impression de « passer leur vie au boulot ». « Cela fait quatre semaines que j'arrête de travailler à 6 h du matin le dimanche et que je reprends lundi à 6 h », expliquait un salarié.
Cette politique de défiscalisation, visant à alléger les charges patronales a toutefois son revers : où l'Etat va-t-il puiser ses recettes ? Très simple, il suffit de pressurer davantage la classe ouvrière. C'est Jean-Louis Borloo qui (bien malgré lui) a lâché le morceau sur le plateau de TF1 au soir du 1er tour des législatives : « On va regarder l'ensemble des sujets, y compris l'éventualité de la TVA. » L'augmentation de l'impôt indirect sur la consommation impliquant, de facto, une baisse drastique du pouvoir d'achat des ménages.
Aussi, en matière de soins, l'instauration d'une nouvelle franchise d'ici l'automne prochain viendra accentuer la longue marche de démolition du système de santé mise en œuvre à tour de rôle par la droite et la gauche.
Ainsi, chaque année, lors de la première visite chez le médecin ou à l'hôpital, lors du premier examen en laboratoire ou du premier achat de médicament, le malade devra payer une franchise avant de prétendre à un remboursement par la Sécu.
L'objectif ici est sans équivoque, faire des remboursements médicaux un parcours du combattant tel que les malades finiront par renoncer tout simplement à se soigner. En effet, d'ores et déjà, les réformes en vigueur depuis 2004 (déremboursement de médicaments, franchise de 1 euro sur tout acte médical 1, augmentation du forfait hospitalier qui atteint aujourd'hui 18 euros par jour) amènent de plus en plus de personnes à retarder leurs soins ou à accumuler des dettes vis-à-vis de l'hôpital.
Et si la gauche avait gagné les élections, l'avenir n'aurait-il pas été plus radieux... ou moins âpre ? Loin s'en faut !
Pour s'en convaincre, il suffit de voir l'échafaudage du gouvernement en charge de toutes ces attaques. En effet, dans celui-ci, quelques têtes (et pas des moindres) de la gauche (politique et associative) côtoient fraternellement les figures de la droite sarkozyste. Illustration, on ne peut plus brillante, de la formule de campagne de Ségolène Royal, le « gagnant, gagnant » ! Ainsi, non contente d'avoir endigué la vague bleue redoutée au 1er tour des législatives, la gauche se paye le luxe de gagner des sièges... au sein même du gouvernement Fillon II.
Jusqu'à présent, gauche et droite se succédaient au pouvoir tout en assurant la continuité des attaques sur les grands dossiers (santé, retraite, emploi, etc.). Aujourd'hui, le « nouveau style » présidentiel veut que ces coups contre la classe ouvrière soient portés collégialement par un gouvernement de droite où le confrère de gauche a sa place : Kouchner (l'humanitaire sans frontières), Jouyet (l'intime de l'ex-couple Hollande/Royal), Hirsch (le petit frère des pauvres qui a vite compris que charité bien ordonnée commence par soi-même) jusqu'aux derniers entrants du maire PS de Mulhouse, Jean-Marie Bockel, à Fadela Amara (présidente de l'association « Ni Putes Ni Soumises », mais tout compte fait un peu « pute » quand même). La bourgeoisie avait pourtant insisté pour nous faire croire que la gauche et la droite « ce n'est pas blanc bonnet et bonnet blanc ». Une députée PS des Deux-Sèvres déclarait ainsi avant le 1er tour présidentiel que « la gauche et la droite, ce n'est pas la même chose... ce sont deux façons de voir le monde, deux façons de distribuer le fruit du travail ». Ben voyons !
Aussi, l'extrême gauche dans l'entre deux tour, sur le thème du "Tout Sauf Sarkozy", nous avait fait passer exactement le même message.
Tant d'efforts, d'acharnement idéologique et patatras... des élus de la gauche font leur « coming out » en embrassant goulûment Sarkozy.
Le PS peut toujours expliquer que ce ne sont là que des Judas, de vils traîtres qui ont vendu leur « idéal social » au diable pour un plat de lentilles . Il n'empêche que la greffe n'aurait jamais été possible sans une compatibilité certaine.
Sarkozy n'aura eu d'ailleurs que l'embarras du choix dans le grand magasin de la gauche. Encore aujourd'hui les dirigeants historiques, et parmi les plus influents du PS, les DSK, Fabius ou Jack Lang, donnent la patte et remuent la queue sur le péron de l'Elysée dans l'espoir d'être honorés de quelque poste clef (présidence du FMI) ou autres missions ministérielles.
Malek Boutih (ancien président de SOS Racisme et membre du PS) s'est lui aussi habilement positionné en tête de gondole en accueillant la nomination de Fadela Amara comme une « bonne nouvelle » ! « On ne peut pas, au nom des clivages politiciens, condamner les personnes. »
Mais de quel clivage parle-t-il ? S'agit-il de celui opposant une gauche « historiquement ancrée dans le social », « étrangère » et « ennemie héréditaire» d'une droite « attachée aux patronat »... franchement, la supercherie qui avait déjà bien du plomb dans l'aile, vole désormais aussi bien qu'une enclume.
La hâte de ces quelques élus socialistes ou associatifs de gauche à rejoindre le gouvernement Fillon, après avoir mené campagne (férocement) contre Sarkozy, de même que la récente déclaration de Ségolène Royal avouant n'avoir jamais cru au programme du PS qu'elle défendait (notamment sur le SMIC à 1500 euros) en dit long sur le genre de convictions qui animent ces vedettes de la gauche, prétendus défenseurs de la classe ouvrière et des pauvres.
Finalement, la seule chose dont ils sont convaincus, et dont nous devons nous convaincre, c'est de leur appartenance, corps et âme, à la classe exploiteuse.
Jude (28 juin)
1 Le directeur de la CNAM vient de présenter par ailleurs un plan de redressement des comptes de la Sécu prévoyant de réaliser 1,455 milliard d'euros d'économie. Ainsi, la Sécu ne remboursera plus qu'à 50% les actes médicaux délivrés à des patients ne passant pas par un médecin traitant référent et le forfait de 1 euro qui ne pouvait être prélevé que pour un seul acte par jour pourrait l'être jusqu'à 4 actes par jour dans la limite d'un plafond annuel de 50 euros.
"Pour un Etat palestinien libre et autonome"... voici le mot d'ordre scandé depuis des décennies par tous les gauchistes de la planète. Dénonçant la politique barbare de l'Etat d'Israël et les conditions de vie inhumaines des populations de Gaza ou de Cisjordanie, leur "solution" a toujours été de souhaiter la création d'une vraie nation palestinienne, avec son Etat, son armée, sa bourgeoisie.
Les populations de cette région du monde sont effectivement en proie en permanence à la misère, à la répression violente et à la guerre. Mais, contrairement aux apparences, toutes les "bonnes intentions" avancées par les gauchistes, leurs larmes et leur cris humanistes ne font que justifier toujours plus d'horreur et de morts. La perspective d'un Etat palestinien autonome est une impasse. Pire, elle a toujours été un mythe servant à embrigader les populations palestiniennes dans des combats sanguinaires, utilisant leur colère et leur désespoir pour alimenter en chair à canon la boucherie impérialiste du Moyen-Orient.
Les combats inter-palestiniens de ces dernières semaines en sont une nouvelle preuve flagrante. La population est prise entre le feu de deux fractions corrompues et surarmées, censées construire ensemble ce bel "Etat autonome plus humain". La guerre qui fait rage entre le Hamas et le Fatah plonge en fait la population encore un peu plus dans la faim, la terreur et le chaos.
Pourquoi qualifier le vœu d'un Etat autonome palestinien de mythe? Le processus de paix enclenché après la première Intifada de 1987 n'a-t-il pas prouvé le contraire ? En effet, à la fin des années 1980, des discussions officielles entre Israël et des représentants de la bourgeoisie palestinienne furent ouvertes. L'Organisation de Libération de la Palestine (OLP 1) fut reconnue "représentant du peuple palestinien" par l'Organisation des Nations Unies. Cette organisation palestinienne négocia ensuite les accords d'Oslo avec le gouvernement israélien de Yitzak Rabin, donnant naissance à l'Autorité palestinienne. Ayant proclamé en 1988 un Etat de Palestine, l'OLP va siéger à l'ONU en tant qu'observateur permanent. En 1996, l'OLP modifie même sa charte qui visait la destruction de l'Etat d'Israël. Mais en réalité, tout ce processus montre justement qu'il ne peut y avoir d'Etat palestinien autonome. Tous ces accords, toutes ces "avancées", ces "reconnaissances" se sont faites sous l'autorité américaine. Pendant ces années, l'Etat américain avait, en tant que super-puissance, les moyens de freiner les velléités impérialistes de tous les rapaces impliqués dans cette région du globe, y compris l'Etat d'Israël. Son intérêt était alors d'avoir sous sa coupe et sa domination une Palestine la plus calme possible.
Et c'est toujours pour défendre ses intérêts impérialistes qu'à la fin des années 1990, les Etats-Unis vont être contraints de changer de stratégie et de mener, aux côtés de la bourgeoisie israélienne, une politique toujours plus offensive en direction de la bourgeoisie palestinienne. Immédiatement, le « peuple » palestinien va se retrouver dans la misère et le désespoir.
La seconde Intifada, en 2000, mettra cruellement en lumière cet état de dénuement. Qui ne se souvient pas de ces gosses en haillons jetant des pierres aux chars israéliens ! Qui ne se souvient pas de ces populations parquées et assassinées dans des camps ! Il n'en fallait pas plus à l'Autorité palestinienne et à l'OLP pour déverser à flot son poison nationaliste comme aux gauchistes de tout poil pour crier de plus belle au droit des palestiniens à avoir un Etat bien à eux ! Ce langage nationaliste n'hésitait pas à cacher tous les scandales, escroqueries et assassinats auxquels se livraient les différentes fractions bourgeoises palestiniennes composant l'OLP, dont le Fatah et le Hamas.
Aujourd'hui, ce conflit entre le Hamas et le Fatah ne peut plus être caché. Il s'est transformé en une guerre totale où l'ennemi doit être exterminé. Et chacune de ces deux fractions bourgeoises s'est alliée à des puissances impérialistes étrangères. Voilà le vrai visage, celui du sang, de la guerre et des alliances impérialistes, des fractions bourgeoises de la Palestine que nos chers gauchistes voudraient nous faire soutenir !
Gaza est aujourd'hui aux mains du Hamas, et est rebaptisé le « Hamastan ». Cette fraction, créée en 1978 par le Cheikh Yassine, est de tendance sunnite. Sa branche militaire est connue sous le nom de Moudjahidin. On retrouve des camps d'entraînement de ses combattants au Liban, au Soudan et en Iran chiite. En apportant leur soutien, la Syrie et surtout l'Iran espèrent profiter de l'affaiblissement américain et avancer leurs pions.
Quant au Fatah, ce n'est pas un hasard si ses combattants armés ont pu fuir en Egypte ou en Jordanie. Dans les pays arabes, les communautés Chiites et Sunnites sont de plus en plus prêtes à l'affrontement. Des pays à majorité sunnite tels que l'Egypte, la Jordanie ou encore l'Arabie Saoudite sont particulièrement inquiets de la montée en puissance de l'Iran chiite. Ces nations s'empressent donc d'apporter leur soutien au gouvernement moribond de Mahamoud Abbas. Toute cette agitation n'a rien à voir avec un quelconque souci pour les populations palestiniennes de Gaza. En effet l'inquiétude est telle que l'Egypte vient de proposer l'idée d'un déploiement d'une force internationale à Gaza, qui pourrait se faire sans l'accord de la « Palestine » et d'Israël.
Tous ces requins impérialistes, du plus gros aux plus petits, se sont réunis ces derniers jours pour tenter d'enrayer le développement de ce chaos. A Charm el-Cheick, en Egypte, vient de se tenir un sommet réunissant MM Abbas et le chef du gouvernement israélien Olmert, le président égyptien Hosni Moubarak et le roi Abdallah de Jordanie. Tout ce beau monde se retrouve afin de voir comment soutenir les lambeaux restants du pouvoir du Fatah, notamment en Cisjordanie. M Olmert n'a pas hésité ce jour-là, afin d'aider au mieux le gouvernement de M Abbas, de proclamer la libération prochaine de 250 prisonniers du Fatah.
Le drame de Gaza est le révélateur que toute la région d'Asie du Sud-Ouest est au bord du gouffre. Dans cette région, il existe aujourd'hui quatre épicentres de conflits et de tensions : l'Irak, l'Iran, la Syrie, et le Liban, sans oublier le conflit israélo-palestinien. Tout en développant leur propre logique guerrière et barbare, ces conflits sont en train désormais de s'entremêler de telle manière qu'il est désormais impossible de séparer leur dynamique profonde. Quelques semaines avant la guerre interpalestiniene à Gaza, les affrontements entre l'armée libanaise et les milices armées du Fatah Al-Islam, probablement soutenues par la Syrie, dans le camp palestinien de Nahr El bared au nord du Liban, en furent une concrétisation sanglante. Et le Courrier International du 5 juin dernier dans une revue de la presse israélienne peut alors avancer froidement : « La presse israélienne commente l'opportunité de déclencher des opérations militaires contre Damas dès cet été et interpelle les responsables politiques afin de prendre une décision. ». Le chaos de Gaza ne peut que s'étendre dans tous les camps palestiniens, au Liban et en Cisjordanie. Le gouvernement palestinien de Mahmoud Abbas qui ne règne plus que sur quelques camps de Cisjordanie est appelé à s'affaiblir toujours plus. Et l'affrontement entre le Fatah et le Hamas, malgré les paroles apaisantes de ces derniers jours, va s'amplifier. La cause de la nation palestinienne n'a toujours été qu'une mystification aux mains des différentes fractions bourgeoises palestiniennes, pour entraîner le prolétariat et la population dans des boucheries qui ne les ont jamais concernés. Avec la guerre à outrance que se livrent maintenant sans retenue le Hamas et le Fatah, il apparaît clairement où mène une telle politique : à la barbarie et au néant.
Rossi (6 juillet)
1 L'OLP fut créée en 1964 et composée de plusieurs organisations dont le Fatah, le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP) et le Front démocratique pour la libération de la Palestine (FDLP).
Après tout le battage autour du film documentaire d'Al Gore Une vérité qui dérange, après les sommets du GIEC de Paris à Bangkok, tous les grands de ce monde déclarent haut et fort leur volonté d'agir pour protéger l'environnement et assurer l'avenir des générations futures. Cependant, malgré les précédentes déclarations enflammées du sommet de la Terre à Rio (1992) ou les résolutions du Protocole de Kyoto (1998), c'est à vue d'œil qu'augmente la pollution et que les menaces liées à un dérèglement climatique s'amplifient.
Dans l'enchevêtrement de ces déclarations et campagnes mystificatrices, les causes réelles de ce phénomène dramatique sont habilement cachées et les questions sur les solutions possibles demeurent inlassablement sans réponse .
Pour stimuler le processus de réflexion sur les dangers et les racines du réchauffement climatique, le CCI a organisé différentes réunions publiques. Ce fut entre autres le cas à Bruxelles, le 17 mars dernier. Nous publions ci-dessous l'exposé introductif de cette réunion, ainsi que les grandes lignes du débat qui l'ont suivi.
C'est maintenant officiel: le rapport de l'ONU sur le climat nous dit qu'en ce moment des changements climatiques menaçants sont à l'œuvre et seront encore plus sensibles à l'avenir. La chose est certaine et nous pouvons nous attendre aux plus graves scénarios-catastrophes : disparition d'écosystèmes entiers, sécheresse et vagues de chaleur mortelles, tempêtes toujours plus fréquentes et intenses, apparition d'une migration d'un nouveau genre, les « réfugiés climatiques », etc.
Ces changements climatiques sont-ils dus à "l'Homme", à "l'humanité", comme nous le suggère le rapport de l'ONU ? Le journal De Morgen titre : "C'est presque certain : c'est notre faute", en se référant au rapport des Nations Unies où il est dit que "l'Homme" est presque certainement responsable du réchauffement de la terre à cause de l'utilisation des combustibles fossiles. "L'humanité" ? Un monstre d'égoïsme, incapable de penser aux générations suivantes ? Non, la cause du phénomène n'est pas "l'Homme" ou "l'humanité".
Alors, la cause des changements climatiques est-elle l'individu ? Nous utiliserions trop d'énergie, trop d'eau, nous roulerions trop en voiture. C'est ce que nous racontent toujours les médias. Serait-ce à chaque individu d'adapter son comportement de consommateur ou sa consommation d'énergie ? Mais dans la société actuelle, on ne peut choisir qu'entre une voiture polluante et une moins polluante, entre un moyen de chauffage polluant mais meilleur marché et des panneaux solaires, plus chers. Pourquoi travaillons-nous la nuit, à la lumière artificielle, au lieu de travailler de jour, à la lumière du soleil ? Non, la faute n'incombe pas plus aux individus.
La source du phénomène est-elle l'industrie ? En elle-même, l'industrie n'est pas quelque chose de mauvais. En effet, pour la première fois dans l'histoire, le développement des forces productives offre la possibilité de produire suffisamment pour tous. Grâce à l'industrie, les besoins de base de tous les hommes peuvent potentiellement être satisfaits.
La responsabilité des changements climatiques incombe à la société capitaliste, au système de production capitaliste. La véritable origine des changements climatiques n'est effectivement pas dans la "nature destructrice de l'homme", ou dans les "comportements consciemment ou inconsciemment polluants de l'individu", ou enfin dans l'appareil de production en tant que tel, mais dans la manière dont l'industrie, la science et la technique sont aujourd'hui utilisées et développées, donc dans le système de production actuel. Car si les techniques actuelles et les connaissances scientifiques nous permettent de limiter, voire d'éviter la catastrophe écologique, alors pourquoi la société capitaliste ne nous offre-t-elle pas cette possibilité ?
Pouvons-nous résoudre le problème du changement climatique au sein de la présente société capitaliste, des structures économiques, politiques et sociales actuelles ? L'Etat, ou une association d'Etats peuvent-ils résoudre le problème ? C'est la question suivante qu'il faut se poser. Est-ce que le capitalisme peut sauver l'humanité, par exemple au travers de ses structures politiques, de son Etat ? On peut légitimement en douter. Vera Dua, présidente de Groen!, écrivait en mars 2007 sur le site de ce groupe: "On émet à peine moins de CO2 qu'au début des années 1990. Alors qu'il est maintenant clair que dans la période d'après Kyoto, des efforts encore beaucoup plus importants devront être faits". C'est donc très clair : même la bourgeoisie concède que son protocole "révolutionnaire" de Kyoto n'apporte rien. Et que signifient concrètement ces "efforts beaucoup plus importants" ? Payer plus cher les sacs-poubelles, l'électricité et l'eau ? Céder une part du salaire de chacun "pour l'environnement" ? Les Etats du monde entier peuvent-ils s'unir par-dessus les frontières et former un bloc pour prévenir cette catastrophe ? Si les pourparlers entre Etats produisent des résultats au même rythme qu'au récent sommet européen sur le climat, c'est mal parti.
Au sens large, ce problème écologique en revient à poser la question de savoir si le capitalisme peut satisfaire les besoins humains, et donc aussi s'il est capable d'assurer à chacun un environnement sain. Si ce système d'exploitation existait pour satisfaire les besoins humains, on n'aurait pas en même temps une surproduction de nourriture et des famines, on utiliserait depuis longtemps des moyens de transport non polluants, et on développerait la science dans d'autres directions que la production d'armes.
La dernière question, peut-être la plus importante à laquelle il faudrait répondre, est : quelle alternative à la société capitaliste, qui semble être à l'origine de cette misère écologique ? Le débat est ouvert.
Rapidement, la discussion a tourné autour de la question "Quelles sont alors les causes? La nature humaine ? L'individu ? Le capitalisme ?". Le deuxième rapport du GIEC désigne l'homme et l'individu consommateur comme un pollueur: "chacun participe à la problématique (voiture, sacs plastique, chauffage...)", c'est comme ça qu'il pose le problème. Mais tout est individualisé, bâti selon les règles de la concurrence mortelle, et n'a donc pas de solution individuelle, ont répondu les participants. Ce rapport n'apporte qu'un sentiment de culpabilité.
Différents intervenants ont essayé de montrer qu'effectivement, l'homme modifie son environnement, la nature, et que les modifications climatiques ne sont pas seulement un phénomène naturel, mais sont de plus en plus provoquées par l'activité humaine. Lorsque le système capitaliste est entré en décadence au début du vingtième siècle, les ravages sur le milieu naturel ont pris une autre dimension. Ils deviennent impitoyables, comme est impitoyable la lutte que se livrent entre eux les rats capitalistes pour se maintenir sur le marché mondial. Réduire les coûts de production au minimum pour être aussi concurrentiel que possible devient une règle incontournable pour survivre. Dans ce contexte, les mesures visant à endiguer la pollution industrielle deviennent naturellement un surcoût inacceptable. Le capitalisme ne s'est jamais beaucoup préoccupé du bien-être de la planète ou de l'humanité, mais avec sa faillite historique, c'est devenu beaucoup plus grave et le processus s'accélère. L'accumulation de capital est le but premier de la production capitaliste, et le sort imposé à l'humanité ou à l'environnement n'a aucune importance... : tant que ça rapporte, c'est bon. Le reste est finalement quantité négligeable, un détail sans importance.
Les campagnes idéologiques qui sont menées actuellement à grand bruit cherchent à empêcher la prise de conscience du fait que la logique capitaliste est l'unique responsable de ce réchauffement climatique. Plus fort, le problème est exploité pour exiger des sacrifices, non de la part de la bourgeoisie, mais de celle de la classe ouvrière. Sous différentes formes, des mesures d'austérité et des impôts "pour l'environnement" sont mis en œuvre par des moyens détournés (journée pull-overs, dimanches sans voiture, journée du vélo, taxe sur les vieilles voitures, sur les sacs plastique, sur le chauffage...). Mais ce n'est pas tout. La problématique est également utilisée dans la bataille concurrentielle avec d'autres pays. Ainsi, on essaye d'imposer des normes écologiques à la Chine pour protéger ses propres marchés.
La participation active au débat de la majorité des participants a fait qu'il ne restait plus de temps pour une discussion approfondie sur les alternatives et les solutions durables. Différents participants ont tout de même montré par de nombreux exemples que, déjà avec le niveau actuel de la science et de la technologie, beaucoup de choses sont possibles avec des conséquences beaucoup moins nuisibles. C'est ainsi entre autres qu'on a parlé de projets spectaculaires mis en oeuvre dans différentes parties du monde par un bureau d'architectes de New York. Mais la discussion a rapidement montré qu'aujourd'hui, de telles expériences ne voient le jour qu'à la condition de mener à un profit suffisant. Dans un certain nombre de cas, ces projets ne servent qu'à donner une image de "bonne volonté" pour pallier la mauvaise réputation d'entreprises polluantes (par exemple, Shell, Nike, Monsanto...). Mais cette discussion a révélé qu'implicitement, sur le plan scientifique et technologique, les jalons d'une autre manière de produire et de vivre sont présents. Les intervenants étaient d'accord que la seule entrave à la réalisation de cette alternative était celle du capitalisme et des lois du marché, pas les limites de la technologie ou de la science.
La plupart étaient d'accord sur la nature et la gravité des problèmes, et aussi avec l'analyse globale développée par le CCI. Et surtout, tous étaient d'accord que la création d'une société centrée sur l'homme et son avenir est devenue un besoin urgent.
D'après Internationalisme n°331, publication du CCI en Belgique
L'objectif du projet de réforme des universités ne fait pas mystère. Derrière l'hypocrite intitulé "développement de l'autonomie" et contrairement à ce qu'il prétend, l'Etat français veut réduire les dépenses et coupe encore un peu plus le robinet à l'enseignement supérieur. En se contentant de financer quelques pôles universitaires de haut rang, capables d'alimenter la recherche et les innovations industrielles, il condamne les autres à devenir de véritables "facs poubelles". En perspective, cette attaque contient évidemment aussi la hausse progressive des frais d'inscription : quitte à ce que les enfants d'ouvriers fassent des études qui ne débouchent sur rien, autant qu'elles leur coûtent un maximum.
Pour mieux faire passer cette attaque, l'Etat a pu une nouvelle fois compter sur ses chiens de garde, les syndicats... en l'occurence, les syndicats étudiants. Ces derniers ont parfaitement joué leur rôle, gonflant le torse devant le gouvernement Fillon juste ce qu'il faut pour être crédibles et focaliser l'attention sur une quantité d'alinéas sans importance de la loi (tel que le nombre de représentants étudiants aux Conseils d'administration). Mais le pire est sans conteste le fait qu'ils aient mené ce sale boulot en revendiquant la paternité du mouvement anti-CPE.
Parfois, les journalistes nous en racontent de bien bonnes. N'hésitant pas à ré-écrire l'histoire, les médias ont en effet présenté les jeunes bonzes syndicaux assis à la table des négociations gouvernementales comme les chefs légitimes du mouvement du printemps 2006. Bruno Julliard, président de l'Union Nationale des Etudiants de France (Unef, véritable marionnette du Parti socialiste) est ainsi élevé par ces plumitifs au rang de "leader [...] de la révolte anti-CPE", un « combattant » qui n'hésite pas à menacer Sarkozy en personne : "Le leader anti-CPE tient Sarkozy et sa réforme de l'université en ligne de mire"[1] [2].
Halte-là et bas les pattes ! Si une chose est sûre, c'est que la lutte contre le CPE n'appartient pas aux syndicats ! L'UNEF, la Confédération étudiante, la Fédération Syndicale Etudiante (FSE), tous n'ont eu de cesse, derrière leurs beaux discours, de mettre des bâtons dans les roues aux étudiants en lutte, d'endiguer l'extension du mouvement vers l'ensemble de la classe ouvrière.
Les plus grandes résistances à l'ouverture des assemblées générales aux travailleurs, aux retraités, aux chômeurs, sont venues explicitement des membres patentés du syndicat étudiant Unef. Lors d'une réunion de la coordination nationale le samedi 4 mars à l'université Jussieu à Paris, des militants du CCI se retrouvent parmi une trentaine d'ouvriers bloqués devant les portes de l'amphithéâtre. Les militants de l'UNEF refusent de nous laisser entrer sous prétexte de "protéger l'assemblée et de veiller à son bon déroulement". Un Rmiste, venu de Lyon tout spécialement pour témoigner sa solidarité, en reste sidéré. Il faudra que les étudiants se revendiquant "non syndiqués" affirment et ré-affirment pendant plus de deux heures à la tribune de l'AG leur volonté de nous laisser entrer (tout en venant nous informer régulièrement de l'état de la discussion) pour qu'enfin les portes s'ouvrent. Ce sabotage caractéristique de la part d'officines syndicales n'est pas une simple anecdote, un fait isolé. Au fur et à mesure du développement du mouvement, de plus en plus d'étudiants ont pris conscience du véritable rôle de l'Unef. Ainsi, scandé par des dizaines de jeunes, a retenti dans l'amphithéâtre de l'université de Tolbiac à Paris un message sans ambiguïté: "UNEF-MEDEF... UNEF-MEDEF !..."
L'UNEF a transmis à toutes ses sections dès le début de la lutte une véritable recette pour le noyautage des AG et leur sabotage. Ce document édifiant intitulé "CPE : Fiche pratique de mobilisation" [3] a circulé entre les mains de centaines d'étudiants. En voici un petit extrait : "La tribune [...] est un outil technique important pour le bon déroulement de l'AG, il faut donc la maîtriser parfaitement. [...] Il faut donc absolument que l'UNEF y soit représentée et même majoritaire si possible. [...] Le président de séance : le mieux c'est que ce soit la personne de l'UNEF." Pourquoi vouloir à tout prix maîtriser la tribune ? Pour "le bon déroulement de l'AG" ? Pas du tout, puisqu'il s'agit en fait de "limiter dès le début le temps d'intervention pour tous et intercaler un mec UNEF et autres forces mais sans que cela soit visible" et toujours plus fort "il faut absolument un ou deux cadres qui soient chargés de gérer la salle, faire intervenir les camarades pour que l'UNEF ou des proches UNEF interviennent dans notre sens, aller parler aux gauchistes ou droitiers pour les occuper et minimiser leur prise de parole" (souligné par nous).
Ces méthodes crapuleuses pour accaparer le contrôle des AG sont à l'opposé de la nature réelle du mouvement anti-CPE, marqué par la volonté des étudiants de débattre, de façon ouverte et fraternelle, entre eux et avec toute la classe ouvrière. Ce travail de sape de l'UNEF avait pour but de limiter l'extension du mouvement, d'en faire un problème purement estudiantin, pour que surtout les ouvriers ne se joignent pas à la lutte. En voici une nouvelle preuve toujours tirée de la fameuse "Fiche pratique" : "Les AG doivent débattre du CPE et pas de toutes les réformes gouvernementales ou du bonheur sur la terre, il faut axer nos interventions sur ce qui touche les étudiants." (souligné par nous) Fort heureusement, les étudiants ne sont pas tombés dans le panneau et ont, au contraire, mis de plus en plus en avant les revendications communes à toute la classe ouvrière : le chômage, la paupérisation, etc.
Voilà le vrai visage de l'UNEF et de son président, celui que les journalistes ont hissé au titre de "leader de la révolte anti-CPE" !
La lutte contre le CPE a montré l'importance de voir derrière chaque attaque, la paupérisation générale de toute la classe ouvrière. La réforme actuelle des universités, si elle vise en particulier les jeunes générations, s'inscrit elle aussi dans le flot continuel d'attaques qui touchent toute la classe ouvrière. C'est cette vérité-là que les officines syndicales étudiantes, tout comme leurs grandes sœurs, tentent de cacher. Tout ce qu'ils ont dit ou fait durant ces négociations est un véritable bras d'honneur au mouvement de 2006.
Ne laissons pas ces chefs syndicaux récupérer frauduleusement une victoire de la classe ouvrière et de ses nouvelles générations ! Ne les laissons pas dénaturer les leçons vitales de cette lutte !
Pawel (2 juillet)
1. 20 Minutes du 22 juin 2007
2. C'est tout un art des médias que d'imposer aux esprits ce genre d'icones toutes faites et d'idées tout aussi préfabriquées qui permettent de dénaturer le sens profond d'un mouvement. Julie Coudry par exemple, gauchiste et présidente de la Confédération étudiante (filiale de la CFDT), avait été sacrée l'an dernier "égérie de la contestation anti-CPE"... en toute simplicité.
3. Ce texte a été reconnu très officiellement par le président de l'Unef dans Le Monde du 14 février 2007. En voici le contenu :
ATTENTION : le nombre de personnes présentes à la 1ère AG dépend du nombre de personnes que vous aurez rappelé et donc de votre nombre de pétitions avec n° de tel. En gros si vous rappelez efficacement 1500 personnes vous aurez 150 personnes à l¹AG donc pas de précipitation une AG se prépare !
De même si vous avez plusieurs facs, n¹hésitez pas à centrer sur une seule pour après étendre le mouv¹ !
-Avoir fait une information massive sur le CPE, il faut donc faire campagne largement avant la tenue de l¹AG
La journée type où l¹on apparaît en tant qu¹UNEF, c¹est très important !
- Diff à 7h45
- Coller partout l¹affiche accompagnée d¹un bandeau local avec date de l¹AG
- Tenue de tables
- Interv en amphi avec diff massive à l¹entrée du tract (+ flyer AG) et circulation de pétition. C¹est ce qui permet de toucher le plus de monde et donc d¹avoir des AG massives
- Passage en cité U (porte à porte)
- Rappels + taper fichier tous les soirs à partir de 18h
Il faut en plus :
- Le week-end qui précède l¹AG : faire des rappels massifs : adhérents, contacts pétition
- LUNDI : organiser le Collectif d¹AGE avec les plus motivés que vous avez rencontrés. Ce collectif doit être : préparé (répartition des interv, préparer un point d¹analyse en amont), dynamique (plusieurs personnes doivent prendre la parole), efficace (prévoir un planning militant à l¹avance sur lequel les gens peuvent s¹inscrire) et concret (fixer avec les étudiants une date de 1ère AG d¹information).
- Le soir qui précède le jour de tenue d¹AG : envoyer un texto à tous les numéros de portables récoltés à programmer pour le lendemain matin 10h.
-La fac doit avoir un aspect de mouv¹ : affiche partout, banderolle, etc
-Le soir qui précède faire une réunion spéciale préparation de l¹AG avec les camarades pour se répartir les rôles, les interv¹, l¹ODJ (voir organisation de l¹AG) uniquement avec les cadres et cadres intermédiaires.
Les différents éléments d¹une AG :
-la tribune
-l¹ordre du jour
- l¹assemblée en elle même
C¹est éléments ont une importance différentes en fonction des autres forces présentes. Ils varieront donc en fonction (gauchistes veulent être ou non à la tribune, autres mobilisation qui se font en parrallèle)
- la tribune :
La tribune sert à éviter que les AG soient trop bordéliques. Elle est un outil technique important pour le bon déroulement de l¹AG, il faut donc la maîtriser parfaitement. Sa fonction est d¹organiser les débats. Il faut donc absolument que l¹UNEF y soit représentée et même majoritaire si possible. Elle peut être composée de 3 personnes aux taches différentes :
* Le président de séance : le mieux c¹est que ce soit la personne de l¹UNEF.
Il lance le débat en introduisant les différents points à l¹ordre du jour et distribue la parole. Il doit gérer l¹AG ( énervement, confusion, enthousiasme, longueurs ) et rythmer le déroulement de celle ci. Sa fonction la plus difficile est d¹essayer tout au long de l¹AG de récapituler les
différents points de vue et de formuler des propositions. Quand cela est nécessaire il doit aussi faire passer aux votes sur des propositions claires.
Il est fondamental que cette personne sache s¹imposer, qu¹elle est un sens "politique " de la situation, qu¹elle sache où elle veut arriver à la fin de l¹AG, qu¹elle connaisse parfaitement la tête de toutes les autres forces,
qu¹elle soit assez intelligente pour gérer une liste d¹inscrits. (limiter dès le début le temps d¹interv¹ pour tous et intercaler un mec UNEF et autres forces mais sans que cela soit visible)
* Les 2 preneurs de notes : il faut mieux qu¹il y en ait un des deux qui soit de l¹UNEF Ils prennent en notes les débats propositions et décisions de l¹AG qui seront ensuite proposées par le président de séance
Pour aider, le camarade qui tient la présidence, il faut absolument un ou deux cadres qui soient chargés de gérer la salle, faire intervenir les camarades pour que l¹UNEF ou des proches UNEF interviennent dans notre sens, aller parler aux gauchistes ou droitiers pour les occuper et minimiser leur prise de parole, gérer tout événement perturbateur puisque celui qui est à la tribune ne peut pas le faire.
Il faut aussi un camarade qui soit en charge spécifiquement de faire passer une feuille de présence pour récupérer les coordonnées. Il ne doit pas quitter la feuille des yeux et la récupérer obligatoirement à la fin. Ces contacts sont la chose la plus précieuse de l¹AG.
- l¹ordre du jour
Afin que l¹AG soit bien organisée, il est utile de proposer un ordre du jour. Il faut toujours commencer par un point sur le projet CPE et ces conséquences pour les jeunes et les salariés (Cela permet que si de nouvelles personnes viennent à chaque AG elles soient informées et donc capables d¹en parler après autour d¹elle). Il faut toujours faire un point sur l¹état de la mobilisation (sur la fac et ailleurs) et le calendrier.
L¹ordre du jour doit être inscrit au tableau et les points rayés au fur et à mesure de leur traitement.
- l¹assemblée générale
Une assemblée est toujours longue. C¹est une chose que l¹on ne pratique pas souvent. Les débuts sont souvent chaotiques. C¹est pourquoi elle doit être organisée très en amont. Il faut se placer dans la salle non pas tous ensemble (bien au contraire) mais éparpillés dans l¹amphi pour discuter avec
les gens autour. Il faut avoir préparé des interventions des camarades en amont pour que l¹AG soit dynamique et que nos mots d¹ordre et rythmes passent dans l¹AG. Lorsque l¹on prend la parole il est important de s¹adresser avant tout à l¹AG et non pas à la tribune ce sont les étudiants
dans la salle qu¹il faut convaincre pas les autres forces.
Tous les documents d¹analyse doivent être présents à l¹AG
Attention , les gauchistes vont vouloir voter la grève le plus tôt possible. Lorsqu¹on vote la grève il faut pour voir l¹organiser, donc il faut que l¹AG soit massive. On ne vote pas la grève à 50 ni même à 300. Une prochaine fiche arrivera sur la gestion de la grève.
Voici l¹ensemble des commissions qui peuvent être crées mais les deux plus importantes sont le comité de mobilisation et la presse. Dans l¹idéal la commission presse ne doit pas exister et c¹est l¹UNEF qui doit gérer cela mais si insistance bien mettre un mec de l¹UNEF dans cette
commission. Surtout ne jamais donner le fichier presse de l¹UNEF à qui que ce soit, seul le président ou le responsable presse doivent l¹avoir.
- Comité de mobilisation
Il coordonne les commissions et prépare les assemblées générales. Il peut notamment proposer un calendrier pour la semaine
-Commission Action
Elle propose au comité de mobillisation des actions (manifestations , occupations, évènements artistiquesŠ) qui seront ensuite votées par l¹AG, et les organise.
Cette commission s¹occupe donc de plusieurs groupes de travail :
- Confection de banderoles, pancartes, etc(confection)
- Commission chants / slogans
- Service d¹ordre et parcours des manifs
C¹est la commission dans laquelle s¹investissent le plus les gauchistes: il faut donc la blinder pour ne pas se retrouver avec des occupations.
- Commission Externe
Elle s¹occupe de diffuser l¹information à l¹extérieur de l¹université, et est donc divisée en sous groupes :
- Presse (plusieurs personnes peuvent s¹occuper d¹écrire les communiqués de presse qui doivent se terminer par le numéro du président d¹AGE, mais une seule doit être le référent auprès des journalistes)
- Lycées : organise l¹envoi de délégations dans les lycées pour y faire de l'information et appeler aux manifs, ce qui est essentiel car ce sont les lycéens qui permettent de rendre très massives les manifestations. Un tract spécifique doit être fait pour eux.
- Autres universités : envoi de délégations pour lancer la mobilisation dans les autres facs de la ville, quand c¹est nécessaire
- Commission interne
Elle gère l¹information et les actions à l¹intérieur de l¹université. Elle permet de centraliser toutes les informations et de les mettre à disposition
- Point information : Le point information doit être un point central de l¹université, vers lequel on renvoie tous les étudiants. Il met à disposition des étudiants : les tracts de l¹AG et des différentes organisations, les textes de loi, la revue de presse de la mobilisation. Il s'occupe de centraliser et d¹afficher les différents rendez-vous : comité d¹action, commissions, groupes de travail, actions et prochaine AG. Il peut organiser des amphis d¹informations
- Organisation des piquets de grève : lorsque les piquets de grève sont mis en place, un référent doit en permanence organiser la rotation sur les piquets. Des réunions avec les IATOS s¹occupant de la gestion des locaux et de la sécurité permettent de décider quelles portes sont fermées (par la fac ou par des tables et chaises) et quelles portes sont filtrées par les piquets de grève. Cette sous-commission peut également proposer à l¹AG une liste de filières qui ont le droit de faire cours (genre prépas concours)
- Caisse de mobilisation : Composée si possible d¹un militant de l¹UNEF et d¹un étudiant lambda (ce qui empêche que l'on accuse l¹UNEF de quoi que ce soit), elle s'occupe de récupérer de l¹argent pour la grève, et d'autoriser
les dépenses. Elle rend des comptes au comité de mobilisation
- Si il y a d¹autres forces, l¹UNEF se met à disposition du mouvement et des étudiants quand elle estime que les revendications sont aussi les siennes.
Pas la peine d¹apparaître en tant qu¹UNEF absolument (autocollants), les étudiants savent que vous êtes à l¹UNEF. Par contre les militants de l¹UNEF doivent être toujours présents, faire des propositions.
- Les AG doivent débattre du CPE et pas de toutes les réformes gouvernementales ou du bonheur sur la terre, il faut axer nos interventions sur ce qui touche les étudiants
- Il faut donc voter des appels courts uniquement sur le CPE. S¹il y a d¹autres revendications, il faut les voter à part. L¹argument pour ne jamais élargir les mots d¹ordre c¹est de rester sur le plus petit dénominateur commun qui fait l¹unité de tous : le retrait du CPE.
- Les documents d¹analyse du CPE doivent être largement utilisés.
- Dans chaque ville universitaire, il faut qu¹il y ait un référent pour les étudiants mobilisés qui est à la tribune de l¹AG, c¹est le président de séance, celui qui va répondre à la presse..
- Dans les AG où des mobilisations sont votées où les étudiants sont très nombreux, il faut mettre en place des commissions (action, réflexion, extérieurŠ) qui préparent les AG.
- Si certains s'amusent à taper sur l¹UNEF, il faut en appeler à l'unité pour le retrait du CPE
" Nous, étudiants de XXXX, réunis en Assemblée Générale le XXXX, exigeons le retrait pur et simple du CPE
- Il permet de faire des jeunes un main d¹¦uvre corvéable et jetable en permettant que l¹employeur puisse licencier pendant deux ans sans motif quasiment sans préavis et sans indemnités les jeunes employés sous ce type de contrat
- Il empêche les jeunes de faire des projets d¹avenir (logement, naissance, prêt,...) et d¹organiser un parcours professionnel
- Il constitue un véritable cadeau aux grandes entreprises
- Il déréglemente entièrement le Code du Travail
- Il ne permettra pas de résoudre le chômage
Nous, étudiants de XXXX, refusons d¹être un main d¹oeuvre corvéable et jetables Nous exigeons le retrait pur et simple du CPE. En ce sens, nous appelons l¹ensemble de la communauté universitaire française et les salariés de ce pays à se mobiliser pour le retrait du Cpe et à participer aux actions allant dans ce sens "
+ rajouter appel à la manif ou autres AG en fonction
Lors de sa traditionnelle fête de la Pentecôte à Presles, Lutte Ouvrière (LO) a, comme à son habitude, organisé deux types de débats : "forums politiques" et "forums d'entreprises".
La distinction n'est pas gratuite. Pour LO, il s'agit avant tout de séparer les discussions d'ordre " général " (conflits sociaux à l'étranger, histoire du mouvement ouvrier ou actualité politique...) confinées, soit dit en passant dans un espace ridiculement petit et confidentiel nommé " Cité politique ", des questions prétendument particulières à telle ou telle entreprise, disséminées en une multitude de forums aux quatre coins de la fête, consacrés exclusivement, tour à tour, à Alcatel, Peugeot-Citroën, la Sécurité sociale, etc.
Ainsi, lors d'un de ces " forum de boîte " intitulé "De Peugeot-Citroën à Renault, les travailleurs de l'automobile face aux suppressions de poste et aux pressions patronales", le CCI est intervenu pour mettre en avant la nécessité de briser l'enfermement corporatiste dans les luttes en s'appuyant sur le fait que, dans la plupart des secteurs, les ouvriers sont confrontés en même temps exactement aux mêmes attaques : à la fois aux suppressions massives d'emploi, à la question des salaires et à la détérioration des conditions de travail. Pour montrer qu'il n'était pas possible de s'en tenir au seul secteur de l'automobile, nous avons illustré nos propos par les exemples édifiants d'Airbus et d'Alcatel. Aussitôt, un militant de LO a rétorqué qu'il "ne fallait pas tout mélanger" et qu'ici c'était "un forum sur les problèmes de l'automobile" : "Si tu veux parler de l'aéronautique ou d'Alcatel, il y a d'autres forums prévus pour cela." Voilà bien une réaction caractéristique de la méthode et du rôle de LO ! Derrière des slogans comme "Tous ensemble !" et des phrases ronflantes dans sa presse ou ses discours sur "l'unité et la solidarité des travailleurs", dans sa pratique, LO n'a de cesse de morceler et diviser les ouvriers, cherchant à isoler, à enfermer, à engluer chacun d'eux dans les problèmes particuliers de "son" entreprise, de "son" secteur.
Mieux encore, au moment même où se tenait ce forum sur "l'automobile française", LO organisait séparément une autre discussion "sur la situation politique et sociale en Espagne" centré sur les suppressions d'emplois chez l'équipementier automobile Delphi à Puerto Real ! Cette lutte, sans conteste, concernait pourtant bien le secteur de l'automobile mais ce qui prévalait là, selon LO, c'était les "spécificités nationales". Rien à voir avec la France puisque, là-bas, de l'autre côté de la frontière, les attaques sont menées sous la houlette du gouvernement "socialiste" de Zapatero (sic !). LO met en avant cette "spécificité" dans le seul but de masquer ce que révèle à l'évidence la lutte des ouvriers de Delphi : droite ou gauche au pouvoir, ce sont les mêmes attaques qui pleuvent sur la classe ouvrière. Cette vérité toute nue est aujourd'hui fort gênante pour LO, faisant tomber l'alibi essentiel de son appel à voter pour la candidate socialiste Ségolène Royal : "faire barrage aux mesures de la droite sarkozyste"1. Quand le CCI est intervenu dans ce débat pour souligner l'unité du combat de la classe ouvrière, rappelant que dans cette région d'Espagne les ouvriers d'Airbus avaient commencé à se joindre à la lutte et à développer une solidarité ouvrière2, la seule réponse de LO a été que cette mobilisation n'avait servi à rien puisqu'elle n'avait pas suffi à empêcher les licenciements. C'est pourquoi LO prônait "une autre orientation politique" : il fallait plutôt "faire pression sur le gouvernement pour réclamer l'expropriation des employeurs qui licencient et demander l'ouverture et le contrôle des livres de compte de l'entreprise".
Quelle surprise ! On reconnaît là un des refrains favoris entonnés par LO tout au long de sa campagne électorale en France. Les recettes de LO pour saboter la solidarité ouvrière ne connaissent certes pas de frontières. Chaque fois que le prolétariat affirme et développe quelque part la solidarité dans ses luttes, LO s'y oppose toujours et partout plus ou moins directement sous prétexte que "ce n'est pas le lieu", ni le "bon moment", ni encore la "bonne stratégie". Cette organisation dévoile ainsi sa véritable nature et sa véritable fonction : diviser et saboter les luttes aux côtés des autres organes bourgeois chargés d'encadrer la classe ouvrière.
W (21 juin)
1 Rappelons en passant que le CCI se trouve interdit de stand depuis 1992 pour avoir osé brandir les Unes de LO appelant à voter Mitterrand en 1974 et en 1981.
2 Lire notre article "Fermeture de l'usine Delphi en Espagne : Nous ne serons forts que dans la lutte massive et solidaire" publié dans RI n°378 d'avril et disponible sur notre site Internet www.internationalism.org [854]
Trois tentatives d'attentats à la voiture piégée lors du dernier week-end du mois de juin, dans le centre de Londres et à Glasgow, suivi par l'interpellation éclair des poseurs de bombes, auront suffi pour exposer à la face du monde l'incroyable efficacité des services de police de Sa Majesté. Mais si Scotland Yard a pu remonter aussi vite la piste des coupables ce n'est pas grâce au flair ou à l'œil acéré de quelque Sherlock Holmes en puissance mais plutôt grâce aux milliers de caméras de vidéosurveillance high-tech qui scrutent, 24h sur 24, jusqu'au moindre recoin des plus insignifiantes ruelles de Londres.
De quoi faire pâlir d'envie, de l'autre côté de la Manche, une bourgeoisie française très en deçà des 4,2 millions de caméras du Big Brother anglais (soit une caméra pour 14 habitants).
Le réveil de la menace terroriste, via l'Angleterre, constitue donc pour la France une sérieuse aubaine afin de moderniser son dispositif policier. Avec 330 caméras dans ses rues « Paris n'est pas au niveau de Londres », forte (pour sa part) de 65 000 caméras ! Voilà donc la grande leçon que les médias français n'ont cessé de mettre en exergue, préparant par là le terrain justifiant une « remise à niveau ». Ainsi, d'après le nouveau préfet de Paris, Michel Gaudin, « La capitale doit de toute urgence rattraper son retard en matière de vidéosurveillance ».
Cependant, il n'est pas du tout évident de faire accepter à une population, surtout lorsqu'elle vit dans un des pays centraux du monde capitaliste, la surveillance quasi-permanente de ses moindres faits et gestes... l'illusion démocratique de vivre dans un monde libre en serait instantanément écornée. C'est pourquoi, si la France, sous couvert de lutte anti-terroriste, s'est dotée depuis 2005 d'un arsenal juridique offrant la possibilité d'implanter davantage de caméras, leur installation effective est plus délicate. Fort heureusement, au regard du glorieux succès de l'enquête menée par la police britannique, c'est en toute décontraction que le gouvernement français a pu faire l'annonce de la mise en place d'un « plan de grande ampleur de caméras en France », (déclaration du porte parole de Matignon, Laurent Wauquiez, le 4 juillet).
« Moins de liberté pour plus de sécurité»... la lutte contre le terrorisme est indéniablement le meilleur prétexte pour légitimer le flicage tous azimuts. Il faut dire qu'avec la bourgeoisie, la qualification de « terroriste » est aussi souple que vaste. Ainsi, tout ce qui bouscule ou remet un tant soit peu en cause l'ordre établi de son système est immédiatement associé au « terrorisme fanatique » ou au « grand banditisme ». Nous ne sommes pas dupes, il est clair que le but ultime de ces caméras omniprésentes est moins de déjouer d'éventuels attentats concoctés par des fous de Dieu que la surveillance de son ennemi mortel, la classe ouvrière. Le Figaro, en date du 4 juillet, nous en donne d'ailleurs un aperçu : « Sur certains sites, de simples webcams suffisent, pour visionner les foules ou les embouteillages. Mais pour l'identification judiciaire, il faut du matériel beaucoup plus performant. Lors du mouvement contre le CPE, la police a même expérimenté le renvoi des images par satellite considéré comme une solution d'avenir. »
Parce que la bourgeoisie sait que seule la classe laborieuse est une classe dangereuse pour la survie de son système d'exploitation, elle se fait un devoir de la surveiller avec autant d'attention qu'une casserole de lait sur le feu.
Azel (6 juillet)
Depuis son indépendance en 1956, la population du Soudan n'a connu que la guerre et la misère. Mais à partir de 2003, une odeur de sang et de mort va se répandre au Darfour comme jamais auparavant. Cette province du Soudan, à peu près grande comme la France, ne compte que 200 kilomètres de route asphaltée, aucune infrastructure. On n'y trouve rien, si ce n'est du pétrole ! De fait, cette région n'est qu'un immense mouroir, livré aux pires atrocités. "L'histoire de cet homme qui a fui le village de Kurma, à 65 kilomètres d'El-Fasher, résume à elle seule, ce que veut dire la vie au Darfour ! En février 2004, des Janjawids, ces cavaliers armés, ont fondu sur ce village d'agriculteurs, brûlé les maisons, violé les femmes." (Courrier International du 24 juin). La presse bourgeoise déverse jusqu'à la nausée ces témoignages de massacres. Aucun être humain normalement constitué ne peut rester indifférent devant autant d'horreur. En quatre ans, il y aurait eu 200 000 morts et deux millions de déplacés. Plus de 230 000 d'entre eux auraient fui de l'autre côté de la frontière tchadienne, vivant dans des camps sans aucune ressource et en proie à la violence quotidienne de bandes armées sans foi ni loi.
Et, comme d'habitude, tous les vautours impérialistes participent frénétiquement à la curée, le plus répugnant étant sans nul doute les discours humanitaires déclamés sur un ton indigné par les "grands de ce monde" afin de justifier leur politique barbare. L'humanitaire est toujours le parfait alibi pour les campagnes guerrières.
Même s'il en prend les apparences et que ces apparences sont amplifiées médiatiquement, même si c'est localement que la population souffre, le conflit au Darfour n'est pas en soi un événement local ou régional. Ce sont les intérêts impérialistes à l'échelle de la planète qui déterminent les enjeux de ce drame.
Depuis plus de 50 ans, le Tchad, l'Erythrée ou l'Ouganda, la France, Israël ou les Etats-Unis, tous se vautrent à tour de rôle ou simultanément dans des conflits qui ravagent le Soudan. Ce pays, proche de la péninsule arabique, borde les eaux de la mer Rouge et a pour pays frontalier l'Egypte. Sa position lui confère donc une importance géostratégique qui attise les convoitises impérialistes. Et aujourd'hui, ce qui déclenche une telle flambée guerrière est sans aucun doute l'arrivée d'un nouveau venu dans l'arène, la Chine. En effet, profitant de l'affaiblissement américain, suite au fiasco de la guerre en Irak, la Chine avance ses pions partout où elle le peut. La Chine ne peut pas encore rivaliser avec les plus grandes puissances pour se faire une place significative au Moyen-Orient. Elle est donc pour l'instant contrainte de se rabattre sur les zones de seconde importance, notamment en Afrique. Et sur ce continent, le Soudan est pour ce nouveau vautour impérialiste une cible stratégiquement primordiale. Il faut savoir que le Soudan possède les plus vastes ressources de pétrole inexploitées d'Afrique. L'exploitation de l'or noir y a débuté en 1960, mais ce n'est qu'en 1993 que la production a véritablement commencé. Actuellement, il y est produit près de 750 000 barils par jour. Toutes les grandes puissances de ce monde ont besoin de pétrole pour faire tourner leur économie. Mais surtout, aujourd'hui plus que jamais, le pétrole est une arme stratégique.
Pour chacune des grandes puissances, contrôler les zones d'approvisionnement en pétrole, c'est en priver directement les principaux adversaires, c'est affaiblir d'autant leur puissance guerrière et impérialiste. Pour la France ou les Etats-Unis notamment, ce qui ne peut pas être contrôlé doit tout simplement être détruit. Telles sont les raisons cachées du génocide en cours au Darfour.
Plus concrètement, la Chine protège aujourd'hui sans vergogne le régime soudanais d'Omar El-Béchir et les milices armées "janjawids", en place depuis 1989. C'est pourquoi, depuis 1997 et l'embargo décrété à l'égard du Soudan par les Etats-Unis pour cause de lutte contre le terrorisme, ce pays s'oppose à toute mesure de rétorsion à son égard. Il est de notoriété publique que la Chine fournit massivement des armes au régime de Khartoum. Le 10 mai dernier, Pékin promettait encore d'envoyer sur place 275 ingénieurs militaires. De l'autre côté, les Etats-Unis veulent mettre à mal le pouvoir soudanais, qu'ils ne peuvent pas contrôler, par une manœuvre claire qui consiste à soutenir militairement tous les mouvements armés qui s'opposent au régime d'El-Bachir. Quant à la France, déjà massivement implantée militairement aux alentours directs du Soudan par la présence de 1200 soldats au Tchad et des centaines d'hommes surarmés et suréquipés en République centrafricaine et au Gabon, il s'agit maintenant directement de tenter de renforcer son rôle et sa présence au Darfour, tout en tentant d'empêcher le chaos de s'étendre dans ses zones d'influence limitrophes.
La cause humanitaire a toujours constitué un alibi de choix des puissances impérialistes pour justifier leurs interventions militaires et occulter les massacres qui s'en suivent.
Pour alimenter cette macabre mise en scène, la bourgeoisie a, d'ailleurs, toujours pu compter sur la participation active des guignols du « show-business ». Conscients ou non de leur rôle, marionnettes ou cyniques arrivistes, les acteurs, les chanteurs et autres bonnes âmes célèbres s'empressent toujours d'envahir les écrans de télévision pour pleurer sur le sort des populations et appeler à la réaction internationale. On se souvient des années 1980 marquées par l'engagement des artistes américains pour l'Afrique (le célèbre « USA for Africa ») auquel la France avait réagi avec orgueil en chantant quelques mois plus tard pour l'Ethiopie. Vingt ans après, on mesure le succès de ces opérations à l'aune de la misère et de la barbarie qui ont continué imperturbablement de ravager le continent.
Aujourd'hui, France et Etats-Unis se retrouvent ponctuellement ensemble dans un bras de fer diplomatique les opposant à la Chine afin de faire reconnaître officiellement à la communauté internationale l'existence d'un génocide au Darfour, reconnaissance qui offrirait à ces carnassiers un blanc-seing pour déployer leurs forces dans la région et participer à la boucherie générale.
Dans cette bataille, les Julien Clerc, Samuel Le Bihan et autres Brad Pitt prennent leur place en lâchant leurs larmes de crocodiles en même temps que leur supplique... « Save Darfour ! » Plus directement encore, l'actrice Angelina Jolie, ambassadrice du Haut Commissariat pour les Réfugiés à l'ONU (ce repaire de brigands impérialistes), en visite au Tchad, a reçu pour mandat d'« alerter l'opinion publique », suivie en cela de près par George Clooney, auteur du reportage Urgences Darfour. Dans ce dernier, l'acteur hollywoodien se montre très persuasif : « Qu'on ne s'y trompe pas, c'est le premier génocide du 21e siècle, et si l'on permet qu'il se poursuive ce ne sera pas le dernier ». D'où la nécessité d'envoyer les troupes... et le massacre de continuer.
Dans un cadre encore plus officiel, le ministre français des affaires étrangères, le très médiatique et narcissique Bernard Kouchner, commis voyageur de l'impérialisme tricolore, a entrepris sous couvert d'humanitaire (sa grande spécialité) un périple qui l'a conduit du Mali au Tchad pour terminer sa tournée à Khartoum afin d'y présenter officiellement ce qui a été baptisé "l'initiative française". Il est proposé, sous couvert de mise en place de corridors humanitaires au Darfour, d'envoyer au sein d'une force internationale, un contingent de soldats français qui assureraient ainsi de fait le maintien d'une forte présence de l'impérialisme français dans cette province soudanaise.
Dernier acte en date de cette répugnante comédie : la rencontre internationale à Paris du 25 juin. En effet, tous avaient à la bouche les belles déclarations d'intentions sur l'aide nécessaire aux peuples pour, en réalité, sous ce langage diplomatique, s'écharper et défendre bec et ongles leurs propres intérêts. Par conséquent, derrière le discours officiel de Kouchner nous déversant immédiatement après la réunion son auto-satisfaction accompagnée de son habituel poison humanitaire, il est clair qu'aucune position commune et de paix ne pouvait sortir de cette conférence. Au contraire ! Cette rencontre au sommet n'aura permis que d'exacerber encore un peu plus les tensions et les velléités guerrières, la France y réaffirmant particulièrement sa volonté renouvelée de s'engager militairement.
Il est parfaitement visible que personne n'est en mesure aujourd'hui de contrôler le Soudan. La période de domination sans partage de ce pays par des puissances extérieures, comme cela a pu exister par le passé, est totalement révolue. Dans cette région du monde, comme dans le reste de l'Afrique noire, la tendance inexorable est au développement de l'instabilité et du chaos. Ethiopie, Somalie, Zaïre, région des Grands Lacs, la liste s'égrène et les massacres deviennent permanents. Pour toutes les puissance impérialistes, y compris la Chine, la France ou les Etats-Unis, la seule politique durable en Afrique est celle de la terre brûlée, des puits de pétrole en feu, de la destruction et de la barbarie.
Tino (26 juin)
Les projets du gouvernement américain de mettre en place un système de défense anti-missiles en Pologne et une base de radars en République tchèque ont relancé récemment un climat d'hostilité entre les Etats-Unis et la Russie. Ainsi, le président russe avait pu déclarer à la veille du G8 en Allemagne début juin : «Si le potentiel nucléaire américain s'étend sur le territoire européen, nous devrons nous donner de nouvelles cibles en Europe.» Les petites phrases ont alors fusé, Bush critiquant l'état des libertés en Russie et Poutine comparant l'Amérique au «3e Reich».
Evidemment, le souvenir de la Guerre froide est revenu dans toutes les têtes, cette période où les ex-blocs de l'Ouest et de l'Est se tenaient prêts à en découdre à coups de bombes nucléaires. La menace de la destruction de régions, voire de pays entiers, sans compter toutes les conséquences "collatérales" et secondaires à de tels événements, étaient alors une réelle éventualité. La course aux armements, qui faisait rage entre les deux superpuissances de l'époque, était justifiée au nom d'un "équilibre de la terreur", prétendue "garantie de la paix", alors qu'en fait une véritable épée de Damoclès était suspendue au-dessus de l'humanité.
Mais avec l'effondrement du bloc de l'Est en 1989, puis de l'URSS l'année suivante, la situation change : le bloc américain se délite et la Russie revoit brutalement à la baisse ses prétentions impérialistes. La bourgeoisie en profite alors pour nous débiter de grandes phrases sur l'avènement d'un "nouvel ordre mondial", de "paix". Ces déclarations mensongères feront long feu, la "nouvelle période" s'ouvrant très symboliquement dès 1991 par... la guerre du Golfe. Toute la période des années 1990, puis des années 2000, sera marquée en effet par une aggravation et une explosion des tensions guerrières sur des zones de plus en plus larges du globe, sans espoir d'amélioration. De nouvelles puissances nucléaires apparaissent comme le Pakistan, l'Iran et la Corée du Nord, tandis que d'autres, comme la Chine et l'Inde, renforcent leurs capacités destructrices. N'étant plus bridés par la discipline de bloc, les appétits impérialistes se révèlent partout, le "chacun pour soi" devient la règle. La remise en cause des prétentions des Etats-Unis à rester le gendarme du monde s'est donc généralisée sur tous les continents.
Aussi, il est évident que la course aux armes de destruction massive ne s'est pas ralentie mais s'est accélérée et que le monde capitaliste de l'après-1989 est devenu plus dangereux que jamais. Les Etats-Unis n'ont pas cessé de moderniser et sophistiquer leur armement, sous prétexte de se "défendre" contre les éventuelles attaques des Etats-voyous. Ainsi, la justification officielle du projet de défense anti-missile est la prétendue menace que font peser sur les Etats-Unis les missiles à longue portée de l'Iran et de la Corée du Nord. Il est clair qu'il s'agit d'un faux prétexte car ces deux pays n'ont aucunement la capacité de mettre en danger Washington. Ce bouclier est de toute évidence bien plus destiné à asseoir les positions stratégiques américaines sur l'Europe et à tenir en respect en particulier la Chine et la Russie. Les États-Unis poussent ainsi à sa mise en œuvre aujourd'hui, alors que Moscou s'est engagé dans une modernisation de sa capacité nucléaire qui doit lui permettre d'ici à 2015 de disposer des moyens offensifs et défensifs nécessaires pour contrecarrer une éventuelle attaque aérospatiale.
Face à cette montée des tensions américano-russes, l'Europe réagit évidemment non pas de façon unie, mais en ordre dispersé, chaque pays défendant ses propres intérêts. D'importantes frictions sont apparues en effet au sein de l'Union européenne, la Grande-Bretagne soutenant pleinement le projet américain, la France essayant mollement de s'y opposer, tandis que l'Allemagne, qui n'y adhère pas, joue la carte de l'apaisement.
Malgré le "happy end" médiatique de juillet entre les deux présidents russe et américain réunis au ranch de Bush, toutes les conditions sont réunies pour une nouvelle phase de la course aux armements nucléaires et d'accélération des tensions impérialistes, avec tous les risques d'escalade et de dérapage qui les accompagnent.
C'est la seule perspective qu'offrent les dirigeants de la planète et leur système capitaliste décomposé.
Mulan (5 juillet)
Nous informons nos lecteurs de la création d'un noyau du CCI au Brésil. C'est pour nous un événement de grande importance qui vient concrétiser le développement de la présence politique de notre organisation dans le premier pays d'Amérique latine, avec les plus grosses concentrations industrielles de cette région du monde et qui comptent aussi parmi les plus importantes à l'échelle mondiale..Il existe également dans ce pays un milieu d'éléments attirés par les positions révolutionnaires, de même que des groupes politiques prolétariens. Parmi ceux-ci, nous avons déjà signalé dans notre presse et sur notre site en portugais l'existence de l'Opposition Ouvrière (OPOP) à propos des évènements suivants : tenue de réunions publiques communes et réalisation en commun d'une prise de position sur la situation sociale ; publication, sur notre site en langue portugaise du compte-rendu d'un débat entre nos deux organisations sur le matérialisme historique ; publication sur notre site de certains textes de OPOP que nous jugeons particulièrement intéressants. Expression de cet intérêt réciproque entre nos organisations, OPOP a aussi participé, en tant que groupe invité, aux travaux du XVIIe congrès de notre section en France et à ceux de notre XVIIe congrès international.
Existe aussi dans l'Etat de São Paulo un groupe en constitution, influencé par les positions de la Gauche communiste, avec lequel nous avons établi plus récemment des relations politiques régulières, dont la tenue de réunions publiques en commun.
Nous espérons évidemment que la collaboration avec ces groupes sera de plus en plus étroite et fructueuse, perspective qui n'est nullement contradictoire avec notre volonté de développer spécifiquement la présence politique du CCI au Brésil. Bien au contraire, notre présence permanente dans ce pays permettra que se renforce encore la collaboration entre nos organisations, d'autant plus qu'entre notre noyau et OPOP existe déjà une longue histoire commune, faite de confiance et de respect mutuels.
La création de notre noyau est la concrétisation d'un travail engagé par le CCI de façon ponctuelle, il y a plus de 15 ans et qui s'est intensifié ces dernières années à travers la prise de contact avec différents groupes et éléments, la tenue de réunions publiques dans différentes villes, dont certaines dans des universités ayant suscité un grand intérêt de la part d'une assistance nombreuse. Il ne s'agit évidemment pas pour nous d'un aboutissement mais d'une étape significative dans le développement de la présence des positions de la Gauche communiste sur le continent sud-américain. Loin de constituer une exception brésilienne, cet événement fait partie du même phénomène d'apparition de groupes partout dans le monde et qui est le produit, dans une dynamique de reprise des combats de classe à l'échelle internationale, de la tendance de la classe ouvrière à sécréter des minorités révolutionnaires.
CCI (Juin 2007)
Les évènements de juillet 1917 à Petrograd, connus sous le nom de « journées de juillet », constituent un des épisodes les plus importants de la Révolution russe. Dans une situation de bouillonnement particulièrement intense dans les rangs des ouvriers et des soldats qui poussaient à l'insurrection contre le Gouvernement provisoire, le Parti bolchevique sut éviter une confrontation prématurée contre les forces de la bourgeoisie. En effet, à ce moment du processus révolutionnaire, toute tentative de prise du pouvoir ne pouvait qu'aboutir à une tragique défaite et à l'échec de la révolution. Les leçons de ces évènements sont exemplaires et restent vitales pour le prolétariat d'aujourd'hui.
L'insurrection de février 1917 à Petrograd, alors capitale de la Russie, menée spontanément par les ouvriers rejoints rapidement par les soldats, avait conduit au renversement du tsarisme et à la constitution d'un Gouvernement provisoire. Mais une situation de double pouvoir s'était alors instaurée : d'un côté la classe ouvrière, organisée dans les soviets, des délégués des ouvriers, des soldats et des paysans pauvres, dont le plus important et le plus prolétarien était celui de Petrograd, et de l'autre la bourgeoisie, représentée par le Gouvernement provisoire et soutenue par les « conciliateurs » mencheviks et socialistes-révolutionnaires, majoritaires dans le Comité exécutif du Soviet de Petrograd. Plus la révolution se développait et plus cette situation devenait intenable.
La classe ouvrière était pleine d'illusions sur les capacités des démagogues mencheviks et socialistes-révolutionnaires à répondre à leurs revendications principales : la paix, la journée de 8 heures, le problème agraire, etc. Mais au fil du temps, surtout à Petrograd puis à Moscou, l'exaspération des masses grandissait devant l'irrésolution et les atermoiements du Comité exécutif du Soviet et leur confiance dans ce dernier s'émoussait du fait du soutien toujours plus ouvert des conciliateurs au sein du Soviet à l'égard du Gouvernement provisoire. Il devenait de plus en plus clair que le Comité exécutif agissait comme un rempart en faveur des objectifs du Gouvernement provisoire, c'est-à-dire d'abord et avant tout pour le rétablissement de l'ordre au front comme à l'arrière afin de pouvoir continuer la guerre. A travers ses bastions les plus radicaux, la classe ouvrière commençait à sentir confusément qu'elle était dupée et trahie par ceux-là même en qui elle avait placé sa confiance pour diriger les conseils.
La radicalisation des ouvriers, leur souci grandissant de comprendre ce qui était en jeu, s'étaient une nouvelle fois exprimés à la mi-avril, suite à une note provocatrice du ministre libéral Milioukov réaffirmant la volonté de la Russie de continuer la guerre. Déjà exaspérés par toutes sortes de privations, les soldats et les ouvriers répondirent immédiatement par des manifestations spontanées et des assemblées massives dans les quartiers et les usines. Le 20 avril, une manifestation monstre poussa Milioukov à la démission. La bourgeoisie fut obligée de reculer momentanément dans ses plans de guerre. Les bolcheviks furent très actifs dans ce soulèvement prolétarien et ils gagnèrent en influence sur les ouvriers. La radicalisation du prolétariat s'était ainsi forgée autour du mot d'ordre mis en avant par Lénine dans ses "Thèses d'avril" : "Tout le pouvoir aux soviets !" Durant le mois de mai, ce slogan inspirera de plus en plus d'ouvriers, tandis que le Parti bolchevique était de plus en plus considéré comme le seul parti aux côtés de la classe ouvrière. Partout en Russie, le ferment révolutionnaire s'exprimait dans un développement frénétique de soviets d'ouvriers et de paysans et les agitateurs bolcheviques connaissaient un succès grandissant. A Petrograd, si le Parti bolchevique avait moins d'un tiers des voix dans la section ouvrière du Soviet de Petrograd en avril, bien que les comités d'usine aient été déjà dominés dans la même période par les bolcheviks, cette proportion atteignit de façon significative les deux-tiers au début juillet.
En juin, l'agitation politique continua, de même que l'ascension irrésistible du bolchevisme. Celle-ci devint évidente lors de la manifestation géante du 18. Initialement appelée par les mencheviks, les socialistes-révolutionnaires et le Comité exécutif du Soviet pour soutenir le Gouvernement provisoire, qui venait de lancer une nouvelle offensive militaire "décisive", elle se retourna directement contre les conciliateurs... Lors de cette manifestation du dimanche 18 juin, la tension était telle que les bolcheviks avaient dû faire tous leurs efforts pour qu'elle reste pacifique et ne soit pas armée. Aussi, lorsque les conciliateurs installés dans leur tribune virent passer les manifestants, ils purent prendre la mesure de leur échec car l'immense majorité des quatre à cinq cent mille manifestants, loin de saluer la nouvelle offensive militaire et la coalition gouvernementale ou de reprendre les slogans officiels, scandaient les mots d'ordre bolcheviques : "A bas les dix ministres capitalistes ! A bas l'offensive ! Tout le pouvoir aux soviets ! Ni paix séparée avec les Allemands, ni traités secrets avec les capitalistes franco-anglais ! Le droit de vivre est au-dessus du droit de propriété ! Paix aux chaumières, guerre aux châteaux !" (Cité dans La révolution russe de Marcel Liebman)
Maxime Gorki, bien qu'à l'époque opposé à Lénine, notait ainsi que "la manifestation de dimanche a dévoilé le complet triomphe du bolchevisme dans le prolétariat pétersbourgeois". (Ibid.)
L'effervescence révolutionnaire ne cessait de grandir. Les ouvriers de l'usine Poutilov1 et des autres districts de Petrograd étaient en grève quasi-permanente. Les soldats des casernes de Petrograd, particulièrement chez les mitrailleurs, votaient des résolutions contre l'envoi d'unités au front. Il était de plus en plus patent et connu dans la capitale que l'offensive militaire déclenchée le 18 juin était un véritable échec. Devant les fraternisations toujours plus fréquentes entre soldats allemands et russes et devant la déroute, les chefs de l'état-major russe donnaient l'ordre de fusiller les « traîtres ». Ces informations arrivant dans la capitale, elles ne pouvaient que raviver les flammes et radicaliser ouvriers et soldats qui tenaient des meetings communs quotidiennement.
Arrive début juillet : quatre ministres cadets2 démissionnent du Gouvernement provisoire. Alors que les mencheviks et les socialistes-révolutionnaires avaient justifié jusque-là leur refus du mot d'ordre "tout le pouvoir aux soviets" par la nécessité de collaborer avec ces représentants de la "bourgeoisie démocratique" qu'étaient les cadets, le retrait de ces derniers de la coalition ne pouvait que provoquer, parmi les ouvriers et les soldats, une relance des revendications pour le pouvoir immédiat aux soviets. Il s'agissait en effet d'une tentative de la bourgeoisie libérale de pousser les ouvriers et les soldats à l'affrontement. "Supposer que les cadets pouvaient ne pas prévoir les répercussions de leur acte de sabotage déclaré à l'égard des soviets, ce serait résolument sous-estimer Milioukov. Le leader du libéralisme s'efforçait évidemment d'entraîner les conciliateurs dans une situation critique qui n'aurait d'issue que par l'emploi des baïonnettes : en ces jours-là, il croyait fermement que, par une audacieuse saignée, l'on pouvait sauver la situation." (Trotsky, Histoire de la Révolution russe)
Les esprits sont chauffés à blanc ; le 3 juillet, soldats et ouvriers décident massivement de manifester, cette fois armes à la main, pour chasser le Gouvernement provisoire et exiger des dirigeants du Soviet qu'ils prennent le pouvoir.
Des milliers d'ouvriers et de soldats se rendent au siège du Parti bolchevique, tandis que des dizaines de milliers d'autres assiègent le Palais de Tauride où se tenaient les réunions du Comité exécutif du Soviet. Dans le même temps, les soldats et marins casernés sur l'île voisine de Kronstadt se préparent à descendre sur la capitale dans le même esprit d'exigence. La nuit du 3 au 4 juillet est décisive pour la révolution. Les bolcheviks sont dans une situation difficile. Pressés par les masses d'appeler à la prise du pouvoir, mais considérant que le moment est loin d'être propice à l'insurrection, ils décident après différents atermoiements de prendre la tête du mouvement, mais en appelant les ouvriers et les soldats à leur sens des responsabilités et à faire en sorte que la manifestation garde un caractère pacifique. Principalement, aucune directive immédiate n'est donnée au mouvement mais les bolcheviks rappellent cependant inlassablement, à l'instar de Lénine, que le mot d'ordre "Tout le pouvoir aux soviets" sera "finalement vainqueur" et appellent à la persévérance et à la fermeté.
Dans les rues, les manifestants essuient de nombreuses attaques des partisans de la bourgeoisie, ses agents provocateurs tirant sur la foule, voire sur les troupes de cosaques fidèles au gouvernement, afin de mieux discréditer le mouvement et de pousser aux affrontements armés.
Cependant, la fermeté des bolcheviks et leur influence sur les ouvriers et les soldats empêchent que le mouvement ne dégénère dans un bain de sang. Car si l'on dénombre quelques dizaines de morts et de blessés, la bourgeoisie espérait alors opérer une véritable saignée dans les rangs du prolétariat le plus avancé de Russie.
Au soir du 4 juillet, tandis que le Comité exécutif fait traîner des débats exprimant l'irrésolution et le désarroi grandissant des mencheviks et des socialistes-révolutionnaires qui cherchent à gagner du temps, les trente mille ouvriers de l'usine Poutilov, surexcités, exigent qu'on leur livre Tseretelli, chef de file menchevik au Soviet de Petrograd. C'est alors qu'intervient Zinoviev, membre du Comité central du Parti bolchevique, afin de calmer les esprits. En conclusion de son discours, il prie les ouvriers "de se disperser aussitôt, pacifiquement, en maintenant un ordre parfait et en ne se laissant, en aucun cas, provoquer à des gestes agressifs. Les hommes assemblés se mettent en rangs et commencent à se disperser". (Zinoviev, cité par Trotsky dans La Révolution russe)
Laissons Trotsky conclure : "Cet épisode illustre au mieux, et l'acuité du mécontentement des masses, et l'absence en elles d'un plan d'offensive, et le rôle réel du parti dans les évènements de Juillet."
Les journées de Juillet s'étaient achevées dans un calme et un sérieux exemplaires. Les semaines qui suivirent virent alors fondre la réaction bourgeoise qui lança une répression violente contre les ouvriers radicaux et les bolcheviks. Ces derniers avaient montré qu'ils étaient les véritables représentants de la classe ouvrière qui était prête à les suivre, il fallait qu'ils le paient. Ainsi, tandis que les ouvriers et les soldats regagnaient leurs faubourgs et leurs casernes, les agents provocateurs de la bourgeoisie avaient produit au sein de régiments arriérés et restés neutres des documents "prouvant" que Lénine était un espion à la solde de l'Allemagne, les faisant basculer du côté de la réaction.
L'été 1917 verra donc le déchaînement des forces de la bourgeoisie et la tentative de prise du pouvoir par ses éléments les plus rétrogrades avec Kornilov à leur tête. Cependant, Lénine sut voir la signification de cette période dès son ouverture : "Une nouvelle phase commence. La victoire de la contre-révolution déclenche la déception au sein des masses vis-à-vis des partis socialiste-révolutionnaire et menchevik, et ouvre la voie au ralliement de celles-ci à la politique qui soutient le prolétariat révolutionnaire." (Lénine, « Sur les illusions constitutionnelles », Oeuvres complètes)
Ces journées de juillet révèlent l'importance des responsabilités du Parti. Trotsky résume ainsi admirablement le rôle des révolutionnaires et leur lien avec l'ensemble de la classe ouvrière : "Si le parti bolchevik, s'entêtant à juger en doctrinaire le mouvement de Juillet 'inopportun', avait tourné le dos aux masses, la demi-insurrection serait inévitablement tombée sous la direction dispersée et non concertée des anarchistes, des aventuriers, d'interprètes occasionnels de l'indignation des masses, et aurait épanché tout son sang dans de stériles convulsions. Mais aussi, par contre, si le parti, s'étant placé à la tête des mitrailleurs et des ouvriers de Poutilov, avait renoncé à son jugement sur la situation dans l'ensemble et avait glissé dans la voie des combats décisifs, l'insurrection aurait indubitablement pris une audacieuse ampleur, les ouvriers et les soldats, sous la direction des bolcheviks, se seraient emparés du pouvoir, toutefois et seulement pour préparer l'effondrement de la révolution. La question du pouvoir à l'échelle nationale n'eût pas été comme en Février résolue par une victoire à Petrograd. La province n'eût pas suivi de près la capitale. Le front n'eût pas compris et n'aurait pas accepté le changement de régime. Les chemins de fer et le télégraphe auraient servi les conciliateurs contre les bolcheviks. Kerenski et le Grand Quartier Général auraient créé un pouvoir pour le front et la province. Petrograd eût été bloqué. Dans ses murs aurait commencé une désintégration. Le gouvernement aurait eu la possibilité de lancer sur Petrograd des masses considérables de soldats. L'insurrection aurait abouti, dans ces conditions, à la tragédie d'une Commune de Petrograd. En juillet, à la bifurcation des voies historiques, c'est seulement l'intervention du parti des bolcheviks qui élimina les deux variantes d'un danger fatal : soit dans le genre des Journées de Juin 1848, soit dans le genre de la Commune de Paris de 1871. C'est en prenant hardiment la tète du mouvement que le parti obtint la possibilité d'arrêter les masses au moment où la manifestation commençait à se transformer en un engagement général de forces armées. Le coup porté en juillet aux masses et au parti fut très grave. Mais ce coup n'était pas décisif. On compta les victimes par dizaines, mais non point par dizaines de milliers. La classe ouvrière sortit de l'épreuve non décapitée et non exsangue. Elle conserva intégralement ses cadres de combat, et ces cadres avaient beaucoup appris." (Histoire de la révolution russe, Trotsky).
WM
1 La plus grande concentration ouvrière de Russie qui avait déjà été la première usine à se mettre en grève dès le 9 janvier lors de la révolution de 1905.
2 Parti cadet : parti libéral représentant la bourgeoisie industrielle et qui s'était distingué dans la répression des ouvriers du Soviet de Petrograd et des soldats de Kronstadt en 1905.
"Travailler plus pour gagner plus” nous avait promis Sarkozy tout au long de sa campagne électorale. Travailler sept jours sur sept, c’est ce qu’on avait exigé des salariés de Goodyear depuis quelques mois pour qu’ils puissent préserver leur emploi. Qu’est-ce qu’ils ont gagné ? Cinq cent d’entre eux sont aujourd’hui mis à la porte de l’entreprise. Travailler plus, mais pour gagner moins, c’est le sort réservé à la plupart d’entre nous avec également moins d’effectifs, des cadences accrues, des conditions de travail de plus en plus dégradées comme les 22 700 emplois devant être supprimés dans la Fonction publique et le non remplacement d’un départ à la retraite sur deux dont 11 200 dans le seul secteur de l’Education nationale. Déjà là, il y a 8000 emplois en moins pour cette rentrée scolaire (5000 l’année précédente). On nous raconte qu’en compensation, il y aurait un millier de créations d’emplois pour l’intégration des handicapés dans ce secteur. C’est de la poudre aux yeux car cela s’accompagne d’une destruction systématique des structures spécialisées pour handicapés devenues beaucoup trop onéreuses pour l’Etat. Gagner plus ? En pleine campagne électorale, était mis en avant que la perte du pouvoir d’achat était, après la crainte du chômage, une des préoccupations majeures des salariés. Chiffres à l’appui, une étude avait montré que les fonctionnaires avaient vu sur 25 ans dégringoler leur pouvoir d’achat, en particulier dans le secteur de l’enseignement. Aujourd’hui les salaires sont toujours quasiment bloqués et pas seulement dans le secteur public mais pour tous les prolétaires. Quant aux fameuses heures sup’, elles ne sont qu’une arnaque supplémentaire qui, même valorisées, ne sont pas prises en compte dans le calcul des retraites. La seule hausse, celle-là vertigineuse, qui nous attend dans cette rentrée, c’est celle des prix de tous les produits de base et de première nécessité avec la flambée du cours des produits agricoles : + 41 % en un an sur le blé, 32 % sur le maïs, 60 % sur l’huile de tournesol, 26 % sur les oeufs et une vaste spéculation sur l’agro-alimentaire qui entraîne une terrible dégradation du niveau de vie.
Un déluge ! Entre 5 et 8 centimes de plus sur l’emblématique baguette alors que le pain avait déjà augmenté de 3 centimes en début de mois. En 2 ans, les produits de boulangerie ont augmenté entre 25 et 50%. On nous dit que l’essor des bio-carburants dope les prix sur le marché des céréales. Résultat : le prix des pâtes doit être majoré de 15 %. Cela se répercute sur l’alimentation du bétail et de l’élevage : la volaille (+ 14 %), la viande de porc et les produits de charcuterie sont en hausse de 6,5%.
C’est aussi une envolée de 15% en moyenne sur tous les produits laitiers dont on invoque aujourd’hui la pénurie après des années de surproduction au sein de la CEE : beurre (+ 40 % en un an), yaourts, fromages, crèmes, glaces (+ 30 % cet été). Pour la flambée des prix sur les légumes et les fruits, on invoque de mauvaises récoltes, sécheresse ou pluies trop abondantes, une hausse de taxes à l’exportation… Et cette valse des étiquettes, qui n’a pas attendu les annonces de ces derniers jours, ne fait que commencer. Il faut y ajouter la hausse des tarifs des transports en commun (SNCF, RATP depuis le 1er juillet), celle des factures d’EDF après celle du gaz, la montée des prix des carburants, une nouvelle hausse du tabac de 5% et par dessus le marché la poursuite de l’escalade continue des loyers en augmentation de près de 4% par an depuis 1999, soit plus de 30% qui rend de plus en plus dramatique la question du logement pour des millions de foyers de prolétaires.
La baisse des impôts ? Esbroufe ! La plupart des salariés ont vu une augmentation de leur troisième tiers provisionnel. Pire, pour l’an prochain, sous prétexte de justice et de traque aux “niches fiscales”, sera présenté mi-octobre un projet de création d’une imposition minimale sur le revenu, avancé et soutenu d’avance par le rapporteur général de la Commission des finances, le “socialiste” Migaud. Finis, les avis de non imposition sur les plus faibles revenus !
Dans la droite ligne de ses prédécesseurs, le gouvernement prétend s’attaquer au chômage par une intensification des tripatouillages continuels en tous genres des statistiques officielles, par des sanctions contre les chômeurs refusant deux offres d’emploi et par des radiations accélérées des fichiers de l‘ANPE. La fusion des services de l‘ANPE et de l‘UNEDIC d‘ici décembre va encore amplifier ce mouvement. Mais si le chômage se retrouve officiellement au niveau le plus bas depuis 20 ans comme s‘en félicite Le Monde, c’est surtout à cause de la multiplication et de la généralisation des emplois précaires. Un nombre croissant de prolétaires et leurs familles sont en train de plonger en dessous du seuil de pauvreté.
Et pour ceux qui sont réduits à toucher le RMI, celui-ci sera transformé en octobre en RSA (revenu de solidarité active), à l’initiative du secrétaire d’Etat Martin Hirsch, ex-président de l’association caritative Emmaüs, dont l’octroi sera en contrepartie d’un “travail social” : un nouveau réservoir de main d’œuvre quasi-gratuite…
C’est au nom de la solidarité avec les malades d’Alzheimer et non plus seulement du trou de la Sécurité sociale qu’une nouvelle série d’attaques est annoncée : franchise médicale de 50 euros par an à la charge de l’assuré, 50 centimes sur chaque boîte de médicaments et sur chaque acte paramédical ainsi que 2 euros pour les transports en ambulance. Prendrait-on tous les prolétaires pour des victimes de cette maladie de la mémoire pour oublier que cela se cumule avec la liste toujours plus longue de médicaments ayant fait l’objet d’un déremboursement total ou partiel prise par tous les ministres de la santé depuis Martine Aubry ? Que le forfait hospitalier institué par l’ex-ministre communiste Ralite n’a cessé d’augmenter ? Que les soins et les examens médicaux de plus de 90 euros sont déjà frappés depuis 2004 par une franchise de remboursement de 18 euros ? D’ores et déjà, les plus démunis sont privés de tous recours aux soins médicaux. Et cela ne va pas s’arrêter : on nous promet une hausse de 0,3 % de la contribution au remboursement de la dette sociale (CDRS) au 1er janvier 2008 et une nouvelle hausse identique, prévue début 2009, tandis que le gouvernement n’a pas renoncé à son projet d’instauration d’un “TVA sociale” à nouveau préconisée par le transfuge socialiste Besson (devenu secrétaire d’Etat).
Le gouvernement a clairement réaffirmé sa détermination à supprimer les régimes spéciaux sur les retraites d’ici 6 mois et a décidé, dans la foulée, un nouvel allongement de la durée des cotisations pour le droit à la retraite (allant de 62 à plus de 65 ans) pour tous les salariés, entraînant une réduction dramatique des pensions. La seule perspective qui nous est réservée, c’est un enfoncement accéléré dans une pauvreté, une précarité et une exploitation de plus en plus intolérables.
La fameuse “ouverture” de Sarkozy à “des personnalités de gauche”, les DSK, Lang, Rocard, Attali, Fadela Amara et consorts, sans oublier “l’effarant” docteur Kouchner, démontre, qu’aussi bien que la gauche, les partis de droite ont besoin aujourd’hui de s’adapter et de recourir à un enrobage idéologique pour tenter de légitimer des attaques de cette envergure afin de pouvoir les mener à bien. En même temps que la facilité avec laquelle ils se laissent débaucher pour “aller à la soupe” démontre le faible niveau de conviction de ces personnalités au sein du PS, l’appel à ces spécialistes du “vernis social” traduit une préoccupation essentielle de l’appareil politique bourgeois qui sait bien que l’ampleur de ses attaques va provoquer inévitablement des réactions ouvrières et des mouvement sociaux dans les mois à venir. Dans cette perspective, le soutien essentiel sur lequel table en priorité l’équipe Sarkozy, ce sont les syndicats. Non seulement, ils ont été les premiers à être reçus à l’Elysée et le gouvernement ne cesse de multiplier les consultations avec eux mais l’édifiant projet de loi sur le service minimum dans les transports vise, dans les grèves futures, à les renforcer et les faire reconnaître comme les seuls interlocuteurs possibles et les seuls capables de mener une grève en contraignant les ouvriers à passer par eux pour décider d’une grève, pour l’organiser et pour en contrôler le déroulement (voir article page 2). La bourgeoisie mise ainsi prioritairement sur l’encadrement syndical pour museler les ouvriers et pour enfermer les prochaines luttes dans un corset de fer.
La classe ouvrière ne doit pas se laisser intimider par ces tentatives, elle n’a qu’une seule possibilité pour se défendre : développer ses luttes face aux attaques grandissantes de la bourgeoisie. La défense de ses propres intérêts est totalement à l’opposé et inconciliable avec l’acceptation des “sacrifices” toujours plus lourds qu’exigent la bourgeoisie, son gouvernement et ses syndicats.
Wim (30 août)
Après son passage devant le Parlement au mois de juillet, la loi sur “le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs”, autrement dit, la mise en place d’un service minimum en cas de grèves dans les transports en commun, a finalement été adoptée le 2 août en vue de son application pour janvier 2008.
“Le service minimum, disait Sarkozy sur TF1 à la veille de la présentation de son projet de loi, voilà vingt ans qu’on en parle et vingt ans qu’on ne le fait pas. Nous le ferons.” C’est donc (nous dit-on) au nom du service public et pour en finir avec la “prise en otage systématique des usagers” au cours de conflits sociaux que le gouvernement s’est décidé à resserrer le cadre légal de la grève dans les transports. Ainsi, parmi les principales dispositions, on trouve désormais l’obligation pour chaque salarié de déclarer 48 heures à l’avance son intention de participer à la grève. Une fois passé ce délai et la grève entamée, il sera impossible aux “non-déclarés” de rejoindre le mouvement sauf à risquer une sanction disciplinaire (encore à définir). Aussi, au bout de 8 jours de grève, un vote à bulletin secret, sorte de référendum, pourra être organisé par la direction de l’entreprise pour recueillir les avis sur la nécessité de poursuivre le mouvement, bien que cela n’empêche pas une minorité de grévistes de continuer leur action. Enfin, “la rémunération d’un salarié participant à une grève” sera “réduite en fonction de la durée non travaillée”. Mesure on ne peut plus provocatrice visant à opposer les travailleurs les uns contre les autres étant donné qu’aucun salarié (pas plus dans le public que dans le privé) n’est payé lorsqu’il fait grève (les enseignants mobilisés en 2003 contre la réforme des retraites peuvent en témoigner).
Si le gouvernement semble soucieux de garantir un service minimum dans les transports, ce n’est évidemment pas pour les beaux yeux ou le bien être des usagers. Ce qui importe en premier lieu pour le capitaliste, c’est le bon fonctionnement de l’économie et les transports en sont un point névralgique. Les marchandises doivent arriver à bon port (la nouvelle loi devrait par la suite s’appliquer au transport aérien, maritime et le fret), de même que les “usagers” à savoir la force de travail. Il faut que la “France qui se lève tôt” puisse se rendre sans embûches au boulot pour “travailler plus”. Pendant sa campagne présidentielle, Sarkozy en avait fait la promesse : “Je garantirai trois heures de transport en commun pour aller au travail, et trois heures pour en revenir. Il est inacceptable que les Français soient pris en otages par les grèves.” Le gouvernement Fillon ne fait au bout du compte que traduire une vieille préoccupation de la bourgeoisie… que l’ouvrier soit présent à l’heure où commence son exploitation. Mais le service minimum est-il vraiment une nouveauté ? Un système d’alerte sociale (préavis, informations sur les train et bus en circulation) était pourtant déjà en place. Alors à quoi rime ce show médiatique ?
A en croire la gauche politique et syndicale, quelque chose de bien plus grave est en effet en train de s’ourdir dans la coulisse : la suppression pure et simple du droit de grève !
Voilà quel serait au fond le fin mot de l’agitation gouvernementale autour du service minimum, le premier ministre ayant déjà laissé entendre que la loi, qui ne concerne pour l’instant que les transports, pourrait servir de modèle pour être étendue à d’autres domaines dont l’Education nationale.
Et la CGT de répondre dans son point presse du 8 août : “Le véritable objectif de cette loi est d’apporter de nouvelles restrictions à l’exercice du droit de grève en anticipant sur les mécontentements qui pourraient naître des mesures gouvernementales actuelles et à venir […] Nous réaffirmons que cette loi est hypocrite parce qu’elle attaque le droit constitutionnel de grève”.
La veille, les députés PS et PC avaient pour leur part déposé un recours devant le Conseil constitutionnel contre cette loi qui selon eux vise à “interdire implicitement l’exercice du droit de grève.”
Ajoutons à cela la décision du 9 août d’un tribunal de travail à Nuremberg, en Allemagne, interdisant aux conducteurs de la compagnie ferroviaire Deutsche Bahn, emmenés par le principal syndicat de conducteurs (le GDL), de faire grève jusqu’au 30 septembre, et le décor est en place pour que commence la farce : “un spectre hante l’Europe… l’abolition du droit de grève !”
Certes, on ne peut exclure que dans le sac à fantasmes du bourgeois, le monde idéal ressemble à une économie exploitant des ouvriers dociles à souhait, incapables d’exprimer la moindre revendication. Le capitalisme sans luttes de classes… le paradis bourgeois sur Terre en somme. Cela étant, sortie de sa moelleuse alcôve, la classe dominante n’est pas assez stupide pour confondre rêves et réalité. Elle sait pertinemment ainsi que ses fidèles chiens de garde, ces spécialistes hors pair de l’encadrement et du sabotage des luttes que sont les syndicats, qu’il est impossible d’interdire aux ouvriers d’entrer en lutte quand leurs conditions de vie sont menacées. Bien plus efficace est leur institutionnalisation dans le cadre syndical afin de mieux les contrôler et les faire mourir sur des voies de garage. Pour la bourgeoisie, il n’existe rien de pire que de voir les ouvriers déborder l’encadrement syndical, ses cordons sanitaires, ses services d’ordre et d’intoxication, pour prendre eux-mêmes la direction de leurs luttes.
La classe dominante cherche beaucoup de choses mais certainement pas à se suicider en rendant la grève illégale et a fortiori incontrôlable. Comme le rappelait Xavier Bertrand (ministre du Travail), le 30 juillet : “Dans notre pays, le droit de grève est un droit constitutionnel et ce projet de loi n’entend nullement le remettre en cause.” Alors qu’entend-il au juste ? A travers ce cirque organisé autour du service minimum et du “risque” de voir un beau jour disparaître le droit de grève, la bourgeoisie tient avant tout à faire pénétrer au plus profond des cervelles ouvrières que la lutte ne peut naître nulle part ailleurs que “dans le cadre fixé par la loi” (c’est-à-dire sur un terrain choisi et des règles dictées par elle).
Ainsi, la complexification procédurière de l’exercice du droit de grève, renforce en premier lieu l’image du syndicat comme expert juridique de la lutte et, de fait, l’idée selon laquelle il est impossible d’entamer la moindre grève sans recours à son savoir et ses compétences en matière de législation. La manoeuvre sera d’autant plus complète que les ouvriers penseront que l’enjeu pour eux est de définir, via les syndicats, les modalités de ce cadre législatif alors qu’il s’agit au contraire de s’en émanciper. 3 semaines ou 5 jours de préavis, vote à bulletin secret ou à mains levées pour la poursuite d’une grève… tout cela n’a rien d’essentiel pour le législateur qu’est l’Etat bourgeois. Ce qui compte avant tout c’est que les ouvriers apprennent qu’en dehors des syndicats, la lutte n’existe pas ! Mieux encore… que la question ne se pose même pas ! Pour l’information des salariés du bagne capitaliste, la classe dominante donne un éblouissant coup de projecteur sur le point le plus important du “règlement” de sa prison syndicale : “Il est formellement interdit de quitter les locaux de la prison” (ce que la bourgeoisie appelle “le droit constitutionnel” de faire grève).
Au vu des attaques qui se préparent contre la classe ouvrière (dont la prochaine remise en cause des régimes spéciaux de retraite) le gouvernement aura grand besoin, il est vrai, de s’appuyer sur des syndicats crédibles, en pleine possession de leur force de mystification, pour encadrer la colère des travailleurs.
Azel (23 juillet)
Coup de tonnerre à l’extrême-gauche du capital. le porte-parole de la ligue communiste révolutionnaire a récemment déclaré : “la LCR n’a plus vocation à exister”. Olivier Besancenot souhaite créer un nouveau parti rassemblant “tous les anticapitalistes et tous les partisans d’un changement de société”. La coqueluche des médias fixe même la date de ce possible “grand rassemblement” : “Le congrès constitutif pourrait intervenir l’an prochain”.
Que signifie tout ce remue-ménage ? Pour tous ceux qui veulent sincèrement “un changement de société”, est-il en train de naître un nouvel espoir, une nouvelle force politique authentiquement révolutionnaire ? Pas vraiment… Profitant de l’espace laissé par un PS décrédibilisé et un PC à l’agonie, Olivier Besancenot et sa clique espèrent rafler la mise et faire fructifier leur capital de 4,08% de voix aux dernières élections présidentielles. Le leader de la LCR ne s’en cache d’ailleurs pas en affirmant vouloir fédérer autour de sa personne puisque “dans la rue et dernièrement dans les urnes, la LCR a su montrer qu’elle était devenue un point de repère”.
A n’en pas douter, si l’auberge “rouge” de Besancenot parle de ravalement de façade, cela vise surtout à attirer plus efficacement les ouvriers à sa table. Mais, comme à chaque fois avec les bouis-bouis trotskistes, le menu si alléchant à l’entrée fait de luttes, d’internationalisme et de révoltes, se révèle être la même bouillie infâme, réformiste et nationaliste, servie depuis toujours. C’est Olivier Besancenot lui-même qui lâche le morceau sur la vraie nature de ce nouveau “parti anticapitaliste” : “La nouvelle direction devra être à l’image et aux couleur du pays”. Après le communisme bleu-blanc-rouge du PCF, voici le communisme black-blanc-beur de la LCR… un nationalisme new-look et dans le vent en quelque sorte. Cocorico !
Régis (29 août)
“Le retour du plein emploi est possible !”. Dans la continuité des effets d’annonce du ministre prestidigitateur Borloo et du président Sarkozy, les médias aux ordres évoquent régulièrement un recul du chômage.
Pourtant… 10 000 suppressions de postes à Airbus, 10 000 dans l’éducation nationale, suppressions de postes en masse dans l’industrie, délocalisations, fermetures d’usines, non remplacement des départs en retraites, etc. Quelle est donc l’explication du succès annoncé auquel il est très difficile de croire dans un tel contexte ?
Depuis la publication du rapport Malinvaud (alors directeur général de l’INSEE) qui préconisait en 1986 “une modification du mode de calcul du chômage”, les manipulations statistiques et la propagande se sont fortement accentuées 1.
Ainsi, les modes de calcul statistique actuels ne “tiennent pas compte des demandeurs d’emplois immédiatement disponibles à la recherche d’un CDI à temps plein et qui ont travaillé moins de 78 heures dans le mois”. Elles excluent “ceux qui, faute de mieux, se contentent (sic !) de missions d’intérim, temps partiels ou CDD, les chômeurs des départements d’outre mer, les chômeurs en arrêt maladie ou en formation, les licenciés économiques en convention de reclassement personnalisé (CRP), en contrat de transition professionnelle (CTP), les chômeurs âgés dispensés de recherche d’emploi (DRE)” 2. Les chômeurs touchant le RMI ne sont pas plus pris en compte alors que leur nombre a augmenté de 20 % depuis 2002 !
En parallèle, le harcèlement contre les chômeurs s’est intensifié, notamment avec la réforme du mode de contrôle mis en œuvre depuis le 2 août 2005. Résultat en 2006 : triplement des sanctions contre les chômeurs, 579 558 “radiations administratives” de la liste des demandeurs d’emplois. Et cela n’a rien de nouveau. En 1993, la socialiste Martine Aubry, alors ministre du Travail, avait fait convoquer 900 000 chômeurs de longue durée à l’ANPE. Comme prévu, 10 % d’entre eux ne se sont pas présentés au rendez-vous et ont été radiés ! Poussés à la “faute” par une multiplication de convocations bidons et la proposition d’emplois sous-payés, de nombreux chômeurs se retrouvent donc brutalement et massivement rayés des listes et privés de ressources… disparaissant comme par magie des statistiques ! Culpabilisés, traités de “fainéants” et “d’assistés”, les victimes sont taxées de “profiteurs du système”. Cela permet alors de justifier les milliers de chômeurs également exclus chaque mois du système d’indemnisation. La part des “chômeurs invisibles” a ainsi été multipliée par 4 ces 25 dernières années.
Et l’exemple du “plein emploi” à l’anglaise auquel la bourgeoisie française tient tant ne présage rien de meilleur pour notre avenir. En effet, le nombre de pauvres y est de dix points supérieur à celui de la France ; 25% de l’emploi total est fait de temps partiels et de petits boulots ; 2 millions d’enfants de 6 à 16 ans ont un travail régulier ; 500 000 enfants de moins de 13 ans travaillent dans les services et l’industrie. Et pour camoufler le tout, le gouvernement a modifié 32 fois le mode de calcul du taux de chômage en 18 ans ! Comme ailleurs, l’accroissement du nombre de travailleurs précaires et le bidouillage permanent des chiffres sont les seuls moyens pour les économies capitalistes de prétendre au “plein emploi”. On comprend alors beaucoup mieux le sens de la “réussite” de Tony Blair, dont le bilan politique cache de plus en plus mal la croissance d’une légion de miséreux !
Au-delà des promesses, de tous les mensonges et des falsifications, c’est bien la réalité du chômage de masse et surtout de la paupérisation croissante de la population que la classe dominante cherche à masquer avec inquiétude. Mais la réalité est là, toute nue : bas salaires, contrats précaires et chômeurs représentent déjà 50 % de la population active en France. Voilà les résultats de la “politique pour l’emploi !”.
Loin d’une vision idyllique d’un avenir radieux, le capitalisme en faillite ne peut offrir que la précarité, l’insécurité, le chômage et la répression. Face à cela, la classe ouvrière doit prendre conscience de sa force et opposer sa résistance solidaire. Elle devra imposer sa perspective, son projet politique ; un projet où le monde sera enfin libéré du mensonge institutionnalisé, de la misère et de la barbarie.
WH
1) Les statisticiens de la DARE –organisme du ministère Borloo – se sont même mis en grève pour contester la publication des chiffres du chômage du mois de mars dernier.
2) Source : www.hns-info.net [982]. Voir également les travaux du collectif acdc.
Le chiffre vient de tomber : 11 200 postes vont être supprimés à l’Education nationale en 2008 ! Le gouvernement Fillon frappe fort sur un secteur qui subit déjà depuis de nombreuses années les foudres de la bourgeoisie. C’est l’ancien ministre socialiste Claude Allègre qui avait sonné la curée en annonçant en 1997 qu’il fallait “dégraisser le mammouth”. Il ne restera bientôt plus que les os à ronger. En dix ans, le nombre de surveillants a été divisé par dix. Les infirmières scolaires, les assistantes sociales et les conseillers d’orientation sont une espèce en voie de disparition. Le personnel administratif, toujours moins nombreux, est confronté à des charges de travail insurmontables. Et puisqu’il faut “travailler plus pour gagner moins”, tous ces ouvriers ont perdu officiellement plus de 20% de pouvoir d’achat ces 25 dernières années.
Seule la lutte permettra d’endiguer ces attaques, mais à condition d’éviter un piège mortel : le corporatisme. C’est en effet ce poison qui a mené, en 2003, des milliers d’enseignants à une défaite cinglante.
Cette année-là, une énième réforme du régime des retraites est annoncée : dorénavant les travailleurs du public devront, comme dans le privé, trimer au minimum quarante annuités pour gagner le droit de prendre leur retraite. Des manifestations monstres éclatent immédiatement. Plus d’un million de personnes se retrouvent dans la rue pour la seule journée du 13 mai 2003.
Dans la foulée et volontairement, le gouvernement annonce une mesure touchant seulement le secteur de l’Education nationale : au nom de la décentralisation, des centaines de milliers de postes d’ATOS sont menacés. Cette double attaque est une véritable provocation. La bourgeoisie connaît parfaitement le niveau de ras-le-bol et de colère grondant au sein de ce secteur. Depuis plusieurs mois déjà, dans les collèges et les lycées de la banlieue parisienne, des assemblées générales et des grèves spontanées se multiplient. C’est donc sciemment que la bourgeoisie en rajoute une couche. La manœuvre est simple. Pour masquer l’attaque sur les retraites, une attaque qui touche toute la classe ouvrière, elle harcèle un secteur spécifique avec une mesure spécifique.
C’est ici que les syndicats rentrent en scène. Refoulant la question des retraites au second plan, ces officines mettent en avant la revendication particulière du combat contre la décentralisation. Ainsi, le secteur de la classe ouvrière le plus touché, au lieu de devenir la locomotive d’un mouvement plus large et global, s’enferme dans le piège du corporatisme. Résultat : les enseignants se retrouvent isolés et donc impuissants. Les syndicats finiront d’épuiser les éléments les plus combatifs en les entraînant dans des actions désespérées et stériles tel que le blocage des examens de fin d’année.
La démoralisation sera à la hauteur de la défaite. Aujourd’hui encore, les enseignants n’ont pas oublié qu’ils se sont mobilisés, lors de ce fameux printemps 2003, pendant des semaines, voire pour certains des mois, sans rien obtenir. Pire ! Afin de parachever le travail de sape, la bourgeoisie prendra un malin plaisir à annoncer à grand renfort de publicité que pas un seul jour de grève ne sera payé. Le Premier ministre de l’époque, Jean-Pierre Raffarin, pourra ainsi, en guise de conclusion, ressortir son message adressé à toute la classe ouvrière : “ce n’est pas la rue qui gouverne”.
Le corporatisme est décidément un piège mortel. “Diviser pour mieux régner”, tel est le vieil adage de la classe dominante. Quant à nous, ouvriers, notre force réside dans notre unité et notre solidarité sans faille. La défaite du printemps 2003 montre que seuls, nous ne sommes rien, mais la victoire du mouvement contre le CPE du printemps 2006 prouve qu’au contraire, en luttant ensemble, nous pouvons résister aux coups de boutoirs de la bourgeoisie et même la faire reculer. La force de la classe ouvrière, c’est sa solidarité !
Pawel (30 août)
Au mois de juin, une grève de quatre semaines a eu lieu en Afrique du Sud. Entre 600 000 et 1 million d’ouvriers ont cessé le travail, entraînant la fermeture de la plupart des écoles et de nombreux bureaux, l’arrêt de certains transports publics et le remplacement du personnel des hôpitaux par du personnel militaire. Ce mouvement de la classe ouvrière est le plus important depuis la fin de l’apartheid en 1994. Durant ces grèves, le syndicat COSATU et le SACP (Parti Communiste d’Afrique du Sud), qui font partie de la coalition gouvernementale au pouvoir avec l’ANC. se sont efforcés de briser les forces ouvrières et de faire passer les attaques contre le pouvoir d’achat.
La fin de l’apartheid n’a rien changé
Les conditions de vie et de travail en Afrique du Sud se sont terriblement détériorées pour la majorité de la population. L’espérance de vie, le degré d’alphabétisation, l’accès aux soins ont décliné. Il y a maintenant, en Afrique du Sud, 5,5 millions de patients atteints du Sida, le chiffre le plus élevé au monde.
Les syndicats et les commentateurs de gauche et gauchistes accusent régulièrement la politique “pro-business” et particulièrement cupide du président Thabo Mbeki. Mais ce n’est pas à cause de la cupidité ou de politiques économiques particulières que le gouvernement ANC/SACP/COSATU attaque les conditions de vie des ouvriers et des autres couches non exploiteuses en Afrique du Sud. Un gouvernement capitaliste ne peut être autre chose que “pro-business” et donc contre la classe ouvrière. La seule “libération” qui soit survenue en 1994 a été celle d’un petit nombre d’activistes politiques noirs pour occuper une position plus importante dans l’appareil politique de la classe dominante et mieux tromper la classe ouvrière. Les élections qui ont eu lieu depuis ont ainsi renforcé l’idée que quelque chose de fondamental avait changé dans la société sud-africaine avec l’arrivée d’une plus large démocratie. Le Socialist Worker (9 mai 2007) a rapporté les propos d’un ouvrier dans une manifestation à Pretoria : “Nous pensions que le gouvernement nous soutiendrait comme ouvriers parce que nous les avons mis au pouvoir, mais c’est comme s’il nous avait oubliés.” Cette sorte d’illusions est constamment nourrie par les syndicats et les gauchistes, qui sont heureux de parler des concessions de l’ANC au néo-libéralisme mais qui ne l’étiquette jamais ouvertement comme étant une partie pleine et entière de la bourgeoisie.
Perspectives pour les luttes futures
Quelques commentateurs, en Afrique du Sud, ont vu la récente grève comme un signe que les syndicats allaient jouer un rôle plus indépendant et que cela encouragerait les ouvriers à entrer dans de futures actions. En réalité, c’est à cause du mécontentement croissant parmi la classe ouvrière que les syndicats essaient de prendre leur distance vis-à-vis du gouvernement. Dans Socialist Workers (23 juin 2007), un membre de l’organisation gauchiste South Africa’s Keep avance l’idée selon laquelle cette “ambiance ouvre la porte à une renaissance de l’auto-activité durant les grèves”. Ce qui est certain, c’est que tous les prétendus défenseurs de la classe ouvrière (syndicats et autres) s’opposeront de toutes leurs forces à l’émergence d’une réelle auto-activité des ouvriers. Une réelle lutte autonome signifierait que les ouvriers seraient parvenus à prendre en charge eux-mêmes leurs luttes, hors des syndicats. Cela n’a pas été les cas.
La lutte présente, bien que significative, n’est nullement un fait inédit depuis 1994. En août 2005, 100 000 ouvriers des mines d’or ont fait grève pour des revendications salariales. En septembre 2004, il y a eu la plus importante journée en nombre de grévistes de l’histoire de l’Afrique du Sud, impliquant 800 000 à 250 000 ouvriers selon qu’il s’agit des chiffres fournis par les syndicats ou ceux du gouvernement. Les enseignants étaient particulièrement en colère puisqu’ils n’avaient pas eu d’augmentation salariale depuis 1996. En juillet 2001, il y avait une vague de grèves dans les industries minières et énergétiques. En août 2001, il y a eu une grève de trois semaines impliquant 20 000 ouvriers de l’automobile. En mai 2000, les grèves dans l’industrie des mines se sont étendues au secteur public. Durant l’été 1999, il y a eu une vagues de grèves incluant les ouvriers des postes, des mines d’or et du secteur public avec les enseignants, les hospitaliers et d’autres travailleurs du public.
Implicitement, toutes ces luttes ont amené les ouvriers à se dresser contre l’ANC et le gouvernement sud-africain. Mais la dernière vague de grèves a montré la nécessité pour la classe ouvrière de développer une prise de conscience de la véritable nature bourgeoisie de ses faux-amis et de la signification globale de ses propres luttes.
D’après World Revolution,
section du CCI en Grande-Bretagne.
L’été 2007 a encore confirmé l’aggravation de l’horreur et du chaos guerrier dans de nombreuses parties du monde. Si la situation s’est relativement et tout à fait momentanément apaisée au Liban, l’Afghanistan a vu une recrudescence des combats et des attentats terroristes talibans et c’est encore particulièrement l’Irak qui s’enfonce dans l’épouvantable. Les morts s’y comptent quotidiennement par dizaines, dans les affrontements armés comme dans les attentats-suicide et les massacres organisés de populations. Cette violence aveugle et folle s’exacerbe et s’étend sur ce pays dans un mouvement de véritable fuite en avant qui est devenu incontrôlable. 500 personnes de la communauté yazidie1 ont ainsi été assassinées en quatre attentats successifs au mois d’août, alors que se déchaînent avec une brutalité sans précédent les exactions entre Kurdes, Sunnites et Chiites, souvent en leur sein même. En juillet seulement, 1650 civils irakiens ont été tués et le bilan du mois d’août s’annonce encore plus lourd.
Ce qui n’empêche pas le président irakien de déclarer : “Il n’existe pas de guerre chiite-sunnite, mais des divisions à l’intérieur de ces communautés”2. Rien de plus, rien de moins !
Depuis 2003, plusieurs dizaines de milliers d’Irakiens sont morts directement des effets de la guerre, la population est affamée, sans système de soins, l’électricité est devenue un luxe, tout comme l’eau. Bagdad s’est transformé en une collection de ghettos emmurés, abritant les bandes rivales et les communautés ennemies, tandis que des familles entières sont totalement séparées.
Plus de deux millions de personnes ont été déplacées à l’intérieur du pays, sans perspective autre que d’échapper immédiatement au massacre, et le même nombre a fui à l’étranger pour un avenir tout aussi incertain.
Quant à l’armée américaine, elle dénombre plus de 3000 morts “officiels”, certaines sources hospitalières américaines officieuses parlant de 10 000, sans compter les cas de suicides qui ont frisé la centaine en 2006, et les rumeurs de foyers de révolte au sein de l’armée qui se font tous les jours plus précises.
Voilà “l’héritage” immédiat de la grande lutte de l’équipe Bush, et de la coalition qui l’a suivie, contre le terrorisme, dans une guerre que 58% d’Américains dénoncent aujourd’hui.
C’est dans le contexte de cette inhumanité hurlante que Kouchner, fervent défenseur de la guerre en Irak comme partout dans le monde du moment que cela se fait pour la “bonne cause”, est venu s’ingérer à Bagdad, “par surprise” et pour apporter “un simple message d’amitié”, en porteur du flambeau international de l’humanitaire. Cet inlassable voyageur et convoyeur de l’impérialisme français a demandé aux Irakiens “de la patience” car on était juste au “début, (il) espère, de la fin de la crise”. Quel fin visionnaire ! Cependant, au-delà des aspects un tant soit peu ridicules et vains de ce voyage, il a pour signification une intention de la France de revenir sur la scène irakienne, où elle aimerait pouvoir y retrouver une influence. Il est évident que la France n’est d’aucun poids réel dans la situation irakienne, à l’image de celui d’une ONU à l’engagement de laquelle appelle Kouchner de tous ses vœux. Que ce soit dans le contexte du retrait éventuel des Etats-Unis ou dans celui de la continuation de leur présence, alors même que la Grande-Bretagne organise ses préparatifs de départ, on voit mal quel pourrait être l’apport objectif de Paris, qui voudrait “aider les Etats-unis à trouver une porte de sortie en Irak"3, tandis que les services de renseignements français ne cessent de rapporter au président français les éléments du chaos et du désastre grandissant que connaît l’armée américaine. De plus, une implication de la France la mettrait une nouvelle fois en ligne de mire des terroristes.
Mais il faut cependant souligner l’ignominie et le cynisme du gouvernement de l’hexagone et de ses représentants qui, drapés du manteau de la paix et de l’humanitaire, utilisent les monstruosités de la guerre pour s’en horrifier en apparence et faire passer au fond leurs besoins impérialistes et militaires.
Pour ce qui est des Etats-Unis et de leur croisade anti-terroriste, l’échec est total et a mené Washington dans une véritable impasse. Les différentes options qu’elle peut à l’heure actuelle envisager lui sont toutes défavorables. Bush a été incapable de mettre en place un gouvernement un minimum crédible, qui n’est que l’expression directe des dissensions Chiites et Sunnites, gouvernement dont les représentants ont détourné au profit de leurs cliques respectives la moitié des armes livrées aux autorités officielles irakiennes par le Pentagone depuis trois ans. Sans compter avec une police dont de nombreux éléments permettent l’accès des camps militaires américains aux terroristes-kamikazes. Voilà pour la fiabilité des instances et des hommes mis en place par les Etats-Unis sur le territoire irakien. Que ces derniers restent ne changera rien à la situation sinon l’aggraver encore sur place et exciter davantage l’opposition anti-guerre aux Etats-Unis. Quant à un départ, qui ne pourra se faire que sur de nombreux mois avec la présence de 150 000 hommes et de leur matériel, il est humainement périlleux pour l’armée américaine elle-même, en ouvrant la route d’une explosion de la terreur guerrière tous azimuts encore pire que celle existante et les portes de l’Irak à un Iran qui attend son heure. Et ce ne sont pas les 90 hommes que l’ONU se projette de dépêcher sur place, au lieu des 65 déjà présents, qui vont faire contrepoids !
Cependant, la perspective du retrait au moins partiel est désormais envisagée par l’administration Bush. Et c’est en ce sens, et pour contrebalancer les velléités hégémoniques de Téhéran, qu’elle s’efforce de mettre sur pied un bloc des pays arabes alliés de l’Amérique en leur offrant le renforcement de leur potentiel militaire : 20 milliards d’armement ultra-sophistiqué en dix ans pour l’Arabie saoudite, le Qatar, Bahreïn, le Koweït, les Emirats arabes unis et 13 milliards de dollars pour la même période à l’Egypte. Mais il y a un hic, car Israël a exigé sa propre contrepartie, du fait qu’il ne pouvait voir sa supériorité militaire dans le Moyen-Orient remise en cause ainsi que son rôle de “gendarme” de la région. Aussi, les Etats-Unis lui ont-ils fourni une “compensation” de 30 milliards de dollars d’armes, c’est-à-dire une augmentation particulièrement significative de 25 % de leurs fournitures militaires à Tel-Aviv.
On voit en définitive l’Amérique organiser elle-même une surenchère à l’armement dans une région déjà à haut risque et en direction d’un pays comme l’Arabie Saoudite accusée à Washington même de soutenir les terroristes sunnites, voire Al-Qaïda. Dans un monde où la règle est le “chacun pour soi”, la réponse que tente d’y donner la première puissance mondiale ne fait qu’aggraver l’accélération de ce chacun pour soi et les tensions guerrières.
De façon plus large, c’est une sorte de fièvre de la course aux armements qui se développe significativement depuis fin 2006, et s’élargit à de nombreuses puissances. Et dans cette accélération dans la folie guerrière capitaliste, le nucléaire est de plus en plus en pointe. Ce n’est pas une surprise en soi. Les essais nucléaires de la Corée du Nord début 2006, les achats répétés de technologie nucléaire et de missiles à la Russie par l’Iran depuis un an, les velléités de pays secondaires comme le Brésil de reprendre leur programme nucléaire, etc., étaient des signes annonciateurs du fait que chaque pays ne se contente plus d’être sous le “parapluie” nucléaire de telle ou telle grande puissance mais exprime la volonté de se défendre lui-même.
Les Etats-Unis, en réponse à la destruction par un missile chinois d’un satellite météo en janvier 2007, destruction spatiale venant montrer la faiblesse potentielle américaine quant à sa capacité de diriger ses armes aériennes, navales et terrestres dans un conflit lointain, ont été une fois encore à l’origine de cette accélération par la proposition de renforcer leur bouclier anti-missile quasiment à la frontière de la Russie. Celle-ci ne pouvait évidemment que répondre, et n’attendait que cela, par la vague menace de viser l’Europe puis par celle plus concrète d’installer des missiles à Kaliningrad, en mer Baltique, juste entre la Pologne et la Lituanie, à deux pas du bouclier américain.
Mais la course à l’armement nucléaire ne concerne plus seulement les grandes puissances. On voit en effet une ceinture nucléarisée se développer au Moyen et au Proche-Orient jusqu’en Asie de l’Est. Si l’on compte l’Iran, force potentielle, on peut suivre un arc de cercle quasiment continu bourré de missiles nucléaires, d’Israël à la Corée du Nord en passant par le Pakistan, l’Inde et la Chine, le tout chapeauté par l’arsenal russe. En bref, une véritable poudrière atomique, en particulier dans certaines régions qui sont, déjà, des poudrières et des lieux de conflits guerriers permanents.
Dans le contexte de prolifération de conflits en tous genres d’aujourd’hui, le fil qui tient l’épée de Damoclès nucléaire sur nos têtes se fait toujours plus ténu. Ce ne sont pas les accords Salt ou autres qui garantissent quoi que ce soit. C’est seulement le développement massif des luttes ouvrières jusqu’au renversement de cette société capitaliste qui est une nécessité pour en finir avec la menace guerrière, terroriste ou nucléaire, et ouvrir la voie à un futur pour l’humanité.
Mulan (30 août)
1) Les Yazidis sont une communauté religieuse considérée comme hérétique pour l’orthodoxie musulmane sunnite. Un grand nombre d’entre eux sont des Kurdes.
2) Le Monde du 22 août 2007.
3) Cité par Le Canard Enchaîné du 22 août 2007.
Depuis le début des années 2000, la crise du capitalisme s’est profondément aggravée. Et c’est évidemment la classe ouvrière qui en subit les conséquences dramatiques. Dans tous les pays industrialisés, les prix flambent, les accès aux soins se réduisent comme peau de chagrin, les salaires sont gelés, les indemnités permettant aux sans-travail de survivre disparaissent.
Chaque année est pire que la précédente. 2006 et début 2007 ont ainsi vu se multiplier les charrettes de licenciements partout dans le monde. Le secteur de l’automobile, particulièrement mal en point, a détruit des dizaines de milliers d’emplois. Dernière annonce en date, le constructeur Fiat va supprimer 12 300 postes. Mais il n’y a pas que les secteurs traditionnels de l’industrie qui sont aujourd’hui touchés. Signe des temps, les entreprises de pointe virent, elles aussi, à tour de bras. Nous avons tous en tête le plan de restructuration “Power 8” chez Airbus, fleuron de l’économie française et allemande, et ses 10 000 suppressions de postes. Les entreprises de haute technologie ou de communication ne sont pas en reste : 2290 postes en moins chez Nokia-Siemens, 3000 pour l’audiovisuel en Espagne et 9400 chez Microsoft Word. La liste pourrait ainsi être poursuivie pratiquement indéfiniment !
Mais tout ceci n’est rien en comparaison de la nouvelle tourmente qui s’annonce. L’accélération de la crise économique qui a débuté cet été va entraîner une violente vague d’attaques contre la classe ouvrière.
La crise de l’immobilier aux Etats-Unis risque de jeter à la rue, dès cet automne, près de trois millions d’ouvriers incapables de rembourser des prêts exorbitants et dont les maisons seront tout bonnement réquisitionnées par les banques ! Mais cette crise a des répercussions bien plus larges encore. En effet, à peine la crise financière commencée, les suppressions d’emplois et autres licenciements massifs tombent dru.
Le journal 20 Minutes a ainsi titré : “Crise des subprimes: licenciements en masse dans la finance” (le 22/08/2007). Depuis le début août, il y a eu aux Etats-Unis, pays le plus touché actuellement par la crise de l’endettement et du crédit, 21 000 licenciements dans le secteur de la finance et, en particulier, dans les établissements de crédit. La banque d’affaire Sun Trust en a annoncé 2400 et des sociétés de crédit telles que First Magnus Financial, Countrywide ou Capital One, 8640. Au total, depuis le début 2007, les licenciements annoncés dans ce secteur s’élèvent à 87 962, soit le double de l’année précédente. “Nous avons ici une photo de la situation qui montre que les réductions d’effectifs explosent au fur et à mesure que la crise s’aggrave”, a indiqué John Challenger, un spécialiste interrogé par Bloomberg.
Mais le secteur de la finance n’est pas le seul touché. Au contraire, la crise qui s’est déclenchée cet été a déjà des répercussions importantes sur toute l’économie. Toutes les entreprises savent que l’heure de l’austérité a sonné, la consommation des ménages américains va se réduire fortement. Anticipant la récession qui s’annonce, les plans de restructurations se multiplient. Dans l’informatique, Dell va supprimer 8800 postes. La société Monster dont, ironie de l’histoire, le slogan publicitaire affirme à grandes trompettes “Monster.fr Leader mondial de l’emploi sur Internet !!!” se propose aujourd’hui de supprimer à son tour 800 emplois, soit 15 % de ses effectifs mondiaux. Le spécialiste du recrutement champion du licenciement… tout un symbole pour les temps à venir ! L’édition américaine n’est pas en reste, puisque la réduction de ses effectifs sera de 5000 salariés. La crise n’ayant pas de frontière, tous les pays vont être touchés. Unilever le groupe d’agro-alimentaire anglo-néerlandais vient d’annoncer 20 000 licenciements !
La crise financière en court, qui commence déjà à se propager à toute l’économie, va conduire ainsi directement dans les mois à venir à une véritable explosion des licenciements partout dans le monde.
Les prix de l’alimentation de base vont connaître, avec cette crise, une violente augmentation. Il faut s’attendre, au niveau mondial, à des hausses de plus de 10% pour tous les produits de première nécessité ! Le lait, le pain, les céréales, le riz, le blé, les pâtes, tous ces produits indispensables à la vie de tous , vont être ceux qui vont subir les plus grosses augmentations. Par effet de contagion, la viande même de qualité médiocre et les fruits vont suivre.
Si on cumule l’explosion des licenciements qui s’annonce et l’augmentation violente des prix de la nourriture, on se rend compte aisément de ce qui attend la classe ouvrière partout dans le monde dans la période à venir.
Françoise (31 août)
Une fois encore, les mœurs crapuleuses de la bourgeoisie se sont dévoilées en plein jour. Avec l’affaire des “infirmières bulgares”, les grandes démocraties ont démontré qu’elle n’avaient rien à envier aux plus ignobles dictatures.
Pour la plus grande gloire de la Nation, les médias français se sont répandus en photos montrant ces otages libérés, après neuf longues années de captivité et de torture par le régime libyen, se jeter dans les bras de la nouvelle égérie française, Cécilia Sarkozy. Plus fort encore que Kouchner tenant dans ses bras des enfants somaliens mourant de faim !
Il n’y a aucune illusion à avoir, la vie de ces infirmières bulgares et du médecin palestinien emprisonné avec elles n’a pas plus de valeur aux yeux des Sarkozy, et de toute la bourgeoisie française, qu’à ceux du sanguinaire Kadhafi. Si la diplomatie tricolore s’est démenée pour obtenir leur libération, c’est pour des raisons bien différentes de l’humanisme et de la bonté d’âme.
D’abord, évidemment, tout ce cirque médiatique a permis au nouveau président français de se faire un bon coup de pub et de travailler son image d’homme de cœur bombant le torse. Mais bien plus cynique encore, derrière cette libération se cachent des tractations militaires ! Le 25 juillet, cet “exploit” de la diplomatie française se concrétisera en effet sans ambiguïté dans de sordides négociations : deux accords entre la France et la Libye sur la vente de nombreux armements et la fourniture d’un réacteur nucléaire à Tripoli.
Pascale (31 août)
Cette prise de position sur le dernier tremblement de terre au Pérou nous a été envoyée par un contact de ce pays. Elle respire l’indignation face aux conséquences qui en résultent pour les ouvriers et, de façon générale, pour les miséreux alors que, en ce qui la concerne, la bourgeoisie étale son hypocrisie et sa cupidité. Nous partageons bien sûr la vision que le capitalisme est responsable de ces conséquences et que seule sa destruction pourra permettre d’instaurer et de développer des conditions de vie vraiment humaines.
"C’est une épreuve de plus que Dieu, dans l’au-delà, nous envoie” (Alan Garcia Perez, Président du Pérou)
Il est parfaitement évident que la bourgeoisie tire profit de cette “épreuve divine”. Ces derniers mois, la bourgeoisie locale a dû s’affronter à la combativité de millions de prolétaires mobilisés pour leurs revendications, une combativité qui a favorisé, surtout au sein du prolétariat des mines, le développement d’un haut niveau de solidarité prolétarienne. […]
La manœuvre de Alan Garcia contre la bourgeoisie chilienne 1 avait fait long feu et n’avait eu de résultats que dans la presse aux ordres et dans la bouche des intellectuels à la solde de l’État. Alors qu’une nouvelle vague de luttes menaçait d’exploser sur divers fronts, le 15 août à 18 h 40, la terre a tremblé avec une puissance de 7,5 sur l’échelle de Richter à près de 60 kilomètres de Pisco, qui se trouve à près de deux heures de Lima. Des centaines de milliers d’habitants ont tout perdu en 70 secondes, en particulier à Pisco, Chincha et Ica. Ces villes ont été complètement détruites. A Lima, la capitale, l’onde de choc a causé des dommages importants. L’essentiel des dommages se situait par conséquent au nord de Lima et dans tout le département d’Ica et ceux limitrophes à celui-ci.
L’appareil de l’Etat paraissait en plein désarroi ; il n’a pas réagi durant des heures. Négligeant sa fameuse élégance, le président Garcia posait dans son bureau en manches de chemises, aux côtés de ses acolytes qui allaient envoyés pour évaluer l’ampleur du désastre. Personne ne pouvait y arriver par voie de terre, la route panaméricaine étant impraticable à plusieurs endroits, mais quelques journalistes parvinrent à atteindre Chincha, Pisco et Ica, les principales villes dévastées, et ils commencèrent immédiatement à envoyer leurs reportages. A Ica, l’église du Seigneur de Luren s’était effondrée, écrasant des dizaines de fidèles sous les décombres. A Tambo de Mora (le port de Chincha), les murs de la prison se sont effondrés et 600 prisonniers ont pu s’échapper. Le jeudi matin, on comptait déjà 500 morts et plus de mille blessés.
Ce même jour, le président Alan Garcia fit son apparition, accompagné par le premier ministre Jorge del Castillo, le ministre des armées Alan Wagner et le président du Congrès Gonzales Posada. Pendant la campagne électorale, ce dernier s’était engagé à reconstruire l’aéroport de Ica, promesse qu’il n’avait bien sûr pas tenue ; aujourd’hui, les secours ne peuvent toujours pas atteindre cette ville... inaccessible sinon par la voie des airs.
Les premiers signes de colère se sont exprimés dans la population. Quelques exemples de manifestations de mécontentement ont pu filtrer malgré le chaos des informations et la mainmise des médias sur celles-ci, qui montrent la véritable et profonde raison à l’origine du désastre : la misère. Dans les endroits où les villes ont été dévastées, la population construisait ses habitations en torchis et bien sûr sans la moindre précaution antisismique. Par ailleurs, beaucoup de maisons étaient très vieilles et ne purent résister au séisme.
Voici un exemple illustratif : à Pisco, une ville qui possède un port proche et une station balnéaire pour millionnaires, Paracas, la portée de la catastrophe fut très inégale. Les constructions en dur et les villas de plage des riches résistèrent au séisme, alors que toute la ville de Pisco et le port furent totalement détruits. La nature ne fait pas de différences ni n’accorde de privilèges, c’est la division de la société en classes qui les perpétue. C’est cette perpétuation qui a provoqué la catastrophe actuelle dont l’ampleur ne cesse d’augmenter. C’est la misère provoquée par la société capitaliste qui a provoqué autant de destructions, car les pauvres ne pourront jamais vivre dans des maisons solides, construites avec du matériel de bonne qualité et suivant des plans tenant en compte les exigences des zones sismiques. Mais l’ignominie du capitalisme n’en reste pas là, la bourgeoisie se frotte les mains en pensant déjà aux bénéfices qu’elle pourra tirer de la reconstruction du pays.
L’armée, qui compte dans ses rangs des centaines d’ingénieurs experts en construction et possède le matériel lourd nécessaire, reste pour l’heure dans ses casernes car la spéculation financière sur la construction a déjà commencé. Les diverses fractions de la bourgeoisie se disputent en ce moment les prochains marchés. L’exemple le plus significatif a été donné par l’alliance entre la journaliste Cecilia Valenzuela et la compagnie d’assurances La Positiva qui souhaite reconstruire la région.
Les billets d’avion pour cette zone ont déjà augmenté de 400 %, et Alan Garcia s’est contenté de protester à la télévision, car tout doit s’incliner devant les règles du libre-marché. La Banque de Crédit, avec à sa tête Dioniso Romero, a ouvert un compte pour capter les fonds d’aide à la région, un nouveau revenu pour une banque qui veut montrer qu’elle est la plus performante du pays, qu’elle a le sens des affaires inscrit dans ses gènes. La Coopération espagnole a aussi fait son apparition, de même que Pompiers sans Frontières, tout l’appareil d’aide sociale commence à montrer le bout de son nez alors que le gouvernement central, les gouvernements régionaux et locaux laissent la reconstruction aux mains des entreprises privées. Mais les prolétaires savent déjà que l’Etat, sous le capitalisme, ne peut être que l’Etat des capitalistes.
L’ONU a déjà envoyé un million de dollars et la Banque interaméricaine de développement (BID), qui avait prêté 80 millions à la corporation Wong avec l’aval du Fujimori, n’a envoyé pour sa part que 200 000 dollars. Caritas n’est pas en reste et a aussi mais tardivement ouvert son compte. Les affaires ne doivent bien sûr pas s’interrompre, c’est la leçon essentielle que les bourgeoisies locales ont tirée de la tragédie.
Celle que nous devons tirer pour notre part est que même si la force colossale de la nature peut causer de grands malheurs, la véritable puissance destructive se trouve dans les rapports sociaux auxquels sont soumis des millions d’êtres humains sur la terre. Ces rapports les condamnent à vivre misérablement, dans les pires conditions de logement. Ce n’est que leur disparition, la disparition des rapports sociaux bourgeois, la disparition du capitalisme au niveau mondial qui pourra permettre des conditions de vie décentes et humaines à toute la population de la planète, c’est la seule issue pour la survie que nous ayons dans le futur.
H
(17 août 2007)
1 L’Etat péruvien avait publié une carte affichant ses prétentions sur les eaux territoriales. La bourgeoisie chilienne avait saisi la balle au bond et envoyé immédiatement son armée effectuer des manœuvres au nord du Chili, dans la zone frontière avec le Pérou. On constate une fois de plus que les revendications nationalistes des Etats ne sont que des manœuvres pour prolonger et renforcer leur pouvoir au prix de millions de travailleurs qui pourraient être envoyés se battre contre leurs frères de classe d’un autre pays. L’ennemi des travailleurs péruviens, c’est la bourgeoisie péruvienne, comme la bourgeoisie chilienne est l’ennemie du prolétariat chilien.
"J'ai été élu pour mettre en œuvre des réformes profondes, pour moderniser la France, et ces réformes se feront" déclarait encore Sarkozy lors de son interview télévisée du 20 septembre. Il est clair que dans la bouche des hommes d'Etat, "réformer" signifie attaquer et attaquer sans cesse les conditions de vie et de travail de la classe ouvrière. L'enchaînement de ces attaques énoncées quelques jours auparavant est impressionnant :
Il s'agit là d'une série d'attaques massives touchant toutes les catégories de la classe ouvrière que le gouvernement Sarkozy dit vouloir réaliser en quelques mois, voire quelques semaines.
Pourquoi enchaîner en rafales des attaques d'une telle ampleur ?
Tout simplement parce que se profile une croissance catastrophique, ramenée à 1,5%, avec une dette publique vertigineuse qui contraint la bourgeoisie française à tenter de combler son retard par rapport à ses principaux rivaux et à donner un sérieux tour de vis. Quand le premier ministre Fillon déclare de façon alarmiste que l'Etat "est en situation de faillite", cela veut dire en clair que la bourgeoisie veut faire payer à la classe ouvrière la faillite de son Etat.
Si la bourgeoisie a décidé de s'attaquer en priorité aux régimes spéciaux de retraites, ce n'est pas pour des raisons purement économiques : ces mesures ne peuvent représenter qu'une part dérisoire dans le budget. Par contre, dans la série de toutes les attaques prévues, c'est celle qui permet de mieux tenter de diviser la classe ouvrière, d'enfoncer un coin pour déclencher ensuite d'autres attaques encore plus lourdes. C'est au nom de l'équité et de la justice sociale que cette "réforme" est mise en avant. On cherche à présenter les catégories d'ouvriers qui en bénéficient encore comme des privilégiés. Il faut rappeler pourquoi, ces régimes spéciaux ont été octroyés il y a 60 ans. Il fallait convaincre les ouvriers de "retrousser les manches" comme l'exhortait le PCF au profit de la "reconstruction nationale" d'après guerre. Ainsi, les salariés d'EDF ou de GDF ont en échange été astreints de travailler dans l'urgence, de nuit comme de jour sur des lignes à haute tension ou sur des canalisations, dans des conditions particulièrement dangereuses. Une autre contrepartie est que leurs salaires ont été maintenus à des niveaux relativement modestes. De même, à la SNCF ou à la RATP, la pénibilité des horaires ou du métier se double d'un haut niveau de responsabilité vis-à-vis des passagers. La classe ouvrière n'a rien à gagner à la suppression des régimes spéciaux qui touche déjà directement de larges parties des familles de prolétaires mais il doit être particulièrement clair que laisser passer ces mesures, c'est surtout laisser la porte ouverte à toutes les autres attaques qui s'annoncent encore plus féroces. Demain, ce sera le tour des fonctionnaires d'être dans le collimateur et présentés comme des nantis, comme les ouvriers réduits au chômage ou les salariés en arrêt maladie désignés comme des profiteurs, etc.... Cette logique qui prétend agir au nom de l'intérêt collectif, de la solidarité et de la justice sociale ne débouche que sur toujours plus de sacrifices pour les prolétaires. Elle a déjà permis d'imposer l'allongement de la durée des cotisations et de diminuer les pensions de retraite, elle entraîne vers le démantèlement de toute protection sociale, elle n'offre pas d'autre perspective que de faire plonger dans la misère une partie croissante des ouvriers. Il s'agira toujours de travailler plus pour gagner moins.
Pour en sortir, il ne faut nullement compter sur la gauche et le PS qui défendent les mêmes objectifs que le gouvernement. François Hollande lors des Universités d'été de La Rochelle déclarait "la France, globalement, doit travailler plus, mais en s'organisant autrement", Ségolène Royal elle aussi lors de la campagne présidentielle était intervenue pour préconiser "une remise à plat du système des retraites". Quant au "jeune loup" du PS, Manuel Valls, il plagie carrément Sarkozy lors d'une interview dans le journal Les Echos : "Les régimes spéciaux doivent être alignés sur le régime général." Il ne faut pas oublier que c'est le socialiste Rocard et son fameux Livre Blanc en 1986 qui a commencé à s'attaquer à la question des retraites, et tous les gouvernements, de gauche comme de droite, s'en sont par la suite largement inspiré.
Face à toutes ces attaques, il n'y a qu'un seul chemin permettant de lutter contre la dégradation continuelle des conditions de vie : se réunir, se rassembler, dépasser et refuser la division concurrentielle entre secteurs, catégories, entreprises dans laquelle la bourgeoisie cherche à nous enfermer. Les besoins de la classe ouvrière en lutte, ce sont les assemblées générales ouvertes à tous les travailleurs, du privé comme du public, en activité, retraités ou réduits au chômage, ce sont aussi les manifestations les plus larges et les plus massives où les ouvriers d'autres secteurs sont entraînés dans la lutte. C'est seulement de cette manière que les prolétaires seront capables d'imposer collectivement un rapport de forces susceptible de faire reculer les attaques de la bourgeoisie, comme l'a démontré la lutte des étudiants et lycéens contre le CPE au printemps 2006 que la bourgeoisie cherche aujourd'hui à faire oublier.
Est-ce ce type de riposte unie et solidaire que les "spécialistes de la lutte", les syndicats, sont en train de préparer ? Evidemment non ! La réelle "spécialité" de ces organes d'encadrement et de quadrillage de la classe ouvrière depuis des décennies, c'est bien la division des rangs ouvriers et le sabotage des luttes ! Ils déploient leur énergie pour que l'abolition des régimes spéciaux ne soit surtout pas l'étincelle d'une lutte plus générale contre toutes les attaques anti-ouvrières. Ainsi, une fois encore, les syndicats poussent les prolétaires à accepter de négocier au cas par cas, secteur par secteur, branche par branche. Ce n'est pas la réforme elle-même qu'ils critiquent (avec laquelle plusieurs leaders syndicaux, Chérèque de la CFDT ou Mailly de FO en tête, ont publiquement manifesté leur accord sur le fond) mais c'est uniquement "la méthode Sarkozy" qui prétend passer en force. C'est de la pure hypocrisie car il y a un partage du travail entre le gouvernement et les syndicats. Il n'y a jamais eu autant de rencontres et de concertation entre les syndicats et les ministres. Leur but, c'est de focaliser l'attention des ouvriers sur la méthode de négociation, ce qui permet d'occulter le contenu de l'attaque. Alors, les syndicats freinent des quatre fers la mobilisation pour ne pas attiser la colère des travailleurs : c'est un mois après l'annonce officielle de la réforme des régimes spéciaux qu'ils programment une journée d'action le 18 octobre. Chaque syndicat y va de son couplet pour faire entendre qu'ils ne sont pas vraiment d'accord entre eux : la CFDT et FO ont manifesté leur réticence à "mélanger les problèmes" sous prétexte que la SNCF et la RATP n'auraient pas les mêmes statuts que les gaziers3 et les électriciens et que chacun devrait faire entendre ses propres revendications, la CGT met en avant la nécessité d'une riposte unitaire pour le 18 octobre (et seulement pour le 18) mais elle se distingue à la RATP en refusant de mettre en avant le maintien des 37,5 annuités pour le départ à la retraite tandis que Sud-Rail et les autonomes de la RATP appellent à une grève illimitée dans leur secteur à partir du 18 octobre. Le choix de cette date n'est pas fortuit : la date de "bouclage" de la réforme (15 jours) sera passée et les syndicats pourront prétexter qu'ils sont mis devant le fait accompli, ce qui renforcera leur protestation contre la "méthode Sarkozy" mais ils pourront aussi justifier par la suite qu'il faudra se plier devant la loi. C'est un jour de semaine, donc, la paralysie des transports impliqués - SNCF, RATP - relancera le débat autour du "service minimum" récemment adopté par le gouvernement et devrait favoriser la division entre public et privé. Enfin, cette paralysie des transports devrait empêcher les ouvriers de se retrouver trop nombreux ensemble dans la rue.
Car ce que redoutent par-dessus tout les syndicats comme l'ensemble de la bourgeoisie, c'est que les ouvriers expriment à travers une mobilisation massive leur unité et leur solidarité de classe !
W (26 septembre)
1) La Grande-Bretagne sert de modèle à l'avenir qui nous attend en matière de retraites : il y a actuellement 10 millions de retraités, 20% vivent au dessous du seuil de pauvreté, 2,5 millions perçoivent moins de 50% de leur salaire d'actif. Face à cette paupérisation, beaucoup sont obligés d'accepter, tant qu'ils en ont la force, quantité de "petits boulots". Les départs à la retraite se font après 44 ans d'activité, ce qui fait pour les hommes un départ à 65 ans, le rapport Turner prévoit de passer cet âge de départ à 67, voire 68 ans.
2) Comme cela vient de se passer en Allemagne à Deutsche Telekom où les salariés pour conserver leur emploi ont été "revendus" à des entreprises privées, moyennant une amputation de 50% de leurs salaires.
3 Ceux-ci sont d'ailleurs invités à protester avant tout contre leur privatisation et contre la fusion récente entre GDF et Suez.
Tout irait très bien. Ce ne serait pas grave. Il ne faudrait pas s’affoler. Que de discours hypocrites et mensongers. La bourgeoisie le mois dernier, au moment où éclatait la nouvelle phase d’accélération de la crise économique mondiale du capitalisme, appelée crise des “subprimes”, désirait à tout prix nous vendre sa salade idéologique, qui se voulait tout particulièrement rassurante. La crise financière ne serait que passagère. Elle serait même salutaire et souhaitable, afin de corriger certains excès spéculatifs de quelques requins de la finance mal intentionnés. Seulement voilà, depuis lors et en quelques semaines seulement, la réalité est venue balayer en un tour de main tous les discours de ces bonimenteurs appointés par la bourgeoisie.
En effet, il n’aura pas fallu attendre bien longtemps pour voir cette crise de l’endettement et du crédit se propager à toute l’économie. Comme il était prévisible que l’économie américaine entrerait alors très rapidement en récession. Ceci est déjà un fait acquis. Dans ce pays, l’économie perd 100 000 emplois par mois. Les employés des banques sont fortement touchés, et les licenciements massifs pleuvent quotidiennement.1 D’ailleurs, même en Suisse, pays symbole de l’aisance du niveau de vie en régime capitaliste, les licenciements sont à l’ordre du jour, comme vient de l’annoncer l’organisme bancaire le Crédit Suisse. Aux Etats-Unis, dans le seul secteur de la construction, les suppressions de postes se chiffrent d’ores et déjà par dizaines de milliers. Ce secteur est, sans aucun doute pour le moment, le plus touché par la crise. Les constructions de bâtiments et de maisons neuves face à un stock croissant d’invendus, viennent de connaître un violent ralentissement, alors que ce secteur était un des piliers majeurs de la croissance. L’inhumanité et l’indifférence de la bourgeoisie n’ayant pas de limite quand il s’agit de son intérêt, ce sont près de 500 000 ouvriers émigrés travaillant dans ce secteur qui ont vu brutalement leur emploi supprimé. Ces travailleurs de nationalité mexicaine vont se voir, eux et leurs familles lorsque celles-ci ont pu les rejoindre aux Etats-Unis, reconduire à la frontière sans autre forme de procès. Cette pratique infecte de la part de la bourgeoisie préfigure le type de comportement dont est capable cette classe d’exploiteurs, lorsqu’elle n’a plus besoin des ouvriers. Mais le prix que doit dès maintenant payer la classe ouvrière à la crise capitaliste ne s’arrête pas là !
Qui aurait pu imaginer il y a quelques semaines encore, voir des ouvriers former des files d’attentes dans les rues devant des agences bancaires, venir dès l’aurore tenter de retirer en catastrophe leurs économies de toute une vie ? Ceci se passe aujourd’hui à Londres devant les succursales de la Northern Rock, huitième institution financière d’Angleterre et troisième plus gros prêteur sur le marché immobilier. Incapable de rembourser sa montagne de dettes, cette institution financière en appelait à la banque d’Angleterre et au gouvernement afin de ne pas se retrouver instantanément en faillite. Ceux-ci se portaient immédiatement garants et assuraient publiquement que tous ceux qui avaient déposé de l’argent dans cette banque seraient remboursés intégralement. En fait, tous ces capitalistes se moquent totalement qu’après une vie de travail et de privation, des milliers d’ouvriers se retrouvent du jour au lendemain sans un sou. Leur peur est ailleurs. Nothern-Rock n’est que la première victime après Countrywide aux Etats-Unis et plusieurs autres banques en Allemagne, de cette crise généralisée de l’endettement et du crédit. Ce que craignent tous ces messieurs, c’est l’effet de contagion. Toutes les banques partout dans le monde en grands prédateurs qu’elles sont, ont plus ou moins utilisé les économies déposées à leurs guichets afin de spéculer sans vergogne, prenant toujours plus de risques afin de ramasser toujours plus gros. Pire encore, s’endettant elles-mêmes à tour de bras, elles ont poussé encore et encore à ce que des familles ouvrières avec de tout petits salaires s’endettent sans limite pour consommer. Que se passerait-il si tous ceux qui ont placé leurs économies en banque, pris de panique à juste titre, se précipitaient à tous les guichets pour réclamer leur argent ? Malgré les promesses de la bourgeoisie, rien ne leur serait rendu. C’est pour cela qu’il y a des files d’attentes devant la Northern Rock.
C’est bien face à la crainte des faillites de tout le système bancaire que la bourgeoisie a réagi. En Grande-Bretagne et à l’image des Etats-Unis, la dette des ménages est supérieure à 100% du produit intérieur brut et est constituée à 80% par les emprunts immobiliers. Autrement dit, tout le travail accumulé pendant un an dans tout ce pays, sans rien consommer ne suffirait même pas à rembourser ! Après l’explosion de la bulle spéculative et immobilière en août aux Etats-Unis et en attendant celle des autres pays développés, c’est maintenant au tour de l’Angleterre de connaître le même sort.
Les principales banques centrales du monde et notamment la Réserve fédérale américaine ainsi que la Banque centrale européenne avaient déjà injecté au mois d’août des sommes colossales pour soutenir l’économie et empêcher autant que possible les faillites à la chaîne.
Mais tout cela n’a pas suffi. Au cours des dernières semaines les bourses étaient toujours à la baisse et l’activité américaine en plein ralentissement. La banque centrale américaine a alors baissé en une seule fois le taux auquel elle prête de l’argent à toutes les banques et autres institutions de crédit de 0,50 point de base. En termes clairs, et comme par magie, elle vient de créer artificiellement une somme colossale d’argent nouveau, qu’elle sort de nulle part si ce n’est de ses ordinateurs. De manière immédiate et à très court terme cela a certes un impact très limité sur l’économie. Mais cela n’empêchera pas la phase de crise actuelle de continuer à se développer. Bien plus, cette politique d’un endettement toujours plus profond et généralisé, qui est à la base de l’actuelle accélération de la crise, ne peut pour demain que préparer des catastrophes économiques toujours plus violentes et profondes.
Tino
Lors de sa visite à l'usine Liebherr en Alsace (Colmar), au début du mois de septembre, Nicolas Sarkozy a affirmé qu'il allait engager "un gigantesque plan contre la fraude" aux allocations chômage. Il a déclaré par ailleurs : "ce n'est pas normal que quand on est au chômage on refuse un emploi qui correspond à votre qualification, parce que ce sont les autres qui paient". Avec sa volonté accrue de masquer les chiffres réels du chômage (voir RI n° 382), le gouvernement augmente d'un cran sa politique de flicage. Accusés de "fraude" et d'être des "profiteurs du système", les chômeurs sont dans les faits systématiquement fichés et traqués par les services de l'Etat. Le rapprochement des fichiers UNEDIC et de l'ANPE, à cet effet, constitue un véritable mouchard. Comme le confie avec indignation un agent de l'ANPE sous anonymat : "Le vrai bouleversement, c'est le suivi mensuel des chômeurs fondé idéologiquement sur une logique de résultat. Tout le monde s'attend à ce que la multiplication des convocations entraîne des radiations et des cessations d'inscriptions" 1. Par le recoupement de renseignements, "Big-brother" pourra exercer une pression constante plus forte. L'objectif est double : radier un maximum de chômeurs afin de ne plus les indemniser et les faire disparaître des statistiques, utiliser pour le reste un volant de main d'oeuvre servile aux coûts extrêmement bas. Toutes les informations recueillies sur la vie du chômeur seront non seulement à la disposition des boîtes d'intérim et de prestataires privés, qui peuvent eux aussi effectuer un contrôle au nom de leur appartenance au "service public pour l'emploi", mais également à disposition de la police et de la justice. Entre autres renseignements, ces fichiers attestent de la présence de l'allocataire sur le territoire, de sa situation familiale, des revenus de son conjoint, son nombre d'enfants à charge, sa disponibilité comme demandeur d'emploi. Grâce au DUDE (Dossier unique du demandeur d'emploi) et son "service personnalisé plus rapide", tout un arsenal d'intimidation et de stigmatisation passe ses victimes à la moulinette. Tous les chômeurs sont soumis à une véritable "chasse à l'homme", particulièrement les chômeurs de longue durée qui sont en ligne de mire car davantage suspectés de vivre "aux crochets de la société", de même que les enfants d'immigrés - car estampillés "délinquants" - ainsi que les familles pauvres - car trop "assistées" - menacées en permanence de mise sous tutelle de leurs allocations familiales. Au bout de six mois de chômage, le bureaucratique "parcours de type 3" de l'ANPE déclenche déjà un véritable harcèlement : tous les huit jours, le chômeur est convoqué par un "référent", obligé de se déplacer parfois des centaines de kilomètres dans la journée pour un rendez-vous bidon, induit dans un "parcours" qui doit "aboutir à un résultat" : c'est-à-dire offre pourrie, déqualification, CDD, intérim, stage ou... radiation (laquelle s'applique dès le deuxième refus d'un emploi "correspondant à la qualification du demandeur d'emploi et pas trop loin de son domicile", éléments subjectifs s'il en est) ! Afin d'obtenir la "flexibilité" souhaitée, le chantage à la perte des droits et revenus sera encore accentué ! Les chômeurs n'apparaissent plus depuis longtemps comme tels, ils ne sont, pour l'Etat, que des " fainéants" qui refusent de se "prendre en charge" ! Dans le langage de l'administration, un chômeur est un DE (demandeur d'emploi), bref, une sorte de "quémandeur". L'ANPE et l'UNEDIC, dont les agents sont progressivement transformés et regroupés en véritable "brigade anti-chômeurs", sont partie prenante d'un engrenage répressif d'autant plus insidieux qu'il "dématérialise" les victimes : tout est fait par la hiérarchie pour qu'on ne voit plus, derrière une énième procédure de radiation, un être humain en détresse, mais simplement, dans le langage bureaucratique professionnel des initiés, un dossier "GL2" ou encore "202" ! Bien entendu, afin de saper toute démarche de révolte chez les victimes, les mécanismes de la culpabilité, l'isolement et la détresse, sont exploités à outrance par l'infâme propagande d'Etat et ses médias. La logique du capitalisme en crise se doit, afin d'assurer son ordre et sa rentabilité, de "transformer les chômeurs en précaires , en coupables, coupables de ne pas faire l'effort de réinsertion (la "réinsertion" étant le terme réservé antérieurement aux condamnés), ces efforts consistant à se soumettre aux injonctions de l'ANPE, présence à toutes les convocations, quels qu'en soient les motifs, participation à des stages absurdes et vides de sens, acceptation de travailler gratuitement, sans aucune excuse pour s'y soustraire, pas plus la garde d'un enfant malade que le manque de moyen de locomotion, ou, le comble, que quelques heures de travail le jour de la convocation".2 Il n'est pas étonnant que lorsque l'ANPE rémunère un cabinet privé pour évaluer un chômeur, seules les évaluations qui le desservent sont prises en compte. Le chômeur n'a pas de véritable choix : ou il accepte des travaux pénibles, peu rémunérés et il sombre davantage dans la précarité ; ou alors il refuse ces mêmes travaux proposés et il plonge sans aucune ressource dans l'exclusion totale. Cette pression terrifiante permet de mettre en concurrence sauvage les chômeurs afin de faire baisser partout les salaires bloqués depuis des années et rognés de toutes parts maintenant par le retour de l'inflation.
Avec de telles méthodes, il serait étonnant que les chiffres du chômage ne parviennent pas à baisser. Mais pour qu'ils continuent à diminuer, malgré le rejet croissant d'ouvriers hors de la production capitaliste, il faudra sans cesse que la bourgeoisie accentue son arsenal répressif et pousse les chômeurs à l'épuisement.
Il n'y a aucune illusion à se faire, derrière le masque hypocrite de la démocratie, de la "lutte pour l'emploi", la dictature implacable du capital s'exerce impitoyablement par son Etat tentaculaire et policier. Un Etat qui ne peut que multiplier les intimidations et les attaques massives du fait de l'enfoncement dans une crise économique sans issue. Le véritable choix, pour les chômeurs comme pour les autres ouvriers, c'est donc de résister et de mener un combat uni et solidaire. Seule la lutte de classe pourra en effet briser l'isolement et offrir à terme une perspective autre que celle de la misère et de l'exploitation.
WH
1) Témoignage sur le site CQFD [985].
2) Témoignage sur le site Rue 89 [986].
Dans la nuit du 7 au 8 septembre dernier, à Aubervilliers en Seine-Saint-Denis, près d'une centaine de squatters ivoiriens ont été délogés du campement qu'ils avaient établi depuis le mois de juillet à la suite d'une première expulsion de quelques familles de leur logement occupé illégalement, et en solidarité avec elles. Cette brutale opération policière est le résultat d'une décision de justice obtenue par la municipalité d'Aubervilliers quelques jours auparavant.
Jusque là, cet événement tragique et inhumain reste malheureusement un fait divers que la décomposition sociale a fait entrer dans la banalité. Les discours fermes et décidés de Nicolas Sarkozy sur la nécessité de produire des résultats tangibles en matière de lutte contre l'immigration clandestine trouvent là leur traduction immédiate au plan local. Sauf que ce qui aurait pu paraître cohérent de la part d'une municipalité UMP l'est déjà moins de la part de la mairie d'Aubervilliers, dirigée par le PCF, qui a toujours été parmi les premiers à dénoncer vigoureusement les politiques de l'immigration des gouvernements de droite, et qui s'est toujours fait le fer de lance à gauche de la promotion d'une politique du logement humaine et respectueuse des besoins des plus démunis.
En 2005 le PCF "[refusait] l'expulsion des immigrés et [appelait] l'ensemble des forces démocratiques à résister" (www.pcf.fr [987]) et en 2006, le même parti écrivait : "Expulsions : Sarkozy veut du chiffre. (...) Il faut que les avions partent à l'heure, il faut que les pilotes n'aient pas d'état d'âme et que les passagers ne disent mot et consentent. Il faut s'il est besoin menotter les élus. La machine à expulser doit fonctionner. Elle fonctionne jusqu'à l'absurde" (Ibid).
Que la bourgeoisie se rassure : d'état d'âme, il n'y en a pas quand c'est le PCF lui-même qui est aux commandes. La dénonciation d'une logique "absurde" s'efface derrière les "procédures contrôlées et démocratiques" d'attribution de logements sociaux, selon les propres termes du maire d'Aubervilliers, et que la clique stalinienne au pouvoir dans la commune entend bien faire respecter par la justice et par la force, cette même justice et cette même force qui sont pourtant aux mains d'un Sarkozy honni par son inhumanité et sa brutalité aveugle.
Les femmes et les enfants traînés violemment par les forces de l'ordre apprécieront cette fermeté "communiste" à sa juste valeur. Mais peut-être n'est-il pas inutile de leur rappeler qu'en la matière, le parti stalinien n'est est pas à son coup d'essai. Loin de là ! En 1979, des maliens qui refusaient d'être expulsés d'un foyer de Vitry-sur-Seine avaient goûté à la délicate intervention d'un bulldozer. En 1992, c'est à Montreuil-sous-Bois, autre fief du PCF, que des ouvriers immigrés était jetés dans la rue, pendant que dans la plupart des communes de la "ceinture rouge" parisienne (nom donné en raison de l'encerclement de Paris par des communes de banlieue aux mains des staliniens), le PCF participait comme tout parti bourgeois à faire raser les quartiers d'ouvriers pour réaliser en fait des profits dans la construction immobilière.
Cette politique n'est ni circonstancielle, ni liée à quelques corrompus qui occuperaient les mairies en question. La politique anti-immigrés pratiquée par le PCF relève de son attachement ancien à la défense du capital national. Voici ce que nous écrivions à ce sujet il y a presque dix ans : "Au nom du "travailler français", il organise des actions-commandos contre le minerai "allemand" et exige le refus d'embauche de main-d'oeuvre "étrangère" (notamment lors de la grève des marins, en novembre 78). Faisant de la surenchère sur les mesures anti-immigrés adoptées par le ministre Stoleru, il réclame carrément au gouvernement Giscard "l'arrêt de la politique d'immigration" et pousse aux expulsions d'immigrés dans les communes qu'il dirige en réclamant la fixation d'un "quota d'immigrés". Le chauvinisme du parti stalinien passe par des campagnes racistes et xénophobes qui n'ont rien à envier à ce que mettra bientôt en avant à son tour le Front National. Ainsi, plusieurs maires staliniens de la région parisienne prennent des initiatives contre l'augmentation du nombre d'immigrés dans leur commune. (...) en février 1981, le si "démocrate" et "débonnaire" secrétaire général actuel, Robert Hue organise une manifestation dans sa commune de Montigny-lès-Cormeilles pour faire expulser une famille marocaine sur laquelle il a fait courir la fausse rumeur qu'elle se livrait à du trafic de drogue" (voir Le PCF contre la reprise de la lutte de classe (1968-1989) dans RI n° 283, 284 et 285, octobre à décembre 1998).
Et quand il s'agit d'obtenir du soutien dans sa politique, le PCF peut compter sur tous les courants de sa classe pour voler à son secours. La ministre du logement, d'abord, Christine Boutin qui a rappelé qu' "une décision de justice doit être appliquée, sinon nous ne sommes plus un Etat de droit". Et quand Rama Yade, la froide Cruella mascotte du gouvernement, vient verser ses larmes de crocodile auprès des familles dont elle ne peut qu'ignorer la profonde détresse qu'ils vivent, c'est Lutte ouvrière qui vient tancer la vilaine Rama en lui rappelant que la plupart des communes UMP de la banlieue parisienne ne respectent pas les 20 % de logements sociaux imposés par la loi SRU (solidarité et renouvellement urbain) et qu'"elle ignore donc volontairement l'attitude de ses amis politiques sur ce terrain-là pour ne consacrer son temps et ses critiques qu'aux communes dirigées par le Parti communiste !" (LO du 14 septembre). Une honte, en effet : après tout, les communes staliniennes, si elles ne font pas mieux que leurs voisines de droite, elles ne font pas pire non plus ! Elles prennent et appliquent simplement les décisions rendues nécessaires par les intérêts d'un capital en crise, qui jette toujours plus de prolétaires à la rue, sans aucun moyen de survivre et sans s'en soucier le moins du monde.
Cette politique menée depuis des décennies par le PCF ne peut que pousser au dégoût quand on voit qu'ils osent encore imprimer l'Humanité tous les jours sur leur journal historique. Il y a bien longtemps que le sort de l'humanité ne figure plus dans la liste des préoccupations d'une clique politique certes moribonde mais qui défendra son camp et sa classe, la bourgeoisie, sans fléchir, jusqu'à son dernier souffle.
G (24 septembre)
L'identification du communisme avec le stalinisme constitue le plus grand mensonge du siècle dernier ! Ce régime barbare ne fut absolument pas le successeur mais bien le fossoyeur de la Révolution d'octobre 1917.
Durant la Première Guerre mondiale jusqu'à la fin des années 20, la lutte de la classe ouvrière s'est répandue à travers le globe. La révolution russe, par son insurrection victorieuse, constitua le plus haut point atteint par cette vague internationale1. Mais comme l'annoncèrent les spartakistes et bolcheviks "c'est ici que commence la fatalité de la Révolution russe. La dictature du prolétariat en Russie est, au cas où une révolution internationale prolétarienne ne viendrait pas la soutenir à temps, condamnée à une défaite exemplaire auprès de laquelle la fin de la Commune de Paris ne serait qu'un divertissement2" (Lettres de Spartacus n°8, août 1917). Et effectivement, la "révolution internationale prolétarienne ne [vint] pas la soutenir à temps", la vague fut brisée, la lutte cessa de s'étendre et la bourgeoisie triompha finalement dans un bain de sang immonde. Et c'est tout naturellement en Russie que la contre-révolution se fit la plus brutale, haineuse et revancharde !
La bourgeoisie mondiale réussit en effet à contenir ce mouvement gigantesque de la classe ouvrière qui ébranlait la planète. Surmontant la frayeur que lui inspirait la perspective de sa propre disparition, elle a réagi tel un fauve blessé, jetant toutes ses forces dans la bataille, ne reculant devant aucun crime. Par la ruse et la répression, les mensonges et les massacres, elle a vaincu les masses ouvrières insurgées. Elle a écrasé dans le sang les prolétaires en Allemagne en 1919, en 1921, en 1923, n'hésitant pas à assassiner froidement des militants tel que Rosa Luxembourg, Karl Liebknecht ou Léo Jogiches. En même temps, elle entourait la Russie révolutionnaire d'un "cordon sanitaire" sous la forme d'un blocus livrant à la pire des famines des dizaines de millions d'êtres humains (famines qu'elle s'est évidemment empressée de mettre sur le compte du mouvement révolutionnaire lui-même). Par un soutien massif en hommes et en armements aux armées blanches du tsarisme déchu, elle y a déchaîné une guerre civile effroyable, provoquant des millions de morts et détruisant totalement l'économie.
Cette contre-révolution engendra un monstre : le stalinisme. Alors que tous les révolutionnaires et la classe ouvrière pensaient qu'une défaite serait synonyme d'un écrasement du pouvoir prolétarien par les armées blanches, ce n'est pas seulement de "l'extérieur" mais aussi de "l'intérieur" qu'a surgi et finalement triomphé l'ennemi. Le dénouement de la Commune de Paris en 1871 fut tragique mais clair : les troupes de la bourgeoisie française ont massacré et repris le pouvoir en main. Par contre, en Russie, la bourgeoisie mit un masque : au nom du socialisme, elle écrasa... le socialisme, au nom des ouvriers, elle massacra et réduisit à la misère des millions... d'ouvriers, au nom du parti bolchevik, elle exécuta et déporta des milliers de militants... du Parti bolchevik !
Il est important de se rappeler que pendant les semaines cruciales d'octobre 1917, comme durant les mois précédents, il s'est manifesté au sein même du parti bolchevik un courant qui reflétait le poids de l'idéologie bourgeoise en s'opposant à l'insurrection et que Staline en était déjà un dangereux représentant. Pendant l'insurrection elle-même, l'aventurier politique Staline "disparut", en réalité pour voir de quel côté le vent allait tourner. La lutte de Lénine et du parti bolchevik contre le "stalinisme" en 1917, contre les manipulations, contre le sabotage hypocrite de l'insurrection devait reprendre au sein du parti dans les années suivantes mais, cette fois, dans des conditions historiques infiniment moins favorables.
Non, le stalinisme n'est décidément pas le produit de la révolution d'Octobre 17 ! Il en est son bourreau ! De concert avec toutes les autres bourgeoisies, il a déchaîné la plus sanglante et la plus terrible contre-révolution de l'histoire. Non content d'imposer une exploitation forcenée de la classe ouvrière, d'exercer sa terreur, de remplir ses geôles, de livrer à la déportation et à la mort des dizaines de millions de prolétaires sur plusieurs générations, tout ce qui pouvait subsister d'Octobre 17 a été férocement piétiné, décimé, anéanti sous ses coups. Cet acharnement s'est traduit en particulier par l'élimination systématique au sein du parti bolchevik de tous les révolutionnaires défendant les principes révolutionnaires et internationalistes d'Octobre 17. La déclaration officielle en 1927 du "socialisme dans un seul pays" par Staline, symbole du triomphe de la bourgeoisie et de son nationalisme viscéral, fut le coup de poignard mortel anéantissant la nature même de la lutte de millions d'ouvriers à travers le monde : l'internationalisme et la solidarité de classe !
Pour triompher, le stalinisme est passé sur le corps de la classe ouvrière et sur l'âme de la révolution prolétarienne !
Beatrix
1) Lire l'article de ce journal Octobre 1917 : La révolution prolétarienne est nécessaire et réalisable.
2) L'insurrection des ouvriers parisiens en 1871 se termina par "la semaine sanglante" et l'écrasement de la Commune par les troupes versaillaises. Les insurgés payèrent un prix élevé : 25 000 d'entre eux furent exécutés sommairement et 10 000 condamnés légalement (sic !) à mort.
Le Japon fait partie des plus grandes puissances économiques du monde. La classe ouvrière y est exploitée depuis des décennies de façon extrêmement féroce et brutale. Dans une société totalement déshumanisée, les ouvriers sont mis perpétuellement en concurrence ; ils passent des journées interminables à leur bureau ou à la chaîne et n'ayant pas le temps matériel de rentrer chaque soir, ils passent souvent la nuit dans des sortes de chambres-lits sarcophages placées à côté des lieux de travail. Néanmoins, jusqu'à maintenant, tout cela tenait par la promesse d'un travail à vie, stable et pas trop mal rémunéré.
Mais depuis une dizaine d'années, la récession s'est installée. La paupérisation et la précarité sont venues frapper de plein fouet cette classe ouvrière pressurisée, en particulier les derniers venus sur le "marché du travail" : les jeunes. Cette frange de la population se faisant nommer le "précariat", compilation très parlante de "précarité" et "prolétariat", a aujourd'hui des conditions de vie totalement insupportables.
Au Japon, comme partout ailleurs, le lot quotidien des jeunes est fait de boîtes d'intérim et de suite de petits boulots précaires et mal payés. Dans le meilleur des cas, quand ils parviennent à enchaîner tout un mois de petits contrats, ils peuvent "espérer" gagner 600 euros. Et ce sont des cadences infernales qui les attendent contre ces salaires de misère, ils effectuent à 3 le travail de 10. Pour une frange entière de la classe ouvrière, se loger ou même se nourrir devient une tâche chaque jour plus impossible.
Dans ces conditions, les cafés manga1 sont devenus des sortes de refuge surréalistes contre la fatigue et le froid. Les jeunes s'y entassent, juste pour dormir, sans pouvoir ni manger ni boire : "En janvier 2007, un garçon de 20 ans a été arrêté pour n'avoir pas payé ses consommations dans un café manga [...], où il avait passé trois jours. Il avait en tout et pour tout 15 yens (10 centimes d'euro) en poche. Il était entré dans l'établissement pour se protéger du froid et n'avait mangé en trois jours qu'un plat du jour et une assiette de frites. L'employé d'un autre café manga m'a raconté qu'une fois un client était resté une semaine et que, pendant ce temps, il n'avait rien consommé en dehors de quelques boissons"2.
Le plus ignoble de l'affaire est la pression culpabilisante de la classe dominante. Là-bas aussi, les chômeurs et les précaires sont accusés par la bourgeoisie d'être des fainéants, des bons à rien profiteurs du système. Soumis à cette propagande nauséabonde que "chacun est responsable de son sort", cette jeunesse jetable et corvéable à merci est rongée par la culpabilité de n'arriver à rien. Cette pression est telle qu'elle se traduit par des vagues de suicides massives et d'automutilation. Au Japon, le suicide est devenu la première cause de décès des jeunes de 20 à 39 ans !
Néanmoins, depuis 2002, les jeunes japonais commencent à redresser progressivement la tête et à exprimer leur colère. Des manifestations de révoltes éclatent régulièrement contre cette société. En 2006, une importante fronde pour la gratuité des logements s'est levée. Dans le cortège des manifestants, on pouvait lire des slogans comme "Nous habitons des immeubles vétustes", "Nous logeons dans des pièces de 4 tatamis et demi [environ 7,4 m2]", "Nous ne pouvons plus payer notre loyer !", "Des logements gratuits !"....
Comprendre que leur situation n'est pas due à leur paresse mais à une crise profonde de cette société est une nécessité vitale et c'est ce début de réflexion qui est en train de se développer dans les rangs de cette jeunesse ouvrière : "Il est évident que, si la vie des jeunes est devenue aujourd'hui à ce point précaire, cela n'a rien à voir avec un problème psychologique personnel ou avec leur volonté, mais cela est dû au désir malsain des entreprises, qui veulent continuer à profiter d'une main-d'œuvre jetable qui leur permet de rester compétitives à l'échelle internationale".
Néanmoins, une étape décisive manque encore pour pouvoir ouvrir réellement des perspectives de lutte : la capacité à se reconnaître comme une partie d'un tout beaucoup plus large, la classe ouvrière. C'est seulement alors que les luttes pourront dépasser le stade de la réaction immédiate et impuissante. Pour l'instant, se sentant isolés et coupés du reste de la classe ouvrière, la colère de tous ces jeunes précaires ne peut déboucher que dans l'impasse et le désespoir. De façon significative, la chanson tournant en boucle lors des manifestations, crachée par les hauts-parleurs, est celle du groupe des Sex Pistols, No future.
La jeunesse du Japon n'est pas une exception. En Allemagne, les jeunes se voient contraints d'accepter les jobs gouvernementaux à un euro de l'heure. En Australie, par exemple, "un quart des Australiens entre 20 et 25 ans ne sont ni engagés dans un travail à plein temps ni dans les études, soit 15% de plus qu'il y a 10 ans et peu de choses auront changé quand ils auront 35 ans"3. En France, en 2006, la bourgeoisie a tenté d'imposer un nouveau type de contrat d'embauche facilitant les licenciements sans préavis ni indemnités, le fameux CPE (Contrat première embauche rebaptisé malicieusement par la jeunesse Contrat poubelle embauche4). Mais cette fois là, la jeunesse ouvrière sut déclencher une large mobilisation. Cette lutte fut victorieuse et enthousiasmante, la bourgeoisie fut contrainte de retirer son attaque. Elle démontre que la perspective existe pour les jeunes générations de se relier au combat collectif de leur classe.
Map
1) Cafés ouverts 24 h sur 24 où les clients lisent des bandes-dessinées et surfent sur Internet.
2) Courrier international du 5 juillet 2007.
3) La Tribune 10/08/07.
4) Lire notre article "Le mouvement contre le CPE en 2006 : une lutte exemplaire pour la classe ouvrière [977]".
Nous publions ci-dessous l’adresse envoyée au 17e Congrès du CCI par le groupe Internasyonalismo des Philippines, dont une délégation a été invitée au Congrès mais n’ a malheureusement pas pu y assister pour diverses raisons matérielles. Les camarades sont en contact avec le CCI depuis plus d’un an, et ont entrepris de développer une présence de la Gauche communiste aux Philippines, dans des conditions matérielles extrêmement difficiles. C’est grâce à leurs efforts que le CCI a pu ouvrir son propre site en langue Filipino [990], et nos lecteurs peuvent suivre et participer dans les discussions des camarades d’Internasyonalismo (en anglais et en Filipino) sur leur blog.
Le Congrès a fortement salué cette adresse. Elle est non seulement une expression de la solidarité communiste internationale envers le CCI et les autres groupes qui étaient présents au Congrès. Elle a apporté une contribution importante aux débats et aux travaux du Congrès, notamment sur la question syndicale telle qu’elle s’exprime dans des pays comme les Philippines, et sur la question du développement de la Chine en tant que puissance impérialiste en Orient.
Camarades,
(...) Depuis presque 100 ans, les ouvriers aux Philippines ne savaient rien au sujet des positions de la Gauche communiste, et encore plus, les révolutionnaires ici n’avaient pas la possibilité de les lire ou les étudier, spécialement dans les années 1920 et 1930. Maintenant, même si nous sommes très peu de communistes internationalistes aux Philippines, nous ferons de notre mieux pour contribuer aux débats et discussions collectives dans le Congrès du CCI à travers ce texte.
Nous avons étudié et discuté collectivement les trois projets de documents pour le XVIIe Congrès. Pouvons-nous présenter ce qui suit au Congrès ?
D’une manière générale, nous avons été d’accord avec les positions et le contenu des trois projets de documents -le projet de rapport sur la lutte de classe, le rapport sur l’évolution de la crise du capitalisme, le rapport sur les conflits impérialistes. Les documents sont basés sur l’internationalisme et la dynamique présente du système en décomposition et la lutte des classes, aussi bien que sur les interventions actuelles des minorités révolutionnaires à l’échelle mondiale. Ceux-ci sont conformes avec la méthode matérialiste historique du marxisme.
« Qu’avec l’actuelle évolution des contradictions, la question la plus critique pour l’humanité est la cristallisation d’une conscience de classe suffisante pour l’émergence de la perspective communiste » et “l’importance historique de l’émergence d’une nouvelle génération de révolutionnaires ». (Rapport sur la lutte de classe pour le 17ème Congrès international).
Dans l’ensemble, nous sommes d’accord que la solidarité de classe est la chose la plus importante pour nous en tant que révolutionnaires. La maturation de la conscience de classe peut être mesurée au niveau de la solidarité de classe parce que cette dernière est l’expression concrète de l’auto-organisation et du mouvement indépendant du prolétariat.(...)
Aujourd'hui, ce qui est le plus important est de chercher les chemins de la solidarité de classe pour s’élever sur les bases de l’internationalisme et d’un mouvement de classe indépendant. Mais, nous voulons proposer au Congrès de souligner ce qui suit :
1. La nature réactionnaire des syndicats dans le capitalisme décadent pourrait retenir le vrai développement de solidarité à l’échelle internationale.
Dans les pays avancés, les syndicats (de gauche et de droite) ont été exposés aux yeux des ouvriers ; dans les pays où le capitalisme est plus faible, les syndicats de gauche sont encore de fortes mystifications pour les ouvriers parce que généralement les patrons capitalistes sont anti-syndicats. Pour ces ouvriers, les syndicats gauchistes sont des expressions d’engagement et de défense des intérêts ouvriers même si un nombre croissant de la classe se pose des questions sur les promesses et les résultats de ces syndicats gauchistes.
A l’époque de lutte massive, quand les assemblées ouvrières sont la forme appropriée des organisations de la classe, ouvrir ces assemblées aux syndicats par solidarité, c’est mettre en péril la lutte indépendante de la classe et aussi risquer que ces assemblées se transforment en instruments des syndicats, aussi bien que de tomber victime des conflits entre syndicats des différentes organisations gauchistes.
Dans les années 1970 jusqu’aux années 1980, les luttes ouvrières massives aux Philippines n’étaient pas menées par les syndicats mais par les alliances d’ouvriers constituées dans les luttes. La composition de ces alliances étaient des ouvriers syndiqués et non syndiqués avec le soutien des classes moyennes. Les syndicats étaient avec les alliances, mais ils n’étaient pas décisifs. Les ouvriers non syndiqués étaient décisifs parce qu’ils étaient majoritaires dans les alliances.
Mais les syndicats, menés par les gauchistes, organisaient les ouvriers non syndiqués dans les alliances, augmentant donc leurs membres en l’espace de quelques années. Durant la vague de luttes suivante au milieu des années 1980 et jusqu’à maintenant, les alliances ont été soit transformées en fédérations syndicales ou ont été placées sous le contrôle des syndicats.
2. Il devrait être souligné que, main dans la main pour rechercher la solidarité de classe, il y a la vigilance et la résistance opportune contre toutes manœuvres et sabotage des syndicats dans les assemblées ouvrières afin de ne pas faire dérailler la généralisation de la lutte, spécialement dans une situation comme celle des Philippines où le sectarisme et la concurrence dans les différentes fédérations syndicales et les différentes organisations gauchistes sont très forts.
3. Dans la recherche de la solidarité de classe, les larges masses d’ouvriers devraient être mises aussi en garde contre les dangers du syndicalisme tout comme nous mettons toujours en garde les ouvriers des dangers de toute sorte de réformisme et gauchisme.
Nous sommes complètement d’accord avec l’analyse de l’évolution de la crise du capitalisme. Toutefois, nous aimerions insister sur les points suivants :
1. L’augmentation de l’industrie appelée centrale est aussi une manifestation de la crise dans les pays capitalistes avancés, spécialement les USA. Cette outsourcing industrie loue des centaines de milliers de jeunes travailleurs à la fois aux Philippines et en Inde. Presque tous ces ouvriers sont contractuels ou ont des postes précaires et travaillent de longues heures.
2. La Chine aussi envahit l’économie philippine, mais nous sommes encore en train de rassembler des informations pour savoir dans quelle ampleur et si elle supporte une faction de la classe dirigeante de Filipino pour rivaliser contre la politique de contrôle des USA.
Des RTW fabriqués en Chine, des micro plaquettes et même un projet ferroviaire d’un multi-billion de dollars ont pénétré le pays. Beaucoup de grosses entreprises philippino-chinoises investissent en Chine et beaucoup d’officiels gouvernementaux, du niveau local au niveau national, sont allés en Chine pour le marché. Beaucoup de ces membres officiels regardent la Chine comme un modèle de développement.
L’impérialisme américain est bien conscient de cela et il exerce des pressions sur le gouvernement Arroyo sur cette question.
Ce rapport est compréhensif et détaillé. Nous sommes d’accord qu’aujourd’hui, le chaos et la barbarie empirent jour après jour, mais que la capacité du prolétariat international n’est pas encore suffisante pour les arrêter et pour balayer finalement le capitalisme international. Par conséquent, il y a un besoin urgent pour la Gauche communiste du monde entier de déployer plus d’efforts dans leurs interventions dans les luttes prolétariennes. Avec tous ces rapports, il y a, aujourd’hui, le besoin urgent que tous les communistes internationalistes dans le monde devraient coordonner leurs activités et leurs interventions à l’échelle mondiale. Le prolétariat pourra seulement hâter son accumulation de force et élever sa conscience de classe à travers les efforts communs des minorités révolutionnaires dans le monde. Par conséquent, le sectarisme des autres organisations de la Gauche communiste est très dommageable pour le prolétariat international dans son combat contre son puissant ennemi de classe (...)
Pour le succès du XVIIe Congrès International du CCI.
Internasyonalismo 21 mai 2007
L’ineffable French doctor Kouchner est de retour. Le ministre des Affaires étrangères du gouvernement Sarkozy n’a de cesse de vouloir crever l’écran et de faire parler de lui, comme son nouveau patron.
Après sa visite “surprise” aussi bien que stérile à Bagdad, il s’est empressé de critiquer le premier ministre irakien et d’appeler à son départ en l’accusant de ne pas travailler à la stabilisation de son pays. En fait, ce voyage à Bagdad fin août se voulait un élément marquant d’une offensive diplomatique française et cherchait à donner plus de coffre à la voix de la France dans l’arène internationale et en particulier au Moyen-Orient. Mieux encore, il s’est permis de menacer directement l’Iran d’un recours à la guerre si cet Etat s’obstinait à poursuivre son programme nucléaire militaire. Kouchner n’a rien fait d’autre que de reprendre les propos de Sarkozy qui avait appelé fin août à des “sanctions croissantes” contre Téhéran, mais “hors ONU” et au sein de l’Union Européenne pour mieux afficher ses prétentions de leader de l’Europe.
Evidemment, la présence de Kouchner dans le gouvernement Sarkozy, après avoir mangé au râtelier stalinien du PCF puis à celui de Mitterrand, n’a rien d’étonnant. Mais aujourd’hui, il dévoile la vraie nature de “va-t-en guerre”, de son engagement “socialiste” et de “grand humaniste”. Depuis 1968, il n'a cessé d’être présent dans nombre de conflits, en Afrique et dans les Balkans en particulier, comme représentant patenté d’organisations humanitaires médicales, puis comme représentant de “l’ingérence humanitaire” de la France. En fait, il a toujours été un des meilleurs “VRP” de l’impérialisme français. Une caméra à l’horizon d’un champ de bataille et de misère et… surgit Kouchner, un sac de riz sur le dos en Somalie ou un enfant famélique dans les bras au Darfour. C’est de cette image de chevalier blanc justicier dont se sert encore Sarkozy. N’oublions pas que c’est le socialiste Mitterrand qui a créé le concept “d’ingérence humanitaire” pour mieux faire passer la pilule de l’intervention militaire, dont ne s’est pas privée la France en ex-Yougoslavie, au Kosovo, en Afrique ou au Moyen-Orient. En cela, Kouchner est resté fidèle à son ancien maître, pour faire vivre dans les médias ses “convictions”, et son image de “combattant de la paix”, mais aussi et surtout pour mieux servir et adapter les intérêts de l’impérialisme français au style Sarkozy.
Mulan (29 septembre)
Depuis peu, le CCI organise des réunions publiques à Caen, ville qui fut l'un des berceaux du mouvement de Mai 1968. Notre organisation a toujours eu à cœur de faire de ses réunions des lieux de discussion ouverts et fraternels où la classe ouvrière exprime ses questions, ses doutes, son combat. Ainsi, lors de la réunion de juin, la discussion fut particulièrement riche et animée.
Néanmoins, même si ce débat fut foisonnant, un point a fait l'objet d'un intérêt particulier. Les participants nous ont en effet demandé "comment expliquer simplement ce que le CCI appelle la 'décadence du capitalisme' ?". Il est évident aujourd'hui que la société "déraille", que tout dans le capitalisme tourne à la catastrophe. Mais au-delà de ce constat, pour comprendre en profondeur les causes des charrettes de licenciements et du chômage massif, des guerres et des famines... il faut effectivement se demander pourquoi le capitalisme est un système décadent et condamné historiquement à mourir.
Toute société de classes naît, vit et meurt. Son histoire se divise toujours en une période d'ascendance où elle développe ses potentialités, et une période de décadence, où elle devient un frein au progrès de l'humanité. L'esclavagisme antique s'est développé durant quelques millénaires pour ensuite péricliter lentement et être balayé par le féodalisme. L'effondrement de l'empire romain est un exemple de décadence connu de tous. Le féodalisme ou, autrement dit, le servage, a lui aussi connu une longue expansion suivie d'une descente aux enfers répandant peste, choléra et famine.
Le capitalisme, qui s'est développé à partir du 16e siècle, a suivi la même trajectoire ascendante puis décadente, mais à une vitesse incroyable. Le dynamisme de cette société d'exploitation fut en effet remarquable. Marx écrivait à son propos :
"C'est elle qui, la première, a fait voir ce dont est capable l'activité humaine. Elle a créé de toutes autres merveilles que les pyramides d'Egypte, les aqueducs romains, les cathédrales gothiques ; elle a mené à bien de toutes autres expéditions que les invasions et les croisades"1.
En l'espace de deux siècles, les xviiie et le xixe siècles, "la bourgeoisie envahit toute la surface du globe ; partout elle doit s'incruster, partout il lui faut bâtir, [...] elle démolit toutes les murailles de Chine et obtient la capitulation des barbares les plus xénophobes. Elle contraint toutes les nations, sous peine de courir à leur perte, d'adopter le mode de production bourgeois ; elle les contraint d'importer chez elle ce qu'elle appelle la civilisation, autrement dit : elle en fait des nations de bourgeois. En un mot, elle crée un monde à son image"2.
Quelle force a poussé le capitalisme à conquérir si rapidement toute la planète en une sorte de boulimie frénétique ? La nécessité de vendre ses marchandises "à l'extérieur" ! En effet, le capitalisme ne peut jamais absorber lui-même toutes les marchandises qu'il produit. La raison en est simple : la bourgeoisie ne peut vendre qu'une partie, et une partie seulement, de ses marchandises à la classe ouvrière.
"La demande émanant du travailleur productif lui-même ne peut jamais suffire à toute la demande, parce qu'elle ne recouvre pas entièrement le champ de ce qu'il produit. Si c'était le cas, il n'y aurait plus aucun bénéfice ni, donc, de raison pour le faire travailler. L'existence même d'un profit réalisé sur une marchandise quelconque implique une demande autre que celle émanant du travailleur qui l'a produite"3. En clair, la bourgeoisie ne gagne rien en vendant ses produits à la classe ouvrière ; c'est seulement son propre argent qui lui revient après être passé dans la poche des travailleurs. Pour faire du profit, elle se doit de vendre une partie de sa production aux paysans, aux artisans... à toutes les couches de la société qui, aux quatre coins du globe, n'ont pas encore "adopté le mode de production bourgeois". C'est pourquoi lorsque, au 19e siècle, les conquêtes n'étaient pas assez rapides et que par conséquent les marchés "extérieurs" devenaient insuffisants, la surproduction apparaissait et la crise éclatait :
"Une épidémie qui, à toute autre époque, eût semblé une absurdité, s'abat sur la société, - l'épidémie de la surproduction. La société se trouve subitement ramenée à un état de barbarie momentanée ; on dirait qu'une famine, une guerre d'extermination lui ont coupé tous ses moyens de subsistance ; l'industrie et le commerce semblent anéantis. Et pourquoi ? Parce que la société a trop de civilisation, trop de moyens de subsistance, trop d'industrie, trop de commerce"4.
Le capitalisme a donc dû étendre son marché au monde entier. Mais en absorbant ainsi progressivement les marchés "extérieurs", il réduisit d'autant les débouchés dont il avait besoin pour vivre. Prenons une image pour mieux comprendre. Un poussin se développe à l'intérieur de l'œuf en absorbant le blanc qui l'entoure. Une fois formé, quand le poussin occupe tout l'espace et que sa nourriture commence à manquer, il se libère en brisant sa coquille. La société capitaliste se développe en quelque sorte de la même manière ; son "blanc", ce sont les marchés extra-capitalistes. Seulement, une fois tout l'espace conquis, elle n'a nulle coquille à briser. Elle essaye donc de croître dans cet espace devenu trop petit. Chaque partie (les nations) tente de survivre au détriment de l'ensemble de l'organisme. C'est exactement ce qui s'est passé au début du xxe siècle, le capitalisme est devenu un monstre, une société décadente, et la Première Guerre mondiale a éclaté !
En effet, à la veille de 1914, "pour la première fois, le monde se trouve partagé entièrement, si bien qu'à l'avenir il pourra uniquement être question de nouveaux partages, c'est à dire du passage d'un "possesseur" à un autre, et non de la "prise de possession" de territoires sans maître5».
Toutes les régions du globe étant conquises par le capitalisme, chaque capital national n'a plus d'autre ressource que de prendre un marché à un autre capital.
Le xixe siècle, période d'ascendance du capitalisme, n'a pas été un siècle de paix... loin s'en faut. Des guerres parfois dévastatrices, comme les guerres napoléoniennes ou la Guerre de Sécession, ont eu lieu ; elles ont parfois mobilisé des ressources économiques et humaines considérables. Les armes se sont sophistiquées et, déjà lors de la Guerre de Sécession (1860-65), les armes automatiques et canons de gros calibre, les cuirassés et sous-marins font leur apparition. Mais la différence fondamentale avec la période de décadence et les guerres du 19e siècle est que les guerres de l'ascendance ne concernaient que des régions peu étendues et non tous les continents du globe comme les deux guerres mondiales. Elles n'ont jamais eu un caractère permanent contrairement aux conflits depuis 1945. La Première Guerre mondiale marque de ce point de vue un tournant ; l'absurdité du conflit, aboutissant à exterminer des classes d'âge entières, mobilisant toutes les énergies des belligérants jusqu'à les ruiner, n'était que la préfiguration de tous les conflits qui ont eu lieu depuis.
Aujourd'hui, l'état de guerre permanent se traduit par des dépenses militaires énormes dans tous les pays, atteignant directement et indirectement la moitié ou plus des ressources de tous les États. Des sommes inouïes, jamais vues, sont englouties dans la production d'outils de destruction toujours plus sophistiqués. La science, l'industrie, les médias, en bref toute la société est directement ou indirectement au service de l'économie de guerre. La fascination de la société capitaliste pour le militarisme et la guerre est l'indubitable signe de l'agonie de ce système.
Tout comme la guerre, la crise économique change radicalement de nature avec la décadence. Avant la Première Guerre mondiale, la crise de surproduction constituait un palier entre chaque phase d'expansion du marché, un "battement de cœur d'un système en pleine santé". Par contre, en décadence, la surproduction devient un phénomène chronique.
Plus personne ne se souvient de la crise des années 1882-1886, bien qu'elle a abouti à la faillite d'une partie des compagnies ferroviaires américaines et à la manifestation du 1er Mai 1886 à Chicago, si durement réprimée que le 1er Mai est devenu la Fête du Travail. La crise de 1890-95 n'a guère laissé plus de souvenir, malgré les 15 000 faillites, dont celles de 600 banques, enregistrées aux Etats-Unis au cours de la seule année 1893 6. Par contre, la crise de 1929 est restée dans l'histoire. La différence est simple : les deux premières n'ont pas duré longtemps et l'expansion qui les a suivies a effacé leur souvenir des mémoires. Il n'en est rien pour la crise de 1929, vu la catastrophe planétaire qu'elle a générée et les conséquences les plus absurdes qu'elle a entraînées : on se souvient des traders de Wall Street qui se suicidaient après le "Jeudi noir", des locomotives brésiliennes brûlant le café invendable, de la moitié des Etats américains revenant au troc faute d'argent et de banques, toutes en faillite, de l'exode vers le mirage californien des paysans américains ruinés7. En Allemagne, le souvenir de la catastrophe monétaire de 1923, lorsqu'il fallait une valise de billets pour aller acheter son pain, existe toujours et les 6 millions de chômeurs de 1932 sont encore dans les mémoires. Et enfin, tout le monde connaît l'épouvantable dénouement de cette crise, la Seconde boucherie impérialiste mondiale.
Surtout, jamais une crise au xixe siècle n'a duré plus de quatre ans. Que dire alors de la crise actuelle, qui vient de fêter ses quarante ans ? Aujourd'hui, ce sont les périodes d'expansion qui deviennent rares et la crise économique, la règle. Cette crise permanente se traduit, phénomène nouveau par rapport au 19e siècle, par un chômage de masse. Et le slogan du président américain Hoover, celui de la Grande dépression de 1929, qui disait que "la prospérité est au coin de la rue", ne fait que montrer l'aveuglement de la bourgeoisie par rapport à son propre système économique : la croissance repartira bien un jour !
Depuis 1929, il n'y a certes plus eu de krach d'une telle ampleur, un tel arrêt de l'économie. Il est vrai que la bourgeoisie a su tirer les leçons de la "Grande dépression" en "interdisant" le protectionnisme, en organisant les flux financiers à l'échelle internationale et, surtout, en ayant recours à un endettement systématique et massif. Pour autant, elle n'a en rien résolu le problème du manque de débouchés et de la surproduction. Elle n'a fait qu'étaler sa crise historique dans le temps, aux récessions succédant d'autres récessions toujours plus brutales. Il y a eu ainsi d'importantes crises ouvertes en 1970, en 1974-1975, en 1980-1982. Au début des années 80, les économies des pays du tiers-monde se sont effondrées. Dans les années 1990, dont le début était marqué au fer par l'effondrement de l'ancien bloc soviétique, la crise économique est venue à nouveau frapper violemment les pays les plus puissants de la planète, en particulier les Etats-Unis et la Grande Bretagne, dès 1992. Les différents "miracles" dont la bourgeoisie s'enorgueillissaient ont successivement fait faillite comme l'ont montré la crise asiatique de 1997 et l'éclatement de la bulle Internet en 2001. Et nous sommes aujourd'hui de nouveau, en cette fin d'année 2007, au commencement d'une nouvelle phase récessive qui promet d'être particulièrement violente. Face à toutes ces crises, la bourgeoisie n'a eu pour seule "solution" que de poursuivre encore et toujours plus sa folle fuite en avant dans l'endettement, préparant ainsi chaque fois une nouvelle récession plus profonde et généralisée. L'endettement mondial est devenu faramineux. En 2002, le montant total des dettes étatiques à l'échelle de la planète était de 60 000 milliards de dollars, soit le double du produit mondial brut annuel ! Et encore, depuis lors, cette folle course vers cet endettement n'a fait que s'emballer.
Au milieu de ce monde de ruines et de convulsions s'est développé comme un cancer l'organe garant de la conservation sociale : l'Etat. Celui-ci s'est immiscé dans les rouages les plus intimes de la société et en particulier dans sa base économique. Tel le dieu Moloch de l'Antiquité, sa machine monstrueuse, froide et impersonnelle a dévoré la substance de la société civile et de l'homme. Et loin de constituer un quelconque "progrès", le capitalisme d'Etat qui s'est emparé de l'ensemble de la planète est une des manifestations les plus brutales de la putréfaction de la société capitaliste.
Pas un domaine social, politique, économique, culturel n'échappe à sa domination. Toute l'économie nationale est aujourd'hui régie par l'État. C'est lui qui est en général un des plus gros employeurs du pays, qui dicte ses conditions aux banques en déterminant les conditions du crédit, gère l'économie via ses propres besoins de financement et la gestion de la monnaie, accorde ou pas son soutien aux exportateurs, autorise ou pas les importations. C'est lui qui négocie avec les autres États les conditions du commerce mondial, qui détermine en partie les salaires directs et l'ensemble du salaire social via les assurances-maladie ou vieillesse, les retraites, quand il ne fixe pas carrément la production et son prix, comme dans les anciens Pays de l'Est !
Dans toutes les périodes de décadence, le développement hypertrophié, boursouflé, de l'État est une caractéristique des plus marquantes. Le militarisme et la police s'infiltrent sensiblement dans tous les domaines ; la police secrète, l'espionnage des citoyens, de l'adversaire potentiel autant que de l'ennemi de classe, sont des activités intenses de l'État capitaliste. Le résultat en est d'ailleurs qu'aucun organisme officiel de quelque ampleur ne saurait échapper à la tutelle de l'État, que ce soit les partis politiques officiels ou les syndicats, tous financés par la manne étatique, de façon directe ou indirecte.
Derrière le masque de la démocratie bourgeoise, on ne trouve de fait que le totalitarisme d'une classe qui impose sa domination sans partage à la société toute entière.
La société capitaliste a toujours été beaucoup plus intéressée par le profit immédiat que par le bien-être de l'humanité. Au prix de la barbarie et de la misère, elle est malgré tout parvenue au xixe siècle à générer un progrès pour l'humanité, la mettant en théorie à l'abri de la pénurie matérielle, mais aussi lui faisant mieux comprendre son propre monde et sa propre nature. Mais aujourd'hui, ce système moribond n'est plus capable que d'entraîner l'humanité dans sa propre autodestruction. Sa fin n'est donc pas une belle utopie, c'est une absolue nécessité ! Etre idéaliste, c'est croire qu'il y a encore un avenir au sein de cette société ! Pourtant, si l'avenir promis par ce capitalisme est chargé de nuages noirs et de douleur, la classe ouvrière n'a pas à être prostrée et à se réfugier en d'impuissantes lamentations.
Il ne faut pas voir dans la misère que la misère ! La crise est la meilleure alliée du prolétariat. C'est elle qui va accélérer le processus de prise de conscience de l'impasse du monde actuel. C'est elle qui, à terme, va précipiter de plus en plus massivement dans le combat la classe ouvrière !
Bart
1) Le Manifeste du Parti communiste.
2) Idem.
3) Marx, Fondement de l'économie politique.
4) Idem.
5) Lénine, L'impérialisme, stade suprême du capitalisme.
6) C. Fohlen et F. Bédarida, Histoire générale du travail, t.3.
7) Exode immortalisé par Steinbeck dans son roman les Raisins de la colère.
Toutes les organisations syndicales se sont félicitées en présentant la journée de grève du 18 octobre dernier contre la remise en cause des régimes spéciaux de retraites comme un "grand succès". A l’avance, le gouvernement avait prévenu que ce serait une "journée noire" et que la grève serait largement suivie. Et, en effet, avec 73% de grévistes à la SNCF (davantage que les 68% de la "grande grève contre les régimes spéciaux" de 1995 sous le gouvernement Juppé) et 59% à la RATP, cette grève a largement mobilisé. Pourtant, les manifestations organisées dans une trentaine de villes, n’ont rassemblé que 200 000 personnes environ (dont seulement 25 000 à Paris). C’est peu en comparaison de 1995 où le plan Juppé avait rassemblé contre lui plus d’un million de personnes dans la rue comme lors des grandes manifestations contre la réforme des retraites dans la fonction publique en 2003. Pourquoi ce décalage ?
La bourgeoisie française a le plus grand mal depuis 1968 à imposer des attaques frontales et massives, comme l’a démontré encore la mobilisation des jeunes prolétaires contre le CPE en 2006 qui est parvenue à faire reculer le gouvernement. La stratégie des gouvernements successifs en France depuis près de 15 ans est donc de masquer cet aspect frontal des attaques qui touche l’ensemble des prolétaires en se concentrant chaque fois sur un secteur particulier et imposer ses attaques paquets par paquets. Il en est de même aujourd’hui où le gouvernement cible un secteur particulier de la classe ouvrière en isolant les régimes spéciaux des autres attaques. Il a misé sur la propagande assénée depuis des mois pour présenter cette attaque comme "inévitable" et les bénéficiaires des régimes spéciaux comme des privilégiés, des profiteurs montrés du doigt. Mais contrairement aux fois précédentes, cette manœuvre de division n’est pas si bien passée. Les prolétaires ont de plus en plus clairement conscience que derrière les régimes spéciaux, c’est la voie ouverte à la poursuite de l’attaque contre le régime général des retraites et à toutes les autres.
C’est pourquoi le 18 octobre a été longuement préparé à l’avance comme "défouloir" par le gouvernement et les syndicats pour désamorcer le mécontentement et la combativité montante au sein de la classe ouvrière. Dans leurs tracts, les syndicats ont mis en avant la nécessité d’une large et forte mobilisation au-delà des régimes spéciaux mais dans la réalité, ils ont au contraire fait tout pour l’empêcher et pour s’y opposer. En effet, même si plusieurs syndicats avaient fini sous la pression du mécontentement par appeler à la grève le même jour et sur d’autres revendications (contre la vie chère, contre les suppressions d’emplois dans la fonction publique, contre la fusion ANPE-ASSEDIC, etc.) ils l’ont fait de façon très sélective chez les fonctionnaires, dans les hôpitaux, dans les écoles, les collectivités territoriales, comme dans le privé, dans certains établissements et pas dans d’autres. Les syndicats ont réussi à limiter l’expression du mécontentement par une série concomitante de manœuvres. En particulier, profitant du fait que les transports publics étaient au cœur de l’attaque, ils ont organisé de concert avec la direction de la SNCF et de la RATP autour de la capitale, le blocage et la paralysie quasi-totale des trains, des bus, des principales lignes de métro : la plupart des stations de métro à Paris étaient même carrément fermées. Ce qui a massivement découragé et dissuadé de nombreux ouvriers de se rendre à la manifestation parisienne et à se résigner à rester à la maison. Le cortège syndical s’est souvent déroulé dans une ambiance de kermesse bruyante (dominé par les chansons à tue-tête et la sono de la CGT à fond, conditionnement privant les salariés de tout moyen de discuter, d’échanger leurs expériences, de communiquer et de réfléchir).
De plus, si les syndicats ont lancé "un appel unitaire" à se mobiliser pour le 18 dans les seules entreprises directement concernées par la suppression des régimes spéciaux, on a assisté immédiatement après au spectacle de la division syndicale portée à son paroxysme. A chaque syndicat, sa tactique : la CFDT n’a appelé ce jour-là que les seuls cheminots à faire grève et à manifester, pour "ne pas mélanger tous les problèmes et toutes les revendications", selon les déclarations de son secrétaire général Chérèque ; la CGT s’est limitée à une journée de grève "carrée" de 24 heures (tout en laissant les unions départementales prendre des "initiatives" pour prolonger la grève) alors que SUD et FO appelaient de leur côté à une grève reconductible. Mais le coup de poignard dans le dos le plus décisif, prévu à l’avance1, fut porté par la FGAAC (syndicat des conducteurs de train très minoritaire représentant 3% des agents dans l’ensemble de la SNCF mais 30% de cette corporation). La FGAAC, après avoir appelé, elle aussi, à une "grève reconductible", s’empressait le soir même de la manifestation de négocier avec le gouvernement la promesse d’un "compromis" et d’un statut particulier pour tous les "roulants" présenté comme une "victoire" (retraite à 55 ans - soit 5 ans de plus qu’auparavant) en appelant à la reprise du travail dès le lendemain matin et d’endosser le rôle du "traître" de service. Alors que la SNCF était traditionnellement le secteur de pointe dans les grèves des transports, la dynamique de la lutte, touchée au cœur, était cassée. Dès lors, tout l‘éventail de la division, entre corps de métiers, entre ouvriers d’un même secteur, entre grévistes et non grévistes, entre ouvriers des transports publics et travailleurs usagers, était déployé pour briser l’image d’une grève que la propagande médiatique et gouvernementale n’était pas jusque là parvenue à rendre vraiment impopulaire. SUD et FO ont alors joué les premiers rôles pour chercher à prolonger minoritairement la grève. Dans les jours qui ont suivi le 18, beaucoup de travailleurs ont été désagréablement surpris en se rendant à leur travail de voir que les transports publics sont restés très perturbés ou avec des retards très importants alors que plus de 90% des grévistes avaient repris le travail. Dans plusieurs villes de province, comme à Marseille, la campagne d’intox a été telle que la direction annonçait que tel ou tel train avait été supprimé alors qu’en réalité il circulait normalement. Dans le même temps, dans les dépôts, des AG en vase clos, totalement isolées avaient lieu, tournant régulièrement à de virulentes empoignades entre syndicats, s’accusant mutuellement de saboter le mouvement. Les syndicats les plus "radicaux" cherchaient à semer l’illusion parmi les ouvriers grévistes qu’ils étaient l’avant-garde d’une grande mobilisation et d’une période d’ébullition sociale en cours. C‘est dans un tel contexte que Thibault a eu le culot d’affirmer "qu‘on a un rapport de force pour nous". Dans le mois qui vient, tous les régimes spéciaux vont être à présent disséqués, découpés en rondelles, pour évaluer le degré de "pénibilité" du travail et moduler en conséquence les nouvelles règles d’application du régime de retraité agrémenté ou non de pseudo-"compensations" négociées entreprise par entreprise, branche par branche, "métier par métier", comme l‘avait décidé le gouvernement. Certains syndicats comme la CGT peuvent bien menacer de relancer le mouvement … dans 3 semaines en faisant miroiter une grève cette fois reconductible à partir de la mi-novembre tandis que tous les syndicats lancent d’ores et déjà un appel à une grève dans la fonction publique le 20 novembre prochain. La ficelle est un peu grosse à l’approche des élections syndicales interprofessionnelles, début décembre, qui les poussent à se redonner une image plus positive.
La colère des ouvriers n’est pas éteinte pour autant ni leur combativité désarmée, malgré le sentiment d’écœurement vis-à-vis des syndicats2. Ils ne doivent pas être dupes : la fonction de la gauche et des syndicats sera toujours de chercher à diviser les ouvriers pour aider l’ensemble de la bourgeoisie à faire passer ses attaques. Le but réel de ces manœuvres de division et de ce partage des tâches doit être d’autant plus clair que pour la bourgeoisie cette attaque sur les régimes spéciaux ne va rapporter que des économies dérisoires (850 millions d’Euros) et ne peut avoir aucune efficacité réelle pour combattre le déficit budgétaire colossal ni celui vertigineux de sa balance commerciale. Cela signifie que malgré le poids de ce qui frappe les prolétaires aujourd’hui et dans les mois qui viennent (les franchises médicales où les plus pauvres des travailleurs sans couverture mutualiste seront dans l’impossibilité de se soigner dès janvier 2008, la poursuite des réductions massives d’effectifs dans la fonction publique et les services publics, les plans de licenciements, la hausse vertigineuses des produits alimentaires de base et la chute du pouvoir d’achat, la chasse aux ouvriers émigrés dont la loi particulièrement inhumaine et "dégueulasse" d’Hortefeux est un symbole3), ce qui est devant nous s’annonce encore bien pire. La classe ouvrière ne peut nourrir aucune illusion sur l’avenir qui lui est réservé.
La bourgeoisie française va être contrainte de mettre les bouchées doubles : non seulement avec l’aggravation palpable de la crise économique mondiale mais parce qu’elle a pris un retard énorme à combler sur ses concurrents (le régime général des retraites vient par exemple de passer à 67 ans en Allemagne et il a été porté à 68 ans en Grande-Bretagne). Cela donne la mesure des "nouveaux chantiers de réformes" tous azimuts que le gouvernement prépare au lendemain des élections municipales, car il est manifeste qu’il a choisi de freiner ses assauts jusqu’à cette échéance.
Les prolétaires n’ont pas d’autre choix que de lutter. Pour pouvoir empêcher efficacement son ennemi de classe de donner libre cours à ses attaques, l’unité et la solidarité de la classe ouvrière est le seul moyen de développer la lutte et de déjouer les pièges et les manœuvres inévitables de division de la gauche et des syndicats.
W (25 octobre)
1 Le Journal du Dimanche du 21 octobre a révélé que des contacts entre la direction de la SNCF et la FGAAC avaient été pris dès le 10 octobre, immédiatement après la présentation officielle de la réforme, pour négocier à part et secrètement avec ce syndicat et que ces propositions avaient été transmises par écrit au ministère du travail qui les avaient validées.
2 Le sale travail de sabotage et de division joué par les syndicats dans cette grève a été évident pour beaucoup d’ouvriers combatifs : la pilule a gardé un goût très amer et nombre d’entre eux ont déchiré avec rage leur carte d’adhérent à tel ou tel syndicat.
3 La bourgeoisie tente même d’enrôler les travailleurs dans l’exercice de leur fonction pour le flicage et le fichage des sans-papiers clandestins avec la directive applicable depuis le 1er octobre demandant aux employés de l’ANPE et des ASSEDIC de transmettre systématiquement aux préfectures une copie des titres de séjour et de travail des demandeurs d’emploi étrangers.
Pour plus d’informations sur la signification de cette loi, lire notre article : "Non à l‘État policier ! Solidarité de tous les travailleurs avec les immigrés ! [992]"
L'amendement Mariani, soutenu par le gouvernement, qui prévoit un test ADN pour toute demande de regroupement familial de la part de travailleurs immigrés résidant en France, est abject, ignoble, révoltant. C'est vrai qu'il est parfaitement "dégueulasse" d'instrumentaliser la question de l'immigration comme l'a affirmé la secrétaire d'État Fadela Amara1.
Ces tests qui permettraient la "traçabilité" des familles de travailleurs immigrés marquées comme du bétail, comme des bêtes d'abattoir, sont une nouvelle illustration que les progrès de la science sont de plus en plus mis au service du Capital, de son État et de son appareil de répression. Ce traitement jusque-là réservé aux criminels évoque le marquage au fer rouge des bagnards du 19e siècle. C'est l'empreinte d'un État de plus en plus totalitaire qui cherche à contrôler et à fliquer les êtres humains en général et les travailleurs en particulier dans tous les moments de leur vie avec les moyens les plus modernes et les plus coûteux, avec le recours aux progrès scientifiques et l'appel à la technologie dernier cri. Alors que les progrès de la génétique sont utilisés contre les travailleurs immigrés, d'autres applications des avancées scientifiques sont déjà au service de l'État bourgeois contre l'ensemble de la classe exploitée. Ainsi, des dispositions récentes sont en train d'imposer les moyens les plus sophistiqués de la police "scientifique" et de l'armée : la ministre de l'Intérieur, Madame Alliot-Marie se propose, par exemple, de tripler le nombre des caméras de vidéosurveillance sur tout le territoire et de les installer notamment dans les artères des grandes villes, dans les stations de métro et dans les cités de banlieue en suivant le modèle britannique. Et cela au nom de la lutte contre d'éventuels agissements terroristes ainsi que pour prévenir, de façon plus générale, les "troubles de l'ordre public". Le récent salon de la police et de l'armée a mis en vedette des drones, ces petits avions sans pilote de l'armée (déjà mis en service dans les guerres) que l'État français entend désormais utiliser comme instrument de surveillance dans les manifestations de rue afin de pouvoir cibler et repérer les "fauteurs de troubles"2. Dans le même sens, un hélicoptère muni de caméras infrarouges a été testé aux alentours du stade de France à Saint-Denis lors de la coupe du monde de rugby. Depuis, l'outil informatique et Internet jusqu'à l'électronique et à la médecine, la classe dominante dispose aujourd'hui d'un formidable arsenal technologique de surveillance et d'encadrement de la classe exploitée de même que pour terroriser et intimider les populations (non seulement en France, mais également dans d'autres pays comme par exemple la "très démocratique" Grande-Bretagne).
C'est le règne de "Big Brother" et la réalité dépasse désormais la fiction du roman de George Orwell, 1984.
Le test ADN a provoqué une véritable levée de boucliers au sein de la classe politique : d'une partie de la droite (Villepin, Balladur...) à la gauche et à l'extrême gauche, c'est un tollé. Le 14 octobre, à l'appel de SOS-Racisme, de Charlie Hebdo et de Libération, plus de 6000 personnes se sont rassemblées dans la salle du Zénith à Paris pour proclamer "Touche pas à mon ADN !" sur le modèle du fameux "Touche pas à mon pote !" avec de multiples personnalités artistiques comme Isabelle Adjani ou Josiane Balasko et un vaste front commun unissant le villepiniste Goulard, le centriste Bayrou et le "socialiste" Hollande. Tous ces gens-là ne sont que des hypocrites !
En particulier, derrière leur fausse indignation, les partis de la gauche "plurielle" cherchent à se refaire une virginité à bon compte. Ils ont démontré qu'ils ont toujours été à la pointe des mesures répressives et de la lutte contre l'immigration clandestine, en particulier contre les immigrés qui cherchaient une "terre d'asile" pour fuir la misère et la barbarie guerrière de leur pays d'origine. C'est sur la déclaration du "socialiste" Rocard "La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde" que la classe dominante s'est toujours appuyée pour justifier sa politique répressive en matière d'immigration. C'est Mitterrand, avec son Premier ministre Edith Cresson et son ministre de l'Intérieur Pierre Joxe, qui a inauguré et mis en service la politique d'expulsion par charters. Avec un succès jamais interrompu. Les fameux accords de Schengen et la mise en place d'un "bouclier européen contre l'immigration clandestine" ont été signés par Jospin, alors Premier ministre. Tout ce beau monde encense le président socialiste espagnol Zapatero qui, avec sa police, ne cesse de traquer les migrants africains, en les poussant à s'empaler sur des clôtures grillagées à Ceuta ou Mellila ou en les escortant (avec la complicité de la police marocaine) dans le désert saharien pour les abandonner et les condamner à crever de soif et de faim.
Les partis de gauche profitent du caractère scandaleux des tests ADN pour s'en servir comme d'un leurre. Leur fausse indignation, c'est l'arbre qui cache la forêt. Les larmes de crocodile de la gauche plurielle ne servent en réalité que deux objectifs. Ce qui intéresse la gauche, c'est d'abord et avant tout d'exploiter l'indignation des citoyens pour préparer le cirque électoral des élections municipales. C'est celui qui criera le plus fort "Au loup !" qui raflera la grosse mise.
Par ailleurs, les cris d'orfraie de notre très "morale" gauche plurielle sur la question de l'ADN aboutissent à éclipser les autres mesures de la loi Hortefeux qui vont passer en douce alors que, elles aussi, sont une véritable crapulerie : tout étranger de plus de 16 ans demandant à rejoindre la France au titre du regroupement familial "sera soumis avant son départ à une évaluation de la connaissance de la langue française et des valeurs de la République". Autrement dit, les femmes de travailleurs émigrés devront suivre sur place des cours de français alors qu'il n'y a pratiquement pas de structure éducative... (et les rares qui existent sont souvent payantes). D'autre part, les ressources exigées pour un regroupement familial seront indexées sur la taille de la famille (par exemple pour une famille de 6 personnes, il faudra avoir des revenus un tiers au-dessus du SMIC). A ce tarif-là, beaucoup de familles "françaises de souche" seraient, elles aussi, exclues du regroupement familial. De même, les parents devront conclure avec l'État un "contrat d'accueil et d'intégration pour toute la famille". Autrement dit, au moindre démêlé ou accroc avec la police ou la justice d'un membre de la famille, ce sera l'expulsion immédiate. Par ailleurs, l'OFPRA (Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides), dont les services dépendaient jusque-là du Quai d'Orsay, passera sous la tutelle directe du ministère de l'immigration. La politique d'immigration "choisie" s'opérera désormais à partir de quotas nationaux. Le ministre de l'Immigration, de l'Intégration et de l'Identité nationale, Monsieur Hortefeux, s'est donné le même objectif que celui déjà donné par l'ex premier flic de France, Nicolas Sarkozy dans sa politique "d'immigration choisie" : l'expulsion de 25 000 immigrés en situation irrégulière par an. Et il met les bouchées doubles pour l'atteindre d'ici la fin de l'année. Bref, il s'agit de "faire du chiffre" en matière de politique de contrôle des flux migratoires. Tout cela s'accompagne déjà d'une multiplication des contrôles d'identité, de la chasse au faciès, d'une intensification de rafles de parents à la sortie des écoles, d'expulsions de squats de travailleurs qui ne peuvent plus être logés décemment, de traque aux clandestins, de "chasse à l'homme". Cette politique ignoble et inhumaine pousse de plus en plus d'immigrés à des actes désespérés, tel le cas de cette femme sans papiers d'origine asiatique qui s'est défenestrée, et qui est morte, parce qu'elle pensait être concernée par une perquisition dans l'immeuble où elle était logée. Et pour accompagner cette politique répugnante, le "copain" de Nicolas Le Petit, Brice Hortefeux est bien décidé à réprimer tous ceux qui abritent ou hébergent des immigrés clandestins. 3
L'inhumanité profonde de ces mesures4, c'est celle d'un système capitaliste historiquement condamné, un système en putréfaction qui ne peut apporter que de plus en plus de barbarie.
Le test ADN de la loi Hortefeux n'est pas une nouveauté. Sarkozy, lorsqu'il était ministre de l'Intérieur, avait déjà proposé un test ADN pour dépister le "gène" de la délinquance chez les enfants qui entrent à l'école maternelle. Et il avait suggéré cette même mesure pour débusquer le "gène" de la pédophilie. 5 Mais au-delà de son ignorance dans le domaine scientifique, ses prises de position avaient pour avantage de caresser dans le sens du poil l'électorat de Le Pen, c'est-à-dire les secteurs les plus arriérés idéologiquement de la société française, les plus affectés par les préjugés racistes et xénophobes6.
Ce type de préjugés n'est pas nouveau. Il date principalement de la colonisation, lorsqu'il fallait à la bourgeoisie "justifier" les crimes qu'elle perpétrait contre les populations indigènes. Mais le développement de ces préjugés à la fin de 20e siècle, en même temps que la montée des intégrismes religieux, révèle un pourrissement sur pieds d'une société qui était déjà entrée en décadence depuis la Première Guerre mondiale, une décadence qui a trouvé avec le nazisme et le stalinisme ses expressions les plus tragiquement caricaturales. Évidemment, Sarkozy et son ami Heurtefeux ne sont pas Hitler ou Staline. Ce sont des "démocrates". De même, la situation d'aujourd'hui n'est pas celle des années 30 et 40, marquées par la guerre mondiale. Mais l'obsession des deux comparses pour "faire du chiffre" en matière d'expulsion des immigrés a des relents de celle de Hitler et de Staline qui, eux aussi, demandaient à leurs fonctionnaires de "faire du chiffre" en matière de déportations. Ils sont les sinistres exécuteurs des basses oeuvres d'un système capitaliste dont l'impasse historique ne peut qu'exacerber toujours plus le caractère inhumain, dont l'irrationalité croissante ne peut que favoriser la montée des idéologies obscurantistes issues de la nuit des temps.
Les prolétaires "français de souche" doivent affirmer haut et fort leur solidarité envers leurs frères de classe immigrés, victimes de l'ignominie du gouvernement Sarkozy-Fillon-Hortefeux et consorts. Si les immigrés ont fui leur terre natale, en laissant leur famille au pays, ce n'est certainement pas pour venir "manger le pain des français" ou pour leur "voler leur emploi" ou "profiter" de l'État providence (avec sa "sécurité" sociale et ses allocations familiales) comme le prétend Le Pen avec la caution de Sarkozy, Hortefeux et tous leurs complices. S'ils sont venus en France, c'est tout simplement parce que "chez eux", la vie était devenue un enfer. Ils cherchaient une terre d'asile. Malheureusement pour eux, la "douce France", "terre d'asile", n'est pas disposée à "accueillir toute la misère du monde", comme disait si bien Michel Rocard. C'est le capital en crise qui dicte sa loi. Si on veut bien faire venir des immigrés, il faut que ce soit "rentable". C'est pour cela que Sarkozy veut une "immigration choisie", qu'il essaie, autant que possible, de limiter la venue des familles des travailleurs immigrés, qu'il n'a de cesse de s'attaquer à la dignité de ces derniers.
La solidarité est la seule force qui puisse rendre à l'homme sa dignité, cette dignité que le capitalisme lui a retirée en le traitant comme une marchandise qu'on peut maintenant "choisir" dans le grand magasin du marché mondial. Avec l'aggravation de la crise économique, le sort que subissent aujourd'hui les immigrés, c'est celui qui attend demain tous les travailleurs "français de souche".
La seule solidarité réelle envers les travailleurs immigrés victimes de la répression féroce du Capital et de son État policier, c'est la lutte la plus large, la plus solidaire et unie possible. Une lutte contre toutes les attaques que porte aujourd'hui la bourgeoisie à la classe ouvrière (retraites, frais de santé, baisse du salaire réel, conditions de travail, etc.). Une lutte qui permette à l'ensemble de la classe ouvrière, dans tous les pays, de développer la force et la conscience pour être en mesure de renverser ce système barbare et de construire une nouvelle société, sans classe, sans exploitation et sans frontières nationales. Plus que jamais est à l'ordre du jour le vieux mot d'ordre des exploités :
Prolétaires de tous les pays, unissez-vous !
Courant Communiste International (16 octobre 2007)
1 Cela n'empêche pas l'ex-présidente de l'association "Ni putes ni soumises" de se déclarer à l'aise dans ce gouvernement sous la tutelle d'un premier ministre qui a lui-même qualifié de "détail" aux relents lepénistes cette mesure. Il y a des limites à l'insoumission... même s'il n'y en a pas à l'arrivisme. Il y a quelques mois, le journal Le Prolétaire qualifiait avec raison l'association de Fadela de "Mi-putes, mi-soumises". Aujourd'hui, Fadela ne fait plus les choses à moitié.
2 Un des prétextes est de "protéger" les manifestants contre les "casseurs" dont on sait pertinemment qu'ils sont souvent manipulés pour discréditer les véritables mouvements de la classe ouvrière. Ce n'est pas un hasard si, pendant le combat contre le CPE au printemps 2006, les images de la télévision, particulièrement à l'étranger, en rajoutaient sur les quelques actions violentes des jeunes des banlieues (lesquels sont provoqués quotidiennement par les forces de police) au détriment notamment des images des assemblées générales.
3 L'hypocrisie de la classe régnante n'a pas de limites : alors même qu'elle célèbre comme des héros ceux qui ont caché des familles juives pendant l'occupation, elle considère comme des criminels ceux qui, aujourd'hui, offrent leur protection à des clandestins sans papiers.
4 Une inhumanité qui n'a pas l'air de scandaliser beaucoup ce grand spécialiste de "l'humanitaire", le docteur Kouchner, qu'on n'entend guère sur la question des tests ADN et qui, depuis la gaffe de ses déclarations jusqu'auboutistes sur l'Iran, semble surtout préoccupé de tout faire pour ne pas déplaire à son maître.
5 On ne peut pas reprocher à Sarkozy de n'avoir pas fait d'études scientifiques ; il n'avait pas la "vocation". Il était plus brillant dans le domaine de la magouille politique (il avait tout juste 28 ans lorsqu'il a rafflé la mairie de Neuilly-sur-Seine à Pasqua, pourtant orfèvre en matière de coups tordus).
6 Des secteurs qui ont beaucoup de mal à admettre que leurs ancêtres, avant les gaulois, venaient tous d'Afrique.
Nous avons reçu un courrier d’un de nos contacts en province qui illustre le climat actuel de mécontentement grandissant et le potentiel de solidarité ouvrière face à la pénurie d’effectifs et à la détérioration des conditions de travail dans les centres administratifs dits "de service public" de la Sécurité Sociale. Cette situation et cet état d’esprit combatif sont loin d’être spécifiques à ce seul secteur.
C’est pourquoi nous livrons ce compte rendu et les réflexions qu’il suscite, notamment à travers la confrontation au travail de sabotage et de division des syndicats, comme exemple encourageant d’un mûrissement incontestable des conditions d’un développement ultérieur de la lutte et de la solidarité.
Le 17 septembre dernier, suite à des incidents dans la file d’attente des assurés sociaux, le personnel d’un bureau de Sécurité Sociale a décidé de mener des actions pour demander une augmentation des effectifs et une meilleure formation pour les jeunes qui ont été affectés dans cette unité.
Depuis plusieurs mois, les conditions de travail se sont dégradées. Ce centre de Sécurité Sociale est entièrement consacré à l’accueil des assurés sociaux. Il est situé dans des arrondissements très difficiles (le centre ville de Marseille) avec un très grand nombre d’étrangers en situation précaire, souvent sans papier, avec comme seul revenu des petits boulots pour certains, les ASSEDIC, pour d’autres le RMI, avec un très grand nombre de CMU. Mais y sont concentrés aussi des services centralisés (Accidents de Travail, Invalidité, Service Médical, Assistantes sociales, Plate-forme téléphonique). Près de 1000 personnes viennent quotidiennement pour régler leurs problèmes administratifs. C’est le plus gros centre de Sécurité Sociale de France. Aux étages, il y a d’autres unités de travail, c’est donc près de 500 personnes qui travaillent dans l’immeuble et beaucoup sont des jeunes. Depuis plusieurs mois donc, le nombre d’agents affectés à l’accueil se réduit, comme d’ailleurs les effectifs de l’ensemble des services du site. De plus, les jeunes sont très peu formés, que ce soit pour la législation, mais aussi pour la communication et la gestion des conflits. Et ils gagnent à peine le SMIC alors que l’intensité du travail devient de plus en plus stressante. C’est l’effet des "35 heures" mises en place par la gauche. Pour les assurés, la situation est tout aussi stressante, attendant plus d’une heure dans la file pour aller dans les différents box. Un assuré y passe la moitié d’une journée pour régler les problèmes. Une telle situation est source de tensions. Pour y faire face, la direction n’a rien trouvé de mieux que de mettre deux vigiles. Et c’est justement une altercation entre les vigiles et des jeunes du quartier qui a été la goutte qui a fait déborder le vase. Suite à cela, le cadre responsable décide de fermer le centre, les jeunes employés refusant de travailler dans ces conditions. Les syndicats ont été informés de la situation, mais très vite, ce sont les employés eux-mêmes qui ont pris leurs affaires en main. Et ce n’est pas la première fois puisque cet hiver il y a eu aussi des réactions des employés pour demander des effectifs qui ne sont pas arrivés. L’été a été particulièrement pénible, mais la situation s’est aggravée depuis la rentrée. Ce sont les jeunes employés eux-mêmes qui décident de se réunir et d’établir un cahier de revendications. Comme les esprits étaient assez échauffés, ni la direction ni les syndicats n’ont montré le bout de leur nez. Le seul délégué cégétiste sur place a dit "prenez vos affaires en main et le syndicat vous aidera". C’est le lendemain que la direction fait son apparition et c’est tout le centre en délégation qui lui a remis les revendications. Réaction du directeur : "Vous me mettez dans une situation difficile par rapport au Directeur Général alors que je me bats pour vous". Le lendemain, une note paraît qui précise que 2 nouveaux employés seront affectés, 6 autres d’ici la fin de l’année. Pour les employés, ce n’était pas suffisant mais ils décidaient d’attendre pour voir ce que vaut cette promesse, et en cas de retour de sources de tension, alors ils se réuniraient pour mener des actions.
Les syndicats ont tout fait pour que ce qui se passe sur ce site ne soit pas trop connu dans le reste des unités de travail où, là aussi, les problèmes sont identiques. Parallèlement, une grève s’est engagée sur un autre site, beaucoup plus petit, prévu dans un plan de restructuration à la fermeture. La direction s’est déplacée pour annoncer cyniquement qu’il n’y aura pas de nouvelles affectations d’emploi. Colère et grève immédiate. La CGT réagit vite et prend la tête de la grève. Cela se passe le 19 septembre et la CGT fait tout pour isoler les 2 mouvements qui se menaient simultanément. Sachant très bien que sur le site où s’est déclenché le premier mouvement de colère, la direction a reculé, la CGT, le 26/09 fait une parodie de solidarité. Une délégation de grévistes, syndicat en tête, décide d’y aller. Sur place, l’assemblée générale rencontre peu d’écho, quelques employés y participent. Un débat s’enclenche sur comment créer un rapport de force, car sur le site qui a démarré en premier, les employés sont démobilisés dans l’attente d’effectifs supplémentaires promis par la direction ; elle a donc très bien joué la division. Si la petite assemblée réunie a déclaré sa solidarité avec les grévistes, certains employés sont intervenus pour dire que la grève n’est pas le seul et unique moyen de lutte. Il a été donc proposé de décider d’un après-midi d’action où tous les centres ( il y en a plusieurs répartis aux quatre coins de la ville) se réuniraient pour discuter des revendications et d’un planning d’action, car c’est en élargissant le mouvement que l’on pourra créer un rapport de force mais, pour cela, la discussion la plus large possible est nécessaire. Les syndicalistes CGT présents ont tout fait pour saboter la discussion, et ce de manière agressive, en martelant l’idée que la lutte c’est la grève et rien d’autre. En fait, ce simulacre de solidarité a permis à la CGT de montrer que les employés sont divisés, contribuant ainsi à créer un malaise général, un sentiment de culpabilité de ceux qui continuaient à travailler. Et ce sabotage de la CGT a si bien marché qu’un employé s’en est pris aux grévistes disant qu’il était obligé de renseigner "leurs" assurés, rendant plus difficiles les conditions de travail. Déstabilisés malgré tout par la discussion, les cégétistes se sont montrés menaçants contre ceux qui posaient le problème de savoir comment construire un rapport de force avant de partir pour faire la tournée des services. Ponctuellement la CGT a réussi son coup. Deux jours après, elle sort un tract pour appeler à la solidarité financière avec les grévistes, sans parler bien sûr de ce qui s’est passé ailleurs où les employés eux-mêmes ont pris leur combat en mains. C’est ainsi que dans un autre bureau, lors d’une réunion, la CGT a été prise en flagrant délit : appelant à la solidarité avec le bureau en grève sans mentionner ce qui s’était passé ailleurs, certains employés, au courant des événements qui se sont produits sur le premier site, ont dénoncé le rôle de diviseur et de saboteur du syndicat, suscitant tout un questionnement sur comment lutter. Même si la grève continue sur le petit centre de manière isolée, il y a un tel climat de mécontentement général que la situation risque de ne pas en rester là. Alors il y aura toute une réflexion sur comment mener une lutte, comment faire face aux manœuvres de division de la direction...et des syndicats. Chez les employés, les jeunes en particulier, il existe une méfiance vis-à-vis des syndicats qui se traduit par cette réflexion : "Ils ne font pas ce qu’ils doivent faire, c’est donc à nous d’agir". Comment prendre contact avec l’ensemble des unités de gestion et de service, comment élargir le mouvement, voilà les questions. De toute façon, pour agir, il faut réfléchir, se réunir et discuter, il n’y a pas à foncer tête baissée. C’est ce sentiment qui existe. Et lorsque les employés se réunissent pour discuter et agir le plus collectivement possible, la direction et la CGT font tout pour saboter des initiatives qui vont dans ce sens, pourquoi ? Parce qu’ils ont peur que les travailleurs ne prennent véritablement leurs luttes en main, qu’il y ait de véritables assemblées générales avec des prises de décision sur comment mener la lutte, ce qui a commencé à être fait par une poignée de jeunes employés.
Sébastien, Marseille (1er octobre)
Fin septembre, éclatait en France un mini-scandale mettant en lumière le lien étroit du patronat et des syndicats.
Retour sur l’affaire. Tout commence par l’alerte de quelques employés de banque de la BNP intrigués par des retraits en liquide colossaux (entre 150 000 et 200 000 euros) de Denis Gautier-Sauvagnac, le président de l’Union des industries et des métiers de la métallurgie (UIMM). La boîte de Pandore venait de s’ouvrir. Les enquêteurs annoncent successivement se pencher sur des retraits suspects représentant 5,6 millions, puis 9,6 millions et, aujourd’hui, 20 millions d’euros ! La question est alors : à qui était destiné tout cet argent ?
Très vite la réponse apparaît comme une évidence. Un secret de polichinelle est révélé : une grande partie de cet argent va dans la poche… des syndicats. Denis Gautier-Sauvagnac avoue lui-même que ces fonds servent à « fluidifier les relations sociales » (et quoi de mieux, en effet, que des liquidités pour « fluidifier les relations sociales »). Et, il n’y a ici rien d’étonnant ou d’exceptionnel. Denis Gautier-Sauvagnac n’est pas spécialement un pourri, en tout cas pas plus que les autres. Il ne faisait ici que perpétuer ce qui ce fait depuis près d’un siècle. Le président de l’UIMM de 1994 à 1999, Daniel Dewavrin, a ainsi affirmé avoir lui aussi eu recours à cette forme de financement syndical. Le président du Conseil national du patronat français (CNPF) de 1981 à 1986, Yvon Gattaz, a assuré « Il était de tradition dès 1984 qu’il y eût une caisse qui alimentait les syndicats […]. Ce n’était pas arroser pour peser [dans les négociations salariales], c’est un financement normal ». Enfin, François Ceyrac, un autre ancien président de l’UIMM et du CNPF, a écrit à son collègue aujourd’hui inquiété (lettre publiée dans Le Monde) : « Je suis bien placé pour savoir que les actions que l’on vous reproche, consistant à donner des aides en espèces à divers partenaires dans la vie sociale sont dans la continuité historique de l’UIMM dans sa mission de recherche de dialogue » (sic !). Pour reprendre les termes de la présidente actuelle du Medef, ces liens financiers étroits entre patronat et syndicats sont un « secret de famille ». Oui, il s’agit d’un « financement normal » ! Oui, patronat et syndicats font bel et bien partis de la même « famille » ! Une famille qui se nomme bourgeoisie !
Face à toutes ces « révélations », la protestation syndicale fut, pour le moins, molle et discrète. Pourtant, nous connaissons tous à notre travail un délégué syndical nous encourageant régulièrement à nous syndiquer, à « adhérer à la cause », au moins pour soutenir financièrement la lutte… syndicale. Qui n’a pas eu droit à ce couplet classique « le syndicat, c’est un organisme qui te défend au quotidien et qui t’appartient. C’est grâce aux cotisations des travailleurs, à ta cotisation, qu’il peut le faire » ? Le syndicat, organe de lutte des travailleurs, financé par les travailleurs… voici l’un des piliers de l’idéologie syndicale. Et pourtant, quand une affaire vient mettre à mal cette propagande, ébranler ce pilier, les syndicats se font tout petits. Pourquoi ?
Il suffit de mener une toute petite enquête sur le Net, via Google, pour le comprendre. Des affaires et des témoignages de ce genre de financement occulte y pullulent. Voici quelques exemples piochés au hasard.
En 2000, l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) met les pieds dans la Caisse de retraite interentreprises (CRI), une retraite complémentaire du régime des salariés (Arrco). Le pot aux roses est découvert : "Cette enquête effectuée entre février et mai 1999 à mis en lumière 'tout un système de financement direct ou indirect des syndicats' […] Selon ce rapport, le CRI aurait versé entre 1995 et 1999, 34,3 millions de francs aux syndicats, en salaires pour certains permanents, présentés dans les comptes comme des 'délégués extérieurs' ou en 'convention d'assistance technique' prévoyant des honoraires et des remboursements de frais." Quatre ans plus tard, l'Igas remet les pieds dans le plat, cette fois-ci sur la délicate question des "mises à disposition". Des milliers de salariés gracieusement mis au service des syndicats par des entreprises publiques ou des administrations. En termes voilés, cela donne l'analyse suivante des inspecteurs de l'Igas [993]: "Il est pourtant de notoriété publique que de très nombreux permanents syndicaux sont mis à disposition par l'Etat, les organismes de Sécurité sociale et des entreprises privées ou publiques sans aucune base juridique."1 L’hebdomadaire Marianne2 fournit lui aussi quantité d’exemples : « La CGT a dû admettre, voilà 4 ans, qu’elle avait touché de l’argent de Vivendi sous forme de publicité sur-payée (120 000 euros la page) dans l’hebdomadaire ‘La vie ouvrière’, en 2001. […] Dans le même ordre d’idée, pourquoi les industriels comme Thalès ou Dassault, qui n’ont absolument rien à vendre au grand public, achètent-ils au prix fort des pages de publicités dans ‘Le métallo CFTC’ ? […] Récemment, les représentants de l’Union Fédérale des Transports ont expliqué aux députés comment la CGT incluait dans les accords sur le service minimum une centaine de permanents à rémunérer sur les fonds des entreprises ! »
Officiellement, sans même compter toutes ces magouilles, en ne considérant donc que la partie émergée de l’iceberg, l’Etat finance déjà très largement les syndicats, à coups de subventions publiques. La CGT, par exemple, perçoit 145 millions « hors cotisations » sur un budget de 220,6 millions d’euros de budget3. Soit 66% payé par la bourgeoisie ! Pourquoi la classe dominante entretiendrait-elle ainsi des « organes de lutte » ? C’est d’ailleurs l’Etat lui-même qui encourage les salariés à se syndiquer en les appâtant par une déduction fiscale sur le montant de leurs cotisations syndicales. Pourquoi financerait-elle « ses pires ennemis » ? Il ne s’agit pas là de corruption de quelques bureaucrates. Yvon Gattaz a tout à fait raison d’affirmer que cet argent n’a pas pour but de « peser » dans les négociations salariales mais qu’il s’agit tout simplement d’ « un financement normal ». Les syndicats appartiennent à la bourgeoisie : idéologiquement et financièrement. Elle a besoin de ces structures comme d’un cheval de Troie, pour saboter de « l’intérieur » le développement des luttes et de la réflexion ouvrière. C’est donc tout naturellement qu’elle prend soin de bien nourrir, entretenir et toiletter ses syndicats, véritables chiens de gardes du capital !
Pawel (26 octobre)
2 Marianne du 20 au 26 octobre 2007
3 in la revue Société civile
« Et si le Grenelle de l‘environnement constituait une pure et simple supercherie ? » lançait Le Canard Enchaîné le 10 octobre dernier. La question est légitime mais ce grand carrefour de l‘écologie est bien plus que cela.
Jean-Louis Borloo, champion de la gouaille gouvernementale, ne tarit pas de superlatifs sur l‘initiative qu‘il a repris de son prédécesseur Alain Juppé. Pour lui, c‘est une « révolution » qui est en marche, pas moins, et quand le terme est lié à un « Grenelle », on ne met pas longtemps à faire le lien avec les célèbres accords de la rue du ministère du Travail, en 1968.
Mais de quelle révolution s‘agit-il ? Est-on en train de fonder les bases d‘un capitalisme propre et soucieux de son environnement ? Va-t-on enfin trouver les moyens de réduire les pollutions, les déforestations, les déchets industriels et nucléaires ? Va-t-on enfin trouver les moyens de produire des véhicules moins polluants et de remplacer les vieux tacots fumants du siècle dernier ? La bourgeoisie prend-elle enfin conscience que son système met en danger l‘humanité et qu‘il importe d‘y remédier même si le remède doit coûter cher au capitalisme et aller à l‘encontre de sa propre logique ?
Réveillons-nous... Certes, la bourgeoisie n‘ignore pas que la course folle de son système englué dans la crise est en train de détruire notre environnement et pose la perspective d‘une destruction de la planète. Mais elle sait également qu‘elle n‘a pas les moyens d‘y remédier totalement, ni d‘aller contre sa propre logique de profit. Elle sait qu‘un certain nombre de mesures intéressent des industriels qui y voient de nouveaux terrains de développement pour leur activité, mais que cette même activité n‘offre pas la moindre garantie de respect environnemental. Elle sait aussi que l‘efficacité de la quasi-totalité des mesures proposées par son « Grenelle » est remise en cause par les spécialistes et les scientifiques sérieux.
Alors, la bourgeoisie fait ce qu‘elle fait encore de mieux : elle ment. Elle culpabilise. Elle manipule. Tout le battage autour de ces tables rondes « démocratiques », auquel le scandaleux Prix Nobel de la Paix attribué à Al Gore1 et au GIEC vient rajouter encore quelques paillettes, n‘aboutit qu‘à la même conclusion : l‘avenir de la planète appartient à chacun de nous, la révolution, c‘est chacun de nos comportements modifiés mis bout à bout. C‘est la fin des ampoules à incandescence, le retour des tramways, les maisons chauffées à 19° au lieu de 20°. Et pourquoi ne pas promouvoir les voitures à pédales pendant qu‘on y est ? On se moque littéralement de nous. Confrontée à sa propre incurie, à sa propre impuissance devant la folie destructrice de son système, la bourgeoisie nous exhorte quasiment à fermer le robinet quand on se savonne les mains. Et c‘est censé sauver la Terre, c‘est censé compenser toutes les blessures infligées à l‘environnement par les menées guerrières de la bourgeoisie et l‘exploitation industrielle déraisonnée, motivée par la recherche d‘un profit mis à mal par une concurrence toujours plus rude dans un marché toujours plus restreint.
« Plus ils parlent de paix et plus ils préparent la guerre », disait Lénine. Aujourd‘hui, plus ils parlent d‘écologie et plus ils détruisent la planète.
C‘est donc bien plus qu‘une « pure et simple supercherie », c‘est une grande opération idéologique destinée à cacher derrière une prétendue responsabilité partagée, les vraies responsabilités du capitalisme dans la dégradation fulgurante de notre milieu naturel. Tous les « Grenelles », « sommets de la terre » et Al Gore sentencieux du monde ne changeront rien à cette situation. L‘avenir de la planète est dans les mains de la classe ouvrière.
G (19 octobre)
1 Ce prétentieux est surtout un opportuniste : on se rappelle bien sa position contre la guerre en Irak, mais on oublie qu‘il a voté pour la première guerre du Golfe en 1990, qu‘il n‘a jamais critiqué, loin de là, les menées guerrières de Clinton en Afrique ou en Yougoslavie quand il était à la vice-présidence. Depuis son engagement, tout jeune, dans l‘armée pour partir comme journaliste au Vietnam, la paix n‘a jamais été son obsession. La guerre est effectivement bien connue pour ses vertus écologiques : destruction et pollution massive !
En Algérie, rien ne sera épargné à une population pourtant déjà réduite à la misère, dans sa grande majorité. L’année 2006 avait déjà connu une nouvelle vague d’attentats tous plus barbares et inhumains les uns que les autres. Mais, au cours de cette année, et notamment pendant la fin de l’été, on a vu une nouvelle recrudescence de la violence aveugle, faisant craindre le pire à une population vivant dans une peur permanente.
Au mois de février dernier, des explosions quasi-simultanées ont eu lieu dans un rayon d’une trentaine de kilomètres, à Boumerdès et à Tizi-Ouzou en Kabylie. Ces attentats ont été immédiatement revendiqués par un groupe proclamant appartenir à la branche d’Al-Qaïda au Maghreb. C’est aussi apparemment ce même groupe qui aurait perpétré des attaques à la voiture piégée au mois d’avril contre le Palais du gouvernement, faisant plusieurs dizaines de morts et 162 blessés. Le 6 septembre dernier, c’est le cortège du président Bouteflika qui a été pris pour cible lors de son voyage dans la région des Aurès. Cet attentat ne toucha pas le président, mais a fait à nouveau plusieurs dizaines de morts et des centaines de blessés. L’histoire récente de l’Algérie est ainsi une triste suite d’attentats, de meurtres en séries et de tueries atroces, visant bien souvent sciemment femmes et enfants.
Peut-être que les jeunes générations ouvrières, en France et en Algérie, n’ont pas en mémoire le drame que fut la tristement célèbre guerre d’Algérie. En 1952, une fraction de la bourgeoisie algérienne livre bataille contre la France, pays colonisateur, entraînant la population dans une guerre sans merci. Massacres et tortures furent pendant toute cette période le lot quotidien de la population, une population sans défense, prise au piège dans cette lutte à mort que se livrent la bourgeoisie française et la bourgeoisie naissante de l’Algérie.
Après dix années de conflit meurtrier (plus de 23 000 tués parmi les appelés du contingent français et surtout au moins 400 000 morts au sein de la population algérienne, massacrée des deux côtés), l’armée française se retire, vaincue. Mais la déclaration officielle de « l’indépendance » de l’Algérie n’a en rien signifié le répit et la paix. Pour la population de cette région, ce fut tout simplement une bourgeoisie qui en chassa une autre, elle ne fit que changer de maître, d’exploiteur et d’oppresseur. Pire, ce fut une bourgeoisie algérienne particulièrement brutale et sanguinaire qui prit les rênes du pouvoir : une caste militaire issue du FLN. Cette caste fit dès lors supporter de tout son poids la corruption généralisée à tous les travailleurs et la répression systématique pour les récalcitrants. Cela a été le prix, durant des années, de la “paix sociale” algérienne dont les détracteurs étaient jetés en prison ou éliminés, avec la bénédiction de… l‘Etat français qui gardait évidemment, bon an mal an, un certain contrôle partagé de l‘Algérie.
En 1992, même ce faux-semblant de « paix » s’écroule. Après l’effondrement de l‘URSS et le mouvement international de “démocratisation” lancé à l’époque sous la pression de l’Etat américain, le pouvoir algérien organise des élections “libres”. Le score historique des islamistes du FIS (Front Islamique du Salut), qui ne pouvait déboucher que sur l‘éviction des vieux caciques militaires algériens, pousse ces derniers à annuler le résultat de ces élections législatives. L‘Algérie rentre à nouveau dans une guerre civile qui n’a cessé depuis lors.
Les attentats de ces derniers mois sont donc un énième épisode sanglant de cette histoire tragique. Dans ce pays, les organisations armées terroristes changent de nom mais la barbarie demeure. Hier, c‘était les GIA (Groupes Islamistes Armés) qui semaient la mort. Aujourd’hui, c’est sous les coups de l’ex-GSPC (Groupe Salafiste pour la Prédication et le Combat) qui semble avoir fait allégeance au réseau d’Oussama Ben Laden, que tombe la population.
Cela dit, il n’est pas certain, loin s‘en faut, que d’autres fractions de la bourgeoisie algérienne ne soient pas mêlées plus ou moins directement à tous ces massacres. En effet, on sait que, depuis 1992, bien des crimes, des attentats, des viols et des enlèvements en masse ont parfaitement été identifiés comme ayant été perpétrés par des fractions du pouvoir et de l‘armée algérienne elle-même. Ces fractions de l‘armée se sont servis de l‘état de guerre “contre le terrorisme islamiste” pour d‘un côté en rajouter dans la terrorisation de la population et justifier les mesures de répression et, d‘un autre côté, régler des conflits internes au sein de la junte militaire au pouvoir. Dans ce panier de crabes que constitue l‘Etat algérien, qui fait subir à la population toutes sortes de rackets et de menaces, perpétrer des attentats et autres massacres afin de pouvoir en accuser une fraction rivale est ainsi devenu monnaie courante.
Il est donc difficile de savoir quelle fraction de la bourgeoisie algérienne a été l’auteur de la dernière vague d’attentats. Mais s’il est un fait certain, c‘est que jamais toute cette horreur n’aurait pu prendre une telle ampleur sans la participation active des grandes puissances impérialistes mondiales.
Depuis maintenant plus de quinze ans, la France et les Etats-Unis se disputent le contrôle de l’Algérie. L’impérialisme américain est ainsi venu chasser sur des “terres” traditionnellement sous influence française. Tel est par exemple le sens du projet actuel de libre-échange prévu entre l’Algérie et les Etats-Unis. Ce projet entre dans le cadre de la tentative américaine de renforcer son influence dans toute l’Afrique du Nord en passant par des accords commerciaux avec le gouvernement algérien qui se vend au plus offrant. Hier encore, soutenant ouvertement les groupes armés islamistes anti-gouvernementaux dans ce pays, les Etats-Unis semblent aujourd’hui avoir changé leur fusil d’épaule. La preuve en est qu’ils ont signé, au mois de juin dernier, un accord sur le nucléaire qui prévoit ni plus ni moins une collaboration directe entre les laboratoires algériens et américains du Commissariat à l’énergie atomique. On est loin ici du discours sur la question du nucléaire iranien ! Bien entendu, l’impérialisme français ne pouvait pas rester sans réaction devant un tel pied de nez venant des Etats-Unis. La France s’est donc tout naturellement empressée de faire des propositions analogues au gouvernement algérien. Mais les impérialismes français et américain ne sont plus aujourd’hui les seuls à courtiser ainsi l’Algérie. Pas plus la Russie de Poutine que la Chine ne veulent rester à l’écart de tout ce sordide marchandage. En 2006, pendant la visite de Poutine à Alger, le président russe a effacé d’un trait de plume la dette estimée à 4,7 milliards de dollars contractée par l’Algérie envers la Russie pendant les années 1960 et 1970 en échange de vente d’armes.
Ce que représente l’Algérie pour tous ces prédateurs impérialistes, au-delà de la question immédiate du pétrole, devient clair lorsque l’on se réfère au projet américain de réaliser le Grand Moyen-Orient du président Bush. Certes, les ambitions américaines ne peuvent qu’être fortement revues à la baisse dans ce domaine face à leur lamentable échec en Irak et à l’affaiblissement accéléré de leur leadership. Mais le projet américain, même s‘il est probablement devenu irréalisable, de construire une zone de contrôle allant de la mer Caspienne à l’Afrique du Nord, en passant par le Moyen-Orient, exprime l’importance stratégique de cette région pour quiconque veut tenter de contrôler le bassin méditerranéen1.
Il n’y a, par conséquent, pas de pause à attendre dans l’explosion de l’horreur dans ce pays ! La déstabilisation en cours de l’ensemble du monde arabo-musulman, sous les coups de boutoir du déchaînement des rivalités impérialistes grandes ou petites, ne peut que plonger toujours un peu plus cette région du monde dans le chaos.
Tino
1 De même que le rêve concurrent démesurément prétentieux de Sarkozy d‘instaurer sous la houlette de la France une “Union de la Méditerranée” déjà très contestée en Europe, notamment par l‘Allemagne.
Wilma (le 26 octobre)
Des grèves qui durent depuis plusieurs mois, au cours desquelles s’expriment la solidarité entre les ouvriers, une colère immense contre la dégradation de leurs conditions de vie et une combativité exemplaire, voilà ce que veut nous cacher la bourgeoisie. A peine quelques articles dans la presse ou sur Internet, nous sommes loin du compte. Quels sont les ouvriers en France ou ailleurs qui sont au courant de ce que font leurs frères de classe en Egypte ?
Pourtant déjà, la grève massive de décembre 2006 à l’usine textile Ghazl Al-Mahalla avait ouvert la voie à une vague de protestation sans précédent dans tout le pays. L’article de Révolution Internationale n° 380 de juin 2007 titrait « La solidarité de classe, fer de lance de la lutte » et montrait la détermination que les ouvriers ont affichée dans cette lutte mais aussi la force d’entraînement qui s’est manifestée à partir de cette lutte dans le textile.
De fait, les luttes ne se sont jamais arrêtées depuis lors. De décembre 2006 à mai 2007, il y a eu des grèves impliquant des milliers d’ouvriers d’autres usines textiles, notamment à Kafr el Dawwa (11 700 travailleurs), à Zelfia Textile Co. à Alexandrie (6000 grévistes) et à l’usine textile d’Abul Mukaren. Ce sont aussi de nombreux autres secteurs de la classe ouvrière qui étaient entrés en lutte : 3000 ouvriers en grève de deux jours à l’usine de conditionnement de volailles Cairo Poultry Co., 9000 grévistes dans une minoterie à Gizeh ainsi que les éboueurs de cette même ville, occupation de l’usine Mansoura Spanish Garment Factory par 300 ouvrières et grève des transports du Caire avec blocage de la ligne Le Caire-Alexandrie, soutenue par des conducteurs du métro du Caire. Et aussi de nombreuses actions comme un sit-in à la poste principale du Caire, des grèves de boulangers, dans des briqueteries, d’employés du Canal de Suez, de dockers, d’employés municipaux, de personnels des hôpitaux… « Fin juin, un communiqué d’un syndicat américain annonçait que 200 grèves étaient terminées, mais ne disait rien sur celles qui pouvaient encore être en cours. » Mondialism.org. Il y a eu 220 grèves spontanées en 2006 en Egypte, chiffre qui sera largement dépassé en 2007.
En effet, depuis le 23 septembre 2007, les 27 000 ouvriers et ouvrières de l’entreprise publique de textile de Ghazl Al-Mahalla, à une centaine de kilomètres du Caire, ont repris le combat quelques mois seulement après la première vague de luttes dont ils étaient déjà le cœur. La promesse du gouvernement de verser à chacun l’équivalent d’un mois et demi de salaire avait alors mis fin à la grève. Mais c’était encore trop payé pour le gouvernement qui n’a pas tenu ses engagements, cette somme n’ayant été versée que très partiellement et au compte goutte. Quel cynisme ! Des salaires de misère de 200 à 250 livres égyptiennes (soit 25 à 30 euros), des loyers d’environ 300 livres égyptiennes et des denrées de base qui ont augmenté de 48% depuis l’an dernier, voilà la réalité des ouvriers qui ne savent plus comment se loger, se nourrir, se soigner eux et leurs familles.
En juillet 2007, alors que la grève menaçait de nouveau de s’étendre, le gouvernement a immédiatement promis de payer l’équivalent de 150 jours de salaire en guise de part des bénéfices actuels de l’entreprise. Somme qu’il tardait de nouveau à payer. C’est ce qui a relancé la colère des ouvriers dont la combativité était toujours intacte. « ‘On nous a promis 150 jours de prime, nous voulons seulement faire respecter nos droits ‘ explique Mohamed el-Attar, qui a été arrêté quelques heures par la police mardi dernier. ’Nous sommes déterminés à aller jusqu‘au bout’ affirme-t-il. » (Le Figaro du 1/10/07). A la grille d’entrée de l’usine, une affiche proclame : « Vous entrez en territoire libre. » Des enfants ont rejoint leur mère car ils ont été renvoyés des écoles par défaut de paiement des frais scolaires ou impossibilité d’achat des manuels. Pour tenter une nouvelle fois de casser le mouvement, la direction a décrété une semaine de congé afin de rendre l’occupation de l’usine illégale et laisser planer la menace d’une intervention militaire.
Dans cette lutte, face aux ouvriers, le gouvernement n’est pas seul ; il est épaulé par ses fidèles chiens de garde, passés maîtres dans le sabotage : les syndicats. Mais là aussi, les ouvriers ne semblent pas vouloir se laisser manipuler si facilement : « Le représentant du syndicat officiel, contrôlé par l’Etat, venu demander à ses collègues de stopper la grève, est à l’hôpital, après avoir été passé à tabac par des ouvriers en colère. ‘Le syndicat est aux ordres, nous voulons élire nos vrais représentants’ expliquent les ouvriers » (Libération du 1/10/07).
Peu à peu, la classe ouvrière prend conscience que sa force réside dans sa solidarité et son unité, au-delà des secteurs et des corporations. Les ouvriers des usines textiles de Kafr Al-Dawar déclaraient en décembre dernier : « Nous sommes dans le même bateau que vous et embarquerons ensemble pour le même voyage » et reprenaient à leur compte les revendications de Mahalla. Dans ce contexte, il n’est pas étonnant qu’ils aient de nouveau manifesté leur solidarité dès la fin septembre et entamé une grève. Et d’autres aussi comme les ouvriers de minoterie au Caire qui ont entamé un court sit-in et ont envoyé un communiqué soutenant les revendications des ouvriers. Ils les ont qualifiées de légitimes surtout celles de la fixation par le gouvernement d’un salaire minimum qui soit indexé sur les prix actuels. Les ouvriers des usines de Tanta Linseed and Oil ont suivi l’exemple de Mahalla et posé aussi leurs revendications.
C’est bien parce que le gouvernement redoute en premier lieu que la lutte continue à se développer qu’il apparaît aujourd’hui comme hésitant. Il agite le bâton ou la carotte suivant les situations. Au cours de ces derniers mois, il s’en est pris aux juges ou aux journalistes qui s’opposaient à lui en les menaçant ou en les emprisonnant. Mais face à des milliers d’ouvriers en lutte, il se doit d’être plus prudent (même si le recours à une répression n’est pas à exclure).
Pour le moment, face à la force montante du mouvement, le gouvernement est obligé de proposer aux ouvriers textiles de Mahalla 120 jours de prime et des sanctions contre la direction. Mais les ouvriers n’arrivent plus à croire aux promesses du gouvernement, promesses qui sont d’ailleurs inférieures à leurs revendications. Non, ces grèves ne sont pas organisées par les Frères musulmans comme l’Etat aurait aimé le faire croire, c’est une vraie lame de fond ouvrière qui secoue l’Egypte et celui-ci a bien raison d’avoir peur. La classe ouvrière d‘Egypte est la plus importante du Proche et du Moyen-Orient et ses luttes ne peuvent qu’inspirer les ouvriers de la région et du reste du monde.
Map (22 octobre)
Ce développement de la combativité et de la conscience, ce refus de la misère et cette méfiance envers les syndicats… tout ceci s’exprime clairement à travers les revendications mêmes des ouvriers de Ghazl Al-Mahalla :
• Recevoir l’équivalent de 150 livres égyptiennes du salaire de base en profits annuels.
• Retirer la confiance au comité syndical ainsi qu’au PDG de l’entreprise.
• Inclure les primes dans le salaire de base comme pourcentage fixe non lié à la production.
• Augmenter les primes pour la nourriture.
• Allouer une prime pour le logement.
• Fixation d’un salaire minimum conformément aux prix actuels.
• Fournir un moyen de transport pour les ouvriers qui habitent loin de leur entreprise.
• Améliorer les services médicaux.
Fin septembre, aux Etats-Unis, le syndicat UAW (United Auto Workers) appelait les 73 000 salariés de General Motors à la grève. Un tel mouvement ne s‘était pas vu, depuis 1988, sur les sites au Canada et au Mexique et, depuis 1970, au niveau national américain. Les médias, spécialisés dans le black-out des conflits sociaux, ont pris soin cette fois de souligner cette initiative syndicale spectaculaire, présentée comme un des moments phare de défense des salariés. Qu’en est-il en réalité ?
Tout nous montre que cette grève, exploitant un authentique sentiment de ras-le-bol et de colère, a été déclenchée pour être instrumentalisée par le syndicat UAW et la direction de Général Motors. Ceci afin de porter de nouvelles attaques contre les ouvriers. Alors que le précédent accord salarial avait expiré depuis peu, un round de négociations entamé depuis des mois devait aboutir à un nouvel accord applicable pour tout le secteur automobile, avec pour objectif une baisse des coûts de la force de travail : licenciements, réduction des pensions de retraite et baisse drastique des salaires, forte détérioration de la couverture santé… Certaines mesures du nouvel accord, restées très discrètes, révèlent d’ailleurs ces intentions du syndicat et de la direction de Général Motors : "Greg Shotwell, un membre dissident de l’UAW, a diffusé sur le site Internet Soldiers of Solidarity, des extraits du projet d’accord UAW-GM contre lequel il milite. Ainsi, on y découvre que l’UAW a donné son accord pour la fermeture de deux usines situées à Indianapolis et à Livonia près de Détroit." 1
Ce coup de poignard dans le dos des ouvriers n’a rien d’étonnant et correspond bien à la pratique des syndicats. Depuis 2005, les "big three", c‘est-à-dire les trois plus grandes entreprises automobiles, Général Motors, Ford et Chrysler, sont dans le rouge et enregistrent des pertes qui s’élèvent aujourd’hui à 26 milliards de dollars. Face à une crise économique plus aiguë, à l’agressivité et à la pénétration du marché par les concurrents asiatiques, en particulier le japonais Toyota, il devient plus qu’urgent pour le patronat américain de baisser encore les coûts de la force de travail au nom de la sacro-sainte compétitivité. Ceci d’autant qu’une nouvelle récession se profile à l’horizon avec pour corollaire une fragilisation supplémentaire de tout l’édifice industriel. Le moment était donc crucial pour "remettre les choses à plat", pour ouvrir un dossier particulièrement "épineux" sur la table avec la complicité des syndicats ! C’est cette nécessité urgente qui explique le déclenchement d’une manœuvre de grande ampleur sous la houlette syndicale dans cette entreprise.
Cette grève déclenchée fin septembre à Général Motors devait servir de test, de ballon d’essai, pour faire passer les mesures d’austérité dans les deux autres grandes firmes que sont Ford et Chrysler. Test réussi !
Tout a commencé par une sorte "d’ultimatum" où un communiqué syndical s’est chargé de polariser l’attention sur "la sécurité de l’emploi". L’ultimatum était censé "faire pression" pour "accélérer le processus des négociations" sur cette seule question, alors que tout le reste de l’attaque (le financement des retraites, la couverture santé et les salaires) a été soigneusement mis au second plan. Dès lors, la direction syndicale pouvait donner ses consignes pour lancer la grève et organiser les débrayages. La "pression" syndicale a été telle que la direction de General Motors… a menacé de fermer une dizaine de sites et de "délocaliser" en Asie !
Pour les médias, il était alors temps de souligner la "position délicate du syndicat", conseillant de ne "pas courir le risque des délocalisations". Au nom du "moindre mal", le syndicat pouvait alors soutenir aisément la position consistant à "accepter l’accord" (dont les modalités étaient prévues et ficelées de longue date).
Profitant du mécontentement des ouvriers, direction et syndicat ont focalisé sur cette question des menaces de délocalisations pour coincer les salariés en les contraignant à accepter les sacrifices sur les retraites, sur la santé et une baisse du salaire horaire, en "échange" d’une prime et de la création d’un fonds géré par le syndicat UAW, fonds destiné à assurer une couverture des dépenses maladie et des retraites, prétendument “à moindres coûts”. Vous avez bien lu : ce sont dorénavant directement les syndicats qui vont gérer l’accès aux soins et les retraites des ouvriers ! Autrement dit, ce sont eux qui auront la responsabilité directe de réduire le coût des dépenses de santé et celui des pensions de retraite !
Pour l’entreprise, ce principe d’un transfert de gestion de fonds (appelés VEBA) au syndicat UAW, moyennant le versement d’une somme de départ, lui permet de réduire ses coûts annuels de 3 milliards de dollars. Pour les salariés, en revanche, cela implique d’une part une plus grande incertitude, l’expérience de VEBA ayant déjà fait faillite2, d’autre part, une hausse des cotisations d’assurance maladie. En même temps, cette mesure a permis d’accélérer les départs anticipés et de recruter des jeunes, là encore à moindres coûts, avec en réalité l’objectif d’une baisse effective des salaires pour tous. Le tarif horaire de la force de travail passe ainsi de 25 à 6 dollars. Quelle avancée ! Voilà la réalité de cette nouvelle "convention collective" !
Forte de sa victoire sonnante et trébuchante et d’une si habile manœuvre, la bourgeoisie américaine ne pouvait s’arrêter en si bon chemin. Une fois rodée, l’opération a été reproduite à Chrysler début octobre, où, grâce à une "grève éclair de 7 heures", il a été possible de "déboucher sur un accord" de la même eau.
Dans cette affaire, les ouvriers ont tout perdu. Loin d’être une sinécure, la nouvelle gestion syndicale avec les VEBA sera inexorablement soumise aux impératifs du capitalisme en crise. Ce qu’ont gagné les ouvriers avec le syndicat, c’est qu’il faudra payer plus pour moins de garanties ! De fait, l’accord entérine la politique de restructuration amorcée, avec des suppressions de postes à la clé : Chrysler annonce déjà qu’il va supprimer 1500 postes de plus que prévu. Et ce n’est pas tout ! L’attaque aura nécessairement des répercussions sur l’ensemble des ouvriers, notamment ceux des entreprises sous-traitantes. Il s’agit là d’un encouragement pour toute la bourgeoisie à porter des attaques toujours plus cinglantes, même si elle sait que cela comporte des dangers, notamment celui du développement d’une réflexion et la colère des ouvriers.
Le syndicat UAW a été l’outil privilégié pour faire passer une attaque violente. Pour cela, il a su créer un rideau de fumée sur les vraies intentions de la bourgeoisie et des firmes automobiles, s’est servi du mécontentement bien réel et légitime des salariés afin de le stériliser, en poussant ces derniers dans le piège d’un accord où ils ont été dupés.
WH (11 octobre)
1 lefigaro.fr [994]
2 On a vu ce que valaient ces VEBA avec leur effondrement en 2005 dans l’entreprise Caterpillar.
Il y a quelques mois déjà, nous avons reçu sur notre boîte Internet1 deux messages concernant Che Guevara d’un camarade se nommant E.K. Nous publions ici la lettre que nous lui avons envoyée début avril tout en saisissant cette occasion pour compléter et élargir notre réponse aux questions restées alors en suspens. Nous rendons publique cette correspondance parce que, comme EK le dit lui-même, on est "dans les célébrations des 40 ans de sa mort au combat" et il s’agit pour nous, CCI, non pas de nous ajouter à la ronde de célébrations mais, bien au contraire, d’essayer de comprendre si Che Guevara était réellement un révolutionnaire et si la classe ouvrière et les jeunes générations doivent se revendiquer ou non de son action.
Pour le camarade EK, Che Guevara est un authentique combattant pour la cause des peuples opprimés. En effet, pour lui, "l‘internationalisme du Che est hors de doute. Il est le modèle du combattant international et de la solidarité entre les peuples". Il serait ainsi l’un des rares révolutionnaires à avoir osé critiqué le régime de l’URSS : "Lors du second séminaire de solidarité afro-asiatique, le Che critique sans ambages les positions conservatrices et exploiteuses de l‘URSS". Enfin, EK expose dans ce premier courrier sa vision du prolétariat et du rôle des révolutionnaires : "Quant à l‘agent historique de la transformation sociale, il n‘y a pas, me semble-t-il, de raison de réduire le concept de prolétariat aux seuls ouvriers, négation absolue de la condition humaine. (…) La tâche des intellectuels est d‘introduire dans le prolétariat la conscience de sa situation par des moyens éminemment politiques."
Suite à notre réponse, le camarade E.K nous a envoyé très rapidement un deuxième message dans lequel il tient à se démarquer d’emblée de tous ceux qui transforment le Che en icône, en multipliant les T-shirts et autres posters à son effigie : "La mythification du Che à travers la duplication de son image a tendance à occulter sa vie et son oeuvre.". Mais surtout, il y réaffirme que "poursuivant des objectifs distincts, le Che sera amené fort logiquement à se départir du modèle social-impérialiste de l‘URSS. La CIA et le KGB coopéreront même pour s‘en débarrasser lors de sa tentative révolutionnaire en Bolivie". Et le camarade de conclure : "Ernesto Che Guevara a payé sa probité intellectuelle de sa vie. Lui rendre hommage, c‘est lire ses textes ; perpétuer sa mémoire, c‘est continuer la lutte ; lui rendre justice, c‘est soutenir ses valeurs. A l‘aube des célébrations des 40 ans de sa mort au combat, il est plus que temps de redonner vigueur à sa pensée et vie à ses idées".
Nous te remercions pour ton message de début avril. Excuse-nous pour le retard de ce complément de réponse. Nous voulons faire ici une critique de ce que tu nous écris. Cette critique ne signifie pas pour nous une "fin de non-recevoir", bien au contraire. Nous sommes toujours disposés à répondre à tes questions et à tes points de vue. Nous voudrions répondre à ce que tu dis à propos de Che Guevara en étudiant le plus sincèrement et sérieusement possible ce que furent réellement, comme tu le demandes, "ses valeurs", "ses idées" et "sa lutte".
En ce mois d’octobre, on célèbre le 40e anniversaire de la mort de Che Guevara, tué par l’armée bolivienne, encadrée par la CIA américaine.
Depuis 1967, "le Che" est devenu le symbole de l’éternelle "jeunesse révolutionnaire romantique" : mort jeune, les armes à la main, luttant contre l’impérialisme américain, grand "défenseur des masses pauvres d’Amérique latine". Tout le monde a en tête cette image du Che avec son béret étoilé, regard triste et lointain.
Ses fameux Carnets de voyage ont grandement contribué à populariser l’histoire de ce révolté, venant d’une bonne famille un peu bohème d’Argentine, qui se lance dans un aventureux voyage à moto sur les routes d’Amérique du Sud, utilisant son savoir médical pour aider les pauvres... Il vit au Guatemala à un moment (1956) où les États-Unis fomentent un énième coup d’Etat contre un gouvernement qui ne leur convient pas. Cette mainmise permanente sur les pays d’Amérique latine de la part des États-Unis va nourrir toute sa vie une haine implacable contre ces derniers. Par la suite, il rejoint au Mexique le groupe cubain de Castro, réfugié dans ce pays après une tentative avortée de renversement du dictateur cubain, Batista, longtemps soutenu par les États-Unis2. Après une série d’aventures, ce groupe s’installe dans les montagnes de Cuba jusqu’à la défaite de Batista, début janvier 1959. Le noyau idéologique de ce groupe est le nationalisme, le "marxisme" n’étant qu’une enveloppe de circonstance à une "résistance" anti-yankee exacerbée, même si quelques éléments, dont Guevara lui-même, se considèrent comme "marxistes". Le Parti communiste cubain, qui d’ailleurs en son temps avait soutenu Batista, envoie un de ses dirigeants, Carlos Rafael Rodríguez, auprès de Castro en 1958, quelques mois seulement avant la victoire de ce dernier.
Cette guérilla n’est pas du tout l’expression d’une quelconque révolte paysanne, encore moins de la classe ouvrière. Elle est l’expression militaire d’une fraction de la bourgeoisie cubaine qui veut renverser une autre fraction pour prendre sa place. Il n’y a aucun "soulèvement populaire" dans la prise de pouvoir de la guérilla castriste. Elle se présente, comme souvent en Amérique latine, sous la forme de la substitution d’une clique militaire par une autre formation armée dans laquelle les couches exploitées et miséreuses de la population de l’île, enrôlées ou non par les combattants putschistes de la guérilla, ne jouent pas un rôle important, sinon d’acclamer les nouveaux maîtres du pouvoir. Face à la résistance plutôt faible de la soldatesque de Batista, Guevara apparaît comme un intrépide guérillero, dont la détermination et le charisme grandissant apparaissent rapidement susceptibles de faire de l’ombre à son maître Fidel. Après la victoire sur Batista, Fidel Castro va charger le Che de mettre en place les "tribunaux révolutionnaires", une mascarade sanglante dans la meilleure tradition du règlement des comptes entre fractions des différentes bourgeoisies nationales, en particulier en Amérique latine. Che Guevara prend son rôle vraiment à cœur, par conviction et avec zèle, en mettant en place une justice "populaire" où, en guise de défoulement collectif, on juge les anciens tortionnaires de Batista, mais aussi on prend du "tout venant" sur simple dénonciation. D’ailleurs, Guevara s’en revendiquera plus tard à l’ONU, en réponse à des représentants latino-américains, bonnes âmes "démocratiques" qui s’offusquent de ces méthodes, en disant : "Nous avons fusillé, nous fusillons et nous continuerons à fusiller tant que ce sera nécessaire". Ces pratiques n’ont rien à voir avec la défense maladroite d’une quelconque justice révolutionnaire. Ce sont là, répétons-le, les méthodes typiques d’une fraction de la bourgeoisie qui a pris le dessus sur une autre par la force des armes.
Alors, on peut toujours s’identifier en rêve au "héros" austère de la Sierra Maestra, au "guérillero héroïque" qui mourra quelques années plus tard dans la montagne bolivienne mais, dans le monde réel, il n’a en fait tenu qu’un rôle d’exécuteur de basses oeuvres dans la mise en place d’un régime qui n’a de communiste que le nom.
Tu nous dis : "l’internationalisme du Che est hors de doute" et "Lors du second séminaire de solidarité afro-asiatique, le Che critique sans ambages les positions conservatrices et exploiteuses de l‘URSS" pour affirmer enfin "le Che sera amené fort logiquement à se départir du modèle social-impérialiste de l‘URSS".
Le régime nationaliste de Castro s’est vite enrobé du qualificatif "communiste", autrement dit, ce régime s’est rallié… au camp impérialiste régenté par l’URSS. Cuba étant située à quelques encablures des côtes américaines, ceci ne pouvait évidemment qu’inquiéter la tête du bloc de l’Ouest. Le processus de stalinisation de l’île, avec une présence importante de personnel civil, militaire et des services secrets des pays du bloc de l’Est, trouvera son point d’orgue en 1962 au moment de "la crise des missiles".
Dans ce processus, Che Guevara, maintenant ministre de l’Industrie (1960-61), pour souder la nouvelle alliance avec le "camp socialiste", est envoyé par Castro dans les pays de ce camp, où il se répand en discours dithyrambiques sur l’URSS : "ce pays qui aime si profondément la paix", "où règne la liberté de pensée", "la mère de la liberté"… Il célèbre tout autant "l’extraordinaire" Corée du Nord ou la Chine de Mao où "tout le monde est plein d’enthousiasme, tout le monde fait des heures supplémentaires" et ainsi de suite pour l’ensemble des pays de l’Est : "les réalisations des pays socialistes sont extraordinaires. Il n’y a pas de comparaison possible entre leurs systèmes de vie, leurs systèmes de développement et ceux des pays capitalistes". Un véritable VRP du modèle stalinien ! Nous reviendrons plus loin sur le "désamour" de Guevara avec l’URSS. Mais, contrairement à ce que tu affirmes, le Che n’a jamais émis le moindre doute de principe sur le système stalinien. Pour lui, l’URSS et son bloc étaient le camp "socialiste, progressiste" et sa propre lutte s’intégrait pleinement dans celle du bloc russe contre le bloc occidental. Le mot d’ordre lancé par Guevara "Créer un, deux, plusieurs Vietnams", n’est pas un mot d’ordre "internationaliste" mais bel et bien nationaliste et favorable au bloc russe ! Son critère réel n’est pas le changement social, mais la haine de l’autre tête de bloc, les États-Unis.
En effet, après la Seconde Guerre mondiale, le monde s’est trouvé divisé en deux blocs antagonistes, l’un régenté par la puissance américaine, l’autre par l’URSS. La "libération nationale" s’avéra alors une mystification idéologique parfaite pour justifier régulièrement l’embrigadement militaire des populations. Dans ces guerres, ni la classe ouvrière ni les autres classes exploitées n’avaient rien à gagner, servant de masse de manœuvre pour les différentes fractions de la classe dominante et de leurs parrains impérialistes. Le partage du monde en deux blocs impérialistes après les accords de Yalta a signifié que toute sortie d’un bloc ne pouvait signifier que la chute dans le bloc adverse. Et, justement, il n’y a pas de meilleur exemple que celui de Cuba : ce pays est passé de la dictature corrompue de Batista, sous la coupe directe de Washington, de ses services secrets et de toutes sortes des mafia, à la mainmise du bloc stalinien. L’histoire de Cuba est un concentré de l’histoire tragique des "luttes de libération nationale" pendant près d’un demi-siècle !
Alors, à la base, avant de dire quand et comment Guevara s’est prétendument plus ou moins "écarté" de l’URSS, il faut bien être clair sur la nature de l’URSS et de son bloc. Derrière la défense d’un Che Guevara révolutionnaire, il y a l’idée que l’URSS, peu ou prou, qu’on le veuille ou non, malgré ses défauts… était le "bloc socialiste, progressiste". C‘est là le plus grand mensonge du 20e siècle. Il y a bien eu une révolution prolétarienne en Russie, mais elle a été défaite. La forme stalinienne de la contre-révolution s’est donnée un mot d’ordre : la "construction du socialisme en un seul pays", mot d’ordre se situant à l’exact opposé du socle naturel et fondamental du marxisme. Pour le marxisme, "les prolétaires n’ont pas de patrie"3 ! C’est cet internationalisme, bien réel celui-là, qui a servi de boussole à la vague révolutionnaire mondiale qui a débuté en 1917 et à tous les révolutionnaires de l’époque, de Lénine et des bolcheviks à Rosa Luxemburg et aux Spartakistes4. L’adoption aberrante de cette "théorie" d’une "patrie socialiste" à défendre a eu pour corollaire le recours systématique à une méthode bourgeoise : la terreur et le capitalisme d’Etat, ce talon de fer, expression la plus totalitaire et la plus féroce de l’exploitation capitaliste !
À l’origine des critiques du Che vis-à-vis de l’URSS, il y a "la crise des missiles", en 1962. Pour l’URSS, sa mainmise sur Cuba fut une aubaine. Enfin, elle pouvait rendre la pareille aux États-Unis, qui menaçaient directement l’URSS depuis les pays voisins de celle-ci, tels que la Turquie. L’URSS commence à installer des rampes de lancement de missiles à tête nucléaire à quelques miles des côtes américaines. Les États-Unis ripostent en mettant en place un embargo total de l’île, obligeant les bateaux russes à faire demi tour. Khrouchtchev, le maître du Kremlin de l’époque, est finalement obligé de retirer ses missiles. Pendant quelques jours d’octobre 1962, les affrontements impérialistes entre ceux qui se présentaient comme "le monde libre" et ceux qui se présentaient comme le "monde socialiste progressiste" ont failli mettre toute l’humanité au bord de l’abîme. Khrouchtchev est alors considéré par les dirigeants castristes comme une "lavette" qui n’a pas les "couilles" d’attaquer les États-Unis. Dans un accès d’hystérie patriotarde, où le slogan castriste "La patrie ou la mort" prend son sens le plus sinistre, ils sont disposés à sacrifier le peuple (ils diront que c’est le peuple qui est disposé à se sacrifier) sur l’autel de la guerre atomique. Dans ce délire pervers, Guevara ne peut être qu’à l’avant-garde. Il écrit : "Ils ont raison [les pays de l’OEA5 d’avoir peur de la ‘subversion cubaine’], c’est l’exemple effrayant d’un peuple qui est disposé à s’immoler par les armes atomiques pour que ses cendres servent de ciment aux sociétés nouvelles, et qui, lorsqu’un accord est conclu sur le retrait des fusées atomiques sans qu’on l’ait consulté, ne pousse pas un soupir de soulagement, n’accueille pas la trêve avec reconnaissance. Il se jette dans l’arène pour […] affirmer […] sa décision de lutter, même tout seul, contre tous les dangers et contre la menace atomique elle-même de l’impérialisme yankee"6. Ce "héros" a décidé que le peuple cubain était disposé à s’immoler pour la patrie… Ainsi, la base de la "déception", de la critique vis-à-vis de l’URSS n’est pas la perte de foi dans les vertus du "communisme soviétique" (le capitalisme stalinien en termes vrais), mais, au contraire, c’est le fait que ce système n’allait pas jusqu’au bout de sa logique guerrière d’affrontement, au paroxysme de la période de la "guerre froide". Et le discours d’Alger de Che Guevara sur lequel tu t’appuies pour affirmer que le Che "s’est départi du modèle social-impérialiste de l‘URSS" ne change rien en réalité à cet attachement de Guevara aux positions staliniennes. Au contraire ! Durant ce fameux discours, il met certes en cause le "mercantilisme" dans les rapports entre les pays du bloc de l’URSS mais il les appelle toujours socialistes et "peuples amis" : "Les pays socialistes sont, dans une certaine mesure, les complices de l‘exploitation impérialiste [...]. [Ils] ont le devoir moral de liquider leur complicité tacite avec les pays exploiteurs de l‘Ouest. ». Au-delà de son apparence radicale, une telle critique est donc bien celle de quelqu’un de l’intérieur du système stalinien. Pire, elle émane d’un responsable qui a participé de toutes ses forces à la mise en place d’un tel système de capitalisme d’Etat à Cuba ! D’ailleurs, par la suite, Guevara ne fera jamais plus officiellement la moindre critique à l’URSS.
Che Guevara, au moment où il a été assassiné par le CIA et l’armée bolivienne en 1967, fut la victime non seulement de l’impérialisme américain, mais aussi de la nouvelle orientation politique du Kremlin dite de "coexistence pacifique" avec le bloc occidental. Nous n’allons pas traiter ici les raisons qui ont poussé la direction de l’URSS et son bloc à prendre ce "tournant". Mais ce "tournant" n’a rien à voir avec une quelconque "trahison" envers les peuples qui voulaient "se libérer" de l’impérialisme, ni envers le prolétariat. La politique de la classe dominante stalinienne a souvent changé de cap en fonction de ses intérêts comme classe dominante et, justement, l’affaire des missiles a montré aux dirigeants de l’impérialisme stalinien qu’ils n’ont pas les moyens de défier la tête de l’autre bloc à ses propres portes et qu’il leur faut être prudents en Amérique latine. C’est ce que Guevara et une fraction des dirigeants cubains ne veulent pas comprendre, au point de devenir gênants non seulement pour l’URSS, mais même pour leurs propres amis cubains. A partir de là, le destin de Che Guevara était scellé : après la désastreuse aventure au Congo7, il finira par se retrouver seul en Bolivie, avec une poignée de compagnons d’armes, abandonné par le PC bolivien, qui, finalement, se retrouve sur la ligne de Moscou. Pour les factions les plus "moscovites", les tenants de la tactique du "foco" (foyer de guérilla) étaient des petits-bourgeois en mal d’aventures, "coupés des masses". Et pour les factions des PC favorables à la lutte armée, avec leurs soutiens critiques de toutes sortes, les "officiels" des PC étaient des "révolutionnaires de salon", des bureaucrates embourgeoisés… eux aussi "coupés des masses". Pour nous, qui nous réclamons de la Gauche Communiste, ce sont là deux formes de la même contre-révolution, deux variantes du même grand mensonge du siècle, celui d’avoir fait passer la contre-révolution stalinienne pour la continuatrice de la révolution d’Octobre et l’URSS comme communiste.
Pour toi, la tâche des intellectuels serait "d’introduire dans le prolétariat la conscience de sa situation…". Tu sembles ici reprendre à ton compte la vision de Che Guevara sur "l’élite révolutionnaire". Mais cette position du Che ne cache t-elle pas en réalité un profond mépris pour la classe ouvrière ? Que révèlent réellement ses envolées lyriques sur "l’homme nouveau dans la révolution cubaine" ?
L’unité prolétarienne révolutionnaire a une base pratique très concrète : la solidarité de classe. C’est cette solidarité spontanée dans l’organisation de la lutte, faite d’entraide et de fraternité qui nourrit les qualités de dévouement du prolétariat révolutionnaire. Mais ce "dévouement" dans la bouche de Guevara, sonne, dans le meilleur des cas, comme un appel quasi-mystique au martyre suprême (il faut lui reconnaître qu’il a été toujours prompt au sacrifice, et sans doute il était disposé à devenir un "martyre" de la cause impérialiste qu’il défendait avec tout le peuple cubain "volontaire" au moment de la crise des missiles)... Au-delà de son propre comportement "exemplaire", reste sa vision du "sacrifice" ou de "l’héroïsme" (de la même eau que l’idéalisme patriotard exalté et diffusé par les staliniens dans la "Résistance" au cours de la Seconde Guerre mondiale) qui devrait s’imposer par le haut, pour les besoins de l’Etat et sous la férule d’un "líder máximo". Cette vision repose sur un mépris de l’intellectuel petit-bourgeois vis-à-vis de la "masse prolétarienne" qu’on regarde de haut, qui prétend qu’il faut "l’éduquer" pour qu’elle comprenne les "bienfaits de la révolution". "La masse, a déclaré avec condescendance Guevara, n’agit pas comme un doux troupeau. Il est vrai qu’elle suit sans hésiter ses dirigeants, surtout Fidel Castro…" "Si on regarde les choses superficiellement, on pourrait penser que ceux qui parlent de soumission de l’individu à l’Etat ont raison, mais les masses réalisent avec enthousiasme et discipline sans égal, les tâches que le gouvernement établit, qu’elles soient économiques, culturelles, de défense ou sportives… L’initiative vient en général de Fidel ou du haut commandement de la Révolution et elle est expliquée au peuple qui la fait sienne" (Le socialisme et l’homme à Cuba, 1965).
En fait, quand tu nous dis "qu’il n’y a pas de raison de réduire le concept de prolétariat aux seuls ouvriers", ton raisonnement puise certainement et involontairement ses racines dans cette vision méprisante de la classe ouvrière8. En effet, une des caractéristiques communes des avatars du stalinisme (du maoïsme au castrisme), c’est leur méfiance et leur mépris vis-à-vis de la classe ouvrière, faisant d’une mythique paysannerie pauvre "l’agent de la révolution" dirigée par des intellectuels qui, eux, possèdent la conscience et "l’introduisent" dans les cerveaux des masses. Dans le meilleur des cas, la classe ouvrière était, pour ces neo-staliniens, une masse de manœuvre qui leur servait de référence historique, une comparse de leur révolution. On ne trouve jamais dans les écrits de ces pseudo-révolutionnaires la moindre référence à une classe ouvrière organisée comme telle et aux organisations du pouvoir de classe, les soviets. Ces clones du stalinisme n’ont plus besoin de déguiser leur idéologie capitaliste d’Etat et de parler des conseils ouvriers ou des autres expressions de la vie prolétarienne dans la révolution russe. Il n’y a plus que l’État dirigé par des gens "éclairés" et en bas la masse, à qui on laisse parfois faire preuve "d’initiative", encadrée dans des "comités de défense de la révolution" et autres organismes de surveillance sociale.
Et à Cuba, l’un des premiers organes d’encadrement et de direction de la classe ouvrière fut une fois encore et sans surprise les syndicats. Les syndicats cubains (CTC) étaient déjà des syndicats à la manière américaine, parfaitement intégrés au "capitalisme libéral" et à sa corruption. Ils vont être ainsi très rapidement transformés par la direction cubaine, en 1960, en syndicats à la sauce stalinienne, sur un mode bureaucratique et étatique. Les premières décisions du régime castriste seront de les charger d’encadrer l’alignement des salaires par le bas et de faire respecter l’interdiction de la grève dans les entreprises, en flics patentés ! Et là encore, cette attaque contre la classe ouvrière sera justifiée par l’idéologie anti-américaine et la "défense du peuple cubain". Profitant à l’époque d’une grève contre les baisses de salaire d’ouvriers d’entreprises appartenant à des capitaux américains, les dirigeants castristes stigmatisent cette grève des "nantis" et en profitent pour déclarer la "grève à la grève" par la bouche du nouveau dirigeant castriste de la CTC.
Dans les semaines qui viennent de s’écouler, on a été servi en controverses sur la vie et l’œuvre du Che. D’un coté, dans la lignée des apôtres de la "mort du communisme", les fractions droitières de la bourgeoisie ont réchauffé ce plat avec l’aide servile de quelques historiens, toujours prêts à mettre en exergue le rôle "anti-démocratique" du Che, son rôle d’exécuteur en chef en tant que responsable des tribunaux "révolutionnaires" au tout début de l’ère castriste, en déblatérant les uns et les autres sur la question de savoir si ces exécutions furent "excessives", s’il y a eu "un bain de sang" ou non, si ce fut une justice "modérée" ou "arbitraire". Pour nous, comme nous le disions plus haut, il a tout simplement bien joué son rôle nécessaire pour la mise en place d’un nouveau régime tout aussi bourgeois et répressif que le précédent. D’un autre coté, on nous a asséné des mensonges et des demi-vérités à sa gloire. Il n’y a qu’à voir comment la Ligue Communiste Révolutionnaire qui, avec sa volonté de remplacer le Parti Communiste Français et devenir le premier parti "anticapitaliste" de France, porte aujourd’hui aux nues "Le Che" et exploite son image "jeune et rebelle"9.
Cher camarade EK, la réalité est là : chez tous ces jeunes qui portent un T-shirt à l’effigie du Che, il y a certainement un cœur généreux et sincère, voulant combattre les injustices et les horreurs de ce monde. D’ailleurs, si on met le Che en avant, c’est bien pour stériliser l’enthousiasme qui nourrit la passion révolutionnaire. Mais le Che, lui, n’est qu’une des figures de la longue cohorte des dirigeants nationalistes et staliniens, plus avenant que les autres peut-être, mais représentatif tout de même de cet avatar tropical de la contre-révolution stalinienne qu’est le castrisme.
Malgré toutes nos divergences, camarade EK, la discussion reste évidemment ouverte… plus que cela, nous t’y encourageons même chaleureusement.
Courant Communiste International
1 Voir à cette page [995]
2 En fait, l’entreprise couronnée de succès de renversement de Batista par Castro et Guevara a bénéficié de l’appui des États-Unis et de la bienveillance d’une partie de la droite qui dénonçaient la corruption du régime. L’embargo sur les armes décidé par le gouvernement américain à l’encontre de Cuba a privé de façon décisive Batista des moyens de lutter contre la guérilla. Ce n’est qu’au bout de quelques mois d’exercice du nouveau pouvoir que les relations avec les États-Unis se sont détériorées et c’est face à la menace d’intervention de ces derniers que Castro s’est tourné vers le bloc russe.
3 Citation célèbre du Manifeste communiste de 1848, écrit par Marx et Engels.
4 Lire nos articles sur ”Octobre 1917”, notamment : “Les masses ouvrières prennent leur destin en main [996]” (Revue internationale n°131) et “Le stalinisme est le fossoyeur de la Révolution russe [997]” (RI n°383).
5 Organisation des États Américains, instance continentale au service des intérêts de “l’oncle Sam” pour exercer leur contrôle sur les autres États d’Amérique latine, dont Cuba castriste a été exclu.
6 Écrit au moment de "la crise des missiles", ne sera publié qu’en 1968 par une revue de l’armée cubaine. Reproduit dans la biographie du Che de Pierre Kalfon.
7 En 1965, peut-être pour mettre en pratique le slogan "Deux, trois Vietnams…", quelques dizaines de Cubains se pointent à l’est de la République du Congo (ex-Zaïre) pour organiser un "foco anti-impérialiste", le tout patronné par les services secrets cubains avec l’accord de l’URSS (peut-être aussi pour se débarrasser du Che…). C’est, depuis le début, un désastre annoncé : Guevara se retrouve sous les ordres politiques d’une bande de dirigeants congolais (dont Kabila, futur président-dictateur sanglant du Zaïre dans les années 1990), des aventuriers qui mènent grand train de vie grâce aux subsides soviétiques et chinois. Quant à la population, censée recevoir ses libérateurs les bras ouverts, elle était plutôt interloquée à la vue de ces gens venant d’on ne sait où. C’était une anticipation de ce qui allait arriver en Bolivie l’année suivante. Il faut aussi noter que, toujours pour le compte de l’impérialisme russe, des milliers de Cubains ont continué de servir "d’instructeurs militaires" dans de nombreuses "guerres de libération nationale" sur le sol africain (Guinée-Bissau, Mozambique, Angola,…) jusqu’à l’effondrement de l’URSS et de son bloc au début des années 1990.
8 Nous n’allons pas développer ici ce qu’est le prolétariat ou la classe ouvrière, pour nous deux expressions équivalentes. Disons, cependant, que notre vision de la classe ouvrière n’a rien à voir avec la sociologie ni les images d’épinal de l’ouvrier en bleu de travail.
9 Le leader de la LCR, Olivier Besancenot, a affirmé qu’aujourd’hui son parti s’identifie bien plus au Che qu’à Trotski, alors que depuis sa naissance, cette organisation légitimait frauduleusement son appartenance à la classe ouvrière en se revendiquant avant tout de ce grand militant bolchevik.
Marx se plaisait à souligner les ironies de l’histoire. C’en est une des plus mordantes de constater que cette nouvelle propagande de la LCR, en voulant à tout prix faire jeune et dans le vent afin d’attirer à elle les nouvelles générations de la classe ouvrière, est en train de se revendiquer d’un héritier déclaré de la clique stalinienne et de son idéologie, cette même clique qui assassina il y a plus de soixante ans un révolutionnaire quant à lui authentique, un certain… Léon Trotski !
La grèvedes travailleurs des transports (SNCF et RATP) qui s’est terminéele 22 novembre (et s’est déroulée simultanémentavec la lutte des étudiants contre la loi “d’autonomie desuniversités” visant à accentuer les inégalitésentre les enfants de la classe ouvrière et ceux de labourgeoisie) constitue la première riposte significative de laclasse ouvrière en France contre les attaques du gouvernementSarkozy/Fillon/Pécresse et consorts. Le démantèlementdes régimes spéciaux des retraites n’étaitqu’un début puisque le gouvernement a annoncéclairement que la perspective était à l’allongementde la durée des cotisations pour tous. En ce sens, et lapresse était assez claire aussi là-dessus, il étaitde première importance pour la bourgeoisie de réussir àfaire passer cette première attaque sous peine de compromettrela réussite de toutes les suivantes. C’est pour cela que lestravailleurs des transports ont rejeté la réforme enexigeant non seulement le maintien de leurs régimes spéciauxmais aussi l’abolition de ce “privilège” qui ne peut quemettre les travailleurs en concurrence les uns avec les autres. Lemot d’ordre des cheminots et travailleurs de la RATP étaitdonc : “37,5 annuités POUR TOUS !”
L’attaquecontre les régimes spéciaux a fait l’objet d’unconsensus de toutes les forces du capital. Le PS ne s’en estd’ailleurs pas caché : il a clairement affirméqu’il était favorable à la réforme. La seule“divergence” avec le gouvernement portait sur la forme (commentla faire passer ?) et non pas sur le fond. Pour faire passercette attaque et préparer le terrain à celles qui vontvenir, la bourgeoisie se devait de monter une gigantesque manœuvrepour casser les reins de la classe ouvrière et lui fairecomprendre que “lutter ne sert à rien”. Et pour fairemieux passer ce message, la classe dominante s’est donnéeégalement comme objectif d’effacer dans la conscience desprolétaires les leçons de la lutte des jeunesgénérations contre le CPE au printemps 2006.
Labourgeoisie savait que ce passage en force allait se heurter àla résistance de la classe ouvrière. Cela s’estconfirmé lors de la journée d’action du 18 octobre(utilisée par le gouvernement et les syndicats pour “prendrela température”) où s’est manifestée unetrès forte combativité : taux record departicipation à la grève des transports et, malgrécelle-ci, participation importante des travailleurs de tous lessecteurs aux manifestations. A pied, en vélo ou en utilisantle “co-voiturage”, il fallait montrer le refus des mesures dugouvernement.
Pour brisercette combativité, la bourgeoisie s’y est prise en deuxtemps.
Face àla volonté des travailleurs de poursuivre la grèveaprès la journée du 18 octobre, la CGT a freinédes quatre fers et a dit : “Une journée et pas plus”,en programmant une deuxième journée d’action pour le13 novembre. L’objectif du 18 octobre était de “lâcherun peu de vapeur” pour éviter l’explosion de lacocotte-minute. De ce fait, la grève du 13 novembre, malgréson fort taux de participation, a été moins suivie quecelle du 18 octobre.
Pour casserles reins de la classe ouvrière et empêcher ses luttesfutures, la bourgeoisie a utilisé une stratégieclassique (qui avait fait la preuve de son efficacité dans lesannées 1980 et 1990) : elle a “choisi” un secteurcible pour développer sa manœuvre, celui des transports etnotamment la SNCF. Un secteur numériquement assez minoritaireet dont la grève ne peut que créer une gêne pourles autres travailleurs (les “usagers”). L’objectif viséétait de rendre la grève des transports impopulaireafin de monter les “usagers” contre les grévistes, diviserla classe ouvrière, briser la solidarité au sein decelle-ci, empêcher toute tentative d’élargissement dela lutte et culpabiliser les grévistes. La deuxièmeraison pour laquelle la bourgeoisie a décidé d’attaquerspécifiquement les secteurs disposant d’un “régimespécial” c’est que, dans ces derniers, les syndicats (etnotamment la CGT) sont particulièrement forts, permettantainsi de garantir un plus grand contrôle de la combativitéet d’éviter tout “débordement”. Enfin, latroisième raison justifiant le choix de ces secteur “cibles”résidait dans le fait qu’ils sont traditionnellement marquéspar un fort esprit corporatiste (notamment à la SNCF) qui atoujours été alimenté par les syndicats.
Labourgeoisie devait jouer “très serré” car elle aporté des attaques de façon simultanée contretous le secteurs de la classe ouvrière (franchises médicales,loi Hortefeux, loi sur “l’autonomie” des universités,régimes spéciaux des retraites, augmentation des prix,suppressions de postes dans la fonction publique et notamment dansl’Éducation nationale, etc.). La classe dominante s’estdonc préparée à faire face au danger d’unesimultanéité des luttes dans plusieurs secteurs. Enparticulier, les étudiants étaient déjàmobilisés lorsque les travailleurs des transports sont entrésen lutte.
La manœuvrede division et de saucissonnage des luttes devait donc se déroulersuivant un calendrier très précis :
- Lajournée d’action des fonctionnaires du 20 novembre avaitcomme objectif non seulement d’être une “soupape desécurité” face au mécontentement qui montedans leurs rangs mais aussi de servir de journée d’enterrementde la grève des cheminots et des travailleurs de la RATP ;des “funérailles nationales” en quelque sorte ;
- Ilfallait que chaque syndicat joue sa propre partition dans ce concert.Dans un premier temps, jusqu’à la journée du 18octobre, il fallait donner un sentiment de “force” aux cheminotsen jouant la carte de l’unité de tous les syndicats. Aprèscette journée, les syndicats ont commencé àabattre les cartes de la division. C’est à la FGAAC(syndicat strictement corporatiste de conducteurs) qu’il revient defaire le premier pas : elle signe avec la direction un accordséparé au bénéfice des seuls conducteurset appelle à la reprise du travail. Il s’agit de semer lazizanie parmi les cheminots. Dans certains dépôts, lesautres conducteurs explosent : “les autonomes nous ontlâchés !”. Ce premier coup bas a étéévidemment très bien relayé par les médias ;
- Ledeuxième coup est porté à la veille de la grèvequi a démarré le 13 novembre. Alors que les cheminotset les travailleurs de la RATP commencent à comprendre lamanœuvre de division (et exigent “37,5 annuités pourTOUS” !), Bernard Thibault, secrétaire généralde la CGT annonce qu’il renonce à une négociationglobale de tous les secteurs concernés par les régimesspéciaux et propose de négocier entreprise parentreprise. Ce mauvais coup ne peut qu’affaiblir la riposte descheminots ;
- Letroisième acte peut alors se dérouler : le frontsyndical se désunit, notamment avec l’appel à lareprise du travail lancée par la CFDT mais aussi avec leclivage entre la CGT, majoritaire, qui accepte (sans le claironner)le principe du passage aux 40 annuités et les syndicats“radicaux”, Sud et FO, qui continuent d’exiger le retrait decette mesure. En même temps, Fillon, le premier ministre,affirme qu’il est hors de question qu’il recule sur les 40annuités tout en posant comme préalable àl’ouverture des négociations la reprise du travail. Cettepolitique de maître chanteur n’est pas nouvelle : lesgrévistes sont appelés à d’abord déposerles armes (et accepter la “loi du plus fort”) avant de “négocier”quelques miettes. C’est inacceptable pour les travailleurs en luttemais cela va permettre aux syndicats de présenter “l’ouverturedes négociations” comme une première victoire. C’estlà un “grand classique” du partage des tâches entrepatrons et syndicats. En réalité, les dés sontpipés à l’avance puisque syndicats et patronatn’attendent pas les “négociations” officielles pourdiscuter en permanence dans le dos des travailleurs : il s’agitnotamment pour les syndicats de rendre compte aux patrons de la“température” afin de définir ensemble dans quelsens il faut manœuvrer. Lors de cette dernière lutte, cesmanœuvres se sont vues comme le nez au milieu de la figure, au pointqu’elles ont été relatées en détail parcertains organes de la presse bourgeoise !1
C’estpourquoi l’ouverture des “négociations” reportéeau 21 novembre, après la journée de grève de lafonction publique, était totalement bidon. Si la CGT et legouvernement avaient repoussé le début des discussionsofficielles, c’était non seulement pour que cette journéed’action puisse servir d’enterrement à la grève destraminots parisiens et des cheminots mais aussi pour “faire durer”le mouvement afin de le “pourrir” en montant les ouvriers les unscontre les autres, tout cela sur fond de campagne médiatiquede criminalisation des grévistes afin de rendre la grèveimpopulaire.
De cettetable des “négociations”, la CGT en sort en annonçantdes “avancées importantes” avec la mise en placed’un “calendrier de négociations” jusqu’au… 20décembre. Prévoir de faire durer celles-ci pendant unmois, c’est donner le signal de la reprise du travail : lescheminots ne sont évidemment pas disposés àpoursuivre leur mouvement 4 semaines supplémentaires. La CGT,syndicat majoritaire chez les cheminots, annonce qu’elle “laisse”les assemblées “décider elles-mêmes”. Ellen’appelle pas officiellement à la reprise du travail maisc’est tout comme.2
De leurcôté, Sud et FO appellent, dans un premier temps àpoursuivre le mouvement dans la mesure où la revendicationprincipale, le maintien des 37,5 annuités, n’a pas étésatisfaite.
Mais lareprise se fera progressivement dépôt par dépôtpour la SNCF et ligne par ligne pour la RATP.
Cetteopposition entre syndicats “modérés” et syndicats“radicaux” n’a rien de nouveau ni d’improvisé. C’estune vieille tactique qui s’est révéléeefficace dans toutes les luttes ouvrières depuis la fin desannées 1960. Une tactique qui avait étéexpérimentée déjà en 1968 (et dont le“vieux sage” Chirac, ainsi que l’ex-maoïste Kouchner, sesouviennent parfaitement). Ainsi à la fin du mouvement de laclasse ouvrière de 1968, la CGT, majoritaire, a déjàjoué le rôle du “modéré” en appelant àla reprise du travail. Et c’est à la CFDT (!), minoritaire,qu’il est revenu de jouer celui du “radical” en s’opposant àla reprise. L’expérience des ouvriers de la vieillegénération montre que ce n’est pas parce qu’unsyndicat est plus “radical” qu’il ne participe pas auxmanœuvres de division et de sabotage. Ce n’est pas parce qu’onest “jusqu’au boutiste” qu’on défend les intérêtsde la classe ouvrière. Car ce qui fait la force des ouvriers,ce ne sont pas des mouvements minoritaires prolongés danslesquels on perd inutilement son énergie et énormémentd’argent, tout en renforçant la division (entre ceux quitravaillent et ceux qui ne travaillent pas) et la rancœur de ceuxqui se sont battus avec le sentiment que les autres les ont “lâchés”.La force de la classe ouvrière, c’est d’abord et avanttout son unité. C’est la massivité etl’extension du mouvement et non pas l’enfermement jusqu’auboutiste d’une minorité (qui peut conduire certains ouvriersà des réactions de désespoir, telles que lesabotage de l’outil de production, ouvrant la porte à descampagnes de criminalisation des grévistes). Dans tous lessecteurs, du public comme du privé (de même que chez lesétudiants), les prolétaires seront nécessairementamenés à comprendre que le “radicalisme” desyndicats minoritaires qui préconisent des actions isoléesn’en fait pas plus des “vrais défenseurs” de la classeouvrière que les appels à la reprise des grandescentrales les plus influentes.
Cettegigantesque manœuvre visant à casser les reins de la classeouvrière a été couronnée par laplanification de la manifestation-enterrement du 20 novembre qui arassemblé 750 000 travailleurs. La stratégie desdirections syndicales a consisté à appeler lestravailleurs de la fonction publique à descendre dans la rue(notamment pour protester contre la réduction des effectifs etla perte du pouvoir d’achat) tout en sabotant leur mobilisation.Ainsi, les syndicats ont lancé des appels à participerà cette manifestation dans des tracts qui sont arrivéssur les lieux de travail … après le 20 novembre ! Dansla plupart des hôpitaux, ils ne se sont même pas donnésla peine d’indiquer l’heure et le lieu du rendez-vous. Poursavoir si cette manifestation avait bien lieu comme prévu, ilfallait se débrouiller pour aller chercher les informations(sur Internet, dans les journaux ou par le bouche à oreille).Pourquoi un tel sabotage ? Parce que le “thermomètre”indiquait que la température dans la fonction publique avaitmonté. La grève des cheminots et des travailleurs de laRATP, loin d’être impopulaire (malgré toutes lescampagnes diffusées à la télé) gagnait aucontraire de plus en plus la sympathie de nombreux “usagers”. Lesmédias et le gouvernement (avec ses déclarations deplus en plus “musclées”, relayées par les proposridicules des présidents d’université accusant lesétudiants grévistes d’être des “Khmersrouges”) en ont un peu trop fait. Plus le gouvernement brandissaitle bâton contre les grévistes, plus la grèvesuscitait de la sympathie (et même le sentiment qu’il fallaitêtre “solidaires” et ne pas se laisser “entuber par lesmanipulations des médias à la solde de Sarkozy”).D’autre part, les contorsions de Thibault étaient siévidentes qu’il passait partout pour le grand “collabo”de service, le “traître”3.Si les syndicats ont dû saboter la mobilisation desfonctionnaires, c’est pour éviter que tous les secteurs dela fonction publique ne se retrouvent côte à côteet unis dans la rue. Par contre, tous les syndicats de la policenationale avaient mobilisé un maximum leurs troupes4 :le 20 novembre, c’était la première fois qu’onvoyait autant de flics manifester dans Paris5.De plus, les directions syndicales (qui ont organisé cettemanifestation avec la préfecture de police) avaient pris soinde placer le cortège des flics en plein milieu de lamanifestation. Ainsi, beaucoup de travailleurs et d’étudiantsqui ne voulaient pas défiler derrière les forces derépression avaient préféré ne pas sejoindre à cette mascarade et étaient restés surles trottoirs. En particulier, c’était un bon moyen pourdissuader les étudiants, qu’on avait de plus obligésde faire le pied de grue pendant trois heures sous la pluie, de fairela “jonction” avec les salariés.
Lors de sonintervention télévisée du 29 novembre,“l’omniprésident” Sarkozy a rendu “hommage àtous les partenaires sociaux”, saluant TOUS les syndicats pour“leur sens des responsabilités” et précisantqu’il “avait besoin d’eux pour réformer”6(ou, dit plus clairement, qu’il avait besoin d’eux pour mener àbien toutes les attaques prévues pour 2008). Il savait de quoiil parlait et, pour une fois, nous ne dirons pas qu’il mentait.
La grèvedes travailleurs des transports, en ce mois de novembre 2007, estvenue confirmer une nouvelle fois ce que les révolutionnairesaffirment depuis de nombreuses décennies : TOUS lessyndicats sont des organes de défense des intérêtsnon pas de la classe ouvrière, mais de la bourgeoisie.
Sofiane (30novembre)
1 Voir notamment Mariannen° 553, “Pourquoi Sarkozy veut sauver la CGT”.Chérèque, le patron de la CFDT, a lui-même vendula mèche : “Ily a une forme de coproduction entre le gouvernement et la CGT pourmontrer ses muscles”.C’est vrai que ses propres troupes acceptaient mal qu’il aitjoué le rôle du “traître”.
2 Une des raisons pour lesquellesle mouvement a pu être “suspendu” (comme le dit BernardThibault), réside dans le fait que la CGT a “négocié”des “avancées” sur la pénibilité du travailpermettant de gagner quelques miettes : des augmentations desalaires en fin de carrière (cela ne mange pas de pain :d’ici là, tout le monde sait que les salaires et le pouvoird’achat vont encore baisser !). Encore une grosse arnaquepour justifier la reprise et tenter de sauver les meubles car labourgeoisie a encore besoin de la CGT. Si le gouvernement n’avaitpas prévu de “lâcher” cette aumône, le patronde la CGT n’aurait pas pu claironner : “ily a eu des avancées”.Et cette obole avait également été discutéeà l’avance, à travers les coups de téléphonedestinés à mettre au point et ajuster les mesurespermettant à la CGT de continuer à faire son travailde sape. Ainsi, bien avant la rencontre entre la CGT et legouvernement, Thibault avait déjà annoncé lareprise. Ce qui montre bien que les annonces faites par les patronset le gouvernement dans les “négociations” n’étaientque du pipeau !
3 D’autant que des délégationsd’étudiants sont allées un peu partout àParis comme en province faire ce qu’ils appelaient la “jonction”avec les salariés pour qu’il y ait une “convergencedes luttes”.
4 En effet, les étudiantsn’ont envoyé aucune délégation dans lescommissariats et les autres services du ministère del’Intérieur pour faire la “jonction” avec les flics carils ont pu se rendre compte par eux-mêmes que lesfonctionnaires de la police ne sont pas de leur côté.
5 Même le syndicat dedroite “Alliance”, proche de l’UMP (et qui avait entonnéLa Marseillaiseau début de la manifestation) était massivementprésent aux côtés du syndicat UNSA (proche duPS).
6 Toutes ces citations sontdisponibles sur lemonde.fr.
Après une lutte massive de plus d’une semaine, les cheminots et les travailleurs de la RATP ont repris le travail alors que, pour sa part, le mouvement étudiant semble prendre fin. Pourtant, le gouvernement n’a reculé sur aucun point important. Toutes les attaques sont maintenues et Sarkozy a même annoncé dans son discours présidentiel du 29 novembre que le rythme des réformes (c’est-à-dire des attaques) allait s’accélérer en 2008.
Est-ce pour autant une victoire de la bourgeoisie ? Certainement pas ! La reprise du travail à la SNCF et à la RATP de même que la tendance vers le “retour au calme” dans les universités est une victoire à la Pyrrhus de la classe dominante. L’ordre de la matraque, du chantage, de l’intimidation et du mensonge organisé a dévoilé au grand jour le vrai visage de la démocratie bourgeoise : celui de la terreur implacable du capital. Si l’Etat n’a pas reculé ni sur la réforme des régimes spéciaux ni sur la LRU, c’est au prix fort d’un discrédit croissant de ses principales institutions, notamment les médias et surtout les syndicats, dont il n’a pas encore mesuré les conséquences.
Les travailleurs et les étudiants doivent se regrouper et discuter ensemble et avec d’autres ouvriers d’autres secteurs pour mieux comprendre quelle est la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui. Des liens ont déjà été tissés, il faut les élargir et les resserrer. Il faut échanger et partager les expériences, il faut en discuter collectivement afin d’en tirer toutes les leçons et préparer les luttes à venir.
D’abord, la classe ouvrière doit tirer un premier enseignement de la lutte des cheminots : si le gouvernement a été obligé de céder quelques miettes aux cheminots, c’est parce que ces derniers se sont battus. Mais là n’est pas l’essentiel : les miettes concédées par la bourgeoisie, de toutes façons, seront reprises plus tard. La pire défaite aurait été de ne pas se mobiliser : dans le lutte de classe entre bourgeoisie et prolétariat, la première victoire pour les travailleurs, c’est la lutte elle-même, c’est le refus d’accepter la loi du capital, c’est faire l’expérience de la solidarité des exploités face à toutes les tentatives de les diviser entreprise par entreprise, secteur par secteur. Malgré leurs difficultés, les cheminots (de même que les étudiants en lutte contre la LRU) se sont battus avec un courage remarquable. En revendiquant “37,5 annuités pour tous”, ils ont montré que la solidarité de la classe exploitée est le seul chemin qui puisse ouvrir une perspective pour les luttes futures. La grève des cheminots a permis que s’exprime de façon croissante l’idée de la nécessité de lutter tous unis. C’est ce que le mouvement des étudiants a exprimé en manifestant sa solidarité avec les cheminots (comme l’a révélé leur plateforme revendicative dans laquelle était inscrite non seulement le retrait de la LRU mais aussi le rejet de toutes les attaques du gouvernement). L’idée que les différents secteurs de la classe ouvrière doivent se soutenir mutuellement est quelque chose qui avait été apprise par les jeunes générations dans la lutte du printemps 2006 contre le CPE1. C’est ce qui s’est illustré aussi dans le fait que c’est parmi les jeunes cheminots qu’on a rencontré le plus la volonté de se défaire du corporatisme qui pèse sur leurs aînés.
Ensuite, en obligeant la classe dominante à déployer à grande échelle son arsenal syndical, ils ont contribué à dévoiler au grand jour que les syndicats sont des organes de maintien de l’ordre capitaliste (même s’il existe encore beaucoup d’illusions sur la possibilité de réformer les syndicats). C’est bien ce dont témoigne le taux de désyndicalisation massive qui touche d’ores et déjà plusieurs secteurs de la fonction publique et la méfiance croissante envers les syndicats. La fuite sans gloire de Chérèque lors de la manifestation du 20 novembre face aux ouvriers le stigmatisant comme “traître”, les apostrophes essuyées par le patron de la CGT au même endroit : “Thibault vendu ! Ce n’est pas toi qui diriges, c’est nous !” ou le lendemain de la part de syndiqués de la CGT : “on va faire tomber Thibault”2 ne sont que la partie émergée d’un mécontentement profond des travailleurs envers les organes qui prétendent les défendre.
Enfin, les cheminots et les ouvriers de la RATP ont été capables de déjouer le piège du pourrissement et de l’isolement où cherchaient à les enfermer les syndicats “jusqu’auboutistes” comme Sud ou FO en ne votant pas dans les AG la reconduction de la grève.
Voici quelques leçons immédiates mais essentielles de la lutte qui vient de se dérouler. Mais ce simple constat soulève des questions bien plus larges et profondes auxquelles la classe ouvrière doit, par le débat collectif, essayer de trouver des réponses :
Face à la trahison des syndicats, l’alternative est-elle de virer les bureaucraties pourries, ou de s’affilier à des syndicats plus “radicaux” et moins directement liés au patronat ou encore de construire de nouveaux syndicats “de combat” ?
Le “radicalisme”, le caractère très “combatif” d’un syndicat ou l’honnêteté de ses délégués n’a jamais été une preuve que c’est un organe de défense des ouvriers.
Ce qui nous importe aujourd’hui, ce n’est pas de reconstruire de nouveaux syndicats, mais d’abord de comprendre quels moyens nous devons nous donner pour construire un rapport de forces en faveur de la classe ouvrière face à la bourgeoisie.
Vouloir rénover la vieille coquille syndicale ou construire de nouveaux syndicats plus combatifs avec des permanents moins corrompus, plus honnêtes (qui deviendront un jour, comme Thibault, des spécialistes de la “négociation” et de la magouille) est une pure illusion et un piège dans lequel il ne faut pas tomber. Toutes les luttes ouvrières du passé ont montré que depuis 1914 les syndicats ont été définitivement intégrés à l’appareil d’État de la bourgeoisie.
L’idéologie syndicaliste est basée sur l’illusion que le capitalisme est :
ce qui veut dire que les ouvriers ne pourront jamais en finir avec l’exploitation. L’idéologie syndicaliste est en réalité une idéologie fataliste, de capitulation et de soumission à la loi féroce du capital.
Aujourd’hui de plus en plus d’ouvriers sont en train de prendre conscience qu’il ne faut plus s’en remettre à des spécialistes de la “négociation” secrète pour diriger leurs luttes. C’est l’ensemble des travailleurs mobilisés qui doit décider de la conduite du mouvement. Les assemblées générales dirigées par les syndicats se contentent de faire voter pour ou contre la reconduite de la grève sans aucun réel débat préalable. Et une fois que l’AG est terminée, ce sont les syndicats qui s’occupent de tout sans aucun contrôle des grévistes.
Les AG ne doivent pas être une simple chambre d’enregistrement de la reprise ou non du travail. Ce sont les organes de la prise en main collective de la lutte par les travailleurs eux-mêmes. Cela veut dire que :
Bref, les AG doivent être des hauts lieux de “politisation”, n’en déplaise à Monsieur Thibault.
Dans le cas des transports, le blocage total des trains, des métros ou des bus devient un certain obstacle à l’élargissement de la lutte. En effet, ce blocage total peut favoriser le jeu de la bourgeoisie visant à monter les travailleurs les uns contre les autres en déchaînant ses campagnes sur la “prise en otage des usagers”. De plus, ce blocage total des transports limite la mobilité des travailleurs qui ne peuvent se déplacer pour apporter leur solidarité aux grévistes (en se rendants à leurs AG ou en participant aux manifestations) et rend difficile le déplacement des délégations de grévistes vers les autres entreprises. En fait, le blocage total favorise l’enfermement dans le corporatisme et l’isolement. Les luttes ouvrières les plus avancées n’ont jamais conduit au blocage des transports, au contraire. Lors de la grève de masse des ouvriers de Pologne en août 1980, tous les transports fonctionnaient gratuitement. L’argument que mettent toujours en avant les syndicats, c’est que la gratuité des transports est “illégale”. Mais les ouvriers savent très bien que l’opposition aux lois de l’exploitation capitaliste est toujours “illégale” car les lois de la classe dominante sont faites par et pour le capital, par et pour ceux qu’il exploite. Les sanctions au nom du respect de la “légalité” font partie de la répression des luttes ouvrières, de même que les licenciements. Les menaces de répression n’ont pas empêché la classe ouvrière de lutter pour défendre ses conditions de vie face aux empiétements du capital. C’est grâce aux combats des premières générations de prolétaires que les ouvriers d’aujourd’hui ont pu obtenir une baisse de la durée de la journée de travail, des augmentations de salaires, des congés hebdomadaires, une amélioration de leur condition de logement, le droit d’association, la liberté d’expression, etc. Le gouvernement britannique a adopté une loi rendant toute grève de solidarité illégale. Cela n’a pas empêché, pendant l’été 2005, les bagagistes de l’aéroport de Londres de se mettre en grève en solidarité avec les ouvriers des entreprises de restauration de l’aéroport d’Heathrow licenciés massivement3.
Le meilleur moyen d’éviter la répression, c’est la plus grande unité et solidarité possible. La véritable force de la classe ouvrière, c’est sa solidarité face aux attaques du capital. Plus la classe ouvrière courbera l’échine et cédera à l’intimidation, plus la bourgeoisie aura les mains libres pour attaquer et réprimer. Parce que la classe ouvrière est la seule force de la société qui puisse ouvrir une perspective pour l’ensemble de l’humanité, cette solidarité contre l’oppression capitaliste n’est pas “négociable”. Comme l’ont mis en avant les ouvriers de Pologne en 1980, si la bourgeoisie touche à un seul cheveu des grévistes, les autres secteurs doivent immédiatement se mettre en grève et ne pas accepter la répression.
La lutte des travailleurs des transports et des étudiants en France a donc constitué une avancée significative pour le prolétariat : elle a ouvert le chemin vers une tendance croissante à la politisation des luttes de la classe ouvrière. En particulier, elle a constitué une expérience riche d’enseignements pour les jeunes générations de la classe ouvrière qui vont se retrouver bientôt sur le marché saturé du travail. Face à l’aggravation des attaques de la bourgeoisie, ces jeunes générations n’auront pas d’autre choix que de reprendre le flambeau des combats menés par les générations de prolétaires qui les ont précédées.
Pour pouvoir mener à bien ces luttes futures, la classe ouvrière doit avant tout continuer à prendre confiance en elle-même, en ses propres forces et en sa capacité bien réelle (et maintes fois prouvée par l’histoire) à prendre en main sa lutte et son destin. Elle peut et doit avoir confiance dans la perspective historique que portent ses combats : celle de l’abolition de l’exploitation et de l’oppression bestiale du capitalisme en vue de la construction d’une nouvelle société.
Ce chemin n’est pas aisé. Il est fait d’avancées et de reculs. Cela avait déjà été mis en évidence dès le milieu du 19e siècle :
Abel (30 novembre)
2 Propos rapportés par Marianne n° 553.
3 Lire nos articles sur cette lutte sur notre site web : www.internationalism.org [854]
La grande presse nationale1 s’en émeut : Lutte Ouvrière (LO), symbole français du radicalisme révolutionnaire, forteresse vertueuse et intransigeante, défendant la pureté de son programme trotskiste, à l’image de son icône virginale, l’indéfectible Arlette, LO donc, s’apprête à conclure des accords avec le PCF et le PS, et l’a même déjà fait, en vue des prochaines élections municipales. « Une première pour l’organisation trotskiste, jusqu’ici prompte à fustiger la gauche ‘qui trahit’ » énonce Le Monde du 28 novembre. A Aubervilliers ou à La Courneuve, les accords sont pris avec les maires PCF sortants de ces communes de la « banlieue rouge » de Paris. « Ils ont même accepté l’hypothèse d’une fusion de liste avec le PS au second tour » constate le maire de La Courneuve (ibid.). Il en est de même par exemple à Saint-Brieuc où les cadres locaux de LO ont écrit dans le même sens aux édiles du PS avec la bénédiction de la direction nationale.
Lutte Ouvrière ne cache pas ces accords. Au contraire, elle les justifie : d’un côté, il s’agit « de ne pas nuire au PCF là où le PS veut lui prendre la mairie » (ibid.), d’un autre côté, LO, « ne [veut] pas que, dans la situation politique actuelle [ses] listes puissent nuire aux listes de gauche » (LO du 22 novembre) et opte donc de soutenir le PS quand il est menacé par l’UMP. Mais tout cela ne serait, pour l’organisation trotskiste qu’un « fait mineur » (ibid.). Car : « L’élection de Sarkozy et son offensive générale contre les travailleurs ont changé la donne » cherche à expliquer Georges Kaldy de la direction de LO (ibid.). En réalité, tout cela n’est que du baratin : quelle que soit la “donne”, LO a toujours su servir de « roue de secours » à la gauche.
Ainsi, LO n’a pas tort sur un point. En effet, n’en déplaise aux journaleux toujours à l’affût d’un scoop, ce n’est effectivement vraiment pas la première fois que LO va draguer le PCF et le PS à l’approche d’élections. Passons sur les désormais classiques appels à voter Mitterrand en 1974 et en 1981 et le plus récent vibrant soutien d’Arlette à Ségolène Royal, et penchons nous plutôt sur d’autres faits moins connus : en 1988, LO propose une alliance au PCF pour les élections législatives (qui avait encore à l’époque de beaux restes !) ; en 1995 LO et le PCF font liste commune dans trois villes aux municipales, parmi lesquelles Sochaux, bastion ouvrier de l’est. En 2004, LO se réjouit de la victoire de la gauche aux élections régionales en clamant bien fort : « beaucoup se sont dit que la droite est pire que la gauche. C’est vrai ! » (LO du 26 mars 2004).
Certes, tout cela peut paraître contradictoire avec ce que peut proclamer parfois LO à propos de la gauche, comme « la complète intégration de la social-démocratie au pouvoir d’État de la bourgeoisie » ou l’affirmation selon laquelle « le stalinisme a déformé et vidé de sens la plupart des objectifs du mouvement ouvrier » (Lutte de Classe n°101, décembre 2006-janvier 2007). De même, que croire quand cette organisation raconte que « ni LO ni la LCR ne sont des partis électoralistes, même s’ils se présentent aux élections. Car ils ne cherchent aucune place dans l’appareil d’État, qui ne peut être qu’au service de la bourgeoisie » (LO du 26 mars 2004) alors qu’elle déclare par ailleurs avec le même aplomb : « Gérer une municipalité ne nous gène pas » (Le Monde du 28 novembre) ?
Comment se fier à ce que prétend LO ? C’est justement sur le jeu des apparences et du double langage que LO fonde sa précieuse participation à la mystification électorale en apportant sa caution radicale au reste de la bourgeoisie. Et ce, à chaque élection, sans - jamais trahir.
G (29 novembre)
1 1 Le Parisien, Libération et Le Monde notamment.
Leporte-parole de la Ligue Communiste Révolutionnaire (LCR), Olivier Besancenot, le pimpant postier au visage poupin, a le vent enpoupe. Et pour cause, un peu à la manière de Sarkozy,on le voit partout : avec les cheminots en grève, auxcôtés des étudiants, dans les manifs, lesmeetings, les banlieues et surtout sur les plateaux des télés.Alliant le simplisme démagogique et la rouerie politique, ilproclame à tout va qu’il suffit de taxer les grossesfortunes du patronat et de prendre l’argent dans la poche descapitalistes pour instaurer plus de justice sociale avec son fameuxslogan électoral, « Nosvies valent plus que leurs profits »,tout comme il vante la démocratie et l’illusion d’uncapitalisme à visage humain. Dans son éclectisme et sa volonté de ratisser large, etsurtout à portée des jeunes générationsqu’il rêve de conquérir, outre flatter l’engouementpour le romanesque « Che », notre pétulantGavroche en peau de lapin ne recule devant aucun moyen de racolageet met volontiers en avant un autre héros digne de BD ou demangas : le turbulent super-président vénézuélienChavez, « terreur des Amériques »,apôtre de « la nouvelle révolutionbolivarienne du 21esiècle ».
Mais, dansson zèle de matamore, le dictateur populiste Chavez quimultiplie les rodomontades et les gesticulations sur la scèneinternationale, s’est octroyé le rôle de « médiateur »dans « l’affaire » de la députéefranco-colombienne Ingrid Betancourt, otage des guérilleroscolombiens des FARC depuis six ans. Et c’est à ce titrequ’il était reçu en grandes pompes à l’Elyséepar un Sarkozy souriant, faisant ami-ami avec lui et lui tapotantostensiblement l’épaule sous l’œil des caméras dumonde entier.
Patatras! Voilà qui mettait à mal la crédibilitéde notre grand pourfendeur du “sarkozysme” ! Ce copinageintempestif et cette connivence affichée entre un de sesmodèles et Sarkozy, son “pire ennemi”, venait lui couperl’herbe sous les pieds. Il déclarait alors avec embarras :“Je ne suis pas le facteur duchavisme”, tout en cherchant àjustifier, en toute mauvaise foi , ses éloges envers Chavez enaffirmant notamment : « L’argentdu pétrole qu’il ne donne plus aux Américains, il leplace désormais au service des Vénézuéliens ».Cet argument est pourtant totalement démenti par la réalité :la population vénézuélienne continue de creverde faim et de misère (voir notre article sur notre site web :“le ‘socialisme” à la Chavez: l’art de redistribuer lamisère”).
Dequoi éprouver de sérieux doutes sur lavedette-caméléon de la LCR quand elle brigueambitieusement à son tour pour l’an prochain de devenir le« lider maximo »1d’un « nouveau parti », d’une « véritableopposition de gauche anticapitaliste ».
W (29novembre)
1Référence au maître de Che Guevara; le “grandchef” Fidel Castro, autre “pote” de Chavez.
Début novembre, Istanbul recevait la deuxième réunion des pays voisins de l’Irak, auxquels s’étaient adjoints les cinq membres du Conseil de sécurité de l’ONU et les représentants des pays du G8. Cette rencontre faisait suite à celle des 3 et 4 mai derniers où le “Pacte international pour l’Irak” avait été lancé à Charm el-Cheikh pour construire la “stabilité” de l’Irak. On se doute bien que tout ce beau monde, qui ne cesse d’afficher ses divisions et dont les intérêts sont toujours plus opposés (en particulier les grandes puissances, c’est-à-dire celles-là mêmes qui ont œuvré à l’ouverture d’un des pires chaos de l’histoire), va s’atteler à la noble tâche de “stabiliser” l’Irak. En réalité, il s’agit d’une de ces énièmes rencontres de la “paix” dans lesquelles ne s’expriment que les rapports de forces et les oppositions impérialistes et d’où ne sortent que des “résolutions” débouchant à plus ou moins court terme sur l’aggravation de la barbarie guerrière. Ainsi, alors que l’Irak menace d’exploser de toutes parts, résultat de l’invasion américaine auquel s’additionnent les pressions exercées par la Syrie et surtout l’Iran, la Turquie est venue en rajouter une couche en menaçant d’intervenir militairement au Kurdistan irakien, contre les attaques du PKK qui avaient récemment enlevés douze soldats turcs.
Le discours et le comportement musclé de l’Etat turc en direction de la population kurde n’est pas une nouveauté. C’est en fait depuis la création en 1920 par les alliés d’un Kurdistan autonome que la Turquie revendique ses “droits” sur une population kurde qu’elle n’a jamais reconnue et qu’elle appelle officiellement “turque des montagnes”. Pour les vainqueurs de la Première Guerre mondiale, une telle création, accompagnée d’autres nombreuses mesures, participait de parachever le dépeçage de l’empire ottoman par un démantèlement en règle de la puissance turque, qui payait par la même occasion son alliance avec l’Allemagne.
L’Etat kurde envisagé ne verra cependant jamais le jour et toute cette région va rester une zone permanente de déstabilisation et de conflits, les grandes puissances tout comme les puissances régionales, Irak, Syrie, Turquie et Iran, se servant des différentes cliques kurdes au gré de leurs besoins respectifs.
Ainsi, le PKK (Parti des “Travailleurs” Kurdes d’Abdullah Öcalan, apparu dans une région où la classe ouvrière est quasi-inexistante) apparaît à la fin des années 1970 et vient à point nommé servir les intérêts de l’URSS en semant le désordre dans une région que dominent les Etats-Unis et le bloc occidental, qui soutient de son côté le PDK (Parti Démocratique du Kurdistan) de Moustafa Barzani. Le PKK, considéré comme “terroriste” par les Etats-Unis et l’Europe, va aussi bien servir les intérêts russes que ceux de l’Iran de Khomeiny qui sera pendant des années sa base arrière, en particulier pendant la guerre Irak-Iran entre 1980 et 1988.
Si les difficultés que le PKK occasionne à la Turquie sont bien réelles, elles sont par là-même l'occasion, le prétexte tout trouvé pour justifier les interventions militaires turques et l’affirmation de sa volonté de domination sur la population kurde, soumise aux raids destructeurs de l’armée.
En proclamant ses intentions d’investir la région autonome kurde irakienne, l’Etat turc passe à une autre dimension de ses appétits impérialistes. Il ne s’agit plus seulement de contrôler les Kurdes établis en Turquie mais d’avancer des pions au-delà de ses propres frontières. Cela n’est pas nouveau. Déjà, au printemps 2003, sous couvert de l’intervention militaire américaine en Irak, le gouvernement avait établi un plan d’invasion militaire du nord du pays, pour son propre compte. Ce n’est que sous la pression de Washington qu’Ankara avait au dernier moment abandonné cette perspective. Et, retour de bâton, le gouvernement turc avait refusé aux Etats-Unis l’utilisation de ses bases militaires et le stationnement des troupes américaines sur son territoire, contrairement à la Guerre du Golfe de 1990-1991, et empêchant l’éventuelle ouverture d’un second front au Nord de l’Irak.
Ce changement d’attitude de la Turquie, jusqu’alors alliée quasi-inconditionnelle des Etats-Unis, est symptomatique de l’affaiblissement de la première puissance mondiale sur l’arène internationale et de l’exacerbation des tensions impérialistes qui poussent cet Etat à s’affirmer plus haut et fort comme une puissance régionale qui doit compter.
Mais une telle situation est aussi significative de la montée considérable du chacun pour soi et de la folie guerrière irrationnelle du capitalisme. Envahir la région autonome du Kurdistan irakien ne reviendrait en effet qu’à créer un foyer de chaos supplémentaire, dans une des rares régions d’Irak encore à peu près stable. C’est en s’appuyant sur cette peur du chaos que la Turquie exerce son chantage sur les Etats-Unis, et fait monter les enchères en jouant ainsi contre eux un rapprochement avec une Union européenne qui lui fait en bonne partie les yeux doux. Cependant, même si la Turquie n’intervient pas au Kurdistan irakien, les soldats turcs ayant été libérés sous la pression américaine1, et d’autant que l’hiver interdit les opérations militaires dans les montagnes qu’occupe le PKK, cette perspective à plus long terme n’est pas impossible. Et cette menace brandie par l’Etat turc nous éclaire encore mieux sur l’avenir monstrueux qui attend l’Irak et les difficultés des Etats-Unis à organiser leur retrait d’un pays qui n’aura plus d’autre perspective que la curée générale de tous ses “voisins” et des “grandes puissances”.
Il faut le réaffirmer avec force : le capitalisme, c’est le chaos et la guerre, sans autre futur que la barbarie généralisée.
Wilma (30 novembre)
1 Ce qui en dit long une fois encore sur ces groupes terroristes et leurs accointances avec les Etats, dont ceux qui prétendent mener la “guerre contre le terrorisme”.
Mi-novembre,tandis que les ouvriers à Dubaï retournaient au travailaprès une révolte spontanée et massive, lapresse et les journaux télévisés faisaient leurUne avecune information de « toute première importance »…le prince et milliardaire Al-Walid Ibn Talal, neveu du roi Abdallah,s’était acheté un Airbus A380 pour son usagepersonnel !
Pas un motsur ce mouvement de grève massif ! Pas un mot pourévoquer la rébellion ouverte de ces centaines demilliers d’ouvriers surexploités ! La bourgeoisie aentouré une nouvelle fois une lutte du prolétariat desa chape de plomb médiatique et internationale, suivant labonne vieille méthode du black-out.
Dubaïest devenu en quelques années une sorte d’immense chantierpermanent sur lequel poussent, comme des champignons, des gratte-cieltous plus invraisemblables les uns que les autres. Cet Émiratest l’un des symboles, pour la bourgeoisie, du « miracleéconomique » de l’Orient et du Moyen-Orient. Maisderrière la vitrine se cache une toute autre réalité :non pas celle des touristes et des hommes d’affaires, mais celle dela classe ouvrière suant sang et eau pour bâtir ces« rêves d’architectures ».
Sur lemillion d’habitants de cet Émirat, près de 80% sontdes ouvriers d’origine étrangère, en majoritéindiens mais aussi pakistanais, bangladais et depuis peu… chinois.Ils sont, paraît-il, plus corvéables encore que lestravailleurs d’origine arabe ! Et en effet, de la main-d’œuvrecorvéable à merci, il en faut pour pouvoir fairefonctionner les nombreux chantiers de la ville 24h/24h et… pourpresque rien ! Les ouvriers gagnent l’équivalent de 100à 150 euros par mois. Ils construisent ces palaces ou cestours prestigieuses mais, eux, dorment dans des cabanons àplusieurs par chambre et en plein désert. Ils s’y rendentdans des bétaillères appelées bus. Tout ceci,bien sûr, sans soins médicaux, ni retraites, cela vasans dire… Et pour brider toute initiative de lutte, l’employeurconserve les passeports... au cas où… Naturellement, rienn’est prévu pour les familles qui doivent rester dans lepays d’origine. Les travailleurs ne peuvent rejoindre leur femme etleurs enfants que tous les 2 ou 3 ans tant il leur est difficiled’épargner pour l’argent du voyage.
Mais on nepeut pas indéfiniment et impunément se servir d’êtreshumains comme on se sert de serpillières !
Lorsde l’été 2006, les ouvriers de Dubaï avaientdéjà démontré leur capacité àrentrer massivement et collectivement en lutte1.Malgré la répression qui s’en était suivie,ils ont aujourd’hui à nouveau osé se dresser contreleurs exploiteurs et tortionnaires. Mieux encore, à traversces dernières luttes, ils ont montré leur courage, leurextraordinaire combativité, leur capacité àdévelopper la solidarité, à s’unir pour luttercontre cette vie de misère, à refuser l’esclavage.Comme leurs frères de classe en Égypte2,ils ont bravé le pouvoir établi malgré lesrisques encourus. Car dans les Émirats, les grèves sontinterdites et la sanction est immédiate : retrait dupermis de travail, expulsion sur le champ et bannissement àvie !
Etpourtant,ne supportant plus de ne plus être payés depuisplusieurs mois, «le samedi 27octobre, plus de 4000 ouvriers du bâtiment sont descendus dansla rue, ont bloqué des routes d’accès à lazone industrielle de Jebel Ali et ont jeté des pierres sur lesvoitures de police. Ils demandaient davantage de bus pour les amenersur les lieux de travail, des logements moins surpeuplés etdes salaires leur permettant de vivre dignement. »(CourrierInternational du 2 novembre 2007). Sereconnaissant dans cette lutte massive, des milliers d’ouvriersd’autres entreprises se sont joints aux grévistes.
Sanssurprise, la bourgeoisie et son État ont alors réagiviolemment. Avec des canons à eau, les forces anti-émeutesont dispersé les manifestants qui s’en étaient priségalement à des voitures des forces de l’ordre.« Dénonçant ‘uncomportement barbare’, le ministèredu Travail leur a donné à choisir entre la reprise dutravail et l’abrogation de leurs contrats, le bannissement àvie du pays et la privation de leurs indemnités de fin deservice » (LeMaroc.org).Malgré cette répressionpolicière et ces menaces du gouvernement, le mouvement degrève a continué de s’étendre à troisautres zones à Dubaï, prouvant l’ampleur de lacombativité de cette partie du prolétariat mondial.Suivant une dépêche de l’AssociatedPress du 5 novembre, il y a eu jusqu’à400 000 ouvriers en grève !
Les menacesde sanction et de répression ont été immédiatessous prétexte que quelques voitures de police ont étécaillassées : inadmissible pour l’ordre bourgeois !Mais de quel coté se trouve réellement la pire desviolences ? La réponse est évidente : du cotéde ceux qui transforment la vie quotidienne de centaines de milliersd’ouvriers en un véritable enfer.
ADubaï, le prolétariat a montré sa force et sadétermination à ne pas se laisser malmener. Labourgeoisie a même dû faire mine momentanément dereculer, abandonnant ponctuellement sa tactique exclusivementrépressive. Ainsi, après avoir annoncél’expulsion des 4000 travailleurs asiatiques à l’originedu mouvement, « le ton étaitplutôt à l’apaisement le mercredi »(AFP). La massivité de cette lutte a eu de quoi « faireplier le gouvernement de DubaÏ qui a ordonné auxministres et aux entreprises de construction de revoir les salaireset d’envisager la création d’un salaire minimum »…officiellement, évidemment. Dans la réalité, labourgeoisie va continuer de cogner. Les sanctions contre les meneurssemblent être maintenues. Et nul doute que la bourgeoisiecontinuera à exercer d’une main de fer son ignoblesurexploitation sur cette partie de la classe ouvrière.
Néanmoins,même face à ce prolétariat démuni, sansexpérience de lutte, la classe dominante doit tenir compte decette montée de la combativité. C’est pourquoi elleessaye d’ajouter une corde à son arc : en plus de larépression, elle voudrait aussi étoffer sonencadrement idéologique. En ce sens, sa premièremanœuvre fut aussi caricaturale qu’inefficace. En effet, devant lamultiplication des conflits au cours de ces deux dernièresannées, « les autorités ont crééau sein de la police une commission chargée des questionsouvrières et mis à la disposition des ouvriers unnuméro de téléphone gratuit pour faire étatde leurs plaintes, la plupart ayant trait au non-paiement dessalaires. » (Le Berry.fr). Il est difficile defaire plus provocateur. Faire ses doléances directement auxforces de répression, autant monter directement dans uncharter ! Par contre, beaucoup plus adroite est la volontédu gouvernement de former des syndicats dans les entreprises pourservir de pare-feu, de « l’intérieur »,aux luttes à venir.
La questionn’est pas la perspective de la lutte dans un Etat en modèleréduit comme Dubaï, mais bien en quoi cette lutteparticipe d’un mouvement beaucoup plus large : la lutteinternationale de la classe ouvrière. « Lesprolétaires n’ont pas de patrie »proclamaient dès 1848 Marx et Engels dans Le Manifestecommuniste. Les luttes actuelles des prolétaires sontreliées à la même chaîne de l’exploitationcapitaliste. C’est aussi une chaîne de solidarité dansle même combat. De l’Inde à Dubaïen passant par la Chine, l’Egypte, le Moyen-Orient, le continentafricain ou l’Amérique latine, comme dans les pays d’Europeet de l’Amérique du Nord, la classe ouvrièredéveloppe son combat. Ce caractère international de lalutte de classe exprime une combativité exemplaire et contientdes éléments de solidarité qui permettent unemassivité grandissante de la lutte. C’est un formidableencouragement pour que les prolétaires du monde entier et enparticulier ceux des pays développés et surtoutd’Europe développent leurs luttes. Car c’est à cesderniers, dont l’expérience de la lutte est la plus forte etla plus ancienne, que revient la tâche de montrer que laperspective est le renversement de ce système d’exploitation,de faire partager son expérience historique accumulée,de montrer en pratique comment prendre en mains et organiser lesluttes, de montrer pourquoi il n’est pas possible de faireconfiance aux syndicats et aux forces de gauche pour cela.
C’estpour éviter ce partage des expériences et la prise deconscience qui en découle que la bourgeoisie et ses médiasaux ordres font tout pour que les nouvelles des luttes qui sedéroulent aux quatre coins du monde ne circulent pas àl’échelle internationale. Les luttes de Dubaï etd’ailleurs sont en effet la preuve vivante que partout la classeouvrière subit les effets dévastateurs de la criseéconomique et surtout que, partout, elle redresseprogressivement la tête, elle développe sa combativité,sa solidarité et sa conscience.
Map (18novembre)
2 Lirenotre article sur les luttes en Égypte [999] , RévolutionInternationale n° 384de novembre 2007.
Toutaugmente ! La flambée des prix de l’énergiealourdit les factures de chauffage et renchérit le coûtdes déplacements domicile-travail. Le prix des produits depremière nécessité, comme le pain et le lait,explose littéralement. Au supermarché, le mêmebudget remplit de moins en moins le chariot ! Tout augmente…sauf les salaires.
« Leproblème est universel. Pour la première foispeut-être, que l’on habite un pays riche ou pauvre, on parlela même langue : les Italiens s’inquiètent duprix des pâtes, les Guatémaltèques de celui de lagalette de maïs, les Français et les Sénégalaisde celui du pain. »1Le prix du porc, la viande la plus consommée en Chine, apresque doublé en un an, tandis que s’envolent les cours desautres produits agricoles comme la volaille et les œufs. Au Japon,dépendant à 60% de produits importés, la flambéedes prix touche presque tous les aliments.
Pourla bourgeoisie, l’explication principale résiderait dans…une trop bonne santé de l’économie asiatique :« La diminution de laproduction (aggravée par la sécheresse et le boom dubiogazole, entre autres) et l’augmentation de la demande (provenantsurtout de pays émergents comme l’Inde et la Chine, désireuxd’imiter le mode alimentaire occidentale) ont alors entraînéune flambée de prix tout aussi extraordinairequ’inattendue. »2Bref, un problème ordinaire dedéséquilibre entre l’offre et la demande !
Pureintox ! Les hausses de prix découlent directement de lacrise économique. Elles constituent le premier contrecoup, surles conditions de vie de la classe ouvrière mondiale, de lacrise des désormais célèbres subprimes3qui a débuté cet été aux Etats-Unis, .Pour faire face au « trounoir » des dettes du marchéaméricain, toutes les banques centrales n’ont eu pour seuleréponse que d’injecter massivement de l’argent àbas coût (en prêtant aux spéculateurs avec destaux très faibles), espérant ainsi limiter la contagionet les dégâts à court terme. Mais cette politiquen’est même pas un cautère sur une jambe de bois ;elle est une énième fuite en avant dans l’endettement4qui ne fait, en réalité, qu’alimenter et aggraverencore la crise elle-même. En déversant une immensemasse de monnaie sur les banques menacées de faillite et lesbourses, à coups de centaines de milliards de dollars, labourgeoisie, les banques centrales n’ont fait que relancer uneprofonde spirale inflationniste au niveau international5.
Maispourquoi ce « processus inflationniste »touche-t-il particulièrement les matières premièreset les denrées alimentaires de base, indispensables àdes millions d’êtres humains ? La réponse est àl’image de ce système en putréfaction :inhumaine. « Les matièrespremières attirent les spéculateurs, qui alimentent lahausse en cherchant, après la crise de l’immobilieraméricain cet été, des débouchésporteurs sur d’autres marchés. »6.Ainsi « l’exubéranceirrationnelle » de laflambée des carburants s’explique par les investissementsspéculatifs « qui sesont retirés de certains marchés (actions, obligations,monnaies) pour se rabattre sur les ‘commodities’,notamment le pétrole. »7Même chose concernant les céréales : aprèsle krach d’août, « Goldman-Sachset Marc Faber, suivis de pratiquement tous les groupes despéculateurs, conseillent d’investir sur les marchésagricoles, avec des instruments de levier pour pouvoir jouerplusieurs fois sa mise. »8Pour sauver leur capital, tous ces vautours n’hésitent pas àse transformer en véritables affameurs ! Comme l’avoueavec un cynisme sans bornes l’un d’entre eux, « sinous vivons un ralentissement mondial, ça n’affectera pasles produits agricoles car les gens mangent quand même »9 !
L’ONUestime que « nous allonsperdre du terrain face à la faim. »10Doux euphémisme ! Dans les82 pays les plus pauvres, où les dépenses alimentairesreprésentent couramment 60 à 90% du budget, la hausseattendue du blé de 20% condamne à la famine pure etsimple – et donc à la mort – toute une partie de lapopulation ! Depuis 2006, au Mexique, au Yémen, auBrésil, au Burkina Faso, ou encore au Maroc, des émeutesde la faim ont déjà éclaté. En Chine,« la valse des étiquettesremet en question l’amélioration des conditionsd’existence. »11Dans les pays occidentaux, se nourrir correctement devient un luxe.En France, quand la consommation d’environ 400 grammes de fruits etde légumes (préconisée par l’OMS) par personneet par jour représente entre 5 et 12% du SMIC, il est clairque de nombreux ouvriers ne seront plus en mesure de faire face àla satisfaction des besoins les plus élémentaires.
Alire la presse, il est clair que le spectre du krach de 1929 et de laGrande Dépression hante toute la bourgeoisie, avec uneangoisse : « Va-t-onvers un nouveau 1929 ? ».
Il est vraiqu’hier et aujourd’hui présentent des analogies : lesbourses qui vacillent et dont les mouvements de yoyo masquent mal lachute ; les montagnes de dettes qui se révèlentinsolvables, la crise de confiance entre les banques qui,toutes, multiplient les pertes ; la panique des petitsépargnants formant devant leur banque d’interminables queuespour retirer leurs économies, aux Etats-Unis, en Allemagne eten Angleterre ; la perspective pour toute une partie de laclasse ouvrière aux Etats-Unis de se retrouver du jour aulendemain privée à la fois de toit et d’emploi.
En1929, le krach de la Bourse de New York, le célèbre« jeudi noir »(24 octobre 1929), a inauguré la première criseéconomique majeure du capitalisme en déclin, la GrandeDépression des années 1930. Cet effondrement révélala crise de surproduction de marchandises chronique dans la phase dedécadence du capitalisme. Cette crise de 1929 a pris la formed’un effondrement complet qui a marqué les mémoiresparce que la bourgeoisie a appliqué les vieilles recettes quiavaient prouvé leur efficacité lors des crises… du19e siècle (c’est à dire quand le capitalisme étaitencore en plein développement, en période d’ascendance)mais qui là, non seulement restèrent sans effets, maisjouèrent un rôle aggravant dans la nouvelle situationhistorique (la décadence du capitalisme). Concrètement,la restriction par la Banque Fédérale américainede la quantité de monnaie sur le marché a eu pourconséquence la faillite de la plupart des banques, le recul ducrédit et un coup de frein énorme sur l’activitééconomique. Les mesures protectionnistes en faveur del’économie nationale, bientôt imitées partout,ont eu pour conséquence la fragmentation de l’économiemondiale, le blocage du commerce international et, finalement, unrecul encore plus grand de la production.
Depuis lacrise des années 1930, si la bourgeoisie n’a pas trouvéde réelle solution à la crise économiquehistorique de son système12,elle s’est par contre adaptée à cet état decrise permanente, en parvenant à l’étaler dans letemps. En quelque sorte, son vaisseau continue de sombrer, mais pluslentement. Elle a ainsi compris comment utiliser les mécanismesétatiques pour faire face aux crises financières enjouant sur les taux d’intérêts et l’injection deliquidités dans le système bancaire. C’est pourquoila crise économique actuelle qui fait rage depuis 1968, n’apas pris la forme de l’effondrement brutal de 1929. Le déclina été plus graduel. La crise a titubé d’unerécession à l’autre, encore plus grave et plusétendue, passant d’une pseudo-reprise à l’autre,plus brève et plus limitée encore. Celissage de la crise dans une spirale descendante a permis à labourgeoisie de nier l’existence même de la crise et de lafaillite de son système, mais au prix d’une surcharge dusystème capitaliste sous des montagnes de dettes et del’accumulation de contradictions de plus en plus dangereuses pourle capitalisme. La fragilisation extrême du systèmefinancier mondial témoigne de l’usure de tous ces palliatifsutilisés par la bourgeoisie.
Lacrise actuelle n’engendrera donc certainement pas un arrêtbrutal de l’économie comme en 1929. Pourtant, à biendes égards, elle est encore plus grave et profonde. Dans lesannées 1930, aux Etats-Unis, lorsque le NewDeal inaugure le programme de relancede l’économie pour tenter de faire face à sa crise desurproduction, le financement de l’ensemble des mesures àcrédit par des emprunts d’Etat ne représente qu’unepart infime du revenu national annuel (l’équivalent de moinsde trois mois de dépenses militaires lors de la Seconde Guerremondiale) ! Aujourd’hui, la dette américaine atteintdéjà 400% de son PNB ! La certitude de certainsmilieux capitalistes « que la‘Très Grande Dépression US(…) va avoir des conséquencessans commune mesure avec la crise de 1929,(…) même si 1929 reste ledernier point de comparaison possible dans l’histoire moderne »13témoigne de l’inquiétudede la bourgeoisie ! La crise de 2007 a un impact directementmondial. « Commela contagion à l’économie réelle est déjàen cours non seulement aux Etats-Unis mais également surl’ensemble de la planète, c’est désormaisl’effondrement des marchés immobiliers britannique, françaiset espagnol qui est au programme de cette fin d’année 2007,tandis que l’Asie, la Chine et le Japon vont devoir faire facesimultanément à la chute de leurs exportations vers lemarché américain et à la baisse rapide de lavaleur de tous les actifs en dollars US (devise US comme bons dutrésor, actions d’entreprises US, etc.) »14
Cetteperspective d’une sévère récession assortied’une poussée de l’inflation va se traduire par unedégradation brutale des conditions de vie et d’exploitationpour la classe ouvrière partout dans le monde et unepaupérisation croissante irréversible. Malgrétoutes les promesses des politicards de tous bords, le capitalisme,ayant épuisé ses palliatifs, est aujourd’huiincapable de trouver la moindre porte de sortie et de masquer safaillite ouverte. La seule perspective qu’il puisse offrir àl’humanité, c’est encore et toujours plus de misère.L’avenir, l’espoir et le salut de l’humanitéappartiennent à la lutte de la classe ouvrière !
Scott (26novembre)
1 LeMonde du17 octobre 2007.
2 LaRepublica,cité par CourrierInternational n°888.
3Subprimes :crédits hypothécaires à risques.
4 Aprèsl’éclatement de la bulle spéculative Internet en2000-2001 et face au risque d’un plongeon brutal dans larécession, l’État américain a, àl’époque, délibérément et consciemmentcréé de toute pièce une nouvelle bulle poursoutenir la consommation, la bulle immobilière, ensystématisant les prêts aux ménages américainsles plus pauvres. Il aura suffit de quelques années pour quecelle-ci éclate à son tour, avec des risques bien plusgrands encore pour l’économie mondiale (lire notre article« Lacrise immobilière, un symptôme de la crise ducapitalisme »sur notre site web : internationalism.org).
5 « Lamasse de l’argent circulant est déterminée par lasomme des prix des marchandises (pour une valeur constante de lamonnaie), et cette somme des prix par la masse des marchandises encirculation. »(Engels, Surle capital)L’augmentation de la quantité de monnaie en circulationsans augmentation de la production de marchandises constitue unedévaluation ; les prix (expression monétaire dela valeur) doivent donc augmenter dans la même proportion pourexprimer la valeur des marchandises, qui, elle, ne change pas.
6Libération,2 novembre 2007.
7 LeMonde,20 octobre 2007.
8Nouvelle solidarité,3 septembre 2007.
9Bloomberg,19 aoüt 2007.
10 J.Sheeran, directrice exécutive du programme alimentairemondial des Nations Unies.
11Nanfang Zhoumo,journal de Canton.
12 Etpour cause, puisqu’il n’en existe nulle autre que la destructiondu capitalisme !
13GlobalEurope Anticipation,bulletin
n°17.
14 Id.
Le dimanche 25 novembre, à Villiers-le-Bel, dans unebanlieue au nord de Paris, deux adolescents sont morts dans unecollision entre leur minimoto et une voiture de police. Aussitôt,ce drame a déclenché une vague de violences faisantpenser à celles de l'automne 2005. Des centaines de jeunesde la commune et des villes environnantes ont laissé éclaterleur haine contre les forces de répression d'abord, maisaussi contre tout ce qui pouvait représenter à leursyeux, de près ou de loin, l'Etat ou ses institutions. Lebilan témoigne de l'importance de cette déflagrationdestructrice : 120 policiers blessés dont quatregrièvement, ce à quoi il faut ajouter une écolematernelle et une bibliothèque brûlées ainsi quedes centaines de voitures.
Même si ces émeutes n'ont duré que deuxjours, la violence fut beaucoup plus importante qu'en 2005. Cettefois-ci, des coups de feu ont été tirés contrela police.
Comment des gamins de 14, 15 ou 16 ans peuvent ainsi êtreemportés par une telle rage destructrice ? La réponseest simple : ce système les a broyés. C'esttoute une partie de la jeunesse qui, dans les cités-ghettos,est complètement déboussolée, sans repèreautre que la haine du flic et du « système ».Et comment pourrait-il en être autrement ? Ce mondecapitaliste ne leur offre aucune autre perspective que le chômageet la galère des petits boulots précaires etsous-payés, avec, en prime, pour beaucoup d'entre eux, desvexations permanentes à propos de la couleur de leur peau.Leur quotidien est sinistre : s'il n'y a pas de boulot, il ya des flics, partout. Les contrôles sont de plus en plusfréquents et violents. Les gardes à vue se multiplient,pour rien, pour un délit de faciès, pour un regard detravers...
Néanmoins, il faut être clair. Si la violence de cesjeunes est liée à leur désespoir, si elle est unproduit de l'inhumanité de cette sociétéd'exploitation, elle n'en reste pas moins un coup porté enpremier lieu à la classe ouvrière.
D'abord, ce sont leurs parents, leurs grands frères etleurs grandes sœurs qui sont souvent les premières victimesde ces explosions de violence. A qui appartiennent les voituresbrûlées ? Qui est privé le matin du bus,parti en fumé dans la nuit, pour aller au boulot ?Certainement pas la grande bourgeoisie qui copine avec Sarkozy !
Ensuite, ce sont leurs petits frères et leurs petites sœursqui se retrouvent terrorisés, marqués par la vision deleur école incendiée, détruite.
Enfin et surtout, de tels actes ont toujours constitué leprétexte parfait pour renforcer encore et partoutl'Etat-policier. Au nom de la sécurité, de laprotection des « travailleurs », l'Etatutilise chaque fois ce genre d'émeutes pour fliquerdavantage... les travailleurs. C'est d'ailleurs ce que s'estempressé d'annoncer Sarkozy dans son discours présidentieldu 29 novembre.
Ce système d'exploitation est en pleine décomposition.Il ne peut plus offrir que ce genre de spirale infernale : auxjeunes sans avenir et victimes d'une répression permanente,le capitalisme proposera toujours moins d'avenir et toujours plusde répression !
Seule la classe ouvrière peut proposer une véritableperspective1(à cette jeunesse comme à l'ensemble de l'humanité),en opposant à ce pourrissement sur pied de la sociétéses propres valeurs : l'unité et la solidaritéde tous les exploités !
Pawel (1er décembre)
1Pour une analyse plusapprofondie sur la nature des violences émeutières,lire notamment notre article :« Emeutes sociales : Argentine 2001, France 2005, ...Seule la lutte de classe du prolétariat est porteused'avenir [1000] ».
Comme nousl’avons déjà dénoncé dans notre presse,l’attaque que subissent les ouvriers de la RATP, de la SNCF ou EDFcontre les régimes spéciaux de retraites n’est qu’unepremière étape des attaques contre les conditions devie de la classe ouvrière. Demain, ce sera au tour de tous lesouvriers de voir leur régime de retraite remis en cause. Enmême temps, les attaques contre la protection sociale sontmises en place avec les franchises sur le remboursement desmédicaments.
Lesétudiants en lutte l’ont bien compris et c’estpourquoi ils ont élargi leurs revendications, non seulement auretrait de la loi de réforme des universités, maisaussi à la défense des régimes spéciauxet au retrait des franchises médicales.
Le spectrede la lutte contre le CPE est réapparu durant quelquessemaines et les syndicats tant ouvriers qu’étudiants ontfait tout leur possible pour qu’une telle dynamique ne puisse pass’enclencher à nouveau, dynamique capable de donner uneperspective au combat de toute la classe ouvrière en Francemais aussi à l’échelle internationale.
Nosinterventions, partout où nos forces nous l’ont permis, dansles assemblées générales (AG) ouvrièreset dans les universités, ont toujours soulignél’importance de la solidarité et de l’unité de tousles secteurs de la classe ouvrière, ce qui a rencontrésouvent le soutien et la sympathie de beaucoup d’ouvriers etd’étudiants. C’est ainsi qu’en province un groupe dejeunes étudiants 1 est venu discuter avec nos camarades et nous a transmis un écritde leur propre expérience du sabotage syndical.
Ce que cescamarades ont vécu dans la lutte est révélateurdu mépris de ces prétendues « organisationsouvrières » pour le mouvement lui-même. Laseule chose qui compte pour elles est que ce mouvement n’échappepas à leur contrôle et qu’il ne puisse pas constituerune véritable force autonome qui permettrait aux ouvriers etaux étudiants de développer une véritablesolidarité et une confiance accrue dans leur lutte commune.
Nous avonssoutenu dans l’AG la proposition de ces camarades d’envoyer unedélégation étudiante la plus large possible auxAG des cheminots. Cette proposition a été votéepar l’assemblée étudiante. Mais déjà,le présidium, autoproclamé, a fait savoir qu’iln’était pas possible d’aller massivement aux AG descheminots, en prétextant les nombreuses actions à menersimultanément. Au final, ce ne sont donc que trois étudiantsqui ont reçu mandat de l’AG pour cette délégation :un militant de l’AGET-FSE, un militant de la JCR et « uneindépendante », comme l’écrivent lescamarades. Eux-mêmes s’étaient présentésau vote de l’AG pour constituer la délégation mais,n’étant pas connus face aux figures syndicales présentesdans l’AG, ils n’avaient aucune chance d’être mandatés.
Maislaissons la parole à ces camarades :
« Noussommes quand même allés aux AG des cheminots, d’unepart parce que nous y étions invités par des camaradesde la gare, d’autre part parce que nous voulions écouter lesinterventions de nos délégués. Mais nous n’avonspas pu les entendre. Nous sommes allés à quatre desassemblées générales et nous ne les avons pastrouvées. Nous avons demandé aux camarades de Sud-Railet à d’autres s’ils les avaient vus dans les autresassemblées générales. Ilsn’y étaient pas. End’autres termes, les délégués étudiants,élus en assemblées générales, n’ont pasrespecté leur mandat. Nous sommes allés le soir aucomité de lutte pour demander pourquoi nos déléguésn’étaient pas venus aux assemblées généralesdes cheminots. Un membre de l’AGET-FSE nous a répondu queles délégués ne savaient nioù ni quand étaientces AG....
Ily eut un précédent. Le 18 octobre, je fus moi aussidélégué étudiant auprès des AG decheminots. Il y avait cinq autres délégués.Personne n’était là au début de l’AG, saufmoi. Seulement deux autres délégués sont arrivésquand l’AG se finissait. A la deuxième AG, j’étaisà nouveau le seul délégué présent.Aucun autre délégué n’avait respectéson mandat. Et là aussi, on nous a dit qu’on n’avait pasles renseignements !
Celafait plus de huit jours que se tiennent des assembléesgénérales de cheminots. Nous ne pouvons pas croire quedes organisations comme l’AGET-FSE et la JCR sont incapablesd’ouvrir leur carnet d’adresses pour trouver le numéro detéléphone d’un syndicat. Nous qui venons àpeine de nous organiser, nous avons pu le faire ! »
Pris lamain dans le sac (un sac à main rempli de magouilles et demanœuvres !), l’AGET-FSE n’a rien trouvé de mieuxque de reprocher aux camarades d’avoir pris des initiatives,prétendument au nom des AG étudiantes. C’est en leurnom propre que ces camarades sont allés aux assembléesgénérales des cheminots, où ils ont étébien accueillis et ont pu prendre la parole, proposant aux cheminotsde venir dans les AG étudiantes (ce qui a étéfait), proposant une distribution de tracts commune au métro.
Comme ledisent ces camarades :
« Alorsque ces opérations ont été des succès,qu’elles ont enfin pu concrétiser le rapprochement desétudiants et des cheminots, on nous reproche d’avoir pristrop d’initiatives, d’avoir outrepassé l’assembléegénérale ! En allant aux assemblées généralesdes cheminots, nous n’avons fait qu’appliquer la décisionvotée depuis bien longtemps par les assembléesétudiantes : se rapprocher des travailleurs. Et en tant quecommunistes, c’est notre devoir de travailler de toutes nos forcespour l’unité pratique de la lutte ! Tout ce que nousavons fait, nous l’avons faitau vu et au sude l’assemblée générale. Nous ne lui avonsrien caché. Ceux qui voulaient participer à nos actionsl’ont fait, ceux qui ne voulaient pasne l’ont pas fait. Nousn’avons jamais rien imposé à l’AG.Seulement nous sommes indépendantsdes organisations qui dirigent actuellement le mouvement.»
Lasolidarité naissante entre ouvriers et étudiants, lefait que des retraités non-cheminots ou des travailleursd’autres secteurs aient pu prendre parfois la parole dans des AG decheminots, tout cela montre les avancées de cette lutte :le combat des cheminots n’est pas leur combat mais celui de laclasse ouvrière, qu’elle soit encore sur les bancs de la facou qu’elle soit retraitée. Cela, les syndicats ne peuventpas l’accepter et ont tout fait pour que de telles manifestationsde solidarité ne se propagent pas plus largement.
Le 22novembre, les camarades ont participé à lamanifestation étudiante dans les rues de Toulouse.Laissons-leur encore la parole :
« Anotre AG, Y. a appelé les étudiants à participerà l’assemblée générale à laMédiathèque, à 15h30, lieu de rassemblement decheminots, électriciens et gaziers. Malheureusement, la CGT ajugé bon d’avancer le rassemblement et de saboter toutetentative d’assemblée générale. Avait-elle étéréellement organisée et par qui ? Toujours est-il quela CGT n’a pas attendu les étudiants et qu’ils se sontbarrés vite fait. Lorsque les étudiants, accompagnésde lycéens, sont arrivés, nous les avons appelésà rejoindre les travailleurs, mais le service d’ordre desétudiants nous a rembarré. De l’autre côté,la CGT a décidé de lever le camp, d’autant plus quecertains travailleurs faisaient des gestes amicaux vers les étudiantset leur demandaient de venir. La manifestation des étudiantsest passée à 50 mètres de la manifestation destravailleurs » !
La force dela lutte, c’est la lutte elle-même. Ces quelques élémentsrapportés ci-dessus nous le montrent. D’un côté,un mouvement qui commence à poser dans la pratique lanécessité de la solidarité dans la lutte de tousles ouvriers, des étudiants jusqu’aux retraités. Dansla continuité de luttes comme le CPE en France, seule l’unitéla plus large des ouvriers peut permettre de constituer unrapport de force capable de faire reculer la bourgeoisie dans sesplans d’austérité et de misère qu’elle nousréserve. Face à cela, la bourgeoisie et son Etat ontmis en place leurs syndicats et les organisations gauchistes commeles JCR. Ces quelques exemples montrent que cette perspective est enmarche. Une importante victoire pour la classe ouvrièresera de reconnaître quels sont ses véritables ennemis.C’est ce qu’elle a commencé à faire dans cettelutte.
RI(29 novembre)
1Un membre de ce groupe se dit trotskiste bien que ne faisantpas partie d’aucune organisation et ils signent leurs écrits« Descommunistes : branche Marx, Lénine, Trotsky ».
Nous publions ci-dessous un courrier qui nous a été adressé par un étudiant de l’université de Caen qui a assisté à une assemblée générale pourrie de sa faculté. Ce courrier constitue un témoignage vivant de la façon dont les syndicats ont tenté de verrouiller les universités en enfermant les étudiants dans une lutte spécifique, isolée de toute la classe ouvrière. Il fait la preuve que les syndicats, dans les universités comme dans les entreprises, se dévoilent de plus en plus clairement comme des chiens de garde de l’ordre capitaliste.
“Chers camarades,
J’ai assisté ce matin au spectacle effrayant de l’assemblée générale de l’université de Caen. La seule organisation des débats suffit à donner la mesure du sabotage syndicale. Je précise d’abord qu’il m’était possible de déterminer l’appartenance, ou non, d’un intervenant à une organisation syndicale, non pas parce qu’il annonçait qu’il en faisait partie mais parce qu’une personne, membre du PCF, m’informait de qui était syndicaliste et de qui ne l’était pas.
La présidence, constituée de trois personnes, était entièrement aux mains de syndicalistes et n’était nullement soumise à un vote de désignation, et encore moins à un vote de destitution. C’est-à-dire que nous avions en face de nous des syndicalistes sans aucune légitimité. Il en allait bien sûr de même des commissions. Il faut noter cependant qu’une seule commission a demandé un mystérieux “vote de confiance” qui portait sur des individus qui ne se sont pas présentés, et ce, avant même que soient prises les décisions de l’AG. Les débats étaient monopolisés quasi-exclusivement par des syndicalistes, notamment ceux de la FSU, et lorsque nous demandions la parole, la présidence nous rétorquait que, je cite, ‘les listes de prise de parole sont closes’, sauf bien entendu lorsque l’un de ses amis syndicalistes demandait la parole. Me voilà dans ce contexte à proposer l’envoi de délégations massives dans les entreprises pour nous solidariser avec les luttes actuelles des travailleurs et ne pas nous isoler. L’assemblée fût d’ailleurs plutôt convaincue par ma proposition puisque de nombreux applaudissements (interdits par la présidence) conclurent mon propos. Mais, chose incroyable, à la fin de l’AG ma proposition n’a même pas été soumise au vote. Et lorsque je pris la parole, au milieu de la cacophonie, pour protester, un syndicaliste m’apostropha brutalement pour me signaler que l’AG n’avait, je cite encore, ‘pas à voter ce genre d’action’ et quand je lui dis que finalement, on passait ‘ma proposition sous le tapis’, voici ce qu’il répondit (tenez-vous bien à votre écran1) : ‘Oui!’
Voilà le récit du triste spectacle dont je voulais vous faire part. Excusez la lourdeur de mon style, et peut-être, les quelques fautes d’orthographes. Le temps malheureusement me manque et ma colère empêche toute concentration.
Fraternellement,
V (Caen, le 8 novembre)”.
Tous les dix ans, la bourgeoisie fête à sa manière la décennie de plus qui l'éloigne dans le temps de la pire expérience qu'elle ait connue : la Révolution prolétarienne en Russie d'Octobre 1917. Et tous les dix ans, revient le rouleau compresseur idéologique des médias bourgeois qui nous "démontrent" que non seulement cet "Octobre Rouge" a été épouvantable, mais que cet événement ne pouvait qu'ouvrir la porte à la plus effroyable des barbaries.
Ainsi, les articles du journal Le Monde des 6 au 8 novembre signés d'un certain Jan Krauze comme les émissions d'Arte avec notamment les assertions du pseudo-"historien" Marc Ferro (qui nous a sorti des documents d'"archives inédites") ont-ils été particulièrement répugnants dans la falsification systématique de la Révolution russe de 1917. Après avoir mené leur "coup d'État", les Bolcheviks "se sont retournés avec une brutalité inouïe" contre toutes les "catégories sociales" qui leur auraient permis de s'emparer du pouvoir. Lénine n'est qu'un "démagogue infaillible "réclamant des "fleuves de sang", qui "n'a de cesse d'exciter la haine", qui "fixe les quotas de personnes à liquider". D'ailleurs, il avouerait lui-même que le Commissariat à la justice devrait s'appeler "Commissariat à l'extermination" ! Ainsi, ces plumitifs du capital ont été les premiers à apporter (grâce à leurs "fouilles archéologiques") leur petite contribution à la campagne de diabolisation des bolcheviks et de dénigrement de la Révolution russe. Cette campagne au service du Capital a commencé avec la publication du "Livre noir du communisme" et s'est prolongée récemment avec la campagne de criminalisation du mouvement de grèves des étudiants et des travailleurs de la SNCF et de la RATP (voir notre site Internet). Voila comment la bourgeoisie française a célébré, à sa façon, l'anniversaire de la révolution prolétarienne d'Octobre 1917.
Le mensonge le plus gros, mais qui conditionne tous les autres, est celui d'une révolution qui n'aurait été qu'un "coup d'État" mené par une petite bande de criminels suivis par une masse populaire inculte. En tout état de cause, pour ces détracteurs bourgeois, il ne s'agissait pas d'une révolution des larges masses exploitées, dont les enfants tombaient chaque jour comme des mouches sur le Front, sacrifiés sur l'autel de la barbarie du capital (le régime tsariste, vestige de la féodalité, ne signifiait nullement que la Russie de 1917 n'était pas un État capitaliste). C'était un "complot" d'une petite minorité sanguinaire : les bolcheviks. Ainsi, l'article du Monde s'évertue à démontrer qu'entre les bolcheviks et n'importe quel aventurier prêt à tout pour s'emparer du pouvoir, il n'y avait que peu de différence. Octobre 1917 n'était qu'une "jacquerie" de paysans arriérés, selon notre grand "trouveur" d'"archives inédites", Marc Ferro.
Le Parti bolchevique a une histoire qui dément ce mensonge éhonté. Il est issu du Parti Ouvrier Social Démocrate de Russie (POSDR) affilié à la Seconde Internationale. La Fraction bolchevique était l'aile la plus à gauche et a su mener un combat politique intransigeant pour défendre les principes de classe du prolétariat contre toutes les tendances conciliatrices et confuses qui existaient dans le POSDR, y compris contre l'opportunisme des mencheviks. En particulier, face à la misère et à la barbarie guerrières auxquelles étaient soumises les masses exploitées dans la Russie tsariste, les bolcheviks ont toujours été les meilleurs défenseurs de toutes les masses opprimées (prolétaires et paysans pauvres). Dès 1905, alors que partout se sont formés spontanément des "soviets" (conseils) d'ouvriers, de paysans et de soldats, c'est Lénine qui est parmi les premiers à affirmer que, face à la dictature de la bourgeoisie (qu'elle soit "tsariste" ou "démocratique"), les Soviets sont "la forme enfin trouvée de la dictature du prolétariat". La fraction bolchevique au sein du POSDR était issue de toute une tradition de luttes contre le capitalisme, menées dans la clandestinité par des militants de la classe ouvrière qui avaient à affronter une répression constante et très efficace. Les bolcheviks ont toujours fermement défendu les positions politiques du prolétariat : non seulement ils ont participé aux luttes ouvrières partout où ils l'ont pu en Russie, mais ils ont mené des polémiques intransigeantes au sein de la Seconde Internationale pour que des mesures politiques concrètes soient prises contre le déchaînement de la barbarie capitaliste. Ils ont dénoncé la trahison des partis sociaux-démocrates qui ont embrigadé des millions de prolétaires dans la première boucherie mondiale. Ils ont défendu avec la plus grande détermination le vieux mot d'ordre du Manifeste communiste de 1848 : "Les prolétaires n'ont pas de patrie. Prolétaires de tous les pays, unissez-vous !". En Russie, ils sont pratiquement seuls à défendre une position internationaliste en 1914. Cet internationalisme intransigeant, jamais pris en défaut, a fait d'eux l'avant-garde et la tête naturelle du mouvement révolutionnaire des masses exploitées en 1917. Le prolétariat du monde entier avait les yeux rivés sur la Révolution russe d'Octobre qui a pu, grâce à son extension en Allemagne et à la fraternisation des soldats sur le Front, obliger la bourgeoisie mondiale à mettre fin à la Grande guerre de 1914-18. Le parti bolchevique était reconnu comme le parti phare de la classe ouvrière par les autres révolutionnaires de l'époque, y compris par des syndicalistes révolutionnaires ou des anarchistes comme Alfred Rosmer ou Victor Serge. Et surtout, il a compris que les masses exploitées et opprimées étaient seules à pouvoir mettre fin à la guerre. Le mot d'ordre de Lénine de "transformation de la guerre impérialiste en guerre civile" (c'est-à-dire en guerre de classe contre la bourgeoisie) n'a pas été un slogan d'une petite minorité de comploteurs qui auraient fomenté un "coup d'État". Le professeur Marc Ferro[1](à la suite de la campagne orchestrée par Monsieur Courtois avec son "Livre noir du communisme") aurait-il préféré que la boucherie mondiale se poursuive ? Sa littérature très "démocratique" de vierge effarouchée (et surtout de falsificateur à la botte du Capital) n'est rien d'autre qu'une insulte honteuse jetée au visage de tous ces enfants morts sur les champs de bataille, de tous ces estropiés qui sont revenus du front[2]
Lorsqu'il rentre à Petrograd (l'actuelle Saint-Pétersbourg) en avril1917, Lénine est conscient que le parti du prolétariat doit cesser de soutenir le très "démocratique" Gouvernement provisoire qui a succédé à celui du Tsar et il affirme que "les masses sont cent fois plus à gauche que le Parti". Pour un opportuniste avide de pouvoir, on ne peut pas dire qu'il soit très habile ! D'autant que les démocrates russes lui offraient alors, à lui et au parti bolchevik, une place dans le gouvernement provisoire.
La bourgeoisie est pourtant bien contrainte d'admettre[3]qu'il s'agit là d'un "étrange coup d'État" (Le Monde du 6 novembre). Parce que les bolcheviks, bien que déterminés, n'étaient au début de la révolution qu'une petite minorité. Parce que l'objectif qu'ils fixaient à la classe ouvrière de renverser le gouvernement "démocratique" bourgeois dirigé par Kerensky était public, discuté partout à tel point que la date de l'insurrection était connue à l'avance. Élément totalement contradictoire : comment le "coup d'État" d'un petit groupe de comploteurs a-t-il pu réussir sans même bénéficier de l'effet de surprise ? La réponse est simple : le gouvernement Kerensky était incapable de satisfaire les revendications des masses ouvrières et paysannes qui mourraient de faim, de froid, avec en plus l'hécatombe sanglante sur le Front. Les masses réclamaient : "Le pain et la paix !".Si le gouvernement provisoire était, par ailleurs, incapable de résister face à la poussée révolutionnaire des masses ouvrières, c'est qu'il n'avait plus aucun soutien dans le corps social. L'armée se délitait, les prolétaires en uniforme étaient gagnés par les idées révolutionnaires, la paysannerie haïssait les héritiers politiques des grands propriétaires autant que ce gouvernement provisoire qui ne se décidait pas à entériner le partage des terres des féodaux, ni à arrêter la guerre. Quant à la classe ouvrière, à l'arrière comme au front, elle savait qu'il existait une petite minorité en son sein, ayant "une conscience claire du buts et des moyens du mouvement prolétarien dans son ensemble " (Manifeste communiste). C'est pour cela que les masses attendaient le retour de Lénine exilé en Suisse (car le parti bolchevik, affaibli par ceux qui avaient dû émigrer à l'étranger, avait besoin de toutes ses forces[4]). Lorsqu'il revient en Russie, en avril 1917, il est accueilli à bras ouverts et acclamé par des masses d'ouvriers venus l'attendre sur le quai à la gare de Finlande à Petrograd. Cet accueil chaleureux n'était nullement dû au fait que ces masses prolétariennes étaient "incultes" et étaient "manipulées" par le grand "démagogue" Lénine[5]C'est tout simplement parce que, pour pouvoir lutter contre la guerre impérialiste, les bataillons du prolétariat russe avaient besoin d'une direction politique clairvoyante et déterminée à leur mouvement de masse : c'est grâce aux "Thèses d'avril" (rédigées par Lénine) que le parti bolchevique a pu se renforcer. Les prolétaires (qui avaient faim, froid, et continuaient à mourir sur les champs de bataille du capital) le demandaient. Pour eux, comme pour toute les classes et couches non exploiteuses, c'était une question de survie. Ces masses de prolétaires, de paysans et de soldats étaient moins stupides que certains plumitifs très "cultivés" de la bourgeoisie décadente. C'est à la demande de larges masses prolétariennes, rassemblées dans les soviets, que le "Comité Militaire Révolutionnaire" (CMR) nommé par le soviet de Petrograd (où les bolcheviks étaient majoritaires) a pu organiser et coordonner le renversement du Gouvernement provisoire. La prise du pouvoir a été réalisée principalement par la "Garde rouge" (milice ouvrière) et les marins de la garnison de Kronstadt qui ont braqué les canons de leurs navires sur le Palais d'Hiver où siégeaient Kerensky et ses ministres. Et ces derniers avaient été isolés par la coupure des lignes téléphoniques du gouvernement réalisée par les ouvriers des télécommunications. Cette petite "minorité de ministres comploteurs "réunie autour de Kerensky a fait l'objet d'un décret d'arrestation par le CMR (pour sa part, Kerensky a pu s'enfuir dans une voiture de l'ambassade américaine). Si cette insurrection (qui n'était pas une "jacquerie de paysans arriérés") a pu réussir, c'est aussi parce que les garnisons de la capitale, convaincues par les arguments des bolcheviks et l'action massive des ouvriers, ont rallié, les unes après les autres, le camp de la révolution prolétarienne à tel point que le siège du gouvernement est tombé, comme un château de cartes, presque sans combats.
Il n'est pas étonnant que les soviets (qui étaient des assemblées de masse centralisées à Petrograd dans un Comité exécutif) aient peu à peu basculé du côté de ceux qui apportaient des réponses politiques claires aux questions que se posaient toutes les couches non exploiteuses de la population : "Il faut arrêter la guerre ! Il faut exproprier la bourgeoisie ! Il faut abattre le Gouvernement provisoire, paravent de la domination bourgeoise ! Il faut exporter la Révolution internationalement !". L'élection de Trotsky à la présidence du Soviet de Petrograd n'est pas un "coup d'État", elle n'est que la conséquence du fait que la classe ouvrière dans son ensemble se reconnaissait dans la direction politique donnée par les bolcheviks. Les soviets n'étaient pas une chambre d'enregistrement des décisions du Parti bolchevique, ils étaient l'activité vivante de la classe elle-même. Que les bolcheviks, qui étaient les plus conscients des tâches de l'heure, soient arrivés à gagner la majorité dans les soviets (grâce aux débats vivants et à la démocratie prolétarienne qui y régnaient), n'a rien de bien mystérieux (sauf pour les "historiens" qui nous racontent encore des histoires à dormir debout). Ce n'était nullement un "complot", une "conspiration" fomentée dans l'ombre par une petite minorité dirigée par le grand "démagogue" Lénine.
Ce prétendu "coup d'État" dénoncé par les idéologues de la bourgeoisie n'a pas été commis par une petite cohorte de meneurs machiavéliques, mais par le prolétariat dont toutes les actions étaient discutées et votées au préalable dans les soviets. L'insurrection d'Octobre a été un témoignage vivant, une concrétisation du pouvoir réel des soviets et de leur rôle révolutionnaire comme la centralisation de l'insurrection par le CMR (avec à sa tête Trotsky qui fut élu et mandaté), condition indispensable et vitale de son succès, traduisait le caractère collectif et unitaire de l'élan révolutionnaire des masses prolétariennes.
La révolution russe ne pouvait pas survivre en restant isolée dans un seul pays et les bolcheviks le savaient pertinemment. Ils attendaient avec impatience son extension dans tous les autres pays industrialisés, et notammenten Allemagne. Chaque mois, de retard de la révolution en Europe fut une tragédie pour la Révolution russe, soumise à la pression contre-révolutionnaire non seulement des armées blanches, mais aussi de toutes les puissances capitalistes (qui continuaient à se déchirer dans la Grande Guerre, mais étaient totalement unies pour écraser ensemble la Révolution russe dans le sang). Comment se fait-il que les idéologues patentés du capital n'aient pas mentionné dans leur presse le massacre sanguinaire du quart de la population ouvrière finlandaise par l'armée allemande au printemps 1918 ? Est-ce parce qu'ils n'avaient pas découvert d'"archives inédites" ou plutôt parce que, soumis à l'idéologie dominante, ils ne peuvent que falsifier l'histoire comme le leur dicte la classe dominante ? Comment se fait-il encore que ces "brillants" écrivains n'aient pas non plus signalé, dans leur prose, que ce sont les mêmes armées allemandes qui, peu de temps après, ont fraternisé avec les armées ennemies ? Ces idéologues bourgeois n'ont peut-être pas encore compris que ce brusque retournement de situation, imprévisible, n'avait qu'une seule explication : les armées belligérantes étaient composées de prolétaires en uniformes qui en avaient assez de se faire massacrer par d'autres prolétaires en uniformes. Ils ne pouvaient plus supporter cette barbarie fratricide et sanguinaire. Ces prolétaires (et paysans "incultes") avaient pris conscience que leurs exploiteurs les avaient transformés en "machines" à tuer (grâce à la trahison des partis de la social démocratie qui ont basculé avec armes et bagages dans le camp du capital dès 1914 et grâce à la propagande nationaliste). Evidemment, cette "extermination" qui a fait 20 millions de morts pendant la première "Grande guerre" du Capital ne choque nullement ces "pourfendeurs" de bolcheviks !
La bourgeoisie avait, elle, parfaitement compris l'enjeu mondial de la Révolution d'Octobre en Russie. C'est pour cela que la Sainte Alliance de tous les camps du capital a préféré signer l'armistice et s'unirpour écraser dans le sang la révolution en Allemagne, encercler la Russie des Soviets, établir un "cordon sanitaire" autour de ses frontières, et imposer le blocus économique afin de laisser toute la population de la Russie crever de faim. Les idéologues patentés de la classe dominante n'ont pas besoin des "archives inédites" du Kremlin, offertes par Poutine, pour le savoir !
Face à l'offensive menée par des armées professionnelles bien équipées,le prolétariat en Russie devait se défendre par tous les moyens. La Révolutionrusse payait d'ailleurs là certaines de ses erreurs : ainsi les bolcheviks ont d'abord relâché la plupart des contre-révolutionnaires qu'ils capturaient contre serment de ne pas porter les armes contre la Révolution. Aucun n'a tenu parole.
Si la révolution d'Octobre a dégénéré, si les soviets n'ont pas pu se maintenir comme organes du pouvoir politique de la classe ouvrière, et si le parti bolchevique a fini par s'identifier à l'État, c'est à cause de l'échec de la révolution en Allemagne et de son extension dans le reste des pays les plus industrialisés. C'est le parti socialiste (le SPD) qui a écrasé dans un bain de sang la révolution prolétarienne en Allemagne (il n'est pas inutile de rappelerque les Corps Francs qu'il a recrutés pour cette tâche ont par la suite formé l'ossature des SA nazis). Et la barbarie de la contre-révolution capitaliste n'a pu se déchaîner que grâce au sale travail de tous les propagandistes aux ordres du capital, avec leurs campagnes anti-bolchéviques d'un cynisme sans borne[6].
Le but de la prise du pouvoir en Russie était de "tenir" jusqu'à ce que la révolution prolétarienne en Europe occidentale puisse venir soutenir la Révolutions russe. Et Lénine a même écrit que "perdre la révolution en Russie ne sera rien si nous la gagnons en Allemagne". Singulier tyran,vraiment, qui acceptait de perdre "sa" révolution pour que d'autres la gagnent !
Pour la classe dominante de la société capitaliste, comprendre que l'action des masses ouvrières ait pu être consciente relève de l'impossible : la bourgeoisie croit, et croira tant qu'elle existera, qu'une révolution ne peut qu'être l'œuvre d'un petit nombre de comploteurs décidés qui réussissent à manipuler de larges masses exploitées et les autres couches sociales non exploiteuses pour les amener à exécuter leurs desseins. Cette vision conspirative (et surtout totalement délirante et irrationnelle) de l'histoire, est la preuve que la bourgeoise est une classe qui n'a plus aucun avenir historique. Elle ne peut se maintenir comme classe dominante qu'en pataugeant dans la boue et le sang. Quant aux "scoops" des plumitifs de sa presse ou de ses "historiens" aux ordres, ils prennent de plus en plus la forme de méprisables ragots [7].Ce ne sont pas seulement des tissus de mensonges liés au maintien de la dictature capitaliste : la bourgeoisie est effectivement incapable de comprendre que de larges couches sociales exploitées, soumises par des siècles d'exploitation, puissent développer une conscience claire des enjeux de la situation historique présente et la force de prendre le pouvoir pour instaurer non pas une nouvelle dictature basée sur l'exploitation de l'homme par l'homme, une anarchie aveugle, un chaos de plus en plus sanglant, mais un autre mode de production et une nouvelle société : la société communiste mondiale.
Du point de vue de la classe capitaliste, l'idée que la classe ouvrière puisse être porteuse d'une conscience plus claire, plus haute, débarrassée de l'aliénation exercée par sa position de classe exploitée, est totalement insupportable et inconcevable . Dans son Histoire de la Révolution russe,Trotsky nous montre en maints passages la morgue de la bourgeoisie, les insultes qu'elle lance à des ouvriers qu'elle croit incapables de la moindre pensée politique.
Le prolétariat, affaibli par la trahison de la social-démocratie, n'a pas eu la possibilité de renverser l'ordre capitaliste au niveau mondial. Mais il a prouvé qu'il avait la force, quand il était uni, solidaire et organisé collectivement, de mettre fin à la barbarie guerrière, réfutant ainsi concrètement tous les mensonges de la bourgeoisie sur le caractère indépassable de son ordre, de ses frontières, de ses États nationaux. Le prolétariat revendique haut et fort d'avoir montré dans la pratique que tout ce que disaient Marx et les communistes n'était pas du vent : le prolétariat est la seule classe révolutionnaire de la société capitaliste. Aujourd'hui encore, à l'occasion de l'anniversaire de la Révolution d'Octobre 1917 qui a ouvert la première vague révolutionnaire mondiale du prolétariat, la classe ouvrière doit dénoncer le caractère réactionnaire, obscurantiste, des campagnes anti-communistes actuelles.
La classe ouvrière en France, quant à elle, a célébré à sa façon l'anniversaire d'Octobre 1917 : elle a su rendre hommage à ces générations de prolétaires qui ont renversé le gouvernement bourgeois de Kerensky et ont pris le pouvoir. Face à la misère et à l'exploitation capitalistes (et aussi aux mensonges des médias et de certaines presses), les étudiants et les cheminots ont adressé, sans en être encore conscients, un grand Salut à la Révolution russe en menant un mouvement qui a fini par faire tomber le masque des syndicats (et surtout du syndicat stalinien, la CGT).
Comme en 1917-18, ce sont surtout les jeunes générations de la classe ouvrière qui étaient à l'avant-garde du combat prolétarien et qui ont su tirer les principaux enseignements de la Révolution russe : "si on reste tout seuls, on va se faire manger tout crus".[8]Quant aux communistes internationalistes, ils doivent eux aussi rendre hommage à Lénine et à tous ses camarades bolcheviks dont la contribution au mouvement ouvrier restera inestimable.. Et tout comme les bolcheviks connaissaient par cœur les enseignements de la Commune de Paris, les révolutionnaires de demain se souviendront et se serviront de l'exemple de la Révolution russe en sachant entirer les enseignements et en critiquer les erreurs.
BM
[1] Et certains amateurs "d'humour noir" issus des pays de l'Est, tels ceux qui ont édité un livre intitulé "Dessine-moi un bolchevik" participent à cette même propagande anti-bolchévique mais de façon plus "subtile". Ces premières grandes "découvertes" du 21e siècle ont été rendues publiques (comme par hasard) au même moment : à l'occasion de l'anniversaire de la Révolution russe d'Octobre 1917. Nos brillants "explorateurs" seraient-ils partis ensemble en voyage organisé, dans le même charter ? En tout état de cause, ils méritent au moins un prix "Nobel" de la paix sociale. Quant aux "intellectuels" honnêtes qui ne savent pas grand chose de cette période historique, ils feraient mieux d'être un peu plus modestes (et ne pas trop étaler leurs préjugés réactionnaires sur la place publique) s'ils ne veulent pas devenir comme Marc Ferro : un arroseur arrosé !
[2] Même les scientifiques et les intellectuels humanistes de l'époque (comme par exemple Freud, Romain Rolland, Stefan Sweig) avaient de très grandes sympathies pour les bolcheviks. Ces "libres penseurs" avaient au moins la dignité de ne pas collaborer avec le Capital en hurlant avec les loups, comme Monsieur Marc Ferro.
[3] Lénine n'était pas en Russie à l'époque et ne pouvait pas "manipuler" les masses de loin puisque la télévision n'existait pas ! Et si ces masses étaient "incultes", elles étaient donc incapables de comprendre la presse des bolcheviks. A force de jouer du tam-tam, nos plumitifs bourgeois raisonnent, décidemment, comme des tambours !
[4] Voir notre article de la Revue internationale n° 89 : "1917 : la révolution russe : les "thèses d'avril", phare de la révolution prolétarienne [1001]"
[6] Les prédécesseurs de nos chaînes de télévision "modernes" présentaient sur leurs affiches très "démocratiques" des caricatures de bolcheviks avec un couteau entre les dents. Et cela pour bien faire passer le message : "prolétaires de tous les pays, soumettez-vous à l'ordre du capital !" C'est justement cet ordre, cette paix sociale (obtenue au prix de l'extermination par Staline des derniers combattant de la vieille garde bolchevique d'Octobre et des spartakistes en Allemagne par les "socialistes") qui a ouvert la voie royale au deuxième holocauste mondial de 1939-45.
[7] Les "intellectuels" qui croient encore au "plus grand mensonge de l'histoire", à la continuité entre la révolution prolétarienne d'Octobre 1917 et le stalinisme (qui en fut par la suite son principal bourreau) feraient mieux de changer de littérature s'ils veulent rester des gens intelligents.
[8] Propos d'un étudiant en 2006 dans la lutte contre le CPE. Les étudiants n'avaient pas besoin d'"archives inédites", ni de "bolcheviks" dans leurs AG, pour comprendre ce B-A/BA de l'histoire de l'humanité.
L'article que nous publions ci-dessous rend compte,de façon très synthétique, des principaux épisodes de la Révolution russe et de son extension en Allemagne en 1918.
Contrairement à ce que soutient l'histoire officielle, celle de la bourgeoisie, la Première Guerre mondiale n'a pas pris fin, le 11 novembre 1918, parce que les forces de l'alliance germano-autrichienne avaient subi une défaite militaire décisive ou ne trouvaient plus les forces de poursuivre le combat. Non, l'armistice fut signé pour la seule raison que les bourgeoisies des deux camps belligérants devaient alors faire face à l'extension mondiale de la révolution prolétarienne d'Octobre 1917 en Russie. De fait, c'est la menace immédiate de l'insurrection du prolétariat en Europe qui a entraîné l'arrêt forcé de la tuerie capitaliste.
Que la classe ouvrière soit parvenue à un tel résultat découlait bien entendu d'un long processus au cours duquel se construisit progressivement sa force. Dès l'été 1916, il y avait eu des mouvements de masse significatifs, notamment en Allemagne, pour exprimer la colère des ouvriers contre les souffrances, les privations et la misère qu'entraînait la guerre.
Mais le véritable début de la vague révolutionnaire se situe au mois de février 1917, en Russie. A Petrograd, le 23, ce qui aurait dû être une simple journée en hommage à la femme ouvrière dans le cadre des manifestations routinières des partis socialistes, créa en réalité l'occasion de l'explosion de tout le mécontentement accumulé dans les rangs ouvriers -ainsi que dans d'autres couches pauvres de la population- contre le ravitaillement en vivres de jour en jour plus défectueux de la capitale de la Russie d'alors et la surexploitation imposée par l'économie de guerre. De telle sorte que, débordant le 23 février,le mouvement qui criait : "Du pain !" prend vite les jours suivants les allures d'une insurrection, involontairement favorisée par la férocité de la répression tsariste. Le 26, la force de la dynamique prolétarienne provoque le ralliement des soldats ; le 27, le régime tsariste[1]a vécu et s'installe alors le gouvernement démocratique bourgeois (dit"provisoire") tandis que le prolétariat, dans les usines et autres lieux de travail, s'organise en conseils autonomes et envoie des délégués au Soviet central de la ville.
Mais comme le nouveau pouvoir, dans les mois qui succèdent, poursuit la participation à la guerre, au lieu d'apporter des solutions au problème endémique de la famine, et renforce l'économie d'armement -ce qui oblige les ouvriers à travailler bien au-delà dehuit heures par jour- il suscite chez ces derniers des réactions de plus en plus combatives et conscientes, notamment à partir du mois d'avril 1917 où le parti bolchevik a mis en avant comme mot d'ordre : "La paix et le pain !" et "Tout le pouvoir aux Soviets !" La classe ouvrière s'est radicalisée de plus en plus parce que le gouvernement provisoire s'impliquait dans la guerre impérialiste de façon encore plus déterminée que le Tsar. Après de nouvelles journées insurrectionnelles en juillet, où le prolétariat a été obligé de reculer (car les conditions n'étaient pas encore mûres pour renverser le gouvernement Kerenski), le général tsariste Kornilov a tenté de faire un coup d'État contre le Gouvernement provisoire. Cette offensive a été mise en échec en particulier grâce à la mobilisation massive des ouvriers de Petrograd, ce qui a donné un nouvel élan à toute la classe ouvrière et a accru l'audience des bolcheviks et de leurs mots d'ordre. A partir du 22 octobre 1917, se tiennent des meetings qui rassemblent des foules considérables desquelles, de manière très révélatrice, montent les slogans : "A bas le gouvernement provisoire ! A bas la guerre ! Tout le pouvoir aux Soviets !". Le 25, les masses prolétariennes, avec à leur tête les marins de la "Flotte Rouge" de la garnison de Kronstadt, prennent d'assaut le palais d'Hiver, à Petrograd, et chassent le gouvernement de Kerenski.
C'est la révolution D'octobre. Le Congrès des Soviets de toutes les Russies qui se tenait au même moment et où le parti bolchevik était majoritaire, annonce, dans une Résolution, la prise du pouvoir par la classe ouvrière : "S'appuyant sur la volonté de l'immense majorité des ouvriers, des soldats et des paysans, s'appuyant sur l'insurrection victorieuse des ouvriers et de la garnison qui s'est accomplie à Petrograd, le Congrès prend en main le pouvoir. Le pouvoir des soviets proposera une paix immédiate et démocratique à tous les peuples et un armistice immédiat sur tous les fronts." (Cité par Lénine,"Oeuvres",tome 26, p. 253.) Le 26, en effet, à sa deuxième séance, le Congrès promulgue un "décret sur la paix" et arrête dans le même temps des mesures d'urgence pour soulager la misère subie par la population russe.
Les évènements révolutionnaires de Russie eurent bien entendu un retentissement énorme dans le prolétariat de tous les pays d'Europe et du monde entier, mais d'abord parmi les ouvriers des pays impliqués directement dans le carnage inter-impérialiste. Ils catalysèrent partout des manifestations contre la guerre et engendrèrent de vibrantes protestations de sympathie en faveur de l'Octobre rouge, provoquant en outre, sur le front, des mouvements de fraternisation entre soldats des armées ennemies.
C'est cependant en Allemagne, pays où se trouve le prolétariat le plus nombreux, concentré et politiquement éduqué, que les répercussions décisives se produisirent. Dans ce pays, la dynamique révolutionnaire, après un temps de mûrissement durant l'année 1917, se développe tout au long de 1918 pour atteindre son point culminant au début du mois de novembre, le 4 exactement. Ce jour-là, les marins se mutinent à Kiel entraînant derrière eux une bonne partie des soldats (des prolétaires en uniformes) et des prolétaires en civil, en particulier à Berlin et en Bavière. Les prolétaires en Allemagne répondaient ainsi de toute évidence aux appels que leurs frères de classe en Russie leur adressaient depuis octobre1917 afin qu'ils prennent le relais et la direction de la révolution mondiale. Leur soulèvement a entraîné la rébellion des troupes demeurées jusque-là loyales au gouvernement du Kaiser Guillaume II. En quelques jours, le pays se couvre de "Conseils ouvriers" sur le modèle des Soviets russes. La bourgeoisie comprend la nécessité de se débarrasser du Kaiser qui abdique le 9 novembre et est remplacé par la République (appelée par la suite République de Weimar, du nom de la ville où s'était réuni le Parlement). Elle confie le pouvoir à un gouvernement dirigé par les socialistes Ebert et Scheidemann (qui s'étaient ralliés à l'Union Sacrée en votant les crédits de guerre en 1914) qui signe immédiatement l'armistice avec la France.
Comme nous l'écrivions dans un article de "RI" n°173 (novembre 1988) consacré à la célébration de ces faits, "Avec leur mouvement insurrectionnel, les ouvriers en Allemagne avaient mis en mouvement la plus grande lutte de masse de leur histoire. Toutes les trêves sociales, que les syndicats avaient signées durant la guerre, et la politique de paix entre les classes volèrent en éclats sous les coups de la lutte de classe. Avec ce soulèvement, les ouvriers se remettaient de la défaite d'août 1914 et relevaient la tête. Le mythe d'une classe ouvrière allemande (ou autre)paralysée par le réformisme était en train de s'effondrer. (...) Dans le sillage du prolétariat de Russie, avec le soulèvement ouvrier et un début de formation de conseils en Hongrie et Autriche l'année suivante (1919), les ouvriers allemands se portaient à la tête de la première grande vague révolutionnaire internationale de luttes nées de la guerre."
Et c'est donc pour ne pas risquer d'être balayée, comme en Russie, que la bourgeoisie d'Allemagne,certainement encouragée en cela par ses consoeurs et adversaires de guerre, s'est empressée de mettre fin au conflit impérialiste commencé quatre ans plutôt.
C'est bien pour enrayer le développement de la révolution prolétarienne mondiale que toutes les bourgeoisies se sont entendues à conclure très vite entre elles le cessez-le-feu, quelques jours seulement après la mutinerie des marins de Kiel,contre les autorités militaires allemandes.
Par la suite, le mouvement révolutionnaire fut sauvagement écrasé en Allemagne (notamment lors de la"semaine sanglante" de janvier 1919 à Berlin et l'assassinat par les Corps Francs, à la solde du SPD, des révolutionnaires spartakistes dont Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg)[2]. Cette défaite du prolétariat en Allemagne devait plus tard entraîner la mort dela révolution en Russie. Il n'en reste pas moins vrai que, dans ces deux pays,la classe ouvrière mondiale avait fait la preuve qu'elle constitue la seule force de la société capable, en luttant sur son propre terrain de classe, de faire cesser la furie guerrière du capitalisme[3].
RI
[1] Malgré la persistance d'un régime politique de caractère féodal, le capitalisme s'était déjà développé en Russie avec des concentrations industrielles importantes : par exemple avec 40 000 ouvriers, l'usine métallurgique Poutilov de Petrograd était la plus grande usine du monde.
[2] Voir notamment dans la série consacrée à la Révolution allemande, les deux articles parus dans les n°82 et 83 de notre Revue Internationale qui retracent en détails les évènements qui vont de l'armistice à l'assassinat de Rosa Luxemburg et de Karl Liebknecht et qui permettent de mieux comprendre ce qui s'est passé en Allemagne au cours de cette période.
[3] Le lecteur pourra également se reporter utilement à l'article plus détaillé sur le même thème : "1918-1919 : la révolution prolétarienne met fin à la guerre impérialiste" paru dans la Revue Internationale n°96.
L’organisation du prolétariat en dehors des périodes de luttes ouvertes
Nous publions ci-dessous de larges extraits d'un Texte d'Orientation qui a été présenté en janvier 1980 au Congrès de la section du CCI en Belgique et qui a été discuté au sein de notre organisation. Ce texte a été publié une première fois dans la Revue Internationale n°21[1]. Bien que ce fut un texte interne, comme on peut le voir à son style, il permet d'apporter une contribution à la réflexion qui se fait jour aujourd'hui parmi les ouvriers les plus combatifs : comment lutter ?
Voilà certaines questions auxquelles la maturation actuelle de la lutte de classe impose de répondre.
Face à cette question, face aux problèmes que posent les comités de lutte, cercles de discussion, groupes prolétariens, regroupant de petites minorités d'ouvriers, nous n'avons aucune recette à fournir. Entre les leçons morales ("organisez vous comme ceci ou cela", "dissolvez-vous", rejoignez-nous") et les flatteries démagogiques, nous n'avons pas à choisir. Notre souci est bien plutôt celui-ci : comprendre ces expressions minoritaires du prolétariat comme une partie d'un tout, les insérer dans le mouvement général de la lutte de classe ; de cette manière nous pourrons comprendre à quelles nécessités générales ces organes répondent. De cette manière nous pourrons également, en ne restant ni dans le flou politique ni emprisonnés dans des schémas rigides, cerner les aspects positifs de ces démarches et souligner les dangers qui les guettent.
Notre première préoccupation dans l'appréhension de ce problème doit être de rappeler le contexte historique général dans lequel nous nous trouvons. Nous devons nous remettre en mémoire la nature de cette période historique (l'ère des révolutions sociales) et les caractéristiques de la lutte de classe depuis l'entrée du capitalisme dans sa période de décadence. Cette analyse est fondamentale car elle nous permet de comprendre le type d'organisation de classe qui peut exister dans une telle période.
Sans entrer dans les détails, rappelons simplement que le prolétariat au 19e siècle existe comme une force organisée de manière permanente. Le prolétariat s'unifie comme classe au travers d'une lutte économique et politique pour des réformes.
Le caractère progressiste du système capitaliste permettait au prolétariat, à cette époque, de faire pression sur la bourgeoisie pour obtenir des réformes durables et obtenir une réelle amélioration de ses conditions de vie. C'est pour cela que de larges masses d'ouvriers devaient s'organiser de façon permanente dans des syndicats et des partis qui, au sein du parlement bourgeois, pouvaient encore représenter les intérêts de la classe ouvrière en luttant pour des réformes politiques. Le capitalisme était encore à cette époque un système florissant en pleine expansion.
Dans la période de sénilité du capitalisme, ouverte avec le déchaînement de la guerre de 1914-18, les caractères et les formes d'organisation de la lutte prolétarienne changent. Une mobilisation quasi permanente du prolétariat pour la défense de ses intérêts économiques immédiats et politiques n'est plus possible ni durable. Les organes unitaires permanents de la classe ne peuvent plus désormais exister qu'au cours de la lutte elle-même. La fonction de ces organisations de masses ne se limite plus désormais à simplement "négocier" une amélioration des conditions de vie du prolétariat (car cette amélioration n'est plus possible à long terme et parce que la seule issue réaliste est celle de la révolution prolétarienne) mais à se préparer, à mesure que les luttes de développent, à la prise du pouvoir. Ces organes unitaires de masse destinés à la prise du pouvoir du prolétariat sont ceux qui ont surgi en Russie en 1905 et surtout en 1917 et en Allemagne en 1918. Ce sont les Conseils Ouvriers (ou "Soviets"). Ils ne peuvent surgir que dans une période révolutionnaire.
Ces organes possèdent un certain nombre de caractéristiques que nous devons mettre en évidence si nous voulons bien cerner tout le processus qui mène à l'auto-organisation du prolétariat.
Ainsi nous devons mettre en évidence que les Conseils sont une expression directe de la lutte de la classe ouvrière. Ils surgissent de manière spontanée (mais non mécanique) de sa lutte massive. C'est pourquoi ils sont intimement liés au développement et à la maturité de cette lutte, ils puisent en elle leur substance et leur vitalité. Ils ne constituent donc pas une simple "délégation" des pouvoirs, une parodie de Parlement, mais bien l'expression organisée de l'ensemble du prolétariat et de son pouvoir. Leur tâche n'est pas d'organiser une représentativité proportionnelle des groupes sociaux ou des partis politiques mais de permettre à la volonté du prolétariat de se réaliser pratiquement. C'est à travers eux que se prennent toutes les décisions. C'est pour cette raison que les ouvriers doivent constamment en garder le contrôle (révocabilité des délégués) par le biais des Assemblées Générales.
Seuls les Conseils Ouvriers sont capables de réaliser l'unité vivante entre la lutte immédiate et le but final des luttes. Par cette liaison entre la lutte pour des intérêts immédiats et la lutte pour le pouvoir politique et la construction de la société communiste mondiale, les Conseils posent la base objective et subjective de la révolution prolétarienne. Ils constituent le creuset par excellence de l'extension de la conscience de classe. La constitution du prolétariat en Conseils n'est pas une simple question de forme d'organisation mais bien le produit d'un développement de la lutte elle-même et de la conscience de classe. Le surgissement des Conseils n'est pas le fruit de recettes organisationnelles, de structures préfabriquées, d'organes intermédiaires.
L'extension et la centralisation de plus en plus consciente des luttes, au delà des entreprises et des frontières, ne peut être un fait artificiel et volontariste. Pour se convaincre de cette idée, il suffit de se rappeler l'expérience des AAU [2] et cette tentative artificielle de relier et de centraliser les "organisations d'usines" dans une période où la lutte refluait.
Les Conseils ne peuvent subsister que tant que subsiste une lutte permanente, ouverte, impliquant la participation d'un nombre toujours plus important de prolétaires dans le combat. Leur surgissement est essentiellement fonction d'un développement de la lutte elle-même et de la conscience de classe.
Mais nous ne nous trouvons pas encore dans une période de lutte permanente, dans un contexte révolutionnaire qui permettrait au prolétariat de s'organiser en Conseils Ouvriers. L'organisation du prolétariat en Conseils est tributaire de conditions objectives (degré d'approfondissement de la crise permanente de l'économie capitaliste, cours historique) et subjectives (maturité de la lutte et de la conscience au sein de larges masses du prolétariat). Elle est le résultat de tout un apprentissage, de toute une maturation tant organisationnelle que politique.
Nous devons être conscients que cette maturation, cette fermentation politique ne se déroule pas suivant une ligne bien dessinée et bien droite. Elle s'exprime bien plutôt à travers un processus bouillonnant et confus, à travers un mouvement heurté et saccadé. Elle exige en outre une participation active de minorités révolutionnaires. Incapable d'agir mécaniquement selon des principes abstraits, selon des plans préconçus, selon un volontarisme détaché de la réalité, le prolétariat mûrit son unité et sa conscience au cours d'un apprentissage heurté fait d'avancées, de reculs et de défaites. Incapable de regrouper toutes ses forces à un jour "J" (le mythe du "grand soir" cher au syndicalisme révolutionnaire), il concentre ses rangs au cours de la bataille elle-même, son "armée", il la forme dans le conflit lui-même. Mais au cours de la lutte, il forme dans ses rangs des éléments plus combatifs, des avant-gardes plus décidées. Celles-ci ne se regroupent pas forcément au sein d'une organisation de révolutionnaires (car celle-ci dans certaines périodes est peu connue). L'apparition de ces minorités combatives au sein du prolétariat, que ce soit avant, après ou pendant les luttes ouvertes, n'est pas un phénomène incompréhensible ou nouveau. Elle exprime bien ce caractère irrégulier de la lutte, ce développement inégal et hétérogène de la conscience de classe. Ainsi, depuis la fin des années 1960, nous assistons à la fois à un développement de la lutte de classe dans le sens d'une plus grande auto-organisation, à un renforcement des minorités révolutionnaires, à l'apparition de comités, cercles et groupes prolétariens etc. où tente de se regrouper une avant-garde ouvrière. Le développement d'un pôle politique cohérent, la tendance du prolétariat à s'organiser en dehors des syndicats, procèdent d'une même maturation de la lutte et de la conscience de classe.
L'apparition de ces comités, cercles, groupes prolétariens (incluant des travailleurs salariés, étudiant ou au chômage, de toutes les générations et de toutes les catégories professionnelles), répond donc bien à une nécessité de la lutte de classe elle-même. Si des éléments combatifs sentent la nécessité de rester groupés après qu'ils aient lutté ensemble, c'est à la fois dans le but de continuer à "agir ensemble" (éventuellement préparer une nouvelle grève) et à la fois dans le but de tirer des leçons de la lutte passée (à travers un débat politique, collectif, démocratique et bien organisé). Le problème qui se pose à ces prolétaires est autant celui de leur regroupement en vue d'une action future (qui ne peut pas être conçue comme l'action d'une "petite minorité" isolée) que celui de leur regroupement en vue d'éclaircir les questions posées par la lutte passée et à venir. Cette attitude est compréhensible dans la mesure où l'absence de luttes permanentes, la "faillite" des syndicats et la faiblesse numérique des véritables organisations révolutionnaires (communistes internationalistes) créent une sorte de "vide" tant organisationnel que politique. La classe ouvrière lorsqu'elle reprend le chemin de son combat historique a toujours eu horreur du vide. Elle cherche donc toujours à répondre à un besoin posé par ce "vide" organisationnel et politique. Ces comités, cercles et groupes prolétariens, ces minorités d'avant-garde de la classe ouvrière qui ne comprennent pas encore clairement leur fonction ont toujours répondu à ce besoin. Ils sont à la fois une expression de la faiblesse générale de la lutte de classe actuelle et l'expression d'une maturation de l'organisation et de la conscience de classe. Ils cristallisent tout un travail souterrain qui s'opère au sein du prolétariat. Sans ces minorités plus conscientes, organisées et disciplinées du prolétariat, la révolte générale, inévitable, contre l'oppression, la misère et la barbarie capitalistes ne peut qu'exploser sous formes d'émeutes de plus en plus destructrices, dans un déchaînement de violence aveugle et de plus en plus incontrôlables.
C'est pour cette raison que nous devons faire attention à ne pas enfermer ces organes dans des tiroirs hermétiques, dans des classifications rigides. Nous ne pouvons pas prévoir l'apparition et le développement de ceux-ci de manière tout à fait précise. De plus, nous devons être attentifs à ne pas séparer artificiellement différents moments dans la vie de ces comités et ne pas poser un faux dilemme dans le style : "l'action ou la discussion."
Ceci dit, cela ne doit pas nous empêcher d'avoir une intervention par rapport à ces organes. Nous devons également être capables d'apprécier l'évolution de ces organes en fonction de la période, suivant que nous nous trouvons dans une période de reprise des luttes ou de reflux. En effet, dans la mesure où ils sont un produit immédiat et spontané des luttes, qu'ils surgissent plus sur la base de problèmes conjoncturels (à la différence de l'organisation des révolutionnaires qui surgit sur la base des nécessités historiques du prolétariat), ces organes restent très fortement dépendants du milieu ambiant de la lutte de classe. Ils restent plus fortement prisonniers des faiblesses générales du mouvement et ont tendance à suivre les hauts et les bas de la lutte.
C'est ainsi que nous devons opérer une distinction dans le développement de ces comités, cercles, groupes prolétariens etc. au moment du reflux de la lutte entre 1973 et 77, et dans la période actuelle de reprise internationale des luttes.
Tout en soulignant les dangers qui restent identiques pour ces deux périodes, nous devons être capables de cerner les différences d'évolution.
C'est ainsi qu'avec la fin de la première vague de luttes à la fin des années 1960, nous avons pu assister à l'apparition de toute une série de confusions au sein de la classe ouvrière. Ces confusions nous pouvons les mesurer surtout en fonction de l'attitude des quelques éléments combatifs de la classe qui tentent de rester groupés.
Nous avons vu ainsi se développer :
C'est également au cours de cette période que se développe l'idéologie de "l'autonomie ouvrière" avec tout ce qu'elle comporte comme apologie de l'immédiatisme, de l'usinisme et de l'économisme.
Toutes ces faiblesses sont essentiellement dues aux faiblesses de la première vague de luttes de la fin des années 1960. C'est ainsi que ces mouvements se caractérisent par une disproportion entre la force et l'extension des grèves et une faiblesse dans le contenu des revendications. Ce qui marque surtout cette disproportion c'est une absence de perspectives politiques claires dans le mouvement. Le repli ouvrier de 1973-77 est le produit de cette faiblesse utilisée par la bourgeoisie pour opérer un travail de démobilisation et d'encadrement idéologique des luttes. Chacun des points faibles de la première vague de grèves qui a surgi en 1968 est "récupéré" par la bourgeoisie à son profit :
Avec la reprise des luttes ouvrières depuis 1977, nous voyons se dessiner d'autres tendances. Le prolétariat a mûri par la "défaite", il a tiré même très confusément les leçons de ce reflux et même si les dangers restent toujours présents de "syndicalisme de combat", de corporatisme, etc., ils s'inscrivent dans une évolution générale différente.
C'est ainsi que depuis 1977 nous voyons se développer timidement :
Bien entendu, répétons-le, les dangers de corporatisme, de syndicalisme de combat, d'enfermement de la lutte sur un terrain strictement économique subsistent même au cours de cette période,
Mais ce dont nous devons tenir compte, c'est l'influence importante de la période sur l'évolution des comités, cercles, groupes prolétariens etc., surgissant avant ou après les luttes ouvertes. Lorsque la période est à la combativité et à la remontée des luttes, l'intervention de telles minorités ouvrières prend un autre sens et notre attitude également. C'est ainsi que dans une période de recul généralisé des luttes, nous insisterons plus sur les dangers pour de tels organes de se transformer en para-syndicats, de tomber dans les bras des gauchistes et des illusions du terrorisme, etc. Dans une période de remontée, nous insisterons plus sur les dangers du "volontarisme" et de "l'activisme" (voir les illusions exprimées à cet égard dans le manifeste du coordinamento de Sesto San Giovanni), sur les illusions que pourraient avoir ces ouvriers combatifs de former les embryons des comités de grève futurs, etc. Dans une période de reprise des luttes, nous serons également plus ouverts face à l'apparition de minorités combatives se regroupant en vue d'appeler à la lutte et à la formation de comités de grève, d'AG, etc.
Ce souci de replacer ces comités, cercles, groupes prolétariens, etc. dans le bain de la lutte de classe, de les comprendre en fonction de la période dans laquelle ils se meuvent, n'implique pas pourtant que nous changions nos analyses du tout au tout, suivant ces différentes étapes de la lutte de classe.
Quel que soit le moment où naissent ces comités, cercles et groupes prolétariens, nous savons qu'ils ne constituent qu'une étape d'un processus dynamique général, un moment dans la maturation de l'organisation et de la conscience de classe. Ils ne peuvent avoir un rôle positif que s'ils se donnent un cadre large et souple pour ne pas figer ce processus. C'est pourquoi ils doivent veiller à ne pas tomber dans les pièges suivants :
C'est pourquoi, quelle que soit la période dans laquelle nous nous trouvons, notre attitude envers ces comités, cercles, groupes prolétariens, si elle reste ouverte, vise cependant à favoriser la réflexion politique en leur sein. Nous devons essayer de faire en sorte que ces comités, cercles, groupes prolétariens ne se figent ni dans un sens (en structure qui s'imagine préfigurer les Conseils), ni dans l'autre. Ce qui doit nous guider avant tout, ce ne sont pas les intérêts et les préoccupations conjoncturelles de ces organes (car nous ne pouvons pas leur suggérer une recette organisationnelle et une réponse toute faite), mais les intérêts généraux de l'ensemble de la classe. Notre souci est de toujours homogénéiser et développer la conscience de classe de telle sorte que le développement de la lutte se fasse avec une participation toujours plus massive des ouvriers à celle-ci et une prise en main de la lutte par les ouvriers eux-mêmes et non par une minorité, quelle qu'elle soit. C'est pour cette raison que nous insistons tant sur la dynamique du mouvement et que nous mettons les éléments les plus combatifs du prolétariat en garde contre les tentatives de substitutionnisme ou contre tout ce qui risque de bloquer le développement ultérieur de la lutte et de la conscience du prolétariat. En orientant l'évolution de ces organes dans une direction (réflexion et discussions politiques), plutôt que dans une autre, nous répondons à ce souci de favoriser la dynamique du mouvement. Bien entendu, cela ne signifie pas que nous condamnions toute forme d'"intervention" ou d'action" ponctuelle de la part de ces organes. Il est évident que dès l'instant où un groupe d'ouvriers combatifs comprend que sa tâche n'est pas d'agir en vue de se constituer en para-syndicats mais plutôt en vue de tirer des leçons politiques des luttes passées et se préparer à celles de demain, cela n'implique pas le fait que cette réflexion politique se fasse dans le vide éthéré, dans l'abstrait et sans aucune conséquence pratique. La clarification politique menée par ces ouvriers combatifs va également les pousser à agir ensemble à l'intérieur de leur entreprise (et même au delà de l'entreprise). Ils vont ressentir la nécessité de donner une expression politique matérielle à leur réflexion politique (tracts, journaux, etc.), ils vont ressentir la nécessité de prendre position par rapport à des faits concrets qui touchent la classe ouvrière. En vue de diffuser cette prise de position et de la défendre, ils vont donc avoir une intervention concrète. Dans certaines circonstances ils vont proposer des moyens d'action concrets (formation d'AG, de comités de grève...) en vue de riposter ou de lutter. Au cours de la lutte elle-même, ils ressentent la nécessité de se concerter pour développer une certaine orientation de la lutte, pour appuyer des revendications permettant d'élargir la lutte, pour insister sur l'élargissement de celle-ci, etc.
Mais, par rapport à cela, même si nous devons veiller à ne pas plaquer des schémas rigides, il est clair que nous continuons à insister sur le fait que ce qui compte avant tout, c'est la participation active de tous les ouvriers à la lutte, et qu'en aucun cas ces éléments combatifs ne doivent se substituer à cette participation et mener l'organisation et la coordination de la grève à la place de leurs camarades. De plus, il est également clair que plus les idées des organisations révolutionnaires gagneront les prolétaires au sein des luttes, plus ces éléments les plus combatifs et clairvoyants se tourneront vers elles. Ceci, non pas parce que les organisations communistes auront mené une politique de "recrutement" forcé envers ces éléments (comme le font les staliniens, les trotskistes et autres gauchistes), mais tout simplement parce que ces éléments prendront conscience qu'une intervention politique réellement active et efficace ne peut se faire que dans le cadre d'une telle organisation internationale.
Tout ce qui brille n'est pas or. Mettre en évidence que la classe ouvrière fait surgir dans sa lutte des minorités plus combatives ne signifie pas affirmer que l'impact de ces minorités est décisif pour le déroulement ultérieur de la conscience de classe. Nous ne devons pas faire une identification absolue entre expression d'une maturation de la conscience et facteur actif dans le développement de celle-ci.
En réalité, l'influence que peuvent avoir ces comités, cercles, groupes ouvriers, etc. dans le déroulement ultérieur de la lutte est très limitée. Elle est entièrement fonction de la combativité générale du prolétariat et de la capacité de ces comités ou cercles à poursuivre sans cesse un travail de clarification politique. Or, à long terme, ce travail ne peut se poursuivre que dans le cadre d'une organisation révolutionnaire.
Mais là encore aucun mécanisme n'est déterminé à l'avance. Ce n'est pas d'une manière artificielle que les organisations révolutionnaires pourront agréger ces éléments. Contrairement à des organisations comme Battaglia Comunista, le CCI ne cherche pas à combler d'une manière artificielle et volontariste un "fossé" qui existerait entre le parti et la classe. Notre compréhension de la classe ouvrière comme force historique et de notre rôle nous empêche de vouloir figer ces comités, cercles ou groupes prolétariens dans des structures intermédiaires ou de chercher à créer des "groupes d'usine", courroies de transmission entre la classe et le parti.
Se pose alors la question de savoir quelle est notre attitude par rapport à de tels comités, cercles etc. Tout en leur reconnaissant une influence limitée, des faiblesses, nous restons ouverts et attentifs au surgissement de tels organes. Nous leur proposons avant tout une très grande ouverture dans la discussion et nous n'adoptons en aucun cas une attitude de mépris, de condamnation sous prétexte de "l'impureté" politique de ces organes. Ceci est une chose. Une autre chose serait de flatter ces organes ou même de concentrer notre énergie uniquement sur eux. Nous n'avons pas à faire une "obsession" des "groupes ouvriers", comme nous n'avons pas à les ignorer. Tout en reconnaissant le processus de maturation de la lutte et de la conscience de classe et ses tentatives à se "hisser" vers le terrain politique, tout en ayant conscience que le prolétariat dans ce processus fait surgir en son sein des minorités plus combatives qui ne se regroupent pas nécessairement en organisation politique, nous devons faire attention à ne pas identifier ce processus de maturation avec celui qui caractérisait le développement de la lutte de classe au 19e siècle. Cette compréhension est très importante car elle nous permet d'apprécier en quoi ces comités, cercles, etc. sont véritablement des expressions de la maturation de la conscience de classe, mais des expressions avant tout temporaires et éphémères et non pas des jalons fixes et structurés, des échelons organisationnels dans le développement de la lutte de classe. Car la lutte de classe dans la période de décadence du capitalisme se développe par explosions, par surgissements brusques qui surprennent même les éléments les plus combatifs d'une lutte précédente et peuvent les dépasser tout à fait en conscience et en maturité. Le prolétariat ne peut s'organiser réellement au niveau unitaire qu'au sein de la lutte elle-même et au fur et à mesure que la lutte devient permanente, il grossit et renforce ses organisations unitaires.
C'est cette compréhension qui nous permet de mieux cerner en quoi, même si dans certaines circonstances il peut être très positif de mener une discussion suivie et systématique avec ces cercles et de participer à leurs réunions, nous n'avons pas de politique spécifique, de "tactique" spéciale à l'égard de ces comités ouvriers. Nous reconnaissons la possibilité et une plus grande facilité de discuter avec ces éléments combatifs (particulièrement quand la lutte n'est pas encore ouverte) ; nous avons conscience que certains de ces éléments peuvent nous rejoindre, mais nous ne focalisons pas toute notre attention sur eux. Car ce qui reste avant tout essentiel pour nous, c'est la dynamique générale de la lutte du prolétariat au sein de la laquelle nous n'opérons aucune classification rigide, aucune hiérarchisation. Nous nous adressons avant tout à la classe ouvrière dans son ensemble. Contrairement aux autres groupes politiques qui essaient de combler l'absence d'influence de minorités révolutionnaires par des procédés artificiels en s'illusionnant sur ces "groupes ouvriers", le CCI reconnaît son peu d'impact dans la période présente. Nous ne cherchons pas à développer, pour augmenter cette influence, une confiance artificielle des ouvriers à notre égard. Nous ne sommes pas ouvriéristes, comme nous ne sommes pas des mégalomanes. L'influence que nous développerons progressivement au sein des luttes, viendra essentiellement de notre PRATIQUE POLITIQUE en leur sein, et non d'un quelconque rôle de "porteurs d'eau" ou d'une politique de flagorneries. De plus, cette intervention politique, nous l'adressons à la classe ouvrière dans son ensemble, au prolétariat pris comme un tout et comme une classe internationale. Nous existons non pas pour nous satisfaire de la "confiance" que nous accorderaient deux, trois ouvriers aux mains calleuses, mais pour homogénéiser et accélérer l'épanouissement de la conscience de classe. Et nous devons être conscients que ce n'est qu'au cours du processus révolutionnaire lui-même que le prolétariat nous accordera sa "confiance" politique, dans la mesure où il reconnaîtra alors que le parti révolutionnaire fait réellement PARTIE de son combat historique.
[1] L'organisation du prolétariat en dehors des périodes de luttes ouvertes (groupes, noyaux, cercles. etc.) [1003]
[2] AAU, Allgemeine Arbeiter Union : Union Générale des Travailleurs. Les "unions" ont été des tentatives de créer des formes d'organisation permanentes regroupant l'ensemble des ouvriers en dehors des syndicats et contre eux, en Allemagne, dans les années qui suivirent l'écrasement de l'insurrection de Berlin en 1919. Elles exprimaient une nostalgie des Conseils Ouvriers, mais ne parvinrent jamais à en remplir leur fonction.
[3] Différents groupes d'ouvriers ayant existé en Belgique.
[4] Le groupe français PIC (Pour une Intervention Communiste) vécut pendant quelques mois convaincu et cherchant à convaincre tout le monde, qu'il participait au développement d'un réseau de "groupes ouvriers", qui constitueraient une puissante avant-garde du mouvement révolutionnaire. Il fondait et entretenait cette illusion sur la réalité squelettique de deux ou trois groupes constitués pour l'essentiel d'éléments "ex-gauchistes". Il ne reste plus grand chose de tout ce bluff.
[5] Il s'agit de rencontres organisées à cette époque regroupant des délégations de différents groupes, collectifs, comités ouvriers...
Le CCI a tenu sa première réunion publique à Lima, au Pérou, pendant le mois d'octobre 2007. C'est un événement important puisqu'il a donné l'opportunité à des sympathisants du projet révolutionnaire de mieux comprendre les idées de la Gauche communiste et de prendre contact avec notre organisation. Dans ce pays, les militants sincères de la cause de la classe exploitée ont supporté pendant des dizaines d'années le poids terrible du stalinisme, du maoïsme (essentiellement à travers le "Sentier Lumineux"), du trotskisme, etc. Dans cette région du monde souffrant de la répression brutale de l'État capitaliste et de l'isolement par rapport au reste du prolétariat mondial, il était de la première importance, pour la classe ouvrière, qu'apparaisse une minorité de militants politiques cherchant à clarifier leurs idées sur la révolution mondiale et le communisme.
Le CCI a participé à ce débat public, animé par le souci d'ouvrir un espace de discussion fraternelle dont le but est la clarification et non le "recrutement" systématique et sans principes. Nous voulons remercier publiquement nos sympathisants de la région pour leur soutien logistique, sans lequel nous n'aurions que très difficilement pu réaliser cet objectif, entamer un débat de fond sur le monde actuel, sur ce que nous offre le capitalisme et les perspectives qui en découlent pour l'humanité. Onze personnes ont assisté à cette réunion, abordant des sujets cruciaux concernant la future révolution. Nous voulons ici exposer les leçons de cette réunion prometteuse pour tous les camarades intéressés dans le monde entier. Le sujet annoncé publiquement sur des affiches collées sur les murs de Lima était : "Qu'est-ce que le socialisme et comment lutter pour le réaliser ?", mais l'enthousiasme des participants et leurs questionnements sincères ont permis que la réunion aborde bien d'autres sujets.
Au cours des discussions, se sont exprimées des positions de camarades qui avaient noué des liens avec le GCI [1] ou qui partagent plus ou moins encore certaines positions de ce groupe ; d'autres se revendiquaient de l'anarchisme ; d'autres enfin étaient des sympathisants très proches de notre organisation. Le fait le plus significatif fut néanmoins l'ambiance sincère, fraternelle et ouverte du débat.
Dans la mesure où tous les participants ont manifesté un accord tacite sur la nécessité de la révolution et la perspective de détruire le capitalisme, la discussion s'est engagée rapidement sur des questions plus "concrètes". Une des premières questions abordées a concerné la notion de "décadence du capitalisme", dans la mesure où les participants, peu ou prou influencés par le GCI, ont une certaine vision "a-historique" du processus qui conduit à la transformation de la société, incluant même l'idée de l'existence d'un prolétariat avant l'arrivée des Espagnols aux Amériques (un des participants l'a exprimé quasi textuellement en ces termes : "il n'y avait rien de progressiste dans le fait de massacrer des prolétaires au cours de la conquête des Amériques"). Cette position exprime bien sûr les confusions typiques que sème à profusion le GCI. Plutôt que de tenter de comprendre les processus historiques, le GCI diffuse la "radicale" (et combien creuse) méthode dite de "la violence réactionnaire contre la violence des opprimés", sans prendre en compte le contexte historique dans lequel ils se développent. Cela rend, bien sûr, incompréhensibles les raisons pour lesquelles la révolution mondiale était impossible au 19e siècle, et aussi pourquoi les luttes prolétariennes et les organisations politiques de la classe ouvrière avaient, à l'époque, un contenu et des formes différentes (syndicats, partis de masse, programme minimum, etc.). D'autres participants à la réunion publique ont insisté pour développer l'explication de la décadence du capitalisme, et cette question a donc aussi été abordée.
Le débat a aussi porté sur ce qu'est le prolétariat, sur sa nature et sa façon de lutter. Des participants ont défendu que les événements d'Argentine en 2001 étaient provoqués par un mouvement authentiquement prolétarien et qu'il fallait "les soutenir et les imiter", de même que "les soviets en Irak" (sic !). Le CCI a pu présenter son analyse [2], en donnant des éléments de réflexion qui furent sérieusement discutés par les participants. Nous avons mis en avant trois axes de discussion :
Il reste un long chemin de clarification à poursuivre pour comprendre toutes les questions liées à la lutte de classe du prolétariat.
Cette question a été également présente dans une partie de la discussion. La vision classique qu'un syndicat peut être "récupérable" par la classe ouvrière ne s'est pas fait attendre (notamment à travers la vision anarchiste défendue par la CNT), et la question de la possibilité d'un "syndicalisme révolutionnaire" fut ouvertement posée. Tout les participants étaient d'accord pour affirmer que si la CNT a trahi pendant les événements d'Espagne 1936, il existait cependant au moins un groupe, "les Amis de Durruti" qui s'était opposé à la militarisation du travail" [5]. Un des participants a avancé cet argument classique du GCI : "le syndicat n'a jamais été et ne sera jamais révolutionnaire". Cette affirmation contient une part de vérité, dans le sens où les syndicats n'ont pas surgi, effectivement, en tant qu'organes de la lutte révolutionnaire du prolétariat, mais comme organes de sa lutte immédiate lui permettant d'obtenir des réformes durables au sein du capitalisme et une réelle amélioration de ses conditions de vie. Mais cet argument a aussi la faiblesse de manquer de méthode et de ne pas concevoir les syndicats comme produits historiques. Il ne permet pas de comprendre que leur apparition, qui a coûté tant de souffrances au prolétariat, était conditionnée par une période historique où la révolution prolétarienne mondiale n'était pas encore possible, objectivement et subjectivement. Cet argument va de pair avec cette vieille rengaine du GCI qui affirme que la 2e Internationale n'avait rien de prolétarien ! Rappelons rapidement que la 2e Internationale avait eu le mérite d'adopter le marxisme comme méthode scientifique (matérialiste, historique, dialectique) pour développer la théorie révolutionnaire du prolétariat. C'est cette méthode qui a permis de faire la distinction entre les organisations unitaires du prolétariat (les syndicats) et ses partis politiques. C'est cette méthode qui a permis de mener un combat de fond contre la vision du monde de la franc-maçonnerie. C'est encore cette méthode qui a permis de développer les discussions sur les origines du christianisme et a fourni une multitude d'articles fondamentaux. Le fait que les partis de la 2e Internationale aient trahi en votant les crédits de guerre pendant la Première Guerre mondiale n'empêche pas de reconnaître que la 2e Internationale a été, avant 1914, un maillon de plus dans la chaîne des efforts du prolétariat pour se doter d'un parti mondial.
Suite à la discussion sur cette question, un participant a alors défendu les positions du CCI sur la question syndicale en montrant comment les syndicats sont un moyen sophistiqué de contrôle étatique et comment Fujimori lui-même a développé, en accord avec l'opposition, une campagne de "destruction des syndicats" destinée à détourner la combativité ouvrière sur le terrain de la lutte pour créer de nouveaux syndicats (et non pas pour la clarification de la conscience permettant de se battre plus efficacement contre les attaques du Capital).
Les syndicats ont constitué une arme du prolétariat à une époque historique où le capitalisme était capable non seulement de lui accorder des réformes durables mais également où la révolution n'était pas encore à l'ordre du jour (c'est pour cela que le "programme minimum" était, à l'époque, une réalité pour laquelle la classe ouvrière devait lutter). Les événements de 1905 et surtout ceux de 1917 en Russie ont montré comment le prolétariat en lutte apporte une réponse aux questions d'organisation quand la révolution devient d'actualité, pendant la période de décadence du capitalisme ; la révolution ne s'est pas réalisée autour des syndicats mais autour des Conseils Ouvriers, "la forme enfin trouvée de la dictature du prolétariat" (Lénine).
Depuis lors, le développement des luttes ouvrières a été constamment confronté à la nécessité de s'organiser en dehors et contre les syndicats. Nous savons qu'il n'est pas possible, pour le prolétariat, de créer des Conseils Ouvriers n'importe quand, que leur surgissement dépend des conditions de généralisation des luttes dans une situation prérévolutionnaire. Néanmoins, les luttes ouvrières ne peuvent attendre cette situation prérévolutionnaire pour s'auto-organiser. La question de la prise en mains et du contrôle, par la classe ouvrière elle-même, de son combat, à travers des Assemblées Générales massives lui permettant de prendre toutes les décisions (qui doivent être discutées collectivement et soumises au vote), se pose dès qu'éclate une grève dans une usine. La recherche de la solidarité avec les autres exploités est une question de vie ou de mort pour chaque grève (nous ne parlons pas des simulacres de solidarité orchestrés par les syndicats). Commencer à comprendre que l'isolement signe toujours l'arrêt de mort de toute grève est une leçon à approfondir parce qu'elle permet de préparer les luttes décisives contre le capitalisme. L'extension géographique, le plus rapidement possible, de toute grève est une nécessité vitale pour l'avenir de la lutte.
Les participants ont fait preuve d'un état d'esprit véritablement prolétarien, c'est-à-dire d'une capacité d'ouverture aux arguments des autres et d'une volonté de mener une réflexion collective. Ces deux aspects mettent en évidence l'effort difficile mais enthousiasmant des minorités à la recherche d'une perspective de classe dans cette région du monde. Ce qui les unit, c'est leur compréhension de la catastrophe à laquelle nous conduit le capitalisme. Nous sommes conscients des divergences qui subsistent encore et continuerons à combattre les aberrations politiques du GCI. Mais cela ne nous empêche pas, loin de là, de saluer cet état d'esprit des participants et nous les encourageons à continuer de développer le débat politique avec un esprit d'ouverture et d'écoute attentive, à intégrer de nouveaux arguments pour que le débat contradictoire permette de passer de la confusion à la clarification.
Dans l'atmosphère sociale dominée par l'idéologie bourgeoise et le gauchisme, le "débat" est conçu comme un rapport de forces, une "lutte à mort", à l'issue de laquelle l'un des protagonistes doit nécessairement éliminer et détruire ses adversaires, dans une vision guerrière où une "fraction" écrase les autres. Ce sont les mœurs quotidiennes des différentes fractions du Capital : les individus (ou groupes d'individus) sont soumis à la loi capitaliste de la concurrence par laquelle l'autre est toujours un ennemi, une concurrence où celui qui s'afficherait comme le plus "fort", ou le plus "musclé", serait le "vainqueur" (la concurrence sur le marché du travail de plus en plus saturé trouvant son équivalent dans les sentiments de "jalousie" infantile, la concurrence scolaire, intellectuelle, politique, etc.). Pour le marxisme, le débat et la confrontation fraternelle des idées et des arguments (qui font évoluer ces idées et permettent de dépasser les préjugés dus à la division de la société en classes) est le seul moyen de surmonter les entraves au développement de la conscience. Pour mener un débat véritablement prolétarien, les minorités les plus conscientes de la classe ouvrière doivent exclure l'humiliation et les insultes (même si la confrontation politique peut prendre dans certaines circonstances une forme polémique et passionnée, comme on le voit par exemple dans les débats parfois un peu "houleux" des Assemblées Générales massives de la classe ouvrière). Notre conception de la culture du débat suppose la volonté de convaincre et non d'imposer ses idées à n'importe quel prix et avec n'importe quels moyens. La culture du débat suppose aussi la capacité à écouter attentivement les arguments et à se laisser convaincre (être convaincu par les arguments des autres n'est pas une "capitulation" ou une "défaite", puisque dans le débat prolétarien il n'y a pas d'adversaire à abattre). La façon dont s'est tenue cette première réunion publique du CCI, nous permet d'affirmer qu'il est nécessaire d'ouvrir un espace de discussion dans cette partie du monde, un espace dans lequel les éléments de la classe ouvrière qui veulent débattre, se clarifier ou exposer leurs convictions pourront rencontrer un milieu politique qui permette l'élaboration collective des idées. Construire ce milieu politique vivant où le débat prolétarien sera au centre de la vie politique est une perspective qui, au Pérou, comme ailleurs dans le monde, constitue un préparatif indispensable à la future révolution mondiale.
Courant Communiste International
[1] "Groupe Communiste International" : il s'agit d'un groupe à la phraséologie "radicale" mais dont la pratique se rapproche de celle des groupes d'extrême-gauche du capital. Voir notre dénonciation de ce groupe dans la Revue Internationale no 124 : A quoi sert le Groupe Communiste Internationaliste ? [1004]
2 Sur les prétendus "soviets" en Irak et sur les événements en Argentine, voir notre article Révoltes populaires en Argentine : seule l'affirmation du prolétariat sur son terrain peut faire reculer la bourgeoisie [320] dans la Revue Internationale no 109.
[3] Classe la plus "aliénée" de la société (du fait que, dans l'économie capitaliste, les prolétaires sont totalement dépossédés et séparés des moyens matériels de production), la classe ouvrière détient aussi en son sein la force lui permettant de dépasser cette aliénation économique : sa conscience du futur. La bourgeoisie est, de par sa position de classe exploiteuse, elle aussi une classe aliénée. Mais elle est incapable de dépasser cette aliénation car cela supposerait qu'elle renonce à être la bourgeoisie.
4 Voir notre article "Effondrement du bloc de l'Est : des difficultés accrues pour le prolétariat [1005]", dans la Revue Internationale no 60, et "Un tournant dans la lutte de classe - Résolution sur l'évolution de la lutte de classe [823]", Revue internationale no 119.
[5] Voir notre série sur l'histoire de la CNT dans la Revue Internationale no 128 à 131. Voir aussi, en espagnol, notre livre Franco et la République massacrent les travailleurs [1006]. Au sujet des Amis de Durruti, lire dans la Revue Internationale no 102, "Les Amis de Durruti : leçons d'une rupture incomplète avec l'anarchisme [1007]"
Nous publions ci-dessous l'extrait d'un message qui nous a été envoyé par les camarades du groupe Internasyonalismo aux Philippines au sujet de mouvements de travailleurs qui ont eu lieu ces dernières années dans la zone industrielle de la MEPZA [1] Bien que seulement quelques centaines de travailleurs aient été concernés par les évènements décrits dans cet article, ces luttes constituent un microcosme des problèmes auxquels se heurtent non seulement les 40 000 ouvriers dans le MEZPA mais des millions de travailleurs à travers le monde, depuis les maquiladoras[2] (à la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis) jusqu'aux usines des zones économiques spéciales en Chine.
"La compagnie A est une compagnie manufacturière japonaise opérant à l'intérieur de la MEZPA. A l'heure actuelle, il y a plus de 1000 ouvriers dont la majorité sont des femmes.
En 2004, la compagnie, qui avait opéré sous un nom différent, informait ses ouvriers, via une première note individuelle, du fait que la compagnie était déjà passée aux mains d'un nouveau propriétaire et par conséquent, qu'elle allait changer de nom pour prendre celui de "compagnie A"
Les travailleurs étaient priés de remettre leur lettre de démission effective immédiatement ; on leur a dit que leur seraient payés leurs derniers salaires et primes. Mais la compagnie leur assurait également qu'ils seraient automatiquement réintégrés et continueraient dans les mêmes emplois mais en tant qu'ouvriers nouvellement embauchés dans la compagnie A (ce qui signifie que leur ancienneté recommencerait à zéro).
Un groupe de travailleurs a mis en cause cette procédure de la compagnie. D'une part, le groupe considérait que ce procédé n'étant rien de plus qu'un changement de nom de la société, il ne devait donc pas automatiquement priver les ouvriers de leur ancienneté et les faire repartir à zéro pour la simple raison que la compagnie, encore sous le même encadrement, n'était pas capable de fournir des preuves, écrites ou autres, d'un rachat ou d'un changement de propriétaire.
D'autre part, le groupe a argumenté que même s'il y avait réellement eu un rachat et que la compagnie A était effectivement une nouvelle compagnie, le Code du Travail de l'État philippin exige expressément de l'ancienne société qu'elle paye l'ancienneté des travailleurs concernés (ce qui équivaut à un mois de salaire par année d'ancienneté) lorsqu'ils sont licenciés de leur emploi et avant leur transfert ou leur intégration par la nouvelle société.
Quelques travailleurs étaient en contact avec le Partido ng Manggawana (Parti du Travail) qui leur a conseillé de s'organiser en syndicat dans l'entreprise en vue d'engager des négociations avec la direction sur les bases du code du travail philippin.
Lorsqu'une réunion d'employés fut convoquée par la compagnie, les membres du groupe ont argumenté ouvertement contre le procédé d' "intégration automatique après rachat", ce qui poussa la direction de la société, après la dite réunion, à convoquer individuellement chaque membre du groupe qui s'était exprimé en faveur d'une réunion portes fermées ; chacun était interrogé séparément pour savoir s'il avait formé une organisation ou un syndicat, ce qui a été formellement démenti par les membres de celui-ci. Pressentant l'opposition possible, la société voulut boucler rapidement la procédure de rachat et y parvint.
Généralement les travailleurs réagissaient contre la procédure introduite par la compagnie mais, à cause de la réintégration automatique, ils hésitaient à entrer en lutte puisque, après tout, cela ne signifiait pas encore la perte de leur emploi. De plus, les ouvriers de la MEPZA ont, dans l'ensemble, une vision négative des syndicats et du syndicalisme en général non seulement parce que les tentatives du passé par les fédérations de travail pour s'organiser en syndicats à l'intérieur de la MEPZA ont échoué, mais aussi parce que le syndicalisme en général était inutile dans la défense des emplois, spécialement en ce moment, avec les procédés de contractualisation introduits par les capitalistes dans le but de survivre à la crise.
Quelques travailleurs du groupe original démissionnèrent de la compagnie pendant que d'autres restent dans leur emploi jusqu'à ce jour.
Au début de l'année 2007, des rumeurs au sujet de la compagnie A qui changerait de nom une nouvelle fois, circulaient parmi ses travailleurs. Les membres restants du groupe décrivaient un sentiment général d'hostilité contre ce projet parmi leurs collègues et une volonté de faire grève.
La direction de la compagnie A démentit le fait qu'il y ait un projet de changement de nom et clama que cela n'était qu'une rumeur créée par les médias. Avec ce démenti, la combativité des ouvriers retomba pour le moment.
La Compagnie B est une corporation familiale appartenant à des capitalistes basés à Cebu engagés dans la production alimentaire pour le marché de Visaya et Mindanao. La main d'œuvre est actuellement composée de plus ou moins 80 ouvriers réguliers et d'un peu plus de 200 travailleurs contractuels.
En 2004, la société a réduit le temps de travail pour les travailleurs réguliers notamment dans l'atelier de conditionnement (soit environ 60 d'entre eux) de six jours à trois jours par semaine. La raison invoquée par la société était que le volume de leurs importations de bœuf d'Australie était réduit par l'État philippin parce que la compagnie ne respectait pas les normes industrielles établies par l'État. La société assura aux travailleurs affectés que ce procédé était temporaire, puisqu'elle mettait tout en œuvre pour surmonter les anomalies afin de pouvoir retrouver leur volume normal d'importation de bœuf.
Cela s'avéra faux pour les travailleurs touchés. C'était déjà difficile pour eux de vivre avec leurs six jours de salaire, alors avec trois jours ! Pour compenser les trois jours pendant lesquels ils ne travaillaient pas, la société proposa de les assigner en plus à la construction de nouveaux bâtiments dans l'usine. Après trois jours de travail dans l'atelier de conditionnement à air conditionné, ils passaient les trois jours restants à travailler dehors sous un soleil brûlant. Et pire encore : malgré le fait qu'après leurs trois jours à l'intérieur, il restait encore de la matière première (le bœuf), ils furent néanmoins obligés de travailler dehors alors que les travailleurs contractuels récupéraient les trois jours restants. Et cet arrangement prétendument temporaire dura plus d'un an.
Se rendant compte qu'un retour aux six jours de travail dans l'atelier de conditionnement était impossible en raison de l'embauche de travailleurs contractuels, huit des travailleurs touchés décidaient, cette même année, de porter l'affaire devant le NLRC[3] mais après un long processus juridique et une année d'attente, ils ont été informés, non pas par le NLRC mais par l'entreprise, que l'affaire avait été classée.
En 2005, les travailleurs réguliers qui avaient porté l'affaire devant le NLRC décidaient de former un syndicat.
Après avoir franchi la procédure légale pour s'organiser, la minorité des travailleurs de l'atelier de conditionnement, qui avait formé un syndicat, a réussi à convaincre les autres travailleurs réguliers de se joindre à eux et a récolté une majorité des voix parmi les travailleurs réguliers de l'entreprise lors de l'Election de Certification du syndicat.
Le syndicat par la suite entama une série de négociations avec la compagnie pour un accord sur les salaires et les allocations qu'elle leur devait pour la dernière année et, finalement, ils conclurent un Accord de Négociation Collective ("Collective Bargaining Agreement", CBA) avec l'entreprise en mai dernier.
Une fois le CBA mis en place, la compagnie révisa son règlement ("Company Rules and Regulations", CRR) avec une série de pénalités strictes envers les travailleurs qui commettaient des violations au règlement et simplifia la procédure de licenciement.
A la première vague de l'application du CRR, quelques membres et responsables syndicaux élus ont été suspendus et un délégué a même été renvoyé. Quand les responsables se sont plaints, il leur a été dit par la compagnie, qu'ils devaient suivre la procédure prévue par leur CBA. A contrecoeur les responsables syndicaux ont soumis leurs plaintes à l'interminable processus de doléances pendant que les travailleurs affectés, et spécialement le responsable renvoyé, devaient mendier n'importe quel emploi afin de se nourrir eux-mêmes et leur familles."
Les travailleurs qui avaient rejoint le syndicat ressentaient avec beaucoup de scepticisme que cela ne mènerait à rien et surtout pas à la réintégration de l'ouvrier renvoyé. Sentant que s'ils ne faisaient rien à part attendre docilement la procédure légale promise, ils encourageraient tout au plus des licenciements supplémentaires et davantage de répression, ils commencèrent donc à mettre la pression sur le syndicat pour que celui-ci lance une grève. Le syndicat, cependant, hésitait à agir : "premièrement, le syndicat était lié par le CBA et par le code du travail de l'État philippin et, selon ce dernier, le problème des responsable limogés n'était pas une raison suffisante pour justifier une grève qui serait donc illégale.
Deuxièmement, même si le syndicat décidait d'outrepasser le CBA et la législation pour lancer la grève, il faudrait encore que les travailleurs soient assez nombreux pour que ce soit efficace. Les membres réguliers étaient au nombre de 40 et le fait même d'être syndiqués les isolait des ouvriers non syndiqués. Des ouvriers réguliers non syndiqués (environ 40 d'entre eux) disaient que le problème était uniquement l'affaire des travailleurs syndiqués alors que les travailleurs contractuels maintenaient que cela concernait uniquement les ouvriers réguliers et syndiqués. Ces sentiments de division ont été maintenus et renforcés par la société dans la formulation et l'application de sa politique envers les ouvriers."
Tout d'abord, nous devons dire que l'instinct de classe des ouvriers les plus combatifs était absolument correct. Contre l'intimidation et la victimisation de travailleurs (spécialement ceux considérés comme des meneurs et des fauteurs de troubles) par les patrons, la classe ouvrière n'a qu'un seul moyen de se protéger contre la répression : développer une réaction collective de solidarité. Cette réaction collective n'est pas arrivée de manière spontanée : il s'agit d'un effort conscient, une réelle expression de la conscience de classe. Cela a été compris par les ouvriers de la compagnie A qui ont organisé des discussions sérieuses avec leurs collègues avant la confrontation aux dirigeants.
Pourquoi la formation d'un syndicat a-t-elle abouti à un échec ?
Une chose ressort clairement de ce compte-rendu : peu importe l'honnêteté et la combativité des militants pris individuellement (comme le travailleur licencié de la compagnie B), c'est la raison d'être même des syndicats qui les rend non seulement inutiles mais franchement dommageables pour les intérêts des travailleurs. L'orientation du syndicat, comme nous pouvons le voir dans ce compte-rendu, correspond à mener des négociations au sein de la structure légale prévue par les États capitalistes en se fiant aux lois du travail de ces mêmes États. En d'autres termes, les travailleurs sont supposés faire confiance aux protections légales offertes par l'État des patrons... contre les patrons. Cela revient à se battre les mains liées, puisque, quand ils ne trouvent pas les lois avantageuses, les patrons les réécrivent tout simplement - que ce soit à petite échelle comme dans l'usine de la compagnie B où le nouveau règlement a immédiatement réduit à néant les quelques avantages que les travailleurs croyaient avoir gagné avec le CBA ; ou à grande échelle en changeant la législation comme le gouvernement Thatcher l'a fait en Grande-Bretagne en rendant illégales les grèves de solidarité.
Comme le soulignent les camarades d'Internasyonalismo, non seulement les tactiques légales des syndicats se sont avérées inutiles pour défendre les conditions de vie des travailleurs, mais les syndicats eux-mêmes étaient plus qu'inutiles ; loin d'unir les travailleurs, ils ont introduit de nouvelles divisions parmi eux. Derrière cette division se trouve une méfiance de longue date parmi les travailleurs philippins, une méfiance qui va en grandissant du fait que les syndicats (généralement liés aux partis politiques de gauche) utilisent leurs membres comme de la "chair à canon" dans leur combat pour leur propre influence dans le système politique bourgeois. Cette situation date d'au moins la fin de la Seconde Guerre mondiale, quand les syndicats rivaux se sont formés afin d'embrigader les ouvriers dans le soutien de tel ou tel camp impérialiste (pro-chinois, pro-URSS ou pro-USA).
Comment faire face à cette situation ? Comment les travailleurs peuvent-ils construire leur force collective afin de se défendre contre la classe capitaliste ?
Nous devons être clairs qu'il n'existe pas une "tactique de la Gauche communiste" qui marche, contre une "tactique syndicale" qui ne marche pas. La question n'est pas une question de tactique mais de politique. La politique syndicale implique l'enfermement des travailleurs dans le cadre légal de l'État bourgeois, la politique communiste signifie encourager tous les moyens qui peuvent développer la confiance des travailleurs en eux-mêmes, leur sentiment de solidarité comme membres d'une même classe avec les mêmes intérêts, et leur capacité à s'organiser eux-mêmes dans le combat.
Le contexte des événements dans la MEZPA n'est pas atypique. Bien au contraire, la tendance à la précarisation des conditions de travail, à la division des travailleurs entre réguliers et contractuels, à la dispersion des grandes compagnies dans de petites équipes de travail ou encore la délocalisation du travail vers une multitude de petits entrepreneurs - tout cela fait partie intégrante du capitalisme aujourd'hui et tout cela sert le capitalisme que ce soit du seul point de vue politique et économique immédiat ou du point de vue politique plus large du combat contre la classe ouvrière.
Par conséquent, le premier combat que les ouvriers ont à mener est celui contre l'atomisation, contre la division, pour l'intégration d'autant de travailleurs que possible dans le combat. Il s'agit surtout d'un combat politique, puisque cela signifie le développement de notre compréhension du contexte politique et économique général au sein duquel le combat se déroule ainsi que des méthodes organisationnelles avec lesquelles on doit le mener, cela signifie apprendre les leçons des autres combats ouvriers partout dans le monde sur comment s'organiser et comment évaluer le rapport de forces, apprendre comment éviter les provocations de la bourgeoisie quand cela peut conduire à la défaite, apprendre comment étendre le combat aussi largement que possible une fois qu'il est engagé.
Comment les travailleurs peuvent faire ce jugement par et pour eux-mêmes ? Cela peut seulement être fait si les travailleurs sont capables d'agir collectivement, s'ils peuvent se rencontrer, débattre ensemble, et déterminer leur action ensemble. Il est nécessaire que les travailleurs se réunissent ensemble dans des assemblées générales où les décisions peuvent être prises. La décision ne sera pas toujours d'engager ou de continuer le combat. Il se peut que les travailleurs considèrent que le moment n'est pas encore venu ou qu'ils n'ont pas suffisamment de force, mais le fait même de prendre ces décisions ensemble en tant que corps collectif permettra de renforcer leur conscience de classe et leur confiance en eux-mêmes. Manifestement, dans des conditions de répression comme aux Philippines, l'organisation d'assemblées ne sera pas chose facile, mais nous pouvons compter sur l'ingéniosité des travailleurs pour chercher ensemble comment cela peut se réaliser.
La classe ouvrière est la première dans l'histoire à être à la fois une classe exploitée et une classe révolutionnaire. Parce qu'elle ne possède rien, sa seule force dans cette société est sa conscience et son organisation.
Les révolutionnaires ne peuvent pas faire naître la lutte de classe par leur seule volonté : si les ouvriers ne sont pas prêts à lutter, alors ils ne peuvent pas les forcer à le faire. On ne peut pas remplacer la volonté des travailleurs de combattre par des campagnes artificielles ; bien au contraire cela ne peut que séparer les révolutionnaires des travailleurs et diviser les travailleurs entre eux. Mais si les révolutionnaires ne peuvent pas "créer" la lutte de classe, nous pouvons et nous devons préparer les luttes massives à venir. Nous pouvons et nous devons aider à préparer les conditions de la lutte pour qu'elle soit aussi puissante, aussi autonome et aussi consciente que possible quand elle éclatera.
C'est pour répondre à cette nécessité de la lutte de classe que le CCI a toujours encouragé, poussé, et a pris part à chaque fois que possible, à la formation de groupes de discussion et de comités de lutte réunissant des travailleurs de différents lieux de travail et de différentes entreprises. Ces groupes ne sont pas des organismes permanents : ils se créent et se dissolvent en fonction des besoins de la lutte. Mais ils peuvent offrir un moyen pour les travailleurs les plus combatifs de surmonter leur isolement, de développer leur réflexion et leur compréhension de la situation qu'ils rencontrent. Ils sont un moyen de se préparer à la lutte de masse à venir.
CCI (15/10/2007)[1] MEPZA - Mactan Export Processing Zone. Composée de centaines de compagnies principalement étrangères destinées à l'exportation, la MEPZA compte un effectif total de force de travail de plus de 40 000 hommes. Vues les conditions politiques aux Philippines, nous n'avons pas révélé les noms des sociétés dans lesquelles les événements décrits ici ont eu lieu.
[2] Usines manufacturières de confection ou d'assemblage de petites pièces demandant un travail minutieux où sont employées essentiellement des jeunes filles ou des jeunes femmes sous-payées et surexploitées, soumises de plus aux pires conditions de travail (brimades, vexations, chantage sexuel...)
[3] NLRC - National Labor Relations Commission, une sorte d'équivalent au Tribunal des Prud'Hommes.
Comme nous l'avons souligné dans d'autres articles sur la situation aux Etats-Unis , en particulier dans Internationalism n°142, le capitalisme américain est aujourd'hui atteint d'une double maladie : une crise historique de sa puissance impérialiste et une crise économique de plus en plus inextricable. La classe dominante y a répondu en fonçant tête baissée dans la guerre impérialiste à travers toute la planète et en poursuivant les politiques complètement usées de combines fiscales et monétaires qui ont empêché jusqu'à présent l'effondrement total de l'économie. Pour la classe ouvrière, ces politiques ont signifié une détérioration continue de ses conditions de travail et de son niveau de vie comme une situation d'insécurité sociale croissante. Du fait du reflux de la lutte de classe, suite à la confusion créée par l'effondrement du bloc de l'Est (et la prétendue "victoire" du capitalisme démocratique sur le prétendu "communisme" en URSS), la bourgeoisie a pu mettre en œuvre ces politiques sans rencontrer de résistance sérieuse de la part de la classe ouvrière, seule force de la société qui ait une véritable alternative à offrir à l'impasse du capitalisme moribond. Cependant, depuis quelques années, il est de plus en plus clair qu'une nouvelle période s'est ouverte dans laquelle la lutte de classe va de nouveau être au centre de la situation sociale et où les politiques d'austérité et de guerre impérialiste de la bourgeoisie ne pourront se poursuivre sans obstacles. Afin de permettre aux prolétaires de se préparer aux luttes futures et faire fructifier toutes leurs potentialités, il nous faut mieux comprendre le stade actuel de la lutte de la classe ouvrière au sein de la première puissance mondiale.
Pour comprendre la situation actuelle de la lutte de classe aux Etats-Unis, il faut la replacer dans le contexte général de la lutte de classe internationale. Il est donc important de rappeler brièvement les principales caractéristiques de la phase actuelle de ces luttes. Depuis 2003, nous avons assisté à une tendance générale de la classe ouvrière à sortir du reflux de sa combativité et de sa conscience et de la désorientation qu'elle a connue suite à la disparition, à la fin des années 1980, de la configuration du système dominée par les deux blocs impérialistes rivaux, configuration issue de la Conférence de Yalta en février 1945. Cette nouvelle tendance de la classe ouvrière à reprendre le chemin de la confrontation avec son ennemi historique a connu un épisode remarquable lors de la grande mobilisation des étudiants en France au printemps 2006. Les luttes en Allemagne qui se sont déroulées en même temps et les mobilisations ouvrières dans de nombreux autres pays depuis, au centre comme à la périphérie du capitalisme, ont confirmé que nous étions entrés dans une nouvelle phase de la lutte de classe internationale.
Comme nous l'avons souligné dans toute la presse du CCI, les caractéristiques centrales de cette phase de la lutte de classe sont :
La classe ouvrière aux Etats-Unis s'est pleinement inscrite dans cette reprise générale de la lutte de classe. Comme dans d'autres pays, face aux attaques incessantes contre leurs conditions de vie et de travail d'un système capitaliste embourbé dans une crise économique permanente, les ouvriers américains ont été contraints de se défendre et de surmonter la période de désorientation des années 1990. Comme nous l'avons mis en évidence dans notre presse, la grève de trois jours des employés des transports de la ville de New York pendant les vacances de Noël en décembre 2005 a constitué le moment fort de cette tendance. Elle n'a cependant pas été un événement isolé mais plutôt la manifestation la plus claire de la tendance de la classe ouvrière à reprendre le chemin de ses luttes (qui s'était déjà concrétisée dans la lutte des employés des supermarchés en Californie en 2004 et celles des ouvriers de Boeing, de North West Airlines et des transports de Philadelphie en 2005). Cette tendance a continué en 2006, comme l'ont exprimé, en particulier, la grève sauvage des enseignants à Detroit pendant deux semaines en septembre et celle de plus de 12 000 ouvriers dans 16 usines de pneus Goodyear aux Etats-Unis et au Canada en octobre de la même année.
Toutes ces luttes faisaient face aux mêmes problèmes : la menace d'attaques draconiennes contre les salaires et les allocations, les baisses directes de salaires, les coupes dans les allocations de santé et de retraite - qui allaient frapper non seulement la génération actuelle de travailleurs exploités mais également les générations futures. La combativité des ouvriers impliqués dans ces luttes qui, pour la plupart, n'avaient aucune chance de faire reculer la bourgeoisie, a été énorme et a montré toute la réserve d'énergie et de combativité qui existe dans une classe qui n'a pas été défaite pendant deux générations. Les employés des transports de New York et de Philadelphie, les enseignants de Detroit ont fait grève en encourant des peines légales et financières parce qu'ils transgressaient les lois qui interdisent aux employés du secteur public de faire grève. Partout, les ouvriers étaient prêts à faire d'énormes sacrifices personnels. Cependant, au delà de la combativité, ce qui est le plus remarquable, c'est le développement naissant d'une conscience dans ces luttes, en particulier au niveau de l'identité et de la solidarité de classe. Très souvent, les ouvriers se sont mis en lutte en sachant très bien qu'ils ne se battaient pas seulement pour eux-mêmes mais aussi pour toutes les générations futures de prolétaires, pour les enfants et petits-enfants de toute la classe ouvrière. Tel a été le message souvent répété par les ouvriers pendant la grève du métro de New York où la principale question de la lutte était de s'élever contre une proposition de la direction d'établir un nouveau système de retraite pour les futurs employés requérant des contributions plus élevées de la part de tous les nouveaux embauchés. Cela exprimait le refus de "trahir ceux qui ne sont pas encore nés" et la volonté de défendre l'avenir de la nouvelle génération d'ouvriers et de toute la classe ouvrière ; c'était une expression frappante de la solidarité et de la conscience qui se développent dans la classe ouvrière.
Néanmoins, malgré l'énorme combativité et la conscience de classe croissante manifestée par les ouvriers engagés dans ces luttes, celles-ci ont été encore marquées par de grandes faiblesses. Partout la classe dominante est parvenue à les maintenir sous le contrôle des syndicats qui ont réussi à isoler les ouvriers de leurs frères de classe confrontés au même déluge d'attaques contre les salaires et les allocations sociales. Même pendant la grève des employés du métro de New York qui a bénéficié de la très grande sympathie des ouvriers de la ville (comme en ont témoigné les nombreuses expressions spontanées de solidarité), la bureaucratie syndicale a réussi à empêcher d'autres ouvriers de s'impliquer dans la lutte et a limité la "solidarité" à des déclarations formelles de soutien par les syndicats. Ce contrôle des luttes actuelles par l'appareil syndical n'est pas surprenant étant donné le recul de la conscience de classe durant la décennie des années 1990. Les ouvriers devront se réapproprier les leçons de leurs luttes passées pour déjouer les pièges et s'affronter à ces institutions de l'Etat bourgeois que sont les syndicats. Ce n'est que par ces confrontations politiques avec les appareils syndicaux que les ouvriers pourront se réapproprier leurs propres méthodes de lutte et d'organisation - les assemblées générales de masse, les comités de grève élus et révocables, les grèves et manifestations massives. Ces méthodes de luttes du prolétariat n'ont pas encore ressurgi dans le mouvement prolétarien renaissant aux Etats-Unis.
Cependant, malgré les faiblesses du mouvement actuel, la bourgeoisie a bien vu ses potentialités. Après chaque lutte, elle a fait campagne pour répandre le message selon lequel la principale leçon de ces grèves, c'était que "la lutte ne paie pas". Et dans la plupart des cas, les ouvriers ont repris le travail en ayant accepté de nombreuses concessions sur des baisses de salaires, des coupes dans les allocations et des conditions de travail dégradées. Si la bourgeoisie a pu faire passer ses mesures d'austérité, c'est parce que les syndicats ont joué leur rôle de saboteurs en poussant les ouvriers à rester isolés dans des grèves longues et épuisantes. Cependant, pour l'ensemble de la classe ouvrière, l'importance d'une grève ne se mesure pas à son succès concernant la satisfaction de toutes les revendications immédiates, mais à la contribution qu'elle apporte, sur le plan de l'organisation et de la conscience, au mouvement prolétarien dans son ensemble, dans sa confrontation générale à l'ennemi de classe. C'est la raison principale pour laquelle la bourgeoisie et ses syndicats font tant d'efforts pour décourager les ouvriers des autres entreprises et secteurs d'entrer en lutte. A New York, la bourgeoisie a fait tout ce qu'elle a pu pour faire rentrer dans la tête des ouvriers que "la lutte ne paie pas", en sanctionnant les employés du métro en grève. Les syndicats et le maire de la ville n'ont pas pris le risque de faire éclater d'autres luttes des employés municipaux et ont négocié des conventions salariales, avant la date prévue, en évitant de mettre en œuvre des attaques draconiennes comme celles qui avaient provoqué la grève du métro. Sur le plan national, la précipitation actuelle avec laquelle la bourgeoisie énonce de nouvelles propositions se donnant pour but de sortir de la crise à propos de la couverture des soins de santé est également le résultat de la dynamique des luttes présentes (dans la mesure où toutes ont contesté les attaques du gouvernement fédéral sur les assurances médicales). Cette campagne a en grande partie pour objectif de retirer les problèmes de la santé publique du terrain des luttes ouvrières et d'en faire une question de plus que la bourgeoisie devra "régler" à travers le cirque électoral. Les 12 postulants à la candidature présidentielle ont chacun un "plan" pour "résoudre" ce problème.
Dans un monde qui s'effondre, de plus en plus ravagé par la barbarie de la guerre, l'aggravation de la crise économique, l'instabilité politique, la propagation de maladies mortelles et la dégradation croissante de l'environnement, la responsabilité historique de la classe ouvrière mondiale est immense. L'avenir de l'humanité et, sans exagérer, la survie même de l'espèce humaine et de la vie sur la planète sont en jeu. Soit la classe ouvrière hissera ses combats au niveau nécessaire pour mettre fin à ce système moribond, soit le capitalisme emportera dans sa tombe les bases sur lesquelles l'humanité a pu émerger et se développer, les bases de toute possibilité de construire une communauté humaine mondiale, libérée de l'exploitation de l'homme par l'homme, de la division en classes sociales, des Etats nationaux et dans laquelle l'espèce humaine pourra vivre de façon plus harmonieuse avec son environnement. Le réveil actuel de la lutte de classe internationale contient la potentialité de ce nouveau monde et les révolutionnaires, les communistes internationalistes, ont d'énormes responsabilités pour aider la classe dont ils sont l'émanation, le prolétariat, à rendre cette perspective possible. Car plus que jamais l'alternative historique est : révolution communiste mondiale ou destruction de l'humanité dans le chaos et la barbarie.
Eduardo S (8 juillet 2007)Au mois de septembre, après 48h de grève, la direction de General Motors et le syndicat UAW ont passé un accord, qui, sans aucun doute, servira de modèle aux autres secteurs de l'industrie ; il va entraîner des dépenses et des sacrifices supplémentaires pour les ouvriers et pour les retraités en remettant en cause toute leur couverture sociale. L'UAW se révèle encore une fois un partenaire accompli pour la mise en œuvre de mesures d'austérité qui vont faire baisser le niveau de vie des ouvriers et vont servir les intérêts du capital national en préservant l'industrie automobile du naufrage au détriment des intérêts de la classe ouvrière. Le même scénario s'est reproduit peu de temps après, début octobre chez Chrysler, suite à une grève qui a duré 6 heures.
L'élément nouveau présent dans le contrat de la GM est la création d'une association (VEBA) à laquelle les employés peuvent cotiser, s'ils le souhaitent, pour bénéficier d'une couverture sociale -une sorte de mutuelle ("health care trust") qui assurerait un programme de couverture sociale et qui serait gérée par le syndicat. L'accord passé allègerait ainsi la GM d'une dette estimée à 55 milliards de dollars, étalée sur les 80 prochaines années pour assurer une couverture sociale aux employés et aux retraités. Ce trust endosserait 70% de la dette, soit 38,5 milliards en liquide, valeurs boursières et autres actifs. Selon le New York Times, l'équilibre de la dette de 55 milliards proviendra des "gains sur investissements". En d'autres termes, cet accord permet à la GM de se décharger entièrement du programme de couverture médicale, très coûteux pour elle, sur le syndicat ; tout l'avenir du programme repose entièrement sur l'aptitude de l'entreprise à faire des profits. Si elle échoue, le programme de couverture médicale s'effondre aussi. Le syndicat se positionne clairement et fermement, et ce, pour une longue période, du côté de la GM pour que celle-ci réalise des profits aux dépens des ouvriers.
Le syndicat a annoncé qu'il avait obtenu la garantie que la couverture médicale ne serait pas touchée pendant deux ans -la durée exacte que mettront les autorités fédérales à revoir les détails et à autoriser la création de la VEBA ; ce sera alors au syndicat d'assumer les coupes dans la couverture médicale afin d'assurer l'avenir du programme. Le syndicat a obtenu un autre accord important : la garantie que GM maintiendrait la force de travail à un niveau de 73 000 employés, ce qui, initialement, a été compris comme la garantie d'un travail à tous les ouvriers. Mais il s'est avéré très vite que la compagnie promettait simplement de maintenir une force de travail "équivalente" à l'actuel niveau des 73 000 ouvriers. Cela ne garantit pas du tout que tous les ouvriers actuels garderont leur travail. La compagnie peut fermer des usines et elle le fera (pour l'instant le nombre d'usines et leurs localisations n'est pas annoncé), elle emploiera des intérimaires qui se verront dans l'obligation de devenir membre du syndicat UAW. Ainsi, le syndicat est assuré de recevoir 73 000 cotisations, peu importe le nombre d'ouvriers actuels qui seront licenciés ou forcés de prendre une retraite anticipée. Le contrat d'une durée de quatre ans arrivera à terme en 2011 et prévoit de donner aux ouvriers une somme forfaitaire de 3000 dollars lorsque cet accord sera signé par les représentants syndicaux, puis une somme additionnelle durant les trois dernières années. Mais, quoi qu'il en soit, aucune augmentation du salaire horaire n'est prévue.
Et pour comble, cet accord impose aussi une double échelle de salaires, condamnant les ouvriers les plus jeunes et les intérimaires nouvellement embauchés à faire exactement le même travail que les travailleurs réguliers de l'entreprise à des salaires nettement inférieurs. Cela donne encore plus de motivation à l'entreprise pour pousser dehors les ouvriers les plus anciens. Cela divise les ouvriers en les mobilisant sur des fausses questions de conflits de génération, dressant les jeunes contre les vieux, tournant ainsi le dos à la courageuse position prise par les ouvriers des transports du New York en décembre 2005, qui ont combattu pour leurs enfants et les générations futures l'imposition d'un système de double échelle avec des salaires différents selon les générations.
Une fois de plus, les syndicats se révèlent être une arme dressée contre les ouvriers pour la défense du capitalisme.
JG (13 octobre 2007)La reprise des luttes ouvrières de 2003 s'est poursuivie dans beaucoup de pays en 2007, et la Grande-Bretagne n'y a pas fait exception. La dernière lutte des ouvriers de Royal Mail (les Postes britanniques) a montré à la fois la combativité des ouvriers tout comme la capacité du syndicat des ouvriers de la communication (CWU : Communication Workers Union) de saboter la grève. Lorsque le syndicat a négocié les salaires, il a négligé de préciser qu'il s'agissait d'une baisse effective des salaires. Cependant, les grèves spontanées des postiers de Liverpool et dans le secteur sud de Londres ont montré que les ouvriers n'admettaient pas tous le diktat syndical. Et bien que les ouvriers n'aient pas vu entièrement le rôle joué par le syndicat, l'accord final a été clairement vu au moins comme une trahison.
Le CWU a séparé la question des retraites du reste de l'accord afin de le vendre aux ouvriers des postes. L'idée fut aussi répandue par les syndicats officiels du Nord que c'était à cause des ouvriers du Sud que l'accord était passé, à la fois pour cacher leur responsabilité et tenter de créer la division parmi les postiers.
En réalité, la nouvelle flexibilité est un pas en avant vers 76 000 nouveaux licenciements et des accords locaux qui pousseront la productivité et le plan d'attaque de Royal Mail contre les intérêts de la classe ouvrière.
Mais bien qu'on ne puisse considérer l'accord comme autre chose qu'une défaite pour les ouvriers des postes, il est absolument nécessaire de saluer l'action solidaire et la poussée vers l'extension de la grève par les postiers dans les débuts de la grève. Et, à la fin de la grève, les grèves sauvages dans South London et à Liverpool ont montré la combativité d'ouvriers qui voulaient clairement continuer la lutte.
Le CWU a contré cette combativité en contrôlant les piquets de grève et en imposant que leur activité reste locale, sur place, de sorte que les piquets de grève soient séparés et sans lien les uns avec les autres.
Un trait important de la grève tient dans le fait que le mouvement s'est en partie développé à l'initiative des ouvriers eux-mêmes, c'est-à-dire en dehors du syndicalisme officiel. La perspective de telles grèves sauvages est un signe positif pour le futur. De même que la méfiance envers les syndicats qui se développe lentement. Au début, les ouvriers pensaient que le syndicat les avait trahis. Mais on a vu un certain nombre d'entre eux dire qu'ils annulaient leur affiliation syndicale. Petit à petit, les ouvriers ont été amenés à comprendre que leurs luttes ne peuvent réussir que si elles sont menées par les ouvriers eux-mêmes et non par les syndicats.
Car (2 décembre 2007)Nous publions ci-dessous notre réponse à une note envoyée par un lecteur du Brésil (T), qui nous demande notre avis sur un article qu'il a reçu dont nous publions quelques extraits. Cet article traite des luttes et des mobilisations des ouvriers du pétrole contre l'entreprise d'État Petróleos de Venezuela (PDVSA) en septembre dernier, pour des revendications salariales et d'autres avantages contractuels. Ce camarade nous demande aussi notre avis sur la réduction de la journée de travail proposée par le président Chavez dans la révision de la Constitution qui devait être soumise à référendum le 2 décembre.
Note du camarade T : "Bonjour camarade... je te fais passer le message qu'un ami m'a envoyé sur ce qui s'est passé au Venezuela. Est-ce que tu pourrais m'en faire un petit commentaire ? Je voudrais aussi que tu me dises ce qu'il en est de la réduction de la journée de travail dont parle Chavez, car ceci a provoqué pas mal de discussions ici. Salutations, T."
L'article que T nous a renvoyé est écrit en anglais[1]. Nous en traduisons ci-dessous quelques extraits :
Notre réponse
Cher camarade T,
Nous voulons saluer l'envoi de ton courrier. Nous allons y répondre brièvement, en profitant de cette occasion pour évoquer la situation de la lutte de classe au Venezuela.
L'article qu'on t'a envoyé décrit une partie de ce qui s'est passé lors d'une lutte menée en septembre-octobre dernier par les ouvriers du pétrole de l'entreprise d'État PDVSA, la plus importante du pays, qui s'est soldée par un certain nombre de travailleurs blessés, dont un grièvement, et plusieurs arrestations. La cause immédiate de la lutte a été le retard de plus de 8 mois dans la discussion de la convention collective qui régit les salaires et les conditions de travail des ouvriers de ce secteur. Ceux-ci ont réagi par des arrêts de travail et des manifestations dans les installations de PDVSA de l'Est du pays, dans la province d'Anzoategui, et de l'ouest, dans la province de Zulia, au sud du lac Maracaibo. L'entreprise, en accord avec les syndicats, la plupart contrôlés par des tendances favorables au chavisme, a retardé la discussion sur les salaires. La lutte des ouvriers a contraint plusieurs dirigeants syndicaux, ceux de C-CURA (Courant de Classe, Unitaire, Révolutionnaire et Autonome) appartenant à l'UNT (Union Unitaire des Travailleurs) ou ceux de FEDEPETROL (Fédération des Travailleurs du Pétrole, de la Chimie et Similaires du Venezuela), qui ont été ainsi contraints de se "radicaliser" contre la compagnie PDVSA et le gouvernement, pour ne pas être totalement discrédités face aux travailleurs.
En fin de compte, le syndicats et PDVSA ont fini par signer une misérable augmentation salariale de 12 000 bolivars par jour [3,8 euros], ce qui fut rejeté par les ouvriers qui exigeaient une augmentation de 30 000 bolivars. Il faut savoir que le salaire mensuel d'un ouvrier du pétrole est à peu près de 1 320 000 bolivars (autour de 420 euros ou 610 $US, selon le taux de change officiel, et, en fait, moins de 300 $US, définissant le prix réel de nombreux produits et services).
Ce salaire mensuel correspond à un peu plus du coût quotidien du panier de la ménagère avec les aliments de base pour une famille de 5 personnes (octobre 2007), qui tourne autour d'un million de bolivars. Même en additionnant les primes que reçoivent les travailleurs du pétrole, ceux-ci ne peuvent pas vivre dignement, parce que, en plus de ces bas salaires, les prix de la nourriture ne cesse d'augmenter (25% par an)[2] et la pénurie, selon les chiffres mêmes de la Banque Centrale du Venezuela, tourne autour de 30% sur les produits de base. Et pourtant, les ouvriers du pétrole sont une des catégories les mieux payées du pays !
Nous pensons, cependant, que cette lutte a représenté un gain politique et moral pour les ouvriers du pétrole et pour le prolétariat vénézuélien dans son ensemble :
Un fait important : les ouvriers du pétrole de Puerto La Cruz, à l'Est du pays, dont une majeure partie sympathisent avec le chavisme, ont dénoncé les salaires mirobolants des hiérarques "socialistes" de PDVSA dont les salaires mensuels sont 50 fois supérieurs à celui des salariés de base (bien plus élevés que ceux des administrateurs de l'industrie des gouvernements précédents), alors que, concernant les ouvriers, on leur refuse des augmentations qui puissent leur permettre au minimum de se nourrir décemment, et qui plus est, ajoutons nous, quand c'est la force de travail des travailleurs qui est la source principale des salaires mirobolants et des privilèges de la haute bureaucratie de l'État et des bénéfices de plusieurs secteurs de la bourgeoisie nationale.
Il est important d'ajouter que la même réaction que celle qui a eu lieu chez les ouvriers du pétrole, commence à se développer avec une certaine force dans d'autres secteurs. Les médecins, les instituteurs et des travailleurs dans d'autres secteurs publics ont commencé à se mobiliser pour des revendications salariales ; ils ont organisé des assemblées où, en plus d'exiger une augmentation des salaires, ils ont dénoncé la constante détérioration des services publics. Lors d'une récente assemblée des médecins à Caracas, travaillant pour le ministère de la Santé, ceux-ci se sont déclarés "prolétaires de la santé".
Il est important de dire que les gouvernants et les opposants ont tout essayé pour diviser et polariser le mouvement, en réussissant leur coup dans pas mal de cas. Et, en plus, le gouvernement mobilise ses organisations (cercles bolivariens, conseils communaux, service de contrôle social, et même, quand il leur semble nécessaire, ses bandes armées) pour intimider et même agresser physiquement les travailleurs.
Un autre aspect, non moins important, c'est que, presque quotidiennement, apparaissent des expressions d'indignation des masses paupérisées (en grande partie sympathisantes ou soumises au clientélisme gouvernemental), qui protestent contre le manque de logements, la criminalité, le manque de services sociaux, etc., et dernièrement à cause de la rareté des produits tel que le lait, le sucre, l'huile, etc. Dans certains cas, elles ont été réprimées. Voilà bien une situation qui apparaît clairement à l'opposé de celle des hauts pontes du régime (de ceux qu'on appelle la "bolibourgeoisie", ou bourgeoisie bolivarienne), qui étalent leur opulence[3] ; ils font des grands investissements en armements qui vont tomber nécessairement sur le dos des prolétaires et les masses paupérisées ; et ils investissent les ressources de la rente pétrolière pour déployer la politique impérialiste de l'État vénézuélien dans la région.
Voilà le véritable visage du "socialisme du 21e siècle" promu par Chavez et acclamé par la gauche, les gauchistes et les alter mondialistes qui se pâment en regardant ses discours dans Tele Sur[4] : comme tout régime bourgeois, il est bâti sur l'exploitation des masses ouvrières. La seule différence, c'est la logorrhée "révolutionnaire" pour essayer de mystifier les prolétaires à l'intérieur et à l'extérieur du pays.
La "réduction" de la journée de travail de 8 à 6 heures par jour est prévue dans la réforme constitutionnelle proposée par Chavez, de même que les autres "avantages" du travail, tels que la sécurité sociale pour les travailleurs de l'économie souterraine qui, comme dans le reste de l'Amérique Latine, occupe 50% ou plus de la force de travail. Ces propositions, loin de chercher une amélioration véritable des conditions de vie des travailleurs, sont de la fumisterie, c'est le grand mensonge avec lequel essayer de gagner le soutien des travailleurs à la proposition gouvernementale de réforme de la constitution.
Les forces progouvernementales ne disent pas comment va se concrétiser cette réduction de la journée de travail ; mais on évoque la possibilité d'utiliser ces heures non travaillées à la "formation" politique (autrement dit, à l'endoctrinement) ou, aussi, à la prétendue "émulation socialiste" inventée par la bourgeoisie cubaine castriste pour que les travailleurs soient exploités par l'État sans débourser un centime. Par ailleurs, un des objectifs de la bourgeoisie (chaviste ou pas) est d'essayer de faire payer des impôts aux travailleurs de l'économie souterraine ; en leur offrant les bénéfices de la sécurité sociale (qui n'offrira la moindre protection réelle aux travailleurs), l'État aura un plus grand contrôle sur eux et pourra les obliger à payer des impôts et autres taxes.
L'objectif principal de la réforme constitutionnelle (avec toute sa charge d'hypocrisie comme toutes les constitutions du monde), est celui de renforcer le cadre juridique pour un contrôle plus grand de l'État sur la société, une plus grande militarisation, pour une justification légale de la répression des mouvements sociaux et permettre aussi, entre autres choses, la réélection indéfinie de Chavez à la présidence de la République.
Nous ne pouvons pas nous laisser berner : le gouvernement de Chavez est un gouvernement bourgeois, dans lequel ce qui domine ce sont les nécessités et les priorité du capital ; nous ne devons pas être naïfs (nous ne pensons pas que ce soit ton cas) par rapport à l'affirmation du régime chaviste que chercherait "le plus grand bonheur social", comme l'affirme le texte réformé de la constitution. Le chavisme lance cette propagande mensongère à travers ses campagnes au niveau national et international pour que les travailleurs du Venezuela et des autres pays finissent par croire qu'au Venezuela il y aurait une véritable amélioration des conditions de vie des travailleurs et de la population pauvre ; ce n'est qu'une grosse mystification de la propagande chaviste.
La crise capitaliste oblige chaque bourgeoisie, de droite, du centre ou de gauche, à attaquer les conditions de vie de la classe ouvrière. Dans aucun des pays où la journée de travail a été réduite par l'État (France, Allemagne, etc.; et aussi le Venezuela, où, au début des années 90, la journée de travail fut réduite de 44 à 40 heures hebdomadaires) cette mesure n'a représenté une véritable amélioration des conditions de vie de la classe ouvrière ; bien au contraire : les salaires et les avantages sociaux n'ont fait que diminuer et le travail précaire n'a fait qu'augmenter.
L'aggravation de la crise capitaliste obligera la classe ouvrière du Venezuela à lutter contre l'État tel que les ouvriers du pétrole, de la santé et de l'éducation l'ont fait. C'est ainsi, sur son terrain de classe, que le prolétariat pourra sortir du piège de la polarisation politique qui l'entrave, en s'intégrant dans la lutte du prolétariat mondial pour la construction du véritable socialisme.
Nous espérons avoir répondu à tes questions.
[1] Venezuelanalysis.com
[2] Le Venezuela a le taux d'inflation le plus élevé de la région, avec une moyenne de 20% par an ces trois dernières années.
[3] Lors d'un récent "Allo, Président", show TV dominical animé par Chavez lui-même, celui-ci n'a pas pu faire autrement que de critiquer les "révolutionnaires" dorés paradant en 4x4 tous terrains (qui dépassent les 100 millions de $), et qui boivent du whisky de 18 ans d'âge... Ce que Chavez ne dit pas, c'est qu'il tire bien profit, pour lui, sa famille et son clan, des recettes pétrolières. La "révolution bolivarienne", qui avait levé le drapeau de la lutte contre la corruption, aime bien barboter dans ses eaux croupies.
[4] Tele Sur est une chaîne de télévision récemment créée par le chavisme qui s'adresse à tous les pays de la région avec la volonté de faire pièce à l'influence politique et culturelle des États-Unis.
La question de l'eau est un des aspects qui met en évidence le danger auquel le capitalisme expose l'humanité, à tel point que l'ONU elle-même reconnaît que plus d'un million d'êtres humains ne peuvent jouir d'approvisionnement en eau potable. Rien qu'au Mexique, les chiffres officiels indiquent que 11 millions de personnes n'ont pas accès à cet élément naturel indispensable à la vie sur terre. Ce problème ne concerne pas seulement des zones rurales éloignées des services de distribution ; il y a dans le district urbain de Mexico des zones (comme Iztapalapa) qui vivent pratiquement sans service d'eau potable, et c'est la même chose à Tijuana (près de la frontière américaine) ou à Juarez. Il est devenu évident que la question de l'eau est devenue un problème crucial, ce qui donne une opportunité au gouvernement, aux groupes gauchistes, aux écologistes, aux ONG et à toute une faune de prétendus "intellectuels", pour monter au créneau et exposer de fausses explications ou proposer de fausses solutions. Mais autant celles-ci que celles-là s'efforcent toujours de cacher qu'il faut chercher la véritable origine du problème dans le système capitaliste lui-même. Non seulement ce dernier ne peut vivre que par l'exploitation du travail salarié, mais son existence le pousse aussi à détruire de plus en plus notre environnement naturel, au point que non seulement il pollue l'eau, la terre et l'air mais qu'en outre, il ruine, dépouille et concentre le système hydrologique en l'intégrant dans sa logique concurrentielle consistant à faire du "chiffre" et des profits.
A travers ses appareils de gauche comme de droite, la bourgeoisie tente de faire croire que le problème de l'eau est lié à un accroissement de la population et à la consommation démesurée qu'en ferait l'humanité ; en d'autres termes, ce que nous vivons à ce niveau plongerait pour une grande partie ses racines tant dans des aspects "naturels" que dans un manque de "culture d'économie de l'eau". Les solutions qui en découlent seraient donc d'une part que les "citoyens responsables" fassent individuellement attention en utilisant rationnellement l'eau et, d'autre part, qu'au niveau de la production soient appliquées des technologies avancées pour son extraction, son traitement et sa distribution, jusqu'à ce que l'on parvienne à la réalisation d'une prétendue "démocratisation" de la distribution et du contrôle de l'eau potable. Toutes ces propositions ont comme toile de fond la volonté de faire croire que le capitalisme est capable de modifier sa nature prédatrice et irrationnelle - aux dires de nos dirigeants, il suffirait d'appliquer correctement la technologie en développant une "culture de protection des ressources" -, et surtout d'imposer, comme solution, des coûts élevés pour l'usage et l'accès à l'eau. Ces idées "géniales" sont inévitablement bien sûr complétées par le chœur de ceux qui prétendent trouver une solution à "la crise de l'eau" en invoquant la démocratie. C'est ainsi que la bourgeoisie parvient à faire croire que le capitalisme pourrait être "humain et rationnel" et pourrait trouver une solution à la destruction de l'environnement tout en permettant que les besoins en eau potable soient satisfaits.
Il est évident que la bourgeoisie, comme le reste de l'humanité, est préoccupée par les problèmes liés à l'eau potable, mais sa préoccupation fondamentale réside surtout dans la question : comment se l'approprier et comment faire du commerce avec l'eau potable ? Ses invocations d'accords internationaux impulsés par l'ONU, les "droits constitutionnels" ou les déclarations des gouvernements pour créer des accords de protection ne sont que l'emballage cachant leurs véritables intentions : s'approprier l'eau à tout prix. La déclaration honteuse du conseiller du Pentagone, Andrew Marshall, affirmant que les Etats-Unis devaient se préparer à aller chercher l'eau "là où elle se trouve et quand ce sera nécessaire"[1] met en évidence que pour le Capital, l'eau est maintenant devenue un nécessité "stratégique" (comme le pétrole). C'est bien pour cela que tous les Etats nationaux (en tant que représentation et expression sociale du Capital national) partagent ce projet de la bourgeoisie américaine, même si les forces dont ils disposent sur l'échiquier impérialiste ne leur permettent ni d'être aussi éhontés dans leurs déclarations, ni de mener concrètement à terme cet objectif impérialiste. La crise de l'eau n'est pas seulement le fait de quelques Etats ou de quelques entreprises (Nestlé, Lala, Coca-Cola...), c'est le système capitaliste dans son ensemble qui engendre cette dégradation, qui met en danger l'humanité et rend donc de plus en plus évidente la nécessité de sa destruction.
Pour bien mettre en évidence son inquiétude et son engagement en ce qui concerne la question de la crise de l'eau, la classe dominante organise des forums (Forum mondial de l'eau et autres forums "alternatifs"...) visant à répandre, par de belles résolutions et proclamations (tant officielles qu'"alternatives"), une véritable campagne de confusion dans la population et dans la classe ouvrière; cette campagne cherche à dédouaner le système capitaliste de sa responsabilité en masquant que c'est lui qui est le véritable responsable de la crise de l'eau. Gauchistes et altermondialistes en ont fait un axe de leur activité, clamant haut et fort que "L'eau n'est pas une marchandise". Ce slogan, devenu un cliché privilégié, leur permet de renforcer leur image d'opposition à la dynamique du capital pour s'approprier toute l'eau et en faire le commerce, mais ne peut que semer davantage de confusion et de pièges.
Les arguments les plus utilisés pour "démontrer" que "l'eau n'est pas une marchandise" se basent sur le fait que l'eau fait partie de l'environnement, qu'elle est source et essence de vie, ressource naturelle non renouvelable. Nous pourrions jusque-là être d'accord. Mais cet argument est aussitôt utilisé pour conclure que l'eau est un "droit fondamental de l'homme" et qu'il faut se mobiliser pour qu'il soit reconnu comme tel. Ainsi, nous devrions croire que ces "droits de l'homme", pour lesquels il faudrait lutter, donneraient des "garanties légales" dont chaque être humain pourrait bénéficier. Ce précepte est précisément celui qui est déjà défini depuis 1948 par l'ONU (qui succéda à la fameuse Société des Nations que Lénine appelait justement "un repaire de brigands") et soutenu par les Constitutions de la plupart des divers Etats-nations (à côté, soit dit en passant, du "droit à la propriété"). En fin de compte, ils ne font que semer l'illusion que les institutions du Capital pourraient résoudre les problèmes créés par ce même Capital, pour que " la gestion et le contrôle de l'eau soient maintenus dans le domaine public" (Forum alternatif au Ive Forum mondial de l'eau, Mexico, 2006). Ils n'hésitent pas à avancer que "ce serait une obligation pour les institutions publiques (...) de garantir ces conditions". Sous couvert de radicalisme verbal, ils ne font en fin de compte que soutenir les actions étatiques, demandant seulement que ce soit précisément l'Etat, l'Etat capitaliste, qui assure le contrôle de l'eau.
Dans le même sens, en voulant montrer une attitude radicale d'opposition au processus de privatisation de l'eau, la Coalition des organisations pour le droit à l'eau affirme : "L'accès à l'eau potable ne s'obtiendra pas par la privatisation, mais par le respect de la responsabilité sociale de l'État". Nous pouvons constater dans ces deux exemples que l'Etat est présenté comme étant un organisme "neutre" dans la société, ce qui est absolument faux ! L'Etat et ses "institutions publiques" répondent aux besoins du capital, c'est pourquoi tous les discours soi-disant "alternatifs" finissent par insister sur la possibilité pour le capitalisme de devenir plus "humain", moins prédateur, s'il utilisait une "meilleure politique".
Les proclamations basées sur un langage marxiste lancées par des "intellectuels" ne sont pas moins dangereuses. Pour s'en convaincre, il suffit de lire Economie et politique de l'eau, de J. Veraza. Ce livre commence par exposer une approche marxiste du processus par lequel l'eau, même quand elle n'a pas de valeur (puisqu'elle n'est pas le produit du travail humain), est amenée, par une imposition du prix, à devenir une marchandise, pour finir par l'éternelle ritournelle altermondialiste. On trouve dans son explication l'ébauche d'une explication correcte quand il observe que "l'eau est un patrimoine de l'humanité", mais il reste à mi-chemin et oublie que l'humanité est soumise au Capital, et pas uniquement à cause des multinationales qui ne sont qu'une partie de ce système d'exploitation et dont la limitation des pouvoirs ne favoriserait en rien l'émancipation de l'humanité. Cet "oubli" lui permet, quand il critique la privatisation comme "solution" à la question de l'eau, d'avancer que la "solution politique ne passe pas, loin s'en faut, par la destruction du capitalisme" mais se base sur l'espoir (ou la prière ?) que " le capital national et mondial peuvent agir et prendre conscience pour s'opposer aux abus hydrauliques des capitaux privés et transnationaux de l'eau". En d'autres termes, la solution serait l'adoption par le système capitaliste d'une démarche rationnelle et consciente qui affaiblisse les politiques néolibérales et limite la voracité des multinationales. Ce serait l'avènement du "capitalisme à visage humain" !
L'humanité comme un tout est menacée par le capitalisme ! Proclamer que ce système pourrait s'améliorer sur la base de réglementations internationales ou nationales, ou par une attitude généreuse et rationnelle de la classe dominante, c'est pousser les travailleurs à se détourner de la nécessité de l'action révolutionnaire. Aujourd'hui, l'avertissement d'Engels sur l'alternative qui s'offrirait à l'humanité, socialisme ou barbarie, est plus "prophétique" que jamais. Soit le prolétariat en finit avec ce système dégénéré pourrissant, soit l'humanité se verra aspirée dans une spirale toujours plus destructrice de barbarie.
Rojo (octobre 2007)[1]) Déclaration publiée par The Guardian, citée par Gian Carlo Delgado dans Agua, éd. La Jornada, 2006, p. 189.
Un homme est mort de froid en plein cœur de Paris, place de la Concorde, dans la nuit du 20 au 21 décembre. A peine un entrefilet dans les journaux. Le cas est devenu trop banal ; les statistiques sont elles aussi glaçantes : il y aurait officiellement 200 personnes qui meurent de froid par an en France chaque année. Le gouvernement avec son cynisme habituel se félicite même qu'il y en ait si peu alors que le nombre de sans-abri ou de sans domicile fixe (SDF) dépasserait le chiffre de 100 000, en augmentation constante, alors que plus de 3 millions de foyers seraient "mal logés". Les télévisions nous montrent régulièrement quelques foyers modèles du Secours Catholique (avec chambres individuelles) et des reportages sur les rondes de nuit du "SAMU Social". Cette publicité est bien obligée de concéder quelques interviews moins idylliques de ces prolétaires survivant dans la plus grande misère et qui refusent de se laisser "rafler" pour aller dans les centres d'hébergement surpeuplés où il n'est pas possible de fermer l'œil parce que la promiscuité est telle que chacun vit dans la crainte permanente du vol ou de l'agression. Dans ces petits "camps de concentration humanitaires", ils se disent beaucoup moins en sécurité que sur leur bout de trottoir. Qu'importe : le message de la propagande est bien là, martelée avec insistance : s'ils crèvent de froid, tant pis, c'est de leur faute, c'est qu'ils le veulent bien ! La spectaculaire intervention musclée des flics pour démonter les tentes des "Enfants de Don Quichotte" sur les quais de Seine face au parvis de Notre-Dame n'aura été qu'un événement médiatique qui se conclut deux jours plus tard par un touchant consensus où chaque association et chaque organisation caritative se félicite que le gouvernement ait renouvelé ses belles promesses en termes de construction de nouveaux foyers, de logements sociaux d'urgence ou de "droit au logement opposable en justice". Evidemment, cela n'est que de la poudre aux yeux : non seulement rien n'est réglé mais la situation ne peut qu'empirer dramatiquement. Quelques jours auparavant, pour leur 22e anniversaire, les "Restos du Cœur" ont mis en avant qu'ils avaient servi plus d'un milliard de repas depuis leur création (82 millions en 2006 auprès de 700 000 personnes). Et leur fréquentation est en constante augmentation (+5% par an) : avec l'emploi de plus de 51 000 "bénévoles", c'est devenu la plus grosse entreprise caritative du pays. Les porte-parole de l'État bourgeois ne nous parlent plus de "nouvelle classe" que seraient les "nouveaux pauvres" comme il y a 20 ans ; la misère croissante crève aujourd'hui les yeux. La question du logement, le coût exorbitant des loyers, l'insalubrité du parc immobilier, la multiplication des prêts immobiliers "à risque", liés au gonflement de la spéculation immobilière, sont le creuset permanent de la paupérisation croissante de la classe ouvrière qui se cumule avec tous les autres facteurs de dégradation vertigineuses des conditions de vie des ouvriers : la hausse du "coût de la vie", des produits alimentaires de base, le déremboursement des dépenses de santé, l'aggravation de la précarité de l'emploi, les menaces de licenciement et de chômage... Un sondage récent a montré qu'une personne sur deux redoute de se retrouver à la rue du jour au lendemain. Un autre chiffre semi-officiel a été rendu public (encore très en dessous de la réalité) : il y aurait plus de 7 millions de personnes qui sont aujourd'hui réduites en France à survivre en dessous du seuil de pauvreté, y compris parmi des couches de plus en plus larges de travailleurs salariés. Le déséquilibre et le développement des inégalités sociales est aussi de plus en plus manifeste, révélateur de l'aberration du mode de production capitaliste et de sa faillite : d'un côté cette société sécrète une accumulation ostentatoire de richesses et de fortunes colossales, l'étalage d'un luxe artificiel et d'un train de vie tapageur pour une petite minorité d'exploiteurs (y compris de ses couches parasitaires) et de l'autre de plus en plus de prolétaires surexploités réduits à plonger dans la détresse. Dans tous les pays, y compris les plus riches et développés, le même phénomène permet de faire le même constat. Celui de l'incapacité du système capitaliste à satisfaire les besoins les plus élémentaires de l'immense majorité des êtres humains. C'est pourquoi le prolétariat, qui est la seule classe capable de renverser ce système et de construire une nouvelle société d'abondance (débarrassée de la marchandise et donc de la misère) détient la clé de l'avenir. Il y a 160 ans, dans Misère de la Philosophie, Marx mettait en avant contre Proudhon qu'il ne faut pas voir dans la misère que la misère mais le ressort même de la lutte de classe qui rend possible la nécessité de la révolution : "la condition d'affranchissement de la misère et de l'exploitation de la classe laborieuse, c'est l'abolition de toute classe". [1]
W. (21 décembre 2007)[1] [1]Plus que jamais, le marxisme reste la seule théorie vivante de la classe porteuse du communisme. Karl Marx n'était ni un guignol ni un clown (contrairement à ce que prétendent les "humoristes" du Capital qui cherchent à escroquer les ouvriers et à leur vendre leurs "best sellers" . Voir la couverture d'un livre très commercial intitulé "Prolétaires de tous les pays, excusez-moi"). C'est bien la lutte des prolétaires de son époque qui avait permis à Marx d'examiner et d'analyser la dynamique historique du capitalisme avec un télescope (et non avec des verres déformants). Le mot d'ordre du Manifeste de 1848 "Prolétaires de tous les pays, unissez-vous !", est toujours d'actualité. .
Selon Lord West, la Grande-Bretagne serait dorénavant le leader mondial des mesures anti-terroristes, "à l'avant-garde de tous les pays du monde sur le front de la protection". De nouvelles mesures proposées par le gouvernement travailliste viennent consolider cette position.
La sécurité doit être renforcée dans les gares, les ports et les aéroports, avec de nouvelles barrières de sécurité, des zones où les véhicules sont interdits et des bâtiments résistant aux explosions. L'effectif des services de sécurité qui était de 2000 en 2001 va passer à plus de 4000 employés. Il y aura une nouvelle police et de nouveaux pouvoirs d'expulsion. Une nouvelle force à la frontière du Royaume-Uni ayant le droit d'arrestation et de détention des suspects va avoir plus de 25 000 employés ; 2000 supplémentaires travailleront dans des unités régionales anti-terroristes. Toute personne prenant l'avion pour sortir ou entrer en Grande Bretagne devra fournir 90 documents d'informations aux services de sécurité. Il y aura de la propagande contre les "influences terroristes".
Quand le Parti travailliste est arrivé au pouvoir, on ne pouvait être mis en garde à vue que quatre jours ; depuis lors, la durée de celle-ci peut aller jusqu'à 20 jours, ce qui est la plus longue durée en Europe, avec la possibilité d'être doublée et d'atteindre 8 semaines ou plus (L'État Turc, qui est en guerre contre les Kurdes dans le Sud-Est du pays, n'autorise que 7 jours et demi de garde à vue).
L'infrastructure des services de "sécurité" en Grande-Bretagne a plus de 4 millions de caméras de surveillance, le nombre le plus élevé du monde. La base de données britannique ADN, qui aura 4,25 millions d'êtres humains dans ses fichiers à la fin de 2008, est la plus grande du monde. Les demandes officielles (émanant d'environ 800 organismes y ayant droit) d'écoutes téléphoniques, de surveillance du courrier électronique avoisinent les 30 000 par mois. En 2005, le Parti travailliste a introduit les ordres de contrôle qui sont utilisés pour mettre certaines personnes en résidence surveillée quand il n'y a pas assez de preuves pour les mettre en accusation.
Pour renforcer son appareil de répression, l'État ne met en avant qu'une seule raison. Le Directeur Général du MI5[1] dit que dans ce pays, il y a 30 groupes actifs et 200 autres représentant 2000 personnes actuellement ou potentiellement impliquées dans le terrorisme. Lord West dit qu'il faudra 30 ans pour arriver à éradiquer le terrorisme.
Oui, le terrorisme est une préoccupation réelle pour la classe dominante, qu'il soit le fait d'individus isolés ou de groupes qui opèrent pour le compte des États impérialistes hostiles à l'État britannique. A ce niveau, les mesures anti-terroristes ne sont qu'une autre partie des dispositions militaires d'un État.
Cependant, si on regarde l'éventail des mesures qui ont été introduites par le gouvernement ces dernières années, on voit qu'elles ne sont pas seulement destinées à contrer les ennemis impérialistes (ceux qui sont derrière "une petite minorité d'extrémistes violents") mais aussi son ennemi de classe : la classe ouvrière et spécialement les militants révolutionnaires.
Le volume énorme d'enregistrements téléphoniques et d'e-mails (quelques 400 0000 pendant les 15 derniers mois) n'a pas seulement comme cible les 2000 "personnes les plus recherchées" par le MI5, mais clairement toute une série de personnes que l'État estime nécessaire d'espionner. En d'autres termes, si on considère les droits d'arrestation et de recherche disponibles du fait de la législation anti-terroriste, sur 400 recherches, il n'y a qu'une arrestation (et une proportion encore plus réduite conduisant à des poursuites ou des condamnations). Ces pouvoirs existent en partie pour collecter de l'information et en partie pour intimider. L'intimidation des individus, le contrôle social, la surveillance de groupes soupçonnés d'être une menace, sont bien sûr le but de l'activité des services de la "sécurité" d'État.
Les querelles entre les supporters du gouvernement et les membres d'associations de défense des libertés civiques se sont concentrées sur l'extension de la durée de la garde à vue. C'est une dispute purement académique, puisque le gouvernement a même des pouvoirs beaucoup plus étendus s'il choisit de proclamer l'état d'urgence. L'État affirme, effectivement, qu'il utilisera les pouvoirs normalement utilisés en temps de guerre sans que les hostilités ne soient formellement déclarées. Mais il n'a pas besoin de couvrir tous ses agissements par le biais de sa "législation". Après tout, la politique du "tirer pour tuer" utilisée en Irlande du Nord et à la station de métro de Stockwell[2] n'avait besoin d'autorisation (ni de sanction) "légale".
Pourquoi la Grande-Bretagne est-elle autant à l'avant-garde dans le renforcement de son appareil de répression ? Est-ce parce que le parti travailliste aurait un "réflexe autoritaire" ? Est-ce parce qu'il y aurait quelque chose de particulièrement menaçant dans le situation actuelle en Angleterre ?
Non. Le fait que la bourgeoisie britannique soit si en avance dans ses préparatifs de répression (idéologiques, législatifs ou technologiques) montre la vision qu'a cette fraction nationale de la classe dominante. Alors que la lutte de la classe ouvrière est en dernière analyse une menace au niveau international pour le système capitaliste, chaque État capitaliste doit fourbir ses propres armes au niveau national. En Grande-Bretagne, l'État veut saper toute possibilité de futures confrontations de classe, mais se préparer aussi à la possibilité d'un échec de ce sabotage du développement de la riposte prolétarienne. D'autres pays se préparent déjà à suivre le "modèle" de la Grande-Bretagne en ce domaine.
Car (24 novembre 2007)[1] Service secret intérieur, équivalent de la Direction de la Surveillance du Territoire française.
[2] Evoque le meurtre par la police d'un jeune ouvrier électricien brésilien, tiré à vue comme un lapin dans une station de métro lors de son "ratissage" après la dernière vague "d'attentats déjoués" à Londres le 21 juillet 2005.
Dimanche 11 novembre, dans une rame du métro de Madrid, un individu appartenant à une bande néo-nazie a assassiné Carlos, un jeune de 16 ans, et en a blessé un autre. Ce crime a été commis à l'occasion d'un appel d'un obscur groupuscule fasciste -Démocratie Nationale- auquel a répliqué une manifestation antifasciste de quelques 200 jeunes.
Nous voulons exprimer notre indignation face à la mort de ce jeune. Nous témoignons notre profonde solidarité à sa famille effondrée par un tel crime. Ce lâche assassinat est répugnant. Les idéologies fascistes et racistes, qui ont mis entre les mains de l'assassin le couteau qui a fauché la vie du jeune Carlos, sont un ramassis des idéologies les plus réactionnaires que le capitalisme ait secrétées tout au long de son histoire. Elles sont le catalyseur des pulsions les plus inhumaines, des sentiments les plus irrationnels de haine et de recherche de boucs émissaires.
Pendant les années 1930 et 1940, sous des régimes comme celui de Franco, le fascisme a reçu du Capital un mandat de gouvernement qu'il a exercé avec une terreur et une barbarie que ses rivaux "démocrates" et staliniens se chargent de rappeler à tout heure. Aujourd'hui, ces résidus des régimes fascistes, écartés des gouvernements mais que les États "démocratiques" entretiennent encore, servent à polariser les ripostes irrationnelles et xénophobes aux contradictions du capitalisme (le chômage, l'immigration ou l'insécurité). Face à ces contradictions, cette idéologie réactionnaire cultive le racisme, l'enfermement identitaire et le nationalisme le plus extrême... Les idéologies fascistes, néonazis, populistes, expriment de la manière la plus brutale et sans fard le processus de décomposition du capitalisme que nous avions identifiée à la fin des années 1980 :
Toutes ces manifestations de la putréfaction de la vie sociale qui aujourd'hui, à une échelle inconnue dans l'histoire, envahissent tous les pores de la société humaine, ne savent exprimer qu'une chose : non seulement la dislocation de la société bourgeoise, mais encore l'anéantissement de tout principe de vie collective au sein d'une société qui se trouve privée du moindre projet, de la moindre perspective, même à court terme, même la plus illusoire."[1]
À la racine de la haine, de la xénophobie, de l'exaltation nationaliste, ne se trouve pas spécifiquement l'idéologie fasciste -ni, en soi, une autre idéologie,d'ailleurs- mais le système capitaliste comme un tout et toutes les forces politiques qui le défendent -qu'elles soient fascistes, de droite, de gauche ou d'extrême gauche. Toutes favorisent ces expressions de barbarie criminelle -certaines d'une manière directe (le néo-fascisme), les autres (ceux qui se présentent comme "démocrates" et "anti-fascistes")- de manière hypocrite et sournoise.
On attribue souvent aux fascistes le monopole du nationalisme. Voilà un vrai et gros mensonge. Ce sont les démocrates et antifascistes du PSOE[2] qui ont organisé l'hystérie nationaliste, véritable provocation envers la bourgeoisie marocaine, déclenché par la visite du roi dans les enclaves de Ceuta et Melilla. Ce sont eux qui développent une campagne assourdissante d'exaltation nationale qui s'est concrétisée dans ce nouveau label "Gouvernement d'Espagne", dont le PSOE est si fier. Les deux grands partis "démocratiques" -PP et PSOE-, soutenus indirectement par tous les autres, développent une surenchère nationaliste sans précédent avec pour objectif de nous embrigader derrière eux dans la défense de la Nation espagnole. Ce sont chez eux que les chiots fascistes trouvent la source de leur inspiration. N'est-ce pas Rajoy[3] qui excite les peurs et les haines vis-à-vis de "l'étranger" quand il dit qu'"il y a ici ou là des gens qui veulent du mal aux Espagnols" ?
L'exaltation nationaliste espagnole a, par ailleurs, son pendant dans l'hystérie nationaliste pro-catalaniste ou pro-basque déclenchée par des partis tel que Esquerra, Convergencia, Parti Nationaliste Basque (PNV), Batasuna etc. Les uns faisant la promotion du nationalisme "grand espagnol", les autres celui du nationalisme basque ou catalaniste ; ils veulent tous nous faire entrer dans cette ambiance étroite et repliée sur elle-même de la "communauté nationale", de la défense de "ce qui nous est propre", d'exclusion des "autres", de crainte et de haine vis-à-vis de "l'étranger". On prétend faire la distinction entre un nationalisme "démocratique" et "ouvert" et un nationalisme "fermé" et "exclusif". C'est une différenciation démagogique et fausse. Tout nationalisme porte en lui-même et mène par lui-même vers l'exclusion, vers la haine de l'étranger, vers les sentiments irrationnels de victimisation et de recherche chez "les autres" du bouc émissaire sur lequel faire porter la responsabilité de ses propres malheurs.
Les groupuscules néo-nazis dirigent leur haine vers les immigrants. Ils leur font subir les actes les plus barbares comme celui qu'on a pu voir (avec la scène filmée en vidéo) dans le métro où un élément dégénéré, abruti par le "nationalisme régional" catalaniste s'en prend sadiquement à Barcelone, à une immigrante équatorienne.
Les autorités et les partis démocratiques "s'indignent" devant ces actes cruels et barbares, mais ce sont eux qui traitent les émigrants comme du bétail en les expulsant dans leurs pays d'origine dans des conditions abominables. C'est justement le démocrate et antifasciste Zapatero qui a tout mis en place en 2005 pour que 5 émigrants finissent par crever sur les frontières de Ceuta et Melilla. C'est le gouvernement du "dialogue" de Zapatero qui demande aux gouvernements du Maroc ou du Sénégal de faire le sale boulot de poursuivre les émigrants. Ce sont les démocrates et antifascistes du PSOE et d'IU[4] qui, dans leurs gouvernements régionaux ou leurs mairies, acceptent que des immigrants soient engagés sans contrat légal, obligés de travailler du lever au coucher du soleil pour des salaires misérables, dormant entassés dans des cahutes ou des baraques abandonnées ou, tout simplement, à la belle étoile.
Les minorités néo-fascistes jouent leur rôle en insultant, en agressant les immigrés ; les démocrates de droite et de gauche organisent leur sélection et leur exploitation en laissant des tiers faire le sale travail. Les néo-fascistes vocifèrent, les démocrates agissent.
Habituellement, la bourgeoisie "démocratique" attribue uniquement au fascisme la responsabilité de la répression ou de la guerre. Elle met en avant la barbarie répressive du franquisme, elle insiste sur les pires expressions de la barbarie guerrière des nazis. Par contre, elle ferme le rideau sur les répressions brutales menées par les démocrates et sur les atrocités réalisées par les grandes "démocraties" lors de leurs innombrables massacres contre l'humanité.
Avec des manipulations de toutes sortes, elle déforme les faits historiques en nous offrant, en échange, une "mémoire historique" sélective et falsifiée. De cette façon, elle cache la question essentielle : c'est tout le capitalisme, toutes ses fractions, qui sont coupables de la répression et de la guerre. C'est l'État capitaliste sous toutes ses formes -totalitaires et démocratiques- qui sont responsables des crimes les plus atroces contre l'humanité.
Quant à la répression, faut-il rappeler que c'est la "très démocratique" et "si antifasciste" République espagnole qui, rien que dans sa première année, entre les mois d'avril et décembre 1931, assassina plus de 500 ouvriers lors de la répression des luttes des travailleurs, des journaliers et des paysans ? Faut-il rappeler que c'est le gouvernement social-démocrate allemand qui noya dans le sang la tentative révolutionnaire du prolétariat en 1918-23, causant plus de 100 000 morts ? Faut-il rappeler que de nombreux hiérarques du nazisme ont commencé leur carrière dans les Corps Francs organisés par la social-démocratie et les syndicats en Allemagne pour réprimer la révolution prolétarienne en 1919 ? Faut-il rappeler que Franco fut chargé par la République de réprimer l'insurrection ouvrière des Asturies en octobre 1934 ? Est-il nécessaire de signaler que Pinochet fut un serviteur zélé du gouvernement démocratique d'Allende, lequel l'a fait applaudir par les masses lors d'une concentration devant le Palais présidentiel de Santiago ?
Quant aux guerres, si les nazis ont leurs camps de concentration, les démocrates ont dans leur besace le bombardement atroce de Dresde qui provoqua en une seule nuit la mort de 250 000 victimes innocentes. Et que dire du largage des bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki par la plus grande "démocratie" du monde, l'État américain !. Sans parler de la barbarie guerrière en Irak, en Afghanistan et dans tant d'autres lieux !
Tout au long du 20e siècle, considéré comme le plus barbare de l'histoire, le capitalisme a réussi à se maintenir et à survivre en enfermant le prolétariat dans toute une série de faux dilemmes : le monde "libre" contre le soi-disant "communisme" ; la démocratie ou le totalitarisme ; la gauche ou la droite ; le nationalisme "grand espagnol" ou le nationalisme basque ou catalaniste. Sa politique a consisté à lui faire choisir entre la peste et le choléra, à lui faire choisir un plat dans un menu entièrement empoisonné.
Pendant plus d'un siècle, surtout grâce à ses forces de "gauche", le capitalisme a exhorté le prolétariat à choisir le "moindre mal" : la ritournelle a toujours été la même : oui, c'est vrai, les "démocrates" du capital, les "socialistes" et les "staliniens" ne sont pas dignes de confiance, mais le plus grand mal, le diable en personne, ce sont uniquement les fascistes d'extrême droite. Au nom de cette démagogie, on a fait accepter les pires barbaries, l'exploitation la plus sauvage, les guerres les plus cruelles.
Avec ces choix truqués, le Capital cherche toujours à faire en sorte que le prolétariat perde son autonomie de classe, à le transformer en un jouet de ses batailles politiques, à faire de lui de la chair à canon lors de ses guerres.
Le dilemme le plus funeste, celui qui a fait le plus de tort au prolétariat tout au long du 20e siècle a été celui de choisir entre cette fausse alternative : fascisme ou antifascisme. Au nom de ce piège mortel, l'humanité toute entière fut entraînée dans le plus terrifiant des holocaustes : près de 60 millions de morts lors de la 2e Guerre mondiale. Au nom de ce dilemme truqué, un million de morts furent sacrifiés dans la "guerre civile" barbare de 1936 en Espagne.
A chaque fois que le prolétariat prend partie pour une des fractions du capital (extrême droite, droite, gauche ou extrême gauche), à chaque fois qu'il perd son identité de classe, et qu'il est dissout dans la masse interclassiste du "peuple" ou des "citoyens" en général, le Capital arrive à prolonger les souffrances, l'exploitation, la barbarie provoquées par son système d'exploitation.
La raison est bien simple : si le prolétariat choisit un des camps du capital, s'il disparaît en tant que classe dans cet amalgame du "peuple" ou des "citoyens" de la Nation capitaliste, alors les ouvriers, de même que l'ensemble de toute les classes non exploiteuses, deviennent les otages des guerres de cliques auxquelles se livrent leurs exploiteurs. Et c'est ainsi que le Capital arrive à créer un climat social où toute la population devient une somme d'automates vociférants contre l'épouvantail -qu'il agite pour cacher ses autres monstres (car dans ses querelles internes de cliques, la bourgeoisie a aussi besoin d'avoir ses propres boucs émissaires) ; les exploités sont transformés en soldats prêts à s'entre-tuer ou à mourir pour la "Patrie", pour les intérêts des fractions "démocrates" du Capital, pour des causes qui sont toujours celles de l'exploitation et de la barbarie capitaliste.
Les "démocrates anti-fascistes" du Capital sont tout aussi responsables de la Terreur bourgeoise que les néo-nazis les plus réactionnaires et arriérés. Le prolétariat n'a pas à choisir entre les camps d'exterminations nazis et les bombardements atomiques et massifs de la "guerre propre" des "démocraties". L'histoire des deux guerres mondiales a montré que, drapés de belles phrases sur "la tolérance", "la liberté", "l'égalité", "la fraternité" et "les droits de l'homme", tous les États "démocratiques" du capital ont inoculé tout autant, mais plus sournoisement, ces mêmes poisons nationalistes que leurs rivaux fasciste, franquiste, nazis ou staliniens.
La seule manière de lutter efficacement contre le Capital, c'est l'autonomie politique du prolétariat. C'est uniquement s'il est capable de lutter pour ses intérêts propres, sur son propre terrain de classe exploitée, qu'il pourra bâtir un rapport de forces capable de faire face au Capital. Ce n'est que de cette façon qu'il pourra agréger à son combat libérateur toutes les couches sociales opprimées et exploitées.
La société capitaliste, c'est la division de l'humanité en nations concurrentes, tandis que le prolétariat représente l'unité de l'humanité toute entière en une communauté mondiale où les différences de "races", de culture ou d'origine sociale sont abolies. Au nationalisme -quelle que soit l'enveloppe qui l'entoure- il faut opposer l'internationalisme prolétarien.
La société capitaliste secrète la haine et l'exclusion de l'étranger, de "l'autre". Seul le prolétariat pourra établir une communauté d'êtres humains libres et égaux qui travailleront collectivement pour le bien-être et l'épanouissement de toute l'espèce humaine. Face à la division et à l'affrontement entre êtres humains, il faut opposer la fraternité universelle qu'exprime de façon embryonnaire la lutte de classe du prolétariat.
La société capitaliste est basée sur la concurrence entre entreprises et nations, ce qui entraîne obligatoirement, dans la vie sociale, le chacun pour soi, le "pousse-toi de là que je m'y mette", le fait que chaque être humain est vécu comme un ennemi, un prédateur dans ses rapports avec les autres. Seul le prolétariat, en unifiant l'humanité dans une communauté mondiale où chacun pourra apporter le meilleur de lui-même pour contribuer à la pleine satisfaction des besoins de son espèce (en préservant son environnement naturel), pourra abolir les racines de la barbarie capitaliste. Face à la concurrence et au corporatisme dans le monde du travail, qui sont des forces destructrices et de désagrégation du tissu social, il faut opposer la solidarité et l'unité contenues dans les luttes authentiques du prolétariat.
L'origine de l'assassinat de Carlos se trouve dans le capitalisme et son processus de décomposition. Il ne faut pas s'arrêter au bras qui l'a tué, mais au système qui l'a armé. Seule la lutte indépendante du prolétariat contre toutes les fractions de la classe dominante, contre l'État bourgeois dans son ensemble, contre l'économie capitaliste et toutes ses expressions nationales et idéologiques pourra mettre fin aux bases matérielles qui provoquent (en plus de l'exploitation, de la guerre et de la barbarie quotidienne), des actes inhumains tels que le crime du métro de Madrid.
Acción Proletaria (journal du CCI en Espagne - 12 décembre 2007)[1] D'après nos "Thèses sur la décomposition, phase ultime de la décadence capitaliste" (1990), republiées dans la Revue Internationale nº 107 - 4e trimestre 2001 [85].
[https://fr.internationalism.org/french/rint/107_decomposition.htm] [1009]
[2] PSOE : Parti Socialiste. PP : Parti Populaire (droite)
[3] Chef du PP.
[4] Izquierda Unida (Gauche Unie) coalition autour du Parti Communiste d'Espagne.
Nous publions ci-dessous de larges extraits d'un tract que notre section au Venezuela a diffusé à la veille du référendum du 2 décembre dernier organisé par Chavez pour se faire plébisciter. Le résultat, l'échec de Chavez qui n'a obtenu que 48 % des voix, ne fait que confirmer le contenu de cette prise de position : l'impopularité croissante du dictateur populiste à qui la coalition de toutes les forces d'opposition de la bourgeoisie a refusé d'octroyer la "réélection à vie" contenu dans le projet de réforme de la Constitution. Par ailleurs, il faut réaffirmer que cette mise en échec ne représente nullement une quelconque "victoire" pour les prolétaires qui n'avaient absolument rien à gagner sur un terrain électoral qui n'est pas le leur.
Une fois de plus, moins d'un an après la réélection de Chavez, la bourgeoisie nationale, autrement dit aussi bien les dirigeants chavistes que ceux de l'opposition, mobilise les travailleurs et la population pour une autre confrontation électorale. Cette fois-ci, on convoque à un référendum le 2 décembre pour voter pour ou contre la réforme de la Constitution proposée par Chavez. (...)
Tenir les masses constamment mobilisées est indispensable pour le projet chaviste, et c'est ainsi que pendant ces 9 années de gouvernement, il a mis en place rien de moins que 10 consultations électorales. De cette manière, il cherche à maintenir la cohésion de ses forces éblouies par le mirage des supposés bienfaits du "Socialisme du 21e siècle" ou "Socialisme bolivarien", nom avec lequel la bourgeoisie chaviste a baptisé son modèle capitaliste d'État, un modèle basé, comme les autres, sur l'exploitation du prolétariat vénézuélien.
Le prolétariat vénézuélien n'a rien à gagner dans cette nouvelle bataille électorale ; il a surtout beaucoup à perdre ; non seulement à cause des mirages des modèles capitalistes que les factions bourgeoises en lutte lui font miroiter, mais aussi parce qu'elle renforce la division et les affrontements entre prolétaires. Cette nouvelle bataille électorale se déroule dans un cadre d'affrontement politique aiguisé entre les fractions gouvernementale et oppositionnelle, qui s'est répercuté dans les rangs des travailleurs avec le résultat de quelques ouvriers morts et blessés et qui pourrait déboucher sur des situations imprévisibles auxquelles beaucoup d'autres prolétaires pourraient être entraînés. Avec ce referendum, comme avec n'importe quel autre processus électoral, la seule gagnante est la bourgeoisie, qu'elle soit de gauche ou de droite. (...) Aussi, le prolétariat doit à tout prix éviter de tomber dans les mirages démocratiques qui lui proposent les progouvernementaux ou ceux de l'opposition pour essayer de l'encadrer dans l'une ou l'autre faction ; les uns se présentant en tant que défenseurs de la "démocratie participative où chacun en est l'acteur", les autres en tant que défenseurs d'une "démocratie sociale" contre les tentatives totalitaires et dictatoriales de Chavez. La démocratie, indépendamment de ses qualificatifs, n'est que l'appareillage juridique et idéologique que les classes dominantes ont perfectionné pendant des lustres pour soumettre le prolétariat et la société dans son ensemble. Les travailleurs doivent rejeter fermement les illusions propagées par les secteurs de la petite bourgeoisie d'opposition selon lesquelles une telle dynamique vers le chaos pourrait être inversée grâce "au jeu démocratique" et revenir à l'époque "faste" des années 70 ; et ne pas penser non plus que le projet chaviste du "socialisme bolivarien" éliminera la pauvreté en créant rien de moins que "le maximum de bonheur possible", tel que c'est écrit dans la Constitution reformulée. Les uns autant que les autres sont des défenseurs du système capitaliste d'exploitation, qui, dans sa période de décadence où nous vivons, ne se fonde que sur l'augmentation constante de la paupérisation. Ses propres lois de fonctionnement (qu'aucune loi décrétant le "socialisme" ne peut dépasser, comme le chavisme le prétend), concentrent la richesse entre les mains de quelques uns et la pauvreté pour l'immense majorité de la population.
La précipitation et la manière brouillonne avec laquelle le chavisme prétend imposer la réforme constitutionnelle met en évidence le fait que le projet chaviste court "contre la montre" pour contrer un processus d'épuisement politique et social ; d'un coté, parce que la pression de la bourgeoisie d'opposition est plus grande du fait que le chavisme a été incapable de mener à bien les objectifs du capital national dans son ensemble et, d'un autre coté, à cause du malaise social qui a commencé à sourdre et que le chavisme, à l'évidence, a de plus en plus de difficultés à contrôler (et c'était une des raisons principales pour les quelles la bourgeoisie avait accepté Chavez). Plusieurs facteurs montrent les difficultés réelles du projet chaviste :
Le plus grand défi que le chavisme affronte, c'est la perspective d'une élévation de la protestation sociale et de la lutte des ouvriers.
Tout le long de cette année, les expressions de l'indignation des masses (parfois même sympathisantes du chavisme) à cause du manque d'attention de l'État vis-à-vis de leurs nécessités en services, en voierie et, surtout, le manque de logements qui s'est encore aggravé avec les ravages provoqués par les pluies torrentielles (certaines personnes vivaient déjà dans des conditions très précaires depuis les inondations de 1999). Leurs protestations se sont jointes à celles de chauffeurs de taxi et des transports publics, qui subissent des agressions et même des assassinats en permanence. Les blocages de routes et les occupations de sièges d'organismes publics sont presque quotidiens.
En mai dernier, il y a eu des luttes chez les étudiants, des luttes qui rompaient avec la forme "traditionnelle" de lutte de ce secteur, qui se sont résolument exprimées sur un terrain social et ont utilisé des méthodes de luttes ouvrières basées sur les assemblées générales et les délégués élus par celles-ci. (...)
Il faut particulièrement mettre en relief les luttes des travailleurs pour leurs revendications salariales et sociales, les luttes des ouvriers du pétrole, qui ont débuté en mai dernier pour la réintégration des travailleurs des entreprises mixtes nationalisées, que l'entreprise d'État PDVSA voulait licencier. (...) (Voir l'article "Courrier du lecteur : grève des travailleurs du pétrole au Venezuela").
Face a une telle perspective de mobilisation sociale, face aux difficultés accrues pour montrer un visage "populaire" et "ouvrier", le régime chaviste n'a pas d'autre choix que celui de renforcer le contrôle et les moyens de répression étatiques, en modifiant pour cela quelques articles de la constitution ; comme, par exemple, les articles qui traitent de l'instauration des états d'exception et sur la création des dites "milices révolutionnaires", forces de répression militarisées, "garde prétorienne" directement dépendante de la présidence de la république.
Il est certain que les luttes sociales et les luttes ouvrières ont marqué un coup d'arrêt à cause de la campagne assourdissante pour la réforme. Il existe cependant un danger pour la classe ouvrière d'être prise dans les filets de cette polarisation et même d'être utilisée comme chair à canon par l'une ou l'autre des factions au pouvoir.
En tant que révolutionnaires, en tant que militants de notre classe, nous alertons le prolétariat contre ce danger. Beaucoup de prolétaires se sont laissé embarquer par la polarisation, disposés parfois à s'en prendre à leurs frères de classe : de tels agissements, comme tous ceux qui affaiblissent la solidarité de classe, doivent être dénoncés avec fermeté et sans relâche. Le prolétariat vénézuélien vit une situation particulièrement dangereuse, et, jusqu'à maintenant, il n'a pas eu les forces pour s'opposer fermement et massivement à une telle polarisation.
La situation au Venezuela est une illustration du fait que la bourgeoisie, dans son ensemble, est incapable de gouverner vraiment : il y a 9 ans, elle a placé Chavez au pouvoir pour essayer de régler la situation sociale et politique des années 90 ; résultat : le remède est pire que le mal. Pour les travailleurs : la détérioration des services publics, le coût élevé de la vie, le chômage et l'emploi précaire, la délinquance et, maintenant, la pénurie des aliments de base : voilà qui nous éloigne de ce "paradis" que nous ont vendu la bourgeoisie et la petite bourgeoisie de gauche, un paradis où nos conditions de vie allaient s'améliorer et, même, disaient-ils, la pauvreté allait être surmontée.
Les travailleurs n'ont d'autre alternative que celle de lutter avec leurs propres forces pour un monde meilleur, pour une vie vraiment digne. Pour y arriver, il faudra en finir avec les illusions démocratiques, qui non seulement éloignent la classe ouvrière de son propre terrain de lutte, mais qui l'éloignent aussi de sa lutte historique pour le dépassement de la barbarie à laquelle le capitalisme nous soumet. Seules les masses travailleuses, par le rôle qu'elles occupent au sein du capitalisme, possèdent la capacité de développer une lutte unie et consciente contre le capital ; et ainsi devenir une référence pour les autres couches sociales opprimées, et, enfin, mener à bien une lutte pour le véritable socialisme. Pour cela, il faut que les ouvriers brisent les chaînes de la polarisation et reprennent les luttes sur leur propre terrain de classe, sur la base de véritables assemblées ouvrières, avec leur délégués élus et révocables, responsables devant elles.
De la même manière, les minorités qui luttons au Venezuela et dans le monde entier pour dépasser la situation actuelle de domination du travail par le capital, avons aussi une très grande responsabilité dans le débat et la propagation des idées socialistes que nos prédécesseurs révolutionnaires ont défendues : Marx, Engels, Lénine, Trotski, Luxemburg, etc., des idées qui sont l'antithèse de cette supercherie nommée "socialisme du 21e siècle".
Internacionalismo (section du CCI au Venezuela) 29-11-07Il ne fait pas bon planter des tentes à Paris quand l'hiver arrive. Pourtant, le colonel Kadhafi, qui a installé la sienne pendant quelques jours au coeur de la capitale en décembre, n'a pas eu à goûter les rigueurs du froid ni de la répression. Bien au contraire, c'est dans les dorures de la République que le "Guide" de la Libye avec sa suite s'est vu dérouler le tapis rouge et qu'il a été pompeusement reçu par Sarkozy et sa troupe gouvernementale docile.
Docile, ou presque. Quelques voix se sont élevées pour s'offusquer d'un tel accueil pour celui qui, en 1983, a commandité un des plus meurtriers attentats perpétrés contre un avion français et qui tout récemment torturait encore les infirmières bulgares libérées par l'ex-première dame de France. A en faire toujours un peu trop, Sarkozy Ier irrite de façon croissante une partie de la classe dominante, jusque dans son propre clan. C'est la faussement candide Rama Yade qui a endossé ce rôle, au prix d'un sérieux remontage de bretelles par l'Élysée. Et bon nombre de députés de droite comme de gauche, se sont déclarés franchement scandalisés ou hostiles, mais pas un Bernard Kouchner toujours prêt à jouer les moralistes pleurnichards mais qui, dans son costume actuel de ministre des "affaires" étrangères, n'a pas voulu entraver la démarche intéressée de son Président.
Car, tout simplement, Kadhafi est venu "signer une dizaine de milliards de contrats" selon les propres mots de Sarkozy (Le Monde du 12 décembre). Et pas dans n'importe quoi : dans l'armement et le nucléaire. Un tel soutien dans ces secteurs, en faveur d'un chef d'État récemment encore mis au ban de la "communauté internationale" pour soutien au terrorisme, n'est pas anodin, même si la Libye tente de rentrer dans le rang. Cette cure de remise en forme est apportée par la France à l'armée libyenne alors que Kadhafi justifiait encore, à Lisbonne au début du mois, le recours au terrorisme pour un État faible. Ce qui ne laisse présager rien d'autre qu'un retour prochain de la Libye sur la scène de la provocation guerrière. Tout cela ne peut que contribuer à aggraver le chaos et les massacres, notamment sur le sol africain.
Mais le clou de cette visite parisienne, est resté la question des droits de l'Homme. Sarkozy jure la main sur le coeur qu'il en a parlé à Kadhafi. D'ailleurs, ne le reçoit-il pas pour l'encourager dans sa décision de se "normaliser" ? Kadhafi rétorque quant à lui qu'on ne lui en a pas parlé, et que d'ailleurs ce serait mal venu dans un pays où il n'est pas certain que les immigrés bénéficient de ces droits. A ce petit jeu de poker menteur, celui qui ment le moins est sans aucun doute Kadhafi. Il n'était vraiment pas nécessaire de parler des "droits de l'Homme" à Kadhafi pour lui vendre des armes. De quels droits de l'Homme peut-on bien parler quand on fourgue à un pays un arsenal militaire capable de mater et massacrer le moindre frisson de rébellion dans toute sa région, où il garde une influence considérable ? Sarkozy peut se targuer pourtant d'avoir "été le candidat des droits de l'Homme" (Libération du 12 décembre) et d'avoir respecté ses engagements en libérant les infirmières bulgares et obtenant "des preuves de vie d'Ingrid Betancourt" (Ibid.). Au sein de la bourgeoisie, libyenne, française ou de n'importe où, le sort des populations est lié à ses intérêts impérialistes et l'humanité n'a qu'un seul droit, celui de verser sa sueur et son sang.
Les gesticulations people de Sarkozy du haut de sa "jet set" ressemblent de plus en plus à un théâtre de grand' guignol pour amuser la galerie : un jour sous les flashes de sa poignée de mains amicale avec le pantin Chavez, un autre faisant frissonner les foules de journaleux et de politicards avec la marionnette de "l'affreux, sale et méchant" acteur Kadhafi en guest-star. Puis suivent les cadeaux de Noël-surprise du Président : s'afficher à Eurodisney avec sa nouvelle poupée Barbie, la chanteuse et ex-top model Carla Bruni et, pour couronner le tout, la gloire médiatico-rédemptrice d'une bénédiction papale juste à la veille de la messe de minuit. Alléluia ! De quoi émouvoir dans les chaumières garnies d'antennes paraboliques !
Décidément, en assurant en permanence un tel spectacle, Saint Nicolas, notre bon Papa Noël français, qui a transformé l'Élysée en magasin de farces et attrapes, mériterait bien un jour de recevoir de ses pairs de la bourgeoisie un prix Nobel s'il y en avait un réservé aux marchands de canon.
RI (19 décembre)"Un vent de panique provoque un lundi noir à la Bourse de Paris", "Tempête boursière", "Les digues cèdent sur la planète finance", "Nouveau krach d'un système détraqué", "Les Bourses européennes connaissent leur plus forte chute depuis le 11 septembre 2001" [1]... Ce début d'année 2008 commence en fanfare. Presque toutes les bourses du monde, de l'Europe à l'Asie, ont connu de violentes turbulences, perdant en l'espace d'une seule journée de 4 à 7% ; certaines ont même dû être fermées en cours de séance pour limiter les dégâts.
Les unes après les autres, les banques publient des résultats jugés "médiocres" pour l'année 2007. Les pertes liées à la crise des subprimes n'en finissent pas de surprendre par leur ampleur. Les banques américaines sont évidemment très touchées : entre autres exemples, le bénéfice de la Bank of America a plongé de 29 % en 2007, celui de Wachovia a fondu de 98 % au quatrième trimestre ! Tous les continents sont touchés. Après les banques allemandes WestLB et Commerzbank, c'est aujourd'hui le tour de la deuxième banque chinoise, Bank of China, d'annoncer des pertes de plusieurs milliards de dollars. Le gouvernement britannique a dû intervenir directement pour sauver Northernrock de la faillite.
Jusqu'à présent, nous refaisant le coup du nuage de Tchernobyl, les autorités et les médias nous assuraient que les banques françaises avaient été plus responsables, qu'elles n'avaient pas trempé leurs mains dans la spéculation sauvage, etc. Et... patatras... voilà qu'AXA, BNP Paribas, Crédit Agricole, Richelieu Finance publient à leur tour des résultats en berne. Côté mensonge, la palme du ridicule et du grotesque revient sans nul doute à la Société Générale et à son patron Daniel Bouton. Pour justifier 7 milliards d'euros de perte, ce dernier, lors d'une conférence surréaliste, a expliqué sa déconfiture par "l'extraordinaire talent de dissimulation" de Jérôme Kerviel, un trader de 31 ans, soulignant "l'incroyable intelligence de cet opérateur de base" dont les "motivations sont totalement incompréhensibles". Connaissant les procédures de contrôle sur le bout des doigts, il aurait créé une "entreprise dissimulée à l'intérieur (des) salles de marché" de la SG, accusant 4,9 milliards d'euros de perte à lui tout seul contre "seulement" 2 milliards de dépréciations d'actifs liées à la profonde crise des subprimes ! Le mensonge est énorme et tous les spécialistes ont évidemment émis "des doutes" quant à la validité de cette thèse. Mais la direction de la banque, Sarkozy et le gouvernement ne lâchent pas leur scénario. Même le secrétaire général de l'OCDE, Angel Gurria, apporte sa petite participation au gros mensonge "Ce qui se passe à la Société Générale est différent et n'est pas symptomatique d'une crise systémique". Voilà le but de la manœuvre ! Nier la réalité de la crise, faire croire qu'il ne s'agit que d'un accident de parcours, d'une simple fraude.
Pourtant, cette crise est bien là. Elle n'a rien de virtuelle et ses conséquences commencent déjà à se faire ressentir pour la classe ouvrière. Les banques annoncent les unes après les autres des "restructurations nécessaires", autrement dit des vagues de licenciements : 4000 suppressions de postes aux Caisses d'Epargne, 2400 chez Indymac Bancorp (société de crédit américaine), 1000 chez Morgan Stanley (banque américaine) ; entre 17 000 et 24 000 chez Citygroup (1re banque mondiale) ; de 5 à 10 % des effectifs chez Merrill Lynch (banque d'investissement) et Moody's (agence de notation financière). Et il ne s'agit là que des premières annonces d'une vague de licenciements qui va toucher dans les mois à venir l'ensemble du secteur bancaire.
"Cette dérive boursière est [...] plutôt une bonne nouvelle pour certains. Cela permet d'assainir le marché."[2] Ce discours, les médias nous en rebattent les oreilles. Les convulsions boursières et les difficultés des banques auraient même un aspect moral : les spéculateurs ayant commis quelques excès seraient aujourd'hui punis par le marché et tout serait simplement en train de revenir à la normale. Mensonges ! Derrière la très médiatique crise financière actuelle, se cache, à peine voilée, une profonde crise de l'économie réelle.
La folle spéculation de ces dix dernières années prend racine dans les difficultés des entreprises à vendre leurs marchandises. Le capitalisme est rongé par une maladie mortelle et congénitale à laquelle il n'existe nul remède : la surproduction[3]. La seule solution du capitalisme est de créer artificiellement des débouchés par un recours massif à l'endettement et au crédit. Pour faire face à la crise asiatique en 1997, puis à la récession de 2001, la bourgeoisie a ouvert en grand les vannes du crédit. Jamais les taux n'ont été aussi bas, les banques ne vérifiant même plus la solvabilité des emprunteurs ! Cet été, le revenu des ménages pauvres américains était pour 80% lié au crédit, c'est à dire qu'ils achetaient leur télévision, leur nourriture, leurs vêtements... en s'endettant ! Les prêts à risques nommés subprimes en sont venus à représenter, en juillet 2007, 1500 milliards de dollars de dettes ! Une montagne... mais une montagne qui a commencé à s'éroder puis à craquer. Tous ces ménages endettés ont été incapables de rembourser leurs prêts arrivant à échéance. L'économie réelle, faite pour les ouvriers de vagues de licenciements, de hausse du chômage et de paupérisation, a rappelé l'économie virtuelle à la triste réalité. Effet domino, les banques ont accumulé les pertes qu'elles annoncent aujourd'hui... à coups de milliards de dollars. Mieux encore, profitant des taux d'emprunts extrêmement bas, les banques, les magnats de la finance et même les entreprises s'étaient mis à leur tour à s'endetter pour spéculer, se vendant et se revendant entre eux les subprimes contractés par les familles ouvrières. Autour des prêts à risques, ce ne sont donc pas 1500 milliards mais des dizaines de milliers de milliards de dollars qui ne seront finalement jamais remboursés[4] !
C'est donc bien la crise de l'économie réelle qui est la cause de la frénésie spéculative de ces dix dernières années comme des secousses financières actuelles. Mais aujourd'hui, comme un boomerang, les difficultés des banques vont rejaillir sur toute la vie économique : "Les historiens le savent bien : les crises bancaires sont les plus graves, en ce qu'elles affectent le centre névralgique des économies, en l'occurrence le financement de l'activité et des entreprises.»[5] Prises dans la tourmente, les banques ne vont plus pouvoir continuer de prendre le risque de prêter à tout va, sans être sûres de la solvabilité des emprunteurs. Les entreprises comme les ménages vont ainsi avoir plus de mal à s'endetter, ralentissant du même coup l'activité économique. Comme l'écrit La Tribune : "Dans la zone euro, où les PME dépendent à plus de 70 % des banques pour se financer, l'impact récessionniste est certain"[6]. C'est ce que les spécialistes appellent le "credit crunch". Cet impact sur l'économie réelle commence d'ailleurs déjà sérieusement à se faire ressentir. En particulier, lors du dernier trimestre 2007, l'économie mondiale a fortement ralenti, laissant entrevoir ce que nous réservent 2008 et 2009. Un journal comme Le Monde, pourtant habituellement "réservé", ne cache plus aujourd'hui la réalité de cette tendance récessionniste : "L'indice Baltic Dry Index (BDI), qui mesure le prix du transport maritime des matières premières, est un bon indicateur du niveau d'activité du commerce... et de l'économie mondiale. Il vient de battre quatre records de baisse en une journée [...] Si les prédictions de l'indice Baltic Dry sont avérées, le ralentissement mondial a déjà commencé et sera douloureux"[7]. Par le fret maritime naviguent toutes les marchandises du monde ; son ralentissement est donc en effet très significatif de la mauvaise santé actuelle de l'économie mondiale. Les premières victimes en seront évidemment les ouvriers. Ford, par exemple, annonce déjà, comme un signe avant-coureur, la suppression de 13 000 emplois (venant s'ajouter aux 44 000 déjà supprimés en 2006).
Face à cette nouvelle crise, la bourgeoisie apporte encore et toujours sa sempiternelle et unique "solution" : encore plus de crédits, encore plus de dette. Le président américain, George Bush a ainsi annoncé un plan exceptionnel de 140 milliards de dollars et la FED (banque centrale américaine), une baisse de 75 points de ses taux directeurs. Toutes ces mesures ne pourront en rien enrayer l'accélération actuelle de la crise, tout juste la différer un peu.
En 1997, en injectant près de 120 milliards de dollars, la bourgeoisie était parvenue à circonscrire la crise en Asie. En 2001, l'éclatement de la bulle Internet avait été compensé par la création d'une nouvelle bulle, la bulle immobilière. Mais aujourd'hui, il ne s'agit pas d'une crise régionale située à la périphérie (la crise asiatique) ou d'un problème pouvant être limité à un secteur secondaire (la bulle Internet). C'est le cœur même du capitalisme qui est touché : l'Amérique, l'Europe, et les banques. La crise est donc bien plus grave, ses conséquences sur nos conditions de vie seront bien plus dramatiques.
Fort heureusement, nous disent tous les économistes à la solde de la classe dominante, l'Asie et ses taux de croissance fantastiques vont soutenir, malgré tout, la croissance mondiale... Mais là aussi, la réalité est tout autre. Certains experts commencent déjà, à contre cœur, à le reconnaître devant l'évidence des faits : "Mais il faut bien constater que la Thaïlande a annoncé hier un ralentissement de ses exportations en décembre, tout comme Singapour ou encore Taiwan. La Banque mondiale admet que des canaux de contagion de la crise aux pays émergents existent : l'exposition des banques aux subprimes, (...) et (...) l'impact sur l'économie d'une récession aux États-Unis."[8]. La Chine va particulièrement souffrir de la baisse de ses exportations de par la récession américaine. Bref, l'Asie, comme tous les continents, va être touchée par cette nouvelle accélération de la crise économique mondiale. Et là-bas, cela se traduira par une augmentation considérable de la pauvreté et de la famine.
Dans les mois et les années à venir, sur toute la planète, le prolétariat va être confronté à une dégradation considérable de ses conditions d'existence. La bourgeoisie n'aura de cesse d'attaquer et d'attaquer encore. Mais depuis plusieurs années maintenant, les prolétaires ont démontré leur capacité à développer leurs luttes. Face à cette nouvelle aggravation de la crise et à la dégradation de leurs conditions de vie, ils ne peuvent que continuer à amplifier leurs combats et forger leur solidarité de classe.
[1]) Respectivement la Tribune, le Figaro, les Echos, Libération, le Monde du 21 au 23 janvier.
[2]) La Tribune du 22 janvier.
[3]) Pour une explication plus détaillée de l'économie capitaliste, lire notre article "Qu'est-ce que la décadence ?" sur www.internationalism.org [854].
[4]) Ainsi, après les subprimes, d'autres types de crédit arrivent peu à peu à échéance et, là aussi, la douche risque d'être froide. Par exemple, pour les Credit Default Swap (CDS, sorte de crédit à mi-chemin entre le prêt classique et l'assurance), le "total des encours mondiaux en CDS s'est très rapidement développé à partir du début des années 2000 pour atteindre 45 000 milliards de dollars en 2007 (plus de 3 fois le PIB américain). Ces actifs sont considérés comme ayant de grandes ressemblances avec le marché des subprimes. Si les entreprises venaient à faire faillite, les même causes produiraient les même effets, sur une échelle beaucoup plus grande" (Commission pour la libération de la croissance française, dite Commission Attali).
[5]) La Tribune du 22 janvier.
[6]) Idem.
[7]) Le Monde du 21 janvier.
[8]) La Tribune du 22 janvier
Au delà des vœux mielleux du Président pour 2008, la bourgeoisie française s'apprête à taper aussi fort qu'elle le pourra sur la classe ouvrière. Prise à la gorge par l'aggravation brutale de la crise économique mondiale, elle doit maintenant s'attaquer définitivement à tous les "avantages acquis". Et cela d'autant plus que, depuis plus de vingt ans, elle n'a pas été en mesure d'imposer à la classe ouvrière une politique de démantèlement de "l'État providence" à la hauteur des nécessités du capital national.
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les gouvernements de la plupart des pays d'Europe occidentale ont mis en place ce qu'on a désigné "l'État providence" : couverture des dépenses de santé, indemnisation du chômage, pensions de retraite. Ce n'est nullement par philanthropie que la classe exploiteuse a mené une telle politique mais bien pour rationaliser l'exploitation de la classe ouvrière. La santé gratuite (ou à faible coût) pour les salariés était destinée à garantir l'entretien d'une force de travail à qui on demandait des efforts considérables afin de reconstruire une économie en ruines du fait de la guerre. L'indemnisation du chômage, sous couvert de "solidarité", ne coûtait pas très cher à la bourgeoisie à une époque de plein emploi. Quant à la prise en charge des pensions de retraite pour les vieux travailleurs (en général après 65 ans), elle ne coûtait pas très cher non plus du fait de l'espérance de vie des ouvriers à cette époque, espérance de vie affectée pour beaucoup d'entre eux par les terribles épreuves de la guerre. Une des meilleures illustrations de la rationalité parfaitement capitaliste de ces mesures c'est qu'elles ont été mises en place aussi bien par des gouvernements dirigés par des partis de gauche (comme en Grande-Bretagne) que par des gouvernements contrôlés par la droite, comme en Allemagne ou en France (où le général De Gaulle était le chef du gouvernement).
Cependant, depuis le début des années 1980, les bourgeoisies des principales puissances européennes concurrentes de la France, telles l'Angleterre et l'Allemagne se sont attachées à démanteler "l'Etat providence". La raison en est simple, à la fin des années 1960/début des années 1970, la crise économique mondiale du capitalisme entre dans une nouvelle phase d'approfondissement. Finie la période du "miracle économique" de l'après-guerre. A nouveau, une réalité implacable s'impose : faire en sorte que chaque capitalisme soit le plus compétitif possible sur l'arène de la guerre commerciale mondiale. Pour la bourgeoisie de tous les pays, il s'agit de faire baisser autant que possible le coût du travail. Autrement dit, la classe ouvrière doit commencer à se serrer la ceinture. La bourgeoisie se doit d'imposer dorénavant une austérité grandissante. Mais pour cela, elle lui faut d'abord s'attaquer à la résistance des ouvriers qui avaient déjà commencé à réagir face à la dégradation de leurs conditions de vie. Ainsi, les années 70 ont vu se développer une très forte combativité ouvrière dans le plus vieux pays capitaliste du monde, la Grande-Bretagne, dont l'économie était une des plus affectées par la crise mondiale. La bourgeoisie anglaise a confié à madame Thatcher la sinistre besogne de casser les reins d'un des prolétariats les plus combatifs du monde. La "Dame de fer", comme l'avait surnommée la bourgeoisie, s'y est employée avec zèle, notamment en provoquant et en entraînant les mineurs britanniques dans une lutte extrêmement longue et dure. Cette lutte sera finalement défaite par la capacité de la bourgeoisie à l'enfermer dans un complet isolement corporatiste avec une contribution de premier ordre des syndicats. La défaite infligée à ce secteur très important de la classe ouvrière dans ce pays, accompagnée d'autres défaites majeures dans d'autres secteurs comme celui de l'imprimerie, a permis à la bourgeoisie britannique d'avoir les mains libres pour lui imposer une austérité sans précédent et de démanteler "l'État providence".
Dans la majorité des pays occidentaux développés, cette politique d'austérité était brutalement déployée par des gouvernements de droite, le rôle de la gauche consistant, dans l'opposition, à saboter les luttes défensives de la classe ouvrière. Mais en France, du fait de toute une série d'archaïsmes de l'appareil politique de la classe dominante[1], l'arrivée à contretemps de la gauche au pouvoir, avec l'élection de Mitterrand en 1981, allait durablement freiner la capacité de la bourgeoisie de ce pays à mener des attaques aussi fortes et profondes que ses principaux concurrents. Les partis de gauche (partis socialiste et communiste) ne pouvaient pas du jour au lendemain faire au gouvernement, sous peine de se discréditer brutalement, exactement le contraire de tout ce qu'ils avaient annoncé pendant des années dans l'opposition. De ce fait, il a fallu attendre plusieurs années pour que se mette en place progressivement en France une réelle politique d'austérité (rebaptisée "rigueur" pour les besoins de la cause)[2]. Quant à la politique de "libéralisation" de l'économie développée dès la fin des années 1970 dans les principaux pays européens, elle a dû attendre plus longtemps encore. Cette politique pour la bourgeoisie présentait un double avantage. En premier lieu, elle plaçait les ouvriers travaillant dans les secteurs étatisés de l'économie non plus directement en face du seul Etat capitaliste, mais en face d'une multitude de patrons, ce qui favorisait la division et l'éparpillement des luttes. En second lieu, elle permettait d'introduire des modèles de gestion des entreprises plus concurrentiels. Il est plus facile de licencier dans ces secteurs que dans celui du secteur public. En France, c'est finalement le gouvernement de gauche Jospin, au cours des années 1990, qui privatisera franchement des secteurs entiers de l'économie française poussée par des accélérations de la crise économique mondiale. Dans ce domaine pourtant si important pour la bourgeoisie, la France capitaliste aura pris un retard certain.
Ainsi, malgré les effets ravageurs de la crise, le capital français a dû supporter, au moins jusqu'à présent, que les ouvriers en France partent à la retraite à 60 ans (une des principales promesses de Mitterrand en 1981 qu'il a dû satisfaire) quand l'âge de départ se situe à 65 ans et plus chez ses principaux concurrents, tout en continuant également, malgré les nombreuses attaques déjà effectuées sur ce plan, a maintenir un minimum de couverture de santé pour la classe ouvrière.
C'est fondamentalement cette incapacité de la bourgeoisie française à porter des attaques décisives contre "l'État providence" qui explique la situation de son économie plombée à la fois par un déficit de l'État de plus en plus catastrophique et un déficit croissant de son commerce extérieur. Au moment où, du fait de l'aggravation de la crise, le chômage pèse de manière croissante sur les finances publiques et que s'amenuisent les cotisations sociales, l'État est incapable de boucler ses budgets. Ses dépenses pèsent sur le prix des marchandises produites (à travers notamment des impôts) ce qui les rend de moins en moins compétitives sur le marché mondial. Lorsque le premier ministre Fillon déclarait, il y a quelques mois, que l'État français était en faillite sur un ton volontairement alarmiste, il ne faisait que traduire ouvertement cette urgence pour le capital français.
L'incapacité de la bourgeoisie française à porter des attaques anti-ouvrières à un niveau suffisant ne résulte pas seulement de ses archaïsmes politiques qui ont provoqué la venue de la gauche au pouvoir en 1981. Elle résulte aussi de la capacité de la classe ouvrière en France à réagir aux attaques à laquelle elle est confrontée. Cela fait plusieurs dizaines d'années que la bourgeoisie se rappelle la surprise et l'angoisse qu'elle a vécue au moment de la grève ouvrière massive de mai 1968. Cette lutte massive représentait l'expression la plus forte de la reprise de la lutte ouvrière internationale après des dizaines d'année de contre-révolution. Pratiquement tous les pays d'Europe furent touchés par cette nouvelle vague de lutte internationale mais c'est en France, et de loin, que le prolétariat exprima au plus haut point sa combativité et sa capacité de lutter. Tout au long de la période qui nous sépare de 1968, cette capacité du prolétariat français allait se manifester. Que l'on se souvienne des luttes dans la sidérurgie à la fin des années 1970. Enfin, il y a à peine plus d'un an, la lutte exemplaire des jeunes générations contre le CPE venait rappeler à nouveau, si nécessaire, cette réalité. Cette force de la classe ouvrière en France a entravé la capacité de la bourgeoisie française à démanteler totalement "l'Etat providence".
Ce n'est donc pas par hasard si Sarkozy déclarait il y a quelques mois : "Je veux en finir avec l'esprit de mai 68". Ce cri du cœur que veut la bourgeoisie, et le plus rapidement possible, c'est casser totalement la Sécurité sociale, réduire les pensions de retraite en dessous même du minimum vital. C'est "dégraisser" comme le disent si bien les bourgeois, toutes les administrations et autres fonctions publiques de centaines de milliers de prolétaires fonctionnaires qui y travaillent. C'est flexibiliser au maximum le travail. C'est-à-dire mettre chaque travailleur à la disposition de ses exploiteurs. Mais plus encore que ses prédécesseurs de droite comme de gauche qui se sont succédés depuis 1968 à la tête de l'Etat, le gouvernement Sarkozy devra faire face à la capacité de réaction croissante de la classe ouvrière. Au moment où la lutte de classe se développe dans de nombreux pays du monde le prolétariat français aujourd'hui placé à la pointe de cette vague de luttes se trouve en mesure de faire face aux nouvelles attaques déjà programmés et annoncées par l'Etat bourgeois.
Face à la nouvelle accélération brutale de la crise économique, tous les gouvernements, qu'ils soient de droite ou de gauche, n'ont fondamentalement qu'une seule politique : attaquer toujours davantage la classe ouvrière[3]. La seule limite à l'exploitation de la classe ouvrière, c'est la capacité de résistance des prolétaires et de refus des "sacrifices" que la bourgeoisie et ses gouvernements, de gauche comme de droite, cherchent à leur imposer. La crise met ainsi à nu l'antagonisme fondamental et irréductible entre la classe exploiteuse et la classe exploitée. En conséquence, pour la bourgeoisie, la seule feuille de route, c'est d'attaquer toujours plus fort. Pour la classe ouvrière, le seule perspective, c'est le développement des luttes.
Tino (24 janvier)[1]) Archaïsmes qui sont résumés dans la formule : "la France a la droite la plus bête du monde".
[2]) Il n'est pas inutile de rappeler que le Premier ministre socialiste qui a opéré le "tournant de la rigueur" n'était autre que Laurent Fabius, chef de file actuel de la "gauche" du PS.
[3] La gauche et les gauchistes quand ils proposent "de prendre l'argent dans la poche des riches", ne mettent en avant qu'une pure mystification idéologique car l'idée de relance de la production par la "consommation populaire" est une parfaite aberration dans le système capitaliste car la part de profit réinjecté dans l'économie s'amenuiserait alors que c'est une nécessité pour le fonctionnement du système capitaliste car ce qui caractérise le capitaliste, ce n'est nullement son train de vie c'est de réinvestir ses profits dans la production.
La journée de mobilisation nationale des fonctionnaires appelée par tous les principaux syndicats le 24 janvier a rassemblé la moitié moins de grévistes (20 à 25 %) et de manifestants (300 000 dont 25 000 à Paris) que la précédente le 20 novembre dernier. Et pour cause : alors que le 20 novembre avait servi d'enterrement de première classe à la grève des cheminots et des traminots (voir RI n° 385, décembre 2007), cette fois les syndicats avaient pris soin d'isoler et de canaliser la combativité restant forte chez les salariés pour lesquels les "négociations" sur les régimes spéciaux s'enlisent depuis plus de deux mois en les faisant manifester en catimini à Paris 2 jours avant. Ainsi, sans aucune publicité médiatique ni syndicale, le 22 janvier, entre 16 000 (selon la police) et 50 000 (selon les syndicats) cheminots, traminots, gaziers et électriciens ont défilé entre la gare d'Austerlitz et les Invalides, derrière 5 fédérations syndicales, CGT en tête. Leur mot d'ordre était clairement "défendre la future retraite de leurs enfants" et un agent de service de l'EDF déclarait nettement "Je défends ici l'avenir de mes enfants". En même temps, la colère était très forte chez les cheminots qui en plus des régimes spéciaux se retrouvaient sous le coup d'une nouvelle annonce de 1500 suppressions d'emplois dans le secteur du fret (transport des marchandises) de la SNCF. Seuls FO et SUD, reprenant leur posture radicale lors de la grève d'octobre-novembre n'y participaient pas mais appelaient leurs adhérents à rejoindre le cortège des fonctionnaires le 24. Une nouvelle fois, la division syndicale était au service de la division des ouvriers. La "Journée nationale d'action" du 24 regroupant la fonction publique d'Etat, les collectivités territoriales et divers services publics (en particulier les hôpitaux, les agences de l'ANPE ou la Poste) était dominée par le secteur de l'enseignement (où le taux de grévistes atteignait 40 %), concernés par 11 200 suppressions de poste sur les 22 900 prévus dans l'ensemble du secteur public à la rentrée 2008 et par les heures administratives supplémentaires (et non rémunérées) qu'on leur impose désormais. Mais dans le privé, les "négociations" sur les nouveaux contrats de travail sous le signe de la "flexisécurité" signés avec l'instance patronale du Medef par 5 syndicats sur 6 (à l'exception de la CGT) constituent pour 11 millions de salariés une déréglementation complète dans le prolongement de la réforme du Code du travail adopté en douce en décembre dernier : en cas de licenciement, il s'agira "rupture de contrat à l'amiable" pour éviter de passer par les tribunaux, de généraliser des CDD "de mission" limités à 36 mois ; de périodes d'essai porté de 1 à 2 mois pour les ouvriers et employés, de 2 à 4 mois pour les cadres. Et les syndicats osent parler de "compromis équilibrés" et de "contreparties gagnantes" pour... quelques mois de prolongation de droits à une mutuelle complémentaire de santé en cas de "rupture de contrat amiable" ! Les syndicats sont non seulement à l'avant-garde de la bourgeoisie non seulement pour saboter et diviser la riposte des ouvriers mais aussi pour faire passer les attaques de la bourgeoisie. La collusion entre les syndicats, le gouvernement et le patronat est manifeste. Face à l'usure grandissante des appareils syndicaux, une duperie supplémentaire est organisée pour enfumer la conscience des ouvriers et bloquer la dynamique de leur réflexion : la négociation sur "la représentativité des syndicats" qui viennent de s'ouvrir ne peut servir qu'à occuper le terrain et faire diversion en alimentant la querelle entre les "syndicats représentatifs" accrochés à leurs intérêts de boutique et les "syndicats émergents" tels que l'UNSA et Sud-Solidaires qui se posent en nouvelles forces d'encadrement des ouvriers. Les ouvriers ne doivent compter que sur eux-mêmes pour développer leurs luttes et non pas sur les syndicats qui y feront toujours obstacle, quel que soit leur image et leur statut, officiel ou non.
La répression de la classe ouvrière caractérise tous les régimes capitalistes ("démocratie" ou "dictature") : c'est toujours par la terreur que la classe bourgeoise impose son ordre social à la classe exploitée. En Russie, la structure criminelle du système social, économique et politique explique la permanence et la brutalité de la répression que subit la classe ouvrière de la part de l'État. Toute l'économie est quadrillée par les "monopoles" contrôlés par le clan des "hommes en uniforme" qui s'accaparent les grandes sociétés ainsi que les postes de gouverneurs des régions. L'économie est asservie dans l'unique but de produire un maximum de revenus à la camarilla de la classe dominante. La plupart des patrons et des bureaucrates d'État, gangsters membres de l'ex-KGB, savent, parce qu'ils peuvent perdre leur position du jour au lendemain au gré de la lutte à mort entre fractions, que leur temps au pouvoir est compté. C'est pourquoi, afin de se faire un maximum d'argent en un minimum de temps, ils usent de tous les moyens possibles pour tirer un maximum de profit de la classe ouvrière, depuis le légalisme du "droit du travail" révisé en 2001 qui rend pour ainsi dire illégal tout mouvement de grève de plus de 24 heures, la condamnation systématique des grèves par les cours de justice jusqu'à la violence de la police ou des milices armés contre les ouvriers combatifs.
Bravant cette répression, les luttes ouvrières qui ont surgi lors de la dernière période font voler en éclats le mythe entretenu par les médias d'une majorité satisfaite de sa situation et toute entière derrière un Poutine adulé. "Si le mois de novembre doit rester dans les mémoires, ce ne sera pas en raison de la campagne électorale ou des intrigues politiques au Kremlin, mais à cause du surgissements des luttes ouvrières."[1]
Une vague de grèves, première manifestation de la combativité ouvrière depuis près d'une décennie, a, depuis le printemps, balayé le pays de la Sibérie Orientale au Caucase, touchant de multiples secteurs tels la région du pétrole de Khanty-Mansiysk dans le Grand Nord, des chantiers de construction en Tchétchénie, une usine de la filière bois à Novgorod, un hôpital dans la région de Tchita, le service de maintenance des logements à Saratov, les fast-food à Irkoutsk, l'usine automobile General Motors-AvtoVAZ à Togliatti, ou encore une grosse usine métallurgique en Carélie. Le renforcement des mesures répressives au cours de l'été pour endiguer la montée des luttes est largement resté sans effets.
En novembre, les dockers du port de Tuapse en Mer Noire (les 4-7 novembre), puis ceux du port de St-Pétersbourg (13-17 novembre) sont entrés en grève alors que les ouvriers des Postes cessaient le travail pour la première fois depuis 2001 (le 26 octobre), de même ceux du GouP TEK (secteur de l'énergie). Les conducteurs des Chemins de fer russes (R.ZH.) menacent de faire grève pour la première fois depuis 1988. "La grande vague de grèves qui a déferlé sur la Russie ne se calme pas. D'une entreprise à l'autre, les arrêts de travail succèdent aux blocages, tandis que certaines sociétés qui travaillent encore sont menacées de grèves (...) L'automne de cette année 2007, que le pouvoir en pleine campagne des législatives tente de présenter comme l'aboutissement du processus de stabilisation et d'une ère de prospérité, a été marqué par la montée en puissance de la "conscience prolétaire"."[2] Si pour le moment les grèves restent limitées à une entreprise ou une région particulière, elles manifestent la riposte de la classe ouvrière à la dégradation galopante de ses conditions de vie. Les inégalités insupportables dans la société, le luxe le plus insolent étalé par les oligarques et les managers d'entreprises alors que la majorité des ouvriers peine à s'offrir trois repas par jour, exacerbent le mécontentement. Surtout, si la question des salaires se trouve au cœur des luttes et forme l'aiguillon de la combativité ouvrière, c'est parce que les salaires sont dévorés par le développement faramineux de l'inflation et l'augmentation de 50 à 70 % des prix alimentaires, alors même qu'une nouvelle hausse de 50 % est attendue au cours de l'hiver !
Face à cette situation, la Fédération des syndicats indépendants de Russie, héritière de l'ancienne confédération soviétique et pro-gouvernementale, par définition hostile à toute lutte, est trop discréditée pour jouer efficacement son rôle d'encadrement de la lutte du prolétariat au profit de la classe dominante. Elle est même vue "comme l'adversaire le plus énergique du mouvement des ouvriers" [3]. C'est pourquoi, avec l'aide de centrales occidentales, une partie de la bourgeoisie russe cherche à exploiter les illusions existant chez les ouvriers sur les syndicats "libres" et "de lutte" pour que se développent de nouvelles structures comme le syndicat cheminot RPLBJ, la confédération Zachita Truda ou le Syndicat interrégional des travailleurs de l'automobile, fondé à l'initiative du Comité syndical de Ford et regroupant des syndicats indépendants de plusieurs grandes entreprises.
C'est celui-ci qu'on a vu à l'œuvre dans la grève de l'usine Ford à Saint-Pétersbourg, en novembre-décembre, où la majorité des 2200 ouvriers s'est mobilisée pour une augmentation de 30 % des salaires [4]. Cette lutte a contribué à rompre le black-out sur les luttes ouvrières en Russie.
La direction a d'abord organisé le lock-out de l'usine avec l'aide des OMON [5]. Sous l'impulsion du syndicat, les ouvriers se sont massés quotidiennement par centaines dans un piquet aux portes de l'entreprise sans autre perspective que de "tenir" face à la direction refusant toute négociation. Après un mois, la grève s'effilochant, les ouvriers, épuisés, ont dû reprendre sans rien avoir obtenu, en se pliant aux conditions de la direction : la promesse de négociations après la cessation de la grève.
C'est en isolant ainsi les ouvriers sur "leur" usine et en restreignant les expressions de solidarité des autres secteurs à l'envoi de messages de sympathie et au soutien financier à la caisse de grève que ces nouveaux syndicats indépendants ont infligé cette dure défaite aux ouvriers.
Toute l'expérience de la classe ouvrière depuis des décennies montre qu'il n'existe pas de syndicalisme au service de la lutte ouvrière, qu'il est une arme de la classe dominante et les syndicats des organes de l'Etat capitaliste dont la fonction est de contrecarrer les besoins d'unité, de solidarité, d'extension et, dans l'avenir, d'internationalisation de la lutte ouvrière. Ce qui importe pour la classe ouvrière ce n'est pas de reconstruire de nouveaux syndicats. Son avenir, elle devra le forger en développant la confiance en ses propres forces et ses propres moyens de lutte, les seuls qui lui permettent de construire un rapport de force en sa faveur face à la bourgeoisie : les assemblées générales et la lutte unie et solidaire de toute la classe ouvrière.
[1]) Moscow Times, 06.12.07.
[2]) Vremia Novostieï, cité par Courrier international n° 892.
[3]) Moscow Times, 29.11.07
[4]) Les salaires sont de 550 euros en moyenne.
[5]) Police anti-émeutes.
En 2007, l'Allemagne a connu le plus grand nombre de jours de grèves accumulés (dont 70% à cause des grèves du printemps contre « l'externalisation », c'est-à-dire la délocalisation, de 50 000 emplois dans les télécoms) depuis 1993, au lendemain de la réunification. Ce pays a été non seulement vanté ces dernières années pour son dynamisme économique mais aussi comme modèle de « concertation sociale ».
C'en est bien fini. La grève des cheminots qui s'est achevée début janvier après dix mois de conflit l'illustre bien. Alors que le nombre d'employés des chemins de fer a été réduit de moitié en 20 ans et que les conditions de travail se sont dégradées comme jamais auparavant dans ce secteur, leurs salaires ont été de plus bloqués depuis 15 ans, faisant du travail des cheminots en Allemagne un des métiers les plus mal payés (en moyenne moins de 1500 euros mensuels). Pendant ces dix mois, les cheminots allemands ont subi toutes sortes de manœuvres, de menaces et de pressions :
Malgré cela, les cheminots n'ont pas reculé et ont en définitive imposé un rapport de force à la bourgeoisie allemande.
Le conflit s'est achevé sur une augmentation de 11% de salaire toutefois réservé au seul secteur des « roulants » de la Deutsche Bahn. De plus, cela non seulement était bien loin des 31% revendiqués par les ouvriers mais cette augmentation est déjà rognée par un ensemble de conventions salariales sur 19 mois dont la réduction de 41 à 40 heures de travail hebdomadaire pour les 20 000 conducteurs de train à partir de ... février 2009. Mais il est significatif que l'Etat ait lâché ces maigres concessions pour servir de soupape face à une montée générale des revendications sur les salaires.
La combativité montante du prolétariat en Allemagne s'est illustrée de la manière la plus éclatante à Bochum lorsque le constructeur finnois de téléphonie mobile Nokia a annoncé pour fin 2008 la fermeture de son site à Bochum qui emploie 2300 ouvriers et qui représente avec les travailleurs intérimaires et les entreprises sous-traitantes la perte de 4000 emplois pour cette ville. Le 16 janvier, au lendemain de cette annonce, les ouvriers ont refusé de prendre leur poste de travail et des ouvriers de l'usine voisine d'Opel, d'autres de chez Mercedes ou ThyssenKrupp, des sidérurgistes de l'entreprise Hoechst à Dortmund, des métallos venus de Herne, des mineurs de la région ont afflué aux portes de l'usine Nokia pour leur apporter leur soutien et leur solidarité. Le 22 janvier, ce même sentiment de solidarité avec les ouvriers de Nokia était au cœur d'une manifestation de 15 000 personnes réunissant à nouveau les ouvriers des entreprises de toute la région défilant dans les rues de Bochum.. Les ouvriers renouent ainsi avec leurs expériences passées de combativité. En 2004, les ouvriers de l'usine Daimler-Benz à Brême s'étaient ainsi mis spontanément en grève en refusant le chantage à la concurrence entre les sites de production de la direction par solidarité à l'égard des ouvriers de Stuttgart de la même entreprise menacés de licenciements. Quelques mois plus tard, d'autres ouvriers de l'automobile, précisément déjà ceux d'Opel à Bochum, avaient déclenché spontanément une grève à leur tour face à une pression de la direction du même type. C'est justement pour enrayer ces manifestations de solidarité ouvrière par rapport aux ouvriers de Nokia à Bochum, et pour les dévoyer, que gouvernement, élus locaux ou régionaux de tout bord, église, syndicats et représentants du patronat allemand, ont orchestré une grande et bruyante campagne nationale "dénonçant" le caractère sans scrupule de Nokia et accusant le constructeur finnois d'avoir « scandaleusement abusé » l'Etat allemand et avoir profité de ses subventions. Tous jurent, la main sur le cœur, qu'ils avaient misé ces fonds pour l'emploi et qu'aujourd'hui encore ils veulent défendre bec et ongles « leurs » ouvriers contre ces patrons déloyaux[1].
La perspective est à un développement de la lutte des classes. Ce développement des luttes ouvrières dans un pays aussi central, avec toute l'expérience historique et le rôle central qu'il détient pour le prolétariat d'Europe ne peut être qu'un catalyseur puissant pour les combats que mènent les ouvriers sur tout le continent. C'est pour cette raison que la bourgeoisie fait mine de se poser à Bochum en défenseur et protecteur de « ses » ouvriers»: afin d'étouffer les réelles manifestations de la solidarité ouvrière qui se sont exprimées là et tenter d'empêcher qu'elles ne se propagent.
WA (27 janvier)[1] L'hypocrisie de l'argument est d'autant plus grande que la classe ouvrière de ce pays est particulièrement exposée aux attaques incessantes de bourgeoisie nationale (âge de la retraite repoussée jusqu'à 67 ans, plans de licenciements, coupes dans toutes les prestations sociales de l'Agenda 2010, ...).
Nous publions ci-dessous notre réponse à une note envoyée par un lecteur du Brésil (T), qui nous demande notre avis sur un article qu'il a reçu et dont nous publions quelques extraits. Cet article traite de luttes et de mobilisations ouvrières au Venezuela en septembre dernier, luttes particulièrement révélatrices de la vraie nature anti-ouvrière du chavisme.
L'article que T nous a renvoyé est écrit en anglais[1]. Nous en traduisons ci-dessous quelques extraits :
"Des travailleurs du pétrole affrontent la
police pour le renouvellement de leurs conventions collectives.
Cent cinquante ouvriers de la raffinerie de Puerto La Cruz, accompagnés des
travailleurs du complexe pétrochimique Jose, se sont dirigés vers les bureaux
de la Corporation
vénézuélienne du Pétrole (CVP) à Urbaneja, pour transmettre un document à
Rafael Ramirez, ministre de l'Énergie et président de la compagnie pétrolière
d'État PDVSA, qui était réuni avec la commission de négociation de la Fédération unitaire des
travailleurs des pétroles du Venezuela (FUTPV). Ils furent stoppés par le
Groupe d'intervention immédiate de la police d'Anzoategui.
Lors de cet affrontement de trois heures, 40 ouvriers furent
arrêtés, trois d'entre eux blessés, dont un qui reçut une balle dans le dos...
Ayant eu connaissance de cette répression policière, 4000 travailleurs des
entreprises Petroanzoátegui, Petrocedeño, et du Projet San Cristobal, ont
immédiatement arrêté leur travail.
"... Dans une déclaration de solidarité avec les ouvriers du pétrole d'Anzoategui, dénonçant la violence policière, la Fédération UNT-Zulia a dit : "Nous pensons que cette situation a dégénéré à cause de l'intransigeance de PDVSA qui a laissé traîner les discussions sur la convention pendant des mois, en faisant des offres en dessous des attentes des travailleurs, en imposant arbitrairement une commission de négociation (de la FUTPV) pour discuter sur la convention alors qu'elle n'avait pas été élue par les travailleurs".
"C-CURA (Courant de classe, unitaire, révolutionnaire et autonome) a fait un appel pour qu'il y ait un changement dans la commission de négociation..., parce que, autrement, ils "radicaliseront" leurs actions. Mais, des appels similaires, faits par C-CURA et Fedepetrol, à des actions radicales et à des arrêts de travail généraux pour "paralyser" l'industrie pétrolière à "l'heure zéro" le 6 août, n'ont mobilisé que 1500 travailleurs au plus dans tout le pays. Hier, la Fédération de travailleurs de UNT-ZULIA, a déclaré : "Nous pensons que certaines situations [dans l'industrie pétrolière] sont le résultat des manœuvres des secteurs droitiers au sein du chavisme pour créer des conflits dans le pays et déstabiliser ainsi le processus de réforme constitutionnel". Mais les travailleurs d'Anzoategui ont rejeté ces accusations en brandissant une pancarte avec l'inscription : "Nous ne sommes pas des guarimberos, nous sommes des travailleurs du pétrole" (la guarimba est une forme de protestation dont le seul but est de provoquer la violence pour atteindre des objectifs politiques). Les travailleurs du pétrole d'Anzoategui ont annoncé qu'ils continueront leurs manifestations de rue et qu'ils resteront vigilants, malgré les promesses de Ramirez sur une meilleure convention collective dans les deux prochaines semaines.
Notre réponse
Cher camarade T,
Nous voulons saluer l'envoi de ton courrier. Nous allons y répondre brièvement, en profitant de cette occasion pour évoquer la situation de la lutte de classe au Venezuela.
La lutte menée en septembre-octobre dernier par les ouvriers du pétrole de l'entreprise d'État PDVSA, la plus importante du pays, s'est soldée par un certain nombre de travailleurs blessés et plusieurs arrestations. La cause immédiate de la lutte a été le retard de plus de 8 mois dans la discussion de la convention collective qui régit les salaires et les conditions de travail des ouvriers de ce secteur. L'entreprise, en accord avec les syndicats, la plupart contrôlés par des tendances favorables au chavisme, a retardé la discussion sur les salaires. La lutte des ouvriers a contraint plusieurs dirigeants syndicaux à se "radicaliser" contre la compagnie PDVSA et le gouvernement, pour ne pas être totalement discrédités face aux travailleurs.
En fin de compte, les syndicats et PDVSA ont fini par signer une misérable augmentation salariale de 12 000 bolivars par jour (3,8 euros), ce qui fut rejeté par les ouvriers qui exigeaient une augmentation de 30 000 bolivars. Il faut savoir que le salaire mensuel d'un ouvrier du pétrole est à peu près de 1 320 000 bolivars (autour de 420 euros), ce qui correspond à un peu plus d'une journée d'alimentation de base pour une famille de 5 personnes. Et pourtant, les ouvriers du pétrole sont une des catégories les mieux payées du pays !
Nous pensons, cependant, que cette lutte a représenté un gain politique et moral pour les ouvriers du pétrole et pour le prolétariat vénézuélien dans son ensemble.
En premier lieu, les travailleurs du pétrole ont repris la lutte sur leur terrain de classe, après avoir été un des secteurs les plus frappés par les coups de la bourgeoisie (20 000 employés de PDVSA avaient été licenciés en 2003 sans la moindre indemnisation). Les ouvriers, du moins lors de ces mobilisations, ont réussi à se placer sur le terrain de leurs revendications, malgré le forcing permanent de la bourgeoisie pour mettre n'importe quelle lutte ouvrière ou sociale sur le terrain de la polarisation sur le projet de réforme de la constitution.
Mais surtout, la lutte a mis à nu le caractère bourgeois et anti-ouvrier du gouvernement Chavez : comme les gouvernements qui l'ont précédé (que le chavisme accuse de tous les maux sociaux), celui de Chavez riposte de la même manière : répression, bombes lacrymogènes, plomb et prison contre les ouvriers qui "osent" lutter pour une vie plus digne.
Ces luttes ont été précédées par d'autres en mai dernier, qui ont mobilisé les ouvriers du pétrole pour la réintégration de plus de 1000 ouvriers des entreprises pétrolières récemment nationalisées, que le gouvernement "socialiste" de Chavez voulait jeter à la rue : voilà une expression authentique et importante de la solidarité ouvrière à laquelle ont aussi participé les familles des ouvriers.
Comme nous l'avons dit, les travailleurs sont restés insatisfaits de cet accord. Le mécontentement est toujours latent et il peut se réveiller à tout moment. Il est important d'ajouter que la même réaction que celle qui a eu lieu chez les ouvriers du pétrole, commence à se développer avec une certaine force dans d'autres secteurs. Les médecins, les instituteurs et des travailleurs dans d'autres secteurs publics ont commencé à se mobiliser pour des revendications salariales ; lors d'une récente assemblée des médecins à Caracas, travaillant pour le ministère de la Santé, ceux-ci se sont déclarés "prolétaires de la santé".
Il est important de dire que les gouvernants et les opposants ont tout essayé pour diviser et polariser le mouvement, en réussissant leur coup dans pas mal de cas. Et, en plus, le gouvernement mobilise ses organisations (cercles bolivariens, conseils communaux, service de contrôle social, et même, quand il leur semble nécessaire, ses bandes armées) pour intimider et même agresser physiquement les travailleurs.
Par ailleurs, presque quotidiennement, apparaissent des expressions d'indignation des masses paupérisées (en grande partie sympathisantes ou soumises au clientélisme gouvernemental), qui protestent contre le manque de logements, la criminalité, le manque de services sociaux, etc., et dernièrement contre de la rareté des produits tel que le lait, le sucre, l'huile, etc. Dans certains cas, elles ont été réprimées. Voilà bien une situation qui apparaît clairement à l'opposé de ceux qu'on appelle la "bolibourgeoisie", ou bourgeoisie bolivarienne, qui étale son opulence [2].
Voilà le véritable visage du "socialisme du xxie siècle" promu par Chavez et acclamé par la gauche, les gauchistes et les alter-mondialistes qui se pâment en regardant ses discours à la télévision : comme tout régime bourgeois, il est bâti sur l'exploitation des masses ouvrières. La seule différence, c'est la logorrhée "révolutionnaire" pour essayer de mystifier les prolétaires à l'intérieur et à l'extérieur du pays.
L'aggravation de la crise capitaliste obligera la classe ouvrière du Venezuela à lutter contre l'État, tel que les ouvriers du pétrole, de la santé et de l'éducation l'ont fait. C'est ainsi, sur son terrain de classe, que le prolétariat pourra sortir du piège de la polarisation politique qui l'entrave, en s'intégrant dans la lutte du prolétariat mondial pour la construction du véritable socialisme.
Nous espérons avoir répondu à tes questions.
[1]) Venezuelanalysis.com.
[2]) Lors d'un récent "Allo, Président", show TV dominical animé par Chavez lui-même, celui-ci n'a pas pu faire autrement que de critiquer les "révolutionnaires" dorés paradant en 4x4 tous terrains (qui dépassent les 100 millions de $), et qui boivent du whisky de 18 ans d'âge... Ce que Chavez ne dit pas, c'est qu'il tire bien profit, pour lui, sa famille et son clan, des recettes pétrolières. La "révolution bolivarienne", qui avait levé le drapeau de la lutte contre la corruption, aime bien barboter dans ses eaux croupies.
Le 27 décembre 2007, Benazir Bhutto était assassinée. Son retour de Dubaï en octobre dernier avait déjà été l'occasion d'un attentat qui la visait et avait fait 139 morts. Bien sûr, cette égérie défunte de la "démocratie" s'est vue offrir un panel circonstancié d'hommages venant de la presse bourgeoise internationale. Son "charisme" et son "courage extraordinaire", sa "résistance à l'hégémonie militaire" ont fleuri la une de la plupart des journaux occidentaux et des pays arabes modérés. Mais c'est aussi l'inquiétude qui a marqué les réactions tant des éditoriaux journalistiques que des hommes politiques : "ouverture vers l'abîme", "vers le chaos politique" et "l'implosion du Pakistan", etc. L'ONU s'est réunie en urgence, pour se replier dans l'impuissance tout aussi précipitamment. Et les Etats-Unis, par la voix du département d'Etat, condamnaient "des gens qui là-bas (...) essayent d'interrompre la construction d'une démocratie" et Bush exhortait " le Pakistan à honorer la mémoire de Benazir Bhutto en poursuivant le processus démocratique pour lequel elle a donné courageusement sa vie". Bref, selon la bourgeoisie, Benazir Bhutto incarnait à elle seule le salut d'un Pakistan qui fait face à une instabilité grandissante. Son retour avait soulevé toute une vague d'espérances sur la possibilité de mettre un frein à l'anarchie qui gangrène un État dont l'armée est de plus en plus infiltrée par les islamistes radicaux et qui est détenteur de l'arme nucléaire.
Ainsi, en 2007, on a dénombré 800 morts, principalement du fait d'attentats suicides. Les talibans font des percées régulières en territoire pakistanais, en particulier au nord-ouest où des soldats sont tués ou enlevés par centaines. Pas plus les 90 000 hommes de troupe massés à la frontière que les dix milliards de dollars alloués à l'Etat pakistanais n'ont permis un contrôle de la situation. Les conflits religieux entre Chiites et Sunnites, qui à eux seuls ont fait 4000 morts en 15 ans, sont une source chaque jour plus ouverte de violence, conflits auxquels les tensions toujours plus exacerbées entre ethnies viennent faire du Pakistan une nouvelle poudrière. L'assassinat de Benazir Bhutto est venu jeter une nouvelle dose de haine sur le feu des dissensions entre Sindis (ethnie de la famille Bhutto) et Pendjabis (dont le territoire a été le théâtre de l'attentat contre l'ex-premier ministre).
De plus, des millions d'Afghans se sont réfugiés au Pakistan, ce qui vient rajouter à l'instabilité du pays, et même si environ 2,3 millions d'entre eux ont été rapatriés en 2005, plus d'un million restent encore.
Le climat de suspicion et de guerre larvée est généralisé dans toute la classe politique, exprimant de façon aiguë les mœurs de gangsters de la bourgeoisie : par exemple, immédiatement après l'assassinat, c'est la main d'Al Qaïda qui était désignée mais, dans le même temps, les militaires proches du pouvoir étaient eux aussi considérés comme des organisateurs potentiels de l'attentat.
En clair, le Pakistan est un pays à la limite d'une explosion politique, militaire et socio-ethnique. Le régime de Musharraf y a sa part de responsabilité : corruption généralisée, accointances avec les talibans, double langage avec les Etats-Unis. Il ne plaît d'ailleurs à personne : de moins en moins aux islamistes depuis le massacre de la Mosquée rouge l'an dernier, comme à des secteurs de plus en plus larges d'une armée divisée entre les partisans islamistes et les clans anti-américains, aux occidentaux depuis la mise en place de l'état d'urgence à l'automne 2006, pour mieux préparer sa réélection à la présidence, jusqu'aux Etats-Unis eux-mêmes pour lesquels il manque totalement de fiabilité en tant "qu'allié". Et c'est pourtant à présent sur ce seul homme politique qu'ils vont être contraints de s'appuyer dans le conflit en Afghanistan.
Lorsque les Etats-Unis ont lancé leur invasion de l'Afghanistan en 2003, se servant de la destruction du World Trade Center et de la cause de la "guerre contre le terrorisme" comme prétexte, le soutien du Pakistan leur était nécessaire. L'Amérique lui avait promis qu'elle soutiendrait les tribus hostiles à l'Alliance du Nord, ennemie traditionnelle et barrière à l'influence pakistanaise en Afghanistan, mais cette promesse a fait long feu du fait de l'influence gagnée par l'Alliance du Nord dans la situation qui a prévalu après la défaite des talibans. Cependant, l'aide du Pakistan aux Etats-Unis n'avait été initialement obtenue que sous la menace de Bush de bombarder le pays à un tel point qu'il le renverrait "à l'âge de pierre" ! s'il ne lui donnait pas "volontairement" son soutien pour la guerre en Afghanistan. Cette menace a d'ailleurs été récemment plus ou moins rappelée par le démocrate Barack Obama dans la campagne présidentielle actuelle, sous-entendant que les Etats-Unis pouvaient toujours bombarder les bastions d'Al Qaïda au Pakistan sans permission ; ce à quoi le président Musharraf a répondu qu'il considérerait de telles attaques comme des attaques ennemies !
Aussi, c'était afin d'essayer de trouver un appui plus fiable au sein de l'Etat, tout en donnant un vernis plus "démocratique" à l'alliance avec le Pakistan, et pour tenter de ralentir les forces centrifuges qui font ravage, que l'Amérique avait fait appel à Benazir Bhutto. Issue d'une famille de politiciens pakistanais de longue date, vieille routarde de la politique puisque par deux fois premier ministre, bénéficiant d'une aura internationale de défenseur patenté de la "démocratie", la dirigeante du Parti du Peuple Pakistanais était de plus connue comme une "fidèle des Etats-Unis" [1].
C'est donc en tant que telle que son retour au pays avait été organisé et arraché à Musharraf par l'Administration américaine dans l'objectif de constituer une coalition incluant des "modérés", mieux à même de soutenir la politique américaine en Afghanistan et au Pakistan.
Quels que soient les commanditaires de cet assassinat, la disparition de Benazir Bhutto est donc un échec cuisant pour la Maison Blanche dans sa croisade contre le terrorisme. Déjà englués dans le chaos irakien et loin de sortir du bourbier afghan, les Etats-Unis se trouvent une nouvelle fois devant une aggravation de leur affaiblissement sur la scène internationale.
Que l'Amérique se trouve en butte à une difficulté supplémentaire par rapport au Pakistan ne signifie pas pour autant que ce dernier puisse profiter en quoi que ce soit d'une telle situation. Celle-ci ne peut que s'aggraver et s'accélérer. Le problème de fond n'est d'ailleurs pas en soi Musharraf. Il s'agit d'une question plus large qui touche aux origines mêmes de la fondation en 1947 de l'État pakistanais, tiraillé en tous sens, proie de multiples tensions guerrières ainsi que de nombreuses pressions internes et externes.
Le conflit congénital entre le Pakistan et l'Inde vient au premier plan. C'est ce conflit qui a poussé l'État pakistanais à se doter (sous l'impulsion de Bhutto père) de l'arme nucléaire. Rappelons que les dissensions indo-pakistanaises sur le Cachemire et la course aux armements nucléaires entre ces deux pays ont conduit à la menace de guerre en 2002, et le risque réel d'utilisation de l'arme atomique. Ce n'est que sous une puissante pression des Etats-Unis que le danger de guerre a été enrayé, ces derniers craignant que ce conflit ne vienne entraver leur propre perspective militaire. Mais aucun des problèmes entre Islamabad et New-Delhi n'a été résolu. La course aux armements entre les deux États a pris de telles proportions qu'ils sont devenus les deux principaux canaux de transfert d'armes vers le tiers-monde en 2006, tandis qu'ils alimentent chacun de leur côté attaques terroristes et attentats aveugles, excitant le nationalisme le plus répugnant, au plus grand mépris des populations qu'ils prétendent "libérer" du joug de l'adversaire.
Mais c'est aussi dans le cadre de l'affrontement entre les blocs de l'Est et de l'Ouest, aux temps de la Guerre froide, que le Pakistan a joué un rôle important dans la guerre impérialiste. Ainsi, durant les années 1980, le Pakistan était stratégiquement important pour l'aide accordée par le bloc de l'Ouest aux Moudjahidines, qui combattaient l'URSS en Afghanistan. A l'époque, ces islamistes n'avaient pas que Dieu mais aussi des missiles Stinger américains de la CIA de leur côté.
Globalement, la situation stratégique du Pakistan n'est pas à son avantage et rend ses positions très complexes. Ce pays détient en effet des frontières importantes avec l'Afghanistan, tout comme avec l'Iran, la Chine et l'Inde.
Contraint par la force de soutenir les Etats-Unis dans leur "guerre contre le terrorisme", il ne peut en même temps rien gagner de cette loyauté, car il est pris dans une convergence d'intérêts entre l'Inde, son ennemie intime, et les Etats-Unis, le Big Boss qui lui impose son diktat. D'autre part, son autre "protecteur", la Chine, a de son côté des appétits impérialistes qui la poussent au conflit avec l'Inde mais aussi avec l'Amérique, ce qui le met donc en porte à faux vis-à-vis de Washington. Le tout sur fond d'une guerre avec l'Afghanistan qui ronge littéralement le pays par tous les bouts et d'une guerre larvée mais permanente avec l'Inde.
Quel que soit le résultat des élections de février, le Pakistan ne peut échapper à une instabilité et à un chaos croissants qui font planer une menace supplémentaire sur l'équilibre de toute cette région du monde.
Wilma (21 janvier)[1]) Démise par deux fois de ses fonctions pour corruption, impliquée dans l'assassinat de son propre frère devenu en 1992 un rival potentiel, pour ne citer que ces deux exemples, il va sans dire que sa carrière politique a montré qu'elle n'avait rien à envier en matière de coups tordus à des Nawaz Sharif et Pervez Musharraf.
Le Kenya, longtemps réputé "havre de paix" ou "safari exotique" par excellence, promu aux films à grand spectacle hollywoodiens, vient de sombrer dans un des chaos les plus horribles dont le continent africain détient le triste monopole. "Longtemps réputé être l'une des démocraties les plus stables d'Afrique, le Kenya attire près d'un million de touristes par an. Cette image a volé en éclats en l'espace d'une seconde pour un couple d'Américains implorant un billet d'avion. ‘Nous venons de voir une femme brûlée vive sous nos yeux. Nous devons impérativement partir', plaide l'homme. (...) Car le Kenya compte, aux yeux des Occidentaux. Seul pays d'Afrique jugé suffisamment paisible pour abriter plusieurs agences des Nations Unies, il accueille aussi les sièges de centaines d'ONG, de multinationales, de banques et médias. Son économie à croissance rapide semblait pouvoir être le moteur de la prospérité de la région" (Courrier International du 16 janvier 2008)
En effet, suite à la proclamation des résultats de l'élection présidentielle de décembre dernier qui opposait le président sortant (Mwai Kibaki) à son rival (Raila Odinga), le premier a vite proclamé sa "victoire" et le second a immédiatement répliqué en se disant, lui aussi, "victorieux". Alors que ces deux politicards avaient pu gouverner le pays ensemble en 2002 sans aucune référence à leur appartenance ethnique, cette fois-ci, chacun a mobilisé cyniquement son "ethnie" en vue de déclencher les tueries en cours qui ont déjà fait près de 1000 morts et plus de 250 000 déplacés. Et beaucoup de maisons brûlent encore, avec, dans certains cas, leurs propres occupants à l'intérieur ; bref on assiste à d'abominables massacres de masse que les médias appellent "guerre ethnique" ou "génocide".
Parce qu'ils sont totalement discrédités et incapables de satisfaire les besoins des populations, les candidats manipulent les foules et font des promesses intenables pour se faire élire et, quand ils échouent, ils décident alors de régler leurs comptes par classes exploitées interposées qu'ils instrumentalisent odieusement.
Voilà donc une illusion de plus qui s'est effondré : le Kenya, îlot des "démocraties paisibles" est devenu soudain un cauchemar, pas seulement pour les populations victimes de la barbarie qui s'y déroule, mais aussi pour toutes ces institutions internationales de la bourgeoisie qui cautionnent ou épaulent les auteurs des crimes. A vrai dire, on ne voit pas comment un pays comme le Kenya, chroniquement sous-développé, entouré de pays en conflits permanents dans lesquels il est impliqué, Etat lui-même survivant en permanence avec de sanglants conflits intérieurs depuis son indépendance en 1963, puisse devenir une "démocratie paisible", ne serait-ce que momentanément !
Tout cela n'est que mensonge et propagande de la bourgeoisie visant à mystifier le monde et la classe ouvrière en particulier dans le but de l'empêcher de prendre conscience de la cause fondamentale du chaos : l'enfoncement du Kenya et de tout le continent africain dans la crise mortelle du capitalisme. La décomposition sociale se traduit par une extrême misère pour la population dont plus de la moitié est sous-alimentée, avec un chômage massif sans allocation, un manque chronique de soins pour la masse des malades dont plus de deux millions atteints du Sida, sans aucun soin, soigneusement parqués loin des caméras des touristes dans les immenses et sordides bidonvilles autour de Nairobi.
A l'heure où nous écrivons, le bain de sang continue et, pendant ce temps-là, les représentants de l'ONU, de l'Union africaine (UA) et des grandes puissances impérialistes, comme la sous-secrétaire d'Etat américaine (chargée des affaires africaines), font leurs ballets diplomatiques habituels en lançant hypocritement des appels cyniques à la "retenue".
En clair, les puissances impérialistes portent une lourde responsabilité dans la tragédie qui se déroule au Kenya, en particulier les Etats-Unis et la Grande-Bretagne : "(...) Ils se sont comportés comme les parrains des gouvernements successifs, qu'ils ont submergé de compliments- et d'aide (16 milliards de dollars en quarante ans). Le fait que la stagnation économique, l'inégalité de répartition des terres et des richesses - et la corruption - règnent en maître ne les a jamais gêné. Au contraire : ils n'en ont chanté que plus haut les louanges de ce "havre de quiétude, de liberté et de démocratie". Jusqu'à George W. Bush qui a, tout naturellement embrigadé- militairement- le gouvernement de Kibaki dans sa guerre contre le terrorisme" (Jeune Afrique, janvier 2008)
Une telle situation d'aggravation brutale d'affrontements meurtriers au Kenya n'est pas anodine. Il faut en effet se souvenir que le premier heurt direct entre la première puissance mondiale et Ben Laden avait eu lieu au Kenya en 1998, lorsque l'ambassade américaine de Nairobi avait été détruite par des attaques terroristes revendiquées par le leader des groupes islamiques d'Al Qaïda. Depuis cette date, les Etats-Unis avaient dès lors fait du Kenya une de leurs bases avancées dans la guerre qu'ils mènent contre les islamistes, d'abord au Soudan, puis en Somalie et plus largement sur l'ensemble du continent.
Ancienne colonie britannique durant 80 ans (de 1887 à 1963) avant d'obtenir son "indépendance" par les armes et dans un bain de sang de la population, le Kenya n'est jamais sorti du sous-développement (tout comme le reste du continent africain), avec ce que cela implique comme misère absolue pour la population. Quant au Kenya "indépendant", il s'agit d'un leurre, car ce pays n'a jamais été autre chose qu'un pion de l'ancienne puissance coloniale britannique avant de devenir progressivement l'allié "privilégié" de l'impérialisme américain dans la Corne de l'Afrique. Aussi, les évènements qui frappent ce pays ne sont pas isolés et momentanés, mais sont les prémisses de l'ouverture vers une situation et d'un chaos à la "rwandaise" ou à "l'ivoirienne", c'est-à-dire avec des massacres plus massifs de type génocidaire et le partage du pays en zones de guerre sous la coupe en règle de bandes criminelles qui s'entre-tuent épisodiquement et terrorisent les populations.
En définitive, le Kenya vient de rejoindre le triste "club" des pays, comme ses voisins soudanais et somalien, où règne une barbarie permanente amplifiée par les rivalités des grandes puissances impérialistes qui cherchent à les contrôler. Face à cette nouvelle horreur qui se développe, est masquée hypocritement la responsabilité des pays développés, "démocratiques", qui arment et financent ces cliques sanguinaires, exécuteurs en sous-main de leur sale besogne sur le terrain.
Nous publions ci-dessous de larges extraits d'un article de World Revolution n°258 d'octobre 2002 (organe du CCI en Grande-Bretagne) traitant de la dynamique d'un groupe de discussion qui s'est constitué aux Midlands en 2000. Cet article rappelle la nécessité de ce type de formation pour la clarification de la conscience au sein de la classe ouvrière. Le Groupe de discussion des Midlands (GDM) implique depuis 8 ans des personnes de Leicester et Birmingham provenant de milieux politiques divers (de la Gauche communiste, du conseillisme, de l'anarchisme, du mouvement écologiste et du gauchisme). Le but de ce groupe était de discuter de l'alternative prolétarienne au capitalisme à l'instar d'autres groupes de discussion qui existent ou ont existé au Mexique, en Inde, en France, en Espagne, en Suisse et en Australie.
Les cercles de discussion ne peuvent s'appréhender que dans le contexte du développement historique de la conscience de classe. Ils sont partie prenante de l'effort du prolétariat pour développer sa conscience de classe en essayant de comprendre la signification et les implications des crises du capitalisme dans le cadre des positions politiques du prolétariat.
Dans le contexte historique actuel, c'est-à-dire celui d'un chaos impérialiste et économique grandissant, il est important de souligner que le processus de développement de la conscience de classe se révèle de plus en plus difficile, en particulier depuis l'effondrement du bloc de l'Est. Le travail des cercles de discussion est de ce fait d'une grande importance pour le développement futur de la compréhension par le prolétariat de son propre rôle historique.
Le GDM est apparu au départ comme Groupe de Discussion de Leicester (GDL) avec des éléments qui avaient discuté dans la région tout en ayant un contact de longue date avec le Courant Communiste International. Ces discussions avaient été favorisées par des questionnements sur la guerre au Kosovo. Afin de donner à ces discussions une forme plus systématique et fructueuse, le CCI suggéra qu'il devienne un cercle de discussion. Les premières discussions du GDL portèrent sur un article du CCI qui tirait les leçons politiques d'un groupe de discussion qui avait existé à Zurich, en Suisse, dans les années 1990. Cet article mettait en avant qu'un cercle est un rassemblement ouvert mais non permanent d'ouvriers qui se rencontrent pour discuter et clarifier des questions politiques. Ces cercles sont des lieux que le prolétariat crée afin de pousser en avant sa conscience, surtout dans les moments où il n'existe aucun parti et aucun Conseil Ouvrier... Nous les considérons comme une expression concrète de la classe. Ils expriment la conscience de la classe, démontrant qu'ils ne sont pas prêts à subir la crise et la banqueroute du capitalisme sans faire preuve de résistance ; ils montrent la volonté de se défendre contre les attaques du système capitaliste. En même temps, ils sont l'expression d'une tentative de recherche de moyens de lutte et de développement d'une perspective révolutionnaire..." (World Revolution n° 207, "Les cercles de discussion dans la classe ouvrière : un phénomène mondial"). Puisqu'un cercle n'est pas une organisation se regroupant autour d'une plate-forme politique, il ne peut être une entité permanente ou stable. C'est un moment de clarification politique, permettant aux militants, à travers la participation à un processus de discussion collective, de rechercher où ils en sont politiquement en se situant du point de vue de la classe exploitée et par rapport aux courants historiques existant déjà au sein du milieu prolétarien marxiste internationaliste.
Un élément central des discussions du GDM fut la détermination à mieux comprendre les principales questions théoriques et historiques du mouvement ouvrier et de combiner cet aspect avec le souci de se référer et de discuter des événements nationaux et internationaux au fur et à mesure qu'ils se déroulaient. C'est ainsi qu'après le 11 septembre 2001, le cercle a également discuté les tracts et communiqués publiés par le CCI et d'autres groupes de la Gauche communiste. Lors d'une réunion particulière, le groupe a considéré ces attaques comme une expression de l'aggravation des tensions impérialistes. Cette préoccupation de dénoncer la guerre impérialiste d'un point de vue prolétarien a été une grande force du groupe. Tous les participants ont clairement manifesté leur opposition à la guerre au Kosovo et en Afghanistan ainsi qu'à toutes les guerres impérialistes.
La publication dans le journal World Revolution (WR) n° 257 de la présentation d'une discussion sur la Commune de Paris, montre la profondeur et la qualité de ces discussions. Entre autres choses, le GDM a discuté du mouvement anti-capitaliste, de la Révolution russe (que le groupe considère comme prolétarienne, bien qu'il y ait des désaccords sur le rôle des bolcheviks et sur les raisons de sa dégénérescence), de la conscience de la bourgeoisie en se centrant sur le rôle des partis de gauche contre la classe ouvrière.
Dès le début, le GDM a fait de la Gauche communiste un point de référence. Il a invité les groupes de la Gauche communiste à participer à ses réunions. Cela a permis aux participants de profiter non seulement d'une meilleure compréhension des positions des différents groupes mais aussi de gagner en expérience dans la discussion avec des organisations politiques du prolétariat. Le CCI est intervenu dans les réunions du groupe depuis sa fondation et la Communist Workers Organisation (CWO) est aussi intervenue plus récemment.
Le GDM a pleinement rempli son rôle central, celui de la clarification. Mais il a dû mener un grand débat politique pour y arriver. En particulier il a dû se confronter à des confusions sur sa propre nature et sur le rôle qu'il devait jouer.
Le GDM a basé initialement son travail sur les leçons de l'expérience plus large de la classe ouvrière, notamment celle du cercle de discussion de Zurich. Cependant, la pleine assimilation de ces leçons a été entravée par des confusions au sein du groupe sur ses relations avec le CCI. Certains éléments, alors qu'ils voyaient, au début, la nécessité d'un débat ouvert, ont commencé à voir la fonction du GDM comme étant un lieu pour la discussion des positions du CCI. Cette vision tendait à considérer le groupe comme une sorte d'antichambre du CCI. Le CCI a fermement rejeté cette vision et a souvent insisté sur la nécessité pour le groupe de discuter l'histoire plus globale du mouvement ouvrier et des positions des autres organisations communistes.
Le CCI a toujours défendu la vision suivant laquelle les cercles de discussion sont des lieux de clarification et non des appendices, la "propriété privée" ou la "chasse gardée" des organisations politiques prolétariennes. Ces cercles de discussion doivent agréger quiconque recherche la clarification. Les seules raisons justifiant l'exclusion du débat de tel ou tel individu (ou groupuscule d'individus) doivent être basée sur certains principes élémentaires de comportement prolétarien : les manœuvres de sabotage ou les tentatives de prise de contrôle de ces cercles de discussion (de même que le mouchardage)..
Des éléments issus du milieu gauchiste ont participé aux réunions du GDM, ce qui a permis une confrontation politique avec les positions de l'idéologie bourgeoise. Loin d'être une diversion, de telles discussions ont amené à une clarification sur la nature et le rôle du gauchisme.
Ainsi, comme ce fut le cas avec le GDM, les cercles de discussion peuvent être très hétérogènes. Mais il n'y a rien de dommageable à cela. Chercher à imposer des critères (autres que ceux du comportement politique cités ci-dessus) pour la participation aux cercles de discussion signifierait affaiblir leur force fondamentale : leur nature ouverte permettant un débat contradictoire. De tels critères impliqueraient, en effet, un accord préalable sur des positions politiques - (c'est-à-dire un certain niveau de clarification), ce qui reviendrait à mettre la charrue avant les bœufs. Toute tentative d'imposer de tels critères amènerait à geler le processus de clarification. L'évolution politique de ceux qui participent à la discussion ne peut être que le résultat de la confrontation entre différentes positions. Le CCI, pour sa part a toujours fait confiance à la capacité de jugement et au "bon sens" de tous ceux qui ont accepté de discuter loyalement avec lui, sans ostracisme et sans préjugés (y compris ceux qui ont milité dans des partis bourgeois).
Cependant, si un cercle de discussion ne peut être la "propriété" d'une organisation, il n'est pas non plus un groupe politique ou une organisation en tant que telle[1].
Cela ne veut pas dire que les organisations politiques prolétariennes ne doivent pas stimuler l'émergence de tels groupes et intervenir en leur sein afin de contribuer à la clarification la plus efficace. Les principes animant l'intervention du CCI sont "l'intervention organisée, unie et centralisée au niveau international, pour contribuer au processus qui mène à l'action révolutionnaire de la classe ouvrière". (Positions de base du CCI). Il est du devoir du CCI et des autres organisations politiques prolétariennes de prendre la parole au sein des cercles de discussion afin de permettre aux participants de mieux connaître les groupes historiques de la Gauche communiste et de prendre position, en développant la culture du débat.
Le GDM a dû aussi faire face à un certain nombre de tensions personnelles dans ses rangs. Cependant, suite à une discussion franche, tous les participants sont tombés d'accord sur le fait que les intérêts du groupe étaient prioritaires et que la personnalisation de la discussion était à rejeter.
Une fois ces difficultés résorbées, le groupe a pu s'épanouir et les débats s'enrichir. Au début de 2002, le GDM a tenu une réunion sur l'opposition prolétarienne à la guerre impérialiste. Cette réunion a attiré des individus qui n'étaient jamais venus auparavant, accompagnés de la CWO et du Socialist Party of Great Britain (SPGB) (voir WR n° 252). La plupart de ces éléments ont par la suite participé aux discussions du GDM.
Le Groupe de discussion des Midlands a exprimé, en Grande-Bretagne, l'effort le plus large possible du prolétariat pour développer sa conscience. La dynamique que les participants ont été capables de maintenir a révélé toute la vitalité politique de ce groupe. Tous les éléments qui l'ont animé ont entrepris un réel processus de clarification politique. Cela ne veut pas dire que chacun a déjà une conscience parfaitement claire des enjeux de la situation historique. Mais cela veut dire que les participants sont plus clairs sur ce qu'ils défendent, sur la façon dont ils envisagent leur avenir politique.
Certains éléments du GDM (une toute petite minorité) ont fini par demander leur adhésion au CCI, tandis que le groupe de discussion continue à se rencontrer régulièrement en menant une politique d'ouverture vers d'autres éléments à travers des informations sur le site libcom.org et la participation à des réunions de groupes anarchistes. Les éléments du groupe viennent également régulièrement à nos réunions de Birmimgham. Pour notre part, nous continuons de participer aux réunions du groupe de discussion.
[1]) Voir l'article sur notre site Internet "L'organisation du prolétariat en dehors des périodes de lutte ouverte"
Depuis qu'en dépit de ses promesses électorales de la campagne présidentielle sur le pouvoir d'achat, Sarkozy a déclaré "les caisses sont vides", alors qu'il s'est octroyé une substantielle augmentation de salaire et qu'il bénéficie de vacances de luxe payées par ses amis milliardaires, sa côte de popularité s'est effondrée.
Chacune de ses initiatives provoque désormais un tollé et le fait dégringoler davantage dans les sondages. Ainsi, il a provoqué la grève la plus suivie depuis 1974 dans l'audiovisuel public en annonçant que les chaînes publiques seraient prochainement privées de leurs recettes publicitaires.
De même, il a suscité une levée de boucliers, surtout chez les parents d'élèves et les enseignants, choqués par sa décision que chaque enfant de 10 ans devrait porter dans les écoles le poids de la mémoire d'un enfant mort victime de la Shoah.
Avec son intervention ainsi que celle d'un de ses fils dans "l'affaire de l'investiture de Neuilly", il a réussi à s'aliéner une partie de son électorat de droite en agissant comme un oligarque.
A la veille des élections municipales et cantonales en France, les effets d'annonces du gouvernement se multiplient pour tenter d'enrayer cette chute de popularité du président et de prévenir une débâcle électorale du gouvernement. Alors que la gauche n'a rien à dire sur l'essentiel parce qu'elle se propose d'appliquer exactement le même programme que l'actuel gouvernement (auquel d'ailleurs participe directement nombre de ses représentants patentés), cette esbroufe masque mal de nouvelles arnaques. On veut nous faire croire que le fameux "travailler plus pour gagner plus", ça marche. En fait, le paiement majoré des "heures sup" ne concerne en grande partie qu'une minorité qui les cumulait déjà (en particulier les cadres supérieurs et les ingénieurs ).
Les "rachats de journées RTT" dans l'administration sont en fait payés moins que les heures normales. De plus, seulement 38 % des salariés du secteur privé peuvent en bénéficier.
L'augmentation des petites retraites est aussi de la poudre aux yeux : en fait la prime de 200 euros suite à la promesse de hausse de 25 % en 5 ans ne touche que 600 000 personnes qui perçoivent le "minimum vieillesse" (soit 628 euros mensuels), laissant en particulier sur la touche plus de 4 millions d'anciens travailleurs à bas salaire qui continueront à percevoir moins de 580 euros mensuels.
Les annonces de créations de 300 000 emplois en 2007 sont de la même eau : ce sont pour la plupart des emplois précaires, des temps partiels ou d'embauches dans d'éphémères "créations d'entreprise" dont moins de 10 % peuvent survivre au-delà d'une année....
Et surtout, le gouvernement signe un aveu d'impuissance sur le plan économique et social lié à l'accélération de la crise mondiale : 50 000 emplois ont été perdus en 2007. Effet de la crise financière et de la récession mondiale, les annonces de plans de licenciements se multiplient partout dans tous les secteurs, dans des entreprises de toutes tailles. Depuis le début de l'année 2008, déjà des dizaines de milliers de licenciements sont annoncés : fermetures de sites dans la sidérurgie avec Arcelor Mittal à Gandrange (où les déclarations de Sarkozy de voler à leur secours ne sont pas prises au sérieux), Chaussures Charles Jourdan à Romans, chez Flextonics à Canejan en Aquitaine, à Dax chez Sony, à Sanmina-SCI en Normandie, chez Kodak à Chalon sur Saône, l'usine Baxter à Orléans, Arkema à Marseille, l'Imprimerie Nationale en banlieue parisienne tandis que la cessation d'activité de Kléber-Michelin à Toul en Lorraine d'ici fin 2009 va entraîner la perte de 826 emplois. D'autres suppressions d'emploi sont prévues simultanément pour Sony et chez Dow Chemical en Alsace, pour SKF sur son site vendéen, pour Miko-Unilever à Saint-Dizier, chez Arc International à Arques (Nord) d'ici fin 2010 et à la même échéance l'usine Ford de Blanquefort en Aquitaine devrait de solder par une perte de 2000 emplois. Le repreneur du fabricant de jouets Smoby ayant jeté l'éponge, 1350 ouvriers se retrouvent sans emploi dans le Jura alors qu'à Alcatel Lucent, la précédente vague de licenciements n'est pas achevée et on annonce déjà une nouvelle charrette de 400 personnes sur le site de Velizy. Peugeot annonce d'autres licenciements.
Dans leurs tentatives pour minimiser la gravité de la crise, les économistes et les médias s'interrogent désormais sur la "désindustrialisation" du pays, masquant le caractère international de ce phénomène (voir l'article "Derrière la prétendue purge de l'économie, la généralisation de la misère ouvrière"). Dans les banques et les assurances, les suppressions massives d'emploi, précipitées par la crise financière mondiale commence à produire ses effets : les assurances AGF ouvrent le bal en annonçant le "sacrifice" de 1500 à 2000 emplois dans les prochains mois. Et des dizaines de milliers d'emplois sont menacés dans les banques.
Pendant ce temps, la mise en œuvre des nouvelles franchises médicales depuis le 1er janvier pèse déjà lourdement sur de nombreuses familles ouvrières.
Les prix qui continuent de s'envoler sur tous les produits alimentaires de première nécessité comme la flambée des tarifs des loyers, du gaz, de l'essence entraînent une forte dégradation du pouvoir d'achat. Malgré des statistiques trafiquées, les pouvoirs publics sont contraints d'avouer une inflation au plus haut niveau depuis 16 ans ainsi qu'une chute de la consommation des ménages de 1,2 % en janvier (pourtant en pleine période de "soldes").
L'énième "plan banlieues" (incapable d'être budgétisé) concocté par Fadela Amara et annoncé par Sarkozy à grands renforts de publicité a fait un "bide" retentissant.
Autre pétard mouillé, la plupart des 316 mesures du rapport Attali pour "moderniser et dynamiser l'économie" sont déjà enterrées car trop d'intérêts particuliers s'opposent à leur mise en œuvre.
La seule promesse tenue, c'est le renforcement de l'arsenal répressif de l'appareil d'Etat. Là-dessus, le savoir-faire en matière "sécuritaire" du président ex-ministre de l'Interieur est éclatant : durcissement de la loi contre la délinquance et développement d'une "cyberpolice".
Mais le plus grand zèle de l'Etat en ce domaine est réservé à la partie la plus démunie de la classe ouvrière : les travailleurs immigrés clandestins avec le renforcement des contrôles d'identité, les squatters délogés manu militari, et surtout l'intensification des rafles contre les travailleurs "sans papiers" arrachés à leurs familles, cueillis n'importe où, y compris à la sortie des écoles, avec la multiplication des "expulsions musclées" dont le chiffre devrait passer de 25 000 l'an dernier à 27 000 en 2008, emprisonnement de ces "clandestins" en attente d'expulsion dans des centres de rétention où ils sont traités pire que du bétail (comme à Vincennes, Palaiseau ou dans la banlieue rouennaise), provoquant à plusieurs reprises des mouvements de révolte vite réprimés...
Malgré leur vigueur, la bourgeoisie fait preuve d'une certaine "retenue" dans ses attaques, mais sitôt les municipales passées, elle leur lâchera la bride sans retenue, n'ayant plus d'échéance électorale proche dans les deux ou trois ans à venir. Elle s'apprête à taper très fort. Face à l'aggravation de la crise, la bourgeoisie n'a fondamentalement qu'une seule politique, attaquer la classe ouvrière à travers :
Réduire cette lourdeur bureaucratique baptisée "réforme" de l'Etat est devenue une des priorités du gouvernement Sarkozy - que la gauche avait naguère tenté de commencer avec le projet de réforme Sautter. Cependant, le non remplacement officiel d'un fonctionnaire partant à la retraite sur deux est déjà largement dépassé dans la réalité. Le gouvernement a déjà commencé à tailler dans le vif dans certains secteurs centraux avec des effets désastreux dans la Fonction publique : fusion ANPE-Unedic, suppression de tribunaux, suppression de 9000 postes dans l'Education nationale en 2008 et de 80 000, y compris d'éducateurs spécialisés, entre 2009 et 2012. De plus en plus d'enseignants sont contraints de donner des heures de travail administratif non payées et d'accepter d'enseigner deux matières ; la « refonte » en cours de l'administration fiscale avec la fusion des services des impôts et du trésor regroupés en pôle unique (DGFP : Direction générale des finances publiques), sous prétexte de simplification pour les usagers et de modernisation des services, va éliminer de nombreux postes. En échange, la négociation avalisée par une majorité de syndicats sur le pouvoir d'achat des fonctionnaires est une vaste fumisterie : promesse de 0,5 point d'indice en plus en mars (aumône de 7 euros environ) et 0,3 % en octobre.
S'y ajoute la fermeture des services publics les moins "rentables" : hôpitaux, maternités, bureaux de postes tandis que la SNCF "sacrifie" ses branches les plus déficitaires avec 6000 emplois en moins dans le fret en 2008.
La conséquence majeure de cette situation est une plongée dans la misère de secteurs de plus en plus larges de la classe ouvrière à laquelle les prolétaires ne peuvent s'opposer que par un développement de la lutte de classe.
Une réelle combativité très forte s'exprime déjà à travers une prolifération de réactions ouvrières concernant aussi bien des revendications de revalorisation des salaires que des oppositions aux plans de licenciements. Ainsi, pour canaliser la colère, les syndicats ont été contraints pour la première fois le 1er février dernier une grève nationale des caissières et des employés dans la grande distribution qui a affecté toutes les grandes surfaces (Auchan, Carrefour, Centres Leclerc, Casino, Champion, Hyper U, Intermarché, Ed, Atac mais aussi Ikea, Picard, Darty, Leroy-Merlin, Monoprix...) où le salaire moyen à temps complet (entre 27 et 34 heures hebdomadaires) oscille entre 600 et 800 euros. Le conflit s'est prolongé 16 jours au Carrefour des quartiers Nord de Marseille, le syndicat majoritaire CFDT ayant appelé à une reprise du travail après des concessions dérisoires (le chèque déjeuner passant de 3,05 à 3,50 euros et quelques emplois à temps partiel de 16 heures sont prolongés de 2 ou 3 heures) alors que la revendication principale d'une prime de 250 euros n'a pas été accordée. Une grève des contrôleurs aériens contre un regroupement des sites et pour des hausses de salaire a fortement perturbé le trafic des aéroports parisiens. Dans le groupe Safran-Snecma, chez Goodyear-Dunlop, chez Whirlpool, sur le site de L'Oréal France à Clichy-la-Garenne, dans le groupe de presse Prisma, une série de grèves a eu lieu pour réclamer de meilleurs salaires comme contre la détérioration des conditions de travail.
A Toul, les ouvriers de Kléber-Michelin ont relâché deux cadres d'entreprise retenus dans l'usine pendant 5 jours en échange d'une promesse de renégociation du plan social (la plupart des syndicats acceptant une prime de départ de 2500 euros). Sitôt après, les salariés de Ford à Blanquefort se sont mis en grève à leur tour. Les ouvriers de l'Imprimerie nationale sont en grève depuis un mois pour tenter de s'opposer à la fermeture du site. Lors d'une manifestation d'un millier de personnes à Saint-Dizier contre les licenciements chez Miko, noyée dans un régionalisme interclassiste avec le "soutien" des élus locaux de toutes tendances et des petits commerçants, une tendance vers l'émergence d'une solidarité ouvrière encore fortement encadrée par les syndicats s'est exprimée à travers la présence dans le cortège de délégations venus non seulement d'autres usines appartenant au même groupe Unilever (Amora ou Knorr) mais aussi d'ouvriers de toute la région, de Michelin ou d'Arcelor confrontés aux mêmes attaques (2).
Le signe le plus tangible et le plus encourageant aujourd'hui de la maturation de ce sentiment de solidarité de classe s'exprime à travers l'hébergement de plus en plus répandue de travailleurs clandestins et de leurs familles alors que les familles d'accueil encourent 5 années de prison dans le cadre des nouvelles lois Sarkozy-Hortefeux (3).
Les prolétaires ne peuvent compter que sur leur solidarité et le développement de leurs luttes pour résister aux attaques de la bourgeoisie.
W (23 février)
1) Quand Allègre avait déclaré "il faut dégraisser le mammouth", à propos de l'Education nationale, il énonçait une nécessité pour la bourgeoisie applicable à toute la Fonction publique.
2) On est encore loin des manifestations massives de solidarité qui se sont déroulées récemment à Bochum (voir l'article "Allemagne la combativité montante de la classe ouvrière" dans RI no 387 et sur notre site Web) et qui sont clairement porteuses de cet avenir.
3) A ce sujet, la ministre de l'Intérieur Alliot-Marie a déclaré récemment sur les ondes de France-Info qu' "elle ne laisserait pas impunie la propagande subversive d'une poignée d'agitateurs gauchistes ou d'extrême gauche". Voilà une menace fort claire envers les révolutionnaires !
Avec la "crise des subprimes", la récession économique mondiale se profile nettement. De façon simultanée, sur l'ensemble du globe, des centaines de milliers de prolétaires sont brutalement frappés par la crise économique. Parmi les premières victimes, les familles expulsées de leurs maisons qui ne peuvent plus rembourser leurs prêts ou qui perdent leur emploi. En un an, aux Etats-Unis, le taux de saisies/expulsions a doublé : 200 000 procédures de saisies par mois au deuxième semestre 2007 accentuant le phénomène des "villes fantômes". Ainsi, la paupérisation galopante sollicite beaucoup plus fortement les programmes d'aide alimentaire existants (1). En plus, 27 000 licenciements sont programmés dans le secteur du bâtiment, 28 000 dans le secteur de l'agro-alimentaire. Dans le secteur automobile, 12 000 suppressions d'emploi sont envisagés pour les usines Ford ! 74 000 "départs volontaires" sont demandés pour General Motors. En 2006 déjà, le licenciement de 30 000 ouvriers payés à l'heure avait montré la détermination de la direction pour "rattraper la productivité des constructeurs asiatiques". Le plan aujourd'hui met à exécution cette même volonté afin "d'embaucher de nouveaux venus, payés trois fois moins : 25 dollars de l'heure au lieu de 75 dollars actuellement, prestations sociales comprises" (2). Il faut ajouter "la grande différence avec les plans précédents" : les ouvriers doivent "accepter de perdre leur assurance santé et leurs pensions retraite en passant les portes de l'usine".3 Les licenciements se multiplient dans l'industrie manufacturière, le commerce de détail, etc. Il est clair que l'hécatombe va suivre dans le secteur des services. Dans la finance mondiale, 26 000 licenciements sont déjà prévus, touchant des temples comme HSBC, UBS. Citigroup prévoit entre 17 000 et 24 000 licenciements !
Aujourd'hui, ce choc frontal lié à la crise ne peut plus être uniquement reporté à la périphérie du capitalisme, dans les pays pauvres. C'est maintenant le cœur du système capitaliste et son prolétariat le plus concentré au monde qui est touché. En Europe, dans un pays comme l'Allemagne, dont on vante pourtant la performance des exportations et le dynamisme des entreprises, les charrettes de licenciements se multiplient : à la Deutsche Telekom, 35 000 licenciements sont prévus d'ici fin 2008. Chez BMW, 8000 emplois doivent être supprimés pour des questions de "rentabilité". Idem chez Siemens qui prévoit de jeter à la rue 3000 employés de sa division Enterprise Network (SEN). L'opérateur Nokia s'apprête à déménager en Roumanie avec une main d'œuvre bien meilleur marché. Ailleurs aussi, dans le secteur des télécommunications, l'entreprise néerlandaise KPN prévoit de supprimer 2000 postes qui s'ajouteront aux 8000 prévus par un plan divulgué en 2005. En France, outre les 23 000 suppressions de postes programmées dans la fonction publique et les collectivités locales, 18 000 licenciements chez Peugeot seront étalés jusqu'en 2010. Une myriade de faillites d'entreprises entraîne d'ores et déjà des licenciements secs, en particulier pour les ouvriers les plus vulnérables que sont les travailleurs immigrés en situation irrégulière, sans papiers, mais "légalement" employés dans les secteurs du BTP, la restauration, l'électronique... Ce désastre, qui n'en est qu'à ses débuts, touche tous les autres pays en Europe et le reste du monde. Même dans ce qu'on nous présente comme le nouvel El Dorado, la Chine, la contraction du marché mondial entraîne de nombreuses faillites et licenciements (4).
Il n'y a pas d'illusions à se faire, la paupérisation s'accélère partout ! Ce qui nous est présenté par la bourgeoisie comme des "dégraissages" et selon certains économistes une "purge salutaire" n'est en réalité qu'une des expressions les plus significatives de la faillite du système capitaliste.
WH (23 février)
1) Pour les enfants, « Kids Café » distribue davantage de repas dans 18 comtés. Dans l'Etat de New York, les soupes populaires connaissent une hausse de 24 % en un an.
2) Libération du 23 février 2008.
3) Idem.
4) Pour s'adapter, "depuis le premier janvier 2008, la Chine applique un nouveau droit du travail dont l'arrivée provoque depuis des mois des licenciements massifs". Dans le sud de la Chine (Shenzhen), une entreprise sur 10 est amenée à fermer dans cette mégalopole industrielle. Voir le site Internet WWW.lagrandeepoque.com
Au Tchad, fin janvier et début février, des groupes armés "rebelles" ont tenté de renverser le régime du président Idriss Déby. Résultat : plusieurs milliers de morts et des dizaines de milliers de personnes fuyant les combats pour le Cameroun où elles n'ont rien trouvé d'autre que des camps de la misère, sans eau ni nourriture. Aujourd'hui, avec la défaite des rebelles repoussés aux confins du Soudan, le pays est livré à la vindicte de la soldatesque d'Idriss Déby, profitant de sa "victoire" pour mener une chasse aux sorcières qui frappe les opposants officiels à son régime mais aussi tous ceux qui ont eu le malheur de se plaindre de leur sort. Une bonne partie des quelque 700 000 habitants de la capitale N'Djamena avait suivi le mot d'ordre des rebelles qui les invitaient à fuir avant le déclenchement de la vague d'attaques et cette "lâcheté" se fera payer très cher par les forces de répression tchadiennes.
Mais l'armée du président tchadien et les "rebelles" ne sont pas seuls à s'affronter et à porter la responsabilité de tous ces massacres. Une fois encore, nombreuses sont les puissances impérialistes, petites ou grandes, à être rentrées dans cette danse macabre.
Pendant le déroulement des opérations militaires, Paris s'est efforcé de cacher sa participation directe dans la boucherie. C'est ainsi qu'on a pu entendre Kouchner et Sarkozy dire : "Nous n'avons pas à participer aux combats" et "Nous espérons ne pas avoir à intervenir plus en avant militairement" pour finir par ajouter tout de même : "Si la France doit faire son devoir, elle le fera". A les en croire, la France ne serait donc pas encore impliquée militairement dans cette affaire, mais si la défense de la démocratie l'exige (puisque Idriss Déby a été élu), elle est prête à défendre le régime légitimement en place. Quel cynisme ! La bourgeoisie fait la guerre, déclenche les plus abominables horreurs, massacre à tour de bras, et cela toujours au nom de la paix, de la démocratie, de l'humanitaire... Actuellement déjà, au Darfour, région frontalière du Tchad, l'Eufor est déployée avec 3700 hommes dont les deux tiers sont des éléments de l'armée française. Pourquoi ? Officiellement, pour "protéger" les populations, "pour accentuer la coopération des forces de paix et prêter main forte" aux forces de l'Union africaine.
Kouchner et Sarkozy peuvent bien déclarer "Nous n'avons pas à participer aux combats", l'armée française est déjà sur place, et en action. Son implication est d'une telle évidence que même les médias ne peuvent la cacher : "Nicolas Sarkozy (...) a engagé dans les combats des officiers d'état-major, le premier février, et des éléments du Commandement des opérations spéciales (COS), le 2. (...) Le 6 février, le ministre de la Défense, Hervé Morin, s'est rendu à N'Djamena pour réitérer le "soutien sans faille" de la France au président Déby, et, pour que chacun comprenne le message, il s'est fait photographier l'œil dans le viseur d'une arme automatique" (1). Il y a un peu plus d'un an, fin 2006, la France était déjà intervenue militairement pour sauver le régime tchadien en utilisant chars, aviation et quelques 2000 soldats. L'affrontement contre les rebelles s'était soldé par quelques milliers de morts dans la population. Cette fois-ci encore, le gouvernement français a donc utilisé son dispositif militaire sur place pour soutenir son pion tchadien. Sur toutes les chaînes télévisées françaises, au 20 h, tout le monde a pu voir ces images de l'évacuation des ressortissants étrangers à partir de l'aéroport de N'Djamena tourner en boucle. Le message était clairement propagandiste : "Oh, regardez notre belle et noble armée française sauvant des vies en sécurisant l'aéroport et en organisant l'évacuation !". Les journalistes en ont d'ailleurs fait des tonnes sur le sauvetage des ressortissants non français, pour bien montrer l'altruisme de la république tricolore. Mais là encore, la "protection", le "sauvetage des vies" n'ont été que des excuses infâmes. Sécuriser cet aéroport a surtout permis aux avions du pouvoir tchadien de décoller pour aller bombarder les rebelles et, en passant, raser des villages. Des mirages de l'armée française décollaient eux aussi de cet aéroport, non pour bombarder mais pour repérer les colonnes rebelles et indiquer leur présence à l'armée tchadienne. L'hypocrisie de la bourgeoisie n'a pas de limite (2).
Ce nouvel avatar de la guerre au Tchad n'a rien d'étonnant. Cette région est depuis des décennies convoitée et tiraillée par les grandes puissances impérialistes.
Dans les années 1980, par exemple, c'est Hissène Habré qui était soutenu par la France pour le compte du bloc américain. Qu'on se souvienne des opérations Manta mises au point par Mitterrand au profit des Etats-Unis afin de contenir la pression de la Libye, considérée à l'époque comme oeuvrant pour le compte de l'impérialisme russe. Comme l'avoue le Monde (du 17 avril 2006) : "Si la France maintient une forte présence militaire au Tchad (1350 soldats, 6 avions de chasse Mirage et 3 hélicoptères), c'est pour des raisons historiques, stratégiques et diplomatiques. (...) Depuis l'indépendance en 1960, tous les présidents tchadiens, de François Tombalbaye au général Maloum, d'Hissène Habré à Idriss Déby, ont entretenu des rapports étroits avec Paris".
Le soutien diplomatique et militaire actuel à Idriss Déby n'a donc rien à voir, ni de près ni de loin, avec une quelconque défense de la démocratie. La France soutien simplement son homme de main sur place et, encore une fois, c'est tellement gros que les médias sont obligés de lâcher le morceau : "Idriss Déby a pris le pouvoir par les armes en décembre 1990. Il venait de Libye et du Darfour et avait bénéficié de l'aide militaire française pour chasser Hissène Habré, devenu embarrassant. Il a persisté dans son être présidentiel jusqu'à aujourd'hui à grand renfort de combats, répression, de fraudes électorales, de manipulations constitutionnelles. (...) il a néanmoins joui du "soutien sans faille" de la part de la France" (3).
Ce "soutien sans faille" de la bourgeoisie française est aujourd'hui d'autant plus nécessaire que le Tchad se trouve au cœur d'appétits impérialistes de plus en plus aiguisés. Parmi les concurrents de l'Etat français, on trouve la Libye de Kadhafi, le "nouvel ami" de Sarkozy, qui arme et finance tout le monde (le régime et ses opposants) et dont le but fondamental est de récupérer la place de Paris. Mais il y a aussi, évidemment, les Etats-Unis dont les sociétés exploitent le pétrole tchadien au détriment de la société française Total et qui soutiennent en sous-main certaines fractions de rebelles. Ou encore, prouvant que petites ou grandes, toutes les nations sont impérialistes, il y a le Soudan (soutenu par la Chine) et les groupes qui arment les "rebelles" tchadiens en vue de renverser le pouvoir en place de Déby, lequel, de son côté, arme et finance les "rebelles" soudanais dont les exactions ravagent le Darfour ! C'est cette mosaïque de cliques et de charognards qui se disputent le contrôle du Tchad et des pays environnants. C'est pour cette raison que ces criminels mettent toute la région à feu et à sang. Trois conflits ravagent actuellement cette région du monde : au Tchad, en Centrafrique et au Darfour !
Toutes ces bourgeoisies ne sont que des charognards. En treillis en Afrique ou en costume trois-pièces à Paris ou Washington, bien léchée et présentable, la bourgeoisie reste une classe sanguinaire et va-t-en-guerre dont l'inhumanité n'a d'égale que l'hypocrisie et le cynisme. Soyons-sûrs qu'aucun de ces serial-killers impérialistes ne baissera les bras et que la population de cette région du monde va continuer de voir s'accroître l'insécurité et le chaos. Les médias peuvent bien nous abreuver de discours lénifiants voulant nous faire croire qu'ils font tout pour défendre la "paix", plus la bourgeoisie parle de paix et d'humanitaire, plus elle fait la guerre et massacre.
Amina (15 février)
1) Jean-François Bayart, Directeur de recherche au CNRS, le Monde du 13 février 2008.
2) D'ailleurs, le rôle de la bourgeoisie française a été à ce point déterminant dans le sauvetage d'Idriss Déby que celui-ci a immédiatement annoncé qu'il allait réfléchir à une grâce éventuelle des prisonniers de l'association l'Arche de Zoé. Ce fait divers, aussi, révèle à sa façon tout le cynisme et toute l'hypocrisie dont la bourgeoisie est capable. Cette proposition de grâce montre bien que tous les discours tchadiens ou français sur la légitimité ou non de l'action humanitaire de cette association étaient du vent. Les membres de l'Arche de Zoé n'ont été que des pions, depuis le début. Ponctuellement, Idriss Déby a voulu jouer les gros bras. En faisant arrêter ces humanitaires, il montrait qu'il était indépendant, « maître chez soi ». Mais ses difficultés face aux rebelles l'ont rattrapé ; le soutien de l'armée française lui est devenu vital. D'où cette proposition de grâce en signe de reconnaissance... et de soumission. Dans ce jeu d'otages et de chantage, Déby et Sarkozy, ces éminents représentants de la classe dominante, étalent ici leurs mœurs crapuleuses dignes du plus minable des mafieux.
3) Jean-François Bayart, op. cit.
Depuis plus d'un mois, la bande de Gaza, où survivent 1 500 000 Palestiniens, est soumise à un nouveau blocus israélien, après celui de l'été dernier. Ecrasée par la terreur, la population subit les bombardements aveugles et les incursions quotidiennes de l'armée israélienne (1), pilonnant les champs encore cultivés, tandis qu'à ces attaques répondent les tirs incessants de roquettes des militants du Hamas sur la ville israélienne de Sderot. A la mort violente et brutale s'ajoute une mort à petit feu par la faim, la soif et les maladies. On dénombre ainsi chaque semaine des dizaines de morts et bien plus de blessés graves, tandis que la pire misère grandit.
L'électricité, dont l'approvisionnement est tenu par Israël, est fréquemment coupée, rendant la vie quotidienne intenable et entravant toute l'activité économique comme celle des hôpitaux dépourvus de médicaments et d'équipements et où les décès se multiplient faute de soins appropriés. Il en est de même pour l'essence, dont le manque chronique provoque l'arrêt des générateurs. En juillet dernier, 3190 entreprises avaient été fermées, faisant monter le taux de chômage à plus de 60 %. Aujourd'hui, il a grimpé à 70 % de la population. En 2006, 57 % des familles de la bande de Gaza percevaient un revenu au-dessous du seuil de pauvreté. Qu'en-est-il alors à présent ? On parlait en juillet 2007 de 90 % de la population vivant sous le seuil de pauvreté et dépendant uniquement de la farine fournie par l'UNRWA (pilotée par l'ONU) et le PAM (Programme alimentaire mondial), c'est-à-dire la misérable aumône de la bourgeoisie internationale.
L'accès à l'eau est non seulement de plus en plus rare mais risque de provoquer une véritable catastrophe sanitaire, alors que 150 des médicaments de base pour soigner ne sont plus disponibles et que les réserves en traitements fondent rapidement. En effet, l'utilisation de l'eau par la culture intensive israélienne provient pour 65 % depuis des décennies des nappes profondes de la Cisjordanie, de la bande de Gaza, du Jourdain et du Golan anciennement syrien, bouleversant totalement l'équilibre hydrographique. A Gaza, outre le fait que le mur israélien au sein du territoire suit le tracé des bassins aquifères pour en interdire l'accès aux Palestiniens, les pompages ont eu pour résultat que l'eau de mer s'est infiltrée dans la nappe phréatique de la côte. Aussi, 90 % de l'eau des robinets est de l'eau salée. Pire encore, dans le Nord du territoire, il n'y a plus de séparation entre les nappes aquifères et les eaux usées, contraignant la population à boire cette mixture propageant de nombreuses maladies, surtout chez les enfants.
La bande de Gaza est transformée en une monstrueuse prison sans espoir, dans laquelle l'inhumanité est le maître-mot. Quel spectacle poignant et révoltant que de voir ces centaines de milliers de Palestiniens traverser fin janvier comme des voleurs la frontière égyptienne, dans la confusion la plus totale, afin d'emmagasiner tout ce qu'ils pouvaient, de la nourriture à l'essence en passant par des mini-motos ! Et quelle écœurante tragédie que de les voir refoulés sous les coups de matraque et les menaces armes au poing des forces de l'ordre égyptiennes, reconstruisant à la hâte le mur qui le protège de ces parias de l'humanité.
Ce nouvel épisode du conflit israélo-palestinien s'inscrit dans la lutte à mort engagée par Tel Aviv contre le Hamas depuis sa victoire aux élections palestiniennes de juin dernier. La non reconnaissance par ce groupe islamique radical de l'Etat d'Israël est le prétexte pour justifier cette pression accrue sur la population palestinienne qu'il prétend vouloir ainsi pousser à rejeter la clique sanguinaire du Hamas.
Face à une telle horreur, que fait la bourgeoisie internationale ? Rien ! L'ONU, pourtant toujours prompte à voter des résolutions grandiloquentes, n'a même pas été capable de se mettre d'accord sur la rédaction d'un texte minimum. Et pour cause ! Car ce sont tous les rapaces impérialistes qui y siègent qui sont responsables de la tragédie actuelle dans les territoires occupés.
Ce n'est nullement le sort de la population palestinienne qui les préoccupe. Ainsi par exemple, lorsque Kouchner déclare cyniquement qu'il "faut redonner la confiance aux Palestiniens", après avoir clamé l'été dernier qu'il avait "confiance", et qu'il suffisait "qu'Israéliens et Palestiniens apprennent à se connaître", il vient profiter de l'horreur que vivent les Palestiniens pour vendre sa camelote de représentant des intérêts impérialistes français au nom de "l'humanitaire".
L'accélération de la situation actuelle au Proche-Orient est le produit direct de la fameuse "feuille de route" de Georges Bush censée amener la "paix" et la "stabilité". Elle n'a apporté que plus de désolation. Une fois encore s'affirme le fait que plus la bourgeoisie nous parlent de paix et plus elle développe la guerre, que le sort fait aujourd'hui aux populations palestiniennes est celui qu'elle réserve à l'humanité toute entière.
Wilma (22 février)
1) Les bombardements sont d'ailleurs tout aussi actifs en Cisjordanie.
Pour ce faire, elle a sorti son "arme fatale" : la très emblématique figure de Che Guevara. Lors de son dernier congrès, cette organisation trotskiste lui a rendu un hommage particulièrement appuyé, la traditionnelle banderole à l'effigie de Léon Trotski ayant même été remplacée pour l'occasion par le célèbre portrait du "Che" (1). Véritable experte de la communication et du marketing, la LCR a parallèlement lancé sur le marché un nouveau livre, déjà en passe de devenir un best-seller, à la gloire de sa nouvelle icône : Che Guevara, une braise qui brûle encore (Ed. Mille et une nuits).
Olivier Besancenot (co-rédacteur de l'ouvrage avec M. Löwy, un spécialiste de l'Amérique latine), s'est efforcé de tisser autour de Guevara une auréole révolutionnaire, n'hésitant pas à le présenter comme l'un des plus fermes opposants au stalinisme. Il affirme ainsi sans détour qu'"il rompt radicalement avec la version orthodoxe et glaciale du ‘socialisme réel' des pays de l'Est". Mais cette rupture avec l'orthodoxie soviétique, cette image de pur révolutionnaire luttant cœur et âme pour la classe ouvrière correspond-elle à la réalité ?... Tout ceci n'est-il pas un mythe, un mensonge (2) ? Besancenot et Löwy (B&L), tout au long de leur livre, dressent-ils un portrait fidèle de ce que furent réellement Che Guevara et sa politique ?
La première vertu dont B&L drapent leur héros est celle de l'internationalisme prolétarien. Rien de moins. Depuis 1848 et le Manifeste du Parti communiste, l'un des cris de ralliements le plus puissant et le plus beau de la classe ouvrière est sans nul doute "Les prolétaires n'ont pas de patrie. Prolétaires de tous les pays, unissez-vous !". Durant la Première Guerre mondiale, le rejet de tout nationalisme, le refus de tout embrigadement impérialiste et la défense intransigeante du drapeau internationaliste fut le combat héroïque de Lénine, Trotski, Rosa Luxembourg, Karl Liebknecht... Pour B&L, aux côtés de ces grands révolutionnaires, se trouverait Che Guevara : "Pour le Che, l'internationalisme révolutionnaire n'était pas un sujet édifiant pour discours du Premier Mai. Comme pour les fondateurs de l'Internationale communiste en 1919, il était à la fois mode de vie, idéal suprême, foi séculaire, impératif catégorique et patrie spirituelle" ou encore "la pensée du Che signifie un retour aux sources, à l'Internationale communiste des premières années (1919-1924), avant qu'elle ne devienne peu à peu un instrument au service de la politique extérieure de l'URSS de Staline". En apparence, en effet, quel meilleur exemple d'internationalisme qu'un Argentin risquant sa vie à Cuba, au Congo puis en Bolivie ? Che Guevara serait donc un internationaliste, un vrai, et un opposant à "la politique extérieure de l'URSS de Staline"...
B&L prétendent étayer leurs louanges d'exemples concrets. Ce qu'ils portent aux nues, c'est cela : "Le Che laisse à l'Histoire l'empreinte de celui qui aura dénoncé l'indifférence de Moscou aux luttes de libération nationales qui cherchaient à soustraire leur pays de la domination capitaliste". Ils applaudissent le Che quand il parle de "la solitude du peuple vietnamien" et qu'il appelle à créer "deux, trois, plusieurs Vietnams" ! Nous y voilà... voici quel visage a l'internationalisme, ce "mode de vie, idéal suprême, foi séculaire, impératif catégorique et patrie spirituelle" de Guevara... et de Besancenot : créer "deux, trois, plusieurs Vietnams" ! Contrairement à toute cette propagande nationaliste et nauséabonde, le peuple vietnamien n'était pas "seul" : il y avait plutôt trop de monde autour de lui ! Il était l'enjeu de la lutte impérialiste entre les deux blocs, pris dans l'étau implacable des massacres de la Guerre froide. D'un côté, il y avait les bombardements de l'aviation américaine et la brutalité des GI's. De l'autre, il y a avait les armées de "libération nationale", soutenues directement par les impérialismes russe et chinois. Et au milieu, le "peuple vietnamien" crevant la bouche ouverte, qui était bien loin de souffrir de "solitude". Pour B&L, et derrière eux toute la LCR, "le Che laisse à l'Histoire l'empreinte de celui qui aura dénoncé l'indifférence de Moscou aux luttes de libération nationale" alors qu'en réalité, il n'y a pas eu la moindre "indifférence" de la part du régime stalinien, au Vietnam comme ailleurs. De l'Asie à l'Afrique, le bloc impérialiste soviétique a soutenu, politiquement et militairement, toute lutte qui pouvait faire basculer une partie du monde vers lui (surtout à partir de la fin de la Seconde Guerre mondiale et de la Guerre de Corée).
D'ailleurs, que couvre cette critique de "l'indifférence de Moscou" ? B&L y sous-entendent de façon à peine voilée que l'URSS avait encore dans les années 1950, 60 et 70 un rôle positif à jouer dans "la défense des peuples" ? Nous retrouvons ici ce mensonge trotskiste selon lequel l'URSS était un "État ouvrier dégénéré", ce qui veut dire que, même "dégénéré", il devait être soutenu de façon "critique" ainsi que ses aventures impérialistes. L'URSS n'a jamais été un "Etat ouvrier dégénéré". Le stalinisme fut le fossoyeur de la Révolution d'Octobre 1917. A la fin des années 1920, la contre-révolution triompha, la bourgeoisie reprit le pouvoir de "l'intérieur", massacrant au passage tous les bolcheviks restés fidèles à la cause prolétarienne, dont Trotski. L'URSS devint dès lors une puissance capitaliste sous la forme d'un capitalisme d'État particulièrement brutal et archaïque. Après la Seconde Guerre mondiale, l'Union soviétique devint même une grande puissance impérialiste rivale directe du bloc américain.
Il n'y a pas une ombre d'internationalisme chez Che Guevara, pas plus qu'à la LCR d'ailleurs qui a pendant des décennies servi de rabatteur à toutes les causes de "libération nationale" dans le monde au service du camp impérialiste russe. Besancenot salue le Che car il y retrouve la même idéologie frelatée : le nationalisme et le "soutien critique" (mais soutien quand même) à la patrie soi-disant prolétarienne, l'URSS.
Cet internationalisme de Che Guevara vanté par B&L n'est donc qu'une fumisterie, un grossier mensonge. "L'internationalisme prolétarien" n'est que du verbiage enrobant des références permanentes à "l'amour de la patrie". Guevara ne signait-il pas tous ses textes par ce sinistre mot d'ordre castriste : "la patrie ou la mort" ? Ce nationalisme viscéral a imprégné toute son "œuvre politique" ; toute sa vie et son combat furent guidés par les intérêts de ce qu'il nommait la "grande patrie".
En 1967, Che Guevara envoya son fameux Message à la Tricontinentale dans lequel apparaît précisément cette idéologie nationaliste de la "grande patrie" : "Sur ce continent, on parle pratiquement la même langue, sauf le cas exceptionnel du Brésil, mais le peuple de ce pays peut parfaitement se faire comprendre avec ceux de langue hispanique, tellement les deux langues sont proches. Il y a une telle identité entre les classes de ces pays qu'ils arrivent à s'identifier dans une "internationale latino-américaine" (3), bien plus parfaite que sur d'autres continents. Ils sont unis par la langue, les coutumes, la religion, le maître commun (4). Le degré et les formes d'exploitation sont similaires dans leurs effets pour les exploiteurs et les exploités d'une grande partie des pays de notre Amérique. Et la révolte est en train de mûrir d'une façon accélérée chez elle." Et B&L osent faire passer ce "Message" pour un "grand événement internationaliste" ! Pour Guevara, il fallait mener une lutte à mort non pas contre la bourgeoisie dans son ensemble, en tant que classe, mais contre un pays, les Etats-Unis (5). Faire croire que cette lutte à mort contre les Etats-Unis, autrement dit contre "l'autre bloc", c'est de "l'internationalisme", que ce serait un retour aux origines de l'Internationale communiste de 1919 est une des pires escroqueries vendues par le livre de B & L.
Il est vrai que depuis le xixe siècle, pratiquement depuis l'accession à l'indépendance des Etats d'Amérique latine, les Etats-Unis n'ont cessé de considérer "l'autre" Amérique comme leur arrière-cour. Depuis le 19e siècle, les Etats-Unis ont maintenu une ingérence permanente vis-à-vis de leurs voisins du Sud. Il serait trop long de recenser tous les débarquements, les renversements, la mainmise de toute sorte des Etats-Unis en Amérique latine. Cela a créé un terreau irrigué de "frustrations nationales" qui a nourri une haine anti-américaine permanente au sein de larges fractions de la petite bourgeoisie de beaucoup de pays latino-américains, la grande bourgeoisie étant la plupart du temps liée aux intérêts de la grande puissance. La contre-révolution stalinienne s'est abreuvée de ces frustrations nationales pour embrigader le mouvement ouvrier latino-américain, en fomentant, entre autres, le mythe de la "grande patrie". Aujourd'hui, après la chute du mur de Berlin et la disparition du bloc stalinien, cette idéologie de la "grande patrie" reste la référence pour tous les idéologues du capitalisme d'Etat : de la fumeuse idéologie bolivarienne au "socialisme du 20e siècle" du président vénézuélien Chavez, le tout saupoudré d'une critique du néo-libéralisme ("l'adversaire commun", selon B&L)
Ceux qui se réclament aujourd'hui du Che arborent des affiches avec Chavez, Castro et Morales surmontées du slogan "Ensemble pour la grande patrie". Cette grande patrie, que Guevara en son temps et les trotskistes de la LCR maintenant, essayent de faire passer pour de "l'internationalisme" est un mélange de "revendications culturelles et linguistiques", parfois "hispaniques ou latines" (surtout anti-anglosaxonne) parfois, au contraire, "indigéniste"..., bref, un pot-pourri saupoudré de romantisme à quatre sous, qui n'a qu'un seul moteur : une haine inextinguible envers les Etats-Unis, une haine nationaliste que le Che exprime dans ce même Message à la Tricontinentale : "Au moment d'envisager la destruction de l'impérialisme, il faut identifier sa tête, autrement dit les Etats-Unis d'Amérique: (...) le grand ennemi du genre humain. (...) La plus grande leçon de l'invincibilité de la guérilla auprès des dépossédés : la galvanisation de l'esprit national (...). La haine comme facteur de lutte, la haine intransigeante de l'ennemi qui transforme l'être humain en machine à tuer efficace, violente, sélective et froide" (6).
"Il est sans doute vrai que le Che sous-estime, par exemple, le rôle des villes en survalorisant la place politique de la paysannerie. Il ne dénigre pourtant pas les combats ouvriers, loin de là" (p. 95). Si les auteurs de la LCR se sentent obligés de dire une chose aussi étonnante selon laquelle le "Che" "ne méprisait pas les combats ouvriers", c'est parce que, de fait, pour Guevara, la classe ouvrière n'était qu'un pion dans sa vision de prise du pouvoir. Une des caractéristiques des avatars de la contre-révolution stalinienne a été l'extrême méfiance vis-à-vis de la classe ouvrière, qui n'est d'ailleurs plus considérée comme la classe porteuse de la révolution. Tous les avatars du stalinisme, du maoïsme au castrisme, ont misé sur une mythique paysannerie révolutionnaire, une paysannerie qui (de même que les groupes "indigènes") ne leur sert que de masse de manœuvre et de chair à canon.
Pour les idéologues du "foquisme" (7), comme les auteurs de la LCR le disent, "la guérilla est un moyen de déclencher un mouvement large et majoritaire". En fait, la guérilla n'était pas l'initiateur d'un mouvement, mais le mouvement lui-même. Les deux auteurs de la LCR nous disent que la "grève générale insurrectionnelle du 1er janvier 1959 a porté un coup de grâce à la dictature qu'aucune victoire militaire n'aurait su remplacer. Le Che le sait et s'inscrit, à ce niveau, dans la vieille tradition du mouvement ouvrier qui accorde à la grève générale insurrectionnelle une portée stratégique cruciale dans la prise du pouvoir par le peuple : ‘un facteur primordial de la guerre civile', la prise du pouvoir représente, donc, chez Guevara, une étape nécessaire qu'il ne s'agit pas d'entreprendre comme un coup de force, mais bien à partir d'un large mouvement révolutionnaire majoritaire, suscité dans les zones rurales et aussi dans les villes, à partir de l'activité armée par la guérilla".
Derrière ce langage se cache le fait que la classe ouvrière n'a été qu'une masse de manœuvre supplétive pour la guérilla nationaliste de Castro, et la "grève générale insurrectionnelle" qu'un moyen de plus pour que triomphe le véritable moteur de l'insurrection nationaliste, c'est-à-dire la guérilla elle-même. C'est d'ailleurs l'organisation militaire et l'armée qui forment la véritable colonne vertébrale du régime castriste et du parti stalinien.
Un des thèmes préférés de l'admiration de la LCR pour le Che, c'est la critique que celui-ci aurait fait de la "bureaucratie" soviétique. B&L parlent de la "guerre du Che contre le bureaucratisme". Pendant des années, quand un stalinien ou un gauchiste voulait un tant soit peu se démarquer du système régnant en URSS, il avait recours à la tarte à la crème de la "critique de la bureaucratie". Pour la LCR, l'URSS et son camp n'étaient pas capitalistes, mais dirigés par une "couche bureaucratique", formule vide de sens qui ne servait qu'à justifier finalement leur "soutien critique". Il s'agit de faire croire que Guevara, ce responsable de l'Etat cubain, ministre de l'Industrie, prenait des risques contre l'appareil quand il chargeait la bureaucratie. Son texte Contre le bureaucratisme (1963) peut se résumer ainsi : il faut changer les méthodes d'administration léguées par la guérilla et les remplacer par une organisation où il faut "inculquer l'intérêt chez les employés, éliminer les parasites" en redonnant "une grande impulsion patriotique et nationale pour résister à l'impérialisme qui a étreint l'immense majorité du peuple cubain,et chaque travailleur est devenu un soldat de l'économie prêt à résoudre n'importe quel problème."
Autrement dit, il s'agissait de passer de l'administration "artisanale" de la guérilla à une administration de type militaire avec élan patriotique incorporé.
Souvent, ce genre d'argument de lutte contre la bureaucratie est utilisé par le sommet de l'Etat pour se débarrasser des éléments intermédiaires ou faire pression sur eux pour les contraindre à mener la politique de la clique au pouvoir. Ce fut, par exemple, la tactique utilisée par Mao Tse Toung dans sa "Révolution culturelle" en Chine. La clique au pouvoir impose son ordre et ses intérêts par cette "lutte contre la bureaucratie" : toutes les fractions bourgeoises doivent obéir à une seule clique, en particulier à son chef. C'est pourquoi elle a toujours comme corollaire le culte du chef. Et ici, Guevara est devenu un véritable champion, portant le culte de la personnalité vis-à-vis du "lider máximo", Fidel Castro, à son paroxysme. Celui-ci est pour Guevara l'exemple, le modèle permanent, la source d'inspiration :
"La masse, (...) suit sans hésiter ses dirigeants, surtout Fidel Castro..." "Si on regarde les choses superficiellement, on pourrait penser que ceux qui parlent de soumission de l'individu à l'Etat ont raison, mais les masses réalisent avec enthousiasme et discipline sans égal, les tâches que le gouvernement établit, qu'elles soient économiques, culturelles, de défense ou sportives... L'initiative vient en général de Fidel ou du haut commandement de la Révolution et elle est expliquée au peuple qui la fait sienne" (Le socialisme et l'homme à Cuba, 1965).
Pour justifier cette revendication de Guevara, un des chapitres du livre de B&L s'attache à retrouver des traces des "penchants trotskistes" de ce personnage. Il y a un coté pitoyable et pathétique dans cette recherche d'un Guevara trotskisant. Il aurait eu par exemple dans son barda en Bolivie un exemplaire de la Révolution russe. Dans leur soutien critique au stalinisme, les trotskistes n'ont jamais pu éviter le masochisme (8). Il suffit de lire ses déclarations à des journalistes en 1961 en Uruguay pour se rendre compte des sentiments tout à fait staliniens que Guevara portait en réalité aux trotskistes :
"Journaliste : Dr. Guevara, pourriez-vous nous dire pourquoi on a enlevé aux trotskistes cubains tous leurs moyens d'expression, pourquoi on leur a confisqué leur imprimerie ?
Guevara : Les trotskistes ? Ecoutez, il y a eu une petite imprimerie qui publiait un hebdomadaire qui a eu quelques problèmes avec nous". Et il persifle : "Nous avons pris quelques mesures administratives, parce qu'il n'avaient pas de papier, ni la permission pour en utiliser, ni imprimerie, ni rien du tout ; et, tout simplement, nous avons décidé qu'il n'était pas prudent que le trotskisme continue à appeler à la subversion".
Après, Guevara, méprisant, évoque une possible connivence entre le trotskisme et Batista (9), faisant une obscure référence à une grève aventuriste dont Batista était au courant et à cause de laquelle "beaucoup de nos camarades sont morts" et, enfin, il finit en disant que le trotskisme renaît, "étrange coïncidence", à Guantánamo, ville "si proche de la base navale des Etats-Unis", de sorte que :
"... nous soupçonnons qu'il pouvait avoir un rapport avec cette... ‘proximité géographique'. C'est pour cela que nous avons pris quelques mesures pour que des gens qui ne représentent rien et dont nous ne savons pas d'où ils sortaient leur argent, continuent, sur des positions d'extrême gauche, à gêner le développement de notre Révolution.
Journaliste : Pourtant ici [en Uruguay], ils ont bien soutenu la Révolution cubaine...
Guevara : D'accord, mais c'était à Cuba, ici, nous n'avons fermé aucun journal, bien évidemment ! (rires)" [Université de Montevideo, 1961].
Ce livre à la gloire du Che s'inscrit dans l'entreprise de la LCR de "moderniser" son image, remplaçant le "vieux" Trotski par "le Che", prétendu symbole de la "jeunesse révolutionnaire". Pour cela, il lui faut dépouiller l'image du Che de tout ce que politiquement il fut pour ne laisser que l'aura du héros (tout en restant un homme, "avec ses défauts", concèdent les auteurs B&L), une aura qui serve de guide aux nouvelles générations en recherche pour les égarer dans les impasses du "socialisme du 21e siècle", de l'altermondialisme et autres produits dérivés de ce qui n'est, en fin de compte, qu'une resucée du capitalisme étatique tout ce qu'il y a de plus stalinien.
Pinto (22 janvier)
1) Besancenot avoue lui même sans vergogne la raison profonde de ce ravalement de façade : aujourd'hui c'est dans la figure du "Che" que "la jeune génération préférerait se reconnaître plutôt qu'en Trotski". Les références au vieux militant bolchevik ne seraient plus à la mode...
2)
Lire notre article "Che Guevara : mythe et réalité"
(Révolution internationale n° 384) et
disponible sur notre site Web : www.internationalism.org [854]
3) A plusieurs reprises, Guevara a proclamé être un "patriote" de cette autre Amérique: "Notre Amérique, la nomme-t-il, celle qui va du Rio Bravo jusqu'à la Terre du Feu"... "Je me sens aussi patriote de l'Amérique latine, de n'importe quel pays de l'Amérique latine, que n'importe qui d'autre et au moment où ce serait nécessaire, je serai disposé à donner ma vie pour la libération de n'importe lequel des pays d'Amérique Latine" (discours à l'Assemblée générale des Nations Unies, 12/1964)
4) Autrement
dit les Etats-Unis.
5) B&L insistent beaucoup sur les critiques du Che à la politique de l'URSS. Pour ces auteurs, cette théorie de la "grande patrie" révèle que le Che avait raison de s'opposer à la politique des partis communistes orthodoxes. En fait, cette différence entre les staliniens orthodoxes et les guevaristes (ou les maoïstes) était liée surtout aux intérêts immédiats de l'URSS à ce moment-là. Après la crise des missiles de Cuba, en 1962, l'URSS réoriente sa politique et sa tactique impérialiste. Pour elle, il s'agit dorénavant de contrer l'autre bloc impérialiste par "la coexistence pacifique". Che Guevara, lui, n'entend rien à ce changement de stratégie et veut continuer l'affrontement par "les luttes de libération nationale" : "L'impérialisme... il faut le battre dans un affrontement mondial, vaste et prolongé. Pour lutter contre l'ennemi commun du genre humain, l'impérialisme américain, les pays socialistes doivent unir leurs efforts, malgré leurs divergences". C'est pourquoi il sera "lâché" par l'URSS et Castro lors de ses aventures désastreuses au Congo d'abord puis en Bolivie, où il mourra.
6) Pour la position marxiste sur les revendications nationales, lire, entre autres, "Courrier d'un lecteur : les revendications nationales et démocratiques, hier et aujourd'hui", Revue internationale no 129 https://fr.internationalism.org/rint129 [1015].
7)
La tactique de la guérilla.
8) Rappelons que Troski fut assassiné par les staliniens que Guevara n'a jamais cessé de prendre comme modèles révolutionnaires !
9) Dictateur de Cuba de 1952 à 1958, renversé par la clique castriste.
Le 8 mars, une fois de plus, toutes les associations féministes, avec la bénédiction de la petite bourgeoisie progressiste de la gauche plurielle (notamment du PS), vont commémorer la journée internationale des femmes. Une fois de plus, cette journée de lutte des femmes ouvrières sera dénaturée et transformée en une gigantesque mascarade démocratique et réformiste. Comme le Premier Mai, le 8 mars a été récupéré par la bourgeoisie et est devenu une institution de l'État capitaliste.
Dans l'Origine de la famille, de la propriété privée et de l'État (1887), Engels dénonçait déjà l'oppression des femmes en affirmant que, avec la fin des sociétés matrilinéaires et l'avènement de la société patriarcale, la femme est devenue "le prolétaire de l'homme". En 1891, Auguste Bebel, dans la Femme et le socialisme a poursuivi le travail d'Engels dans une étude approfondie de la condition féminine dans l'histoire.
Dès la fin du 19e siècle, la question de la femme s'est trouvée étroitement liée aux combats de la classe ouvrière pour l'émancipation de l'humanité toute entière. Les conditions de misère et d'exploitation que subissaient les femmes ouvrières devaient nécessairement les conduire à se porter à l'avant-garde des luttes prolétariennes du début du xxe siècle.
La journée du 8 mars trouve son origine dans les manifestations des ouvrières du textile à New York qui se sont déroulées le 8 mars 1857 et qui furent réprimées par la police (bien qu'aucune archive du mouvement ouvrier américain n'ait permis, semble-t-il, de confirmer la véracité de cet événement).
C'est dans le principal parti de la classe ouvrière, le SPD en Allemagne, que le mouvement international des femmes socialistes vit le jour sous l'impulsion de Clara Zetkin (1) : celle-ci fonde en 1890, avec le soutien de Rosa Luxemburg, la revue Die Gleichheit (l'Égalité) qui s'inscrivait dans une perspective révolutionnaire de renversement du capitalisme et d'instauration de la société communiste mondiale. Partout dans le monde, en Europe occidentale comme aux États-Unis, les femmes ouvrières commençaient à se mobiliser contre leurs conditions d'exploitation. Elles réclamaient la diminution de leur journée de travail, l'équité des salaires avec les hommes, l'abolition du travail des enfants, une amélioration de leurs conditions de vie. A ces revendications économiques s'ajoutèrent également des revendications politiques, notamment le droit de vote pour les femmes (cette revendication politique sera par la suite noyée et confondue avec celle des femmes de la bourgeoisie, les "suffragettes").
Mais c'est surtout à partir de 1907, face aux premiers signes annonciateurs de la Première Guerre mondiale, que les femmes ouvrières et socialistes vont se trouver aux avant-postes de la lutte contre la barbarie capitaliste.
Clara Zetkin convoque le 17 août 1907 la première conférence de l'Internationale socialiste des femmes à Stuttgart. Cinquante-huit déléguées venues de toute l'Europe et des États-Unis y participent et adoptent une résolution sur le droit de vote des femmes. Cette résolution sera adoptée par le congrès de Stuttgart du SPD qui a suivi cette conférence. A cette époque où le salaire des femmes était inférieur de moitié à celui des prolétaires masculins pour la même tâche, il existait de nombreuses organisations de femmes et la grande majorité d'entre elles participaient activement à toutes les luttes ouvrières du début du siècle.
En 1908 et 1909, se déroulent à New York de gigantesques manifestations des ouvrières du textile. Elles réclament "du pain et des roses" (les roses symbolisant l'amélioration de leurs conditions d'existence), la suppression du travail des enfants et des augmentations de salaire.
En 1910, l'Internationale socialiste des femmes lance un appel à la paix. Le 8 mars 1911, la journée internationale des femmes rassemble un million de femmes ouvrières en Europe. Quelques jours plus tard, le 25 mars, plus de 140 ouvrières périssent dans un incendie de l'usine de textile Triangle à New York du fait de l'absence de mesures de sécurité. Ce drame va galvaniser encore la révolte des femmes contre leurs conditions d'exploitation et contre leur exclusion de l'activité politique parlementaire. En 1913, partout dans le monde, les femmes réclament le droit de vote. En Grande-Bretagne, les "suffragettes" de la bourgeoisie radicalisent elles aussi leur mouvement.
Mais c'est surtout dans la Russie tsariste que la lutte des femmes va donner une impulsion au mouvement révolutionnaire de toute la classe ouvrière. Entre 1912 et 1914, les ouvrières russes organisent des rassemblements clandestins et affirment leur opposition à la boucherie impérialiste. Elles seront suivies par les femmes des pays d'Europe dès le début de la guerre.
En 1915, les offensives de l'armée française sur le front provoquent une véritable boucherie : 350 000 soldats sont massacrés dans les tranchées. A l'arrière, les femmes subissent une surexploitation accrue pour faire tourner l'économie nationale. Les réactions contre la guerre commencent à exploser et ce sont les femmes qui sont les premières à se mobiliser. Le 8 mars 1915, Alexandra Kollontai (2) organise à Christiana, près d'Oslo, une manifestation de femmes contre la guerre. Clara Zetkin convoque une nouvelle Conférence internationale des femmes qui servira de prélude à la Conférence de Zimmerwald dans laquelle se regroupent tous les opposants à la guerre. Le 15 avril 1915, 1136 femmes de 12 pays différents se réunissent à La Haye.
En Allemagne, c'est surtout à partir de 1916 que deux des plus grandes figures féminines du mouvement ouvrier occidental, Clara Zetkin et Rosa Luxemburg, vont jouer un rôle décisif dans la fondation du Parti communiste allemand, le KPD. Aux Etats-Unis, Emma Goldman, militante anarchiste (et amie du journaliste John Reed, membre fondateur du parti communiste américain), mène un combat acharné contre la guerre impérialiste : en 1917 elle sera emprisonnée (et considérée comme "la femme la plus dangereuse des Etats-Unis") avant d'être expulsée en Russie.
En Russie, ce sont les femmes ouvrières qui vont ouvrir la marche triomphante du prolétariat vers la révolution. Le 8 mars (le 23 février dans le calendrier grégorien), les ouvrières des usines textile de Petrograd se mettent spontanément en grève et descendent dans la rue. Elles réclament du pain et la paix. Elles exigent le retour du front de leurs fils et de leur mari. "Sans tenir compte de nos instructions, les ouvrières de plusieurs tisseries se sont mises en grève et ont envoyé des délégations aux métallurgistes pour leur demander de les soutenir... Il n'est pas venu à l'idée d'un seul travailleur que ce pouvait être le premier jour de la révolution" (Trotski, Histoire de la Révolution russe). Le mot d'ordre "le pain et la paix" qui a servi d'étincelle à la Révolution russe fut donc bien lancé par les ouvrières de Petrograd qui ont entraîné dans leur mouvement les ouvriers des usines Poutilov et l'ensemble de la classe ouvrière.
Ce n'est pas un hasard si la bourgeoisie allemande finit par accorder le droit de vote aux femmes le 12 novembre 1918, au lendemain même de la signature de l'Armistice. C'est justement dans le pays où est né le Mouvement international des femmes socialistes, dans le pays où militaient les plus grandes figures féminines du mouvement ouvrier du début du xxe siècle, Rosa Luxemburg et Clara Zetkin, que la classe dominante devait tenter de briser l'élan révolutionnaire des femmes en cédant à cette revendication alors que le Parlement était devenu une coquille vide pour la classe ouvrière. Avec l'entrée du capitalisme dans sa période de décadence, l'heure n'était plus à la lutte pour des réformes, pour le droit de vote, mais pour le renversement de l'ordre capitaliste.(suite page 6)
La Première Guerre mondiale avait ouvert une nouvelle période historique : "l'ère des guerres et des révolutions", comme l'affirmait l'Internationale communiste en 1919.
A partir du début des années 1920, le mouvement des femmes suit le même cours que celui de la lutte du prolétariat : il entre dans une dynamique de reflux et sera rapidement absorbé par l'État capitaliste. Il va de plus en plus se distinguer et se séparer du mouvement prolétarien pour devenir un mouvement interclassiste. La question de l'oppression sexuelle des femmes sera combattue indépendamment des conditions d'exploitation des femmes dans les entreprises, en semant l'illusion suivant laquelle les femmes peuvent s'émanciper au sein même d'une société basée sur l'exploitation et la recherche du profit. Le mouvement de "libération" des femmes commencera à se focaliser, dès le début des années 1920, autour de la question de la régulation des naissances et le droit à l'avortement, notamment aux États-Unis.
En Allemagne, le mouvement des femmes sera rapidement dévoyé dès le milieu des années 1920 sur le terrain de la lutte contre le nazisme.
Dans les autres pays d'Europe, notamment en France et en Espagne, les femmes vont continuer à revendiquer le droit de vote tout en se laissant enrôler dans l'idéologie antifasciste qui allait permettre l'embrigadement de millions de prolétaires dans la Seconde Guerre mondiale.
Très vite d'ailleurs, le mouvement des femmes est récupéré par toutes sortes d'officines de l'État bourgeois, telles l'UFCS en France (Union féminine civique et sociale), organisation catholique féministe qui appelait les femmes à lutter non pas contre le système capitaliste dans son ensemble mais contre le colonialisme et le fascisme.
En France, alors que le droit de vote n'est pas encore accordé aux femmes, Léon Blum fera néanmoins entrer pour la première fois des femmes au gouvernement : le 4 juin 1936, trois femmes sont nommées sous-secrétaires d'État (Cécile Brunschwig, Irène Joliot-Curie et Suzanne Lacore). Cet événement, présenté comme "progressiste", a permis aux partis de gauche du capital de rabattre un maximum de femmes ouvrières derrière les drapeaux du Front populaire et de les faire participer aux préparatifs de la Seconde Guerre mondiale en les mobilisant dans la campagne antifasciste.
Pendant l'Occupation, de nombreuses femmes se sont engagées dans la Résistance, notamment derrière les drapeaux du parti stalinien, le P"C"F. Leur "bravoure" et leur "patriotisme" seront finalement récompensés par de Gaulle qui leur accorde le droit de vote le 23 mars 1944 afin de leur permettre... d'élire leurs propres exploiteurs de droite comme de gauche.
Néanmoins, au moment même où les femmes obtenaient le droit de vote en France, la Libération de Paris a connu son heure de gloire grâce au chauvinisme écoeurant du P"C"F : en 1945, les femmes "bien de chez nous" qui avaient commis le crime d'avoir eu des relations sexuelles avec des "boches" devaient être tondues. Accusées d'avoir souillé le drapeau tricolore et "collaboré" avec l'ennemi, elles furent condamnées à défiler sur la place publique et livrées à la vindicte populaire.
A partir du début des années 1970, le mouvement des femmes se démarque toujours plus du mouvement ouvrier : c'est la montée de l'idéologie "féministe" avec le MLF (Mouvement de libération des femmes) qui rejette toute idée d'appartenance des femmes à un parti politique. Au nom de l'anti-"machisme", beaucoup de leurs réunions sont interdites aux hommes. Le mouvement se prétend "autonome" et renforce l'illusion que seules les femmes seraient opprimées non par le système capitaliste mais par les "hommes" en général. On assiste à une dérive sexiste où non seulement les "féministes" revendiquent les mêmes "droits" que les hommes mais considèrent ces derniers comme leurs ennemis, leurs véritables oppresseurs. De nombreuses "féministes" se lancent dans un combat don quichottesque pour la "libération sexuelle" des femmes sans remettre le moins du monde en question les fondements économiques de leur oppression. Le mouvement féministe rompt définitivement avec la tradition de la lutte des femmes au sein du mouvement ouvrier. Il devient une idéologie réactionnaire, celle de la petite bourgeoisie sans devenir historique, qui a fleuri sous les pavés de Mai 1968. Et ce n'est nullement un hasard si les féministes ont choisi la couleur mauve comme emblème, cette même couleur qui était celle des "suffragettes" au début du xxe siècle. En 1975, ce mouvement féministe intégrera également les prostituées qui revendiquent le droit de continuer de faire "librement" commerce de leur corps (et de vivre de la misère sexuelle des hommes) sans avoir à subir la répression policière.
En 1977, l'ONU officialise la Journée internationale des femmes et adopte une résolution invitant chaque pays à consacrer une journée à la célébration des "droits de la femme et de la paix internationale". Pour ce qui est de la "paix", il suffit de voir la multiplication des massacres perpétrés sous l'égide de grandes puissances démocratiques pour se faire une idée de la valeur des bonnes "résolutions" de ce repaire de brigands impérialistes qu'est l'ONU. Quant à la Journée internationale des droits de la femme, elle n'est qu'une nouvelle esbroufe destinée à mystifier les femmes de la classe ouvrière et à les dévoyer de leurs luttes de travailleuses exploitées par la bourgeoisie.
En France, c'est la gauche (et particulièrement le PS) qui, depuis l'arrivée de Mitterrand au gouvernement, est devenue le fer de lance de l'idéologie "féministe". C'est sous le gouvernement Mauroy en 1982, avec son ministère du Droit de la Femme, que la journée du 8 mars est devenue une institution chapeautée par l'État démocratique bourgeois.
Depuis, toutes les fractions de gauche du capital se sont efforcées de mettre sur pied une multitude d'associations de femmes qui ne servent qu'à dissoudre les ouvrières dans la masse des femmes "en général", dans des luttes où les femmes de toutes les couches et classes sociales peuvent faire cause commune en tant que "femmes", sans distinction de leurs intérêts de classe.
Aujourd'hui, les campagnes électorales (avec la candidature de Hillary Clinton aux États-Unis, après celle de Ségolène Royal en France) veulent nous faire avaler une grosse couleuvre : les femmes au gouvernement seraient une alternative possible à la brutalité des attaques contre la classe ouvrière. On veut nous faire croire encore qu'avec une femme à la tête des États, il y aurait moins de barbarie guerrière : les femmes seraient moins "violentes", plus "humaines", plus "pacifistes" que les hommes.
Tout ces discours ne sont que pure mystification. La domination capitaliste n'est pas un problème de sexe mais de classe sociale. Lorsqu'elles sont aux commandes de l'État, les femmes de la bourgeoisie mènent exactement la même politique capitaliste que leurs prédécesseurs masculins. Toutes sont destinées à faire le même travail que la Dame de fer, Margaret Thatcher, qui s'est distinguée pour avoir dirigé la Guerre des Malouines en 1982 et avoir laissé mourir plusieurs prisonniers de l'IRA qui faisaient la grève de la faim afin de réclamer le statut de prisonniers politiques. Toutes font et feront la même politique que les complices de Sarkozy, Michèle Alliot-Marie, Rachida Dati, Valérie Pécresse, Fadela Amara et consorts. La bourgeoisie ne connaît pas la différenciation des sexes dans la gestion de l'économie nationale. Et la patronne des patrons, Laurence Parisot, fait aussi bien son travail au service de la bourgeoisie que ses prédécesseurs du "sexe fort".
En 1917, juste avant la Révolution d'Octobre, Lénine écrivait :
"Du vivant des grands révolutionnaires, les classes d'oppresseurs les récompensent par d'incessantes persécutions; elles accueillent leur doctrine par la fureur la plus sauvage, par la haine la plus farouche, par les campagnes les plus forcenées de mensonges et de calomnies. Après leur mort, on essaie d'en faire des icônes inoffensives, de les canoniser pour ainsi dire, d'entourer leur nom d'une certaine auréole afin de "consoler" les classes opprimées et de les mystifier ; ce faisant, on vide leur doctrine révolutionnaire de son contenu, on l'avilit et on en émousse le tranchant révolutionnaire" (l'État et la Révolution).
Il est arrivé au Premier Mai ce qui est arrivé aux révolutionnaires. Et il est arrivé à la Journée du 8 mars ce qui est arrivé au Premier Mai.
Une des armes les plus pernicieuses de la bourgeoisie réside dans la capacité de la classe dominante à retourner contre la classe ouvrière les symboles qui lui appartenaient dans le passé. Il en fut ainsi des syndicats, des partis ouvriers comme du Premier Mai et de la Journée des femmes.
Depuis la fin de la préhistoire, les femmes ont toujours subi le joug de l'oppression. Mais cette oppression ne peut être abolie au sein du capitalisme. Seul l'avènement de la société communiste mondiale pourra rendre aux femmes leurs lettres de noblesse. Elles ne pourront se libérer elles-mêmes qu'en s'intégrant et en participant activement au mouvement général du prolétariat pour l'émancipation de l'humanité toute entière.
Sylvestre (12 février)
1) Clara Zetkin, née en 1887, a participé activement à la fondation de la Deuxième Internationale. Face à l'opportunisme qui a gangrené son parti phare, le SPD, Clara Zetkin se situera avec son amie Rosa Luxemburg à l'aile gauche de ce parti. Elle a participé au mouvement révolutionnaire contre la Première Guerre mondiale. En 1915, elle participe à la fondation de la Ligue Spartakiste aux côtés de Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht. Elle était déléguée de l'Internationale communiste au Congrès de Tours lors de la fondation du Parti communiste français.
2) Alexandra Kollontaï, née en 1872, est une des plus grandes figures féminines du parti bolchevik en 1917. Après avoir fait partie des mencheviks après le Congrès du POSDR en 1903, elle lutte contre la guerre dès 1914 et rejoint le parti de Lénine en 1915. Elle participe à la Révolution russe et sera la première femme au monde à participer à un gouvernement, après la Révolution d'Octobre. Grâce à son activité et au mouvement révolutionnaire des ouvrières, celles-ci obtiennent en Russie le droit de vote, l'équité des salaires, et en 1920 le droit à l'avortement. A partir de 1918, Alexandra Kollontaï va de plus en plus s'opposer aux dérives du parti bolchevik et participera à la fondation en 1920 d'une fraction interne, l'Opposition ouvrière.
Le CCI organisera prochainement des réunions publiques exceptionnelles en France au sujet de Mai 68.
Au milieu du fatras de paroles et d’écrits déversés sur Mai 68, un des aspects les plus méconnus ou ignorés du mouvement qui le porte, c’est son caractère international.
La propagande bourgeoise met en avant sa « spécificité nationale » : l’arriération de la société française, l’archaïsme de ses valeurs ou de ses institutions, le caractère borné de ses dirigeants…En fait, Mai 68 n’a pas éclaté comme un orage dans un ciel d’azur. Depuis 1964, la contestation étudiante se développe partout dans le monde, surtout contre la guerre au Vietnam : aux Etats-Unis, en Allemagne, en Grande-Bretagne mais aussi jusqu’au Mexique ou au Sénégal. Quant au mouvement de la classe ouvrière qui se manifeste pour la première fois simultanément en France avec celui des étudiants, il culmine dans une grève de masse de plus de 9 millions de prolétaires. Il est le déclencheur d’une vague de luttes internationales (« l’automne chaud en 1969 en Italie », les grèves de 1970 en Pologne,…).
Le fait que les « soixante-huitards » les plus éminents (Cohn-Bendit, Glucksmann, July , …) soient devenus aujourd’hui des porte-parole patentés de l’ordre établi nous est présenté par certains comme une preuve que Mai 68 n’était nullement porteur d’un message révolutionnaire. Les idéologues bourgeois de tous bords s’accordent pourtant pour dire qu’il y a un « avant-Mai 68 » et un « après-Mai 68 ». Mais pour eux, derrière «l’évolution des mœurs » depuis 68, il y a une simple "adaptation" à une société capitaliste plus moderne ou plus progressiste.
En réalité, il y a bien eu un changement de période historique depuis Mai 68 et qui traduisait la fin de la longue période de contre-révolution subie par le prolétariat après l’écrasement de la vague révolutionnaire de 1917-1923. Les événements de Mai 68 ont ouvert une nouvelle perspective de développement international de la lutte de classe.
Notre dernière réunion aura lieu :
Pour plus d'informations, consultez l'encadré "Réunions publiques" ci-contre à gauche.
La classe dominante et ses médias sont désormais contraints de reconnaître que "le pouvoir d'achat est devenu la première des préoccupations dans toutes les enquêtes d'opinion publique." Ça, c'est sûr ! Face à la hausse vertigineuse de tous les produits alimentaires de base, le gouvernement français a dû réviser ses chiffres officiels (de 2 % d'inflation avouée, on est passé à 4,9 % en un an) mais en réalité, c'est entre 20 et 50 % que les prix des principales denrées alimentaires ont augmenté en moins de 4 mois (pain, pâtes et céréales, produits laitiers, fruits, légumes, viande...). Acheter du poisson est devenu un luxe que la plupart des familles ouvrières ne peuvent plus se permettre.
Les soupes populaires (à commencer par les "Restos du Cœur") sont de plus en plus fréquentés par des salariés. Les prix des loyers, du gaz, des transports en commun, de l'essence ne cessent de grimper. Dans les villes, de plus en plus de familles de travailleurs sont réduites à s'entasser dans des taudis plus ou moins insalubres. Outre les fameuses cités de banlieue dont l'état ne cesse de se dégrader, à la périphérie, en lisière des aires d'autoroute ou en pleine forêt, des bidonvilles (que les pouvoirs publics avaient prétendu avoir éradiqués au début des années 1980), des abris de fortune ou de véritables "favelas" comme dans le "tiers-monde" sont en train de refleurir. Le problème du logement est devenu central aux Etats-Unis où chaque mois depuis l'été dernier, 200 000 personnes en moyenne sont jetées à la rue. Et cette déferlante gagne aujourd'hui l'Europe.
En France, les dispensaires et centres médicaux gratuits jusque-là réservés aux SDF ou aux "RMIstes" voient affluer chaque jour davantage de travailleurs qui sont incapables de payer les nouvelles franchises médicales appliquées depuis le début de l'année (en particulier la taxation de 50 centimes sur chaque boîte de médicaments). Et les retraités sont souvent les premiers à plonger dans cette misère accrue.
Plus
de 6 millions de personnes vivent déjà officiellement
en dessous du seuil de pauvreté et 40 % de la population a des
revenus inférieurs au SMIC. La paupérisation des
prolétaires s'est encore accrue avec la généralisation
de la précarité de l'emploi (multiplication des temps
partiels, des CDD, de l'intérim, des "stages de formation
ou de recyclage") qui masque les vrais chiffres du chômage
alors que les annonces de plans de licenciements, de suppressions
d'emploi, de fermetures d'usine dans les grandes entreprises
comme dans les PME ne cessent de tomber tous azimuts. Moins de la
moitié des chômeurs officiellement décomptés
sont indemnisés par l'Unedic. Pour les jeunes générations,
c'est encore pire. Ceux, entre 18 et 25 ans, à la recherche
d'un emploi ont rarement accès à l'assurance
chômage et, sauf exception, ils sont exclus du RMI. Et cette
réalité n'est ni "nationale" ni conjoncturelle.
C'est le produit d'une aggravation de la crise mondiale.
Et en plus, qu'est-ce qu'on nous promet pour l'avenir ? L'attitude de la bourgeoisie française est édifiante. Au soir du second tour des élections municipales, le premier ministre Fillon avait le culot de déclarer que la défaite cuisante de son camp traduisait "l'impatience des Français à voir se mettre en place les réformes annoncées par Sarkozy lors de sa campagne présidentielle (...) La politique de la France, les électeurs l'ont majoritairement choisie à l'occasion des élections présidentielles et législative (...) et nous allons poursuivre cette politique."
Outre l'arrogant auto-aveuglement des dirigeants bourgeois, cela démontre clairement que les élections ne peuvent rien changer1. Au contraire, passées ses échéances électorales, la classe dominante peut donner libre cours au déchaînement de ses attaques.
La généralisation du passage de 40 à 41 ans de cotisations pour pouvoir bénéficier d'une retraite à taux plein déjà promise depuis la loi Fillon2 de 2004 dans la fonction publique est la prochaine étape d'une attaque qui nous réserve de passer bientôt à 65 ans pour l'âge légal du droit à la retraite, voire davantage comme en Allemagne (67 ans) ou en Grande-Bretagne (68 ans).
Le nouveau "contrat de travail" (contresigné le 11 janvier dernier par la majorité des syndicats) accouplé à la réforme du code du travail de fin 2007 assure une "flexibilité" et une précarité accrues dans le privé. Sous couvert de "séparation à l'amiable" entre employeur et salarié, il facilite le licenciement ; il allonge également considérablement la période d'essai, comme il assure la mise en place d'un nouveau CDD appelé "contrat de mission" pour les ingénieurs et les cadres. Il met l'accent sur "des devoirs renforcés" ouvrant la porte à l'acceptation de n'importe quel emploi. De plus, cet accord prépare la négociation de l'assurance chômage qui s'ouvre prochainement, annonçant une forte dégradation supplémentaire des droits des chômeurs indemnisés ainsi qu'une nouvelle augmentation des contrôles et des radiations, par ailleurs déjà accéléré par la récente fusion entre ANPE et l'UNEDIC.
Sous l'impact de l'aggravation de la crise, des plans de licenciements massifs s'apprêtent à toucher des secteurs comme l'automobile, les banques et les assurances. Et face à une concurrence internationale effrénée, les grands groupes ont de plus en plus recours à des licenciements pour embaucher à la place des intérimaires à des salaires nettement inférieurs comme chez Michelin, Bosch, Siemens.
Parallèlement, le gouvernement s'est déjà attelé à "dégraisser le mammouth" de la Fonction publique (selon l'expression de l'ancien ministre socialiste Allègre) : le budget prévoit 23 000 suppressions d'emploi chez les fonctionnaires (dont 11 200 dès le rentrée de septembre dans le seul secteur de l'Education nationale). Mais ce sera pire à partir de 2009 : ce sont 160 000 emplois en 4 ans qui doivent être supprimés dans les 3 fonctions publiques dont la moitié dans l'Education nationale (3).
Dans
ce but, une grande "réforme de l'administration" est
déjà à l'œuvre. Le gouvernement s'apprête
à faire passer d'ici le mois de juin un projet de loi sur
"la mobilité dans la fonction publique" qui vise en fait à
légaliser le recours au licenciement dans toute la fonction
publique : chaque fonctionnaire dont le poste est supprimé
se verra proposer au maximum 3 postes de "reclassement fonctionnel
ou géographique", en cas de 3 refus, il sera "mis en
disponibilité ou en retraite d'office" et donc radié
et licencié sans la moindre indemnité. L'administration
propose en même temps une extension des temps partiels (y
compris un transfert dans le privé) et le recours à des
intérimaires sous-payés pour suppléer aux
vacances d'emplois. Pour favoriser et accélérer cette
"mobilité" et ces suppressions de poste, le gouvernement
est en train de mettre en place la fusion de plusieurs corps d'Etat
(centres des impôts et services de recouvrement notamment) en
structure unique, le concours de recrutement de postes administratifs
devenant inter-ministériel.
La classe ouvrière est la première victime de l'aggravation de la crise économique mondiale. Le capitalisme en crise n'a pas d'autre moyen pour tenter de faire face à la concurrence sur le marché mondial que de baisser le coût de la rémunération de la force de travail : économie d'emplois et baisse des salaires ; mais la paupérisation et la précarité croissante qui touchent la classe ouvrière sont aussi le révélateur de la faillite irrémédiable du système capitaliste. Le capitalisme est de plus en plus incapable d'entretenir la force de travail de tous ceux qu'il exploite : l'incapacité d'intégrer une majorité de prolétaires à la production que révèlent le chômage massif et la précarité de l'emploi s'ajoute à l'incapacité de continuer à les nourrir, à les loger, à les soigner décemment.
Mais il ne faut pas "voir dans la misère que la misère". L'accélération actuelle de la crise économique et la vague de paupérisation qui l'accompagne se produisent alors que depuis quelques années maintenant, la classe ouvrière redresse progressivement sa tête et retrouve une combativité grandissante. Ces nouvelles attaques assénées par la bourgeoisie vont donc constituer un terreau fertile sur lequel vont se développer la lutte du prolétariat et son unité. D'ores et déjà, d'ailleurs, monte une colère dont témoignent en France aussi bien la seconde grève en 2 mois dans la grande distribution face à des salaires de misère que la mobilisation périodique d'enseignants exaspérés par les coups qui leur sont portés. Dans pratiquement tous les secteurs, une myriade de grèves ou de réactions ouvrières en ordre dispersé témoignent de l'ampleur du ras-le-bol. Les syndicats ne font que favoriser cet éparpillement des luttes qui les stérilise. Leur fonction d'encadrement repose entièrement sur leur capacité de diviser et d'isoler les luttes afin d'empêcher les prolétaires de prendre conscience de leur capacité collective à s'opposer à ces attaques.
A l'inverse, la lutte des ouvriers porte en elle une dynamique d'unité et de solidarité qui est non seulement le seul moyen de résister à des attaques qui touchent tous les ouvriers, dans tous les secteurs, mais qui débouche sur une perspective de remise en cause de l'impasse où les plonge le capitalisme. L'avenir appartient à la lutte de classe !
W (28 mars)
1)
Ce récent cirque électoral a donné lieu à
un écœurant et indécent étalage de magouilles
et de tripatouillages en tous genres pour pouvoir aller à la
soupe : multiplication de listes dissidentes dans les grands
partis, un maire PC faisant des offres de services aux centristes du
Modem pour conserver son poste, ce même Modem faisant la
girouette s'alliant tantôt avec des listes de gauche ou des
listes de droite tandis que les trotskistes de LO et ceux de la LCR
se concurrençaient pour composer des listes communes avec le
PS ; par ailleurs, la désillusion vis-à-vis des
élections s'est traduite par une forte poussée de
l'abstention dans l'électorat ouvrier et dans les
quartiers dits "populaires" des grandes villes (souvent plus
d'un électeur sur deux ne s'est pas déplacé
pour aller voter).
2)
Le même Fillon nous a abreuvé tout récemment de
son fiel de politicard éprouvé en déclarant
pour justifier l'allongement des retraites qu'il fallait
"favoriser" l'emploi des "séniors", insistant sur
le fait que la France était un des pays les plus en retard en
la matière : "Ouvriers, au boulot, jusqu'à en
crever !" Tel est le mot d'ordre de la bourgeoisie.
3) Ce qui signifie la suppression de nombreuses classes, en particulier dans le secondaire, une surcharge des effectifs par classe (plus de 35 élèves en moyenne). La suppression de la carte scolaire débouche sur une mise en concurrence des établissements qui va créer sur le même mode que les universités une "sélection" dès le plus jeune âge, quelques écoles réservées à l'élite et les autres.. En même temps, est prévu une suppression des crédits supplémentaires réservés aux établissements classés en "zone d'éducation prioritaire".
La genèse de cette "armée" se situe à l'époque de la Guerre Froide, une période où les guérillas sud-américaines sont totalement assujetties aux intérêts du bloc russe et dont la lutte "révolutionnaire" est en fait dirigée essentiellement contre la puissance rivale de l'URSS, les Etats-Unis. Ces guérillas, et toutes les luttes de "libération nationale", sont donc en fait une composante à part entière du conflit militaire entre ces deux blocs. En Colombie, cette période est marquée par la débandade de l'Etat face à des affrontements entre bandes (la "violencia"), par la prise de pouvoir par l'armée et par la résistance de guérillas dispersées et rassemblées en 1964 par le Parti communiste de Colombie (stalinien) sous le nom de FARC. Bref, un schéma classique d'affrontements entre cliques bourgeoises et petites bourgeoises, qui se retrouve un peu partout en Amérique du Sud à cette époque. C'est donc de ce passé purement stalinien que les FARC tirent leur étiquette de "révolutionnaires marxistes".
Depuis, les FARC sont une organisation paramilitaire très hiérarchisée, qui a vécu du vol de bétail et de prises d'otages jusqu'à découvrir le filon qui allait lui assurer richesse et pérennité : le trafic de drogue. Depuis 1982, les FARC ont même fait du narco-trafic une industrie stratégique dans leur contrôle du territoire. Estimés à 300 millions de dollars par an, les bénéfices de cette activité reposent sur une logique implacablement capitaliste : concentration des terres, expropriation des petits paysans, fondation d'alliances avec des trafiquants internationaux, etc. La prise d'otages reste une activité lucrative secondaire, au sein de laquelle les otages politiques sont minoritaires. 750 personnes seraient encore détenues, pour la plupart de riches propriétaires, des touristes, mais aussi des paysans expropriés, etc. Sans paiement de rançon, ils sont évidemment exécutés. D'ailleurs, aujourd'hui, les FARC ne s'embarrassent même plus de justifier leur action par une quelconque idéologie marxisante (entendre "stalinienne"). Les chefs des FARC, seigneurs de guerre mafieux, se posent ouvertement comme de véritables entrepreneurs à la tête de milliers d'hommes et de millions de dollars. Une bande bourgeoise en lutte pour une part de pouvoir politique et économique qui, pour parvenir à ses fins, tue (2), enlève, torture, exécute et drogue aveuglément et avec un parfait sang-froid.
En qualifiant cette bande d'assassins de "marxistes révolutionnaires", la bourgeoisie propage donc un mensonge aussi grossier que nauséabond. Mais une fois encore, la palme de la tromperie revient à Lutte ouvrière. Cette organisation trotskiste s'est dressée contre les mensonges de la presse bourgeoise pour... défendre la lutte des FARC, dont les membres sont qualifiés de "camarades sud-américains révolutionnaires". Qu'on en juge par cette déclaration d'amour enflammée :"Étiquetées' terroristes', les FARC se retrouvent logées à la même enseigne que l'étaient dans le passé les nationalistes de l'IRA irlandaise ou du FLN algérien, pour ne pas remonter aux résistants français de la Seconde Guerre mondiale... C'est aussi une façon de leur dénier le droit de s'opposer, les armes à la main, aux grands propriétaires terriens, aux narcotrafiquants, aux milices d'extrême droite, ce qu'elles font depuis plus de quarante ans. Car le combat des FARC, quelles que soient ses limites sociales et ses dérives s'inscrit dans la tradition des luttes qui ont opposé à plusieurs reprises, au cours du 20e siècle, les grands propriétaires terriens aux paysans pauvres, les possédants aux plus déshérités" (LO du 18 janvier 2008). On aurait pu risquer de s'étouffer à une telle lecture si l'on ne se savait pas déjà dans quel camp se place résolument LO, celui de ses "camarades" bourgeois de tous bords et du monde entier. FARC, FLN et autres IRA... toutes des organisations terroristes que LO défend sans sourciller, au prétexte qu'elles défendraient des causes minoritaires opprimées et/ou parce qu'ils habillent leurs crapuleries d'un verbiage marxiste ou révolutionnaire. Décidément, LO ne perd jamais une occasion pour apporter son obole à la propagande de la bourgeoisie.
Face à tous ces mensonges, il faut affirmer que la guérilla n'a rien à voir avec la lutte de la classe ouvrière. La longue expérience de l'horreur stalinienne nous a appris que derrière les discours "marxistes" se cachent bien souvent les pires ennemis du prolétariat. Les FARC font partie de ces groupes dont la moindre action glace le sang de quiconque s'inscrit dans une perspective authentiquement communiste.
GD (25 mars)
1)
Forces armées révolutionnaires de Colombie (en
espagnol Fuerzas armadas revolucionarias de Colombia).
2) Les FARC commettent régulièrement des attentats à la bonbonne de gaz, dont l'imprécision conduit au massacre de dizaines de civils innocents.
Après de nombreux refus, suite à un harcèlement des autorités de l'Etat, Lazare Ponticelli, le dernier "poilu", a fini par accepter (1) au dernier moment des "obsèques nationales" . Mais "sans tapage important ni grand défilé, au nom de tous ceux qui sont morts, hommes et femmes". Si Lazare Ponticelli avait fini par autoriser ces funérailles, qui ont eu lieu lundi 17 mars, c'était clairement au nom du rejet de "cette guerre injuste et horrible".
En revanche, pour tous les dignitaires et politiciens de l'Etat bourgeois, ce cérémonial avait une toute autre fonction : celle de la récupération politique dans l'union sacrée. Nostalgiques d'un temps où la population avait été embrigadée derrière le drapeau tricolore, il s'agissait de revenir à la charge pour nous dire "qu'il faut aimer sa patrie" (Sarkozy). Le message est clair pour les nouvelles générations : il faut savoir se mettre à genoux devant le drapeau national et accepter de se sacrifier pour la nation ! Selon les dires officiels de la bourgeoisie, tous les poilus seraient morts, certes atrocement, mais "utilement", en "héros", pour défendre les "valeurs de la nation", celle de la "paix". Mensonges odieux ! Ce sont bien les ancêtres politiques de toutes ces cliques gouvernementales et politiciennes, de droite comme de gauche, qui au nom de "la patrie" et du drapeau tricolore ont envoyé des millions de prolétaires (la plupart entre 18 et 25 ans !) se faire trouer la peau. Une boucherie organisée par les soins de cette classe sociale dominante avide de rapines, de croisades militaires destinées à défendre de sordides intérêts impérialistes ! Les faiseurs de cérémonies sont les mêmes que ceux qui mobilisent et recrutent pour les tranchées !
Le comble du cynisme, c'est bien de nous faire croire que les poilus rescapés, que l'on a tardivement cherché à consoler par des colifichets ridicules distribués par des huiles, cautionnaient cette guerre par "patriotisme" et étaient prêts à se faire étriper pour le capital national. Les témoignages des derniers "poilus", qui montrent l'horreur atroce des combats, soulignent tous l'absurdité de descendre dans les tranchées et de tirer sur "l'ennemi". En 1914-1918, les soldats avaient d'ailleurs rapidement pris conscience de l'absurdité de cette boucherie et du "bourrage de crâne": "Vous tirez sur des pères de familles, c'est complètement idiot la guerre." C'est cette prise de conscience qui explique des gestes d'humanité envers "l'ennemi", comme celui de Lazare Ponticelli en Argonne : "Je tombe sur un Allemand qui avait le bras en bandoulière. Il m'a fait signe avec ses deux doigts comme ça. Quand il m'a fait signe, j'ai compris qu'il avait deux enfants. Alors je me suis dit s'il a deux enfants, vaut mieux qu'il rentre en Allemagne. Et je l'ai ramené vers la tranchée allemande (...)". Est-ce ce geste de solidarité, qui fait fi de la nationalité et des frontières, que les bourgeois honorent ? Sûrement pas ! Autant dire qu'une telle conduite était passible du peloton d'exécution !
Et que dire alors des fraternisations dont la bourgeoisie fait bien peu de publicité ? Pour Lazare Ponticelli, les Autrichiens et les Allemands "étaient des gens comme nous", qui partageaient les mêmes souffrances et davantage même : "Ils nous donnaient du tabac et nous des boules de pain. Personne ne tirait plus."
Après avoir été mobilisé dans l'armée française et intégré ensuite de force dans l'armée italienne par les gendarmes, Lazare Ponticelli a en effet participé activement aux mouvements de fraternisation dans le Tyrol. Laissons-lui la parole : "On avait fait amitié avec la tranchée autrichienne sur le front de l'est (...) On s'est dit : "Si on essayait d'envoyer des pierres avec des bouts de papiers pour leur faire comprendre qu'on se tire dessus et qu'on n'est pas coupables". (...) Quand je suis monté debout (hors de la tranchée, NDLR) et comme je n'avais pas de fusil, je l'avais laissé dans la tranchée, ils ont vu que je ne voulais pas tirer. Alors là ils ont accepté de s'arrêter de tirer. Avec les gens qui connaissaient bien l'autrichien (les Italiens qui faisaient partie de sa compagnie, NDLR), on a parlementé et on s'est mis d'accord. On a fait une patrouille mélangée d'Italiens de chez nous et d'Autrichiens et on passait au long des lignes en faisant de la propagande. Alors tout le monde arrêtait, personne ne tirait plus. Et quand ils se sont aperçus que cela s'étendait, les officiers autrichiens et les officiers italiens se sont réunis et la compagnie a été déclarée au conseil de guerre. On devait être fusillés. Mais quand le bataillon a su qu'on allait passer au conseil de guerre, il a protesté en disant qu'on avait raison, qu'on n'avait pas besoin de se battre pour rien. (...) Ils ne nous ont pas passé au conseil de guerre mais ils nous ont envoyés dans un autre endroit où il y avait une compagnie d'élite autrichienne. Et là, ils (les soldats italiens de sa compagnie, NDLR) sont tous morts" (2).
Ce témoignage vivant se rattache à des centaines d'épisodes semblables qui se sont déroulés sur tous les fronts et dans toutes les armées à l'époque. Il s'agissait là du prélude à une vague révolutionnaire et à la révolution prolétarienne en Allemagne qui a débuté par la mutinerie des marins de Kiel, en novembre 1918, obligeant la bourgeoisie des deux camps à s'unir pour faire front contre les ouvriers encore en uniforme. C'est cet événement, fortement réprimé dans le sang, qui a mis fin à la première boucherie mondiale et non les "valeurs" des politiciens !
L'hommage rendu par la bourgeoisie au dernier des "poilus" montre tout le cynisme dont cette classe de crapules est capable. Ce genre de cérémonie revient à cracher sur les tombes de tous ces prolétaires français, allemands, italiens, anglais... morts pour la cause du capital. Aujourd'hui, alors que le capitalisme en crise exprime sa faillite, la bourgeoisie cherche désespérément à brouiller les consciences avec son patriotisme et son esprit de concurrence. Face à cela, le prolétariat doit rejeter la logique et l'idéologie nationaliste de la bourgeoisie. Il doit développer ses luttes, sa solidarité de classe et en même temps dénoncer le "bourrage de crâne" déjà combattu par ses aïeux.
WH (19 mars)
1)
On imagine les très fortes pressions qui ont pu être
exercées. Il faut se souvenir par exemple qu'un précédent
"poilu" avait refusé la Légion d'honneur en
disant à son fils : "Tu peux te la mettre où je
pense". Il avait fini, lassé, par "l'accepter"
(révolté par l'attitude de l'Etat qui avait refusé
de lui reverser la pension de retraite de sa femme). Lazare
Ponticelli a malgré tout maintenu fermement son refus d'être
enterré au Panthéon.
2) Retranscription d'un témoignage oral datant de 2005 rapporté à la journaliste Johanna Sabroux pour Libération.
Qu'elle porte les couleurs de la droite "dure", avec Sarkozy, ou de la gauche socialiste, avec Zapatero, la bourgeoisie mène partout les mêmes attaques contre la classe ouvrière.
Face à l'annonce d'une énième "loi de l'éducation" en Catalogne, tout le secteur de l'enseignement s'est mobilisé. Les instituteurs des écoles maternelles et primaires, les professeurs des collèges, des lycées et des universités, le personnel administratif et des services..., tous sont entrés en grève pour exprimer leur indignation et leur refus de voir une nouvelle fois leurs conditions de travail se dégrader. Cette loi signifie en effet une "restructuration" profonde du secteur, synonyme de réduction drastique des budgets de l'éducation :
- coupes claires dans les sommes que l'État octroie directement aux établissements en les faisant dépendre des "rendements" obtenus (entendre le taux de réussite des élèves aux examens) ;
- création de centres de première, deuxième et troisième catégorie qui fonctionneront selon une gestion particulière, selon le statut de l'établissement, le tout défini par un "projet éducatif" présenté par "l'équipe dirigeante de l'établissement". En clair, tout ce verbiage signifie sur le terrain l'accentuation des différences entre les quelques écoles d'élite et l'immense masse des écoles poubelles ;
- incitation, donc, à la concurrence entre les établissements et accentuation des différences salariales entre les professeurs selon leurs "résultats" ;
- multiplication d'emplois précaires ou en sous-traitance dans ce secteur.
Pour couronner le tout, cette attaque est accompagnée d'un discours nauséabond cherchant à culpabiliser les enseignants en leur faisant porter la responsabilité du taux élevé d'échec scolaire. Il est vrai que ces travailleurs sont habitués à ce genre de propagande crapuleuse, eux à qui on ne cesse de répéter qu'enseigner est une "vocation", qu'ils leur faut donc faire preuve de "bonne volonté" dans l'intérêt et pour la réussite scolaire de "leurs élèves". Résultat : toujours plus d'heures de travail dans des conditions toujours moins supportables.
Ainsi, si de multiples grèves ont éclaté en janvier et février, ce n'est pas simplement en réaction à cette nouvelle attaque inique. Ce fut en réalité la goutte d'eau qui fit déborder le vase. Par exemple, en 2006, la fameuse "sixième heure" a été mise en place (c'est-à-dire une heure supplémentaire de cours par jour pour les élèves), ce qui a chamboulé tout l'horaire de travail des instituteurs en le rendant complètement dément et surréaliste. Les élèves restent maintenant une heure de plus à l'école, sans activité précise et les enseignants doivent adapter leur travail, leurs horaires et leur vie quotidienne et familiale à cette nouvelle exigence.
À cela s'ajoute l'augmentation constante du nombre d'élèves avec des besoins éducatifs spécifiques et le manque de moyens techniques et humains pour s'en occuper vraiment. Sans parler de la dévalorisation des salaires des enseignants d'au moins 20 % ces dix dernières années ! Mais le plus pesant est peut être cette dégradation du climat social avec la multiplication des agressions tous azimuts entre élèves et contre des professeurs (parfois filmées avec des portables et mises sur Internet), des élèves perdus, souvent issus de familles déstructurées et frappées de plein fouet par le chômage et la précarité.
Bref, ces luttes ont éclaté contre une pluie d'attaques tombée sur un sol déjà bien détrempé. Face à ce mécontentement grandissant, les syndicats étaient donc contraints d'appeler à la grève, afin de garder le contrôle de la situation et de "lâcher la vapeur" pour faire retomber la pression (1). Et pourtant, ils ont tout de même été surpris par la riposte claire et déterminée des travailleurs : la plupart des écoles sont restées sans instituteurs et pratiquement sans élèves malgré l'obligation du service minimum. Il y a eu de nombreuses manifestations dans les grandes villes ; rien qu'à Barcelone, il y a eu autour de 50 000 manifestants. Lors de la grande manifestation du 14 février, certaines pancartes brandies exprimaient une grande lucidité. On pouvait par exemple y lire : "Il est impensable qu'il puisse exister une école comme il faut pour les élèves et pour les enseignants sous la logique capitaliste" et une autre proclamait : "Nous sommes dans la manif, mais nous ne marchons pas derrière les syndicats".
C'est des syndicats qu'est partie officiellement la convocation de ces mobilisations et ils ont constamment gardé le contrôle de la situation. Cependant, la colère et la combativité des travailleurs s'expriment en profondeur. Mais ceux-ci doivent transformer collectivement cette dynamique en prenant l'initiative et le contrôle de leur propre lutte, en l'arrachant aux syndicats, parce que tant que ceux-ci auront ces luttes entre leurs mains, ils ne feront que les saboter, les freiner et les isoler. Le ras-le-bol, la solidarité, l'initiative, doivent se concrétiser en développant la lutte autonome des travailleurs, à travers des assemblées générales, des manifestations massives où peut s'exprimer le caractère unitaire de leur combat de classe, où se forge la conscience commune et le contrôle collectif de la lutte.
Il ne s'agit pas là d'un vœux pieux mais d'une possibilité réelle. Les sentiments de colère et de combativité ne sont pas particuliers au secteur de l'enseignement, ils sont aussi palpables dans de nombreuses autres branches comme la santé, les transports publics, la justice, etc. Dans toute l'Espagne, il y a d'ailleurs eu ces derniers mois des manifestations du personnel de la santé (médecins et infirmières), des chauffeurs d'autobus, des ouvriers de chez Nissan...
Solidarité avec tous les travailleurs en lutte !
D'après
Acción
proletaria,
organe
de presse du CCI en Espagne, 27 février 2008.
1) Le comble, c'est qu'une nouvelle fois, ces attaques avaient été négociées avec l'administration catalane par ces mêmes syndicats qui, maintenant, appellent à la lutte. Ils avaient mené ces négociations, ce qui est habituel, sans la moindre possibilité de débat entre les travailleurs. Un exemple : le PNE (Pacte national d'éducation).
Et en ce moment même en Allemagne, nous sommes les témoins du début d'une nouvelle étape de cette dynamique. Dans ce principal pays industriel de l'Europe, de nombreuses grèves se développent dans les secteurs les plus importants de l'économie allemande. Licenciements massifs, baisses brutales des salaires et aggravations drastiques des conditions de travail sont le ferment du développement de ces luttes dans un pays où la classe ouvrière était réputée, il y a quelques années encore, pour avoir un des niveaux de vie les plus élevés d'Europe.
L'année 2008 avait commencé avec l'obligation de la compagnie de chemin de fer Deutsche Bahn (DB) de garantir dès fin janvier une augmentation de salaire de 11 % et une heure de réduction de la semaine de travail pour les conducteurs de train. Cela avait été le résultat de 10 mois d'un conflit que ni la mise hors-la-loi des grèves au niveau national ni la division au sein des travailleurs de DB par les syndicats n'avaient pu éroder.
Cette grève avait été suivie par une forte mobilisation dans la région de la Ruhr au sujet de l'arrêt de la production de téléphones mobiles chez Nokia. Une journée d'action en solidarité avec les employés de Nokia à Bochum a vu par exemple la mobilisation dans les rues d'ouvriers de différents secteurs et l'envoi de délégations de différentes parties de l'Allemagne. En particulier, les ouvriers des usines automobiles Opel de Bochum se sont mis en grève en soutien aux "Nokianers" ce jour-là. Le rôle de l'usine automobile Opel à Bochum est loin d'être négligeable car il est vrai que les employés de Nokia se sont sentis démoralisés et intimidés par la brutalité provocatrice avec laquelle la fermeture de l'usine avait été annoncée. Et ce fut dans une large mesure l'intervention massive des ouvriers d'Opel à Nokia, appelant à la lutte et leur promettant de se joindre à eux dans une grève éventuelle, qui a rendu possible la mobilisation qu'on a pu voir.
Mais c'est l'ouverture des négociations salariales annuelles qui a déclenché dès mi-février de nombreuses expressions de combativité ouvrière brisant le mythe du "modèle de consensus social allemand" cher à la bourgeoisie. Les grèves tournantes des ouvriers de la métallurgie ont été suivies d'arrêts de travail de dizaines de milliers d'ouvriers du secteur public partout dans le pays. Depuis janvier, la tension ne cesse de monter. Aussi, le 5 mars, le syndicat Verdi appelait les employés des hôpitaux, y compris les médecins, les ouvriers des lignes des trains et de transports régionaux (non gérés par DB), ceux des crèches, des caisses d'épargne et de nombreuses administrations publiques, des aéroports, pilotes inclus, à se mettre en grève et à manifester, exigeant une augmentation de salaire de 12 %. Or le gouvernement ne propose d'accorder qu'une augmentation de 4 %, alors que les salaires réels ont officiellement baissé de 3,5 %, assortie d'une augmentation de la durée de travail hebdomadaire de deux heures !
Verdi était initialement prêt à faire passer la pilule de cet accord aux salariés, mais la force de l'hostilité envers l'accord et les risques très réels de débordements des syndicats ont été tels qu'il a été contraint de faire marche arrière et de s'efforcer de prendre la tête du mécontentement en appelant à faire grève, mais région par région.
Mais c'est surtout la grève totale illimitée des ouvriers des transports locaux de Berlin qui, depuis la fin de la première semaine de mars, a démontré que, cette année, les "rounds" de négociations salariales mettent directement en cause l'offensive capitaliste contre la classe ouvrière. Cette grève de 10 000 ouvriers - déjà la plus massive et la plus longue de ce secteur de l'histoire allemande de l'après-guerre - a manifesté une combativité et une détermination qui ont tout de suite pris la bourgeoisie par surprise. Ce conflit a surgi à un moment où les chemins de fer allemands faisaient une dernière tentative pour rejeter les concessions qu'ils avaient été contraints de faire envers les conducteurs de DB qui menaçaient alors de se mettre à nouveau en grève, et à un moment où les négociations dans le secteur public étaient sur le point de capoter. Cette grève des transports municipaux, excepté les trains de banlieue (S-Bahn, qui appartient à la DB), a été soigneusement isolée du reste des grèves qui se développaient sur l'ensemble du pays et des autres secteurs à Berlin même. Dans le contexte de luttes simultanées qui se déroulaient dans l'ensemble de l'Allemagne sur les mêmes revendications salariales, et après les fortes expressions de solidarité existant dans la classe ouvrière comme on l'a vu autour de la fermeture de Nokia, patrons et syndicats ont dû tirer le signal d'alarme. Pour faire diversion, Verdi planifiait une journée d'action un samedi vers la fin février pour tenter de faire passer l'accord passé entre lui et BVG, patron des employés des transports locaux, accord prévoyant que les salaires seraient gelés jusqu'en 2007, avec des augmentations uniquement pour ceux qui avaient été embauchés depuis 2005. Mais la colère des ouvriers était telle qu'ils se mirent en grève 24 heures avant la date prévue, sans attendre aucune "permission" des syndicats. L'indignation fut si forte, non seulement sur les salaires, mais aussi sur la tentative évidente de diviser les ouvriers entre "jeunes" et "vieux", que Verdi a abandonné sa requête d'un "accord négocié et cordial" et a retourné sa veste en un clin d'œil en appelant dans de grands discours radicaux à faire grève... mais tout en s'efforçant, en réalité, d'enfermer les ouvriers dans "leur" lutte et de les isoler de leurs frères de classe. Ainsi, alors que le mouvement de grève dans les aéroports touchaient massivement Stuttgart, Cologne, Bonn, Hambourg ou Hanovre, Verdi, sous prétexte de ne pas "saboter" le salon allemand du tourisme, faisait en sorte que l'aéroport de Berlin ne connaisse ni grève ni débrayages. De la même façon, devant le développement d'un tel contexte, DB faisait rapidement marche arrière quelques heures avant la reprise d'une grève générale des conducteurs de trains qui traversent Berlin, grève qui menaçait du fait des tentatives de la direction de remettre en cause les accords sur les 11% et la diminution du travail promise fin janvier. Cette grève a montré un début de remise en question des syndicats et a conduit à une confrontation ouverte avec la coalition qui dirige Berlin entre l'aile gauche de la social-démocratie et le "Linkspartei". Ce dernier, qui est sorti du parti stalinien SED, anciennement à la tête de l'Allemagne de l'Est et gagnant à présent du terrain dans l'ex-Allemagne de l'Ouest avec l'aide de l'ancien leader du SPD, Oskar Lafontaine, a dénoncé la grève comme une expression de la "mentalité privilégiée" des Berlinois de l'Ouest "dorlotés" !
Signe de cette évolution, de nombreux blogs sur Internet sont apparus, dans lesquels les ouvriers du rail ou encore des pilotes et des personnels hospitaliers exprimaient leur admiration et leur solidarité avec la grève de BVG. Cela est très important car dans ces secteurs, où le poids du corporatisme est particulièrement fort et puissamment alimenté par les syndicats, ils expriment par-là clairement une profonde tendance vers l'unité et la solidarité dans la période qui vient.
Wilma (21 mars)
La question de l'eau est un des aspects qui met en évidence le danger auquel le capitalisme expose l'humanité, à tel point que l'ONU elle-même reconnaît que plus d'un million d'êtres humains ne peuvent jouir d'approvisionnement en eau potable. Rien qu'au Mexique, les chiffres officiels indiquent que 11 millions de personnes n'ont pas accès à cet élément naturel indispensable à la vie sur terre. Ce problème ne concerne pas seulement des zones rurales éloignées des services de distribution ; il y a dans le district urbain de Mexico des zones (comme Iztapalapa) qui vivent pratiquement sans service d'eau potable, et c'est la même chose à Tijuana (près de la frontière américaine) ou à Juarez. Il est devenu évident que la question de l'eau est devenue un problème crucial, ce qui donne une opportunité au gouvernement, aux groupes gauchistes, aux écologistes, aux ONG et à toute une faune de prétendus "intellectuels", pour monter au créneau et exposer de fausses explications ou proposer de fausses solutions. Mais autant celles-ci que celles-là s'efforcent toujours de cacher qu'il faut chercher la véritable origine du problème dans le système capitaliste lui-même. Non seulement ce dernier ne peut vivre que par l'exploitation du travail salarié, mais son existence le pousse aussi à détruire de plus en plus notre environnement naturel, au point que, non seulement il pollue l'eau, la terre et l'air mais qu'en outre, il ruine, dépouille et concentre le système hydrologique en l'intégrant dans sa logique concurrentielle consistant à faire du "chiffre" et des profits.
A travers ses appareils de gauche comme de droite, la bourgeoisie tente de faire croire que le problème de l'eau est lié à un accroissement de la population et à la consommation démesurée qu'en ferait l'humanité ; en d'autres termes, ce que nous vivons à ce niveau plongerait pour une grande partie ses racines tant dans des aspects "naturels" que dans un manque de "culture d'économie de l'eau". Les solutions qui en découlent seraient donc d'une part que les "citoyens responsables" fassent individuellement attention en utilisant rationnellement l'eau et, d'autre part, qu'au niveau de la production soient appliquées des technologies avancées pour son extraction, son traitement et sa distribution, jusqu'à ce que l'on parvienne à la réalisation d'une prétendue "démocratisation" de la distribution et du contrôle de l'eau potable. Toutes ces propositions ont comme toile de fond la volonté de faire croire que le capitalisme est capable de modifier sa nature prédatrice et irrationnelle. Aux dires de nos dirigeants, il suffirait d'appliquer correctement la technologie en développant une "culture de protection des ressources" -, et surtout d'imposer, comme solution, des coûts élevés pour l'usage et l'accès à l'eau. Ces idées "géniales" sont inévitablement bien sûr complétées par le chœur de ceux qui prétendent trouver une solution à "la crise de l'eau" en invoquant la démocratie. C'est ainsi que la bourgeoisie parvient à faire croire que le capitalisme pourrait être "humain et rationnel" et pourrait trouver une solution à la destruction de l'environnement tout en permettant que les besoins en eau potable soient satisfaits.
Il est évident que la bourgeoisie, comme le reste de l'humanité, est préoccupée par les problèmes liés à l'eau potable, mais sa préoccupation fondamentale réside surtout dans la question : comment se l'approprier et comment faire du commerce avec l'eau potable ? Ses invocations d'accords internationaux impulsés par l'ONU, les "droits constitutionnels" ou les déclarations des gouvernements pour créer des accords de protection ne sont que l'emballage cachant leurs véritables intentions : s'approprier l'eau à tout prix. La déclaration honteuse du conseiller du Pentagone, Andrew Marshall, affirmant que les Etats-Unis devaient se préparer à aller chercher l'eau "là où elle se trouve et quand ce sera nécessaire" (1) met en évidence que pour le capital, l'eau est maintenant devenue un nécessité "stratégique" (comme le pétrole). C'est bien pour cela que tous les Etats nationaux (en tant que représentation et expression sociale du capital national) partagent ce projet de la bourgeoisie américaine, même si les forces dont ils disposent sur l'échiquier impérialiste ne leur permettent ni d'être aussi éhontés dans leurs déclarations, ni de mener concrètement à terme cet objectif impérialiste. La crise de l'eau n'est pas seulement le fait de quelques Etats ou de quelques entreprises (Nestlé, Lala, Coca-Cola...), c'est le système capitaliste dans son ensemble qui engendre cette dégradation, qui met en danger l'humanité et rend donc de plus en plus évidente la nécessité de sa destruction.
Pour bien mettre en évidence son inquiétude et son engagement en ce qui concerne la question de la crise de l'eau, la classe dominante organise des forums (Forum mondial de l'eau et autres forums "alternatifs"...) visant à répandre, par de belles résolutions et proclamations (tant officielles qu'"alternatives"), une véritable campagne de confusion dans la population et dans la classe ouvrière; cette campagne cherche à dédouaner le système capitaliste de sa responsabilité en masquant que c'est lui qui est le véritable responsable de la crise de l'eau. Gauchistes et altermondialistes en ont fait un axe de leur activité, clamant haut et fort que "L'eau n'est pas une marchandise". Ce slogan, devenu un cliché privilégié, leur permet de renforcer leur image d'opposition à la dynamique du capital pour s'approprier toute l'eau et en faire le commerce, mais ne peut que semer davantage de confusion et de pièges.
Les arguments les plus utilisés pour "démontrer" que "l'eau n'est pas une marchandise" se basent sur le fait que l'eau fait partie de l'environnement, qu'elle est source et essence de vie, ressource naturelle non renouvelable. Nous pourrions jusque-là être d'accord. Mais cet argument est aussitôt utilisé pour conclure que l'eau est un "droit fondamental de l'homme" et qu'il faut se mobiliser pour qu'il soit reconnu comme tel. Ainsi, nous devrions croire que ces "droits de l'homme", pour lesquels il faudrait lutter, donneraient des "garanties légales" dont chaque être humain pourrait bénéficier. Ce précepte est précisément celui qui est déjà défini depuis 1948 par l'ONU (qui succéda à la fameuse Société des Nations que Lénine appelait justement "un repaire de brigands") et soutenu par les Constitutions de la plupart des divers Etats-nations (à côté, soit dit en passant, du "droit à la propriété"). En fin de compte, ils ne font que semer l'illusion que les institutions du capital pourraient résoudre les problèmes créés par ce même capital, pour que "la gestion et le contrôle de l'eau soient maintenus dans le domaine public" (Forum alternatif au Ive Forum mondial de l'eau, Mexico, 2006). Ils n'hésitent pas à avancer que "ce serait une obligation pour les institutions publiques (...) de garantir ces conditions". Sous couvert de radicalisme verbal, ils ne font en fin de compte que soutenir les actions étatiques, demandant seulement que ce soit précisément l'Etat, l'Etat capitaliste, qui assure le contrôle de l'eau.
Dans le même sens, en voulant montrer une attitude radicale d'opposition au processus de privatisation de l'eau, la Coalition des organisations pour le droit à l'eau affirme : "L'accès à l'eau potable ne s'obtiendra pas par la privatisation, mais par le respect de la responsabilité sociale de l'État". Nous pouvons constater dans ces deux exemples que l'Etat est présenté comme étant un organisme "neutre" dans la société, ce qui est absolument faux ! L'Etat et ses "institutions publiques" répondent aux besoins du capital, c'est pourquoi tous les discours soi-disant "alternatifs" finissent par insister sur la possibilité pour le capitalisme de devenir plus "humain", moins prédateur, s'il utilisait une "meilleure politique".
Les proclamations basées sur un langage marxiste lancées par des "intellectuels" ne sont pas moins dangereuses. Pour s'en convaincre, il suffit de lire Economie et politique de l'eau, de J. Veraza. Ce livre commence par exposer une approche marxiste du processus par lequel l'eau, même quand elle n'a pas de valeur (puisqu'elle n'est pas le produit du travail humain), est amenée, par une imposition du prix, à devenir une marchandise, pour finir par l'éternelle ritournelle altermondialiste. On trouve dans son explication l'ébauche d'une explication correcte quand il observe que "l'eau est un patrimoine de l'humanité", mais il reste à mi-chemin et oublie que l'humanité est soumise au capital, et pas uniquement à cause des multinationales qui ne sont qu'une partie de ce système d'exploitation et dont la limitation des pouvoirs ne favoriserait en rien l'émancipation de l'humanité. Cet "oubli" lui permet, quand il critique la privatisation comme "solution" à la question de l'eau, d'avancer que la "solution politique ne passe pas, loin s'en faut, par la destruction du capitalisme" mais se base sur l'espoir (ou la prière ?) que " le capital national et mondial peuvent agir et prendre conscience pour s'opposer aux abus hydrauliques des capitaux privés et transnationaux de l'eau". En d'autres termes, la solution serait l'adoption par le système capitaliste d'une démarche rationnelle et consciente qui affaiblisse les politiques néolibérales et limite la voracité des multinationales. Ce serait l'avènement du "capitalisme à visage humain" !
L'humanité comme un tout est menacée par le capitalisme ! Proclamer que ce système pourrait s'améliorer sur la base de réglementations internationales ou nationales, ou par une attitude généreuse et rationnelle de la classe dominante, c'est pousser les travailleurs à se détourner de la nécessité de l'action révolutionnaire. Aujourd'hui, l'avertissement d'Engels sur l'alternative qui s'offrirait à l'humanité, socialisme ou barbarie, est plus "prophétique" que jamais. Soit le prolétariat en finit avec ce système dégénéré pourrissant, soit l'humanité se verra aspirée dans une spirale toujours plus destructrice de barbarie.
Rojo (octobre 2007)
1) Déclaration publiée par The Guardian, citée par Gian Carlo Delgado dans Agua, éd. La Jornada, 2006, p. 189.
Nous ne pouvons qu'appuyer vivement l'appel fort et clair du tract à la solidarité de tous les ouvriers, au-delà des critères de races ou d'ethnies, pour développer la lutte ouvrière et combattre côte à côte leurs exploiteurs, ainsi que la dénonciation de la propagande bourgeoise qui cherche à entraîner les ouvriers dans des combats sanglants qui ne sont pas les leurs.
L'armée turque a lancé une opération militaire pour éradiquer le PKK, c'est-à-dire, en d'autres termes, une nouvelle guerre. On voit une nouvelle fois se répéter ce cycle sanglant depuis que la Turquie est intervenue en Irak pour la première fois en 1983.
Le discours qui consiste à dire que cette guerre est destinée à arrêter la "terreur" n'est qu'un mensonge. Si cela était vrai, les différentes interventions militaires depuis 1983 auraient réglé la question. Aussi, l'Etat turc a agi comme si ce problème n'avait pas existé ces dernières années lorsque le PKK (2) était faible, et Tayyip Erdogan (3) avait dit lui-même à la télévision que la terreur était sur le point s'être éradiquée. De plus, Talabani (4) et Barzani (5), qui sont à présent des ennemis déclarés, ont coopéré militairement et ont été des alliés de la Turquie de longue date. La Turquie a mené des actions militaires avec ces derniers et continue à le faire sans problème. La vraie raison de cette guerre n'est autre que la tentative d'établir un nouveau contrôle au Moyen-Orient selon la nouvelle alliance formée par l'impérialisme turc et les Etats-Unis. Ce que cette alliance, conduite par le MPH (6) entre la haute bureaucratie "séculaire" et le démocratique AKP (7), exprime sous le "voile" est que la Turquie a choisi son camp dans l'arène impérialiste. C'est celui des Etats-Unis qui cherchent à mettre les alliés indisciplinés de Washington au pas et essayent de maintenir leur contrôle du pétrole contre les Etats impérialistes rivaux comme la Chine, la Russie et l'Iran. L'AKP, qui est resté longtemps hésitant, a finalement déclaré que c'était le choix qu'il faisait en poussant dans le parlement à l'autorisation de lancer la guerre. Aussi, ce conflit est simplement le premier pas des préparatifs de l'impérialisme turc pour la prochaine guerre et la polarisation pour cette guerre.
C'est le résultat du cycle de guerres dans lequel se trouve le capitalisme. L'Etat capitaliste a créé cette guerre non pas en-dehors de son propre choix mais à cause de l'impasse désespérée dans laquelle il est entré. Depuis la Première Guerre mondiale, le capitalisme n'a fait que créer des guerres dans le monde entier. Toutes les "guerres de libération nationale", chaque guerre entre pays qui a lieu pour telle ou telle raison est menée pour détruire le capital accumulé et bien sûr la population ouvrière du pays ennemi (8)
Les appels hypocrites à la paix faits par le DTP (9) et les libéraux de gauche depuis leurs confortables sièges de députés ne serviront en rien à arrêter la guerre. Parce que la guerre n'est pas due au manque d'application de la "solution démocratique" ou aux mauvaises intentions de la bureaucratie mais au désespoir du capitalisme. Ce qui est pire, c'est que les appels à la démocratie faits par ces cercles ne servent qu'à affaiblir une possible opposition de la classe ouvrière face à la guerre, en attirant les ouvriers qui s'opposent à celle-ci vers le terrain du combat pour les Etats impérialistes qui sont présentés comme plus "démocratiques", "de bon cœur" et "pacifiques", contre les autres "diaboliques", "bureaucratiques" et "agressifs". Tous ces rêves capitalistes "démocratiques" ne servent pas à arrêter la guerre mais à tirer les ouvriers du côté de ceux qui ont "raison".
Cette guerre n'est pas la guerre de ceux qui cherchent à survivre en travaillant. Cette guerre n'est pas la guerre de ceux dont le niveau de vie a plongé avec la crise économique, de ceux qui sont frappés par le chômage, de ceux qui travaillent jusqu'à la mort dans les chantiers navals et sur les échafaudages, de ceux qui attendent de rentrer chez eux entre 9 heures du soir et 6 heures du matin ou de ceux qui luttent désespérément pour vivre dans les taudis des villes où ils ont été traînés depuis leurs villages. Cette guerre n'est ni la guerre des ouvriers, des sans-travail, des ménagères et des étudiants qui sont soit des futurs ouvriers ou des futurs chômeurs, ni celle des soldats qui meurent au front. Tout au contraire, la guerre aggrave la misère, le chômage, la pauvreté et la décomposition sociale créée par les crises du capitalisme. L'effet de cette "opération" va se trouver dans les villages bombardés, chez les soldats mourant au front ou dans les attentats à venir au sein des villes, et se montrera dans l'aggravation de la misère au nom du nationalisme et dans celle de la décomposition sociale.
Ce qui arrêtera la guerre, c'est la solidarité des ouvriers turques et kurdes qui sont trompés, pour les intérêts de leurs patrons et du capital, depuis 25 ans. Ce qui a mit fin à la Première Guerre mondiale, c'est la vague révolutionnaire mondiale, les soldats au front et les ouvriers à l'arrière se levant contre leurs propres exploiteurs et non pas contre leurs frères et leurs sœurs de classe des autres pays. Ce qui a empêché une troisième guerre mondiale dans les années 1960 a été, de la même façon, la détermination et l'esprit de lutte de la classe ouvrière du monde entier. Aujourd'hui encore, la classe ouvrière ne peut rester silencieuse face à la barbarie capitaliste qui se développe contre elle !
Contre
tous les exploiteurs
qui soutiennent la "paix",
Vive la solidarité de classe !
Vive
la solidarité internationale
des ouvriers !
1)
EKS - Enternasyonalist Komünist Sol (Gauche communiste
internationaliste) - est un jeune groupe prolétarien en
Turquie. Pour contacter EKS, écrire à
[email protected] [1019]
2)
PKK (Parti "ouvrier" du Kurdistan), principal groupe
nationaliste kurde armé, agissant en Turquie.
3)
Actuel Premier ministre et dirigeant de l'AKP.
4)
Jalal Talabani est le fondateur de l'Union patriotique du
Kurdistan, l'un des deux principaux partis politiques kurdes, mais
également le président actuel de l'Irak et proche
allié des Etats-Unis dans leur opération militaire en
Irak.
5)
Barzani est le président du gouvernement autonome kurde en
Irak et le chef du Parti démocratique du Kurdistan depuis
1979.
6)
MHP (parti du mouvement nationaliste), parti fasciste qui a obtenu
14% aux dernières élections, connu également
sous le nom des "Loups gris".
7)
AKP (Parti pour la justice et le développement), parti
dirigeant de centre-droit en Turquie, qui a ses racines dans un
parti islamique parlementaire marginalisé.
8)
Note de la rédaction : Nous signalons que nous ne
partageons pas cette formulation. Pour nous, la raison fondamentale
de cette invasion militaire du Kurdistan irakien est principalement
stratégique. Il s'agit d'une opération de basse
police impérialiste, son but essentiel étant de mettre
au pas un nationalisme kurde qui dérange et de profiter de la
situation de chaos actuel au nord de l'Irak pour avancer ses pions
en direction de l'Irak, du sud du Caucase et également de
l'Iran.
9) DTP (Parti démocratique de la société), vitrine politique légale et parlementaire du PKK sur le même modèle que le Sinn Fein par rapport à l'IRA en Irlande du Nord.
La paupérisation, la misère, la précarité, la hausse des prix alimentaires de première nécessité sont devenues des sujets de préoccupation universels. La bourgeoisie elle-même s'inquiète de l'ampleur et de l'accélération mondiale que prennent ces phénomènes.
Déjà aujourd'hui, ce sont chaque jour 100 000 personnes qui meurent de faim dans le monde. L'ensemble des produits alimentaires a bondi de 83 % au cours de ces trois dernières années. Pour le blé, la hausse atteint 181 %. Les Etats-Unis eux-mêmes ont décidé d'instaurer des cartes de rationnement pour le riz. Déjà, lors des grandes famines qui terrassèrent sur place les populations au Sahel, en Ethiopie ou au Darfour au cours des vingt dernières années et que les médias ont présentées comme une fatalité ou une "catastrophe naturelle", la responsabilité du système capitaliste était évidente. Maintenant, le prix des aliments de base les rendent inabordables pour une partie croissante de la population mondiale ! La banque mondiale considère que ce sont les populations de 33 pays dans le monde qui sont touchées par ce désastre. "On va vers une très longue période d'émeutes, de conflits, des vagues de déstabilisation régionale incontrôlable", déclare Jean Ziegler, rapporteur spécial des Nations Unies pour le droit à l'alimentation, dans un entretien à Libération (le 14/04/08). Il dit aussi que "Avant la flambée des prix déjà (...) 854 millions de personnes étaient gravement sous alimentées. C'est une hécatombe annoncée." La Banque mondiale avertit d'ailleurs que "L'inflation alimentaire n'est pas un phénomène temporaire et que les cours devraient rester supérieurs à ceux de 2004 jusqu'en 2015". Une grande partie de la population mondiale est menacée de mourir de faim dans les mois à venir et tout cela pourquoi ? Non plus seulement à cause d'une famine endémique mais parce que le système capitaliste s'enfonce dans sa crise économique inexorablement, facteur d'inflation donc d'augmentation des prix. De plus, ne pouvant plus spéculer sur l'immobilier, c'est au tour des matières premières et plus particulièrement des produits alimentaires de flamber entraînant toujours plus de personnes dans la famine.
La première manifestation de cette aggravation de la crise, c'est la multiplication sur la planète des émeutes de la faim. La révolte a éclaté dans de nombreux pays où la population est réduite à mourir de faim. En disant non à une misère déjà présente ou qui se rapproche à grands pas, la plus grande partie de l'humanité se défend contre cette société, le capitalisme qui impose à tous les exploités du monde une existence de plus en plus précaire (2). Ces émeutes de la faim se multiplient particulièrement en Afrique : Burkina Faso, Cameroun, Egypte, Mauritanie, Ethiopie, Sénégal. Mais aussi un peu partout dans le monde : en Haïti, aux Philippines, en Indonésie, en Thaïlande, au Bangladesh...
A Haïti, les manifestants ont exprimé leur rage et leur colère parce que, entre autres prix en hausse, le sac de 120 livres de riz est passé de 35 à 70 dollars en un an. Le chef de l'Etat René Préval déclarait cyniquement : "Les manifestations et les destructions ne vont pas payer les prix ni résoudre les problèmes du pays. Au contraire, cela peut faire augmenter la misère et empêcher les investissements dans le pays". Et tout cela, ce n'est pas parce qu'il n'y a plus de nourriture, mais parce qu'elle est devenue trop chère en quelques semaines pour leur revenu misérable. 80 % de la population d'Haïti vit avec moins de deux dollars par jour, bien en dessous du seuil de pauvreté devenu aujourd'hui seuil de mortalité assurée.
Là, comme dans les autres pays où il y a des émeutes, la bourgeoisie n'a qu'une seule réponse pour ceux qui crient leur faim : le feu "nourri" des balles ! 200 morts lors de la répression des émeutes au Burkina Faso en février, 100 morts au Cameroun, 5 morts en Haïti et en Egypte, ce sont deux jeunes de 9 et 20 ans qui ont succombé aux tirs des forces anti-émeutes. Le capitalisme n'a rien d'autre à leur distribuer. C'est une des preuves de la faillite de ce système et de l'impasse où il mène l'humanité.
Cependant, non seulement la révolte d'une masse grandissante des miséreux dans le monde démontre qu'elle ne débouche nullement sur la résignation mais, surtout, elle n'est pas isolée. La même combativité et la même colère montent et s'affirment partout dans les rangs ouvriers du monde entier face à la flambée des prix des produits de première nécessité, face à des salaires de misère, face à des conditions d'exploitation de plus en plus inhumaines. Les grèves et les manifestations se multiplient dans de nombreux pays, dans les pays développés mais aussi dans les immenses bagnes industriels des pays plus pauvres (3). Très souvent, la propagande de la bourgeoisie consiste à opposer les habitants du Nord et du Sud de la planète comme si les premiers étaient des "privilégiés" ou des profiteurs et les seconds des incapables. C'est une de leur façon de nous rendre tous responsables et coupables des ravages pourtant liés à leur propre système économique en crise. Cette tactique est en train de se fissurer sérieusement. Les entreprises sont parties vers des pays où elles pouvaient payer les ouvriers moins chers, c'est à dire presque rien. Leur Eldorado est en train de partir en fumée. De plus en plus d'ouvriers commencent à refuser cette exploitation forcenée. Ils sont en train de développer leur propre expérience de la lutte. Dans un monde rongé par le développement de la concurrence entre les Etats, les entreprises, les exploiteurs de tout acabit, on veut nous faire croire que la classe ouvrière elle-même est gagnée par l'individualisme et le chacun pour soi. On veut nous faire croire que la gangrène de cette société en perdition ronge aussi tous les exploités et les travailleurs. Eh bien, NON ! Dans la plupart de ces luttes s'est exprimé un puissant sentiment de solidarité entre les ouvriers.
En effet, lors de ces dernières années, des luttes ouvrières importantes se sont développées partout dans le monde. Elles s'affirment désormais dans les pays les plus pauvres de la périphérie comme au cœur du système capitaliste, notamment en Europe occidentale.
Depuis plus de deux ans, de nombreux conflits ont eu lieu en Egypte, notamment à partir de l'usine textile de Ghazl al-Mahalla au nord du Caire (4), fer-de-lance de la colère ouvrière où la police a attaqué un groupe d'ouvriers en procédant à plus de 300 arrestations. Là, la faiblesse de l'encadrement syndical est un facteur qui favorise la massivité de la lutte et la radicalité des revendications ouvrières. Les syndicats apparaissent clairement pour ce qu'ils sont, des parties intégrantes de l'Etat, il n'y a aucune illusion sur leur nature anti-ouvrière. C'est un des aspects qui permet à la lutte ouvrière de s'étendre plus facilement entre les différents secteurs et de la faire vivre. L'esprit de solidarité des luttes en Egypte s'est encore exprimé ces derniers mois à travers le fait que d'autres secteurs industriels ou d'autres prolétaires comme les cheminots, les fonctionnaires des impôts, les employés des postes ou encore les professeurs d'université au Caire, à Alexandrie, à Mansoura, en grève le 23 mars, ont rejoint la lutte. Toutes ces grèves ont exprimé des revendications semblables pour l'essentiel : contre le coût de la vie, protestation contre des salaires humiliants et insuffisants pour nourrir leur famille, des logements trop chers et insalubres, etc.
En Iran, une puissante vague de grèves secoue le pays : en janvier, les chauffeurs de bus de Téhéran étaient en grève. Une centaine d'ouvriers avaient été arrêtés et 2 des leaders du mouvement sont toujours emprisonnés. Le 18 février à Chouch (au sud du pays), les ouvriers d'une usine de canne à sucre ont manifesté pour obtenir des salaires impayés en janvier et février. Ils s'étaient déjà mis en grève en septembre 2007 pour le même motif. Ils n'étaient pas en mesure d'assurer les fêtes de fin d'année pour leur famille et leurs enfants (la nouvelle année débute fin mars dans le pays). Les salaires impayés ont été la cause de la plupart des nombreux débrayages ou manifestations qui se sont multipliés dans le pays, notamment les employés de l'usine Pachmineh Baft de la ville de Ghazvine (ouest), ceux de l'usine de textile Mehrpouya à Ispahan (centre), de l'entreprise Navard à Karadj (ouest), les employés des télécommunications et de l'entreprise Sandough Nasouz à Téhéran. Dans le nord du pays dans la région de Rasht, les ouvriers (en particulier dans le textile), dont le salaire n'avait pas été versé depuis des mois, ont bloqué les rues de la ville et sont allés manifester devant les bâtiments officiels en brandissant des pancartes "Nous avons faim". Dans la province voisine de Gilan, des ouvriers ne sont plus payés depuis 13 mois. Des manifestations et des grèves semblables se sont produites à Elam à l'ouest du pays, comme dans une usine de produit pharmaceutique de Téhéran. Chaque fois, le gouvernement a répliqué par une dure répression. Le 21 février, dans le sud à Masjed Soleiman, les 800 ouvriers grévistes du barrage d'Abbaspour ont été violemment chargés par les forces de sécurité de l'Etat et la police secrète (VEVAK). Le 14 avril, après 3 jours de grève, la police a attaqué à coups de bulldozer une usine occupée de fabrication de pneus de la région d'Alborz au nord du pays, pour déloger les grévistes qui avaient brûlé des pneus dans l'enceinte de l'usine pour manifester leur colère (toujours pour non-paiement des salaires). Un millier d'entre eux ont été arrêtés après des heurts violents avec les forces de sécurité.
Depuis le début de l'année, au Vietnam, il y a eu 150 grèves dans les entreprises du pays. Dernièrement 17 000 ouvrières d'une usine de chaussures Nike au sud du Vietnam se sont mises en grève pour une hausse de salaire, réclamant une hausse de 200 000 dôngs (8 euros), face à la flambée des prix à la consommation. Elles n'ont obtenu que la moitié de ce qu'elles réclamaient mais, lors de la reprise du travail, des affrontements ont eu lieu et l'usine a dû fermer pour 3 jours. Dix mille ouvriers qui fabriquent des jouets à Danang se sont aussi mis en grève pour réclamer des hausses de leurs primes et l'allongement de la période de congés pour les fêtes du Têt.
En Roumanie, les ouvriers de l'usine Dacia-Renault arrachent une hausse de salaire de 100 euros (soit une augmentation de 40 % de leur salaire) après une grève de plusieurs semaines. Et ce sont 4000 ouvriers d'Arcelor Mittal à Galati, à l'est du pays, qui se sont mis en grève illimitée. Ils réclament un salaire net multiplié par deux, une augmentation des primes pour le travail le week-end et une hausse des aides apportées aux familles de sidérurgistes accidentés ou décédés. La direction a cédé immédiatement une hausse de 12 %. Mais la grève est suspendue par le tribunal pour "raison de sécurité et risque d'explosion du site du fait de fonctionnement à minima de certains hauts fourneaux de la cokerie". Ces luttes à Dacia-Renault et à Arcelor Mittal viennent se porter en faux contre tous les chantages à la délocalisation et toutes les tentatives de la bourgeoisie de diviser la classe ouvrière suivant les frontières nationales. Elles rappellent cette vérité toute simple que dans tous les pays, la classe ouvrière subit la même exploitation et a donc le même combat à mener. Sur toute la planète, il n'y a qu'une seule et même classe ouvrière qui doit être unie et solidaire !
En Pologne, en janvier et février de cette année, les ouvriers de la mine de charbon Budryk à Ornontowice en Silésie ont mené une grève de 46 jours pour réclamer l'alignement de leurs salaires sur les autres mines du pays (toutes les mines du pays sont repassées sous le contrôle de l'Etat). C'est la plus grande grève connue par ce secteur depuis 1989 avec occupations de puits. Cette grève a été soutenue par 2/3 de la population. La grande grève de 1980 avait été freinée puis combattue par la création du syndicat Solidarnosc, applaudie par toute la bourgeoisie des pays occidentaux. Et justement, c'est ce même syndicat Solidarnosc et la centrale syndicale ZZG, main dans la main avec la direction, qui ont traité les grévistes de "racailles". Les femmes de mineurs sont allées manifester à Varsovie pour défendre leur combat. Une semaine après la reprise et devant le faible empressement de la direction à augmenter les salaires et à s'aligner sur les statuts des autres mines, 900 ouvriers ont menacé de repartir en grève.
Mais la résistance des ouvriers s'affirme aussi dans les pays centraux au cœur même du capitalisme.
En Grande-Bretagne, la journée du 24 avril a vu la mobilisation de plus de 400 000 salariés du secteur public face à la détérioration du pouvoir d'achat et aux attaques du gouvernement "travailliste" de Gordon Brown, avec en tête la première grève nationale des enseignants depuis 21 ans qui a rassemblé plus de 200 000 d'entre eux pour réclamer l'augmentation des salaires face à la hausse des prix. Ils ont été rejoints par beaucoup d'autres salariés du secteur public, allant des 900 garde-côtes maritimes et sauveteurs en mer qui en étaient à leur troisième grève de 24 heures depuis le 7 mars (pour la première fois dans l'histoire du pays concernant cette profession) jusqu'aux éducateurs, aux fonctionnaires des différents ministères et aux employés municipaux (20 000 à Birmingham), en passant par les douaniers et les inspecteurs du permis de conduire. Les ouvriers des employés de la raffinerie de Grangemouth en Ecosse devaient également se mettre en grève en raison d'un conflit sur leur régime de retraite. Dans le métro londonien, la menace de 3 jours de grève entre le 6 et le 8 avril de 7000 conducteurs a fait reculer l'attaque de la direction qui projetait un plan de remise en cause des normes de sécurité pour faire des économies.
En Allemagne, après la mobilisation des ouvriers de la région de Bochum (et notamment d'Opel) pour soutenir les ouvriers de Nokia menacés de perdre leur emploi (5), il y a eu une série de débrayages en février dans la sidérurgie avec 5,4 % d'augmentation de salaire pour les 93 000 salariés du secteur accepté par le syndicat IG-Metall. Depuis, le pays a traversé une vague de grèves "dures", en particulier dans le secteur public et chez les fonctionnaires, dans la semaine du 3 au 7 mars. Les syndicats ont été contraints de lancer une "grève d'avertissement" dans les transports publics (bus et trains régionaux restés au dépôt, en particulier à Berlin où 12 % d'augmentation de salaires sont réclamés), dans les hôpitaux, les caisses d'épargne, les crèches et la plupart des aéroports (Francfort, Munich, Düsseldorf, Hambourg, Stuttgart, Hanovre) et diverses administrations publiques sont restées fermées. Sous la pression des ouvriers, le syndicat Verdi menaçait de grève massive et illimitée fin mars ou début avril pour 8 % de salaire en plus (jusqu'à 200 euros mensuels) alors que la direction ne proposait que la moitié ; de la même façon, il a été prévu de lancer une grève illimitée à partir du 2 mai prochain, dans les postes (à la Deutsche Post) en réclamant à la fois 7 % d'augmentation de salaire, une garantie d'emploi jusqu'en 2011 et un abandon du projet d'augmentation du temps de travail (une demi-heure par semaine) alors que pour ce temps de travail supplémentaire, la direction ne propose qu'une hausse de 5,5 % de salaire en plus et une vague promesse sur les non-licenciements. A Berlin, Verdi a aussi lancé un appel à la grève à partir du 20 avril dans les usines de bus, métros et tramways ainsi que dans les services de ravitaillement en essence et de nettoyage de la compagnie berlinoise des transports publics. L'entrée en scène du prolétariat en Allemagne, lui qui a subi de plein fouet une contre-révolution sanglante dans les années 1920 (en particulier lors de l'écrasement des insurrections de 1919 et 1923) et qui a une si grande expérience, est un facteur particulièrement encourageant pour l'avenir de la lutte de classe.
Le plus marquant, à travers tous ces exemples de luttes de par le monde, est la similitude des raisons de la colère ouvrière. D'abord et avant tout, l'augmentation généralisée des prix et la faiblesse des salaires rendent de plus en plus difficile la vie, voire la survie. A cela, il faut ajouter partout les conditions de travail insupportables, une retraite toujours plus lointaine, misérable, et dans certains pays inexistante, des soins médicaux de plus en plus inaccessibles, etc. Certains sont réduits à la famine, les autres sont toujours plus paupérisés, précarisés. Il faut mesurer le chemin que la classe ouvrière est en train de parcourir depuis quelques années. Elle a non seulement repris le chemin des luttes, mais ses luttes acquièrent peu à peu une dimension inédite à la fois par leur quasi-simultanées et par leurs étendues (6). Il y a un lien profond entre ces luttes des ouvriers des pays de la périphérie et ceux du cœur du capitalisme. Elle ouvre, pour le futur, des perspectives nouvelles au développement des luttes ouvrières.
En même temps que cette combativité s'exprime avec une ampleur et une massivité inédite à la périphérie, les mêmes caractéristiques se développent dans des pays centraux comme en France, en Grande-Bretagne et en Allemagne, avec toute leur expérience historique des luttes et des pièges que va tendre inévitablement la bourgeoisie. C'est parce que cette expérience est indispensable et irremplaçable que ces derniers conservent plus que jamais leur importance centrale et déterminante pour le développement de l'internationalisation et la généralisation des luttes dans l'avenir.
Mais en même temps, l'énorme combativité dans les pays de la périphérie du capitalisme constitue un encouragement à entrer en lutte pour les ouvriers des pays centraux en démontrant l'ampleur du développement international des luttes ouvrières. Surtout, elle démontre la force de la classe ouvrière : même dans des conditions extrêmement difficiles, en vivant dans la misère et en subissant une répression féroce et sanglante, notre classe est capable de se battre, de redresser la tête, de refuser la résignation. Le sentiment de dignité est une des valeurs morales profondes de la classe ouvrière, voilà qui doit nous donner confiance en nous et en notre force !
Map (25 avril)
1) Un article plus détaillé sur ces émeutes de la faim sera publié très prochainement sur notre site Web.
2) Pour les centaines de milliers de personnes qui sont déjà condamnées à mort parce qu'elles ne peuvent plus acheter à manger, la bourgeoisie va essayer de nous culpabiliser et nous entraîner dans des collectes stériles alors que c'est son système politique et économique qui est le vrai responsable de ce drame.
3) Sur les conditions de travail qui sévissent dans ces bagnes industriels, voir ici [1021] .
4) Voir notamment "Luttes en Egypte : Une expression de la combativité et de la solidarité ouvrières [999]" et "Bilan du blocage des raffineries (I) [1022]".
5) Lire l'article "Allemagne : la combativité montante de la classe ouvrière au niveau mondial [1023] " (RI no 387, février 2008).
6) Pour en donner une idée, nous dressons dans ce numéro une liste [1024], très loin d'être exhaustive, des principales luttes ouvrières dans le monde rien que depuis le début de l'année 2008.
Ce mouvement est significatif et important à de nombreux égards. Il exprime en premier lieu l'inquiétude de toute une génération pour son avenir et pour ses futures conditions de vie et de travail. Car parallèlement aux suppressions de postes d'enseignants, avec des classes surchargées, des enseignants ne sachant plus où donner de la tête et prodiguant inévitablement un enseignement toujours plus médiocre, il y a aussi la création de lycées d'élite et de lycées poubelles. Le mouvement lycéen de cette année est dans la continuité des différents mouvements lycéens des années 1990 et 2000 et du mouvement étudiant contre le CPE en 2006. Il exprime en particulier un profond sentiment et un besoin de solidarité qui dépasse les "frontières" des générations. Il ne s'agit en rien d'un mouvement de lycéens qui font grève, comme on a pu l'entendre, pour ne pas aller en cours, mais du mouvement d'une génération qui a de plus en plus conscience de l'avenir pourri que lui réserve cette société capitaliste.
Les médias ont mis à plusieurs reprises en exergue, afin de mieux introduire la confusion, "l'opposition" prétendue entre les slogans étudiants de 1968 (mode oblige) comme "A bas les profs" et ceux des lycéens d'aujourd'hui qui "veulent plus de profs" et "plus d'autorité". Il y a évidemment des différences mais il existe un lien indéfectible, celui d'une génération qui a initié les vagues de luttes internationales qui ont jalonnées les années 1970 et 1980 avec une génération qui s'inscrit d'ores et déjà dans le développement actuel de luttes ouvrières au niveau international.
C'est la peur de cette jeune génération qui fait que les lycéens ont été isolés soigneusement par les syndicats lycéens et que les syndicats enseignants ont créé la confusion, appelant seulement à certaines manifestations et laissant aux enseignants l'initiative individuelle de soutenir la grève ou pas. Cela est un signe indubitable de la peur de la bourgeoisie de voir le mouvements s'élargir. En effet, la manifestation du 15 avril, à laquelle les syndicats enseignants avaient appelé, a montré une colère très forte de la part de ces derniers, en particulier dans le primaire, et les manifestations qui ont suivi ont également été des moments où ce ne sont plus que les revendications "lycéennes" qui sont mises en avant mais, chaque fois plus, des revendications sur un terrain ouvrier.
C'est bien pour ces raisons que la FIDL (Fédération Indépendante et Démocratique Lycéenne) et l'UNL (Union Nationale Lycéenne) se sont efforcées d'enfermer le mouvement dans une logique "lycéenne" avec des actions démoralisantes, telles que le blocage de certaines voies routières, ou encore le blocage des lycées, mais sans aucune perspective d'ouvrir la discussion ou des assemblées générales à tous, lycéens, étudiants et salariés, etc.
Cependant, devant la détermination et la combativité des lycéens, il revient aux syndicats de l'enseignement de les reprendre à leur compte en s'efforçant de mettre un terme à ce mouvement. Aussi, FSU, Unsa-Education, Sgen-CFDT, Ferc-CGT et SUD-Education ont décidé de deux journées d'action nationale les 15 et 21 mai pour demander la mise en oeuvre d'une "autre politique éducative visant la réussite de tous les élèves". Tout cela n'est que de la poudre aux yeux pour enrayer un mouvement qui se développe en profondeur au sein de la classe ouvrière et de leurs jeunes générations. Ce mouvement n'est pas que l'expression d'une lutte actuelle de lycéens en colère mais celle d'une tendance toujours plus claire chez les jeunes générations à ne pas se soumettre passivement aux conditions de travail lamentables qui sont de plus en plus celles de leurs aînés et à les entraîner dans la lutte avec eux.
Mulan (24 avril)
Depuis les élections municipales, le gouvernement annonce une nouvelle attaque chaque jour ou presque :
Derrière tout cela, le gouvernement tente de mettre les bouchées doubles pour accélérer le démantèlement complet de l'Etat-providence. Comme l'a réaffirmé Sarkosy devant un panel de journalistes : le cap des "réformes" sera maintenu coûte que coûte et à la trappe tous ceux qui ne voudront pas s'y plier !
Dans le contexte actuel de chute du pouvoir d'achat, de généralisation de la précarité, de plans de licenciements qui pleuvent les uns derrière les autres, de hausses de loyers prohibitives, d'escalade ininterrompue des prix alimentaires ou de produits de première nécessité, de nouvelles franchises médicales qui sont autant de coups plus douloureux les uns que les autres qui s'abattent sur l'échine des prolétaires, cela signifie une accélération insupportable de la paupérisation de la classe ouvrière et une détérioration considérables de ses conditions de vie et de travail. Une partie de plus en glus grande des travailleurs en est réduite à quémander ou ramasser des produits invendables à la fin des marchés, à subir l'humiliation de faire la queue auprès des associations caritatives pour obtenir des paniers repas pour eux et leurs familles aux portions de plus en plus réduites (vu la hausse des produits alimentaires de base), à s'entasser dans des logements de fortune ou des taudis insalubres, à renoncer aux soins coûteux en cas de maladie.
Ces
conditions de survie de plus en plus inhumaines frappent en
particulier les travailleurs "sans papiers" qui, en plus de leurs
salaires de misère, en plus d'être soumis à un
chantage et à une pression permanente d'une majorité
de leurs patrons, sont contraints de vivre dans l'angoisse et la
terreur permanente des contrôles et sous la menace d'une
expulsion manu
militari. Le courage
de certains d'entre eux qui ont pris le risque de se mettre en
grève pour tenter de sortir de cette impasse mérite le
respect et l'entière solidarité de tous les
prolétaires. Mais le cynisme de la bourgeoisie est sans
bornes : le succès de la grève d'une dizaine de
travailleurs sans-papiers de la restauration à Neuilly (fief
de Sarkozy) aura servi d'appât pour attirer un maximum de
travailleurs clandestins dans un véritable piège.
Encouragés aussi bien par la publicité médiatique
autour de cette grève que par certains patrons et par les
associations liées au PS et surtout par le syndicat CGT qui
s'est attelé à chaperonner la plupart d'entre eux,
des milliers de sans-papiers sont poussés à présenter
leur dossier dans les préfectures dans l'espoir de se faire
régulariser. Cette illusion sera vite déçue.
Comme l'ont réaffirmé brutalement Hortefeux et
Sarkozy, cette régularisation se "fera au cas par cas",
c'est-à-dire au compte-goutte. Comme il y a quelques années,
les associations de gauche et la CGT, qui se donnent un grand coup de
publicité en se prétendant les champions de la défense
des travailleurs clandestins, en sont les pires ennemis. Ils se font
les plus précieux rabatteurs d'Hortefeux pour débusquer
les ouvriers clandestins, ce qui permettra peut-être au
ministre de l'Immigration et de l'Identité nationale
d'atteindre cette année le chiffre de 27 000 expulsions
promis pour 2008.
D'ailleurs, la CGT et les autres syndicats sont partout à la manœuvre pour saboter toute riposte ouvrière. Ainsi, ils pourrissent le terrain de la lutte comme chez Airbus. Dès l'annonce de la confirmation de fermeture prochaine des sites de Méaulte en Picardie et de Saint-Nazaire découlant du fameux plan "Power 8", ils ont organisé de prétendus "débrayages de solidarité" sur les autres sites à Toulouse et à Nantes où l'essentiel de leur propagande a consisté à mettre les ouvriers français en concurrence avec leurs frères de classe allemands qui seraient injustement "épargnés par la restructuration" et à les dresser contre eux . On se souvient qu'avant les élections municipales, comme d'ailleurs avant les législatives il y un an, les syndicats avaient été à tour de rôle les premiers reçus à l'Elysée. Le gouvernement a pris soin de s'assurer de leur collaboration totale indispensable pour faire passer les attaques. C'est pourquoi les syndicats s'emploient à défouler, à cloisonner les réactions ouvrières et à les émietter à travers de petites luttes pour empêcher ou du moins désamorcer une cristallisation du mécontentement grandissant, bref pour éviter le surgissement de grosses vagues incontrôlables.
Cependant, la pression de la combativité ouvrière reste intacte, comme le démontre la grève des grutiers et des "portiqueurs" dans les ports, notamment à Marseille et au Havre contre les menaces de suppressions d'emploi, même si les syndicats font tout pour enfermer cette luttes dans un cadre totalement catégoriel et corporatiste. Et la plupart des grèves actuelles sont, malgré le travail de morcellement syndical, porteuses des mêmes revendications de hausse salariales face à la flambée des prix aussi bien chez les travailleurs de La Redoute à Wattrelos près de Roubaix, chez les employés de Coca-Cola à Grigny en région parisienne, comme chez les salariés de la compagnie d'assurance Mondial Assistance à Paris, Bagnolet et Le Mans. Plus que jamais résonne l'actualité d'un des slogans de Mai 68 : "Ce n'est qu'un début, continuons le combat !"
W (26 avril)
Jamais autant de pays n'ont été simultanément touchés par des luttes, ce qui témoigne de la force et de la combativité ouvrière à l'échelle internationale. Face au black-out des médias de la bourgeoisie, en voici quelques exemples qui ne concernent que ce début d'année 2008.
• Belgique : en mars, grèves chez Ford à Genk, à La Poste à Mortsel contre les contrats temporaires, grève des transports publics à Bruxelles et "grèves sauvages" dans un groupe pétrochimique BP et dans l'entreprise logistique Ceva contre des licenciements.
• Grèce : 3 journées de grève générale de 24 heures depuis le début de l'année contre la réforme des retraites (1) (réduction des pensions de 30 à 40 %, incitation à travailler au-delà de 65 ans pour les hommes et de 60 ans pour les femmes, suppression des départs anticipés à la retraite) et contre la réforme de la sécurité sociale (fusion des fonds, réduction du nombre de caisses de sécu avec suppression des avantages en faveur des travailleurs dont le métier est pénible). Ces grèves ont paralysé les principales activités du pays : transports, banques, postes, télécoms, cheminots, etc. La dernière, le 19 mars, a rassemblé des millions de personnes dans les rues.
• Irlande : grève de 40 000 infirmières pendant plus de 15 jours depuis début avril pour revendiquer plus de 10 % d'augmentation et une réduction du temps de travail à 35 heures tandis que les pilotes d'Aer Lingus luttent contre leurs futures conditions de travail avec l'ouverture d'un nouveau terminal à Belfast. Grève sauvage contre l'avis du syndicat, le 4 avril, de 25 chauffeurs de bus à Limerick pour réclamer un nouveau contrat salarial.
• Italie : dans la région de Naples, l'usine Fiat de Pomigliano est en grève depuis le 10 avril pour protester contre "l'externalisation" de 316 emplois (phénomène que les ouvriers craignent de voir se généraliser).
• Russie : des mines de bauxite ont été occupées par 3000 ouvriers pendant plus d'une semaine. Ils réclamaient une augmentation de 50 % de leur salaire et le rétablissement de droits sociaux précédemment supprimés. Ce mouvement a suscité une vive sympathie dans le pays et le soutien de la population locale. La direction a cédé 20 % d'augmentation de salaire et rétabli une partie des droits sociaux.
• Suisse : à Bellinzone (Tessin), un mois de grève de 430 ouvriers des ateliers mécaniques contre la suppression de 126 emplois de CFF Cargo qui s'est terminé le 9 avril avec le retrait du plan de restructuration (après manifestation le 7, à Berne, où s'est manifestée la solidarité d'autres ouvriers).
• Turquie : la guerre au Kurdistan n'a pas empêché une grève massive dans les chantiers navals de Tuzla sur la mer de Marmara parmi les 43 000 ouvriers. Suite à une manifestation, le 28 février, réprimée par la police, plusieurs milliers d'ouvriers ont fait grève pendant 2 jours et le "sit-in" devant le chantier a été une fois de plus chargé par la police (passage à tabac et 75 arrestations). "Nos vies ont moins de valeur que leurs chiens" criaient de colère les grévistes, démontrant leur volonté de se battre pour leur dignité ! Les ouvriers n'ont repris le travail qu'après la libération des grévistes arrêtés et avoir obtenu quelques promesses de la direction d'accepter certaines revendications (amélioration des conditions d'hygiène et de sécurité, garantie sur cotisations sociales et salaires, limitation du travail à 7 heures 30 par jour...).
• Algérie : 3 jours de grève "illégale" dans la fonction publique à partir du 13 avril (1,5 million de salariés) pour une augmentation du salaire de base et en refus de la nouvelle grille des salaires ; grève de 207 manutentionnaires d'une cimenterie de Hammam Dalaâ dans la région de M'sila avec cahier de 17 revendications contre leurs conditions de travail le 10 avril.
• Cameroun : plusieurs grèves à répétition entre novembre 2007 et mars 2008 contre les conditions de travail inhumaines dans les palmeraies de la Socapalm liée à un groupe belge et au français Bolloré .
• Swaziland : fin mars, menace de 16 000 ouvriers du textile de se mettre en grève pour obtenir de meilleurs salaires et des primes dans cet ancien "bantoustan" de l'Afrique du Sud.
• Tunisie : les 6 et 7 avril, 30 ans après la grève générale et l'explosion de colère de janvier 1978 dans la même région durement réprimée (plus de 300 morts), nouvelle répression et vague d'arrestations dans la zone minière du bassin de Gafsa contre des ouvriers mobilisés depuis janvier contre les mises au chômage dans la région ; grève contre les conditions de travail le 10 mars dans la société de télémarketing Teleperformance qui emploie 4000 personnes.
• Canada : grève sauvage à Olymel (Vallée Jonction). Moins d'un an après la ratification par les syndicats d'une convention qui acceptait une amputation de 30 % des salaires et leur blocage sur 7 ans en échange d'une promesse de garder l'emploi, débrayage spontané de 320 ouvriers d'un atelier de découpage suite à une sanction à l'encontre d'un ouvrier prenant son poste en retard. La direction fait intervenir le syndicat pour demander la reprise du travail et le non-ralentissement de la production ; sitôt après, 70 % des ouvriers décident en AG d'une grève sauvage illimitée à compter du 20 avril.
• Etats-Unis : grève des scénaristes de Hollywood et de 5000 travailleurs de la chaîne de télévision MTV ; grève à Detroit (Michigan) et à Buffalo (Etat de New York) de 3650 ouvriers à partir du 26 février chez Axle & Manufacturing Holding (équipementier de General Motors et Chrysler) à l'appel du syndicat UAW contre une réduction des salaires et des avantages sociaux ; arrêts de travail contre la poursuite de la guerre en Irak et en Afghanistan annoncé le 1er mai par les dockers de la côte Ouest.
• Mexique : le 11 janvier, grève dans la plus grande mine de cuivre du pays à Cananea (province de Sonora au nord du pays) pour l'amélioration des salaires ainsi que de leurs conditions de santé et de sécurité. Cette grève est déclarée illégale et une violente répression de la police et des forces spéciales de sécurité du gouvernement s'abat (entre 20 et 40 blessés, plusieurs arrestations). Le tribunal ayant finalement reconnu la légalité de la grève, une nouvelle grève le 21 janvier est suivie par 270 000 mineurs.
• Venezuela : la grève massive des sidérurgistes (2e activité industrielle du pays dans la province de Guyana sur l'Orénoque) est durement réprimée par le prétendu "champion du socialisme du xxie siècle" Chavez (2).
• Chine : le 17 janvier, révolte des ouvriers de Maersk dans le port de Machong. Dans la seule même région (du Delta de la Rivière des Perles au sud-est du pays dans un périmètre très industrialisé - 100 000 entreprises, 10 millions d'ouvriers - compris entre Canton, Shenzhen et Hong-kong ), il y a au moins une grève par jour de plus de 1000 ouvriers depuis le début de l'année !
• Emirats : Après avoir cédé à une partie des revendications de la révolte massive des ouvriers du bâtiment immigrés de Dubaï (3), une répression devant servir "d'exemple" s'est abattue sur eux : condamnation à 6 mois de prison ferme et expulsion après coup de 45 ouvriers pour "incitation à la grève". Mais cette lutte n'a pas été sans effets : 1300 ouvriers du bâtiment de l'Emirat voisin, au Bahrein, subissant les mêmes conditions d'exploitation proche de l'esclavage se sont mis en grève pendant une semaine début avril. Ils ont rapidement obtenu une augmentation de salaire tellement le risque de contagion dans la région était grand. La main d'œuvre étrangère représente plus de 13 millions de personnes dans les six émirats du Golfe.
• Israël : grève sauvage des bagagistes de la compagnie El Al en mars ; grève des employés à la Bourse de Tel-Aviv qui, depuis février dernier, perturbe quotidiennement les marchés financiers pour les salaires, contre les heures supplémentaires et la précarité.
1)
Il faut dire que le gouvernement conservateur avait été
réélu en septembre 2007 avec la promesse de ne pas
toucher aux régimes de retraite.
2)
Nous reviendrons prochainement sur le déroulement de cette
grève.
3) Voir "Luttes ouvrières à Dubaï : un exemple de la montée de la combativité ouvrière à l'échelle internationale [1025] ".
Avec l'apparition le 10 mars d'une des vagues les plus importantes de manifestations pro-tibétaines depuis 1957, la population du Tibet subit une violente répression. Malgré le total black-out opéré par Pékin, les morts (13 selon la presse chinoise) peuvent très certainement se compter par centaines, tandis que les arrestations (officiellement plus d'un millier) vont bon train, avec tortures et déportations dans des camps de travail ! Si le Parti "communiste" chinois, un des plus prodigues héritiers du stalinisme, manie le mensonge le plus éhonté sans aucune vergogne, il use aussi de la pire brutalité. Rappelons qu'en 1989, à Lhassa, lors d'une des nombreuses manifestations pour l'indépendance du Tibet, la police avait tué pas moins de 450 personnes.
Face à cette violence sanglante, tous nos dignes représentants de la démocratie, fervents défenseurs des Droits de l'homme, ont fait mine de s'indigner en se contorsionnant avec force gesticulations et autres complaintes diplomatiques. Tous, d'une voix unanime, ont immédiatement brandi à l'encontre de la Chine la suprême menace de "boycotter" la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques, voire les JO eux-mêmes. Cependant, après réflexion, le soufflé, et avec lui les menaces en peau de lapin, est retombé. La France s'est particulièrement distinguée dans cet effet d'annonces hypocrites. Après l'exigence de l'ouverture de pourparlers entre le gouvernement chinois et le dalaï-lama, Paris suivant Washington dans ses appels envers Pékin à "plus de retenue", le gouvernement français a rapidement envoyé Raffarin et Poncelet jouer les carpettes à Pékin, afin d'assurer cette dernière de la "volonté de la France de maintenir et d'approfondir le partenariat stratégique" entre les deux pays. D'ailleurs, mettant en pratique tous les beaux et grands discours récurrents des politiciens français s'enorgueillissant d'être LA patrie des Droits de l'homme, la police française s'est appliquée, lors du passage de la flamme olympique à Paris, à... taper sur la tête des manifestants pro-tibétains. Sur cette répression là, Michèle Alliot-Marie n'a fait qu'une seule critique : celle que les flics n'avaient pas ordre d'arracher les drapeaux tibétains. L'arrachage de drapeau, non ! les coups de matraques, oui !
Tout le cirque médiatique autour de la flamme olympique a peu à peu, pays après pays, viré du ridicule au grand-guignol, du grand-guignol au pathétique. Tous les feux de l'actualité ont été braqués sur cette flamme, symbole des "droits de l'homme" et du "rapprochement entre les peuples" ! La lutte entre les divers tenants de l'extinction du brandon planétaire, afin de mieux protester énergiquement contre l'Etat chinois, et ceux qui la défendent pour ne pas "priver les Chinois des Jeux olympiques" a fait rage. Aussi, à défaut d'être renseignés sur les exactions de Pékin au Tibet, nous avons été littéralement abreuvés des péripéties du fameux flambeau : elle est passée par ici, elle repassera par là... Surtout, les médias et la clique politique nous ont invité à choisir un camp : pour ou contre l'indépendance du Tibet, pour ou contre le boycott des Jeux olympiques ? La bourgeoisie manie depuis longtemps l'art de poser de fausses questions. Faut-il vraiment "choisir un camp" entre Tibet et Chine ? Et que se cache-t-il réellement derrière tout ce cirque politico-médiatique et ces courbettes diplomatiques ?
On a aussi beaucoup fait appel à l'actuel 14e dalaï-lama, "chef spirituel" mais aussi membre à part entière de l'Etat dans la tradition tibétaine, prix Nobel de la Paix en 1992. Il est honteusement encensé par les médias occidentaux comme le porteur de la véritable culture tibétaine et l'héritier d'une nation séculairement "heureuse". En réalité, il est le digne représentant d'un système social où la masse de la population vit courbée devant des bonzes détenteurs de la "connaissance" divine et est maintenue depuis des siècles dans une arriération extraordinairement profonde, avec un système de servage peut-être d'un niveau encore inférieur et plus brutal que celui que nous avons pu connaître en Europe au Moyen-Âge. Et c'est d'ailleurs un des aspects de l'histoire du Tibet qui a permis de justifier l'invasion de l'armée rouge maoïste afin d'abolir le servage et de permettre une prétendue ouverture à "l'école pour tous", en fait le dressage par les coups à l'idéologie de la "Révolution culturelle". Il n'y a nul choix à faire entre l'un ou l'autre : même si le dalaï-lama apparaît comme le "gentil", face à une "méchante" bourgeoisie chinoise, responsable de la mort directe de plus d'un million de Tibétains entre 1960 et 1990, il n'en reste pas moins l'agent de l'obscurantisme et de l'oppression idéologique les plus crasses.
De nombreux "commentateurs" se sont penchés sur le poids économique de la Chine qui expliquerait la passivité de la "communauté internationale", mais c'est loin d'être la raison principale. Il faut rappeler que ce sont les grandes puissances elles-mêmes qui sont à l'origine de la situation qui prévaut de nos jours au Tibet, bien avant déjà que Pékin ne connaisse l'expansion économique actuelle. Il ne s'agit en effet pas seulement d'une question de pressions économiques, mais surtout et avant tout du résultat de la compétition impérialiste. Lorsque Mao Zedong envahit le Tibet en 1950, avec une armée de "libération nationale", c'est pour affirmer sa volonté d'hégémonie en Asie et pour agrandir de presque un quart le territoire de la Chine. Si Mao osa entreprendre cette offensive, c'est parce qu'il savait qu'il avait non seulement la bénédiction mais également le soutien actif de la Grande-Bretagne qui voyait dans cette invasion la création d'une limite aux velléités impérialistes de l'Inde nouvellement indépendante.
Plus tard, à la fin des années 1950 et avec la naissance de la Guerre froide, et à une époque où Pékin et Moscou étaient alliés militairement, c'est Washington qui va pousser à l'exacerbation du séparatisme tibétain. Nulle intention de leur part de "sauver" les centaines de milliers, voire les millions, de Tibétains qui disparaissaient par vagues successives du fait des répressions ou de la famine, de la politique de discrimination en faveur des ressortissants chinois. Au contraire ! Il s'agissait pour les Etats-Unis de créer une zone de perturbation permanente face à la Chine.
De nos jours, la situation est différente mais le résultat est identique. Les grandes puissances veulent à tout prix éviter que le Tibet ne devienne un nouveau foyer d'instabilité. Non pas par un souci quelconque "d'humanisme", mais pour couper la route en particulier à une éventuelle vague islamiste, que ce soit sur les frontières avec le Pakistan et l'Inde mais aussi en Chine elle-même. C'est pourquoi elles laissent l'Etat chinois donner libre cours à sa violence.
Bref, les raisons géostratégiques varient, mais la guerre est permanente.Aussi, avant même que les JO n'ait commencé, le parcours de sa flamme a contribué à mettre encore un peu plus en lumière ce que l'organisation de cet évènement sportif a de caractéristique des mensonges du monde bourgeois prétendument désireux de contribuer au "bonheur des peuples". Et la bourgeoisie du monde entier a pu elle aussi montrer les trésors d'hypocrisie qu'elle est capable de déployer, au nom des "Droits de l'homme", alors qu'elle conduit directement l'humanité vers la pire des barbaries.
Wilma (20 avril)
L'armement à base d'uranium appauvri est certainement parmi les manifestations les plus illustratrices du cynisme machiavélique de la bourgeoisie. L'uranium appauvri est un métal lourd et dense, des caractéristiques qui lui confèrent une solidité exceptionnelle, capable de transpercer des blindages ou de pénétrer des bunkers souterrains. Ce métal est, à ce niveau, proche du tungstène, à ceci près que le tungstène est cher, en très grande partie produit par la Chine et ininflammable, alors que l'uranium appauvri est gratuit, disponible partout où une activité de fission nucléaire existe et qu'en plus il brûle et explose ! Il s'agit d'un sous-produit de l'activité nucléaire. Un déchet, en quelque sorte, que le "génie" capitaliste reconvertit de diverses façons, notamment pour des utilisations civiles mais, dans les faits, quasi-exclusivement pour équiper des missiles et obus perforants. Un missile de ce type peut ainsi pénétrer dans un centre de commande souterrain et exploser à l'intérieur, tuant et détruisant tout ce qui s'y trouve.
Mais, comble de l'horreur, ce déchet est extrêmement nocif du point de vue de la radioactivité. Les poussières dégagées par sa combustion et son explosion sont très volatiles et peuvent donc être facilement inhalées. La polémique sur l'incidence de l'uranium appauvri concernant le "syndrome de la guerre du Golfe" (1), les études "cachées" sur la situation au Kosovo ou en Afghanistan, tous ces éléments n'ont abouti qu'à cette conclusion officielle : personne ne peut dire avec certitude que l'uranium appauvri n'a pas d'activité radioactive nocive pour l'organisme humain. Et alors ? Quelles conséquences en tire la bourgeoisie ? Forte de cette grandiose ignorance, la bourgeoisie répand ces débris et ces poussières sur tous les théâtres d'affrontements impérialistes. Au diable les conséquences à long terme ! Peu importe si pendant des décennies, voire des siècles, des enfants naissent malformés ou meurent de leucémies inexpliquées, on ne pourra accuser personne puisque "personne ne savait" (2). Responsables, mais pas coupables !
Par ailleurs, en tant que déchet nucléaire, il ne peut être exclu que l'uranium appauvri soit totalement dépourvu d'autres substances rencontrées dans le processus de fission atomique. Comme par exemple du plutonium, dont on connaît en revanche parfaitement l'extrême nocivité ! (3)
Il est bien sûr évident que la bourgeoisie n'a pas besoin d'uranium appauvri pour répandre la mort, la maladie et la misère sur la planète. Comme cause première des famines dans le monde, la guerre est déjà assez meurtrière comme ça ! Et on pourrait ajouter les armes chimiques comme le gaz moutarde largement utilisé par le pouvoir irakien. Ce qui distingue l'uranium appauvri, c'est surtout sa capacité potentielle à polluer radio-activement pour plusieurs siècles des zones importantes de la planète et à modifier le patrimoine génétique des populations touchées pour de nombreuses générations. Certaines études considèrent cette pollution comme plus mortelle que les bombardements d'Hiroshima et Nagasaki en 1945 qui emportaient pourtant déjà une charge radioactive importante.
Ce lourd héritage est légué avec un cynisme insupportable et révoltant par une bourgeoisie qui ne peut que balayer la question d'un "a priori ce n'est pas nocif" qui tranche avec sa prétendue préoccupation pour l'avenir de notre écosystème. Derrière les beaux discours de la classe dominante sur le "développement durable", la réalité est profondément alarmante : plus le capitalisme s'enfonce dans la crise et la barbarie, plus l'état de la planète qu'il laisse à l'humanité du futur est délabré, appauvri, modifié, pollué... et pour longtemps ! Cela souligne avec force l'urgence du développement international de la lutte de classe, seul moyen pour stopper cette infernale destruction.
GD (20 avril)
1) On nomme ainsi les augmentations inexpliquées de leucémies, malformations et autres maladies graves parmi les Irakiens et vétérans américains de la guerre du Golfe. Les statistiques fiables sont dures à trouver. D'après des interviews auprès du personnel du département des Affaires des vétérans américains réalisés par l'American Free Press, le nombre "de vétérans de l'Ère du Golfe" maintenant en invalidité depuis 1991 se monte à 518 739 alors que "seulement" 7035 ont été annoncés blessés en Irak. De même, un rapport écrit par un ingénieur pétrochimique irlandais fait état d'une multiplication par 4 des cas de leucémies dans les régions où des projectiles contenant de l'uranium appauvri ont été utilisés !
2) Cela dit, même "sans savoir", la prudence reste de mise dans les pays occidentaux : le champ de tir du Pentagone dans l'Indiana (80 hectares), où des obus à l'uranium appauvri ont été testés, sera certainement transformée en "zone nationale de sacrifice" et sanctuarisé pour l'éternité !
3) 1,6 kg de plutonium peuvent provoquer la mort de huit milliards d'individus !
En 1984, c'est avec horreur que nous avions découvert le terrible bilan humain de l'explosion de l'usine Union Carbide à Bhopal, en Inde. En l'espace de trois jours, 8000 ouvriers moururent ! 350 000 dans les semaines et mois suivants, suite aux blessures ou aux effets de la pollution chimique ! Les conditions d'exploitation effroyables régnant dans ce véritable "bagne industriel" furent la première cause de cette hécatombe. La déflagration eut lieu la nuit alors que les ouvriers et leurs familles dormaient le long de l'usine, dans un immense bidonville. Déjà, à l'époque, la peau d'un ouvrier ne valait donc pas grand-chose mais depuis lors, ces bagnes industriels n'ont fait que proliférer aux quatre coins du monde, en Asie, au Moyen-Orient ou encore en Afrique.
Aujourd'hui, en Inde, au Bangladesh et en Turquie, des dizaines de milliers d'ouvriers travaillent sans relâche dans de gigantesques chantiers navals, rebaptisés "chantiers de la mort". La technique est simple et identique sur chacun de ces sites. Les paquebots à détruire sont lancés à pleine vitesse vers la plage ! Une fois ces géants de la mer échoués, des centaines d'ouvriers s'attellent à les démanteler avec... leurs mains et parfois un chalumeau. Aucune protection, aucune mesure de sécurité. Ces carcasses sont pourtant bourrées de produits chimiques dangereux, voire mortels, chargés le plus souvent d'amiante. Mais si toutes les nations du monde envoient leur flotte y mourir, c'est justement parce que ces conditions d'exploitations inhumaines assurent des "prix imbattables". C'est d'ailleurs dans ce genre de "chantiers de la mort" qu'a faillit finir le porte-avion le Clemenceau et qu'un des fleurons de la marine marchande française, le France, est en train d'y finir ses jours. Dans un rapport daté de 1995 sur le plus grand cimetière de bateaux au monde, le chantier d'Alang en Inde, l'ingénieur Maresh Panda décrivait déjà ainsi les conditions de vie et de travail des ouvriers : "Ils avaient des problèmes de peau dus au contact de matières toxiques, des problèmes respiratoires. Les cales peuvent contenir des gaz et les découpeurs les percent au chalumeau au risque d'explosions. Le sol est saturé de produits toxiques. Or, la plupart des travailleurs sont nu-pieds et peuvent se blesser. (...) Ils étaient à 20 ou 30 dans une même baraque, dormant sur des couchettes superposées. Ils pouvaient travailler vingt heures par jour." Dans une émission d'Envoyé spécial intitulée "Les fossoyeurs d'épaves" (1), un ouvrier témoigne de l'horreur qu'il vit au quotidien : les explosions en tout genre, les copains tués ou mutilés, la survie dans les cabanes de taules et les maigres repas, etc. Et pourtant, des familles entières font parfois des milliers de kilomètres pour pouvoir travailler ici, ce qui en dit long sur la misère de pans entiers de populations de la planète !
Aux Emirats Arabes Unis, à Dubaï, des millions d'ouvriers vivent la même horreur en construisant des gratte-ciels à perte de vue (2). La Chine, comme la Corée en son temps, déporte des millions de travailleurs vers les grands centres industriels. Au total, dans le monde, 2,2 millions d'ouvriers meurent chaque année au travail. Et encore, ce chiffre officiel donné par l'Organisation internationale du travail minimise de beaucoup et volontairement la réalité.
Voici le secret du "miracle économique" des "pays émergents". Dans les années 1980 et 1990, les bourgeoisies occidentales tentaient de bercer d'illusions la classe ouvrière en lui faisant miroiter les miracles allemand, japonais ou même taïwanais. Pour retrouver une bonne santé économique, il fallait les copier : rigueur et sérieux au travail, abnégation pour l'entreprise... Aujourd'hui, les seuls "modèles" qui restent à suivre, ce sont ces bagnes industriels.
Jeanneton (25 avril)
1)
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2) Lire nos articles "Dubaï, Bangladesh : La classe ouvrière se révolte contre l'exploitation capitaliste [998]" et "Luttes ouvrières à Dubaï : un exemple de la montée de la combativité ouvrière au niveau international [1025]".
Comme nous l'avons mentionné au sein de précédentes publications, dans un certain nombre de villes ou de régions du monde 1, des éléments, souvent jeunes, indignés par les conditions actuelles et à venir d'existence de l'humanité, se retrouvent pour échanger leurs réflexions et forment ainsi des cercles de discussion. Certaines fois, il s'agit pour les éléments qui créent de tels cercles de comprendre comment et pourquoi la société actuelle s'enfonce dans la barbarie guerrière et plonge une part toujours croissante de l'humanité dans la misère. D'autres fois, de tels cercles se créent pour tirer les leçons des luttes qui ont été menées, pour comprendre ce qui les a limitées ou carrément faites échouer. Le but est alors de défendre et promouvoir, dans les prochaines luttes, les moyens de leur développement.
C'est en suivant cette seconde voie qu'une poignée d'étudiants de la faculté du Mirail, à Toulouse, a formé un cercle de discussion sous le nom de Comité de réflexion communiste. En effet, une partie de ces étudiants avait été partie prenante des luttes qui s'étaient menées en France en novembre 2007 . Marqués par cet esprit combatif, ils se réunirent d'abord en pensant qu'il était possible que la lutte ne soit pas finie et qu'il fallait examiner les moyens qui pouvaient éventuellement être employés pour la relancer. Mais rapidement, il est apparu évident que le redémarrage de la lutte n'était pour l'instant pas possible et que le but des discussions du Comité était donc, surtout, de faire le bilan de cette lutte de novembre pour préparer l'avenir.
Dans toute cette phase de la vie de ce cercle, toute une série de questions ont été posées et discutées. Il était évident pour tous - mais encore fallait-il faire la narration des événements pour que tout le monde prenne connaissance de la réalité des faits - que les syndicats étaient les principaux responsables du fait que la lutte n'avait pas pu se développer. Ainsi, le comité s'est posé la question de savoir pourquoi le Comité de lutte des étudiants de l'université était devenu le champ clos des batailles des différents syndicats qui sont animés par des groupes politiques différents, ce qui avait écœuré les étudiants qui n'appartenaient pas à telle ou telle organisation ou à un syndicat et qui, de ce fait, désertaient le Comité de lutte (et parfois la lutte elle-même). De même, pourquoi les syndicats ont-ils saboté la jonction entre les étudiants et les cheminots en lutte (2) de la même manière qu'ils ont clairement empêché celle des cheminots et des gaziers et électriciens ? Les syndicats en sont même arrivés à stigmatiser les étudiants (qui font partie du comité) qui étaient allés intervenir dans les assemblées générales de cheminots sous le prétexte qu'ils n'avaient pas été mandatés ! Ces événements ont été le point de départ d'une des premières questions que s'est posée le Comité : pourquoi les syndicats mènent-ils une telle politique ? Seraient-ils incompétents pour mener la lutte ? Est-ce que cela viendrait de l'orientation des organisations politiques qui les noyautent (le PS pour l'UNEF, le PC pour la FSE et la LCR pour SUD) ? Enfin, une telle politique ne viendrait-elle pas du fait que la forme syndicale est définitivement inadaptée dans la période actuelle comme arme de combat de la classe ouvrière ?
Cette discussion a mené à un questionnement sur les manifs organisées par les syndicats : faut-il participer à ces manifestations que beaucoup de membres du Comité ressentaient comme des processions défouloirs, organisées par les syndicats, n'ayant aucun moyen de faire reculer l'Etat ? Pour d'autres membres du Comité, ces manifestations sont appelées par les syndicats parce qu'ils ne peuvent pas faire autrement et pour empêcher que la colère n'explose dans des dimensions qu'ils ne pourraient plus contrôler ; ces manifestations sont donc des moments pendant lesquels les ouvriers en lutte peuvent se retrouver et exprimer leur solidarité - y compris contre les syndicats qui voudraient que, à la fin des manifestations, tout le monde rentre chez soi avec l'idée que l'on a fait tout ce que l'on pu et qu'il ne reste plus maintenant qu'à les laisser négocier.
Le Comité a aussi tenté de répondre aux questions qui s'étaient posées dans la lutte en prenant le problème par un tout autre bout : si les sections syndicales des différentes corporations n'ont pas rejoint les étudiants, n'est-ce pas parce que la situation des membres de ces corporations est en fait assez confortables ? La lutte des cheminots, celle des enseignants... n'étaient-elles pas celles de catégories socio-économiques voulant garder leurs acquis et non des expressions de la lutte de la classe ouvrière ? En d'autres termes le Comité s'est posé la question de savoir si l'on ne devait pas comprendre la classe ouvrière comme seulement composée des précaires, des chômeurs et des habitants des banlieues. La discussion qui a eu lieu sur ce thème a permis de conclure que l'appellation "classes moyennes" était en fait une astuce idéologique de la classe dominante pour qu'une grande partie des prolétaires ne se considèrent pas comme ouvriers. Et pourtant, quels que soient les secteurs, dans le privé comme dans le public, dans les ateliers ou dans les bureaux, au chômage ou à la retraite, c'est bien la même classe, la classe ouvrière, qui est exploitée et attaquée, c'est bien la même classe qui est de plus en plus précarisée et qui a de plus en plus de difficultés à "joindre les deux bouts". De même, le Comité a pu affirmer clairement que ce n'est pas le très bas niveau de salaire ou le fait de ne pas être propriétaire de son logement qui permet de qualifier tel ou tel être humain de prolétaire, mais le fait qu'il n'a que sa force de travail (manuelle ou intellectuelle) à vendre. Sur cette base, la discussion nous a permis d'établir que les habitants des banlieues, que le capitalisme a marginalisés, sont des prolétaires tout autant que la plupart des membres des prétendues "classes moyennes". Que l'atroce misère et la marginalisation dans laquelle les a poussés le capitalisme les amène à se lancer dans des révoltes isolées - et malheureusement suicidaires - ne change rien à cette réalité et cela signifie que l'avenir de leur lutte ne passe pas par ces émeutes mais par la lutte solidaire avec les autres prolétaires.
Le rôle des syndicats comme frein ou saboteurs du développement de la lutte a amené le Comité à se demander pourquoi l'assemblée générale n'avait pas su s'opposer à leur politique. Plusieurs sortes de réponses ont été apportées par les membres du Comité : pour certains, il est nécessaire qu'une minorité dirige l'assemblée générale pour que cette dernière puisse se donner les moyens de développer la lutte ; pour d'autres, la prise de décisions par une minorité à la place de l'assemblée générale ne peut en aucun cas aboutir à renforcer la lutte. Comme pour toute lutte ouvrière, ce sont les ouvriers eux-mêmes et eux seuls qui peuvent développer la lutte et donc le décider ; dans un tel cadre, les minorités qui ont une meilleure compréhension des moyens de développer la lutte doivent tout faire pour convaincre l'ensemble des ouvriers réunis en assemblée générale de l'orientation qui permettra de développer la lutte. Cette discussion a permis de débattre sur la manière dont évoluait la conscience des ouvriers et des étudiants individuellement et collectivement.
Toutes ces questions étant à la base de différences d'appréciation réelles entre les membres du Comité, il a été décidé de lire et discuter un certain nombre de textes anciens du mouvement ouvrier qui donnent un éclairage important. C'est donc en cherchant à répondre aux questions posées par la lutte que le Comité a été amené à discuter le livre de Rosa Luxembourg Grève de masse, parti et syndicats qui permet non seulement de comprendre l'évolution des syndicats, mais aussi de voir quel est le rôle des communistes dans la lutte. Suite à la discussion de ce premier livre, le Comité discute en ce moment celui de Léon Trotski Bilan et perspectives.
Enfin, le Comité a décidé à ne pas se limiter à ces questions et a décidé de discuter d'autres questions qui touchent à ce que nous savons tous comme nécessaire : la nécessité du changement de la société. C'est en ce sens, par exemple, que le Comité a décidé d'examiner la réalité et les conséquences de la politique menée par H. Chavez au Venezuela.
Comme nous l'avons dit précédemment, ce Comité n'est pas isolé, dans bien d'autres pays, des ouvriers et des étudiants élaborent de telles discussions. Bien sûr, comme on peut le voir dans ce qui précède, tous ces débats ne se terminent pas par un accord au sein du Comité, mais le CCI salue et encourage la création et le développement de tels regroupements parce que c'est par de telles discussions que des questions essentielles sur les causes de l'état catastrophique du monde actuel, sur les moyens qu'il faut utiliser pour le développement de la lutte et sur la perspective de l'avènement du communisme se clarifient. C'est pour cela et avec cet état d'esprit que le CCI participe chaque fois qu'il le peut à ce type de débat.
Ces regroupements participent du fait que la classe ouvrière se forge les armes pour les inévitables combats qui sont à venir.
Paul (28 mars)
1) )
Lire notamment nos articles sur des cercles de discussion aux
Midlands et à Bruxelles ("Groupe
de discussion des Midlands en Grande-Bretagne : un lieu de
clarification de la conscience de classe [1027]"
et "Discussion :
entre le rêve et les faits, sur l'identité et
l'Etat [1028]").
2) Les membres de ce cercle de discussion de Toulouse avaient d'ailleurs dénoncé par écrit, dans le feu de la lutte, ce sabotage de l'unité par les syndicats étudiants et cheminots, témoignages que nous avons publiés, sur notre site web, sous le titre : "Comment les syndicats ouvriers et étudiants pourrissent la lutte et la réflexion (témoignages dans la lutte) [1029]".
Depuis août 2007, avec l'effondrement des prêts hypothécaires appelés "subprimes", on assiste à un nouvel épisode des convulsions qui affectent l'ensemble du capitalisme mondial. Les mauvaises nouvelles se succèdent : les taux d'inflation s'emballent (aux Etats-Unis, l'année 2007 a été la plus mauvaise depuis 1990), le chômage remonte, les banques annoncent des pertes par milliards, les Bourses vont de chute en chute, les indicateurs de croissance pour 2008 sont sans cesse révisés à la baisse... Ces données négatives se traduisent concrètement dans la vie quotidienne des travailleurs en tragédies comme celles de se retrouver sans emploi ou expulsé parce qu'on ne peut plus payer les crédits, par des pressions et des menaces à répétition dans le travail, des pensions de retraite qui se dévalorisent et font de la vieillesse une souffrance plus forte avec la misère... Des millions d'êtres humains anonymes dont les sentiments, les préoccupations et les angoisses ne font pas de la matière pour l'info journalistique, sont durement affectés.
Face à la nouvelle éruption de la crise, que nous disent les personnalités et les institutions considérées comme "expertes" ? Il y en a pour tous les goûts : il y a les catastrophistes qui prédisent une débâcle apocalyptique au coin de la rue ; il y a les optimistes qui disent que tout est dû à la spéculation, mais que l'économie réelle va bien... Cependant, l'explication la plus courante, c'est que nous serions face à une "crise cyclique" comme beaucoup d'autres que le capitalisme a connues dans le passé tout le long de son histoire. Par conséquent, nous conseillent-ils, nous devons rester tranquilles, courber l'échine contre la tempête jusqu'à ce que reviennent les périodes de vaches grasses d'une nouvelle prospérité...
Cette "explication" prend comme modèle une photo jaunie, en la déformant, de ce qui arrivait au xixe siècle et au début du xxe, mais qui est inapplicable à la réalité et aux conditions du capitalisme de la plus grande partie du xxe siècle et du xxie.
Le xixe siècle fut l'époque d'expansion et de croissance du capitalisme, qui s'étend comme une tache d'huile par le monde entier. Cependant, périodiquement, il était secoué par la crise, comme le Manifeste communiste le mit en évidence : "Chaque crise détruit régulièrement non seulement une masse de produits déjà créés, mais encore une grande partie des forces productives déjà existantes elles-mêmes. Une épidémie qui, à toute autre époque, eût semblé une absurdité, s'abat sur la société, l'épidémie de la surproduction. La société se trouve subitement ramenée à un état de barbarie momentanée ; on dirait qu'une famine, une guerre d'extermination lui ont coupé tous ses moyens de subsistance ; l'industrie et le commerce semblent anéantis. Et pourquoi ? Parce que la société a trop de civilisation, trop de moyens de subsistance, trop d'industrie, trop de commerce. Les forces productives dont elle dispose ne favorisent plus le régime de la propriété bourgeoise ; au contraire, elles sont devenues trop puissantes pour ce régime qui alors leur fait obstacle; et toutes les fois que les forces productives sociales triomphent de cet obstacle, elles précipitent dans le désordre la société bourgeoise tout entière et menacent l'existence de la propriété bourgeoise. Le système bourgeois est devenu trop étroit pour contenir les richesses créées dans son sein». Cette entrée périodique de la société capitaliste dans des phases d'effondrement avait deux causes principales qui sont toujours présentes aujourd'hui. Premièrement, la tendance à la surproduction - telle que le Manifeste la décrit - qui entraîne la faim, le chômage et la misère, non pas parce qu'il y aurait une pénurie de biens (comme c'était le cas dans les sociétés antérieures), mais à cause du contraire, par excès de production (!), parce qu'il y a trop d'industries, trop de commerce, trop de ressources ! Deuxièmement, parce que le capitalisme fonctionne d'une façon anarchique à travers une concurrence féroce qui jette les uns contre les autres. Ceci provoque une répétition des moments de désordre incontrôlé. Cependant, parce qu'il y avait des nouveaux territoires à conquérir pour le travail salarié et la production marchande, on finissait, tôt ou tard, par dépasser ces moments grâce à une nouvelle expansion de la production qui étendait et approfondissait les rapports capitalistes, particulièrement dans les pays centraux d'Europe et d'Amérique du Nord. A cette époque, les moments de crise étaient comme les battements d'un cœur sain et les vaches maigres laissaient la place à une nouvelle étape de prospérité. Mais déjà à ce moment là, Marx percevait dans ces crises périodiques quelque chose de plus qu'un simple cycle éternel qui déboucherait toujours sur la prospérité. Il y voyait les expressions des contradictions profondes qui minent le capitalisme jusque dans ses propres racines en le précipitant vers sa ruine.
Au début du xxe siècle, le capi-talisme atteint son apogée, il s'est étendu sur toute la planète, la plus grande partie du globe se trouve sous la domination du travail salarié et de l'échange marchand. C'est ainsi qu'il est entré dans sa période de décadence. "A l'origine de cette décadence, comme pour celle des autres systèmes économiques, se trouve l'inadéquation croissante entre le développement des forces productives et les rapports de production. Concrètement, dans le cas du capitalisme, dont le développement est conditionné par la conquête de marchés extra capitalistes, la Première Guerre mondiale constitue la première manifestation significative de sa décadence. En effet, avec la fin de la conquête coloniale et économique du monde par les métropoles capitalistes, celles-ci sont conduites à s'affronter entre elles pour se disputer leurs marchés respectifs. Dès lors, le capitalisme est entré dans une nouvelle période de son histoire qualifiée par l'Internationale communiste en 1919 comme celle des guerres et des révolutions" (1). Les traits essentiels de cette période sont, d'un côté, l'explosion des guerres impérialistes, expression de la lutte à mort entre les différents États capitalistes pour étendre leur influence aux dépens des autres et de la lutte pour le contrôle d'un marché mondial devenu de plus en plus étroit, qui ne peut plus assurer un débouché suffisant pour une telle abondance de rivaux ; d'un autre côté, il y a une tendance pratiquement chronique à la surproduction, de sorte que les convulsions et les catastrophes économiques se multiplient. Autrement dit, ce qui caractérise globalement le xxe et le xxie siècles, c'est la tendance à la surproduction - temporaire au xixe et pouvant être dépassée facilement - qui devient chronique, soumettant ainsi l'économie mondiale à un risque quasi-permanent d'instabilité et de destruction. D'un autre côté, la concurrence - trait congénital du capitalisme - devient extrême et, en se heurtant à un marché mondial qui tend constamment vers sa saturation, elle perd son caractère de stimulation de l'expansion pour ne développer que son caractère négatif et destructeur de chaos et d'affrontement. La Guerre mondiale de 1914-18 et la grande Dépression de 1929 constituent les deux expressions les plus spectaculaires de la nouvelle époque. La première fit plus de 20 millions de morts, causa des souffrances horribles et provoqua un traumatisme moral et psychologique qui a marqué des générations entières. La deuxième fut un effondrement brutal avec des taux de chômage de 20-30 % et une misère atroce qui frappa les masses travailleuses des pays dits "riches", les Etats-Unis en tête. La nouvelle situation du capitalisme sur le terrain économique et impérialiste entraîna des changements importants sur le terrain politique. Pour assurer la cohésion d'une société frappée par la tendance chronique à la surproduction et à de violents conflits impérialistes, l'État, bastion ultime du système, intervient massivement dans tous les aspects de la vie sociale et, surtout, les plus sensibles : l'économie, la guerre et la lutte de classe. Tous les pays s'orientent vers un capitalisme d'Etat qui prend deux formes : celle qu'on appelle mensongèrement "socialiste" (une étatisation plus ou moins complète de l'économie) et celle appelée "libérale", dont la base est l'assemblage plus ou moins ouvert entre la bourgeoise privée classique et la bureaucratie d'État.
Ce rappel bref et schématique des caractéristiques générales de l'époque historique actuelle du capitalisme doit nous servir pour situer la crise présente, en l'analysant d'une façon réfléchie, éloignée autant du catastrophisme alarmiste et immédiatiste que, et surtout, de la démagogie optimiste de la "crise cyclique" (2).
Après la Seconde Guerre mondiale, le capitalisme, du moins dans les grandes métropoles, réussit à vivre une période plus ou moins longue de prospérité. Le but de cet article n'est pas d'en analyser les causes (3), mais ce qui est certain, c'est que cette phase (contrairement à tous les sermons des gouvernants, des syndicalistes, des économistes et même de certains qui se disaient "marxistes" qui nous racontaient que le capitalisme avait dépassé définitivement les crises) a commencé à se terminer à partir de 1967. D'abord avec la dévaluation de la livre sterling, après avec la crise du dollar en 1971 et la première crise dite "du pétrole" en 1973. A partir de la récession de 1974-75, une nouvelle étape s'ouvre où les convulsions se multiplient. Faisant un rapide résumé, on peut citer : la crise inflationniste de 1979 qui toucha les principaux pays industrialisés, la crise de la dette en 1982, l'effondrement boursier de Wall Street en 1987 suivi de la récession de 1989, la nouvelle récession de 1992-93 qui entraîne la débandade de toutes les monnaies européennes, la crise des "tigres" et des "dragons" asiatiques de 1997 et la crise de la "nouvelle économie" de 2000-2001. Pourrait-on expliquer cette succession d'épisodes convulsifs en utilisant au forceps le schéma des "crises cycliques" ? Non et mille fois non ! La maladie incurable du capitalisme, c'est la rareté dramatique des marchés solvables, un problème qui n'a cessé de s'aggraver tout au long du xxe siècle et qui est réapparu violemment à partir de 1967. Mais contrairement à 1929, le capitalisme d'aujourd'hui a affronté la situation armé du mécanisme de l'intervention massive de l'État, qui essaya d'accompagner la crise pour éviter un effondrement incontrôlé.
Quel est l'outil principal que l'État utilise pour essayer de brider le cheval emballé de la crise qui l'entraîne et le piétine, pour essayer de l'adoucir, de la repousser, d'éviter - du moins dans les pays centraux - ses effets les plus catastrophiques ? L'expérience nous a montré que cet outil a été le recours systématique au crédit. Grâce à un endettement qui, au bout de quelques années, est devenu abyssal, les Etats capitalistes ont créé un marché artificiel qui offrait plus ou moins un débouché à une surproduction qui ne cessait d'augmenter. Pendant 40 ans, l'économie mondiale est parvenue à éviter un effondrement fracassant en recourant à des doses de plus en plus massives d'endettement. L'endettement est au capitalisme ce que l'héroïne est au drogué. La drogue de l'endettement fait que le capitalisme tient encore debout, en s'appuyant sur le bras du monstre étatique - qu'il soit "libéral" ou "socialiste". Avec la drogue, il atteint des moments d'euphorie où on a l'impression d'être dans les meilleur des mondes possibles (4) mais, de plus en plus fréquemment, apparaissent des périodes contraires, des périodes de convulsion et de crise, comme celle que nous vivons depuis l'été 2007. Au fur et à mesure que l'on augmente les doses, la drogue a un effet moindre sur le drogué. Il faut une dose plus grande pour atteindre une stimulation de plus en plus petite. Voilà ce qui arrive au capitalisme actuel ! Après 40 ans d'injections de la drogue "crédit" sur un corps troué de piqûres, l'économie capitaliste mondiale a de plus en plus de difficultés pour réagir et pour atteindre une nouvelle période d'euphorie.
Voilà ce qui est en train de se passer à l'heure actuelle. En août dernier, on nous a dit que tout était revenu à la normale grâce aux prêts injectés par les banques centrales aux organismes financiers. Depuis lors, on a injecté rien de moins que cinq cents milliards d'euros en trois mois sans qu'on n'ait ressenti le moindre effet. L'inefficacité de ces mesures a fini par semer la panique et le mois de janvier 2008 a commencé par une chute générale des Bourses mondiales (5). Pour juguler l'hémorragie, aux Etats-Unis, le gouvernement et l'opposition, main dans la main avec la Réserve fédérale (FED) annoncent le 17 janvier le "remède miracle" de donner à tous les foyers un chèque de 800 $. Cependant, une telle mesure, qui en 1991 fut très efficace, provoque le lundi 21 janvier une rechute des Bourses mondiales aussi grave que la débâcle de 1987. Le même jour, en urgence et dans la précipitation, la FED réduit de trois quarts de point les taux d'intérêt en réalisant ainsi la plus forte réduction de ce taux depuis 1984. Mais le 23 janvier - au moment où nous écrivons cet article - les Bourses du monde, sauf Wall Street, souffrent d'un nouvel effondrement. Quelle est la cause de cette poursuite des convulsions, malgré l'énorme effort de crédit réalisé par les États centraux qui ont mobilisé tous les instruments à leur disposition : les prêts aux banques entre les mois d'août et novembre, les réductions des taux d'intérêt, les réductions fiscales ? Les banques, utilisées massivement par les États comme appâts pour engager les entreprises et les ménages dans une spirale de dettes, se retrouvent dans un état pitoyable, les unes après les autres, à commencer par les plus grandes (comme la Citigroup) en annonçant des pertes gigantesques. On parle d'un phénomène qui pourrait aggraver encore plus la situation : une série d'organismes d'assurances, dont la spécialité est de rembourser aux banques leurs "mauvaises" créances en lien avec les subprimes ont, semble-t-il, d'énormes difficultés pour le faire. Mais il y a encore un problème bien plus inquiétant qui parcourt, tel un tsunami, l'économie mondiale : le réveil de l'inflation. Pendant les années 1970, l'inflation frappa durement les foyers modestes, et elle revient aujourd'hui avec virulence. En réalité, les pièges du crédit, les mesures de capitalisme d'Etat, ne l'avaient pas éliminée, mais tout simplement retardée. Tout le monde craint maintenant qu'elle ne s'emballe et que les prêts gigantesques des banques centrales, les réductions fiscales ou celles des taux d'intérêt, n'arrivent qu'à emballer encore plus le moteur sans réussir à relancer la production. La crainte généralisée est que l'économie mondiale n'entre dans une phase dite de "stagflation", autrement dit, d'une dangereuse combinaison de récession et d'inflation, ce qui, pour la classe ouvrière et la majorité de la population, signifie une nouvelle plongée dans le chômage et la misère associée à la montée en flèche des prix pour tous les produits de base. À ce drame s'ajoute, et ce n'est qu'un exemple, celui de plus de 2 millions de foyers américains réduits à l'insolvabilité.
Comme la drogue, le recours désespéré au crédit mine et détruit peu à peu les fondements de l'économie, en la rendant plus fragile, en provoquant en son sein des processus de pourrissement et de décomposition chaque fois plus exacerbés. On peut déduire, de cette brève analyse de la situation de ces derniers mois, que nous nous trouvons face à la pire et à la plus longue convulsion du capitalisme de ces 40 dernières années. Tout cela peut se vérifier si on analyse les 4 derniers mois, non pas en eux-mêmes - tel que le font les "experts", incapables de voir plus loin que le bout de leur nez - mais en tenant compte des 40 dernières années. C'est ce que nous verrons plus en détail le mois prochain, dans la seconde partie de cet article. Nous montrerons aussi à quel point la bourgeoisie reporte de façon toujours plus brutale les effets de sa crise sur le dos des travailleurs et nous tenterons enfin de répondre à la question initiale : Existe-t-il une issue à la crise ?
Traduit d'Acción proletaria nº 199, publication du CCI en Espagne
1)
17e Congrès du CCI, 2007. "Résolution
sur la situation internationale [1030]».
2)
Dans cette campagne électorale que nous subissons ces
jours-ci en Espagne (il s'agit des élections législatives
d'avril 2008), les deux grands adversaires rivalisent en jouant
chacun une partition différente : d'un coté le
Parti populaire (droite) brandit l'étendard du
catastrophisme, tandis que, de son coté, le Parti socialiste
(PSOE) chante le refrain "Du calme, rien à signaler". Les
deux mentent et peut-être bien que l'un et l'autre ne
savent pas très bien où ils vont.
3)
Voir la "Résolution
sur la situation internationale [1030]"
citée ci-dessus.
4)
Cette sensation d'euphorie est bien amplifiée par tous les
défenseurs du capitalisme, pas seulement les politiciens, les
patrons et les syndicats, mais tout particulièrement par ceux
qu'on appelle les "faiseurs d'opinion", autrement dit, les
medias. On rehausse et on souligne les aspects positifs et on
sous-estime ou l'on met de coté les négatifs, ce qui
contribue évidemment à propager ce sentiment
d'euphorie.
5) Pour se faire une idée, en Espagne, selon les données de l'IESE, 89 milliards d'euros en 20 jours. On estime que la chute des bourses mondiales pendant le mois de janvier est de 15 % selon les chiffres le plus optimistes.
Le mois de mai a été émaillé de grèves et de manifestations et le mois de juin s'annonce lui aussi mouvementé. Il faut dire que la colère est forte dans les rangs ouvriers. Qu'elle soit au travail, au chômage ou à la retraite, toute la classe ouvrière ressent un profond ras-le-bol. Les prix flambent, les soins médicaux deviennent inaccessibles, les allocations s'effondrent... Mais plus encore que la situation immédiate, c'est la noirceur de l'avenir qui inquiète. Même les médias ne peuvent cacher ce mécontentement grandissant, simplement ils en parlent avec des mots bien choisis et bien à eux : "Le moral des ménages français au plus bas depuis 1987" (1). Ce qu'ils oublient volontairement d'écrire, c'est que derrière cette baisse du "moral des ménages", il y a surtout une montée de la combativité des familles ouvrières ! Un seul exemple : pour protester contre les 18 000 suppressions de postes frappant les établissements scolaires à la rentrée prochaine, 40 000 enseignants et élèves se sont retrouvés dans les rues de Paris le dimanche 18 mai !
Pourtant, ce mécontentement généralisé n'a enfanté, pour l'instant, aucune lutte d'ampleur. Pourquoi ?
En apparence, les syndicats ont tout fait pour mobiliser. Tout au long du mois de mai, les manifestations se sont enchaînées à un rythme effréné : le 15, le 18, le 22, le 24... Chaque fois, ces journées d'actions ont rassemblé des dizaines de milliers d'ouvriers. Mais en fait, derrière leurs appels bidons à la lutte, les syndicats se sont attelés à un véritable travail de sape.
Le 15 mai, un appel à la grève de toute la fonction publique est lancé contre les suppressions de postes. Trois jours après, sur cette même question, la journée d'actions ne concernait plus que les seuls enseignants. Pourquoi cette réduction au secteur de l'enseignement ? En 2003 déjà, lors de la lutte contre la réforme des retraites, les enseignants avaient essuyé une cuisante défaite et payé cher (plusieurs mois de salaires pour certains) leur isolement. Les syndicats leur refont ici le même coup, à plus petite échelle. Cette cible n'est d'ailleurs pas choisie au hasard car la colère y est particulièrement grande. Depuis plusieurs années maintenant, les coupes claires se succèdent et les conditions de travail se détériorent à toute vitesse. Il y a un "risque" pour le gouvernement et les syndicats de voir ce secteur partir en lutte et entraîner derrière lui d'autres parties de la classe ouvrière, d'autant plus que la jeunesse lycéenne a déjà commencé à se porter aux côtés de leurs enseignants (et la bourgeoisie sait à quel point cette jeunesse, qui s'est mobilisée en 2006 contre le CPE et en 2007 contre la loi LRU, porte en elle l'élan de la solidarité). La classe dominante s'applique donc à isoler ce secteur et à saucissonner ses luttes. En mars et avril, les syndicats ont ainsi fait défiler les lycées les uns après les autres devant les différentes préfectures de France. Le spectacle était surréaliste. Il faut imaginer jour après jour, une centaine d'élèves et de professeurs du lycée Malraux, ou Jaurès, ou Blum, venir se planter une heure devant la préfecture, sono syndicale à fond, puis repartir comme ils étaient venus, sans même parfois savoir qu'un autre lycée était là la veille, au même endroit et pour les mêmes raisons ! Les manifestations enseignantes des 18 et 24 mai furent la suite logique de cet épandage, par les syndicats, du poison de l'isolement et de la dispersion.
Décidément, plus on y regarde de près, plus le sabotage apparaît évident, voire caricatural. Même les manifestations des 15 et 22 mai n'avaient "d'unitaires" que le nom. Le 15, sur la question des suppressions de poste, l'appel ne concernait que la fonction publique comme si le privé n'était pas touché par ce problème ! La mobilisation du 22, qui devait enfin rassembler public et privé sur la question commune des retraites, est venue volontairement trop tard, les enseignants et les lycéens ne pouvant se mobiliser ainsi tous les trois jours et devant privilégier, sous les consignes syndicales, "leurs" manifestations. Cerise sur le gâteau, pour être bien sûrs qu'il n'y aurait pas trop de monde, les syndicats ont pris même soin de lancer un appel à la grève pour la SNCF et la RATP, faisant craindre à beaucoup les perturbations d'un déplacement ! Ainsi, amputée du secteur le plus combatif et de la jeunesse lycéenne, cette dernière manifestation de mai ne fut qu'un morne défilé, sans vie ni entrain. Il est évident qu'au lieu de ces multiples journées d'action, une seule et même manifestation, appelant tous les secteurs à se battre contre les suppressions de postes et pour la retraite, aurait eu un tout autre impact !
Mais tout ce travail de sabotage systématique des mobilisations est de plus en plus apparent aux yeux de la classe ouvrière. Lors d'une réunion de coordination dans un lycée de la région de Tours, et suite aux interventions de militants du CCI, une enseignante est venue nous demander inquiète : "Les syndicats sont-ils incompétents ou malveillants ?". Non, il ne s'agit pas là d'incompétence ou d'erreurs malheureuses, mais d'une politique délibérée et consciente.
Les syndicats se rendent parfaitement compte que leur crédit aux yeux des ouvriers est en train de fondre à mesure des attaques gouvernementales. Cet automne, lors de la lutte contre l'abrogation des régimes spéciaux, la collusion entre syndicats et gouvernement fut si flagrante qu'elle en ébranla même les troupes cégétistes et cédétistes. On se souvient de Thibault hué par les cheminots et de Chérèque contraint de quitter honteux le cortège de la manifestation du 20 novembre ! Les organisations syndicales doivent donc tenter d'apparaître comme combatives pour ne pas se discréditer totalement alors que les attaques massives pleuvent à coups redoublés sur l'échine de tous les ouvriers. C'est pourquoi, en cette fin mai, ils sont contraints de jouer la carte de l'omniprésence sur tous les fronts sociaux.
Il existe partout, et depuis des mois, quantité de petites grèves. Et partout, les syndicats ont eu la même attitude : calmer les ardeurs et focaliser l'attention sur des aspects spécifiques des attaques au secteur concerné. Pendant des mois, le black-out des médias sur ces luttes et l'organisation de leur dispersion par les syndicats ont été l'arme du gouvernement pour masquer la colère ouvrière. En revanche, lorsque les syndicats bombent le torse et "durcissent" un mouvement, comme c'est le cas dans les services des impôts, les médias rompent le silence en leur faisant même un peu de publicité. Ainsi, fin mai, la perturbation d'une dizaine de centres des impôts a eu, elle, l'honneur des médias. Dans tous ces centres, le scénario est presque identique : vote de grèves reconductibles par une poignée de syndicalistes dans des parodies d'AG, blocage des centres aux "usagers" (en pleine période de remise de déclaration annuelle d'impôt sur le revenu) et appel de la police par la direction qui intervient en surnombre (leur déploiement est plus important que le nombre de grévistes) pour permettre, parfois au prix de petites bousculades, la réouverture des centres administratifs. Puis les syndicats, ces organes de l'appareil d'Etat qui ne cessent depuis des mois de travailler, en catimini, main dans la main avec le gouvernement pour faire passer les attaques à répétition, tentent ainsi de se présenter, CGT en tête, comme les cibles et les victimes de la répression policière ! Ce radicalisme de façade correspond à un triple objectif. D'abord, "lâcher de la vapeur" et faire en sorte que les éléments les plus combatifs puissent se défouler dans une "lutte" totalement quadrillée par les syndicats et qui n'a donc aucune possibilité de s'étendre. Ensuite, parce que la majorité des ouvriers ne se reconnaissent pas dans ce genre d'action "radicale" minoritaire, inhibante et stérile, les syndicats peuvent en profiter pour faire passer à leurs troupes le message frauduleux suivant : "si vous n'avez pas été suivis, c'est parce que la classe ouvrière n'est aujourd'hui pas assez combative". Tous les syndiqués ayant participé de bonne foi à ce genre d'actions, en ressortent déboussolés et démoralisés !
Enfin, les blocages, voire les affrontements avec les forces de l'ordre, organisés sous les projecteurs médiatiques, permettent de créer l'illusion de la combativité syndicale (2).
Ce mouvement aux impôts est significatif du type de manœuvres qui vont se multiplier dans les prochains mois. D'ailleurs, sur le terrain de la fausse radicalité, toutes les confédérations viennent de pousser de hauts cris, dont les médias se sont faits évidemment l'écho, contre le nouveau projet de loi sur le temps de travail : "A la hâte, la CGT et la CFDT déterrent la hache de guerre", "La CGT et la CFDT vent debout contre la réforme des 35 heures" (3)... Une manifestation est prévue le 17 juin (4). Mais d'ores et déjà, tous ces cris d'orfraie apparaissent pour ce qu'ils sont : des gesticulations hypocrites. Les syndicats organisent d'ailleurs déjà la division : une autre manifestation, contre la mobilité des fonctionnaires, est prévue le 10 juin. Pourquoi un sabotage aussi évident ? Tout simplement parce que le climat actuel ne leur permet pas de mener un mouvement syndical d'ampleur sans risquer d'en perdre le contrôle. Ils ne peuvent pas se permettre de rassembler en un même endroit trop de secteurs différents de la classe ouvrière !
Face aux attaques incessantes du capital, la combativité va continuer de se développer et le sabotage syndical sera de plus en plus criant, alimentant la réflexion sur la nature réelle de ces officines. Restera alors le pas le plus difficile à franchir : oser se passer des "spécialistes officiels de la lutte" pour organiser nous-même les assemblées générales, aller chercher la solidarité et étendre le combat par l'envoi de délégations massives aux usines, aux écoles, aux administrations, aux hôpitaux voisins,... bref, oser prendre en mains nos luttes ! La classe ouvrière peut et doit acquérir cette confiance en sa force collective !
Pawel (31 mai)
1) Le Nouvel Observateur et Le Monde du 28 mai.
2) Un autre mouvement, et de façon bien plus importante encore, a eu les honneurs de la presse : la "lutte" des marins-pêcheurs. Ce simple fait doit attirer l'attention et la méfiance. Pourquoi une telle publicité ? Mieux encore, alors qu'il y a un véritable black-out sur les luttes ouvrières internationales (lire, par exemple, les trois articles de ce journal aux Etats-Unis [1031], au Venezuela [1032] et en Grande-Bretagne [1033]), les actions des marins-pêcheurs de toute l'Europe sont détaillées en large et en travers aux journaux télévisés de 20 h. La raison en est simple : les marins-pêcheurs sont soit des petits patrons (propriétaires de leurs bateaux), soit des ouvriers dont le rêve premier est de devenir petit patron. Ainsi, même s'il est vrai que leur condition de vie et de travail sont pour tous très rudes, voire inhumaines, il n'en reste pas moins qu'ils se battent souvent pour leur intérêt particulier et corporatiste. La bourgeoisie fait toujours une large publicité à leur mouvement car elle veut promouvoir l'idée que pour obtenir quelque chose il faut se battre dans son coin, pour soi et non pour les autres.
3) Libération et la Tribune du 30 mai.
4) Il est bon de se rappeler en passant que les syndicats avaient en 2002 "négocié" avec les 35h, le gel des salaires, la flexibilité et, souvent, l'annualisation du temps de travail !
Le 15 avril dernier, des travailleurs sans papiers, pour la plupart embauchés dans les fameux "secteurs en tension" (1), se mettaient en grève. En plus de subir les pires conditions de travail, ces prolétaires sont traités comme des délinquants, contraints de vivre dans la clandestinité permanente, l'angoisse quotidienne et la terreur du contrôle et de l'expulsion (2). Ceux qui ont pris le risque de tout perdre en faisant grève au grand jour pour faire cesser une situation insupportable font preuve d'un grand courage. Mais en se mettant sous les banderoles de la CGT, ils sont en réalité tombés dans un piège !
Cette grève avait de fait été préparée de longue date, plusieurs mois à l'avance. La CGT avait organisé un appel à la syndicalisation massive de ces ouvriers, avec pour objectif affiché de mettre en oeuvre une action de masse et médiatisée pour... se faire de la pub, comme une vulgaire opération de marketing. Pour être médiatisée, elle le fut en effet. Au sein du cortège syndical parisien du 1er mai, on ne voyait qu'eux. La presse écrite et télévisée en a parlé tous les jours, galvanisant les troupes qu'une CGT en mal de publicité et de crédibilité voulait voir s'agréger autour d'elle, suscitant d'immenses faux espoirs. Ainsi, des milliers de travailleurs "clandestins" se sont engouffrés dans le mouvement, espérant la fin de leurs cauchemars : pouvoir vivre et dormir sans avoir à se cacher et sans craindre les rafles policières. Mais, au bout du compte, ce sont à peine plus de 800 dossiers qui seront déposés. Pourquoi seulement 800 et pas plusieurs milliers, comme avait pu le laisser entendre la CGT avec sa prétendue "action de soutien de masse" ? Parce que la centrale syndicale avait auparavant déjà négocié en secret avec le gouvernement pour précisément et uniquement 800 dossiers de "régularisation", point final ! Pour tous les autres, cette manœuvre n'a pas simplement suscité une immense déception, elle a surtout permis leur fichage par les préfectures !
Ceux qui ont osé poser des questions sur cette magouille de la CGT avec le gouvernement de Sarkozy se sont vus renvoyer dans les cordes par un "laissez-nous faire !" hautain, méprisant, voire menaçant (3). Refusant de se laisser traiter ainsi, tous ceux qui dans l'affaire se sont sentis floués et trahis, ont envahi et occupé, début mai, les locaux de la CGT de la Bourse du travail de Paris. Les explications se sont multipliées sur cet épisode faisant tâche dans les médias et on a même parlé d'un manque de courage de la CGT devant le gouvernement. La CGT n'a en réalité pas "manqué de courage", elle a fait son habituel sale boulot de saboteur de la lutte ouvrière, comme elle le fait dans toutes les entreprises et contre TOUTE la classe ouvrière. Elle a travaillé main dans la main avec le gouvernement pour aider à remplir les fichiers de la préfecture de police qui conduiront aux nouvelles charrettes d'expulsions de demain ! Rien de nouveau sous le ciel capitaliste ! En 2006, toute la gauche politique, syndicale et associative avait incité les sans papiers ayant des enfants scolarisés à se déclarer massivement auprès de leur préfecture. Au final, seulement un millier de dossiers avaient débouché sur une régularisation, et de l'aveu même des organismes d'immigration, il ne pouvait en être autrement, ce que les associations savaient depuis le début (4). Et tous les autres ont été expulsés manu militari par charters entiers. A l'époque, cette opération avait permis de roder le système ELOI (5) qui se mettait en place. En 2006, c'était "Droits devant !" qui était à l'initiative de cette cynique opération (6). Aujourd'hui, la bourgeoisie plante le même poignard dans le dos des travailleurs immigrés. Et si cette fois-ci, c'est à la CGT qu'est revenue la charge principale de cette basse besogne, c'est pour viser spécifiquement ceux qui ont un travail régulier, du fait de son implantation dans les entreprises.
Aussi longtemps qu'ils s'en remettront aux syndicats ou aux associations de gauche, les sans papiers se verront livrés pieds et poings liés à la police. Leurs luttes, aussi combatives et courageuses soient-elles, resteront sans issue car isolées et marginalisées du combat unitaire du prolétariat. Tel fut encore une fois le cas : en s'emparant du rôle de "défenseur exclusif" et de "porte-parole" du mouvement, la CGT a étouffé dans l'œuf tout élan de solidarité que cette grève aurait pu soulever chez tous les ouvriers.
Le seul souffle d'espoir réel, la seule perspective qui s'offrent aux travailleurs sans papiers, c'est de chercher la solidarité de leurs frères de classe. Comme pour tous les ouvriers, ils ne pourront sortir du piège de l'isolement qu'en étant capables de relier leur lutte aux combats de toute la classe ouvrière.
GD (23 mai)
1) Il s'agit de secteurs les plus pénibles, les plus précaires ou les plus mal payés en "pénurie de main-d'oeuvre" comme l'hôtellerie, la restauration ou les travaux publics, secteurs où les conditions d'exploitation et l'insécurité de l'emploi sont à leur niveau maximal.
2) Rappelons qu'il y a eu plusieurs cas de mort "accidentelle" ces derniers mois face au durcissement des lois Hortefeux, certains travailleurs clandestins cédant à la panique pour tenter d'échapper aux perquisitions ou aux contrôles de police.
3) Ce mépris, les ouvriers, qu'ils soient d'ici ou d'ailleurs, ne le connaissent que trop bien. D'autres sans papiers en avaient d'ailleurs fait l'amère expérience, l'an dernier, en se faisant mettre dehors par les syndicats de la Bourse du travail qu'ils occupaient. Voir "Quand les syndicats expulsent les sans-papiers [1034]", RI n° 379, mai 2007.
4) Voir "Expulsions de sans-papiers, quand la gauche prête main forte à la droite [1035]", RI n° 371, septembre 2006.
5) Base de données informatiques sur les immigrés en situation irrégulière, dont la précision dans le fichage avait fait pousser des cris d'orfraie à ceux-là mêmes qui aidaient à l'alimenter.
6) Ainsi, les "désaccords" actuels entre la CGT et "Droits devant !" (fondée à l'origine par la CGT) apparaissent pour ce qu'elles sont : des querelles de chapelle. Ce que reproche vraiment "Droits devant !" à la CGT, c'est en fait d'avoir par trop tiré la couverture à elle en s'accaparant la publicité exclusive de ces 800 dossiers. Rien de plus.
L'émission de Michel Drucker "Vivement dimanche" du 11 mai 2008 a fait couler beaucoup d'encre et de salive. Et pour cause ! Ce divertissement est une véritable institution médiatique habituée à accueillir les "grands de ce monde", comme madame Chirac, Bertrand Delanoë, Valéry Giscard-d'Estaing, Edouard Balladur, en passant par Nicolas Sarkozy, Bernard Kouchner, François Bayrou, Martine Aubry ou les "citoyens d'honneur" et autres "fiertés nationales" comme David Douillet ou Bernard-Henri Lévy, etc. Eh bien, cette fois, l'invité de ce monument médiatique n'était autre... qu'Olivier Besancenot. Toute une après-midi dominicale consacrée au "contestataire révolutionnaire" le plus en vogue ; de quoi faire frémir "la ménagère de plus de 50 ans", cible principale de l'émission... et certains trotskistes ! Cette très people "spéciale Besancenot" a en effet été contestée par le chef de file de la tendance minoritaire de la LCR, Christian Picquet, qui déclarait dans les colonnes du Parisien (media pourtant lui aussi "bourgeois" et "people", patronné par le groupe Hachette-Lagardère) : "Ce type d'émission ne contribue pas à la différence d'idées, mais, au contraire, dépolitise l'espace public". Mais immédiatement, arrivant à la rescousse, le mentor de Besancenot, Alain Krivine, autre ex-candidat à la présidence, est venu plaider la participation de son poulain : "Boycotter la presse bourgeoise ? Si on fait ça, notre message ne passe nulle part". Quant à notre pétulant facteur et récent candidat à la présidentielle à la jeune bouille si sympathique et télégénique, il proclamait : "Je n'ai pas hésité une seconde à venir. C'est l'occasion de présenter un certain nombre d'engagements, de causes et de donner la parole à d'autres, de s'adresser à des millions de personnes, donc de s'adresser au peuple, quand on est une organisation populaire". Cette "tempête dans un verre d'eau" (dixit Besancenot lui-même) (1) a pourtant été relayée et gonflée par toute la bourgeoisie. Il n'y a qu'à se reporter aux manchettes de tous les médias de ce joli mois de mai. Besancenot est partout : à la une de Libération (du 12 mai) ou du Nouvel observateur (du 8 mai) qui titrait son grand article par un très accrocheur "Enquête sur le mystère Besancenot" en passant par l'Express, le Point, Gala, etc. (2).
Evidemment, y aller ou pas, le problème ne se pose pas du tout ainsi. La vraie question qui est soulevée par cette invitation est celle-ci : pourquoi les médias bourgeois non seulement inviteraient Besancenot mais lui offriraient-ils aussi un tel coup de pub s'il était bien le "grand révolutionnaire" qu'il prétend être ? Si la LCR mettait vraiment ce système en danger, pourquoi la bourgeoisie offrirait-elle au postier le plus célèbre du pays sa rampe de lancement médiatique la plus populaire ? La réponse est évidente : la prétendue "politique anticapitaliste" attrape-tout de la bande à Besancenot n'a rien de révolutionnaire et ne constitue nullement une menace pour le système capitaliste (3), car il est impossible de croire la bourgeoisie convertie à la révolution par la seule grâce de la LCR et de son rameau printanier d'Olivier. Cette invitation et le grand barouf fait autour d'elle relèvent au contraire d'une véritable opération de marketing supplémentaire au moment même où, en pleine période de commémoration de Mai 68, Besancenot et la LCR annoncent d'ici la fin de l'année la construction d'un "futur nouveau parti anticapitaliste" à la gauche du PS. Il n'y a pas le moindre "mystère Besancenot" : il n'est qu'un pur produit de l'idéologie bourgeoisie et ne fait que travailler à alimenter une mystification de plus. La mise en avant de Besancenot n'est qu'une opération de marketing montée de toutes pièces par la bourgeoisie, à l'heure où le PS a tant de mal à se faire passer pour un parti d'opposition crédible afin de canaliser et stériliser la montée de la combativité et de la colère ouvrières. Par la même occasion, il s'agit pour l'opération médiatique Besancenot de permettre que puisse être diffusé le poison du nationalisme, sur tous les tons et en chansons, émission de "variétés" oblige ! (4) D'ailleurs, le Monde célébrait le lendemain comme il se doit la réussite de l'émission qui avait fait plus d'audience que lors du passage de Ségolène Royal et même de l'acteur Dany Boon, grâce à ce "jeune homme plein de générosité", riche de messages d'unité et de solidarité... essentiellement nationales et nationalistes. Sarkozy a paraît-il promis de supprimer la pub des chaînes publiques ! En tout cas sûrement pas pour tous ceux qui trompent la classe ouvrière et s'efforcent de lui servir des discours soi-disant "révolutionnaires" pour mieux l'asservir aux forces du capital, comme le font Besancenot et la LCR. Car ils sont bien trop utiles à la classe dominante (5) !
W (12 mai)
1) En effet, Besancenot a déjà une longue expérience des shows "peopolisants". Au nom de la "popularisation de la révolution", il s'est retrouvé sur France-Inter aux côtés de Christine Bravo et Laurent Ruquier, en compagnie de Patrick Sébastien et Daniela Lumbroso, chez Ardisson ou Karl Zéro, ou encore interviewé sur Canal+ par Laurence Ferrari, sans oublier les Grosses têtes de Philippe Bouvard sur RTL, comme il n'avait pas hésité à poser auprès du "jet-seter" Massimo Gargia pour le magazine VSD en 2002.
2) Il n'y a pas si longtemps, c'était la consœur trotskiste concurrente de la LCR, LO et son égérie Arlette Laguiller qui bénéficiaient de ce traitement de faveur médiatique. Ainsi, "Arlette" a elle aussi joué les "vedettes" d'une émission de variétés de Drucker en 1993 et a même été en 1998 la première invitée politique du même show "Vivement dimanche". En particulier, la persévérance de la plus assidue candidate (six fois) à l'élection présidentielle, qui n'aura jamais cessé d'appeler les ouvriers à tomber dans le piège électoral, y avait été chaleureusement saluée ! La bourgeoisie n'a jamais manqué de reconnaître les mérites des organisations trotskistes à son service en leur offrant la vedette sur les plateaux de télé.
3) Il est d'ailleurs significatif que lors du "débat" chez Drucker, la députée "invitée" Christiane Taubira, du Parti des Radicaux de Gauche, parti fort peu suspect de sympathie avec "la révolution", a encouragé ainsi Besancenot qui, en toute fausse modestie, émettait des réserves sur la continuité de sa fonction de porte-parole pour l'avenir : "S'il te plaît, continue à parler !"
4) Le véritable fil rouge (ou plutôt tricolore) de l'émission a été tricoté en se vautrant dans ce nationalisme puant, alliant la pire tradition ultra-chauvine du stalinisme (l'hymne écœurant à Ma France entonné par Jean Ferrat) à sa version plus moderne et plus rap avec le groupe Zebda interprétant le morceau Carte de résidence dont le refrain martelait "Sachez bien que nos aïeux ont combattu pour la France", bien dans le style de ces co-fondateurs des "indigènes de la République". Autrement dit, travailleurs immigrés sans-papiers, mettez vous bien dans le crâne que pour mériter d'être citoyen français, il faut servir de chair à canon à la France !
5) Dans les mois à venir, nous reviendrons sur l'histoire de la LCR pour comprendre sa vraie nature.
Les larges extraits de cet article publié en janvier 2008 par Internationalism, section du CCI aux Etats-Unis, mettent en lumière la similitude des préoccupations des familles ouvrières de part et d'autre de l'Atlantique. Partout, la classe ouvrière se bat contre les mêmes maux : contre la précarité et le chômage, contre la dégradation des conditions de retraites et d'accès aux soins. Partout, elle est animée des mêmes sentiments de colère, d'indignation et de solidarité. Partout, la combativité de la classe ouvrière se développe peu à peu.
Ces derniers mois, les grèves se sont succédées aux Etats-Unis. Une telle vague de luttes n'avait pas été vue depuis longtemps : grève des conducteurs d'Access-A-Ride à New-York, chargés du transport de personnes handicapées, des machinistes du théâtre de Broadway, des scénaristes de cinéma et de télévision qui ont paralysé la production de nouveaux films et de nouveaux programmes (...)
Il s'agit là d'exemple de grèves syndicales "officielles", les syndicats étant bien obligés, face au mécontentement grandissant, de lâcher un peu de vapeur sous peine de trop se décrédibiliser et de voir se développer un mouvement hors de leur contrôle. Et justement, la lutte la plus importante a été la grève sauvage des intermittents de la chaîne de télévision MTV à New York. Ces ouvriers, dont la plupart ont entre vingt et trente ans, mènent une existence précaire, pratiquement sans couverture médicale, et soumis à de relativement bas salaires "en échange" du côté "glamour" du travail pour MTV. Les dirigeants aiment les appeler free-lancers pour justifier le fait qu'ils n'aient pas accès aux statuts légaux de l'entreprise et qu'ils soient traités comme des contractuels indépendants. MTV emploie presque 5000 de ces travailleurs qui préfèrent s'appeler eux-mêmes permalancers puisque beaucoup d'entre eux travaillent pour MTV depuis des années : en fait "d'intermittents", ils sont des précaires permanents. Le 11 décembre 2007, lorsque la compagnie a annoncé unilatéralement un plan pour réduire encore un peu plus leurs "avantages" médicaux et leurs droits à la retraite, ces jeunes travailleurs ont réagi spontanément en manifestant leur colère dans la rue. Fait remarquable, ils étaient fortement conscients de leur statut de prolétaires. Ils savaient qu'ils avaient les mêmes besoins et subissaient les mêmes conditions d'exploitation que n'importe quel ouvrier, quel que soit son secteur d'activité. C'est pourquoi ils se sont adressés directement aux autres ouvriers, de MTV ou d'ailleurs, pour les informer de leur lutte, de leurs conditions de travail et des attaques qu'ils subissaient. Ils ont ainsi inscrit sur leurs banderoles : "Il y a beaucoup trop d'entre vous qui ne savent pas." Et, lors de la grève sauvage du 14 décembre, ils ont fait circuler une liste avec l'adresse mail du personnel : "Nous pouvons organiser un site Internet pour que les gens puissent retrouver les informations." Ils ont également élu un groupe de délégués pour rencontrer les scénaristes de films et de télévision, qui étaient en grève au même moment. Cette ouverture, cette recherche de la solidarité ouvrière et cette volonté d'étendre le mouvement aux autres secteurs sont très précieux pour la classe ouvrière. Une grève puise sa force dans l'unité des travailleurs en lutte.
Ce n'est pas un hasard si MTV a dû finalement momentanément reculer et concéder des avantages médicaux pour les free-lancers qui ont travaillé régulièrement. Evidemment, sur le plan matériel, il ne s'agit là que d'un détail, d'une toute petite victoire très ponctuelle ; d'ailleurs, les attaques sur les conditions d'accès aux soins sont maintenues (franchises plus élevées et plafond de 2000 $ sur les frais d'hospitalisation chaque année). Mais la vraie victoire se situe dans la lutte elle-même. Il est clair que les dirigeants ont voulu éviter une épreuve de force. Ainsi, le mouvement de ces jeunes ouvriers a montré la capacité des travailleurs à prendre leur lutte en main, à s'organiser de manière autonome et à comprendre qu'il est possible de chercher l'unité avec les autres travailleurs dans le combat !
Mais si ce sentiment d'appartenir à une classe et cette volonté d'étendre la lutte ont pu émerger chez les free-lancers, c'est parce que la colère et la combativité se répandent peu à peu depuis plusieurs années de façon diffuse dans l'ensemble de la classe ouvrière. Pour preuve, en même temps que cette grève à MTV, le personnel d'entretien des immeubles, les portiers et les conducteurs d'ascenseur, ont fait grève de façon massive à Manhattan. Devant leur menace de faire grève aussi le Jour de l'An à New York, les dirigeants ont là-aussi reculé en trouvant un accord de dernière minute - qui doit encore être ratifié - incluant une augmentation de 20 % d'indemnisation pour les dépenses de santé et de 40 % sur toutes les pensions de retraites perdues. Au total, les salaires devraient donc augmenter de 4,18 % par an pour les quatre années à venir. Beaucoup d'emplois ont été transformés de temps partiel en temps plein et de nombreux gardiens ont reçu une couverture médicale familiale.
Dans les grèves des scénaristes de cinéma et de télévision, les syndicats ont rempli leurs fonctions habituelles de saboteurs des luttes. Les revendications des travailleurs pour revendiquer leur part sur les revenus des ventes de DVD et de téléchargement Internet des émissions qu'ils ont écrites ont eu un large soutien dans cette industrie particulière. Beaucoup d'acteurs qui sympathisaient avec la grève des scénaristes ont refusé de traverser les piquets de grèves. Par contre, la douzaine de syndicats de l'industrie du divertissement et des émissions télévisées (il y a des syndicats distincts pour les acteurs, les rédacteurs, les journalistes, les charpentiers, les électriciens et les machinistes) ont maintenu leurs bonnes vieilles traditions corporatistes, instaurant "leur" piquet tout en traversant sans vergogne les piquets des "autres" et, surtout, en ne demandant jamais, au grand jamais, aux travailleurs des "autres corporations" de se joindre à "leur" lutte ! Néanmoins, malgré leurs salaires relativement élevés et leurs emplois "glamour", les scénaristes sont de plus en plus conscients de leur condition de prolétaires, comme l'illustrait les propos de l'un d'entre eux à un meeting de la Writers Guild of America (syndicat des scénaristes), juste avant que la grève ne commence : "Cette question [les paiements d'un quota sur les DVD et les téléchargements] est si énorme que si les patrons voient que nous nous laissons faire sans nous battre, d'ici trois ans, ils reviendront à la charge pour autre chose [...], ce sera ‘nous voulons revoir tout le système des quotas', puis trois ans plus tard, ce sera ‘vous savez quoi, nous ne voulons plus financer vos assurances santé comme avant'. Puis ce sera les retraites [...]. Et puis, on en arrivera bien au point où tout le monde devra se rendre compte qu'il faut vraiment qu'on tienne bon dès maintenant."
Toutes ces luttes confirment ce que nous écrivions dans Internationalism no 143 : les grèves des ouvriers du transport de New York en décembre 2005 ont marqué aux Etats-Unis l'entrée dans une "période où la lutte de classe sera encore une fois au centre de la scène de la situation sociale, tandis que les politiques d'austérité et de guerre seront de plus en plus contestées" (1). Cette nouvelle période n'en est encore qu'à son tout début. Tout cela mûrit progressivement. Il s'agit d'un développement international de mobilisation auquel les travailleurs des Etats-Unis participent pleinement. Aujourd'hui, les luttes des ouvriers démystifient la campagne de la bourgeoisie sur la supériorité du capitalisme à l'américaine et sur la manière dont celui-ci attaque le niveau de vie des ouvriers. C'est une avancée qui va au-delà d'une victoire défensive immédiate, car elle apprend aux ouvriers que les luttes présentes ne sont qu'une préparation pour une bien plus grande lutte contre ce système agonisant. La classe ouvrière est en train de vivre un moment extraordinaire de prise de conscience et de réflexion. Le dynamisme de ces luttes démontre une maturation grandissante dans la compréhension de la nécessité de la solidarité et de l'impasse que représente le capitalisme. C'est une nouvelle période qui s'ouvre à travers d'importantes confrontations entre les deux principales classes aux intérêts antagoniques de notre société.
D'après Internationalism n° 145
1) Pour connaître plus en détail cette lutte qui est l'un des épisodes les plus importants des luttes de ces dernières années (en particulier sur cette question de la solidarité ouvrière), lire "Grèves dans les transports à New York : aux Etats-Unis aussi, la classe ouvrière réagit" [1036]. En quelques mots, en 2005, les travailleurs du métro de New-York étaient entrés en lutte illégalement, tout en sachant que cela impliquerait pour eux et leurs familles des amendes exorbitantes, pour protester contre le projet d'un nouveau contrat d'embauche qui ne les concernait pas directement eux-mêmes mais était destiné aux nouvelles générations. Il s'agissait là d'une démonstration vivante de ce qu'est la solidarité ouvrière !
Voici la traduction de larges extraits d'un tract 1 diffusé par nos camarades d'Internacionalismo, section du CCI au Venezuela. Nous voulons apporter tout notre soutien aux travailleurs de la "Zone du Fer" 2 et envers nos camarades qui luttent tous dans les conditions difficiles de l'oppression et du chantage chavistes. La répression déchaînée par le gouvernement vénézuélien contre les ouvriers de la sidérurgie, révèle la vraie nature du "socialisme du xxie siècle", si cher à M. Chavez. D'ailleurs, au moment où nous traduisions ce tract, le gouvernement Chavez venait de décider la nationalisation de SIDOR. En fait, cette nationalisation était déjà prévue par le chavisme depuis l'an dernier, faisant partie du programme capitaliste d'Etat à la sauce Chavez. Mais face à l'intransigeance et à la combativité des travailleurs, le gouvernement avait pris la décision de la nationaliser de suite pour essayer d'arrêter le mouvement qui risquait de se radicaliser et de s'étendre à d'autres travailleurs de la zone [...]. Puis le gouvernement a déclaré que les revendications allaient être gelées jusqu'à ce que les négociations sur la nationalisation soient terminées et a commencé à menacer les travailleurs en les culpabilisant sur le "sabotage" de la production. Cela dit, la lutte n'a pas encore dit son dernier mot puisque, dans le même temps, des groupes de travailleurs ont exigé que l'on donne une suite immédiate à leurs revendications.
Après plus de 13 mois de discussion sur les conventions collectives, les ouvriers de l'entreprise sidérurgique Ternium-SIDOR ont manifesté, par des arrêts de travail, leur indignation face à leurs conditions de vie : salaires de misère [...] et conditions de travail effroyables ayant entraîné la mort et la maladie de dizaines d'ouvriers en quelques années. L'entreprise [...] s'est alors présentée en "victime" au travers d'une grande campagne de désinformation, prétendant que les augmentations demandées par les ouvriers dépassaient les bénéfices de l'année, campagne aussitôt relayée par tous les médias, qu'ils soient chavistes ou d'opposition. Ces mensonges font partie du black-out médiatique sur les véritables causes de la lutte des travailleurs de la sidérurgie qui, depuis les années 1990, [...] ont dû subir des réductions de salaire et de prétendus "avantages" sociaux [...].
Ils savent que s'ils acceptent les conditions du contrat que l'entreprise leur propose (3), on leur imposera pendant deux ans des augmentations misérables, alors que les prix de l'alimentation et le coût de la vie en général s'accroissent de 30 % par an (4) ! Une autre revendication importante de cette "réforme" est de transformer les travailleurs précaires (75 % des 16 000 ouvriers sont des CDD !) en travailleurs "fixes" [...]. Les sidérurgistes ont aussi dénoncé tous ces "planqués" et ces "lèche-bottes", que sont les représentants de l'entreprise, du gouvernement et des syndicats, qui ont fini par rabaisser progressivement les revendications initiales du mouvement (les syndicats "exigent" aujourd'hui 50 bolivars par jour, après en avoir réclamé 80 au début des négociations). Après avoir fait traîner pour remplir toutes les formalités légales pour se mettre en grève, les syndicats ont sorti de leur manche qu'il fallait constituer une commission d'arbitrage composée de ce trio infernal ! Tandis qu'ils débattaient à huis clos dans le dos des travailleurs, ceux-ci, dans une assemblée à l'entrée de l'aciérie, ont décidé des arrêts de travail [...]. La riposte de l'entreprise et de l'Etat ne s'est pas fait attendre : le 14 mars, ils déclenchaient une répression brutale avec la Garde nationale et la police. Bilan : 15 ouvriers blessés et 53 arrestations. Cette répression du gouvernement Chavez l'a démasqué aux yeux des travailleurs : il a enlevé son masque ouvriériste pour mettre son véritable uniforme, celui de défenseur des intérêts du capital national. Ce n'est pas la première fois que cet Etat "ouvrier et socialiste" s'attaque aux travailleurs en lutte [...] : il suffit de se rappeler de la répression subie l'an dernier par les travailleurs du pétrole (5). Le syndicat SUTISS (6) est tout aussi responsable de la répression contre les travailleurs (indépendamment du fait que certains responsables syndicaux ont été aussi réprimés), car il n'a cessé de jouer les pompiers pour éteindre le mouvement. Ce syndicat a en effet essayé de se mettre à la tête du mouvement au moment même où il négociait avec l'entreprise et l'État la révision à la baisse des exigences salariales, en espérant ainsi juguler le mouvement.
Face à l'intransigeance des ouvriers, l'Etat vient de sortir de sa manche une nouvelle carte : la réalisation d'un vote pour consulter chaque ouvrier sur la proposition de la direction de l'entreprise. Cette trouvaille est proposée par le ministre chaviste du travail, à laquelle le syndicat SUTISS a apporté sa bénédiction ! [...] Leur instinct de classe a poussé certains ouvriers à rejeter un tel piège avec lequel on essaie de contourner les décisions des assemblées générales, là où s'exprime la véritable force de la classe ouvrière. Avec ce référendum, on traite chaque ouvrier comme un "citoyen" qui sera confronté individuellement à son entreprise et à l'État atomisé face aux urnes ! Les travailleurs, devant de tels agissements, doivent réaffirmer le rôle de leurs assemblées souveraines.
Un autre piège encore tendu par les syndicats et les secteurs "radicaux" du chavisme est de re-nationaliser SIDOR, tenu majoritairement par du capital privé argentin et dont l'État vénézuélien ne possède que 20 %. Le seul but de cette campagne est de dévoyer la lutte des travailleurs, car la seule lutte possible est l'affrontement aux capitalistes de l'entreprise, qu'ils soient patrons argentins ou bureaucrates de l'État vénézuélien. La nationalisation des entreprises ne veut pas du tout dire disparition des conditions de l'exploitation : l'État-patron, même déguisé en "Etat ouvrier", n'a pas d'autre choix que de s'attaquer en permanence aux salaires et aux conditions de vie des travailleurs. Les gauchistes et la gauche du capital qui voient dans la concentration des entreprises aux mains de l'État une main tendue au "socialisme", occultent une des leçons de base du marxisme : l'État est le grand représentant des intérêts de chaque bourgeoisie nationale et par conséquent l'ennemi du prolétariat [...]. Ces "révolutionnaires bolivariens" essaient d'effacer de la mémoire des travailleurs que SIDOR fut pendant des années une entreprise d'Etat. Les ouvriers ont dû s'y battre à plusieurs reprises pour leurs revendications contre les hauts bureaucrates de l'Etat [...] mais aussi contre les syndicats (alliés du capital à l'intérieur des usines) allant même, au début des années 1970, lors du premier gouvernement de Caldera, à mettre le feu aux bâtiments de la CTV à Caracas à cause des actions anti-ouvrières de ce syndicat. L'État, aux mains des chavistes depuis 1999, n'a pas perdu par un tour de magie sa nature capitaliste. Il y a eu un simple changement de présentation, enrobé aujourd'hui d'un verbiage "socialiste", mais sa condition d'organe fondamental de défense des intérêts du capital contre le travail est toujours la même. [...] Nous ne devons jamais nous laisser berner sur la nature de classe du gouvernement chaviste, qui a été installé par les capitalistes pour défendre leur système d'exploitation [...]. Nous, travailleurs, ne pouvons pas être aussi naïfs que ces "révolutionnaires d'opérette" le pensent quand ils nous proposent la panacée de la "re-nationalisation", eux qui vivent en bourgeois qu'ils sont, avec des salaires 30 fois plus élevés que le salaire minimum officiel !
La possibilité de succès du mouvement se trouve dans la recherche de solidarité. Concernant les "sidéristes" précaires, le fait que le mouvement revendique leur intégration en tant qu'ouvriers de l'effectif (en CDI) a été une forte expression de cette solidarité. Il faut rechercher la solidarité des travailleurs des autres branches industrielles [...], puisque nous sommes tous frappés de la même manière par la crise économique [...]. Il faut aussi rechercher la solidarité de la population de la région, également très affectée par les attaques salariales, le chômage, la hausse du coût de la vie [...]. La bourgeoisie nationale sait que la situation en Guyane vénézuélienne est un danger latent pour ses intérêts. La concentration ouvrière qui existe dans cette région, l'expérience des luttes passées, l'accumulation du malaise social et les années d'attaques contre l'emploi et le niveau de vie rendent la situation hautement explosive. Mais cette solidarité ne doit pas être organisée par les syndicats, ces organes dont la fonction principale est le contrôle des luttes en divisant par branches et par secteurs [...]. La solidarité doit être "gérée" par les ouvriers eux-mêmes, à travers les assemblées ouvertes à tous les travailleurs.
La lutte des sidérurgistes est la nôtre : c'est le prolétariat tout entier qui tire avantage de toute lutte pour essayer d'avoir une vie plus digne. Mais l'avantage principal, au-delà de l'amélioration immédiate, est la prise de conscience de la force que le prolétariat a entre ses mains [...]. En ce sens, cette "Zone du fer" contient tout un potentiel pour devenir la référence des luttes ouvrières dans le pays, comme dans les années 1960-70. Les travailleurs de SIDOR ont emprunté le seul chemin possible pour affronter les attaques du capital : le chemin de la lutte de classe. Son extension à d'autres branches de la production régionale et nationale, ainsi que la recherche de la solidarité [...], ouvrira la voie au prolétariat vénézuélien pour rejoindre dans le futur la lutte mondiale pour le renversement du capital et la mise en place des fondements d'une véritable société socialiste.
Internacionalismo,
organe
du CCI au Venezuela
(25 mars)
1) L'intégralité de ce tract est disponible en espagnol ici [1037].
2) Cette "zone" se trouve à l'Est du pays, dans la Guyane vénézuélienne, sur le fleuve Orénoque. La sidérurgie est, après le pétrole, la deuxième industrie du pays.
3) Soit 44 bolivars ainsi repartis : 20 à la signature du contrat, 10 en 2009 et 10 en 2010 ; et 1,5 % d'augmentation annuelle au mérite.
4) Données, pas très dignes de foi par ailleurs, de la Banque du Venezuela.
5) Voir l'article : "Les travailleurs du pétrole s'opposent aux attaques du chavisme" [1038] (RI n° 387, février 2008).
6) Syndicat unique des travailleurs de la sidérurgie.
Nous publions ci-dessous de larges extraits d'un tract 1 que la section du CCI en Grande-Bretagne a diffusé à l'occasion de la grève générale des enseignants le 24 avril dernier.
Le 24 avril, 250 000 enseignants lanceront une grève d'un jour contre les dernières propositions salariales du gouvernement. Ils seront rejoints par des éducateurs, des travailleurs des services publics et des employés communaux. Des manifestations [...] seront organisées dans de nombreuses villes. Il y a effectivement toute une série de raisons pour se mobiliser, pas seulement d'ailleurs dans ces secteurs mais aussi dans l'ensemble de la classe ouvrière : des hausses salariales en dessous de l'inflation ; la hausse des prix des produits de première nécessité [...] ; la montée du chômage, songeons par exemple aux 6500 emplois menacés à la banque Northern Rock fraîchement nationalisée ; les attaques contre les pensions et d'autres allocations ; le démembrement des services sociaux, tels que la santé ou l'éducation.
Toutes ces attaques contre le niveau de vie [...] ne sont pas décidées et imposées par des patrons individuels mais par l'Etat [...]. Confronté au développement de la crise économique [...], l'Etat national apparaît de plus en plus comme la seule force capable d'organiser la réponse requise par le système capitaliste : réduire le coût du travail afin de pouvoir être concurrentiel sur le marché mondial [...].
Confrontés à ces attaques [...], les travailleurs ont partout les mêmes intérêts : résister aux pertes d'emplois et aux réductions des salaires, réagir aux attaques [...]. Mais ceci n'est pas possible en se battant séparément, secteur par secteur, entreprise par entreprise. Face à la force de l'Etat capitaliste, ils doivent de leur côté constituer leur propre force, basée sur leur unité et leur solidarité [...]. Après des années de dispersion et de désarroi, les travailleurs commencent tout juste à redécouvrir ce que l'unité et la solidarité signifient. [...]. Si les syndicats appellent à des grèves et des manifestations autour de questions qui les concernent directement, comme c'est le cas le 24 avril, les travailleurs doivent répondre aussi massivement que possible : Allez aux rassemblements de masse, rejoignez les manifestations, participez aux piquets de grève, discutez et échangez des idées avec des travailleurs d'autres secteurs ou entreprises.
[...] Les syndicats, qui se présentent comme les représentants des travailleurs, servent en réalité à faire en sorte que nous restions divisés. Ceci n'est nulle part plus évident que dans le secteur de l'éducation. La grève du 24 avril implique les membres du NUT dans l'enseignement primaire et secondaire. Elle n'implique pas les enseignants de la sixième dans les lycées qui ont des employeurs "différents". Elle n'implique pas non plus les enseignants d'autres syndicats, comme ceux du NAS/ UWT, qui affirment que le problème n'est pas le salaire mais la charge de travail. Elle n'implique pas non plus des milliers de travailleurs de l'éducation qui ne sont pas des enseignants, comme les assistants pédagogiques, le personnel administratif, de nettoyage ou de restauration, etc., même si ceux-ci ont de nombreuses revendications à faire valoir. Et si le NUT aujourd'hui développe un discours radical, en 2006, lorsqu'un grand nombre de ces travailleurs sont partis en grève, ce même NUT a appelé ses membres à franchir les piquets de grève. [...] Depuis longtemps, l'Etat britannique a rendu toute grève de solidarité illégale pour des ouvriers travaillant pour des employeurs différents. En maintenant les travailleurs dans le carcan de ces lois, les syndicats font le travail de l'Etat dans l'usine. [...] Par conséquent, si nous voulons développer une réelle force, nous devons commencer à prendre en charge notre lutte et ne pas la laisser aux mains de "spécialistes" comme les syndicats. Les employés municipaux de Birmingham ont voté en assemblées générales leur participation aux grèves du 24 avril. C'est un bon exemple à suivre : nous devons tenir des assemblées partout sur les lieux de travail, là où tous les travailleurs, de tous les syndicats ainsi que les non-syndiqués, peuvent être présents et participer à la prise de décision. Et nous devons insister pour que les décisions prises en assemblée générale soient souveraines et pas dépendantes de votes syndicaux ou des réunions privées de délégués syndicaux.
L'unité sur le lieu de travail est inséparable du développement de l'unité avec des travailleurs d'autres entreprises et d'autres secteurs, que ce soit par l'envoi de délégations à leurs assemblées, en rejoignant leurs piquets de grève ou en se retrouvant lors de meetings ou de manifestations.
Appeler tous les travailleurs à se rassembler, à faire grève et à manifester ensemble pour des revendications communes est évidemment "illégal" pour un Etat qui veut mettre hors-la-loi la véritable solidarité de classe. L'objectif peut donc sembler à première vue effrayant, un pas trop important à franchir. Mais c'est dans l'action même, en prenant les luttes en main et cherchant l'unité avec d'autres travailleurs que nous développerons la confiance et le courage nécessaires à la poursuite du combat. Et étant donné les sombres perspectives proposées par le système capitaliste mondial - un futur de crise, de guerre et de désastre écologique - il ne fait guère de doute que la lutte devra aller plus loin [...].
World
Revolution,
organe du CCI en Grande Bretagne
(5 avril)
1) La traduction de l'intégralité de ce tract a été publiée dans notre presse en Belgique (Internationalisme) et est disponible ici [1039].
Dans la première partie de cet article[1], nous avions tenté de comprendre ce que représentait la crise économique actuelle. Nous avions vu qu'elle n'était qu'un nouvel épisode particulièrement grave de la lente agonie du capitalisme décadent. Notamment, nous avions montré que pour survivre, le capitalisme avait recours à une sorte de drogue : l'endettement. "L'endettement est au capitalisme ce que l'héroïne est au drogué. La drogue de l'endettement fait que le capitalisme tient encore debout [...]. Avec la drogue, il atteint des moments d'euphorie [...] mais, de plus en plus fréquemment, apparaissent [...] des périodes de convulsions et de crise, comme celle que nous vivons depuis l'été 2007. Au fur et à mesure que l'on augmente les doses, la drogue a un effet moindre sur le drogué. Il faut une dose plus grande pour atteindre une stimulation de plus en plus petite. Voilà ce qui arrive au capitalisme actuel !" Mais deux questions restaient encore en suspens : comment, concrètement, l'endettement soutient depuis 40 ans l'économie tout en préparant chaque fois de nouvelles crises plus violentes ? Et surtout, existe-t-il une issue à la crise ?
Dans les années 1970, l'endettement a ravagé les pays du "tiers-monde" auxquels on avait prêté de l'argent à profusion afin qu'ils deviennent des débouchés solvables pour les marchandises des principaux pays industrialisés. Le rêve n'a pas duré longtemps : en 1982, le Mexique puis l'Argentine, par exemple, se sont retrouvés proches de la faillite. Une voie se fermait pour le capitalisme. Quelle fut alors la nouvelle fuite en avant ? L'endettement des Etats-Unis ! A partir de 1985, ce pays, après avoir été le créancier du monde, en est devenu peu à peu le plus grand débiteur. Avec une telle manœuvre, le capitalisme est arrivé à assurer sa survie, mais en minant les bases économiques de la principale puissance de la planète. Cette stratégie s'est révélée insoutenable lors des convulsions qui se sont succédées entre 1987 et 1991. Depuis, l'économie mondiale s'est orientée vers ce qu'on appelle la "délocalisation" : pour soulager les coûts de productions élevés qui étouffaient les économies principales, on a déplacé des pans entiers de la production vers les fameux « tigres et dragons » asiatiques. Mais, à nouveau, les fortes convulsions de 1997-98, la fameuse "crise asiatique", se sont soldées par l'effondrement de tous ces pays que l'on nous présentait comme la preuve même de la prospérité capitaliste. Seule la Chine réussit alors à sauver les meubles grâce, en grande partie, à ses salaires de misère. Elle est même devenue aujourd'hui un concurrent direct des principaux pays capitalistes. Cette course fulgurante de la Chine a paru "résoudre" une contradiction flagrante de l'économie mondiale - le poids des coûts de production qui était devenu insupportable - mais elle a aussi fait grimper la concurrence à des niveaux bien plus insupportables encore.
Ces dernières années, le capitalisme est parvenu à se donner un semblant de "prospérité" grâce à une gigantesque spéculation immobilière qui a touché les Etats-Unis, le Royaume-Uni, l'Espagne et une quarantaine d'autres pays. Le "boom de la pierre" est une expression criante du degré d'aberration que le système est en train d'atteindre. Le but de la construction de maisons n'était nullement de donner un logement aux gens... le nombre des "sans-abri" n'a cessé d'augmenter ces dernières années, en particulier aux Etats-Unis ! L'objectif n'était rien d'autre que la spéculation immobilière. À Dubaï, le désert s'est parsemé de gratte-ciel, sans autre vocation que celle d'assouvir la soif des investisseurs internationaux, avides d'obtenir de grands bénéfices en achetant des logements pour les revendre trois mois plus tard. En Espagne, les régions côtières qui n'étaient pas encore trop surpeuplées, se sont couvertes de lotissements, de gratte-ciel et de terrains de golf. Tout cela a pu remplir les poches d'une minorité mais, par contre, la plupart de ces constructions restent dramatiquement vides. Une des conséquences de cette folie spéculative, c'est que le logement est devenu inaccessible pour la plupart des familles ouvrières. Des millions d'êtres humains ont dû contracter des prêts hypothécaires pouvant s'étendre jusqu'à 50 ans (!) ou bien jeter des quantités énormes d'argent dans "le puits sans fond des loyers". Des centaines de milliers de jeunes couples sont obligés de vivre en sous-location dans des taudis ou entassés chez leurs parents. Aujourd'hui, la bulle a éclaté et une économie fragilisée où tout était tenu avec les agrafes de la spéculation, des fraudes comptables, des paiements ajournés sine die pour un fantomatique "marché d'avenir", s'effondre dans de violentes convulsions.
Il y a dix ans, dans un article intitulé "Trente ans de crise ouverte du capitalisme" [2], nous tracions un bilan de cette fuite en avant continue dans le crédit : "Cette intervention de l'Etat pour accompagner la crise, s'adapter à elle pour la ralentir et si possible en retarder les effets, a permis aux grandes puissances industrielles d'éviter un effondrement brutal, une débâcle générale de l'appareil économique. Elle n'est cependant parvenue ni à trouver une solution à la crise, ni à résoudre ne serait-ce que quelques-unes de ses expressions les plus aiguës comme le chômage et l'inflation. Trente années de ces politiques de palliatifs à la crise n'ont permis qu'une espèce de descente accompagnée au fond de l'abîme, comme une chute planifiée dont l'unique résultat réel est de prolonger la domination de son système avec son cortège de souffrances, d'incertitude et de désespoir pour la classe ouvrière et pour l'immense majorité de la population mondiale. Pour sa part, la classe ouvrière des grands centres industriels a été soumise à une politique systématique d'attaques graduelles et successives contre son pouvoir d'achat, ses conditions de vie, ses salaires, ses emplois, sa survie même. Quant à la grande majorité de la population mondiale, celle qui survit misérablement et agonise dans l'énorme périphérie qui entoure les centres vitaux du capitalisme, elle n'a connu, pour l'essentiel, que la barbarie croissante, la famine et la mort, à un niveau tel qu'on peut aujourd'hui parler du plus gigantesque génocide que l'humanité ait jamais connu".
Et en effet, le bilan de ces quarante dernières années est terrifiant. Dans les années 1960, la plupart des travailleurs, même ceux des pays les moins riches, avaient un poste de travail plus ou moins fixe ; aujourd'hui la précarité est partout la tendance dominante. Depuis plus de 20 ans, le salaire réel des travailleurs des pays les plus riches n'a cessé de décroître. Et dans les pays plus pauvres, le salaire moyen atteint aujourd'hui difficilement les 100 $ ! [3] Le chômage est devenu chronique. Le mieux que les États soient arrivés à faire, c'est de le rendre moins visible socialement. La bourgeoisie a réussi à ce que les chômeurs vivent leur situation comme un stigmate honteux ; le discours officiel, c'est qu'ils ne sont que des paresseux, des inutiles, des "perdants", incapables de bénéficier des "merveilleuses possibilités d'emploi" qui, selon cette propagande, leur seraient offertes. Et que dire des pensions de retraite ? La plus ancienne génération actuelle au travail (les 50-60 ans) voit ses pensions de retraite potentielle fondre comme neige au soleil, des pensions qui seront encore plus réduites que celle de ses parents, et une part très importante de ces futurs retraités comprend qu'elle sera en réalité obligée de continuer un petit boulot après 60 ou 65 ans pour survivre. Et il est certain que les jeunes d'aujourd'hui ne toucheront jamais la moindre retraite.
Ces perspectives catastrophiques sont présentes depuis 40 ans. Mais le capitalisme a eu cette extraordinaire capacité à semer des illusions et à faire croire que le fameux cycle "crise-prospérité" est éternel. Or, aujourd'hui, la capacité de l'État capitaliste à "accompagner" la crise à coups de palliatifs s'est affaiblie. La nouvelle chute qui s'annonce sera, par conséquent, encore plus brutale et plus abrupte que les précédentes. Les attaques contre le prolétariat et l'humanité toute entière vont donc être encore plus cruelles et destructrices : prolifération des guerres impérialistes, attaques sur les salaires, hausse du chômage et de la précarité, redoublement de la misère. Dans tous les pays, les gouvernants appellent au calme et prétendent avoir des solutions pour remettre le moteur économique en marche. Et partout, l'opposition participe à la tromperie, en attribuant la catastrophe, bien entendu, à la mauvaise gestion du parti au pouvoir et en promettant une "nouvelle politique".
Ne nous laissons pas abuser ! L'expérience de ces derniers mois est très instructive : les gouvernants de ce monde, de tous les bords et de toutes les couleurs, armés de leurs cohortes "d'experts" et de gourous de la finance - ont essayé tout l'éventail de formules pour "sortir de la crise". Nous pouvons affirmer que leurs tripatouillages sont tous inévitablement voués à l'échec. Le prolétariat, les travailleurs du monde entier, ne peuvent pas leur faire confiance. Nous ne pouvons avoir confiance qu'en nos propres forces ! Nous devons développer notre expérience de lutte, de solidarité, de débat, développer notre conscience pour acquérir - après un effort qui ne pourra être que dur et difficile - la capacité pour détruire le capitalisme qui est devenu un obstacle pour la survie de l'humanité. La devise de l'Internationale communiste de 1919 "Pour que l'humanité puisse survivre, le capitalisme doit périr !" est plus que jamais d'actualité.
Acción proletaria, 23 janvier 2008
organe du CCI en Espagne
1. Cet article est une traduction tirée d'Acción proletaria n° 199 (janvier 2008), publication du CCI en Espagne. La première partie de cet article [1040] a été publié dans Révolution internationale n° 390 (mai 2008).
2. Article disponible ici [1041].
3. Il faut inclure ici la situation de l'immense majorité des ouvriers soi-disant "bénéficiaires" du "miracle chinois".
Il
n'y a aucun doute à avoir. Cet été, la bourgeoisie va asséner
de rudes coups sur la tête de la classe ouvrière. Elle profite
toujours de la période estivale et de la dispersion des travailleurs
pour passer en catimini ses mesures d'austérité. Et cette année,
les attaques s'annoncent particulièrement brutales.
Voici ce qui nous attend d'ici la rentrée de septembre :
• La réforme du code du travail va impliquer encore plus de flexibilité et d'insécurité. En particulier, la durée du temps de travail sera bientôt fixée "entreprise par entreprise". Il s'agira donc de "Travailler plus pour mourir plus vite" (1) !
• La durée de cotisations va une nouvelle fois s'allonger (de 40 à 41 annuités). Tous ceux qui partent à la retraite constatent avec amertume la maigreur de leurs pensions. Les petits contrats précaires, la mise au chômage prématurée des "seniors", la faiblesse des salaires... tout cela induit des pensions minables (souvent proches des 800 euros). Dans l'impossibilité de vivre avec si peu, et avec l'augmentation drastique du coût de la vie, de plus en plus nombreux sont les retraités qui reprennent un travail... à 65 ou 70 ans ! Car l'allongement de la durée de cotisation ne va pouvoir encore qu'aggraver la paupérisation des retraités.
• Dans le public, une pluie de suppressions de postes va s'abattre dès la rentrée sur les agents hospitaliers et des impôts, sur les enseignants et le personnel éducatif, etc. Dans le privé, les plans de licenciements s'amoncellent comme de gros nuages noirs. Chez Altadis, 2440 emplois sont d'ores et déjà menacés en Europe (dont 1060 en France) et plusieurs sites vont probablement fermer. Les ouvriers des secteurs de l'automobile et des banques risquent d'être particulièrement touchés par les conséquences de la crise économique mondiale qui ne cesse de s'aggraver. Bref, quoi qu'en disent les statistiques gouvernementales (2), le chômage va atteindre de nouveaux sommets.
• La bourgeoisie se prépare à durcir encore un peu plus le "droit des chômeurs". Les chômeurs seront bientôt contraints d'accepter une "offre" d'emploi "raisonnable" ; étant jugé "raisonnable" tout travail situé dans un rayon de 60 km ou à 2 heures de transport du domicile. L'ouvrier aura donc le choix entre perdre toute allocation ou dépenser la maigre paye de son nouveau boulot en transport. Ce véritable chantage s'appuie, de surcroît, sur une propagande idéologique absolument répugnante considérant les chômeurs comme des fainéants, des assistés ou des parasites.
• L'accès aux soins va lui aussi continuer de se dégrader. Fin juin, le directeur de la Sécurité sociale a proposé de diminuer la part de remboursement de 100 à 35 % pour les médicaments dits "de confort" (sic !) (3) pour les 8 millions de malades atteints d'affections graves de longue durée (ALD). Momentanément, le gouvernement a désavoué ce directeur, mais cela indique clairement de quel tonneau frelaté vont sortir les mesures prévues vers le 15 juillet.
• Le
gouvernement ose aujourd'hui faire passer sans vergogne à la
télévision des publicités ayant comme slogan :
"C'est mois après mois que nous gagnons la bataille du pouvoir
d'achat." Un site
a même été tout spécialement conçu :
www.mesurespouvoirdachat.gouv.fr [1042]. Il est vrai que depuis longtemps,
la bourgeoisie a fait sienne la maxime du chef de la propagande nazie
Joseph Goebbels, "Plus le mensonge est gros, mieux il passe",
mais tout de même ! Quand la réalité vient démentir à chaque
instant la propagande, certaines tromperies laissent un goût
toujours plus amer en bouche. Entre mille exemples, les tarifs de la
SNCF vont augmenter d'environ 15 %, ceux de la RATP de 3 %, et
ceux du gaz de 9 % (après celle de 4 % en janvier et de 5,5 %
en avril). Et les prix du pétrole et des produits alimentaires vont
continuer de flamber inexorablement !
Ces
attaques peuvent être ressenties comme un coup de massue. Mais, pour
reprendre Karl Marx, il ne faut pas voir "dans la misère que la
misère". Au contraire ! Aujourd'hui, toutes les conditions
sont réunies pour que la lutte se développe. Il ne s'agit pas là
d'un vœu pieux mais d'une possibilité réelle. Partout dans le
monde, la colère et la combativité de notre classe grandissent. A
Dubaï, au Bengladesh, en Egypte, au Vietnam, en Roumanie, en
Allemagne, aux Etats-Unis, etc. partout des grèves éclatent,
partout les ouvriers se battent pour leur dignité (4).
Dans ce journal, nous rendons compte d'une lutte à Turk Telekom,
la plus importante en Turquie depuis 20 ans (lire page 5). Et cette
dynamique est également vraie en France. En 2003, la lutte des
enseignants contre la réforme des retraites annonçait le retour de
la combativité ouvrière à l'échelle internationale. En 2006, en
refusant un énième nouveau contrat précaire (le désormais célèbre
CPE), les nouvelles générations étaient rejoints dans leurs
manifestations par une large partie de la classe ouvrière et
diffusaient en son sein un profond sentiment de solidarité. Elles
indiquaient par-là même une méthode de lutte authentiquement
ouvrière et porteuse d'unité : les assemblées générales
souveraines ! Cette lutte est aujourd'hui encore un point de
référence pour les ouvriers en lutte aux quatre coins du globe (5).
En 2007, les lycéens s'appuyaient sur cette expérience pour
s'organiser contre la loi LRU. Ils tentèrent en particulier de
créer des passerelles en direction des cheminots, en lutte au même
moment. Enfin, même si cette année 2008 n'a pas encore été
marquée par une lutte d'ampleur, elle a connu une véritable
effervescence sociale avec des grèves un peu partout et de multiples
manifestations, confirmant ainsi le raz-le-bol généralisé dans les
rangs ouvriers.
Aujourd'hui, la conscience de la nécessité de se battre tous ensemble grandit peu à peu. Il s'agit là d'un élément important, voire vital, pour la classe ouvrière. Il est de plus en plus évident que tous les secteurs et toutes les générations sont touchés. Se battre chacun dans son coin apparaît donc stérile, absurde et égoïste. Mais pour que ce sentiment de solidarité se concrétise dans la lutte, une chose est sûre, il ne va pas falloir compter sur les syndicats. Eux qui se présentent comme "les spécialistes de la lutte" ne sont rien d'autre, en réalité, que les chiens de garde du capital. Ils n'ont de cesse de nous diviser pour que leur maître règne. Le simple bilan de ces douze derniers mois en constitue une preuve édifiante.
A l'automne dernier, la connivence entre la CGT, la CFDT et Sarkozy fut si évidente qu'elle en ébranla même les troupes syndicales des cheminots qui huèrent copieusement Chérèque et Thibault lors de la manifestation du 20 novembre. Alors que la colère ouvrière était immense (chez les cheminots, mais aussi chez les enseignants, les infirmiers, les lycéens...), les syndicats ont freiné des quatre fers et ont fini par signer à la hâte des "accords" et à appeler à la reprise du travail. Le salut de Sarkozy aux organisations syndicales, lors de ses vœux de fin d'année, pour leur sens des responsabilités, en disait suffisamment long sur leur travail de sape des luttes ouvrières ! Ainsi, au printemps 2008, les syndicats ont divisé tant qu'ils ont pu en lançant tous azimuts des appels à diverses journées d'actions. Les secteurs ont été mobilisés les uns après les autres, le plus souvent chacun dans leur coin : les lycéens d'abord, puis les enseignants, puis les agents des impôts, etc. Les syndicats n'avaient qu'une seule peur : que les ouvriers se retrouvent ensemble dans la rue avec des revendications communes. Ils ont donc tout fait pour que cela n'arrive pas (6). Les manifestions du 10 et 17 juin sont venues clôturer cette longue série de mobilisations stériles en ne rassemblant que très peu d'ouvriers. Cette fin de mouvement atone et en ordre dispersé avait pour but d'écœurer et de décourager, en laissant traîner un sentiment d'impuissance et de résignation. Il ne s'agit pas là d'erreurs de stratégie mais d'une volonté claire et consciente. Ce sabotage systématique correspond à la nature profonde du syndicalisme. Les syndicats sont intégrés corps et âme au camp du capital depuis près d'un siècle ! C'est pourquoi la CGT peut bien annoncer, torse bombé, vouloir s'inscrire déjà "dans la mobilisation internationale du 7 octobre prochain pour porter toutes les revendications des salariés autour du thème du travail décent", nous pouvons être sûrs qu'à la rentrée, les syndicats vont continuer à nous poignarder dans le dos. Pour résister aux attaques, non seulement il ne faudra leur accorder aucune confiance, mais il faudra aussi oser prendre en main nos luttes, oser organiser nous-mêmes les assemblées générales, oser former des délégations pour aller à la rencontre de nos frères de classe dans les usines, les établissements scolaires, les administrations, les hôpitaux voisins.
Face
aux attaques du capital,
prenons nos luttes en main.
Vive la lutte !
Vive la solidarité ouvrière !
Pawel (4 juillet)
1)
Comme l'avaient déjà si bien dit, en juin 2007, les ouvriers en
grève de l'usine Kronenbourg à Obernai, en réponse au fameux
slogan de la campagne électorale de Sarkozy : "Travailler
plus pour gagner plus" !
2)
Comme le disait Mark Twain, l'écrivain et humoriste américain :
"Il y a trois sortes de mensonges : les mensonges, les
sacrés mensonges et les statistiques".
3)
Il s'agit, par exemple, des anti-nauséeux ou des anti-douleurs
pour les cancers.
4)
Lire sur notre site web (www.internationalism.org [854])
les articles "La
classe ouvrière multiplie ses combats dans le monde entier" [1043]
et "Une
seule classe, un seul combat !" [1024].
5)
Tout récemment encore, par exemple, des étudiants en lutte au
Maroc nous ont écrit pour savoir plus précisément et concrètement
comment les étudiants en France s'étaient organisés au
printemps 2006.
6) Pour connaître de façon plus détaillée les manœuvres syndicales de ce printemps, lire l'éditorial du journal de juin "Pour qui travaillent les syndicats ?" [1044].
Le 21 juin dernier, un détenu est retrouvé décédé d'une crise cardiaque dans l'enceinte du centre de rétention administrative (CRA) de Vincennes. A l'intérieur, la colère monte chez les sans-papiers en instance d'expulsion. L'ambiance dégénère et le 22 juin un incendie se déclare, et finit par ravager le centre. Rapidement, les associations et comités de soutien aux sans-papiers, dont certains soupçonnent l'utilisation de fusils Taser (pistolets électriques) par la police pour maintenir l'ordre dans le centre, se mobilisent devant le bâtiment. Les forces de l'ordre tentent de maintenir les personnes "retenues" sous contrôle et de récupérer les fuyards. Une répression policière brutale s'abat alors sur les sans-papiers.
Les CRA sont des installations spécifiques de "rétention" de toute personne dont la situation ne permet pas, ou plus, de résider sur le territoire. Aujourd'hui, la quasi-totalité de leurs occupants sont des personnes sans-papiers arrêtés par la police et en attente de jugement sur leur éventuelle reconduite à la frontière. La durée de leur rétention ne doit pas excéder 32 jours (alors qu'elle est de 18 mois sur l'ensemble de l'Europe), mais la durée moyenne de séjour est d'à peu près dix jours, ce qui ne laisse le plus souvent pas de temps aux "sans-papiers" pour organiser des recours. Le CRA de Vincennes était réputé parmi les plus "accueillants" du pays, autrement dit celui dont les conditions d'hygiène et de promiscuité étaient qualifiés "d'acceptables". Pour autant, cet environnement "acceptable" ne peut cacher les conditions inhumaines dans lesquelles vivent ceux que l'on qualifie de "migrants illégaux". En effet, ce n'est pas seulement sur le plan matériel que ces prolétaires souffrent, mais bien plus encore sur le plan moral. Vivant en permanence traqués, leur persécution ne s'arrête pas avec leur arrestation.
Parqués comme du bétail, les "retenus" dans ces centres sont non seulement considérés comme des "détenus", mais comme des délinquants ou des criminels alors que leur seul "crime" est d'avoir voulu fuir la misère et la mort dans leur pays d'origine. Ils doivent attendre leur sort, la plupart du temps loin de leur famille, de leurs enfants, sans savoir ce qu'il est advenu d'eux. Les visites sont acceptées au compte-goutte, les laissant sans nouvelles et sans même savoir si, au cas où la justice leur permettrait de rester en France, ils pourraient les retrouver et vivre à nouveau avec eux. La situation qu'ils ont fui les attend à leur retour, s'ils ont la "chance" d'être acceptés par leur pays d'origine (1). Et ce, toujours sans savoir s'ils reverront un jour leur conjoint et leurs enfants, sans savoir quel sera le traitement qui leur sera réservé. Et quand la sentence tombe, quand l'expulsion se dessine, c'est vers une mort probable qu'ils sont renvoyés.
Si la droite a surfé sur les événements de Vincennes pour développer à satiété un discours raciste et nauséabond, ces derniers ont été aussi l'occasion pour les ténors de la gauche de "dénoncer" la politique d'expulsion des sans-papiers menée par Sarkozy et consorts, en se posant en véritables défenseurs des immigrés. Il est vrai que les conditions actuelles sont particulièrement écœurantes et intolérables. Les mesures mises en place et la notion même de quota (26 000 expulsions programmées pour 2008) expriment tout le mépris de la bourgeoisie envers la vie humaine. Cette "politique du chiffre" et ces centres de rétention, qui sont au fond des camps de concentration où sont retenus prisonniers des êtres humains fautifs de ne pas être nés Européens, font penser de plus en plus à ceux des nazis (et à leur quota planifié de morts) et des staliniens. A la différence que si les nazis gazaient les non-Aryens et que les staliniens faisaient crever de faim et de maladie les dissidents au régime, la bourgeoisie française (à l'instar de ses consœurs européennes (2)) les renvoie à la mort qu'ils tentent de fuir. Mais la droite actuelle est loin d'être seule à avoir utilisé cette pratique. Car si la notion de "rétention administrative" pour les immigrés date de 1980 (avec les lois Bonnet et Peyrefitte), c'est à partir de 1981 et surtout de 1984, à l'époque où Pierre Joxe était ministre de l'Intérieur, que la création des CRA fut effective et connut une impulsion sans précédent. Aussi, Sarkozy peut-il dire merci à la gauche. Une gauche dont les discours de l'époque n'ont pas grand-chose à envier à la droite actuelle. Ainsi, Defferre en 1982, alors ministre de l'Intérieur, déclarait que "les grands principes, c'est bien joli, mais le développement de l'immigration clandestine pose de graves problèmes dans les grandes villes. Les municipales approchent et il faut y prendre garde." Mitterrand en 1989 avertissait que : "le seuil de tolérance est dépassé" Et Rocard en 1990, alors Premier ministre, prévenait : "nous sommes également à la veille, si nous n'y prenons pas garde, d'une nouvelle vague massive, venant du Sud plus lointain, d'un Est plus incertain. Et je le dis clairement, cette vague doit être endiguée." Ces discours préparaient et accompagnaient les actes d'une gauche qui, au gouvernement, a pleinement participé à la mise en place du cadre "légal" des mesures contre l'immigration clandestine depuis les années 1980. A travers les lois Pasqua lors de la première cohabitation (1986-1988) et les lois Joxe après 1988, c'est dans une même dynamique que la répression se développe. La gauche a beau jeu aujourd'hui de crier au scandale face à Sarkozy et son ministre-"aide de camp" Hortefeux, ces deux-là ne font que rajouter leurs pierres, à un mur dont on compte beaucoup de "briques socialistes".
Contre la propagande de la droite qui justifie sa politique en prétendant que ces "migrants illégaux volent le travail des ouvriers", contre celle de la gauche qui, derrière ses larmes de crocodile, les renvoient hypocritement à leur condition de Noir ou d'Arabe, rappelons qu'il s'agit avant tout de prolétaires, d'ouvriers qui, pour beaucoup, avaient un emploi avant leur arrestation. Si un patron leur a donné cet emploi, c'est bien qu'il y trouvait un intérêt. Cet intérêt, c'est celui de disposer d'une main-d'œuvre à bon marché principalement dans des secteurs où la concurrence est forte (le bâtiment, les travaux publics, etc.). Ces ouvriers ne volent l'emploi de personne, ils ne sont en position que d'accepter ce qu'on leur donne, et en aucun cas de voler quoi que ce soit à quiconque. Ils répondent à une réalité économique, celle de secteurs où l'emploi non qualifié manque et où le recours à l'emploi clandestin permet de baisser les coûts de production et de répondre ainsi aux appels d'offre de façon concurrentielle. Victimes de la misère et souvent de la répression de leur pays d'origine, ces prolétaires atterrissent loin de chez eux pour y trouver l'exploitation sans fin dans un climat de peur permanente. Ils restent ici les victimes qu'ils étaient chez eux, et certainement pas les profiteurs que la bourgeoisie nous dépeint.
De telles conditions d'existence soulèvent l'indignation et, naturellement, des gestes de solidarité se développent. Il est de plus en plus fréquent de voir des voisins faire barrage aux forces de l'ordre dans un immeuble, des parents d'élèves cacher et garder des enfants clandestins, des collègues débrayer à l'issue d'une rafle policière sur un chantier, des voyageurs refuser d'embarquer sur un vol charter emportant des immigrés menottés. Ces gestes expriment la solidarité propre à la classe ouvrière, qui voit en ces hommes traqués et persécutés leurs frères de classe, dont les conditions de vie renvoient à leur propre condition dans le monde capitaliste en crise, une condition de bêtes de somme corvéables à merci et dont on se débarrasse quand on ne peut plus rien en tirer.
Et c'est cette condition commune qui pousse et poussera toujours plus les ouvriers du monde entier à lutter de façon solidaire, unie, au-delà des questions de races, de religion ou de nationalités, contre les conditions de misère et d'horreur que leur font subir le capitalisme en crise et sa bourgeoisie.
GD (2 juillet)
1) De plus en plus de pays n'acceptent pas le retour des émigrants suite à une expulsion du pays d'accueil.
2) Voir sur www.monde-diplomatique.fr/cartes/atlas-sanctuaire [1045] l'explosion du nombre de centres de rétention avant expulsion pour immigrés dans l'espace Schengen comme dans l'ensemble des pays membres de l'Union européenne.
Nous publions ci-dessous un courrier de lecteur envoyé par un témoin direct de la répression qui s'est abattue il y a quelques jours sur des enseignants en lutte à Nantes. Ce camarade y dénonce la violence dont peut faire preuve la bourgeoisie envers les travailleurs qui osent se battre pour défendre leur condition de travail. De plus, en saluant le réflexe des agents des impôts qui sont venus spontanément aux côtés des enseignants matraqués, il met en lumière l'importance de la solidarité ouvrière, seule arme contre la répression de l'Etat policier.
Le mercredi 11 juin, des enseignants du premier degré manifestent devant l'inspection académique à Nantes. Ils protestent contre les attaques que constituent les mesures Darcos. Alors qu'une partie des manifestants reste devant le bâtiment avec les enfants, les autres envahissent pacifiquement les couloirs et les escaliers en demandant à rencontrer Gérard Prodhomme, l'inspecteur d'Académie, pour lui présenter leurs doléances. La réponse de ce haut fonctionnaire de l'État ne se fait pas attendre, il appelle la police.
Très vite les forces de l'ordre apparaissent aux portes des escaliers dans lesquels sont stationnés les manifestants. Sans aucune sommation, les policiers se jettent sur eux pour les obliger à rebrousser chemin vers la sortie. Ces policiers n'ont pas de protection individuelle parce que les enseignants ne sont pas assez nombreux pour nécessiter une intervention lourde. Mais ce sont des fonctionnaires de la sécurité publique, l'une des unités les plus violentes et parfaitement préparée à ce genre d'intervention.
La vidéo qui a circulé sur Internet montre bien la violence du choc (retrait-mesures-darcos.over-blog.com/article-20393355.html [1046] (1)). L'objectif est clair : il faut couper le souffle des manifestants, leur faire mal, les impressionner. Sans ménagement, hommes et femmes sont poussés dans les escaliers, il y a des habits déchirés, certains tombent les uns sur les autres au milieu des cris et des pleurs. Ceux qui s'accrochent à la rampe sont pris à la gorge, on leur tord les doigts pour qu'ils lâchent prise. Telle est la violence déterminée de la classe dominante lorsqu'elle défend ses privilèges, cette classe qui, sous les uniformes bien coupés de la gauche ou de la droite, parade au sénat, au parlement et autres institutions de l'État avec ses bonnes manières et son langage châtié. C'est pourtant cette classe qui, par l'intermédiaire de ses sbires, matraque sans merci les travailleurs qui cherchent à se défendre contre des attaques injustes et répétées.
Après la violence viennent les mensonges. La presse publie un communiqué de la Préfecture annonçant qu'il y aurait eu trois blessés parmi les policiers dont l'un s'est vu attribuer vingt et un jours d'incapacité. Il faudrait leur conseiller de ne pas taper si fort, les pauvres, ça leur fait mal. Mais l'objectif n'est pas difficile à deviner : il faut préparer le terrain pour des poursuites judiciaires, complément indispensable des violences policières afin d'imposer l'ordre et la soumission, la crainte et la démoralisation.
L'un des enseignants placé au premier plan et qui, comme les autres, essaie de se protéger des coups reçus, se fait attraper par les policiers qui le tirent en arrière, l'immobilisent au sol, genou sur le visage et sur la poitrine, avant de le menotter. Il est placé en garde à vue. Les manifestants se portent alors vers le commissariat central aux cris de "Libérez Samy !" Notre collègue est libéré dans la soirée mais il est convoqué pour interrogatoire le vendredi à 9 heures. Par téléphone et par mail, ceux qui étaient présents informent les écoles et appellent à un rassemblement devant ce commissariat. Le jour dit, les enseignants sont 200 devant la porte, la colère et le sentiment de solidarité grandissent d'heure en heure. Ils sont bientôt 300 et 600 l'après-midi. Pour montrer à leur collègue qu'ils sont là et qu'ils le soutiennent, ils frappent dans leurs mains, crient des slogans et tapent pendant de longues heures avec des bouts de bois contre une palissade métallique d'un chantier voisin. Dans les écoles, les enseignants se relaient par trois ou quatre pour garder les élèves dans la cour pendant que les autres se précipitent au rassemblement.
Les agents des impôts qui travaillent dans le bâtiment d'à côté décident de débrayer pour venir apporter leur solidarité aux enseignants. L'un d'eux intervient au mégaphone pour expliquer que, eux aussi, ont subi une violence extrême de la part de la police lors des dernières manifestations. Une clameur et des applaudissements s'élèvent pour saluer cette intervention.
Au bout de six heures d'interrogatoire, Samy sort du commissariat, il est à bout. Depuis longtemps, les policiers français utilisent les mêmes méthodes inhumaines que la Stasi dont on voit les exactions dans le film La vie des autres. La pression psychologique est énorme, les policiers doivent lui faire avouer à tout prix qu'il a bien résisté aux forces de l'ordre. Ils lui passent et repassent la vidéo qui, si on la regarde objectivement, prouve non pas la culpabilité de notre collègue mais bien l'agressivité des policiers. Mais il craque. Le magistrat décide alors de le faire passer en correctionnelle pour violence envers les forces de l'ordre, le procès est prévu pour le 23 février 2009. S'il est condamné, il sera alors révoqué de l'Education nationale. La violence, les mensonges et la justice, voilà les piliers d'un ordre fondé sur le profit et l'exploitation, un ordre qui, toujours plus explicitement, tourne le dos à toute forme d'humanité.
Tous les témoignages concordent : les accusations envers Samy sont toutes fausses et nous montrent le vrai visage de la démocratie bourgeoise. Sans scrupule, elle ment, elle brutalise, pour elle tous les moyens sont bons. Il est clair que l'isolement est une faiblesse qui nous livre sans défense aux coups de la répression. Comme les enseignants, les travailleurs des impôts et du CHU luttent en ce moment chacun dans leur coin alors que s'ils étaient tous unis, ils représenteraient une force énorme. La seule façon de se défendre efficacement a été montrée par l'attitude de solidarité des enseignants et des agents des impôts pendant l'interrogatoire de Samy. Mais cette solidarité ne doit pas être ponctuelle. C'est par l'unité dans la lutte commune dès le début, en se serrant les coudes entre les différents secteurs qui sont tous confrontés aux mêmes attaques, en présentant des revendications unitaires avec des négociations au grand jour, contrôlées par les assemblées générales, que nous pourront faire reculer la bourgeoisie et nous protéger de la répression.
A. E.
1) Ce site reprend le journal télévisé diffusé par la chaîne locale Nantes7 le 11 juin au soir (la lutte des enseignants est le deuxième sujet traité par ce JT, il faut donc patienter quelques minutes pour apercevoir les images de la répression policière).
Entre mai et juin 2008, près d'une centaine de travailleurs immigrés sont morts, victimes de pogroms perpétrés par des bandes armées dans les bidonvilles de Johannesburg. Des groupes munis de couteaux et d'armes à feu s'introduisent à la nuit tombée dans les quartiers délabrés à la recherche de "l'étranger" et se mettent à frapper, à tuer, même à brûler vifs des occupants et à chasser des milliers d'autres.
Les premiers massacres ont eu lieu à Alexandra, dans un immense bidonville (township) se situant au pied du quartier d'affaires de Johannesburg, capitale financière de l'Afrique du Sud, avec ses buildings de luxe tapageur. Les attaques xénophobes se sont étendues progressivement dans les autres localités sinistrées de cette région dans l'indifférence totale des autorités du pays. En effet, il a fallu 15 jours de tueries pour que le gouvernement du président Thabo Mbeki se décide à réagir mollement (cyniquement en fait) en envoyant les forces de l'ordre s'interposer dans certaines localités tout en laissant les massacres se poursuivre ailleurs. La plupart des victimes sont originaires des pays de la région (Zimbabwe, Mozambique, Congo, etc.), pauvres hères qui viennent tenter leur chance en Afrique du Sud, première puissance économique du continent dont le développement repose largement sur l'exploitation de la main-d'œuvre immigrée.
Ils sont près de 8 millions dont 5 millions de Zimbabwéens qui sont poussés à fuir leur pays d'origine, comme le montrent des témoignages rapportés par Courrier international du 29 mai 2008 : "Nous mourons de faim et nos voisins sont notre seul espoir. (...) S'ils ne peuvent rien faire pour améliorer notre situation politique, nous ne pensons pas que ce soit trop leur demander de nous laisser acheter de la nourriture chez eux" ; "Cela ne sert à rien de travailler au Zimbabwe. On n'y gagne même pas assez pour se loger dans les pires banlieues de Harare (la capitale du Zimbabwe). Nous sommes prêts à prendre des risques en Afrique du Sud" ; "C'est notre vie à présent. Nous passons beaucoup de temps sur la route qui mène en Afrique du Sud. Voyager dans ces cars est risqué. Mais si nous ne le faisons pas, nous mourrons quand même." ; "Le pain coûte aujourd'hui 400 millions de dollars zimbabwéens (0,44 euro) et un kilo de viande 2 milliards (2,21 euros). Il n'y a plus de bouillie de maïs dans les magasins, et les gens qui travaillent ne peuvent plus vivre de leur salaire". Voilà l'enfer dans lequel les responsables politiques de cette région ont plongé la population. La seule politique du gouvernement de Pretoria envers les immigrés illégaux, notamment du Zimbabwe, consiste à les arrêter massivement puis à les reconduire à la frontière manu militari en les livrant ainsi à la famine et à la répression.
De surcroît, quand ils ne sont pas expulsés, les immigrés sont harcelés tous les jours par la propre police de Mbeki qui profite de leur extrême précarité pour les racketter tout en les tabassant systématiquement. Mugabe s'est comporté en parfait complice de son "camarade" sud-africain en se contentant d'annoncer l'envoi de quelques véhicules pour rapatrier les Zimbabwéens blessés lors des pogroms. D'où les réactions indignées de la population qu'exprime ce ressortissant zimbabwéen : "Nous sommes choqués que le gouvernement ne reconnaisse pas qu'il a contraint une partie de sa population à devenir des réfugiés au risque de leur vie. D'autres Zimbabwéens vont sacrifier leur vie en recherchant en Afrique du Sud ce qui leur est refusé chez eux : le droit de vivre."
Il est clair que derrière les massacres à caractère xénophobe se cache la misère extrême dans laquelle s'enfoncent des millions de miséreux sud-africains dont nombre d'entre eux ont participé directement aux pogroms en accusant les travailleurs étrangers de leur "voler" leurs emplois. En effet, comme le reconnaissent d'ailleurs certains médias bourgeois, c'est bien la misère produite par la crise capitaliste qui est à l'origine de la chasse à l'étranger : "On aurait tort de penser que cette explosion de xénophobie est une simple réaction face à une immigration incontrôlée. C'est aussi la conséquence de l'envol des prix des produits alimentaires, de la chute du niveau de vie, d'un taux de chômage dépassant 30 % et d'un gouvernement qui paraît aveugle à la situation des plus pauvres" (Jeune Afrique du 25 mai 2008). Voilà la réalité, une société qui, frappée de plein fouet par la crise économique mondiale, n'a rien à offrir à la population que misère et détresse. En effet, comme partout dans le monde, les entreprises licencient massivement pendant que le gouvernement, lui, laisse augmenter les prix tout en se chargeant de prélever impôts et taxes. C'est bien cette même crise qui a poussé au désespoir un grand nombre de sans-travail et autres précaires, ce sont eux les premières victimes de la décomposition sociale du système capitaliste. Dès lors, il n'est pas étonnant de voir certains d'entre eux rejoindre les rangs des gangs qui sèment la terreur dans les quartiers misérables. Il y a bien un lien direct entre les violences xénophobes et la misère économique qui frappe aussi bien les victimes des pogroms que ceux qui les commettent ; les premiers vrais responsables sont précisément les dirigeants capitalistes des deux pays, Mugabe et Mbeki.
En
Afrique du Sud, la pauvreté touche plus de la moitié de la
population et le sida frappe plus de 5 millions de personnes, ce qui
se traduit par un fort recul de l'espérance de vie, passant de 48
ans en 2000 à 44 ans en 2008. Le gouvernement, se comportant en
parfait criminel, a longtemps nié l'importance de ce phénomène
en empêchant même la mise en place d'une politique
sanitaire (1) !
Au Zimbabwe, pays en total délabrement économique qui a connu une
inflation atteignant (selon le FMI) 150 000 % en janvier 2008
(record mondial), le taux de chômage frappe 80 % de la population
active (un autre record). C'est l'horreur absolue pour la
population et la classe ouvrière et le gouvernement lui-même est
bien obligé de reconnaître l'existence de 3 millions d'affamés.
Du côté sanitaire, des sources avancent le chiffre de 2 millions de
séropositifs, tandis que l'espérance de vie se situe autour de 40
ans. Face à la misère extrême que subit la quasi-totalité de la
population, Mugabe, quant à lui, a choisi carrément la fuite en
avant dans la guerre, la corruption et la répression la plus féroce
pour se maintenir coûte que coûte au pouvoir.
Loin de se soucier du sort de leurs populations en détresse, les gouvernements sud-africain et zimbabwéen rivalisent avec les puissances impérialistes qui cherchent à contrôler les régions d'Afrique australe et des Grands Lacs, en s'auto-proclamant "gendarmes locaux". Ainsi, tous les deux se sont massivement impliqués dans les guerres qui ont ravagé cette zone dans les années 1990/2000 et qui ont engendré plus de 8 millions de morts. C'est dans cette optique que le régime de Robert Mugabe s'est lancé dans la guerre en RDC (ex-Zaïre) en y expédiant quelques 15 000 hommes, avec un coût économique exorbitant évalué à 1 million de dollars par jour (soit 5,5 % de son PIB), cela durant plusieurs années. Cette aventure militaire désastreuse n'a pu que constituer un facteur accélérateur de la ruine totale de son économie, alors que le Zimbabwe était considéré jadis comme le "grenier" de l'Afrique australe, jusque dans les années 1990 où il était encore exportateur net de céréales.
Les médias de la bourgeoisie mondiale ont déclenché une gigantesque campagne idéologique anti-Mugabe pour présenter les élections au Zimbabwe comme un enjeu entre la "démocratie" et la "dictature" ; il s'agit en réalité d'une mascarade derrière laquelle se cachent essentiellement des luttes d'influence impérialiste. D'un côté, Mugabe, soutenu sur tous les plans (notamment militaire) par la Chine, a programmé sa victoire quoi qu'il arrive tout en disant à la population : "Votez pour moi sinon vous êtes complices des impérialistes qui nous affament" (ceux qui lui ont imposé un embargo total). De l'autre côté, les puissances impérialistes "démocratiques" (Etats-Unis et Grande-Bretagne en tête) disent aux Zimbabwéens : "Votez contre le dictateur qui vous gouverne, sinon on vous laisse crever de faim." Quelle hypocrisie car si Mugabe bâillonne, emprisonne et tue ses opposants, il a été soutenu dans cette entreprise par tous ceux qui le condamnant aujourd'hui !2 En clair, la population est prise en otage par Mugabe, ses opposants et leurs soutiens impérialistes respectifs, avec le risque que le processus électoral ne débouche sur un scénario où les électeurs vont être poussés à s'entretuer pour le compte des cliques politiciennes criminelles qui se disputent le pouvoir.
En définitive, "démocrate" ou "autocrate", "chouchou" ou "bête noire" des grandes démocraties occidentales, les dirigeants de l'Afrique du Sud et du Zimbabwe ne se comportent ni plus ni moins qu'en criminels bourgeois, agents du capitalisme qui exploitent et oppriment la classe ouvrière et les populations, avec la complicité active des grandes puissances.
Amina (18 juin)
1)
Ainsi, son ministre de la Santé a pu se permettre de se moquer
cyniquement des malades en préconisant pour eux "la saine
nourriture, y compris la pomme de terre africaine", plutôt que
ceux des médicaments anti-rétroviraux, dont bénéficie
aujourd'hui une infime minorité des malades.
2)
On a encore vu les pays de l'Union Africaine réunis à Charm
El-Cheikh (Egypte) l'accueillir en chef d'Etat dès le lendemain
du simulacre électoral qu'il avait organisé malgré sa défaite
au premier tour.
Nous publions ci-dessous de très larges extraits d'un article du groupe turc Enternasyonalist Komünist Sol (EKS) qui analyse les rivalités impérialistes sous-jacentes aux récentes incursions de l'armée turque dans le Nord de l'Irak. Nous voulons souligner son importance à plusieurs titres. Avant tout, son analyse se situe d'un point de vue clairement prolétarien et internationaliste. EKS se prononce contre tout nationalisme turc ou kurde dans une région du monde où toutes les fractions bourgeoises font leur possible pour exciter les haines nationalistes à seule fin d'utiliser les ouvriers comme chair à canon. Cet article exprime aussi les profonds sentiments d'indignation et de révolte des ouvriers de Turquie envoyés au front et répond aux mensonges de la bourgeoisie qui répand, en Turquie comme ailleurs, le poison de sa propagande "d'union sacrée" pour la guerre.
Le 21 février, 10 000 soldats ont traversé la frontière du Nord de l'Irak. Lors de cette incursion, des combats sanglants ont eu lieu le long des régions frontalières avec la Turquie. Le bilan des victimes de l'opération qui s'est achevée au bout de 8 jours est controversé. Les forces armées turques ont déclaré 21 morts côté turc et 237 côté PKK (2). Le PKK prétend avoir perdu 9 de ses hommes et assure qu'une centaine de soldats des forces armées turques sont morts. Une chose est par contre certaine, des centaines d'enfants d'ouvriers ont été poussés à s'entre-tuer durant ces huit jours !
Ce n'est pas la première opération conduite par l'armée turque en Irak. Pour les besoins de la guerre qu'elle mène contre le PKK, la Turquie est entrée en Irak 24 fois, avec notamment une incursion de 7000 hommes en 1983, de 15 000 en 1990, de 35 000 en 1995 et 1997, de 10 000 en 1998. Cependant, il y a une différence entre ces incursions et le dernier conflit. Auparavant, l'impérialisme turc opérait librement en Irak et sans la moindre réaction négative du régime de Saddam Hussein. Mais cette fois, en lançant cette dernière opération militaire, l'impérialisme turc a pris le risque réel d'une guerre plus sérieuse et totale avec les autorités locales. Massoud Barzani (3) a déclaré que "si l'armée turque visait des civils kurdes ou des structures civiles, nous ordonnerons une résistance large et générale" et le parlement irakien a voté pour la fermeture des bases des forces armées turques dans le Nord de l'Irak qui abritent 2000 soldats. Si la Turquie était restée plus longtemps en Irak, un conflit bien plus explosif aurait surgi. La véritable raison de l'invasion de l'impérialisme turc n'était pas l'attaque contre le PKK. Le prétexte "d'éradiquer le terrorisme" invoqué pour justifier cette guerre n'est qu'un mensonge. Alors pourquoi la Turquie est-elle entrée en Irak cette fois-ci ? Le porte-parole du gouvernement, Cemil Cicek, avait déclaré que "l'opération" durerait jusqu'à la destruction du PKK, tandis que le gouvernement désignait comme cible les Monts Kandil (4), ajoutant que l'armée ne partirait pas avant que le "boulot ne soit fait". Pourquoi l'impérialisme turc a-t-il subitement fait marche arrière alors qu'il se vantait que personne ne pouvait s'opposer à son intervention en Irak ?
Afin
de répondre à ces questions, il faut remettre la dernière
offensive de la Turquie en Irak dans le contexte des rapports
impérialistes à l'échelle mondiale. Les relations entre le
gouvernement turc et les Etats-Unis étaient très tendues avant
l'opération (Washington soutient l'aile iranienne du PKK, le
PJAK, contre le régime iranien et parle de reconnaître
éventuellement le génocide arménien). Avec cette offensive turque,
les relations ont encore empiré, l'Amérique voyant d'un très
mauvais œil ce risque de déstabilisation du Kurdistan alors que le
bourbier irakien est déjà totalement instable. C'est pourquoi les
Etats-Unis ont constamment répété que la Turquie devrait quitter
l'Irak dans les plus brefs délais. La Turquie a d'ailleurs
immédiatement arrêté l'opération dès le lendemain de la
réunion entre le chef d'état-major de l'armée turque, le
général Buyukanit, et le gouvernement américain. Quoi qu'il en
soit, le gouvernement kurde en Irak a accusé, à juste titre, les
Américains d'avoir autorisé l'invasion turque. Le problème
principal de la bourgeoisie américaine dans cette région est
l'Iran. Toutes les forces impliquées, l'armée turque comme le
PKK, sont des alliés potentiels des Etats-Unis, au moins localement
contre l'Iran et globalement contre la Russie. Les Etats-Unis ne
veulent pas que la dernière "pièce" stable du territoire
irakien, le Kurdistan, soit déstabilisée ; ils ne veulent pas que
ces forces soient impliquées dans une guerre ouverte et soient
amenées à s'entre-détruire, comme ils ne veulent pas qu'elles
leur tournent le dos à cause de leurs conflits entre elles.
L'activité du PKK dans le Nord de l'Irak a créé des tensions
entre la Turquie et le gouvernement autonome kurde, dont les intérêts
sont déjà incompatibles, et a créé des conditions de
rapprochement entre la Turquie et l'Iran du fait de leur combat
commun contre le PKK. Si on examine les localisations géographiques
des camps du PKK au Nord de l'Irak, on peut voir que le camp Zap
était très proche des frontières turques et de la ville d'Hakkari,
donc très facile à investir. Cependant, les Monts Kandil, cible
officielle du gouvernement turc, sont proches de la frontière
iranienne. Le fait que les forces armées turques se soient dirigées
immédiatement sur Zap indique que leur objectif réel était de
pousser le PKK à se replier vers Kandil, c'est-à-dire vers
l'Iran. Il est certain que l'impérialisme turc a envahi l'Irak
avec la permission de l'Amérique et il est probable que non
seulement la fin mais la conduite d'ensemble de l'attaque s'est
effectuée selon les vœux des Etats-Unis (5).
La 25e aventure de l'impérialisme turc dans le Nord de l'Irak a pris fin, amenant des centaines de cadavres en seulement huit jours. Cependant, la guerre entre le PKK et l'armée turque continue à forcer des ouvriers à se massacrer entre eux. L'invasion de l'Irak et la guerre qui perdure en Turquie sont des conflits internes à la bourgeoisie. Les victimes de ces conflits sanglants et barbares sont des ouvriers turcs et kurdes qui sont poussés à s'entre-tuer, à mourir et perdre ceux qu'ils aiment alors que leurs intérêts sont communs. La seule force sociale qui puisse arrêter cette guerre, tout comme la seule force qui puisse arrêter toutes les guerres impérialistes du monde, c'est la classe ouvrière. Ni le pacifisme, ni la lutte démocratique, ni les appels à la clémence de la bourgeoisie ne peuvent arrêter les guerres. Celles-ci sont partie intégrante du capitalisme et ne finiront que lorsque les ouvriers "transformeront la guerre impérialiste en guerre révolutionnaire civile" comme ils l'ont fait en mettant fin à la Première Guerre mondiale. Il est donc nécessaire de connaître les réactions de la classe ouvrière à cette guerre, en particulier parmi les ouvriers qui ont le plus souffert : ceux qui ont été contraints d'aller au front et les familles de ceux qui en sont morts.
Le grand-père du soldat Bayram Guzel, mort en novembre 2007 : "Ce sont toujours les enfants des pauvres qui meurent. [...] Pourquoi ce ne sont pas les enfants des patrons et des généraux les 'martyrs' ?" La mère de Burak Okay, mort en septembre 2006 : "Mon fils ne pouvait même pas tuer une mouche et ils l'ont envoyé dans les montagnes pour tuer des êtres humains. Mon fils n'est pas un martyr et il est mort pour rien. Je n'accepte pas que mon fils ait été sacrifié." Le père de Cengiz Evranos, décédé le même mois : "Je ne dis pas ‘Tout pour le bien du pays' (6). Je dis aux politiciens : envoyez vos enfants à Darbogaz aussi." La mère de Sahin Abanoz, mort en avril 2006 : "Il y a une différence entre les riches et les pauvres. Y-a-t-il un seul enfant de député [sur le champ de bataille] ? Y a-t-il un seul enfant de président ? Ils envoient les enfants des pauvres, les enfants des infortunés." Le fils d'un soldat qui a été une des premières victimes de la guerre entre le PKK et l'armée turque en 1980 : "Mes voisins me regardent d'un mauvais œil parce que je ne mets pas de drapeau sur mon balcon. Ils ne savent pas que le drapeau turc dans la maison n'a pas été acheté dans un magasin ou remis en promotion publicitaire d'un journal : on me l'a donné accroché au cercueil de mon père. Comment pourrais-je brandir ce drapeau ? Et combien de mètres carrés de drapeaux, de défilés militaires ou de discours chauvins pourraient apaiser ma peine ? Non, je n'ai pas mis de drapeau et je n'en mettrais pas. Peut-être que ces martyrs ne sont pas morts par millions, mais nombre d'entre nous y ont perdu pères, fils et frères. Et ils meurent d'une telle façon que notre chagrin sera sans fin. Je ne sais pas comment les autres familles réagissent, mais si j'avais un autre père, je ne voudrais jamais qu'il se sacrifie pour ce pays." Un soldat, dont le "service" s'est achevé en 1998, déclare dans une interview anonyme : "Tous les régimes qui sont responsables de la continuation de la guerre devraient être brisés. Le capitalisme lui-même si c'est ce qu'il fait." Quelqu'un qui a été soldat à Van en 1997 explique aux soldats ses sentiments ainsi : "Si je dois être à nouveau soldat, [...] je ficherais le camp. Je rendrais définitivement cet uniforme vert et je serais emprisonné [...] Je hais ceux qui nous ont menés à cette guerre et ceux qui en tirent profit." Un ancien soldat de 1996 à Bingol déclare encore : "Le PKK est détesté des gens qui ont été au front autant que l'armée turque, l'Etat, les autres forces ou la police." Un ancien soldat de 1995 à Siirt raconte : "Je voulais savoir qui était mon ennemi avant d'aller là-bas. A présent, je ne me pose plus la question. La classe dominante bien sûr, qui d'autre cela peut-il être ?" Un soldat de 1992 à Mardin explique : "Je n'ai jamais vu d'enfant de riche là-bas, ils n'envoient que les enfants des pauvres. Beaucoup se révoltaient alors, demandant pourquoi ils ne voyaient pas les enfants des riches, je pense que ceux qui se révoltaient avaient raison."
La bourgeoisie craint cette réaction des soldats qui sont envoyés à la mort ou des familles auxquelles on demande de clamer "Tout pour le bien du pays" alors que leurs enfants sont morts. Et elle essaie de cacher cette réaction, de la condamner à tout prix et d'intimider ceux qui s'expriment. Chaque jour, la bourgeoisie cherche à cacher aussi les luttes ouvrières. Cependant, ces tentatives de la bourgeoisie ne peuvent masquer le fait que la lutte de classe se développe en Turquie comme dans l'ensemble du monde. Elles ne peuvent anéantir la volonté de la classe ouvrière de s'opposer aux obstacles que ses exploiteurs mettent en travers de sa route. Cette potentialité est suffisante pour égratigner sérieusement le pouvoir idéologique de la classe dominante, comme lorsque les enfants d'ouvriers, envoyés à la mort par les dirigeants des Forces armées turques ou du PKK, comprennent que l'ennemi n'est pas le prolétaire qu'ils ont en face d'eux mais ceux qui donnent les ordres. Lorsque la classe ouvrière commencera à agir et à lutter de façon unie, sur son propre terrain de classe et internationalement, la bourgeoisie sera balayée.
Enternasyonalist Komünist Sol
1)
L'intégralité de cet article est disponible en anglais
ici [1047].
2)
Le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK - en kurde :
Partiya Karkerên Kurdistan), formé en 1978 par Abdullah Öcalan,
est une organisation armée se présentant comme un mouvement de
guérilla. Le PKK est actif surtout en Turquie et, plus
épisodiquement, en Irak, Iran et Syrie.
3)
Actuel président du gouvernement autonome kurde en Irak et chef du
Parti démocratique du Kurdistan depuis 1979.
4)
Située à une centaine de kilomètres en territoire irakien, cette
région est aujourd'hui considérée comme "le quartier général"
du PKK.
5)
NDLR : En résumé, les États-Unis, ont encouragé cette
intervention turque pour tenter de nuire à l'Iran en poussant
vers lui le PKK. Il fallait néanmoins que cette opération soit de
courte durée pour ne pas risquer de déstabiliser l'ensemble du
Kurdistan, d'où l'insistance américaine pour l'arrêt rapide
de l'offensive turque.
6) "Tout pour le bien du pays" est un slogan nationaliste courant que l'Etat voulait entendre de la part des familles de soldats tués.
Nation ou classe ? Telle est la question posée par ce capitalisme agonisant. D'un côté, une bourgeoisie enfermée dans ses frontières, prête à défendre ses intérêts nationaux en déchaînant l'enfer de la guerre. De l'autre, un prolétariat qui n'a pas de patrie, qui doit mener une lutte pour défendre ses conditions de vie et qui porte en lui ce sentiment profondément humain de la solidarité. Il ne s'agit pas là de belles grandes phrases théoriques et creuses mais d'une réalité concrète vécue depuis plus d'un siècle, dans leurs chairs, par des millions d'ouvriers.
Tout récemment, en Turquie, le prolétariat en a fait une nouvelle fois l'expérience. La bourgeoisie turque, afin de mener son offensive dans le nord irakien (lire l'article ci-dessus "Une position internationaliste venant de Turquie"), a déversé à grands flots son poison nationaliste. Et pourtant, au milieu de cette hystérie chauvine, des ouvriers ont osé se battre pour réclamer un salaire décent. Comme l'écrivent nos camarades d'EKS, "les ouvriers sont restés en grève en dépit du fait que les médias et divers membres de la classe politique leur répétaient qu'ils agissaient contre les intérêts nationaux". Et quelle grève ! Fin 2007, 26 000 ouvriers de Türk Telekom entraient en lutte. Ils se battront durant 44 jours. Cette perte de 1 100 000 journées de travail en fait la plus grande grève de l'histoire de la Turquie depuis la grève des mineurs de 1991 ! Au final, les grévistes ont obtenu une augmentation de 10 % cette année (un peu plus que le taux officiel d'inflation) et la promesse de 6,5 % (au-dessus de l'inflation) pour l'an prochain alors même que le PDG de Türk Telekom, Paul Doany, affirmait fermement quelques jours auparavant encore : "Aucun employé ne doit compter sur une augmentation au-dessus du taux d'inflation." Pour nos camarades d'EKS : "Arrivant peu de temps après que les travailleurs de THY [compagnie aérienne turque] aient obtenu [eux aussi] une augmentation de 10 %, cela envoie un message clair à tous les travailleurs de Turquie. L'unité et l'action collective sont les seuls moyens de protéger les salaires de l'inflation." Et nous pourrions rajouter, plus largement, que "cela envoie un message clair à tous les travailleurs" du monde entier !
Tous les ouvriers, aux quatre coins du globe, sont touchés aujourd'hui par l'inflation galopante. Partout, une vague de paupérisation est en train de s'abattre. Nos frères de classe de Turquie nous montrent qu'il est possible de se battre même dans des conditions extrêmement difficiles. Ils révèlent par-là même la force de notre classe. Pour la majorité des travailleurs des grands centres industriels à travers le monde, la guerre impérialiste sert de toile de fond tendue en permanence sur le théâtre de nos vies, mais elle n'est pas un enjeu immédiat dans notre quotidien. Par contre, pour les travailleurs de Turquie, la guerre est une réalité immédiate et brûlante. Ces lignes d'EKS en témoignent avec force : "Pour nous, il est tout à fait évident que la classe ouvrière de ce pays a placé les intérêts de la nation avant les siens propres depuis bien trop longtemps. La classe ouvrière a payé la guerre nationale du Sud-Est [de la Turquie] non seulement par des années d'inflation et d'austérité, mais aussi par le sang et la vie de ses enfants. Le temps est venu, en tant qu'ouvriers, de placer nos intérêts en premier."
Le courage dont ont fait preuve les ouvriers de Türk Telekom indique la direction à suivre pour les ouvriers du monde entier. A ce titre, nous encourageons fortement nos lecteurs à lire le débat qui a eu lieu au sein d'EKS sur cette grève, débat publié sous la forme d'une série de quatre articles traduits du turc par les camarades d'EKS et publiés sur notre site [1048] (1).
Françoise (3 juillet)
1) Toutes les citations d'EKS qui précédent sont tirées de ce débat.
Nous avons reçu, en Espagne, un courrier d'un camarade qui s'interroge sur la réalité de la crise écologique : "Quelle est la part de vérité dans tout cette mise en scène mondiale à propos du changement climatique ? N'y aurait-il pas des intérêts cachés ? [...] Etant donné la situation réelle de destruction du monde (Quelle est-elle ? Le savons-nous précisément ?), peut-on et doit-on continuer avec le niveau de consommation atteint par les masses ? Le système peut-il changer son modèle de production et de consommation ? Qui est, du prolétariat ou de la bourgeoisie, la classe la plus touchée par les catastrophes climatiques qui s'annoncent ? Sont-elles imminentes ?". Le camarade se demande si nous sommes face à un grave problème écologique ou si, au contraire, ce ne serait qu'une propagande de plus pour nous faire accepter les mesures d'austérité sous prétexte de "sauver la planète".
Il est tout à fait vrai que le capitalisme n'hésite pas à s'habiller en vert pour en tirer des bénéfices. Les entreprises exhibent aujourd'hui partout leur publicité "verte". Le cynisme de cette esbroufe peut d'ailleurs se vérifier par un exemple entre mille : l'entreprise espagnole d'électricité Endesa qui, dans ses publicités, se montre extrêmement respectueuse de la nature, vient d'engager au Chili un vaste plan de centrales hydroélectriques qui menace de détruire irrémédiablement les forêts, les fleuves, les lacs et les glaciers de la Patagonie chilienne (le Monde diplomatique, édition espagnole, février 2008) ! Il est aussi particulièrement répugnant de voir les tentatives que font tous les gouvernements pour nous culpabiliser. On en vient à croire que la mauvaise habitude d'aller travailler en voiture, de se doucher régulièrement, de produire des ordures, etc., serait la cause des maux environnementaux.
Mais sous cet amoncellement de propagandes ignobles, un problème réel très grave demeure tout de même : le capitalisme est en train de détruire irréversiblement la planète. Dans notre article de la Revue internationale no 104, intitulé "Seule la révolution prolétarienne sauvera l'espèce humaine", nous constations déjà que : "Tout au long des années 1990, le saccage de la planète s'est poursuivi à un rythme effréné : déforestation, érosion des sols, pollution toxique de l'air, des nappes phréatiques ou des océans, pillage des ressources naturelles fossiles, disséminations de substances chimiques ou nucléaires, destruction d'espèces animales et végétales, explosion des maladies infectieuses, enfin augmentation continue de la température moyenne à la surface du globe (7 des années les plus chaudes du millénaire se sont produites dans les années 1990)". Nous citions dans ce même article l'analyse d'un rapport de l'IPCC sur le changement climatique : "De nouvelles analyses indiquent que le xxe siècle a probablement connu le réchauffement le plus important de tous les siècles depuis mille ans dans l'hémisphère nord [...] diminution de l'épaisseur de la glace de 40 % en Arctique [...] le niveau moyen des mers s'est élevé de 10 cm à 20 cm pendant le xxe siècle [...] le rythme d'élévation des mers pendant le xxe siècle a été environ dix fois plus important que pendant les derniers trois mille ans." Notre article citait aussi la revue Manière de voir : "La capacité reproductrice et infectieuse de nombre d'insectes et rongeurs, vecteurs de parasites ou de virus, est fonction de la température et de l'humidité du milieu. Autrement dit, une hausse de la température, même modeste, donne le feu vert à l'expansion de nombreux agents pathogènes pour l'homme et l'animal. C'est ainsi que des maladies parasitaires - telles que le paludisme, les schistosomiases et la maladie du sommeil - ou des infections virales - comme la dengue, certaines encéphalites et fièvres hémorragiques - ont gagné du terrain ces dernières années. Soit elles ont fait leur réapparition dans des secteurs où elles avaient disparu, soit elles touchent à présent des régions jusque là épargnées. [...] Les projections pour l'an 2050 montrent que le paludisme menacera 3 milliards d'êtres humains. [...] Pratiquement disparu d'Amérique latine à partir de 1960, le choléra a fait 1 368 053 victimes entre 1991 et 1996".
Nous pensons donc qu'il faut répondre affirmativement aux questions que se pose le camarade sur les dangers du changement climatique. On peut aussi affirmer que les travailleurs et les masses laborieuses seront les plus affectés, mais la question est plus globale et profonde : il s'agit d'une menace de destruction pure et simple du milieu naturel dans lequel nous vivons !
Une question élémentaire se pose : quel est le rapport entre l'homme et la nature ? Dans la Dialectique de la nature, Engels précise que "l'animal utilise seulement la nature extérieure et provoque en elle des modifications par sa seule présence ; par les changements qu'il y apporte, l'homme l'amène à servir à ses fins, il la domine. Et c'est en cela que consiste la dernière différence essentielle entre l'homme et le reste des animaux" (1). Les sociétés humaines tentent d'adapter le milieu naturel à leurs besoins et d'exploiter au maximum ses richesses. Un double rapport s'est donc établi tout au long de l'histoire entre l'humanité et la nature : transformation mais aussi déprédation (c'est-à-dire un pillage entraînant la destruction). Sous les modes de production qui ont précédé le capitalisme (le communisme primitif, l'esclavagisme et le féodalisme), la nature exerçait une domination écrasante sur l'homme et la capacité de ce dernier à la modifier était très limitée. Ce rapport s'inverse radicalement avec le capitalisme. En premier lieu, les forces productives (machines, moyens de transport, les évolutions industrielles et agricoles) ont atteint une importance inédite. En second lieu, le capitalisme se répand dans le monde entier, soumettant tous les pays au pouvoir de son mode de production. Enfin, l'exploitation des recours naturels (agriculture, pêche, minerai, bétail...) devient systématique et extensive, altérant profondément les cycles et processus naturels (climat, régénération des terres cultivées, forêts, cours d'eau...). Pour la première fois, l'homme développe ainsi des forces productives qui épuisent les ressources naturelles existantes et les transforment irrémédiablement.
Cette capacité de la société humaine à transformer son milieu naturel constitue un progrès historique très important. Mais le capitalisme fait que ce progrès se manifeste fondamentalement par son côté négatif et destructeur. Les transformations réalisées par le capitalisme s'opèrent de façon chaotique et anarchique, oeuvrant dans le court terme, sans prendre en compte les conséquences à plus long terme. De plus, le capitalisme a développé les forces productives dans un carcan monstrueux : la division en classes et la concurrence féroce entre nations et entre entreprises. Il ne peut donc qu'engendrer, par nature, des dégâts sur le système écologique mondial dont les résultats catastrophiques commencent à être évidents et annoncent une perspective encore plus dramatique.
En tant que produit d'une longue évolution historique, les forces productives ont certes atteint un développement fantastique avec le capitalisme mais ce système reste profondément destructeur. Engels rappelle, dans l'œuvre précédemment citée, que "nous avons dompté les forces de la nature et les avons contraintes au service des hommes ; nous avons ainsi multiplié la production à l'infini, si bien qu'actuellement un enfant produit plus qu'autrefois cent adultes. Et quelle en est la conséquence ? Surtravail toujours croissant et misère de plus en plus grande des masses, avec, tous les dix ans, une grande débâcle". Le corps et l'esprit des travailleurs souffrent des ravages du capitalisme : destruction physique et psychologique, misère morale et matérielle, concurrence farouche, atomisation, parcellarisation extrême des capacités humaines, monstrueusement développées dans certains cas et castrées non moins monstrueusement dans d'autres. On arrive à un paradoxe terrible : "A mesure que l'humanité maîtrise la nature, l'homme semble devenir l'esclave de ses pareils ou de sa propre infamie. Même la pure lumière de la science semble ne pouvoir luire autrement que sur le fond obscur de l'ignorance. Toutes nos découvertes et tous nos progrès semblent avoir pour résultat de doter de vie intellectuelle les forces matérielles et de dégrader la vie humaine à une force matérielle" (2).
Le camarade qui nous écrit s'interroge sur la capacité du capitalisme à empêcher à temps la catastrophe qu'il a provoquée. Nous pensons que les lois et les contradictions internes du système non seulement l'empêchent d'y mettre un terme mais qu'il ne peut que l'aggraver, encore et encore. Le besoin de produire pour produire, d'accumuler pour accumuler, pousse le capitalisme à s'embourber dans des contradictions insolubles : "Aiguillonné par la compétition, par la rivalité anarchique des unités capitalistes luttant pour le contrôle des marchés, il obéit à une force interne pour s'étendre aux limites les plus lointaines possibles, et dans sa marche sans trêve vers son auto-expansion, il ne peut pas s'arrêter pour prendre en considération la santé ou le bien-être de ses producteurs, ou les conséquences écologiques de ce qu'il produit et comment il le produit" (3).
Tous ces phénomènes se retrouvent dès la naissance du capitalisme, mais ils atteignent un paroxysme durant sa période de décadence. Quand la majeure partie de la planète est incorporée au marché mondial, au début du XXe siècle, la décadence du capitalisme commence et alors "la destruction impitoyable de l'environnement par le capital prend une autre dimension et une autre qualité [...]. C'est l'époque dans laquelle toutes les nations capitalistes sont obligées de se concurrencer dans un marché mondial sursaturé ; une époque, par conséquent, d'économie de guerre permanente, avec une croissance disproportionnée de l'industrie lourde ; une époque caractérisée par l'irrationnel, le dédoublement inutile de complexes industriels dans chaque unité nationale, le pillage désespéré des ressources naturelles par chaque nation" (Revue internationale no 63).
Déjà, durant la période ascendante du capitalisme, au xixe siècle, Marx et Engels avaient, en de nombreuses occasions, dénoncé la façon dont la soif de profit de ce système empoisonnait les conditions de travail et d'existence de la classe ouvrière. Ils considéraient même que les grandes cités industrielles étaient dès cette époque devenues trop grandes pour fournir des bases de communautés humaines viables et ils considéraient "l'abolition de la séparation entre les villes et la campagne" comme une composante à part entière du programme communiste. Ce problème s'est dramatiquement aggravé pendant la décadence, période pendant laquelle nous avons vu la prolifération de mégapoles de 10 ou 20 millions d'êtres humains, qui entraînent de gigantesques problèmes de pollution, d'approvisionnement en eau, d'élimination des ordures, d'épuration des eaux résiduelles, etc., ce qui donne naissance à de nouvelles sources de destruction de l'équilibre écologique, de maladies, de malformations, etc. Mais la décadence du capitalisme ajoute aussi un autre phénomène qualitativement nouveau. Durant des siècles, l'humanité a souffert des stigmates de la guerre, mais les guerres du passé ne peuvent en rien se comparer aux guerres des xxe et xxie siècles, que les marxistes qualifient d'un terme qui reflète leur nouveauté historique : la guerre impérialiste. Ne pouvant ici approfondir ce thème (4), nous nous limiterons à signaler que ses effets sur l'environnement sont dévastateurs : destructions nucléaires, développement d'agents pathogènes à travers l'utilisation d'armes bactériologiques et chimiques, altération brutale de l'équilibre écologique par l'usage massif de combustibles fossiles et d'armements nucléaires, etc. Le solde de plus d'un siècle de guerres impérialistes sur l'environnement reste à évaluer, puisqu'il est pour l'instant nié ou radicalement sous-estimé par la bourgeoisie (5).
Les problèmes écologiques globaux demandent une solution globale. Mais en dépit de toutes les conférences internationales, en dépit de tous les vœux pieux sur la coopération internationale, le capitalisme est irréductiblement fondé sur la compétition entre des économies nationales. Nous ne pouvons rien attendre du capitalisme. Il est significatif que le livre de l'ancien vice-président des Etats-Unis, pays le plus pollueur de la planète, Al Gore, ne propose essentiellement, sous un titre apparemment "audacieux" (Une vérité qui dérange), que des mesures aussi grotesques que de manger moins de viande, laver la vaisselle à la main, d'utiliser des étendoirs pour sécher le linge ou de travailler depuis chez soi !
Face à un problème aux dimensions planétaires qui dérive, comme nous l'avons vu, du rapport entre l'organisation sociale et l'organisation de la nature, ce Monsieur ne fait que révéler l'impuissance des représentants du capital qui sont incapables de proposer autre chose qu'un catalogue de "bonnes mœurs citoyennes" aussi ridicules qu'inutiles. Al Gore nous propose "d'adopter une conduite verte irréprochable" et, en rejetant la responsabilité du désastre écologique sur le "citoyen", tente de nous rendre responsables de tous les maux de la terre pour, en fin de compte, innocenter le véritable coupable des désastres qui nous menacent.
Nous devons crier bien haut, à l'encontre d'Al Gore et autres propagandistes de la pensée "verte", cette vérité dérangeante pour le capitalisme : "Dans la phase actuelle de décomposition avancée, la classe dominante perd de plus en plus le contrôle de son système social. L'humanité ne peut plus se permettre de laisser le sort de la planète entre les mains des bourgeois. La "crise écologique" est une preuve de plus que le capitalisme doit être détruit avant qu'il n'entraîne l'ensemble du monde dans l'abîme" (Revue internationale no 63).
La révolution prolétarienne doit supprimer les Etats et les frontières nationales, éliminer la division de la société en classes, en finir avec la production marchande et l'exploitation de l'homme par l'homme, détruire le système qui conduit tant à l'anéantissement du genre humain qu'à celle de l'environnement écologique de la planète. La société à laquelle aspire le prolétariat se base sur la communauté humaine mondiale, qui planifie consciemment la production sociale et qui porte en elle un rapport harmonieux avec le milieu naturel. Les rapports de fraternité et de solidarité, de conscience collective, que contient la communauté humaine mondiale, s'étendent naturellement aux rapports avec l'environnement.
CCI (24 février 2008)
1) Engels précise aussi dans cet ouvrage que l'humanité fait partie intégrante du milieu naturel et n'est en aucun cas un élément extérieur : "Et ainsi les faits nous rappellent à chaque pas que nous ne régnons nullement sur la nature comme un conquérant règne sur un peuple étranger, comme quelqu'un qui serait en dehors de la nature, mais que nous lui appartenons avec notre chair, notre sang, notre cerveau, que nous sommes dans son sein et que toute notre domination sur elle réside dans l'avantage que nous avons sur l'ensemble des autres créatures de connaître ses lois et de pouvoir nous en servir judicieusement".
2) Marx, Discours lors de l'anniversaire du People's Paper, 1856.
3) Revue internationale no 63, "C'est le capitalisme qui pollue la planète" [1049].
4) Lire "Qu'est-ce que l'impérialisme ?" [1050] .
5) Lire par exemple "Irak, Afghanistan, Kosovo : sur les ravages des armes à l'uranium appauvri". [1051]
L'article publié ici nous a été envoyé par les camarades du groupe Internasyonalismo des Philippines. Il nous montre ce que valent vraiment les larmes de crocodile que verse la classe dominante philippine, aussi bien au pouvoir que dans l'opposition, sur les souffrances de la population dues à la crise alimentaire. Cette crise est le résultat, non pas de mauvaises récoltes, mais de la soif insatiable de profit de l'économie capitaliste. Les premières victimes sont la classe ouvrière et les masses déshéritées, frappées de plein fouet par l'augmentation massive des prix des denrées alimentaires. Et ce fléau n'est pas prêt de s'arrêter puisque l'irresponsabilité cynique de la classe capitaliste détruit progressivement le système écologique dont dépend la production de nourriture de l'humanité.
L'analyse
de l'article se concentre sur le rôle de la production de
biocarburants et la dégradation des zones productrices de riz par la
surexploitation agricole. A notre avis, un point devrait être
ajouté : le rôle joué par le détournement de capitaux
spéculatifs du marché immobilier aux Etats-Unis et en Europe, vers
les marchés de biens de consommation - et, en particulier, les
futurs marchés de denrées alimentaires. Selon Jean Ziegler,
rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à l'alimentation,
30 % de l'augmentation peuvent être directement attribués à la
spéculation.
n'a attiré que très récemment l'attention des médias, mais c'est un phénomène qui s'est développé régulièrement depuis des décennies. Les émeutes de la faim de Haïti au Bengladesh, du Pakistan à l'Egypte, peuvent avoir amené au premier plan de l'attention mondiale l'élévation vertigineuse des prix des matières premières, mais le fait reste que c'est le résultat direct de décennies de ravages du capitalisme. Pendant un temps, les gouvernements nationaux, comme celui d'Arroyo, ont essayé d'ignorer les signes de la crise en gestation, même quand les prix du riz sur le marché public grimpaient de façon vertigineuse (jusqu'à 34 % d'augmentation par an aux Philippines).1La présidente des Philippines a même ironisé sur le fait qu'il n'y avait rien qui ne ressemblait à une pénurie de riz puisque "c'est un phénomène physique dans lequel les gens font la queue dans les rues pour acheter du riz. Voyez-vous des queues aujourd'hui ?" (2). Le monde connaît actuellement une inflation des prix des denrées alimentaires sans précédent à l'échelle mondiale, affectant en particulier les produits de base les plus importants comme le maïs, le riz et le blé. Selon la FAO (Food and Agricultural Organization des Nations-Unies), entre mars 2007 et mars 2008, les prix ont augmenté de 88 % pour les céréales, de 106 % pour les huiles et les graisses et de 48 % pour les produits laitiers. Un rapport de la Banque Mondiale souligne par ailleurs que dans les 36 mois précédant la fin février 2008, le prix global des denrées alimentaires avait augmenté de 83 % et s'attend à ce que la plupart des prix de ces denrées reste jusqu'à 2015 bien au dessus des niveaux de 2004 (3). En Thaïlande, la variété de riz la plus populaire, qui se vendait 198 dollars la tonne il y a 5 ans, a atteint un record avec plus de 1000 dollars la tonne le 24 avril 2008 (4). Le même phénomène se répète dans le monde entier. Rien qu'aux Philippines, le prix au détail du riz est passé de 60 centimes de dollar par kilo il y a un an à 72 cents le kilo aujourd'hui. Dans un pays où 68 millions de ses 98 millions d'habitants vivent avec 2 dollars par jour ou moins (5), c'est devenu un horrible cauchemar.
La crise alimentaire est le résultat inévitable de la crise permanente du capitalisme depuis la fin des années 1960. Les différentes économies nationales se battent pour rester à flot dans un monde où la concurrence est intense sur un marché mondial déjà saturé. En conséquence, les gouvernements adoptent des politiques destinées à favoriser la croissance des industries qui vont injecter plus de dollars dans leur économie plutôt que de couvrir les besoins de leur population. Avec la combinaison de l'utilisation sans limite des ressources naturelles et de la carte de la production industrielle pour le profit, qui augmente les niveaux de pollution et l'émission de gaz à effet de serre à l'échelle mondiale, la recette capitaliste fournit à l'humanité les ingrédients de sa propre destruction. Dans le domaine de la production agricole, l'utilisation de produits azotés et la surexploitation des sols pour doper les productions agricoles ont détruit la productivité des centres autrefois fertiles. S'il est vrai que l'application de méthodes de culture plus élaborées au début des révolutions vertes a conduit dans le monde entier à des accroissements de productivité, nous avons vu aussi des chutes graduelles de la production agricole dans beaucoup de parties du monde. Selon un rapport de l'Institut des sciences dans la société, basée à Londres : "En Inde, le rendement en céréales par unité d'engrais utilisé a diminué des deux tiers pendant les années de la Révolution Verte. La même chose se produit partout. Entre 1970 et 2000, l'augmentation annuelle de l'emploi d'engrais pour le riz a dépassé de 3 à 40 fois l'augmentation du rendement en riz. [...] Cependant, c'est la chute absolue des rendements malgré les injections massives d'engrais qui a finalement fait éclater la bulle de la Révolution Verte. Dans les années 1990, après des augmentations spectaculaires dans les premiers temps de la Révolution Verte, les rendements ont commencé à baisser. Dans le Luzon Central (Philippines), les rendements du riz ont régulièrement augmenté pendant les années 1970, plafonné au début des années 1980 et ne font que décroître depuis. Des schémas similaires sont observés dans les systèmes de culture de riz et de blé en Inde et au Népal. [...] Depuis 2000, les rendements ont encore diminué à tel point que sur 6 des 7 dernières années, la production de blé est tombée en dessous du niveau de la consommation" (6).
La
quête du profit dans un système décadent pris dans son propre
réseau de contradictions a entraîné la destruction de la fertilité
naturelle des sols. Ils sont épuisés. S'il est vrai que
l'économie mondiale produit encore plus de nourriture que ce dont
le monde a besoin, une bonne quantité de ce qui est produit et
distribué par le commerce capitaliste mondial est détérioré avant
d'arriver sur le marché, et quand elle arrive, des millions de
gens n'ont pas de quoi l'acheter. En dernière analyse, le point
final de cette crise est la paupérisation de la classe ouvrière et
la chute de la majeure partie de l'humanité dans la pauvreté
abjecte et dans le dénuement. Mais après tout, le souci premier du
capitalisme a toujours été d'accumuler de la plus-value, jamais
de satisfaire les besoins de la société.
Selon Arturo Yap, secrétaire du Département d'Agriculture des Philippines, "nous n'avons pas une crise alimentaire mais plutôt une crise du prix du riz. Tous, nous cherchons des solutions innovatrices dans notre pays - comment résoudre non seulement la question de l'approvisionnement mais aussi celle du prix, comment arriver à ce que les familles pauvres puissent manger". Il dit qu'il y a cinq problèmes essentiels à la "crise du riz" actuelle aux Philippines que le gouvernement doit essayer de résoudre : premièrement, une demande accrue du fait de l'augmentation de la population ; deuxièmement, les effets des changements climatiques ; troisièmement, la demande de biocarburants qui a explosé ; quatrièmement, la conversion continuelle de terres agricoles en terres pour d'autres usages ; enfin, le mauvais entretien des systèmes d'irrigation. A première vue, on peut trouver valables en tant que telles les prétendues causes de "la crise du riz" aux Philippines. Mais le fait est que, derrière tout cela, il y a une vérité indéniable : le cadre réel dans lequel sont apparues toutes les raisons énumérées qui est, en dernière analyse, leur cause fondamentale - c'est bien le système capitaliste mondial de production. Premièrement, la "demande accrue du fait de l'augmentation de population" n'est rien d'autre qu'une excuse pour cacher que ce qui est produit par l'économie capitaliste mondiale est plus axé sur la production de plus-value que sur la satisfaction des besoins de l'humanité. Deuxièmement, les effets des changements climatiques sur la production agricole sont aussi le résultat direct du système de production capitaliste. Par exemple, ce n'est pas l'industrialisation en elle-même qui est responsable des changements climatiques, mais "la recherche d'un profit maximal et l'indifférence qui en découle vis-à-vis des besoins écologiques et humains" (7). Tous les Etats, y compris celui des Philippines qui reconnaît que la dégradation de l'environnement pèse lourd, sabotent la recherche de sources d'énergies alternatives, plus favorables pour l'environnement. Troisièmement, la demande croissante en biocarburants sur la production agricole est en elle-même une conséquence de la politique de tous les Etats, y compris celle du gouvernement Arroyo, qui recherche des énergies alternatives pour soulager le poids de la dépendance de leur production industrielle vis-à-vis de l'approvisionnement extérieur en pétrole. Par-dessus le marché, abaisser les dépenses en pétrole pour des "motifs sociaux" augmente aussi la capacité de chaque Etat de dépenser plus pour la production militaire et pour la guerre. Ce n'est pas tant une préoccupation pour l'environnement qui mène à la politique de développement des biocarburants, mais le besoin de chaque capital national de se rendre indépendant vis-à-vis du pétrole. Il est intéressant de noter que dès la Seconde Guerre mondiale, les biocarburants avaient déjà été utilisés dans les efforts de guerre autant par les puissances alliées que par celles de l'Axe, comme les Etats-Unis ou l'Allemagne nazie. Aux Philippines, la transformation de la production agricole selon les besoins de l'industrie des biocarburants correspond aux efforts du gouvernement philippin de produire des récoltes à plus haute valeur afin de rechercher des sources supplémentaires de revenus en dollars. Quatrièmement, la transformation continuelle de terres cultivables en parcelles, terrains de golf, complexes industriels, est aussi le résultat direct de la politique gouvernementale en matière d'agriculture, en particulier aux Philippines. Les décennies du vieux CARP (Comprehensive Agrarian Reform Program) ont été à la fois un échec et un désastre. A l'époque où l'intense concurrence capitaliste sur le marché mondial détruit la petite production agricole à cause du coût élevé des cultures et de l'endettement croissant, les fermiers sont obligés soit d'abandonner leurs terres, soit de se soumettre à des arrangements précaires en tant que cultivateurs sous contrat avec de gros consortiums, une pratique qui est celle qui prévaut dans la région de Mindanao aux Philippines (8). En ce qui concerne le problème récurrent de la négligence absolue au niveau du système d'irrigation aux Philippines, la mauvaise gestion et la corruption, du gouvernement sont une expression de la décomposition des formes idéologiques dans la décadence capitaliste, dans laquelle le "chacun pour soi" règne en maître.
Comme
on pouvait s'y attendre de la part d'un Etat bourgeois confronté
à une crise de grande ampleur au sein de la décadence capitaliste,
l'Etat philippin, avec le régime Arroyo, a répondu au problème
sous la forme d'une intervention active de l'Etat - un
changement qui est soutenu et fortement mis en avant par toutes les
formations gauchistes aux Philippines. La gauche et la droite du
capital sont unies pour brandir le slogan selon lequel il n'y a
plus que l'Etat qui puisse sauver les ouvriers et les plus pauvres
parmi les pauvres des affres de la faim et du dénuement. Elles
passent complètement sous silence le fait que l'Etat, qu'elles
encouragent à plus intervenir, est le véritable organe qui impose
la dictature bourgeoise, qui protège la source même de l'esclavage
et des souffrances - le capitalisme. En essayant d'être plus
"radicaux", en parole et en contenu, les différents courants
gauchistes font pression pour que le contrôle de l'Etat sur la
société soit absolu et agressif. La "critique" gauchiste selon
laquelle ce que ferait l'Etat ne serait pas "suffisant" -
"relever" le budget pour l'agriculture, donner des "subsides
pour le riz" aux "plus pauvres des pauvres", concurrencer les
commerçants privés en achetant et en vendant du riz - et qu'il
manque une "volonté politique", tout cela montre clairement que
les gauchistes veulent un contrôle absolu de l'Etat. Ils en
arrivent même à brandir le vieux dogme de la dictature du parti et
du totalitarisme - le contrôle complet, englobant toute la vie, de
l'Etat comme dans les pays dits "socialistes" qu'ils
soutiennent comme étant des "vestiges" de la Révolution
d'Octobre.
La gauche et la droite du capital sont unies pour mettre en avant des programmes mystificateurs qui cachent le fait qu'il n'y a pas de solution à la crise dans le cadre de ce système. Les contradictions entre les forces et les rapports de production sont déjà à leur summum. Il n'y a pas d'intervention réformiste et temporaire de l'Etat pouvant changer le fait que, quelle que soit la solution qui puisse être avancée dans le cadre du capitalisme, elle ne fera que conduire à une crise et à une destruction plus intense de l'environnement. Toute solution effective que l'Etat peut avancer ne représentera qu'un fardeau encore plus lourd pour la classe ouvrière et les masses travailleuses. Même si l'Etat exerçait un contrôle absolu sur la vie économique de la société, la crise continuerait à s'intensifier, du fait de la saturation du marché mondial et de l'incapacité de la population à absorber toute la production de biens de consommation en excès dans un système qui ne vit que de la concurrence et du profit. L'histoire a déjà prouvé que le capitalisme d'Etat et le totalitarisme sont de vaines réponses du capital confronté à une crise permanente qui s'intensifie. La chute de l'URSS et de l'Europe de l'Est dans les années 1990 en est un témoignage irréfutable.
La solution de la crise ne se trouve pas dans un système agonisant, mais en-dehors de lui. Elle est dans les mains de la seule classe révolutionnaire qui détient les germes de la future société communiste, la classe ouvrière. La solution n'est pas sur la voie du capitalisme, ni dans la voie des réformes et de la transformation pacifique du capitalisme en socialisme. La solution ne se trouve pas dans le contrôle absolu de l'Etat sur la vie économique de la société, mais dans la destruction du capitalisme lui-même et de l'Etat bourgeois qui lui sert d'appareil de domination. En d'autres termes, la solution à la crise alimentaire, c'est de détruire le système de production basé sur le profit et d'établir un système dont la production toute entière sera réalisée pour les besoins de l'humanité. La première étape dans cette direction et vers la transformation révolutionnaire de la société n'est pas la démarche réformiste des différentes organisations gauchistes, pas plus qu'elle n'est représentée par l'intervention absolutiste de l'Etat. Elle n'est pas sur la route pacifique et "légaliste" des "lakbayan" (marches de protestation) popularisées par les formations gauchistes aux Philippines. Elle n'est pas sur la route du syndicalisme non plus. Elle se trouve entre les mains de la classe ouvrière elle-même (9), qui se confronte aux attaques du capital sur son propre terrain, avec ses propres organes unitaires de lutte - les assemblées ouvrières, la préfiguration des conseils ouvriers.
Travailleurs du monde entier, unissez vous ! Ce n'est que sur ce chemin de l'unité de la classe que pourra se produire le plus haut moment inévitable du mouvement prolétarien : la révolution prolétarienne mondiale.
Internasyonalismo (7 mai 2008)
1)
Voir Environment News Service pour un rapport en anglais ou
le site des Nations-Unies pour un rapport en français
2)
Gil C. Cabacungan Jr., Mise en garde d'Arroyo sur la crise du
riz, Philippine Daily Inquirer, 24 mars 2008.
3)
Rising Food Prices : Options Politiques et Réponse de la
Banque Mondiale, page 2, (souligné par nous).
4)
"Bangkok, 24 avril - les prix du riz thaï benchmark ont fait
un bond de plus de 5 % avec un record à plus de 1000 dollars la
tonne jeudi, et les traders chez les principaux exportateurs du
monde espéraient de meilleurs gains encore si les acheteurs d'Iran
et d'Indonésie viennent sur le marché" (dépêche de
l'agence Reuters citée dans Flex News)
5)
Office national des statistiques, Le revenu familial et les
dépenses en 2006, publié le 11 janvier 2008.
6)
Beware the News
"Doubly Green Revolution", ISIS Press Release, 14/01/08.
7)
"Chaos impérialiste, désastre écologique, le capitalisme en
perdition", Revue internationale no 129.
8)
"L'association Soyapa Farms Growers emploie 360 ouvriers
contractuels, des adultes et des enfants. L'association s'est
formée à l'initiative de Stanfilco il y a six ans, quand elle a
convaincu ses membres de faire pousser des bananes. Ce n'est pas
une coopérative - chaque éleveur garde la propriété de son
lopin individuel et chacun a un contrat individuel pour vendre ses
bananes à Dole" ("La guerre de la banane aux Philippines",
8 juillet 1998, Melissa Moore sur www.foodfirst.org [1052]).
9) "L'émancipation de la classe ouvrière sera l'œuvre de la classe ouvrière elle-même, la lutte pour l'émancipation des classes travailleuses ne signifie pas lutter pour des privilèges de classe et de monopoles, mais pour l'égalité des droits et des devoirs et l'abolition de toute domination de classe", Association Internationale des Travailleurs, Règles générales, octobre 1864, souligné par nous.
Il y a un peu plus d'un an maintenant, la crise de l'immobilier qui s'ouvrait aux Etats-Unis (la désormais célèbre "crise des subprimes") donnait le coup d'envoi à une brutale accélération de la crise économique mondiale. Depuis lors, l'humanité est touchée de plein fouet par une véritable vague de paupérisation. Subissant les affres de l'inflation (en quelques mois, les denrées alimentaires de base ont plus que doublé dans de nombreuses régions du monde), les couches de la population les plus démunies ont été confrontées à l'horreur de la famine. Les émeutes de la faim qui ont explosé du Mexique au Bengladesh, en passant par Haïti et l'Egypte, ont représenté une tentative désespérée de faire face à cette situation insoutenable. Au cœur même des pays les plus industrialisés, les conditions de vie de toute la classe ouvrière se sont profondément dégradées. Un seul exemple : plus de deux millions d'Américains, dans l'incapacité de rembourser leurs emprunts, ont été expulsés de leur maison. Et un million de personnes encore sont menacées de se retrouver à la rue d'ici 2009.
Cette dure réalité ressentie dans leur chair par les ouvriers et toutes les couches non-exploiteuses du monde ne peut plus être niée par la bourgeoisie. Les déclarations des responsables des institutions économiques comme celles des analystes financiers ne peuvent même plus aujourd'hui dissimuler leur inquiétude :
• "Nous sommes confrontés à l'un des environnements économiques et de politique monétaire les plus difficiles jamais vu" (d'après le président de la Réserve fédérale américaine, la FED, le 22 août).
• La "conjoncture" actuelle est "la plus difficile depuis plusieurs décennies" (d'après HSBC, la "plus grande banque du monde", citée par Libération le 5 août 2008).
• Il s'agit d'un "interminable krach" (titre du Point daté du 24 juillet).
• "Pour l'économie, la crise est un tsunami qui approche" (J.Attali, économiste et homme politique français, dans le Monde du 8 août 2008).
Les rayons "Economie" des librairies se remplissent de livres aux titres qui proclament eux-aussi le caractère catastrophique de la situation. De La grande crise monétaire du XXIe siècle a commencé de P. Leconte à L'implosion, la finance contre l'économie de P. Jorion, ces ouvrages nous annoncent tous un avenir carrément cataclysmique.
La crise économique mondiale actuelle est donc particulièrement grave mais cela, la classe ouvrière le savait déjà, elle qui en subit la première ses brutales conséquences. La vraie question est de savoir s'il s'agit d'un simple mauvais passage, d'une sorte de "trou d'air" ou, mieux, d'une "purge salvatrice" permettant aujourd'hui à l'économie mondiale de punir les excès de la finance pour, demain, repartir de plus belle. A en croire tous les plumitifs de la classe dominante, il ne peut en être autrement. "Je suis convaincu que 2010 devrait être une année de fort retour à la croissance" affirme ainsi J.Attali dans le même journal, et la bourgeoisie de reprendre en cœur "oh oui, nous en sommes convaincus". Mais est-ce la réalité ? L'accélération actuelle de la crise ne démontre-t-elle pas quelque chose de beaucoup plus profond : la faillite historique du capitalisme ?
En fait, la crise n'a pas commencé en 2007 mais à la fin des années 1960. A partir de 1967 en effet, de graves troubles monétaires s'accumulent et les grandes économies nationales voient peu à peu leurs taux de croissance diminuer. C'est la fin de la période de "prospérité" des années 1950 et 1960, ce que la bourgeoisie appela "les Trente Glorieuses" (1). Cela dit, en 1967, cette crise n'éclate pas avec la violence et l'aspect spectaculaire du krach de 1929. La raison en est simple. Les Etats avaient tiré les leçons de la période noire de l'entre-deux-guerres. Pour empêcher que l'économie ne soit à nouveau submergée par la surproduction et ne se bloque, ils ont eu recours à un artifice : l'endettement systématique et généralisé. Par cet endettement des Etats, des entreprises et des particuliers, "la demande" s'est maintenue à peu près au niveau de "l'offre" ; autrement dit, les marchandises se sont écoulées à coup d'emprunts.
Mais l'endettement n'est qu'un palliatif, il ne guérit pas le capitalisme de la maladie de la surproduction. Incapable de se "soigner" réellement, ce système d'exploitation doit avoir recours sans cesse et de manière croissante à cet artifice. En 1980, le montant de l'endettement aux Etats-Unis était à peu près égal à la production nationale. En 2006, la dette était 3,6 fois plus grande (soit 48 300 milliards de dollars) ! Il s'agit d'une véritable fuite en avant. Le capitalisme vit sur une montagne de dette, c'est un fait indéniable ; mais les spécialistes bourgeois nous rétorquent que peu importe puisque cela fonctionne. La réalité est toute autre. L'endettement n'est pas une solution magique, le capital ne peut pas indéfiniment sortir de l'argent de son chapeau. C'est le b-a-ba du commerce : tout endettement doit un jour être remboursé sous peine d'engendrer, pour le prêteur, de sérieuses difficultés pouvant aller jusqu'à la faillite. Nous revenons donc en quelque sorte à la case départ, le capital n'a fait que gagner du temps face à sa crise historique. Pire ! En reportant ainsi les effets de sa crise au lendemain, il a préparé en réalité des convulsions économiques plus violentes encore. La bourrasque de la crise asiatique de 1997, son aspect fulgurant et dévastateur en avait constitué une démonstration vivante. A l'époque, les fameux tigres et dragons asiatiques connaissaient une croissance record grâce à un endettement massif. Mais le jour où il fallut rembourser, tout s'écroula comme un château de carte. En quelques semaines, cette région fut tout simplement exsangue (un millions de chômeurs supplémentaires en quelques semaines en Corée, par exemple). Et la bourgeoisie n'eut alors d'autre choix, pour éviter que cette tempête ne se propage à l'économie mondiale, que de recourir à de nouveaux prêts, à coups de centaines de millions de dollars. Il s'agit d'une spirale infernale... et qui s'accélère ! Peu à peu, le "remède" devient de moins en moins efficace et le malade doit, pour survivre, sans cesse augmenter les doses. Cette fois les effets de la perfusion de 1997 ne durèrent que quatre ans. En 2001, en effet, la bulle Internet éclate. Devinez quelle fut la "solution" de la bourgeoisie ? Une augmentation spectaculaire de l'endettement ! Les autorités économiques américaines, conscientes de l'état réel de leur économie et de sa dépendance à la perfusion de crédits, ont à ce point fait tourner la machine de l'endettement qu'un analyste de la banque ABN-AMRO surnomma le directeur de la FED de l'époque, A.Greenspan, "d'Hercule de la planche à billets" !
1967-2007 est donc une longue période de crise avec ses phases d'accalmie puis de récession plus ou moins profondes. Mais depuis une décennie, l'histoire semble accélérer et le nouvel épisode actuel apparaît comme une bourrasque particulièrement violente. La montagne de dettes accumulées durant quatre décennies s'est transformée en véritable Everest suite aux crises de 1997 et 2001 et le capital en dévale aujourd'hui la pente.
Pendant une décennie, la bourgeoisie américaine a facilité à l'extrême l'accès au crédit immobilier aux couches les plus défavorisées de la classe ouvrière. Mais en même temps, à cause de la crise, elle l'a appauvrie en licenciant, en précarisant, en baissant les salaires, en détruisant l'accès aux soins, etc. Le résultat était inévitable : une bonne partie de ceux que les banques ont poussé à s'endetter pour acheter une maison (ou à hypothéquer leur logement pour acheter tout simplement de la nourriture, des vêtements...) n'ont plus été en situation de pouvoir rembourser. Ne voyant pas "leur" argent revenir, les banques ont accumulé les pertes, des pertes tellement importantes que de plus en plus d'établissements financiers sont en faillite ou menacés de faillite. Or, par le biais de la "titrisation" (c'est-à-dire de la transformation des créances en valeurs mobilières échangeables sur le marché mondial comme les autres actions et obligations), les organismes prêteurs sont parvenus à revendre leurs créances à des banques dans tous les pays. C'est pourquoi la crise des "subprimes" a touché le système bancaire dans le monde entier. Aux Etats-Unis, la faillite de la banque Indymac est la plus importante depuis 1982. Sans l'aide des banques centrales, la banque suisse UBS, qui est l'une des plus grandes banques du monde, aurait fait banqueroute elle aussi. Et puisque c'est toujours la classe ouvrière qui paie les pots cassés, les banques ont supprimé 83 000 emplois dans le monde depuis début 2007 et ce chiffre pourrait doubler dans les mois qui viennent (les Echos, 24 juin 2008).
La banque est le cœur de l'économie, c'est elle qui concentre tout l'argent disponible : si elle n'est plus là, les entreprises s'arrêtent parce qu'elles ne peuvent plus payer les salaires, ni acheter les matières premières et les machines ; surtout, elles ne peuvent plus contracter de nouveaux prêts. Or, même les banques qui ne sont pas en faillite sont de plus en plus frileuses pour accorder un prêt de peur de ne pas être remboursées dans le climat économique actuel.
La conséquence est inexorable : l'activité économique ralentit aujourd'hui brutalement. Dans la zone euro, le PIB a baissé de 0,2 % au deuxième trimestre 2008. Dans l'industrie, c'est par milliers que Peugeot, Altadis, Unilever, Infineon suppriment des emplois. General Motors est menacé purement et simplement de faillite et annonce comme possible la suppression de 73 000 emplois (le Figaro, 10 mars 2008). Lorsque la direction de Renault affirme, au moment où elle annonce 5000 suppressions d'emplois, "Il vaut mieux le faire quand vous commencez à voir le vent tourner plutôt que quand la tempête est là" (le Monde, 25 juillet 2008), il faut entendre qu'il y a vraiment le feu à la maison et que le pire est à venir pour la classe ouvrière !
Mais une question vient immédiatement à l'esprit : pourquoi ne pas continuer à accroître l'endettement comme après l'éclatement de la bulle Internet ? N'y aurait-il plus "d'Hercule de la planche à billets" à la Réserve Fédérale des Etats-Unis ou ailleurs ?
En fait, le fort retour actuel de l'inflation montre que l'endettement a atteint des limites qui ne peuvent pas être dépassées, pour le moment, sans quoi le remède serait pire que le mal. L'endettement signifie la création de quantités d'argent toujours plus considérables. D'après l'économiste P. Artus, "les liquidités augmentent de 20 % l'an depuis 2002". La création de telles masses d'argent ne peut engendrer que de fortes poussées inflationnistes (2). De plus, les spéculateurs de la planète ont accentué cette tendance inflationniste en misant massivement sur le pétrole et les denrées alimentaires de base. Ne pouvant miser de façon classique en bourse sur les entreprises (compte-tenu de la crise), ni dans la nouvelle économie (qui a fait "flop" en 2001), ni dans l'immobilier (en train de s'écrouler), les spéculateurs se sont en effet tous rabattus sur ce que les gens sont obligés d'acheter, le pétrole et la nourriture, quitte à plonger dans la famine une partie de l'humanité ! (3)
Le danger est grand pour l'économie capitaliste. L'inflation est un véritable poison, elle peut entraîner l'effondrement des monnaies et le dérèglement du système monétaire mondial. L'affaiblissement du dollar en prend actuellement le chemin. Si un tel événement se produisait, cela entraînerait un blocage du commerce mondial puisque la monnaie américaine constitue la référence internationale. Il est d'ailleurs tout à fait significatif que les directeurs des grandes banques centrales (la FED, la BCE...) dans toutes leurs interventions nous disent toujours deux choses contradictoires. D'une part, pour éviter la récession, ils disent qu'il faut lâcher encore un peu plus la bride au crédit, qu'il faut baisser les taux d'intérêt pour développer la demande. D'autre part, ces mêmes directeurs veulent combattre l'inflation ce qui veut dire... augmenter les taux d'intérêt pour freiner l'endettement ! Ces grands bourgeois ne sont pas schizophrènes, ils expriment ici simplement la contradiction réelle dans laquelle est enferré le capitalisme. Ce système est maintenant pris entre l'enclume de la récession et le marteau de l'inflation. En d'autres termes, la bourgeoisie va devoir dorénavant naviguer entre deux eaux : freiner l'endettement pour limiter l'inflation, tout en ne coupant pas trop les robinets du crédit afin de ne pas bloquer l'économie comme cela s'est passé en 1929. Bref, ils sont réellement dans une impasse.
La récession actuelle est un nouvel épisode de la faillite historique du capitalisme particulièrement grave et violent. Cette crise qui dure depuis quarante ans vient de changer de rythme, elle marque une véritable accélération même s'il ne faut pas croire, qu'emporté par une sorte de "crise ultime", le capitalisme va se bloquer définitivement et "disparaître de lui-même. Ce qui est important, c'est que cette situation, jamais vue depuis 1929, va avoir des implications considérables sur les conditions de vie de la classe ouvrière comme sur le développement de ses luttes. La bourgeoisie va abattre ses foudres sur le prolétariat ; comme toujours, elle va lui faire payer sa crise. Et ici, une chose est certaine : aucunes des politiques économiques que nous proposent les différents partis (de l'extrême droite à l'extrême gauche), dans quelque pays que ce soit, ne peut améliorer la situation. C'est seulement la lutte de la classe ouvrière qui peut empêcher la bourgeoisie de prendre ses mesures drastiques. Or, l'inflation qui se développe, parce qu'elle touche tous les ouvriers, crée un terrain favorable à la lutte unie et solidaire. Le développement de la lutte de la classe ouvrière est non seulement le seul moyen qui peut empêcher la bourgeoisie de porter ses coups, mais c'est aussi le seul moyen réaliste d'ouvrir la voie à la destruction du capitalisme et à l'avènement d'une société -le communisme -dans laquelle les crises n'existeront plus parce qu'enfin on ne produira plus pour le profit mais pour satisfaire les besoins humains.
Vitaz (30 août)
1) Expression consacrée par l'ouvrage de référence de J. Fourastié : "Les Trente Glorieuses, ou la révolution invisible de 1946 à 1975", Paris, Fayard, 1979. Un débat a aujourd'hui lieu dans le CCI pour mieux comprendre les ressorts de cette période faste de l'économie capitaliste, débat que nous avons commencé à publier dans notre presse (lire "Débat interne au CCI : Les causes de la période de prospérité consécutive à la Seconde Guerre mondiale" [1053] in Revue internationale n° 133, 2e trimestre 2008). Nous encourageons vivement tous nos lecteurs à participer à cette discussion lors de nos réunions (permanences, réunions publiques) par courrier [1054] ou par mail [995] .
2) Nous ne pouvons pas, dans le cadre de cet article, développer et expliquer le lien entre la masse d'argent disponible et sa valeur. Simplement, chaque fois que la planche à billets tourne à plein régime, que de l'argent est créé et jeté sur le marché massivement, ce même argent perd de la valeur ce qui se traduit par une poussée d'inflation, c'est-à-dire, concrètement, une hausse généralisée des prix.
3) En passant, notons que la gauche de la gauche et les altermondialistes ne cessent de demander aux Etats de reprendre toutes les masses financières de la spéculation pour les réinjecter dans l'économie sous la forme de grands travaux par exemple. On voit ici la supercherie de cette proposition. Cela aurait pour effet essentiel d'aggraver l'inflation. En d'autres termes, ils nous proposent d'éteindre l'incendie avec de l'essence !
L'Etat français est aussi un patron, et même le pire des patrons. Pour réaliser ses travaux au coût le plus bas, il fait toujours appel aux entreprises les plus compétitives, c'est-à-dire celles qui exploitent la main d'œuvre la moins chère et la plus corvéable. Et dans le bâtiment c'est bien connu, quoi de plus rentable qu'un sans-papier menacé d'expulsion.
C'est ainsi que cet été, des "clandestins" (terme utilisé par le Parisien du 9 août) ont été embauchés par un sous-traitant pour agrandir à Mesnil-Amelot (Seine-et-Marne) un centre de rétention administrative (CRA) ou, autrement dit, une prison pour sans-papiers !
Mais l'histoire, déjà assez cynique, n'est pas finie. Une entreprise de gardiennage, sans doute un peu zélée et convaincue par le ferme discours anti-immigré du gouvernement, repère ces sans-papiers et les signale, en "bon citoyen", aux forces de l'ordre. Catastrophe et embarras ! Embaucher des sans-papiers à bas-coût, oui, mais il ne faut pas que cela se sache. La réaction de l'Etat est immédiate : ordre est donné à la police nationale d'aller les chercher. Au final, trois immigrés furent arrêtés. Rapidement, la police en relâcha un mais avec un arrêt de reconduite à la frontière. Cette véritable épée de Damoclès signifie pour cet homme vivre dorénavant caché, la peur au ventre en permanence. Quant aux deux autres, comble de l'ironie, ils sont placés en rétention au centre de... Mesnil-Amelot, celui-là même sur lequel ils travaillaient !
Des immigrés construisant leur propre prison ? Toute la bourgeoise en rêvait, B. Hortefeux, ministre de l'Immigration, l'a fait !
Pawel (30 août)
Fin juillet, la mesure, programmée déjà depuis plusieurs mois, tombe : Goodyear supprime 402 postes sur 1400 dans son usine de fabrication de pneus à Amiens-Nord dès le mois de septembre. La raison officielle invoquée ? La CGT et Sud, principaux syndicats de l'entreprise, ont imposé leur veto pour le passage aux 4x8. En fait, la direction a mis en place un véritable chantage : soit le passage aux 4x8 pour sauver l'entreprise, soit des suppressions de postes. Pourtant à quelques mètres de là, à l'usine de Dunlop, filiale de Goodyear, employant plus de 1000 ouvriers, la CGT a accepté la nouvelle réorganisation du travail. Ni une ni deux, la direction syndicale décide d'exclure cette section locale, événement exceptionnel dans l'histoire de la CGT. Pendant ce temps à Goodyear, CGT et patronat se renvoient la balle, le second accusant le premier d'être responsable des licenciements tandis que le syndicat parle de mauvaise gestion, d'agressivité patronale pour recentrer la production vers des secteurs plus rentables et délocaliser le reste, ce qui veut dire "casser l'outil industriel national". Mais qu'en est-il réellement pour la classe ouvrière ?
Il est une réalité que tout le monde essaie d'occulter dans cette affaire, c'est l'aggravation de la crise économique qui touche aujourd'hui un des secteurs clefs de l'économie capitaliste, à savoir le secteur de l'automobile. Toutes les grandes entreprises connaissent des situations très difficiles : aux Etats-Unis, Général Motors est en faillite, sans parler des deux autres grandes marques que sont Ford et Chrysler ; en France, Peugeot et Renault connaissent aussi de grandes turbulences (dernière mesure en date : Renault va supprimer 6000 postes dans le monde, dont 1000 sur le territoire national). Le marché automobile est arrivé à saturation, la concurrence est exacerbée, aggravée par l'arrivée de voitures chinoises, voire hindoues qui sont déjà vendues à des prix très bas sur le marché asiatique. Tout ce qui est lié à l'industrie automobile est touché à son tour, ce qui est le cas du pneumatique. S'ouvre alors une guerre ouverte entre les grandes marques, Michelin, Continental, Bridgestone et Goodyear, une guerre impitoyable qui nécessite, pour rester dans la compétition, une réduction des coûts de production. Ce qui veut dire, fermer des sites de production en faisant travailler plus ceux qui n'ont pas été licenciés et, pour réduire encore plus la masse salariale, délocaliser pour aller chercher une main d'œuvre encore moins chère. Ainsi, alors que Goodyear licencie et ferme des sites aux Etats-Unis et au Canada (ce qui a entraîné une lutte dans ces pays avec 15 000 grévistes fin 2006), un projet d'ouverture d'une grande usine en Chine est décidé.
C'est dans ce contexte qu'une nouvelle organisation du travail est envisagée dans les sites de production d'Amiens. Le passage des 5 x 8 aux 4 x 8 est un véritable bouleversement dans la vie de milliers d'ouvriers. Qu'est ce que cela veut dire concrètement ? De 3 équipes en semaine et 2 en week-end qui respectivement faisaient 35 h et 28 h, la direction envisage de passer en 2 équipes en semaine et d'augmenter le temps de travail le week-end, soit 35 h pour les 2 équipes restantes. Cette réorganisation s'accompagne d'un volet salarial avec une augmentation de 160 à 190 euros par mois et une prime au changement de 3500 euros. Le plan prévoit également un investissement de 52 millions d'euros afin de "moderniser l'outil de production" et une suppression de 450 emplois sur 3 ans, sous forme de départs volontaires. Pour Goodyear, l'enjeu est de diminuer la masse salariale et de faire fonctionner les usines 350 jours par an contre 328 actuellement. En clair, cela veut dire que les ouvriers travailleraient 7 jours sur 7 en 4 équipes avec une rotation : 2 jours de suite en équipe du matin, 2 en équipe d'après-midi, 2 en équipe de nuit puis 2 de repos. Ce rythme infernal fait, en plus, sauter 30 week-ends ! On peut imaginer les conséquences sur la vie de famille et sur la santé de milliers de travailleurs. Ce n'est plus "travailler plus pour gagner plus" mais travailler plus pour... mourir plus vite ! Et on peut mesurer le cynisme du patronat qui dans son plan prévoyait de toutes façons de licencier, bien sûr pas dès septembre... mais dans les prochains mois. En fait, il s'agissait de culpabiliser les ouvriers pour qu'ils acceptent de se faire plus exploiter dans l'immédiat en attendant... de se faire licencier plus tard. Une telle attaque ne s'adresse pas seulement aux ouvriers de Goodyear et de Dunlop, mais à toute la classe ouvrière qui va faire les frais d'une crise économique qui va connaître une forte aggravation.
Dans la course au cynisme, le patronat a trouvé un rival de taille : les syndicats et en particulier la CGT. Pour éviter une réaction ouvrière contre la violence de ces mesures, les syndicats et le patronat ont joué sur plusieurs tableaux. Dès l'annonce du plan en octobre 2007, au lieu d'appeler à la grève, les syndicats main dans la main avec la direction proposent une consultation démocratique pour que les ouvriers se prononcent en "toute conscience". Une belle démonstration de l'utilisation de la démocratie bourgeoise contre la lutte ouvrière : l'atomisation des ouvriers par le vote à bulletin secret dans l'isoloir pour éviter les débats en assemblées générales où les prolétaires peuvent décider collectivement et de manière solidaire les actions à mener. Refuser une attaque en utilisant l'arme de la lutte n'a pas la même valeur que de le faire par le biais d'un vote à bulletin secret car cela laisse au patronat et aux syndicats la possibilité de manoeuvrer dans le dos des ouvriers.
Le deuxième acte de ce drame social va se jouer entre la CGT et la direction avec comme objectif de diviser et de dégoûter les ouvriers d'entrer en lutte. Tout d'abord, ce sont des syndicats minoritaires qui vont signer sous la "pression" du chantage patronal, mais ce qui va enfoncer le clou, c'est l'attitude de la CGT de Dunlop qui, en mars 2008, passera au-dessus du vote démocratique pour aller signer le plan. Alors que l'unité entre les 2 sites, séparés juste par une rue, était nécessaire pour repousser les mesures du patronat, la CGT organise la division dans les rangs ouvriers : elle se scinde en deux, les traîtres de Dunlop et les durs et radicaux de Goodyear.
Comment, dans une telle ambiance, où la vulgarité et les insultes rivalisent avec la violence des actions "coups de poing" contre les traîtres de l'autre usine, une lutte unie et solidaire peut-elle exister ? Ceci dit, cette pseudo-guerre fratricide nous montre le comportement maffieux des syndicats, et en particulier de la CGT, plus préoccupés du sort de l'entreprise et qui n'hésitent pas à se mener une petite guerre dont les principales victimes sont les ouvriers. Un simulacre de conflit entre véritables défenseurs du système capitaliste, tentant d'entraîner les travailleurs dans leur sillage. Car ne nous y trompons pas, les soit disants durs et radicaux de Goodyear, soutenus d'ailleurs par l'ensemble des forces de gauche et gauchistes, n'ont pas pour but de défendre les intérêts des travailleurs, mais de sauver "l'outil industriel français" contre l'agressivité patronale qui veut le démanteler au profit de l'étranger, en l'occurrence ici la Chine. Plus nationaliste que la CGT, tu meurs ! Et les voilà en pleine préparation d'une journée d'action nationale le 16 septembre à Amiens pour la défense des intérêts du capital national aux côtés des staliniens du PC, du PS et autres trotskistes, LO et LCR. Leur combat n'est pas contre l'exploitation capitaliste mais pour "la défense de l'industrie en France et celle du droit du travail" comme le déclare le PCF, et Besancenot de renchérir "ce conflit porte en lui toutes les problématiques nationales : remise en cause du temps de travail, préservation des emplois, amélioration des salaires...".
Les prochains mois risquent d'être difficiles. En France comme partout dans le monde, la bourgeoisie n'a plus le choix, sous la pression de la crise, elle sera amenée à attaquer très violemment les conditions de vie et de travail de l'ensemble de la classe ouvrière. Les travailleurs eux aussi n'ont plus le choix, la lutte s'impose contre l'ignoble exploitation capitaliste et contre ceux qui, sous couvert de les défendre, veulent, en fait, les entraîner à se soumettre aux lois de ce système moribond. Une lutte solidaire, organisée en assemblées générales où les travailleurs décideront collectivement des actions à mener : voilà ce qui hante tous ces défenseurs zélés du capitalisme !
Antoine (22 août)
Une fois de plus, le Caucase a été mis à feu et à sang. Au moment même où Bush et Poutine dégustaient des petits gâteaux à Pékin et assistaient pratiquement côte à côte à la cérémonie d'ouverture des Jeux Olympiques, prétendu symbole de paix et de réconciliation entre les peuples, le président géorgien Saakachvili, protégé de la Maison Blanche, et la bourgeoisie russe envoyaient leurs soldats se livrer à un effroyable massacre de populations. Cette guerre a donné lieu à une nouvelle quasi-"épuration ethnique" de chaque côté dont il est impossible d'évaluer exactement le nombre de victimes (plusieurs milliers de morts) dont une bonne partie dans la population civile.
Chaque camp accuse l'autre d'être le fauteur de guerre ou se justifie d'avoir agi en étant placé dos au mur. La population locale, qu'elle soit d'origine russe, ossète, abkhaze ou géorgienne, dont les villes, les villages et les habitations ont été bombardés, brûlés, pillés, détruits, a été prise en otage par toutes ces fractions nationalistes bourgeoises et a été exposée aux mêmes massacres, aux mêmes exactions, aux mêmes atrocités. Les prolétaires n'ont aucun camp à défendre. Ils n'ont pas à choisir entre leurs exploiteurs. Ils doivent continuer à se mobiliser contre eux sur leur terrain de classe et rejeter les slogans nationalistes et guerriers de tous bords, allant de "Défendons le peuple qui a confiance en l'aide de la Russie !" à "Que Dieu sauve l'intégrité territoriale de la Géorgie !" ; tous ces mots d'ordre sont au service de l'une ou de l'autre bande de ces capitalistes cherchant à les réduire à de la chair à canon.
C'est en réponse à une série de provocations de la bourgeoisie russe et de ses fractions séparatistes en Ossétie, que le président géorgien Saakachvili a cru pouvoir déclencher impunément l'invasion brutale de la minuscule province de l'Ossétie du Sud dans la nuit du 7 au 8 août par ses troupes appuyées par l'aviation. En un clin d'œil, il a réduit en cendres la ville de Tshinkvali, "capitale" de la province séparatiste pro-russe.
Pendant que Moscou faisait entrer en scène des milices à ses ordres dans l'autre foyer séparatiste en Géorgie, l'Abkhazie, qui ont investi la vallée de Kodori, les forces russes ont directement répliqué de manière aussi féroce et barbare en bombardant intensivement plusieurs villes géorgiennes (dont le port de Poti sur la mer Noire entièrement détruit et pillé, ainsi que sa base navale, et surtout Gori, dont la plupart des habitants ont dû fuir sous un pilonnage intensif). En un éclair, les chars russes ont occupé le tiers du territoire géorgien, menaçant même la capitale, les blindés s'avançant et paradant plusieurs jours après le cessez-le-feu à quelques dizaines de kilomètres de Tbilissi. Des deux côtés se sont reproduites les mêmes scènes d'horreur et de tueries. La quasi-totalité de la population de Tsinkhvali et de ses alentours (30 000 réfugiés) a été contrainte de fuir la zone de combats. Dans l'ensemble du pays, le nombre de réfugiés, démunis de tout, s'est élevé en une semaine à 115 000 personnes selon le porte-parole du Haut Commissariat aux Réfugiés.
Le conflit couvait depuis longtemps. Le président géorgien, partisan inconditionnel de Washington, héritait d'ailleurs d'un Etat entièrement porté à bout de bras dès sa création en 1991 par les Etats-Unis comme tête de pont du "nouvel ordre mondial" annoncé par Bush père. Cela l'a probablement conduit à surestimer le soutien que pourraient lui apporter les puissances occidentales dans son entreprise, à commencer par celui des Etats-Unis. Si la Russie de Poutine, en tendant un piège à Saakachvili, dans lequel ce dernier est tombé, a saisi une formidable occasion de montrer ses muscles et de restaurer son autorité dans le Caucase, c'est en réponse à l'encerclement déjà effectif depuis 1991 de la Russie par les forces de l'OTAN. Cet encerclement a atteint un niveau inadmissible pour la Russie avec la récente demande appuyée par les Etats-Unis de la Géorgie et de l'Ukraine de rejoindre l'OTAN. De même et surtout, la Russie ne peut tolérer le programme de déploiement de bouclier anti-missiles notamment prévu en Pologne et en République tchèque qu'elle estime, non sans raisons, en réalité dirigée non contre l'Iran mais contre elle. La Russie a profité du fait que la Maison Blanche, dont les forces militaires se retrouvent enlisées dans un bourbier en Irak et en Afghanistan, ait les mains liées, pour lancer une contre-offensive militaire dans le Caucase, quelque temps après avoir rétabli à grand-peine son autorité dans des guerres atrocement meurtrières en Tchétchénie.
Mais la responsabilité de cette guerre et de ces tueries ne se limite pas à ses protagonistes les plus directs. Les puissances impérialistes qui jouent aujourd'hui hypocritement les pleureuses sur le sort de la Géorgie ont toutes trempé les mains dans le sang des pires atrocités, qu'il s'agisse des Etats-Unis vis-à-vis de l'Irak dans les deux guerres du Golfe, ou de la part prise par la France dans le génocide au Rwanda en 1994 ou encore de celle de l'Allemagne qui a poussé résolument au déclenchement de la terrible guerre en ex-Yougoslavie en 1992.
De toute évidence, la fin de la guerre froide et de la politique de blocs n'a pas vu la moindre "ère de paix et de stabilité" dans le monde, de l'Afrique au Moyen-Orient, en passant par les Balkans et maintenant par le Caucase. Le démantèlement de l'ex-empire du bloc stalinien n'a débouché que sur le déchaînement de nouveaux appétits impérialistes et sur un chaos guerrier grandissant. La Géorgie a d'ailleurs constitué un enjeu stratégique majeur qui en a conduit beaucoup à la courtiser de façon intéressée au cours de ces dernières années avec le transit du pétrole.
De façon provocatrice, la Russie a déclaré que la perspective d'une nouvelle "guerre froide" ne l'effrayait pas et s'est empressée de reconnaître "l'indépendance" de l'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud, présentant cela comme une juste revanche sur la proclamation "unilatérale" du Kososvo indépendant par les Etats-Unis et l'Europe début 2008. Les deux ex-têtes de bloc, la Russie et les Etats-Unis, se retrouvent à nouveau ainsi dangereusement face à face aujourd'hui (les destroyers américains venus "ravitailler" la Géorgie mouillent désormais à quelques encablures de la base navale russe de Gudauta en Abkhazie comme du port de Poti occupés par les chars russes) mais dans un cadre de relations interimpérialistes tout à fait différentes de la période de la guerre froide où la discipline de bloc était sans faille. A l'époque, on nous a longtemps fait croire que le conflit entre les deux blocs rivaux était avant tout l'expression d'une lutte idéologique : la lutte des forces de la liberté et de la démocratie contre le totalitarisme, assimilé au communisme Aujourd'hui, on voit combien ceux qui nous avaient promis "une nouvelle ère de paix et de stabilité" nous ont trompés, et que leur confrontation ne recouvre qu'une concurrence bestiale et meurtrière pour de sordides et mesquins intérêts impérialistes qui ressort sans le moindre fard.
Aujourd'hui, les rapports entre nations sont dominés par le chacun-pour-soi. En effet, le "cessez-le-feu" en Géorgie ne fait qu'entériner le triomphe des maîtres du Kremlin et la supériorité de la Russie sur le terrain militaire, entraînant une quasi-capitulation humiliante pour la Géorgie aux conditions dictées par Moscou. La Russie a d'ailleurs profité de son avantage militaire pour se réinstaller dans la région avec ses troupes déployées sur presque tout le territoire géorgien au grand dam de "la communauté internationale".
C'est aussi un nouveau revers retentissant que vient d'essuyer le "parrain" de la Géorgie, la bourgeoisie américaine. Alors que ce pays a payé un lourd tribut (un contingent fort de 2000 hommes envoyés en Irak et en Afghanistan) pour son allégeance aux Etats-Unis, en retour l'Oncle Sam n'a pas su servir autre chose à son allié qu'un soutien moral et prodiguer de vaines condamnations verbales envers la Russie, sans pouvoir lever le petit doigt pour le défendre. L'aspect le plus significatif de cet affaiblissement, c'est que la Maison Blanche n'a pas d'autre plan de rechange à proposer à la place de cet accord bancal de "cessez-le-feu" fait de bric et de broc et qu'elle est contrainte d'avaliser le "plan européen" et, pire encore, un plan dont les conditions sont dictées par les Russes eux-mêmes. Cette nouvelle étape dans l'expression de son affaiblissement ne peut que contribuer à la discréditer davantage aux yeux du monde et inquiéter les Etats contraints de miser sur son appui comme la Pologne ou l'Ukraine.
Si les Etats-Unis étalent leur impuissance, l'Europe illustre à l'occasion de ce conflit le niveau atteint par le chacun-pour-soi. Ainsi, face à la paralysie américaine, c'est la "diplomatie européenne" qui est entrée en action. Mais il est significatif que c'est le président français Sarkozy qui en a été le porte-parole en tant que président en exercice de l'Union européenne, alors qu'il ne représente souvent que lui-même dans ses prestations de m'as-tu-vu, dénuées de toute cohérence et champion de la navigation à courte vue sur la scène internationale. Une fois de plus, Sarkozy s'est empressé de mettre son grain de sel dans le conflit, surtout afin d'en tirer gloriole. Mais le fameux "plan de paix français" (il n'a pu maintenir longtemps l'illusion de le faire passer pour un grand succès diplomatique national ou européen) n'est qu'un ridicule simulacre qui masque mal que ses conditions sont purement et simplement imposées par les Russes.
Quant à l'Europe, comment en tirerait-elle profit alors qu'elle abrite les positions et les intérêts les plus diamétralement opposées ? Comment pourrait-il y avoir une once d'unité dans ses rangs avec la Pologne et les Etats baltes fervents défenseurs de la Géorgie par conditionnement viscéral anti-russe d'un côté et l'Allemagne de l'autre qui, par opposition à la volonté de mainmise américaine dans la région, était parmi les opposants les plus résolus à l'intégration de la Géorgie et de l'Ukraine dans l'OTAN ? Si, récemment, Angela Merkel a fait spectaculairement volte-face en allant assurer le président géorgien de son soutien à cette candidature, c'est parce qu'elle y a été contrainte par l'impopularité croissante de la Russie se comportant avec morgue dans toute la Géorgie comme en territoire conquis, désormais livrée à la réprobation générale de la "communauté internationale". Il n'en demeure pas moins que l'Europe fait penser à un panier de crabes.
Quant au bénéfice qu'en tire la Russie elle-même, il reste très limité. Certes, celle-ci renforce à court terme sa position impérialiste non seulement dans le Caucase et se fait craindre à nouveau sur la scène mondiale. Mais cette victoire militaire est insuffisante pour dissuader les Etats-Unis de leur projet de bouclier anti-missiles sur le sol européen : au contraire, elle ne fait que pousser la Maison Blanche à en accélérer le déploiement comme le prouve l'accord qui vient d'être signé avec la Pologne pour son implantation sur le sol polonais. D'ailleurs, en représailles, le chef-adjoint d'état-major russe a menacé la Pologne en la désignant comme cible prioritaire de son arsenal nucléaire.
Sur le fond, son agressivité belliqueuse et l'énormité des moyens militaires qu'elle a mis en œuvre en Géorgie réveillent les vieilles peurs qu'elle inspirait à ses rivaux impérialistes et elle se retrouve plus isolée diplomatiquement que jamais pour rompre son encerclement.
Aucune puissance ne peut prétendre pouvoir se rendre maître ou même contrôler la situation comme le prouve tous les flottements ou les revirements d'alliances.
Avec le pétrole et le gaz de la mer Caspienne ou des pays d'Asie centrale souvent turcophones, les intérêts vitaux de la Turquie et de l'Iran sont engagés dans cette région mais le monde entier est partie prenante dans le conflit. On peut d'autant plus facilement se servir des hommes comme chair à canon dans le Caucase que cette région est une mosaïque d'enchevêtrements multiethniques. Il est facile d'attiser le feu guerrier du nationalisme avec un tel morcellement. Le passé dominateur de la Russie pèse aussi fortement. Cela préfigure d'autres tensions impérialistes plus graves et plus larges encore dans le futur : on a vu l'inquiétude et la mobilisation des Etats baltes et surtout de l'Ukraine, puissance militaire avec son arsenal nucléaire d'une toute autre envergure que celui de la Géorgie.
Cette guerre accroît le risque d'embrasement de déstabilisation non seulement à l'échelle régionale mais aura des conséquences inévitables au niveau mondial sur l'équilibre des forces impérialistes pour l'avenir. Le "plan de paix" est de la poudre aux yeux qui concentre en fait tous les ingrédients d'une nouvelle et dangereuse escalade guerrière pour l'avenir, menaçant ainsi d'ouvrir toute une chaîne continue de foyers d'embrasement du Caucase au Moyen-Orient.
On assiste à une accumulation de risques explosifs dans plusieurs zones très peuplées de la planète : Caucase, Kurdistan, Pakistan, Moyen-Orient, etc. Non seulement, les puissances impérialistes y démontrent une fois de plus leur incapacité à régler les problèmes et attisent au contraire les foyers guerriers mais chaque conflit ouvert marque une dimension supérieure des enjeux et des affrontements. Cela vient démontrer une fois de plus que le capitalisme n'a rien d'autre à offrir que le déchaînement de la barbarie guerrière et des tueries dont des fractions de plus en plus larges de la population sont les otages et les victimes. Le ballet de charognards autour de la Géorgie n'est qu'un maillon dans la chaîne du sanglant et monstrueux sabbat guerrier que le capitalisme ne cesse de danser dans le monde. Ce n'est pas en réclamant plus de démocratie, le respect des droits de l'homme ou en s'en remettant à la croyance dans des accords entre brigands impérialistes ou à leurs conventions internationales, que cette situation pourra prendre fin. Le seul moyen de mettre fin à la guerre est de mettre fin au capitalisme. Et c'est le combat du prolétariat. Les seuls alliés que possèdent les prolétaires sont les autres prolétaires, par delà les frontières, les peuples et les fronts nationalistes. La seule façon pour les prolétaires du monde entier de témoigner de leur solidarité envers leurs frères de classe qu'ils soient russes, géorgiens, ossètes ou abkhazes ou envers les victimes des guerres et des massacres qui pullulent partout, c'est en unissant leurs forces, en développant leurs luttes pour le renversement de ce système.
CCI (17 août)
Le temps de la grande messe des Jeux Olympiques, tous les médias du monde ont braqué leurs projecteurs sur Pékin.
Dès la cérémonie d'ouverture, les superlatifs n'ont cessé de pleuvoir : "spectaculaire", "grandiose", "du jamais vu"... Il faut dire qu'effectivement les moyens furent déployés pour "faire rêver". Des feux d'artifices monumentaux, des figurants par milliers, rien n'a manqué. Et dans tous les pays, les journalistes ont tenu le même rôle, ont joué la même farce : focaliser toutes les attentions sur ces joutes sportives, faire comme s'il s'agissait d'un événement historique et surtout, en passant, distiller le poison nationaliste. Il est presque comique d'entendre, parfois dans la même phrase, un présentateur vanter les valeurs de l'olympisme ("L'important, c'est de participer", "La fraternité des peuples", etc.) pour littéralement s'enflammer la seconde suivante pour la victoire "grandiose" de son compatriote et donc de son pays. Les Olympiades sont toujours un moment d'intense propagande chauvine. La vraie valeur de l'olympisme, c'est la guerre des médailles, nation contre nation. Il fallait d'ailleurs voir avec quel plaisir toutes les presses de la planète (à l'exception, évidemment, de la presse "made in US") annonçaient jour après jour le total des médailles par pays, se délectant de la défaite de l'Oncle Sam face à l'Empire du milieu.
Bref, le show sportif, médiatique et nationaliste fut total. Hier, au temps de l'empire romain, les Césars promettaient au peuple du pain et les jeux du cirque (Panem et circense). Aujourd'hui, rien a changé donc... ou presque. Le capitalisme a dû revisiter quelque peu ce vieux proverbe latin : cet été, ce fut le cirque des jeux mais sans le pain ! La Chine finit première au tableau de chasse des médailles d'or mais on y meurt de faim, dans les campagnes et dans les bagnes industriels. La crise alimentaire y fait rage comme en Egypte, au Bengladesh, en Haïti, en Mauritanie, en Indonésie, au Cameroun, en Côte d'Ivoire, au Burkina Faso, au Sénégal, au Mexique, au Pakistan..., la liste est interminable (1). Les Etats-Unis en sortent deuxième mais il faut remonter à la crise de 1929 pour retrouver des files d'attente aussi longues devant la soupe populaire. Vingt-huit millions d'Américains ne pourraient tout simplement pas survivre sans les programmes de distribution de nourriture des municipalités et des Etats fédéraux !
C'est un signe des temps. Si la bourgeoisie déploie autant d'énergie pour ses cirques sportifs, c'est qu'il manque de plus en plus cruellement de pain. Mais tous ces artifices, tous ces jeux olympiques et autres coupes du monde ne peuvent plus le cacher, ce système est agonisant et il n'est plus capable de subvenir aux besoins de l'humanité.
GD (26 août)
1) Lire sur notre site web : "Les émeutes de la faim montrent la nécessité de renverser le capitalisme" [1057] et "Le capitalisme va nous faire mourir de faim" [1058] écrit par nos camarades des Philippines.
Le 18 août dernier en Afghanistan, 10 soldats français trouvaient la mort et 21 étaient blessés lors d'une embuscade tendue par les talibans. Ces soldats étaient des jeunes gens, pas de vieux baroudeurs aguerris aux pires exactions, avec tout juste six mois de "formation", avant d'aller se faire canarder sur un terrain d'affrontements militaires particulièrement dangereux. Ces gamins sont morts, pas forcément parce qu'ils avaient la fibre patriotique dans l'âme mais parce qu'il faut bien manger, parce que plus de 20 % de jeunes de moins de 25 ans sont officiellement au chômage et que plus de 25 % des SDF proviennent de cette tranche d'âge. Et aussi parce que la plupart ont été appâtés par des publicités du genre de celle diffusé par l'armée de terre à la télévision sur le thème "Engagez-vous", où la guerre leur est présentée comme un gigantesque jeu-vidéo très éloigné de l'enfer auquel ils sont confrontés dans la réalité.
Le président Sarkozy a "salué" ces jeunes gens morts, envoyés au casse-pipe pour la gloire de l'Etat français à Kaboul, puis aux Invalides à Paris, entonnant les vieilles antiennes nationalistes et chauvines dignes des pires époques guerrières. "Nous n'avons pas le droit de perdre là-bas. Nous n'avons pas le droit de renoncer à défendre nos valeurs. Nous n'avons pas le droit de laisser les barbares triompher", a-t-il déclaré. On croirait entendre George Bush exhortant les troupes américaines à foncer sur l'Irak et sur l'Afghanistan au nom de la civilisation et de la démocratie.
La politique impérialiste de la France implique une présence militaire en Afghanistan, avec tous les dangers qu'elle représente. Aussi, malgré les 24 militaires français tombés au combat depuis 2001 sur un contingent de 3300 soldats, la bourgeoisie française persiste et est bien décidée à accentuer sa présence (pas seulement Sarkozy, mais le PS qui a été le premier sous le gouvernement Jospin à expédier des troupes en Afghanistan en 2002 et qui vient de réaffirmer la nécessité de l'armée là-bas lors de son Université d'été à La Rochelle). Très concrètement, le gouvernement va envoyer de Castres, dès septembre, une nouvelle section de 30 jeunes soldats qui auront "bénéficié" de 10 mois de formation. On voit ici quelle valeur à la vie d'un gamin de 20 ans pour cette classe dominante, on voit ce que valent ses larmes de crocodiles sur "ses" dix soldats tombés au front aujourd'hui ! Doté d'un cynisme sans bornes, son plus haut représentant, le président Sarkozy, a ainsi déclaré lors de "l'éloge funèbre de la nation" : "Soldats, vous avez accompli votre devoir. C'est votre honneur. [...] Un mot qui peut paraître bien dérisoire devant le corps d'un homme de 20 ans. Et pourtant, donner sa vie avec honneur, c'est réussir sa vie". Autrement dit, mourir à vingt ans, partir à l'aube de sa vie dans une tombe, c'est une belle réussite si c'est pour la patrie ! Voilà l'avenir que les Sarkozy du monde entier souhaitent et revendiquent pour les jeunes générations : mourir sous les balles pour "défendre" les barbares démocratiques et humanitaires face aux "barbares" islamistes. On croirait entendre se répéter les pires insanités et les discours va-t-en-guerre et chauvins de la Première et de la Seconde Guerre mondiale, de Mussolini ou d'Hitler ou de Churchill.
Comme le dénonçait déjà Rosa Luxemburg dans sa Brochure de Junius publiée en 1916, en plein cœur de la Première Guerre mondiale : "Souillée, déshonorée, pataugeant dans le sang, couverte de crasse ; voilà comment se présente la société bourgeoise, voilà ce qu'elle est. Ce n'est pas lorsque, bien léchée et bien honnête, elle se donne les dehors de la culture et de la philosophie, de la morale et de l'ordre, de la paix et du droit, c'est quand elle ressemble à une bête fauve, quand elle danse le sabbat de l'anarchie, quand elle souffle la peste sur la civilisation et l'humanité qu'elle se montre toute nue, telle qu'elle est vraiment".
Sous leurs conventions de bienséance et leurs efforts pour présenter les guerres comme des causes "nobles" et "nécessaires", les Sarkozy et autres dignes représentants de la bourgeoisie nationale qui n'hésitent pas une seconde à envoyer des gamins au casse-pipe sont de vulgaires assassins de la pire espèce. Ainsi, Kouchner, auto-proclamé prince de l'humanitaire international, répond à la question posée par le quotidien 20 minutes sur le temps où vont rester les soldats français avec détermination : "Personne ne peut répondre à cette question. On restera le temps nécessaire
Il est clair que l'embuscade du 18 août, à l'issue de laquelle les dix jeunes soldats français ont trouvé la mort, a été permise par l'inefficacité du commandement militaire mais surtout par la pression que lui met l'Etat français pour montrer qu'il veut jouer dans la cour des grands. La présence française en Afghanistan participe du plus pur esprit aventuriste de la bourgeoisie mondiale actuelle, sans perspective, sans logique autre que de rouler des mécaniques sur la scène impérialiste internationale.
Au nom du combat contre le terrorisme, l'armée française est partie "bouffer" du taliban en Afghanistan, dans la droite ligne de Bush et consorts. L'Etat français n'est sûr que d'y rencontrer échecs sur échecs et de s'y enliser, à l'instar de la première puissance mondiale, en s'enfonçant dans le bourbier afghan. Et cet engagement de la France en Afghanistan est significatif de cette fuite en avant de plus en plus irraisonnée des grandes puissances, dont la logique guerrière ne fait qu'attiser et exciter toujours plus les tensions impérialistes de par le monde.
Mulan (25 août)
Cet été fut particulièrement sanglant. Les attentats se sont enchaînés, jour après jour, au rythme effréné d'une danse macabre :
• Le 6 juillet, 11 tués à Islamabad (au Pakistan) et 22 tués à Nangarhar (en Afghanistan).
• Le 7 juillet, 41 tués et 150 blessés à Kaboul (en Afghanistan).
• Le 9 juillet, 3 tués à Istanbul (en Turquie).
• Le 13 juillet, 18 tués et 35 blessés en Afghanistan.
• Le 21 juillet, 2 morts et 14 blessés suite à des explosions quasi-simultanées dans deux bus à Kunming, capitale de la province chinoise du Yunnan.
• Le 26 juillet, 17 explosions ( !) font 49 morts et 160 blessés à Ahmedabad (en Inde).
• Le 27 juillet, 2 explosions successives à Istanbul (en Turquie) tuent 17 personnes et en blessent 154.
• Le 28 juillet, 39 tués et 146 blessés dans des attentats presque simultanés à Bagdad et Kirkouk, (en Irak).
• Le 3 août, 25 blessés à Tizi Ouzou (en Algérie).
• Le 5 août, 16 tués dans la province de Xinjiang (en Chine).
• Le 10 août, 8 morts et 17 blessés à Zemmouri (en Algérie).
• Le 13 août, 14 tués et 40 blessés à Tripoli (au Liban).
• Le 17 août, 8 tués à Skikda (en Algérie).
• Le 18 août, 9 tués et 13 blessés dans la province de Khost (en Afghanistan).
• Le 19 août, 43 tués et 45 blessés à Issers (en Algérie).
• Le 20 août, 11 tués et 31 blessés à Bouissa (en Algérie).
Les cibles de ces actes barbares sont en premier lieu les populations civiles. Ces attentats frappent les lieux les plus peuplés comme les marchés ou les écoles. En Algérie, à Zemmouri, le 9 août, un kamikaze s'est fait sauter au volant de son véhicule tuant 8 jeunes de moins de 25 ans puis, comble de l'horreur, un groupe armé a tiré sur les ambulances pour retarder l'arrivée des secours ! Le 20 août, dans la ville de Dera Ismaïl Khan, toujours en Algérie, un attentat à la bombe a eu lieu devant... la porte des urgences d'un hôpital ! Le bilan fut de 23 morts et 15 blessés.
Le responsable de toutes ces tueries n'est autre que le capitalisme. Le terrorisme est le fruit de l'affrontement entre cliques bourgeoises. Il est l'arme par laquelle les bourgeoisies les plus faibles tentent de défendre leurs sordides petits intérêts locaux (comme aujourd'hui le font les "seigneurs de la guerre" en Afghanistan ou en Irak). Quant aux grandes puissances, en tirant les ficelles en coulisses, elles n'hésitent pas à utiliser dès qu'elles le peuvent cette violence aveugle pour déstabiliser leurs rivaux (comme, par exemple, le font actuellement les Etats-Unis en Algérie en soutenant l'Al-Qaïda local contre la France).
Mais la situation actuelle révèle encore bien plus que la nature guerrière et sanguinaire de la bourgeoisie. La multiplication des attentats et leur extension géographique montrent clairement la dynamique de ce système : le capitalisme plonge dans l'abîme et risque d'entraîner avec lui toute l'humanité. Plus que jamais, la seule alternative est "socialisme ou barbarie" !
Map (21 août)
"C'est une arrestation historique, qui marquera l'histoire de la justice pénale internationale dans cette partie du monde. Il n'y a donc pas d'échappatoire, de fuite possible pour un criminel de guerre. C'est le message adressé aux assassins et aux auteurs de génocides." Bernard Kouchner s'est félicité en ces termes le 22 juillet sur France Info de l'arrestation de Radovan Karadzic. Pour bien enfoncer le clou, il ajoutait en substance : "C'est également une arrestation pour l'avenir parce que désormais on peut à nouveau croire à la responsabilité de protéger, ce que nous avions appelé le droit d'ingérence." En effet, l'histoire de la guerre dans l'ex-Yougoslavie à laquelle renvoie celle du boucher Karadzic a été un des épisodes les plus marquants de cette "ingérence" prônée par Mitterrand en particulier, l'ancien mentor de Kouchner. Ce dernier, toujours prompt à saisir un sac de riz sous l'œil des caméras ou à lécher à présent les bottes de Sarkozy, n'en rate jamais une pour se distinguer. Car, si Karadzic est bien le responsable avec Radko Mladic du massacre de 8000 hommes à Srebrenica en deux jours, c'est avec la complicité active de Paris et de Londres qu'il a pu accomplir cet immonde forfait, monstrueux épisode de la lutte entre les Etats-Unis et l'Allemagne d'un côté, la France et la Grande-Bretagne de l'autre, pour le contrôle de l'ex-Yougoslavie. Rappelons brièvement quelques faits saillants (1). 1995 est l'année d'une accélération brutale de la guerre et des affrontements entre Serbes et Bosniaques (alliés à ce moment à la Croatie). Les atrocités, purifications ethniques, tirs de snipers, etc., font rage dans les deux camps. Prétendument afin de "calmer le jeu", certaines enclaves bosniaques en territoire serbe, dont Srebrenica, sont déclarées "neutres" et leurs habitants désarmés, leur protection étant censément assurée par les soldats britanniques et français de la Forpronu. En réalité, la présence de ces derniers n'est là que pour gêner et empêcher les tirs américains de l'OTAN sur les troupes serbes et donc protéger ces dernières. Lors de l'offensive serbe, on verra donc les militaires français de la Forpronu, sous l'ordre de l'état-major de garder leur "neutralité" devant ce massacre, se laisser purement et simplement "prendre en otages" volontairement par les hommes de Karadzic !
Notre ancien administrateur du Kosovo en rajoute sur RTL le même jour : "C'est une nouvelle extraordinaire. (...) Il (Karadzic) était cependant très bien caché puisqu'on a cru pendant très longtemps qu'il était hors de Serbie." Que voudrait nous faire croire le pantin Kouchner, qui se félicite dans le même temps de l'appui de la France au nouveau gouvernement serbe pro-européen, qui a vendu Karadzic contre son adhésion à l'Europe ? Qu'il n'était pas au courant des magouilles entre Richard Holbrooke, négociateur américain des accords de Dayton de 1996, et Karadzic, soutenu dans un deuxième temps par Washington, promettant à celui-ci, malgré les accusations dont il était déjà l'objet, qu'il ne serait pas inquiété s'il quittait la scène politique.
La prétendue ignorance de ce "secret de polichinelle" ne fait que souligner l'hypocrisie de celui qui fanfaronne aujourd'hui en essayant de faire oublier sa propre responsabilité et la politique criminelle de l'Etat français à cette époque.
Wilma (21 août)
1) Pour de plus amples informations et un rappel précis des évènements, lire nos Revue internationale numéros 82 [1061] et 83 [1062], 3e et 4e trimestres 1995.
Au printemps dernier s'est tenu le 18e congrès de la section en France du Courant communiste international. Ce congrès s'est déroulé à un moment très particulier de l'histoire de la lutte de classe mondiale, hautement symbolique et important politiquement pour la lutte ouvrière d'aujourd'hui. En effet, ce congrès coïncidait avec le 40e anniversaire des "événements de Mai 68" (suivant le terme employé dans les médias), en fait la plus grande grève de l'histoire du mouvement ouvrier international, un mouvement qui inaugurait une reprise historique du combat prolétarien à l'échelle internationale après quatre décennies de contre-révolution. Par ailleurs, notre section en France célébrait aussi le 40e anniversaire de sa fondation, puisque c'est à la suite de ce mouvement, alors que le travail n'avait pas encore repris partout, que s'est constitué le petit groupe Révolution Internationale qui allait former, en compagnie de 5 autres groupes, le Courant communiste international en janvier 1975. La constitution de notre organisation internationale n'était évidemment pas un fait du hasard : elle cristallisait toute une réflexion qui s'était réveillée dans le prolétariat en même temps qu'il reprenait le chemin des luttes massives (1).
Qu'en est-il aujourd'hui des espoirs fondés par Mai 68 et de cette perspective ainsi ouverte ? Comment ont évolué la société capitaliste, les luttes du prolétariat, les forces révolutionnaires ? Le XVIIIe congrès de Révolution internationale se devait de répondre à ces questions et de faire part de ses réflexions et de ses analyses à l'ensemble de la classe ouvrière et du milieu politique prolétarien. Tel est le souci et l'objet de cet article.1
Comme nous l'écrivions dans notre journal n° 391, dans l'article "Mai 68 : la signification internationale de la grève générale en France" : "Si l'ensemble de la classe ouvrière de ce pays s'est lancée dans une grève quasi générale, c'est que tous ses secteurs commençaient à être touchée par la crise économique qui, en 1968 n'en était qu'à son tout début, une crise non pas ‘française' mais de l'ensemble du capitalisme mondial." Les attaques que commençaient à subir les ouvriers en France sur les questions de salaire, de chômage ou de remboursement des soins de santé, ne manifestaient que ce qui se déroulait également ailleurs dans les principaux pays capitalistes du monde. La crise économique mondiale revenait ainsi sur le devant de la scène après plusieurs décennies de répit. La période qualifiée de "miracle économique" ou des "trente glorieuses" par la bourgeoisie et commencée à la fin de la dernière guerre mondiale était ainsi définitivement close. Cependant, à cette époque, la bourgeoisie était encore très loin d'avoir utilisé et usé tous les moyens dont elle disposait pour tenter de faire face ou, en tout cas, de ralentir l'aggravation de la crise mortelle de sa propre économie. En effet, cela fait plus de quarante ans maintenant que cette crise évolue et que le monde capitaliste s'enfonce inexorablement dans sa crise et la barbarie. A la fin des années 1920 et au cours des années 1930, la société capitaliste avait également connu une manifestation majeure de sa crise économique. Depuis cette époque, la bourgeoisie a bien appris et notamment elle s'est donnée des moyens pour en atténuer et repousser autant que possible les effets les plus dévastateurs. Mais cela ne veut pas dire pour autant qu'elle possède les moyens de résoudre les contradictions contenues dans son propre système et qui sont à l'œuvre au plus profond de cette société. C'est pour cela que les discussions dans ce congrès ont mis en évidence que, si au moment de Mai 68, la bourgeoisie avait les moyens de faire face aux premières nouvelles manifestations de sa crise, il en est bien différemment aujourd'hui. Tous ces moyens et autre palliatifs sont très largement usés (voir l'article sur la crise économique dans ce numéro du journal). Il est ressorti clairement de nos discussions que la crise économique mondiale entrait dans une nouvelle phase, dans de nouvelles et profondes convulsions autrement plus importantes que toutes celles qui se sont succédées depuis 1968. Si, à la fin des années 1960, beaucoup de secteurs de la classe ouvrières subissaient les premières attaques sérieuses de leurs conditions de vie, amenant ainsi une première grande vague de mécontentement dans de nombreux pays, la situation autrement plus grave au niveau économique entraîne dans la période actuelle des attaques d'une toute autre ampleur et profondeur qu'à cette époque. (Voir l'éditorial dans ce même journal.) Mais surtout, depuis l'époque de la lutte de Mai 1968, les attaques se sont généralisées à l'échelle de toute la planète. Plus aucun pays n'y échappe, plus aucun secteur de la classe ouvrière. Ainsi se développent les conditions d'un mécontentement et d'une combativité autrement plus puissants et généralisés qu'à cette époque.
Après 1968 et tout au long des années 1970 et 1980, à travers des vagues de luttes successives, l'espoir et la perspective levés par la lutte massive en France de la fin des années 1960 se sont confirmés et renforcés. Mais ce cheminement de la classe ouvrière a été en permanence confronté à tous les pièges et manoeuvres déployés par une bourgeoisie mondiale unie face à la lutte de classe, malgré ses rivalités commerciales et impérialistes, et qui s'était remise de sa surprise de 1968. Le coup le plus rude reçu par le prolétariat a consisté en la campagne idéologique massive et internationale menée par la bourgeoisie sur le thème de "la mort du communisme" suite à l'effondrement du mur de Berlin et du bloc soviétique en 1989. Selon la bourgeoisie, le communisme avait ainsi échoué lamentablement et le capitalisme, malgré ses insuffisances, avait montré son écrasante supériorité. Toute idée de révolution communiste possible, et même de la capacité de la classe ouvrière de jouer un rôle dans la société, allait donc ainsi être ensevelie sous une avalanche de mensonges. Plus de dix années de recul profond de la combativité et de la conscience de classe allaient en découler, rendant la vie de la classe ouvrière et de ses organisations révolutionnaires d'autant plus difficile. L'espoir et la perspective levés par Mai 1968 semblaient donc avoir eux-mêmes disparu. Mais le 18e Congrès de Révolution Internationale qui vient de se tenir, de même que les Congrès internationaux et territoriaux qui se sont tenus depuis au moins 2003, ont pu réaffirmer dans leurs discussions et résolutions sur l'évolution de la situation internationale et la lutte de classe que tel n'était absolument pas le cas. C'est en effet au début des années 2000 que le poids de la défaite subie pendant les années 1990 par la classe ouvrière allait progressivement s'estomper et le fil de la lutte se renouer avec son passé. Depuis, même si c'est de façon beaucoup moins spectaculaire qu'en 1968, la lutte s'est développée simultanément de plus en plus sur tous les continents. En Asie, en Chine par exemple, où les ouvriers de l'industrie sont aujourd'hui les plus nombreux au monde, les luttes se sont succédées tout au long de ces dernières années. Nous avons relaté et analysé dans notre presse l'ensemble des luttes qui se sont développées dans le monde au cours de cette période. Le congrès a mis en évidence l'importance toute particulière des dernières luttes qui se sont déroulées tout récemment en Allemagne après celles contre le CPE en France, il y a maintenant deux ans. L'Allemagne est le pays où se concentre une des parties de la classe ouvrière la plus expérimentée du monde, celle qui a effectué la révolution de 1918-19 dans la continuité de la révolution de 1917 en Russie. C'est aussi cette classe ouvrière qui a subi une défaite écrasante orchestrée par toute sa bourgeoisie nationale (avec à sa tête le parti socialiste) au moment de la révolution et qui pourra en tirer le mieux toutes les leçons pour les nouvelles générations ouvrières. Le fait que des luttes se développent maintenant au cœur du capitalisme mondial, au moment même où tous les continents connaissent également des grèves et des luttes, démontre concrètement que la perspective historique ouverte en 1968 est en train de se confirmer. La discussion du congrès a mis en évidence les difficultés que rencontrent ces luttes dans leur développement, et qu'il ne s'agit pas pour la classe ouvrière et pour ses minorités de révolutionnaires de sous-estimer. Contrairement à l'époque de Mai 1968, la classe ouvrière ne se fait plus beaucoup d'illusions aujourd'hui sur l'avenir que peut lui offrir à elle-même et à ses enfants ce capitalisme englué de plus en plus profondément depuis quarante ans dans sa crise généralisée et dans une décomposition de plus en plus visible et avancée. Mais la question de la perspective de la lutte de classe, la nécessité de la révolution communiste reste encore aujourd'hui en dehors de la conscience qui existe dans la très grande majorité de la classe ouvrière. Cette difficulté est sans aucun doute une des caractéristiques majeures de la nouvelle vague mondiale de la lutte de classe. Cependant, nous avons pu analyser dans le congrès comment les attaques de plus en plus simultanées, la dégradation de plus en plus uniformes des conditions de la vie ouvrière conduisaient les prolétaires à développer de plus en plus fréquemment la solidarité active dans leurs luttes. Cette solidarité indispensable au développement de l'extension et de l'unité de son combat. Un autre aspect de la lutte de classe discuté au congrès et qui n'était pratiquement pas présent au moment de Mai 1968, est celui des réactions de plus en plus fréquentes de la classe ouvrière au problème de la faim. Se nourrir devient une question de plus en plus pressante pour une partie croissante de la classe ouvrière. Au cours de la dernière période, des émeutes de la faim ont ainsi éclaté dans de nombreux pays, comme en Égypte encore tout récemment. La classe ouvrière dans son ensemble va devoir intégrer dans sa lutte générale contre le capitalisme, cet aspect maintenant incontournable de la lutte de classe. Contrairement à 1968, l'état du capitalisme mondial est aujourd'hui autrement plus grave et décomposé et la lutte de classe autrement plus indispensable et vitale encore. Mais cette situation pose de fait à la lutte ouvrière des questions autrement plus complexes encore à résoudre qu'au moment de Mai 1968. Ce sont les luttes à venir qui devront dans leur pratique se confronter et résoudre l'ensemble de ces questions.
Le congrès a analysé de manière approfondie la situation en France et a mis en évidence qu'elle illustrait de façon significative l'évolution de la lutte de classe au niveau mondial. Ainsi, en 2003, c'est la classe ouvrière en France, en même temps que celle d'Autriche, qui a montré le renouveau de la lutte de classe plus de dix ans après le coup reçu avec la chute du Mur de Berlin. Cette dynamique s'est confirmée avec la lutte contre le CPE au printemps 2006 et les luttes de novembre 2007 : celle des étudiants contre la trop fameuse loi dite LRU et celles des cheminots, des gaziers et des électriciens contre les attaques sur les retraites. Toutes ces luttes ont illustré la profondeur de la reprise des combats de classe par la place qu'y ont jouée les jeunes générations et par les formes de lutte qui renouaient avec celles que l'on avait vu en mai 68. En même temps, la sophistication des manœuvres de l'ensemble des forces politiques et syndicales de la bourgeoisie qu'on a vues en oeuvre en novembre 2007 (2) constitue une illustration de ce dont est capable la classe dominante au niveau international pour faire passer ses attaques et retarder le plus possible les surgissements massifs du prolétariat.
Après le XVIIe congrès du CCI, qui s'est tenu en 2007 et celui de notre section en France en 2006, c'était la troisième fois que des groupes du milieu politique prolétarien étaient présents et ont participé activement aux travaux d'un congrès de notre organisation. Une délégation du groupe OPOP du Brésil était déjà présente au congrès de Révolution internationale en 2006 (et avait pu être témoin des manifestations de la lutte contre le CPE). Au congrès international de 2007 étaient présentes des délégations d'OPOP, d'EKS de Turquie et du SPA de Corée du Sud (le groupe Internasyonalismo des Philippines, qui avait accepté notre invitation, n'avait pu venir mais avait envoyé un salut au congrès et des prises de position sur tous les points à l'ordre du jour) Au dernier congrès de la section en France étaient de nouveau présentes des délégations d'OPOP et d'EKS (Internasyonalismo avait de nouveau envoyé des prises de position, étant encore empêché de venir tout comme plusieurs groupes d'Amérique latine qui avaient accepté notre invitation). Cette participation active des groupes internationalistes est ainsi devenue maintenant un acquis dans le camp de la Gauche Communiste. Elle manifeste, après les regroupements effectués dans la suite de Mai 1968, un nouveau regain pour les positions révolutionnaires. Elle traduit le développement de la maturation de la conscience qui commence à se développer dans l'ensemble de la classe ouvrière et qui s'exprime aujourd'hui dans l'émergence de petites minorités organisées ou non. Difficilement certes, mais de manière maintenant visible, la classe ouvrière est amenée nécessairement à se poser de nouveau avec beaucoup plus de profondeur, les questions esquissées en 1968. Il est indéniable que plus encore qu'à la fin des années 1960, début des années 1970, ce regain d'intérêt se concrétise à un niveau jamais atteint depuis lors sur le plan international. Notre congrès a montré à quel point était vitale la capacité de notre organisation et des anciennes générations de militants ayant vécu notamment Mai 1968 de transmettre à leur tour aux jeunes éléments en voie de politisation toute l'expérience accumulée depuis quarante ans. Sans cette capacité, il est évident que la construction du futur Parti communiste mondial ne pourrait se faire. Le regain d'intérêt pour les positions de la Gauche Communiste que nous connaissons actuellement sont sans aucun doute les premiers pas effectués dans ce sens.
Tous les ouvriers ou militants qui ont vécu Mai 1968 ont eu un avant-goût de ce que débattre de manière prolétarienne veut dire. La bourgeoisie veut toujours nous présenter les luttes de 1968 comme de simples affrontements violents entre les étudiants et les forces de police. Rien n'est plus faux ! Dans les luttes massives de la classe ouvrière à cette époque et malgré toutes les difficultés liées au sabotage des forces de gauche et des syndicats, les ouvriers en lutte, dans les assemblées générales et les manifestation de rue ont commencé à développer des discussions collectives sur le sens et les objectifs de leur lutte. De la même manière sans l'envie de débattre, il n'y aurait pas eu de regroupement des forces révolutionnaires à cette époque et sans aucun doute pas de CCI. Le renouveau de la lutte de classe internationale a nécessairement poussé tous ceux qui ressentaient réellement les exigences posées par le combat de classe et ses perspectives vers le développement le plus large et le plus ouvert des discussions. Depuis lors, cette condition même de la lutte ouvrière et du regroupement des révolutionnaires s'est imposée beaucoup plus clairement et consciemment à notre organisation. Cela fait maintenant plusieurs années que le CCI a placé la question de la culture du débat dans le mouvement ouvrier au coeur de ses préoccupations, tant théoriques que pratiques. Ce XVIIIe congrès de Révolution internationale a poursuivi en profondeur ce travail. Mais plus encore, c'est dans la tenue de ses débats : ouverts, fraternels, faits d'écoute attentive et réciproque, que s'est manifestée le mieux toute notre maturation dans ce domaine. Mais cette nécessité, cette condition du regroupement des forces internationalistes et du combat de classe, s'est également manifestée dans la manière dont les groupes présents ont participé eux-mêmes aux discussions du congrès, reprenant entièrement à leur compte cette manière de débattre et la réflexion du CCI sur cette question.
Malgré toutes les difficultés, les défaites partielles subies par la classe ouvrière depuis quarante ans, il est une réalité qui s'est dégagée avec force dans les travaux du congrès et qui doit rester claire aux yeux de la classe ouvrière et de ses minorités : l'espoir et les promesses ouvertes par Mai 1968 ne sont pas mortes et enterrées. Bien au contraire, la perspective historique ouverte à cette époque se trouve confirmée jour après jour. Mai 1968 en France et toutes les luttes qui se sont développées à cette époque dans de nombreux pays font partie intégrante de l'expérience et de l'histoire de la classe ouvrière. L'énorme intérêt suscité par Mai 68 lors de son 40e anniversaire, non seulement en France mais aussi dans beaucoup d'autres pays, notamment auprès des nouvelles générations, est le signe que, dès à présent, les éléments les plus avancés du prolétariat mondial ont pris le chemin de la réappropriation de cette expérience et de cette histoire afin d'en féconder les combats de demain.
CCI
1) Sur la signification internationale de Mai 68 et ses implications sur le renouveau des forces révolutionnaires, voir notre série d'articles sur "Mai 68 et la perspective révolutionnaire" publiée dans les numéros 388 à 392 [1064] de notre journal.
2) Voir à ce propos notre article "Lutte des cheminots, mouvement des étudiants : gouvernement et syndicats main dans la main contre la classe ouvrière" [1065] dans Révolution internationale n° 385.
Pendant la période estivale, l'Etat et ses dirigeants préparent toujours de mauvais coups. Profitant de la période des vacances, la classe dominante a pu de nouveau perfectionner en catimini son arsenal destiné à fliquer la population et en particulier la classe ouvrière. A l'échelle de tous les pays, notamment là où les prolétaires sont les plus nombreux et concentrés, les moyens et dispositifs de surveillance se sont accrus brutalement, toujours accompagnés des technologies dernier cri.
Une des priorités mises en avant, c'est la surveillance des rues et lieux publics. Cette question semble particulièrement brûlante en France puisque cette dernière a accusé un retard relatif eu égard aux mesures prises par ses voisins anglo-saxons.
Aussi, le projet de multiplier par trois les caméras de vidéosurveillance a donc été relancé, permettant d'ici à 2009 de passer de 340 000 à 1 million de caméras dans tous les lieux publics. En la matière, c'est la Grande-Bretagne qui détient officiellement le record avec, rien qu'à Londres, plus de 400 000 caméras ! Cette dernière envisage maintenant de moderniser son parc en équipant un certain nombre de sites de "caméras intelligentes". Ces caméras, capables d'un zoom à plus d'un kilomètre de distance d'intensifier la lumière et équipées d'infrarouges, sont censées maintenant déceler et analyser des situations "troublant l'ordre public". Elles font de plus en plus appel à des données biométriques. Le dispositif "person tracking unit" d'IBM existant permet déjà de scanner des étiquettes sur les éléments d'une foule afin de suivre ses mouvements dans les lieux publics. Des véhicules mobiles de police sont déjà dotés d'équipements hautes technologies (Automatic Number Plate Recognition) qui permettent simultanément sur un lieu de lire toutes les plaques d'immatriculation, les photographier, les localiser par GPS et envoyer toutes les coordonnées à un fichier informatique centralisé pour renseignements (1). Outre le suivi à la trace, on peut avoir en prime la localisation de celui qui n'a pas encore payé son assurance, qui a son contrôle technique en retard, etc. En matière de téléphonie mobile, le Danemark et la Suède viennent de commercialiser un mobile GPS qui permet "d'espionner ses amis" ! En Australie, le "telecommunication act", texte gouvernemental, autorise les agences de sécurité à surveiller les communications des employés. Certaines entreprises ne se gênent même plus pour contrôler les mails de leurs salariés et les scruter au travail. Il existe donc toute une stratégie industrielle et étatique permettant de façon insidieuse de faire accepter cette logique totalitaire de surveillance aux populations, en commençant dès le plus jeune âge (2). C'est pour cela par exemple que commencent à fleurir dans les écoles et lycées des dispositifs faisant appel à des données biométriques (dans les cantines, etc.) ou des fichiers (3) permettant de traquer les sans-papiers ou "délinquants".
On assiste parallèlement à un développement croissant du fichage, au croisement des fichiers et à la coopération européenne et euro- atlantique pour le partage des données contenant des informations sensibles sur la vie privée des personnes.
C'est dans cette optique que la France envisage d'ouvrir un nouveau fichier, répondant au doux prénom d'Edvige. Ce nouveau fichier, né d'un décret et paru au journal officiel le premier juillet, correspond à la volonté de mêler les fichiers des RG et de la DST. Il permet de "centraliser et d'analyser les informations relatives aux individus, groupes, organisations et personnes morales qui en raison de leur activité individuelle ou collective, sont susceptibles de porter atteinte à l'ordre public". Les personnes visées le sont désormais à partir de l'âge de 13 ans ! En fait, ce fichier ne fait qu'officialiser une pratique déjà rôdée recoupant le fichier Christina (centralisation du renseignement intérieur pour la sécurité du territoire et les intérêts nationaux), classé "secret défense", véritable centre de données sur les personnes fichées englobant leurs proches et relations (4). Tout cela montre qu'un véritable observatoire en vu de réprimer les militants et les organisations du prolétariat est déjà largement en place. Le nouveau fichier Edvige ne fait que l'officialiser en le renforçant !
Il existe en fait officiellement 37 fichiers dont celui sur les empruntes génétiques FNAEG (5). Créé en 1998 pour réprimer les infractions sexuelles, ce dernier fichier a glissé à partir de 2003 pour s'ouvrir sur "l'identification criminelle". Un fichier qu'on a voulu étendre aux immigrés pour "faciliter le rapprochement familial" !
Ce qu'on peut dire, c'est qu'une telle volonté de contrôle absolu et une telle paranoïa exprime la réalité d'une société en déclin, menacée de toutes parts par les convulsions de sa propre crise avec les tensions sociales qui l'accompagnent. C'est cette tendance au capitalisme d'Etat, devenue universelle pratiquement depuis un siècle, qui fait que l'Etat a aspiré toute la vie sociale en se donnant des moyens qui font froid dans le dos pour "tout voir et tout savoir". (dixit Sarkozy, ex-premier flic de France)
C'est bien entendu au nom de la "menace terroriste" et de la "protection du citoyen" que ces dernières années, notamment depuis l'attentat du 11 septembre 2001 à New York, les Etats ont pris des mesures de flicage d'une ampleur sans précédent, dépassant de loin la fiction 1984 de G. Orwell. Exploitant jusqu'à la nausée le choc brutal de l'attentat, la bourgeoisie et ses médias ont su exploiter habilement l'émotion et l'indignation légitimes des populations pour muscler tout un arsenal répressif avec des "lois liberticides". Cependant, la mise en évidence des mensonges de la clique Bush et l'échec patent des Etats-Unis en Irak rendent de plus en plus difficile la justification des mesures de flicage qui suscitent questionnement et inquiétudes. Bas les masques ! Il apparaît de plus en plus évident que ce qui obsède la bourgeoisie, c'est en fin de compte la défense de "l'ordre public", c'est-à-dire le maintien de la dictature du capital face aux mouvements sociaux. Cette crainte du prolétariat, des "classes dangereuses", n'est pas nouvelle et remonte aux origines des confrontations entre prolétaires et bourgeois. Dès 1803, Napoléon a été le premier à imposer le "livret ouvrier" pour contrôler les déplacements et surveiller les prolétaires combatifs. Comme par le passé, mais avec des moyens plus modernes, la bourgeoisie se prépare centralement à réprimer aujourd'hui les luttes ouvrières. Depuis 2003 en effet, avec le développement de la lutte de classe à un niveau international, la bourgeoisie est sur le qui-vive. Aujourd'hui, alors que la récession mondiale est en train de s'installer et que la crise économique s'approfondit, elle sait que les attaques massives et brutales qu'elle va encore devoir porter ne peuvent que pousser les ouvriers à réagir. C'est d'ailleurs pour cela que déjà lors des grèves étudiantes contre le CPE en 2006 et lors de la grève des étudiants et cheminots de l'automne dernier, les médias ont diabolisé les grévistes et les forces de l'ordre n'ont cessé de multiplier les intimidations en usant de brutalité. Tout ceci, afin de dissuader et de dégoûter de la lutte. Dans la même logique, les étudiants grévistes arrêtés et jugés ont fait l'objet de propos extrêmement violents de la part du procureur de la république accusant ces jeunes de "criminels". Un président d'université les avait, il est vrai, accusé de "khmers rouges" ! Quant aux cheminots en lutte, combien de fois avons-nous entendu qu'ils étaient des "preneurs d'otages" ? Bref, en quelque sorte, des "terroristes" !
Il n'est pas étonnant d'entendre cet été le ministre de l'Immigration, B. Hortefeux, évoquer la réaction des sans papiers parqués dans les prisons infâmes que sont les centres de rétention administratif (CRA) en termes "d'agissements" perpétrés par des "agitateurs" et des "provocateurs". Cherchant des boucs émissaires en traquant les militants et les éléments combatifs, ce monsieur "a demandé aux forces de sécurité d'être extrêmement vigilantes" (6). Tout ce climat sécuritaire renforcé à l'extrême depuis longue date, entretenu par la droite, la gauche et les médias, vise centralement les banlieues ouvrières. La militarisation et le contrôle des quartiers populaires sont d'ailleurs ouvertement prônés par le "livre blanc" de la défense nationale. On sait que la bourgeoisie a une expérience d'infiltration policière dans les manifestations, qu'elle observe les militants et surveille les organisations en permanence. Elle peut maintenant parfaire cet exercice en croisant les caméras urbaines et des engins tels que les drones. Ces derniers sont des engins légers pour une surveillance aérienne des manifestants. Silencieux et indétectables, munis de caméras, ils sont capables de zoomer sur des groupes de personnes ou des individus. L'expérimentation a déjà eu lieu à Saint-Denis, autour du stade de France, donnant entière satisfaction aux sbires du capital. Un engin tel que le drone prénommé ELSA est amené, n'en doutons pas, a faire de nombreuses sorties lors des prochaines manifestations de rue. Il ne faut pas se tromper, c'est ouvertement face à la contestation et aux menaces de grèves massives que la bourgeoisie aiguise ses armes !
Face à cette préparation intensive de la bourgeoisie, le prolétariat doit prendre conscience qu'il ne peut compter que sur sa force collective et sa lutte. Il faut prendre conscience que si, individuellement, tout un chacun semble très vulnérable devant un arsenal monstrueux de technologie, cette dernière devient impuissante devant une riposte massive et consciente de la classe ouvrière. Ne nous laissons pas intimider ! Encore une fois, "Big Brother" n'est que le visage hideux d'une classe sociale agonisante, paranoïaque parce que totalement impuissante devant les contradictions qui minent son système économique barbare.
WH (14 août)
1) https://libertesinternets.wordpress.com [1066].
2) Un courrier du groupement des industries de l'interconnexion des composants et des sous-ensembles électroniques (GIXEL) définit dans son "livre bleu" qu'il faut "conditionner les populations à la biométrie et au fichage en commençant dès le plus jeune âge".
3) Outre la mise en place du fichier "base élève", il faut dénoncer une "opération expérimentale" menée dernièrement à l'école primaire de Monein qui a fait réagir les enseignants. Comme questions hautement pédagogiques l'enfant de CM2 pouvait lire : "es-tu né en France ? Ta mère est-elle née en France ? Ton père est-il né en France ? Quelle langue parles tu à la maison ? D'habitude, qui vit avec toi à la maison ?")
4) Voir le site lemonde.fr [1067]
5) www.agoravox.fr [1068]
6) www.liberation.fr [1069] le 9 août 2008.
Le 24 septembre 2008, le président des États-Unis, George W. Bush, a tenu, d'après les commentateurs et journalistes du monde entier, un discours "inhabituel". Son allocution télévisée a en effet annoncé sans détour quels tourments allaient s'abattre sur "le peuple américain" : "Il s'agit d'une période extraordinaire pour l'économie des États-Unis. Depuis quelques semaines, de nombreux Américains éprouvent de l'anxiété au sujet de leur situation financière et de leur avenir. [...] Nous avons observé de grandes fluctuations à la Bourse. De grands établissements financiers sont au bord de l'effondrement, et certains ont fait faillite. Alors que l'incertitude s'accroît, de nombreuses banques ont procédé à un resserrement du crédit. Le marché du crédit est bloqué. Les familles et les entreprises ont plus de difficulté à emprunter de l'argent. Nous sommes au milieu d'une crise financière grave [...] toute notre économie est en danger. [...] Des secteurs clés du système financier des États-Unis risquent de s'effondrer. [...] l'Amérique pourrait sombrer dans la panique financière, et nous assisterions à un scénario désolant. De nouvelles banques feraient faillite, dont certaines dans votre communauté. Le marché boursier s'effondrerait encore plus, ce qui réduirait la valeur de votre compte de retraite. La valeur de votre maison chuterait. Les saisies se multiplieraient. [...] De nombreuses entreprises devraient mettre la clé sous la porte, et des millions d'Américains perdraient leur emploi. Même avec un bon bilan créancier, il vous serait plus difficile d'obtenir les prêts dont vous auriez besoin pour acheter une voiture ou envoyer vos enfants à l'université. Au bout du compte, notre pays pourrait sombrer dans une longue et douloureuse récession".
En réalité, ce n'est pas seulement l'économie américaine qui menace de "sombrer dans une longue et douloureuse récession" mais l'ensemble de l'économie mondiale. Les États-Unis, locomotive de la croissance depuis soixante ans, entraînent cette fois-ci l'économie mondiale vers l'abîme !
La liste des organismes financiers en très grande difficulté s'allonge ainsi chaque jour :
- En février, la huitième banque anglaise, Northern Rock, a dû être nationalisée sous peine de disparition.
- En mars, Bear Stearns, la cinquième banque de Wall Street, est "sauvée" en étant rachetée par JP Mogan, la troisième banque américaine, via des fonds de la Banque fédérale américaine (la FED).
- En juillet, Indymac, l'un des plus gros prêteurs hypothécaires américains, est mis sous tutelle des autorités fédérales. Il est alors le plus important établissement bancaire à faire faillite aux États-Unis depuis vingt-quatre ans ! Mais son record ne tiendra pas longtemps.
- Début septembre, le jeu de massacre se poursuit. Freddie Mac et Fannie Mae, deux organismes de refinancement hypothécaire pesant près de 850 milliards de dollars à eux deux, évitent la faillite de justesse par un nouveau renflouement de la FED.
- Quelques jours plus tard seulement, Lehman Brothers, la quatrième banque américaine, se déclare en faillite et cette fois-ci la FED ne la sauvera pas. Le total des dettes de Lehman Brothers s'élevait à 613 milliards de dollars au 31 mai. Record battu ! La plus grosse faillite d'une banque américaine à ce jour, celle de Continental Illinois en 1984, mettait en jeu une somme seize fois plus modeste (soit 40 milliards de dollars) ! C'est dire la gravité de la situation.
- Pour éviter d'être frappée du même sort, Merrill Lynch, autre fleuron américain, a dû accepter son rachat en urgence par Bank of America.
- Il en a été de même pour HBOS rachetée par sa compatriote et rivale Lloyds TSB (réciproquement deuxième et première banques d'Écosse).
- AIG (American International Group, l'un des plus grands assureurs mondiaux) a été renfloué de justesse par la Banque centrale américaine. En fait, les finances de l'État américain sont, elles aussi, au plus mal ; c'est pourquoi la FED avait décidé de ne pas porter secours à Lehman Brothers. Si elle l'a tout de même fait pour AIG, c'est qu'en cas de faillite de cet organisme, la situation devenait totalement incontrôlable.
- Nouveau record ! Deux semaines seulement après Lehman Brothers, c'est au tour de Washington Mutual (WaMu), la plus importante caisse d'épargne aux États-Unis, de mettre la clef sous la porte ! 1
Inévitablement, les Bourses sont aussi dans la tourmente. Régulièrement, elles s'effondrent de 3, 4 ou 5 %, au fil des faillites. La Bourse de Moscou a même dû fermer ses portes pendant plusieurs jours, mi-septembre, suite à des chutes successives dépassant les 10 % !
Face à cette cascade de mauvaises nouvelles, même les plus grands spécialistes de l'économie s'affolent. Alan Greenspan, l'ancien président de la FED (considéré comme un président "mythique" par ses pairs) a ainsi déclaré sur la chaîne de télévision ABC, le 15 septembre 2008 : "On doit reconnaître qu'il s'agit d'un événement qui se produit une fois tous les cinquante ans, probablement une fois par siècle [...] Il n'y a aucun doute, je n'ai rien vu de pareil et ce n'est pas encore fini et cela prendra encore du temps." Plus significative encore fut la déclaration du prix Nobel d'économie, Joseph Stiglitz qui, voulant "calmer les esprits", a affirmé très maladroitement que la crise financière actuelle devrait être moins grave que celle de 1929, même s'il fallait se garder d'un "excès de confiance" : "On peut bien sûr se tromper mais le point de vue général est que nous disposons aujourd'hui d'outils [...] pour éviter une autre Grande dépression 2" ! Loin de rassurer, cet éminent spécialiste de l'économie, mais pas fin psychologue, a évidemment provoqué l'affolement général. En fait, involontairement, il a dit tout haut ce que tout le monde pense tout bas : allons-nous vers un nouveau 29, vers une nouvelle "dépression" ?
Depuis lors, pour nous rassurer, les économistes se succèdent sur les plateaux télé pour expliquer que si, oui, la crise actuelle et très grave, elle n'a rien à voir avec le krach de 1929 et que, de toute façon, ça finira par repartir. Tous ceux-là n'ont qu'à moitié raison. Lors de la Grande dépression, aux États-Unis, des milliers de banques ont fait faillite, des millions de gens ont perdu leurs économies, le taux de chômage a atteint 25 % et la production industrielle a chuté de près de 60 %. Bref, l'économie s'est comme arrêtée. En fait, à l'époque, les dirigeants des États n'avaient réagit que très tardivement. Pendant de longs mois, ils avaient laissé les marchés livrés à eux-mêmes. Pire, leur seule mesure fut de fermer les frontières aux marchandises étrangères (par le protectionnisme) ce qui avait fini de bloquer le système. Aujourd'hui, le contexte est très différent. La bourgeoisie a appris de ce désastre économique, elle s'est dotée d'organismes internationaux et surveille la crise comme le lait sur le feu. Depuis l'été 2007, les différentes banques centrales (principalement la FED et la Banque centrale européenne - la BCE) ont injecté près de 2000 milliards de dollars pour sauver les établissements en difficulté. Elles sont ainsi parvenues à éviter l'effondrement net et brutal du système financier. L'économie est en train de décélérer très très vite mais ne se bloque pas. Par exemple, en Allemagne, la croissance pour 2009 ne devrait être que de 0,5 % (d'après l'hebdomadaire allemand Der Spiegel du 20 septembre). Mais contrairement à ce que disent tous ces spécialistes et autres docteurs ès-science, la crise actuelle est beaucoup plus grave qu'en 1929. Le marché mondial est totalement saturé. La croissance de ces dernières décennies n'a été possible que par un endettement massif. Le capitalisme croule aujourd'hui sous cette montagne de dettes ! 3
Certains politiciens ou hauts responsables de l'économie mondiale nous racontent aujourd'hui qu'il faut "moraliser" le monde de la finance afin de l'empêcher de commettre les excès qui ont provoqué la crise actuelle et de permettre le retour à un "capitalisme sain". Mais ils se gardent de dire (ou ils n'ont pas envie de le voir) que la "croissance" des années passées a justement été permise par ces "excès", c'est-à-dire la fuite en avant du capitalisme dans l'endettement généralisé 4. Ce ne sont pas les "excès des financiers" qui sont les véritables responsables de la crise actuelle ; ces excès et cette crise de la finance ne font qu'exprimer la crise sans issue, l'impasse historique dans lesquelles se trouve le système capitaliste comme un tout. C'est pour cela qu'il n'y aura pas de véritable "sortie du tunnel". Le capitalisme va continuer de s'enfoncer inexorablement. Le Plan Bush de 700 milliards de dollars, censé "assainir le système financier", sera forcément un échec. Si ce plan est accepté 5, le gouvernement américain va récupérer les créances douteuses pour apurer les comptes des banques et relancer le crédit. A l'annonce de ce plan, soulagées, les Bourses ont battu des records de hausse en une seule journée (9,5 % pour la Bourse de Paris, par exemple). Mais depuis, elles font du yo-yo car, au fond, rien n'est vraiment réglé. Les causes profondes de la crise sont toujours là : le marché est toujours saturé de marchandises invendables et les établissements financiers, les entreprises, les États, les particuliers... croulent toujours sous le poids de leurs dettes.
Les milliers de milliards de dollars jetés sur les marchés financiers par les différentes banques centrales de la planète n'y changeront rien. Pire, ces injections massives de liquidités signifient un nouvel accroissement des dettes publiques et bancaires. La bourgeoisie est dans l'impasse, elle n'a que des mauvaises solutions à offrir. C'est pourquoi la bourgeoisie américaine hésite tellement à lancer le "plan Bush" ; elle sait que si dans l'immédiat cela évite la panique, cela revient surtout à préparer de nouveaux soubresauts d'une extrême violence pour demain. Pour George Soros (l'un des financiers les plus célèbres et respectés de la planète), la "possibilité d'un éclatement du système financier existe".
Les conditions de vie de la classe ouvrière et de la majorité de la population mondiale vont se dégrader brutalement. Une vague de licenciements va frapper simultanément tous les coins de la planète. Des milliers d'usines vont fermer. D'ici la fin 2008, pour le seul secteur de la finance, 260 000 emplois devraient être supprimés aux États-Unis et en Grande-Bretagne (d'après le quotidien français les Échos, du 26 septembre). Or, un emploi dans la finance génère en moyenne quatre emplois directs ! L'effondrement des organismes financiers signifie donc le chômage pour des centaines de milliers de familles ouvrières. Les saisies immobilières vont encore augmenter. 2,2 millions d'Américains ont déjà été expulsés de chez eux depuis l'été 2007, 1 million encore devraient se retrouver à la rue d'ici Noël. Et ce phénomène commence à toucher l'Europe, en particulier l'Espagne et la Grande-Bretagne.
En Angleterre, le nombre de saisies immobilières a augmenté de 48 % au 1er semestre 2008. Depuis un peu plus d'un an, l'inflation a fait son grand retour sur le devant de la scène. Le prix des matières premières et des denrées alimentaires a explosé, ce qui a provoqué des famines et des émeutes dans de très nombreux pays 6. Les centaines de milliards de dollars injectés par la FED et la BCE vont encore accroître ce phénomène. Cela signifie une paupérisation de toute la classe ouvrière : se loger, se nourrir, se déplacer va devenir de plus en plus difficile pour des millions de prolétaires !
La bourgeoisie ne manquera pas de présenter la note de sa crise à la classe ouvrière. Au programme : diminution des salaires réels, des aides et des allocations (pour le chômage, la santé...), allongement de l'âge de la retraite, hausse des impôts et multiplication des taxes. D'ailleurs, Georges W. Bush a déjà prévenu : son plan de 700 milliards de dollars sera financé par les "contribuables". Les familles ouvrières devront débourser plusieurs milliers de dollars chacune pour renflouer les banques au moment même où une grande partie d'entre elles n'arrive même plus à se loger !
Si la crise actuelle n'a pas l'aspect soudain du krach de 1929, elle va faire subir les mêmes tourments aux exploités du monde entier. La vraie différence avec 1929 ne se situe pas du côté de l'économie capitaliste mais du côté de la combativité et de la conscience de la classe ouvrière. A l'époque, alors qu'il venait de subir l'échec de la Révolution russe de 1917, l'écrasement des révolutions en Allemagne entre 1919 et 1923 et les affres de la contre-révolution stalinienne, le prolétariat mondial était totalement abattu et résigné. Les coups de boutoirs de la crise avaient bien déclenché des mouvements de chômeurs importants aux États-Unis, mais cela n'avait pas été plus loin et le capitalisme avait entraîné l'humanité vers la Seconde Guerre mondiale. Aujourd'hui, c'est totalement différent. Depuis 1968, la classe ouvrière a soulevé la chape de plomb de la contre-révolution et si les campagnes de 1989 sur la "fin du communisme" lui avaient porté un coup violent, depuis 2003, elle développe sa lutte et sa conscience. La crise économique peut être le terreau fertile sur lequel vont germer la solidarité et la combativité ouvrières !
Françoise (27 septembre)
1) A l'annonce de toutes ces faillites en chaîne, on ne peut qu'être indigné en pensant aux sommes faramineuses empochées ces dernières années par les responsables de ces différents organismes. Par exemple, les dirigeants des cinq premières banques de Wall Street ont touché 3,1 milliards de dollars en 5 ans (Bloomberg). Et aujourd'hui, c'est la classe ouvrière qui subit les conséquences de leur politique. Même si la démesure de leur salaire n'explique pas la crise, elle révèle ce qu'est la bourgeoisie : une classe de gangsters qui a le plus grand mépris pour les ouvriers, les "petites gens" !
22) La "Grande dépression" correspond à la crise des années 1930.
3) Les "créances douteuses" (c'est-à-dire risquant fortement de ne pas être remboursées) se situent aujourd'hui, au niveau mondial, entre 3000 et 40 000 milliards de dollars, suivant les évaluations. L'imprécision de cette fourchette provient du fait que les banques se sont vendus mutuellement ces prêts à risques, à ce point qu'elles ne parviennent plus aujourd'hui à les évaluer réellement !
4) Comme l'a dit un journaliste sur le plateau d'une émission de "C dans l'air" sur France 5 : "Les États-Unis ont joué les prolongations grâce au crédit" .
5) A l'heure où nous mettons sous presse, les discussions entre le gouvernement et le congrès sont toujours en cours.
6) Lire "Crise alimentaire : les émeutes de la faim montrent la nécessité de renverser le capitalisme [1057]".
Sarkozy n'a pas d'un jockey que la taille mais il en a aussi l'ambition, celle d'être dans chaque course le premier arrivé au poteau. Cette caractéristique de celui que le Canard enchaîné nomme "l'omniprésident" concerne tous les aspects de son activité présidentielle, confinant fréquemment au ridicule le plus achevé. De l'Afrique au conflit en Géorgie avec la Russie, en passant par l'Europe, on voit donc s'enchaîner de sa part les promesses non tenues et les grands effets d'annonce suivis des conséquences les plus nulles, voire contraires à ce qui était attendu. Mais au-delà de la caricature et des nombreux commentaires satiriques qu'il inspire, parfois autant sinon plus dans ses propres rangs que dans ceux de l'opposition, Nicolas Sarkozy est le véritable reflet de la décomposition capitaliste et son incarnation au sein d'une bourgeoisie française déliquescente. La politique impérialiste que le chef de l'État français mène depuis son accession à l'investiture suprême en est une des expressions les plus évidentes en terme d'aventurisme, d'inconsistance et de manque total de vision à long ou moyen terme. La politique internationale française est la copie conforme, made in France, de la politique que Bush et son équipe mènent, à la tête de l'appareil d'État américain, depuis bientôt huit ans.
Comme nous le disions dans notre Revue internationale no 108 [1070] : "Le trait le plus caractéristique de cette phase ultime du capitalisme se manifeste par le gigantesque désordre régnant tant dans les rapports entre États que dans la forme que prennent leurs affrontements impérialistes. Chaque État national tire la couverture à lui sans accepter la moindre discipline. C'est ce que nous avons caractérisé comme ‘le chacun pour soi', qui exprime et à son tour aggrave un état général de chaos impérialiste mondial, tel que nous l'avions prévu il y a plus de dix ans lors de l'effondrement de l'ancien bloc soviétique : "... le monde se présente comme une immense foire d'empoigne où jouera à fond la tendance au ‘chacun pour soi', où les alliances entre États n'auront pas, loin de là, le caractère de stabilité qui caractérisait les blocs, mais seront dictées par les nécessités du moment. Un monde de désordre meurtrier, de chaos sanglant..." (Revue internationale no 108, 2e trimestre 2002, "La guerre anti-terroriste sème terreur et barbarie [1070]").
Après avoir affirmé la fin de la "Françafrique" et d'une "politique clientéliste", "des réseaux d'un autre temps et des émissaires officieux" pendant la campagne électorale ainsi que le début d'une "nouvelle politique africaine" dès le début de son mandat, après avoir réaffirmé au printemps dernier "Nous voulons soutenir les régimes démocratiques" sur le continent noir, qu'en est-il vraiment de la politique menée par Sarkozy et la bourgeoisie française en Afrique ? Ni plus ni moins que la continuation de la même politique impérialiste soutenant des régimes aux ordres de potentats sanguinaires répondant aux nécessités économiques et militaires de la France. C'est d'ailleurs une vieille antienne de l'impérialisme français en Afrique, de droite comme de gauche, pour faire passer la pilule de sa présence et de ses multiples coups de force militaires en les justifiant par des discours lénifiants. Ainsi, en 1990, au fameux discours de La Baule, Mitterrand, chantre de la démocratie africaine, avait lancé : "Notre rôle à nous, pays étranger, fut-il ami, n'est pas d'intervenir dans les conflits intérieurs. La France n'entend pas arbitrer les conflits." Belle hypocrisie dont le massacre de près d'un million de Tutsis au Rwanda en 1994, organisé à l'instigation des forces françaises, fut une concrétisation des plus éclatantes. Aujourd'hui, rien n'a changé, au contraire. La France est le seul pays au monde, outre la présence américaine récente et discrète à Djibouti, à maintenir une présence militaire, de 10 000 soldats en Afrique. Aussi, le départ des troupes françaises est loin d'être à l'ordre du jour, et la "Françafrique", avec ses magouilles immondes et son clientélisme sordide, a de beaux jours devant elle, car il en va de la défense des intérêts et du statut impérialiste mondial de la France. C'est bien pour cela que Sarkozy, après avoir déclaré en Afrique du Sud en mars 2008 que "La France n'a pas vocation à maintenir ses forces armées en Afrique", rappelait la seconde suivante aux chefs d'Etat africains dont la survie dépend de la présence française : "Si vous y tenez vraiment, on restera" ! En attendant, Sarkozy ne peut s'empêcher d'émailler ces belles déclarations pro-démocratiques et humanistes de discours comme celui de Dakar fin juillet 2007 où transpire à grosses gouttes le plus grand mépris pour "l'homme africain" "sans histoire" et pour les populations africaines et arabes.
La politique que mène Sarkozy en Europe au nom de l'État français est aussi peu lisible et tout aussi désastreuse. Ainsi, après le "non" irlandais à l'Europe, le président français, président de l'Europe, a affirmé, sans autre forme diplomatique et sans demander son avis au Conseil européen, la nécessité de refaire voter les Irlandais, afin que son projet de Traité constitutionnel européen de Lisbonne puisse voir le jour, pour se rétracter immédiatement après devant le tollé général que son intervention avait fait naître au sein de l'Europe. Ceci n'a eu pour conséquence que d'irriter un peu plus à la fois la Grande-Bretagne et une Allemagne déjà peu encline à soutenir l'action désordonnée de la France. Une action que le projet d'Union pour la Méditerranée (UPM) est venu décrédibiliser un peu plus encore. Cet avatar des prétentions françaises à mettre sur pied cette resucée d'un vieux projet européen (Processus de Barcelone ou Euromed), datant de 1995 et abandonné de tous, prétend avoir pour objectif de "combler le fossé entre un Nord plutôt riche et un bassin méditerranéen beaucoup plus pauvre", "d'améliorer le dialogue entre les deux rives", mais aussi et surtout de servir de tremplin à une réintroduction de la France dans le jeu des grandes puissances, en particulier au Moyen-Orient. Las, cette UPM est destinée à une vie aussi éphémère que la présidence française européenne et n'aura servi qu'à attiser les dissensions entre la France et les autres pays européens, totalement laissés pour compte dans l'affaire. D'ailleurs, la politique consistant à caresser dans le sens du poil et de façon précipitée les pays arabes "durs en affaires" a montré cet hiver ce qu'elle pouvait donner comme brillants résultats avec Khadafi, "grand ami" de la France au point que son bivouac de bédouin a occupé les jardins de l'Elysée une semaine durant... pour mieux claquer la porte au nez de son hôte en qualifiant de "scandale" la création de l'UPM.
Evidemment, tout ce cirque fait bien rire les médias. Mais derrière la stupidité de la politique française actuelle, il y a des êtres humains qui en souffrent et en meurent. Qu'a fait la France en Géorgie ? Rien, ou plutôt défendre la chèvre et le chou pour préserver à la fois son rôle de pays de l'Union européenne et ayant des intérêts comme tels à défendre, mais aussi ses relations privilégiées avec la Russie de Poutine. Car, au-delà des rodomontades dont a parlé la presse pour redorer le blason du caractériel de l'Élysée et faire croire à sa dimension internationale, dans un premier temps, Sarkozy a obtenu un cessez-le-feu de Moscou... aux conditions décidées par la Russie, puis, malgré ses menaces inconditionnelles médiatiques, n'a même pas pu gagner la reconnaissance de la souveraineté géorgienne par Medvedev, pour enfin, avec l'Union européenne, s'écraser mollement sans maintenir aucune "sanction" contre la Russie, et sans même souffler mot contre la reconnaissance de l'indépendance de l'Abkazie et de l'Ossétie du Sud par la même bourgeoisie russe.
Pour ce qui concerne l'engagement français en Afghanistan, on se trouve devant la même inconséquence. Alors que le président français s'était très formellement engagé à sortir la France du bourbier afghan avant son élection, il s'engage plus que jamais dans ce qui est une défaite annoncée. Cette guerre, dite de quatrième génération (G4G) par les spécialistes militaires, est considérée comme un conflit où la puissance attaquante, bien que supérieure, est "fixée" par l'ennemi et destinée à une guérilla sans fin. Ce qui veut dire que le marasme est bien pire chaque jour. Alors pourquoi un tel engagement de la France, avec les morts et le discrédit grandissant et justifié dans la population ? Une fois encore la logique est difficile à cerner. Car cette intégration à l'OTAN que développe Sarkozy ne correspond à aucune nécessité de l'impérialisme français 1, sinon de montrer ses petits muscles jusqu'en Asie, sans espérer ni gagner quoi que ce soit de l'alliance avec les États-Unis, qui exigent de plus en plus de forces de l'État français, ni espérer leur faire la pige au Pakistan et y gagner une quelconque zone d'influence consistante. Le retour prôné par Sarkozy de la France au sein de l'OTAN est d'autant plus catastrophique que l'OTAN elle-même connaît un effondrement aggravé et une décomposition accélérée du fait de la perte de sa première justification avec la fin de la guerre froide. Dès lors, l'OTAN ne sert plus qu'aux desseins propres de l'impérialisme américain.
Ce n'est pas un hasard si des hommes politiques bourgeois aussi rétrogrades que Bush aux États-Unis, Berlusconi en Italie ou encore Sarkozy en France se retrouvent au pouvoir dans de grandes puissances impérialistes. C'est même cette tendance qui va se développer dans l'avenir. La faillite économique du capitalisme, son enfoncement dans la décomposition et la barbarie, ne contient plus une once de rationalité et de perspective pour la société. Un système de plus en plus condamné à l'incohérence ne peut ainsi que produire des hommes politiques de plus en plus incohérents eux mêmes. Sarkozy comme toute sa classe sont condamnés à être les chefs d'orchestre d'une barbarie et d'un chaos croissant.
Wilma (25 septembre)
1) Après avoir affirmé l'évidence, à savoir que cette guerre ne pouvait que s'enliser toujours plus, voilà ce que déclaraient eux-mêmes certains membres du gouvernement : "Nous nous opposons, en second lieu, à cette décision présidentielle parce qu'elle a peu à voir avec l'Afghanistan et beaucoup avec l'obsession atlantiste du Président de la République et son projet de réintégrer la France dans le commandement de l'OTAN. En abdiquant son autonomie de décision militaire et stratégique dont tous les présidents de la Ve République ont été les gardiens, en abandonnant son combat pour le multilatéralisme, en oubliant ses ambitions d'un pilier européen de la défense, la France perdrait sa liberté de choix dans le monde." On ne peut pas être plus explicite.
Depuis le début de l'année, la crise économique mondiale, qui révèle l'impasse dans laquelle se trouve le système capitaliste, a provoqué dans de nombreux pays des émeutes de la faim, en même temps que se déroulaient des luttes ouvrières pour des augmentations de salaires, notamment face à la flambée des prix. Le dénominateur commun des émeutes de la faim qui ont explosé depuis ce début d'année un peu partout, en Haïti, au Mexique, aux Philippines, en Égypte, est la flambée du prix des denrées alimentaires ou leur pénurie criante qui ont frappé brutalement les populations pauvres et ouvrières de ces pays.
Les pillages de magasins sont une réaction tout à fait compréhensible face à une situation insupportable, de survie, pour les acteurs de tels actes et leur famille. En ce sens, les émeutes de la faim, même lorsqu'elles provoquent des destructions et des violences, ne sont pas à mettre sur le même plan et n'ont pas la même signification que les émeutes urbaines (comme celles de Brixton en Grande-Bretagne en 1981 et celles des banlieues françaises en 2005) ou les émeutes raciales (comme celles de Los Angeles en 1992) 1.
Bien qu'elles troublent "l'ordre public" et provoquent des dégâts matériels, ces dernières ne servent en fin de compte que les intérêts de la bourgeoisie qui est tout à fait capable de les retourner non seulement contre les émeutiers eux-mêmes, mais aussi contre l'ensemble de la classe ouvrière. En particulier, ces manifestations de violence désespérées (et dans lesquelles sont souvent impliqués des éléments du lumpenproletariat) offrent toujours une occasion à la classe dominante de renforcer son appareil de répression. Ce type d'émeutes est un pur produit de la décomposition du système capitaliste. Elles sont une expression du désespoir et du "no future" qu'il engendre et qui se manifeste par leur caractère totalement absurde. Il en est ainsi par exemple des émeutes qui ont embrasé les banlieues en France en novembre 2005 où ce ne sont nullement dans les quartiers riches habités par les exploiteurs que les jeunes ont déchaîné leurs actions violentes mais dans leurs propres quartiers qui sont devenus encore plus sinistrés et invivables qu'auparavant. De plus, le fait que ce soit leur propre famille, leurs voisins ou leurs proches qui aient été les principales victimes des déprédations révèle le caractère totalement aveugle, désespéré et suicidaire de ce type d'émeutes. Ce sont en effet les voitures des ouvriers vivant dans ces quartiers qui ont été incendiées, des écoles ou des gymnases fréquentés par leurs frères, leurs sœurs ou les enfants de leurs voisins qui ont été détruits. Et c'est justement du fait de l'absurdité de ces émeutes que la bourgeoisie a pu les utiliser et les retourner contre la classe ouvrière. C'est ainsi que leur médiatisation à outrance a permis à la classe dominante de pousser un maximum d'ouvriers des quartiers populaires à considérer les jeunes émeutiers non pas comme des victimes du capitalisme en crise, mais comme des "voyous". Elles ne pouvaient que venir saper toute réaction de solidarité de la classe ouvrière envers ces jeunes.
Pour leur part, les émeutes de la faim sont d'abord et avant tout une expression de la faillite de l'économie capitaliste et de l'irrationalité de sa production. Celle-ci se traduit aujourd'hui par une crise alimentaire qui frappe non seulement les couches les plus défavorisées des pays "pauvres" mais de plus en plus d'ouvriers salariés, y compris dans les pays dits "développés". Ce n'est pas un hasard si la grande majorité des luttes ouvrières qui se développent aujourd'hui aux quatre coins de la planète ont comme revendication essentielle des augmentations de salaires. L'inflation galopante, la flambée des prix des produits de première nécessité conjuguées à la baisse des salaires réels et des pensions de retraite rognés par l'inflation, à la précarité de l'emploi et aux vagues de licenciements sont des manifestations de la crise qui contiennent tous les ingrédients pour que la question de la faim, de la lutte pour la survie, commence à se poser au sein de la classe ouvrière. Et c'est justement parce que la question de la crise alimentaire frappe déjà les ouvriers des pays "pauvres" (et va toucher de plus en plus ceux des pays centraux du capitalisme) que la bourgeoisie aura les plus grandes difficultés à exploiter les émeutes de la faim contre la lutte de classe du prolétariat.
Évidemment, ces émeutes sont, elles aussi, des réactions de désespoir des masses les plus paupérisées des pays "pauvres" et ne portent en elles-mêmes aucune perspective de renversement du capitalisme. Mais, contrairement aux émeutes urbaines ou raciales, les émeutes de la faim constituent un concentré de la misère absolue dans laquelle le capitalisme plonge des pans toujours plus grands de l'humanité.
En ce sens, elles contribuent à la prise de conscience du prolétariat de la faillite irrémédiable de l'économie capitaliste. Enfin, elles montrent avec quel cynisme et quelle férocité la classe dominante répond aux explosions de colère de ceux qui se livrent aux pillages de magasins pour ne pas crever de faim : la répression, les gaz lacrymogènes, les matraques et la mitraille.
Par ailleurs, contrairement aux émeutes des banlieues, ces émeutes de la faim ne sont pas un facteur de division de la classe ouvrière. Au contraire, malgré les violences et les destructions qu'elles peuvent occasionner, les émeutes de la faim tendent spontanément à susciter un sentiment de solidarité de la part des ouvriers dans la mesure où ces derniers sont aussi parmi les principales victimes de la crise alimentaire et ont de plus en plus de difficulté à nourrir leur famille. En ce sens, les émeutes de la faim sont beaucoup plus difficiles à exploiter par la bourgeoisie pour monter les ouvriers les uns contre les autres ou pour créer des clivages dans les quartiers populaires.
Avec l'aggravation de la crise, les émeutes de la faim et les luttes ouvrières vont sans doute se multiplier de façon de plus en plus généralisée et simultanée. Elles ne contiennent cependant pas le même potentiel. En effet, seul le combat du prolétariat, sur son propre terrain de classe, peut mettre un terme à la misère, à la famine généralisée en renversant le capitalisme et en créant une nouvelle société sans misère, sans famine et sans guerres.
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1) Concernant les émeutes raciales de Los Angeles, voir notre article "Face au chaos et aux massacres, seule la classe ouvrière peut apporter une réponse [1071]" dans la Revue internationale no 70. Sur les émeutes dans les banlieues françaises de l'automne 2005, lire "Emeutes sociales : Argentine 2001, France 2005... Seule la lutte de classe du prolétariat est porteuse d'avenir [1000]" (Revue internationale no 124) et "Thèses sur le mouvement des étudiants du printemps 2006 en France [824]" (Revue internationale no 125).
Même Sarkozy a été obligé de le reconnaître dans sa conférence du 25 septembre : "Une crise de confiance sans précédent ébranle l'économie mondiale. Des millions de petits épargnants dans le monde voient fondre leur patrimoine, des millions de retraités craignent pour leur retraite, ces millions de foyers modestes sont mis en difficulté. Les Français ont peur, pour leurs économies, pour leur emploi, pour leur pouvoir d'achat (...) Dire la vérité aux Français, c'est leur dire que la crise n'est pas finie, que ses conséquences seront durables, que la France est trop engagée dans l'économie mondiale pour être abritée. La crise actuelle aura des conséquences sur la croissance, sur le chômage, sur le pouvoir d'achat." En effet, ce sont de nouvelles dizaines de milliers de suppressions d'emplois qui vont déferler dans les prochains mois, en particulier dans les banques, les assurances, l'immobilier et la construction. Dans le secteur financier, les plans de licenciements ont déjà commencé au Crédit agricole, chez Natixis, Calyon, Kaufman & Broad, etc.
Pour le seul mois d'août, il y a eu en France entre 30 000 et 40 000 chômeurs de plus 1 ! C'est le plus mauvais chiffre pour l'emploi depuis 1993 alors même que l'Etat déploie toute son énergie à rayer des listes de l'ANPE un nombre toujours croissant d'ouvriers sans travail. La situation se dégrade chaque jour un peu plus. Et dans les mois qui viennent, les coups sur le prolétariat vont redoubler et le chômage exploser. Des attaques en tous genres sont en effet déjà programmées et annoncées à commencer par les licenciements dans les secteurs productifs "de pointe" comme l'automobile ou la micro-informatique. Ainsi, la suppression de 6000 emplois sur la base d'un prétendu "départ volontaire" (le Monde du 9 septembre) chez Renault dont un millier à Sandouville dans la région du Havre (visant en particulier la moitié des ouvriers dans les ateliers de production de la Laguna) est suivie 15 jours plus tard de l'annonce de 2000 pertes d'emplois supplémentaires, dont 900 en France, avec notamment la fermeture probable à terme des usines de Maubeuge dans le Nord et de Batilly en Lorraine. General Motors se prépare à liquider son usine strasbourgeoise qui représente 1260 emplois. Hewlett-Packard a annoncé le sacrifice de 24 600 emplois dans le monde (dont 9300 en Europe). Ce sont en même temps des centaines d'entreprises sous-traitantes qui vont devoir fermer leurs portes. Il faut y ajouter encore la suppression de 509 postes de travail à la CAMIF (plus d'un tiers des effectifs), la liquidation des salariés chez le volailler Doux, les licenciements annoncés chez l'équipementier Continental, la menace de fermeture de l'usine Sony de Dax...
De même, les "reformes" dans la Fonction publique vont se traduire par 30 600 suppressions de postes en 2009. Officiellement, un fonctionnaire sur deux partant à la retraite ne sera pas remplacé, ce qui est encore bien loin de la réalité puisque tous les non-remplacements des contractuels, emplois-aidés et autres emplois précaires et sous-payés dont l'État s'est fait une spécialité, ne rentrent pas dans ces "statistiques". L'Éducation nationale sera une nouvelle fois particulièrement touchée avec 13 500 suppressions de postes programmées. En même temps, le gouvernement se prépare à lancer un nouveau programme pour réduire le déficit du système de santé avec un renforcement des contrôles sur les actes médicaux, les ordonnances et les arrêts maladie contre les "abus et les fraudes" à la Sécurité sociale, une possible hausse de 1 euro des honoraires médicaux et la poursuite de la saignée dans les hôpitaux (250 établissements supprimés d'ici 2010). Le projet de privatisation prochaine de La Poste va entraîner la fermeture de centaines de bureaux, notamment dans les villages et les zones rurales. La durée de cotisation pour avoir le "droit" de partir en retraite avec une pension de misère est en passe de s'allonger démesurément pour les nouvelles générations de prolétaires tandis que la dégradation accélérée des conditions de vie et de travail contribue à la paupérisation croissante de toute la classe ouvrière (perte du pouvoir d'achat avec la hausse des prix de tous les produits alimentaires de base, des loyers, du gaz, des transports publics, de l'essence - en six mois la consommation de carburant a baissé de 15 %, ce qui n'était jamais arrivé). La loi sur la mobilité des fonctionnaires dans le cadre de la restructuration de l'administration va prochainement autoriser la mise en disponibilité sans salaire d'un fonctionnaire (ce qui est un licenciement déguisé pur et simple !) en cas de refus de 3 propositions de mutation d'office suite à une suppression de poste.
Le fameux Revenu de solidarité active (RSA) présenté et salué comme "un zeste de mesure enfin sociale du gouvernement" constitue en fait une attaque supplémentaire. Ce nouveau dispositif va entraîner une nouvelle multiplication des "petits boulots" à temps partiel et sous-payés puisque "subventionnés" par cette "aide sociale". Elle ouvre tout grand la voie à la généralisation de la précarité des contrats de travail. Non seulement cette allocation demeure trop faible pour pouvoir sortir les "bénéficiaires" du RSA de la grande pauvreté mais ils vont perdre une série de "droits" liés à la perception du RMI ("prime de Noël", droit aux transports gratuits, perte d'accès automatique à une couverture sociale complémentaire, ainsi que la prime du retour à l'emploi et diverses exonérations comme de la taxe d'habitation ou de la taxe de redevance audiovisuelle). Ils vont en outre subir des contrôles renforcés et plus fréquents de la Caisse d'allocations familiales ou de l'Assurance maladie. Cela signifie surtout pour l'avenir, comme le reconnaissent des experts comme ceux d'Alternatives économiques, "une accentuation énorme des pressions sur les demandeurs d'emploi pour qu'ils acceptent ces ‘emplois indignes'." Pour les chômeurs, la perte des allocations est désormais subordonnée au refus de toute offre d'emploi à moins d'une heure de transport et dans un rayon de 30 km à partir du domicile, tandis que la fusion imminente de l'ANPE et de l'Unedic est destinée à augmenter l'efficacité des contrôles et les radiations.
Dans cette situation de plus en plus dramatique, les syndicats font tout pour ne pas faire de vagues face à un ras-le-bol grandissant. Ils cherchent avant tout à éviter une mobilisation massive en éparpillant et en diluant ce sentiment de colère. Le décalage entre l'ampleur, la dureté, la simultanéité des attaques et la faiblesse de la "riposte" syndicale est flagrant.
• Durant tout l'été, les syndicats ont agité la promesse d'une large riposte des enseignants. Résultat : les syndicats de l'Éducation nationale ont appelé le 11 septembre à des rassemblements locaux devant les inspections d'académie sans proposer la moindre heure de grève.
• Le 23 septembre, ils ont lancé une journée de grève et de mobilisation contre "la privatisation de La Poste" totalement cloisonnée à ce secteur et qui a été seulement suivie par 30 à 40 % des effectifs. De plus, la CGT a soutenu la proposition de la gauche (du PS au NPA de Besancenot en passant par le PCF) de lancer un grand battage pour l'organisation d'un "référendum populaire sur l'avenir de La Poste", en faisant circuler une pétition dans ce sens auprès des usagers. Il s'agit de faire croire qu'il suffit qu'une entreprise reste aux mains de l'État pour garantir "un service public de qualité" au moment où ce même État promulgue toutes sortes de lois et d'attaques anti-ouvrières !
• Quant à la "grande journée d'action" lancée par la CGT pour le 7 octobre sur le vague thème "contre la politique patronale et gouvernementale" (et à laquelle FO a d'emblée refusé de s'associer... histoire de diviser encore un peu plus), elle s'est rapidement transformée en une évasive "journée internationale de mobilisation des syndicats pour un travail décent".
• Après une semaine de mise au chômage technique et l'annonce du plan de licenciements, les syndicats de Renault à Sandouville ont organisé à plusieurs reprises des "barrages filtrants" et des occupations dans la zone industrielle du Havre pour défouler une grogne très forte. Cependant, lors de manifestations au Havre, des délégations de Flins sont venues soutenir leurs camarades et un syndicaliste déclarait en substance devant les caméras de télévision le 23 janvier : "Il y a une grosse colère contre le mépris du patron. Mais si ça continue, on ne pourra plus les canaliser...". Les syndicats doivent aujourd'hui marcher sur des œufs...
• De même, lors de la grève des conducteurs dans le RER B, ils sont parvenus à isoler les agents de la SNCF et de la RATP, non seulement vis-à-vis des "usagers", c'est-à-dire la masse de prolétaires utilisant cette ligne pour se rendre à leur travail, mais aussi entre eux, les convoquant à des AG séparément ou les appelant à des actions différentes, alors même qu'ils sont confrontés à la même attaque. En effet, alors que jusqu'ici la ligne était gérée par la RATP au sud et par la SNCF au nord, d'ici l'été 2009, chaque agent du RER B conduira un train d'un bout à l'autre de la ligne et devra avoir été formé à la réglementation du tronçon sur lequel il n'opérait pas jusque-là. Ce qui va entraîner bien entendu des suppressions de postes au sein des deux sociétés et une augmentation considérable de la charge de travail. Mais au lieu de cibler sur cette attaque, les syndicats ont cherché à polariser la lutte contre le "projet de fusion" en proclamant que les employés de la SNCF et ceux de la RATP n'avaient pas le même statut ni les mêmes conditions de salaire et de travail ! Ainsi, sur la partie SNCF, la grève reconductible a débuté dès lundi 22 septembre, à l'appel de quatre syndicats (Sud Rail, FO, Unsa, Fgaac) tandis que sur la partie RATP, seuls la CGT et Sud ont appelé à la grève et seulement pour 24 heures. Malgré ces manœuvres de division, le trafic a tout de même été quasiment paralysé le 23 septembre sur toute la ligne B du RER, preuve de l'ampleur de la colère dans les rangs ouvriers des deux entreprises ! Par ailleurs, un autre mouvement isolé, visant à protester contre une "augmentation" des charges de travail, à l'appel de la CGT, de la CFDT, de la Fgaac, a touché également, depuis le 22, le TER Picardie (Paris-Beauvais-Le Tréport et Creil-Beauvais), déjà théâtre d'une grève du 2 au 6 septembre.
Abandonner la conduite de la lutte aux mains des syndicats ou subir leur influence pernicieuse revient à s'exposer à coup sûr, pieds et poings liés, aux pires attaques, à se laisser atomiser, démoraliser. La seule possibilité pour la classe ouvrière de résister aux coups de la bourgeoisie et de prendre confiance en ses propres capacités d'ouvrir une perspective vers l'avenir, c'est de prendre en mains ses luttes, en exprimant son unité et sa solidarité de classe.
Wim (27 septembre)
1) A l'heure où nous mettons sous presse, les chiffres définitifs ne sont pas encore connus.
Depuis le décret publié en juillet destiné à officialiser le fichier de police Edvige, on a assisté à une sorte de fièvre médiatique propulsant les cris d'orfraie à gauche. A coup de déclarations et de pétitions, les leaders de gauche, PS en tête, sont en effet montés au créneau pour s'offusquer publiquement et s'indigner de l'existence d'un tel fichier : Bertrand Delanoé a vu une "faute contre les libertés", François Hollande "des raisons très sérieuses de s'inquiéter"... Bref, tous à la parade !
En réalité, derrière ces envolées lyriques d'opérette se cache, outre la volonté de se refaire une virginité à bon compte après des années de politique répressive et de flicage lorsque la gauche était au pouvoir, une hypocrisie des plus crasses. Une personnalité comme Emmanuel Walls, par exemple, accepte volontiers de "recenser les activités" qui "portent atteinte à l'ordre public". Cela revient à dire que, sur l'essentiel, c'est-à-dire "la défense de l'ordre public", il y a "union sacrée" ! La jeunesse révoltée par la misère capitaliste et toute la classe ouvrière sont visées ici, assimilées facilement à des "terroristes" lorsque, pour défendre leurs conditions de vie, ils "troublent l'ordre public" par la lutte de classe.
Profitant de l'inquiétude que le fichier Edvige suscite dans la population, ces "grands humanistes" de gauche voudraient nous faire oublier qu'ils sont eux-mêmes à l'origine du fichier incriminé. C'est d'ailleurs avec cet argument que des dirigeants de l'UMP ont parfois renvoyé leurs interlocuteurs du PS dans les cordes. Le fichier Edvige, en effet, ne fait qu'exposer des règles jusqu'ici en vigueur au sein des RG (Renseignements généraux) fixées depuis 1991 par Philippe Marchand, ministre de l'intérieur de la socialiste Edith Cresson. C'est grâce à ce fichier, complété sur le terrain par des équipes de flics "ilotiers" sillonnant tous azimuts les banlieues, que les socialistes et staliniens, à l'époque, ont pu traquer les immigrés afin de les reconduire massivement aux frontières, par charters entiers. "Faire du chiffre", au parti socialiste comme chez Hortefeux, on s'y connaît !
D'après les propos d'un ancien officier des RG réaffecté à la SDIG (nouvelle Sous-direction de l'Information générale) qui s'exprime sur le fichier Edvige : "Tout cela existait depuis longtemps, seulement, comme le décret de 1991 était rédigé de façon volontairement floue, les naïfs l'ignoraient totalement" 1. Les responsables de l'époque étaient justes "plus malins que l'équipe Sarkozy".
N'oublions pas que sous Rocard, alors que Pierre Joxe était ministre de l'intérieur, des bases de données sur les personnalités étaient recueillies sans la moindre gêne. Pierre Joxe, ex-spécialiste de l'information militaire en Afrique du Nord, avait au passage mis en place un autre fichier qui existe toujours : le fichier STIC (Système des infractions constatées) qui incorpore des données sur les victimes elles-mêmes. Il a été légalisé en 2001, sous Jospin ! Sans développer sur les célèbres "écoutes téléphoniques de l'Elysée" ou encore la restauration d'un "cabinet noir" sous l'ère Mitterrand, soulignons juste au passage une déclaration à ne pas oublier et à méditer : "On ne peut pas concilier efficacité policière et respect des droits de l'homme." Ce n'est pas là un aphorisme de Sarkozy mais une bonne vérité du socialiste Pierre Joxe lors du procès des écoutes en décembre 2004 !
On sait encore que Jospin avait signé les "accords de Schengen" renforçant la surveillance et le flicage, qu'il avait aussi signé "le bouclier européen contre l'immigration clandestine" qui fait le lit de la répression anti-immigrés actuelle et des lois Hortefeux. Aussi, quand Martine Aubry nous affirme, offusquée et la main sur le cœur, qu'elle "voit les dérives possibles" du fichier Edvige, sans doute faut-il comprendre qu'elle a des idées "géniales" à proposer pour la police du futur !
Ne nous laissons pas duper par tous ces politiciens qui prétendent nous protéger et "défendre les ouvriers". Ceux-là n'hésiteront jamais à réprimer brutalement pour défendre leur sacro-saint "ordre public" : "l'ordre" capitaliste !
WH (17 septembre)
1 backchich.info.
Après les affrontements meurtriers du mois d'août en Géorgie 1, la propagande bourgeoise, notamment en Europe, nous assure que nos gouvernements font tout leur possible pour qu'une solution de paix soit trouvée dans le Caucase. Pour preuve de leur bonne foi, les opérations humanitaires en cours, où des navires de guerre américains et de l'OTAN livrent des vivres et des médicaments à la population géorgienne. Face au questionnement que suscite cette "aide humanitaire" transportée par des militaires au lieu de navires marchands, nos démocrates, pétris de bons sentiments, invoquent la présence maléfique de la marine russe qui occupe le littoral géorgien. Certes, les Russes sont prêts à défendre les territoires conquis, mais on peut avoir beaucoup de doutes sur la sincérité de nos "humanistes de service" quand on voit que c'est une véritable armada que l'État américain et ses alliés de l'OTAN ont envoyé dans les eaux de la mer Noire.
Ce n'est pas moins de sept navires de l'Alliance (trois américains, un espagnol, un allemand, un polonais et un navire battant pavillon de l'OTAN) qui sont déployés dans tous les points clés de la mer Noire, dont le navire hydrographique américain USNS Pathfinder capable de détecter les sous-marins à une distance de plus de 100 km, le contre-torpilleur lance-missiles McFaul équipé de missiles de croisière Tomahawk qui peuvent transporter des missiles conventionnels ou nucléaires (dont la puissance de feu avait fait des tueries épouvantables lors de la première guerre du Golfe en 1991) et le vaisseau-amiral Mount Whitney de la 6e flotte américaine, le bateau de guerre doté du système de communication et surveillance le plus sophistiqué au monde, véritable chef d'orchestre de cette opération soi-disant pacifique et humanitaire ! Un tel déploiement de forces militaires n'a évidemment rien de philanthropique, ni d'altruiste. Son véritable objectif est de "faire une évaluation de l'état des forces armées géorgiennes" et, comme le souligne la mission sénatoriale américaine présente en Géorgie, "les Etats-Unis doivent fournir une assistance aux forces armées géorgiennes, en les dotant des plus modernes armes anti-aériennes et anti-chars, et en continuant l'entraînement des troupes" 2.
En clair, "l'aide humanitaire" sert de paravent à la livraison d'armes meurtrières et au renforcement de l'armée géorgienne. Tout ceci préfigure la réponse américaine au revers qu'elle vient de subir suite à l'invasion de son allié géorgien par l'armée russe en août dernier et à la reconnaissance par cette dernière de l'indépendance de l'Ossétie du Sud et de l'Abkhazie. Cette soi-disant opération humanitaire concentre en fait tous les ingrédients d'une nouvelle et dangereuse escalade guerrière pour l'avenir dont l'enjeu est toujours l'Asie centrale ex-soviétique, zone d'immense importance, que ce soit pour ses réserves énergétiques de la Caspienne comme pour sa position géostratégique par rapport à la Russie, la Chine et l'Inde.
Les populations, victimes des exactions militaires, n'ont donc rien à attendre de la prétendue aide humanitaire militarisée en cours. Comme dans les "interventions pour la paix" précédentes (Somalie en 1992, Bosnie en 1993, Rwanda en 1994, et tant d'autres, Kosovo, Darfour, Congo, Palestine...) les aides humanitaires sont des alibis cyniques au service de la guerre, compléments indispensables aux "discours de paix" que nous servent tous les États impérialistes, petits ou grands, pour défendre leurs intérêts.
Daniel (26 septembre)
1)
Lire notre article "Guerre
en Géorgie, toutes les puissances sont des fauteurs de
guerre ! [1072]"
dans RI
no
393, septembre 2008.
2) http ://www.ilmanifesto.it/quotidian [1073].
Nous
publions ci-dessous la prise de position d'un de nos contacts en
République dominicaine après les ouragans qui ont
dévasté l'État d'Haïti voisin, faisant
plusieurs milliers de victimes. Il y dénonce très
justement la responsabilité première du capitalisme
dans le lourd bilan de ces catastrophes qui n'ont aujourd'hui
plus rien de "naturelles".
Fin août début septembre, Haïti, le pays le plus appauvri des Amériques, et non pas le plus pauvre comme on a voulu trop souvent nous le faire croire, a été affecté par les ouragans Gustav et Hanna, provoquant plus de mille morts et des milliers de disparus, de blessés et de sans-abris. Cette tragédie est, comme d'habitude, utilisée par les classes dominantes pour appeler à la conciliation des classes et à l'aide "humanitaire".
On a beau dire tout ce qu'on veut, mais le seul coupable de ces morts, c'est le capitalisme, en premier lieu en tant qu'auteur matériel et intellectuel parce qu'il est responsable de la crise environnementale (cf. "Crise écologique : vraie menace ou mythe ? [1074]" 1) et, dans le cas concret de Haïti, parce que ce pays a été victime de la mise à sac par les grandes puissances capitalistes. Ils ont provoqué la déforestation de cette partie de l'île Hispaniola 2, séchant les rivières et transformant leurs anciens lits en terrains vagues, où une population désemparée d'ouvriers, de chômeurs et de paysans pauvres, a construit des cabanes et des baraques qui sont entraînées, avec tout le reste, lorsque ces vieux lits redeviennent des rivières gonflées par les pluies torrentielles.
Le capitalisme décadent en Haïti s'y est concrétisé d'une façon si grave que les autres nations ont dû définir ce pays comme un État en faillite, un pays où les masses de gens n'ont pas eu d'autre choix que de se jeter à la mer vers l'Amérique du Nord ou vers ce coté-ci de l'île [c'est-à-dire la République dominicaine, ndt] pour vendre leur force de travail. Il arrive même que ce prolétariat soit utilisé par la bourgeoisie comme un esclave victime de la xénophobie nationaliste et chauvine, et que les bourgeois ne se contentent pas de lui voler une grande partie de son travail, mais qu'il lui vole le tout, en appelant les autorités pour qu'il devienne une victime des lois de l'immigration et soit jeté hors du pays.
Comment est-il possible qu'on investisse autant de ressources pour favoriser des coups d'État, des guérillas, des invasions armées comme celle de la minustab 3, où il y a des troupes de différents pays (Pérou, Chili, Nicaragua, Brésil, certains d'entre eux se disant même "socialistes"), et qu'on n'utilise pas ces ressources financières, ces millions, pour éviter des tragédies comme celles provoquées par les tempêtes Gustav et Hanna ? Seule une action collective du prolétariat de tous les pays et, dans le cas présent et pour commencer, celui de l'île Hispaniola toute entière, pourra faire face au capitalisme qui, depuis des années, n'offre que des crises et des guerres auxquelles s'ajoute maintenant la catastrophe climatique.
Prolétaires de tous les pays, unissez-vous !
Vl
(Noyau
de discussion internationaliste en République dominicaine)
1)
Ndlr : cet article est également disponible en espagnol.
2)
Ndlr : "Hispaniola" est le nom ancien de l'époque
coloniale espagnole, de l'île entière, aujourd'hui
partagée entre Haïti, ancienne colonie française
et la République dominicaine, ancienne colonie espagnole
(note du traducteur).
3) C'est le nom de la mission "stabilisatrice" des troupes de l'ONU en Haïti.
Voici un article repris d'Acción proletaria (organe du CCI en Espagne) qui montre, à travers un "accident" meurtrier sur un chantier en Espagne, que la vie des ouvriers ne vaut pas grand chose aux yeux de nos exploiteurs.
Le 26 mai dernier, un échafaudage du chantier du nouveau stade de football de Valence se décrochait, entraînant deux ouvriers dans la mort. L'horreur ne s'est pas arrêtée là : la chute de l'échafaudage a entraîné celle d'un énorme coffrage de 3 tonnes qui est tombé sur deux autres ouvriers. Et leurs camarades, en plus de l'horreur de ce qu'ils voyaient, ont été submergés par un terrible sentiment d'impuissance à cause de l'impossibilité de secourir ces deux camarades gravement blessés qui, après avoir été dégagés par les pompiers, sont décédés quelques heures plus tard.
Très vite, les différentes instances de la classe exploiteuse se sont succédées sur les lieux du drame pour exprimer, avec le plus répugnant des cynismes, le couplet bien connu de la "solidarité avec les victimes". D'abord, le patron du chantier est arrivé, lui qui ne cesse de faire pression pour que s'accélère le rythme des travaux, voulant être le premier à présenter ses "condoléances" aux familles des victimes. Ensuite, c'est le maître d'œuvre qui s'est pointé, lui qui n'hésitait pas à réduire les coûts en sous-traitant (80 % de la main d'œuvre dans le cas présent) en se vantant de respecter les lois et d'avoir pas moins de... 22 techniciens de sécurité ! Les autorités municipales se sont présentées à leur tour, n'hésitant pas à promettre des "enquêtes" et des "sanctions" exemplaires, alors qu'en réalité les gens du quartier n'ont cessé de dénoncer, par exemple, le prolongement "illégal" du travail jusqu'à l'aube, sans que personne ne vienne l'empêcher. Pour couronner ce défilé d'hypocrites, les syndicats se sont eux aussi déplacés, eux qui prétendent défendre les ouvriers face au patron et face à l'État, alors que leur véritable fonction est de leur servir de larbins. On ne sait pas ce qui est le plus à vomir, de leurs pathétiques justifications hypocrites et pleurnichardes du genre : "Nous étions au courant en ce qui concerne les abus de la sous-traitance et des journées de travail de plus de 16 heures, mais nous ne pouvions rien faire parce qu'il ne s'agit pas d'un chantier public et nous ne sommes donc pas représentés au sein du Comité de sécurité du travail", ou de leurs répugnantes "mobilisations" : cinq minutes de silence au lendemain de l'accident et une concentration de délégués devant le chantier sept jours après la mort des ouvriers ( !), pseudo-actions destinées à semer un sentiment d'impuissance et de résignation.
Quelles que soient les causes ou les circonstances particulières de cet accident de travail, ce qui est sûr c'est qu'année après année, les conditions de travail de la grande majorité des travailleurs sont régies de plus en plus explicitement par le chantage criminel décrit dans le poème de Nicolas Guillén chanté par Daniel Viglietti et que nous avons pris pour titre de cet article : "On me fait crever si je ne travaille pas et si je travaille, on me crève" ("Me matan si no trabajo... y si trabajo me matan"). Cet accident de Valence n'est, en effet, qu'un maillon supplémentaire de cette chaîne qui devient de plus en plus insupportable, celle de la dégradation violente des conditions de vie et de travail des prolétaires. Concernant les accidents de travail, il faut dire que le capitalisme espagnol gagne haut la main la médaille d'or sur ses concurrents européens dans cette sinistre compétition des "crimes de travail", pour les appeler par leur vrai nom. Tout au long de ces dernières années, il y a eu en Espagne entre 1000 et 1200 morts par accident de travail, 20 % du total de toute l'Union européenne. Au cours des deux premiers mois de cette année 2008, il y a déjà eu 178 accidents mortels. Dans les chantiers de construction, les facteurs de risque, journées de travail exténuantes ou temps de repos insuffisants, ne font qu'augmenter. Et ces pratiques habituelles dans le bâtiment (sous-traitance du personnel sans qualification aucune) se sont étendues à d'autres secteurs y compris les services (le transport en particulier). Les gouvernements ont beau occulter par des tours de passe-passe l'escalade des accidents et les maladies de travail, en excluant des statistiques, par exemple, les accidents in itinere (ceux qui se produisent lors des trajets entre le domicile et le travail) ou ceux attribués à "l'imprudence" de l'ouvrier, le fait est que le travail est de plus en plus mortifère. Une étude récente de l'Observatoire de risques psychosociaux du syndicat UGT (citée dans l'édition informatique d'El País du 2 juin 2008) a mis en avant que près de 75 % des travailleurs souffrent de stress du travail et que les trois-quarts d'entre eux en subissent les conséquences par rapport à leur santé (fatigue, douleurs au cou et à la tête, irritabilité, sensation d'oppression, insomnies, problèmes oculaires, etc.). On ne peut manquer de citer la conclusion, une lapalissade cynique, de cette si "profonde" étude du syndicat "socialiste" : "Le problème de fond, c'est que les entreprises continuent à privilégier leurs intérêts économiques au détriment de la satisfaction ou du bien-être des travailleurs". Bon sang, mais c'est bien sûr !
Marx et Engels dénonçaient déjà dans le Manifeste communiste le caractère hypocrite, réactionnaire et mystificateur de ceux qui prétendent qu'il pourrait exister un capitalisme à l'avantage des ouvriers ! Parce que, pour tous les prolétaires, travail salarié est synonyme de sacrifice de sa propre existence. Ce qui définit le prolétariat, c'est justement qu'il est obligé de vendre sa force de travail, devenue une marchandise dont le "prix" est le salaire, seul moyen de survivre pour lui et les siens. Le prolétariat est la première classe exploitée de l'histoire qui est "libre". Elle est "libre" parce que rien ne "l'oblige" à rester attachée au maître esclavagiste ou à la terre du seigneur féodal. En principe, en effet, les capitalistes ne viennent pas coller un fusil sur la poitrine ou dans le dos du prolétaire pour qu'il travaille. Il est "libre" de le faire ou de ne pas le faire. Mais s'il renonce "librement" à travailler, les conséquences sur son existence seront la pénurie et la faim. Le capitalisme est le premier et seul système dans l'histoire où l'exploité doit aller à la recherche de son exploiteur et en subir "librement" la loi. Voilà pourquoi il est aussi exact d'ajouter "... et si je travaille on me crève" que de dire "On me fait crever si je ne travaille pas...".
Contre les horreurs de l'esclavagisme salarié, il n'y a qu'une seule voie : éradiquer le capitalisme de la surface de la terre, parvenir à affranchir l'humanité des lois inhumaines de l'accumulation et de l'appropriation privée de ce qui est produit socialement. Pour que l'humanité puisse non seulement survivre, mais aussi donner son sens au mot "vivre", ce système d'exploitation de l'homme par l'homme doit être détruit.
Etsoem (2 juin)
L'été dernier, Courrier international a publié une série de recueil d'articles de presse consacrés à Karl Marx (nos 924, 925, 926 du 17 juillet au 20 août) sur le thème "Marx : le retour" à l'occasion du 190e anniversaire de sa naissance et du 125e de sa mort et aussi du 160e anniversaire du Manifeste communiste. Déjà, en octobre 2003, le Nouvel observateur avait publié un numéro spécial intitulé "Marx, le penseur du troisième millénaire ?" et Jacques Attali, fidèle conseiller de la bourgeoisie depuis l'ère Mitterrand, avait publié en 2005 une biographie de Marx dans laquelle, à coups de citations tronquées, il s'efforçait de présenter Marx comme un grand défenseur et un profond admirateur de la "démocratie bourgeoise" 1.
La bourgeoisie et sa presse aux ordres s'inquiètent "du retour de la pensée marxiste" ou de "l'actualité de Marx et du marxisme" moins de vingt ans après avoir proclamé triomphalement "la mort du marxisme et du communisme" et avoir cherché à les enterrer en grandes pompes après l'effondrement du bloc de l'Est et des régimes staliniens. Qu'ils tremblent à nouveau n'a rien d'étonnant à l'heure où, face au déchaînement de la crise et aux horreurs monstrueuses perpétrées par ce système pourrissant, la remontée internationale des luttes ouvrières pousse les prolétaires vers la prise de conscience qu'il existe une perspective pour sortir l'humanité de l'impasse où la plonge le capitalisme.
Certains crachent leur venin en proclamant ouvertement leur terreur ancestrale et leur aversion phobique envers Marx et les révolutionnaires et en continuant à les recouvrir de boue et des pires calomnies. Ils remettent au goût du jour le plus grand mensonge de l'histoire propagé tout au long du xxe siècle : l'identification de Marx, du marxisme, du communisme et de la classe ouvrière, à une des pires formes de la contre-révolution, la terreur stalinienne. Tels des serpents à sonnette, ils continuent à agiter frénétiquement leurs appendices idéologiques et s'émeuvent du "retour dangereux de l'idéologie totalitaire", corollaire, selon eux, des "excès du libéralisme" et de l'accroissement manifeste des inégalités sociales. Et c'est au fond la même peur de la révolution prolétarienne qui anime aujourd'hui tous ceux qui se mettent à encenser Marx pour l'exorciser en tentant de le récupérer. Ainsi, on voit de plus en plus de journalistes ou d'universitaires qui n'hésitent pas à l'encenser pour en faire l'ancêtre et le père prophétique tutélaire des "altermondialistes", ou encore le précurseur de l'écologie. Ceux-là viennent illustrer une fois de plus la mise en garde que Lénine énonçait avec lucidité :
"Du vivant des grands révolutionnaires, les classes d'oppresseurs les récompensent par d'incessantes persécutions ; elles accueillent leur doctrine par la fureur la plus sauvage, par la haine la plus farouche, par les campagnes les plus forcenées de mensonges et de calomnies. Après leur mort, on essaie d'en faire des icônes inoffensives, de les canoniser pour ainsi dire, d'entourer leur nom d'une certaine auréole afin de "consoler" les classes opprimées et de les mystifier ; ce faisant, on vide leur doctrine révolutionnaire de son contenu, on l'avilit et on en émousse le tranchant révolutionnaire" (L'État et la révolution, chap. 1).
Cette citation quasi-prophétique s'est révélée avec toute sa pertinence dans le mensonge permanent que tous les régimes staliniens de la planète qui ont sévi pendant cinquante ans ont utilisé pour justifier l'exploitation féroce des prolétaires en tressant des louanges aux grands révolutionnaires. En se servant de Marx et d'Engels, en les momifiant comme Staline le fit de Lénine, en leur édifiant des statues, ils s'attachèrent systématiquement à émousser, à vider ou à déformer le contenu révolutionnaire de leurs idées et de leurs actions, avec l'aide active des bourgeoisies "démocratiques" venant en renfort pour faire une publicité ouverte et maximum de l'absolutisme et de la répression "marxistes" des pays stalinisés.
Et si la bourgeoisie cherche encore aujourd'hui à faire de Marx une "icône inoffensive", c'est parce que celui-ci était bien un authentique révolutionnaire qui a livré tout au long de sa vie le combat le plus acharné contre le capitalisme au point que son œuvre, et sa méthode, s'avèrent d'une telle puissance révolutionnaire qu'elles s'affirment encore aujourd'hui comme l'arme la plus essentielle pour le combat des prolétaires en vue du renversement du capitalisme. Pour toute la bourgeoisie, plus que jamais, comme le proclamait déjà la première phrase du Manifeste, "Un spectre hante l'Europe (et aujourd'hui le monde entier) : c'est le spectre du communisme."
W (20 septembre)
1) Voir RI n° 366, mars 2006 : "A propos du livre d'Attali : Karl Marx était-il un démocrate ou un révolutionnaire ? [1076]".
Nous publions ci-dessous le courrier d'une lectrice qui, en tant qu'institutrice, témoigne des attaques qui ont frappé les professeurs du primaire lors de cette nouvelle rentrée scolaire. Comme pour tous les ouvriers, l'exploitation s'intensifie, les charges de travail augmentent. En décrivant tout simplement ce qu'elle a vu, la camarade dénonce aussi le travail de sape des syndicats : assemblées générales (AG) bidon, culpabilisation des enseignants pour leur prétendu "manque de combativité" et donc démoralisation et fatalisme, propositions d'actions stériles..., toute la panoplie syndicale est passée en revue à travers ces quelques lignes.
Le gouvernement a pris une série de mesures visant à réorganiser l'école. Ainsi, nous sommes désormais tenus de faire 24 heures par semaine d'enseignement contre 26 heures les années passées. Les deux heures d'enseignement hebdomadaires en moins (soit 60 heures annuelles) sont destinées aux élèves en difficulté à qui l'on doit deux heures de soutien par semaine sur 25 semaines (soit 50 heures). Les 10 heures restantes sont destinées à la préparation de ce soutien. Mais en plus, nous sommes tenus de faire chaque année : 24 heures de concertations plus 18 heures "d'animation pédagogique" plus 6 heures de conseil d'école. Nous accomplissions déjà une partie de ces tâches évidemment, mais aujourd'hui elles nous sont imposées dans un cadre horaire strict et surveillé. Surtout, elles sont concentrées non-plus sur 6 mais 5 jours, ce qui signifie un rythme de travail beaucoup plus intense et usant. Tout comme nos élèves, nous faisons des journées beaucoup plus longues. Concrètement, nous allons travailler le midi (probablement... ce qui signifie une journée non-stop de travail !), une dizaine de samedis (quand même) et souvent les mercredis et les soirs (pour les conseils et les réunions) ! De plus, certains enseignants (de plus en plus nombreux) doivent faire des heures supplémentaires. Eux travailleront tous les midis et tous les soirs ! Bref, nous allons "travailler plus" 1.
Le plus cynique dans l'histoire c'est que c'est à nous, en plus, de tout ré-organiser en fonction de ces directives ministérielles ! Je tiens par exemple à préciser que pour organiser tout cela, nous avons eu six réunions en deux semaines en plus de nos préparations, des rencontres avec les parents, etc. En fait, l'État nous oblige ni plus ni moins à organiser et gérer nos propres conditions d'exploitation et la dégradation de nos conditions de travail !
Face à cette augmentation de la charge de travail, quelle a été la réaction syndicale ?
Lors d'une AG organisée par une intersyndicale (SNUIPP, FO et SUD) le 15 septembre, le discours des syndicats s'est résumé :
- à dénoncer... les écoles qui ont déjà rendu tous les documents nécessaires pour la mise en place du soutien alors qu'il fallait d'après eux boycotter cette tache ;
- critiquer... les enseignants pour leur manque de combativité ;
- et affirmer haut et fort que les moyens d'action et de riposte étaient... limités !
Au final, leur seule proposition fut d'appeler à une réunion publique pour informer les parents. Je suis alors intervenue en disant (en gros) : "Nous sommes bien contents de savoir que nous pouvons boycotter le remplissage des formulaires, mais nous n'avons toujours pas parlé de ce que nous pouvons faire pour faire reculer le gouvernement sur ces mesures qui sont des véritables attaques contre nos conditions de travail, et qui vont à l'encontre du bien-être des enfants. Je pense donc qu'il faut discuter sur ce qu'on peut faire pour que le gouvernement retire ces mesures."
Certains de mes collègues ont alors scandé "révolution", ce qui n'est absolument pas habituel chez eux. Les délégués ont alors acquiescé d'un "on est d'accord", sans manquer d'ajouter aussitôt "mais là il faudrait un gros réveil des consciences". Alors qu'on a passé une heure et demie sur les histoires de statuts et de législation administrative pour savoir ce que l'on risquait si on ne remplissait pas les formulaires, ils ont évincé très vite la réponse à ma question. Finalement, mes collègues sont revenus sur le sujet en exprimant le fait que, eux, ils sentaient un fort mécontentement chez les enseignants et qu'en face les syndicats étaient peu réactifs, notamment concernant la manifestation prévue le 19 octobre qu'ils jugent trop tardive. Le présidium a alors déclaré : "On sait bien mais si les syndicats majoritaires ne veulent rien lancer, nous on ne peut rien faire."
Et quand nous nous sommes prononcés contre la date de la réunion publique prévue le 18 octobre car nous la jugions, elle-aussi, trop tardive, ils ont tout simplement fait mine de ne pas entendre ! A la sortie, les collègues qui assistaient pour la première fois à une AG syndicale, trouvaient cela trop "plan-plan", jugeant même les militants syndicaux "anéantis". L'une d'elles m'a d'ailleurs dit : "Il ne faut plus rien attendre des syndicats. S'ils ne veulent pas appeler à la grève, il faut trouver un autre moyen de se battre : il faut les dépasser !" Évidemment, ces propos ne concernent que ma localité, mais je tenais à vous informer de ce qu'il en était.
N (22 septembre)
1) Ndlr : la camarade fait ici allusion au "travailler plus pour gagner plus" du candidat Sarkozy. Il a tenu, en tant que président, la première moitié de sa promesse !
Sous les coups de boutoirs de la crise économique, les conditions de vie de la classe ouvrière sont en train de se dégrader à toute vitesse. Nous sommes tous touchés de plein fouet, travailleurs du privé et du public, chômeurs et RMIstes, retraités et futurs travailleurs. Pour faire face à ces attaques de plus en plus violentes, il n'y a qu'une seule solution : lutter en développant notre unité et notre solidarité. Cela apparaît aujourd'hui comme une évidence. Si nous nous battons chacun dans notre coin, inévitablement, nous perdrons tous, les uns après les autres.
Légalement, c'est aux syndicats qu'incombe la tâche officielle d'organiser ces luttes et la riposte à toutes ces attaques. Ils devraient donc être actuellement à pied d'œuvre pour tisser des liens dans les rangs ouvriers. Or, que font-ils depuis des mois ? Tout le contraire ! Ces "spécialistes de la lutte" n'ont de cesse d'organiser... la dispersion et la division ! Une journée de grève pour telle usine par-ci, une journée d'action pour tel secteur du public par-là... La riposte orchestrée par les syndicats n'est pas simplement "molle", elle est surtout morcelée, saucissonnée, imprégnée du poison corporatiste. Il n'y a pas meilleur moyen pour emmener la classe ouvrière à la défaite.
Alors, pourquoi cette politique syndicale ? S'agit-il simplement d'une erreur de tactique de leur part ou, au contraire, les syndicats poignardent-ils volontairement la classe ouvrière dans le dos ? Dans quel camp les syndicats sont-ils vraiment ?
Pour comprendre ce qu'est devenu le syndicalisme aujourd'hui, il nous faut inévitablement nous pencher sur son passé. Le syndicalisme s'est en effet développé dans une situation historique particulière, à l'époque la plus dynamique et florissante du capitalisme : le xixe siècle. Ce système est alors en pleine expansion. Les marchandises anglaises, allemandes, françaises envahissent irrésistiblement tous les continents. Compte-tenu de cette très bonne santé économique, le capitalisme est en mesure d'apporter d'importantes améliorations aux conditions de vie de nombreuses catégories de la classe ouvrière. Ainsi, quand il lutte, le prolétariat parvient à arracher des réformes réelles et durables à la bourgeoisie. En 1848, par exemple, la classe ouvrière obtient en Angleterre une réduction du temps de travail de douze à dix heures par jour 1. C'est pour mener à bien ces luttes que les ouvriers s'organisent en syndicats.
Au xixe siècle, chaque patron affronte directement et isolément les ouvriers qu'il exploite. Il n'y a pas d'unité patronale organisée (ce n'est que dans le troisième tiers du siècle que se développent des syndicats patronaux). Mieux encore, dans ces conflits, il n'est pas rare de voir des capitalistes profiter des difficultés d'une usine concurrente en grève pour s'approprier sa clientèle. Quant à l'État, en général, il se tient en dehors de ces conflits, n'intervenant en dernier ressort que lorsque cela risque de troubler "l'ordre public". La forme de la lutte ouvrière correspond évidemment à ces caractéristiques du capital. Les grèves sont en général de longue durée. C'est là une des conditions de leur efficacité pour faire plier, par la pression économique, le patron menacé de banqueroute. Ces luttes mettant les ouvriers à l'épreuve de la famine, il est nécessaire de préparer à l'avance des fonds de soutien (des "caisses de résistance") et d'avoir recours à la solidarité financière des autres ouvriers, d'une corporation à l'autre et même d'un pays à l'autre.
La forme que prend le syndicalisme est évidemment adaptée à ces types de luttes. Les syndicats sont des organisations unitaires (capables de regrouper l'ensemble des travailleurs, généralement d'une même corporation) et permanentes (existant aussi en-dehors des périodes de grève afin de les préparer). Autrement dit, la lutte systématique pour des réformes est une tâche permanente qui unit les ouvriers. Concrètement, les ouvriers vivent au sein du syndicat. Jour après jour, ils s'y regroupent, y discutent, s'y organisent et y préparent les luttes futures. Les syndicats sont alors de véritables foyers de vie de la classe ; ils constituent des écoles de la solidarité où les ouvriers comprennent leur appartenance à une même classe.
Marx et Engels soulignent ainsi ce rôle inestimable des syndicats : "Les syndicats et les grèves qu'ils entreprennent ont une importance fondamentale parce qu'ils sont la première tentative faite par leurs ouvriers pour supprimer la concurrence. Ils impliquent en effet la conscience que la domination de la bourgeoisie repose nécessairement sur la concurrence des ouvriers entre eux, c'est-à-dire sur la division du prolétariat et sur l'opposition entre groupes individualisés d'ouvriers" (Recueil de textes sur "Le syndicalisme" aux Editions Maspéro) ou encore : "La grande industrie agglomère dans un endroit une foule de gens inconnus les uns aux autres. La concurrence les divise d'intérêts. Mais le maintien du salaire, cet intérêt commun qu'ils ont contre leur maître, les réunit dans une même pensée de résistance coalition. Ainsi la coalition a toujours un double but, celui de faire cesser entre eux la concurrence pour pouvoir faire une concurrence générale au capitaliste. Si le premier but de la résistance n'a été que le maintien des salaires, à mesure que les capitalistes à leur tour se réunissent dans une pensée de répression, les coalitions, d'abord isolées, se forment en groupes, et en face du capital toujours réuni, le maintien de l'association devient plus important pour eux que celui du salaire. Cela est tellement vrai, que les économistes anglais sont tout étonnés de voir les ouvriers sacrifier une bonne partie de leur salaire en faveur des associations qui, aux yeux de ces économistes, ne sont établies qu'en faveur du salaire" (Marx, Misère de la Philosophie).
Au début du xxe siècle, les conditions qui avaient permis l'extraordinaire épanouissement du capitalisme commencent à disparaître. La constitution du marché mondial s'achève et, avec elle, s'exacerbent les antagonismes entre puissances capitalistes pour la domination des marchés. Le déchaînement de la première boucherie mondiale en 1914 signe l'entrée du capitalisme dans sa phase de décadence 2. La vie économique et sociale de chaque nation, mais surtout la vie et la lutte du prolétariat, s'en trouvent profondément bouleversées. Le système capitaliste a cessé d'être progressiste. Dès lors, la guerre économique impitoyable à laquelle se livrent toutes les nations pour le repartage des marchés se traduit par une lutte acharnée de chaque capital national contre toute amélioration durable des conditions d'existence de "sa" classe ouvrière. Aucun capital national ne peut plus accorder de concessions à "son" prolétariat sans prendre le risque de reculer sur l'arène internationale vis-à-vis de ses rivaux. C'est pourquoi les bases de l'activité prolétarienne autour de la conquête de réformes deviennent caduques. Dorénavant, face à la classe ouvrière, il existe une unité et une solidarité bien plus grandes entre les capitalistes d'une même nation. Ceux-ci créent des organisations spécifiques afin de ne plus affronter individuellement la classe ouvrière. Et surtout, l'État, qui exerce un contrôle de plus en plus puissant, omniprésent et systématique sur tous les aspects de la vie sociale, intervient lui-même directement dans les conflits sociaux en se dressant tout entier, en tant que représentant des intérêts de la bourgeoisie dans son ensemble, contre le prolétariat. Par conséquent, la grève longue dans une seule usine n'est plus une arme efficace. Au contraire, ce sont les ouvriers qui finissent par s'épuiser et reprendre le travail, démoralisés. Le succès des grèves ne dépend plus des fonds financiers recueillis par les ouvriers mais bien fondamentalement de leur capacité à entraîner une partie croissante de leurs frères de classe face à l'ensemble du capital national dont l'État est l'incarnation. Autrement dit, la solidarité à l'égard des travailleurs en lutte ne réside plus dans le seul soutien financier mais dans l'action de se joindre à la lutte. Une telle dynamique d'extension de la lutte, propre à la période de décadence, ne peut se planifier d'avance. Au contraire, les grèves explosent spontanément. Le syndicat, cet organe spécialiste au xixe siècle de la planification et du financement des luttes par corporation, de ces bras de fer entre un patron et "ses" ouvriers, devient de ce fait non seulement inadapté mais un frein au développement de la lutte. Aussi, si les syndicats ouvriers pouvaient être au xixe siècle des organisations permanentes et unitaires de la classe ouvrière car la lutte systématique pour des réformes pouvait se traduire par des réformes durables et des résultats concrets, avec l'entrée en décadence du capitalisme, il ne peut plus y avoir de regroupement général et permanent du prolétariat. Celui-ci ne peut pas s'organiser longtemps et massivement autour d'une activité sans avoir une efficacité immédiate. L'expérience des luttes ouvrières depuis le début du xxe siècle a largement prouvé qu'il n'est pas possible de maintenir un rapport de forces contre la bourgeoisie et son État en-dehors des phases de luttes ouvertes. Car en particulier, immédiatement après la lutte, l'État fait à nouveau peser de tout son poids les nécessités du capitalisme en crise sur la classe ouvrière et redouble d'ardeur pour imposer de nouvelles attaques. Sous la plume de Rosa Luxemburg, quelques lignes suffisent à faire vivre tout ce profond bouleversement pour la lutte du prolétariat. En décrivant la grande grève qui anima les ouvriers en Belgique en 1912, une grève qui avait "le caractère méthodique, strictement limité, d'une grève syndicale ordinaire" 3, Rosa Luxemburg démontre magistralement que les méthodes syndicales sont devenues obsolètes et nocives, et affirme avec force l'importance accrue de la spontanéité et de la prise en main des luttes par les ouvriers eux-mêmes : "Spontanément, comme un ouragan, le prolétariat belge se dressa à nouveau après les élections de juin 1912, [...]. Comme il était impossible de dompter autrement la volonté populaire impétueuse, on proposa aux ouvriers de désarmer la grève de masse déjà commencée et de préparer de façon tout à fait systématique une grève de masse. [...] La préparation de longue main de la grève de masse apparaissait cette fois comme un moyen de calmer les masses ouvrières, d'éteindre leur enthousiasme combatif et de leur faire abandonner provisoirement l'arène. [...] C'est ainsi que se réalisa finalement la grève d'avril, après neuf mois de préparation et des tentatives répétées pour l'empêcher et l'ajourner. Du point de vue matériel, elle fut certes préparée comme ne l'avait encore jamais été aucune grève de masse au monde. Si des caisses de secours bien garnies et la répartition bien organisée des vivres décidaient de l'issue d'un mouvement de masses, la grève générale belge d'avril aurait dû faire des miracles. Mais le mouvement révolutionnaire de masse n'est malheureusement pas un simple calcul que l'on peut résoudre avec les livres de caisse ou les dépôts de vivres des coopératives. Le facteur décisif dans tout mouvement de masse, c'est l'énergie révolutionnaire des masses, l'esprit de résolution des chefs et leur vue nette du but à atteindre. Ces deux facteurs réunis peuvent, le cas échéant, rendre la classe ouvrière insensible aux privations matérielles les plus dures et lui faire accomplir, en dépit de ces privations, les plus grands exploits. Ils ne sauraient par contre être remplacés par des caisses de secours bien garnies" 4. Déjà, Rosa Luxemburg percevait le rôle grandissant de l'État contre la classe ouvrière et ses répercussions sur la lutte : "Il est clair, en tout cas - et c'est ce que confirme l'histoire des grèves de masses dans les différents pays - que plus tôt une grève politique tombe rapidement et inopinément sur la tête des classes dirigeantes, plus l'effet en est grand et les chances de victoire considérables. Lorsque le Parti ouvrier annonce, trois trimestres à l'avance, son intention de déclencher une grève politique, ce n'est pas seulement lui, mais aussi la bourgeoisie et l'État qui gagnent tout le temps nécessaire pour se préparer matériellement et psychologiquement à cet événement" 5.
Si les syndicats sont le produit de la possibilité de la lutte pour des réformes dans le capitalisme ascendant du xixe siècle, cela signifie aussi qu'ils sont marqués du sceau de cette période historique particulière. L'arme syndicale fut forgée et aiguisée par le prolétariat pour mener à bien les batailles pour les réformes, pas pour détruire le capitalisme et le salariat. Ainsi, quand le capitalisme cessa d'être progressiste, qu'il devint un système décadent et que "l'ère des réformes" laissa sa place à "l'ère des guerres et des révolutions", les syndicats ont cessé d'être un instrument de la classe ouvrière pour devenir au contraire le bras armé de la bourgeoisie contre les intérêts de la classe ouvrière. Au cours de la Première Guerre mondiale, on put ainsi voir les syndicats s'intégrer définitivement à l'État totalitaire et participer activement à la mobilisation des ouvriers dans la boucherie impérialiste, aux côtés des partis sociaux-démocrates. Dans la vague révolutionnaire internationale qui suivit, ils feront tout pour entraver les élans du prolétariat. Depuis lors, les syndicats appartiennent à la bourgeoisie et ont intégré définitivement l'État. Ils se dressent à ses côtés face à la classe ouvrière. D'ailleurs, même financièrement, les syndicats sont maintenus en vie, non par les ouvriers, mais bel et bien par l'État 6. Ils constituent un des rouages essentiels de l'appareil d'État. Toute leur activité est tournée vers le soutien de la bourgeoisie et le sabotage de "l'intérieur" des luttes ouvrières. Ils participent activement à la réglementation du travail permettant l'intensification de l'exploitation. Ils déploient un grand zèle à faire respecter "le droit du travail", c'est-à-dire le droit bourgeois qui codifie l'exploitation. Ils font de la négociation un but en soi, dans le secret des bureaux patronaux ou ministériels, en demandant aux ouvriers de s'en remettre à eux, de leur déléguer le pouvoir, afin de mieux contrôler leurs luttes. Leur fonction est non seulement d'encadrer la classe ouvrière et ses luttes, mais d'assurer en permanence la police dans les usines, les bureaux, les entreprises. Ils divisent et isolent les ouvriers en se servant du corporatisme dans le but d'empêcher l'unification des luttes et leur nécessaire généralisation. Bref, depuis plus d'un siècle maintenant, les syndicats sont les chiens de garde du capital !
Comment se battre sans les syndicats ? 7 Comment se passer de ces "spécialistes officiels de la lutte" ? La principale faiblesse de toute classe exploitée est le manque de confiance en elle-même. Tout est bâti dans les sociétés de classe pour inculquer dans l'esprit des exploités l'idée du caractère inévitable de leur situation et de leur impuissance à bouleverser l'ordre des choses, sentiment que "les professionnels de la grève", ces permanents syndicaux payés par l'État, entretiennent allègrement. Or, la classe ouvrière est capable de se battre massivement et de prendre entre ses propres mains, directement, l'organisation de la lutte.
Depuis plus de 100 ans, les seules grandes luttes ont été des grèves sauvages, spontanées et de masse. Et toutes ces luttes se sont données comme base d'organisation, non pas la forme syndicale, mais celle des assemblées générales, où tous les ouvriers débattent de leur propre lutte et des problèmes à résoudre, avec des comités élus et révocables pour centraliser la lutte. La grande grève de Mai 1968 en France est déclenchée malgré les syndicats. En Italie, au cours des grèves de l'Automne chaud de 1969, les travailleurs chassent les représentants syndicaux des assemblées de grévistes. En 1973, les dockers d'Anvers en grève s'attaquent au local des syndicats. Dans les années 1970, en Angleterre, les ouvriers malmènent souvent les syndicats tout comme ceux de Longwy, Denain, Dunkerque en France, lors de la grève de 1979. En août 1980, en Pologne, les ouvriers rejettent les syndicats qui sont ouvertement des rouages de l'État et organisent la grève de masse sur la base des assemblées générales et des comités élus et révocables (les MKS). Les micros sont utilisés pendant les négociations, pour que tous les ouvriers puissent suivre, intervenir et contrôler les délégués. Et il faut se souvenir en particulier de comment cette lutte s'est terminée : par l'illusion d'un nouveau syndicat, libre, autonome et combatif, à qui la classe ouvrière pouvait confier les rênes de la lutte. Le résultat fut immédiat. Ce nouveau syndicat, "tout beau, tout neuf", nommé Solidarnosc, coupa les micros pour tracter en secret et orchestra, de concert avec l'État polonais, la dispersion, la division et, finalement, la défaite violente de la classe ouvrière ! 8 Les exemples sont légion de ces manœuvres de sabotage permanent des luttes ouvrières et de cette nécessité de ne compter que sur nous-mêmes. Plus récemment, en 2006, en France, lors de la lutte contre le CPE, des dizaines de milliers d'étudiants ont eux aussi montré la capacité de la classe ouvrière à prendre en main ses luttes, à s'organiser et à débattre collectivement au sein d'assemblées générales souveraines et ouvertes à tous les travailleurs, chômeurs et retraités.
De tous ces moments de lutte, deux leçons essentielles peuvent être tirées :
1) C'est aux assemblées générales de décider et d'organiser l'extension et la coordination de la lutte. Ce sont elles qui se déplacent, qui envoient des délégations massives ou des délégués, pour appeler à la grève dans les autres usines. Ce sont elles qui nomment et révoquent à tout moment, si besoin est, les délégués. Ces assemblées générales doivent être coordonnées entre elles par des comités constitués eux-aussi par des délégués élus, responsables en permanence devant elles et donc révocables. Telle est la première condition d'une réelle extension des luttes et d'un réel contrôle de celles-ci par les travailleurs et leurs assemblées.
2) Lorsque les travailleurs d'une usine partent en lutte, ils doivent rechercher la solidarité et l'extension du mouvement vers les centres ouvriers (usines, administrations, hôpitaux...) les plus proches géographiquement et les plus combatifs.
Voici, pour les prolétaires de tous les pays, la seule route à suivre pour endiguer le développement des attaques et de la misère. La perspective de la lutte ouvrière est d'assumer de plus en plus son véritable contenu anti-capitaliste, en affirmant son caractère de classe et donc son unité, en brisant toutes les barrières corporatistes, sectorielles, raciales, nationales... syndicales ! Comme l'affirmait Marx dans le Manifeste de 1848 : "De temps à autre, les travailleurs sont victorieux mais leur triomphe est éphémère. Le vrai résultat de leurs luttes, ce n'est pas le succès immédiat, mais l'union de plus en plus étendue des travailleurs."
Pawel (24 septembre)
1) Ces réformes étaient "réelles et durables" dans ce sens où elles n'étaient pas annulées dès le lendemain de leur promulgation par une obligation de faire des heures supplémentaires ou une augmentation immédiate des cadences contrairement, par exemple, à la loi socialiste sur les "35 heures" (par semaine) qui a permis d'imposer flexibilité, annualisation, augmentation des charges de travail et gel des salaires !
2) Lire "La décadence du capitalisme [1077]".
3) Leipziger Volkszeitung (quotidien de la social-démocratie allemande de 1894 à 1933), 19 mai 1913.
4) Leipziger Volkszeitung, 16 mai 1913.
5) Leipziger Volkszeitung, 19 mai 1913.
6) L'affaire récente, en France, des financements occultes des syndicats par l'UIMM en est une énième preuve éclatante.
7) Un article récent consacré entièrement a cette question est disponible sur notre site Internet sous le titre "Comment peut-on lutter ? [1078]".
8) Pour mieux connaître cet évènement, lire notre brochure Pologne 1980.
Commeaux Etats-Unis, dans le reste de l’Europe et partout dans le monde,les prolétaires en France subissent de plein fouet les ravages dudéchaînement de la crise et sont les premières victimes duplongeon dans la récession de “l’économie réelle”.
Ladéferlante a déjà commencé : ralentissement de la productiondans tous les secteurs, avalanche de faillites dans les PME,fermetures d’usines dans tous les secteurs et chez tous les grandsgroupes, pas un jour ne se passe sans l’annonce de nouveaux plansde licenciements. Le secteur du bâtiment accuse en priorité le coupde la crise : avec plus de suppressions d’emplois en 4 moisqu’en 4 ans, déjà des charrettes de licenciements sont annoncéeschez deux des plus importants promoteurs, Nexity et Kaufman&Broad,tandis que 180 000 salariés sont menacés de chômage dans lesecteur du bâtiment et des travaux publics en raison de la baisse dela construction de logements neufs : en 2008, les mises enchantier pourraient être inférieures de 90 000 à celles de 2007.En Ile-de-France, les investissements immobiliers ont chuté de 64 %au cours des 9 premiers mois par rapport à la même période en2007. Les banques et les assurances sont évidemment également enpremière ligne avec des dizaines de milliers de suppressionsd’emplois en perspective. Mais cela ne s’arrête pas là. C’estmaintenant le secteur de l’automobile qui se trouve au cœur de latourmente : tous les constructeurs ont annoncé une baisse de 20à 30 % de leur production, Renault, PSA Citroën, Ford ontannoncé la mise au chômage technique de leurs salariés pourplusieurs semaines, voire plusieurs mois (alors que leur salairen’est plus versé qu’à 70 %) et certaines usines comme Fordà Blanquefort en Gironde pourraient ne jamais réouvrir. Toutes lesentreprises sous-traitantes sont menacées de délocalisation commel’équipementier Tyco Electronics à Pontoise. Et tous les nombreuxintérimaires utilisés dans la métallurgie sont mis à la porte dujour au lendemain. 9000 suppressions d’emploi ont été d’ores etdéjà annoncées en France d’ici la fin de l’année dans lesecteur automobile. Le même marasme frappe ce qui reste de lasidérurgie dans toute l’Europe : à Dunkerque, Arcelor vientd’annoncer la fermeture provisoire de ses hauts-fourneaux.Saint-Gobain a annoncé l’été dernier la suppression de 4000emplois en 2008 dans le monde, Hewlett Packard 6000. Dim ferme sadernière usine en France, à Autun, pour concentrer sa production enRoumanie. Yahoo se prépare à supprimer 1300 emplois (10 % deses effectifs). L’agence de voyage Wasteels vient d’êtredéclarée en cessation de paiement. La CAMIF vient de déposer sonbilan, laissant un millier de salariés sur le carreau, 672suppressions d’emplois (avec fermeture de 81 magasins) sont prévuesà la Redoute, et d’autres sociétés de ventes par correspondancedevraient suivre. Les prochains chiffres du chômage devraientpulvériser l’annonce des 41 300 chômeurs supplémentaires dumois d’août. Et ce n’est qu’un début !
Parallèlement,l’Etat poursuit et intensifie ses attaques tous azimuts dans lesecteur public : de la réforme de l’Education nationale parle ministre Darcos à celle du secteur hospitalier par RoselyneBachelot en passant par la loi sur la mobilité des fonctionnaires duministre Woerth, la privatisation de la Poste ou la réforme destribunaux par Rachida Dati, les coups et les suppressions d’emploispleuvent.
Danscette situation, la bourgeoisie mise sur ses auxiliaires les plusprécieux, les syndicats, pour étouffer et stériliser le ras-le-bolet la colère croissante des salariés. Ils se partagent le travailpour diviser et saboter toute velléité de mobilisation massive :tous les syndicats déploient de plus belle une stratégied’éparpillement des luttes pour pousser les ouvriers vers desimpasses et finalement dans la démoralisation la plus totale.
Cettestratégie de dispersion se traduit par une multiplication demobilisations syndicales isolées les unes des autres par entreprise,par branches, par secteur.
Le2 octobre : l’intersyndicale de la branche hospitalière aappelé à une manifestation rassemblant 300 travailleurs deshôpitaux parisiens (sans appel à la grève) devant le siège del’AP-HP face au projet de loi pour résorber les déficit deshôpitaux publics et a réitéré une action du même style le 24octobre.
Le7 octobre : l’initiative d’une journée d’actioninterprofessionnelle lancée par la CGT est très vite transforméeen une mobilisation pour une vague “journée d’action syndicalemondiale pour le travail décent” appelée par la CSI à laquellese sont associées CFDT, CFE-CGC, FSU, Solidaires et UNSA, et lemouvement est peu suivi. FO, qui ne s’était pas associée à cettejournée, a continué à jouer cavalier seul en regroupant 6000personnes à Paris le 23 octobre dans une grève nationale desfonctionnaires.
Unegrève de 55 minutes contre la dégradation des conditions de travaila été simultanément organisée les 9, 10 et 13 octobre dans lesCaisses d’allocations familiales sur 3 sites différents dans leseul département du Val-de-Marne.
Lessalariés du Centre national de la météo à Toulouse se sont mis engrève le 13 octobre contre un plan qui prévoit 131 suppressions depostes en 3 ans et à plus long terme prévoit la fermeture de 70sites sur 115 en 2017, 500 suppressions d’emplois et la mutation dupersonnel lors de la fermeture progressive des différents sites.Dans le nuit du 14 au 15 octobre, les CRS investissaient les locaux àla demande de la direction pour favoriser l’entrée des personnesappelées “les notifiées”, c’est-à-dire les équipesd’astreinte assurant le service minimum de la météo, etchargeaient les grévistes, faisant 3 blessés.
Le16, dans une AG rassemblant de 300 à 400 personnes, à l’ambiancetendue après la violence des CRS, l’intersyndicale polarisait ladiscussion sur la question d’un blocage total ou partiel du site.Elle poussait d’autant plus les salariés dans un sentimentd’impuissance que d’un côté de la grille se tenaient unecinquantaine de personnes qui formaient le piquet de grève et del’autre côté, à l’extérieur, la majorité des participants del’AG, grévistes et non grévistes, attendaient le résultat desnégociations de la direction et de l’intersyndicale tandis qu’à500 mètres du site, 6 fourgons de CRS se tenaient prêts àintervenir, prenant les ouvriers dans la nasse de l’isolement etd’un lent pourrissement de la lutte.
Ceclimat d’isolement et de démoralisation répandu par le contrôlecadenassé des luttes favorise le développement d’actes désespéréscomme celui mis en avant le mois dernier par des ouvriers de lafonderie Helvicast aux Ponts-de-Cé près d’Angers, sous-traitantede PSA. Après plusieurs plans de licenciements au cours de cesdernières années (6 rachats de l’entreprise en 10 ans !) et unenouvelle annonce de licenciements concernant 18 d’entre eux,et après 12 jours de grève, une cinquantaine de salariésretranchés dans l’usine, exaspérés et “déterminés à allerjusqu’au bout” ont mis le feu à leur usine le 23 septembredernier, tout en menaçant de la faire sauter en entassant devantcelle-ci une pyramide de pièces en aluminium dont la base étaitfaite de bouteilles de gaz et de bidons d’essence. L’incendie apu toutefois être maîtrisé sans se propager à d’autres produitsinflammables ni faire de victimes corporelles. Après cette actiond’éclat tout aussi dangereuse que stérile, la reprise du travaila été votée et le black-out est retombé sur le sort de cesouvriers.
Malgrécela, le ras-le-bol et la combativité s’affirment partout.
L’appelà la grève dans les écoles primaires parisiennes a ainsi étélargement suivi (à 35 %, selon le rectorat) le jeudi 16octobre.
Lemême jour, les retraités ont défilé nombreux à Paris pourexprimer leur colère et réclamer une revalorisation de leurspensions.
Le17 octobre, une grève et un rassemblement ont regroupé un millierde salariés devant les grands magasins parisiens aux GaleriesLafayette (GL) contre l’allongement des horaires de travail et lafermeture à 21 heures au lieu de 20 heures entre le 8 octobre au 23décembre, la multiplication des nocturnes jusqu’à 22 heures et unprojet de travail le dimanche et au Printemps voisin où des mesuressimilaires sont imposées. Au Printemps, les syndicats avaient tentéde limiter la protestation à défiler dans les rayons du magasin etnon à l’extérieur pour mieux les isoler. Et s’ils ont reconduitla grève le 22 octobre, c’était cette fois à des heuresdifférentes, à 10 heures devant le Printemps et à 12 heuresdevant les GL.
Lessyndicats, CGT en tête, multiplient les actions, tantôt baladantles ouvriers dans des zones d’activités industrielles excentréescomme à Sandouville, tantôt les entraînant dans des actionsspectaculaires sans lendemain. Ainsi, des travailleurs del’automobile de Ford, Renault-Sandouville, de GeneralMotors-Strasbourg, de Renault-Lardy, sont venus défouler leur colèreau salon mondial de l’automobile en 2 vagues le 4 puis 10 octobre.
Le19 octobre, environ 80 000 personnes (enseignants, RASED-Réseauxd’aides spécialisées pour les élèves en difficulté dont 3000postes sont supprimés sur 9000, parents d’élèves, étudiants,lycéens) ont participé à la manifestation nationale à Paris faceaux coupes budgétaires dans l’Education nationale, entraînant lasuppression de 13 500 postes à la rentrée 2009 contre 11 200 en2008 ainsi que la “réforme de l’Education nationale”. Unenouvelle grève syndicale est envisagée le 20 novembre.
Ala Poste, des grèves sporadiques et isolées se poursuiventlocalement après la journée de “mobilisation” du 23 septembre.
Letravail de sape et de division des syndicats est complété par unpartage du travail : le secrétaire national de la CFDT,Chérèque, est venu déclarer sur Canal +, en pleine tempêteboursière, que ce n’était pas le moment de faire grève et qu’ilfallait réaliser “une union nationale” derrière Sarkozy face àla crise, tandis que la CGT multiplie les actions chacun dans soncoin, dans son atelier, son entreprise, son secteur en martelant lediscours suivant : “On lance des appels à la lutte mais onn’est pas suivis, la classe ouvrière ne veut pas se battre”.
Deplus, les syndicats ont entrepris de mener une vaste campagneidéologique qui se trouvait déjà au cœur de la manifestation del’Education nationale du 19 octobre : “Des sous il y en apuisqu’on balance des milliards pour sauver les banques quispéculent alors qu’il n’y a rien pour les salariés et qu’onréduit le budget, notamment pour l’Education nationale”. Enfait, les syndicats tentent de masquer et de nier la réalité et laprofondeur de la crise capitaliste mondiale en cherchant à faireprendre pour argent comptant aux yeux des prolétaires les effetsd’annonce du gouvernement alors que, sur les deux milliards d’eurospromis par l’Etat, la plupart sont une simple garantie, censéedissuader les banques d’étaler leurs faiblesses et de créer ainsiun nouveau vent de panique. L’avenir promis aux prolétaires esttout autre : flambée du chômage, nouvelles attaques surl’indemnisation du chômage, sur les pensions de retraite et ce quireste de couverture sociale est menacé partout, nouvelle baisse desindemnités du chômage, pression accrue sur tous les salaires,paupérisation croissante, généralisation de la précarité,pression fiscale accrue sur les ménages, etc.
L’associationEntreprises & Personnel qui regroupe plus de 150 directeursdes ressources humaines et “experts sociaux” vient de publier sonrapport annuel intitulé “La déchirure”, où tout ce beau mondetire la sonnette d’alarme sur la détérioration du “climatsocial”, comme le rapporte le journal financier les Echos du7 octobre 2008 : ils estiment que, dans les prochains mois,“toutes les composantes d’une crise sociale risquent d’êtreprésentes”, notamment “la faible adhésion de l’opinionau pouvoir en place et l’absence d’alternative politiquecrédible, la multiplication des situations personnelles difficiles,la montée de la conflictualité dans les entreprises contraintes àla rigueur et la contestation rampante dans le secteur publicaccompagné d’une crise mondiale qui va dramatiser le climat socialet restreindre les marges d’action du gouvernement”. Ilspréconisent que “l’exécutif doit renouer coûte que coûtela relation de confiance qui commençait à s’établir avec lessyndicats dont la coopération sera décisive en cas de crise ouverteaussi bien pour élaborer des réponses communes que pour canaliserla colère des salariés”. On ne saurait être plus clair.Enfin, ce même rapport signale que l’Etat et les employeursdoivent prendre au sérieux la remontée des conflits sociaux “tantl’exaspération est perceptible chez toutes les catégories desalariés que cette grogne n’entraîneront pas forcément unemultiplication des grèves mais pourront prendre la forme pluspernicieuse d’un désengagement silencieux, voire d’autres formesde grève froide”.
Pourque cette “grève froide” débouche sur un véritable rapport deforce entre les classes, les prolétaires ne peuvent compter que sureux-mêmes et prendre conscience que la défense commune et unitairede leurs intérêts ne passe nullement par les syndicats qui lespousseront toujours dans le piège de l’enfermement et ducloisonnement pour les décourager et les démoraliser. C’est parla solidarité qu’ils sont capables de mettre en œuvre à traversl’extension la plus large de leur lutte, qu’ils peuvent freinerles attaques de la bourgeoisie, comme ils l’ont prouvé notammentdans la lutte contre le CPE au printemps 2006.
W(25 octobre)
Nous publions ci-après une intervention sur la question de l'unité et de la solidarité qui est apparue dans un forum de discussion de la CNT-AIT. Cette intervention est particulièrement importante car elle touche à des aspects essentiels et historiques de la lutte de la classe ouvrière.
Face à la violence du capitalisme, devant la répression tous azimuts organisée par le pouvoir, mais aussi pour soutenir des luttes qui seront inéluctablement de plus en plus dures et qui connaîtront tous les moments difficiles que l'on peut imaginer, la "question de l'unité" va se trouver posée, y compris dans nos propres rangs. Or, la soulever dans ces termes, c'est évidemment orienter la réponse, c'est l'enfermer dans une fausse évidence.
Déjà,
sous la bannière de l'antisarkozysme, commencent à paraître des
appels à l'unité. Même ceux qui sont issus d'un syndicalisme
qui se voudrait apolitique ont un goût de déjà vu politicien et,
en cela, ces textes sont les précurseurs des manœuvres à venir.
Ainsi, dans l'appel du Comité national de "Solidaires" en date
du 7 février 2008 ... peut-on lire qu'"il s'agit de
construire au niveau national un mouvement d'ampleur contre la
politique de Sarkozy et Fillon".
Elaborées par des
états-majors proches de l'opposition politicienne, ces
déclarations, malgré leur dureté de ton, sonnent comme une
invitation à rejoindre une opposition possible et raisonnable. En
suggérant, comme une autre fausse évidence, que d'abord et avant
tout il faut en finir avec ce gouvernement et qu'ensuite et ensuite
seulement on verra bien, ils participent finalement à la
mystification générale qui depuis 2002 nous a conduit là où nous
en sommes. Historiquement d'ailleurs, ce genre de discours a
toujours été la voie royale de processus qui, constitués en
réaction à une situation, font rentrer dans un moule toutes les
volontés de contestation.
Refuser
de s'inscrire dans un manichéisme aussi simplet, refuser de se
situer uniquement "pour" ou "contre" Sarko, refuser ce "tous
ensemble" présenté comme "la" solution, c'est s'exposer à
un rejet violent : "Vous faites le jeu du pouvoir", nous
crache-t-on déjà à la figure. Vraiment ? Voyons ça de plus
près.
Tout d'abord, Sarkozy n'est pas "le pouvoir", tout
le pouvoir ; c'est simplement le quidam qui, en ce moment, dans
un petit pays du monde, est l'incarnation du pouvoir politique. Que
son agitation soit franchement nuisible et exécrable, point de
doute. Mais que le véritable pouvoir soit ailleurs, point de doute
non plus. Au fond, et tout le monde le sait, il est entre les mains
de ceux qui détiennent, ici et ailleurs, le capital. Il est prêt à
remplacer un petit président par un autre, plus respectable ou plus
bouffon, selon ses intérêts.
Deuxièmement, si nous revendiquons le débat, la discussion, et bien sûr aussi la critique dans toute sa force, sa permanence et sa vivacité, ce qu'on nous oppose ici est d'un tout autre ordre et a un tout autre sens. Ce rejet injurieux de la différence est l'indice que ces appels à l'unité ne s'inscrivent pas seulement dans une perspective d'action unitaire mais bien dans une pensée unique. Il est l'aveu que toute divergence est conçue comme dangereuse. Or, faut-il rappeler qu'une communauté humaine qui ne tolère aucune différence, ça s'appelle une société autoritaire, quand ce n'est pas purement et simplement une dictature ? Faut-il rappeler que "demain" se prépare "aujourd'hui" ? Aussi, plutôt que de participer, sous le prétexte éculé "d'urgence", au énième replâtrage de la société actuelle, nous préférons quant à nous poser les prémices de l'humanité libre à laquelle nous aspirons.
Les
périodes de tension comme celles que nous vivons sont porteuses de
conflits dans les lieux de production, elles sont propices à un
renouvellement des formes de lutte et, avec elles, des modes de
pensée. Elles ouvrent potentiellement sur un réveil de "l'utopie"
dans la classe exploitée, sur l'émergence de nouvelles
perspectives.
Cette bio-diversité sociale émergente, les
cartels institutionnels qui appellent à l'unité n'aspirent qu'à
la stériliser. Ils ne perdent pas de vue que leur véritable
fonction sera de ramener tout le monde au bercail de la routine
capitaliste une fois les escarmouches finies. Car au fond, ce que les
dirigeants de la pensée unitaire craignent sûrement plus que
Sarkozy, c'est une révolution.
Or, face à l'oppression
générale que nous vivons, tous ceux qui ont besoin de solidarité
sont ou peuvent devenir des révolutionnaires, tous ceux qui sont
solidaires des victimes de ce système, sont ou peuvent devenir des
révolutionnaires. C'est pourquoi si l'unité participe de
l'intégration au système, la solidarité appartient au processus
révolutionnaire. Elle est en fait la véritable condition d'une
démarche collective, un acte basique de l'existence que tout le
monde peut pratiquer à son niveau et qui respecte l'autonomie de
pensée et d'action de chacun, individu ou entité collective. Elle
dépasse les organisations politiques et syndicales, c'est pourquoi
celles-ci veulent toujours la scléroser dans des termes d'unité
et de frontisme.
En conséquence, nous appelons, en ce qui nous
concerne, non à l'unité mais à la solidarité. Nous appelons
chacun à garder son autonomie de pensée, d'expression et
d'action. Nous appelons à la solidarité avec ceux qui subissent
la répression que nous partagions ou pas leur point de vue, que nous
pensions ou pas que leur tactique est erronée. Qu'ils soient
militants syndicaux passant à l'action directe, qu'ils soient
citoyens pris en flagrant délit de protection d'enfants, qu'ils
soient présentés par les médias de la mouvance anarcho-autonome
comme "détenteurs de fumigènes", ils sont tous, à leur façon,
des résistants. Résistants à l'esclavage salarié, résistants
aux rafles, résistants à la résignation. En tant que tels, ils ont
notre sympathie, c'est certain. Mais ce n'est pas pour autant que
nous scellerons des alliances politiques, citoyennes ou syndicales
avec leurs mouvements respectifs, ou que nous nous priverons de tirer
des bilans critiques de telle ou telle position idéologique ou
stratégie. Et cela parce que, bien au-delà de la problématique de
la répression, ce qui est posé, de façon concrète, c'est la
nécessité d'un autre futur."
Tout d'abord, nous saluons avec enthousiasme cet appel à la solidarité envers tous ceux qui sont les victimes de la violence du capitalisme, appel qui s'inscrit pleinement dans un contexte mondial de reprise des combats de classe où tend à s'exprimer à nouveau et de façon croissante ses composantes essentielles : la solidarité et l'unité de la classe ouvrière.
Les camarades qui ont écrit ce texte soulignent leur rejet de "l'unité" pour un "antisarkozisme" à tous crins, "unité" qui est devenue une sorte de condition sine qua non pour construire une opposition à la politique gouvernementale actuelle. Ils insistent avec raison sur le fait que cet "antisarkozisme" serait rassembleur de forces pour un changement, quelles que soient les options politiques en faveur de celui-ci, et que cela oblitère totalement le fait que Sarkozy n'est jamais que le pantin de la bourgeoisie dans son ensemble. Nous soutenons avec force cette position, car elle s'inscrit de façon claire contre toute la propagande qui tend à montrer Sarkozy en bouc émissaire ubuesque de la situation que connaît la classe ouvrière aujourd'hui. Comme le disent les camarades, le président en exercice de la "République française" est certes particulièrement "exécrable", il n'est cependant jamais que le "quidam qui (...) est l'incarnation du pouvoir politique".
En cela, il est vrai que les appels à "l'unité" contre sa politique font le lit de toutes les compromissions avec la gauche, les gauchistes et les syndicats, toutes forces politiques qui ont largement prouvé leur participation ouverte au sabotage des intérêts ouvriers.
Cependant, les camarades en viennent dans leur logique à opposer la question de l'unité de la classe ouvrière à celle de la solidarité. En ce qui nous concerne, il n'y a pas de dissociation entre les deux, ce sont deux aspects de la lutte ouvrière qui se posent dans le mouvement concret du prolétariat et dans sa nature de classe.
Ainsi, c'est en solidarité avec les grèves des ouvriers anglais qu'est née l'idée, puis la constitution, d'une organisation internationale ouvrière (qui prit jour avec la Première Internationale, Association internationale des travailleurs) dès la seconde moitié du xixe siècle. Cette solidarité internationale active ne pouvait pas prendre corps sans la conscience dans les rangs prolétariens d'une unité de ses intérêts, au-delà des corporations, et bien au-delà de leur appartenance "nationale". C'est pour cela que le mot d'ordre du Manifeste communiste de 1848, mot d'ordre qui n'a jamais cessé d'être d'actualité depuis 160 ans, reste et restera encore jusqu'à l'avènement du communisme : "Prolétaires de tous les pays, unissez-vous !"
Evidemment, les forces réactionnaires de la bourgeoisie, qu'elles soient de droite, de gauche, syndicalistes, avec un verbiage plus ou moins révolutionnaires, ne cessent de nous rebattre les oreilles "d'unité" mais aussi de "solidarité". Ainsi, le syndicat "Solidarité" a été le principal maître d'œuvre du sabotage et de l'isolement international des luttes ouvrières en Pologne en 1980, permettant de livrer les prolétaires pieds et poings liés à la répression menée par le général Jaruzelski en décembre 1981.
La bourgeoisie et ses médias salissent et dénaturent tout ce qui a trait aux principes de ce qui est humain. Et ils font encore mieux, avec le soutien des menteurs "de gauche" et gauchistes, pour ce qui est de "l'unité" et de la "solidarité" ouvrière, pour instiller en nous l'idée qu'être "solidaires" n'est qu'un acte passager, ou en-dehors de toute idée de classe, et qu'être "unis", c'est pour des intérêts particuliers et particularistes, opposés à la solidarité.
En ce qui nous concerne, nous combattons, comme les camarades le disent, "pour la nécessité d'un autre futur", mais la possibilité de cet autre futur ne peut être basée que sur la mise en œuvre d'un combat qui fait de la solidarité une arme pour la construction d'une unité de tous les prolétaires. La solidarité fait nécessairement naître une unité réelle dans la lutte et dans la défense de nos intérêts, solidarité et unité qui prendront corps, ensemble, dans la conscience de changer ce monde pourrissant pour en construire un autre : la société communiste mondiale.
E (25 octobre)
Après avoir célébré la défaite du "communisme" lors de l'effondrement du bloc de l'Est au début des années 1990, la bourgeoisie, gauchistes en tête, célèbre aujourd'hui la défaite du libéralisme. "Place au capitalisme équitable !", semble nous dire la classe dominante : le capitalisme pour la prospérité, l'intervention de l'État pour la justice sociale. Mensonge ! L'État n'a jamais été absent de l'économie, bien au contraire ! Son intervention massive aujourd'hui n'est que la manifestation de la panique de la bourgeoisie face à la débâcle de son système. Ce qui attend la classe ouvrière, c'est encore plus d'attaques et de misère, plus de chômage et de coupes dans les budgets sociaux, au nom de la crise du capitalisme, qu'aucun sauvetage, aussi massif soit-il, ne pourra sortir de sa spirale mortelle. Ce n'est pas en confiant son sort à l'État que le prolétariat pourra répondre aux assauts de la crise, mais bien en développant ses luttes de façon la plus large possible. Il n'est pas d'autre réponse à l'accélération de la crise et à la gravité de la situation mondiale.
Sarkozy proclame aujourd'hui que "le capitalisme doit se refondre sur des bases éthiques". Madame Merkel insulte les spéculateurs. Zapatero pointe d'un doigt accusateur les "fondamentalistes du marché" qui prétendent que celui-ci se régule tout seul sans intervention de l'État. Tous nous disent que cette crise implique la mort du capitalisme "néolibéral" et que l'espoir aujourd'hui se tourne vers un "autre capitalisme", débarrassé des requins financiers et spéculateurs qui auraient poussé comme des champignons sous prétexte de "dérégulation", "d'inhibition de l'État", de primauté de l'intérêt privé sur "l'intérêt public", etc. À les entendre, ce n'est pas le capitalisme qui s'effondrerait, mais une forme particulière de capitalisme. Les groupes de la gauche du capital (staliniens, trotskistes, altermondialistes...) exultent en proclamant : "Les faits nous donnent raison. Les dérives néolibérales ont provoqué ces désastres !" Ils proclament que la solution passe par "le socialisme", un socialisme qui consisterait en ce que l'État remette à leur place "les capitalistes" au bénéfice du "peuple" et des "petites gens".
Ces explications sont-elles valables ? Un "autre capitalisme" est-il possible ? L'intervention bienfaitrice de l'État pourrait-elle porter remède au capitalisme en crise ? Nous allons tenter d'apporter des éléments de réponse à ces questions d'une actualité brûlante. Il faut cependant au préalable éclaircir une question fondamentale : le socialisme est-il l'État ?
Le socialisme véritable défendu par le marxisme et les révolutionnaires tout au long de l'histoire du mouvement ouvrier n'a rien à voir avec l'État. Le socialisme est même la négation de l'État. L'édification d'une société socialiste exige en premier lieu la destruction de l'État dans tous les pays.
L'intervention de l'État pour réguler l'économie, pour la mettre au "service des citoyens", etc., n'a donc rien à voir avec le socialisme. L'État ne sera jamais "au service de tous les citoyens". L'État est un organe de la classe dominante et est structuré, organisé et configuré pour défendre la, classe dominante et maintenir son système de production. L'État le "plus démocratique du monde" n'en sera pas moins un État au service de la bourgeoisie, qui défendra, bec et ongles, le système de production capitaliste. En outre, l'intervention spécifique de l'État sur le terrain économique n'a pas d'autre objectif que celui de préserver les intérêts généraux de la reproduction du capitalisme et de la classe capitaliste.
Tout au long du xxe siècle, avec l'entrée du capitalisme dans sa phase de décadence (1), l'État a été son principal rempart face à l'exacerbation de ses contradictions sociales, guerrières et économiques. Les xxe et xxie siècles se caractérisent par la tendance universelle au capitalisme d'État. Cette tendance existe dans tous les pays, quels que soient leurs régimes politiques. On trouve essentiellement deux voies de réalisation du capitalisme d'État :
- l'étatisation plus ou moins complète de l'économie (c'est celle qui existait en Russie et existe encore en Chine, à Cuba, en Corée du Nord...) ;
- la combinaison entre la bureaucratie étatique et la grande bourgeoisie privée (comme aux États-Unis ou en Espagne, par exemple).
Dans les deux cas, c'est toujours l'État qui contrôle l'économie. Le premier affiche ouvertement sa propriété d'une grande partie des moyens de production et services. Le second intervient dans l'économie à travers une série de mécanismes indirects : impôts, fiscalité, achats aux entreprises (2), fixation des taux d'intérêt interbancaires, régulation des prix, normes de comptabilité, agences étatiques de concertation, d'inspection, d'investissements (3), etc.
Après une relative période de prospérité de 1945 à 1967, le capitalisme mondial est retombé dans des crises récurrentes, les épisodes convulsifs se sont succédés comme des séismes qui mettaient l'économie mondiale au bord de l'abîme. Les différentes étapes de la crise qui se sont succédées tout au long des dernières quarante années sont le produit d'une surproduction chronique et de la concurrence exacerbée. Les États ont tenté de combattre ses effets en usant de palliatifs, le principal d'entre eux étant bien sûr l'endettement. Les États les plus forts ont aussi repoussé les conséquences les plus néfastes en "exportant" les pires effets sur les pays les plus faibles (4).
Il ne faut pas nous raconter d'histoires sur "l'initiative privée" qu'encouragerait le "néolibéralisme" : ses mécanismes ne sont pas nés spontanément du marché mais ont été le fruit et la conséquence d'une politique économique étatique dans le but de juguler l'inflation. Elle n'a fait que la reporter mais en payant le prix fort : par d'obscurs mécanismes financiers, les dettes se sont transformées en créances spéculatives à haut niveau d'intérêt, rapportant dans un premier temps de juteux bénéfices mais dont il fallait se débarrasser le plus tôt possible car, tôt ou tard, personne ne pourrait plus les payer...
La crise actuelle peut être assimilée à un gigantesque champ de mines. La première à exploser fut la crise des subprimes durant l'été 2007 et on aurait pu croire à première vue que les choses allaient rentrer dans l'ordre, moyennant le versement de quelques milliards. N'en avait-il pas toujours été ainsi ? Mais l'effondrement des institutions bancaires depuis fin décembre a été la nouvelle mine qui a fait exploser toutes ces illusions. L'été 2008 a été vertigineux avec une succession de faillites de banques aux États-Unis et en Grande- Bretagne. Nous en arrivons au mois d'octobre 2008 et une autre des illusions avec lesquelles les bourgeoisies comptaient apaiser nos préoccupations vient de partir en fumée : ils disaient que les problèmes étaient immenses aux États-Unis mais que l'économie européenne n'avait rien à craindre. Soit. Mais les mines commencent à présent à exploser aussi dans l'économie européenne en commençant par son État le plus puissant, l'Allemagne, qui contemple sans réagir l'effondrement de sa principale banque hypothécaire.
Cet aphorisme est une fausse consolation. Les épisodes précédents de la crise avaient pu être "résolus" par les banques centrales en déboursant quelques milliards de dollars (une centaine lors de la crise des "Tigres" asiatiques en 1998). Les États ont aujourd'hui investi 3 000 milliards de dollars depuis un an et demi et ils ne voient toujours pas d'issue.
Par ailleurs, les pires effets de la crise avaient jusqu'ici été circonscrits à quelques pays (Sud-Est asiatique, Mexique et Argentine, Russie), alors qu'aujourd'hui l'épicentre où se concentrent les pires effets se trouve précisément dans les pays centraux : États-Unis, Grande-Bretagne, Allemagne... et irradient forcément le reste du monde.
Ensuite, les épisodes précédents, en général et à l'exception de celui de la fin des années 1970, étaient de courte durée et il suffisait de 6 mois à un an pour apercevoir le "bout du tunnel". Cela fait un an et demi que nous sommes dans cette crise et on n'aperçoit pas la moindre lueur. Au contraire, chaque jour, la crise est plus grave et la débâcle plus profonde !
Enfin, cette crise va laisser le système bancaire mondial très affaibli. Le mécanisme du crédit se retrouve paralysé à cause de la méfiance généralisée, personne ne sachant vraiment si les "actifs" présentés par les banques (et les entreprises) dans leurs bilans ne sont pas de l'esbroufe. Le capitalisme d'État "libéral" ne peut fonctionner s'il n'a pas des banques fortes et solides, l'économie capitaliste s'est à présent tellement accrochée à la drogue de l'endettement que si le système du crédit s'avère incapable d'apporter un flux d'argent abondant, la production sera paralysée. Le robinet du crédit est fermé malgré les sommes énormes allouées aux banques centrales par les gouvernements. Personne ne voit clairement comment va pouvoir se rétablir un système percé de toutes parts et qui perd ces organes vitaux - les banques - les uns après les autres. La course folle entre les États européens pour voir lequel pouvait donner le plus de garanties aux dépôts bancaires est une sinistre augure qui ne révèle que la recherche désespérée de fonds. Cette surenchère de "garanties" révèle précisément que rien n'est garanti !
Les choses sont donc claires : le capitalisme connaît aujourd'hui sa crise économique la plus grave. L'histoire vient de s'accélérer brutalement. Après 40 années d'un développement de la crise lent et heurté, ce système est en train de plonger dans une récession épouvantable et extrêmement profonde dont il ne se relèvera pas indemne. Mais surtout, dès maintenant, les conditions de vie de milliards de personnes se trouvent durement et durablement affectées. Le chômage frappe de nombreux foyers, 600 000 en moins d'un an en Espagne, 180 000 au mois d'août 2008 aux États-Unis. L'inflation frappe les produits alimentaires de base et la famine ravage les pays les plus pauvres à une vitesse vertigineuse depuis un an. Les coupes salariales, les arrêts partiels de production avec les attaques qui en découlent, les risques qui pèsent sur les pensions de retraite... Il ne fait pas le moindre doute que cette crise va avoir des répercussions d'une brutalité inouïe.
Le capitalisme ne va pas jeter l'éponge. Jamais une classe exploiteuse n'a reconnu la réalité de son échec et n'a cédé son pouvoir de son plein gré. Mais nous constatons qu'après plus de cent ans de catastrophes et de convulsions, toutes les politiques économiques avec lesquelles l'État capitaliste a tenté de résoudre ses problèmes non seulement ont échoué, mais elles ont en plus aggravé les problèmes. Nous n'avons rien à attendre des prétendues "nouvelles solutions" que va trouver le capitalisme pour "sortir de la crise". Nous pouvons être certains qu'elles nous coûteront surtout toujours davantage de souffrances, de misère et nous devons nous préparer à connaître de nouvelles convulsions encore plus violentes.
C'est pourquoi il est utopique de se fier à ce qu'on nous présentera comme une "sortie" de la crise du capitalisme. Il n'y en a pas. Et c'est le système entier qui est incapable de masquer sa faillite. Être réaliste, c'est participer à ce que le prolétariat reprenne confiance en lui, reprenne confiance en la force que peut lui donner sa lutte comme classe et construise patiemment par ses luttes, par ses débats, par son effort d'auto-organisation, la force sociale qui lui permettra de s'ériger en alternative révolutionnaire face à la société actuelle afin de renverser ce système pourrissant.
CCI (8 octobre)
Les interventions actuelles “anti-libérales” de Bush, de Sarkozy ou des autres dirigeants des grandes puissances économiques, notamment en Europe, qu’ils soient de droite ou de gauche, déclarent la guerre au “capitalisme sauvage” et vouloir “moraliser le capitalisme”. Ces déclarations semblent sortir tout droit d’un discours écrit par Besancenot, le porte-parole emblématique du tout “Nouveau Parti Anticapitaliste” (ex-candidat à la présidentielle et leader de la “Ligue Communiste Révolutionnaire” (LCR). Contrairement aux apparences, il n’y a là rien d’étonnant. Ce que proposent la LCR et tous les gauchistes coïncide parfaitement avec la forme particulière de capitalisme prônée par nos dirigeants où l’Etat ne manipule plus l’économie dans l’ombre (comme dans le ‘néo-libéralisme’) mais de façon directe et ouverte. Et c’est justement, pour la bourgeoisie, cette intervention plus directe de l’Etat dans l’économie qui est la mieux adaptée au moment présent de crise pour d’abord soutenir, et ensuite réglementer le capitalisme. Dans la bouche de Sarkozy, toutes ces recettes étatistes apparaissent directement pour ce qu’elles sont : des adaptations faites par la bourgeoisie pour la bourgeoisie. Mais ce sont les mêmes recettes qui sortent depuis des lustres des lèvres de Besancenot, Laguiller et autres dirigeants gauchistes. La seule différence, c’est qu’ils prétendent qu’elles seraient mises au service du peuple ou des prolétaires. Exproprier ou nationaliser les entreprises qui licencient alors qu’elles font du profit, comme le réclament les dirigeants du NPA ou de LO, procède de la même logique capitaliste que ceux qui à la tête de l’Etat prétendent vouloir mettre le système bancaire ou les entreprises sous la tutelle ouverte de l’Etat, quitte à déclarer vouloir mettre un terme aux agissements des “spéculateurs”, des “patrons-voyous” ou ceux qui s’approprient des “parachutes dorés” comme si tous les capitalistes, étatisés ou pas, n’agissaient pas selon les mêmes rouages de l’exploitation féroce des prolétaires et de la recherche effrénée du profit !
Cette réalité de la domination universelle d’un capitalisme d’Etat dirigiste qui sort aujourd’hui de l’ombre vient révéler d’autant plus fortement le caractère mensonger et manipulateur des recettes que défendent, sous couvert de “communisme”, “socialisme”, “révolution”, ou “anticapitalisme” tous les partis et organisations gauchistes dans le monde.
Cela démontre que “l’anticapitalisme” à la sauce Besancenot et consorts n’a rien de révolutionnaire mais, bien au contraire, relève d’une pure mystification qui s’inscrit parfaitement dans la défense du capital.
1) La Première Guerre mondiale (1914) met un point final au caractère progressiste du capitalisme et détermine sa transformation en système qui ne charrie plus que des guerres, des crises et la barbarie sans fin. Voir la Revue internationale no 134 [1080].
2) Pour s'en faire une idée, aux États-Unis, présentés comme la Mecque du néolibéralisme, l'État est le principal client des entreprises et les entreprises d'informatique sont obligées d'envoyer au Pentagone une copie des programmes qu'elles créent et des composants de hardware qu'elles fabriquent.
3) C'est un conte de fées que de dire que l'économie américaine est dérégulée, que son État est inhibé, etc. : la Bourse est contrôlée par une agence fédérale spécifique, la banque est régulée par le SEC, la Réserve fédérale détermine la politique économique à travers des mécanismes comme les taux d'intérêt.
4) Dans la série d'articles "30 ans de crise capitaliste" publiée dans les nos 96 [1041], 97 [1081] et 98 [1082] de la Revue internationale, nous analysons les techniques et méthodes avec lesquelles le capitalisme d'État a accompagné cette chute dans l'abîme pour la ralentir, parvenant à ce qu'elle évolue par paliers successifs.
Nous avons reçu du Pérou et nous publions ci-dessous une prise de position sur le "Sommet social alternatif" organisé par les syndicats, la gauche et quelques groupes libertaires, en réponse au Ve sommet UE-Amérique latine et Caraïbes du 16 mai à Lima.
Nous saluons ce texte qui dénonce, très justement, les "orgies mercantiles" que sont les sommets organisés par la bourgeoisie mondiale et qui ne sont que le théâtre des luttes impérialistes les plus sordides. Il met aussi à nu la nature bourgeoise des sommets alternatifs "de gauche" qui prétendent être une réponse aux plans des capitalistes. En réalité, cette fausse alternative au capitalisme, ce prétendu socialisme, ne prétend être, comme disent les camarades, qu'un capitalisme "à visage humain". C'est donc un faux socialisme, un "socialisme bourgeois", comme le dénonçait déjà le Manifeste communiste :
"Une partie de la bourgeoisie cherche à porter remède aux anomalies sociales, afin de consolider la société bourgeoise.
"Dans cette catégorie, se rangent les économistes, les philanthropes, les humanitaires, les gens qui s'occupent d'améliorer le sort de la classe ouvrière, d'organiser la bienfaisance, de protéger les animaux, de fonder des sociétés de tempérance, bref, les réformateurs en chambre de tout acabit...
"Les socialistes bourgeois veulent les conditions de vie de la société moderne sans les luttes et les dangers qui en découlent fatalement. Ils veulent la société actuelle, mais expurgée des éléments qui la révolutionnent et la dissolvent. Ils veulent la bourgeoisie sans le prolétariat...
"Une autre forme de socialisme, moins systématique, mais plus pratique, essaya de dégoûter les ouvriers de tout mouvement révolutionnaire, en leur démontrant que ce n'était pas telle ou telle transformation politique, mais seulement une transformation des conditions de la vie matérielle, des rapports économiques, qui pouvait leur profiter. Notez que, par transformation des conditions de la vie matérielle, ce socialisme n'entend aucunement l'abolition du régime de production bourgeois, laquelle n'est possible que par la révolution, mais uniquement la réalisation de réformes administratives sur la base même de la production bourgeoise, réformes qui, par conséquent, ne changent rien aux rapports du capital et du salariat et ne font, tout au plus, que diminuer pour la bourgeoisie les frais de sa domination et alléger le budget de l'Etat...
"Car le socialisme bourgeois tient tout entier dans cette affirmation que les bourgeois sont des bourgeois - dans l'intérêt de la classe ouvrière." (Marx-Engels, le Manifeste communiste)
(Courant communiste international)
Une fois de plus, nous sommes les témoins d'une réunion des grands pontes du capitalisme latino-américain avec leurs pairs européens et asiatiques (ALCUE- APEC), et ce spectacle d'orgie mercantile entraîne aussi sa réponse alternative avec le "Sommet des peuples", faite par toute la gauche du capital (ONG, syndicats, fronts communs, partis politiques, libertaires, etc.), qui prétend être l'alternative populaire, la voix des exclus. Notre groupe dénonce tous ces bourgeois philanthropes, ces philistins, pour ce qu'ils ont toujours voulu représenter, c'est-à-dire le bon côté de la bourgeoisie à la recherche d'un capitalisme à visage humain, qui ne vise en rien à détruire ce système putréfié mais plutôt à l'améliorer ou le réformer afin de le rendre acceptable aux prolétaires. Voyons d'ailleurs point par point ce qui se dissimule derrière les thèmes de cette première réunion.
Comme si le capital avait quelque chose de nouveau (en ajoutant le terme néo) ! Ce que nous voyons aujourd'hui, c'est le capitalisme de toujours, le même système imposé il y a plus de 500 ans, assassin, exploiteur et barbare. Avec ces jeux sur les mots, les sommets sociaux (et toute la social-démocratie) veulent faire croire à un capitalisme à visage humain, sans mauvais côté. Ils dissimulent, ce faisant, que tout capital implique une exploitation de travailleurs, une plus-value, des profits et par conséquent la division de la société en deux classes antagoniques (bourgeoisie et prolétariat). Qu'il soit privé ou étatique, le capitalisme est un seul et même système qui utilise l'exploitation pour se reproduire.
Ces messieurs les philanthropes ne cherchent pas à détruire ce système pourrissant. Ils veulent une Amérique latine transformée en bloc capitaliste capable d'être compétitif, qui puisse traiter d'égal à égal avec les autres. Le Sommet des peuples et tous ceux qui le soutiennent veulent que tous, des chefs d'entreprises aux travailleurs latino-américains, nous oublions les différences de classes pour entrer ensemble dans la concurrence impérialiste, pour conquérir des marchés et réaliser des profits, comme tout bloc bourgeois ; bien évidemment, tout ceci reste dans le cadre de notre exploitation, celle des prolétaires.
Ils cherchent à créer des organisations, et des mouvements alternatifs dont l'objectif serait de sauver cet ordre bourgeois qui s'effondre par pans entiers. Ils tentent pour cela d'embobiner notre classe avec des propositions du type "assemblées constituantes", totalement opposées à l'organisation du prolétariat en classe, pour nous conduire sur la voie réactionnaire de la défense de la démocratie et affaiblir la lutte révolutionnaire. Le "bolivarisme", la "pensée autochtone latino-américaine", "l'indigénisme" et autres pièges idéologiques utilisés par les marionnettes Chávez, Correa, Evo, Lugo, Humala, avec lesquels le capitalisme tente de procéder à un lifting sur sa vieille et horrible gueule, sont du même tonneau.
Les sociaux-démocrates, en bons charlatans, rejettent en mentant et falsifiant la responsabilité du désastre climatique sur quelques mauvaises entreprises transnationales, poussant le ridicule jusqu'à proposer de créer un Tribunal des peuples chargé de les juger. Ils dissimulent la vérité : le destructeur de l'environnement n'est autre que le mode de production capitaliste, c'est-à-dire le système basé sur la production de marchandises et la génération de profits. Tant qu'on ne détruira pas cette logique criminelle, le réchauffement de la planète se poursuivra, avec la hausse du prix des aliments, la destruction des écosystèmes, la famine mondiale, etc. Aucun stupide "procès", aucune "exploitation rationnelle", aucun "contrôle démocratique des peuples" ne peuvent arrêter la barbarie sauvage dans laquelle plonge chaque jour davantage le capital, qui se moque de tout type de règlement ou "d'appel à la conscience" du style Greenpeace ou Forum social mondial.
C'est la position philanthropique typique consistant à "défendre" l'Indien tout en niant sa condition d'exploité, sa classe. En ce sens, elle revendique le "droit à la terre" c'est-à-dire le droit à être propriétaire, chef d'entreprise. La défense des droits (économiques, culturels et sociaux) revendiquée par ces canailles est la défense de l'individu entravé dans les filets du capital, pulvérisé et séparé de ses frères exploités comme lui, atomisé comme unité marchande, nié comme classe et comme prolétaire ennemi du capital. La bourgeoisie essaie de calmer les contradictions et les intérêts antagoniques entre les classes pour freiner toute tentative de lutte révolutionnaire.
C'est-à-dire la défense de l'emploi, du travail salarié, de l'esclavage du prolétariat et du droit des capitalistes de nous exploiter dans ses entreprises. Ces capitalistes vont plus loin : ils proposent la création de travail comme moyen de contrôle des migrations vers les villes pour que celles-ci n'explosent pas à cause de la surpopulation de prolétaires insatisfaits qui peuvent se soulever et devenir incontrôlables. Le syndicalisme, en bon partenaire des capitalistes, est lui aussi revendiqué par le Sommet social, pour son rôle historique de médiateur au service du capital et d'éternel traître contre les luttes prolétariennes qui tentent de détruire le capitalisme.
Le but est de démontrer à l'Etat bourgeois que les mouvements sociaux sont démocratiques et pacifiques, respectueux de la paix sociale (c'est-à-dire qu'ils prônent la conciliation entre les exploités et les exploiteurs), qu'ils ne sont pas un danger pour le capitalisme et que par conséquent l'actuelle vague de répression menée par le gouvernement "apriste" (1) est injustifiée.
Les capitalistes d'ALC-UE et d'APEC peuvent faire confiance au Sommet social, car c'est l'aile gauche de la bourgeoisie mondiale. Tout leur spectacle populaire fait de débats sociaux, de drapeaux, d'affiches et de mobilisations n'exige et ne revendique rien d'autre que les mots d'ordre révisionnistes, opportunistes et sociaux-démocrates : un commerce équitable, davantage de citoyenneté, de l'écologisme, le respect des droits humains bourgeois, etc. Rien dans ce paquet philanthropique bourgeois ne nie le capitalisme, tout aspire au contraire à "l'améliorer" et à le maintenir en vie.
La seule issue pour notre classe est la destruction du mode de production capitaliste et l'instauration de la dictature prolétarienne, des nécessités humaines.
Aucun sommet ou anti-sommet n'est opposé au capitalisme !
Destruction
du
mode de production capitaliste !
Le
communisme
est notre objectif !
Des
prolétaires internationalistes
[email protected] [1083]
1) L'APRA (Alianza Popular Revolucionaria Americana) est le plus ancien parti politique péruvien fondé par Víctor Raúl Haya de la Torre en 1921 sur une base idéologique du nationalisme "anti-yankee" et partisan d'un Front commun américano-indien en Amérique latine. Il est l'actuel parti gouvernemental dirigé par le président Alan Garcia Perez déjà au pouvoir entre 1995 et 2000 et revenu à la tête de l'Etat depuis les élections de 2006. Ce parti est traditionnellement situé dans la mouvance social-démocrate. Il mène depuis des années une lutte farouche envers les groupes terroristes (comme les maoïstes du Sentier lumineux) ou gauchistes.
Nous publions ci-dessous des extraits du compte-rendu d’une réunion organisée par des contacts du CCI et qui s’est tenue à Paris le 23 mars à Paris. Ce compte-rendu a été réalisé par quelques-uns de ces contacts eux-mêmes. Deux questions ont été débattues, “La religion est-elle l’opium du peuple ?” et “Le capitalisme peut-il surmonter ses crises ?”. Mais, pour des raisons de place, ces extraits ne traiteront que de la première question en débat.
Sur une invitation du CCI, les contacts de l’organisation et les militants ont partagé une journée de réflexion autour de deux questions choisies par les participants dans une liste proposée.
Après avoir pris ensemble un bon petit déjeuner (…), les participants ont entamé la réflexion sur la première question : la religion est-elle l’opium du peuple ? Quelle attitude adopter face à elle ? Un participant a introduit le sujet par un court exposé. La discussion qui suivit fut très dynamique dans un climat très chaleureux et fraternel. Un camarade a souligné le fait que les interventions allaient toutes dans le même sens : la clarification, qu’il ne s’agissait nullement pour les participants de se faire valoir par des interventions pompeuses mais simplement de répondre aux questions soulevées par le débat. L’ensemble de la salle semblait enchantée par la discussion qui fut très instructive tant au niveau de la qualité du débat que sur le fond. (…)
Certains camarades plus anciens en politique (…) ont rappelé que ce thème ne faisait pas partie des discussions politiques auxquelles ils étaient accoutumés. Une camarade a même déclaré : “C’est la première fois depuis que je connais le CCI qu’on discute de la religion.” (…)
Nous avons dans un premier temps tenté de comprendre l’origine des croyances religieuses et les raisons de leur recrudescence aujourd’hui. La discussion a permis de mettre en évidence que l’homme a développé une pensée mystique afin de faire face à l’inconnu d’une vie et d’un environnement en mouvement constant. Les camarades ont également montré que la religion en tant que telle permet de cristalliser les peurs et les ambitions des hommes face aux sociétés de classes de plus en plus effrayantes dans leur période de décadence. “On assiste à une perte de perspective, donc les populations cherchent à se rassurer face à l’impasse dans laquelle elles se trouvent”. Une camarade a précisé à ce propos qu’“il ne faut pas oublier tout ce qui est ésotérique qui participe à ce sentiment de croyance à l’irrationnel. On ne sait plus où est le réel et où est le rêve. Certains enfants ne font plus de différence entre la télévision et la réalité. C’est une conséquence de la décomposition”.
Etant dans la phase de décomposition de la société capitaliste, nous voyons les religions vivre une seconde jeunesse. En effet, la discussion a mis en évidence un fait qui n’avait pas été soulevé dans l’exposé : “Comme aujourd’hui il n’y a plus de valeurs, on se réfugie dans la religion”. (…) Plusieurs interventions ont précisé que la situation n’est pas homogène partout dans le monde et à toute époque. “L’ascendance marque un recul de la religion ; la décadence du capitalisme montre une remontée de la religion”. C’est dans ce cadre que certains camarades ont montré le lien très important qui existe entre la religion, la morale, l’Etat et le mode de production. Un camarade a d’ailleurs montré qu’“il y a alors une sorte de recours à la religion [dans la période d’ascendance du capitalisme] avec l’idée de créer quelque chose d’idéal. On assiste à un retour du religieux vers 1830 en France, car la bourgeoisie en a besoin pour contrôler la classe ouvrière, mais aussi pour justifier son propre mode de domination et justifier la déchéance d’un mode de domination qui devait être parfait !”.
Ainsi la discussion a mis en évidence que la religion est non seulement un refuge pour les hommes mais qu’elle est également un outil que le capitalisme a finalement intégré pour maintenir son mode de domination par la division et la mystification. “Les antagonismes d’ordre politiques ou de classe ont de tout temps été recouverts du drap religieux (guerres de religions entre protestants et catholiques, etc.) Derrière, il y avait d’autres enjeux. La religion était l’habillage. Aujourd’hui : c’est pareil avec Bush.”
Alors face à la montée de l’influence de la religion, comment réagir ? La religion est-elle un frein à la lutte de classe ? Une camarade a rappelé l’épisode de 1905, où les manifestations ouvrières avaient à leur tête le pope Gapone, comme point de départ pour tenter de répondre à cette question : “Ces formes idéologiques qui ont un poids réel n’ont pas empêché la première vague révolutionnaire de l’histoire et la création des soviets. C’était un exemple pour montrer que, quel que soit le poids de ces religions, l’Homme pourra faire quand même la révolution et pourra aller au-delà de ça”.
Un camarade sceptique face à cet argument a montré que “… Par rapport à 1905, il faut faire attention, car il y a une évolution historique. Il y a une évolution des rapports ouvriers et des rapports de pouvoir (…), la situation n’est donc pas la même qu’en 1905. Aujourd’hui, on ne peut pas envisager un militantisme allant de pair avec la religion, même si c’était possible il y a cent ans”. Ce à quoi un autre camarade a répondu que “si aujourd’hui la bourgeoisie peut utiliser la religion pour dévoyer la classe ouvrière du combat de classe comme le pope devant les ouvriers en 1905, elle le fera à nouveau (elle le fait déjà avec le Hamas). Les camarades ont rappelé que dès le départ, les marxistes étaient très critiques à l’égard de la religion : Marx la considérant comme le soupir de la créature opprimée”.
Un camarade a d’ailleurs expliqué qu’il ne s’agit pas d’appliquer à l’égard de la religion “une tolérance aveugle” mais bien la méthode marxiste qui vise et à comprendre et à critiquer de manière à avancer. Plusieurs camarades ont ainsi dénoncé l’attitude d’anarchistes bouffeurs de curés qui s’acharnent à condamner la religion de façon abstraite comme le montre l’exemple donné par un camarade : “Bakounine qui critiquait Marx parce qu’il était juif, donc tout ce qu’il disait était empreint de juiverie.”
Ce qui s’oppose clairement à l’attitude des marxistes comme le montre une camarade en rappelant le témoignage “d’une Russe qui a appartenu au Parti bolchevique rendant compte d’une expérience, en 1912, en Italie du Sud. C’est une période très importante d’effervescence des associations ouvrières. A l’issue de ces meetings ouvriers, un maçon très croyant, non gréviste, non socialiste, s’est fait abattre par la milice. Quand des ouvriers meurent ainsi, il y a un petit discours en hommage au gréviste mort. Mais là, il y a eu une grève générale, avec aussi un grand office religieux. Fallait-il laisser le curé du village rendre un dernier hommage ? Sa réponse : oui (contrairement à l’avis de beaucoup de socialistes). Le lendemain, la presse a salué le respect des socialistes pour le culte”.
Ainsi un camarade explique que “ce qui ressort de la discussion : c’est l’Homme qui fait la religion, c’est l’Homme qui est aliéné et qui ne s’est pas trouvé. C’est pourquoi, le combat contre la religion s’inscrit dans une lutte plus globale contre la société. Donc on ne peut que rejeter la vision anarchiste (rejet total de la religion). Les anarchistes posent la question de la religion comme une question de la raison pure. Les marxistes, eux, posent la question sur le plan matérialiste.” Il a été montré que les révolutionnaires dès 1917 étaient très clairs sur cette question : attaquer la religion de front serait vain et irait à l’encontre des buts de ces derniers.
Grâce à de nombreux exemples donnés par les intervenants telles que celui des femmes ouvrières qui, pour pouvoir discuter avec des femmes musulmanes, acceptaient de porter le voile en Russie en 1917, il est apparu très clairement que réprimer les croyants ou les attaquer dans leur foi n’était en aucune manière une façon pertinente de régler cette question et de faire avancer la lutte de classe. C’est bien de l’inverse dont il s’agit : c’est grâce au développement de la lutte des classes que la réflexion peut se libérer de toute emprise mystique : “Il faut donner des réponses aux gens, donner de vraies perspectives plutôt que de démolir les fausses réponses”. C’est en changeant la société, en combattant les causes des croyances que la religion sera de moins en moins présente dans la vie et la pensée humaine.
En fin de discussion, nous sommes revenus sur la question de l’utilité de la religion dans le capitalisme. Une camarade explique qu’“il faut faire attention quand on parle de la religion. Parfois, certains camarades font des raccourcis en disant que la bourgeoisie maintient la religion pour mystifier la classe ouvrière. Mais la bourgeoisie a aussi besoin de se mystifier elle-même. Elle l’a intégrée et conservée, elle a besoin aussi de justifier l’écran de fumée qu’elle crée”.
(…)
A la fin de cette discussion restaient de nouvelles questions auxquelles nous n’avons pas eu le temps de répondre : “Est-ce que le renforcement de la religion n’est pas une réaction à la montée de la lutte de classe ?”, “la question des différences entre les religions. La question des différences entre extrémistes kamikazes et croyants. La question de : quelle attitude adopter face à cela.” (…)
Enfin pour conclure ce petit bilan, nous tenons à revenir sur la forme du débat choisie pour cette journée. Après les exposés, les participants ont choisi un présidium chargé de prendre les tours de parole et de faire attention à l’heure. Quelques jeunes peu habitués à débattre dans un cadre se sont questionnés quant à l’efficacité du tour de parole. Ils reconnaissent que parfois ils avaient envie d’intervenir pour répondre à l’intervention en cours mais comme il fallait attendre cela leur paraissait ne plus valoir la peine. (…) De manière générale, ils se sont sentis plus libres de s’exprimer que dans les réunions publiques (…).
Voici un extrait de la synthèse du dernier tour de table : “Ce tour de table a été très riche à l’image du débat : plein d’interventions qui ont soulevé beaucoup de questions qui partaient dans tous les sens au départ. (…) Pas de sentiment de jugement, de langue de bois. (…) Nous avons évoqué la nécessité de s’adapter à celui auquel on s’adresse. C’est une des qualités des révolutionnaires. On est parti de préoccupations concrètes. (…) Ce qui compte c’est l’unité. C’est un pas énorme pour la clarification de la conscience !” (…) L’ensemble des participants souhaitaient réitérer cette expérience fort enrichissante.
Des sympathisants du CCI.
Lors de l'élection d'Obama comme 44e président des États-Unis, personne n'a pu échapper aux scènes de liesse à Chicago, à New York mais aussi en Afrique et dans toute l'Europe. Ces explosions de joie, reprises en boucle dans tous les médias à l'échelle planétaire, ne sont pas sans rappeler le spectacle de la foule dansant place de la Bastille à Paris au soir du 10 mai 1981 en France après l'élection de Mitterrand. Mais ce phénomène qualifié "d'obamania" dépasse largement un tel cadre. Ce couronnement d'un Noir à la Maison Blanche, que le monde entier applaudit, vient conclure en apothéose la superproduction "hollywoodienne" d'une campagne électorale américaine dont les médias nous ont gavés, à la télé, par internet, dans la presse écrite, etc., depuis deux ans et à tous les stades des élections primaires. Elle dévoile une énorme machinerie déjà propre à toute élection "à l'américaine" montée avec un maximum de moyens technologiques et financiers. La "belle histoire de l'Oncle Sam" de la nouvelle idole Obama et de son ascension irrésistible, avec saga familiale incorporée, incarnation du rêve américain et retrouvant l'esprit pionnier du "melting-pot" n'est que de la poudre aux yeux. C'est le pur produit d'une gigantesque opération de marketing basée sur le people star system. Cette campagne a coûté une véritable fortune, au moment où l'État américain plonge dans la crise et où la plupart des banques comme des grandes entreprises du pays sont au bord du gouffre. Obama nous est présenté comme un sauveur pas seulement pour les États-Unis mais pour le monde entier et pour le capitalisme... Dans quel but ?
Cela a permis avant tout de recrédibiliser le jeu électoral et le retour sur le devant de la scène de la mystification "démocratique" afin de masquer provisoirement la faillite du capitalisme, pour les États-Unis comme pour le monde entier. Cette élection ne s'appuie pas seulement sur le soutien unanime de toute la bourgeoisie (tous les chefs d'État sans exception se sont publiquement réjouis de cette élection et ont chaudement félicité "l'heureux élu") mais elle a amené vers les urnes des millions d'Américains déshérités, ainsi que des Noirs ou des membres de minorités immigrés qui n'avaient jamais pris part à un vote de leur vie. Cette élection est parvenue à soulever une énorme vague d'espoir de changement de leurs conditions de vie misérables pour des millions d'exploités et d'opprimés grâce à une gigantesque opération publicitaire vantant le mirage de "l'union nationale", si chère à la bourgeoisie. Cette dernière a mis le paquet et a préparé le terrain pour obtenir un tel résultat équivalent à un raz-de-marée : il fallait rehausser le prestige des États-Unis autour d'un candidat idéal, jeune, dynamique, rassembleur et noir par dessus le marché : Obama. Cette victoire ne concerne que la bourgeoisie et, contrairement à ce qu'on voudrait nous faire croire, elle n'est pas celle d'une quelconque "communauté noire" ni des couches les plus pauvres de la société, ni même des prétendues "classes moyennes" . Elle ne va rien changer au sort des dizaines de millions de prolétaires et d'exploités qui, plus que jamais, n'en récolteront que davantage "de sang, de sueur et de larmes", selon la vieille expression consacrée par Churchill. Elle ne va pas changer la monstruosité du monde capitaliste. Avec la victoire d'Obama, il fallait surtout "effacer" l'image catastrophique des États-Unis après les huit années-Bush (qualifié de pire président connu dans l'histoire des États-Unis) : faire croire au renouveau, au changement, remplacer l'équipe "de néo-cons républicains" dépassés par les événements et marqués par la faillite de leurs "doctrines ultra-libérales" usées jusqu'à la corde dont Bush s'était entouré. Le "camp démocrate" avait bien compris ce besoin de changement de look de l'impérialisme américain en se permettant lors des primaires organisées dans chaque "camp" d'évincer la candidature d'Hillary Clinton qui, bien que faisant miroiter une autre "première", une femme présidente des Etats-Unis, a trop misé sur son expérience de vieille routière de l'appareil et de la politique, étant incapable de susciter un élan susceptible de canaliser une aspiration profonde à un renouvellement du personnel politique. De même, en face, chez les "républicains", on a tout fait pour ne pas gagner avec le "ticket" Mc Cain-Palin, avec le choix d'un vieux tocard de 72 ans, "héros" du Vietnam, un homme du passé, pas de l'avenir, rapidement "plombé" d'une part par son appartenance au même "camp républicain" que Bush (malgré les distances prises avec ce dernier) et surtout confronté à ses propres limites (ses bourdes à répétition d'homme dépassé par rapport au krach financier et économique). Enfin, le choix d'une "colistière" ultra-réactionnaire, "créationniste", complètement non crédible, a constitué un vrai repoussoir. Les ralliements massifs et spectaculaires à Obama dans le propre camp des républicains (comme le plus fameux, celui de l'ex-responsable de la défense nationale lors de la guerre en Irak sous l'investiture de Bush père, Colin Powell) ont également été des éléments déterminants témoignant d'un changement de stratégie de la bourgeoisie américaine la plus consciente des enjeux de la période.
Ce ravalement de façade de l'Amérique souligne la capacité d'adaptation d'une grande puissance déclinante qui, pour préserver sa crédibilité et rompre son dangereux isolement dans sa domination impérialiste, doit cesser d'apparaître toujours dans le même rôle de grand méchant gendarme du monde. Et, surtout, elle n'a pas d'autre choix pour faire accepter de faire partager le fardeau de la crise à l'échelle mondiale. Dans le capitalisme, "il n'y a pas de sauveur suprême, ni Dieu, ni César, ni tribun, le monde doit changer de base...". La "folle espérance" suscitée par "l'effet Obama" ne peut mener qu'à une très rapide terrible désillusion. Avec l'effet boomerang des attaques, des faillites, du chômage, de la misère, de la poursuite de la politique guerrière, de la récession et de l'endettement qui frappent à la porte, le retour à la réalité sera rude. Cette tentative de faire "peau neuve" ne saurait à terme sauver la peau du capitalisme, ni empêcher les États-Unis d'être la première puissance à s'enfoncer dramatiquement dans la pire crise mondiale de ce système. Seul le développement international de la lutte de classes est porteur d'une véritable espérance pour l'avenir de l'humanité.
W (21 novembre)
Profitant du cirque médiatique autour des élections américaines, le gouvernement a fait passer en catimini lors du vote sur le budget de la Sécurité sociale, un amendement scélérat qui repousse pour les ouvriers du secteur privé, la mise à la retraite d'office de 65 à 70 ans. Autrement dit, au nom de la "liberté" de pouvoir vendre sa force de travail plus longtemps, l'Etat s'apprête à allonger le temps de travail pour prétendre à une pension de retraite. Les partis de gauche ont voté contre, soi-disant pour défendre la retraite à 60 ans, sans aucun doute, pour faire oublier leurs brillants états de service en matière d'attaques sur les retraites dans les gouvernements précédents. Les syndicats, eux, se sont offusqués, car ils n'ont pas été consultés, comme si leurs interminables négociations dans les salons feutrés de Matignon avaient déjà empêché des attaques contre nos conditions de vie. Comme en 1993, ce sont d'abord les ouvriers du privé qui sont visés par cet amendement, mais ensuite comme en 2003 et en 2007, cela sera le tour des ouvriers du public et des employés qui bénéficiaient des régimes spéciaux. Le gouvernement vient d'ailleurs d'ouvrir les hostilités en faisant voter la possibilité pour le personnel navigant des compagnies aériennes de travailler jusqu'à 65 ans en faisant également éclater le statut de leur retraite : si elle maintient pour le moment le régime actuel de retraites pour les pilotes, elle introduit un nouveau régime beaucoup moins favorables pour les hôtesses de l'air et les stewards, tentant ainsi de diviser le personnel.
Quelle hypocrisie que de parler de libre arbitre alors que le choix réel c'est de s'épuiser au travail jusqu'à 65 ans et plus dans le futur ou partir avec une retraite amputée parce qu'on n'aura pas les annuités nécessaires ! Comme le souligne la présidente de la Caisse nationale d'assurance vieillesse, "en agitant l'épouvantail des 70 ans, cela permet d'une certaine façon de préparer l'opinion publique à un relèvement de l'âge minimal de la retraite ; la pilule passera mieux si on annonce dans quelques années un relèvement à 62 ans ou 63 ans" (1). Mais les sacrifices ne vont pas s'arrêter là, car pour la majorité des ouvriers ce qui s'annonce est bien pire encore, "le vrai problème n'est pas là, mais plutôt de savoir s'ils auront le libre choix de pouvoir s'arrêter de travailler. Si on ne fait rien, les retraites vont baisser et ceux qui auront des petites retraites seront obligés de continuer à travailler pour pouvoir vivre" (2).
Vivre ou survivre, voilà l'enjeu des années à venir ! En 1990, 19 % des ouvriers touchaient le minimum vieillesse, ils sont 40 % en 2007 (3). Avec les baisses des pensions complémentaires et la loi de 2003 qui allonge la durée de cotisation et change le mode de calcul des pensions, la pension d'un salarié moyen, calculée selon la réglementation actuelle, est inférieure de plus de 30 % à celle basée sur la législation de 1990 (idem). Étant donné l'accroissement du chômage et de la précarité du travail, de moins en moins de salariés vont pouvoir prétendre à une pension complète. Ils vont être obligés pour survivre de se mettre en quête d'éventuels petits boulots pour compléter leur maigre pension, comme c'est le cas déjà pour les ouvriers aux États-Unis, en Angleterre et dans la plupart des pays industriels.
Aujourd'hui, compte tenu de la profondeur de sa crise économique, le capitalisme n'a que faire de la santé de sa main d'œuvre. Tant pis si les ouvriers sexagénaires ne peuvent plus assumer leurs tâches, s'ils sont malades ou épuisés, où plutôt tant mieux, se dit la classe dominante. C'est de façon froide et toujours plus cynique qu'elle calcule notre devenir. Si nous ne sommes pas licenciés en cours de route, elle espère que nous serons contraints de laisser tomber notre emploi, résignés et au bout du rouleau, sans avoir obtenu les trimestres nécessaires. Que nous crevions à la tâche ou que nous partions avec une pension de misère, c'est le seul avenir que ce système peut nous offrir. Ne les laissons pas faire ! Ce n'est que par la lutte la plus unie et solidaire possible, ouvriers du privé, du public, des régimes spéciaux, chômeurs et retraités, tous ensemble, que nous pourrons faire reculer les attaques du gouvernement.
Daniel (21 novembre)
1) Le Monde du 17 novembre 2008.
2) Le personnel navigant a bien compris la manœuvre, d'où sa colère et les grèves menées pendant quatre jours à Air France, au grand dam des organisations syndicales qui étaient prêtes comme d'habitude (notamment le syndicat des pilotes) à négocier pour mieux faire passer la pilule.
3) Le Monde diplomatique, septembre 2008.
Nous publions ici le tract réalisé en commun par le CCI et le groupe Opposition ouvrière, distribué au Brésil le 20 octobre dans les assemblées générales de lutte des employés de banque.
La bourgeoisie brésilienne, confrontée à des mouvements échappant à son contrôle (en fait au contrôle des syndicats), utilise de manière grotesque son appareil répressif, la police, en vue d'intimider les travailleurs. C'est ainsi qu'à Porto Alegre (RS), dans le sud du Brésil, elle a réprimé violemment une manifestation d'employés de banque, le 16 octobre dernier, en faisant usage de gaz lacrymogènes, de balles en caoutchouc et blessant ainsi environ 10 personnes. Comme si la répression intervenue dans la matinée n'y suffisait pas, la "13e marche des Sans" (1) réunissant le même jour et dans la même ville, une dizaine de milliers de personnes fut, elle aussi, la cible de la répression policière dont il a résulté de nombreux blessés.
Avant cela, les dirigeants des banques et, parmi eux, le propre gouvernement, avaient déjà entrepris de prendre des mesures contre la grève actuelle des employés de banque en persécutant et licenciant des leaders, en vue de contenir le développement du mouvement.
Il est nécessaire de souligner que la lutte des employés de banque va actuellement au delà des revendications économiques classiques puisque sa revendication essentielle est celle de l'homogénéisation du traitement des employés. Les banques, et surtout les banques fédérales, ont créé un abîme entre la situation des employés de longue date et celle de ceux qui ont été embauchés depuis 1998, lorsqu'ont été supprimés certains "avantages" qui avaient été arrachés à travers la lutte même. Bien plus que la revendication d'une simple compensation économique, il s'agit donc d'un geste important de solidarité entre travailleurs, car il n'est pas possible d'accepter que nous soyons traités différemment, comme si certains d'entre nous étaient inférieurs, alors que nous effectuons tous le même travail, dans le mêmes locaux, en étant soumis aux mêmes pressions.
Il est également nécessaire qu'il soit bien clair que, tous nos "avantages" étant le fruit de la lutte, si certains d'entre nous en bénéficient, alors tous doivent en bénéficier, quel que soit le moment où ils ont été embauchés. De la même manière, cette grève cherche à récupérer ce qui nous a été supprimé, à tous cette fois-ci, comme les primes annuelles, etc. Toutes ces conquêtes économiques ont été le produit de nos luttes de résistance mais elles ont été annulées par la suite par les patrons avec la complicité de leurs "partenaires syndicaux".
Nous voulons également de meilleures conditions de travail, la fin du harcèlement moral, la fin des objectifs de vente de produits et services imposées par les banques ; tout ceci a occasionné tellement de maladies parmi les travailleurs du secteur bancaire. Nous le répétons, nous ne voulons pas être traités différemment les uns des autres. Nous ne pouvons pas être d'accord avec l'amputation de nos "avantages" qui sont le produit de nos luttes et non pas des cadeaux de la part des patrons du secteur privé ou public.
La revendication des mêmes conditions de travail et rémunération pour ceux qui sont actuellement embauchés constitue un acte de solidarité entre les différentes générations de travailleurs de ce secteur. C'est cette même solidarité dont nous devons faire la preuve en actes avec ceux qui ont été victimes de la répression de l'État. Nous ne pouvons pas renoncer à nous joindre et nous solidariser avec tous ceux qui luttent pour ne pas se laisser écraser par les nécessités du capitalisme en crise, avec tous ceux que la bourgeoisie a réprimé ou va vouloir réprimer du fait de leur implication dans les luttes.
Ces luttes et la répression de l'État ne constituent pas une question qui ne concerne que les employés de banques, mais bien l'ensemble des travailleurs, avec ou sans travail.
1) Mouvement qui réunit différentes catégories d'exclus sociaux, le Mouvement des Sans terre, le Mouvement des Sans toit, le Mouvement des Sans travail. Comme son nom l'indique, ce dernier est essentiellement constitué de prolétaires sans travail. Le mouvement des Sans toit regroupe des éléments de différentes couches non exploiteuses de la société, qui s'organisent notamment pour occuper des squats. Le mouvement des Sans terre est constitué lui aussi de différentes couches non exploiteuses de la société en provenance de la ville, sans travail et qui sont organisés au sein de cette structure pour l'occupation de terres à la campagne en vue de les cultiver. Cette structure est solidement contrôlée par l'État, en particulier depuis le premier mandat de Lula à la tête de l'État.
Le secteur de l'enseignement est l'un de ceux qui a dû essuyer le plus d'attaques successives d'envergure de façon quasiment ininterrompue au cours de ces dernières années, notamment une dégradation accélérée des conditions de travail et un flot de suppressions de postes, grandissant d'année en année. Les réformes en cours dans les écoles maternelles et primaires se traduisent ainsi par la suppression de 5500 postes alors qu'elles accueillent 20 000 enfants de plus. Dans le secondaire, la réforme en cours du bac professionnel et des programmes des lycées, avec suppression d'heures d'enseignement obligatoires à la clef, vont se traduire par de nouvelles dizaines de milliers de suppressions d'emploi. Ce sont également 3000 postes de RASED - Réseaux d'aides pour les élèves en difficulté, créés depuis une quarantaine d'années, soit le tiers des effectifs, qui sont supprimés - alors que ces RASED sont promis à la disparition pure et simple d'ici 3 ans. La colère et le ras-le-bol des enseignants s'expriment déjà depuis des mois. Il n'y a rien d'étonnant de constater que la journée de grève du 20 novembre dernier appelée par les syndicats de ce secteur ait été particulièrement suivie. Le taux de grévistes a oscillé entre 50 et 70 % et il a entraîné une forte mobilisation dans les rues des principales villes sur tout le territoire avec partout une participation importante des lycéens aux côtés des enseignants dans des manifestations qui, à l'échelle nationale, ont rassemblé autour de 200 000 personnes (dont 40 000 à Paris). L'ampleur de la mobilisation dans cette journée de grève a rendu quasiment inapplicable le service minimum dans les écoles à la charge de chaque municipalité récemment décrété par le gouvernement. Cependant, ces manifestations ont été également marquées par un très fort corporatisme favorisant leur isolement du reste de la classe ouvrière dans lesquels les syndicats et l'ensemble de la bourgeoisie cherchent à les enfermer. Non seulement aucun appel public n'a été lancé pour rejoindre ou participer à ces manifestations mais il est particulièrement frappant que, pour la manifestation parisienne, il était impossible de connaître à l'avance le parcours de cette manifestation. Cela ne pouvait que dissuader d'autres ouvriers touchés par des attaques similaires d'y participer ou de manifester leur solidarité. De plus, les slogans étaient tous dirigés et ciblés contre le ministre Darcos et dans les manifs elles-mêmes, les syndicats avaient organisé les défilés par établissements : chacun derrière la banderole de son école ou de son "bahut", chacun préoccupé à réclamer des postes ou des moyens supplémentaires pour défendre son propre établissement mais aussi classe par classe, incitant chacun à discuter avec ses collègues de travail de tous les jours des problèmes spécifiques dans son cours ou de tel ou tel élève... Alors que la classe ouvrière se retrouve attaquée de la même manière dans tous les secteurs sous les coups de boutoir de l'accélération de la crise et de la récession, les prolétaires se retrouvent ligotés dans des mobilisations syndicales émiettées et séparées de même qu'à travers une multitude de revendications spécifiques. Quelques exemples : le 22 novembre contre le projet de privatisation de La Poste, à la SNCF contre la réforme du fret (où 2 syndicats seulement avaient appelé à la grève le 18 tandis que seul Sud-Rail a maintenu sa consigne de grève pour le 23 au soir, après le retrait du préavis de grève par les deux autres principaux syndicats), dans le secteur automobile où des actions et manifestations sporadiques sont organisées séparément et quasi quotidiennement chez chaque constructeur et sur chaque site menacé par les licenciements, sans compter les dizaines de milliers d'emplois supprimés avec la multiplication des fermetures d'entreprise pleuvant dans le privé.
Quel que soit le niveau de combativité des grévistes, se laisser entraîner derrière les manœuvres syndicales mettant sans cesse en avant des revendications catégorielles ou spécifiques, sur le terrain du cloisonnement localiste et corporatiste, ne peut déboucher que sur un sentiment démoralisant de stérilité et d'impuissance. Les prolétaires doivent prendre conscience du besoin grandissant d'unité et de solidarité de leurs luttes pour pouvoir s'opposer aux attaques de la bourgeoisie et au travail de division et d'éparpillement des syndicats.
Ava (22 novembre)
Face à la crise économique qui est en train de ravager la planète, le 15 novembre s'est tenue la fameuse réunion internationale qui, telle qu'elle nous était présentée à l'origine, devait changer le monde et "bouleverser les règles de fonctionnement du capitalisme" : le G20. Ce sommet exceptionnel réunissant les membres du G8 (Allemagne, France, Etats-Unis, Japon, Canada, Italie, Royaume-Uni, Russie) plus l'Afrique du Sud, l'Arabie Saoudite, l'Argentine, l'Australie, le Brésil, la Chine, la Corée du Sud, l'Inde, l'Indonésie, le Mexique et la Turquie, devait en effet jeter les bases d'un nouveau capitalisme, non seulement plus sain mais aussi plus humain. Que l'on se souvienne ! En septembre, alors qu'un véritable vent de panique faisait rage sur les places boursières, tous les grands de ce monde, les Bush, Merkel et consorts, annonçaient en grande pompe la tenue d'une grande conférence internationale. Nicolas Sarkozy, le président de la République française et de l'Union Européenne, avait même tenu à l'occasion des discours "radicaux" comme le 23 septembre à la tribune de l'ONU où il avait plaidé pour "un capitalisme régulé" et "moralisé", n'hésitant pas à affirmer la nécessité de "refonder le capitalisme".
Cette réunion a bien eu lieu. Résultat ? Rien ou presque. Même la presse internationale a été obligée de reconnaître que "la montagne avait accouché d'une souris". Évidemment, personne ne s'attendait sérieusement à voir apparaître un "capitalisme plus humain". Cela n'existe pas et les dirigeants politiques du monde en parlent comme les parents parlent du Père Noël à leurs enfants. Le capitalisme est et sera toujours un système d'exploitation brutal et barbare. Mais même du point de vue de la lutte contre la crise économique, les résultats de ce sommet sont particulièrement maigres. En voici les conclusions dans un jargon d'initiés particulièrement incompréhensible :
- la limitation des "effets procycliques" (aggravants) des règles en vigueur sur les marchés financiers ;
- l'alignement des normes comptables au niveau mondial, en particulier "pour les produits financiers complexes" ;
- l'amélioration de la transparence des "marchés dérivés" pour réduire "les risques systémiques" ;
- l'amélioration des "pratiques de compensation" ;
- l'évaluation du mandat, du mode de gouvernance et des besoins en ressources des institutions financières internationales ;
- la définition du champ des institutions ayant une "importance systémique" - dont l'effondrement menacerait l'ensemble du système financier mondial et qui nécessiterait donc une action coordonnée pour éviter leur défaillance.
Bref, il s'agit de jouer au pompier de service en soutenant financièrement la finance et les secteurs stratégiques de l'économie. Rien de nouveau qui ne soit déjà fait.
Il faut tout de même reconnaître une chose. Il est vrai qu'aujourd'hui, contrairement à 1929 (où les États, dans un premier temps, n'avaient pas réagi et avaient laissé s'écrouler des pans entiers de l'économie), toutes les bourgeoisies se sont très rapidement mobilisées. A coups de milliers de milliards de dollars, elles tentent de sauver les centres vitaux de leurs économies comme les banques, les grandes industries... Et pour ce faire, elles se rencontrent, tentent de colmater les brèches les plus béantes, agissent parfois de concert alors que là encore, en 1929, elles avaient fait tout le contraire (elles avaient tiré à hue et à dia, tombant dans un protectionnisme effréné, fermant leurs frontières aux marchandises étrangères et aggravant finalement la crise mondiale). C'est cette mobilisation internationale qui a permis d'éviter l'effondrement brutal du système financier et la faillite des plus grandes banques, tant redoutés par les économistes ces derniers mois.
Mais si la faillite de tout le secteur bancaire en particulier a été évitée, aucune réelle solution, aucune perspective de relance durable ne peuvent émerger de toutes ces discussions qui ont lieu depuis début septembre, ni du G7, ni du G8, ni du... G20 !
La bourgeoise est impuissante, elle ne peut pas régler la crise historique de son système car celui-ci est touché par une maladie mortelle : la surproduction. C'est pourquoi le capitalisme entré dans sa phase de décadence depuis près d'un siècle est traversé par des convulsions irrémédiables et qu'il fait subir à l'humanité une suite ininterrompue de guerres (les deux guerres mondiales en sont le symbole le plus fort) et de crises économiques. Le résultat du G20 est une démonstration visible de cette impuissance : alors que la crise fait rage, que la famine menace des pans entiers de l'humanité, que dans les pays les plus développés, le chômage et la pauvreté explosent, tout ce que peuvent faire les plus grandes sommités de la planète, c'est de voter des résolutions aussi vagues qu'abstraites "pour des règles plus strictes et un meilleur contrôle des spéculateurs et des banquiers". Plus ridicule encore, ces décisions du G20 ne sont même pas applicables tout de suite mais doivent être discutées par une commission d'experts dont les conclusions seront re-discutées le... 30 avril 2009 ! Il n'y a décidément rien à attendre de tous ces sommets.
Les économistes peuvent bien appeler de leurs vœux un nouveau New Deal ou un nouveau Bretton Woods, ils sont bien incapables de comprendre le sens réel de la situation actuelle. Un nouveau New Deal ? Mais l'endettement qui avait permis en 1933 et en 1938, sous l'impulsion de Roosevelt, de mener une politique de grands travaux et de relancer l'économie a déjà été réalisé au centuple au cours de ces dernières décennies. Les États, les entreprises, les ménages supportent déjà le poids d'une dette insoutenable et sans cesse croissante. Non, il n'y aura pas de nouveau New Deal ! Un nouveau Bretton Woods alors ? En 1944, l'organisation d'un système financier international basé sur le dollar avait permis de fluidifier et de stabiliser les échanges sur lequel la croissance économique avait pu s'appuyer. Mais aujourd'hui, il n'y a plus de superpuissance permettant de stabiliser les échanges mondiaux ; au contraire, nous assistons à la perte de crédit et de capacité des Etats-Unis à jouer leur rôle de locomotive de l'économie mondiale. D'ailleurs, au cours de ce G20, toutes les autres puissances ont contesté la mainmise américaine, à commencer par la France et son porte-parole, Nicolas Sarkozy. Et il n'y aucune nouvelle puissance émergente à l'horizon susceptible de jouer ce rôle, à commencer par la prétendue Union Européenne, traversée par la lutte pour la défense d'intérêts nationaux parfaitement contradictoires et opposés les uns aux autres. Non, il n'y aura pas de nouveau Bretton Woods. Tout au plus, répétons-le, des "mesurettes" seront prises afin de limiter les dégâts. Tout cela ne fera en fin de compte qu'étaler la crise dans le temps et préparer des lendemains plus sombres encore.
Les mauvaises nouvelles économiques et les annonces de plans de licenciements qui pleuvent en ce moment laissent entrevoir de quoi demain sera vraiment fait. Toutes les instances internationales, les unes après les autres, prévoient la récession pour 2009. Selon l'OCDE, la zone euro devrait voir son activité reculer de 0,5 %. La Grande-Bretagne serait plus touchée encore avec des prévisions de - 1,3 % ! Le Japon est déjà en récession à hauteur de - 0,1 % et son économie devrait continuer de plonger l'année prochaine. Pour les États-Unis, la FED (la banque centrale américaine) envisage une croissance négative de - 0,2 %, mais Nouriel Roubini, l'économiste le plus écouté aujourd'hui à Wall Street suite à l'exactitude de toutes ses prévisions ces deux dernières années sur la détérioration de l'économie mondiale, pense quant à lui possible la réalisation d'un scenario cauchemar avec une contraction de l'activité de l'ordre de 5 % durant deux années consécutives, en 2009 et 2010 ! (1) Nous ne pouvons savoir si tel sera le cas, il est inutile de faire bouillir les marmites de l'avenir, mais le simple fait que l'un des économistes les plus réputés de la planète puisse envisager un tel scenario catastrophe révèle l'inquiétude de la bourgeoisie et la gravité réelle de la situation !
Côté licenciements, le secteur bancaire poursuit son jeu de massacre. Citigroup, l'une des plus grandes banques du monde, vient d'annoncer la suppression de 50 000 emplois alors qu'elle en a déjà détruit 23 000 depuis début 2008 ! A côté de ce cataclysme, les annonces de la suppression de 3200 postes de travail chez Goldman Sachs ou de 10 % des effectifs de Morgan Stanley sont du coup passées presque inaperçus. Rappelons que la sphère de la finance, sans compter ces dernières nouvelles, a déjà détruit plus de 150 000 emplois depuis janvier 2008.
Autre secteur particulièrement touché, celui de l'automobile. En France, Renault, premier constructeur du pays, a tout simplement arrêté sa production courant novembre ; plus aucune voiture ne sort de ses ateliers et cela alors que ses chaînes tournent déjà depuis des mois au ralenti, à 54 % de leurs capacités en Europe (2). PSA Peugeot-Citroën vient d'annoncer 3350 suppressions de postes et de nouvelles mesures de mise au chômage technique pour un mois. Mais, dans le secteur de l'automobile, c'est une nouvelle fois des États-Unis que les nouvelles les plus alarmantes parviennent : les fameux Big Three de Detroit (General Motors, Ford et Chrysler) sont au bord de la faillite. Si l'État américain ne les renfloue pas, c'est entre 2,3 et 3 millions d'emplois qui sont directement menacés (intérimaires et salariés de la sous-traitance étant les premiers touchés). Et dans un tel cas, les ouvriers licenciés ne perdraient pas seulement leur boulot mais aussi leur assurance maladie et leur retraite ! Même si, comme c'est le plus probable, l'État américain sort de sa poche un plan de financement, les restructurations vont être particulièrement violentes dans les mois à venir, les charrettes de licenciements se succéderont à un rythme infernal.
Le résultat attendu de toutes ces attaques est évidemment une explosion de la misère. En France, le Secours populaire et Emmaüs constatent déjà pour septembre une augmentation de près de 10 % des personnes survivant grâce à la soupe populaire, et les jeunes semblent particulièrement touchés.
L'avenir n'est pas à un capitalisme plus "humain" ou plus "moral" comme veulent nous le faire croire tous ces bonimenteurs réunis en G7, G8 ou G20, mais à un capitalisme toujours plus barbare, répandant les affres de la misère et de la faim.
Face à la crise et aux attaques du capitalisme, il n'y a qu'une seule issue : le développement des luttes de la classe ouvrière.
Pawel (21 novembre)
1) Source : www.contreinfo.info [1085]
2) A travers cet exemple rejaillit toute l'absurdité de l'économie capitaliste. D'un côté, le développement de la misère, de l'autre des usines qui tournent à la moitié de leur capacité ! La raison en est simple : le capitalisme ne produit pas pour les besoins de l'humanité mais pour vendre et réaliser du profit. Si une partie de l'humanité n'a pas de quoi payer, elle peut bien crever, les capitalistes préféreront fermer leurs usines et détruire leurs marchandises invendues plutôt que de les donner !
Cet article, dénonçant la propagande mensongère entourant l’élection d’Obama, est repris d’Internationalism, section du CCI aux Etats-Unis.
La tempête propagandiste autour de la campagne électorale a enfin cessé au bout de presque deux ans. Les médias aux ordres de la classe dominante nous disent qu’il s’agit de l’élection la plus importante de l’histoire des États-Unis, démontrant une fois de plus la puissance et la supériorité de la “démocratie”. Cette propagande crie haut et fort que non seulement nous avons pour la première fois de l’histoire américaine un président afro-américain, mais aussi que, par-dessus tout, la victoire d’Obama porte avec elle un profond désir de changement. On nous dit encore que le “peuple a parlé”, et que “Washington a écouté”, grâce à l’œuvre miraculeuse des urnes. On nous dit même que l’Amérique a dès à présent dépassé le racisme et est devenue une véritable terre de fraternité.
Ainsi, aujourd’hui, Obama est devenu président. Mais qu’est-ce que cela signifie en réalité ? Obama a promis le changement, mais cette promesse n’est rien d’autre qu’une illusion. Toute cette campagne n’a été qu’un mensonge hypocrite, qui s’est servi des espoirs d’une population, et surtout d’une classe ouvrière terriblement épuisée par la misère et la guerre. Les véritables gagnants de ces élections ne sont pas plus “Joe le plombier”, symbole de “l’Américain moyen”, que les afro-américains qui font partie de la classe ouvrière américaine, mais bien plutôt la bourgeoisie américaine et ses représentants. Il est clair que les mêmes attaques incessantes vont continuer de s’abattre sur les ouvriers. La misère va ainsi continuer de s’aggraver inexorablement.
Obama n’a pas davantage été un candidat de la “paix”. Sa critique essentielle envers Bush porte sur l’enlisement en Irak et sur sa politique qui a laissé l’impérialisme américain incapable de répondre de façon appropriée aux défis posés à sa domination. Obama prévoit d’envoyer plus de troupes en Afghanistan et a clairement déclaré que les États-Unis devaient être prêts à répondre militairement à toute menace contre ses intérêts impérialistes. Il a été en outre très fortement critique par rapport à l’incapacité de l’administration Bush à répondre au niveau requis à l’invasion de la Géorgie par la Russie l’été dernier. Voilà quel champion de la paix il est !
Pendant les débats présidentiels, Obama a expliqué qu’il soutenait le renforcement de l’éducation aux États-Unis, parce qu’une force de travail bien éduquée était vitale pour une économie forte et qu’aucun pays ne peut rester une puissance dominante sans une économie forte. En d’autres mots, il voit les dépenses d’éducation comme une pré-condition à la domination impérialiste. Quel idéalisme !
Il n’y a donc rien à attendre pour la classe ouvrière de cette venue au pouvoir d’Obama. Pour la classe dominante, par contre, cette élection représente un succès presqu’au-delà de ses rêves les plus fous.
Elle a permis de ravaler la vieille façade de l’électoralisme et du mythe démocratique, qui avaient été mis à mal depuis 2000 et avaient conduit à un sentiment de désenchantement par rapport au “système” chez beaucoup de monde. L’euphorie post-électorale – comme les danses dans les rues pour saluer la victoire d’Obama – est un témoignage de l’étendue de la victoire politique de la bourgeoisie. L’impact de cette élection est comparable à la victoire idéologique qui est apparue immédiatement après le 11 septembre 2001. Tout de suite après, la bourgeoisie profitait d’une poussée d’hystérie nationaliste lançant la classe ouvrière dans les bras de l’État bourgeois. Aujourd’hui, l’espoir dans la démocratie et dans la magie du leader charismatique, fait plonger de larges secteurs de la population vers l’illusion de l’État protecteur. Au sein de la population noire, le poids de cette euphorie est particulièrement lourd ; il existe à présent une croyance largement répandue que la minorité opprimée a pris le pouvoir. Les médias bourgeois célèbrent même le dépassement par l’Amérique du racisme, ce qui est parfaitement faux et tout aussi ridicule. La population noire des États-Unis fait partie des secteurs les plus exploités et les plus désenchantés de la population.
Au niveau international, la bourgeoisie a bénéficié presque immédiatement d’une prise de distance de la nouvelle administration par rapport aux erreurs du régime de Bush sur la politique impérialiste et d’une ouverture opportune vers le rétablissement de l’autorité politique, de la crédibilité et du leadership de l’Amérique dans l’arène internationale.
Au niveau de la politique économique, les efforts de la nouvelle administration Obama pour mettre en oeuvre les nécessaires mesures capitalistes d’État afin de consolider le système d’oppression et d’exploitation vont se déployer à une échelle inégalée. Si dès aujourd’hui les gouverneurs de chaque État, comme de l’État fédéral, sont en train d’attaquer les services et les programmes sociaux à cause de la crise économique, Obama ne promet rien de mieux pour demain. Il est au contraire le premier avocat de la nécessité de soutenir ou renflouer... les plus grandes entreprises, les banques et les compagnies d’assurance, et de les faire financer par de plus grands sacrifices de... la classe ouvrière !
Malgré la griserie de son succès, consciente qu’elle ne pourra pas mettre en oeuvre les changements promis durant la campagne, la bourgeoisie développe déjà une campagne de façon à “tempérer l’enthousiasme”. On a ainsi pu entendre des propos soulignant que “Obama ne peut que remettre de l’ordre dans la politique catastrophique et malhonnête de Bush”, et qu’“il y a un héritage des erreurs du passé”, “le changement ne viendra pas immédiatement”, “les sacrifices seront nécessaires”...
Face à tout cela, nous devons rappeler les positions historiques de notre classe :
– la démocratie, c’est la dictature de la classe dominante ;
– la classe ouvrière doit se battre et s’organiser elle-même pour défendre ses propres intérêts ;
– seule la révolution communiste mondiale peut mettre fin à l’exploitation capitaliste et à son oppression.
L’euphorie actuelle ne peut être que de courte durée. Les programmes d’austérité que chaque État comme le gouvernement central vont devoir mettre en place appellent à un nécessaire développement de la lutte de classe. La faillite prévisible de l’administration Obama pour réaliser les “changements promis”, une amélioration des conditions de vie et un “programme plus social”, conduira inévitablement au désenchantement et à alimenter l’expression d’un mécontentement de classe plus fort.
Internationalism
organe du CCI aux États-Unis
(11 novembre 2008)
Cet article consacré aux luttes de 2007 cherche d’abord à montrer à quelles difficultés se heurtent les mouvements de grève actuels, d’où son titre, “De quelques illusions et de leur avenir”. Cette tonalité du titre trouve sa justification dans le fait que, selon les camarades : “Les mouvements de grèves dans les transports, dans les universités et les lycées ont donné lieu à une série d’illusions. Illusion qu’il serait souhaitable de pouvoir compter avec les syndicats et les médias. Illusion encore quand on croit possible de développer des luttes politiques offensives à l’intérieur d’un espace pseudo-démocratique qui n’est jamais que l’expression de la violence légale de l’Etat et de ses appareils.”
Cependant, Négatif ne
s’arrête pas à ce constat et s’efforce aussi de montrer la force
de ces mouvements et tout ce qui a pu constituer un pas en avant dans
l’évolution de la lutte de la classe ouvrière.
En effet, à côté des faiblesses que le mouvement a pu exprimer, Négatif constate immédiatement : “Pourtant, en même temps, nous voyons émerger d’autres principes, les nôtres, qui sont comme des promesses : le désir d’autonomie et la nécessité d’une auto-organisation.”, ou encore : “La volonté d’auto-organisation et d’autonomie par rapport aux partis et aux syndicats s’est accompagnée d’une tentative de mettre fin à la séparation et au corporatisme.”
Ce désir d’autonomie, cette rupture, en tant que tendance, existe bel et bien dans la situation. Le sentiment de solidarité, la volonté d’extension de la lutte et la défense du principe de l’auto-organisation, sans pouvoir bien entendu se déployer pleinement tout de suite, ont bien représenté des caractéristiques majeures de ces mouvements. Et ce sont les promesses de l’avenir. Car, selon la théorie marxiste dont nous nous revendiquons, le terme d’autonomie ne se réfère pas au fédéralisme des anarchistes mais se comprend dans le sens d’une autonomie de classe, c’est-à-dire d’une rupture par rapport à l’idéologie et aux institutions de la classe dominante.
Comme
l’analyse encore les camarades de Négatif : “En plusieurs endroits,
nous avons vu des étudiants aller dans les assemblées générales
des cheminots ou des travailleurs de la RATP, mais l’inverse a
été vrai aussi, dans le but de faire converger les luttes ; dans
certains cas, des actions communes comme le blocage des voies dans les
gares ont eu lieu. Des pratiques vivantes et autonomes s’esquissent
dans le brouillard ambiant, et la tentation d’auto-organisation face
aux politiques de régression sociale, pour ne pas dire face
à la réaction sociale, existe”. Ce qui était jusqu’alors
l’exception, des assemblées générales vivantes, réellement contrôlées
par les travailleurs eux-mêmes, sont apparues de façon significative
dans le mouvement. Ces assemblées générales prétendent décider
par elles-mêmes des revendications qui seront mises en avant et des
actions pour les faire aboutir. Trop longtemps contenue dans le corset
de fer syndical, la volonté de s’exprimer, de participer à toutes
les décisions et à toutes les discussions, jaillit ici et là, parfois
de façon spectaculaire. Si l’existence d’assemblées générales
vivantes s’est développée plus largement et plus facilement chez
les étudiants, comme lors du mouvement du printemps 2006 contre le
CPE, il n’empêche : il s’agit-là d’une tendance de fond de la
lutte de la classe ouvrière. Et comme le souligne Négatif, “par
ailleurs, les étudiants ne sont plus seulement des
étudiants, mais aussi déjà des travailleurs.”
Cette volonté d’extension et d’auto-organisation de la lutte représente dans les mouvements actuels le germe du futur et, inévitablement, elle a trouvé les syndicats en travers de son chemin. Sur cet aspect central, nous sommes également d’accord avec les camarades de Négatif : “Cette volonté de participation directe à la grève en prenant part aux décisions quant à la conduite du mouvement et à ses modalités sont une remise en cause des pratiques syndicales qui étaient jusqu’à présent dominantes (…) Les syndicats, en tant que bureaucraties parties prenantes de l’ordre établi et de l’administration des hommes sous le régime capitaliste, étaient déjà contre la révolution et l’émancipation sociale et politique. Maintenant plus personne ne peut ignorer qu’ils sont aussi contre la grève, sauf à parler en termes de simulacre et de simulation, ce que sont toujours les grèves d’une journée sans perspective appelées par les directions syndicales et qui, de ce fait, renvoient à la routine et la dépossession plutôt qu’à l’autonomie.” Toute la tactique des syndicats consiste à diviser, à cloisonner, à disperser les luttes en les concentrant sur les problèmes spécifiques du secteur et en se présentant comme des spécialistes irremplaçables dans les négociations. Mais, malgré toute leur habileté et le poids de la tradition qui pèse sur les ouvriers, ils finissent par apparaître pour ce qu’ils sont, des ennemis de classe, lorsqu’on examine de près leurs manœuvres.
S’ils voient avec clarté le rôle de saboteurs des syndicats (“Ainsi a-t-on pu voir la CGT, main dans la main avec la CFDT, FO et consorts pour négocier avec le gouvernement sur des bases qui n’avaient rien à voir avec les revendications défendues dans les AG souveraines à la SNCF ou à la RATP”), les camarades de Négatif tendent encore à se fixer sur la forme syndicale et doivent aller plus loin dans leur critique du contenu de l’action syndicale. C’est le cas notamment lorsque l’article oppose la base à la direction syndicale ou à la bureaucratie syndicale. D’autres passages qui présentent le syndicat comme “un appareil bureaucratique d’État” nous semblent beaucoup plus proches de la réalité. Mais identifier une base face à un sommet qui se serait autonomisé, cela veut dire d’abord continuer à confondre la classe et les syndicats, et surtout présenter ceux-ci comme une émanation des travailleurs. Le mouvement de classe peut être plus ou moins bien organisé, plus ou moins combatif, plus ou moins conscient, plus ou moins avancé dans son processus d’unification, mais il n’est jamais constitué d’une base et d’un sommet, ce que les ouvriers expriment par la révocabilité permanente des délégués dans les comités de grève dès que le mouvement prend de l’ampleur. Il doit être clair que les syndicats sont bel et bien une émanation directe de l’État et pas du mouvement lui-même. Il ne s’agit donc pas seulement, bien que cela soit nécessaire, de dénoncer les pratiques de la “bureaucratie” ou les “directions” syndicales, mais de rejeter les syndicats eux-mêmes.
L’article de Négatif s’attaque par ailleurs avec raison aux médias qui “finissent toujours par désamorcer un mouvement radical par intégration et par détournement de son sens initial, bloquant toute possibilité de communication vraie et donc d’expériences sociales et politiques réelles ou “réalisantes”.” Il est vrai que l’appel aux médias pour populariser la lutte est une illusion dangereuse qui est encore profondément ancrée, y compris chez des travailleurs qui pressentent déjà le rôle tenu par les syndicats. L’illusion que l’on pourrait faire appel aux médias pour “populariser” la lutte représente en effet un affaiblissement, jamais un renforcement, car ces appels se substituent à la recherche de la solidarité active et de l’extension dans les rangs des travailleurs eux-mêmes. Il se traduit de plus par l’insistance sur ce qui constitue la spécificité du secteur concerné et des problèmes rencontrés. “Se demander comment il serait possible de séduire les médias ou d’attirer leur attention”, comme le critiquent les camarades, est d’ailleurs une tactique syndicale éprouvée afin de pousser à l’isolement de la lutte car il s’agit là de mettre en avant ce qui est spécifique à telle entreprise, d’appuyer sur ce qui est particulier, et non ce qui concerne le plus grand nombre, facteur d’unité. C’est l’attirail classique des syndicats et il fait apparaître le partage des tâches réel qui existe entre les syndicats et les médias bourgeois, toujours prompts à jouer leur rôle de valets de l’Etat, quelle que soit la coloration des gouvernements en place.
Les camarades de Négatif continuent leur réflexion en remarquant à juste titre : “Ces assemblées générales souveraines de lutte ne se sont d’ailleurs pas seulement contentées de discuter de la réforme des régimes de retraite puisque, par endroit, il y a été aussi question du travail lui-même. Les grévistes ont donc aussi, même aux marges du mouvement, fait directement de la politique en s’emparant de la question économique d’habitude dévolue aux spécialistes et aux technocrates : pourquoi travaille-t-on, dans quel but et pour quel coût humain et écologique ?” Et ils opposent cette poussée vers une politisation, même si elle a été marginale, à la forme syndicale de la lutte : “Parcellaire et corporatiste, la lutte syndicale s’en tient le plus souvent à une défense des intérêts économiques des travailleurs, sans se préoccuper de la vie quotidienne dans sa totalité ni de l’institution d’un espace politique où il serait possible de repenser les problèmes politiques essentiels : la production et la reproduction de la vie humaine et son organisation.” Ils en arrivent ainsi à définir l’action syndicale principalement comme une tentative de maintenir le mouvement sur un terrain strictement économique. C’est vrai que les syndicats sont là pour cloisonner les luttes et donc, en particulier, ils font tout pour empêcher que les travailleurs raisonnent en termes politiques généraux. Cela ne signifie par pour autant que le syndicat assure la “défense économique des travailleurs”. Tout au contraire, il sabote à la fois le côté politique et le côté économique d’une lutte de classe qui s’affirme en fait comme une unité dialectique. La grande force des syndicats c’est précisément leur capacité à détruire cette unité. Malgré les discours, ils sont bien contre les grèves, y compris dans leur aspect revendicatif immédiat.
L’article de Négatif contient en fait la réponse à ce problème lorsqu’il pose la nécessité de la politisation de la lutte. C’est en effet à travers ce processus de politisation qu’on peut apprécier les avancées du mouvement général de la classe. Bien entendu, c’est la confrontation avec la classe dominante, l’existence de minorités plus combatives et plus conscientes, qui permettront à la grande masse des ouvriers de gagner en expérience et de développer leur conscience. Mais dans le cours de ce processus, il y a un facteur déterminant, c’est la capacité à élargir la lutte. Élargir la lutte cela signifie dépasser les divisions sectorielles (extension), prendre en mains la lutte avec une participation active du plus grand nombre (auto-organisation), cela signifie surtout élargir la vision qu’on a de la lutte, comprendre qu’il ne s’agit pas d’un problème lié à une entreprise, à un métier, ou encore à un pays, qu’il s’agit d’un problème social et international, en un mot un problème politique. Dans le cours de cette dynamique, il ne s’agit aucunement de nier la question des revendications immédiates (économiques si on veut), mais de la replacer dans un contexte plus large, plus politique.
En fait, l’avenir du combat prolétarien dépend complètement du processus de politisation qui s’y mène, de son rythme, de sa capacité ou non à le mener jusqu’au bout. L’article formule cette question de la façon suivante : “La tâche la plus urgente est à l’élargissement et à la politisation de la lutte sur des bases radicales. Mais à la radicalité des formes d’organisation doit répondre une nécessaire radicalité dans les formes d’action et dans la conception de l’organisation sociale et politique. La volonté d’autonomie ou d’auto-organisation et la référence de plus en plus appuyée à l’idée de la convergence des luttes pour l’émancipation sociale ne doivent pas masquer l’essentiel : la définition d’un contenu politique articulé avec des luttes politiques radicales réelles”.
Il reste à définir ce “contenu politique”. Par rapport au but de l’émancipation sociale : une société sans classes ni frontières nationales, sans marchandise et sans État, il est légitime que les camarades de Négatif se demandent, à travers l’analyse des obstacles mais aussi des avancées observés dans les dernières luttes, à quelle étape nous sommes dans le processus de politisation, en particulier par rapport à l’illusion qu’on pourrait réformer le capitalisme au profit des exploités, ou, tout au moins, obtenir des garanties. “Tout se passe comme si après les échecs des luttes contre la réforme des régimes de retraite en 2003, plus rien n’était possible, écrivent-ils. Et effectivement, il se pourrait que plus rien ne soit possible d’un point de vue réformiste.” Ou encore : “Les temps sont à l’actualisation et au renouvellement de la lutte pour la liberté et l’égalité sociale. C’est-à-dire à l’hypothèse révolutionnaire.”
La réflexion qui se mène actuellement au sein de la classe ouvrière est quelque chose de palpable. Elle s’exprime par les débats passionnés qui agitent des minorités déjà politisées aux quatre coins du monde, mais elle s’élargit à des cercles de plus en plus larges : Quel monde voulons-nous ? Une société sans classes est-elle possible ? Telles sont les questions qui reviennent et qui reflètent la tendance à la généralisation de la conscience dans la classe. Les camarades ont raison lorsqu’ils affirment que : “Pratiques sociales et contenus politiques ne se réélaboreront sans doute que dans le cadre d’espaces oppositionnels inédits où idées, pratiques et expériences circuleront et s’accumuleront parce que nous vivons une époque de ruptures importantes.”
La multiplication des lieux de discussion est inscrite dans la situation. C’est l’indice d’une profonde maturation souterraine à l’œuvre aujourd’hui au sein du prolétariat.
Avrom E.
En
France, alors que la plus forte récession depuis la Seconde Guerre
mondiale (comme en Allemagne, en Espagne, en Grande-Bretagne ou aux
Etats-Unis) est annoncée pour 2009, le gouvernement Sarkozy tente de
faire passer un certain nombre de « réformes » destinées
à frapper de nombreux secteurs, dans un contexte de mécontentement
social qui tend de plus en plus à se généraliser. Face à une
telle situation, la bourgeoisie déploie une série de manœuvres en
tous genres. En particulier, les syndicats, qui ne cessent
d’émietter et d’éparpiller toute riposte ouvrière depuis des
mois, ont été contraints d’appeler à une grève générale
interprofessionnelle, mais seulement… le 29 janvier, pour se donner
le temps de se concerter avec le reste de la bourgeoisie.
Dans
toutes les couches de la société, la paupérisation et la précarité
se font brutalement sentir, et en particulier chez les nouvelles
générations encore scolarisées. Face au mur du chômage et à
l’avenir bouché que leur réserve le capitalisme en crise, les
jeunes générations de prolétaires, surtout dans les lycées et les
collèges, où les trois-quarts sont des enfants d’ouvriers, se
mobilisent de plus en plus fortement. Ces lycéens et ces étudiants
se réfèrent en outre de plus en plus fréquemment à l’expérience
et aux méthodes de leurs aînés qui se sont mobilisés massivement
contre le CPE en 2006 et contre la LRU en 20071.
L’agitation n’a d’ailleurs pas cessé au cours de ces derniers
mois avec les luttes contre les suppressions massives de postes dans
l’Education nationale et la suppression programmée des RASED
(Réseaux d’aide pour les élèves en difficulté). L’aspect le
plus significatif de l’expression de ce ras-le-bol et de cette
combativité montante est que malgré le « recul » du
ministre Darcos reportant d’un an sa réforme sur les programmes
des lycées (classes de seconde), reniant ainsi piteusement sa
tonitruante déclaration 48 heures auparavant : « Je
ne serai pas le ministre de l’hésitation nationale »,
la mobilisation des lycéens n’a pas faibli. Au contraire, elle
s’est amplifiée, comme en témoigne la journée du 18 décembre où
150 000 lycéens se sont retrouvés dans les rues à travers
tout le pays, au lendemain même de la reculade du ministre, pour
réclamer l’abrogation pure et simple de la réforme. De nombreux
établissements scolaires étaient toujours bloqués à Bordeaux,
Lille, Brest, Toulouse ou Paris à la veille des vacances de fin
d’année. Ils promettent de faire repartir le mouvement dès la
rentrée : une grève massive est annoncée pour le 17 janvier
dans le secteur, provoquant un nouveau pas en arrière de Darcos,
désormais hanté par la crainte « d’une
agitation sociale allant bien au-delà de la réforme des lycées »2,
qui promet de « tout
reprendre à zéro »
et de convoquer des Etats généraux sur l’école début 2009. Il
faut dire que ce « recul » a été dicté par Sarkozy
proclamant partout qu’il redoutait le déclenchement d’une
« série
d’affrontements sociaux, voire des événements violents en
France »
et toute la presse s’est fait l’écho de cette « grande
peur » : « Climat
tendu dans les lycées, malaise et crise chez les salariés : la
classe politique s’inquiète d’une possible agitation sociale, à
l’image de la Grèce. » « Après la Grèce, la France
peut-elle s’enflammer ? »
(titres de 1ère
page de Libération
du 12 décembre), « Social,
jeunesse, banlieues : la France gagnée par l’inquiétude, la
droite comme la gauche scrutent attentivement les événements de
Grèce »
(manchette du Monde
du 13 décembre) ou, selon l’éditorial de Marianne
signé N. Domenach, « Le
feu, d’un bout à l’autre du monde ? » :
« ‘Il
suffirait d’une étincelle’,
s’alarment des élus inquiets, carrément angoissés à gauche,
mais pas non plus rassurés à droite… Beaucoup savent qu’un
mistral télévisuel est capable de propager n’importe quel feu
social. »
Au PS, Julien Dray3
a proclamé explicitement que « le
syndrome grec menace l’ensemble des pays parce qu’on est dans une
crise très grave, avec une explosion des inégalités sociales ».
Et en effet, les jeunes générations en lutte se reconnaissent dans
la révolte et la mobilisation actuelle des étudiants en Grèce
envers lesquels un profond sentiment de solidarité se dégage (comme
le démontre la participation nombreuse de lycéens aux
manifestations contre la répression en Grèce). Cette crainte de
la bourgeoisie explique l’attitude provocatrice des forces de
l’ordre pour inciter à l’affrontement comme à Lyon le 18
décembre (voir article page 3) visant à discréditer le mouvement
lycéen et à les faire passer pour des casseurs. De la même façon,
on a vu les médias mettre sans cesse en avant des faits divers avec
des histoires horribles sur les jeunes, depuis la montée de la
délinquance, de la consommation de drogue ou d’alcool dans leurs
rangs jusqu’à une campagne savamment orchestrée diffusant
insidieusement l’équation jeunes = révolte = violence aveugle =
casseurs en puissance, mettant en scène des affrontements
meurtriers entre bandes rivales notamment à Paris et dans les
banlieues. Il s’agit non seulement d’agiter le spectre imminent
de nouvelles émeutes dans les banlieues mais surtout de tenter de
couper ces jeunes générations du reste de la classe ouvrière, de
les isoler au moment même où leur mobilisation se traduit par une
solidarité de classe entre toutes les générations dans les
mouvements sociaux. Aujourd’hui, par exemple en province, ces
lycéens multiplient les initiatives pour préparer une mobilisation
plus large dans les semaines à venir, et sont en train de tisser des
liens avec d’autres salariés, comme ils cherchent à créer des
comités de solidarité avec les étudiants et les travailleurs grecs
victimes de la répression.
Mais ce sont aussi les plans sociaux et les annonces de licenciements qui «se multiplient à un rythme jamais vu »4 avec une hausse brutale du chômage et une baisse du pouvoir d’achat, sous l’effet de l’accélération brutale de la crise économique mondiale. Il faut dire que le reste des attaques dans les établissements scolaires est passé : suppression de 3000 RASED dont la disparition pure et simple est programmée à court terme, réforme de l’école primaire5, des IUT pour réduire l’afflux dans cette filière, tandis que les effets des 13 500 suppressions d’emplois dans l’enseignement commencent à se faire sentir chez les lycéens comme chez les enseignants. Dans le même temps, c’est l’ensemble de la fonction publique et des services publics où les réformes sont appliquées en douce qui est durement touchée. Quant au secteur privé, outre la nouvelle législation sur le travail le dimanche dans les grandes surfaces et les grands magasins, c’est la grande lessive des emplois : en France, près de 50 000 emplois ont été détruits en un semestre (entre début avril et fin septembre). Mais l’INSEE annonce d’ores et déjà une perte de 147 000 emplois (hors du secteur marchand agricole) au cours du second semestre 2008 et en prévoit 214 000 autres pour le semestre suivant. A elle seule, l’industrie enregistrerait la suppression de 71 000 emplois cette année et de 81 000 au 1er semestre 2009. Le PIB chuterait de 0,8 % au cours du 4e trimestre 2008. Comme ailleurs dans le monde, le secteur de l’automobile est le plus massivement touché : plusieurs semaines de mise au chômage technique chez Renault ou PSA. Par ailleurs, Renault a annoncé la suppression de 4000 emplois en 2009, PSA-Peugeot-Citroën va virer 3550 salariés (dont 850 sur son site de Rennes), chez les équipementiers Valeo a annoncé 5000 suppressions d’emploi dans le monde (dont 1600 en France), Faurecia, 1215 emplois en moins d’ici 2011 (dont 700 dès 2009), en particulier dans l’Essonne, l’Orne, en Loire-Atlantique et dans les Vosges, Tyco Electronics, 520 et d’innombrables sous-traitants du secteur sont menacés de faillite. Dans la sidérurgie, ArcelorMittal a annoncé pour sa part 9000 suppressions d’emplois dans le monde dont un plan de 1400 « départs volontaires » applicable début 2009 en France. 1000 postes de cadres seront supprimés chez Alcatel Lucent qui prévoit également de se passer des services de 5000 sous-traitants. Depuis la fusion de 2006 entre ces 2 groupes, 16 500 suppressions d’emplois dans le monde (dont 1800 en France) ont été décidées en 3 ans.
Dans l’industrie pharmaceutique et la chimie, 927 suppressions d’emploi sont annoncés chez Sanofi-Aventis, 740 chez MBO, 700 licenciements chez Pfizer France dont 500 visiteurs médicaux sur 1250 et 200 employés commerciaux au siège . Depuis début 2008, 17 plans sociaux ont été annoncés dans cette branche devant supprimer 4350 postes sur 3 ans. Dans le même temps, 5000 à 6000 visiteurs médicaux seront supprimés, soit plus de 20% des effectifs de cette filière. La liste de tous ces plans de licenciements dévoilés depuis deux mois serait trop longue à énumérer ici.
Les
320 milliards d’euros débloqués pour les banques passent d’autant
plus mal que, pendant ce temps là, il est demandé aux prolétaires
de se serrer la ceinture (70 % de salariés ont constaté une
brutale et forte dégradation de leur pouvoir d’achat au cours de
l’année).
Doté d’un cynisme sans borne, pendant que l’Etat français met en œuvre ces attaques en règle, son gouvernement prétend faire en sorte de travailler à améliorer le sort des salariés.
Dans
le fameux plan de relance pour l’économie de 26 milliards d’euros
de Sarkozy, qui va entraîner un quasi-doublement du déficit
budgétaire qu’il faudra payer au prix de « sacrifices »
encore plus lourds, la seule mesure présentée comme
« sociale » est une « prime de solidarité active
» de fin d’année de 200 euros ne servant que de dérisoire
cache-misère pour 3,7 millions de travailleurs pauvres ou
d’allocataires du RMI. Le reste est dévolu au « sauvetage »
des grandes entreprises de l’automobile ou de travaux publics. Et
encore, la plupart des mesures ne sont que de la poudre aux yeux :
ainsi l’augmentation du nombre de prêts à taux zéro ne peut
qu’inciter de nouveaux ménages à revenus modestes ou victimes de
licenciements à s’endetter jusqu’au cou et à se retrouver dans
la situation de millions d’Américains jetés à la rue et sans
ressources du jour au lendemain. Quant à la prime à la casse dans
le secteur automobile : seuls ceux qui ont les moyens d’acheter
une voiture neuve vont toucher cette prime. Ceux qui veulent acheter
une voiture d’occasion pas chère, n’en trouveront maintenant
plus à moins de 1000 euros ! Une fois de plus, ce ne sont pas
ceux qui en ont le plus besoin qui en profiteront !
Comme en Grèce, avec la précarité, les licenciements, le chômage, les salaires de misère qu’impose sa crise mondiale, l’Etat capitaliste ne peut apporter partout que davantage de police et de répression. Seul, le développement international de la lutte et de la solidarité de classe entre ouvriers, employés, lycéens, étudiants, chômeurs, travailleurs précaires, retraités, toutes générations confondues, peut ouvrir la voie à une perspective d’avenir pour abolir ce système d’exploitation.
W. (20 décembre)
1 Comme le montre par exemple des extraits de cet appel des étudiants grévistes de l’Université de Clermont-Ferrand datée du 19 décembre : « Les étudiants de Clermont Gergovia-Carnot, réunis en Assemblée Générale (…) appellent l’ensemble des Universités du pays à se battre contre le démantèlement de l’Éducation que le gouvernement cherche à nous imposer par la force, de la maternelle au doctorat.(…) Nous sommes en grève avec blocage, ni spectateurs, ni résignés, mais déterminés pour dire que tous ensemble nous pouvons gagner ! Le CPE nous l’a montré. En revanche, nous perdrons si nous nous battons isolément. La LRU nous l’a malheureusement enseigné aussi. Alors maintenant, le temps des lamentations est terminé ! On ne courbe plus l’échine ! (…)
Etudiants en France, les Italiens mobilisés contre la casse de l’Éducation depuis plusieurs mois nous montrent la voie. Les Grecs confirment cette voie ! C’est celle que nous avons ouverte par notre résistance historique contre le CPE ! Leur mot d’ordre « L’Éducation ne paiera pas leur crise ! » doit être le notre.
Tous en bataille, donc, en grève coordonnée dès janvier pour faire plier ce gouvernement et son projet de société !
Nous, ici, on ne « lâchera pas le steack ! »
2 Déclaration sur Europe 1 le 16 décembre 2008
3 Par ailleurs, ce dirigeant socialiste « pur et dur » fait actuellement l’objet d’une enquête pour d’importants détournements de fonds à titre personnel provenant du syndicat lycéen FIDL et de l’association SOS-Racisme.
4 Le Monde du 16 décembre
5 Son arrogance provocatrice pour justifier les suppressions de postes en maternelle où il réduisait le rôle des enseignants à « changer les couches » est restée en travers de la gorge des enseignants.
A la veille de la trêve des confiseurs, la jeunesse lycéenne est descendue massivement dans la rue. Face à l’avenir bouché que le capitalisme leur réserve, ces enfants d’ouvriers ont clairement démontré toute leur combativité. Surtout, leur mouvement a été animé d’un fort sentiment de solidarité et d’unité, mettant en avant la nécessité de relier leur lutte à l’ensemble des mouvements sociaux (1).
Face à cela, les syndicats ont dressé un véritable cordon sanitaire pour empêcher par tous les moyens le mouvement lycéen de réussir à réaliser cette jonction avec leurs aînés. Ils ont saboté ouvertement le mouvement !1
Les syndicats lycéens, la FIDL et l’UNL, ont tout fait pour empêcher les autres prolétaires de se joindre aux lycéens et de discuter avec eux. Ils ont caché délibérément les lieux et heures des manifestations ! Impossible de trouver ces informations dans la presse ou sur leurs sites Web ! Il fallait aller fouiller sur les forums ou les blogs lycéens qui, eux, appelaient les travailleurs à les rejoindre. Les assemblées générales organisées par ces mêmes syndicats, ces “spécialistes de la lutte” (sic), étaient des huis-clos fermés aux “éléments extérieurs”, rendant impossible pour un ouvrier solidaire de leur lutte d’y participer !
Et en matière de sabotage de l’unité, les syndicats des enseignants ne furent pas en reste. Chaque fois, ils ont pris soin de séparer enseignants et lycéens, en choisissant des jours de manifestation tout simplement différents ou en convoquant des assemblés générales dans des lieux et à des moments bien distincts. Tout a été fait pour que les enfants d’ouvriers et les travailleurs ne puissent même pas se croiser !
Ce faisant, les syndicats confirment une nouvelle fois leur véritable nature de chiens de garde du capital :
Quand la bourgeoisie cogne, les syndicats sabotent la solidarité ouvrière !
1) Lire notre article : “Lycéens, étudiants, chômeurs, travailleurs… C’est tous unis qu’il faut lutter [1088] ”.
Comme chaque année au moment des premiers froids, des personnes parmi celles qui sont les plus vulnérables, les plus dépourvues de tout, meurent dans des conditions insupportables. Comme chaque année, les raisons de leur mort font l’objet de campagnes hypocrites et ignobles relayées par l’ensemble des médias. Mais ils ont beau faire, alors que chacun perçoit très bien que les drames humains liés au développement de la crise économique vont se multiplier dans les années à venir, les morts de froid de cette année marquent profondément chaque membre de la classe ouvrière.
Non, ce n’est pas le froid qui tue mais cette société qui jette impitoyablement à la rue une partie de plus en plus grande de ses travailleurs comme s’ils n’étaient que des mouchoirs jetables. Et cette année, comme déjà en 2003, alors que l’on a retrouvé plusieurs morts dans le bois de Vincennes, un autre dans sa voiture ou encore un mort dans la cité de Carcassonne, une polémique totalement indécente s’est développée autour de ces “découvertes” macabres. Faut-il les obliger à rejoindre les centres d’hébergements à partir d’une température négative ou respecter leur dignité en les laissant mourir dans la rue ? C. Boutin et N. Sarkozy proposent… une réflexion sur l’opportunité de rendre obligatoire l’hébergement des SDF pendant les grands froids !
Mais à qui peut-on faire croire que c’est un choix de mourir de froid en 2008 ? Si des hommes ou des femmes qui se retrouvent dans un tel état d’abandon et de délabrement physique et psychique préfèrent une mort solitaire et combien douloureuse, ne peut-on s’interroger sur le niveau d’humanité de cette société ? Ils refuseraient même les petits nids douillets et chauffés que seraient les foyers d’hébergement pour s’enfoncer dans des bois à la périphérie de Paris, une des plus belles villes du monde paraît-il. Broyés, vidés de toutes leurs forces par cette société inhumaine, il ne leur reste plus que l’errance et le désespoir.
Ce que sont réellement ces foyers d’hébergement n’échappe plus d’ailleurs à grand monde, avec une promiscuité extrême, des vols, des bagarres, des lieux insalubres. Aucune dignité, aucune reconnaissance en tant qu’être humain, ce n’est pas pour rien que, malgré leur terrible situation, beaucoup de SDF refusent de s’y entasser. Nous sommes loin du lieu d’accueil chaleureux et humain que l’on aimerait nous décrire. D’autant plus que même ces lieux de misère ne sont pas en quantité suffisante : le “SAMU social” refuserait
environ 200 personnes par jour en raison du manque de place. Nous sommes loin du “choix” que nous présente la bourgeoisie qui, de toute façon, n’est pas à un mensonge près.
Un SDF sur trois a un travail, le plus souvent comme ouvrier ou employé sans qualification, nous dit une des dernières enquêtes de l’INSEE. Mais même le plus petit loyer est trop important pour leur salaire de misère. Même une exploitation de la force de travail à plein temps ne permet pas aux plus pauvres de subvenir à leurs besoins les plus élémentaires, comme celui de se loger.
Dans les restos du cœur, chaque année, les personnes accueillies sont de plus en plus nombreuses, dont 14 % de “travailleurs pauvres” et 14 % de retraités. De nombreux jeunes, qu’ils soient étudiants ou non, vivent et dorment dans leur voiture, des retraités dont les maigres ressources servent à payer un logement de misère n’ont déjà plus qu’un seul recours : aller à la soupe populaire.
La crise économique a fait un bond historique au cours de ces derniers mois et certaines images nous reviennent. En effet, nous avons tous inscrits dans nos mémoires, même si c’est par générations interposées, les files d’attente de gens qui cherchent de quoi manger après la crise de 1929, ou pendant et après la Seconde Guerre mondiale. Le souvenir des tickets d’alimentation n’est pas si loin dans la mémoire collective. Comme d’ailleurs le souvenir des bidonvilles de Nanterre ! Et effectivement, des abris de fortune faits de planches ou de toiles qui prolifèrent à nouveau un peu partout, que ce soit le long du périphérique à Paris ou ailleurs.
En France, d’après les sondages, la moitié de la population pense qu’elle peut devenir SDF un jour, et beaucoup pensent que la situation des SDF ne peut que continuer à s’aggraver. Il y a pourtant déjà entre 86 000 à 100 000 personnes sans abri.
Cette année, d’après l’association Emmaüs, il y a eu 265 décès de SDF et l’espérance de vie de ceux qui sont contraints de vivre dans la rue ne dépasse pas 43 ans.
Il faut se rappeler le grand nombre de victimes lors de la canicule de l’été 2003 en France, plus de 15 000. Ce n’est pas le froid ou le chaud qui tuent mais c’est le capitalisme. Ce sont les conditions de vie de cette société qui ne correspondent pas aux besoins humains.
Map (17 déembre)
Nous publions ci-dessous un compte-rendu à chaud qui nous a été transmis par des militants du CCI qui, lors de la diffusion de leur presse dans une manifestation lycéenne à Lyon, ont pu constater à la fois l'inquiétude de ces jeunes pour leur avenir, leur combativité et les provocations policières qui tentent ainsi de pourrir le mouvement.
Le 18 décembre 2008, s'est déroulée à Lyon, comme dans beaucoup d'autres villes en France, une manifestation de lycéens et de collégiens, rassemblant largement plus de 9000 personnes. Tous ces jeunes exprimaient ainsi leur rejet des réformes du gouvernement et du Ministre de l'éducation, le tristement célèbre Darcos. Mais comme au moment de la lutte contre le CPE en 2006, les jeunes générations manifestaient surtout ici, par leur lutte, leur angoisse pour un avenir qu'ils ressentent à juste titre comme de plus en plus bouché, incertain et précaire. Cette manifestation se déroulait de manière résolue, mais sans aucune violence d'aucune sorte. Et contrairement à ce que disent déjà certains journaux bourgeois comme Libération (qui, sous le titre « Lycéens et policiers blessés en marge de la manif à Lyon », publie une photo d'une voiture en flamme avec, en arrière fond, une poignée de jeunes casseurs... photo censée résumer cette journée), la manifestation n'a pas dégénéré parce que les jeunes auraient incendié une voiture ou jeté des pierres sur les forces de l'ordre. Tout cela est faux ! Tout se passait calmement quand, sans aucun avertissement, sans aucune provocation de la part des lycéens, les forces de répression, CRS en tête, ont commencé brutalement à bombarder la manifestation de bombes lacrymogènes, provoquant une fuite panique chez la plupart de ces jeunes manifestants dont la moyenne d'âge ne devait pas dépasser 15 ou 16 ans ! Pratiquement toutes les rues étaient barrées par des rangs de CRS, bouclier en avant et matraque au poing. Seules quelques rues étaient laissées libres.
Quant à la voiture incendiée, c'est l'acte d'une petite poignée de jeunes ''casseurs", largement en marge du cortège. La véritable violence est venue clairement d'ailleurs, des forces de répression de la bourgeoisie. Et la question à se poser est la suivante : pourquoi cette violente attaque de la part des CRS ? Le premier effet des différentes charges policières a été visible immédiatement : panique, fuite et éparpillement de la majorité des lycéens. La manifestation s'est donc arrêtée là. Toute possibilité de se rassembler sur une grande place pour parler tous ensemble de la suite à donner au mouvement, comme par exemple de prendre la décision d'aller discuter avec les étudiants des facultés de Lyon et de chercher leur solidarité, était ainsi réduite à néant.
Mais plus encore, ces méthodes policières de répression ne sont en fait que de la provocation et de l'intimidation : si les lycéens, ulcérés par cette attaque, s'étaient eux-mêmes réellement battus contre les CRS, ou avaient REELLEMENT participé à des dégradations ou destructions importantes de voitures ou de biens publics, que n'aurait-on pas lu ou entendu ce soir dans les journaux, sur les radios et autres chaînes de télévision ! Il aurait été alors encore plus facile de présenter les manifestants comme des bandes de délinquants violentes organisée et autres casseurs. Pour tous ces lycéens (manifestant d'ailleurs pour certains pour la première fois), pour leurs parents, pour les travailleurs solidaires comme les enseignants, le message et clair : « Si vous manifestez, c'est à vos risques et périls, c'est dangereux ». Voilà l'objectif de fond d'une telle violence : distiller la peur pour qu'une grande partie de ces futurs chômeurs restent prudemment chez eux, malgré leur colère et leur frustration. Voilà le message qui leur est directement destiné. Heureusement, contrairement aux mensonges des journalistes, ces lycéens ne sont pas tombés dans la provocation. Une mère de famille participant à cette manifestation n'en croyait pas ses yeux, devant l'ampleur de la violence policière. Elle se proposait même d'aller, inquiète de la tournure prise par les événements, parler aux CRS afin de tenter de les raisonner et pour qu'ils cessent leurs provocations.
Une première leçon doit être tirée immédiatement de tout cela, car ce genre de manœuvre va se reproduire à l'avenir : en cas de provocation policière et si l'on ne peut pas rester tous ensemble dans la rue ou sur une place en fin de manifestation, il est nécessaire de prévoir à l'avance des lieux où l'on puisse se retrouver le plus massivement possible pour discuter. Cette information peut tout à fait être diffusée au départ de la manifestation ou même pendant son déroulement.
L'autre
enseignement majeur de cette expérience concerne l'ensemble des
luttes futures. Comme lors de la manifestation du 18 décembre à
Lyon, il ne faut absolument pas tomber dans la provocation de la
violence policière recherchée par l'Etat pour discréditer le
mouvement lycéen et étudiant qui se développe, pour l'isoler de
l'ensemble des prolétaires. Ce que le pouvoir et le gouvernement
craignent en définitive le plus, c'est notre force de classe
collective, notre capacité de réflexion pour agir de manière
solidaire et massive.
Lyon (18 décembre)
Cet article est une traduction d’Acción proletaria, organe du CCI en Espagne.
Chez Ford à Valence, chez Renault en Castille, chez Citroën en Galice..., on renvoie des milliers de travailleurs chez eux avec la promesse qu’après les vacances de Noël ils pourront “reprendre leurs postes de travail” (aura-t-on vendu d’ici là les milliers d’hectares de véhicules stockés sur d’immenses parkings ?). Dans certains cas, comme chez Iveco à Madrid, on fait du chantage aux ouvriers pour qu’ils acceptent de baisser leur salaire ou de perdre des jours d’allocation de chômage partiel, pour ainsi éviter, momentanément évidemment, le maudit ERE (1). Il va sans dire, en plus, qu’il ne s’agit pas d’une crise limitée au secteur de l’automobile. Elle touche aussi les communications (licenciements de la moitié des effectifs de l’opérateur par câble ONO et maintenant l’ERE de 500 travailleurs de l’opérateur historique espagnol, Telefónica) ou des entreprises comme CASA (aéronautique). Les prévisions officielles affirment qu’en Espagne près de 120 000 travailleurs seront affectés cette année par ce genre d’ERE, qui viennent s’ajouter (malgré l’entêtement du ministre du Travail à démentir les chiffres) aux… trois millions de chômeurs, selon les prévisions pour l’année 2008.
La propagation de cette plaie de suppressions d’emploi temporaires ou définitives (les premières étant, comme on l’a vu, le simple prélude des secondes), fait se répandre dans les rangs ouvriers une sombre inquiétude commune :
– aux camarades “anciens” sur lesquels plane la menace d’une retraite de plus en plus dégradée ou l’impossible retour à l’emploi après avoir été licenciés à 40 ou 50 ans ;
– aux plus jeunes qui, tant bien que mal, essayaient de survivre avec une succession de contrats précaires, dans des conditions draconiennes en terme de temps de travail et de salaire, et qui se voient maintenant jetés au chômage avec une allocation misérable ou contraints d’accepter des conditions de travail encore pires ;
– aux ouvriers “natifs”, formés, génération après génération, au sein d’un prolétariat qualifié, travaillant dans des usines de haute technologie, comme celle de Nissan ;
– aux ouvriers des entreprises sous-traitantes, comme celles de nettoyage (on l’a vu avec les licenciements chez Acciona à l’intérieur même des usines Nissan) et qui souvent sont composées de camarades immigrés récemment arrivés.
Cette inquiétude qui se généralise à tout le prolétariat contient aussi un grand potentiel pour le développement de la solidarité de classe. Il y a trois ans, les camarades de chez SEAT ont affronté un plan de 600 licenciements (Révolution internationale no 365 et 306, février et mars 2006), mais c’était à un moment où le climat social était encore très marqué par la rengaine de la “période la plus longue de croissance économique en Espagne”. Ce n’est pas ici le lieu pour démontrer que c’était plus de la propagande qu’autre chose, mais dans une telle “ambiance” sociale, on pouvait faire passer les problèmes des ouvriers de chez SEAT comme étant dus à la voracité particulière de Volkswagen, ou à des circonstances spécifiques à l’entreprise.
Ce n’est pas le cas aujourd’hui, parce que, comme nous l’avons vu et comme quiconque peut le voir, tous les secteurs de notre classe sont attaqués par la crise capitaliste !
Mais cette solidarité, qui surgit des attaques et des souffrances qui nous sont communes à tous, a besoin d’être cultivée et développée par les travailleurs eux-mêmes, en l’imposant contre les tentatives de division et de fragmentation de la riposte ouvrière de la part des gardiens de l’exploitation capitaliste que sont les syndicats. Dans ce sens, il y a deux leçons essentielles à tirer des luttes les plus récentes.
Justement parce que les entreprises touchées par la crise sont nombreuses, la rue devient un lieu privilégié pour additionner la combativité des camarades venant d’endroits différents. C’est ainsi qu’on l’a compris au début de la lutte chez Nissan, quand d’autres ouvriers qui, à cause des effectifs moindres ou de l’éloignement géographique de leur centre de travail, ont compris qu’ils se sentiraient plus forts, plus soutenus, à la chaleur des mobilisations de la Zona franca (2). Par exemple, les travailleurs de Tyco Electronics sont allés à la manifestation du 23 octobre, mais aussi les chauffeurs de la compagnie municipale de transports, les employés d’Acciona, etc. On a pu voir cette même tendance, encore plus forte, lors de la manifestation du 5 novembre, où il y a eu plus de 20 000 travailleurs de nombreuses entreprises, ce qui a représenté la plus grande concentration ouvrière à Barcelone depuis de nombreuses années.
Mais, peu à peu, cette tendance a commencé à faiblir, conduisant, au contraire, à manifester “chacun dans son coin”. Ainsi, les syndicats convoquent ceux de La Frigo un jour et ceux de chez Nissan un autre jour. On organise des actions à Manresa pour ceux de Pirelli, et à Sarriá de Ter pour ceux de Torras Papel (3)... Cette dispersion des appels renforce, qu’on le veuille ou non, une vision locale du conflit de classe, alors que la réalité montre d’une façon criante qu’il s’agit d’un conflit social qui touche tous les secteurs.
Mais il ne suffit pas de se rassembler de façon passive. Nous, ouvriers, n’arriverons pas à avoir la force nécessaire pour affronter l’avalanche des attaques qui nous tombe dessus, en faisant simplement grossir le nombre des manifestants. La force de la classe réside aussi dans sa capacité à s’unir au-delà de toutes les divisions crées par l’exploitation capitaliste (l’entreprise, le secteur, la nation,...) en défense d’intérêts communs, et surtout dans sa capacité à prendre conscience que la défense de ses intérêts la poussent à un affrontement radical contre les lois du système. C’est pour cela qu’il est vital de faire des manifestations un lieu où se développent cette solidarité et cette conscience.
En cela, on ne peut que se heurter, évidemment, à la “mise en scène” syndicale des manifestations. Quand les syndicats ne morcellent pas la combativité en plusieurs mobilisations, ils la fragmentent au sein d’une même manifestation, faisant marcher les travailleurs derrière la banderole de “leur” entreprise. Avec en plus, le son et lumière habituel de ces manifestations (l’insupportable bande sonore avec coups de sifflets et pétards) fait exprès pour empêcher la moindre conversation entre les travailleurs présents. L’excuse de cette habituelle mise en scène est de dire, comme on nous l’a dit dans une des manifestations où nous sommes intervenus, que les ouvriers doivent aller dans ces mobilisations pour “se faire entendre”. Il est vrai qu’il est important de transmettre à toute la société notre indignation face au futur de chômage et de misère auquel on nous condamne. Mais bien plus nécessaire que “d’attirer l’attention de l’opinion publique” ou de “rendre visible le conflit” aux médias bourgeois grâce à des “actions” plus ou moins spectaculaires, il faut faire de ces manifestations des moments et des lieux où l’on écoute ses camarades qui viennent des autres lieux de lutte, où l’on peut faire ressentir notre solidarité mutuelle, mais aussi s’informer, échanger des expériences, tirer les leçons des pièges que nos frères ont dû éviter, les leçons que nous tous avons pu tirer des différentes luttes, etc.
Les assemblées, le vrai cœur de la lutte, subissent un détournement syndical du même genre. Au lieu d’y fomenter la participation et le débat entre travailleurs, elles se transforment en une espèce d’insupportable “journal télévisé” où se succèdent les interventions syndicales sur les mille méandres de telle ou telle négociation avec tel ou tel représentant de l’administration ou du patronat. Il s’agit là de remplacer ce qui constitue la véritable force des travailleurs (la confiance dans leurs propres forces collectives construite sur le terrain du débat collectif) par, en définitive, tout ce qui les affaiblit (la soumission et la dépendance à des chefs syndicaux). C’est ainsi que nous avons pu voir le 12 novembre comment la manifestation des ouvriers de chez Nissan s’est terminée en “assemblée” publique devant le siège du Parlement de Catalogne, où les travailleurs ont été invités à écouter ce que les différents capos (chefs) syndicaux leur ont raconté sur la session parlementaire où l’on avait abordé la situation chez Nissan. Si l’on veut savoir quel genre d’intentions a le gouvernement “tripartite” de Catalogne (PS +IU+ERC) (4) face aux plans de licenciements des multinationales, ce n’est pas la peine de perdre son temps dans le vent du Parc de la Ciudadela : il suffit d’aller le demander aux camarades licenciés chez SEAT en 2006 !
Face à ce détournement des assemblées, on doit développer les initiatives ouvrières pour qu’elles deviennent des moments où la classe dans son ensemble s’implique dans la lutte. C’est cette tendance qu’on a pu observer en filigrane lors de la lutte des étudiants en France au printemps 2006 qui s’est concrétisée par la suite avec toute sa force lors de la grève des métallurgistes de Vigo. L’assemblée générale dans la rue montra qu’elle n’était pas seulement un moyen pour unifier dans la lutte les travailleurs d’une multitude de petits ateliers et d’entreprises, et le moyen pour ressentir la force collective face aux provocations du patronat (licenciements) ou de l’État (brutalité policière), mais aussi la forme pour incorporer dans la lutte des camarades d’autres secteurs (chômeurs, licenciés...) qui, isolés, se sentent trop faibles pour affronter le capitalisme.
Dans ce même sens vont les initiatives qu’on a pu voir se développer lors des mobilisations récentes d’étudiants en Espagne. Parfois, lors de ces mobilisations, les assemblées sont devenues un lieu ouvert où l’on reçoit fraternellement les travailleurs (5) et d’autres camarades qui s’opposent solidairement aux plans de réductions sociales et de “précarisation” de la main d’œuvre. Elles sont aussi conçues comme un lieu d’impulsion du débat et d’éclaircissement sur la situation sociale actuelle et sur les expériences précédentes de résistance aux plans scélérats du capitalisme.
La classe capitaliste sait parfaitement que les mesures qu’elle va adopter pour essayer de contrer la récession la plus brutale de l’histoire ne vont pas avoir l’assentiment résigné de la classe ouvrière. Pour la classe exploiteuse, il ne s’agit donc pas “d’éviter” le mécontentement ouvrier, mais de faire en sorte que celui-ci s’exprime de la manière la plus fragmentée et faible possible. C’est en ce sens qu’elle concentre toutes ses énergies et tous ses moyens.
Quand elle pense pouvoir endormir les travailleurs avec des rêves d’un futur “prometteur”, elle n’hésite pas à les alimenter. Il y a peu de temps, l’UGT de chez Ford à Valence réunissait une assemblée d’adhérents. Devant la porte on montrait les futurs modèles rutilants qui seront fabriqués dans les usines d’Almusafes, après la bien connue mais “inévitable” compression d’effectifs pour rendre ce site plus compétitif... Combien de fois ont-ils dû entendre ces balivernes les camarades de chez Nissan ou de Seat à Barcelone, de chez Ford, bien sûr, ou de General Motors en Aragon,... : derrière la réduction d’effectifs, derrière les sacrifices salariaux, on nous parlait toujours de l’avenir des emplois, du futur des prochaines générations ouvrières...
Ces mensonges servent aussi à faire croire aux ouvriers qu’il y a des solutions partielles dans le cadre de leur entreprise, de leur secteur, ce qui finit par les éloigner de leurs camarades de travail d’autres entreprises. Ainsi, par exemple, avec la tromperie de la “viabilité industrielle” de l’usine Nissan, non seulement on essaye d’enfermer ces camarades dans la défense des intérêts de leurs exploiteurs (en justifiant les sacrifices “nécessaires” pour que l’entreprise produise avec plus de “rentabilité” tel qu’elle l’a déjà fait lors de précédentes réductions d’effectifs ou de limitations des salaires dans cette même année 2008), mais surtout dans l’affrontement avec leurs camarades des autres entreprises.
Si la bourgeoisie arrive à disperser la combativité ouvrière en faisant en sorte, par exemple, que les ouvriers de Seat restent endormis en croyant que l’ERE temporaire qui les menace est purement conjoncturelle, alors qu’elle frappe avec des licenciements définitifs des travailleurs de Nissan, capables de mener des mobilisations radicales mais isolées à cause de cette progressive fragmentation des luttes, elle aura réussi à obtenir un triomphe momentané mais important. D’un côté, elle aura réussi à faire passer des attaques significatives dans les concentrations les plus puissantes du prolétariat espagnol (6) et, de plus, elle aura contrecarré momentanément la tendance à la solidarité qu’on voit poindre chez les ouvriers, en forçant une réponse dans la dispersion.
Cet enjeu est très important pour la classe ouvrière. Voilà la raison de notre appel à tous les travailleurs, aux camarades qui veulent s’impliquer dans le renforcement des différentes luttes ouvrières, pour lutter contre cette fragmentation, pour développer la solidarité et la conscience unitaire du prolétariat.
Etsoem (21 novembre)
1) “Expediente de regulación de empleo”, nom donné en Espagne aux plans de réduction des effectifs et autres plans de restructuration, tous ces euphémismes typiquement bureaucratiques pour nommer les licenciements massifs. En 2008, il y a eu en Espagne plus de 3000 ERE. Selon le site “kaos en la red”, plus de 2700 ERE, qui ont affecté plus de 42 000 ouvriers, ont été acceptés par les syndicats.
2) Territoire au sud de Barcelone, grande concentration industrielle et de services.
3)
On a pu même voir comment la CNT convoquait les travailleurs de la
Jardinière de San Just d’Esvern à manifester sur les ramblas
de “leur” village.
4) Gouvernement de gauche : socialistes, ex-staliniens, verts et indépendantistes catalans.
5)
Lire l’article sur la lutte
à Alicante [1089].
6) Après le démantèlement de la sidérurgie, des chantiers navals, des mines…, les usines du secteur de l’automobile sont restées, à côté du secteur public, les plus grandes concentrations prolétariennes d’un prolétariat industriel espagnol passablement affaibli.
Nous présentons d’abord quelques traductions de documents issus directement de cette lutte et votés par l’Assemblée générale (AG) des travailleurs d’AFEMA.
Nous, travailleurs d’AFEMA, sommes entrés en lutte pour défendre nos conditions de vie et pour des services gratuits et de qualité.
Nous savons que cette situation est un problème général de toute la classe ouvrière qui voit tous les jours ses conditions de vie attaquées. Nous pensons que la seule solution se trouve dans l’union et l’extension de nos luttes pour n’en faire qu’un combat. C’est pourquoi nous convoquons une assemblée générale de travailleurs.
Nous proposons l’ordre du jour suivant, tout en restant ouverts à vos propositions :
– présentation et mise en commun des situations particulières de chaque entreprise ou de chaque camarade ;
– analyse de la situation générale ;
– propositions d’actions conjointes et solidaires ;
– permanence de l’assemblée en tant qu’espace de rencontre entre travailleurs ;
– etc.
Nous vous attendons tous
le jeudi 27 novembre à 18 h 30
au Centre Loyola
Cette assemblée est ouverte, nous vous invitons à l’étendre à tous les travailleurs et camarades.
Plate-forme des travailleurs
des services socio-sanitaires
Les administrations attaquent les droits
des usagers et des travailleurs de la santé mentale
Les usagers (des personnes malades mentales et leurs familles) et les travailleurs d’AFEMA vivent aussi la crise. A cause de la désastreuse gestion de la santé mentale par les pouvoirs publics pendant des années, notre situation est aujourd’hui franchement difficile.
Comme d’autres associations, AFEMA est une ONG qui gère des services et des centres subventionnés publiquement. Il s’agit de services destinés à des personnes handicapées. Les administrations n’ont jamais beaucoup payé, elles l’ont fait tard et mal, mais aujourd’hui la situation est devenue scandaleuse.
Les retards de paiement et l’absence de subventions mettent en danger de disparition les ressources, qui étaient déjà rares, allouées à ces personnes, comme ils mettent les travailleurs en danger de perdre leur emploi, nous sommes déjà souvent en difficulté pour toucher régulièrement nos salaires, avec tous les problèmes que cela entraîne.
Nous avons donc décidé de nous mobiliser. Nous ne pensons pas que cette lutte soit exclusivement la nôtre. Notre situation est le produit de la situation de crise et de faillite générale au niveau international, ainsi que de la mauvaise gestion des administrations publiques en particulier, faisant partie de l’attaque générale contre les conditions de vie des travailleurs et de la population en général.
C’est pour cela que nous pensons que notre lutte est celle de tous :
– à cause du danger de disparition des services sociaux-sanitaires nécessaires à la population ;
– à cause des attaques à répétition contre les conditions de vie des travailleurs.
Les usagers sans ressources, les travailleurs sans salaires !
Les usagers et les travailleurs d’AFEMA
en lutte pour un service gratuit de qualité !
Les Administrations ne paient plus et négligent les services de santé.
Les usagers et leurs familles sont en danger de se retrouver sans ressources.
Nous, les travailleurs, ne touchons plus de salaire
et risquons de perdre nos emplois.
Pour un service gratuit de qualité pour les personnes malades mentales.
Pour les droits des travailleurs et des usagers de la santé mentale.
Soutenez les mobilisations !
Mercredi 19 à 19 heures :
Réunion d’information ouverte aux membres, aux familles, aux amis, aux travailleurs, aux professionnels… salle du Centre Loyola.
Vendredi 21 à 11 heures :
Manifestation de protestation face à l’immeuble du PROP de la Rambla (Alicante).
Vendredi 28
Manifestation à Valence (à confirmer)
Association des familles et des malades mentaux d’Alicante
Plate-forme des travailleurs des services sociaux-sanitaires
Nous sommes tous conscients de ce qui est en train de nous “tomber dessus” : la crise s’accélère et les licenciements, le chômage, les baisses de salaire, etc., se multiplient, démontrant que le capitalisme et ses divers gouvernements, quelle que soit leur couleur, n’ont qu’une réponse face à la crise : le déchaînement d’attaques contre les conditions de vie de la classe ouvrière et de toute la population laborieuse.
L’inquiétude se répand, l’envie de se battre, la prise de conscience se développent dans des secteurs croissants de la classe ouvrière. Cela ne se concrétise pas encore dans une lutte massive ou des mouvements généralisés. En partie parce que les travailleurs n’ont pas encore atteint un niveau suffisant de puissance, en partie parce que la bourgeoisie, à travers ses appareils syndicaux et politiques, occupe tout le terrain et parvient à dévoyer, diviser et désorganiser la moindre possibilité de riposte des travailleurs.
C’est dans ce contexte qu’a surgi la lutte des travailleurs sociaux-sanitaires de AFEMA (Alicante) qui, quelle que soit l’évolution de sa dynamique, constitue d’ores et déjà un exemple pour la lutte des autres travailleurs.
Les camarades se sont unis solidairement avec les familles affectées par les impayés et autres manœuvres douteuses du gouvernement autonome. Ils n’ont pas lutté chacun dans leur coin, enfermés dans le cadre étroit du corporatisme, mais ont su reconnaître leur intérêt commun et se rassembler dans une même lutte.
Les camarades ne conçoivent pas leur lutte comme une affaire particulière et spécifique à “leur secteur”, mais la considèrent comme faisant partie de la lutte générale de tous les travailleurs. La crise s’abat sur nous tous sans distinction. Aucun travailleur ne se sent à l’abri. La crise est générale, aussi la lutte des ouvriers doit être générale.
Les camarades se sont organisés en assemblées générales ouvertes à qui veut y contribuer et apporter ses propres problèmes. Ils ont ainsi renoué avec la pratique des luttes ouvrières du passé mais aussi de luttes plus récentes comme celles de Vigo en 2006, lorsque les travailleurs du métal en lutte la prirent en mains et organisèrent immédiatement des assemblées générales ouvertes aux autres travailleurs et à toute la population (1).
Plus important même, ils ont décidé d’organiser une assemblée générale ouverte à tous pour discuter des problèmes de tous et voir comment pouvoir agir ensemble. Cet exemple peut inspirer les travailleurs de Barcelone victimes en ce moment de 400 plans de restructuration (et qui ont appelé à une manifestation le 29 novembre). Il faudra lutter pour une assemblée générale commune, même si cette proposition s’opposera à une réaction générale de ces faux amis des travailleurs que sont tous les syndicats.
1) Lire notre article “Grève de la métallurgie à Vigo en Espagne : Une avancée dans la lutte prolétarienne [821]”.
Les horribles attentats de Bombay, dans un hôpital, dans un café et des hôtels pour touristes, dans un centre juif, dans la salle d’attente de la gare principale, ont déjà été désignés comme le “11 septembre indien”.
Alors que les Etats-Unis se sont servis des atrocités du 11 septembre 2001 pour justifier le déchaînement de leur barbarie militaire en Afghanistan et en Irak, cette comparaison a un sens précis : elle contient la menace implicite que le statut de “victime” de l’Inde sera utilisé pour justifier un renforcement de sa militarisation, voire une reprise du conflit, contre le Pakistan. Non seulement les Etats-Unis avaient déjà averti l’Inde de la possibilité d’attentats, mais les services secrets indiens avaient, à de nombreuses occasions, été informés de la possibilité même d’attaques sur Bombay. De là, on peut déduire l’hypothèse vraisemblable que l’Etat indien ait laissé se perpétrer ces attentats afin de justifier une politique plus agressive envers le Pakistan – ce qui est aussi comparable à la politique de l’Etat américain en septembre 2001.
D’un autre côté, s’il cherche des prétextes pour faire la guerre, l’Etat indien peut déjà mettre en avant nombre d‘attentats contre d’autres villes indiennes au cours de ces six derniers mois, notamment à New-Delhi, Jaipur, Bangalore, Ahmedabad et Guwahati, et, rien que pour cette année, on dénombre plus de 400 morts dans de tels attentats. Le terrorisme à Bombay n’est donc pas la seule expression, même si elle est la plus dramatique, du conflit permanent entre l’Inde et le Pakistan qui perdure, sous une forme ou une autre, depuis l’indépendance de l’Inde.
En particulier, l’Inde et le Pakistan se sont battus pour le contrôle du Cachemire en 1947, 1965, 1971 et, à nouveau, à travers les attaques aériennes indiennes contre les combattants musulmans en mai 1999. Après ce dernier conflit, des incidents continuels ont émaillé ces dernières années, comme l’attaque sur le parlement indien en décembre 2001 dans lequel 14 personnes ont trouvé la mort. Cet attentat avait conduit en 2002 ces deux puissances nucléaires au bord de la guerre totale avec la mobilisation aux frontières des forces armées qui se faisaient face.
Le conflit n’a pas seulement impliqué les forces armées “officielles” des deux pays mais aussi les groupes terroristes, le plus souvent mis sur pied en sous-main par leurs services secrets respectifs. En particulier, l’ISI (services secrets pakistanais) contrôle et dirige les groupes Lashkar-e-Taiba et Jaish-e-Mohammed et leurs interventions au Cachemire. Bien que l’Etat pakistanais ait formellement mis hors-la-loi ces groupes en 2002 , ils agissent toujours avec le consentement et l’appui d’importantes fractions de la classe dominante pakistanaise. Il n’est pas surprenant que l’Etat indien (comme les médias du monde entier) ait accusé ces groupes d’être responsables des attentats de Bombay. Quels qu’ils soient, ils ont agi dans la même tradition de brutalité et de barbarie qui caractérise et jalonne la longue histoire de ce conflit.
Les Etats-Unis ne se sont pas désintéressés des événements. Une des priorités en politique étrangère de Barack Obama (en continuité avec Bush, et le secrétaire d’Etat à la défense Gates, qu’a conservé Obama) est l’offensive contre les forces combattantes en Afghanistan qui sont basées au Pakistan. Ayant besoin de l’aide du Pakistan dans la “guerre contre le terrorisme”, Washington ne veut pas que les forces pakistanaises abandonnent leurs positions actuelles pour se déplacer aux frontières du Cachemire, ce qui aurait pour conséquence d’empirer les relations entre l’Inde et le Pakistan et de miner la stratégie américaine dans la région. Il est également difficile pour les Etats-Unis de retenir l’Inde, car la bourgeoisie indienne peut s’empresser de souligner que les Etats-Unis eux-mêmes sont en train de s’enfoncer dans un bourbier par rapport à leurs offensives contre Al-Qaida ou les talibans.
La bourgeoisie indienne elle-même semble divisée. Certains commentateurs ont suggéré que l’Inde ne devrait pas attaquer le Pakistan car la priorité serait de renforcer la position de l’armée au sein d’un Etat pakistanais très fragile, et qu’il y a au moins des possibilités de dialogue avec les dirigeants pakistanais dans la configuration actuelle. Certains autres ont insisté sur le fait que le conflit total était, tôt ou tard, inévitable et que la situation actuelle se trouvait déjà hors du contrôle des politiciens indiens et pakistanais.
Une chose est certaine, c’est le danger inhérent à la situation présente. Les deux Etats possèdent l’arme nucléaire. Les deux ont des forces armées qui sont déjà mobilisées, et pas seulement au Cachemire : l’armée pakistanaise livre déjà des combats au nord-ouest du pays et au Baloutchistan, et l’Inde au Nagaland et dans certains Etats contre l’insurrection naxalite (1). Plus important, les deux pays ont des liens avec des impérialistes plus puissants : l’Inde développe une alliance avec les Etats-Unis et le Pakistan une entente anti-indienne de longue date avec la Chine.
Peut-être qu’au stade actuel, l’Inde et le Pakistan, avec les efforts intéressés des Etats-Unis embusqués en arrière-plan pour brider le chaos, seront encore capables de contenir leur impulsion vers le conflit armé ouvert, mais l’orientation vers la guerre des rivalités inter-impérialistes reste fondamentale dans le capitalisme et, en ce sens, menace potentiellement de convulsions une des régions les plus peuplées du monde. Si les attentats de Bombay ont été effroyablement meurtriers, les massacres que le capitalisme nous réserve lorsqu’il lâche la bonde de son arsenal de destruction planétaire confirme qu’il est un système d’organisation sociale qui n’a plus que l’anéantissement à offrir à l’humanité.
Car (5 décembre)
1) Le naxalisme est le nom donné à un mouvement composé de plusieurs groupes armés en activité dans quinze États de l’Inde. Les naxalites, influencés par le maoïsme, cherchent à “organiser les paysans pour provoquer une réforme agraire par des moyens radicaux y compris la violence”. Le terme “naxal” dérive de Naxalbari, un village situé dans le district de Darjeeling au nord du Bengale occidental d’où le mouvement est issu (source : Wikipedia).
A l’occasion de l’anniversaire de l’assassinat de Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht le 15 janvier 1919, commandité par le Parti socialiste d’Allemagne (SPD), nous republions ci-dessous un article publié pour la première fois en 1946 dans l’Etincelle, journal de la Gauche communiste de France, qui est l’organisation à laquelle le CCI se rattache politiquement. En 1989, au moment de l’effondrement des régimes staliniens, les partis de droite et mêmes “socialistes” ont célébré la “mort du communisme” et la “victoire définitive” du capitalisme libéral et démocratique : il s’agissait de démoraliser la classe ouvrière, de la détourner de toute aspiration vers une autre société, de paralyser sa combativité. Aujourd’hui, alors que le “grand vainqueur” du prétendu “communisme” révèle toujours plus l’ampleur de sa faillite économique, que le prolétariat retrouve un peu partout le chemin de sa perspective historique, les partis de gauche, “socialistes”, “communistes” et gauchistes, s’apprêtent une nouvelle fois à utiliser les noms des “trois L” (Lénine, Liebknecht, Luxemburg) pour détourner les prolétaires du combat auquel ces grandes figures du mouvement ouvrier ont consacré et donné leur vie (et notamment contre la boucherie impérialiste de 1914-1918). A l’époque, la vérité sur les “trois L” était un moyen de résister à la terrible contre-révolution qui pesait sur le prolétariat. Aujourd’hui, c’est un instrument du combat de cette classe pour déjouer les pièges que la bourgeoisie ne se privera pas de semer sur le chemin de sa perspective révolutionnaire. C’est pour cela que cet article garde aujourd’hui toute son actualité.
« Du vivant des grands révolutionnaires, les classes d’oppresseurs les récompensent par d’incessantes persécutions ; elles accueillent leur doctrine par la fureur la plus sauvage, par la haine la plus farouche, par les campagnes les plus forcenées de mensonges et de calomnies. Après leur mort, on essaie d’en faire des icônes inoffensives, de les canoniser pour ainsi dire, d’entourer leur nom d’une certaine auréole afin de ‘consoler’ les classes opprimées et de les mystifier ; ce faisant, on vide leur doctrine révolutionnaire de son contenu, on l’avilit et on en émousse le tranchant révolutionnaire” (Lénine, l’État et le Révolution).
Évoquer ces trois figures, leur vie, leur œuvre, leur lutte, c’est évoquer l’histoire et l’expérience de la lutte internationale du prolétariat durant le premier quart du xxe siècle. Jamais vies d’hommes furent moins privées, moins personnelles, plus entièrement liées à la cause de l’émancipation révolutionnaire de la classe des opprimés, que les vies de ces trois figures des plus nobles du mouvement ouvrier.
Plus que toute autre classe dans l’histoire, le prolétariat est riche en belles figures révolutionnaires, en militants dévoués, en lutteurs infatigables, en martyrs, en penseurs et hommes d’action. Cela est dû au fait que, contrairement aux autres classes révolutionnaires dans l’histoire, qui ne luttaient contre les classes réactionnaires que pour substituer leur propre domination et l’asservissement de la société à leurs propres intérêts égoïstes de classe privilégiée, le prolétariat, lui, n’a pas de privilèges à conquérir. Son émancipation est l’émancipation de tous les opprimés et de toutes les oppressions, sa mission est celle de la libération de l’humanité entière, de toutes les inégalités et injustices sociales, de toute exploitation de l’homme par l’homme, de toutes les servitudes : économique, politique et sociale.
C’est en détruisant révolutionnairement la société capitaliste et son État, en construisant la société socialiste sans classes, que le prolétariat, remplissant sa mission historique, ouvrira une nouvelle ère de l’histoire humaine, l’ère de la véritable liberté et de l’épanouissement de toutes les facultés de l’homme. Aussi, dans la période de déclin du capitalisme, seul le prolétariat et sa lutte émancipatrice offrent un terrain historique où s’exprime tout ce qu’il y a de progressif dans la pensée, dans les aspirations, dans l’idéal et dans tous les domaines de l’activité humaine. C’est dans cette lutte libératrice du prolétariat que l’histoire a placé la source vivifiante des plus hautes qualités morales humaines : désintéressement, abnégation, dévouement absolu à la cause collective, courage. Mais on peut affirmer, sans crainte de tomber dans l’idolâtrie, qu’à ce jour, hormis peut-être les fondateurs du socialisme scientifique, le prolétariat n’a pas trouvé de meilleurs représentants, de guides plus grands, de figures plus nobles, pour symboliser son idéal et sa lutte, que ceux de Lénine, Luxembourg et Liebknecht.
Le prolétariat n’a ni dieux, ni idoles. L’idolâtrie est le propre d’un état arriéré et primitif des hommes. C’est aussi une arme pour la conservation des classes réactionnaires, pour l’abrutissement des masses. Rien n’est plus funeste à la lutte révolutionnaire du prolétariat que la tendance qu’on essaie de lui imprimer au fétichisme et à l’idolâtrie.
Le prolétariat, pour vaincre, a besoin d’une conscience toujours plus grande, plus aiguë, de la réalité et de son devenir. Ce n’est pas dans une mystique, aussi noble que soit la cause, qu’il peut puiser la force de marcher en avant et accomplir sa mission révolutionnaire, mais uniquement dans une conscience critique extraite de l’étude scientifique et de l’expérience vivante de ses luttes passées. La commémoration de la mort de Lénine, Luxemburg et Liebknecht, ne peut jamais être pour les révolutionnaires un acte religieux.
Le prolétariat, pour poursuivre sa lutte, a sans cesse besoin d’étudier son propre passé afin d’assimiler l’expérience, d’en prendre conscience, de s’appuyer sur l’acquis historique et aussi pour dépasser les erreurs inévitables, corriger par la critique les fautes commises, renforcer ses positions politiques par la prise de conscience des insuffisances et lacunes en complétant son programme, et enfin pour résoudre les problèmes dont la solution est restée inachevée hier.
Pour les marxistes révolutionnaires qui répugnent à l’idolâtrie et au dogmatisme religieux, commémorer les “trois L”, c’est puiser dans leur œuvre et dans leur vie, leur expérience, les éléments pour la continuité de la lutte et l’enrichissement du programme de la révolution socialiste. Cette tâche est à la base de l’existence et de l’activité des fractions de la Gauche communiste internationale.
Il n’y a pas d’exemple plus révoltant de déformation, de falsification plus éhontée d’une œuvre d’un révolutionnaire, que celui que la bourgeoisie a fait de l'œuvre de Lénine. Après l’avoir pourchassé, calomnié, poursuivi d’une haine implacable durant toute sa vie, la bourgeoisie mondiale, pour mieux duper le prolétariat, a fabriqué un faux Lénine à son usage.
On se sert de son cadavre pour rendre inoffensifs son enseignement et son œuvre. On se sert de Lénine mort pour tuer le Lénine vivant.
Le stalinisme, meilleur agent du capitalisme mondial, s’est servi du nom de ce chef de la Révolution d’Octobre pour accomplir la contre-révolution capitaliste en Russie. C’est en citant Lénine qu’ils ont massacré tous ses compagnons de lutte. Pour entraîner les ouvriers russes et du monde dans le massacre impérialiste, ils présentent un Lénine, “héros national russe”, partisan de la “défense nationale”.
L’action de Lénine, qui fut un ennemi acharné de chaque instant du capitalisme russe et mondial et de tous les renégats passés au service du capitalisme, ne peut être retracée dans le cadre d’un article. Son œuvre trouve sa plus haute expression dans les trois points suivants qui se situent à l’aube, à la maturité et à la fin de sa vie.
C’est d’abord la notion du parti qu’il donne en 1902 dans Que faire ?.
Sans parti politique révolutionnaire, enseigne-t-il, le prolétariat ne peut ni faire la révolution, ni prendre conscience de la nécessité de la révolution. Le parti, c’est le laboratoire où se fait la fermentation idéologique de la classe. “Sans théorie révolutionnaire, pas de mouvement révolutionnaire”. Construire, cimenter le Parti de la révolution sera le fond de toute son œuvre. Octobre 1917 apportera la confirmation historique de la justesse de ce principe. C’est grâce à l’existence de ce parti révolutionnaire que fut le Parti bolchevik de Lénine que le prolétariat russe a pu sortir victorieux en Octobre.
C’est ensuite la position de classe contre la guerre impérialiste en 1914. Non seulement le prolétariat repousse toute défense nationale en régime capitaliste, mais il doit œuvrer, par ses luttes de classe, à la défaite de sa propre bourgeoisie, pour le défaitisme révolutionnaire, oeuvrer par la lutte de classe révolutionnaire, par la fraternisation des soldats des deux côtés des frontières impérialistes, à la transformation de la guerre impérialiste en guerre civile, pour la révolution socialiste.
Lénine dénoncera tous les faux socialistes qui ont trahi le prolétariat pour se mettre au service de leur bourgeoisie ; il dénoncera violemment les gens qui, tout en se disant du bout des lèvres contre la guerre, hésitent à rompre avec les traîtres et les renégats. Il proclamera la nécessité de la formation d’une nouvelle Internationale et des nouveaux partis, où les traîtres et les opportunistes n’auront pas droit de cité. Enfin, il démontrera que l’époque impérialiste est la dernière période du capitalisme, la période des guerres impérialistes, et que seul le prolétariat, par la révolution, peut y mettre fin. Cette thèse de Lénine a été confirmée par l’éclatement de la révolution en Russie et ensuite en Allemagne, qui a mis fin à la Première Guerre mondiale. Elle s’est à nouveau confirmée d’une façon tragique, quand les défaites de la révolution et l’écrasement physique et idéologique du prolétariat ont posé la condition de la reprise de la guerre impérialiste mondiale que fut la guerre de 1939-45. Enfin, Lénine a démontré en 1917, dans la pratique, que la transformation de la société ne peut se faire par la voie pacifique de réformes, mais nécessite la destruction violente, et de fond en comble, de l'État capitaliste et l’instauration de la dictature du prolétariat contre la classe capitaliste.
La victoire de la Révolution d’Octobre, la construction de l’Internationale communiste, parti de la révolution mondiale, les thèses fondamentales de l’Internationale communiste sont le couronnement de l'œuvre de Lénine et le point culminant, la position la plus avancée atteinte par le prolétariat dans la période précédente.
La mort de Lénine coïncide avec le reflux de la révolution et les défaites du prolétariat. Dans cette période de recul, l’absence de Lénine a pesé lourdement sur le mouvement révolutionnaire. L'œuvre si riche de Lénine n’est pas exempte d’erreurs et de lacunes. C’est aux révolutionnaires aujourd’hui qu’il appartient de corriger et de dépasser les erreurs historiques du prolétariat. Mais Lénine, par son œuvre et son action, a fait faire un pas de géant et décisif sur le chemin de la révolution et restera, à ce titre, un guide immortel du prolétariat.
L’œuvre de Rosa Luxemburg est encore, aujourd’hui, profondément ignorée, non seulement des larges masses, mais même des militants avertis.
L’apport de Rosa dans la théorie marxiste fait d’elle l’élève et la continuatrice la plus brillante et la plus profonde de Karl Marx.
Son analyse de l’évolution de l’économie capitaliste donne la seule explication scientifique de la crise ultime et permanente du capitalisme. Il est impossible d’aborder sérieusement l’étude de notre époque de l’impérialisme, de l’inéluctabilité de la crise économique et des guerres impérialistes, sans se baser sur l’analyse pénétrante de Rosa. En donnant une solution scientifique aux problèmes de la reproduction élargie et de l’accumulation du capital qui se trouvaient inachevés chez Marx, Rosa a dégagé le socialisme d’une impasse pour le placer dans sa nécessité objective.
Mais Rosa Luxemburg ne fut pas seulement une grande théoricienne et une économiste érudite, elle fut avant tout une combattante révolutionnaire.
Chef de file incontestée de la gauche de la social-démocratie allemande, elle a, de bonne heure, dénoncé l’enlisement opportuniste de la IIe Internationale. A la tête de la gauche, avec son compagnon d’armes Karl Liebknecht, elle romp, durant la guerre de 1914-18, avec la social-démocratie de trahison au service de la bourgeoisie et de Guillaume II.
Des années de prison pour son action contre la guerre n’ont pas calmé son ardeur. Sortie de prison, elle organise le Spartakusbund et engage la lutte pour la révolution socialiste en Allemagne. Sur bien des points, l’histoire a confirmé la justesse des positions de Rosa en opposition avec Lénine, et notamment sur la question nationale et coloniale, où Rosa dénonçait l’erreur de la position de la libération nationale et du “droit des peuples à disposer d’eux-mêmes” qui, étant d’essence bourgeoise et historiquement réactionnaires, ne peuvent que détourner le prolétariat des petits pays opprimés de son terrain de classe et renforcer de ce fait le capitalisme international.
Les événements dans les pays baltes, la révolution nationale turque, comme toute une série de révolutions “nationales”, et la Chine en 1927, devaient expérimentalement donner une confirmation tragique aux avertissements de Rosa.
Les nouveaux partis que le prolétariat doit construire aujourd’hui ne peuvent présenter un pas en avant qu’en reprenant la thèse fondamentale de Rosa sur la question nationale, et en l’approfondissant. Certaines autres critiques, et certains avertissements de Rosa à la Révolution russe, concernant la liberté et la violence dans la révolution, doivent servir de matériaux, conjointement avec l’expérience ultérieure de la Russie, à l’établissement du nouveau programme des partis de classe.
Karl Liebknecht est l’autre grande figure de la révolution allemande de 1919. Député au Reichstag, il rompt la discipline du groupe parlementaire et prononce du haut de la tribune du Parlement le réquisitoire contre la guerre impérialiste.
“L’ennemi est dans notre propre pays”, proclamera sans cesse Liebknecht, et il appellera les ouvriers et les soldats à la fraternisation et à la révolte. Son souffle ardent galvanisera les énergies révolutionnaires, et la révolution en 1918 le trouvera avec Rosa Luxemburg à la tête des masses prolétariennes, à l’extrême pointe de la bataille.
En assassinant Karl et Rosa, en momifiant Lénine, la bourgeoisie n’a pu que retarder son propre anéantissement.
La social-démocratie allemande, pour sauver le capitalisme de la menace de la révolution, déchaînera la plus sanglante répression contre le prolétariat. Mais le massacre de dizaines de milliers de prolétaires ne lui suffira pas. Tant que Rosa et Liebknecht sont en vie, elle ne se sentira pas rassurée. Aussi c’est eux qu’elle cherche, qu’elle vise et qu’elle finit par atteindre, en les faisant assassiner par sa police, lors d’un transfert de prison. Hitler n’avait rien inventé ; Noske, ministre socialiste et chien sanglant de la bourgeoisie, lui a donné la première leçon et lui a ouvert la voie, tout comme Staline lui a appris la manière de transformer des millions d’ouvriers et paysans en prisonniers politiques, ainsi que le massacre en masse des révolutionnaires.
L’assassinat de Rosa et de Karl devait décapiter la révolution allemande et la révolution mondiale pour des années. L’absence de ces chefs fut un handicap terrible pour le mouvement ouvrier international et l’Internationale communiste.
Mais le capitalisme peut assassiner les dirigeants de la révolution, il peut momentanément fêter sa victoire sur le prolétariat en le jetant dans des guerres impérialistes nouvelles. Il ne peut toutefois résoudre les contradictions de son régime qui le précipitent dans les gouffres de la destruction généralisée.
Lénine, Karl et Rosa sont morts, mais leur enseignement reste vivant. Ils restent le symbole de la lutte à mort contre le capitalisme et la guerre, par la seule voie qui s’offre à l’humanité, par la révolution prolétarienne.
C’est en suivant leur trace, en continuant leur œuvre, en s’inspirant de leur exemple et de leur enseignement, que le prolétariat international fera triompher la cause pour laquelle ils sont tombés : la cause du prolétariat et du socialisme.
L'Étincelle
(janvier-février 1946)
“Ce sont les plus grandes manifestations de salariés depuis une vingtaine d’années”, a déclaré triomphalement le secrétaire général de la CFDT, Chérèque, en évoquant les quelque 200 cortèges organisés le 29 janvier dernier en France, à l’appel de huit centrales syndicales. De fait, cette journée de grève (avec un taux de grévistes allant souvent de 35 à 60 % dans certains secteurs, notamment, dans l’éducation nationale) et de manifestations ont mis dans la rue en France entre 1 million (selon la préfecture de police) et 2,5 millions de personnes (selon le syndicat CGT). Une fois de plus, la réalité se situe vraisemblablement entre les deux.
Cette mobilisation importante a démontré clairement l’accumulation d’un ras-le-bol, d’une exaspération, d’une colère face à la détérioration générale des conditions de vie et de travail. Elle est le révélateur d’une inquiétude profonde face à la crise et à l’avenir que réserve le capitalisme. Elle démontrait aussi une réelle combativité. Cela faisait très longtemps que salariés du secteur public et du secteur privé ne s’étaient pas retrouvés ensemble sur le pavé ; de plus, toutes les générations ouvrières étaient présentes : lycéens, étudiants, salariés, retraités. Dans le secteur privé surtout, beaucoup déclaraient participer à une manifestation pour la première fois. Y compris dans des professions jusqu’ici qualifiées de “représentantes des classes moyennes” par les médias telles que des ingénieurs, des informaticiens, des cadres commerciaux, des employés de banque… Tous se sentent attaqués de la même façon au niveau de la baisse du pouvoir d’achat, de la précarité de l’emploi, des conditions de travail de plus en plus insupportables, de l’inquiétude par rapport à l’avenir de leurs enfants ; tous sont en train de ressentir dans leur chair la faillite ouverte du capitalisme. On pourrait s’étonner que l’ensemble des syndicats, professionnels du sabotage et de la division des luttes depuis des lustres aient appelé ensemble à un tel rassemblement unitaire. Cela n’a pourtant rien de mystérieux : ils ne pouvaient pas faire autrement que de prendre les devants de la montée grandissante de la colère sociale pour occuper le terrain sous peine de se discréditer et de se déconsidérer totalement aux yeux des salariés. Cela fait des mois que la crise s’aggrave, que la grogne sociale s’exprime et qu’elle s’accentue de jour en jour sans que la gauche et les syndicats ne lèvent le petit doigt. S’ils le font aujourd’hui, c’est qu’ils sont poussés par la nécessité. Comme l’exprimait un article du Monde daté du 25 novembre , “Hôpitaux, universités, école, justice : les foyers de tension sont nombreux. Attisés à la fois par la crise économique qui bouche l’horizon et par la montée d’un anti-sarkozysme qui se nourrit de toutes sortes d’ingrédients (…) Les syndicats en sont conscients. Ils vont tenter de canaliser le mécontentement au cours d’une journée d’action le 29 janvier.” Un article de Marianne du 24 janvier, intitulé “Ca sent la poudre”, allait dans le même sens en rapportant les propos d’un conseiller de l’Elysée constatant que “les centrales syndicales ont bordé l’événement : “c’est une seule journée, n’est ce pas ? Une vraie grève, c’est quand on ne sait pas comment ça s’arrête”. Mais le chroniqueur de Marianne, plus lucide ajoutait : “Le matin du 30 janvier, veut-on se persuader, les trains et les métros circuleront de nouveau, les salariés reprendront le chemin du boulot, les lycéens celui de leurs cours, et la vie reprendra son chemin, comme si de rien n’était. Mais en matière sociale, il est difficile de déterminer d’où vient le coup de grisou…” “Canaliser le mécontentement”, “border le terrain social”, c’est précisément le boulot pour lequel la bourgeoisie finance les syndicats, et c’est ce qu’ils ont fait pour pouvoir poursuivre leur sabotage des luttes dans le futur. Alors qu’il y avait déjà une multitude de grèves avant cette journée de manifestation, elles ont continué dans certaines entreprises “comme si de rien n’était”, revenant à leur cloisonnement et à leur isolement initiaux entretenus par les syndicats (Faurecia, Renault Sandouville, et toutes les usines où ont été annoncés des plans de licenciements ou des fermetures de sites).
Ainsi, cette journée a permis aux syndicats de tenter de redorer leur blason à peu de frais, son succès étant présenté par les médias comme le produit de l’unité syndicale. Sachant que leur journée d’action était populaire auprès de plus de 70 % des sondés, ils se sont gardés de paralyser totalement les transports notamment en région parisienne (même si le RER ne circulait pratiquement pas et si dans certaines villes comme Marseille, le métro ne fonctionnait pas) pour ne pas la rendre impopulaire tout en saucissonnant comme d’habitude les cortèges par syndicats, par entreprises et par corporations.
Cette journée d’action n’a permis qu’une chose : laisser échapper un peu de vapeur pour empêcher la cocotte-minute sociale d’exploser de façon incontrôlée. Et pour cela, les syndicats avaient un défouloir tout trouvé faisant l’unanimité : l’anti-sarkozysme. Le slogan le plus populaire dans les manifs étant cette invective : “casse-toi, pauv’con !” Et cela a permis aussi aux ténors du PS, de reprendre place dans les cortèges de manifestants.
Le succès syndical du 29 janvier n’est pourtant qu’un gigantesque trompe-l’œil. L’ampleur de cette mobilisation dans une période où il est devenu plus difficile et plus coûteux de se mobiliser est non seulement révélateur d’un malaise profond mais d’une maturation réelle. A la télévision, un manifestant à Clermont-Ferrand déclarait “Le système a atteint ses limites”, et les nombreuses discussions au cours de ces manifestations qu’ont pu avoir les militants du CCI ont démontré l’existence d’une soif de discussion et qu’une réflexion en profondeur sur l’impasse du capitalisme est à l’œuvre au sein de la classe ouvrière.
Wim (30 janvier)
Après
le fragile cessez-le-feu décrété le 18 janvier, le bilan, qui ne
cesse de s’alourdir, de trois semaines de combats entre l’armée
israélienne et le Hamas (1),
de bombardements et de raids aériens est terrible. Environ
1300 Palestiniens sont morts, dont les deux tiers sont des
civils, et près de 4400 blessés sont pour la plupart
handicapés à vie. Les femmes et les enfants forment 43 % des
victimes. Les infrastructures, les terres cultivées, les maisons et
les bâtiments collectifs ont été entièrement détruits, laissant
la population survivante dans un état de dénuement bien pire encore
que celui déjà catastrophique qui existait avant ce nouvel épisode
sanglant du conflit israélo-palestinien. Pour donner une idée du
déluge de fer et de feu qui s’est abattu, plus d’un million de
tonnes de bombes et d’explosifs (2)
a été déversé sur les 360 km² de la bande de Gaza, soit environ
5 kg de bombes au m².
Dans cette opération “Plomb durci”
contre le Hamas, 2400 maisons d’habitation ont été rasées et,
dans leur rage destructrice, les Forces d’occupation israéliennes
ont attaqué quasi-systématiquement les ambulances et les véhicules
des services de secours. Des centaines d’ateliers et de commerces
ont été détruits, ainsi que deux immeubles abritant les misérables
soins médicaux auxquels peuvent avoir accès les habitants de Gaza.
Bien sûr, toutes les grandes puissances, qu’elles soutiennent Israël de façon inconditionnelle comme les États-Unis, ou en faisant des ronds de jambe comme la France, n’ont cessé et ne cessent “d’espérer” une issue “pacifique” au conflit et accourent aujourd’hui pour “venir en aide” à la population. George Mitchell. Le “monsieur Moyen-Orient” désigné par Obama affirmait à Jérusalem après avoir rencontré la veille en Cisjordanie le président palestinien Mahmoud Abbas, l’engagement de la nouvelle administration américaine “à rechercher activement et résolument une paix durable entre Israël et les Palestiniens ainsi qu’entre Israël et ses autres voisins arabes”. Et, pour montrer toute sa bonne volonté, Washington débloquait 20 millions de dollars pour financer l’aide humanitaire d’urgence dans la bande de Gaza, tandis qu’Obama exprimait tout récemment “sa profonde préoccupation sur les récentes pertes de vies humaines et souffrances substantielles à Gaza”. Belle hypocrisie de la part de ce nouveau président qui, malgré ses multiples critiques et contre-propositions sur la politique économique et guerrière de Bush et en Irak, avait gardé jusque-là une neutralité bienveillante vis-à-vis du soutien américain à l’attaque israélienne, parce qu’il n’y avait comme par hasard sur ce dossier qu’un “seul président” qui devait s’exprimer.
De son côté, l’ONU, qui s’est avérée d’une impuissance toujours drapée de sa dignité “diplomatique”, a “lancé un appel” le 29 janvier visant à collecter 613 millions de dollars pour aider les habitants de Gaza “à se remettre” de trois semaines de bombardements israéliens.
Quant à l’Union européenne, qui avait suspendu son aide lors de l’élection du Hamas en 2007 mais dorénavant plus divisée que jamais sur les questions palestinienne et du Hamas, elle s’est contentée d’appeler Israël à faciliter l’accès des convois humanitaires vers la bande de Gaza et demandé que le délai d’accès au territoire pour les travailleurs humanitaires soit réduit de 5 à 2 jours.
Carrefour de l’Orient et de l’Occident, le Moyen-Orient n’a cessé depuis des siècles d’être l’enjeu de puissances dominantes. Ce n’est pas dans le cadre d’un tel article que nous pourrons résumer cette histoire d’une région tiraillée en tous sens par les appétits des unes et des autres. Cependant, c’est avec l’effondrement de l’Empire ottoman durant et suite à la Première Guerre mondiale que cette région devient le théâtre d’affrontements sans cesse plus violents, sans cesse plus meurtriers. Et tout “l’honneur” en revient aux grandes puissances victorieuses de ce premier holocauste et en particulier à la Grande-Bretagne qui, avec la déclaration du ministre Balfour de 1916, déclarait ouverte la possibilité de création d’un État juif en Palestine, pour s’assurer le soutien des Juifs d’une Amérique qui devait entrer en guerre, tout en soutenant en sous-main les agitateurs et nationalistes palestiniens de tous bords. La politique hypocrite de la Grande-Bretagne a en l’occurrence fait de nombreux émules car, depuis l’entre-deux guerres et bien plus encore depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale puis avec l’apparition des blocs de l’Est et de l’Ouest, toutes les grandes puissances se sont servies des différentes fractions juives, arabes ou palestiniennes pour tenter de placer leurs propres pions dans la région.
La situation d’horreur permanente que connaît les habitants de Gaza, pris entre les feux des deux cliques du Hamas ou du Fatah, comme aussi ceux de Cisjordanie, même si c’est dans une moindre mesure pour le moment, est le résultat de cette politique des grandes puissances. Celles-ci, prenant en otage de leurs dissensions permanentes et grandissantes les populations palestiniennes et israéliennes, n’ont pas cessé de s’en servir comme d’une masse avec laquelle elles manœuvrent avec le pire cynisme, les contenant soigneusement dans la haine de “l’ennemi” juif ou arabe, exacerbant comme seuls les médias bourgeois savent le faire le fanatisme pro-palestinien mais aussi celui du nationalisme juif, et de faire de ces “fous de Dieu” d’un côté ou de l’autre des robots façonnés pour tuer.
Les derniers évènements sont une monstrueuse redite de la guerre que se livrent depuis plus de cinquante ans Israéliens et Palestiniens, mais aussi et surtout de la guerre sans fin que se mènent les bourgeoisies les plus puissantes du monde pour le contrôle de la région, avec en tête les États-Unis contre leurs nombreux rivaux, car les enjeux dépassent même ceux de Gaza et de la Cisjordanie. Washington a donc soutenu sans réserve l’attaque israélienne, d’abord parce que Tel-Aviv est son principal allié dans la région, l’un ayant besoin de l’autre. Mais aussi parce que les derniers évènements lui ont permis de revenir en force en tant que médiateur principal du problème israélo-palestinien. Il s’agit aussi d’évincer de la région les puissances européennes qui tentent de s’y immiscer, comme en particulier la France.
Mais ce ne sont pas que les ronds de jambe d’un Sarkozy, pourtant prêt à se prosterner pour la “bonne cause” devant le grand manitou américain, posant en grand faiseur de paix auprès de l’Egypte, qui ont été ridiculisés par la politique américaine, mais aussi l’ensemble des pays européens et arabes. L’Egypte elle-même, de façon générale interlocuteur privilégié des relations israélo-palestiniennes, a été totalement mise de côté et c’est entre Tsipi Livni et Obama que l’accord de cessez-le-feu a été gagné, sur l’engagement des États-Unis de sécuriser la frontière entre Israël et la bande de Gaza et du contrôle de la frontière entre le sud de la province et l'Égypte.
Exit l’Union européenne, exit l’ONU, exit le fameux et débile “quartet” qui prétend régir et intervenir dans la crise israélo-palestinienne, car il reviendra désormais à l’OTAN, et donc à l’Amérique, de revenir en tant que chef d’orchestre de la partition mortelle qui se joue dans les territoires palestiniens.
Avec ce cessez-le-feu, les États-Unis d’Obama n’ont nullement de soudaines intentions pacifistes et encore moins un intérêt quelconque pour la population palestinienne ; ils cherchent simplement à préserver un minimum de calme dans la région dans la perspective du retrait partiel de l’armée américaine en Irak. Il ne fait aucun doute qu’Obama n’aura aucun état d’âme à conclure des accords avec Nétanyahou, “l’extrémiste” raciste, pour faire valoir les intérêt américains quand cela sera nécessaire.
Quelle que soit leur couleur, les dirigeants capitalistes n’œuvrent jamais que pour les intérêts de leur classe, la bourgeoisie. Derrière les paroles hypocrites de paix et de prospérité à venir, la barbarie guerrière impérialiste et l’exploitation du prolétariat sont leurs seuls mode d’existence.
Mulan (30 janvier 2009)
1) Le Hamas est un peu pour Israël le Ben Laden des États-Unis ; car malgré l’opposition radicale à la reconnaissance de l’État d’Israël par le Hamas, on sait que ce dernier a été financé par le Mossad dans les années 1970 et 1980 afin d’affaiblir le Fatah de Yassez Arafat, alors que le mouvement s’appelait “Les Frères musulmans”, et qu’au moment de sa radicalisation anti-Israël à la fin des années 1980 et surtout dès 1993, il servait les intérêts de la clique Nétanyahou opposée aux accords d’Oslo et au Fatah ainsi qu’à la constitution d’un État palestinien.
2) On sait de plus par le témoignage de médecins norvégiens que les bombardements ont été l’occasion de tester des armes chimiques au phosphore, aux séquelles irréversibles, notamment sur les enfants.
Après l’agitation des lycéens et des étudiants de novembre-décembre 2008 en Italie, en Espagne, en Allemagne ou en France, après surtout le formidable mouvement social animé par des jeunes étudiants prolétarisés en Grèce (1), la Belgique, l’Islande, les pays baltes et la Bulgarie ont connu à leur tour, en janvier 2009, des mouvements sociaux. La bourgeoisie exprime d’ailleurs ouvertement la crainte que de tels mouvements, à mesure que la crise s’approfondit, ne gagnent l’Europe toute entière, tel le socialiste Laurent Fabius pour qui “ce que l’on voit en Grèce n’est pas du tout malheureusement hors du champ de ce qui peut arriver en France. Quand vous avez une telle dépression économique, une telle désespérance sociale, il suffit qu’il y ait une allumette qui se mette là-dedans et tout part.” Et de plus en plus, ces explosions sociales sporadiques ne se limitent pas aux jeunes générations mais gagnent peu à peu le cœur de la classe ouvrière.
Dans ce pays, tout au long du mois de janvier, de multiples grèves ont frappé le secteur des transports. En France, si la classe ouvrière n’en a pas entendu parlé c’est que le black-out médiatique a été presque total.
Pour protester contre un nouveau règlement sur les permutations de service, une grève sauvage a éclaté le 20 janvier à Bruxelles chez les chauffeurs de bus de la STIB. Lors de l’assemblée générale, les chauffeurs de bus ont exigé “une augmentation de salaire et une amélioration des conditions de travail”. Aucune organisation syndicale n’a reconnu le mouvement et la direction n’a donc pas voulu engager de négociations avec les grévistes. Ceux-ci ont quant à eux refusé dans un premier temps le dialogue avec les permanents syndicaux, permanents syndicaux qui ont discrètement organisé de soi-disant “assemblées générales” entre eux et les “délégués du personnel”. Par ces négociations secrètes, ils ont réussi à éteindre le mouvement en promettant une table ronde sur les salaires avec la direction… d’ici quelques semaines. Parallèlement, le 21, les chauffeurs de bus d’une autre compagnie ont arrêté le travail pendant 24 heures dans les dépôts de Jemeppe (Seraing) et de Robermont (Liège), après une agression au cocktail Molotov contre un chauffeur. Le 22 janvier, à la suite de deux autres agressions, une large majorité des chauffeurs du dépôt TEC de Mons-Bassin ont décidé de se mettre à leur tour en grève.
Depuis le début de l’hiver, c’est l’Islande (313 000 habitants) déclarée “en faillite” qui paie le plus durement la crise économique (2). Chaque jour, 200 personnes en moyenne perdent leur emploi et de plus en plus de gens sont confrontés à la menace de perdre aussi leur logement. Depuis plus de 2 mois, les mouvements de colère se manifestent avec des rassemblements hebdomadaires dans un parc de Reykjavík. Les premières protestations exigeaient que le gouvernement “brise le silence” concernant la situation économique réelle puis ont réclamé la démission du gouvernement et la tenue d’élections anticipées, sous la houlette de l’opposition parlementaire. Toutefois, cet encadrement et ces revendications purement “démocratiques” ont tendu à se fissurer et ont surgi des expressions plus “radicales”, mettant en cause la responsabilité du système capitaliste, notamment chez des éléments anarchistes. Jusque-là, le capitalisme semblait être un mot tabou parmi les manifestants. Fin octobre, les drapeaux de deux banques islandaises ont été brûlés. Le 8 novembre, lors d’une grande manifestation dans le centre de la capitale, exigeant une fois de plus la démission du gouvernement, un élément anarchiste est monté sur le toit du parlement, où il a accroché le drapeau de Bónus, le supermarché le moins cher de l’Islande. Ce drapeau jaune avec un cochon rose dessus a fait scander par les manifestants “Le gouvernement est un sale porc bon marché !” mais surtout une centaine de manifestants ont réussi en solidarité à aider l’homme-au-drapeau à descendre du toit et à éviter son arrestation par la police. Toutefois, cet élément a été reconnu et arrêté une semaine après. Le lendemain, au cours de la manifestation qui a réuni 10 000 personnes, 500 personnes se sont massées en face du commissariat de police, pour exiger que l’homme soit libéré. Après quelques échauffourées avec la police anti-émeutes qui a fait usage de gaz lacrymogènes, l’homme a été finalement libéré et a été acclamé à sa sortie de prison. Aux discours nationalistes des dirigeants politiques et syndicaux, le 1er décembre (jour de la fête nationale), des éléments ont opposé le slogan : “Non au nationalisme ! Solidarité internationale !” Malgré la proclamation d’élections anticipées au printemps prochain, la démission du ministre du Commerce puis du gouvernement tout entier le 26 janvier, tension et colère ne semblent toutefois pas devoir s’apaiser de sitôt.
D’autres émeutes ont eu lieu en Lettonie, en Lituanie et en Bulgarie, où la population a manifesté contre les difficultés économiques, les réformes de leur gouvernement et la corruption. Après avoir enregistré une croissance soutenue ces dernières années, les pays baltes plongent désormais dans la récession. La Lettonie et la Lituanie viennent de connaître les plus importantes manifestations de rue depuis 1991. Thorbjorn Becker, le directeur de l’Institut de Stockholm pour la transition économique (SITE), observe que “Les gens se retrouvent sans emploi et voient leurs revenus chuter cette année. On va régulièrement assister à des incidents de ce genre.” À Riga, quelque 10 000 personnes se sont rassemblées le 17 janvier aux abords du Parlement letton. Le 20 janvier, plus de 100 personnes ont été arrêtées et quelque 40 autres blessées au cours de nouvelles manifestations. Ce pays balte a les plus mauvais résultats économiques de toute l’Union européenne, son taux de chômage ayant grimpé de 1 % au cours du seul mois de décembre. Là encore, la pression ne paraît pas devoir retomber. «Nous ne sommes qu’au début des protestations», a prédit Nils Muiznieks, politologue de l’université de Lettonie. De violents affrontements se sont produits, notamment en Lituanie où la police est intervenue sans ménagement le 17 janvier à Vilnius devant le Parlement suite à la décision du gouvernement d’augmenter les impôts. Une quinzaine de personnes ont été blessées et plus de 80 autres arrêtées. Le 15 janvier, de violents affrontements avaient fait des dizaines de blessés en Bulgarie. Dans les trois pays, des rassemblements pacifiques se sont terminés dans la violence pendant plusieurs heures. La crise économique fait des ravages dans d’autres pays d’Europe de l’Est, particulièrement en Hongrie, en Ukraine et en Roumanie. La monnaie roumaine a ainsi perdu 17% de sa valeur en un an. La réduction des dépenses sociales en Estonie pourrait aussi provoquer des protestations dans cet autre pays balte. Les experts parlent d’une contagion possible à toute l’Europe, en particulier aux anciens pays de bloc de l’Est.
L’Europe n’est pas le seul continent touché. Depuis le 20 janvier, le département français de la Guadeloupe vit au rythme de la grève générale initiée par un collectif d’une cinquantaine d’organisations syndicales, politiques et culturelles qui, au nom de la lutte “contre la vie chère”, a établi un programme de 120 revendications. Les 115 stations-service de l’île, des écoles, des magasins et centres commerciaux sont fermés. Des services publics ne sont plus assurés, du ramassage des ordures aux transports routiers de voyageurs. Le cahier de revendications du “Collectif contre l’exploitation outrancière “ réclame notamment “un relèvement immédiat et conséquent d’au moins 200 euros des bas salaires, des retraites et des minima sociaux”, celui du SMIC et “des salaires du secteur privé, des traitements de la fonction publique, du minimum vieillesse, des minima sociaux”, “un salaire minimum guadeloupéen calculé sur le coût réel de la vie en Guadeloupe”, une “baisse significative de toutes les taxes et marges sur les produits de première nécessité et les transports” et “des taux de la taxe sur les carburants”, la “suppression de la taxation des produits locaux”, le “gel des loyers pour une période indéterminée”, “l’arrêt des saisies immobilières des propriétés des guadeloupéens et la restitution des biens”… Tous les syndicats encadrent ce mouvement de colère ainsi que le PC guadeloupéen, les Verts, et les associations de “carnavaliers” identitaires. Les uns et les autres utilisent la chute vertigineuse du pouvoir d’achat, la poussée du chômage qui touche plus de 20% de la population locale et l’angoisse de l’avenir face à la crise économique mondiale, pour noyer la colère et la dévoyer vers des revendications corporatistes et insulaires. Toutefois, ce mouvement menace de faire tâche d’huile dans les Antilles et une grève générale similaire est d’ores et déjà programmée par les syndicats de Martinique pour le 4 février (3).
L’avenir de la lutte de classe dépend de la prise en charge consciente de ses luttes par la classe ouvrière elle-même.
1) Voir Revue internationale no 136 “Les révoltes de la jeunesse en Grèce confirment le développement de la lutte de classe [1091]”.
2) De très nombreux articles et commentaires sur la situation des ouvriers en Islande sont disponibles sur le forum de discussion de la CNT-AIT Caen dans la rubrique “Foutoir mondial”, sous le titre “Révoltes en Islande”.
3) La bourgeoisie n’hésite pas à utiliser la misère et la colère croissante pour les manipuler à ses propres fins ou dans ses luttes pour le pouvoir entre ses fractions. Les massacres récents de Madagascar en est un exemple tragique. Le maire d’Antananarivo Andry Rajoelina a appelé à une grève générale pour renverser son rival, accusé de corruption et d’autoritarisme, le président malgache Marc Ravalomanana. Ces manifestations rassemblant jusqu’à 10 000 personnes ont rapidement dégénéré en sanglantes émeutes, faisant plus de 80 morts ou davantage en 36 heures (un journaliste de l’Express a avancé le bilan de 102 tués) dans des conditions particulièrement atroces : la plupart sont mortes écrasées sous des sacs de riz ou brûlées vives dans les magasins saccagés ; des corps mutilés et souvent calcinés, ont été apportés dans les morgues de la capitale.
Pendant la trêve des confiseurs, plusieurs faits divers ont marqué l’actualité en France. Le 24 décembre, un enfant de 3 ans est décédé à l’hôpital Saint-Vincent de Paul à Paris, victime de l’erreur d’une infirmière qui a administré du chlorure de magnésium dans sa perfusion. L’infirmière est immédiatement mise en examen et inculpée pour homicide involontaire. Quelques jours plus tard, c’est un homme de 57 ans qui, après plusieurs heures d’attente, est décédé d’un arrêt cardiaque, faute de pouvoir trouver un lit dans un service d’urgence de la région parisienne.
Pour la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, ces incidents ne sont bien sûr nullement le résultat de l’incurie croissante des hôpitaux publics confrontés à la baisse des effectifs, à la fermeture des lits et à la dégradation croissante des conditions de travail du personnel hospitalier. Ces décès ont été immédiatement attribués par les pouvoirs publics à un problème de “désorganisation” dans le fonctionnement administratif des hôpitaux. S’il y a eu un problème d’effectifs, c’est parce que les infirmières veulent toutes prendre leurs congés pendant les fêtes de Noël, au détriment de l’intérêt des patients (alors qu’on sait que cette période est propice aux épidémies hivernales).
Ce n’est pas tout à fait le même son de cloche qu’on a entendu de la bouche de l’urgentiste Patrice Pelloux qui dénonce ainsi le manque de moyens : “Avec les restrictions budgétaires, les établissements ferment les lits les jours fériés pour maintenir tant bien que mal leur budget. Ce qui fait qu’à Noël, alors qu’on est en pleine épidémie de gastro-entérite et de grippe, on n’arrive plus à hospitaliser les malades” (cité par Libération du 30 décembre).
La mauvaise foi de Madame Bachelot est d’autant plus évidente que chacun sait que le “plan hôpital 2012” de dix milliards d’euros et programmé sur 5 ans ne vise nullement à donner des moyens supplémentaires à l’hôpital public : il s’agit essentiellement de financer les opérations immobilières permettant la fermeture de services et d’établissements hospitaliers afin d’en améliorer la “compétitivité”. On sait aussi que des dizaines d’hôpitaux publics qui ont refusé de fermer leur maternité et leur service de chirurgie ont vu leurs projets de modernisation refusés. On sait enfin que ce plan prévoit la fermeture de lits avec des suppressions massives d’emplois d’infirmières, d’ouvriers, de personnels administratifs et de médecins. Les départs en retraites ne seront pas remplacés et face à la pénurie d’infirmières, l’État français avait déjà été obligé d’embaucher des infirmières espagnoles sous-payées et des intérimaires pour pallier aux situations les plus critiques.
Ce n’est d’ailleurs un secret pour personne que la profession d’infirmière est elle-même en pleine crise. Suite au décès de cet enfant de 3 ans à la veille de Noël, une infirmière des urgences pédiatriques de l’hôpital Robert-Debré à Paris exprimait ainsi son ras-le-bol : “J’en ai marre. J’ai trois enfants. Je rentre toujours hyper-fatiguée. Avant, on avait des grosses journées les week-ends. Maintenant, c’est toute la semaine. On passe la journée à courir dans tous les sens. On est moins disponible pour les gens. On va plus vite. Quand il y a beaucoup de monde, on passe et on jette un œil à la file, pour vérifier qu’un bébé n’est pas en train de s’étouffer dans son maxi-cosy”. Et un médecin affirmait également : “On manque de temps. Les infirmières démissionnent les unes après les autres. Celles qui restent sont épuisées. Cet hiver, on a une trentaine de lits de moins que l’hiver dernier. Il y a des enfants plein les couloirs (…) J’accepte encore de travailler pour dix euros de l’heure. Mais je vais me lasser. On n’a plus de vie personnelle. Ici, il y a un taux de divorce inimaginable” (cité par Libération du 2 janvier).
La faillite de l’hôpital public, les coupes claires dans les budgets de la santé ne sont qu’un révélateur supplémentaire de la fin de l’État providence. Elles signent la faillite de l’économie capitaliste. L’incapacité croissante de la bourgeoisie à subvenir aux besoins de santé de ceux qu’elle exploite, de même que l’aggravation catastrophique des conditions de travail du personnel hospitalier, ne peut qu’accroître la colère dans ce secteur comme dans tous les secteurs de la classe ouvrière. Ce n’est pas la mauvaise “organisation” des services hospitaliers qui tuent les malades. C’est le capitalisme en crise qui est le seul responsable des “erreurs humaines” !
Sofiane
Un rectificatif doit être apporté à l’article ci-dessous. Celui-ci s’appuyait sur des sources erronées d’information recueillies sur Internet sans vérification préalable. L’article se référait à un article de Charlie Hebdo. Or, cet article ne datait pas de 2008 mais du 27 octobre 2004 et le ministre de la Fonction publique dont les propos tenus à la même époque étaient rapportés n’était pas l’actuel ministre de la Fonction publique Eric Woerth, mais un de ses prédécesseurs, Renaud Dutreil. Cette précision apportée, le cynisme et le mépris affichés par l’Etat-patron vis-à-vis de ses salariés ont été pleinement confirmés par les actes et plus seulement en paroles par les suppressions d’emploi pleuvant toujours plus dru chaque année dans la fonction publique et par toutes les attaques dégradant à toute vitesse les conditions de vie et de travail des prolétaires dans les services administratifs. Dutreil en a rêvé, le gouvernement actuel l’a fait.
Les propos du ministre de la Fonction publique, Woerth, tenus lors d’une réunion de la Fondation Concorde le mercredi 20 octobre et rapportés par Charlie-Hebdo, indiquent quelles attaques nous attendent encore dans les mois à venir et révèlent au passage tout le mépris des grands bourgeois pour les travailleurs :
• “Les retraités de la fonction publique ne rendent plus de services à la nation. Ces gens-là sont inutiles, mais continuent de peser très lourdement. La pension d’un retraité, c’est presque 75 % du coût d’un fonctionnaire présent. Il faudra résoudre ce problème.”
• “Il y a 1400 corps. 900 corps vivants, 500 corps morts [rires], comme par exemple l’administration des télécoms. Je vais les remplacer par cinq filières professionnelles (…) Parce que les corps abritent des emplois inutiles.”
• “C’est sur l’Éducation nationale que doit peser l’effort principal de réduction des effectifs de la fonction publique. Sur le 1,2 million de fonctionnaires de l’Éducation nationale, 800 000 sont des enseignants. (…) Il faudra faire un grand audit.”
• “Le problème que nous avons en France, c’est que les gens sont contents des services publics. L’hôpital fonctionne bien (sic !) , l’école fonctionne bien (re-sic !), la police fonctionne bien. Alors il faut tenir un discours, expliquer que nous sommes à deux doigts d’une crise majeure.”
Et Charlie-Hebdo de finir par ce commentaire : "Il admet dans ses propos que les Français sont satisfaits de la qualité du service public rendu par les fonctionnaires, quels qu’ils soient. C’est bien en les fragilisant de l’intérieur (sous-effectifs, baisse d’investissements, etc.) qu’il compte rendre les services publics impopulaires auprès des populations. Une impopularité qui lui servira de prétexte pour les privatisations à venir. Alors que ce sont bien les attaques à l’œuvre depuis de nombreuses années qui dégradent la qualité des services publics”.
Seul le refus de nous laisser diviser en secteur privé ou public, en corporations, en col bleu et en col blanc… pourra nous permettre de résister unis et solidaires contre toutes ces attaques !
En décembre, l’occupation d’une usine durant six jours par les employés de l’entreprise “Republic Window and Door” de Chicago, dans l’Illinois, a représenté l’épisode le plus fort de ces dernières années de la lutte de la classe ouvrière américaine. Même l’euphorie de l’élection d’Obama avec ses promesses de “changement” n’a pu éviter que la colère ouvrière ne se transforme en lutte de résistance des ouvriers contre l’aggravation de la crise économique et contre les attaques sur leur niveau de vie.
A la lumière des campagnes des médias qui ont célébré et glorifié l’occupation de cette entreprise, il est important d’être clairs sur la signification réelle de ces événements. Le New York Times a amplifié la médiatisation avec un éditorial qui déclarait “la victoire du travail vient au milieu de signes de mécontentement grandissant alors que les licenciements s’étendent”. Le Times soutenait plus loin que les ouvriers de l’usine “étaient devenus les symboles nationaux du mécontentement ouvrier en plein dans les plans de licenciements qui affectent le pays” (1). Mais le Times n’avait raison qu’à moitié. Oui, la lutte a démontré que la combativité ouvrière grandit pour résister à la vague de licenciements actuelle. Mais il n’y a pas eu de “victoire des ouvriers” comme le présentent les politiciens, les gauchistes et les médias. La combativité des ouvriers est évidente. Selon les articles de presse, l’idée de l’occupation de l’usine est venue de la méfiance des ouvriers envers le risque que l’entreprise ne déménage les machines et son équipement (sans savoir à ce moment-là que la compagnie avait pris la décision de fermer l’usine et de la sacrifier au profit de Echo Windows LLC à Red Oak, en Iowa, où les salaires et les coûts de production sont beaucoup plus bas). Le 2 décembre, la direction annonçait que tous les ouvriers seraient mis à la porte dans les trois jours sans aucune indemnité de licenciement et aucun paiement des jours de congés. Ensuite, elle déclarait que leur assurance médicale ne serait plus prise en charge par l’entreprise. Les ouvriers ont riposté par une décision unanime d’occuper l’usine, risquant des arrestations potentielles. Les ouvriers organisèrent leur occupation par roulement d’équipes, maintenant des conditions sanitaires et d’ordre, bannissant l’alcool et les drogues, et commencèrent à attirer immédiatement l’intérêt des médias. Lorsque les ouvriers de base parlèrent aux médias, il fut tout de suite évident que leur lutte était un combat contre les licenciements et pour sauvegarder leur boulot et leurs moyens de faire vivre leurs familles. Un ouvrier disait : “Je travaille ici depuis trente ans et je dois me battre pour nourrir ma famille.” Un autre déclarait que sa femme allait donner naissance à leur troisième enfant, mais qu’il n’avait plus à présent de couverture sociale-maladie.
Comme en 2005 lorsqu’une grande partie de la classe ouvrière avait soutenu la lutte des travailleurs du transport à New York (2), les ouvriers de Chicago et dans le pays ont répondu en manifestant une forte solidarité. Des gens sont venus à l’usine pour apporter de la nourriture et de l’argent ; tout le monde a compris qu’il s’agissait d’un combat exemplaire pour lutter contre l’ensemble des licenciements. Ceux d’United Electrical, du syndicat des ouvriers des machines et des radios (Radio and Machine Workers Union), un petit syndicat indépendant (35 000 membres au niveau du pays) et non-affilié à l’AFL-CIO (qui en avait été exclu au plus fort de la guerre froide à cause de ses liens avec le parti communiste stalinien), est rapidement venu pour tenter de dévoyer la lutte contre les licenciements sur le terrain de la légalité bourgeoise. Au lieu de s’opposer à la fermeture de l’usine et aux licenciements, ce syndicat demandait l’accord de l’entreprise avec une loi nationale qui exige que les ouvriers reçoivent une indemnité de licenciement et le paiement des jours de congés cumulés en cas de fermeture d’entreprise – environ 3500 dollars par personne. La gauche et des célébrités politiques comme le révérend Jesse Jackson et des élus du congrès comme de la ville, sont à leur tour rapidement montés au créneau, rendant visite aux ouvriers de l’usine et appelant aussi au paiement de ces indemnités. Les leaders politiques se sont empressés d’intervenir localement de peur que le mouvement ne s’étende. Même le futur nouveau président Obama a “soutenu la lutte des ouvriers de l’usine” en insistant pour que l’argent qui leur était “dû” leur soit donné.
Au bout de six jours, c’est précisément la “victoire” qui a été célébrée par la gauche et les médias : les banques à l’origine de la réorganisation de l’entreprise ont été d’accord pour que les ouvriers touchent leurs 3500 dollars. Évidemment, c’est mieux que rien d’avoir cet argent, mais il aura vite disparu des poches des ouvriers qui resteront sans emploi et sans couverture médicale. Les ouvriers qui ont occupé l’usine étaient clairs sur leur volonté de garder leur travail. En revanche, faire dérailler les luttes a été le rôle principal qu’ont joué les syndicats pour le compte du capitalisme d’État. Le principal boulot des syndicats est de court-circuiter toute possibilité de politisation et de généralisation de la lutte ouvrière, de bloquer la dynamique des ouvriers vers une compréhension consciente que le capitalisme n’a aucun futur à offrir. Ce qui s’est passé à Chicago est à mettre en parallèle avec ce qui s’est passé lors des grèves dans les usines automobiles dans les années 1930. Lors de ces grèves, les ouvriers se sont battus pour des augmentations de salaire et pour améliorer leurs conditions de travail, mais le syndicat United Auto Workers avait dévoyé la lutte dans un combat pour la reconnaissance du syndicat. Dans les années 1970, de jeunes ouvriers employés par la division Western Electric de Bell System ont cherché à résister à des licenciements massifs, pour s’entendre dire que le syndicat ne s’était préparé à se battre que pour leur permettre de toucher leurs indemnités en plusieurs chèques afin de diminuer le coût des impôts. Il est facile pour les syndicats de “gagner” de telles victoires illusoires, qui au bout du compte laissent toujours les ouvriers sans travail et face à un avenir dévasté. Ce n’est pas un phénomène propre aux États-Unis. Par exemple, des luttes récentes avec occupations d’usine pour des paiements d’indemnités de licenciements ont eu lieu en Chine, avec l’aggravation de la crise économique.
La glorification par les médias et les gauchistes des occupations d’usine est encore un autre aspect de la défaite. Il est vrai que les occupations d’usine expriment la combativité : une volonté des ouvriers de résister et de recourir à des actions “illégales”. Cependant, l’expérience historique de la classe ouvrière, depuis le mouvement des occupations d’usine des années 1920 en Italie et 1968 en France, démontre que ces occupations quand elles engendrent l’enfermement et l’isolement sont un piège. L’arme la plus vitale pour la classe ouvrière est d’étendre ses luttes à d’autres lieux de travail et d’autres usines, de généraliser les luttes autant que possible, en envoyant des délégations ailleurs, en organisant des meetings de masse et des manifestations pour tirer tous les ouvriers dans la lutte. D’un “soutien” passif avec des expressions de sympathie et des contributions financières, la solidarité se transforme alors en solidarité active avec des luttes qui se rejoignent. Les occupations d’usine permettent au contraire aux syndicats, ces agents de la classe dominante, d’enfermer les ouvriers combatifs dans l’usine et de les isoler des autres ouvriers. Il est clair qu’il y a eu une solidarité immense envers les ouvriers de Chicago. Plutôt que de rester enfermés dans les usines, les ouvriers de Republic auraient dû aller d’usine en usine dans la région de Chicago, envoyer des délégations sur d’autres lieux de travail en appelant à rejoindre la lutte et exiger l’arrêt des licenciements et des fermetures d’usine. Une telle lutte ne sera jamais saluée ou célébrée par les médias, les syndicats, les politiciens de gauche, ou le président élu. Elle sera au contraire dénoncée car elle représente une menace envers l’ordre capitaliste.
La terrible situation dans laquelle se trouve aujourd’hui la classe ouvrière doit faire rejeter toute idée d’état de grâce pour le régime d’Obama, toute illusion que “quelque chose de bon” pourrait venir de la nouvelle administration. Il nécessite le développement de la lutte de classe.
J. Grevin (15 décembre 2008)
Traduit d’Internationalism, organe du CCI aux États-Unis
1) http ://www.nytimes.com/2008/12/13/us/13factory.html [1092]
2) NDT : Il s’agit de la lutte des ouvriers du métro de New York relatée dans notre presse dans l’article : “Grèves dans les transports à New York : Aux Etats-Unis aussi, la lutte de classe se développe [1093]”.
“L’ensemble de la classe ouvrière, dans tous les pays, tous les secteurs, toutes les entreprises, vit aujourd’hui avec cette inquiétude obsédante : comment échapper à la menace du chômage ? Quel avenir la société actuelle réserve-t-elle à nos enfants ? Que peut-on faire pour sortir de cette situation ?” Telles étaient en 2004 les questions introductives à notre manifeste « Le capitalisme n’a pas de solution au chômage ». Aujourd’hui, alors que la crise du capitalisme connaît une aggravation sans précédent depuis les années 1930, un chômage d’une massivité inédite depuis lors commence à se propager au sein du prolétariat mondial tel une sombre pandémie. Un rapide état des lieux permet de se faire une idée de l’ampleur du phénomène (1).
• États-Unis : début 2008, le taux officiel de chômage était de 5 %, alors que le taux réel atteignait 13,1 %. L’économie américaine ayant perdu 2,6 millions d’emplois en 2008, le taux officiel a atteint 7,2 % en décembre, soit plus de 11 millions de chômeurs recensés.
• Japon : on comptait fin septembre 2,71 millions de chômeurs, soit 0,7 % de plus en un an.
• Zone Euro : le taux de chômage devrait augmenter de près de trois points, passant de 7,5 % en 2008 à 9,3 % en 2009 et à 10,2 % en 2010.
• Allemagne : le taux de chômage a progressé au mois de décembre, à 7,4 %, et pourrait atteindre 8,1 % en 2010. La première économie européenne comptait 3,1 millions de chômeurs en décembre, et pourrait en compter de 200 000 à 400 000 de plus dans un an.
• Royaume-Uni : le nombre de chômeurs atteignait 1,8 million de personnes à la fin 2008. 600 000 personnes pourraient perdre leur emploi cette année ; la barre des 3 millions de chômeurs devrait être franchie d’ici à 2010 ! Le taux de chômage (au sens du BIT) atteint désormais 6 % ; une montée à 8,5 % est prévue pour 2009.
• France : fin 2007, le nombre officiel de chômeurs était inférieur à 2 millions soit moins de 7 % de la population active. Mais le nombre réel dépassait alors les 5,4 millions soit plus de 19 % de la population active (l’Expansion no 726, janvier 2008). En novembre 2008, on dénombrait officiellement 2 068 500 chômeurs, soit un taux de chômage de 7,3 %, en hausse de 8,5 % sur un an. Il devrait atteindre 9,8 % en 2009, 10,6 % en 2010.
• Italie : le taux de chômage était de 6,7 % fin 2008, il devrait atteindre 8,7 % en 2010. Le nombre de chômeurs était de 1,679 million fin septembre.
• Espagne : le taux de chômage a fortement augmenté au quatrième trimestre 2008, s’établissant à 13,9 %, et atteindrait 15,9 % en 2009 et 18,7 % en 2010. L’Espagne compte désormais plus de 3,2 millions de chômeurs, un chiffre qui a pratiquement doublé en moins de deux ans !
• A l’échelle mondiale : “Les estimations préliminaires du BIT sont que le chômage mondial pourrait augmenter de 20 millions atteignant plus de 210 millions de chômeurs en 2009” (Juan Somavia, directeur général du BIT, devant le conseil des chefs de secrétariat de l’ONU à New York en octobre 2008).
Pourquoi une telle hausse du chômage ? Comme le soulignait notre Manifeste, “Face à la guerre commerciale à laquelle se livrent tous les requins capitalistes qui se disputent les parts de plus en plus restreintes du marché mondial, toutes les bourgeoisies nationales sont obligées de “rationaliser” leur production. Pour cela, elles doivent fermer des usines, augmenter la productivité du travail, diminuer les effectifs, accélérer les cadences, baisser les salaires. […] la crise mondiale et le chômage massif qu’elle engendre ne sont ni cycliques, ni conjoncturels, comme le prétendent les économistes bourgeois. Ils sont la manifestation la plus évidente de l’impasse, de la faillite historique du mode de production capitaliste.”
Le capitalisme n’a pas de solution au chômage !
Une seule issue : la lutte unie de tous les ouvriers !
DM
1) Sauf mention contraire, tous les chiffres présentés sont les chiffres officiels (donc très largement sous-estimés, surtout en ce qui concerne la montée du chômage à venir en 2009 et 2010). et issus du journal économique les Echos.
Voici une déclaration nationaliste et va-t-en-guerre de la pire espèce qui appelle à la “Résistance palestinienne”, à la “coordination” des “différents bras armés”, salue les valeurs de “sacrifices” des “enfants” et crie “Gloire aux martyres” :
“Nous saluons notre peuple, nous saluons notre peuple aguerris. Aujourd’hui le peuple palestinien écrit une page de gloire. Ses sacrifices exigent la loyauté et la responsabilité, et une réponse a la nécessité urgente de consolider la Résistance (…) La résistance palestinienne continue (…) avec la participation de toutes les organisations et bras armés. Dans ces temps de sang et de sacrifices, il n’est pas suffisant de répéter des mots, il faut des faits concrets (…) Aux enfants de notre peuple aguerri, aujourd’hui que vous écrivez les pages les plus valeureuses de résistance et de sacrifice, nous appelons à : Mener à bien la coordination, sur le terrain, au moyen d’un poste de commandement unique entre les différents bras armés sans exception, (…). Salut à notre peuple aguerris ! Gloire aux martyrs ! Victoire à la résistance !”
Qui peut-il bien publier un tel appel à la haine ? Le Hamas ? Une association pro-palestinienne ? Non ! La Ligue communiste révolutionnaire (LCR) (1) relookée depuis peu en NPA (Nouveau parti anticapitaliste) !
Naturellement, les hécatombes d’hommes, de femmes et d’enfants innocents sont purement insupportables. Et il est indéniable que la bourgeoisie israélienne a les mains couvertes de sang. Mais il ne faut pas s’y tromper, derrière les protestations des officines trotskistes contre les massacres à Gaza se cache en réalité la même idéologie nationaliste que celle de l’Etat israélien, cette idéologie qui partout engendre et justifie les guerres. En effet, pour Lutte ouvrière (LO) par exemple, “on ne peut pas renvoyer dos à dos les Palestiniens et le gouvernement israélien. On ne peut pas tirer un trait d’égalité entre un peuple opprimé, privé d’existence nationale depuis des dizaines d’années, et ses oppresseurs, qui imposent un blocus criminel, insupportable, à toute une population enfermée dans la bande de Gaza. Le gouvernement israélien dit répondre aux menaces du Hamas. Mais outre le fait que ce n’est pas le Hamas qui a rompu la trêve, outre le fait que ses armes sont infiniment moins destructrices que celles de l’armée israélienne, la guerre se fait ici plus contre les civils que contre cette organisation (…) La guerre, elle se mène contre le peuple palestinien plus que contre une organisation, nationaliste et religieuse, dont il n’a rien de bon à attendre. Elle se mène pour le briser, pour l’empêcher d’avoir un pays au lieu d’une prison. C’est pour cela que, quels que soient les dirigeants qu’ils se sont choisis pour le moment - et encore dans quelle mesure ? - il faut soutenir le droit des Palestiniens à disposer d’eux-mêmes (2)”. Tout est là ! Par un tour de passe-passe terminologique, la guerre ne se déroule plus entre deux nations capitalistes qui utilisent leur population comme chair à canon, mais entre “le gouvernement israélien” et “le peuple palestinien”. Certes LO avoue que “le peuple palestinien” “n’a rien de bon à attendre” du Hamas, mais elle souligne surtout que “ce n’est pas le Hamas qui a rompu la trêve” et que “ses armes sont infiniment moins destructrices que celles de l’armée israélienne”. Et que signifient concrètement ces derniers mots “quels que soient les dirigeants qu’ils se sont choisis pour le moment, (…) il faut soutenir le droit des Palestiniens à disposer d’eux-mêmes” si ce n’est le “droit” pour les ouvriers vivant en Palestine d’être exploités et terrorisés par des oppresseurs locaux, tels que ces chiens sanglants du Hamas ?
Lors de chaque conflit, LO et la LCR distinguent deux camps, celui des nations impérialistes et celui des nations victimes et opprimées. C’est au nom de cette théorie que dans les guerres qui ensanglantent la planète depuis plus d’un demi-siècle, ces organisations ont successivement pris parti pour l’Indochine, l’Algérie, le Vietnam, l’Irak, la Serbie, la Tchétchénie, le Liban (et son Hezbollah) et aujourd’hui la Palestine (3) ! Peu importe aux yeux de ces va-t-en-guerre trotskistes si la bourgeoisie palestinienne via le Hamas, et autres chapelles nationalistes comme le Fatah, prend en otage la population pour en faire des boucliers humains. Au nom de la “libération nationale”, le petit gangster a toujours raison face au gros ! Aujourd’hui, du fait que l’Etat d’Israël se comporte comme une brute sanguinaire, parquant militairement les populations palestiniennes dans un véritable camp de la mort pour les bombarder, tout cela autoriserait, selon ces gauchistes, à soutenir la bourgeoisie palestinienne dans ses velléités guerrières et à bénir ses roquettes ! LO et la LCR n’ont d’ailleurs pas hésité à participer aux manifestations pro-palestinienne de fin décembre et début janvier (4) et à reprendre en chœur le slogan nationaliste et belliqueux : “Palestine vivra ! Palestine vaincra !” (5).
Contrairement à cette idéologie trotskiste qui ne peut s’empêcher de lier un prolétaire à un territoire, nous devons dénoncer toute idée de soutien à une nation. Petits ou grands, quel que soit leur degré d’armement, tous les Etats sont impérialistes. Toute l’histoire nous montre que les petites nations sont autant capables que les grandes puissances, non seulement d’exploiter sauvagement et brutalement les prolétaires, mais aussi de les envoyer se faire massacrer sur les fronts pour en faire de “glorieux martyrs”. Les prolétaires de Palestine ou d’Israël n’ont rien à gagner dans cette boucherie, dans la confrontation entre gangsters bourgeois. C’est dans la lutte avec leurs frères de classe dans le monde qu’ils pourront mettre fin à la barbarie. “Cette folie, cet enfer sanglant cesseront du jour où les ouvriers (...) se tendront une main fraternelle, couvrant à la fois le chœur bestial des fauteurs de guerre impérialistes et le rauque hurlement des hyènes capitalistes en poussant le vieil et puissant cri de guerre du travail : prolétaires de tous les pays, unissez-vous !” (R. Luxemburg, Brochure de Junius). A bas la guerre ! A bas le capitalisme !
WH (17 janvier)
1) Déclaration publiée sans le moindre commentaire par la LCR sous le titre “Déclaration des forces politiques de la gauche palestinienne” le 1er janvier.
2) LO no 2111 du 16 janvier 2009.
3) LO va même jusqu’à soutenir le droit, pour des nations jugées “opprimées” comme l’Iran ou la Corée du Nord face aux Etats Unis, de posséder la bombe atomique ! Lire notre article et l’article de LO “Contre les essais nucléaires français... et contre le pacifisme !” de Lutte de classe no 15, septembre-octobre 1995.
4) Pour ceux qui n’ont pu assister à ce sinistre spectacle, une vidéo de la manifestation du 3 janvier à Paris est disponible sur le site de la LCR.
5) Le NPA a d’ailleurs fait officiellement sien ce slogan en en faisant même un intertitre de l’un de ses tracts lors de la manifestation du 29 janvier. Bref, au NPA, rien de nouveau !
Cet article a été publié sur le site Internet israélien d’Indymedia et sur Libcom.org. Il a été écrit par un camarade en Israël qui, bien qu’il fasse partie d’une extrême minorité, a senti le besoin de répondre à la fièvre guerrière patriotique répandue en Israël et en Palestine avec la vague d’assaut israélienne sur Gaza. La décision de publier cette prise de position a été en partie le résultat de l’encouragement d’un certain nombre de correspondants sur Libcom (y compris des membres du collectif Libcom, le CCI et le groupe de la gauche communiste turque, EKS). C’est une contribution modeste mais significative de l’émergence d’une opposition réelle au nationalisme le plus pernicieux qui domine actuellement le Moyen-Orient.
World Revolution – organe du CCI en Grande-Bretagne (10 janvier 2009)
La plupart des gens en Israël se rappelleront d’une chose à propos de la manifestation du samedi 3 janvier 2009 1 : que les organisateurs se sont rendus à la Cour Suprême afin de s’assurer qu’ils pouvaient montrer un drapeau palestinien.
Maintenant, je ne suis pas contre celui qui peut arborer n’importe quel drapeau ou n’importe quand. Mais il faut se demander quel objectif a servi ce drapeau palestinien (de l’ex-OLP).
Cette manifestation était censée arrêter l’attaque sur Gaza. Que vient faire le drapeau palestinien avec cela ? On répondra : « Eh bien, il représente le soutien à la résistance palestinienne. » Après se pose la question suivante : quelle résistance palestinienne ? Les Palestiniens les plus sensibles de Gaza aimeraient mieux quitter l’enfer des bombardements, et non pas "résister" en étant bombardés. Qu’est-ce que cela signifie d’ailleurs de "résister" en étant bombardés ? Lever la main contre les envahisseurs ?
Ce drapeau représente le nationalisme palestinien, de la même façon que le drapeau israélien représente le nationalisme israélien. Maintenant, la plupart des lecteurs de ce site web associeraient probablement le nationalisme israélien avec la violence, l’oppression, qui recouvre la domination des capitalistes sur notre pays. Pourquoi la même chose ne s’appliquerait-elle pas au nationalisme palestinien ?
Au moment où nous parlons, les Palestiniens de Cisjordanie sont brutalement opprimés et bâillonnés, des Palestiniens qui veulent protester contre cette même guerre. Pourquoi ? Parce que l’Autorité Palestinienne n’entend pas les critiques, et ne bougera pas de sa seule raison d’être, en tant que sous-traitant du contrôle d’Israël sur les territoires occupés.
Ce sont ces mêmes dirigeants du Hamas, qui aujourd’hui enregistrent des messages de résistance à “leur” peuple, cachés dans des bunkers et des maisons sécurisées, qui refusaient il y a quelques mois de payer les enseignants, brisant les syndicats 2, tuant des Palestiniens innocents dans leurs combats de rue contre leurs concurrents du Fatah, et tirant des roquettes sur des cibles civiles au hasard, au lieu des prétendues tentatives d’améliorer les conditions de vie des Palestiniens au travail et au chômage.
Pendant que nous protestons contre le bombardement brutal de Gaza par le nationalisme israélien, nous devons nous souvenir que le nationalisme palestinien est simplement moins puissant, pas moins brutal. Hélas, cet épisode du drapeau aux mains du nationalisme sert d’objectif idéologique, rendant plus facile le dévoiement de l’opposition au gouvernement en un soutien automatique pour « l’ennemi ».
Bien sûr, cyniquement, il y aurait une bonne raison pour expliquer ce fiasco. Cette manifestation du 3 janvier, organisée par le front Hadash 3 du Parti Communiste Israélien, a été programmée à la veille du lancement officiel de la campagne électorale de ce parti. Et le Hadash a besoin de flatter sa base nationaliste palestinienne au sein de la Ligne Verte 4 pour maintenir son poids électoral dans les prochaines élections contre les Nationalistes Séculaires (Al-Tajmua) et le Mouvement Islamiste. Et cela, à nouveau, joue au profit du nationalisme, et en définitive, au profit des capitalistes.
Tout cela ne peut avoir pour résultat que l’enfermement dans un cycle répétitif de violence, qui ne prendra fin que lorsque nous prendrons conscience que ces nationalismes sont là pour obscurcir notre jugement et nous empêcher de voir le vrai problème, c’est-à-dire que nous sommes envoyés pour tuer et nous faire tuer, et nous faire concurrence au service de gens qui ne servent pas nos intérêts, mais les leurs. Et cela vaut à la fois pour les Israéliens et les Palestiniens. Tranchons le nœud gordien du nationalisme, et nous serons sur la voie d’avoir des vies meilleures pour tous.
(La version Indymedia de cet article possède à la fin un lien avec l’article du CCI sur Gaza )
1 Le 3 janvier, une manifestation contre l’offensive sur Gaza a eu lieu à Tel-Aviv en Israël à l’appel de Gush Shalom, principale organisation pacifiste israélienne, et vingt autres organisations gauchistes ainsi que des anarchistes et le Parti Communiste Israélien. 10 000 personnes étaient présentes, ce qui semble très significatif d’une montée importante d’un refus de la guerre dans la population israélienne. Afin de mieux détourner les préoccupations anti-guerre des manifestants vers l’exaltation du nationalisme, les organisateurs avaient demandé à la Haute Cour de Justice de rendre légal le drapeau palestinien et donc sa présence dans la manifestation (NDT).
2 Sans ôter toute sa valeur à la défense de l’internationalisme du camarade, il faut préciser que, pour nous, les syndicats sont devenus partout des organes de la bourgeoisie, et que leur répression dans le micro-État palestinien est liée à des luttes sanglantes entre fractions bourgeoises. Le Hamas est d’ailleurs une fraction bourgeoise particulièrement obscurantiste et bornée, incapable d’utiliser les armes les plus sophistiquées et efficaces de la classe dominante contre le prolétariat, à savoir : la démocratie, le parlementarisme, la pseudo-liberté de la presse et… les syndicats. C’est pourquoi, effectivement, le Hamas a brisé et écrasé les syndicats.
3 Le Hadash, Front Démocratique pour la Paix et l'Egalité, anciennement Rakah, est un avatar du Parti Communiste Israélien dont l’action est principalement dirigée vers la population arabe israélienne, à forte proportion ouvrière, qu’il pousse à l’embrigadement dans le nationalisme pro-palestinien et à la défense d’un Etat palestinien.
4 Le terme de « Ligne Verte » se réfère à la délimitation du tracé des frontières d’Israël vis-à-vis de certains de ses États voisins (Syrie, Jordanie, et Égypte) datant de l'armistice de 1949, à la fin de la guerre israélo-arabe de 1948 (NDT, source Wikipedia).
Ces prises de position proviennent des camarades du groupe Démocratie communiste luxemburgiste, du camarade Marcos (États-Unis – République dominicaine) ainsi que de deux autres camarades 1.
Face à la barbarie guerrière qui se déchaîne contre les travailleurs et la population de Gaza, ces contributions sont un défi aux clameurs dominantes qui veulent nous faire choisir notre camp parmi les divers représentants de la barbarie capitaliste : ceux qui se disent « de gauche » nous appellent à soutenir le Hamas et cette fausse entité qu’ils appellent « peuple palestinien » 2, pendant que les gouvernements de l’UE appellent au soutien d’Israël et dénoncent le Hamas pour avoir « rompu la trêve » et autres fariboles.
On ne peut comprendre les événements en limitant l’analyse aux seuls protagonistes, mais il est nécessaire de les situer dans l’engrenage infernal qui les entraîne et en fait des agents de barbarie et de destruction. Cet engrenage est le capitalisme mondial auquel ils participent tous, tant l'État israélien et ses terrifiantes armes de destruction que la fraction bourgeoise réunie autour du Hamas et ses missiles « maison ».
Il s’agit d’une guerre à mort qui prend en otage tant la population du pays rival que celle du pays lui-même. C’est avec le cynisme le plus abject qu’Israël proclame qu’il ne veut frapper que le Hamas, mais cela ne l’empêche pas de commettre un génocide horrible sur les travailleurs et la population de Gaza. Tout en faisant de ses « citoyens » les prisonniers et les otages de son affrontement sanguinaire avec l'État israélien, le Hamas prend pour cible de ses missiles la population civile de ce pays.
Nous ne pouvons soutenir aucun des protagonistes de cet engrenage, que ce soit le « plus faible », le « plus gentil », celui qui a le plus grand « soutien populaire » ou qui prétend avoir l’idéologie la « plus progressiste ». Ces critères nous entraîneraient dans l’engrenage de mort propre au capitalisme mondial et nous ne pourrions jamais en sortir. On ne peut prendre parti que pour la lutte internationaliste, pour le mouvement indépendant du prolétariat qui s’oppose à tous les États, tous les gouvernements et toutes les fractions de la bourgeoisie.
Contre le génocide du peuple palestinien à Gaza, une seule solution : l’unité des travailleurs par-dessus les frontières !
Unité des travailleurs palestiniens et israéliens. Même si certains pensent que les intérêts de ces derniers sont irréversiblement liés aux intérêts de leur « État », ils n’en sont pas moins des prolétaires. Il leur est difficile de parvenir à un niveau internationaliste de conscience de classe, nous le savons, mais depuis quand la révolution prolétarienne est-elle facile ? Pense-t-on qu’il n’existe pas de fausses illusions parmi les travailleurs européens, américains ou du tiers-monde quant à « leur » État ou « leurs » dirigeants ?
L'État sioniste est particulièrement criminel et couvert de sang, il est l’expression des contradictions du système impérialiste. Il faut soutenir toutes les initiatives qui peuvent surgir en Israël contre la barbarie de l'État (même si elles sont embryonnaires et fragiles), telles que le mouvement d’objection de conscience au sein de l’armée israélienne. Soyons clairs : en dernière instance, les révolutionnaires ne soutiennent aucun État capitaliste, que ce soit Israël ou n’importe quel autre.
Les « dirigeants » du peuple palestinien se sont montrés incapables d’apporter une solution à « leur » peuple. Le terrorisme aveugle ne sert que de prétexte à Israël pour enfermer les Palestiniens dans un ghetto. Les attentats et la répression étatiques font partie d’une dialectique absurde qui s’autoalimente. Ils ne sont qu’une fraction de la bourgeoisie armée de sinistres armes idéologiques et diplomatiques. Souvenons-nous du Fatah, qui perdit le soutien d’une grande partie de « son » peuple à cause de sa corruption éhontée, son despotisme et son incapacité à créer une alternative crédible. Rappelons qu’il fut aussi l’instrument de l’impérialisme russe à l’époque des blocs et des gouvernements arabes corrompus.
Par ailleurs, les intégristes tels que le Hamas ou le Hezbollah n’hésitent pas à envoyer à une mort certaine les jeunes opprimés au nom d’une nauséabonde cause « islamiste », répressive et oppressive en particulier pour les travailleurs et les femmes, les homosexuels et les minorités ethniques, comme en Iran.
A bas le sionisme !
A bas l’intégrisme « islamiste » !
A bas l’impérialisme complice !
Si tu veux lutter pour la paix, lutte pour le socialisme !
Démocratie communiste (Réseau luxemburgiste international)
luxemburgism.forumr.net/forum.htm
Prolétaires de tous les pays, unissons-nous !
Il s’agit de l’affrontement entre deux bourgeoisies rivales et non pas entre travailleurs en Palestine et travailleurs en Israël. La véritable unité devrait être entre travailleurs. Il ne s’agit pas de les appeler à participer à la guerre, il ne faut pas se focaliser contre l'État d’Israël ou contre le Hamas ou le Hezbollah, aucun d’entre eux ne représente les intérêts des travailleurs. Exalter le nationalisme bourgeois est une grossière erreur, le mot d’ordre classique des gauchistes toujours en recherche d’une cause à soutenir, et il est aussi faux et mensonger de se cacher derrière l’anti-impérialisme et la soi-disant libération nationale. Tout aussi criminels sont le Hamas, le Hezbollah, l'État d’Israël et les sionistes.
Y a-t-il des gouvernements populaires et révolutionnaires ? Quel gouvernement ou quel État projette une société nouvelle et l’élimination de celle-ci ? Aucun État n’est révolutionnaire ni populaire, ils sont au contraire tous contre-révolutionnaires. Qu’est donc le peuple palestinien ? Les travailleurs, le Hamas et le Hezbollah unis dans un même conglomérat, ou les démunis de cette région du monde ? Les Nations unies ne sont qu’un centre de gouvernements bourgeois et de conspirateurs, les travailleurs du monde ne peuvent compter sur leurs ennemis et oppresseurs, pas plus que sur les organismes de la classe dominante, ils ne peuvent compter que sur l’unité des travailleurs partout dans le monde. L’impérialisme, ce ne sont pas que les États-Unis, c’est le conglomérat de tous les pays du monde. L’impérialisme n’est pas un pays particulier, c’est une loi inhérente à un système économique, le capitalisme. Le sionisme n’est que du nationalisme bourgeois, une de ses facettes, similaire en tous points avec ce que défendent tous les patriotismes et les luttes de libération nationale. Ces appels de la gauche ne précisent pas qu’ils sont aussi destinés aux gouvernements bourgeois dans le monde. Il semble que l’histoire n’a rien appris à la gauche du capital.
La partie de la classe ouvrière qui se trouve des deux côtés de la Bande de Gaza est la seule victime du terrorisme capitaliste déchaîné ces derniers jours dans la région par le sionisme. Les familles ouvrières victimes de ce conflit ne doivent pas se laisser entraîner à prendre position pour un des belligérants, mais au contraire doivent hisser la bannière prolétarienne du défaitisme révolutionnaire contre leur propre bourgeoisie des deux côtés du front guerrier pour combattre l’ennemi commun, le capitalisme décadent et le lourd fardeau de l’islamisme et du judaïsme millénaires. C’est la seule issue à la barbarie capitaliste au Moyen-Orient.
Ces gauchistes ne comprennent rien, ils ne font que soutenir le Hamas et le Hezbollah. Je n’ai pas vu le moindre appel à l’unité entre ouvriers israéliens et palestiniens. Messieurs, la question n’est pas de soutenir le Hezbollah ou Israël, les ouvriers du monde entier doivent s’unir contre leur ennemi de classe. L’ouvrier en Palestine a les mêmes intérêts que l’ouvrier en Israël. On assiste à une guerre entre deux fractions nationales du capital.
Prolétaires de tous les pays, unissez-vous !
1 Des documents intéressants pour une réflexion sur ce que sont tant le sionisme que l’islamisme peuvent se trouver dans les textes que nous avons publié dans la Revue internationale no 117, « Conflits impérialistes au Moyen-Orient : l’utilisation du sionisme pour diviser la classe ouvrière [1094]» et no 109, « Le renouveau de l’islamisme, un symptôme de la décomposition des rapports capitalistes [1095] ».
2 Son représentant actuel, le gouvernement du Fatah en Cisjordanie, collabore sans vergogne avec l’Etat d’Israël quant au massacre qu’il est en train de perpétrer.
Ce texte est la traduction d’un article publié sur notre site en langue espagnole par Acción proletaria, section du CCI en Espagne.
un camarade a posté deux commentaires sur notre site à propos de l’article paru en français et en espagnol “Sabotage des lignes SNCF : des actes stériles instrumentalisés par la bourgeoisie contre la classe ouvrière” (1).
Ce camarade appelle à la solidarité pour les personnes arrêtées par l’État français, en affirmant : “Le plus étonnant c’est que le CCI, qui d’habitude condamne avec force l’appareil de gauche du capital, dans le cas présent a dit exactement la même chose que le leader principal de la gauche capitaliste française, Besancenot, qui, de suite, de même que le CCI, a déclaré que le sabotage n’est pas une méthode de la lutte ouvrière et a condamné ces militants prolétariens qui combattent si sincèrement le capitalisme. Enfin… Quelle coïncidence, le CCI et Besancenot sont du même avis ! J’espère que vous réfléchirez à votre position ! Salutations.” Et “J’espère que vous ne le prendrez pas mal, c’est un appel dans de bons termes pour que vous réfléchissiez sur la grande similitude de votre condamnation de ces actes (publiée en français) avec les mots prononcés par Besancenot et par les syndicats, qui pour être bien vus par leurs chefs bourgeois ont déclaré juste ce que ceux-ci voulaient, c’est-à-dire qu’on criminalise ceux qui (indépendamment du fait que nous soyons d’accord avec leurs tactiques ou pas) méprisent et combattent sincèrement cette société d’exploitation”. Ces deux commentaires ont provoqué un débat très animé.
Nous sommes d’accord avec le camarade (2) concernant la dénonciation claire qu’il fait du terrorisme d’Etat : la bourgeoisie “tend à élargir sa définition du “terrorisme” à la moindre action qui rompt avec l’ordre démocratique” et il dénonce le fait qu’en faisant cela, elle prétend “occulter la nature fondamentalement terroriste de sa domination, en assimilant exclusivement le terrorisme aux réactions violentes du prolétariat, en faisant l’amalgame délibéré entre les actions qui se placent sur le terrain de classe et celles qui appartiennent à des terrains a-classistes, réformistes, religieux, de libération nationale, etc.”.
En réalité, l’inculpation des jeunes mêlés à cette histoire est un montage de l’État avec l’objectif de développer une campagne idéologique contre tout ce qu’en France on appelle “l’ultra-gauche”. Ce n’est pas la première fois qu’on monte ce genre de campagnes dirigées contre “tous ceux qui ne s’insèrent pas dans le jeu démocratique”. Il y a quelques années, on a monté des campagnes “anti-révisionnistes” avec lesquelles on a essayé de décrédibiliser spécifiquement la Gauche communiste, en assimilant les révisionnistes (ces fractions d’extrême-droite de la bourgeoisie qui nient l’existence des chambres à gaz durant la Seconde Guerre mondiale) avec les internationalistes qui dénonçaient les deux factions – la démocratique et la fasciste- pour ce qu’elles étaient : capitalistes et impérialistes.
Il faut dénoncer la répression qui s’abat sur les jeunes inculpés, qui n’ont peut-être rien à voir avec les actes dont ils sont accusés, des actes, il faudrait ajouter, qu’on ne doit pas confondre avec le terrorisme, puisqu’ils ne mettent nullement en danger la vie des passagers. Tout cela sent le montage de l’Etat, bien mal bricolé par ailleurs. Ne pas dénoncer est une chose, accepter et soutenir en est une autre bien différente ! Il peut arriver que des prolétaires exaspérés et désespérés s’impliquent dans des actes individuels ou minoritaires de sabotage. En aucune manière, nous ne les condamnerons.
Mais il convient de ne pas mélanger les choses : ne pas les condamner ne veut absolument pas dire accepter les méthodes qu’ils préconisent. Ces méthodes basées sur des actes individuels ou minoritaires de sabotage ne servent ni à développer la conscience de la classe ouvrière, ni à contribuer au développement de sa lutte. Bien au contraire, elles les affaiblissent toutes les deux. C’est pour cela que nous devons mettre en garde la classe ouvrière sur de telles méthodes qui, non seulement ne participent en rien en son combat mais qui, en plus, peuvent conduire des ouvriers à s’exposer de manière inutile à la répression (3). Quand, d’une façon anonyme, se produit un sabotage ou un acte de violence contre une institution du capital (une bombe jetée sur un édifice public, attentat contre un représentant du système, etc.), on se demande toujours qui peut en être l’auteur : s’agit-il d’un groupe qui se revendique sincèrement de la lutte pour la destruction du capitalisme, ou bien ne s’agit-il pas d’un provocateur de la police ou même d’un groupe d’extrême-droite ? (4) Ces interrogations viennent du fait que ce genre de méthodes peut être indifféremment utilisé par des classes très différentes – prolétariat, bourgeoisie, petite-bourgeoisie – et par les tendances politiques les plus dissemblables.
Par contre, ce genre de question ne se pose pas quand on se trouve face à des actions telles que des grèves pour des revendications de classe, des assemblées générales, des tentatives d’extension et d’unification des mouvements de lutte etc. Devant de telles actions, pas de doute : il s’agit bien d’actions du prolétariat qui vont dans le sens de la défense de ses intérêts de classe. Ce type d’actions – quelles que soient leurs faiblesses et limites – favorisent le développement de la conscience de la classe ouvrière, sa confiance en elle-même, ses sentiments de solidarité et ne peuvent servir les intérêts de la bourgeoisie. Par contre, les actions du premier type ne favorisent en rien la confiance en lui-même du prolétariat. Et comment pourraient-elles la favoriser si ces actions présupposent qu’une minorité clandestine remplace la classe dans la tâche de lutter contre le capital ?
Un autre argument du camarade réside dans le fait que les termes de notre critique à ces méthodes de sabotage pourraient ressembler à ceux employés par Besancenot. Cet argument amène à une série de considérations qui sont en lien avec l’origine des partis de gauche et d’extrême-gauche et au rôle qui est le leur aujourd’hui face à la classe ouvrière. La capacité de ces partis à tromper et à avoir de l’influence dans la classe ouvrière et le fait qu’ils soient sur ce plan bien plus efficaces que leurs congénères de droite, vient du fait que leurs lointaines origines se trouvent dans le mouvement ouvrier et qu’à un moment donné de leur existence ils constituèrent une véritable avant-garde de la classe ouvrière. Mais par la suite, ils ont fini par dégénérer, trahir et enfin devenir des rouages de l’État capitaliste. Appuyés sur ces lointaines origines, ils conservent dans leurs discours une série de thèmes et de références qui font partie du patrimoine de la classe ouvrière. Est-ce que nous devons renoncer à ce patrimoine parce que ces organisations bourgeoises se le sont appropriés et que leur intérêt est de l’utiliser bassement pour semer la confusion dans les rangs des prolétaires ? Ce serait une erreur totale. Il est évident que nous ne pouvons pas renoncer à la perspective du socialisme parce que l’extrême-gauche parle aussi de “socialisme”. Si ces partis n’arrêtent pas de parler “d’unité de la classe ouvrière”, ce n’est pas une raison pour renoncer à une lutte sincère et concrète pour cette unité. Et aussi le prolétariat a une longue expérience sur les provocations policières contre sa lutte, une expérience qui fait partie du patrimoine de son combat historique et que ses mouvements actuels doivent impérativement se réapproprier pour le futur. Le fait que les partis de gauche ou d’extrême gauche parlent de “provocation policière” ne peut pas empêcher les révolutionnaires actuels de dire qu’elle existe et de défendre contre elle les positions classiques du mouvement ouvrier.
Pour le camarade “étant donné que la classe ouvrière n’est pas encore capable de comprendre ces actions et que, grâce aux média bourgeois, elle perçoit ses propres frères de classe qui affrontent l’État-capital comme des “délinquants”, des “vandales”, des “terroristes”, parce qu’elle est contaminée jusqu’à la moelle de l’idéologie citoyenne, alors on condamne ceux qui osent agir pour que les “ouvriers-citoyens” ne prennent pas peur et puissent ainsi rejoindre nos mobilisations si bien cadrées”.
Si on a bien compris une telle allégation, notre interlocuteur croit que pour pouvoir organiser des “grands mouvements de masse”, nous proposerions de ne pas “effrayer” les ouvriers les plus arriérés, contaminés par l’idéologie citoyenne et, par conséquent, nous rejetterions les actions violentes de ceux qui “s’affrontent au capital”. Les mouvements de masse du prolétariat ne sont pas le résultat de la convocation d’une poignée de révolutionnaires (5). Les mouvements de masse du prolétariat sont le produit d’un processus historique dans lequel interviennent à la fois le développement des conditions objectives (en particulier, la crise économique) et la maturation subjective du prolétariat (la conscience de classe). Et justement, dans cette contribution que nous pouvons et devons faire en vue de cette maturation subjective, il y a un élément crucial : le rejet des méthodes qui prônent des actions violentes minoritaires. Parce que de telles méthodes ne font que fomenter la passivité et la délégation de la lutte collective entre les mains d’un groupe de “héros anonymes”, de “sauveurs bien-intentionnés” qui vont en faire voir de toutes les couleurs au capital. Et en même temps, elles génèrent un sentiment d’impuissance et de frustration, parce que n’importe qui ayant un peu de jugeote peut parfaitement comprendre que de telles “audaces” ne “représentent pas plus qu’une piqûre de moustique sur une peau d’éléphant” (6).
Nous sommes pleinement conscients que la lutte de classe et l’affrontement avec l’État ne sont en rien pacifiques et qu’elles exposent la classe ouvrière et ses minorités révolutionnaires aux coups de la répression. Cette violence fait inévitablement partie du processus révolutionnaire. Dans leur développement, les luttes de la classe ouvrière prennent des mesures de riposte à la violence de l’État bourgeois, répliquent à sa terreur et sa répression avec la violence de classe du prolétariat (7).
La violence ne se limite pas aux affrontements avec la police, aux actions d’attaque contre la circulation de marchandises, aux blocages de la production, à l’attaque contre les institutions de la propriété privée (banques, automobiles de luxe, etc.). Ce serait là une vision très restrictive et totalement superficielle. Rosa Luxemburg met en avant dans Grève de masse, parti et syndicats (partie IV) que “A la différence de la police qui par révolution entend simplement la bataille de rue et la bagarre, c’est-à-dire le “désordre”, le socialisme scientifique voit d’abord dans la révolution un bouleversement interne profond des rapports de classe”. Pour le prolétariat, la question de la violence est une question politique : elle consiste à savoir comment établir un rapport de forces favorable contre la bourgeoisie et son État de telle sorte qu’il lui permette de résister à ses attaques et ainsi passer à l’offensive vers sa destruction définitive. La violence du capital et de son État se concrétise dans les mitraillages, l’usage des gaz lacrymogènes, les prisons, les procès et les chambres de torture, mais il existe une violence bien plus nuisible et pernicieuse qui est bien plus efficace pour la défense des intérêts du capital : c’est l’attentat permanent que la société capitaliste exécute et exerce contre l’unité et la solidarité de la classe ouvrière, le bombardement sans répit qu’elle lance de partout où elle peut alimenter les divisions, l’atomisation, la concurrence, la passivité et le sentiment de culpabilité. L’État démocratique, sans pour autant renoncer, loin s’en faut, à la violence physique et à la terreur la plus cynique, est un expert dans le développement de cette violence insidieuse et profondément destructrice.
Le premier pas pour affronter ces deux types de violence, ce sont les tentatives conscientes pour briser l’atomisation, sortir de la passivité, du “chacun pour sa pomme”, pour dépasser l’isolement et la division, développer la solidarité ouvrière en brisant les prisons de l’entreprise, du secteur, de la nationalité, de la race etc., de débattre largement et sans barrières sur les nécessités et les problèmes de la lutte générale.
Tout cela peut paraître trop “pacifique”, très “ordonné” et “contrôlé” à ceux qui identifient unilatéralement la “lutte” avec le désordre et la bagarre physique et ne sont pas capables de comprendre le potentiel contenu dans les mouvements authentiques du prolétariat. Ses mouvements collectifs, le développement de sa capacité pour les organiser en affrontant le contrôle des syndicats et autres institutions de l’État, sont la violence la plus efficace contre la domination capitaliste.
CCI (18 décembre 2008)
1) Cet article publié en français et en espagnol sur notre site a provoqué toute une discussion très animée dans les deux langues. Les messages auxquels cet article fait référence sont en espagnol, mais ils recoupent beaucoup de questions en discussion sur notre site en français.
Voir : "Sabotage des lignes SNCF : des actes stériles instrumentalisés par la bourgeoisie contre la classe ouvrière [1096]".
2) Il s’agit ici de la version courte de notre réponse, la suite [1097] est disponible sur notre site web en français et en espagnol.
3) Il est important de comprendre que les actes de sabotage, de violence minoritaire etc., prêtent facilement le flanc à l’infiltration des services de l’État, qui peuvent même les fomenter avec le but de les utiliser contre la classe ouvrière ou ses minorités révolutionnaires. Mettre en évidence ce problème ne signifie pas dénoncer ou culpabiliser des personnes qui s’impliquent honnêtement dans ce genre de pratique. Nous dénonçons le coupable, l’État bourgeois et ses officines, et non pas la victime.
4) Citons parmi de nombreux exemples, ce qui est arrivé en Italie durant les années 70. Il y a eu beaucoup d’attentats qui ont été immédiatement attribués par l’État, sa police et sa justice, mais aussi par la presse, aux anarchistes, alors qu’en fait, plus tard, il a été démontré qu’ils avaient été commis par des éléments d’extrême-droite souvent en connivence avec des officines de l‘État.
5) De la même façon que la tâche des éléments les plus avancés de la classe ouvrière n’est pas du tout de la réveiller à coup d’actes d’héroïsme individuel, leur tâche n’est pas non plus de s’autoproclamer ses organisateurs et dirigeants.
6) Ce camarade dit : “je n’arrive pas à comprendre que vous [CCI] affirmiez à plusieurs reprises que ces actions sont célébrées par l’appareil de gauche du capital, alors que [les partis de gauche] sont les premiers non seulement à condamner mais encore à montrer du doigt et à livrer leurs propres camarades qui rejettent les processions moutonnières et pacifistes convoquées par les syndicats et les partis de gauche”. En fait, ces deux attitudes ne sont pas contradictoires. En prenant l’exemple des syndicats : ceux-ci organisent parfois des manif-processions, mais il leur arrive, selon les besoins du sabotage de la lutte ouvrière, d’organiser des manifestations violentes d’affrontement avec la police, de destruction de vitrines etc. La manifestation – procession pacifiste est utilisée pour enterrer une lutte, tandis que la manifestation – affrontement est utilisée pour dévoyer la lutte, par le biais du dit affrontement, dans l’isolement. Par ailleurs, les chefaillons syndicaux sont souvent passablement cyniques : d’un coté ils poussent les ouvriers vers des actions désespérées et de l’autre ce sont eux les premiers à les dénoncer à la police, même quand ils appartiennent à leur syndicat. Il y a là-dessus beaucoup d’exemples.
Comme résultat du surgissement, au niveau international, de minorités révolutionnaires, un noyau de discussion s’est formé en république Dominicaine qui, parmi ses activités, a organisé une réunion publique à laquelle le CCI a été invité afin de présenter ses positions qu’il défend de même que ses analyses et ses analyses la crise actuelle du capitalisme.
La réunion s’est caractérisée par une confrontation des idées dans une ambiance de confiance, de respect et d’attention envers tous ceux qui se sont exprimés.
Un des points qui a été soulevé par différents participants était en relation avec le gouvernement de Chavez. Il a été demandé comment le CCI caractérisait le “processus révolutionnaire en Amérique du Sud”, particulièrement au Venezuela considéré par certains comme “la pointe de la révolution en Amérique latine et de la révolution mondiale” et jusqu’où débouchait ce processus. Avant la réponse du CCI, un participant a affirmé que ce gouvernement n’était ni marxiste, ni socialiste, ni révolutionnaire parce qu’il continue à exploiter les travailleurs et était un gouvernement qui ne provenait pas d’une révolution mais du conflit électoral bourgeois. Il a été dit qu’effectivement, le gouvernement de Chavez, de même que tous ceux qui accompagnent le prétendu “socialisme du xxie siècle” comme celui d’Evo Morales, de Correa, etc., représentait les intérêts d’une fraction de la bourgeoisie et qu’ils se disent “socialistes” pour maintenir les travailleurs derrière la défense des intérêts de cette fraction de la classe exploiteuse. Et que, y compris au Venezuela, les travailleurs commençaient à se rendre compte que ce régime était contre le prolétariat puisqu’il a réprimé des grèves et n’a pas rempli les promesses d’améliorer leur situation.
De plus, il a été précisé que les expropriations n’étaient pas un indicateur du socialisme, contrairement à ce qu’a affirmé un participant, mais que celles-ci ont été réalisées suivant les nécessités de la bourgeoisie pour augmenter ou tenter de maintenir ses bénéfices (1).
La défense du régime chaviste s’est aussi exprimée sur la base du fait que c’était “un exemple de lutte opposée à l’impérialisme yankee et comme partie du processus bolivarien”. Il a été rappelé que, depuis le début du xxe siècle, tous les pays, qu’ils soient petits ou faibles, étaient impérialistes. Le combat contre Bush n’est que l’expression de luttes inter-impérialistes dans lesquelles chaque bourgeoisie défend ses intérêts régionaux ou nationaux. De cette manière, les alliances momentanées entre les gouvernements impérialistes du Venezuela, de la Bolivie, de l'Équateur, du Nicaragua, de Cuba, etc., sont des formes d’intérêts capitalistes et en aucune manière ne bénéficient aux exploités, mais au contraire, les enrôlent dans la défense des intérêts de leurs propres exploiteurs.
Un autre camarade a insisté sur le fait qu’au Venezuela il n’y avait pas de période de transition vers le communisme, mais que c’était un régime totalement capitaliste qui s’est couvert d’une phraséologie radicale et prolétarienne pour attirer les ouvriers parce que la classe ouvrière reconnaît le socialisme comme lui appartenant et est à la recherche d’une réelle perspective prolétarienne.
Un des participants est intervenu en réaffirmant la position du CCI sur les prétendus pays socialistes, face à la défense de l’Union soviétique, de Cuba et de ses “conquêtes sociales” exprimée par d’autres participants. La défense de ces pays comme socialistes était basée sur l’argument suivant lequel le socialisme ne pouvait se développer du fait de la pression des États-Unis et le caractère révolutionnaire de l’Union soviétique par le fait que, dans la Seconde Guerre mondiale, elle était contre le fascisme. Le camarade a signalé que le socialisme dans un seul pays n’est pas possible, ni dans un groupe de pays, mais que pour que la révolution triomphe, celle-ci doit être mondiale. C’est pour cela que du fait de la défaite de la vague révolutionnaire de 1917-23, en Union soviétique ou en Chine, il n’y a pas eu de socialisme mais un capitalisme d’État et à Cuba il n’y a jamais eu de révolution prolétarienne mais un changement de fraction bourgeoise au pouvoir. Dans ces pays, n’ont pas été abolis la loi de la valeur, le capital, ni le travail salarié et l’exploitation. Un jeune participant a donné des chiffres qui montraient clairement le terrible degré d’exploitation auquel sont soumis les travailleurs en Chine remettant en question le prétendu caractère socialiste de ce pays. D’autre part, la participation de l’URSS à la guerre montre non pas son caractère socialiste mais impérialiste, puisque la défense de la “patrie socialiste” ou de la démocratie étaient de fausses alternatives face au fascisme qui attachaient le prolétariat aux intérêts de sa bourgeoisie dans la boucherie impérialiste. Un autre camarade a rappelé comment des milliers de travailleurs ont été massacrés dans les deux camps, y compris parmi les Allemands, en montrant comment dans les guerres impérialistes, on appelle les ouvriers à se massacrer entre eux pour défendre des intérêts qui ne sont pas les leurs.
Sur ce thème également, il y a eu beaucoup d’inquiétude. Bien que pour certains, il était clair que la participation parlementaire n’était plus une forme de lutte de la classe ouvrière, d’autres ont mis en avant des doutes sur ce point, avec comme argument que Lénine, dans ses œuvres, appelait à participer au parlement. Un participant a répondu que si pendant l’ascendance du capitalisme, on pouvait utiliser cette tribune pour lutter pour des réformes, l’entrée du capitalisme dans sa période de décadence rendait impossible des améliorations durables et pour cela tant le parlement que les syndicats ont perdu leur fonction et se sont convertis en appendices du capital lui-même comme l’a montré, par exemple, le fait que les syndicats se sont mis à la queue du mouvement révolutionnaire en 1917 et que, peu de temps après, ce sont les syndicats qui se sont chargés d’enrôler les ouvriers dans la préparation de la guerre impérialiste.
Plusieurs camarades ont manifesté leur intérêt à connaître comment se développe l’unité de la classe ouvrière, “comment l’organiser”, comment faire pour que les travailleurs identifient les syndicats comme leurs ennemis ?…Il a été rappelé comme difficultés l’absence de lutte dans cette région et la peur des licenciements. Il y avait des participants qui ont parlé du caractère conscient de la révolution, qu’il ne s’agissait pas d’organiser la classe mais de contribuer à étendre la conscience du prolétariat, que le développement de l’unité et de la conscience est un processus difficile, d’affrontements aux forces et à l’idéologie de la bourgeoisie qui se développe d’abord à travers des luttes pour des augmentations de salaire, contre les licenciements, etc., au sein desquelles les révolutionnaires ont un rôle important à jouer en tirant les leçons aussi bien des victoires que des défaites.
A partir de là, a été mise en avant une interrogation sur le parti. Un assistant a demandé : “Pourquoi former un autre parti de gauche s’il y a déjà plusieurs partis communistes ?” Il a été affirmé qu’il ne faut pas confondre les partis de la bourgeoisie qui s’autoproclament socialistes et communistes avec le véritable parti du prolétariat qui devra être formé dans le futur quand les luttes des travailleurs seront en plein essor et auront atteint un certain degré de développement.
Un participant a exprimé sa satisfaction d’entendre parler de la prise du pouvoir par le prolétariat, de la dictature du prolétariat, de la révolution communiste, de socialisme et de communisme avec une connotation réellement marxiste, différente de ce qui est diffusé par la bourgeoisie et qui prétend effacer la véritable signification de ces concepts ; et il s’est prononcé en faveur de la reconstruction de l’Internationale communiste.
Le caractère prolétarien de la réunion s’est confirmé quand un jeune a proposé de signer un communiqué dénonçant la guerre Israël-Palestine qui dans ces moments avait déjà fait des ravages dans la bande de Gaza. C’est une proposition que nous avons saluée fortement. Cette proposition a ouvert un tour de table dans lequel a été rappelée la position prolétarienne face aux guerres impérialistes. On ne pouvait dénoncer la guerre en condamnant seulement un camp, dans ce cas l’impérialisme israélien, contre le “peuple de Palestine”, parce qu’il est l’allié de l’impérialisme américain, mais il s’agissait de condamner la guerre comme guerre impérialiste, où la bourgeoisie palestinienne aussi a la responsabilité du massacre de centaines de personnes parmi les couches exploitées. Il a été affirmé que seule la lutte du prolétariat pourra mettre fin à la barbarie guerrière comme cela avait été démontré quand la vague révolutionnaire avait mis fin à la Première Guerre mondiale. Bien que la lutte du prolétariat soit pour un monde sans guerres, elle n’est pas pacifiste au sens où elle n’est pas une lutte qui cherche la paix dans le capitalisme, ce qui est impossible, puisque dans la phase de décadence du capitalisme, c’est le mode de vie du capitalisme, la paix se conçoit seulement à travers la destruction du capitalisme.
Plusieurs des participants ont exprimé l’importance qu’a eue pour eux cette réunion et la nécessité de continuer à compter sur ces espaces de réflexion. Nous saluons l’effort des camarades qui ont organisé cet événement, mais surtout l’esprit militant qui les a poussés à offrir les conditions pour la réalisation d’une réunion qui a été un exemple vivant d’une des armes dont dispose la classe ouvrière pour développer sa conscience, son unité et sa lutte : des débats les plus larges possibles où se manifeste la culture du débat, la sincérité, l’esprit de réflexion, la confiance, le respect et la solidarité.
Nous répétons aux camarades de république Dominicaine ce que nous avons dit aux camarades du Pérou : “Les camarades qui ont pris cette grande initiative ne sont pas seuls. Dans d’autres pays se développent des initiatives similaires. Progressivement, est en train de se forger un milieu internationaliste qui s’oriente vers une discussion et une collaboration internationale qui contribue à la meilleure arme du prolétariat : son unité et sa conscience a l’échelle mondiale” (2).
CCI, janvier 2009
1) Comme l’expropriation pétrolière qui a été réalisée au Mexique pour bénéficier aux États-Unis pendant la Seconde Guerre mondiale.
2) Voir sur notre site en espagnol “Reunión pública en Perú de la CCI: un debate proletario apasionado y apasionante [1100]”,
La grève qui se déroule depuis le 20 janvier en Guadeloupe, a fait tâche d'huile en Martinique à partir du 5 février et menace de s'étendre prochainement à la Réunion et à la Guyane, les autres DOM (Départements d'outre-mer). Elle n'a rien d'un conflit identitaire ou exotique. Il s'agit bien là d'une authentique expression de la remontée internationale de la lutte de classe qui témoigne de la colère et de la combativité des ouvriers face à la vie chère.
Aux Antilles, les prix sont en moyenne de 35 à 50% plus chers qu'en métropole, le chômage touche officiellement plus de 24% de la population (56% parmi les jeunes de moins de 25 ans) et l'on compte plus de 52.000 RMIstes. Malgré le poids du caractère nationaliste de l'encadrement syndical (autonomiste ou indépendantiste), les 146 revendications mises en avant par les grévistes sont toutes liées à la question des attaques du niveau de vie : baisse immédiate du prix des carburants, baisse des prix de tous les produits de première nécessité, des impôts et taxes, gel des loyers, augmentation des salaires de 200 euros net pour tous les travailleurs, ainsi que pour les pensions de retraites et les minima sociaux, baisse du prix de l'eau et des transports publics, titularisation des contrats pour tous les emplois précaires aussi bien dans le secteur privé que dans le secteur public... La popularité de ces revendications comme l'obstination de la lutte à faire reculer le gouvernement témoignent aussi de l'ampleur de la mobilisation et de la combativité des ouvriers, au même titre que les manifestations du 29 janvier dernier en France, que les récentes émeutes de la jeunesse prolétarisée en Grèce, que les manifestations en Islande, que les récentes grèves ouvrières en Grande-Bretagne...
Malgré la propagande diffusée par les médias mettant en avant le folklore local animé par les associations culturelles (manifestations et chants rythmés par le tambour traditionnel), et surtout avec leur battage autour de la revendication de la "créolité" face aux "békés" blancs et une tonalité nationaliste "anti-coloniale", ces caractéristiques traditionnelles du mouvement aux Antilles ont été constamment reléguées au second plan. Le collectif LKP (Lyannaj kont profitasyon, Union contre la surexploitation) regroupant 49 organisations syndicales, politiques, culturelles et associatives, et son charismatique leader Elie Domota ont cherché à canaliser une lutte remettant clairement en cause les conditions d'exploitation des ouvriers.
Nous devons saluer le caractère massif, unitaire et solidaire de cette grève qui montre la voie dans laquelle l'ensemble de la classe ouvrière doit aujourd'hui s'engager face à la dégradation générale de ses conditions de vie. Depuis le début de la grève, les bus ne circulent plus, les établissements scolaires, l'université, les hypermarchés, les administrations et la plupart des entreprises et commerces sont fermés. Là encore, face à la pénurie alimentaire ou d'essence, une véritable solidarité de classe s'y est exprimée, s'exerçant à tous les niveaux entre parents, amis ou voisins. En Guadeloupe, la manifestation du 30 janvier à Pointe-à-Pitre, partie à quelques milliers de personnes, a rapidement rallié 65.000 manifestants en atteignant le centre ville ; c'était la plus grande manifestation jamais réalisée dans l'archipel (en rapport à la population de l'île). Une telle mobilisation équivaut à près de 10 millions de personnes sur les pavés de Paris. Un millier de lycéens et d'étudiants se sont joints aux ouvriers en grève. Le Palais de la Mutualité de Pointe-à-Pitre est devenu un lieu de ralliement, d'expression, de débats où de nombreux travailleurs et en particulier des ouvrières ont pu prendre la parole pour parler de leur colère ou de leur désarroi face à leurs conditions d'existence. Dans une des premières séances de négociations, le 26 janvier, des journalistes et techniciens grévistes de Radio-France outre-mer (RFO) avaient placé des caméras à l'intérieur de la salle de réunion et des haut-parleurs à l'extérieur du bâtiment pour permettre à tout le monde de connaître et de suivre en direct toutes les négociations. Il y a également eu plus de 20 000 manifestants dans les rues de Fort-de-France le 9 février autour des mêmes revendications et des mêmes mots d'ordre qu'en Guadeloupe.
La venue d'Yves Jégo, secrétaire d'État à l'outre-mer sur l'île a permis de faire redémarrer la plupart des 115 stations de carburant (dont les petits patrons étaient également en grève) en promettant la limitation de création de nouvelles stations-service automatiques par les grands groupes pétroliers. Le sous-ministre a multiplié d'autres promesses pour tenter de désamorcer le conflit (baisse des taxes sur les produits pétroliers, sur les produits laitiers, réduction des taux de la taxe d'habitation et la taxe foncière), s'engageant même à favoriser la négociation auprès du patronat d'exonérations diverses équivalant à 130 euros par salarié. Alors que la négociation sur les 200 euros d'augmentation salariale mensuelle était elle-même en cours entre patrons et syndicats, sous l'égide du préfet, Jégo se faisait rappeler à l'ordre par le premier ministre Fillon et rappeler tout court à Paris. Son départ précipité, ses déclarations contradictoires (il a ensuite affirmé qu'il n'avait jamais rien promis en matière d'augmentation salariale : "C'est au patronat et aux syndicats seuls de négocier en ce domaine"), son retour-éclair dans l'île, cette fois quasiment dessaisi du dossier, flanqué de deux "médiateurs" pour l'encadrer, sa nouvelle dérobade, n'ont fait qu'attiser de plus belle la colère de la population, choquée par un tel mépris et par de tels "mensonges".
Sous la pression de la colère des grévistes excédés et de la population en général, les syndicats et le LKP ont été contraints de radicaliser leurs positions. L'appel était lancé à des AG dans toutes les entreprises, les "délégations marchantes" d'une entreprise à l'autre se sont multipliées, le renforcement des piquets de grève était décidé. La proposition (soutenue par le PS local) pour désamorcer le conflit du versement d'une prime mensuelle de 100 euros pendant 3 mois par le Conseil régional a été refusée par les grévistes.
Pendant des semaines, les innombrables manœuvres et les ficelles utilisées pour pourrir et diviser la grève et désamorcer le mouvement, en le dévoyant sur un terrain purement nationaliste, n'ont pas abouti. Le 16 février, alors que le LKP faisait dresser à nouveau des barrages sur les routes pour "dénoncer le blocage des négociations", le gouvernement français haussait le ton, déclarant "intolérable la poursuite de la situation" et la police a commencé à charger les manifestants (alors que jusque là, il n'y avait pas eu le moindre heurt), blessant deux d'entre eux et procédant à une cinquantaine d'arrestations même si tous étaient relâchés 3 heures plus tard, alors que les manifestants menaçaient d'assiéger le commissariat. La bourgeoisie a clairement joué la carte du pourrissement de la situation et de l'enlisement de la lutte, misant sur le poids de l'isolement et de l'insularité du mouvement. Un véritable "cordon sanitaire" a été dressé autour de la Guadeloupe pour empêcher le conflit de s'étendre davantage et d'enflammer les autres DOM : en Martinique, le gouvernement a discrètement lâché du lest, en décidant une baisse significative sur plusieurs produits de première nécessité tandis que tous les syndicats réunionnais tombaient d'accord pour décréter unilatéralement l'appel à une journée d'action... pour le 5 mars, autrement dit aux calendes grecques, pour éloigner l'échéance d'une mobilisation similaire et laisser le temps de régler le conflit ou de l'affaiblir significativement en Guadeloupe. Dans ce contexte, l'exaspération ne pouvait qu'éclater. Des jeunes des cités, désespérés, minés par le chômage et la précarité endémique sont passés à l'action, menant une guérilla urbaine, sommairement armés, dressant des barrages sur les routes, cassant et pillant des magasins, brûlant des voitures et cherchant la confrontation avec les forces de répression. Dès le 17 février, une voiture est mitraillée sur un barrage près d'une cité de banlieue et le conducteur, un syndicaliste connu, est tué sur le coup. Mais à qui le crime profite ? La provocation ne fait guère de doute et ce meurtre est soit l'œuvre d'un policier infiltré, soit aurait été commandité et exécuté par des membres de milices patronales recrutées pour quelques centaines d'euros. Quant au gouvernement, il répond seulement par l'envoi de 4 escadrons de police supplémentaires (200 hommes). Sarkozy s'est obstiné à vouloir traiter à part le problème de la Guadeloupe qui est délibérément mis à l'écart des pseudo-négociations salariales lors de la réunion du 18 février avec les syndicats. Le lendemain, il reçoit en grandes pompes les élus des DOM et leur annonce ses "propositions". En fait, il se borne à le saupoudrer de quelques promesses peu coûteuses avec l'annonce de primes exceptionnelles temporaires sur les bas salaires évaluées entre 70 et 130 euros par salarié au lieu de la hausse salariale de 200 euros réclamée par tous et l'avancée d'un an pour la mise en place du RSA limitée à quelques milliers de foyers concernés dans les DOM. La reprise des négociations s'effectue dans un climat de tension sociale très vive. Les travailleurs antillais revendiquent d'être traités avec dignité ; ils accusent le patronat de perpétuer une mentalité esclavagiste et colonialiste et le gouvernement de les mépriser ouvertement ; alors que la quasi-totalité des grévistes n'a pas touché le moindre centime en un mois, leur détermination et leur colère ne faiblissent pas mais au contraire se renforcent, la "débrouille" s'accompagne d'une solidarité ouvrière qui attire d'autres couches non-exploiteuses dans le même élan d'entraide généralisée. Et malgré la pression pour isoler la colère en Guadeloupe, émerge un "collectif du 5 février contre la vie chère" en Martinique qui regroupe là encore la totalité des organisations de gauche, des syndicats et des mouvements culturels ou associatifs pour contrôler le mouvement. Ce "collectif" est contraint de prendre les devants d'une mobilisation massive et de faire de la surenchère en réclamant 370 euros d'augmentation salariale pour tous, tandis que, parmi les jeunes déshérités des banlieues, éclatent là aussi des scènes de violences. A la Réunion, le NPA de Besancenot et Lutte ouvrière se sont même associés au PS, au PC et aux autres organisations de gauche, au sein du même collectif.
En métropole, le mouvement de lutte suscite la sympathie, un sondage lui accorde près de 80 % de popularité. Même les médias le traitent avec une certaine complaisance et une partie de la bourgeoisie remet en cause ouvertement "la méthode du gouvernement Sarkozy" dans la gestion de ce conflit.
L'influence de la crise est palpable : le mouvement autonomiste, voire indépendantiste, en Guadeloupe naguère très influent, surtout chez les leaders syndicaux est en nette perte de vitesse, il n'est quasiment plus revendiqué et pour cause, ce serait quasiment suicidaire de prétendre à l'autonomie pour une région déjà si fortement touchée par le marasme économique et qui sombrerait très rapidement comme à Haïti dans une misère terrible et un chaos irrémédiables. Il est plus intéressant pour toutes les fractions locales de la bourgeoisie ou leurs appendices de réclamer des subsides du gouvernement français. Par contre, cela n'enlève rien aux dangers des relents nationalistes qui revendiquent désormais une "citoyenneté française".
Le 25 février au soir, le gouvernement a proposé d'ajouter 80 euros aux contributions accordées par le patronat. L'augmentation de salaires atteindrait ainsi 180 euros par mois. Des grévistes maintenaient la pression, rassemblés devant la capitainerie du port autonome de la Guadeloupe, où se déroulaient les discussions. Simultanément dans la capitale martiniquaise, la police patrouillait dans les rues, au lendemain d'une nuit agitée, où une trentaine de personnes avaient été arrêtées alors que des dizaines de manifestants s'étaient rassemblées près de l'Hôtel de Ville, exigeant les résultats des négociations en cours.
La classe ouvrière ne pourra faire reculer la bourgeoisie et obtenir gain de cause que si la lutte s'élargit au-delà des limites géographiques des DOM. Le seul moyen d'obliger la bourgeoisie à satisfaire les revendications des grévistes, c'est l'extension du mouvement à la métropole. Seule la solidarité active de toute la classe ouvrière, dans et par la lutte massive, peut empêcher le pourrissement et la répression des travailleurs aux Antilles. Pour cela, les prolétaires ne doivent pas faire confiance aux spécialistes de la négociation, les syndicats. Ils ne doivent compter que sur leurs propres forces en prenant eux-mêmes leur lutte en main.
Partout, à travers la dure expérience de sa confrontation à l'aggravation de la crise économique, malgré tous les pièges et les obstacles que lui dressent ses ennemis irréductibles, la classe ouvrière est en train de se réapproprier son identité de classe et de s'éveiller à la lente prise de conscience de la force que représente l'unité et la solidarité dans ses rangs. Elle se prépare à entrer dans une période historique où rien ne peut plus être comme avant, "où ceux d'en haut ne peuvent plus et ceux d'en bas ne veulent plus", comme l'affirmait déjà Lénine il y a près d'un siècle.
W (26 février)
Pour Obama, confirmer son engagement dans les bases militaires de l'impérialisme américain au début de son règne est un avertissement pour le reste du monde. Bien qu'il ait parlé de changement dans sa campagne, il est clairement dans la continuité guerrière du régime de Bush. L'Amérique continuera à user de son pouvoir militaire pour défendre ses intérêts.
A cet égard, la seule chose, qui rend les Etats-Unis exceptionnels, c'est l'ampleur avec laquelle ils peuvent agir. Chaque Etat capitaliste a recourt à la force pour défendre les intérêts de sa classe dirigeante. Qu'il s'agisse de l'Iran ou de la Corée du Nord qui développent des missiles, de la Chine qui construit un porte-avions, de l'armée sri-lankaise qui balaye le nord du pays ou de l'une des nombreuses factions en lutte contre la République démocratique du Congo, comme le Soudan ou la Somalie, le capitalisme, c'est la guerre.
Car (6 février)Partout dans le monde, les luttes ouvrières se multiplient. En Grèce, en Italie, en Allemagne, en Espagne, en Islande, en Grande-Bretagne, en Irlande ([1])..., les travailleurs et les retraités, les chômeurs et les étudiants, précarisés, tentent de résister. Subissant de plein fouet les bourrasques de la crise économique, ils se battent pour leur dignité en refusant de voir encore leurs conditions de vie se dégrader.
Cette volonté de se battre et de ne pas se laisser faire est particulièrement prégnante en France. Le mouvement de grève générale qui frappe la Guadeloupe depuis plusieurs semaines en est la plus forte expression. Et en métropole aussi la colère gronde. Hier, les lycéens étaient dans la rue contre la loi Pécresse. Aujourd'hui, ce sont les enseignants-chercheurs et les étudiants qui refusent les coupes claires dans les budgets et les effectifs universitaires. Il y a encore eu 10 000 manifestants à Paris le jeudi 26 février. Le "climat social" - comme disent les experts et les journalistes - est particulièrement tendu. La bourgeoisie française en a parfaitement conscience et c'est pourquoi elle tente de désamorcer les conflits à chaque fois qu'elle le peut. Elle a ainsi reporté la réforme des lycées d'une année et promis qu'il n'y aura pas de suppression de postes dans les universités en 2010. Ces reculs montrent que la bourgeoisie a peur de voir une lutte faire tâche d'huile, qu'elle s'étende, que la solidarité se développe entre les différents secteurs de la classe ouvrière et entre les générations ([2]). La mobilisation des étudiants et des travailleurs au printemps 2006 contre le CPE est un souvenir bien trop frais à son goût.
Oui, il y a un véritable ras-le-bol. Oui, la combativité ouvrière est en train de se développer. Oui, il y a une potentialité de convergence des luttes dans l'avenir. Aux quatre coins de l'hexagone éclatent des petites grèves localisées. Ainsi, entre autres exemples, les employés de Caterpillar France sont actuellement mobilisés contre 733 licenciements ([3]). Cinq cents employés ont manifesté à Grenoble le jeudi 26 février et ont commencé à organiser l'occupation des deux usines situées à Grenoble et à Echirolles (en chômage partiel depuis le 17 décembre dernier !). Ce type de réaction, ce refus d'être considérés comme des kleenex que l'on utilise puis que l'on jette quand on n'en a plus besoin, se multiplient un peu partout. Mais bien plus significative encore fut la participation record à la journée de mobilisation du 29 janvier. La présence dans les rues d'environ 2 millions de manifestants avait alors montré que les ouvriers ne veulent pas lutter chacun dans leur coin, dans "leurs" usines ou "leurs" bureaux, mais au contraire se retrouver ensemble, qu'ils soient du public ou du privé, du secteur automobile ou de la fonction publique hospitalière, retraités, chômeurs ou étudiants.
Et ce sentiment d'être "tous dans la même galère" ne va probablement que s'amplifier. La crise économique fait des ravages. La pandémie du chômage n'épargne aucune famille ouvrière : pour le seul mois de janvier, le nombre de chômeurs a augmenté de 90 300, du jamais vu depuis 1991, date de la création de ce type de statistiques. Invité de France 3 le 26 février au soir, le secrétaire d'Etat Laurent Wauquiez a avoué qu'"on va avoir des chiffres comme ça sur plusieurs mois". Des "chiffres comme ça" signifient concrètement pour la classe ouvrière 1 million de chômeurs supplémentaires en 2009 ! Et les annonces de plans sociaux qui se succèdent (le Monde daté du 27 février titrait "Pourquoi le chômage va encore augmenter : de nombreux plans sociaux annoncés ne sont pas encore mis en œuvre") laissent présager d'un avenir bien plus sombre encore.
Consciemment ou inconsciemment, la même question trotte donc dans toutes les têtes : comment développer les luttes ? Comment faire pour ne pas rester seul et impuissant dans son coin ? Comment tisser des liens avec les autres travailleurs ?
Les syndicats ont parfaitement perçu ce questionnement et ils se sont empressés d'y apporter leur réponse : les journées d'actions syndicales. Après celle du 29 janvier, les syndicats se sont donnés officiellement pour but de "mobiliser plus fortement" encore le 19 mars ([4]). Et surtout, ils crient haut et fort leur unité retrouvée : "Nous sommes tous unis et nous allons tous dans le même sens" a ainsi clamé, le 23 février, Gabrielle Simon (CFTC) au nom de l'intersyndicale (CGT, CFDT, FO, CFTC, CGC, FSU, UNSA et Solidaires) ([5]).
Mais à y regarder de plus près, cette belle unité syndicale ne signifie absolument pas l'unité des ouvriers dans la rue et dans la lutte. Au contraire ! Ce que propose concrètement cette intersyndicale, ce sont des journées de "manifestation-balade" où tout est fait pour que les travailleurs des différents secteurs ne puissent pas discuter entre eux. Officiellement, il s'agit de journées d'action "public-privé" mais dans les administrations, tous les tracts syndicaux insistent pour la défense du "service public". Les syndicats soulignent l'aspect "interprofessionnel" de leur journée, mais les ouvriers défilent boîte par boîte, sous "leur" banderole ("hôpitaux du 78", "lycée Montaigne du 92", "cheminots de Saint-Etienne", etc.). Chacun est parqué, étiqueté, sans possibilité de discuter avec ceux de la banderole de derrière ou de devant, prié de marcher sans s'arrêter et de reprendre en chœur les slogans crachés par le mégaphone. Et à la fin de la manifestation, là où il pourrait y avoir éventuellement un temps pour débattre, discuter collectivement des perspectives à donner à la mobilisation, tout le monde est prié de se disperser et de ne pas faire attendre les cars syndicaux. D'ailleurs, cette soudaine unité n'est-elle pas suspecte de la part de ceux qui, depuis des années, freinent des quatre fers pour éviter tout rassemblement trop important dans les rues, de la part de ceux qui n'ont cessé de jouer la carte de la division en signant des "accords" branche par branche, entreprise par entreprise, la plupart du temps dans le dos de la classe ouvrière ? Sous les apparences donc, dès qu'on creuse un peu, on s'aperçoit que ces "journées d'action unitaire" distillent encore et toujours le poison syndical de la division.
Pour développer réellement notre unité, nous devons prendre en main nos luttes, ne pas nous en laisser déposséder. C'est à nous de décider, en discutant collectivement, de comment organiser les grèves et les manifestations. Sur les lieux de travail, cela signifie (quand il y en a la possibilité et qu'une grève se déclenche) se rassembler en AG souveraine (comme l'ont fait les étudiants en 2006) et essayer d'aller voir les travailleurs des administrations ou des entreprises les plus proches pour les entraîner dans la lutte et tisser des liens de solidarité. Et surtout, lors de ces journées d'actions syndicales, il faut aller discuter avec les autres manifestants, échanger ce que l'on vit sur les lieux de travail, en restant à la fin, quand le cortège se disperse, pour réfléchir ensemble sur comment poursuivre et développer la lutte, quels mots d'ordre communs mettre en avant. Il faut aussi discuter de comment on perçoit l'avenir, pourquoi il y a une crise économique si violente, et réfléchir à la question : comment peut-on édifier ensemble un autre monde pour mettre fin radicalement à la misère et à l'exploitation capitalistes.
Pawel (27 février)
[1]) 120 000 fonctionnaires ont manifesté à Dublin, le 21 février, contre le plan d'austérité annoncé par le gouvernement irlandais.
[2]) Un article du Monde, publié sur son site web le 26 février, avait pour titre "Après la crise financière, la guerre civile ?". On pouvait y lire : "La crise économique va-t-elle dégénérer en violentes explosions sociales ? En Europe, aux Etats-Unis ou au Japon, la guerre civile est-elle pour demain ?". Ce ton excessif et dramatique révèle surtout à quel point la bourgeoisie a aujourd'hui de nouveau peur de la lutte des classes, à quel point elle est de nouveau hantée par le spectre du communisme.
[3]) Cette entreprise a annoncé, pour 2009, 24 000 suppressions d'emplois à travers le monde, soit près du quart de ses effectifs.
[4]) Yahoo ! Actualités, le 23 février.
[5]) Les Echos Web, le 25 février.
La vague de grèves non-officielles initiée par la lutte des ouvriers de la construction et de l'entretien à la raffinerie du groupe Total de Lindsey a été une des luttes les plus importantes de ces vingt dernières années.
Des milliers d'ouvriers du bâtiment d'autres raffineries et de centrales électriques ont cessé le travail en solidarité. Des meetings de masse ont été organisés et tenus de façon régulière. D'autres ouvriers du bâtiment, de l'acier, des docks ou au chômage, ont rejoint les piquets de grève et les manifestations qui ont eu lieu devant différents sites. Les ouvriers n'étaient pas le moins du monde troublés par la nature illégale de leurs actions car ils exprimaient leur solidarité envers leurs camarades en lutte, leur colère devant la vague grandissante de licenciements et l'incapacité du gouvernement à y remédier. Lorsque 200 ouvriers polonais du bâtiment ont rejoint la lutte, celle-ci a atteint son plus haut point par la remise en cause du nationalisme qui avait marqué le mouvement depuis le début.
Le licenciement de 300 ouvriers sous-traités à la raffinerie de Lindsey, le projet d'engager un autre sous-traitant employant 300 ouvriers italiens et portugais (dont le salaire est inférieur car indexé sur le salaire de leur pays d'origine), et l'annonce qu'aucun ouvrier britannique ne serait inclus dans ce nouveau contrat a propagé la colère comme un traînée de poudre parmi les ouvriers du bâtiment. Depuis des années, on assiste à un recours croissant à l’exploitation d'ouvriers étrangers sous contrat, généralement avec des salaires beaucoup plus bas et des conditions de travail bien pires, avec pour résultat direct l'accentuation de la concurrence entre ouvriers pour avoir du travail, et une pression exercée sur tous les ouvriers vers des baisses de salaires et une détérioration plus forte des conditions de travail. Tout cela, combiné avec la vague de licenciements dans l'industrie du bâtiment et ailleurs du fait de la récession, a généré la profonde combativité qui a trouvé son expression dans ces luttes récentes.
Depuis le début, le mouvement s'est trouvé face à une question fondamentale, non seulement pour les grévistes impliqués aujourd'hui mais pour toute la classe ouvrière maintenant et pour demain : est-il possible de se battre contre le chômage et toutes les autres attaques en s'identifiant comme "ouvriers britanniques" et s’en prendre aux "ouvriers étrangers", ou devons-nous nous considérer comme des ouvriers, avec des intérêts communs avec tous les autres ouvriers, d'où qu'ils viennent ? C'est une question profondément politique, que ce mouvement devait prendre à bras-le-corps.
Dès le début, la lutte est apparue dominée par le nationalisme. On pouvait voir aux actualités des images d'ouvriers avec des pancartes faites-maison réclamant "des emplois britanniques pour les ouvriers britanniques" ("British job for British workers") et les bannières syndicales de chaque corporation déployaient le même slogan. Les syndicats officiels défendaient et reprenaient plus ou moins le mot d'ordre ; les médias parlaient d'une lutte contre les ouvriers étrangers et ont trouvé des ouvriers qui partageaient cette opinion.. Ce mouvement de grèves sauvages aurait potentiellement pu s’engluer dans le poison du nationalisme et s’orienter en défaite cuisante pour la classe ouvrière, les ouvriers s'opposant les uns aux autres, avec des ouvriers défendant en masse les cris de ralliement nationalistes et appelant à ce que le travail soit donné aux ouvriers "britanniques", tandis que les ouvriers portugais et italiens perdaient le leur. La capacité de toute la classe ouvrière à se battre aurait alors été affaiblie et la capacité de la classe dominante d'attaquer et diviser les ouvriers aurait été renforcée.
La couverture médiatique (et ce que certains ouvriers pouvaient dire) a permis de faire croire que les revendications des ouvriers de Lindsey étaient "Des boulots britanniques pour les ouvriers britanniques". Mais ce n'était pas le cas. Ainsi, la BBC a trafiqué et tronqué sans vergogne par exemple l’interview d’un gréviste, ensuite largement diffusée en boucle à l’appui de la thèse de la « xénophobie du mouvement » en lui faisant dire : « On ne peut pas travailler avec des Portugais et des Italiens » alors que sur une autre chaîne de moindre audience, l’interview réelle prenait un tout autre sens : « On ne peut pas travailler avec des Portugais et des Italiens ; on est complètement séparés d’eux, ils viennent avec leur propre compagnie », ce qui signifie qu’il était impossible de les côtoyer parce qu’ils étaient tenus volontairement à l’écart de la main-d’oeuvre locale. En l’occurrence, la BBC a servi de porte-parole servile à un gouvernement et à une bourgeoisie effayés face au renouveau de la combativité et de la solidarité ouvrières et face au danger d’extension de la lutte. Les revendications discutées et votées dans les meetings de masse n'ont pas repris le mot d'ordre ni manifesté d'hostilité envers les ouvriers étrangers, contrairement aux images de propagande largement diffusées et relayées dans les médias à l’échelle internationale..! Ces revendications ont plutôt exprimé des illusions sur la capacité des syndicats à empêcher les patrons de monter les ouvriers les uns contre les autres, mais sans nationalisme manifeste.
Le nationalisme fait partie intégrante de l'idéologie capitaliste. Chaque bourgeoisie nationale ne peut survivre qu'en entrant en compétition avec ses rivales économiquement et militairement. La culture, les médias, l'éducation, l'industrie du sport, toute cette idéologie bourgeoise répand son poison sans cesse de façon à lier la classe ouvrière à la nation. Les ouvriers ne peuvent échapper à l'infestation de cette idéologie. Mais ce qui est crucial dans ce mouvement est que ce poids du nationalisme s'est trouvé remis en question alors que les ouvriers s'attaquaient dans la lutte à la question de de la défense élémentaire de leurs conditions de vie et de travail, de leurs intérêts matériels de classe.
Le mot d'ordre nationaliste " Du boulot britannique pour les ouvriers britanniques", volé au Parti National Britannique (British National Party, équivalent du FN en France) par le « travailliste » Gordon Brown, a au contraire suscité beaucoup de malaise et de réflexion chez les ouvriers et dans la classe ouvrière. De nombreux grévistes ont déclaré qu'ils n'étaient pas racistes, que leur lutte n’avait rien à voir avec la question de l’immigration ou qu'ils ne soutenaient pas le BNP, qui a même été chassé par les ouvriers, alors qu’il tentait de s’infiltrer dans leur grève.
Tout en rejetant le BNP, beaucoup d'ouvriers interviewés à la télé essayaient de toute évidence de réfléchir à la signification de leur combat. Ils n'étaient pas contre les ouvriers étrangers, ils devaient travailler à l'étranger eux aussi, mais ils se trouvaient au chômage ou voulaient que leurs enfants puissent travailler aussi et donc ressentaient la nécessité que le boulot aille d'abord aux ouvriers "britanniques". Ces mots empoisonnés ont été relancés au visage de Gordon Brown en voulant souligner ironiquement et dénoncer le caractère purement démagogique et mensonger de ses promesses. Mais de telles visions finissent toujours par se retourner contre les ouvriers eux-mêmes en les enfermant dans une division en tant que "britanniques" ou "étrangers", niant leur intérêt commun de classe, et les ligotent dans le piège du nationalisme.
Cependant, des ouvriers ont clairement souligné à cette occasion les intérêts communs à tous les prolétaires, signe qu'un processus de réflexion est en train de naître et ils ont dit qu'ils voulaient que tous les ouvriers, de quelque origine qu’ils soient aient du travail. "J'ai été licencié de mon emploi de docker il y a deux semaines. J'ai travaillé à Cardiff and Barry Docks pendant 11 ans et je suis venu aujourd'hui ici dans l'espoir de secouer le gouvernement. Je pense que tout le pays devrait être en grève alors que nous perdons toute l'industrie britannique. Mais je n'ai rien contre les ouvriers étrangers. Je ne peux les blâmer de venir chercher du travail ici." (Guardian On-line du 20 janvier 2009) Il y a également eu des ouvriers qui défendaient le fait que le nationalisme constituait un réel danger. Un ouvrier travaillant à l'étranger est intervenu sur un forum Internet des ouvriers du bâtiment sur les divisions nationales utilisées par les patrons : "Les médias qui ont attisé les éléments nationalistes se retournent à présent sur vous, montrant les manifestants sous la pire lumière possible. Le jeu est fini. La dernière chose que les patrons et le gouvernement veulent, c'est que les ouvriers britanniques s'unissent avec les ouvriers d'au-delà des mers. Ils pensent qu'ils peuvent nous rendre idiots et nous pousser à nous battre les uns contre les autres. Cela leur donnera froid dans le dos que nous ne le fassions pas." Dans un autre mail, il reliait la lutte avec celles de France et de Grèce et la nécessité de liens internationaux : "Les manifestations massives en France et en Grèce ne sont que des signes précurseurs de ce qui va venir. A-t-on jamais pensé à contacter et construire des liens avec ces ouvriers et renforcer un large mouvement de protestation en Europe contre le fait que des ouvriers se font entuber ? Cela résonne comme une meilleure option que d'avoir les parties réellement coupables, cette cabale de patrons, de vendus de leaders syndicaux, et du New Labour, qui profitent de la classe ouvrière." (Thebearfacts.org). D'autres ouvriers d'autres secteurs sont aussi intervenus sur ce forum pour s'opposer aux mots d'ordre nationalistes.
La discussion parmi les ouvriers engagés dans la grève, et dans la classe en général, sur la question des mots d’ordre nationalistes atteignit une nouvelle phase le 3 février lorsque 200 ouvriers polonais rejoignirent 400 autres ouvriers dans une grève sauvage en soutien aux ouvriers de Lindsey, à la centrale en construction de Langage à Plymouth. Les médias firent leur possible pour cacher cet acte de solidarité internationale : la station télévisée locale de la BBC n'en faisait aucune mention et au niveau national encore moins. Le black-out a été total.
La solidarité des ouvriers polonais a été particulièrement importante car l'année dernière, ils avaient été impliqués dans une grève similaire. 18 ouvriers avaient été licenciés et d'autres ouvriers avaient cessé le travail en solidarité, y compris les ouvriers polonais. Le syndicat avait essayé d'en faire une grève contre la présence de travailleurs étrangers, mais la détermination des ouvriers polonais avait complètement fait avorter cette tentative. Les ouvriers de Langage ont ainsi lancé cette nouvelle lutte en étant avertis de comment les syndicats s'étaient servis du nationalisme pour essayer de diviser la classe ouvrière. Le lendemain du jour où ils avaient participé à un meeting de masse à Lindsey avec une banderole proclamant : "Centrale électrique de Langage – Les ouvriers polonais ont rejoint la grève : Solidarité", ce qui impliquait que quelques ouvriers polonais avaient fait le voyage de 7 heures pour être là, ou qu'au moins un ouvrier de Lindsey voulait mettre en lumière leur action.
Dans le même temps, on put voir une banderole du piquet de grève de Lindsey appelant les ouvriers italiens à se joindre au mouvement de grève – elle était écrite en anglais et en italien – et on sait que certains ouvriers portaient des pancartes où était inscrit : "Ouvriers du monde entier, unissez-vous !" (The Guardian du 5 février 2009). En bref, on a pu voir les débuts d'un effort conscient de certains ouvriers, à l’opposé des réactions nationalistes, racistes et xénophobes qu’on leur prêtait, pour développer et mettre en avant un véritable internationalisme ouvrier, un pas qui ne peut conduire qu'à plus de réflexion et de discussion dans la classe ouvrière.
Tout ceci a posé la question de porter la lutte à un autre niveau, qui devait remettre directement en cause la campagne pour la présenter comme une réaction nationaliste. L'exemple des ouvriers polonais a fait apparaître la perspective de milliers d'autres ouvriers étrangers rejoignant la lutte sur les plus grands sites en construction de Grande-Bretagne, tels ceux de l'Est de Londres pour les Jeux olympiques. Il y avait aussi le danger que les médias ne puissent cacher les slogans internationalistes. Ce qui aurait brisé la barrière nationaliste que la bourgeoisie s'est efforcée de dresser entre les ouvriers en grève et le reste de la classe. Il n'est pas surprenant que la lutte ait été aussi rapidement résolue. En 24 heures, les syndicats, les patrons et le gouvernement se sont mis d’accord alors qu’ils avaient annoncé précédemment que la résolution de ce conflit prendrait des jours, voire des semaines et ont promis non seulement l’embauche de 102 « ouvriers britanniques » mais l’annulation de leur décision précédente du renvoi des travailleurs portugais et italiens vers leur pays d’origine. Comme un gréviste le rapportait, "pourquoi devrions-nous nous battre seulement pour avoir du travail ?".
En une semaine, nous avons vu les grèves sauvages les plus importantes depuis des décennies, les ouvriers tenant des meetings de masse et engageant des actions de solidarité illégales sans un moment d'hésitation. Une lutte qui aurait pu plonger dans le nationalisme a commencé à remettre en question ce poison. Cela ne veut pas dire que le danger soit écarté : c'est un danger permanent, mais ce mouvement a donné aux luttes futures la possibilité de tirer d'importantes leçons. Le fait de voir des banderoles proclamant "Ouvriers de tous les pays, unissez-vous!" devant un piquet de grève supposé nationaliste ne peut qu'inquiéter la classe dominante sur ce qui l’attend dans l’avenir.
Phil (7 février 2009)
D’après World Revolution, organe du CCI en Grande-Bretagne.
Madagascar fut intégré en 1896 à l'empire colonial français. Cette prise en main de l'île par l'impérialisme français n'eut rien de pacifique. Elle se fit à la force des baïonnettes. Mais l'horreur fut portée à son comble quand, pour garder Madagascar dans son empire, la France, en 1947, confrontée à une révolte nationaliste qui durait depuis 21 mois, donna l'ordre à son armée de réprimer les velléités indépendantistes de la bourgeoisie malgache. Le gouvernement français de l'époque enverra un corps expéditionnaire de 30 000 hommes. Le bilan fut terrible, effrayant : il y eut officiellement 89 000 morts, selon l'état-major de l'armée française. Voilà une page glorieuse de l'histoire du capitalisme français, qui ne fait pas partie de nos manuels scolaires. C'est en 1960 que Madagascar va devenir indépendante, et la population de cette île aura alors le droit d'être gouvernée pendant 25 ans par Didier Rastsiraka, président aux ordres de Paris. Aujourd'hui, cet ex-président vit tout naturellement et tranquillement en France. C'est ainsi que depuis plus d'un siècle, l'histoire de cette île et de ses massacres retombent sur les épaules des différentes fractions de la bourgeoisie nationale de Madagascar, manipulées et dirigées par l'impérialisme français.
Au cours des années 1990, les Etats-Unis viennent progressivement contester la domination impérialiste de la France à Madagascar. Le départ du pouvoir de Didier Rastsiraka en 2002 et l'arrivée du président actuel Marc Ravalomanana n'est pas étranger au soutien que lui ont prodigué les Etats-Unis. Surfant déjà à l'époque sur le désespoir de la population, celui-ci incarnait, à ce moment-là, l'espoir d'une vie meilleure. Malgré la présence d'un important contingent de l'armée française sur l'île, Marc Ravalomanana, pour rester au pouvoir, jouait ainsi de l'intérêt antagonique de la France et des Etats-Unis, ouvrant même tout récemment les portes de l'île à l'impérialisme chinois. Cette politique visait progressivement à se débarrasser du poids de l'influence française à Madagascar. En décembre 2007, un nouveau venu, Andry Rajoelina, allait se faire élire maire de la capitale de la grande île, Antananarivo, capitale qui avait justement servi précédemment de tremplin politique à Ravalomanana. Cette accession au pouvoir dans la capitale était d'autant plus facilitée que l'enrichissement du président en place et de sa clique s'étalait toujours plus au grand jour pendant que la population sombrait dans une pauvreté croissante. Depuis lors, Rajoelina (que l'on nomme le "TGV" pour son côté fonceur) a progressivement et de plus en plus ouvertement contesté le pouvoir du président actuel, s'appuyant à son tour sur le développement du mécontentement et de la colère de la population. Mais la montée en puissance de ce nouveau carnassier n'est pas, à son tour, que le produit de la réalité interne de l'île. En pleine période de bras de fer entre lui même et le président Ravalomanana, Andry Rajoelina, au mois de janvier dernier, est venu en visite à Paris et ce ne fut pas seulement pour y rencontrer l'ancien président à la solde de la France, Didier Ratsiraka, et l'ancien vice-premier ministre Pierrot Rajaonarivelo. A partir de ce moment-là, tous les yeux se sont tournés vers Paris, pour savoir ce qui se tramait dans les coulisses de l'Etat français. Cela a même obligé le maire d'Antananarivo à déclarer sur TV5 : "ne pas avoir de soutien ni des Etats-Unis, ni de l'Allemagne, ni de la France, ni de la Communauté européenne", avant d'ajouter : "Ceci dit, j'ai quand même pas mal de soutien au niveau international mais se sont des accords que je ne peux dévoiler." A partir de cette date, le massacre du 7 février à Antananarivo était comme programmé et la population était, une nouvelle fois, prise en otage entre ces différentes cliques bourgeoises locales et l'appétit des grands impérialistes, dont la France.
L'hypocrisie de la bourgeoisie n'a pas de limite. Après le massacre, le maire de la capitale qui avait jeté la population dans la rue le 7 février est venu se recueillir sous les caméras devant les cercueils exposés dans le gymnase Kianja Mitafo. Andry Rajoelina et sa clique ont alors immédiatement nommé cyniquement tous ces morts "martyrs de la transition". Il s'est auto-proclamé président de la haute-autorité pour la transition vers la IVe République. Quelques jours après le massacre et utilisant la colère contre le président en place, Rajoelina a commencé à nommer, en présence de 5000 personnes, quatre ministres de cette haute-autorité. Le face-à-face entre les deux hommes qui se disputent le pouvoir à Madagascar ne peut donc que continuer à se renforcer, et les grandes puissances comme la France et les Etats-Unis poursuivront d'autant leur politique consistant à attiser le feu entre ces deux chefs de gangs locaux, cherchant chacune à affaiblir le représentant de l'autre. Cette situation ne peut qu'apporter encore plus de souffrance et de massacres pour la population prise en otage par tous ces requins impérialistes.
Tino (26 février)C'est une nouvelle défaite des ouvriers qui se sont unis pour combattre et défier les lois capitalistes, pour défendre leur travail en pleine crise de surproduction. Pire, le paiement des arriérés de salaires promis va même dépendre de la capacité de l'entreprise de "surmonter" cette crise ([3]).
Après la grève, le syndicat les a conduit à leur première défaite, en leur faisant accepter une rotation des équipes de travail en 3 x 8, mais c'était un piège de la part des capitalistes parce que le véritable objectif de ces derniers est de les chasser, de les mettre à la porte de l'entreprise.
Les leçons de cette défaite
1. Pour résister de façon effective et puissante aux attaques capitalistes - licenciements, intensification de l'exploitation sur les chaînes de travail, mise en chômage partiel - les ouvriers unis doivent refuser les lois du capitalisme qui les empêchent de se lancer dans des grèves et de paralyser la production de l'entreprise. Pendant ces deux journées de grève, les ouvriers de Giardini ont défié les lois capitalistes, en menant une vraie lutte. Les ouvriers combatifs des Philippines dans les années 1970 et 1980 ont fait de nombreuses expériences de défi à la loi dictatoriale et militaire de l'Etat en se lançant dans des grèves.
2. Une grève isolée, comme celle organisée par les syndicats pour les ouvriers de Giardini, les a conduit à la défaite et à se soumettre à ce que voulaient les patrons et le gouvernement. Les ouvriers de Giardini se sont battus en s'opposant aux lois capitalistes. Mais ils ont combattu isolés... et c'est pourquoi ils ont été défaits.
Les seules luttes véritables aujourd'hui sont les luttes qui s'étendent dans le plus grand nombre possible d'entreprises, comme cela s'est passé dans la grève des ouvriers du textile au Bengladesh en 2006 ou dans la grève massive des ouvriers du textile en Egypte en 2006-2007. Ce n'est qu'avec l'extension de la lutte à de nombreuses usines et entreprises, qu'on peut se protéger des lois anti-ouvrières et de la répression de l'appareil d'Etat.
3. Les ouvriers doivent décider et mener eux-mêmes leur propre lutte, à travers leurs assemblées et comités de grève d'usine ou comités inter-grèves, au moins au niveau d'une ville. Ils doivent lutter en dehors du contrôle syndical ou de tout parti électoral de droite ou de gauche de la bourgeoisie. Les syndicats et les partis électoraux aux Philippines ne sont intéressés que par l'accroissement du nombre de membres de leur syndicat ou par des gains électoraux. Etant donné que la crise économique et politique s'aggrave comme jamais, la concurrence entre eux s'aiguise elle aussi. Une concurrence intense au sein des syndicats de gauche et de droite et des partis électoraux, s'aiguise de plus en plus. Les syndicats et les partis empêchent l'extension et le développement de l'unité des ouvriers parce que cela signifie l'auto-organisation de ces derniers en dehors des syndicats et des partis réformistes. Plus important que tout, les syndicats sont déjà devenus comme ailleurs des appendices de l'Etat pour protéger les intérêts du capital national.
4. Les ouvriers doivent coordonner leur lutte au niveau international et tirer les enseignements des expériences de leurs frères et sœurs de classe des autres pays, notamment dans les pays où les ouvriers ont plus d'expérience de lutte - en Europe de l'Ouest. La solidarité internationale ouvrière est la meilleure arme pour gagner le combat contre l'attaque mondiale des patrons. Le prolétariat des Philippines peut apprendre beaucoup de l'expérience des ouvriers combatifs du monde entier du déclenchement des grèves "illégales" (c'est-à-dire des grèves sauvages), qui se développent de plus en plus aujourd'hui, des réunions massives et des assemblées générales qui sont la principale forme d'organisation dans la lutte.
5. La défaite des ouvriers de Giardini a toutefois apporté des leçons profitables au prolétariat combatif des Philippines pour leurs luttes futures contre le capital national et face aux attaques de la part de leurs patrons. En cela, la lutte des ouvriers de Giardini n'a pas été vaine. Plus que jamais, le mot d'ordre : "l'émancipation de la classe ouvrière doit être l'œuvre des ouvriers eux-mêmes" reste valable et nécessaire, spécialement à l'époque de la décadence du capitalisme dans laquelle la révolution communiste est déjà à l'ordre du jour de l'histoire.
Internasyonalismo[1]) Giardini del Sole est une entreprise italienne d'exportation de meubles basée à Cebu, Philippines. Elle emploie 485 ouvriers. A cause de la crise mondiale, elle a sacrifié 245 ouvriers en les jetant à la rue et en les laissant mourir de faim.
[2]) Ils sont dirigés par le Parti ng Manggagawa (parti travailliste), parti électoral gauchiste.
[3]) "Le directeur Edmundo Mirasol a exprimé l'espoir que les troubles sociaux seraient bientôt réglés. Mirasol a dit que ce n'est qu'une fois que la compagnie pourrait payer les indemnités de licenciement, que les paiements seraient assurés par l'attribution d'une allocation de chômage" (Source URL : http//www.sunstar.com.ph.cebu/jonas-steps-row-strikers-management-come-deal [1101]).
L'affaire fait grand bruit dans la presse et les couloirs du pouvoir depuis quelques semaines : Bernard Kouchner, icône a priori intouchable de l'engagement humanitaire serait un magouilleur sans morale, avide de popularité et de profit. Pierre Péan, journaliste habitué des révélations « choc » sur les mœurs des grands de ce monde, s'est attaqué, en publiant son livre Le monde selon K. , à un personnage hautement médiatique qui ne manque jamais une occasion de faire parler de lui ou de se montrer et qui s'est depuis plus de trente ans construit une image d'homme dont l'engagement n'a d'égal que l'indignation face à la misère du monde.
Pour autant, aussi spectaculaires que puissent être les résultats les plus mis en avant par les médias de l'enquête de Pierre Péan, ce ne sont pas ce qui nous semble le plus scandaleux dans le CV du « french doctor ». Le livre lui-même aborde d'autres aspects autrement plus significatifs mais qui n'ont pas été repris avec autant d'exposition médiatique.
Monsieur Kouchner aurait donc toute sa vie confondu ses engagements humanitaires et politiques avec ses intérêts personnels. Il aurait notamment monnayé des missions de conseil à bon prix en échange de subventions publiques dont il assurait la gestion, avec plusieurs pays africains. Il aurait usé de sa position ministérielle pour obtenir le paiement de son dû. Il aurait fait usage de son pouvoir pour intégrer la fonction publique. Il aurait cédé sans efforts aux sirènes de l'argent pour produire un rapport bienveillant pour une société pétrolière Total peu regardante sur le droit du travail. Il aurait offert des places de choix au sein de son cabinet ou en ambassade à ses collaborateurs, mandataires et associés dans le domaine professionnel. Il aurait même favorisé la nomination de sa femme à la tête de l'audiovisuel extérieur français. Bref, comme le résume Marianne en introduction aux « bonnes feuilles » du livre1, Bernard Kouchner aurait « peu à peu troqué sa générosité contre un cynisme calculateur ».
Sans vouloir faire un concours de cynisme, nous ne voyons pas en quoi ce serait une révélation. Le cynisme et le calcul sont deux caractéristiques minimales de tout membre de base de la bourgeoisie. C'est dire si, pour fréquenter les hautes sphères du pouvoir, il faut être particulièrement prodigue en la matière. Bernard Kouchner, de par sa carrière politique qui l'emmène du PCF au gouvernement Fillon en passant par le PS, le PRG et de nouveau le PS, montre à quel point il a toujours su sentir le sens du vent et profiter de sa force pour faire avancer son navire. Avide de pouvoir et d'argent, et c'est bien un minimum pour les gens de sa classe, il a aussi et surtout su faire preuve d'un grand talent pour servir les intérêts de son pays, tout particulièrement sur le terrain impérialiste.
A la sortie du livre, plusieurs membres du gouvernement se sont empressés de soutenir leur collègue, jusqu'au président Sarkozy qui, dans son show multi-télévisé, a balayé les accusations d'une seule phrase : « Sa vie parle pour lui ».
On ne peut mieux dire. Le jeune Bernard a même montré des aptitudes précoces qui le prédestinaient très tôt à la grande carrière qu'il fit ensuite. Et c'est même sur ce plan-là que résident les aspects les plus indignes de son parcours, bien plus en tout cas que quelques magouilles et abus de pouvoir.
Alors que tout frais sorti des ses études de gastro-entérologie, Bernard Kouchner se rend au Biafra à la fin des années 1960, c'est déjà pour participer à la politique impérialiste de la France, menée à l'époque par Jacques Foccart, le Monsieur Françafrique de l'Elysée. En dénonçant le « génocide » perpétré par le pouvoir nigérian, le futur fondateur de Médecins Sans Frontières apporte son soutien aux sécessionnistes alors appuyés par la France dans une guerre civile qui allait provoquer plus d'un million de morts.
Par la suite, il ne cessera de promouvoir le concept de « droit d'ingérence », inventé par le philosophe Jean-François Revel pendant la guerre du Biafra justement, et qui fut institutionnalisé par le président de la République François Mitterrand. Au nom de ce « droit » selon lequel « on ne laisse pas les gens mourir », les grandes puissances ont pu monter des opérations militaires hors de tout cadre dans de nombreux pays en proie à la guerre, sous couvert d'intervention humanitaire. Véritable paravent aux forces armées, le droit d'ingérence avait trouvé en Bernard Kouchner son plus talentueux VRP, qui poussa même l'inventivité jusqu'à compromettre les écoliers français dont les sacs de riz serviront de voie d'entrée de l'armée française en Somalie en 1992.
Au Rwanda, il fera le même usage de "l'ingérence humanitaire" pour propulser l'armée qui, avec force moyens humains et matériels, encadrera un des pires massacres jamais perpétrés.2
A son arrivée au ministère qu'il occupe encore aujourd'hui, il tenta de refaire le même coup au Darfour.
Et ce ne sont que quelques exemples dans une vie qui, Nicolas Sarkozy a raison sur ce point, parle suffisamment pour qu'on ne puisse émettre le moindre doute sur le dévouement absolu de son ministre au service de l'impérialisme français. Que ce soit un sac de riz sur le dos ou un enfant décharné dans les bras, c'est toujours en faisant vibrer la corde humanitaire qu'il fera accepter à l'opinion choquée la complicité de la France (comme celle des autres grandes puissances) dans la misère et les horreurs de la guerre. Comme un assassin qui pleure sur le corps de sa victime, Bernard Kouchner s'indigne des massacres qu'il a contribué à perpétrer. Bien au-dessus de son mélange des genres à vocation lucrative qui aujourd'hui défraie la chronique, c'est cette posture méprisable, adoptée depuis 40 ans, partout où l'impérialisme français a fait couler le sang, qui soulève notre indignation.
La bourgeoisie est une classe de profiteurs et de cyniques. Ce qui distingue les plus grands, c'est cette capacité, que Bernard Kouchner possède à l'évidence, de repousser toujours les limites du cynisme et de l'abjection, de se débarrasser de tout sens moral dès lors que les intérêts de sa classe, la bourgeoisie, sont en jeu.
GD (18 février)
1Marianne du 31 janvier 2009.
2Lire par exemple notre article [1102] paru dans RI n° 345.
Nous invitons tous nos lecteurs à venir participer au débat afin que les générations d’aujourd’hui puissent se réapproprier les leçons de cette expérience du mouvement ouvrier.CAEN
le samedi 28 mars à 17 h,
Rendez-vous à 16 h 45
devant le Grand Théâtre
de Caen, esplanade Jo-Tréhard,
afin de se rendre ensuite
sur les lieux de la réunion publique.
LILLE
le samedi 11 avril à 14 h 30,
MRES, 23, rue Gosselet
LYON
le samedi 7 mars à 17 h, CCO,
39, rue Georges-Courteline,
à Villeurbanne
(bus 27, 37, 38, arrêts Antonins)
MARSEILLE
le samedi 25 avril à 17 h,
association Mille Bâbords,
61, rue Consolât (métro Réformé)
NANTES
le samedi 21 mars à 16 h,
3, rue de l’Amiral-Duchaffault
(quartier Mellinet)
PARIS
le samedi 14 mars à 15 h,
CICP, 21 ter rue Voltaire,
métro Rue-des-Boulets (11e)
toulouse
le samedi 21 mars à 15 h,
restaurant On’Nador,
5, rue de l’Université-du-Mirail,
métro Mirail-Université
Le journal Révolution internationale, devenu mensuel depuis octobre 1975, sort aujourd’hui son numéro 400. Depuis quasiment trente-quatre ans, Révolution internationale, section du CCI en France, a publié son organe de presse de façon régulière et sans discontinuité, faisant ainsi la preuve du sérieux de notre organisation. En effet, la presse a toujours été le principal outil d’intervention des révolutionnaires au sein de la classe ouvrière. C’est à travers cette presse qu’ils peuvent faire entendre leur voix, transmettre aux nouvelles générations de prolétaires les acquis de l’histoire du mouvement ouvrier, donner une orientation aux luttes actuelles en s’appuyant sur les enseignements des combats du passé, dénoncer les mensonges, les mystifications et les pièges de toutes les fractions de la bourgeoisie, offrir un cadre cohérent d’analyse de l’évolution du monde capitaliste, affirmer la perspective historique du prolétariat en mettant constamment en avant la nécessité et la possibilité de la révolution communiste mondiale.
La presse révolutionnaire est donc une arme fondamentale du combat de la classe ouvrière. C’est forte de cette conviction que notre organisation, avec ses faibles forces, s’est efforcée pendant plus d’un tiers de siècle de publier et diffuser le plus largement possible le journal RI. Et c’est avec cette même volonté de diffuser le plus largement possible les positions révolutionnaires que RI, ainsi que l’ensemble de la presse du CCI, est depuis plusieurs années régulièrement accessible sur Internet, outil informatique qui nous a permis de développer de nombreuses discussions avec les personnes intéressées par nos positions comme avec d’autres manifestant des désaccords.
Nous tenons ici à remercier tous nos sympathisants et contacts proches qui se sont impliqués et s’impliquent à nos côtés en participant à la diffusion de notre presse dans les librairies, sur leur lieu de travail, dans les manifestations, sur les marchés et autres points de vente réguliers.
RI
Lutter, oui, mais comment ? Dans toutes les têtes, cette même question se pose face à la multiplication des attaques contre nos conditions de vie. Que faire pour se battre sans se heurter toujours aux mêmes impasses avec au bout du compte le goût amer de la défaite et du découragement ?
Il est clair que pour être capable de faire reculer la bourgeoisie et freiner ses attaques, toute lutte ouvrière doit construire et imposer un réel rapport de forces. Et quand la classe ouvrière est-elle forte ?
- Lorsqu’elle est capable d’exister comme classe unie autour d’une même lutte, autour des mêmes revendications unificatrices.
- Quand l’appartenance à un secteur particulier du prolétariat est dépassée par la conscience d’une appartenance à la même classe des exploités embarqués dans la même galère capitaliste, subissant les mêmes attaques et ayant à défendre les mêmes intérêts généraux.
Si on lutte seulement en tant qu’enseignant, postier, cheminot, infirmier, ouvrier de telle ou telle entreprise, en tant que salarié de telle ou telle entreprise, de tel ou tel secteur, défendant tel ou tel intérêt spécifique à sa boîte ou à son usine, on s’expose à se laisser enfermer et à s’isoler de tous les autres exploités dans des luttes fatalement très limitées, et la bourgeoisie peut nous conduire à la défaite et au découragement paquet par paquet.
Si au contraire, nous allons trouver les ouvriers de l’usine d’à côté, les infirmières de l'hôpital d'à côté etc., là, nous sommes au cœur d’une réelle dynamique de développement de la lutte. Quand une lutte démarre dans telle usine ou tel secteur, au lieu de rester isolés dans cette usine, dans ce secteur, la première préoccupation doit être d’étendre la lutte, d’envoyer des délégations massives vers les autres entreprises les plus proches pour les entraîner à leur tour dans la lutte, d’organiser des AG souveraines communes ouvertes à tous, sans exclusive, afin d’y faire participer des travailleurs d’autres secteurs. La véritable solidarité ouvrière lors d’une grève se forge de proche en proche sur la base d’une extension géographique de la lutte.
Propager et étendre la lutte d’un secteur à l’autre, d'une usine à l'autre, est la manifestation d’un besoin vital pour la lutte elle-même : celui de développer la solidarité active en appelant à faire des assemblées générales communes, en désignant des délégués élus et révocables à tout moment, en participant aux manifestations les plus unitaires possible. Dans les manifestations, il s’agit de permettre le rassemblement des ouvriers d’une même ville, en un même lieu, avec le soutien le plus large possible et la solidarité au sein de toute la population.
Mais comment construire un tel rapport de forces ? Est-ce possible ? Les expériences ne manquent pas. Lors de la grève de masse d’août 1980 en Pologne, de façon spontanée, avant que le syndicat Solidarnosc ne fasse main basse sur le mouvement, ce sont les ouvriers de telle ou telle ville qui envoyaient des délégations ou des représentants au Comité de grève central inter-entreprises (MKS) pour mener les négociations avec l’Etat. Ce qui fait peur à la bourgeoisie par-dessus tout, c’est de voir surgir des mobilisations massives et unitaires à travers lesquelles tous les exploités peuvent se reconnaître. C’est en tant que futurs prolétaires que ceux qui ont participé au mouvement de la jeunesse scolarisée se sont dressés au printemps 2006 contre le projet du CPE (Contrat première embauche), et qu’ils ont à certains endroits, comme dans certaines facultés parisiennes, organisé des assemblées générales ouvertes non seulement à tout le personnel de l’université (enseignant, technique ou administratif) mais à tous, parents ou grands-parents d’élèves, travailleurs comme retraités. C’est cela qui a non seulement contraint le gouvernement à abroger le CPE mais le retrait précipité d’un projet similaire en Allemagne démontre le degré de frayeur de la contagion éprouvé par la classe dominante. C’est aussi parce qu’elle tremblait de voir la révolte des étudiants précarisés en Grèce en décembre 2008 s’étendre simultanément en France que le ministre de l’éducation Darcos a suspendu sa réforme des lycées. C’est parce qu’en février dernier, les ouvriers britanniques ont commencé à remettre en cause avec colère le nationalisme dont ils étaient accusés lors de la grève dans les raffineries et les centrales électriques de Lindsey, que le gouvernement britannique a hâtivement cédé en seulement 48 heures à leurs revendications et accepté de créer de nouveaux emplois alors que ces négociations salariales promettaient de traîner pendant des semaines (voir RI no 399). C’est la massivité de la lutte en Guadeloupe autour de la revendication unitaire de 200 euros de hausse sur les salaires (et la crainte de voir cet élan revendicatif s’ériger en modèle non seulement dans les DOM mais jusqu’en métropole) qui a contraint le gouvernement à reculer (voir article dans ce numéro).
C’est précisément cette dynamique vers l’unité dans la lutte que les syndicats n’ont de cesse de saboter et de chercher à pourrir. C’est ce qu’ils font au quotidien en isolant et en encadrant chaque grève, en l’enfermant dans des revendications particulières, en mettant en avant la défense de tel ou tel intérêt spécifique propre à telle ou telle entreprise, à tel ou tel site, dirigée contre tel ou tel patron. Les syndicats appuient leur emprise et leur contrôle sur les luttes à travers l’enfermement des salariés dans le cadre de la défense d’une catégorie, d’une corporation, d’une entreprise ou d’un secteur particulier, et sabotent ainsi le développement des luttes en opposant ou en cloisonnant les ouvriers entre eux. C’est ainsi par exemple qu’ils ont pu faire passer l’attaque contre les régimes spéciaux de la SNCF en 2007, même si, à cette occasion, se sont tissés des liens de solidarité entre cheminots et étudiants en lutte contre la LRU (voir RI ? )
C’est également dans le même but qu’il organisent leurs “journées d’action interprofessionnelles” comme celles du 29 janvier ou du 19 mars qui sont entièrement destinées à canaliser, défouler, stériliser la colère et la combativité, à les priver ou amputer de toute perspective et finalement à alimenter la division dans les rangs des salariés. Ils détournent et dénaturent l’aspiration véritable à l’unité ouvrière en y substituant leur unité syndicale affichée. Mais cette façade en trompe-l’œil masque en fait un gigantesque entretien de la division au sein de la classe ouvrière. Ainsi la manifestation du 19 mars à Paris, sous prétexte de cortège trop massif, a permis aux syndicats, de façon concertée avec la préfecture de police, de scinder la manifestation en deux cortèges distincts et radicalement séparés de façon à empêcher secteur privé et secteur public de défiler ensemble. Ils ont pu ainsi fortifier un saucissonnage systématique des cortèges où chacun défile dans un cloisonnement étanche derrière les banderoles de “son” syndicat, de “son” entreprise, de “son” site, de “son” secteur, avec chacun ses propres mots d’ordre ou ses propres revendications. Les manifestations du 19 mars n’ont ainsi représenté en rien un pas en avant pour la lutte ouvrière mais, au contraire, elles ont constitué un succès de l’encadrement syndical et de ses manœuvres de division.
C’est à cet obstacle syndical que se heurtent toutes les luttes actuelles. L’exemple de la lutte des 1120 salariés de l’usine de pneumatiques Continental à Clairoix dans l’Oise, menacés de licenciement comme des dizaines de milliers d’ouvriers aujourd’hui, vient illustrer ce sabotage permanent. Avec des dizaines d’entreprises sous-traitantes et la suppression de 200 intérimaires déjà licenciés, c’est 3000 salariés qui se retrouveront bientôt privés d’emploi. Deux ans après avoir avalisé un accord signé par les syndicats avec la direction pour le retour aux 40 heures au lieu de 35 avec perte de salaire “pour éviter les licenciements”, les travailleurs ont le sentiment de s’être faits “escroquer”. L’entreprise se trouve dans une zone industrielle qui s’étend jusqu’à Compiègne et regroupe plusieurs usines importantes de la région dont les ouvriers sont promis au même sort ; leur grève avec occupation depuis le 11 mars a bénéficié d’une forte solidarité (visite de salariés d’autres entreprises, approvisionnement en paniers-repas) et a poussé les syndicats à organiser une manifestation à Compiègne lors de la journée d’action du 19 mars qui, sur les 5 kilomètres du parcours, a fait grossir le cortège parti à 3000 jusqu’à 15 000 personnes dans le centre ville (soit le quart de la population de l’agglomération !). De plus, les grévistes ont reçu le soutien des ouvriers d’Inergy (entreprise sous-traitante de l’automobile où un plan de licenciements touchant une cinquantaine de salariés avait été également mis en œuvre) qui ont spontanément mis des bus à leur disposition (leur permettant notamment de se rendre au siège de Continental à Reims puis à Paris le 25 mars où ils ont été reçus – sans aucun résultat – par un sous-fifre de l’Elysée).
Cependant, si ces manifestations de solidarité apportées de l’extérieur ont été accueillies avec sympathie, elles sont restées à sens unique et, à aucun moment, les ouvriers de Continental, étroitement contrôlés par les syndicats, n’ont remis en cause cet encadrement. En abandonnant leur lutte aux mains des syndicats, ils ne se sont pas posés la question d’aller eux-mêmes et massivement vers les autres entreprises voisines pour les appeler à leur tour à entrer en lutte alors qu’ils sont entourés d’entreprises comme Saint-Gobain, Colgate, Cadum, Aventis, Allard, CIE Automotive (entreprise où les ouvriers son réduits au chômage technique pratiquement pendant une semaine par mois). De même, les syndicats ont soigneusement confiné leurs AG à l’intérieur de l’entreprise, sapant ainsi toute initiative d’aller à la rencontre des autres secteurs en lutte. Par contre, ils ont largement encouragé des “actions” consistant à bombarder d’œufs leurs dirigeants, de même qu’ailleurs, ils ont poussé les salariés excédés à les séquestrer (tel le PDG de Sony France dans les Landes ou celui de 3M dans le Loiret ou, en bien d’autres endroits, en leur faisant occuper l’entreprise comme chez GSK – GlaxoSmithKline – à Evreux en Normandie).
Ce n’est pas de cette façon que les salariés pourront se défendre et faire aboutir leurs revendications mais, au contraire, en suivant les exemples, restés embryonnaires, de la lutte des métallurgistes de Vigo au printemps 2006 : ces derniers avaient organisé leur AG, non pas dans l’usine mais en pleine rue, permettant ainsi aux autres ouvriers d’y participer et d’aller manifester massivement ensemble (voir RI no 369). C’est la même méthode de lutte qui a été utilisée dans la grève de solidarité à l’aéroport londonien d’Heathrow en 2005, en riposte aux licenciements d’immigrés asiatiques d’une entreprise en charge des plateaux-repas dans les avions (voir RI no 360). Ce n’est pas la violence, les actions radicales ou le jusqu’au-boutisme de minorités agissantes, qui peuvent faire reculer l’ennemi de classe ; c’est la prise en charge par les travailleurs eux-mêmes de l’extension de la lutte parce que cette extension porte en elle une dynamique d’unification de toute la classe ouvrière.
C’est pourquoi, pour construire un rapport de forces en leur faveur face à la bourgeoisie, en prenant eux-même leur lutte en main, les travailleurs, dans tous les secteurs, ne peuvent faire l’économie d’une confrontation aux syndicats, à leurs pièges, à leurs manœuvres de sabotage et de division.
Eva (28 mars)
19 avril 2007, le candidat Sarkozy promet aux électeurs, la main sur le cœur : “Si je suis élu président de la République, je ferai voter dès l’été 2007 une loi qui interdira la pratique détestable des golden parachutes (1), parce que c’est contraire aux valeurs qui sont les miennes”.
24 mars 2009, le président Sarkozy, toujours aussi menteur, lance à la tribune, sans rougir : “Je le dis comme je le pense : percevoir une grosse rémunération en cas d’échec, ce n’est pas responsable et ce n’est pas honnête. Distribuer des bonus dans une entreprise qui met en œuvre un plan social ou qui reçoit des aides de l’Etat, ce n’est pas responsable et ce n’est pas honnête. Qu’un dirigeant qui a mis son entreprise en difficulté puisse partir avec un parachute doré, en récompense des difficultés qu’il a créées, ce n’est pas responsable et ce n’est pas honnête. Si aucun progrès significatif n’est accompli d’ici au mois de juin, je prendrai mes responsabilités”. Le lendemain, “Si le Medef n’y va pas, on ira par la loi”. Et finalement, Sarkozy fait pondre un décret qualifié par le journal Libération de “bidon” et “d’effet d’annonce” qui ne va concerner que les dirigeants de six banques et de deux constructeurs automobiles…
Plus hypocrite et cynique, tu meurs !
Ces dernières semaines, les annonces successives de parachutes dorés, de stock-options, de primes ou de salaires versés aux grands patrons ont fait scandale. Il n’y a ici rien de nouveau sous le soleil. Le capitalisme est un système où une minorité exploite la majorité. Le mépris pour les travailleurs coule pour ainsi dire dans les veines de la bourgeoisie.
Mais il est vrai que, par ces temps de crise, voir d’un côté les ouvriers se serrer la ceinture, être licenciés et jetés comme des kleenex et, de l’autre, des grands patrons se remplir les poches est encore plus révoltant qu’à l’accoutumée. Ces annonces de millions d’euros attribués aux grands patrons ont provoqué, légitimement, un profond sentiment de dégoût.
Une situation aussi révoltante et provocatrice peut très bien pousser les travailleurs à la lutte. La bourgeoisie ne pouvait donc rester sans réagir. Son plus haut représentant, Nicolas Sarkozy, s’est immédiatement drapé de sa plus belle hypocrisie pour (une nouvelle fois) taper du poing sur la table, dénoncer ces “patrons-voyous” et promettre que l’Etat ne restera pas sans réagir devant une telle injustice.
Bref, l’Etat vient au secours de la classe ouvrière !
Cette ritournelle est d’ailleurs aujourd’hui reprise en chœur par tous les hauts dirigeants de la planète. D’Obama à Merkel, de Zapatero à Brown, tous promettent que les Etats vont intervenir pour “moraliser” l’économie. C’est même l’un des principaux buts affichés par le G20 qui se tiendra le 2 avril.
Il est donc nécessaire de rappeler une vérité toute simple : pour les prolétaires, l’Etat est depuis toujours le pire des patrons ! Qui mène sans cesse des attaques générales contre les conditions de vie de la classe ouvrière ? Qui a, ces dix dernières années, réduit l’accès aux soins, augmenté l’âge de départ à la retraite et diminué les pensions ? Qui a rendu impossible la vie aux chômeurs en les culpabilisant, en les radiant massivement des statistiques officielles et en restreignant drastiquement leurs droits ? Qui a, en 2006, voulu instaurer un contrat “poubelle” pour les jeunes (le fameux CPE) ? L’Etat, toujours l’Etat et encore l’Etat !
Pourtant, il existe encore aujourd’hui dans les rangs ouvriers beaucoup d’illusions sur la nature de cet organe bourgeois. La raison en est la croyance, inculquée et entretenue par tous les gauchistes, qu’après la Seconde Guerre mondiale, l’Etat aurait pris des mesures pour le bien-être de la classe ouvrière (la création de la Sécurité sociale par exemple). C’est le mythe de l’Etat-providence. Ainsi s’entretient l’illusion que des nationalisations massives pourraient permettre une amélioration des conditions ouvrières, et c’est d’ailleurs le programme actuel de toute l’extrême-gauche.
Contrairement à ces mensonges traditionnels de la gauche et de l’extrême-gauche, les nationalisations n’ont jamais été une bonne mesure économique pour le prolétariat. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l’importante vague de nationalisations avait pour objectif de remettre sur pied l’appareil productif détruit en augmentant les cadences de travail. Il ne faut pas oublier les paroles de Thorez, secrétaire général du Parti “communiste” français et alors vice-président du gouvernement dirigé par De Gaulle, qui lança à la face de la classe ouvrière, et tout particulièrement à celle des travailleurs des entreprises publiques : “Si des mineurs doivent mourir à la tâche, leurs femmes les remplaceront”, ou : “Retroussez vos manches pour la reconstruction nationale !” ou encore : “La grève est l’arme des trusts”. Bienvenue dans le monde merveilleux des entreprises nationalisées !
Il n’y a ici rien d’étonnant. Les révolutionnaires communistes ont toujours mis en évidence, depuis l’expérience de la Commune de Paris de 1871, le rôle viscéralement anti-prolétarien de l’État : “L’État moderne, quelle qu’en soit la forme, est une machine essentiellement capitaliste : l’État des capitalistes, le capitaliste collectif idéal. Plus il fait passer de forces productives dans sa propriété, et plus il devient capitaliste collectif en fait, plus il exploite de citoyens. Les ouvriers restent des salariés, des prolétaires. Le rapport capitaliste n’est pas supprimé, il est au contraire poussé à son comble” (F. Engels en 1878) (2).
La nouvelle vague de nationalisations, qui a effectivement commencé dans le secteur bancaire et dans l’automobile aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, n’apportera donc rien de bon à la classe ouvrière. Elle ne permettra pas non plus à la bourgeoisie de renouer avec une véritable croissance durable. Au contraire ! Ces nationalisations annoncent des bourrasques économiques à venir encore plus violentes.
En effet, en 1929, les banques américaines qui ont fait faillite ont sombré avec les dépôts d’une grande partie de la population américaine, plongeant dans la misère des millions d’ouvriers. Dès lors, pour éviter qu’une telle débâcle ne se reproduise, le système bancaire avait été séparé en deux : d’un côté, les banques d’affaires qui financent les entreprises et qui travaillent sur les opérations financières en tout genre, de l’autre, les banques de dépôt qui reçoivent l’argent des déposants et qui s’en servent pour des placements relativement sécurisés. Or, emportées par la vague de faillites de l’année 2008, ces banques d’affaires américaines n’existent plus. Le système financier américain s’est recomposé tel qu’il était avant le 24 octobre 1929 ! A la prochaine bourrasque, toutes les banques “rescapées” grâce aux nationalisations partielles ou totales risquent à leur tour de disparaître mais en emportant cette fois-ci les maigres économies et les salaires des familles ouvrières. Aujourd’hui, si la bourgeoise nationalise, ce n’est pas pour suivre un quelconque nouveau plan de relance économique mais pour éviter l’insolvabilité immédiate des mastodontes de la finance ou de l’industrie. Il s’agit d’éviter le pire, de sauver les meubles (3).
Mais, si ce n’est à travers ses plans de relance, l’État peut-il tout de même être LE sauveur en relançant l’économie à coup de milliards de dollars ? Eh bien, non ! Cette espérance se base sur l’idée qu’un Etat ne peut pas faire faillite, qu’il peut donc sortir indéfiniment de l’argent de sa poche (ou plutôt de ses planches à billets). Ben Bernanke, l’actuel président de la Fed (la Banque centrale américaine), avait ainsi prononcé un discours le 21 novembre 2002 qui est resté célèbre : il affirmait qu’en cas de crise aux Etats-Unis, il suffisait d’“imprimer de l’argent à l’infini et le déverser par hélicoptère” (4).
Quand un particulier fait faillite, il perd tout et il est jeté à la rue. L’entreprise, elle, met la clef sous la porte. Mais un État ? Un État peut-il faire faillite ? Après tout, nous n’avons jamais vu d’État “fermer boutique”. Pas exactement, en effet. Mais être en cessation de paiement, oui ! En 1982, quatorze pays africains sur-endettés ont été contraints de se déclarer officiellement en cessation de paiement. Dans les années 1990, des pays d’Amérique du Sud et la Russie ont fait eux aussi défaut. Plus récemment, en 2001, l’Argentine s’est à son tour écroulée. Concrètement, ces États n’ont pas cessé d’exister, l’économie nationale ne s’est pas arrêtée non plus. Par contre, chaque fois, il y eu une sorte de séisme économique : la valeur de la monnaie nationale a chuté, les prêteurs (en général d’autres États) ont perdu tout ou partie de leur investissement et, surtout, l’État a réduit drastiquement ses dépenses en licenciant une bonne partie des fonctionnaires et en cessant de payer pour un temps ceux qui restaient.
Aujourd’hui, de nombreux pays sont au bord d’un tel gouffre : l’Equateur, l’Islande, l’Ukraine, la Serbie, l’Estonie, etc. Mais qu’en est-il des grandes puissances ? Le gouverneur de Californie, Arnold Schwarzenegger, a déclaré fin décembre que son État se trouvait en “état d’urgence fiscale”. Ainsi, le plus riche des Etats américains, le “Golden State”, s’apprête à licencier une bonne partie de ses 235 000 fonctionnaires (ceux qui resteront vont devoir prendre deux jours de congés non payés par mois à partir du 1er février 2009) ! En présentant ce nouveau budget, l’ex-star d’Hollywood a averti que “chacun devra consentir des sacrifices”. C’est ici un symbole éloquent des difficultés économiques profondes de la première puissance mondiale. Nous sommes encore loin d’une cessation de paiement de l’État américain, mais cet exemple montre clairement que les marges de manœuvre financières sont actuellement très limitées pour l’ensemble des grandes puissances. L’endettement mondial semble arriver à saturation (il était de 60 000 milliards de dollars en 2007 et a encore gonflé de plusieurs milliers de milliards depuis) ; contrainte de poursuivre dans cette voie, la bourgeoisie va donc provoquer des secousses économiques dévastatrices. La FED a abaissé ses taux directeurs pour l’année 2009 à 0,25 % pour la première fois depuis sa création en 1913 ! L’État américain prête donc de l’argent presque gratuitement (et même en y perdant si l’on prend en compte l’inflation). Tous les économistes de la planète en appellent à un new New Deal, rêvant de voir en Obama le nouveau Roosevelt, capable de relancer l’économie, comme en 1933, par un immense plan de grands travaux publics financé… à crédit. Mais le plan d’Obama annoncé début 2009 est, aux dires mêmes des économistes, “bien décevant” : 775 milliards vont être débloqués pour à la fois permettre un “cadeau fiscal” de 1000 dollars aux foyers américains (95 % de ces foyers sont concernés), afin de les inciter à “se remettre à dépenser” et lancer un programme de grands travaux dans le domaine de l’énergie, des infrastructures et de l’école. Ce plan devrait, promet Obama, créer trois millions d’emplois “au cours des prochaines années”. L’économie américaine détruisant en ce moment plus de 500 000 emplois par mois, ce nouveau New Deal (même s’il fonctionne au mieux des prévisions, ce qui est très peu probable) est donc encore vraiment loin du compte.
Des plans d’endettement étatique équivalents au New Deal, la bourgeoisie en lance régulièrement depuis 1967, sans véritable succès. L’endettement des ménages, des entreprises ou des États, n’est qu’un palliatif, il ne guérit pas le capitalisme de la maladie de la surproduction (5) ; il permet tout au plus de sortir momentanément l’économie de l’ornière mais toujours en préparant des crises à venir plus violentes. Et pourtant, la bourgeoisie va poursuivre cette politique désespérée car elle n’a pas d’autre alternative, comme le montre, une énième fois, la déclaration du 8 novembre 2008 d’Angela Merkel à la Conférence internationale de Paris : “Il n’existe aucune autre possibilité de lutter contre la crise que d’accumuler des montagnes de dettes” ; ou encore la dernière intervention du chef économiste du FMI, Olivier Blanchard : “Nous sommes en présence d’une crise d’une amplitude exceptionnelle, dont la principale composante est un effondrement de la demande […] Il est impératif de relancer […] la demande privée, si l’on veut éviter que la récession ne se transforme en Grande dépression”. Comment ? “par l’augmentation des dépenses publiques”.
La montagne de dettes accumulées durant quatre décennies s’est transformée en véritable Everest et rien ne peut aujourd’hui empêcher le capital d’en dévaler la pente. L’état de l’économie est réellement désastreux. Cela dit, il ne faut pas croire que le capitalisme va s’effondrer d’un coup. La bourgeoisie ne laissera pas SON système disparaître de cette façon et sans réagir ; elle tentera désespérément, et par tous les moyens, de prolonger l’agonie de son système, sans se soucier des maux infligés à l’humanité. Sa folle fuite en avant vers toujours plus d’endettement va donc se poursuivre et il y aura, probablement, à l’avenir, de-ci de-là, de courts moments de retour à la croissance. Mais ce qui est certain, c’est que la crise historique du capitalisme vient de changer de rythme. Après quarante années d’une lente descente aux enfers, l’avenir est aux soubresauts violents, aux spasmes économiques récurrents frappant non plus les seuls pays du tiers-monde mais aussi les États-Unis, l’Europe, l’Asie…
Alors, la bourgeoisie peut bien aujourd’hui tenter de nous bercer de douces illusions en nous faisant croire que les Etats ont l’économie bien en main et qu’ils vont dorénavant s’attacher à “moraliser” le capitalisme. La réalité, c’est que dans tous les pays, les Etats, de droite comme de gauche, seront les fers de lance des attaques anti-ouvrières à venir !
Jennifer (27 mars )
1) Parachutes dorés.
2)
In l’Anti-Duhring, Ed. Sociales 1963, p.318.
3) Ce faisant, elle crée un terrain plus propice au développement des luttes. En effet, en devenant leur patron officiel, les ouvriers auront tous face à eux dans leur lutte directement l’Etat. Dans les années 1980, la vague importante de privatisation des grandes entreprises (sous Thatcher en Angleterre, par exemple) avait constitué une difficulté supplémentaire pour dévoyer la lutte de classe. Non seulement les ouvriers étaient appelés par les syndicats à se battre pour sauver les entreprises publiques ou, autrement dit, pour être exploités par un patron (l’Etat) plutôt qu’un autre (privé), mais en plus ils se confrontaient non plus au même patron (l’Etat) mais à une série de patrons privés différents. Leurs luttes étaient souvent éparpillées et donc impuissantes. A l’avenir, au contraire, le terreau sera plus fertile aux luttes d’ouvriers unis contre l’Etat.
4) Depuis, on le surnomme “helicopter Ben”.
5) Pour comprendre plus en profondeur la crise économique, lire notre article “La plus grave crise économique de l’histoire du capitalisme [1104]”.
Face aux mouvements de grève qui ont secoué la Guadeloupe, la Martinique et, dans une moindre mesure, La Réunion, l’Etat français a finalement reculé et cédé à presque toutes les revendications ouvrières.
En Guadeloupe, l’accord “Jacques Bino” (du nom du syndicaliste assassiné lors des émeutes de la fin février), signé le 26 février, et le texte général paraphé le 5 mars prévoient une augmentation de 200 euros pour les bas salaires (moins de 1,4 fois le SMIC) et intègrent les 146 revendications du LKP (1) sur le pouvoir d’achat (prix de la baguette, embauche d’enseignants…). En Martinique, un accord similaire a été trouvé le 10 mars, entérinant là aussi une hausse des bas salaires et les 62 revendications du “Collectif du 5 février” (2). A la Réunion, la situation est plus floue. Au moment où nous rédigeons cet article, l’accord proposé par l’Etat (150 euros pour les bas salaires et peu de précisions sur les 62 revendications du mouvement) n’a pas encore été signé par le COSPAR (3). Les discussions sont toujours en cours. Quoi qu’il en soit, même si ces négociations n’ont pas encore abouti, elles indiquent tout de même un certain recul de la bourgeoisie française.
Pourquoi la bourgeoisie a-t-elle ainsi cédé ? De quoi a-t-elle eu peur ? Comment les ouvriers de ces îles sont-ils parvenus à arracher ces mesures ? Quelle fut la force de ce mouvement ? Répondre à toutes ces questions, c’est mieux nous préparer pour les luttes futures.
De façon évidente, la première ligne de force de la lutte aux Antilles fut l’ampleur de la combativité. Durant 44 jours en Guadeloupe et 38 jours en Martinique, la classe ouvrière s’est mobilisée massivement, paralysant l’ensemble de l’économie. Les entreprises, les ports, les commerces…, tout a été bloqué (4).
Si une lutte si longue et intense a été possible, c’est non seulement parce qu’elle a été portée par une grande colère face à la paupérisation croissante mais aussi par un profond sentiment de solidarité. La première manifestation en Guadeloupe, le 20 janvier, avait rassemblé 15 000 personnes. Trois semaines plus tard, le nombre des manifestants dépassait les 100 000 (soit près du quart de la population !). Cette montée en puissance s’explique notamment par la recherche permanente de la solidarité ouvrière. Les grévistes ont ainsi tout fait pour étendre le plus rapidement possible la lutte : dès le 29 janvier, des “groupes de débrayage” ont parcouru régulièrement Pointe-à-Pitre et sa périphérie, de rues en rues, d’entreprises en entreprises, afin d’entraîner derrière eux une partie de plus en plus large de la classe ouvrière et de la population.
La seconde ligne de force est la prise en main de la lutte par les ouvriers eux-mêmes. Il est vrai que le LKP a joué un rôle important, qu’il a rédigé la plate-forme des revendications et qu’il a mené toutes les négociations. Cela dit, dans les médias, tout s’est passé comme si la classe ouvrière obéissait aveuglément au LKP et qu’elle ne faisait que suivre Elie Domota, le leader charismatique. Rien n’est plus faux ! Ce sont les ouvriers, et non les leaders syndicaux, qui ont mené la lutte ! Le LKP ne s’est constitué que pour mieux encadrer, canaliser ce mécontentement et éviter que cette prise en main des luttes par les ouvriers eux-mêmes n’aille trop loin au goût de la bourgeoisie. Ainsi, l’un des éléments cruciaux de ce mouvement en Guadeloupe fut la diffusion publique, à la radio et à la télévision, des négociations entre le LKP et l’Etat. En effet, dans la chronologie des événements établie par le LKP (5), on peut lire “Le samedi 24 janvier : Grand déboulé dans les rues de Pointe-à-Pitre – 25 000 manifestants. Invitation à des négociations avec toutes les parties à 16 h 30 au World Trade Center. […] Discussion ouverte sur l’accord de méthode. Présence exceptionnelle de Canal 10 qui retransmet en léger différé” (souligné par nous). Le lendemain, un nouveau “grand déboulé” rassemble 40 000 personnes ! Cette diffusion des négociations a galvanisé les troupes parce qu’elle montrait que cette lutte leur appartenait et qu’elle n’était pas aux seules mains de quelques “experts syndicaux” négociant dans l’ombre et le secret des bureaux étatiques. Cette diffusion publique et en direct des négociations (sur Canal 10, RFO ou Radyo Tambou) va être systématisée durant toute la semaine suivante, jusqu’au 5 février. Ce jour-là, le secrétaire d’Etat Yves Jégo qui, en voyant de ses propres yeux comment se déroule cette lutte, a compris avant tous les autres le réel danger potentiel pour sa classe, demande à ce que ces diffusions cessent immédiatement. Le LKP ne protestera que très mollement car ce “collectif” est en fait lui aussi beaucoup plus à l’aise, de par sa nature syndicale, dans le secret des négociations entre “experts” (ce qui prouve qu’il n’avait accepté dans un premier temps cette retransmission publique que sous la pression ouvrière).
Ce mouvement avait donc une grande force intrinsèque mais cela ne peut suffire à expliquer que l’Etat français ait reculé à ce point et “lâché” une augmentation de 200 euros pour les bas salaires. De plus, la bourgeoisie a aussi cédé à La Réunion alors que le mouvement y était beaucoup plus faible. En effet, les syndicats, à travers le collectif COSPAR, étaient parvenus à saboter en partie le mouvement en appelant à manifester le 5 mars, jour de la fin de la grève générale en Guadeloupe, en insistant bien sur le fait qu’il ne suivait pas le modèle “du mouvement antillais” (le Point du 4 mars). Ce collectif s’était ainsi assuré de l’isolement de cette grève. Et effectivement, sans la locomotive de la lutte en Guadeloupe, les manifestations des 5 et 10 mars auraient été des semi-échecs, avec une mobilisation bien en deçà des attentes (respectivement 20 000 et 10 000 personnes environ). Et pourtant, là aussi, l’Etat français a cédé. Pourquoi ?
En fait, la mobilisation aux Antilles et à La Réunion s’inscrit dans un contexte international de montée de la combativité ouvrière.
En Grande-Bretagne, par exemple, une grève a éclaté fin janvier à la raffinerie du groupe Total de Lindsey. Après avoir tenté en vain de diviser les ouvriers entre “anglais” et “étrangers” et face, au contraire, à l’unité des grévistes (on pouvait lire lors des manifestations des slogans tels que “Centrale électrique de Langage – Les ouvriers polonais ont rejoint la grève : Solidarité” ou “Prolétaires du monde entier, unissez-vous !”), la bourgeoise avait dû, là aussi, reculer en annulant les suppressions de postes prévus et en annonçant la création de 102 nouveaux emplois (6).
La bourgeoisie, au niveau international, n’a donc aucune envie de voir une lutte prendre de l’ampleur et donner des idées aux ouvriers des autres pays, qui plus est quand cette lutte se dote de méthodes telles que l’extension par des cortèges allant d’entreprise en entreprise, la prise en main des luttes et le contrôle des négociations par leur radio-diffusion…
Et c’est encore plus vrai en France. L’Etat français a cédé aussi rapidement à La Réunion car une grande manifestation allait avoir lieu en métropole le 19 mars. Il fallait impérativement, pour la classe dominante, que toute cette histoire de grève générale dans les DOM soit finie pour éviter qu’elle n’inspire trop les ouvriers de l’hexagone. Le journal Libération a exprimé clairement cette peur de la bourgeoisie française dans un article du 6 mars : “Contagion. A Paris, cette “révolte” qui a saisi les départements d’outre-mer a été mal comprise par le pouvoir. Sauf par Yves Jégo qui a très vite su mettre des mots dessus. Mais, par crainte de la contagion, Nicolas Sarkozy et François Fillon ont, eux, tergiversé en jouant le pourrissement… pour finir par délier la bourse de l’Etat” (7).
Certes, la lutte dans les DOM est sortie victorieuse. La hausse de 200 euros pour les bas salaires est un gain non négligeable. Cela dit, il ne faut pas se faire d’illusions, les conditions de vie de la classe ouvrière dans les îles, comme partout ailleurs, vont continuer inexorablement de se détériorer.
Déjà, la bourgeoisie tente de revenir en partie sur les accords signés. Sur les 200 euros d’augmentation, 100 doivent être versés par l’Etat, 50 par les collectivités territoriales et 50 par le patronat. Or, le Medef a déjà annoncé qu’il ne versera pas ou seulement une partie des augmentations (et encore, selon les branches et les secteurs) tout comme les collectivités. Quant à l’Etat, son engagement ne vaut finalement que pour deux ans ! Comme l’avait dit Charles Pasqua, “les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent” ; le cynisme et l’hypocrisie de la classe dominante ne sont plus à démontrer en ce domaine.
Sous les coups de boutoir de la crise, la paupérisation va continuer de se développer. Les hausses de salaires, si elles sont un jour effectives, seront rapidement annulées par la hausse des prix. Et déjà, 10 000 destructions d’emplois sont prévues pour 2009 en Martinique.
La véritable victoire de ce mouvement, c’est la lutte elle-même ! Ces expériences sont autant de leçons pour préparer les luttes futures et renforcer le ciment de la force des exploités : leur unité, leur solidarité et la confiance en leur capacité à prendre leurs luttes en main.
Pawel (26 mars)
1) Le LKP (Lyannaj kont profitasyon – Union contre la surexploitation) est le collectif regroupant 49 organisations syndicales, politiques, culturelles et associatives qui a établit dès le 20 janvier la plate-forme revendicative.
2) Collectif bâti sur le modèle du LKP dès le début du mouvement en Martinique, le 5 février donc. Il regroupe 25 organisations syndicales, politiques et culturelles.
3) COSPAR : Collectif d’organisations syndicales, politiques et associatives de La Réunion (regroupe 46 organisations).
4) Lire notre article rédigé pendant la lutte “Antilles : La lutte massive nous montre le chemin ! [1105]”
5) Source : www.lkp-gwa.org/chronologie.htm [1106]
6) Lire notre article “Grèves en Grande Bretagne : les ouvriers commencent à remettre en cause le nationalisme [1107] ”.
En principe, les Guignols de Canal + sont une caricature de nos hommes politiques. Mais on a souvent le sentiment que ce sont les politiciens eux-mêmes qui sont les caricatures de leur marionnette.
Sur Canal, Sarkozy apparaît comme un excité mégalomane et caractériel et, lorsqu’il n’est pas sous l’œil de la caméra, c’est bien comme cela qu’il se présente à ses proches. On en trouve régulièrement des illustrations dans le Canard enchaîné qui a la réputation d’être bien informé. Ainsi, dans le numéro du 4 mars du palmipède, on peut lire la tirade suivante du Président de la République française : “Je ne veux plus voir les enseignants, les chercheurs et les étudiants dans la rue ! Fini les projets de décret (sur les enseignants-chercheurs). Fini aussi les suppressions des IUFM. Vous me réglez ça. Vous vous couchez. Je m’en fous de ce que racontent les cons (1) du ministère ! S’il le faut, vous n’avez qu’à faire rédiger les textes par les syndicats, mais qu’on passe à autre chose ! On a bien assez de problèmes comme ça. De toute façon, ce n’étaient que des projets de merde”.
Les “cons” que fustige à longueur de semaines le Président sont les “experts” qu’il a lui-même mis en place. Quant aux “projets de merde”, ils font partie des “réformes” qu’il a promises pendant sa campagne électorale et qu’il répète vouloir maintenir, vaille que vaille. Mais comme tout petit garnement capricieux et tyrannique, le “Premier des Français” essaie de faire porter le chapeau de ses propres bêtises à ses camarades de la cour de récré (2).
Dans ce même numéro du Canard, on peut lire cet autre échantillon de la profondeur de vues du Président de la République : “Copé n’arrête pas de m’emmerder, de prendre des initiatives à l’Assemblée et des déclarations qui me font chier. Alors, s’il continue à me casser les couilles, il faudra lui couper les siennes, et vite.”
La pensée officielle essaie de nous vendre que “ceux qui nous gouvernent sont des hommes comme les autres”. C’est vrai en partie : ils se comportent comme n’importe quel petit chefaillon d’un chantier de BTP et n’ont rien à lui envier dans le domaine du machisme. Mais ce sont ces hommes qui assument, pour le compte de la classe exploiteuse, les attaques permanentes contre les exploités, et cela fait une petite différence avec les “gens ordinaires”. Entre eux, ils se détestent et c’est normal : ils veulent tous être “calife à la place du calife”. Il ne faut cependant pas se faire d’illusions : face à la classe ouvrière, ils se serrent les coudes.
La solidarité que celle-ci développe lorsqu’elle engage la lutte contre ses exploiteurs n’est pas circonstancielle comme celle de la bourgeoisie. Elle exprime au contraire son être profond de classe appelée à renverser ce système pourrissant et à instaurer une société libérée de l’exploitation de même que de toutes les bassesses dont le capitalisme se repaît.
Corentin (28 mars)
1)
Il est probable que ce sont les “cons” que Sarkozy humilie à
longueur d’années qui informent régulièrement le Canard.
2) Au passage, on peut constater que même s’il est caractériel, Sarkozy n’est pas idiot : il est parfaitement conscient que les syndicats peuvent être des gestionnaires avisés des intérêts du capital français.
Nous présentons ici un tract rédigé par un collectif de travailleurs d’Alicante dénonçant la convention collective qui a été un piège signé par la Sainte Trinité des syndicats, du patronat et du gouvernement autonome.
Ces camarades dénoncent fermement la division semée par ladite convention. La bourgeoisie fait tout pour nous diviser et pour que nous nous affrontions les uns aux autres. La société actuelle pousse à l’atomisation et à la fragmentation. Elle génère la destruction des liens sociaux. Et l’action des syndicats, du gouvernement et du patronat ne fait qu’en rajouter dans cette division.
Et s’il est si difficile de lutter et se mobiliser c’est parce que le capital et ses rapports sociaux agissent quotidiennement pour qu’il y ait de plus en plus d’entraves vers l’unité, vers la solidarité, pour arriver à prendre des décisions ensemble.
Voilà pourquoi les initiatives du genre de celle de ces camarades, qui peuvent paraître modestes et minimes, sont, en réalité, un effort conscient supplémentaire qui, ajouté à bien d’autres, finiront par briser les chaînes de l’atomisation, de la division et de la concurrence.
La dénonciation que ces camarades font des syndicats nous paraît tout aussi claire. Les syndicats se présentent comme les professionnels de la négociation et de l’organisation de la lutte. Au nom de ces prétendus attributs, ils nous demandent de nous en remettre à eux ; et que finit-il par arriver ? À chaque fois, ils se placent du côté du patronat, du gouvernement, du côté des puissants. Ils ont beau se draper d’un habit “radical”, se jeter dans la rue et organiser des simulacres de lutte : leur seul objectif est de faire en sorte qu’on se défoule un peu et qu’on rentre tranquille s’enfermer chacun chez soi avec l’illusion que “nous avons fait quelque chose”.
Nous devons briser cette deuxième chaîne faite par les syndicats : pour cela, il ne faut pas en rester à la simple dénonciation, nous devons impulser des assemblées générales ouvertes à tous les travailleurs, dans lesquelles nous discutons et décidons ensemble des actions à mener, assemblées contrôlées collectivement.
Il faut que dans ces assemblées participent aussi “des travailleurs qui avec leur meilleure foi militent dans les syndicats, des travailleurs qui peuvent même être des délégués syndicaux”, comme le disent si justement nos camarades. L’expérience concrète de la lutte ouvrière et des assemblées ouvrières nous montre deux choses :
1) Les syndicats nous vendent, nous donnent des coups de poignard dans le dos, ils sont toujours au service du patronat.
2) Il y a des camarades très honnêtes qui sont prisonniers de l’activité des syndicats et, tout en pestant contre eux, gardent toujours leur carte syndicale.
Nous pensons qu’il existe une organisation où nous pouvons travailler tous ensemble EN TANT QUE TRAVAILLEURS, sans divisions entre nous dues à une carte ou une couleur syndicale : c’est l’assemblée générale liée à la lutte, ouverte aux travailleurs des autres secteurs, d’où qu’ils viennent. L’assemblée générale née de et dans la lutte, en lien avec elle, voilà le cadre de notre unité.
C’est pour tout cela que l’initiative de nos camarades doit s’étendre, doit être prise en main par d’autres travailleurs. Nous encourageons à répondre à leurs appels et à prendre des initiatives similaires.
CCI (20 février 2009)
Nous, travailleurs des centres et des services pour les handicapés dépendants de la “Convention collective du travail régionale des centres et des services de soin aux personnes handicapées de la région de Valence”, avons été bernés et manipulés par le patronat, le service régional et les syndicats.
Ces trois “agents sociaux” ont signé cette année un accord avec une nouvelle échelle de salaires : une pour les travailleurs des centres (services généraux) accordant des augmentations et une autre pour d’autres services spécifiques sans augmentation salariale.
Ceci veut dire, en pratique, que des camarades qui travaillent dans la même entreprise, avec la même convention et le même poste de travail, peuvent avoir des salaires très différents.
Dans ce sens, les agissements des syndicats sont très éclairants. Rares sont d’entre nous qui voyons les délégués syndicaux “en décharge horaire” se présenter sur les lieux de travail pour savoir quels sont nos problèmes réels et quotidiens. Ils n’y viennent que lors des élections syndicales, à la pêche aux voix, et lorsqu’il faut nous “convaincre” de quelque chose.
On signe des augmentations de salaire qui divisent les travailleurs dans notre convention collective et, en même temps, le même syndicat signe 20 plans sociaux, autrement dit le licenciement de beaucoup de travailleurs.
On est tous touchés par de tels agissements, parce qu’un jour l’entreprise où nous travaillons peut être “touchée” ou parce que des gens de notre famille ou des amis y travaillent.
Pour faire face à cette situation, il faut réaliser des actions qui favorisent l’unité des travailleurs pour nous défendre. Notre appel ne s’adresse pas seulement à notre secteur, parce que nous sommes nombreux à être les victimes des syndicats. Il s’adresse à toute la classe ouvrière.
Mais il s’adresse aussi à tous ces travailleurs qui, avec toute leur bonne foi, militent au sein des syndicats ; des travailleurs qui sont peut-être même des délégués syndicaux. Nous savons qu’il y a beaucoup de camarades honnêtes qui pensent faire de leur mieux ou la seule chose possible, qui militent dans ces organisations et qui veulent vraiment défendre les intérêts de la classe ouvrière. Avec ces camarades, nous serons toujours ouverts autant à la discussion qu’aux actions communes.
1. Une lettre de dénonciation de la signature de la convention de travail avec les handicapés, qui fait la part belle aux syndicats. Nous vous demandons de faire la plus grande diffusion de cette lettre.
2. Des e-mails de protestation contre les syndicats, le patronat et le service régional de notre secteur. Nous vous demandons aussi d’en faire la plus grande publicité.
3. Une assemblée des travailleurs de notre secteur où l’on s’informera de la situation et des actions entreprises et où l’on pourra engager d’autres actions. Nous considérons que cette assemblée doit être ouverte à n’importe quel camarade intéressé. Elle aura lieu le 26 mars à 19 heures à Alicante. Le lieu est à déterminer en fonction de la quantité de personnes qui voudront y assister. Cela sera communiqué au moins une semaine à l’avance. Il faudrait confirmer sa présence à l’e-mail de la Plate-forme.
4. Une assemblée ouverte de travailleurs début mai à Alicante. Nous attendrons jusqu’à la mi-avril pour recueillir des propositions en vue d’établir la date la plus appropriée pour cette assemblée. La date et le lieu seront communiqués au moins 15 jours à l’avance. Il faudrait confirmer sa présence à l’adresse e-mail de la Plate-forme.
Voici les questions que nous proposons pour cette assemblée :
Nous, travailleurs, sommes dans une situation extrêmement vulnérable, nos conditions de vie et de travail ne font qu’empirer de jour en jour : qui les rend encore pires et pourquoi ? Comment pouvons-nous nous défendre ? Comment pouvons-nous nous unir et nous organiser ? Pourquoi sommes-nous si désunis et comment pouvons-nous régler ce problème ? Quel est le rôle joué par les syndicats ?
Face
aux attaques continuelles
dont
souffrent les
travailleurs,
organisons-nous par nous-mêmes
pour nous
défendre !
Plate-forme
des travailleurs
des services socio-sanitaires d’Alicante
Assemblée ouverte des travailleurs
[email protected] [1109]
Mercredi 4 mars, la Cour pénale internationale (CPI) a ordonné un mandat d’arrêt contre Omar Al-Bachir, le président du Soudan. Formellement, le président soudanais est accusé de “crimes de guerre et crimes contre l’humanité”.
Qui est donc justement cet Omar Al-Bachir que prétend juger la CPI, ce jouet des gangs impérialistes qui siègent au Conseil de sécurité de l’ONU, donc au service de ceux-là mêmes qui gouvernent le monde et qui ont laissé ouvertement le président soudanais détruire, réduire à la misère et violenter toute une population durant bientôt vingt ans ?
Ils ont beau jeu aujourd’hui d’épingler Al-Bachir qui, depuis son arrivée au pouvoir, n’a jamais cessé d’orchestrer guerres et exactions des plus barbares, avec un bilan de centaines de milliers de morts.
“En avril 1990, dix mois après son arrivée aux affaires, il fait exécuter vingt-huit officiers pour ‘complot’. A partir de 2003, il lance ses milices Djandjawids sur des centaines de villages du Darfour avec mission de tuer, violer, piller. On connaît le résultat : trois cent mille morts, selon l’ONU” (1).
Voila, officiellement, le morbide “bilan” des victimes d’Omar Al- Bachir au Darfour, mais pour qu’il soit complet, rappelons qu’avant de commettre ses odieuses “œuvres” dans la région du Darfour, ce même tueur (dès sa prise du pouvoir) avait relancé et amplifié le sinistre conflit du Sud-Soudan qui s’est conclu par plus de 2 millions de morts.
Omar Al-Bachir est bien le principal massacreur des populations soudanaises, mais la question est : ce barbare a-t-il pu accomplir ces horreurs tout seul, ou a-t-il bénéficié du soutien d’autres criminels qui se cachent derrière lui ?
Pour nous et pour tous ceux qui observent l’attitude des grandes puissances au Soudan, il est clair que ce sont bien ces mêmes brigands capitalistes concurrents qui se disputent le contrôle de cette région, et qui ont armé, soutenu et fermé à dessein les yeux sur les agissements du “dictateur de Khartoum”. En effet, ce dernier a servi successivement les intérêts des uns et des autres. Par exemple, dans les années 1990-2000, il fut l’instrument de l’impérialisme français dans la lutte d’influence que ce dernier livrait contre les Etats-Unis pour le contrôle de la région soudano-tchadienne. Ainsi, c’est avec l’appui militaire du régime soudanais que l’impérialisme français a pu aider l’actuel président Idriss Déby à s’emparer du pouvoir tchadien en chassant l’ex-président Hissène Habré qui, de pion de la France, fut ensuite le pion de Washington. Par ailleurs, comme le signalait le Monde du 6 mars, Sarkozy aura été le dernier chef d’Etat occidental à rencontrer Omar Al-Bachir en novembre 2008 au Qatar. Car “la France souhaitait aussi préserver le Tchad, régime ami, de nouveaux soubresauts liés à la crise du Darfour”. Voilà pourquoi Paris reste si attaché au régime criminel d’Al-Bachir.
Pour ce qui concerne les Etats-Unis, on se souvient que c’est en “ami” que le président soudanais a été sollicité par l’administration Bush en vue de signer un “accord de sécurité” pour la “guerre antiterroriste”, ouvrant grand le territoire soudanais aux agissements de la CIA et plus généralement aux intérêts américains. Mais surtout, Omar Al-Bachir venait de commettre les abjects crimes “contre l’humanité” au Darfour quand il a été invité par Washington à négocier et à signer le fameux “plan de paix américain” ayant débouché en 2005 sur un “gouvernement d’union” entre le pouvoir de Khartoum et les anciens sécessionnistes du SPLM (Mouvement de libération du peuple du Soudan du Sud). Et le représentant américain à cette “table de négociation” a bien sûr évité de remarquer que les mains d’Al-Bachir suintaient encore du sang de ses victimes.
Quant à la Chine, depuis les années 1990-2000, elle a intensifié ses relations avec Khartoum et est devenue aujourd’hui son meilleur soutien politico-diplomatique (notamment à l’ONU), tout en lui achetant près de 70 % de son pétrole et en étant, par ailleurs, son premier fournisseur en armements. En clair, le Soudan d’Al-Bachir constitue aujourd’hui le principal pion et le bras armé de l’impérialisme chinois dans l’extension de l’influence de ce dernier en Afrique.
On voit donc que le “monstre” soudanais tant vilipendé aujourd’hui par des médias occidentaux, qui retrouvent une voix “horrifiée” pour l’occasion, continue à vivre et survivre, comme il l’a toujours fait, à l’ombre d’un protecteur impérialiste, dont les “ex”, ou autres prétendants au mariage, font tout leur possible pour lui offrir une porte de sortie. Comme le dit Jeune Afrique déjà citée :
“Si le président Al-Bachir pense que l’accusation de la CIP est infondée, il peut la contester (Etats-Unis) ; il ne saurait y avoir d’autre solution que politique à la crise du Darfour (France) ; Omar Al-Bachir bénéficie d’une immunité de chef d’Etat en vertu du droit international (Russie) ; la Chine s’oppose à tout acte qui pourrait perturber la situation pacifique globale du Darfour et du Soudan (Chine)”.
Pour résumer, Français, Américains, Russes, Chinois et tous les autres vautours impérialistes se fichent totalement du sort des populations du Darfour qui, aujourd’hui comme hier, sont littéralement livrées au bourreau de Khartoum. Parce que cette région est un des hauts-lieux géo-stratégiques d’Afrique, véritable plaque tournante du continent, toutes les grandes puissances impérialistes vont continuer à se disputer leur influence en semant la guerre et la mort. Avec ou sans condamnation d’Omar Al-Bachir par le CPI, l’enfer ne pourra donc que se poursuivre pour les habitants du Darfour.
Amina (23 mars)
1) Jeune Afrique, 14 mars 09.
À l’occasion du bicentenaire de la naissance de Charles Darwin et des 150 ans de la publication de son ouvrage l’Origine des espèces, une multitude de livres, aux titres plus alléchants les uns que les autres, couvre les étals des librairies. De nombreux auteurs plus ou moins savants se sont découvert subitement un engouement pour Darwin, chacun espérant remporter la palme du best-seller de l’année, après le score du livre à sensation de Richard Dawkins, Pour en finir avec Dieu (qui s’est vendu à plus de deux millions d’exemplaires dans le monde). Pour le “grand public”, il est donc bien difficile de s’y retrouver et de faire le tri dans cette foire aux livres scientifiques. Pour notre part, nous avons choisi sans hésitation celui de Patrick Tort (1), l’Effet Darwin. Sélection naturelle et naissance de la civilisation (Éditions du Seuil), qui fournit une explication particulièrement éclairante de la conception matérialiste de la morale et de la civilisation chez Darwin.
Patrick Tort est, à notre connaissance, le seul auteur qui, dépassant la polarisation médiatique sur l’Origine des espèces, présente et explique la deuxième grande œuvre (méconnue ou souvent mal interprétée) de Darwin, la Filiation de l’homme, publiée en 1871.
Le livre de Patrick Tort met très clairement en évidence la façon dont les épigones de Darwin se sont emparés de la théorie de la descendance modifiée par le moyen de la sélection naturelle, développée dans l’Origine des espèces, et ont mis à profit le long silence de Darwin sur les origines de l’homme pour justifier l’eugénisme (théorisé par Galton) et le “darwinisme social” (dont l’initiateur fut Herbert Spencer).
Contrairement à une idée longtemps dominante, Darwin n’a jamais adhéré idéologiquement à la théorie malthusienne de l’élimination du plus faible dans la lutte sociale impliquée par la croissance démographique. Dans l’Origine des espèces, il n’a fait qu’utiliser cette théorie comme modèle pour expliquer les mécanismes de l’évolution organique. Il est donc totalement faux d’attribuer à Darwin la paternité de toutes les idéologies hyper-libérales soutenant l’individualisme, la concurrence capitaliste et la “loi du plus fort”.
Dans son ouvrage fondamental, la Filiation de l’homme, Darwin s’oppose au contraire très catégoriquement à toute application mécanique et schématique de la sélection naturelle éliminatoire à l’espèce humaine engagée dans la voie de la “civilisation”. Patrick Tort nous explique d’une façon remarquablement argumentée et convaincante, citations à l’appui, la manière dont Darwin concevait l’application de sa loi d’évolution à l’homme et aux sociétés humaines.
En premier lieu, Darwin rattache l’Homme phylogénétiquement à la série animale, et plus particulièrement à un ancêtre commun qu’il doit avoir avec les singes catarhiniens de l’Ancien Monde. Il étend donc naturellement le transformisme à l’espèce humaine, montrant que la sélection naturelle a également façonné son histoire biologique. Néanmoins, selon Darwin, la sélection naturelle n’a pas seulement sélectionné des variations organiques avantageuses, mais aussi des instincts, et particulièrement des instincts sociaux, tout au long de la série animale. Ces instincts sociaux ont culminé dans l’espèce humaine et ont fusionné avec le développement de l’intelligence rationnelle (et donc de la conscience réfléchie).
Cette évolution conjointe des instincts sociaux et de l’intelligence s’est accompagnée chez l’Homme de “l’extension indéfinie” des sentiments moraux et de la sympathie altruiste. Ce sont les individus et les groupes les plus altruistes et les plus solidaires qui disposent d’un avantage évolutif sur les autres groupes.
Quant au prétendu “racisme” dont Darwin est encore taxé aujourd’hui, on peut en réfuter la réalité par cette seule citation : “À mesure que l’homme avance en, civilisation, et que les petites tribus se réunissent en communautés plus larges, la plus simple raison devrait aviser chaque individu qu’il doit étendre ses instincts sociaux et ses sympathies à tous les membres d’une même nation, même s’ils lui sont personnellement inconnus. Une fois ce point atteint, il n’y a plus qu’une barrière artificielle pour empêcher ses sympathies de s’étendre aux hommes de toutes les nations et de toutes les races. Il est vrai que si ces hommes sont séparés de lui par de grandes différences d’apparences extérieures ou d’habitudes, l’expérience malheureusement nous montre combien le temps est long avant que nous les regardions comme nos semblables” (la Filiation de l’Homme) (2).
Selon Patrick Tort, Darwin nous donne une explication naturaliste, et donc matérialiste, de l’origine de la morale et de la civilisation.
Concernant plus particulièrement l’origine de la morale, c’est dans les chapitres de la Filiation de l’Homme relatifs à la sélection sexuelle que l’on trouve les aperçus les plus frappants. Patrick Tort nous explique que, d’après Darwin, le premier vecteur de l’altruisme chez de nombreuses espèces animales (principalement les mammifères et les oiseaux), réside dans l’instinct (indissociablement naturel et social) de la reproduction. Ainsi, le développement et l’étalage ostentatoire de leurs caractères sexuels secondaires (cornes, plumages nuptiaux et autres excroissances ornementales), destinés à attirer les femelles à la saison des amours, comportent un “risque de mort” : “Couvert de sa splendide et pesante parure de noces, l’Oiseau de Paradis est certes irrésistible, mais ne peut presque plus voler, et se trouve ainsi en grand danger face aux prédateurs. Les femelles, quant à elles, prodigueront leurs soins à la progéniture, et pourront, afin de la défendre, se mettre elles aussi en danger. L’instinct social a donc une histoire évolutive, et comporte comme éventualité le sacrifice de soi, qui culmine dans la morale humaine. Darwin produit ainsi une généalogie de la morale sans référence à la moindre instance extra-naturelle” (Patrick Tort, Darwin et la science de l’évolution).
Enfin, contrairement aux idées reçues suivant lesquelles Darwin aurait été un fervent promoteur de l’inégalité des sexes en donnant l’avantage au sexe “fort”, c’est tout le contraire qui est vrai si l’on se place dans la perspective des tendances évolutives. Pour Darwin (et c’est en cela qu’il rejoint la vision d’Engels dans l’Origine de la famille, de la propriété privée et de l’État, de même que celle d’August Bebel dans son livre la Femme et le socialisme), ce sont les femelles (et par extension les femmes) qui sont les premières porteuses de l’instinct altruiste : dans le règne animal, ce sont les femelles qui choisissent le mâle reproducteur et qui, de ce fait, font un “choix d’objet” (première forme de reconnaissance de l’altérité), de même que ce sont elles qui s’exposent le plus souvent aux prédateurs pour protéger les petits.
Grâce à sa maîtrise remarquable de l’œuvre de Darwin et de la dialectique, Patrick Tort en arrive à développer une théorie (qu’il avait déjà élaborée en 1983 dans son livre la Pensée hiérarchique et l’Évolution) de “l’effet réversif de l’évolution”.
En quoi consiste cette théorie ? Elle se résume en une phrase très simple : “par la voie des instincts sociaux, la sélection naturelle sélectionne la civilisation, qui s’oppose à la sélection naturelle”.
Pour nous éviter des paraphrases, citons ici ce passage du livre de Patrick Tort : “Par le biais des instincts sociaux, la sélection naturelle, sans ‘saut’ ni rupture, a ainsi sélectionné son contraire, soit : un ensemble normé, et en extension, de comportements sociaux anti-éliminatoires – donc anti-sélectifs au sens que revêt le terme de sélection dans la théorie développée par l’Origine des espèces –, ainsi corrélativement, qu’une éthique anti-sélectionniste (= anti-éliminatoire) traduite en principes, en règles de conduite et en lois. L’émergence progressive de la morale apparaît donc comme un phénomène indissociable de l’évolution, et c’est là une suite normale du matérialisme de Darwin et de l’inévitable extension de la théorie de la sélection naturelle à l’explication du devenir des sociétés humaines. Mais cette extension, que trop de théoriciens, abusés par l’écran tissé autour de Darwin par la philosophie évolutionniste de Spencer, ont interprétée hâtivement sur le modèle simpliste et faux du ‘darwinisme social’ libéral (application aux sociétés humaines du principe de l’élimination des moins aptes au sein d’une concurrence vitale généralisée), ne peut en toute rigueur s’effectuer que sous la modalité de l’effet réversif, qui oblige à concevoir le renversement même de l’opération sélective comme base et condition de l’accession à la ‘civilisation’ (…) L’opération réversive est ainsi ce qui fonde la justesse finale de la distinction entre nature et culture, en évitant le piège d’une ‘rupture’ magiquement installée entre ces deux termes : la continuité évolutive, à travers cette opération de renversement progressif lié au développement (lui-même sélectionné) des instincts sociaux, produit de cette manière non pas une rupture effective, mais un effet de rupture qui provient de ce que la sélection naturelle s’est trouvée, dans le cours de sa propre évolution, soumise elle-même à sa propre loi – sa forme nouvellement sélectionnée, qui favorise la protection des ‘faibles’, l’emportant, parce qu’avantageuse, sur sa forme ancienne, qui privilégiait leur élimination. L’avantage nouveau n’est plus alors d’ordre biologique : il est devenu social.”
“L’effet réversif de l’évolution” est donc ce mouvement de retournement progressif qui produit un “effet de rupture” sans pour autant provoquer de rupture effective dans le processus de la sélection naturelle (3). Comme l’explique très justement Patrick Tort, l’avantage obtenu par la sélection naturelle des instincts sociaux n’est plus alors, pour l’espèce humaine, d’ordre biologique, mais il devenu d’ordre social.
Dans la pensée de Darwin, il y a donc bien une continuité matérialiste du lien entre l’instinct social, assorti de gains cognitifs et rationnels, la morale et la civilisation. Cette théorie de “l’effet réversif de l’évolution”, en donnant une explication scientifique des origines de la morale et de la civilisation, a ainsi le mérite de mettre un terme au faux dilemme entre nature et culture, continuité et discontinuité, biologie et société, inné et acquis, etc.
Dans l’article publié sur notre site Web (de même que dans notre presse papier), Darwin et le mouvement ouvrier, nous avons rappelé comment les marxistes ont salué les travaux de Darwin, notamment son principal ouvrage, l’Origine des espèces. Marx et Engels, dès la sortie du livre de Darwin, avaient immédiatement reconnu dans sa théorie une démarche analogue à celle du matérialisme historique. Le 11 décembre 1859, Engels écrit une lettre à Marx dans laquelle il affirme : “Ce Darwin, que je suis en train d’étudier, est tout à fait sensationnel. On n’avait jamais fait une tentative d’une telle envergure pour démontrer qu’il y a un développement historique dans la nature”.
Un an plus tard, le 19 décembre 1860, Marx, après avoir lu l’Origine des espèces, écrit à Engels : “Voilà le livre qui contient la base, en histoire naturelle, pour nos idées”.
Néanmoins, quelque temps après, dans une autre lettre à Engels datée du 18 juin 1862, Marx reviendra sur son jugement en faisant cette critique non fondée à Darwin : “Il est remarquable de voir comment Darwin reconnaît chez les animaux et les plantes sa propre société anglaise, avec sa division du travail, sa concurrence, ses ouvertures de nouveaux marchés, ses ‘inventions’ et sa ‘malthusienne’ ‘lutte pour la vie’. C’est le bellum omnium contra omnes (la guerre de tous contre tous) de Hobbes, et cela rappelle Hegel dans la Phénoménologie, où la société civile intervient en tant que ‘règne animal’ de l’esprit, tandis que chez Darwin, c’est le règne animal qui intervient en tant que société civile” (Marx-Engels, Correspondance).
Engels reprendra, en partie, à son compte cette critique de Marx dans l’Anti-Dühring (Engels fera allusion à la “bévue malthusienne” de Darwin) et dans la Dialectique de la nature.
Du fait du long silence de Darwin sur la question de l’origine de l’homme (il ne publiera la Filiation de l’homme qu’en 1871, plus de onze ans après l’Origine des espèces (4), ses épigones, notamment Galton et Spencer, ont exploité la théorie de la sélection naturelle pour l’appliquer schématiquement à la socialité contemporaine. L’Origine des espèces était donc facilement assimilée à la défense de la théorie malthusienne de la “loi du plus fort” dans la lutte pour l’existence.
Malheureusement, ce long silence de Darwin sur l’origine de l’Homme a contribué à semer la confusion chez Marx et Engels qui, n’ayant pas pu prendre connaissance de l’anthropologie darwinienne (qui ne sera développée qu’en 1871 (5)), ont confondu la pensée de Darwin avec l’intégrisme libéral ou l’obsession épuratrice de deux de ses épigones.
L’histoire des relations entre Marx et Darwin, entre le marxisme et le darwinisme, était donc celle d’un “rendez-vous manqué” (selon l’expression utilisée par Patrick Tort dans certaines de ses conférences publiques). Pas tout à fait cependant puisque, malgré sa critiques de 1862, Marx continuera à garder une très profonde estime pour le matérialisme de Darwin. Bien qu’il n’ait pas pris connaissance de la Filiation de l’homme, Marx, en 1873, offrira à Darwin un exemplaire de l’édition allemande de son œuvre majeure, le Capital, avec cette dédicace : “À Charles Darwin, de la part d’un admirateur sincère”. Quand on ouvre aujourd’hui ce livre (qui se trouve dans la bibliothèque de la demeure de Darwin), on constate que seules les premières pages ont été coupées. Darwin ne fut guère attentif à la théorie de Marx, car l’économie lui semblait trop éloignée de sa compétence. Cependant, quelques mois plus tard, le 1er octobre 1873, il tient à lui témoigner sa sympathie dans une lettre de remerciements : “Cher Monsieur, Je vous remercie de l’honneur que vous me faites avec l’envoi de votre grand ouvrage sur le Capital; je désirerais sincèrement être plus digne d’en être le destinataire et pouvoir mieux m’orienter dans cette question profonde et importante de l’économie politique. Bien que nos intérêts scientifiques soient très différents, je suis convaincu que tous deux nous souhaitons sincèrement l’épanouissement de la connaissance et que celle-ci, finalement, servira à l’agrandissement du bonheur de l’humanité”.
Voilà comment les deux fleuves, malgré le “rendez-vous manqué”, ont pu, partiellement, mêler leurs eaux.
Par ailleurs, le mouvement ouvrier, après Marx, n’a pas repris à son compte la critique formulée par ce dernier à Darwin en 1862. Et cela même si la grande majorité des théoriciens marxistes (y compris Anton Pannekoek, dans sa brochure Darwinisme et marxisme) est passée un peu à côté de la Filiation de l’homme.
Bien sûr, Pannekoek, tout comme Kautsky (dans son livre Éthique et conception matérialiste de l’histoire) et Plekhanov (dans la Conception moniste de l’histoire), ont salué chez Darwin sa théorie des instincts sociaux. Mais ils n’ont pas pleinement compris que Darwin avait développé une théorie de la généalogie de la morale et de la civilisation et une vision matérialiste de leurs origines. Une théorie qui, sur bien des aspects, rejoint la conception moniste de l’histoire et débouche, finalement, sur la perspective du communisme, c’est-à-dire l’aspiration à l’unification de l’humanité en une communauté humaine mondiale. Telle était l’éthique de Darwin, même s’il n’était pas marxiste et n’avait aucune conception révolutionnaire de la lutte de classe.
D’une certaine façon, on pourrait affirmer aujourd’hui que s’il n’y avait pas eu ce “rendez-vous manqué” entre Marx et Darwin à la fin du xixe siècle, il est fort probable que Marx et Engels auraient accordé à la Filiation de l’homme la même importance qu’à l’étude de L.H. Morgan sur le communisme primitif, la Société archaïque (sur laquelle s’est appuyé en grande partie Engels dans l’Origine de la famille, de la propriété privée et de l’État).
Ni Morgan ni Darwin n’étaient marxistes. Néanmoins, leur contribution (le premier dans le domaine de l’ethnologie, le second dans celui des sciences de la nature) restera un apport considérable pour le mouvement ouvrier. Aujourd’hui, l’espèce humaine est confrontée à un déchaînement sans précédent du “chacun pour soi”, de la “guerre de tous contre tous”, de la concurrence exacerbée par la faillite historique du capitalisme.
Face à la décomposition de ce système décadent, la classe ouvrière mondiale, celle des producteurs associés, doit plus que jamais favoriser, à travers son combat contre la barbarie capitaliste, l’extension des sentiments sociaux de l’espèce humaine afin de développer en son sein sa conscience de classe révolutionnaire. C’est le seul moyen pour que l’humanité puisse accéder à l’étape suivante de la civilisation : la société communiste, c’est-à-dire une véritable communauté humaine mondiale, solidaire et unifiée (6).
Sofiane (23 mars 2009)
1) Patrick Tort est attaché au Muséum national d’histoire naturelle. Responsable de la publication du monumental Dictionnaire du darwinisme et de l’évolution, il a créé et dirige l’Institut Charles Darwin International (www.charlesdarwin.fr [1110]). Il a consacré trente ans de sa vie à l’étude de l’œuvre de Darwin dont il se propose, dans le cadre de son Institut, de publier l’intégralité en langue française (35 volumes prévus aux éditions Slatkine, dont deux déjà parus).
2) Il faut également souligner que Darwin était farouchement opposé à l’esclavage et a dénoncé a plusieurs reprises la barbarie de la colonisation.
3) Pour illustrer sa théorie, Patrick Tort utilise une métaphore topologique, celle du ruban de Möbius, qui permet de comprendre comment, grâce au phénomène du passage progressif au revers, on passe “de l’autre côté” du ruban sans discontinuité (voir la démonstration de cet “effet de rupture” sans rupture ponctuelle dans l’Effet Darwin. Sélection naturelle et naissance de la civilisation).
4) Darwin ne voulait pas provoquer trop rapidement un nouveau “choc” dans la société bien pensante de son époque. C’est pourquoi il a préféré attendre que le premier “choc” de l’Origine des espèces se fût estompé avant d’aller plus loin. Il n’était pas évident de faire accepter, même parmi ses pairs au sein de la communauté scientifique, l’idée que l’homme pût avoir un ancêtre commun avec les grands singes.
5) Lorsque Darwin se décida à publier en 1871 la Filiation de l’homme, Marx et Engels n’y prêtèrent pas attention, trop préoccupés qu’ils étaient par les événements de la Commune de Paris et les difficultés organisationnelles de l’Association internationale des travailleurs, alors en proie aux manœuvres de Bakounine.
6) Bien évidemment, cette société “communiste” n’a rien à voir avec le stalinisme, avec les régimes capitalistes d’État qui ont dominé l’URSS et les pays de l’Est jusqu’en 1989. Ses contours véritables ont été présentés par le Manifeste communiste de 1848 ou la Critique du programme de Gotha (Marx, 1875) notamment dans le passage suivant : “Dans une phase supérieure de la société communiste, quand auront disparu l’asservissante subordination des individus à la division du travail et, avec elle, l’opposition entre le travail intellectuel et le travail manuel ; quand le travail ne sera pas seulement un moyen de vivre, mais deviendra lui-même le premier besoin vital ; quand, avec le développement multiple des individus, les forces productives se seront accrues elles aussi et que toutes les sources de la richesse collective jailliront avec abondance, alors seulement l’horizon borné du droit bourgeois pourra être définitivement dépassé et la société pourra écrire sur ses drapeaux ‘De chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins !’”.
Nous publions ci-dessous de larges extraits d’un courrier signé “Des instits solidaires” qui exprime une véritable colère et un profond sentiment de solidarité face à la répression qui s’est abattue lundi 9 mars à Lyon sur des étudiants qui manifestaient (1).
Charge de CRS à Lyon contre des étudiants et des enseignants
Il n’y a pas qu’en Guadeloupe que l’Etat fait donner ses chiens de garde contre tous ceux qui osent remettre en cause, par leurs luttes et leurs manifestations, sa sale politique anti-ouvrière au service du capitalisme.1En effet, hier, lundi 9 mars, plusieurs centaines de manifestants avaient décidé de montrer dans la rue leur colère et leur mécontentement à propos de la venue à Lyon, pour une rencontre concernant les biotechnologies, de la ministre de Sarkozy, Valérie Pécresse, tristement célèbre dans le monde universitaire. A ces manifestants excédés par la mise à la casse de l’université et l’avenir de précarité qui leur est promis, le gouvernement a une nouvelle fois choisi de répondre par la violence. Charges de CRS, de forces spéciales et de répression, telle la BAC (2), matraquages, bombes lacrymogènes et tir de flash-balls, voilà à quoi furent soumis les manifestants. Cette répression ouverte et violente est directement dans le prolongement de celle qui s’était abattue il y a quelques mois contre les grévistes en lutte contre la LRU (3). Là encore, les CRS et autres gardes mobiles avaient notamment encerclé l’université de Bron dans la banlieue de Lyon puis tabassé systématiquement les étudiants qui ne voulaient pas céder devant ce coup de force de l’Etat. Mais aujourd’hui, l’intimidation est encore montée d’un cran puisque, en plus des blessés amenés à l’hôpital, trois manifestants ont été arrêtés. Ils doivent être jugés ce mardi 10 mars en comparution immédiate sous le motif fumeux de rébellion. Au moment où nous écrivons ces lignes, nous ne savons pas ce que la justice bourgeoise aura décidé à leur propos. Mais dans tous les cas, c’est l’ensemble de la classe ouvrière au travail, au chômage ou dans les facultés qui se doit d’être solidaire de tous ceux qui, luttant pour défendre leurs conditions de vie et leur avenir, se retrouvent pris sous les coups de la répression, que ce soit sous forme de matraquages systématiques ou de condamnations judiciaires arbitraires. Certes, nous pensons qu’il n’est pas nécessairement judicieux d’aller à quelques centaines dans la rue, s’exposer à la férocité des forces de répression bourgeoises. […] Cependant, par delà les discussions collectives qui doivent avoir lieu dans la classe ouvrière pour savoir comment développer nos luttes, il est évident que nous ne pouvons que comprendre la colère et le refus de se laisser faire sans réagir, de la part de tous ces jeunes qui subissent directement des attaques sans précédent sur leurs conditions d’étude et leurs conditions de vie. Plus que jamais, la lutte est nécessaire. Afin que celle-ci puisse se développer de manière consciente, massive et organisée, il est sans doute important de se rassembler en formant des comités de discussion et de luttes qui pourront aborder toutes ces questions vitales. Il ne faut pas se faire d’illusions, la répression qui s’est abattue sur les manifestants à Lyon ne fait que traduire la façon dont la bourgeoisie s’apprête à répondre aux luttes à venir. Cette violence ne doit pas nous intimider, nous démoraliser ni nous démobiliser, mais elle doit amener la classe ouvrière, et tout particulièrement les jeunes en son sein, à réfléchir aux moyens de développer le combat.
Face à la répression et à la violence de l’Etat bourgeois, vive la solidarité active de toute la classe ouvrière en lutte !
Des instits solidaires
1) Ces camarades nous ont indiqué qu’ils ont aussi transmis ce courrier au site Rebellyon et qu’il y a été publié le jour même (http ://rebellyon.info/article6118.html). La version complète de ce courrier est disponible sur notre site internet.
2) NDLR : Brigade anti-criminelle.
3) Lire notre article : “Manifestation des lycéens à Lyon : des provocations policières pour tenter de pourrir le mouvement”.
Le 6 février 2009, on assistait à la naissance officielle du Nouveau parti anticapitaliste (NPA) en même temps qu’à l’auto-dissolution de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR). Cet événement avait été annoncé et préparé de longue date. Ce nouveau parti suscite un réel engouement : alors que la LCR déclarait 3000 militants, le NPA revendique plus de 9000 membres encartés au jour de sa naissance !
A l’issue de son congrès de fondation, le NPA a nommé un Conseil politique national dont 45 % des membres viennent de l’ex-LCR. Après deux années de gestation et de montée en puissance de sa figure de proue, Olivier Besancenot, cette naissance a bénéficié d’une large publicité dans les médias (notamment à travers l’émission populaire Vivement dimanche ! animée par Michel Drucker en mai 2008). Mais elle est également accueillie avec intérêt et sympathie en milieu ouvrier, notamment parmi les jeunes générations de prolétaires séduits par son “ouverture” apparente à tous les thèmes sociaux et surtout à leurs préoccupations quotidiennes : la lutte contre les inégalités sociales et la dégradation de leurs conditions de vie et de travail, le combat contre la précarité, la dégradation de l’environnement, l’encouragement à la mobilisation dans toutes sortes de luttes… Plusieurs interrogations sautent aux yeux d’emblée :
Quels sont le programme réel et les objectifs du NPA ? Pourquoi l’apparition aujourd’hui de ce nouveau parti dans le paysage politique national ? A quoi et à qui peut-il servir ? Qu’est-ce qui le distingue et a contrario quels sont ses points communs avec l’ex-organisation trotskiste de la LCR dont il est l’excroissance ?
Les réponses à ces questions nous conduiront à revenir aux origines et à l’histoire de la LCR que nous analyserons à travers une série d’articles pour appréhender la nature de cette organisation-mère et du NPA lui-même.
Mais d’abord, il faut noter que le changement de nom est significatif. Il est clair que la LCR faisait apparaître deux termes : “communiste” et “révolutionnaire” qui renvoient à une tradition précise et historique du mouvement ouvrier que le NPA fait disparaître. La LCR prétendait se rattacher à cette tradition en se revendiquant clairement comme organisation “trotskiste” et même représentante en France de la “Quatrième Internationale” fondée par Trotski en 1938. La LCR voulait ainsi se placer dans la continuité historique des trois précédentes Internationales du mouvement ouvrier, et se réclamait de Trotski, l’un des plus fameux révolutionnaires de l’histoire, comme de Lénine et des principaux protagonistes de la Révolution d’octobre 1917 en Russie. Le NPA est résolument en rupture avec de telles attaches. Ainsi, Besancenot a déclaré à cor et à cri en fondant le NPA : “on ne peut pas faire du neuf avec du vieux”, et aussi : “il est temps de tourner la page du vieux mouvement ouvrier pour écrire une nouvelle page vierge”. En fait, cherchant à ratisser plus large, Besancenot se garde non seulement de nier cet héritage mais il dit aussi accepter plusieurs autres influences, y compris celle de Rosa Luxemburg. Cependant, il a déclaré publiquement à plusieurs reprises que Trotski se rattachait à un passé révolu, de même que son combat d’opposant à Staline et au stalinisme. Selon lui, une nouvelle période se serait ouverte avec l’effondrement du “modèle soviétique” en 1989, dépassant les schémas du passé. Dans une interview à Rue89 le 20 février, Besancenot déclarait : “Trotski n’est pas mon sponsor officiel.” Certes. Mais de sponsors, Besancenot n’en manque pas, il est l’invité régulier d’émissions et de débats à la télévision, il ne manque jamais l’occasion de faire la une des magazines et de la presse people ! Il a d’ailleurs précisé que son organisation préférait prendre “Che” Guevara pour modèle. Ces déclarations sont pour le moins curieuses quand on sait qu’en fait, “Che” Guevara se rattache lui aussi étroitement à “une période historique révolue”, celle de la Guerre froide et qu’au nom d’un “anti-impérialisme” hostile aux Etats-Unis, le “Che” a été partie prenante dans l’affrontement entre les deux blocs impérialistes russe et américain (voir notre article “Che Guevara : mythe et réalité”, RI n° 384, novembre 2007).
Quant à “l’anticapitalisme” revendiqué par le NPA, on ne saurait être plus vague et flou ; car qui aujourd’hui se déclare “pro-capitaliste” alors que tout un chacun jusque dans la classe dominante reconnaît que le capitalisme est en crise ? Même un Sarkozy ose proclamer qu’il faut “refonder le capitalisme” (même si, comme tous les dirigeants du monde entier, il n’a aucune clé pour sortir le capitalisme de l’impasse).
Ce flou est au cœur du programme du NPA qui se présente comme un champion de la démocratie et de la “citoyenneté”, comme un parti “ouvert”. Le livre tout récemment paru en librairie d’un ancien membre de la LCR adhérent au NPA, François Coustal, l’Incroyable histoire du Nouveau parti anticapitaliste, donne quelques clés pour comprendre comment s’est formé le NPA et comment la LCR a agrégé et aspiré un incroyable ramassis venu des quatre coins du paysage politique, mêlant vieux routiers plus ou moins issus du gauchisme et jeunes éléments lycéens sans la moindre formation politique : mouvance altermondialiste, ex-membres d’ATTAC, animateurs de réseaux ou de mouvement associatifs dans les quartiers, écolos alternatifs, anciens Verts, partisans de José Bové, oppositionnels au traité de Maastricht, fractions ou éléments dissidents de LO, anciens mao-staliniens repentis, libertaires en rupture de ban, syndicalistes de SUD-Solidaires, minoritaires de la CGT ou de la FSU et même de FO, ex-membres du PC, rénovateurs comme refondateurs. Tous les vieux routards ont amené leur propre expérience “politique”, c’est-à-dire un passé de grenouillage et d’alliances magouilleuses dans la “gauche plurielle” avec telle ou telle “sensibilité” particulière à tel ou tel problème “de société”, souvent contradictoires. Il est savoureux de rapporter certains débats préparatoires à la formation du NPA : “J’ai assisté à un débat de fous sur les vertus des toilettes sèches. Des copains de sensibilité fortement écologiste insistaient sur le fait que l’on pouvait les installer sur les balcons. A quoi des habitants des cités populaires répliquaient vertement que, dans leur cité, il n’y avait pas de balcons. Même incompréhension lorsque certains prônaient les thèses de la décroissance : d’autres qui étaient dans la galère, leur répondaient que eux, dans la décroissance, ils y étaient depuis longtemps, voire depuis toujours !” (in F. Coustal, op.cit., p. 74).
Le NPA se présente néanmoins comme porteur d’une “nouvelle perspective” et affiche plusieurs ambitions :
– créer un nouveau pôle “rassembleur”, une véritable gauche d’opposition sur le plan électoral, à visage résolument “antilibéral”, brandissant l’étendard de “l’anti-sarkozysme” comme en s’opposant au pouvoir de la droite et des patrons ; les médias le désignent volontiers comme le meilleur adversaire de Sarkozy ;
– concurrencer le PS et se démarquer nettement d’une social–démocratie “convertie au libéralisme” et surtout trop compromise dans les attaques anti-ouvrières. Le NPA déclare ne plus vouloir lui servir d’éternel rabatteur lors des élections, comme l’était la LCR : “Nous sommes dans l’indépendance vis-à-vis du PS” qui “par son programme et sa pratique (…) a renoncé à toute transformation sociale.”
En effet, le PS a perdu de plus en plus sa crédibilité de force d’opposition et d’encadrement, en s’affirmant avant tout comme parti de gouvernement prenant ou prônant pendant une quinzaine d’années les mêmes mesures que la droite et menant de féroces attaques contre la classe ouvrière.
Dans le même temps, le PCF, lui aussi décrédibilisé par la participation de ministres communistes au pouvoir au sein d’un gouvernement de gauche d’abord entre 1981 et 1984, puis entre 1997 et 2002 au sein de la “gauche plurielle”, se retrouve trop affaibli et complètement discrédité depuis l’effondrement des régimes staliniens après 1989. Depuis près de 20 ans, régulièrement, à chaque élection, le PCF rassemble moins de voix que la LCR et à un degré moindre, LO, chacun séparément. Il ne doit sa survie surtout sur le plan électoral et dans l’appareil d’Etat comme groupe parlementaire et à la gestion des municipalités qu’à la place que veut bien lui accorder le PS dans ses listes d’union de la gauche.
Au cours des années précédentes, la LCR s’attachait, en concurrence avec LO, à combler ce vide et l’affaiblissement dangereux pour la classe dominante des forces politiques d’encadrement traditionnelles de la classe ouvrière mais face à la situation actuelle et au renouveau de la combativité et de développement de la lutte de classe, cette adaptation était insuffisante. D’ailleurs, il est patent que LO marque le pas et que son crédit s’effrite. Même avec la radicalité de son discours et son caractère plus ouvriériste, LO comme son égérie Arlette Laguiller (qui vient de passer la main à une plus jeune “copie conforme”, Nathalie Arthaud), apparaissent surannés et leur rabâchage de propos trop connus a suscité une lassitude dans les médias.
Au contraire, la LCR a déniché l’oiseau rare en trouvant dès les présidentielles de 2002 le jeune petit facteur, Besancenot, comme porte-parole gouailleur et rubicond, à la bouille sympathique, brillant orateur, habile tacticien et doué d’un sens de la communication exceptionnel. Tous les médias bourgeois l’ont alors propulsé sur le devant de la scène politique.
Mais il serait erroné d’y voir un simple engouement en vogue passagère. Tout nouveau, tout beau, bien sûr ! Mais l’entreprise de la bourgeoisie est autrement plus sérieuse et dangereuse. La création de ce “nouveau parti” est en fait un véritable contre-feu favorisé par l’éclectisme démagogique et opportuniste de la LCR au nom de la défense de la citoyenneté et de la démocratie. Cela correspond bien à un besoin de la bourgeoisie et de son adaptation à non seulement canaliser mais surtout noyer et dévoyer la montée de la colère ouvrière derrière une contestation tous azimuts. La pression de la crise et la montée des mécontentements pousse le NPA à radicaliser ses postures, à s’orienter davantage en milieu ouvrier, en particulier en direction des jeunes générations de prolétaires baignés dans la question du chômage et de la précarité. L’implantation et l’orientation plus “sociale” et ouvrière sont nettement plus affirmées au NPA qu’au sein de la LCR, dont le programme était jusque-là marqué par des préoccupations avant tout interclassistes (droit des peuples, des minorités, féminisme…) ; c’est un autre paradoxe apparent : le NPA actuel, en perdant ses références directes au communisme et à la révolution, révèle une tendance à être beaucoup plus ancré dans le prolétariat que la LCR dont les éléments venaient essentiellement du milieu étudiant et de la petite-bourgeoisie. C’est en fait dans l’ensemble du prolétariat et non plus sur des minorités qu’il a l’ambition de mener un travail de sape idéologique.
C’est pourquoi le modèle du postier Besancenot, qui change de casquette en sautant d’un endroit à l’autre en surfant sur l’actualité, fait recette. Présent lors de la manifestation du 29 janvier sous la bannière de SUD et des postiers du 92, puis s’affichant au forum social altermondialiste de Sao Paulo, baladant encore son image porteuse de lutte en lutte, que ce soit en Guadeloupe ou dans les usines en grève, faisant le va-et-vient entre une réunion NPA et deux plateaux télés, il est aussi en constante campagne électorale.
Il est maintenant concurrencé par le Parti de gauche créé le week-end précédent par l’ex-membre de la direction du PS Jean-Luc Mélanchon qui, lui, est sorti de l’appareil social-démocrate pour préconiser un vaste front électoral de gauche, incluant une alliance directe avec le PCF et plus proche du PS. Et aux offres de service duquel Besancenot a répliqué : “Nous ne sommes pas une boutique électorale, pas un parti institutionnel, mais un parti de militants”, bien qu’un quart des délégués du NPA souhaite que ce dernier rejoigne directement le front de gauche de Mélanchon et du PCF.
En fait, le NPA a pour vocation de stériliser et de figer les interrogations de plus en plus nombreuses qui surgissent au sein de différents secteurs et de différentes couches sociales sur l’impasse de la société capitaliste. Il court-circuite la réflexion collective pour la ramener sur un terrain électoral, nationaliste et syndical, avec des “solutions” qui ne sont que de vieilles recettes idéologiques réformistes faisant croire à une autre gestion du capitalisme possible : faire payer les riches, relancer la consommation populaire, mieux répartir les richesses, autogestion. Ou encore à base de vieilles recettes capitalistes d’Etat : nationalisations des entreprises et des banques, ou à base d’illusions altermondialistes d’aménagement de la misère. Aujourd’hui, c’est un piège pour ramener sur le terrain bourgeois beaucoup de jeunes prolétaires précarisés, inquiets de l’avenir bouché que leur réserve le capitalisme en crise, étudiants ou lycéens, qui s’interrogent et veulent sincèrement faire quelque chose pour s’opposer au système qui les broie. Il exploite et flatte l’impatience de beaucoup, la fascination pour l’activisme et l’immédiatisme. Pour cela, il anime et multiplie la création de “collectifs” comme l’Appel et la Pioche qui lancent des actions comme les pique-niques “sauvages, festifs et gratuits” dans les rayons des supermarchés, après avoir médiatisé l’événement en rameutant les journalistes de presse comme dans le 20e, à Montreuil ou à Bagnolet. Il prétend agir tout de suite, tous azimuts, ici et maintenant, en infiltrant les réseaux déjà existants associatifs, syndicaux ou “citoyens”. Il s’agit en même temps d’occuper les cerveaux des “militants” en tissant de multiples réseaux de collectifs corporatistes, géographiques ou sectoriels au niveau du quartier, de l’entreprise, de la ville, de la région, comme une toile d’araignée tentaculaire pour les organiser sur base d’activités sectorielles de façon à les encadrer, les organiser en les enfermant comme dans des ghettos sur des problèmes ou dans des catégories spécifiques. Féminisme ou immigration, antiracisme, revendications parcellaires, droit des minorités sexuelles, ethniques ou régionalistes sont autant de thèmes servant à diluer la prise de conscience et à faire obstacle à l’affirmation et à la prise en mains de l’unité et de la solidarité de classe. Ce que propose en réalité le NPA avec sa façade plus “radicale” par rapport au projet d’origine, c’est d’organiser chacun dans son coin les jeunes, les femmes, les sans-papiers, les intérimaires, les précaires…, ne se retrouvant ensemble qu’autour d’un seul projet “politique” unitaire : former et élire des représentants du NPA.
Ce que défend en réalité ce parti attrape-tout et activiste, c’est un programme parfaitement bourgeois, aux antipodes des besoins réels d’unité et de solidarité dans les luttes de la classe ouvrière, qui est la continuation du programme de la LCR. Il perpétue les entraves au développement de la conscience de classe en mettant en avant la défense de toutes les principales mystifications idéologiques bourgeoises : parlementarisme et démocratie, vieilles recettes gestionnaires capitalistes d’Etat, défense des syndicats, défense d’un camp impérialiste contre un autre dans les conflits armés, frontisme inter-classiste au nom de l’anti-fascisme hier, de l’anti-sarkozysme aujourd’hui qu’on retrouve tout au long de l’histoire de la LCR et de ses ancêtres. Le NPA n’a rien de nouveau et rien d’anticapitaliste, pas plus que la LCR auparavant n’avait quoi que ce soit de communiste ou de révolutionnaire. C’est ce que nous verrons de plus près dans un prochain article retraçant les origines et l’histoire de la LCR.
W
L’enfoncement de l’économie mondiale dans une récession qui n’a d’égale que celle des années 1930, signe la faillite irrémédiable du capitalisme. Face à l’aggravation de la crise, la classe dominante, en France comme dans tous les pays, n’a pas d’autre alternative que de poursuivre et renforcer ses attaques contre toutes les conditions de vie de la classe ouvrière.
Licenciements massifs dans les entreprises privées, suppressions de postes dans la fonction publique, baisse des salaires et du pouvoir d’achat, diminutions des prestations sociales, etc., aucun secteur, aucune catégorie socio-professionnelle n’est aujourd’hui épargnée par les coups de boutoir de cette crise économique.
La bourgeoisie veut nous faire croire que ce n’est qu’un mauvais moment à passer, qu’il suffit de “moraliser” le capitalisme, de lutter contre les abus des patrons et de mettre en place une meilleure gestion du système pour sortir du tunnel. A condition bien sûr que chacun y mette un peu du sien et que les travailleurs acceptent quelques sacrifices pour aider les gouvernements à sortir de l’impasse.
Tous ces discours ne sont que des mensonges ! Toutes les fractions de la classe dominante, son gouvernement, son patronat, ses partis politiques de gauche comme de droite et ses “experts” savent pertinemment que ce système est gangréné jusqu’à la moelle et que les sacrifices d’aujourd’hui ne peuvent qu’appeler d’autres sacrifices demain.
Les jeunes générations de prolétaires ne se font d’ailleurs aucune illusion : elles savent très bien que la seule perspective que leur offre le capitalisme, c’est le chômage, la précarité des petits boulots et la misère.
C’est justement face à cet avenir totalement bouché que partout, dans les entreprises du public et du privé, de même que parmi les étudiants et lycéens, la colère continue à monter.
Depuis le début de l’année, il ne se passe pas un jour sans qu’une grève n’éclate dans telle ou telle entreprise pour des augmentations de salaire, contre les licenciements et la dégradation générale des conditions de travail. Et cette situation ne concerne pas seulement la France, mais tous les pays et tous les continents.
Face aux attaques tous azimuts, face au chômage et à l’aggravation de la misère, les travailleurs n’ont pas d’autre choix que de se battre pour la défense de leurs conditions de vie et pour l’avenir de leurs enfants.
Mais comment peut-on lutter efficacement, construire un rapport de force en notre faveur face aux attaques du capital, de son patronat et de son gouvernement ?
Le seul moyen d’obliger la bourgeoisie à reculer et à freiner ses attaques, c’est de lutter massivement, tous unis, en brisant toutes les divisions corporatistes, par secteur et par entreprise. Si nous nous battons chacun dans notre coin en mettant en avant nos propres revendications spécifiques, nous allons inévitablement à la défaite, paquet par paquet.
Pour se battre tous unis, il faut mettre en avant des revendications communes à tous, et dans lesquelles tous les travailleurs de toutes les entreprises peuvent se reconnaître et se retrouver. Si nous restons enfermés derrière les revendications qui ne concernent que les salariés de notre entreprise, nous ne parviendrons jamais à développer une lutte massive et à obtenir la solidarité active des autres entreprises.
Si nous nous battons tous seuls à l’intérieur de nos “boîtes” en menant des actions radicales comme celles de la séquestration des patrons, le gouvernement et le patronat ne reculeront pas. Nous irons inévitablement à la défaite et à la démoralisation.
C’est la solidarité de tous les travailleurs qui doit être le ciment de notre combat. Pour cela, il faut sortir de nos “boîtes”, étendre la lutte en allant massivement dans les entreprises les plus proches afin de pousser les autres travailleurs à s’engager eux aussi dans un seul et même mouvement.
Il faut aussi aller dans tous les lieux publics où peuvent se tenir des meetings et des assemblées générales auxquelles doivent pouvoir participer tous les travailleurs, les chômeurs, les étudiants. Il faut discuter collectivement de la situation à laquelle nous sommes tous confrontés afin de décider des actions à mener.
Dans les manifestations organisées à l’appel des syndicats, nous devons mettre en avant des mots d’ordre unitaires et unificateurs (et non pas défiler derrière les banderoles de “sa” boîte ou de “son” syndicat).
Souvenons-nous que si les travailleurs de la Guadeloupe ont réussi à obtenir gain de cause et ont pu faire reculer la bourgeoisie sur les 200 euros d’augmentation de salaires, c’est grâce à leur détermination à aller jusqu’au bout, en développant une lutte massive où tous les secteurs étaient mobilisés et unis.
La grève des travailleurs de la Guadeloupe nous a montré le chemin à suivre.
Ne nous laissons pas diviser par tous les simulacres de lutte ! Refusons toute “négociation” par entreprise, par secteur, par région !
Seule la lutte massive, solidaire et unie paie !
RI
Sur le site Web de la “Cité des Sciences et de l’Industrie”, a été placé le commentaire suivant, émanant d’une certaine Delphine Gardey, historienne au CNRS : “C’est de la faute aux mouvements ouvriers ! Là-dessus, le mouvement ouvrier n’a pas été formidable, parce qu’il a été aussi extrêmement anti-féminin et antiféministe à ses débuts, notamment sous l’inspiration de Proudhon, et la revendication “A travail égal, salaire égal” a mis du temps à être acceptée par les syndicats révolutionnaires, qui pouvaient voir dans le travail féminin une forme de concurrence ; de plus les hommes ne souhaitaient pas démissionner du pouvoir domestique dont ils étaient finalement les détenteurs au sein de l’espace domestique ouvrier. Il y a eu une lutte au sein des foyers avec des répercutions importantes sur la vie des femmes et leur possibilité d’avoir des salaires dignes de ce nom.”
Ce commentaire appelle une brève réponse de notre part.
Il est vrai que le mouvement ouvrier en France a été marqué par la misogynie de Proudhon. Mais, même s’il a eu du mal à se dégager progressivement des préjugés de l’époque, le mouvement ouvrier n’est pas responsable d’une vision inégalitaire de sexes, comme le prétend Madame Gardey !
Ces préjugés, dont Proudhon s’était fait le porte-parole, ont eu, certes, une certaine influence en France, en Espagne, en Italie et en Belgique (en Grande-Bretagne, la classe ouvrière était surtout influencée par Owen).
Le mouvement ouvrier ne se développe pas d’emblée avec une pleine clarté et est forcément marqué par les préjugés ambiants et l’idéologie de la classe dominante. Néanmoins, dès ses origines, il n’a pas été marqué seulement par les préjugés sexistes de Proudhon, mais aussi par Fourier qui faisait également partie des socialistes utopistes. Or, contrairement à Proudhon, Fourier était, quant à lui, pour l’égalité des sexes.
D’après Delphine Gardey, le mouvement ouvrier serait responsable du sexisme, ce qui est totalement faux ! Dès le début, le mouvement ouvrier a mené un combat pour éliminer les préjugés bourgeois. Le syndicalisme révolutionnaire en France, en Espagne, en Italie a été inspiré en partie par le proudhonisme, car l’idéologie patriarcale était beaucoup plus puissante dans les pays latins que dans ceux d’Europe du nord.
En réalité, il semble que Delphine Garrey s’évertue surtout à séparer la lutte des femmes du mouvement ouvrier. Les “féministes” n’ont jamais compris que les femmes ne pourront se libérer de l’oppression sexiste que par la lutte contre l’exploitation capitaliste, en se situant d’un point de vue de classe en tant que prolétaires.
Marx et Engels (notamment dans l’Origine de la famille, de la propriété privée et de l’État) avaient déjà démontré que l’oppression des femmes n’est qu’une reproduction de l’exploitation de la classe ouvrière. C’est ce qu’avaient compris également Charles Fourier et Auguste Bebel.
Et c’est justement parce que la lutte des femmes fait partie intégrante de la lutte de la classe exploitée que les partis socialistes au xixe siècle (notamment le parti allemand) comportaient des sections féminines regroupées dans l’Internationale des femmes.
Sur cette question, nous renvoyons nos lecteurs à notre article de mars 2008, “Journée Internationale des femmes : seule la société communiste peut mettre fin à l’oppression des femmes [1112]” (RI, no 388).
Sofiane
Nous poursuivons ici notre série d’articles commencée dans le n° 400 de RI sur cette “nouvelle” organisation au sein du paysage politique en France qui se présente comme “Nouveau parti anticapitaliste”. Avant même d’entreprendre un retour vers la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) et d’analyser ce qu’a représenté le “mouvement trotskiste”, où la LCR elle-même plonge ses racines, il nous paraît indispensable d’examiner quels sont les liens et les différences entre le NPA et la LCR qui lui a donné naissance.
La crise du capitalisme révèle aujourd’hui de façon criante sa faillite. Face à l’explosion des inégalités sociales, des plans de licenciements, de la précarité, se développent non seulement une colère, une exaspération et une combativité mais aussi une réflexion consciente, notamment parmi les jeunes générations de prolétaires, qui les poussent vers le refus d’un système d’exploitation qui mène l’humanité à sa perte. C’est dans ce contexte qu’émerge ce nouveau parti, le NPA, qui suscite un élan de sympathie et connaît un certain succès dans la mesure où il se présente, surtout auprès des jeunes, comme un “parti de luttes” et délivre un message mettant en accusation le système capitaliste.
Effectivement, le NPA dresse d’abord dans l’exposé de ses “Principes fondateurs” un état des lieux des méfaits du capitalisme où il met en évidence que “le capitalisme met l’humanité et la planète en danger” et déclare que “les ravages de la domination capitaliste donnent toute son actualité à l’alternative ’socialisme ou barbarie’” en reprenant à son compte l’expression d’Engels et de Rosa Luxemburg. Mais est-ce que ce nouveau parti permet de faire fructifier réellement le développement actuel de la lutte des classes et apporte une véritable perspective révolutionnaire capable de sortir la société de l’impasse où la condamne le capitalisme ? Que dit son “programme” ?
Dans les “Principes fondateurs du NPA”, on trouve en préambule cette déclaration : “La seule réponse à la crise globalisée du capitalisme, le combat dont dépend l’avenir de l’humanité, c’est le combat pour un socialisme du xxie siècle démocratique, écologique et féministe.”
Et la suite est un long catalogue de recettes maintes fois avancées (notamment par la LCR) pour réformer le système, mieux le gérer, alignant une longue série de droits démocratiques à défendre et de revendications pour une meilleure gestion économique, sociale et environnementale du capitalisme : nationalisation des services publics et des ressources naturelles, promulgation de décrets pour interdire les licenciements, “appropriation sociale du produit du travail” (c’est à-dire autogestion des entreprises), expropriation sans indemnisation des grands groupes capitalistes sous le contrôle des salariés et de la population, redistribution des richesses sous contrôle de l’Etat mais aussi respect des droits démocratiques des minorités, “lutte contre toute forme de sexisme, de racisme, de discrimination (sexuelle, religieuse ou ethnique) et d’oppression”. Il s’agirait donc, dans son Programme (présenté comme “provisoire”), d’instaurer “plus de démocratie” pour déboucher sur une “meilleure répartition”, “plus équitable”, des richesses. L’urgence ? Ce serait, selon lui, de mettre en avant un... “Programme d’urgences sociales, démocratiques et écologiques”... qui n’a rien de nouveau ni de révolutionnaire mais qui est un “copié-collé” du programme de la LCR, lui-même largement inspiré par les méthodes du “Programme de transition” trotskiste de la IVe Internationale en 1938) (1). Ce programme, conduit à une séparation “tactique” entre d’un côté un “programme minimum” réformiste, à mettre en place immédiatement, et de l’autre un lointain “programme maximum” révolutionnaire. Mais cette séparation, en fait, isole la lutte économique des prolétaires (pour la défense de leurs conditions de vie) de la lutte politique dont ils sont porteurs comme seule force capable de renverser le capitalisme ! Et finalement, la boutique à l’enseigne du NPA nous propose, à la place de faire la révolution, ce cocktail fait de revendications hétéroclites. Bien entendu, le NPA ne déclare jamais renoncer à la révolution, mais il n’évoque cette perspective que dans un seul passage dans ses “Principes”, au milieu de ses recettes pour “lutter efficacement” contre le capitalisme. On trouve ainsi cette affirmation : “Une domination de classe ne peut pas être éliminée par voie de réformes. Les luttes peuvent permettre de la contenir, de lui arracher des mesures progressistes pour les classes populaires, pas la supprimer. En 1789, la domination de classe privilégiée de l’Ancien Régime n’a pas été abolie par des réformes. Il a fallu une révolution pour l’éliminer. Il faudra une révolution sociale pour abattre le capitalisme.”
Non seulement la prétendue “révolution sociale” que le NPA évoque pour un lointain avenir est repoussée aux calendes grecques mais, de plus, elle est calquée sur le modèle de la révolution bourgeoise, permettant ainsi de masquer la différence fondamentale de nature de classe entre bourgeoisie et prolétariat.
Alors que la bourgeoisie a déjà conquis le pouvoir économique sous l’Ancien Régime, le prolétariat n’a aucun pouvoir économique dans la société capitaliste où il reste toujours une classe exploitée. Comme nous l’avons maintes fois affirmé : “Alors que la révolution bourgeoise constituait, fondamentalement, le couronnement politique de la domination économique bourgeoise sur la société qui s’était étendue progressivement et fermement sur les vestiges de la société féodale décadente, le prolétariat ne détient aucun pouvoir économique au sein du capitalisme (...) Les seules armes qu’il puisse utiliser sont sa conscience de classe et sa capacité à organiser sa propre activité révolutionnaire.” (Revue internationale no 1, 2e trimestre 1975).
Dans les faits, le NPA ne s’adresse aux éléments en recherche “d’un parti révolutionnaire” que pour les attirer à lui, notamment les plus jeunes, sur le même modèle que la LCR (2) qui ciblait à ses débuts un milieu plus spécifiquement étudiant, nettement moins prolétarisé à l’époque. Le NPA “cherche à organiser massivement des jeunes dans le nouveau parti”. Pour cela, il organise des campagnes intensives de recrutement dans les lycées et à l’université. Cela ne sert qu’à appâter ces jeunes pour obscurcir leur conscience, saper et pourrir la réflexion de ces jeunes générations ouvrières qui veulent changer le monde, en les entraînant dans l’impasse du réformisme. Dans ce cadre, le changement de nom opéré de “LCR” au “NPA” apparaît significatif. Pourquoi ? Il est clair que, même si ce changement d’appellation n’a été approuvé qu’à une courte majorité lors du vote des délégués, l’abandon des termes “communiste” et “révolutionnaire” n’est pas fortuit. Ce quasi-abandon de toute référence au communisme et à la révolution traduit en fait ses objectifs essentiels.
Si le NPA a doublé le nombre de ses adhérents par rapport à la LCR, c’est en raison d’une “ouverture”, et il faut se poser la question : dans quelle direction ? Le NPA cherche à ratisser plus large et, pour cela, il se veut “rassembleur”. Il tend ainsi ouvertement la main à tous ceux qui sont effarouchés ou rebutés par les termes de “communisme” et surtout de “révolution”, à tous ceux qui ne “croient pas à la révolution”. Il cherche par conséquent à intégrer en son sein ceux qui pensent qu’il faut seulement et avant tout lutter pour de “vraies réformes”, qu’il faut “faire quelque chose” et apporter des “propositions concrètes” pour s’opposer aux effets les plus ravageurs du “libéralisme économique”.
L’argument le plus courant qui nous est opposé dans les discussions avec des sympathisants du NPA se résume à ce discours : “Vous critiquez ce qu’ils proposent mais eux font au moins quelque chose. Se regrouper pour agir dans le sens d’améliorer le sort des exploités et des opprimés, c’est toujours mieux que rien. Au lieu de se diviser dans des querelles dogmatiques de chapelles ou d’organisations, il faut unir les efforts de tous les ouvriers de bonne volonté. De toutes façons, tout le monde se retrouvera pour lutter ensemble, même au moment de la révolution, parce que, quel que soit le parti auquel on adhère, il faut se rassembler dans la mesure où une même volonté et une même sincérité existent chez chacun pour lutter contre le capitalisme”.
Il faut être clair. Il ne s’agit nullement de mettre en cause la sincérité ou la volonté de lutte des adhérents ou des sympathisants du NPA. Mais la nature de classe d’une organisation n’est pas liée à une adhésion sincère d’une majorité des ouvriers à celle-ci. Les expériences traversées et accumulées par la classe ouvrière ont également démontré la fausseté d’une vision d’union des bonnes volontés qui est chaque fois cruellement démentie par l’histoire du mouvement ouvrier tout au long du xxe siècle.
• Ainsi en 1914, le courant réformiste et le courant révolutionnaire coexistaient certes encore dans le mouvement ouvrier et c’est le courant réformiste qui était largement majoritaire, alors que des millions de travailleurs adhéraient au parti social-démocrate. C’est le réformisme de la social-démocratie qui a ouvert la voie à la trahison des intérêts du prolétariat et à son ralliement à la “défense de la patrie”, qui a permis l’embrigadement de millions d’ouvriers et leur massacre dans la Première Guerre impérialiste mondiale.
• En 1919, c’est cette même majorité de la social-démocratie qui a servi de rempart au maintien de l’ordre capitaliste face à la vague révolutionnaire, et c’est parce qu’elle était auréolée de son étiquette de “parti ouvrier et progressiste” qu’à la tête de l’Etat bourgeois, elle a pu noyer dans le sang l’insurrection ouvrière à Berlin et faire assassiner des centaines de militants révolutionnaires, dont Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht.
• Dans les années 1930, ce sont les partis staliniens qui, au nom de la IIIe Internationale, ont mené une politique systématique d’extermination des anciens bolcheviks et des ouvriers révolutionnaires. Les militants les plus combatifs, les plus sincères et les plus dévoués au sein de ces partis se sont retrouvés dans le camp des victimes ; mais dans cette tragédie, beaucoup de militants sincères, trompés par leur parti, ont également marché derrière les crapules staliniennes, dans le camp des massacreurs et des bourreaux et se sont retrouvés parmi les exécutants involontaires de la contre-révolution.
Le PS et le PC ont été composés d’ouvriers dévoués et combatifs dont l’engagement était totalement sincère alors que ces ex-partis ouvriers perpétraient les pires crimes et étaient à travers leur programme devenus des partis à la solde de la bourgeoisie. Cela démontre du même coup qu’il ne faut pas juger une organisation sur ce qu’elle prétend être mais voir à quels intérêts de classe répond le programme qu’elle défend et la politique qu’elle mène.
Nous pouvons affirmer que le NPA est une simple “excroissance” de la LCR parce que la seule cohérence de son programme n’est pas celle d’organisations qui défendraient les intérêts de classe du prolétariat et qui ne pourraient s’affirmer comme révolutionnaires qu’en combattant fermement les illusions réformistes, mais obéit à la logique des partis bourgeois.
En fait, la création du NPA correspond à un besoin pour la bourgeoisie de sécréter des partis qui se présentent comme des amis ou des défenseurs des ouvriers pour contrôler, enrayer, dévoyer le développement de ses combats de classe et obscurcir sa conscience de la nécessité du renversement révolutionnaire du capitalisme. Ce besoin est d’autant plus nécessaire que les partis sociaux-démocrates et les partis staliniens sont de plus en plus discrédités et sont incapables aujourd’hui de tenir ce rôle, comme le met en évidence le NPA lui-même qui postule à en prendre la relève.
W (20 avril)
1)
Nous reviendrons de manière plus détaillée sur ce sujet dans un
article ultérieur, quand nous aborderons la partie historique
consacrée à la LCR.
2) C’est la JCR (Jeunesse communiste révolutionnaire) fondée au printemps 1966 par des étudiants après leur exclusion de l’Union des étudiants communistes (téléguidée et noyautée par le PCF stalinien) qui est même à l’origine de la LCR.
Depuis des mois, alors que les attaques brutales pleuvent et que la colère des ouvriers monte, les syndicats n’ont cessé de diviser, d’organiser des rassemblements dispersés dans le temps et l’espace, d’abuser de manœuvres dilatoires pour espacer les manifestations, saucissonner les luttes.
Un tel sabotage, de plus en plus évident aux yeux des prolétaires conscients, suscite réflexion et questionnement. Face à cela, les syndicats et les gauchistes, dont le NPA fraîchement moulu, soulignent qu’il ne faut “pas attendre pour lutter”. Evidemment, chacun dans son coin ! Les luttes qui se multiplient malgré tout se retrouvent isolées et cadenassées par les syndicats et leurs complices gauchistes. Parmi de nombreux exemples, nous voulons souligner celui hautement symbolique de la grève des postiers des Hauts-de-Seine.
A plus d’un titre, ce conflit est révélateur d’un véritable travail de sape. Plusieurs salariés de La Poste, dont le célèbre leader du NPA Besancenot, se sont mis en grève contre une réforme de la distribution du courrier. On apprend cependant que cela fait deux mois que les postiers “marinent dans leur jus” contre un projet de réorganisation des tournées. La grève, initiée par SUD-PTT, soutenue également par la CGT et CFTC, est restée complètement isolée. Sur cette longue période, le mouvement limité d’abord à la ville de Boulogne-Billancourt est resté confiné à quelques communes du département. Qu’ont fait les syndicats ? Qu’a fait le très charismatique Besancenot et son NPA ?
Ont-ils appelé à étendre le mouvement aux autres secteurs en lutte ou à chercher la solidarité des autres salariés ? Aucunement. Pour s’en convaincre, il suffit de laisser la parole à un syndicaliste qui décrit ce qui ne peut que traduire un verrouillage syndical complet : “Nous sommes environ 150 postiers dont Olivier Besancenot, lui-même facteur dans les Hauts-de-Seine, à occuper le hall de La Poste. Nous allons pique-niquer sur place avec des merguez jusqu’à ce que la direction nous reçoive” (1). Une intervention de Besancenot sur le lieu de travail confirme cette même stratégie d’enfermement. Son radicalisme ne tolère qu’une extension… celle du secteur !
Qu’on en juge par les quelques extraits significatifs de ses propos reportés d’une vidéo amateur (2) : “On voudrait s’adresser aux collègues du centre de tri (…) on est parti pour rester un bout de temps ici (…) on a une revendication qui nous est commune, vous les centres de tri et nous la distribution : c’est l’oseille (…) Nous ce qu’on veut c’est qu’un moment donné il y ait des négociations quotidiennes (…) nous on est là, on va pas bouger (…) nous on va pas reprendre le boulot tant que la boîte n’aura pas lâché quelque chose (…) les bénéfices de la boîte on n’en voit pas la couleur (…) comme la boîte ne veut rien entendre, nous on monte d’un cran aussi…”. La boîte, et rien que la boîte !
Alors que le NPA nous ressasse à volonté dans les manifestations et au travers des discours de son beau parleur Besancenot que ce qu’il faut pour se défendre, “c’est la grève générale”, voilà sur le terrain de la lutte ce que ce “radicalisme” miraculeux produit en réalité : l’enfermement dans son entreprise et dans le pire isolement, le tout assaisonné de la chanson syndicale la plus traditionnelle !
Tout ceci confirme ce que nous disions dans un article récent à propos du NPA et de son leader télévisuel : “En fait, le NPA a pour vocation de stériliser et de figer les interrogations de plus en plus nombreuses qui surgissent au sein des différents secteurs et de différentes couches sociales sur l’impasse de la société capitaliste. Il court-circuite la réflexion collective pour la ramener sur un terrain électoral, nationaliste et syndical, avec des “solutions” qui ne sont que de vieilles recettes idéologiques réformistes faisant croire à une autre gestion du capitalisme possible” (3). Pour développer et étendre leurs luttes, les ouvriers ne peuvent donc que compter sur leurs propres forces. En aucun cas ils ne doivent se laisser endormir sur place par les “vieilles recettes” syndicales, même “relookées”, qui s’avèrent toujours être un piège mortel.
WH ( 3 avril)
1) Déclaration de Yvon Melo, représentant de Sud-PTT, Source : AFP Libération du 13 mars 2009.
2) Nos lecteurs peuvent vérifier par eux-mêmes ces propos sur la vidéo du site : http ://bellaciao.org/fr/spip.php ?article82239#forum308849.
3) Voir notre série d’articles en cours sur l’histoire du NPA sur notre site et dans notre presse.
Suite à une loi promulguée par le gouvernement le 14 décembre 2006, le corps des infirmières et infirmiers libéraux et hospitaliers est placé sous la houlette d’un “Ordre national infirmier”, créé de toutes pièces par l’Etat et les syndicats représentant les infirmières libérales, dont en particulier le Syndicat national des professions infirmières et la fameuse Coordination infirmière née lors des luttes de la santé en 1988.
Cet Ordre se veut être une sorte de pendant de l’Ordre des médecins et a pour justification de modifier le “statut” des infirmières en leur ouvrant l’accès à des masters ou doctorats en soins infirmiers, à l’instar de ce qui se passe dans les pays anglo-saxons ou au Canada. Cet Ordre, nouvelle maffia professionnelle comme l’Ordre des médecins, a été mis en place sans aucune consultation des personnels concernés, sinon de leur adresser des bulletins de vote pour des candidat(e)s sortis du néant et parfaitement inconnus. Plus de 80 % d’entre eux n’ont pas répondu à cette demande qui ne correspond à aucun besoin, sinon celui de mettre en carte ce corps de métier sous prétexte de “valorisation” ! De façon générale, il a été donc totalement et clairement rejeté par les infirmières, avec une “représentation” de membres “élus” à moins de 20 % de la profession, mais qui imposeront on ne sait quelles nouvelles règles, au nom de la “déontologie” soignante infirmière. Au sein de cette catégorie de personnel de plus en plus soumise à des contraintes légales où “la qualité des soins accordés au patient” est devenue la tasse de thé du discours officiel, et tandis que les moyens qui lui sont accordés sont de plus en plus maigres et lamentablement exsangues, il est clair que le but est d’encadrer cette catégorie de personnel afin de la “responsabiliser” au maximum et lui faire porter à terme le chapeau des “erreurs” éventuelles de soins. L’éthique soignante, l’obligation de moyens par les soignants, c’est comme la confiture, moins on en a les possibilités matérielles, plus on en parle.
Le gouvernement, par la voix de la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, qui réduit avec une virulence sans faille au strict minimum les personnels hospitaliers, n’a d’ailleurs de cesse de répéter que, dans les hôpitaux et autres cliniques, ce n’est pas une question de “moyens” mais “d’organisation” si rien ne va plus. Il suffit d’ailleurs de se rendre aux urgences de n’importe quel hôpital pour évaluer in vivo combien infirmières, infirmiers, aides-soignantes et médecins se prélassent mollement au rythme exaltant des pin-pons des ambulances.
L’Ordre infirmier existe donc bel et bien aujourd’hui, en-dehors de et contre la volonté même de la profession. Et, arnaque ultime, on demande dès à présent à cette catégorie de personnel de cotiser obligatoirement à hauteur de 75 euros par an et par tête de pipe pour faire exister cet Ordre infirmier !
C’est se moquer du monde ; d’autant que les hospitaliers, qui connaissent des conditions de travail profondément dégradées, n’ont connu aucune valorisation de salaire depuis 2005, et encore à l’époque, de 0,3 % de leur salaire. Mais le gouvernement, soutenant à pleine voix cet Ordre nouveau, va exiger à travers ses instances comme les DDASS (Directions départementales des affaires sociales et sanitaires), que l’ensemble des personnels concernés fassent leur chèque.
Fort heureusement, les syndicats, défenseurs patentés et attitrés de l’intérêt des salariés, donnent dès à présent de la voix. Alors qu’ils n’ont parlé que du bout des lèvres de l’annonce de constitution de cet Ordre infirmier, pourtant déjà en gestation depuis 2005, SUD, FO, CFDT et CGT ne cessent de produire au sein des hôpitaux des tracts “dénonçant” cette sale affaire. Pour la CFDT, on peut lire : “L’Ordre infirmier : chronique d’un racket annoncé” (annoncé, en effet, de longue date) ; pour FO : “Payer pour travailler, hors de question” ; et pour SUD : “Les IDE taxées à 75 euros”. Enfin, pour la CGT, il s’agit d’une “escroquerie à la profession”.
Le radicalisme du verbe est à l’encan. Ainsi, la CFDT calcule que le budget de fonctionnement de l’Ordre infirmier correspond approximativement à 1000 postes infirmiers par an, postes dramatiquement absents pour assurer des soins à la population, sans se positionner plus que cela, tandis que FO lance un courageux mot d’ordre de “grève de la cotisation”. Comment ? Mystère et boule de gomme. Quant à SUD-Santé, qui s’insurge que la cotisation représente “75x480 000 IDE = 36 000 000 euros”, “les IDE (Infirmières diplômées d’Etat) n’ont pas à payer les frais de bouche, d’hébergement, ni les locaux (luxueux), ni les voyages en première classe. Ces soi-disant élus de l’ordre (20 % de votants) ne nous représentent pas. C’est un ordre inutile et réactionnaire, à la solde du gouvernement et des futures ARS (Agences régionales de santé)”. On ne peut que souscrire à tous ces cris de révolte de Sud-Santé et de ses petits copains d’autres syndicats. Cet Ordre infirmier est en effet réactionnaire et surtout l’émanation d’une idéologie profondément corporatiste. Mais, sans jeu de mot, c’est l’hôpital qui se fout de la charité !
La France compte le taux de syndicalisés le plus bas des pays développés d’Europe : 8 %, c’est-à-dire une minorité très faible des salariés. Pourtant, c’est à hauteur de 190 millions d’euros que les syndicats en France sont soutenus par l’Etat (chiffres de 2003), sur la part des dépenses publiques, à savoir des impôts des salariés, dont 92 % estiment ne pas ressentir le besoin de se syndiquer. De plus, il faut ajouter à ces sommes non négligeables le fait que la France est en revanche le pays d’Europe qui compte le plus de permanents syndicaux comparativement au nombre de syndiqués. Tout cela sans compter que ces “salariés” syndiqués comptent moult heures de formation, ou “syndicales”, destinées prétendument à “défendre” leurs collègues. Et puis, il y a aussi les congrès.
Ce que déplore probablement Sud-Santé dans son tract, c’est que les hôtels et autres buffets pantagruéliques auxquels ils sont invités très régulièrement aux frais de la princesse, c’est-à-dire des ouvriers, durant ces congrès, en plus des subventions écœurantes qui les tiennent à bout de bras, ne sont pas assez bien pour eux, et que les “frais de bouche”, “les hébergements” et “les voyages” ne sont pas du niveau de confort mérité par ces dignes représentants des intérêts de la bourgeoisie.
Enfin, il faut rappeler que ces mêmes syndicats sont les meilleurs acteurs du corporatisme le plus crasse qu’ils exhalent dans les rangs ouvriers, infirmiers, ou autres. Aussi, en définitive, si l’Ordre infirmier était géré par les syndicats, il n’y aurait plus de problème.
Wilma (22 avril)
Depuis quelques mois, ce genre de petites phrases foisonne dans la presse :
• “Lorsque les suppressions d’emplois se multiplient, la crise est un défi pour les syndicats européens : comment contenir la colère sociale qui commence à monter dans certains pays comme la France ?”(“Les syndicats européens malmenés par la crise”, le Monde du 7 avril).
• “Les syndicats essaient de canaliser tant bien que mal le mécontentementet donc de préserver l’ordre social”(“Lettre ouverte à mes amis de la classe dirigeante”, AlainMinc (1),le Figaro du 23 mars).
• “Quant aux syndicats, ils font le job en mettant en valeur leur responsabilité, c’est-à-dire leur capacité à canaliser la révolte...”(“Manifs : l’impuissance face à la colère”, Marianne,le 20 mars).
Les syndicats sont censés être des “professionnels de la lutte”. Officiellement, c’est à eux que revient la tâche de défendre la classe ouvrière, en organisant la grève quand cela est nécessaire. Or, si une chose est bien claire dans ces citations, c’est que la classe dominante compte sur eux pour faire tout le contraire :“Contenir la colère”, “canaliser le mécontentement”,“canaliser la révolte”, “préserver l’ordre social”…
De quel côté les syndicats sont-ils vraiment ? Si certains ouvriers se le demandent encore, la bourgeoisie semble, elle, le savoir parfaitement : du sien ! (2)
Pawel(24 avril)
1)Conseiller politique, entre autres, de Sarkozy.
2)Nous avons consacré de multiples articles pour montrer que la division et l’isolement des luttes ouvrières menées par les syndicats n’étaient pas le fruit d’“erreurs” de la part de ces officines mais bel et bien une stratégie volontaire et orchestrée par leurs soins. Pour comprendre pourquoi, quand et comment les syndicats ont changé de camp, nous encourageons nos lecteurs à lire notamment notre article “Dans quel camp sont les syndicats [1113] ”.
Les étudiants sont de plus en plus préoccupés par leur propre situation et de plus en plus déconcertés et indignés à cause de l’avenir que la classe dominante leur réserve. Cela n’est pas du tout étonnant : ce sentiment s’accroît de jour en jour et partout dans le monde (voir les mobilisations des étudiants et des travailleurs en France et en Grèce (1)) surtout parmi les prolétaires et dans les couches les plus pauvres de la société. Beaucoup de ces prolétaires sont des parents ou des proches de ces mêmes étudiants, tous touchés par l’avancée implacable de la crise qui les condamne avec de plus en plus de dureté à des conditions de vie vraiment insupportables. Mais cette crise les pousse aussi à la réflexion, à se demander quelle issue il y a, si le capitalisme est capable d’assurer autre chose que toujours plus de misère, de chaos et de barbarie.
Chaque jour qui passe, ces étudiants sont de plus en plus “chauds”, même si pour le moment ils gardent la tête froide, c’est-à-dire qu’ils réfléchissent. Leur méfiance vis-à-vis des “solutions” qu’on leur propose s’accroît et, surtout, ils ne paraissent pas disposés à tout accepter : un futur incertain quant à la possibilité de trouver un travail, des crédits qui les “hypothéqueraient” en les ligotant à vie...
Il y a aussi cette énorme indignation contre la brutale répression commise par les Mossos d’Escuadra de la Généralité (2) de Catalogne dirigée par la “coalition tripartite” (3), à laquelle participe la version catalane de la prétendue “radicale” et “amie des ouvriers” Izquierda unida (Gauche unie). La férocité de la répression contre les jeunes (tabassages, arrestations musclées, expulsions…) montre clairement ce qu’on peut attendre de n’importe quel gouvernement, qu’il soit de droite ou qu’il se présente comme “progressiste” et “social”.
Si les étudiants restent enfermés dans le carcan d’une “lutte universitaire”, s’ils restent seuls, l’État bourgeois pourra les isoler et les forces de répression du gouvernement régional tripartite pourront leur taper dessus en toute impunité avec la complicité des autorités administratives, de la presse et de tout le “monde officiel”.
Mais si les étudiants, comme ils ont commencé à le faire, étendent leur lutte aux enseignants, aux travailleurs d’autres secteurs, aux lycéens, leur force, comme celle de tous les exploités, sera énorme et les gouvernants devront reculer. Le fait que les étudiants aient été présents à la grande manifestation de l’enseignement qui a eu lieu à Barcelone le 18 mars (plus de 30 000 manifestants), même s’ils n’auraient pas dû rester séparés de la manifestation mais y être pleinement intégrés, fut un grand pas en avant.
La situation est difficile, cela va être encore plus dur pour les uns et les autres, mais peu à peu la confiance en soi va s’accroître ainsi que la détermination pour affronter les attaques de la crise et de l’État qui essaye de la gérer, que ce soit à travers le “Plan Bologne” ou n’importe quel autre.
A la suite de l’expulsion musclée de l’Université occupée et de la charge violente de la police dans la soirée du 18 mars qui s’est soldée par de nombreuses arrestations et une soixantaine de blessés parmi les quelques cinq mille manifestants présents, les étudiants réagirent rapidement en organisant une manifestation en solidarité. Le Gouvernement catalan a été obligé de présenter des excuses et de pousser à quelques démissions dans son ministère de l’Intérieur. Depuis lors, les étudiants continuent à aller de l’avant, en faisant des assemblées, des grèves et des occupations, des réunions avec des groupes sociaux qui les soutiennent, en débattant, en échangeant des informations avec d’autres universités, dont certaines ont répondu en manifestant en solidarité avec eux (à Madrid, Valence, Gérone...).
Les étudiants, qui ont affirmé haut et clair “qu’ils ne sont pas des délinquants, pas des révoltés sans perspective et pas non plus de la chair à canon pour les bureaucrates et les mossos”, sont toujours déterminés à parvenir “grâce à un large mouvement étudiant, car l’union fait la force”, à “non seulement faire reculer les attaques du capital – Plan Bologne ou Tartempio –” mais aussi à “une société juste, tolérante, solidaire et libre”, car “nous nous sentons capables de changer la réalité dans laquelle nous vivons” (extraits de Quelles réflexions... sur les événements du 18 mars à Barcelone, un tract distribué dans la manifestation du 26).
Les étudiants ont donc convoqué une manifestation pour le 26 mars. Ils comptaient sur la solidarité de ceux qui, comme eux, affrontent la réalité du “c’est pire chaque jour qui passe” et sans la moindre perspective d’amélioration : de leurs propres camarades, des enseignants, de tous ceux qui partagent leurs préoccupations et leurs efforts, de tous ceux qui sont à leur côté et qui savent qu’ils seront, demain, aux côtés de toute la classe ouvrière. Face à eux il y avait bien plus que quelques dizaines de mossos qui les attendaient l’arme au poing, prêts à parer “à toute éventualité”. Le tout préparé par une intense propagande lancée par la Généralité dans tous les médias, selon laquelle “de tels actes” était illégaux et qu’elle allait prendre des mesures appropriées pour y faire face, “comme il se doit”.
Place de l’Université, nous attendions, inquiets, mais de pied ferme ; on a pu voir que les étudiants étaient sûrs d’eux, qu’ils tenaient la situation en main. Les mossos nous fermaient l’accès de l’itinéraire prévu et les organisateurs ont eu le courage de décider un itinéraire alternatif vers un lieu plus tranquille.
Ce fut une manifestation bien différente des processions folkloriques des syndicats : pas de sifflets assourdissants, pas de gueulantes par haut-parleur ni de slogans à l’emporte-pièce : les manifestants pouvaient se parler, choisir des slogans et des réponses appropriées et inventives contre le gouvernement et ses exécutants du ministère de l’Intérieur, c’est-à-dire les mossos qui s’étaient défoulés à coups de matraque les jours précédents sur tout ce qui bougeait. Depuis les balcons fusaient des encouragements de solidarité avec les manifestants, des applaudissements. Les locaux des partis du gouvernement ont été couverts de graffitis dénonciateurs contre ses responsables.
D’autres personnes se sont peu à peu jointes à la manifestation, de sorte qu’à la fin plus de 10 000 personnes étaient rassemblées et, comme en Grèce, toutes générations confondues : des étudiants, des parents, et aussi des travailleurs d’âges différents... Le Plan Bologne ne va certainement pas être retiré de sitôt, les souhaits des jeunes manifestants ne vont sans doute pas se réaliser facilement, mais cette manifestation était une victoire importante : tout le monde est reparti avec la nette impression que le combat va se poursuivre et que le débat doit continuer, pour échanger aussi les expériences, pour ainsi continuer un combat qu’ils ne considèrent surtout pas comme terminé. Les étudiants mobilisés insistent sur le fait qu’ils vont continuer à se rencontrer jusqu’aux vacances dans quelques “Campus-assemblée”, dans les quartiers.
Est-ce que cette lutte s’intègre dans une perspective de luttes massives dans d’autres secteurs (enseignants, industries, fonctionnaires, services, actifs et chômeurs…) ? Oui, nous en sommes convaincus. Beaucoup de ceux qui étaient présents en étaient aussi convaincus (même si nous n’avons pas entendu des appels et des slogans explicites dans ce sens). Les conditions pour développer cela se consolident, toute la dynamique du mouvement va dans ce sens. L’intervention de la classe ouvrière, son expérience, sa solidarité, sont très importantes pour nourrir ce processus. Les étudiants doivent compter là-dessus. En fin de compte, ils savent qu’ils feront partie de la classe ouvrière. Beaucoup d’entre eux savent qu’ils en font déjà partie.
Traduit de Acción proletaria, publication du CCI en Espagne (28 mars)
1) Cf. Revue internationale nº 136 : “Les révoltes de la jeunesse en Grèce confirment le développement de la lutte de classe [1091]”.
2) La police régionale du gouvernement catalan.
3) Ce gouvernement est dirigé par une coalition de gauche : socialistes, catalanistes républicains et anciens staliniens (avec “Verts” inclus), auxquels appartient d’ailleurs le conseiller (ministre) de l’Intérieur, Joan Saura, qui dirige la police et qui déclare aujourd’hui (01/04), face à l’indignation provoquée par la répression, que la “réponse des policiers était “disproportionnée”... [ndt].
Depuis la signature des accords de paix entre le FMLN (1) et le gouvernement du Salvador en janvier 1992 qui certifia la reconversion de ce mouvement de guérilla, autrefois très connu, en parti politique légal d’opposition, avec à la clé une large participation au sein de la police nationale, cette fraction de la bourgeoisie s’est employée à fond dans la construction d’une démocratie “plurielle” si nécessaire pour contrôler la classe ouvrière, et qui était inexistante au Salvador, à l’instar d’une grande partie de l’Amérique latine. Maintenant, les ex-guérilleros, avec leur candidat Mauricio Funes (2), viennent d’être élus à la tête du gouvernement après s’être présentés aux élections présidentielles du 15 mars 2009 face au candidat Rodrigo Ávila, du parti de droite Alianza republicana nacionalista (ARENA). Un marketing coloré, des discours pleins d’espoir, des actes massifs de prosélytisme, avec des milliards à la clé, voilà le cadre qui a servi à cette gauche électorale à entraîner le plus grand nombre de travailleurs vers les urnes avec l’illusion que “leur voix” réussisse le miracle d’améliorer leurs conditions de vie et de travail. Le contexte économique et social du pays (avec une population d’un peu plus de 7 millions d’habitants) (3) est similaire à celui des autres pays de cette région du monde ; la dégradation des conditions de vie des travailleurs n’est pas seulement insupportable à cause de la misère matérielle et de la réduction alarmante des ressources et l’augmentation imparable du chômage, mais aussi à cause d’une décomposition sociale qui dépasse l’entendement, qui affecte la société tout entière : une violence quotidienne entre bandes, des assauts et des kidnappings, des abus de la part de la police et de l’armée, etc. (4) Devant un tel panorama, la bourgeoisie a prétendu que, grâce au vote de tous les secteurs du pays, un engagement national va naître pour travailler coude à coude vers une solution.
Après s’être occupé des tâches de pacification et de réorganisation de l’économie, de la politique et de l’appareil répressif, les ex-guérilleros se sont lancés avec succès à la conquête du fauteuil présidentiel pour boucler l’engagement qu’ils ont signé il y a dix-sept ans au château de Chapultepec (5) dans la ville de Mexico ; selon les mots de Schafik Handal, le rôle du FMLN était de : “... moderniser l’État et l’économie, construire un pays pluraliste... qui permette aux Salvadoriens d’utiliser à fond leur proverbial goût du travail et leur créativité pour ainsi faire décoller le développement...” (16 janvier 1992). Autrement dit, le FMLN voudrait nous faire croire que quand il se met à la tête de l’économie bourgeoise nationale, l’exploitation devient comme par magie “créative” (sic).
Le FMLN “n’a pas trahi ses origines et ses objectifs révolutionnaires”. Son action actuelle est en effet en continuité avec celle de ses origines, son idéologie et sa pratique de guérilla durant près de douze ans. Son origine et son idéologie sont celles des Forces populaires de libération nationale, et d’autres organisations qui, avec le Parti communiste salvadorien, stalinien pur sucre, construisirent un cocktail d’organisations paysannes et urbaines très influencées et inspirées par la prétendue “révolution cubaine” ; leurs étendards étaient celles de la “récupération” de la terre ou la démocratisation du gouvernement contre la fraude électorale ou la dictature militaire. Déçues par la légalité et réprimées par l’État, elles décidèrent d’assumer la lutte de guérilla. En fin de compte, leur action est celle de la petite bourgeoisie qui, en Amérique latine, a essayé de “remettre en place un projet de développement national contre les fractions nationales apatrides et l’impérialisme américain”. Leur naissance se trouve complètement en dehors du terrain du mouvement ouvrier : leur programme est la lutte pour le “renversement de la dictature néo-fasciste”. Même s’ils veulent établir un “gouvernement de type socialiste-révolutionnaire”, ce n’est, concrètement dans la réalité des faits, que le même scénario que celui écrit par le sandinisme au Nicaragua : la défense pure et simple du régime bourgeois et de l’économie nationale.
La pratique politique du FMLN est pleinement celle de la bourgeoisie : la guérilla exprimait l’action typique des couches et des classes sans avenir, des actions armées minoritaires qui prétendent, souvent en désespoir de cause mais aussi aux ordres d’un camp impérialiste qui veut affaiblir le camp dominant dans la région, remplacer l’action des travailleurs, une action consciente et massive. Le rôle actuel du FMLN, en tant que parti de gauche au sein de l’appareil d’État, est parfaitement cohérent avec son passé. Il n’existe ni “trahison” ni “dévoiement” de son “essence” ; le FMLN n’a fait que s’adapter aux temps nouveaux pour continuer à servir le capital. Le FMLN, comme les sandinistes au Nicaragua, a négocié son futur politique pour ne pas disparaître de la scène.
La chute du bloc impérialiste de l’URSS laissa dans un état d’abandon une multitude de mouvements de guérilla en Amérique latine, ainsi qu’ailleurs dans le monde et même des pays entiers comme Cuba. Voilà le contexte qui explique les négociations de paix entre le FMLN et le gouvernement du Salvador avec la médiation des pays comme le Mexique qui essayent aussi de jouer un rôle de premier plan dans la nouvelle configuration du monde et dans l’arrière cour de l’Oncle Sam (6). Avec la disparition du sponsor économique, militaire et idéologique du bloc russe, les farabundos décidèrent de négocier pour ainsi s’assurer leur survie dans la recherche de la prise du pouvoir, même si, alors, cela devait se faire dans un cadre d’une participation au jeu parlementaire. En fait, à quelques différences près, c’est le même schéma qui s’est produit avec les sandinistes au Nicaragua : ceux-ci ont instauré un gouvernement de gauche à la suite d’un putsch militaire (1979), mais ils décident de s’entendre avec leurs rivaux à travers la négociation d’un processus électoral, à la suite d’une décennie de “guerre de basse intensité” (1980-1990) et d’être passés dans l’opposition (7).
(ou “l’affrontement entre les grandes puissances par groupes interposés pendant la Guerre froide.”)
L’auréole romantique des guérillas en Amérique latine, surgies en particulier pendant la période de la guerre froide après la Seconde Guerre mondiale, pâlit face à l’évidence historique : elles n’ont été que de simples pions sous la coupe du bloc stalinien. L’ancienne URSS, tête de bloc, avait toujours voulu planter quelques lances dans l’arrière-cour des États-Unis, pour renforcer le rôle de Cuba qui était sa tête de pont. Même s’il était impossible pour l’URSS de disputer sérieusement le leadership à la puissance américaine, il lui était toujours avantageux de maintenir une certaine instabilité dans sa chasse gardée, pour ainsi l’obliger à prélever des ressources, des efforts militaires, etc., des zones stratégiques du monde où se jouaient véritablement les intérêts géopolitiques des blocs impérialistes. La politique extérieure des États-Unis pendant toute cette période leur a été pleinement favorable en faisant échouer toutes les tentatives et en réduisant le risque à la seule île “mythique” de Castro.
Pour la classe ouvrière, ces affrontements ne furent qu’une suite de sacrifices monstrueux, enfermée qu’elle était entre deux factions de la bourgeoisie, utilisée systématiquement comme chair à canon pour la défense des intérêts de ses propres exploiteurs. Et lorsque certaines de ces forces de libération nationale ont réussi à atteindre le pouvoir d’État, l’expérience fut tout aussi tragique. Ces champions du nationalisme organisèrent les institutions de l’État derrière un masque socialiste et populiste pour convaincre les ouvriers d’accepter encore plus de sacrifices sur l’autel de l’économie nationale. Et quand les travailleurs ont pu se mettre en lutte contre ces conditions de surexploitation, ces régimes se sont chargés de l’en empêcher et de la briser avec la pire violence.
C’est une longue histoire que celle de ce genre d’organisations prétendument “amies” des travailleurs. Ce que nous voyons aujourd’hui au Salvador est l’énième démonstration du caractère bourgeois non seulement de l’idéologie de ces organisations, mais aussi de leur programme et de leur pratique “guérillériste”. Pendant des années cette pratique a stérilisé les énergies ouvrières, de tant de jeunes paysans et prolétaires qui se sont enrôlés dans leurs rangs, sur un terrain complètement pourri. Et aujourd’hui, ils jouent toujours le même rôle de promoteurs de la démocratie électorale bourgeoise, et redorent le blason du vote grâce à leur “passé glorieux” d’héritiers de la vieille “voie armée”, devant l’épuisement accéléré des vieux partis qui fait que la bourgeoisie connaît le plus grand mal à entraîner les travailleurs vers les urnes.
Les masses exploitées d’Amérique centrale ont été prises pendant toutes les années 1980 dans l’étau économique, militaire et idéologique formé par des gouvernements de droite et la guérilla. Les générations qui ont subi ce joug contre-révolutionnaire, ainsi que les ouvriers des générations plus jeunes, doivent tirer les leçons de ce passé, en reconnaissant le caractère bourgeois du FMLN, avec tout son masque et ses discours radicaux, hier en tant que parti d’opposition et aujourd’hui de gouvernement.
Traduit de Revolución mundial, publication du CCI au Mexique
1) Le FMLN (Frente Farabundo Marti de liberación nacional) fut fondé à la fin de 1980, prenant le nom d’Agustín Farabundo Martí, un des organisateurs du soulèvement paysan et indigène de 1932 dans lequel participa aussi le stalinisé Parti communiste du Salvador.
2) C’est un journaliste “indépendant” très populaire qui n’appartient pas au FMNL. C’est un fait très répandu et pratiqué par tous les partis, de droite, de centre ou de gauche, qui mettent en avant des comiques, des vedettes en tout genre, des très respectables leaders d’opinion, etc., pour essayer de convaincre de leurs meilleures intentions.
3) En fait, près de 3 millions de Salvadoriens vivent aux USA. Les envois de ces émigrants représentent la deuxième ressource dans le PIB d’un des pays les plus pauvres de l’Amérique latine. Dans le contexte actuel, cette ressource va se contracter.
4) C’est bien simple : le Salvador est le pays latino-américains avec le taux le plus élevé de morts violentes.
5) Les
Accords de paix de Chapultepec furent signés le 16 janvier 1992
entre le Gouvernement pro-américain du Salvador et le FMLN, ils ont
mis fin à douze années d’une guerre civile particulièrement
sanglante (100 000 morts).
6) On peut rappeler le groupe “Contadora” né en 1983, au sein duquel il n’y avait pas que les intérêts impérialistes des grandes puissances qui comptaient, mais aussi ceux des petits requins de la région comme le Mexique, la Colombie, le Venezuela et même le Panama.
7) À la suite des élections en 2006, ces mêmes sandinistes sont revenus au pouvoir. Voir Revolución mundial nº 96 (2007), “Nicaragua: regresan los sandinistas al gobierno para dar continuidad a la explotación y opresión”.
Le premier week-end d’avril s’est tenu, de chaque côté du Rhin, le dernier sommet de l’Otan. Les dirigeants de cette organisation, véritables brigands impérialistes, Obama, Merckel et Sarkosy en tête, ont pu ainsi traverser sous l’œil des caméras complaisantes la passerelle qui relie Baden-Baden en Allemagne à la ville de Strasbourg en France. Une nouvelle fois, nous étions tous conviés à admirer la très grande cordialité et entente supposée régner entre tous ces requins. Ce sommet s’est en fait tenu soixante ans après la création de cet organisme international. Dans quel but et par qui a-t-il été créé ? A quoi a-t-il servi dans la réalité pendant toute cette période ? Depuis cette époque, le monde a bien évolué et les rapports impérialistes mondiaux se sont profondément modifiés. Cependant, l’Otan est toujours là. Mieux encore, un nombre croissant de pays demandent à y entrer. A quoi sert donc dans la période actuelle cet organisme vieux maintenant de plusieurs dizaines d’années ? Pour répondre à ces questions, il nous faut aller au-delà des apparences et des discours officiels relayés par l’ensemble des médias bourgeois.
Le nouveau président américain, le très démocrate Obama, a déclaré à ce sommet que la priorité des Etats-Unis en matière de politique étrangère ou anti-terroriste était de renforcer l’intervention militaire en Afghanistan. Il a donc décidé d’y envoyer 21 000 nouveaux soldats et, dans cette optique, l’Otan recherche quatre nouvelles brigades. Le jour de l’ouverture du sommet, le président américain avait donné le ton de la nouvelle tactique impérialiste américaine, ce qu’il appelle la “politique de la main tendue” ! Il y a ainsi affirmé haut et fort que l’Amérique n’entendait pas faire seule la guerre aux talibans et à la nébuleuse Al-Qaeda, demandant aux Européens notamment de faire un effort tout particulier. Mais à l’évidence, ceux-ci sont restés particulièrement discrets sur l’envoi de nouvelles troupes, préférant parler hypocritement d’aide à la reconstruction, à la police et à l’armée afghanes. Il y a bien que le seul Sarkozy pour y avoir manifesté sa décision d’y envoyer de nouvelles troupes françaises en échange d’un retour de la France dans le commandement intégré de l’Otan., commandement qu’elle avait quitté en 1966 sous la présidence du général de Gaulle afin d’affirmer le désir de la France de ne pas subir passivement la tutelle américaine. En fait, ce retour de la France dans le commandement intégré se fait au moment même où les Etats-Unis se trouvent en pleine continuation du processus d’affaiblissement de leur leadership mondial. Ce sommet a d’ailleurs été une manifestation claire de cette perte d’influence, même pour cette organisation essentiellement militaire qui a toujours été un instrument de leur domination impérialiste.
A la fin de la Seconde Guerre mondiale en 1945, les bourgeoisies de tous les pays les plus développés ont voulu faire croire à l’ensemble de la classe ouvrière, meurtrie par cinq années de conflits généralisés, que le monde allait rentrer dans une période de paix et de prospérité. Il suffisait de se retrousser les manches et de se mettre tous avec ardeur au travail. Seulement voilà, le monde rentrait au contraire dans une nouvelle période de développement des tensions impérialistes. Une fois achevé l’écrasement militaire de l’Allemagne et du Japon, l’opposition guerrière entre les puissances impérialistes fascistes et celles se réclamant de l’anti-fascisme et de la démocratie étaient closes. Mais instantanément en apparaissait une nouvelle qui allait constituer le cadre de vie du capitalisme mondial et des guerres incessantes qui ont émaillé toute la période jusqu’en 1989 avec l’effondrement du bloc soviétique. De fait, le monde allait se diviser en deux blocs impérialistes. D’un côté, se mettait en place le bloc occidental avec à sa tête la superpuissance américaine, secondée notamment par l’ensemble des pays d’Europe occidentale, de l’autre se construisait le bloc soviétique. Celui-ci était lui-même dirigé par l’URSS de Staline et la bourgeoisie russe, qui tenait sous sa coupe l’ensemble de l’Europe centrale et de l’Est. Pendant plus de quarante ans, ces deux blocs impérialistes allaient s’affronter par pays interposés ou fractions armées bourgeoises locales se disputant elles-même la direction de leur propre pays. Faire ici la liste des conflits qui ont pendant toute cette période ensanglantés toute une partie de la planète serait sans fin. Citons pour mémoire les guerres de Corée et du Vietnam mais aussi celles qui ont frappées de façon permanente des régions entières comme le Moyen-Orient ou l’Afrique, guerres et génocides utilisés, orchestrés et même parfois organisés directement par ces deux blocs. Tous ces conflits allaient faire en réalité plus de morts que la Seconde Guerre mondiale.
Mais le maintien d’une cohésion au niveau de chaque bloc nécessitait d’imposer la discipline en leur sein et donc l’alignement de chaque pays appartenant à l’un ou l’autre bloc derrière leur leader respectif. D’un côté, l’URSS imposa le Pacte de Varsovie dans tous les pays sur lesquels elle avait la main mise. De l’autre, les Etats-Unis, sortis victorieux et tout puissant de la guerre mondiale, en firent autant grâce à l’Otan. Cette dernière était une organisation politico-militaire qui se constitua officiellement en 1949 et compte actuellement 28 pays membres. Dans un premier temps, l’objectif affiché de cette organisation est exprimé clairement dans son article 3. Celui-ci permet aux Etats-Unis d’aider au développement militaire de l’Europe, comme il le fait par ailleurs au plan économique. Il s’agissait pour l’Amérique de dresser une barrière en Europe occidentale face au bloc soviétique. Mais le rôle de l’Otan va rapidement évoluer et, le 4 avril 1949, est signé le Traité de l’Atlantique Nord à Washington. Ce pacte militaire stipule que toute attaque contre un des membres de cette organisation entraînerait automatiquement une réaction de tous les Etats membres. Ce traité doit souder ces derniers derrière les Etats-Unis. L’URSS ne s’y trompe pas et va immédiatement affirmer “que le traité est un instrument de l’impérialisme américain”. Les principaux pays occidentaux sont signataires de ce traité qui fonde l’Alliance, y compris par l’Allemagne de l’Ouest en 1955. Pour faire face au bloc soviétique, des forces militaires massives vont être stationnées dans de très nombreuses régions du monde, forces terrestres, navales et aériennes, sans compter l’armement nucléaire massif pointé sur l’URSS. Tel est le sens exact de la présence très nombreuse de troupes militaires membres de l’Otan en Europe et surtout en Allemagne de l’Ouest. C’est donc en tant que bras armé du bloc occidental et sous commandement effectif américain que cette alliance a été formée et a existé jusqu’en 1989, date de l’effondrement de l’URSS et de tout le bloc soviétique.
Face à la perte d’un ennemi commun, le bloc de l’Ouest allait lui-même éclater ; il n’avait en effet plus de raison d’exister. Comme son corollaire le Pacte de Varsovie, on pouvait donc s’attendre à la disparition pure et simple de l’Otan, son rôle étant révolu. Or, cette organisation s’est au contraire maintenue et plus encore, elle s’est renforcée d’anciens pays du bloc soviétique tels que la Pologne, la Hongrie ou la République Tchèque, ou de régions comme celle de l’ex-Allemagne de l’Est. En 2004, sept autres pays intègrent l’Otan : l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Bulgarie, la Roumanie, la Slovaquie et la Slovénie. Et aujourd’hui ce sont des pays comme la Géorgie, l’Ukraine, l’Albanie et la Croatie qui posent leur candidature. Bon nombre de ceux-ci sont, de fait, d’anciens vassaux de l’URSS disparue. Pour eux, il s’agit ainsi de tenter de se prémunir de la menace toujours pesante de l’ours russe, après l’expérience de plus de quarante ans de domination soviétique féroce. Mais l’évolution du rôle politico-militaire de l’Otan n’en a pas moins été spectaculaire et irréversible.
A partir de la deuxième guerre en Irak en 2003, l’affaiblissement du leadership des Etats-Unis s’étale au grand jour. La conséquence en sera que chaque puissance impérialiste va alors de plus en plus ouvertement contester les Etats-Unis et leur domination. Ce sera notamment le cas de la France et de l’Allemagne. Pour les Etats-Unis, maintenir leur contrôle sur l’Otan devient alors une nécessité, d’autant que leur autorité est clairement défiée régulièrement à l’ONU. Et ceci d’autant plus que la Chine, rivale potentielle, s’est considérablement renforcée ces dernières années au niveau impérialiste et que la Russie, tout en ne pouvant pas retrouver la puissance qui était la sienne du temps de l’URSS, n’en reste pas moins une puissance impérialiste non négligeable. Les Etats-Unis sont donc contraints de continuer de faire vivre l’Otan car c’est dans cette organisation qu’ils peuvent continuer à faire pression, notamment, sur les pays européens afin de les entraîner avec eux dans la guerre comme actuellement en Afghanistan.
Et pourtant, preuve de l’affaiblissement de leur leadership impérialiste, même le contrôle qu’ils effectuent sur cette organisation, créée pour eux et par eux (le “machin” américain comme l’appelait de Gaulle), est en train de s’affaiblir irrémédiablement ; de plus en plus, chaque puissance tente d’exploiter l’Otan à ses propres fin quitte à aller à l’encontre des intérêts américains. L’exemple le plus spectaculairement dramatique dans ce domaine, avant la guerre actuelle en Afghanistan, a été en 1999 l’intervention militaire de l’Otan dans les Balkans permettant ainsi à des pays comme les Etats-Unis, la France, l’Allemagne ou l’Angleterre d’y envoyer ces forces militaires pour y défendre chacun leur propre intérêt impérialiste.
Chacun de ces pays, y compris la puissance américaine, est allé ainsi s’enfoncer dans le bourbier des Balkans, sans aucune capacité réelle de stabilisation ou de reconstruction de cette région. Cette guerre, comme celle actuellement en Afghanistan, concrétise encore l’affaiblissement de l’Otan et du leadership américain. C’est ce processus qui s’est encore étalé au grand jour dans le sommet qui vient de se tenir par la difficulté de nommer le très pro-américain Ramussen, ancien président danois, en tant que secrétaire de l’Otan face à l’opposition de la Turquie. Cette dynamique générale ne peut que s’accélérer et s’approfondir dans l’avenir, conduisant cette organisation à devenir de plus en plus le théâtre de l’affrontement de tous les grands requins impérialistes et de la montée de la contestation de la domination impérialiste américaine.
Tino (23 avril)
“La bourgeoisie sait que la crise va s’approfondir, que le chômage va exploser et que cela ne va pas durer des mois mais des années. En conséquence, avec le temps, la faillite du système apparaîtra chaque jour davantage. Ceci non seulement renforcera la conscience de classe, mais minera aussi les soutiens de la bourgeoisie. (...) L’efficacité du dispositif répressif du maintien de l’ordre ne peut donc que diminuer alors que, dans le même temps, la classe ouvrière va se renforcer. C’est ce qui explique fondamentalement que la bourgeoisie souhaite l’affronter avant qu’elle ne soit trop affaiblie politiquement et matériellement. Il est donc vital pour elle d’enrayer ce processus de prise de conscience. (...) C’est pourquoi nous voyons monter systématiquement les provocations en fin de manifestations, les interpellations, les gardes à vue, les délits pour outrage etc. Elle essaie d’exaspérer toute la population et pas seulement les ouvriers, les employés. Elle veut que se déroulent des mouvements violents mais isolés. Au contraire, elle ne veut pas se trouver avec des mouvements sociaux qui s’exprimeraient dans un contexte de forte solidarité et de compréhension même imparfaite de la faillite du système capitaliste. (...) Ainsi à Strasbourg, c’est volontairement que la police française a encerclé les fameux casseurs des “blacks blocks” dans un quartier populaire où ils ont fait des dégâts conséquents. Les CRS auraient pu intervenir, mais ils ne l’ont pas fait. Pourquoi ? Pour préparer le terrain politique à la prise de mesures de répression en vue d’une situation sociale tendue, il faut rendre impopulaires les manifestations “violentes” et placer la population dans l’attente de l’intervention des policiers. Voilà pourquoi on a choisi un quartier ouvrier, pourquoi on a laissé les vandales agir sans intervenir, sans faire aucune interpellation. Il faut que ce soit les ouvriers eux-mêmes qui appellent à plus de répression. Cela il faut le dénoncer car ce ne sont pas les casseurs qui intéressent la bourgeoisie, ils sont sous son contrôle, totalement manipulés. Ce qu’ils font empêche la prise de conscience du côté totalitaire de l’État bourgeois.”
Nous tenons d’abord à saluer la préoccupation que le camarade exprime. Nous voyons, en effet, se développer ces dernières années de plus en plus d’épisodes de violence en marge des manifestations. Ce fut par exemple le cas en France dans les luttes contre le CPE au printemps 2006 et dans les manifestations des lycéens et étudiants en 2007. Ces derniers mois surtout, à travers l’Europe, les provocations policières se sont multipliées et la répression s’est durcie, comme à Lyon, à Barcelone, mais aussi évidemment en Grèce et en Italie1.
Pour le camarade “la bourgeoisie souhaite affronter” la classe ouvrière. En réalité, la répression brutale et systématique de toute lutte ouvrière ne semble pas encore à l’ordre du jour. Depuis 2003, le prolétariat a retrouvé le chemin de son combat. Les grèves se multiplient à travers le monde. La bourgeoisie le sait et fait tout pour éviter tout mouvement massif. Or, justement, une bavure policière peut être le genre d’événement qui suscite l’indignation généralisée et la solidarité, en particulier s’il s’agit d’un jeune. Il faut se souvenir à quel point Sarkozy avait peur de la “bavure” en 2005, lors des émeutes de banlieues ou en 2006 pendant le mouvement des étudiants.
Mais alors pourquoi ces “provocations en fin de manifestations, [ces] interpellations, [ces] gardes à vue, [ces] délits pour outrage etc.”, sont-ils effectivement systématiques ? Et surtout, pourquoi ce sont justement les jeunes qui en sont la cible privilégiée ?
Partout, la jeunesse subit de plein fouet la crise économique. Or, une grande partie d’entre elle refuse les sacrifices qui lui sont demandés et l’avenir sombre qui lui est promis. En France, depuis les premières manifestations lycéennes de février 2005, il ne se passe pas une année sans qu’il n’y ait un mouvement de la jeunesse. C’est toute une génération qui s’éduque ainsi à la lutte, qui apprend à s’organiser, à débattre dans des assemblées générales… La bourgeoisie sait que cette génération représente un véritable danger pour elle, que cette jeunesse peut être un élément moteur dans le développement de la lutte de classe à venir. C’est pourquoi elle lui consacre toute son “attention” : la bourgeoisie essaye de pourrir la réflexion de cette jeunesse combative par, entre autres, la répression policière et l’exacerbation de la violence.
En effet, elle exploite au maximum un défaut de la jeunesse que l’accélération de la crise vient amplifier : l’immédiatisme. Les jeunes sont souvent séduits par l’apparente radicalité, par l’affrontement aux symboles de la puissance bourgeoise que sont les forces de l’ordre. En utilisant les casseurs, forme extrême de cette fausse radicalité, la bourgeoisie cherche tout simplement à décourager cette génération de tout combat politique. Elle cogne là où l’expérience manque encore, là où la fraîcheur de la rébellion s’accompagne parfois d’une relative immaturité politique, en justifiant cette répression par la violence des casseurs (alors qu’elle participe souvent à la provoquer, quand elle n’y envoie tout simplement pas des flics déguisés en incendiaires ou en briseurs de vitres).
De plus, en stigmatisant la jeunesse comme une génération d’émeutiers, la bourgeoisie contribue à diviser la classe ouvrière entre ceux qui veulent lutter efficacement et intelligemment, et ceux qui apparaissent dès lors comme des destructeurs de cette démarche. En gonflant médiatiquement chaque épisode de violence (en réalité très minoritaire et à la marge des mouvements de ces dernières années malgré toutes les provocations), elle contribue à décourager les luttes et à instiller la peur au sein de la classe. Ici, notre lecteur a parfaitement raison : “Cela il faut le dénoncer car ce ne sont pas les casseurs qui intéressent la bourgeoisie, ils sont sous son contrôle, totalement manipulés. Ce qu’ils font empêche la prise de conscience du côté totalitaire de l’État bourgeois.”
Les événements de Strasbourg, lors du sommet de l’OTAN, sont une caricature de cette instrumentalisation par la bourgeoisie, contre l’ensemble de la classe ouvrière, d’une minorité de la jeunesse qui veut détruire le capitalisme “tout de suite” et en “découdre” avec les forces de l’ordre.
A Strasbourg, nous étions en présence d’une manifestation pacifiste, rassemblant une population globalement jeune, aux profils politiques hétéroclites, naviguant de l’altermondialisme à l’anarchisme, en passant par le pacifisme. Il s’agissait de lutter contre un symbole de la domination capitaliste : l’OTAN. La manifestation prévue était préparée et encadrée par un collectif fortement marqué par le NPA et l’anarchisme. Bien que les témoignages ne soient pas tous concordants, ce qui doit nous conduire à une certaine prudence, il semblerait que l’imposant dispositif policier franco-allemand mis en place ait tout fait pour empêcher la manifestation de se dérouler normalement et dans le calme. Le lieu prévu, isolé et excentré (la zone portuaire), les ambiguïtés étonnantes sur le sens du parcours, les chicanes construites avec les cars de CRS, le blocage de certains manifestants, ont contribué à provoquer la colère. Par ailleurs, les forces de l’ordre ne sont pas intervenues quand les “black-blocks” (2) se sont mis à casser et même à brûler des bâtiments alors que le reste des manifestants était encerclés par les tirs de flash-balls, de bombes lacrymogènes et assourdissantes, et par le vol au ras des hélicoptères de la police.
Il est clair que la bourgeoisie a pu exploiter cette pagaille contre son ennemi de classe. Face aux manifestants, en exploitants la réputation violente des “black-blocks”, elle a pu déchaîner un certain niveau de violence sans pour autant générer une dynamique de solidarité dans la classe. Et en exploitant médiatiquement ce genre de scènes, elle a voulu décourager les ouvriers en général et les jeunes en particulier à se mobiliser. Enfin et surtout, c’est effectivement “volontairement que la police française a encerclé les fameux casseurs des “black blocks” dans un quartier populaire où ils ont fait des dégâts conséquents” pour, comme le souligne notre lecteur, créer ainsi une situation dans laquelle les ouvriers ont été réduits à demander le secours de la police et à en réclamer la protection.
La violence ultra-minoritaire, surtout quand ce sont les ouvriers eux-mêmes qui en sont les premières victimes, comme à Strasbourg, est toujours un jouet entre les mains de la bourgeoisie. Elle divise notre classe, pourrit la réflexion et pousse les ouvriers à se réfugier derrière l’Etat “protecteur et garant de l’ordre”.
C’est dans ce piège que la classe dominante tente de faire tomber la jeunesse qui lutte et réfléchit, en la provoquant. En 2006, les étudiants avaient su majoritairement éviter ce piège en refusant les affrontements stériles et en recherchant toujours en premier lieu l’extension de la lutte et la solidarité des travailleurs.
Ceux qui sont indignés par la barbarie de ce monde doivent toujours garder en tête qu’“être radical, c’est prendre les choses à la racine” (3), c’est-à-dire détruire ce système d’exploitation. Et cela, ce n’est pas à une petite minorité de l’accomplir, aussi décidée soit-elle, mais à TOUTE la classe ouvrière !
GD (22 avril).
1)
Notre
presse traite de ces différents moments de lutte. Consulter notre
site.
2) Il s’agit de bandes influencées par l’anarchisme qui profitent des mobilisations, altermondialistes en général, pour mener une action violente, plus ou moins symbolique, mais toujours inutilement destructrice. Leur nom provient de leur tenue vestimentaire, noire de la tête aux pieds.
3) Marx, Contribution à la critique de la Philosophie du droit de Hegel, 1843.
Nous publions ci-dessous le courrier d’un lecteur qui décrit le déroulement, depuis plusieurs mois, de la lutte dans les universités de Caen et notre très brève réponse.
En
dépit de ce qui semble désormais compter parmi nos défaites,
nonobstant les éternelles agitations de quelques jusqu’au-boutistes
et des inutiles négociations syndicales, le mouvement débuté
autour de l’université de Caen en réaction au projet de réforme
de l’enseignement supérieur est riche d’expériences à méditer.
C’est d’abord une volonté d’agir de manière efficace qui
s’est exprimée dès le début de la mobilisation. Outre le nombre
important de manifestants dans les rues, tirant sans doute les leçons
de la lutte contre le CPE, l’assemblée générale de l’université,
où se réunissaient les enseignants, le personnel d’entretien et
les étudiants, s’est immédiatement prononcée en faveur de
l’ouverture de ses portes à tous, malgré la vive opposition des
syndicats d’étudiants. C’est dans cet esprit d’unité et
d’extension, que beaucoup ont participé, le 29 janvier, à la
journée de manifestation-balade interprofessionnelle organisée par
les centrales syndicales nationales. Le soir, une assemblée
regroupant officiellement l’ensemble des travailleurs en lutte de
l’éducation se tenait dans les locaux de l’université. Cet
événement devait finalement marquer l’apogée du mouvement à
Caen et les prémices de son essoufflement.
Alors que les
mandarins du syndicalisme local comptaient redorer leur triste blason
après l’échec de leur précédente campagne, lors de la lutte
contre la loi LRU et la grève des cheminots, leur petit jeu
d’auto-congratulation devait rapidement prendre fin. Les délégués
syndicaux, en rangs d’oignons à la tribune, s’échangeaient la
parole en se félicitant pour leur “immense victoire”, le tout
saupoudré d’interminables exposés où chaque catégorie
demandait, au nom de la “solidarité”, la prise en compte de son
problème particulier. Comme le panégyrique corporatiste
s’éternisait, de nombreuses interventions sauvages ont obligé un
syndicaliste à révéler la date de la prochaine “journée
d’action interprofessionnelle” : le 19 mars ! Un déluge
d’interventions particulièrement hostiles s’est alors abattu sur
la tribune déconfite, alimenté également par les étudiants et les
quelques ouvriers du secteur privé, parfois à la retraite, qui
s’étaient, malgré tout, invités à la fête.
Dans ce
contexte, face au risque de débordement, le travail de division des
syndicats s’est malheureusement accéléré, pour finalement
atteindre un degré d’absurdité rarement égalé. Quelques jours
ont suffit pour qu’une myriade d’assemblées générales se
constitue, séparant les enseignants, le personnel d’entretien et
les étudiants, jusque-là unis dans une même assemblée. Chaque UFR
organisait sa petite assemblée, souvent le même jour que d’autres.
La triste “assemblée générale des étudiants en art du
spectacle” aurait pu, à elle seule, incarner le ridicule de la
situation, si la véritable assemblée générale n’avait pas été
rebaptisée pour l’occasion : “assemblée générale
générale” dans laquelle, pour faire bonne mesure, certains
individus des AG d’UFR dénonçaient l’inactivité des
professeurs de latin ou le “bougisme” des étudiants en
biologie.
Démoralisés et dégoûtés par ce spectacle
consternant, ne sachant plus qui décide quoi, beaucoup d’étudiants
et de travailleurs ont cessé de participer au mouvement. Les
assemblées se vidaient à vu d’œil, tout comme les rues, les
jours de manifestation. D’autres, sous l’impulsion des syndicats
ou des partis gauchistes, sont tombés dans le piège des croisades
perdues d’avance, avec leurs cortèges d’assauts du périphérique
à trente personnes, du parvis de la mairie, de la préfecture ou
autres institutions bourgeoises, le tout agrémenté d’assemblées
générales sauvages de douze individus pour statuer sur des
questions grotesques, ou de bagarres pour savoir s’il est légitime
de retirer la batterie des téléphones afin d’éviter “les
espions et les écoutes” lors des réunions d’une commission...
dans la salle principale d’un bar très fréquenté.
Parce qu’un
sabotage de lutte n’est complet qu’en compagnie d’un
authentique sabordage des débats, parce que les multiples prises de
parole des militants du PCF ou de l’UNEF, rabâchant
systématiquement les mêmes slogans, ne suffisaient plus à éclipser
les interventions visant à élargir la discussion au-delà du
corporatisme, les syndicats d’étudiants ont brandi, alors que la
lutte finissait dans l’ensemble des universités, l’arme ultime
pour évacuer les discussions sur les leçons à tirer : le
blocage. Si la paralysie d’une université peut auréoler le sommet
d’une mobilisation et favoriser les rencontres, elle devient un
véritable poison lorsque les “pro-blocages” sont trop peu
nombreux et illégitimes car, dans de telles circonstances, les
questions qu’impliquent une telle action sont particulièrement
sensibles, divisent et cristallisent l’attention de tous, au
détriment d’objectifs plus fondamentaux.
Néanmoins, malgré
l’activité néfaste des syndicats, des signes très prometteurs de
ré-appropriation des armes du prolétariat se sont manifestés dans
les rangs étudiants. Par exemple, quelques AG d’UFR, refusant la
division, ont fini par se dissoudre en rappelant la souveraineté de
l’assemblée générale et le besoin d’unité. De même, les
étudiants ont plusieurs fois tenté de rencontrer les ouvriers en
grève de l’usine Valéo victime de chômage partiel… en vain,
malheureusement, dans la mesure où les contacts se sont limités à
une délégation syndicale qui, finalement, s’est interposée entre
les étudiants et les ouvriers. Un groupe de discussion, fondé en
réaction au contexte bougiste et corporatiste de l’assemblée
générale, a mis en avant la nécessité d’appuyer l’action sur
une rigoureuse réflexion et sur la clarification des enjeux plus
généraux dans lesquels s’inscrivent les réformes de
l’enseignement supérieur. Traduisant une réelle volonté
d’échapper aux assemblées-kermesses, les réunions de ce cercle
ont rassemblé un nombre relativement important d’étudiants,
compte tenu de la modeste diffusion du tract d’invitation. Ainsi,
le travail de sape des syndicats n’a pas réussi à noyer
complètement les travailleurs et les étudiants dans le corporatisme
et la division. Beaucoup d’entre nous ont essayé de fuir les
manœuvres d’émiettement. Si ces actions furent minoritaires,
seule la multiplication des luttes est en mesure de développer ces
réflexes embryonnaires en arme de la classe ouvrière.V.
Nous tenons tout d’abord à saluer ce courrier. Ce témoignage apporte non seulement des éléments concrets sur le déroulement de la lutte dans les universités de Caen mais aussi et surtout des éléments de réflexion valables pour la lutte de classe en général, à Caen, en France comme partout dans le monde. Le camarade met en effet très bien en lumière :
• La nécessité pour toute lutte ouvrière de s’ouvrir aux autres secteurs (aux autres universités, aux entreprises voisines, aux retraités, aux chômeurs…), de s’étendre, de développer un sentiment de solidarité pour se serrer les coudes dans le combat…
• Le rôle des assemblées générales, véritables poumons de la lutte quand elles sont ouvertes et souveraines. Les AG peuvent et doivent permettre aux grévistes de prendre en main leur lutte, de décider eux-mêmes des revendications et des moyens d’action à la suite de discussions vraiment collectives.
• Le rôle réel des syndicats. Il est ici très clair que les syndicats ont tout fait pour étouffer la lutte, diviser, pousser aux actions stériles et, surtout, déposséder les grévistes de LEUR lutte en noyautant les AG. Depuis plusieurs mois maintenant, partout en France, les syndicats étudiants et enseignants sont effectivement à la manœuvre pour épuiser ce secteur très combatif en lui faisant mener un très long mouvement tout en l’isolant du reste de la classe !
• Enfin, la conclusion du camarade nous semble des plus intéressantes. En effet, face au noyautage syndical de la lutte, un petit groupe sur Caen, dont notre lecteur fait partie, semble avoir su éviter le piège des actions “coup de poing”, minoritaires et stériles et a préféré se réunir pour discuter, réfléchir collectivement.
Ce type de cercle de discussion est un élément très important pour le développement de la conscience de classe. Récemment d’ailleurs, un autre cercle de discussion s’est créé à Toulouse (1).
Au cours de chaque lutte, des liens se créent au fil des manifestations, des discussions dans les AG… Il y a alors souvent une certaine effervescence de la réflexion sur les questions “comment lutter ?”, “de quoi l’avenir sera-t-il fait ?”… Mais quand la lutte s’éteint, le plus souvent, l’atomisation reprend le dessus. Chaque gréviste, manifestant, repart dans son coin, seul face à ses questions. Les cercles de discussion sont justement un moyen d’éviter ce repli et de poursuivre les débats. Constitués d’un noyau dur d’éléments, ils doivent être ouverts à toutes personnes sincèrement intéressées par la réflexion. Et, comme cela semble être le cas avec ce cercle de discussion de Caen, les questions abordées ne doivent pas porter seulement sur les leçons à tirer de la lutte qui vient de se mener (même si c’est souvent la première question posée et qu’elle est très importante afin de préparer les luttes futures), mais aussi traiter des sujets plus larges sur le système d’exploitation, d’ordre théorique, historique… selon les préoccupations des participants.
Nous saluons donc vivement cette initiative et la naissance de ce nouveau cercle.
Isabelle (23 avril)
1) Lire notre article “Salut au “Comité Communiste de Réflexion” de Toulouse [1115] ”.
Dans le milieu anarchiste actuel, en France et en Russie notamment, des débats se développent entre deux conceptions opposées où une certaine frange cherche à se démarquer de l’approche nationaliste contenue dans la défense du régionalisme, de “l’ethno-identité” et des luttes de libération nationale, questions qui sont le plus souvent des caractéristiques et des faiblesses de l’ensemble de ce milieu. Tout particulièrement, Le cours catastrophique de la société capitaliste pousse nécessairement tous ceux qui désirent ardemment la révolution sociale à examiner sérieusement la question des perspectives pour le prolétariat. Celles-ci s’ouvrent en terme de développement de la lutte de la classe ouvrière mais aussi, parce que c’est une donnée de plus en plus lourde et destructrice de la situation dans laquelle le capitalisme décadent évolue, en terme de nécessité de faire face au développement de la guerre impérialiste qui fait rage quasiment sur tous les continents.
Pour le prolétariat, face aux guerres impérialistes, l’attitude qui est la seule conforme à ses intérêts est celle qui consiste en premier lieu à rejeter toute participation à l’un ou l’autre des camps en présence et ensuite à dénoncer toutes les forces bourgeoises qui appellent les prolétaires, sous quelque prétexte que ce soit, à donner leur vie pour un de ces camps capitalistes. Dans ce contexte de la guerre impérialiste, la classe ouvrière doit mettre en avant la seule perspective possible : le développement de sa lutte la plus consciente et la plus intransigeante en vue du renversement du capitalisme. En ce sens, la question de l’internationalisme est et constitue le critère décisif de l’appartenance d’une organisation ou d’un courant, etc., au camp du prolétariat.
Il se fonde sur les conditions universelles qui lui sont imposées par le capitalisme au niveau mondial c’est-à-dire l’exploitation la pire possible de sa force de travail, dans tous les pays et sur tous les continents. Et c’est au nom de cet internationalisme qu’est née, du mouvement ouvrier lui-même, la Première Internationale. L’internationalisme a pour point de référence que les conditions de l’émancipation du prolétariat sont internationales : par-delà les frontières et les fronts militaires, les “races” et les cultures, le prolétariat trouve son unité dans la lutte commune contre ses conditions d’exploitation et dans la communauté d’intérêt pour l’abolition du salariat et pour le communisme. C’est ce qui fonde sa nature de classe
Pour l’anarchisme, l’internationalisme, fait plus partie de ces “principes” abstraits dans lesquels il recueille son inspiration générale et éternelle, comme l’anti-autoritarisme, la liberté, le rejet de tout pouvoir, l’anti-étatisme, etc., plutôt que d’une conception claire et établie que cet internationalisme constitue une frontière de classe inaltérable qui délimite le camp du capital et du prolétariat. Cette difficulté intrinsèque de méthode a fait que l’histoire de l’anarchisme a été traversée par des oscillations permanentes, tout particulièrement face à la question de la guerre, entre des prises de positions internationalistes décisives et des positions pacifistes humanistes stériles ou carrément ouvertement bellicistes.
Dans cette série d’articles, nous examinerons comment, à l’époque où est posé à l’humanité l’alternative “socialisme ou destruction de l’humanité’, l’anarchisme a pris position face au test décisif de la confrontation à la guerre impérialiste au cours de l’enfoncement du capitalisme dans sa barbarie autodestructrice de sa décadence, notamment dans le paroxysme des guerres mondiales.
La trahison de l’internationalisme par la social-démocratie et l’anarchisme en 1914
L’éclatement de la Première Guerre mondiale voit l’effondrement honteux de l’Internationale Socialiste, dont la grande majorité de ses partis se soumet au capital, déclare l’Union sacrée avec chaque bourgeoisie nationale respective et pourvoit à la mobilisation du prolétariat dans la guerre impérialiste. De même, les principales composantes du mouvement anarchiste se muent en va-t’en-guerre pour le profit de l’Etat bourgeois. Kropotkine, Tcherkesoff et Jean Grave se font les défenseurs les plus acharnés de la France : “Ne laissez pas ces atroces conquérants de nouveau écraser la civilisation latine et le peuple français… Ne les laissez pas imposer à l’Europe un siècle de militarisme” (1).
C’est au nom de la défense de la démocratie contre le militarisme prussien qu’ils soutiennent l’Union sacrée : “L’agression allemande était une menace – mise à exécution – non seulement contre nos espoirs d’émancipation mais contre toute l’évolution humaine. C’est pourquoi nous, anarchistes, nous, antimilitaristes, nous ennemis de la guerre, nous partisans passionnés de la paix et de la fraternité entre les peuples, nous nous sommes rangés du côté de la résistance et nous n’avons pas cru devoir séparer notre sort de celui du reste de la population” (2). En France, la CGT anarcho-syndicaliste jette aux orties ses propres résolutions qui lui fixaient le devoir, en cas de guerre, de faire triompher la grève générale, et se transforme en pourvoyeur hystérique de chair à canon pour la boucherie impérialiste : “contre le droit du poing, contre le militarisme germanique, il faut sauver la tradition démocratique et révolutionnaire de la France.” “Partez sans regret, camarades ouvriers qu’on appelle aux frontières pour défendre la terre française” (3). En Italie, des groupes anarchistes et anarcho-syndicalistes lancent des “fasci’ “contre la barbarie, le militarisme allemand et la perfide Autriche catholique et romaine”.
Pourtant, cette convergence de la majorité de la social-démocratie et de l’anarchisme en faveur du soutien à la guerre impérialiste et de l’Etat bourgeois relève de dynamiques fondamentalement différentes.
La position de la Social-démocratie en 1914 face à la guerre constitue une trahison du marxisme, la théorie du prolétariat international et révolutionnaire et de son principe fondamental que les prolétaires n’ont pas de patrie. Par contre, le ralliement à la guerre impérialiste et à la bourgeoisie de la plupart des dirigeants anarchistes internationaux lors de la Première Guerre mondiale ne constitue pas un faux pas mais l’aboutissement logique de leur anarchisme, conformément à leurs positions politiques essentielles.
Ainsi, en 1914, c’est au nom de l’antiautoritarisme, parce qu’il est inadmissible “qu’un pays soit violenté par un autre” (4) que Kropotkine justifie sa position chauvine en faveur de la France. En fondant leur internationalisme sur “l’autodétermination” et “le droit absolu à tout individu, toute association, toute commune, toute province, toute région, toute nation de disposer d’eux mêmes, de s’associer ou de ne point s’associer, de s’allier avec qui ils voudront et de rompre leurs alliances” (5) les anarchistes épousent les divisions que le capitalisme impose au prolétariat. Au fond, cette position chauvine prend racine dans le fédéralisme qui se trouve à la base même de toute la conception anarchiste. En admettant la nation comme un “phénomène naturel”, “le droit de toute nation à l’existence et au libre développement”, l’anarchisme, jugeant que le seul danger dans “l’existence des nations c’est leur propension à céder au “nationalisme” instillé par la classe dominante pour séparer les peuples les uns des autres”, est naturellement amené, dans toute guerre impérialiste, à opérer une distinction entre “agresseurs/agressés” ou “oppresseurs/opprimés”, etc., et donc à opter pour la défense du plus faible, du droit bafoué, etc. Cette tentative de baser le refus de la guerre sur autre chose que les positions de classe du prolétariat laisse toute latitude pour justifier le soutien en faveur de l’un ou de l’autre belligérant, c’est-à-dire, concrètement, à choisir un camp impérialiste contre un autre.
La fidélité aux principes internationalistes affermie par le mouvement de Zimmerwald et le développement de la lutte des classes
Pourtant, certains anarchistes parviennent à affirmer une position réellement internationaliste. Une minorité de 35 militants libertaires (dont A. Berkman, E. Goldmann, E. Malatesta, D. Nieuwenhuis) publie un Manifeste contre la guerre (février 1915). “Aussi est-il naïf et puéril, après avoir multiplié les causes et les occasions de conflits, de chercher à établir les responsabilités de tel ou tel gouvernement. Il n’y a pas de distinction possible entre les guerres offensives et les guerres défensives. (…) Aucun des belligérants n’a le droit de se réclamer de la civilisation, comme aucun n’a le droit de se déclarer en état de légitime défense. (…) Quelle que soit la forme qu’il revête, l’Etat n’est que l’oppression organisée au profit d’une minorité de privilégiés. Le conflit actuel illustre cela de façon frappante : toutes les formes de l’Etat se trouvent engagées dans la guerre présente : l’absolutisme avec la Russie, l’absolutisme mitigé de parlementarisme avec l’Allemagne, l’Etat régnant sur des peuples de races bien différentes avec l’Autriche, le régime démocratique constitutionnel avec l’Angleterre, et le régime démocratique républicain avec la France. (…) Le rôle des anarchistes, quels que soient l’endroit ou la situation dans lesquels ils se trouvent, dans la tragédie actuelle, est de continuer à proclamer qu’il n’y a qu’une seule guerre de libération : celle qui, dans tous les pays, est menée par les opprimés contre les oppresseurs, par les exploités contre les exploiteurs” (6). La capacité à se maintenir sur des positions de classe est plus nette parmi les organisations prolétariennes de masse qui, en réaction à l’abandon progressif de toute perspective révolutionnaire par la social-démocratie avant-guerre, s’étaient tournées vers le syndicalisme révolutionnaire. En Espagne, A. Lorenzo, ancien militant de la Première Internationale et fondateur de la CNT, dénonce immédiatement la trahison de la social-démocratie allemande, de la CGT française et des Trade Unions anglais pour “avoir sacrifié leurs idéaux sur l’autel de leurs patries respectives, en niant le caractère fondamentalement international du problème social”. En novembre 1914, un autre Manifeste signé par des groupes anarchistes, des syndicats et des sociétés ouvrières de toute l’Espagne développe les mêmes idées : dénonciation de la guerre, dénonciation des deux gangs rivaux, nécessité d’une paix qui “ne pourra être garantie que par la révolution sociale” (7). La réaction est plus faible parmi les anarcho-syndicalistes plus lourdement handicapés par le poids plus important de l’idéologie anarchiste. Dès la trahison de la CGT, une minorité opposée à la guerre se rassemble dans le petit groupe de la Vie ouvrière de Monatte et Rosmer (8).
Ecartelée, la nébuleuse anarchiste se scinde entre anarcho-patriotes et internationalistes. Après 1915, la reprise des luttes par le prolétariat et le retentissement du mot d’ordre de transformation de la guerre impérialiste en guerre civile, lancé par les conférences des socialistes opposés à la guerre à Zimmerwald et Kienthal, va permettre aux anarchistes d’ancrer leur opposition à la guerre dans la lutte des classes.
En Hongrie après 1914, ce sont des militants anarchistes qui prennent la tête du mouvement contre la guerre impérialiste. Parmi eux, Ilona Duczynska et Tivadar Lukacs introduisent et font connaître en Hongrie le Manifeste de Zimmerwald. Sous l’impulsion de la conférence internationaliste, le Cercle Galilée, fondé en 1908, et composé d’un mélange d’anarchistes, de socialistes exclus de la social-démocratie, de pacifistes, par un phénomène de décantation, se radicalise. Il passe de l’antimilitarisme et de l’anticléricalisme au socialisme, d’une activité de cercle de discussion à une activité de propagande plus déterminée contre la guerre et d’intervention active dans les luttes ouvrières en pleine fermentation. Ses tracts défaitistes sont signés “Groupe des socialistes hongrois affiliés à Zimmerwald”.
En Espagne, la lutte contre la guerre liée au soutien enthousiaste aux luttes revendicatives qui se multiplient depuis fin 1915 forme l’activité centrale de la CNT. Elle manifeste une claire volonté de discussion et une grande ouverture face aux positions des Conférences de Zimmerwald et de Kienthal qui sont saluées avec enthousiasme. Elle discute et collabore avec les groupes socialistes minoritaires qui, en Espagne, s’opposent à la guerre. Il y a un grand effort de réflexion pour comprendre les causes de la guerre et les moyens de lutter contre celle-ci. Elle soutient les positions de la Gauche de Zimmerwald et signale vouloir avec “tous les travailleurs, que la fin de la guerre soit imposée par le soulèvement du prolétariat des pays en guerre” (9).
Octobre 1917, fanal de la Révolution
L’éclatement de la Révolution en Russie soulève un énorme enthousiasme. Le mouvement révolutionnaire de la classe ouvrière et l’insurrection victorieuse d’Octobre 1917 entraînent les courants prolétariens de l’anarchisme à se placer explicitement dans leur sillage. L’apport le plus fructueux des anarchistes au processus révolutionnaire s’est concrétisé par leur collaboration avec les bolcheviks. Internationalement, la proximité politique et la convergence de vues des milieux anarchistes internationalistes avec le communisme et les bolcheviks se renforcent encore.
Au sein de la CNT, Octobre est vu comme un véritable triomphe du prolétariat. Tierra y Libertad considère que “les idées anarchistes ont triomphé” (10) et que le régime bolchevique est “guidé par l’esprit anarchiste du maximalisme” (11). Solidaridad obrera affirme que “les Russes nous montrent le chemin à suivre.” Le Manifeste de la CNT lance : “Regardons la Russie, regardons l’Allemagne. Imitons ces champions de la Révolution prolétarienne.”
Parmi les militants anarchistes hongrois, Octobre 1917 détermine une action contre la guerre encore plus nettement orientée vers la révolution. Afin de soutenir le mouvement prolétarien en pleine ébullition, est fondée en octobre 1918 à partir du Cercle Galilée l’Union socialiste révolutionnaire, essentiellement composée de libertaires, qui regroupe des courants se revendiquant aussi bien du marxisme que de l’anarchisme.
Dans cette phase, la trajectoire de Tibor Szamuely est exemplaire de leur contribution à la révolution d’une bonne partie du milieu anarchiste la plus attachée à la cause du prolétariat. Szamuely s’est, sa vie durant, constamment déclaré anarchiste. Mobilisé sur le front russe, prisonnier en 1915, il entre en relation avec les bolcheviks après février 1917. Il contribue à organiser un groupe communiste des prolétaires prisonniers de guerre et participe durant l’été 1918 aux combats de l’Armée rouge contre les blancs dans l’Oural.
Face au développement d’une situation pré-révolutionnaire, il revient en Hongrie en novembre 1918 et se fait l’ardent défenseur de la création d’un parti communiste apte à donner une direction à l’action des masses et regroupant l’ensemble des éléments révolutionnaires. La reconnaissance des besoins impérieux de la lutte des classes et de la révolution amène les militants anarchistes à surmonter leur aversion de toute organisation politique et leur préjugé concernant l’exercice du pouvoir politique par le prolétariat. Le Congrès constitutif du Parti communiste a lieu fin novembre 1918 et les anarchistes, parmi lesquels O. Korvin, K. Krausz, éditeur du quotidien anarchiste Tarsadalmi Forrdalom y participent. Le Congrès adopte un programme défendant la dictature du prolétariat.
Le PCH “dès l’origine s’emploiera à mettre en place le pouvoir des Conseils” (12). Dans le mouvement révolutionnaire, à partir de mars 1919 Szamuely occupe de nombreuses responsabilités dont celle de Commissaire aux affaires militaires qui organise la lutte contre les activités contre-révolutionnaires. Des anarchistes, anciens mutins de Cattaro (février 1918), forment sous la direction de Cserny, au sein de l’Armée rouge, sa brigade de choc. Celle-ci va s’illustrer dans la défense de Budapest pour mettre en échec le coup de main franco-serbe contre la capitale et dans le soutien apporté à l’éphémère République des Conseils de Slovaquie en mai 1919. C’est en raison de leur ferme engagement pour la révolution prolétarienne qu’on les surnomme les “gars de Lénine”.
En Russie, lors de l’offensive blanche contre Pétrograd (octobre 1919), les anarchistes témoignent de leur loyauté envers la révolution en dépit de leurs désaccords avec les bolcheviks. “La Fédération anarchiste de Pétrograd, pauvre en militants pour avoir donné le meilleur de ses forces aux multiples fronts et au Parti communiste bolcheviks, s’est trouvée en ces heures graves (…) tout entière à côté du Parti” (13).
La remise en cause des dogmes de l’anarchisme
L’expérience de la guerre mondiale puis de la révolution imposait à tous les révolutionnaires une révision complète des idées et des modes d’action de l’avant-guerre. Mais cette adaptation ne s’imposait pas dans les mêmes termes pour tous. Face à la guerre mondiale, la gauche de la Social-démocratie, les communistes (bolcheviks et spartakistes en tête), a maintenu un internationalisme intransigeant. Elle a été ainsi en mesure de jouer un rôle décisif pour développer et incarner la volonté des masses ouvrières. Leurs militants ont su assumer les tâches de l’heure en se situant fondamentalement dans la continuité de leur programme, et reconnaître que cette guerre inaugurait la phase de décadence du capitalisme impliquant que le but final du mouvement prolétarien, le communisme, le “programme maximum” de la social-démocratie, constituait désormais l’objectif immédiat à atteindre.
Il en allait tout autrement pour les anarchistes. Eux qui ne voient que des “peuples”, il leur a fallu d’abord établir leur rejet de la guerre et leur internationalisme sur autre chose que la rhétorique idéaliste de l’anarchisme et adopter la position de classe du prolétariat afin de rester fidèles à la cause de la révolution sociale. C’est en s’ouvrant aux positions développées par les communistes (à travers les conférences internationalistes contre la guerre) qu’ils sont parvenus à renforcer leur combat contre le capitalisme, et notamment à surmonter l’apolitisme et le refus de toute lutte politique typiques des conceptions inspirées de l’anarchisme. Ainsi au sein de la CNT, la réception du livre de Lénine l’État et la Révolution a-t-elle suscité une étude très attentive concluant que cette brochure “établissait un pont intégrateur entre le marxisme et l’anarchisme”.
En laissant de côté le prisme du mépris pour la politique ou de l’antiautoritarisme, leur capacité d’apprendre de la pratique de la classe ouvrière elle-même dans son opposition à la guerre et dans le processus révolutionnaire en Russie et en Allemagne leur a permis d’adopter une attitude internationaliste conséquente. Dans son Congrès de 1919, la CNT exprime son soutien à la Révolution russe et reconnaît la nécessité de la dictature du prolétariat. Elle souligne l’identité existant entre les principes et les idéaux de la CNT et ceux incarnés par cette révolution, et discute de son adhésion à l’Internationale communiste.
Egalement, en conclusion de sa participation à la République des Conseils de Münich (1919), l’anarchiste allemand E. Mühsam déclare que “les thèses théoriques et pratiques de Lénine sur l’accomplissement de la révolution et des tâches communistes du prolétariat ont donné à notre action une nouvelle base (…) Plus d’obstacles insurmontables à une unification du prolétariat révolutionnaire tout entier. Les anarchistes communistes ont dû, il est vrai, céder sur le point le plus important de désaccord entre les deux grandes tendances du socialisme ; ils ont dû renoncer à l’attitude négative de Bakounine devant la dictature du prolétariat et se rendre sur ce point à l’opinion de Marx. L’unité du prolétariat révolutionnaire est nécessaire et ne doit pas être retardée. La seule organisation capable de la réaliser c’est le Parti communiste allemand” (14).
Au sein du milieu anarchiste de nombreux éléments sincèrement attachés à la révolution sociale sont effectivement voués à rejoindre le combat de la classe ouvrière. L’expérience historique montre que chaque fois qu’ils ont adopté des positions révolutionnaires valables, c’est en se basant sur les positions prolétariennes issues de l’expérience et du mouvement réel de la classe ouvrière et en se rapprochant des communistes pour les faire fructifier et les faire vivre réellement.
Scott
1) Lettre de Kropotkine à J. Grave, 2 septembre 1914.
2) Manifeste des Seize (ainsi dénommé de par le nombre de ses signataires), 28 février 1916.
3) La Bataille syndicaliste, organe de la CGT, en août 1914.
4) Lettre à J. Grave.
5) D. Guérin, l’Anarchisme, Idées Gallimard, p.80.
6) L’internationale anarchiste et la guerre, février 1915.
7) Lire La CNT face à la guerre et à la révolution (1914-19) [1116] Revue Internationale n°129 et notre série sur l’histoire de la CNT dans les numéros 128 [1117] à 133 [1118].
8) Lire L’anarcho-syndicalisme face à un changement d’époque : la CGT jusqu’en 1914 [1119], Revue Internationale n°120.
9) “Sobre la paz dos criterios” (“Deux critères sur la paix”), Solidaridad obrera, juin 1917).
10) 7 novembre 1917.
11) 21 novembre 1917.
12) R. Bardy : 1919, la Commune de Budapest, Ed. La Tête de Feuilles, 1972, p. 60.
13) V. Serge, l’An I de la Révolution russe, Ed. la Découverte, p.509.
14) Lettre de E. Mühsam à l’Internationale communiste (septembre 1919), Bulletin communiste, 22 juillet 1920.
Le déferlement de la crise économique mondiale est aujourd’hui révélateur de l’impasse dans laquelle le système capitaliste enfonce l’humanité. Il est clair que dans tous les pays, la classe dirigeante n’a plus de modèles à proposer. Vingt ans après l’effondrement du modèle stalinien de l’Est et de son contrôle étatique sur la société, fini à son tour le rêve américain, brisé le modèle démocratique et occidental de développement de la richesse et de la prospérité que nous promettait à l’époque le “Nouvel ordre mondial” annoncé par Georges Bush senior en mars 1991. Et les gouvernements sociaux-démocrates n’ont pas seulement mieux fait face à la crise que ceux de droite, axés sur le “libéralisme sauvage”, mais ils ont aussi violemment attaqué les conditions de vie de la classe ouvrière partout dans le monde.
La situation ne va pas s’améliorer, contrairement à ce que prétend la bourgeoisie. Cette société, basée sur le profit et l’exploitation, ne peut même plus assurer l’avenir de ses enfants et des générations futures. La bourgeoisie n’a plus rien à proposer que davantage de misère. Le système ne peut plus être réformé, il doit être détruit de fond en comble par la seule force sociale capable de le remplacer par des rapports sociaux fondés non plus sur le profit et l’exploitation, mais sur la satisfaction et l’épanouissement des besoins humains : la classe ouvrière.
Face à la crise, la lutte de classe
Pour tous les prolétaires se pose aujourd’hui une question brûlante : comment résister aux coups de boutoirs de cette crise économique ? Comment lutter contre les licenciements et la paupérisation ?
Immédiatement et concrètement se pose alors une autre question à tous les ouvriers qui veulent lutter : pouvons-nous continuer à faire confiance aux syndicats et aux types d’actions qu’ils nous proposent ? Vont-ils vraiment dans le sens de la construction d’un rapport de forces favorable à la classe exploitée ?
Ainsi, que faut-il attendre des mobilisations que nous promettent les syndicats ? Rien ! En France, par exemple, après les mobilisations “dans l’unité syndicale” du 29 janvier et du 19 mars, puis celle de leur “Premier Mai unitaire et historique”, l’intersyndicale nationale avait appelé à faire du 26 mai ce qu’ils ont nommé une “journée de mobilisations décentralisées”, “en fonction des réalités locales”, la plupart du temps sans grève ni manifestation… Résultat : sauf des perturbations touchant les usagers de la SNCF ou des RER, ces “initiatives”, sans la moindre publicité de la part des syndicats dans la plupart des entreprises comme dans les autres services publics, sont passées quasiment inaperçues. Et maintenant, ils nous promettent une grande mobilisation d’ampleur le 13 juin… à la veille des vacances d’été ! Où nous conduit ce type de “lutte” ? Nulle part !
La bourgeoisie profite ici des difficultés de la classe ouvrière à lutter, notamment contre le déluge de licenciements qui s’abat dans le secteur privé où se pose d’emblée la question : à quoi sert-il de faire grève quand une usine ferme alors que cela permet au patron de se livrer au chantage de fermer l’usine encore plus tôt et de réduire les ouvriers de l’entreprise au chômage encore plus vite ? C’est d’ailleurs pour cela que les ouvriers n’ont pas d’autre alternative, derrière les syndicats, tant qu’ils restent isolés, site par site, entreprise par entreprise, paquet par paquet, que de se mettre en grève, quitte à perdre de suite leur emploi, pour défendre “leur” propre boîte, et de se résigner souvent, finalement, à arracher des indemnités de licenciements les “moins pires” possible (1). Evidemment, l’effet démoralisant et le sentiment d’impuissance qui en résulte fait le jeu de la bourgeoisie qui a les mains plus libres pour nous attaquer davantage. C’est ainsi que les syndicats ont réussi à saboter, en l’épuisant ou en l’étouffant momentanément, la dynamique de colère qui s’était développée au sein de la classe vers la fin de l’année 2008 et début 2009. D’ailleurs, le journal le Monde, après les manifestations syndicales du 1er mai, ne disait pas autre chose : “Le gouvernement semble en effet estimer que la mobilisation demeure pour l’instant très encadrée et donc contrôlée par les syndicats. Il s’attend à de nouveaux rendez-vous de confrontation en juin mais juge que d’ici l’été, il y a peu de risque de débordements sérieux. Les inquiétudes se portent plutôt sur la rentrée où les ministres redoutent une colère sociale plus vive, au fur et à mesure que les conséquences de la crise se feront plus fortes” (le Monde daté des 3 et 4 mai 2009). Cette inquiétude de la bourgeoisie est réelle et c’est pourquoi, dès maintenant, elle prépare ses nouveaux pièges et ses nouvelles manœuvres idéologiques.
Malgré et contre l’emprise actuelle des syndicats, comme le montre un de nos articles (2), l’avenir est par nécessité au développement, à l’expression grandissante de la solidarité ouvrière et à l’extension de la lutte de classe. Cette extension de la lutte ne pourra être réalisée réellement que si la classe ouvrière prend elle-même ses luttes en mains.
Wim (29 mai)
1) La proposition de Besancenot d’une “Marche nationale des ouvriers licenciés” sur Paris (Molex, Continental, Caterpillar…) pour promouvoir l’agitation en faveur d’une loi “interdisant les licenciements” ne permet nullement d’échapper aux mâchoires du même piège alors que nous savons déjà que les licenciements vont continuer de plus belle demain qu’ils ne concernent pas que les ouvriers licenciés aujourd’hui mais concernent bien toute la classe ouvrière. Le NPA joue ici le même rôle que l’ensemble des syndicats : il agit comme force d’encadrement d’une “catégorie particulière” de prolétaires, les ouvriers licenciés, en isolant ceux-ci du reste de leur classe.
2) Lire “Pourquoi les "contis" ne font-ils pas trembler l'Etat ? [1121]”.
Sur les sites Internet, de nombreux “arguments” farfelus, mythiques et exagérés ont été mis en avant pour expliquer la pandémie de grippe porcine. Ces arguments et hypothèses ne font qu’exprimer la méfiance et le mécontentement de la population à l’égard des explications officielles affirmant qu’il s’agit d’un “risque naturel” lié aux cycles de vie des virus et au hasard…, ce qui, évidemment n’aide en rien à comprendre ce qui est arrivé. Il n’est pas étonnant non plus que l’appareil de gauche du capital et ses syndicats fassent tout pour cacher le vrai problème de fond en recherchant l’origine de l’épidémie dans les actions perverses d’un individu ou d’un pays, et en affirmant que l’épidémie au Mexique a été créée de façon préméditée par les Etats-Unis, ou encore en laissant entendre qu’il s’agit d’un montage publicitaire destiné à masquer les agissements secrets menés par le gouvernement en vue d’accords commerciaux et financiers...
Ce type d’explications, qui peuvent paraître très radicales, ne font que défendre l’idée qu’il pourrait y avoir un capitalisme national “à visage humain” : il suffirait de mettre des limites aux agissements de certains “États prédateurs”, de mettre en place des politiques appropriées ou de se laisser gouverner par des “gens honnêtes” et des “hommes de bonne volonté”...
Mais l’origine de cette épidémie ne réside pas dans un “complot”. C’est le résultat du développement même du capitalisme qui est devenu aujourd’hui un système destructeur.
La recherche effrénée du profit et une concurrence capitaliste de plus en plus exacerbée, ne conduisent qu’à une exploitation de plus en plus asphyxiante où les conditions de travail et de santé des salariés sont sévèrement affectées ; de plus, avec cette course effrénée à la réduction des coûts de production, la classe dominante utilise des méthodes de plus en plus polluantes et nocives. Et cela se passe aussi bien dans le domaine de la production industrielle que dans celui de l’agriculture et de l’élevage, tant dans les pays hautement industrialisés que dans ceux qui le sont peu (même si dans ces derniers la situation est bien plus dramatique).
Par exemple, si l’on examine les conditions d’élevage des animaux de basse-cour et du bétail, on constate une utilisation abusive d’anabolisants et d’antibiotiques (pour accélérer la croissance), un entassement des animaux avec un niveau très élevé de déchets qui sont ensuite jetés sans la moindre prévention, créant ainsi des foyers de haute contamination et de dangerosité. C’est cette forme de production qui a provoqué des pandémies comme celle de la “vache folle” et les différentes variantes de grippes mortelles. Ni le réchauffement de la planète, ni ces épidémies ne sont des “accidents de la nature”. Leur répétition et leur aggravation nous indiquent qu’ils sont le résultat d’un mode de production, celle du capitalisme décadent.
A cela, il faut encore ajouter les attaques contre le système de santé et le manque de prévention qui favorisent la propagation des virus. On le voit bien au Mexique quand on constate le démantèlement incessant de l’ISSSTE, de l’IMSS (1) et de leurs centres de santé qui sont pratiquement les seuls auxquels les travailleurs ont accès. Aucune prévention n’existe par ailleurs, ce qui fait que le danger prend des proportions encore plus grandes. Certains rapports font état, depuis 2006, d’études réalisées par le gouvernement mexicain sur le danger d’une épidémie dans le pays. Avait même été évoqué le fait que le virus connu de la “grippe type A” pouvait infecter des oiseaux de basse-cour et des mammifères, muter et attaquer les humains, en aggravant le problème. Des rapports ont été réalisés, des projets ont été dessinés, mais tout est resté lettre morte, sans recevoir le moindre budget.
L’apparition de cette épidémie de grippe au Mexique a mis encore plus à nu les conditions précaires dans lesquelles vit la classe ouvrière : les niveaux exacerbés d’exploitation et une misère insupportable sont un terrain favorisant le développement des maladies et la mort prématurée.
Le capitalisme propage l’épidémie et les travailleurs en subissent les conséquences
Des informations journalistiques ont révélé que l’on avait connaissance des effets du virus depuis le 16 avril et que le gouvernement a attendu sept jours pour donner l’alerte. Malgré les chiffres confus et maquillés donnés par le ministre de la Santé sur les malades et les morts, on peut aisément faire le compte : les seules victimes de cette épidémie, ce sont les travailleurs et leurs familles. Ce sont les salariés et leurs familles qui ont été mortellement touchés par ce mal. Ce sont eux qui sont obligés de se traîner d’un hôpital à un autre pour essayer d’être pris en charge médicalement dans des couloirs bondés, sans trouver d’antiviraux et en perdant un temps précieux qui aurait pu les sauver. Tandis que les discours officiels présentaient l’épidémie comme une affaire “sous contrôle”, la population ouvrière subissait cruellement le manque de services médicaux, de médicaments et de mesures de prévention. Ce sont aussi les travailleurs de la santé (médecins et infirmières) qui ont dû affronter des journées exténuantes dans des conditions extrêmement difficiles et dangereuses. C’est la raison pour laquelle des médecins internes de l’INER (Institut national des maladies respiratoires.) ont manifesté le 27 avril pour dénoncer cette situation.
La manière dont a été vécue cette épidémie au cours des premières semaines est très significative : le discours de la classe dominante et de son Etat affirmait qu’il s’agissait d’une affaire de “sécurité” exigeant “l’union nationale”.
La campagne de panique : un autre virus contre les travailleurs
Il ne fait aucun doute que la classe dominante, à la mi-avril, a été surprise et paniquée par l’apparition d’un virus mutant contre lequel il n’y a pas de vaccin disponible, ce qui l’a amenée à prendre des décisions précipitées, propageant ainsi la panique au sein de toute la population. Au début, la classe dominante a donc été débordée par la panique, mais assez vite, elle a commencé à utiliser cette même panique contre les travailleurs. Elle a utilisé d’un côté cette campagne comme un moyen pour donner une image d’efficacité et de force protectrice à son gouvernement, en gagnant ainsi de la crédibilité ; d’un autre coté, en propageant la peur, elle a encouragé les attitudes de repli individualiste, en encourageant la population à ne plus sortir, à se calfeutrer chacun confiné dans son logis, elle a créé une atmosphère de suspicion généralisée, où chacun voit chez l’autre un agent possible de contamination, ce qui va à l’encontre de la solidarité qui doit se développer au sein de la classe exploitée. On comprend alors pourquoi le secrétaire d’Etat à la Santé, Córdoba Villalobos, justifie (et par conséquent encourage) les agressions dont des habitants de Mexico (accusés d’être “infectés”) ont été victimes dans d’autres régions du pays. Ce haut fonctionnaire a affirmé que ces agressions ne sont que des expressions naturelles propres à la “condition humaine.”
La bourgeoisie redoute le développement de la solidarité entre les travailleurs et elle a été capable d’utiliser cet événement pour l’entraver, en encourageant le chauvinisme et le localisme. C’est cette même idéologie nationaliste et xénophobe que le capital utilise partout (aussi bien en Chine, en Argentine ou à Cuba) pour justifier les contrôles d’entrée et de sortie des frontières.
La classe au pouvoir, en déclenchant sa campagne de propagation de la peur, cherche à inoculer à la classe ouvrière un sentiment d’impuissance; elle veut lui faire passer le message selon lequel il faut s’en remettre à ce “grand sauveur” qu’est l’Etat.
La seule antidote contre ces campagnes de propagation de la peur, se trouve dans la clarification de la conscience des travailleurs, dans un travail de réflexion qui puisse leur permette, à terme, de comprendre que la seule chose que l’on puisse attendre du capitalisme, c’est toujours plus d’exploitation, de misère, d’épidémies et de morts prématurés.
Aujourd’hui, plus que jamais, il nous faut comprendre que le capitalisme est devenu une catastrophe sociale pour l’humanité et qu’il faut en finir avec ce système décadent.
D’après Revolución mundial, organe de presse du CCI au Mexique
1) Régimes de Sécurité sociale mexicaine, celle des fonctionnaires et celle pour le reste de la population.
Dans cette troisième partie de cette série d’articles consacrés au NPA, nous reviendrons sur un aspect majeur de leur propagande actuelle qui permet d’illustrer et comprendre le rôle et la fonction de ce nouveau parti dans la situation actuelle, notamment auprès des jeunes générations combatives du prolétariat.
Le NPA et la question électorale : une position révolutionnaire ?
Le NPA s’est lancé tardivement dans la campagne électorale sur les élections européennes mais il s’y est engagé à fond : “Le NPA va jeter toutes ses forces dans cette campagne”, déclare tout de go l’éditorial de sa presse hebdomadaire (Tout est à nous ! no 9 (1) daté du 21 mai 2009). En effet, Besancenot désormais durablement investi d’un rôle vedette dans les médias délaisse momentanément sa tournée des boîtes en lutte pour multiplier les interviews dans les télévisions, les radios, sur Internet et sillonner le pays pour venir appuyer dans leurs meetings telle ou telle liste NPA régionale. Il prend soin de présenter chaque fois la présence du NPA sur le terrain des élections européennes comme n’étant pas une priorité, mais comme une “expression politique du mécontentement économique et social”, complémentaire, voire secondaire, mais néanmoins comme une sorte de prolongement naturel de la “lutte anticapitaliste” qu’il prétend mener. Pourquoi cette modestie apparente ? La réponse, c’est que le NPA sait très bien qu’il existe un réel fossé entre les préoccupations quotidiennes des exploités par rapport à la crise (chômage, licenciements, amputation brutale du pouvoir d’achat, des prestations sociales, attaques continues des conditions de vie et de travail,…) et ces élections dont la plupart des prolétaires se désintéressent complètement. D’ailleurs, cette organisation l’évoque elle-même : “Tous les observateurs notent le désintérêt pour ce scrutin traditionnellement peu mobilisateur. Ce qui est en cause, c’est une construction européenne opaque, obsédée par le fric, n’envoyant au peuple que de mauvaises nouvelles, ne protégeant de la crise que les capitalistes” (2). Et pourtant le NPA fait tout pour mobiliser les prolétaires sur ce terrain électoral et les attirer vers les urnes. Nous ne développerons pas ici tous les arguments qui reposent sur l’illusion qu’il est possible de changer la société au moyen du bulletin de vote. Nous renvoyons seulement nos lecteurs sur la brochure récemment publiée par le CCI : les élections : un piège pour la classe ouvrière. Nous voulons simplement souligner un aspect majeur de cette mystification électorale dans laquelle tente d’entraîner précisément le NPA (comme d’ailleurs sa consœur “d’extrême gauche”, Lutte ouvrière). Le NPA nous raconte qu’il “rejette la séparation artificielle qui voudrait que le social se résume à la rue, et la politique aux institutions. La campagne des (élections) européennes se situe dans le prolongement du combat que ses militants mènent au quotidien” (3).C’est parfaitement faux et mensonger ! Cette séparation n’est nullement artificielle mais fondamentale. Dans les urnes, dans la démocratie parlementaire bourgeoise, chaque prolétaire se retrouve atomisé, réduit à un prétendu choix individuel en tant que “citoyen” et à son appartenance à une classe sociale aux intérêts antagoniques à celle qui exerce sa domination sur l’ensemble de la société est complètement niée. C’est seulement sur le terrain social de la lutte de classe contre l’exploitation capitaliste que la classe ouvrière peut collectivement et solidairement s’exprimer en tant que classe dans la défense de ses intérêts communs et donc capable de remettre en question l’hégémonie de la bourgeoisie et de combattre son système d’exploitation. C’est pourquoi tous les partis qui briguent les suffrages des exploités en prétendant défendre leurs intérêts participent d’entretenir cette illusion. Quel est alors le rôle joué par le NPA quand il met en avant “Face à la vie chère et aux licenciements, des millions de jeunes et de prolétaires sont tentés par l’abstention. Ce n’est pas le bon choix. Pour protester utile, il faut protester fort, clair et net. Il faut voter pour les listes du NPA !” ? (4) Sous de faux airs de radicalité, le NPA cherche à entraîner un maximum de prolétaires sur un terrain pourri qui, de plus, par expérience, éveille la méfiance des ouvriers et dont un nombre croissant a tendance à se détourner : la participation au grand cirque électoral.
Quel est le rôle et l’utilité du NPA dans les élections ?
Sur le terrain électoral, le NPA se sait clairement “concurrencé” par les listes du Front de Gauche. Ce “pôle”, cherchant à rassembler autour de l’“antisarkozysme”, est un amalgame politicien hétéroclite purement électoraliste qui va du Parti de Gauche animé par le transfuge du PS Melanchon, aux restes du PCF autour de Marie-George Buffet en passant par… la “minorité du NPA” autour de Christian Picquet qui prône la tactique d’une candidature unitaire. D’ailleurs, la poussée de ce Front de Gauche est directement liée au discrédit du PS, non seulement affaibli par des années d’exercice du pouvoir, mais aussi par le ralliement individuel d’une partie de son appareil à la table du gouvernement Sarkozy, de même que par la “mollesse” de son opposition et par ses combats de chefs. Le NPA se vante, lui, d’avoir son propre créneau. De fait, les déclarations et les propos de Besancenot trahissent sans ambiguïté quel est le véritable objectif du NPA. Dans une interview à I-télé le 11 mai, Besancenot déclarait “notre problème (…), c’est des jeunes souvent des précaires mais aussi des ouvriers, ceux qui sont susceptibles de ne pas aller voter aux élections, parce qu’ils s’en sentent éloignés, pas représentés, parce qu’ils savent aussi que le parlement européen a peu de pouvoirs. Donc, à nous de les convaincre concrètement de donner un débouché politique à tout ce qui s’exprime au niveau social et qui va aussi continuer à s’exprimer au niveau social dans les élections.” Ces jeunes, ces précaires, ces ouvriers tentés de déserter un terrain électoral clairement sans intérêt pour eux, voilà quelle est la cible spécifique du NPA et dont Besancenot se vante publiquement auprès des médias bourgeois de pouvoir ramener vers les urnes : “Dans les milieux où nous avons le plus d’écho, les précaires, les prolos, les jeunes nous disent qu’ils n’ont pas forcément envie de voter. A nous de les convaincre qu’avoir des élus anticapitalistes pendant cinq ans au Parlement européen permettrait de relayer les combats sociaux dans les institutions européennes et de prévenir la population, la jeunesse, des mauvais coups qui se trament. Et on aurait un point d’appui pour construire un parti anticapitaliste européen”. C’est bien parce que son message est : “A nous de convaincre les abstentionnistes !” que le NPA entend démontrer, en faisant feu de tout bois à travers les leurres déployés pour sa propagande (5), qu’il y a un “enjeu politique” dans cette élection et qu’il proclame que ces élections sont un moyen de “donner à la colère sociale une expression politique”. Besancenot l’a d’ailleurs proclamé crûment : “Si concurrence il y a, c’est avec l’abstentionnisme et pas avec d’autres listes de gauche”. Oui, le NPA a son utilité ! Mais pour qui ? Il remplit pleinement aujourd’hui une mission qui est de tenter de combler un dangereux vide politique au profit de la bourgeoisie, c’est celui de rabatteur des abstentionnistes vers les urnes, de ramener les ouvriers en lutte dans le piège idéologique du terrain électoral. Il contribue ainsi à entraver et obscurcir la prise de conscience des exploités qu’il n’existe pas d’autre moyen de sortir la société de l’impasse et de la misère où la plonge le capitalisme que le renversement révolutionnaire de ce système mettant en œuvre les seuls moyens et les seules forces collectives, solidaires et unificatrices dont disposent les prolétaires mobilisés sur leur terrain de classe : le développement, l’extension et la prise en mains de leurs luttes.
W (28 mai)
1) Il faut noter au passage que le nom même de l’organe de presse hebdomadaire du NPA qui est le même de celui de sa revue mensuelle lancée en mai 2009 suggère exactement le contraire de la vision marxiste de la nature révolutionnaire de la classe ouvrière qui s’appuie sur le fait que le prolétariat est une classe totalement dépossédée de ce qu’elle produit dans le capitalisme.
2) Tout est à nous !, du 21 mai 2009.
3) Idem.
4) Id.
5) Comme celle de souligner devant les caméras de France 3 que pour la première fois, il y avait une campagne anticapitaliste simultanément dans une quinzaine de pays européens, avec, comme objectif, de créer un parti anticapitaliste au niveau européen en cherchant à faire gober ce mensonge énorme : la participation électorale deviendrait une “expression de l’internationalisme” des exploités et bien sûr du NPA !
Début mai, les gardiens de prison ont engagé un mouvement de grève pour exiger l’embauche de personnels, devant les conditions aggravées de travail qu’ils connaissent. 4000 des 24 300 surveillants de prison ont donc bloqué 120 des 194 prisons françaises, empêchant les transferts de détenus dans un premier temps puis les visites des parloirs. Au bout d’une semaine de blocage, agrémentée d’interventions musclées de la police, ils n’ont obtenu de leur ministre de tutelle Rachida Dati que des coups de matraque et la promesse d’embauche de 351 gardiens supplémentaires... pour 2010. Les grèves et les manifestations de matons sont de plus en plus récurrentes. Elles expriment le malaise d’une profession de gardiens de l’Etat bourgeois – qui explique, à l’instar de la police, leur corporatisme le plus étroit – soumise à des conditions de travail particulièrement dégradées, où la dangerosité est chaque jour accentuée par le remplissage délirant des cellules de prisonniers. Plus de 63 000 d’entre eux s’entassent dans les geôles de la République pour environ 52 000 lits. A la prison de Fleury-Mérogis, la plus importante d’Europe, 3700 “taulards” sont détenus dans des cellules prévues pour 2855 personnes, le “trop-plein” dormant le plus souvent sur des matelas par terre ! La politique sécuritaire à tout crin que mène Sarkozy ne pourra que faire empirer une telle situation ; et c’est d’ailleurs prévu : ainsi, dans la toute nouvelle prison de Lyon, prévue pour héberger 600 personnes, on a mis mille lits. Qui dira que la bourgeoisie ne pense pas à l’avenir ?
En attendant, détenus et gardiens de prison survivent dans de véritables cocottes-minutes. La situation s’aggrave ? Allons donc ! On compte 10 suicides de “porte-clés” sur leur lieu de travail depuis le début de l’année, pour 6 sur l’ensemble de l’année 2008. Quant aux prisonniers, 52 ont déjà mis fin à leurs jours depuis janvier 2009, pour 115 l’année passée. Et il faut savoir que ces chiffres n’englobent surtout pas les tentatives de suicide – on en dénombrait 950 graves en 2007, puis 1600 en 2008 –, pas plus que les décès à l’hôpital suite à ces tentatives de suicide !
Si le mal-être gagne les gardiens, celui-ci ne frappe pas moins les détenus. Le taux de pathologie psychiatrique grave et avérée dans la population carcérale est vingt fois plus élevé que dans la population générale. Par exemple, 38 % des prisonniers sont atteints de syndrome dépressif, sans compter les 10 % de gens qui déclenchent des symptômes de psychoses graves. Ce pourcentage ne fait état que de ceux qui bénéficient de soins, donc manifestant des symptômes suffisamment explosifs pour être susceptibles d’être observés et retenus par des gardiens de prisons débordés par la massivité du phénomène. Et nous ne parlerons pas des nombreux autres troubles de santé mentale qui atteignent les détenus ou que la vie en prison renforce. Le phénomène a pris une telle ampleur depuis les années 1990 que le Comité national consultatif d’éthique de décembre 2006 parle de “déplacement de l’hôpital psychiatrique vers la prison”. En d’autres termes, la prison rend fou, tout comme cette société capitaliste décomposée qui pousse dans la misère ou au suicide des masses grandissantes d’êtres humains. Mais c’est la loi de la justice pour tous. Pour tous ? Oui, pour tous les malheureux que ramasse cette société de misère et ses flics. Plus de 60 % n’ont pas un niveau d’instruction dépassant le niveau de l’école primaire et plus de 12 % sont illettrés. 57,7 % des détenus en maison d’arrêt sont dans des situations où ils vivent en-dessous du seuil de pauvreté et presque 20 % étaient SDF. Le rapport 2001 de l’Inspection générale de l’Assurance sociale (IGAS) notait : “Toutes les statistiques le prouvent, les plus démunis constituent la grande majorité de la population carcérale : en 1982, 35 % des personnes incarcérées étaient sans emploi contre 48,6 % en 1996.” Avec l’aggravation de la crise, on peut être certain que ces statistiques ne se sont pas améliorées.
Les bourgeois nous diront : “Evidemment, ces fainéants profitent du système et viennent s’engraisser aux frais de la princesse”, c’est-à-dire de l’Etat, et de nos impôts. Ce discours sera renforcé d’ailleurs encore par la présence de 20 % de “taulards” appartenant à des nationalités étrangères, principalement africaines (au sens large du continent). Pourquoi ne pas ajouter qu’on passe finalement de quasi-vacances plutôt sympathiques dans ces prisons surpeuplées, surchauffées, avec la menace permanente du mitard, c’est-à-dire de l’isolement le plus strict plusieurs semaines, ce qui rendrait fou n’importe qui. D’ailleurs, les médias n’ont de cesse de nous asséner que, dans les prisons, il y a la télé, qu’on peut faire de la musculation, s’instruire et passer des licences et autres diplômes, etc. Une vie de rêve, en somme.
Au xixe siècle, l’écrivain Dostoïevski disait : “On ne peut juger du degré d’une civilisation qu’en visitant ses prisons.” Au-delà des illusions qu’avait ce grand homme sur les possibilités de construire une société humanitaire sur les bases d’une société de classe, on peut en effet juger à l’aune de ses prisons ce qu’est l’Etat capitaliste “moderne”.
Wilma (27 mai)
Depuis des mois, les 1120 salariés de l’usine Continental de Clairoix font preuve d’une colère et d’une détermination sans faille. Les “‘Contis’ ne lâcheront rien”, comme ils disent.
Ces ouvriers sont traités comme des chiens, méprisés et baladés par leur patron. En janvier 2008, ils ont été contraints de travailler cinq heures de plus par semaine, en passant de 35 h à 40 h. Ce sacrifice devait prétendument permettre de sauver leurs emplois. Mais comme l’exploitation capitaliste ne connaît qu’une seule limite, celle de la résistance des travailleurs, le 11 mars 2009, la direction annonce sans vergogne la fermeture de l’usine en… octobre ! Immédiatement, la colère et l’indignation explosent.
Les ouvriers bloquent la rue devant l’usine et occupent l’entrée. Cette petite place improvisée devient un lieu d’échange ; les ouvriers s’y regroupent et y discutent en permanence. C’est aussi là qu’ils tiennent leurs assemblées générales. Rapidement, cette mobilisation provoque la sympathie chez les ouvriers de la région.
Les cheminots expriment leur soutien en faisant siffler systématiquement leur train qui passe à quelques mètres du site. Des paniers-repas sont apportés spontanément. Une caisse de solidarité est organisée. Les ouvriers de l’usine Inergy – entreprise sous-traitante de l’automobile elle aussi touchée par des licenciements – mettent des bus à disposition (permettant notamment aux grévistes de se rendre au siège de Continental à Reims puis à Paris le 25 mars).
Point d’orgue de cet élan de solidarité, le 19 mars, journée de mobilisation nationale, les ouvriers de Continental partent à pied de leur usine de Clairoix pour rejoindre le centre ville de Compiègne situé à 5 km de là. Ce faisant, ils traversent un bassin industriel important. Devant chaque usine, des centaines d’ouvriers les attendent pour, à leur passage, se joindre au cortège. Devant Saint-Gobain, Colgate, Cadum, Aventis, Allard, CIE Automobile, chaque fois le même scénario se répète si bien que, partis à 1000, ils arrivent à 15 000 dans les rues de Compiègne ! (1)
Depuis lors, les journées d’actions se sont multipliées :
• Jeudi 23 avril, les travailleurs de Clairoix rejoignent à Hanovre leurs camarades de l’usine de Sarreguemines (en Moselle) et ceux des usines allemandes du groupe.
• Pour le 1er mai, 7000 personnes se retrouvent dans les rues de Compiègne : les ouvriers de la Sodimatex, d’Inergy, de CIE Automobile et, surtout, Lear – usine sous-traitante du groupe PSA, elle-aussi en grève et située à quelques kilomètres de Compiègne – se rallient tous aux grévistes de l’usine de pneus.
• Mercredi 6 mai, 300 ouvriers de Clairoix occupent de force l’usine Continentale de Sarreguemines.
• Lundi 18 mai, manifestation des travailleurs de Continental, de Lear et d’UTI (sous-traitant de Continental) devant la Bourse du travail, à Paris.
Bref, non seulement les travailleurs de cette usine sont bien décidés à ne pas se laisser faire mais ils rencontrent aussi un certain soutien des ouvriers de la région ou du même groupe (en Moselle comme en Allemagne), tous également touchés par la vague actuelle de licenciements.
Et pourtant, la bourgeoisie ne semble pas vraiment trembler devant cette lutte. Il est vrai qu’il est très difficile de se battre contre la fermeture d’une usine. Que faire quand un patron annonce la fermeture prochaine d’un site et lui permet d’exercer un chantage en mettant en avant le fait que la grève ne fera qu’accélérer la mise en oeuvre de cette fermeture ? (2) Se battre ici seul contre “son” patron est évidemment un piège. Le bras de fer entre un patron et “ses” ouvriers, coupés de leurs frères de classe, est toujours un combat déséquilibré qui mène à la défaite des exploités. C’est pourquoi les ouvriers de Continental ont essayé de créer des liens avec les autres travailleurs, pour créer un rapport de force plus large et plus favorable. En apparence, ils y sont parvenus. En apparence seulement, puisque manifestement la bourgeoisie n’a pas à un seul moment semblé inquiétée par cette grève. Pour preuve, au lieu d’orchestrer le traditionnel black-out médiatique quand une lutte lui semble gênante pour “l’ordre public” et qu’il faut éviter qu’elle ne donne des idées aux autres travailleurs, la classe dominante en a fait au contraire une très large publicité Pourquoi ? Que se cache-t-il derrière ces “apparences” ?
Sur l’extension de cette lutte : simulacres et réalités
L’entreprise Continental de Clairoix est située au milieu d’un bassin industriel. Les usines se touchent les unes les autres ; plusieurs milliers d’ouvriers se concentrent sur une bande de trois kilomètres. Et toutes, depuis des années, sont frappées par des plans successifs de “restructuration”. Ainsi, les ouvriers de Continental ont bien conscience qu’ils ne sont pas un cas isolé. Il suffit de discuter avec eux pour voir à quel point ils savent que, pour les familles ouvrières, le licenciement et le chômage sont une lourde menace planant au-dessus de toutes les têtes.
C’est pourquoi aussi le soutien de la population ouvrière locale s’est fait tout naturellement. La manifestation du 19 mars fut historique pour la région ; elle a révélé une nouvelle fois que la solidarité est un sentiment qui circule naturellement dans la vie sociale des prolétaires entre eux. Cela dit, ce soutien eut un aspect limité : il fut essentiellement passif (il y a une différence entre défiler aux côtés des grévistes et lutter ensemble) et éphémère (une journée ponctuelle). Un tel événement n’a pas de quoi inquiéter la bourgeoisie s’il en reste là. Et effectivement, cet élan de solidarité n’a pas été le début de quelque chose, il n’a pas constitué le point de départ pour la création d’une dynamique d’extension de la grève. Au contraire, toutes les autres actions, même celles qui en apparence faisaient converger d’autres ouvriers d’autres usines, ont renforcé en réalité l’isolement des “Contis”.
Les actions en Moselle ou en Allemagne se sont placées d’emblée sur un terrain restreint : celui de l’entreprise Continental. L’extension de la lutte s’est fait ici en direction des ouvriers de la même boîte et seulement de la même boîte. Le sentiment qui se développe à travers une telle sorte d’“extension” n’est pas “nous les ouvriers devons lutter ensemble” mais “nous les ouvriers de Continental…”. Face à la bourgeoisie ne se dresse pas “la classe ouvrière” mais “les ouvriers de Continental”… ce qui crée un rapport de force nettement moins favorable aux exploités. A ce propos d’ailleurs, la manifestation d’Hanovre n’avait d’“internationale” qu’un vernis peu épais. Des ouvriers de France et d’Allemagne se sont bien retrouvés dans la rue côté à côte, et la chaude fraternité exprimée mutuellement par ces ouvriers était sans aucun doute sincère, mais le ciment de cette journée n’était fondamentalement pas la conscience d’appartenir à la même classe au-delà des frontières, mais celui d’appartenir à la même multinationale. Sous “l’unité internationale des travailleurs” s’est caché ici en fait le poison de la division de la classe ouvrière par secteur, par corporation et par boîte !
Reste tout de même quelques journées où des ouvriers d’usines différentes se sont retrouvés ensemble dans la grève. En particulier, le lien avec les grévistes de Lear est très intéressant. Mais là aussi, cette unité est somme toute relativement limitée et superficielle. Les ouvriers de Lear et de Continental ont réalisé des manifestations communes mais pour se retrouver finalement à défiler les uns à côtés des autres, chacun pour “sa” boîte contre “son” patron. Ainsi, le 18 mai, devant la Bourse du travail à Paris, les “Contis” brandissaient des banderoles parlant des “Contis” quand ceux de Lear affichaient “Lear sous-traitant de PSA, non à la fermeture”.
Pour étendre la lutte, il faut la prendre en main
Il s’agit ici de simulacres d’extension. Pourtant, tous ces ouvriers menacés d’être mis à la rue sont réellement en colère et veulent sincèrement lutter ensemble. Alors, pourquoi cette lutte n’a-t-elle pas pris corps ? Pourquoi ceux de Continental n’ont-ils pas tenté d’étendre la lutte aux usines voisines, à Colgate, par exemple, qui est juste à côté et qui va subir elle aussi prochainement une vague de licenciements ?
En fait, depuis le début du mouvement, les grévistes n’ont pas la destinée de leur lutte entre leurs mains. Ce sont les syndicats – CGT en tête – qui orchestrent tout, qui décident de tout, les mots d’ordre, les modalités d’action… Ces chiens de garde du capital ont fait mine d’organiser l’extension de la lutte pour mieux dévoyer la combativité de ces travailleurs et les entraîner dans l’impasse de l’isolement corporatiste.
Ils ont collé à leurs actions les étiquettes “unité”, “solidarité internationale”… en vidant ces mots de leur substance.
Quand les ouvriers osent prendre en main leur lutte, qu’ils ont suffisamment confiance en eux-mêmes pour se passer de tous ces soi-disant “professionnels de la lutte” (en fait, professionnels du sabotage), l’extension qu’ils mettent naturellement en place est d’une toute autre nature. Pour ne pas rester isolés dans “leur” usine, les ouvriers doivent aller chercher la solidarité de leurs frères de classe en allant physiquement et massivement à l’usine, à l’hôpital, dans les administrations les plus proches. Ce chemin n’est pas facile à emprunter. C’est prendre le risque d’essuyer un échec, de ne pas réussir à entraîner les autres ouvriers des autres secteurs, mais c’est le seul chemin qui permet de lutter en tant que classe unie et solidaire.
Parfois les syndicats proposent de telles actions, quand ils sentent que cela trotte dans la tête des ouvriers. Ils se proposent alors d’aller voir, au nom de tous, les travailleurs d’à côté et, dans les faits, ils discutent avec leurs confrères syndicaux ! Il faut donc se confronter à ce type de sabotage, refuser de se laisser déposséder de la lutte. L’extension doit être décidée, organisée et réalisée par tous les ouvriers. Pour cela, il faut débattre dans des AG souveraines, communes et ouvertes à tous, sans exclusive et décider d’aller massivement à la rencontre des frères de classe ! La véritable solidarité ouvrière lors d’une grève se forge de proche en proche sur la base d’une extension géographique de la lutte.
Mais est-il possible de construire une telle dynamique, un tel rapport de forces ? Les expériences qui le prouvent ne manquent pas. C’est par exemple ainsi qu’ont agi les ouvriers de Pologne en 1980 ; en parvenant à prendre en main leur lutte et son extension, ils ont engendré un mouvement massif encore gravé dans la mémoire ouvrière. Pour prendre un exemple plus méconnu et d’une moins grande ampleur : en Belgique, en mai 1986, 300 mineurs du Limbourg sont venus aux AG des services publics à Bruxelles pour proposer l’unification des combats ce qui a donné un souffle à toute la lutte de cette région du monde (en Belgique, en Finlande, au Danemark). Plus proche de nous dans le temps, en 2006, les métallurgistes de Vigo (en Espagne) ont organisé leurs AG, non pas dans l’usine mais en pleine rue, permettant ainsi aux autres ouvriers d’y participer et d’aller manifester massivement ensemble.
Tous ces événements ont pour point commun la confrontation à l’encadrement syndical. Il ne peut y avoir un réel développement de la lutte, une réelle extension géographique, sans que la bourgeoisie ne se sente en danger et donc sans qu’elle n’envoie ses bataillons syndicaux enrayer la dynamique. Les ouvriers de Clairoix ne se sont pas heurtés à leur encadrement, il ont au contraire fait confiance aux syndicats et n’ont pas vu, cette fois-ci, comment “leurs” représentants ont orchestré l’isolement. Mais la crise économique va continuer de frapper tous les ouvriers, de tous les secteurs. Il va devenir de plus en plus évident que pour résister, il faut se battre ensemble, en tant que classe. La réflexion sur comment unifier nos luttes se heurtera alors inévitablement de façon croissante au carcan syndical !
Pawel (29 mai)
NDLR : Au moment de mettre sous presse nous apprenons qu’au cours des négociations, la direction de Continental vient de « lâcher » une prime de départ de 50 000 euros net pour chaque ouvrier. Ces primes de licenciements, qui sont tout de même le minimum par rapport au fait d’être mis à la porte (les ouvriers demandaient l’annulation de la fermeture ou au moins son report pour fin 2011), sont évidemment le fruit de la combativité ouvrière. Mais la publicité tapageuse faite autour de ces miettes vise à faire passer le même message trompeur que lors de la lutte en Guadeloupe : c’est seulement en s’en remettant aux syndicats que les ouvriers peuvent espérer arracher quelque chose.
1) Soit près d’un quart de la population de l’agglomération !
2) D’où les séquestrations très médiatiques de ces dernières semaines, les ouvriers tentant ici de façon désespérée d’empêcher le patron de fermer l’usine, sans savoir quel type de lute mener pour modifier le rapport de force en leur faveur. Ces actions coup de poing sont d’ailleurs souvent fortement encouragées, voire initiées, par les représentants syndicaux locaux, en particulier les gros bras de la CGT.
Les informations publiées ces derniers mois sur le site Internet de l’Observatoire des inégalités (1) montrent quelle réalité effroyable et quelle souffrance se cachent derrière les mots “crise économique” :
“Un tiers de la population des pays pauvres vit dans des bidonvilles ou des taudis, ce qui représente plus de 800 millions de personnes au total […] Il s’agit ici de la population urbaine vivant dans les conditions les plus désastreuses, des bidonvilles aux baraques insalubres, sans eau courante notamment.”
Dans les mois à venir, “46 millions d’individus supplémentaires dans le monde pourraient vivre avec moins de 1,25 dollar par jour, c’est-à-dire sous le seuil d’extrême pauvreté fixé par la Banque mondiale […] Cette augmentation du nombre de pauvres pourrait conduire à une recrudescence conséquente du taux de mortalité infantile : si la crise persiste, entre 1,4 et 2,8 millions d’enfants pourraient décéder des suites de maladies dues à leurs mauvaises conditions de vie.”
Pas un seul coin du globe n’est épargné par cette explosion de la misère : “L’association américaine des maires, qui réalise annuellement une enquête nationale sur les sans-abri, a fait état fin 2008 d’une aggravation des problèmes des familles. […] Louisville, par exemple, signale une amplification de 58 % pour ce qui concerne les familles sans-abri en un an. Des informations les plus récentes, il ressort une augmentation entre 2007 et 2008 de 40 % du nombre de familles entrant dans les centres d’accueil new-yorkais. […] Cet accroissement important pourrait se poursuivre avec la progression du chômage. Les prévisions établies par Goldman Sachs sont d’un taux de chômage à 9 % fin 2009 (contre 5 % fin 2007 et près de 7 % en 2008). Les experts du Center on Budget and Policy Priorities, s’appuyant sur les trois dernières récessions américaines, tablent dans ce contexte sur une fourchette de 8 à 10 millions de pauvres supplémentaires. Toujours sous ces hypothèses, le nombre de personnes en grande pauvreté (avec un revenu inférieur de moitié au seuil de pauvreté) pourrait augmenter de 5 à 6 millions. Au total, c’est environ un million de nouvelles familles avec enfants qui pourraient connaître la grande pauvreté et se trouver face à un risque élevé de “ sans-abrisme »”.
Seule la classe ouvrière, en développant ses luttes à l’échelle internationale, en reprenant confiance en elle-même et en ses forces, est en mesure d’apporter l’alternative à cet immonde système d’exploitation : la société communiste.
DM
1)https://www.inegalites.fr/ [1123]
Nous publions ci-dessous un courrier d’une lectrice qui réagit à un débat sur la radio France Info, début mai, à propos du rôle des syndicats. Cette discussion entre “grands journalistes”, responsables de journaux ou revues à grands tirages, révèle en effet parfaitement à quel point la bourgeoisie a compté ces derniers mois sur les syndicats pour maintenir la “paix sociale”, autrement dit pour saboter le développement des luttes.
Le courrier
Le lundi 4 mai au matin, en allant travailler, j’ai entendu sur France Info un débat édifiant et très instructif entre Monsieur Joffrin (de Libération – donc, plutôt de gauche) et Madame Brossolette (du Point – donc, plutôt de droite). N’en croyant pas mes oreilles, en rentrant chez moi le soir, j’ai ré-écouté sur Internet cet échange entre bourgeois se félicitant ouvertement de l’appui des syndicats contre la lutte ouvrière ! Ci-dessous, j’ai essayé de vous en retranscrire quelques morceaux choisis.
Suite aux manifestations du premier mai, la journaliste de France Info a lancé la discussion par cette question : “le gouvernement a-t-il la pression ?”. Habituée à entendre des tissus de mensonges régulièrement dès qu’il s’agit de politique, je fus très surprise d’entendre enfin la vérité : ces penseurs bourgeois nous expliquaient très clairement comment les syndicats et le gouvernement travaillent main dans la main pour manipuler la classe ouvrière.
Pour commencer, Madame Brosselette nous explique tranquillement, pour qui veut bien lire entre les lignes, comment l’unité syndicale affichée actuellement n’est qu’une mascarade pour mieux préparer la division de demain (tous les gras à venir sont de moi) :
“C’est devenu un rituel, c’est évident qu’il y avait du monde dans la rue… C’était plus que pour un premier mai classique. Et paradoxalement je pense que les syndicats sont un peu victimes de leur succès. D’abord le fait qu’ils soient unis est important. Cela les rend populaires et ils doivent le rester. Donc comment organiser la suite de l’action. Ce n’est sans doute pas par une grande manifestation type grève générale puisqu’ils ne sont pas d’accord là-dessus. Ils ne pourront pas se mettre vraiment d’accord sur une nouvelle action type manif pour garder la pression sur le gouvernement.”.
Et de poursuivre sur la collaboration, qui est de toutes façons un secret de polichinelle, entre les syndicats et l’Etat :
“[…] il y a quand même un jeu sous-jacent entre les syndicats et le gouvernement, surtout entre la CGT et Nicolas Sarkozy qui tient énormément à ses bonnes relations avec la CGT qui peut […] tenir les actions syndicales dans quelque chose de correct qui ne déborde pas. […]”.
Quant à Joffrin, il en rajoute une couche :
“Moi, je trouve que les deux principaux leaders syndicaux Bernard Thibault et François Chérèque font preuve d’un esprit de responsabilité remarquable […] ils s’emploient constamment avec une certaine habileté à canaliser le mouvement et à le laisser sur des rails syndicaux, à éviter la politisation excessive de la contestation.”
Ce grand homme de “gauche” se met alors à nous expliquer comment le gouvernement Sarkozy doit œuvrer pour renforcer la crédibilité des syndicats et donc leur contrôle sur les rangs ouvriers par “une dialectique entre les manifs […] et la politique gouvernementale qui doit s’infléchir de manière à justifier la démarche de Chérèque et Thibault.” !
Les choses sont au moins claires : l’affrontement gouvernement-syndicats est une mascarade, un jeu dont les cartes sont en plus truquées d’avance !
Après quelques digressions sur les européennes et la crise, la journaliste de France Info tente de revenir au cœur du sujet, la lutte de classe, en demandant s’il y a un risque d’explosion sociale. Ce risque est totalement écarté par Mme Brosselette mais absolument pas par Monsieur Joffrin qui semble, malgré tout, plus conscient de la situation et surtout de ce qu’il faut dire. Il explique alors :
“Ce genre de chose est imprévisible ; personne ne l’organise. Ça s’est toujours passé comme ça que ce soit en 68 ou à d’autres moments. Ce n’est jamais un mot d’ordre qui fait ce genre de choses. C’est parce qu’il y a un incident ; il y a un catalyseur, soit un problème politique, soit un problème social, soit une violence éventuellement, tout ça et je ne le souhaite pas du tout. Ça peut se produire et donc les syndicats le savent. C’est pour ça que Thibault et Chérèque ont cette attitude qui est une attitude réformiste responsable. Le gouvernement doit le comprendre, autrement il prendrait des risques considérables”.
Au passage, on peut admirer la vision “socialiste” de la lutte ouvrière massive, spontanée et autonome. Joffrin est ici à deux doigts de s’écrier en chœur, avec De Gaulle, “Mai 68 ? La chienlit !”. Par contre, contrairement à cet ex-président, Joffrin a bien compris que face à la lutte ouvrière, les syndicats sont bien plus efficaces que les chars1. En effet, ils sont d’une aide précieuse et irremplaçable pour la bourgeoisie car ils sabotent la lutte de l’intérieur.
Une chose est sûre, si l’intérêt de la bourgeoisie est de maintenir les ouvriers derrière les bannières syndicales, l’intérêt du prolétariat est au contraire de prendre en mains ses luttes en se passant de ces “professionnels du sabotage”.
N, (20 mai)
1) En mai 68, De Gaulle avait hésité à envoyer les chars contre les étudiants dans le quartier Latin, à Paris. Evidemment, une telle répression n’aurait fait qu’attiser la combativité ouvrière.
Début mai, des affrontements sanglants ont lieu à l’est du Tchad opposant l’armée tchadienne aux forces rebelles (une coalition de 10 groupes) téléguidées par le Soudan, provoquant en 3 jours des centaines de morts et poussant à l’exode des milliers de réfugiés. Voilà une énième attaque (ou contre-attaque) s’inscrivant dans la longue chaîne des affrontements que se livrent le Tchad et le Soudan par rebelles interposés, alors que les protagonistes venaient à peine de signer un nouvel “accord de paix”, le 3 mai, à Doha (Qatar) sous l’égide de leurs grands parrains impérialistes. En effet, depuis 2005, on ne compte pas moins d’une vingtaine d’attaques et contre-attaques entre cliques sanguinaires causant des centaines de milliers de morts et des millions de populations déplacées (les victimes du Darfour comprises). Il faut réaffirmer qu’il n’y a aucune différence entre les régimes en place et les bandes rebelles, car ce sont tous des criminels assoiffés de sang et de pouvoir et n’ont tous que faire des populations qu’ils massacrent continuellement. Ainsi, avant de devenir “Chef d’Etat”, Monsieur Déby fut, lui aussi, un grand rebelle, comme le souligne d’ailleurs le Monde du 10 mai 2009 : “Idriss Déby, le président tchadien, est arrivé au pouvoir en décembre 1990 à la tête d’une rébellion qui, déjà, partait du Soudan et bénéficiait de l’appui de Khartoum, mais aussi de celui de la Libye et de la France. Au Soudan, un coup d’Etat venait de porter au pouvoir une junte dirigée par le général Al Bachir, dont les islamistes du Front national islamique tiraient les ficelles dans l’ombre. Des années durant, Idriss Déby a dû composer avec des agents soudanais dans son entourage, avant de s’en affranchir progressivement. (…) Certains rebelles du Darfour bénéficient de complicité au sein du pouvoir tchadien, en raison de solidarités ethniques, familiales ou claniques transfrontalières. Le Soudan, par mesure de rétorsion, a accueilli les rebelles professionnels tchadiens et les mécontents du système Déby pour leur donner les moyens de se lancer à l’assaut du pouvoir à N’Djamena et mettre fin, par le vide, à l’appui aux Darfouriens”.
Derrière ces affrontements guerriers entre les rebelles et les régimes de cette région, il y a la main des puissances impérialistes qui les soutiennent sur tous les plans (notamment financier et militaire), celles qui se disputent le contrôle des bandes armées dans le but d’accéder à une certaine influence ou de préserver des intérêts stratégiques et économiques dans cette vaste zone. Et cela s’est particulièrement illustré dans cette nouvelle tuerie.
Certes, avec le soutien décisif de ses alliés, notamment français, le grand criminel Déby a pu repousser fermement l’attaque des rebelles armés par le Soudan et son fournisseur chinois. Mais les “assaillants” ne vont pas tarder à reprendre leur offensive comme l’admet d’ailleurs l’armée française sur place. Cela veut dire clairement qu’il n’y aura pas de répit dans les massacres. Au contraire, ces deux régimes arriérés, mais dont la force réside dans le fait qu’ils sont producteurs de pétrole, vont continuer d’engloutir les ressources de leurs pays respectifs dans les dépenses d’armements dont la Chine et la France sont au premier rang des pays bénéficiaires. Tout cela pendant que les populations de cette zone sont parmi les plus misérables du monde, surtout les plus affectées par les atrocités dues aux conflits permanents dans cette partie du continent. Pourtant, à entendre les autorités françaises (Sarkozy et Kouchner) la France “cherche à trouver une solution politique et humanitaire” au conflit du Darfour et aux troubles de la région (Soudan, Tchad et Centrafrique).
Que de mensonges qui cachent mal la réalité, comme le démontre l’hebdomadaire Marianne du 16 mai 2009 : “Une fois de plus, Bernard Kouchner a volé au secours de Déby, mobilisant le Conseil de sécurité de l’ONU et en recevant en urgence le ministre des affaires étrangères tchadien. (…) La fin de la mission de l’Eufor en mars (une force européenne de stabilisation) dans l’est du Tchad a au moins permis que des bouches s’ouvrent. ‘Les civils manquent toujours autant de protection qu’il y a un an, lors du déploiement de l’Eufor’, se plaint l’organisation Oxfam. Il y a quelques semaines, l’ONU reconnaissait que tout allait de mal en pis, pointant une insécurité croissante et des crimes sexuels de plus en plus nombreux. Cet Eufor fut pourtant présenté par Bernard Kouchner comme un immense succès de la France. Sans mandat politique clair parce qu’Idriss Déby n’en voulait pas, le bilan est atterrant. ‘Grâce à l’Eufor, la France a donc activement contribué à renforcer Déby sans aider les Tchadiens à trouver une solution durable à la crise’ , estime l’organisation International Crisis Group”.
La responsabilité criminelle de premier plan de l’impérialisme français est clairement établie dans la perpétuation de la barbarie guerrière et la misère. C’est d’abord et avant tout la France et ses gouvernements successifs (de gauche comme de droite), l’ancienne puissance coloniale, qui a toujours fait et défait les régimes sanguinaires qui se sont succédés au Tchad depuis bientôt cinquante ans, en les armant ou en les désarmant le cas échéant. Et, comme on vient de l’évoquer, c’est l’impérialisme français qui protège le régime sanguinaire de N’Djamena et ce dernier se doit, à son tour, de veiller à la préservation des intérêts de Paris dans la région et au Tchad en particulier. D’ailleurs, c’est bien cela que la France voulait rappeler en organisant du 22 au 28 avril dernier (tout juste avant l’attaque des rebelles) des grandes manœuvres aériennes et terrestres dans le Moyen-Chari (au sud du Tchad) pour ses 1100 hommes de son dispositif sur place.
Amina (20 mai)
Depuis octobre 2007, une vague de réformes, notamment liée à la loi LRU, dite “loi sur l’autonomie des universités,” s’abat sur les travailleurs de l’éducation et les étudiants : précarisation généralisée des futurs enseignants, fermeture des IUFM, réforme des CROUS, mise en concurrence des travailleurs dans leur avancement, fermeture des filières les moins rentables, diminution drastique des postes pour le personnel d‘entretien, les bibliothécaires, les secrétaires, etc. Rien n’est épargné à “l’université publique”, eldorado illusoire des enfants du prolétariat qui s’entassent chaque année dans des amphithéâtres en ruines pour, n’espèrent-ils plus, trouver un emploi, souvent dans le corps enseignant - qui n’en finit d’ailleurs pas de payer ses prétendus privilèges. A mesure que le capitalisme sombre, tous sont conscients de l’avenir misérable que leur réserve la classe dominante, que derrière les diplômes des universités-poubelles se cachent les files grandissantes de chômeurs devant les portes de l’ANPE. Car, en dépit du mensonge présentant l’étudiant comme un fils à papa fainéant, la vérité de l’enseignement supérieur est simple : une large part de l’élite économique a fui l’université pour les grandes écoles hors de prix, dotées de moyens gigantesques, faisant ainsi place au futur de la classe ouvrière. En plus d’un horizon bouché, beaucoup d’étudiants sont contraints de travailler dans des conditions abominables pour financer leurs études ; le triste exemple de leur présence grandissante dans la restauration rapide suffit à s’en faire une idée.
Face à ces attaques, de longues mobilisations se sont multipliées, particulièrement à l’automne 2007 et au début de l’année 2009, émaillées de nombreuses manifestations rassemblant des dizaines de milliers de personnes, de blocages des locaux d’universités et d’actions coup-de-poing. Mais la colère des étudiants et du personnel des universités françaises n’est qu’un aspect d’une dynamique plus large de montée en puissance de l’ensemble de la classe ouvrière, et particulièrement, depuis plusieurs années, de la jeunesse : on se souvient encore de la lutte des lycéens entre décembre 2004 et avril 2005 contre la loi Fillon, alors ministre de l’éducation, qui rassembla jusqu’à 165 000 personnes dans les rues (selon la police) ; la lutte contre le CPE/CNE et ses millions de manifestants frappe sans doute encore les esprits ; et comment qualifier le formidable mouvement de la jeunesse d’Europe en 2008 en Grèce, en Espagne, en Italie, en France (notamment les lycéens), en Allemagne, etc. qui fit trembler plus d’un gouvernement, apeurés qu’ils étaient par l’exemple grec et sa “contagion” ? Pourtant, malgré la durée du mouvement qui se termine peu à peu, malgré les blocages, comme à l’occasion du conflit contre le CPE, malgré une certaine radicalité, la lutte actuelle dans les universités n’a pas effrayé le gouvernement qui s’est même payé le luxe de provoquer les étudiants comme en témoigne les propos désinvoltes de Xavier Darcos, ministre de l’éducation : “Il n’y aura pas de licence ès grève, de master en pétition et de doctorat en blocage,” (1) ou ceux du premier ministre François Fillon rappelant nonchalamment sa disposition à envoyer les forces de l’ordre pour mater les étudiants (2). Comment expliquer, au regard du succès de la précédente lutte des lycées, de celle contre le CPE, etc. l’échec de ce mouvement ?
L’histoire de la lutte des classes nous apprend qu’en la matière la seule règle est qu’il n’y en a pas. Il n’existe pas de recette miracle de la grève victorieuse car les modalités de lutte efficace dépendent du contexte, du degré de mobilisation, du rapport de force possible, etc. Par exemple, si le blocage fut une arme précieuse lors du conflit contre le CPE, il a montré ses limites dans celui-ci. En revanche, il existe un principe que le prolétariat doit absolument se réapproprier pour assurer ses victoires, un principe qui découle d’une de ses forces, son nombre, sur laquelle la classe ouvrière, privée des pouvoirs économique et politique, peut compter : son unité ! Autrement dit, lorsque les travailleurs de l’éducation et les étudiants se mobilisent, leur principal objectif doit être de chercher à étendre le plus possible le mouvement, au-delà de leur université, dans tous les secteurs. Ce qui a fait le succès de la lutte contre le CPE, occasion d’une authentique solidarité, c’est très précisément qu’il ne s’agissait pas d’un conflit universitaire mais d’une lutte dans laquelle toutes les catégories pouvaient se reconnaître. Les étudiants, qui avaient pourtant commencé seuls le conflit, avaient immédiatement su montrer en quoi ce projet de loi nous concernait tous et qu’il entrait dans le cadre d’attaques généralisés de la classe capitaliste contre la classe ouvrière. De même, une partie des lycéens en lutte en 2007 ont tenté de faire converger leur mouvement avec celui des cheminots en grève au même moment contre la réforme des régimes spéciaux. Enfin, en Grèce, fin 2008, un immense élan de solidarité s’est développé autour de la “génération 200 euros” ; les salariés, les retraités les chômeurs se sont retrouvés dans la rue au-côté de cette jeune génération pour qui l’avenir semble totalement bouché.
Or, la capacité à étendre le conflit, c’est très précisément ce qui a manqué au mouvement dans les universités du début de l‘année, isolé et donc impuissant. Il est certes manifeste que les leçons de la lutte contre le CPE ont été retenu. C’est pour cette raison qu’au commencement beaucoup d’assemblées générales ont clairement posé la question de l’élargissement comme une nécessité. Dans cet esprit, de nombreuses actions furent initiées comme, entre autres choses, la motion votée par l’AG de l‘université de Caen ouvrant ses portes à tous, les quelques AG rassemblant l’ensemble des universités toulousaines au début du mouvement, les multiples tentatives de discussion avec les ouvriers sur leur lieu de travail, l‘existence, contre l‘avis des syndicats, de nombreuses AG réunissant le personnel des universités et les étudiants, comme à Nancy par exemple.
Cependant, malgré une volonté affirmée dans plusieurs assemblées générales d’élargir la lutte, les syndicats ont immédiatement œuvré à affaiblir le mouvement, notamment en semant la confusion autour des attaques, les enrobant dans un verbiage corporatiste qu’il a ensuite été difficile d’abandonner pour expliquer la nature réelle de ce coup de boutoir contre un secteur de la classe ouvrière. Et ce qui devait logiquement se passer se passa : personne ne put se reconnaître dans ce combat qui, semblait-il de l’extérieur, ne concernait que les étudiants et les chercheurs. Le corporatisme fut parfois poussé jusqu’au ridicule puisque plusieurs universités ont vu se créer, en parallèle des véritables assemblées générales, une myriade de petites assemblées divisant une même université par disciplines, comme si les intérêts des enseignants d’histoire étaient différents de ceux des enseignants de psychologie.
Une autre manigance syndicale fut de détourner les débats dans les assemblées générales vers la seule question du blocage des locaux. Lors du conflit contre le CPE, les blocages avaient été l’occasion, parce que la solidarité se développait, de mobiliser les boursiers (contraint d’aller en cours sous peine de sanctions financières), de faire des universités des lieux de discussions, etc. Or, en 2009, très rapidement, l’objectif de beaucoup d’AG, de facto isolées, fut exclusivement de reconduire le blocage, posé par les syndicats, comme l’unique modalité de combat et l’essence même de la lutte. Les discussions ainsi cristallisées autour de ce faux débat, les comités de luttes, noyautés par les syndicats, pouvaient mettre en avant, dans l’indifférence général, des revendications corporatistes et organiser des actions pseudo-radicales, stériles et minoritaires, c’est-à-dire en complète opposition avec l’authentique activité de la classe ouvrière qui tend, le plus possible, vers son unité. On peut citer, à titre d’exemple, la “ronde des obstinés” manifestation aussi ridicule qu’inutile dans laquelle quelques dizaines d’étudiants se relayaient sur la place de l’hôtel de ville de Paris, au musée, à la bibliothèque, à la campagne, etc., pour faire… la ronde, afin “d’inscrire [leur] obstination au cœur des élections européennes” (3). Tout est dit !
La bourgeoisie sait que l’unité de la classe ouvrière est une force contre laquelle elle ne peut rien, elle sait qu’en divisant les prolétaires, elle est en mesure de les écraser. C’est pour cette raison qu’elle met tout en œuvre, avec ses syndicats et ses partis gauchistes, pour faire oublier les leçons du CPE et semer la confusion, qu’elle tente de pourrir la situation en sanctionnant les étudiants à travers leurs examens afin que chacun puisse se convaincre que la lutte est inutile. Mais le monde capitaliste s’enfonce toujours plus dans une impasse historique que seule la classe ouvrière est en mesure de dépasser. Il faudra bien plus que des petites manœuvres et d’éphémères victoires pour empêcher la classe ouvrière de renverser un monde qui l‘enfonce dans la misère. “Les prolétaires n’ont rien à perdre que leurs chaînes. Ils ont un monde à gagner” (4).
1) RTL, 11 mai 2009.
2) Le Figaro, 13 mai 2009.
3) rondeinfinie.canalblog.com
4) Engels, Marx : le Manifeste du parti communiste.
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A l’approche de la Seconde Guerre mondiale, suite à la défaite de la vague révolutionnaire des années 1920, la révolution russe mourant de son isolement puis assassinée par la bourgeoisie mondiale et le stalinisme, la contre-révolution et l’écrasement du prolétariat mondial triomphent. Dans ce contexte, l’anarchisme va connaître un pas fatidique dans son évolution.
Dans tous les pays, poussée inexorablement dans la voie du militarisme par les lois aveugles du capitalisme, la bourgeoisie se prépare à la guerre, qu’il s’agisse des Etats fascistes ou démocratiques, comme dans l’URSS stalinienne. L’impasse que constitue la crise économique ne lui laisse aucune autre alternative que cette fuite en avant dans un deuxième holocauste mondial. C’est la marche accélérée vers la guerre, véritable mode de vie du capitalisme en décadence, qui a engendré le fascisme. Il a pu s’imposer dans les pays où la classe ouvrière ayant subi une défaite profonde, il n’était plus nécessaire de maintenir les institutions démocratiques qui ont justement pour fonction de mystifier le prolétariat, afin de la soumettre et de la battre. Il se révèle comme la forme la plus adaptée du capitalisme pour accomplir les préparatifs requis par la marche accélérée vers la guerre.
L’embrigadement idéologique pour la guerre impérialiste derrière le fascisme ou le nazisme, ou derrière le mythe de la ‘patrie du socialisme’ pour le stalinisme, a été obtenu au moyen de la terreur la plus effroyable. Mais dans les pays restés ‘démocratiques’, pour embrigader les ouvriers n’ayant pas subi l’écrasement de mouvements révolutionnaires, il fallait que la bourgeoisie utilise une mystification particulière : l’antifascisme. En offrant aux ouvriers un prétendu terrain de mobilisation pour se protéger des horreurs du fascisme, il a été le moyen utilisé pour les enrôler comme chair à canon dans la guerre, au service d’un camp impérialiste contre un autre pour la défense de l’Etat démocratique. Pour parvenir à ce but, la bourgeoisie, notamment en France et en Espagne, s’est servie des ‘fronts populaires’ et de la venue des partis de gauche au gouvernement.
A l’opposé de l’internationalisme prolétarien qui a constitué le cri de ralliement de la classe ouvrière pour mettre un terme à la barbarie de la première boucherie mondiale par la révolution prolétarienne, l’antifascisme ne constitue en rien un moyen pour le prolétariat de défendre ses intérêts de classe, mais le moyen de la livrer pieds et poings liés à la bourgeoisie démocratique. La situation de contre-révolution, résultant de la défaite du prolétariat qui interdisait toute possibilité de surgissement révolutionnaire, ne devait absolument pas conduire à remettre en cause les principes fondamentaux de l’internationalisme prolétarien face à la Seconde Guerre mondiale. Il n’y avait aucun camp à choisir. Il s’agissait de combattre tout autant la bourgeoisie du camp fasciste que celle du camp démocratique.
Prisonnier de sa propension à défendre “la liberté” contre “l’autoritarisme”, l’anarchisme capitule complètement face à l’antifascisme. Avant-guerre, les différents courants de l’anarchisme comptent parmi les principaux animateurs de l’antifascisme. Celui-ci va amener la grande majorité des anarchistes à prendre fermement parti pour les Alliés dans la Seconde Guerre mondiale. Privé de tout critère de classe basé sur les rapports sociaux réels qui régissent la société capitaliste, l’anarchisme est conduit à se soumettre complètement à la défense de la démocratie, cette forme particulièrement pernicieuse de la dictature du capital. Certains internationalistes en 1914, comme Rudolf Rocker, défendent la participation à la guerre impérialiste en 1940, arguant qu’à la différence de 1914, il existe maintenant deux systèmes radicalement différents et que la lutte contre le fascisme justifie le soutien aux Etats démocratiques. Cette approche détermine le plus grand nombre des anarchistes à participer physiquement à la guerre, en premier lieu dans les armées impérialistes sans uniforme des maquis de la résistance (1).
En France, “dès le début de la guerre [le groupe CNT-réseau Vidal dans les Pyrénées] se met au service de la Résistance et travaille activement avec l’Intelligence Service et le Bureau Central de Renseignement et d’Action (BCRA) de de Gaulle, mais aussi avec le réseau Sabot et le groupe Combat. (...) Faute d’organisation nationale de résistance, les anarchistes apparaissent peu, bien qu’ils soient très présents. Citons tout de même le maquis du Barrage de l’Aigle (...) haut-lieu de la reconstruction de la CNT en exil et un des maquis les plus actifs de la résistance. Ce maquis est pratiquement 100 % confédéral, tout comme le maquis de Bort-les-Orgues. D’une manière générale, les maquis du Massif Central sont en forte proportion composés d’anarchistes espagnols (...)” (2) “Présents dans les maquis du sud de la France, dans les groupes FFI, FTP, MUR ou dans des groupes autonomes (le bataillon Libertad dans le Cantal, le maquis Bidon 5 en Ariège, dans le Languedoc-Roussillon) (...) [les anarchistes], par centaines, poursuivirent sur le sol de France la lutte qu’ils avaient menées contre le fascisme espagnol” (3). Le bataillon “Libertad” “libère le Lot et Cahors. (...) A Foix, ce sont les maquis anarcho-syndicalistes CNT-FAI qui libèrent la ville le 19 août” (4).
Même tableau en Italie. Lorsqu’elles se rendent aux Alliés le 8 septembre 1943, les régions du centre et du nord demeurent aux mains des Allemands et de la république fasciste de Salo. “Les anarchistes se jettent immédiatement dans la lutte armée, établissent quand ils en ont la possibilité (Carrare, Gênes, Milan) des formations autonomes, ou, dans la plupart des cas, rejoignent d’autres formations telles les brigades socialistes “Matteotti”, les brigades “Garibaldi” communistes ou les unités “Giustizia e Liberta” du Parti d’action” (5). En de nombreux lieux, les libertaires adhèrent au Comité de libération nationale qui rassemble un large spectre de partis antifascistes ou organisent des Groupes d’action patriotique (sic). Les anarchistes sont nombreux au sein de la 28e Brigade Garibaldi qui libère Ravenne. “A Gênes, les groupes de combat anarchistes opèrent sous les noms de Brigade “Pisacane”, la formation “Malatesta”, la SAP-FCL, la SAP-FCL Sestri Ponente et les Escadrons d’action anarchistes d’Arenzano. (...) Ces activités sont favorisées par la Fédération communiste libertaire (FCL) et par le syndicat anarcho-syndicaliste de l’USI qui vient juste de refaire surface dans les usines. (...) Les anarchistes fondent les brigades “Malatesta” et “Bruzzi”, qui comprennent jusqu’à 1300 partisans : ceux-ci opèrent sous l’égide de la formation “Matteotti” et jouent un rôle de premier plan dans la libération de Milan” (6).
Les exemples de la Bulgarie, où après l’invasion de l’URSS en 1941, le PC bulgare organise “des maquis auxquels de nombreux anarchistes participèrent” (7) ou bien encore la guérilla anarchiste anti-japonaise en Corée dans les années 1920-30, attestent du caractère général de la participation des anarchistes à la guerre impérialiste.
Et beaucoup ne seront pas même rebutés par l’uniforme des armées impérialistes démocratiques : “Les Libertaires espagnols (...), par milliers, participèrent à la résistance au nazisme et, pour certains d’entre eux poussèrent dans les bataillons de la France Libre, la lutte jusqu’en Allemagne” (8) “Des compagnons s’enrôlèrent dans les régiments de marche de la Légion Etrangère et se retrouvèrent en première ligne dans tous les combats” (9). “Ils seront affectés tantôt en Afrique du Nord, tantôt en Afrique Noire (Tchad, Cameroun). Les seconds rallieront les Forces françaises libres dés l’année 1940. Ils rejoindront les colonnes du général Leclerc.” (...) A plus de 60 % espagnole, la fameuse 2e D.B. compte bon nombre d’anarcho-syndicalistes tant et si bien qu’une de ses compagnies “est entièrement composée d’anarchistes espagnols.” A bord des blindés “Ascaso”, “Durruti”, “Casas Viejas” ceux-ci “seront les premiers à entrer dans la capitale le 24 août 1944” lors de la libération de Paris (10) et à hisser le chiffon tricolore sur l’hôtel de ville !
L’attitude des anarchistes pendant la Seconde Guerre mondiale procède directement de celle qui fut la leur dans “la répétition générale” de la guerre d’Espagne. Celle-ci éclaire crûment le rôle réel joué par l’anarchisme dans ce qui n’était ni une “guerre de classes”, ni une “révolution” mais une guerre entre deux fractions de la bourgeoisie espagnole qui a débouché sur un conflit impérialiste mondial.
En juillet 1936, la CNT, en vertu du pacte antifasciste scellé avec les partis de Front populaire, apporte son soutien au gouvernement républicain pour détourner vers l’antifascisme (11) la réaction du prolétariat espagnol au coup d’Etat de Franco. La CNT déplace le combat d’une lutte sociale, économique et politique du prolétariat contre l’ensemble des forces de la bourgeoisie vers la confrontation militaire uniquement contre Franco, en envoyant les ouvriers se faire massacrer sur les fronts militaires dans les milices antifascistes pour des intérêts qui ne sont pas les leurs.
La participation des libertaires au gouvernement républicain bourgeois en Catalogne et à Madrid, illustre l’évolution de l’anarchisme vers le soutien à l’Etat bourgeois. “Après la première victoire sur les généraux factieux, en voyant surgir une guerre de longue durée et d’une importance énorme, nous avons compris que l’heure n’est pas venue de considérer comme terminée la fonction du gouvernement, de l’appareil gouvernemental. De même que la guerre nécessite l’appareil adéquat pour être menée à bonne fin – l’armée –, il faut aussi un organe de coordination, de centralisation de toutes les ressources et énergies du pays, c’est à dire le mécanisme d’un Etat. (...) Tant que dure la guerre, nous devons agir dans la lutte sanglante et nous devons intervenir dans le gouvernement. En effet, celui-ci doit être un gouvernement de guerre, pour faire et gagner la guerre. (...) Nous pensons que la guerre est la première des choses, que la guerre, il faut la gagner comme condition préalable de n’importe quelle condition nouvelle...” (12). Lorsque les ouvriers de Barcelone se soulèvent en mai 1937, les anarchistes se font complices de la répression par le Front populaire et le gouvernement de Catalogne (auquel ils participent), tandis que les franquistes suspendent momentanément les hostilités pour permettre aux partis de gauche d’écraser le soulèvement.
Par son soutien à la guerre totale, par la militarisation du prolétariat à l’aide des collectivités anarchistes et des milices antifascistes, par la proclamation de l’Union Sacrée avec la bourgeoisie républicaine et l’interdiction des grèves, la CNT participe à l’embrigadement du prolétariat dans une guerre qui prend nettement un caractère impérialiste avec l’engagement des démocraties et de l’URSS, côté républicain et de l’Allemagne et de l’Italie, côté franquiste. “A présent, ce n’est pas une guerre civile que nous faisons, mais une guerre contre les envahisseurs : Maures, Allemands, Italiens. Ce n’est pas un parti, une organisation, une théorie qui sont en danger. C’est l’existence de l’Espagne elle-même, d’un pays qui veut être maître de ses propres destins, qui court le risque de disparaître” (13). Le nationalisme de la CNT l’amène à appeler explicitement à la guerre mondiale pour sauver la “nation espagnole” : “L’Espagne libre fera son devoir. Face à cette attitude héroïque, que vont faire les démocraties ? Il y a lieu d’espérer que l’inévitable ne tardera pas longtemps à se produire. L’attitude provocatrice et grossière de l’Allemagne devient déjà insupportable. (...) Les uns et les autres savent que, finalement, les démocraties devront intervenir avec leurs escadres et avec leurs armées pour barrer le passage à ces hordes d’insensés...” (14).
L’abandon des intérêts du prolétariat et l’attitude de la CNT envers la guerre impérialiste produisent de vives oppositions dans le camp anarchiste (Berneri, Durruti). Mais l’incapacité de ces derniers à rompre avec la position selon laquelle il s’agissait d’une guerre allant de pair avec la révolution, en a fait des victimes de la politique de défaite et d’embrigadement du prolétariat. Ainsi, ceux qui cherchaient à lutter contre la guerre et pour la révolution, furent-ils incapables de trouver le point de départ pour une lutte réellement révolutionnaire : l’appel aux ouvriers et paysans (embrigadés par les deux camps, républicain et franquiste) à déserter, à retourner leurs fusils contre leurs officiers, à revenir à l’arrière et à lutter par les grèves, par les manifestations, sur un terrain de classe contre le capitalisme dans son ensemble.
Pourtant, lorsqu’éclate la guerre mondiale, à contre-courant de la déferlante belliciste antifasciste, quelques voix en provenance de l’anarchisme s’élèvent pour refuser le terrain de l’antifascisme et affirmer la seule position vraiment révolutionnaire, celle de l’internationalisme. Ainsi en 1939, en Grande-Bretagne, la Glasgow Anarchist-Communist Federation déclare que “la lutte présente oppose des impérialismes rivaux pour la protection d’intérêts séculaires. Les ouvriers de tous les pays appartiennent à la classe opprimée, n’ont rien de commun avec ces intérêts et les aspirations politiques de la classe dominante. Leur ligne de front n’est pas la ligne Maginot où ils seront démoralisés et tués, pendant que leurs maîtres amassent des gains frauduleux” (15). Dans le sud de la France, le minuscule groupe autour de Voline (16) développe une intervention contre la guerre sur une base nettement internationaliste : “Le conflit actuel est l’œuvre des puissances d’argent de chaque nation, puissances qui vivent exclusivement et internationalement de l’exploitation de l’homme par l’homme. (...) Les chefs d’Etat, les chefs militaires de toutes couleurs et de toutes nuances, passent d’un camp dans l’autre, déchirent des traités, en signent d’autres, servent tantôt la République, tantôt la Dictature, collaborent avec ceux à qui ils faisaient hier la guerre, et vice-versa et revice-versa. (...) le peuple, lui, paie les pots cassés : on le mobilise pour les démocraties, contre les démocraties, pour les fascistes, contre les fascistes. Mais que ce soit en Afrique, en Asie, en Europe, c’est le bon peuple qui fait les frais de ces ‘expériences contradictoires’ et se fait casser la gueule. (...) Il ne s’agit pas de lutter seulement contre le fascisme hitlérien, mais contre tous les fascismes, contre toutes les tyrannies, qu’elles soient de droite, du centre ou de gauche, qu’elles soient royales, démocratiques ou sociales, car aucune tyrannie n’émancipera le travail, ne libérera le monde, n’organisera l’humanité sur des bases vraiment nouvelles” (17). Cette position fait clairement de ces anarchistes une expression de la classe ouvrière. Là encore, lorsque ceux-ci parviennent à une telle clarté c’est en faisant leurs les positions de classe du prolétariat.
Mais, la rude épreuve de l’isolement par rapport aux autres groupes restés internationalistes et par rapport à la classe dans les conditions du triomphe de la contre-révolution sur les masses, comme l’énorme pression antifasciste (“nous nous confrontions quotidiennement aux autres antifascistes. Fallait-il s’associer à eux ou rester à contre-courant ? La question était souvent angoissante sur le terrain”) (18) éteignent bientôt cette étincelle. La mort de Voline (septembre 1945), l’incapacité des anarchistes de tirer des leçons de leurs expériences conduisent les éléments de son groupe au retour au bercail de la CNT, à l’adhésion momentanée à ses comités antifascistes, puis enfin à la participation de la reconstruction de la FA sur des bases politiques complètement bourgeoises.
De l’examen de l’histoire de l’anarchisme face aux deux guerres mondiales, on peut souligner une double série de conclusions :
• Non seulement l’anarchisme a démontré son incapacité à offrir une alternative viable et une perspective révolutionnaire au prolétariat mais il a constitué un moyen direct de mobilisation de la classe ouvrière dans la guerre impérialiste. En 1936-37, la capitulation de l’anarchisme face à la mystification antifasciste et à la démocratie bourgeoise vue comme un “moindre mal” par rapport au fascisme, a été un moyen pour le capitalisme d’élargir le front des forces politiques qui agissent pour la guerre en y incorporant les anarchistes. La guerre d’Espagne constitue, après la Première Guerre mondiale, le second acte décisif pour l’anarchisme scellant son évolution vers le soutien à l’Etat capitaliste. Cette soumission à la démocratie bourgeoise se traduit par l’intégration des courants officiels de l’anarchisme au sein des forces politiques de l’Etat capitaliste. C’est ainsi que, selon un processus en deux temps, de 1914 à la guerre d’Espagne en 1936-37, l’anarchisme est devenu une idéologie de défense de l’ordre et de l’Etat capitalistes.
• En second lieu, il importe de considérer que la mouvance anarchiste ne se réduit pas à ses courants officiels et reste un milieu très hétérogène. A toutes les époques, une partie de ce milieu aspire sincèrement à la révolution et au socialisme, exprime une réelle volonté d’en finir avec le capitalisme et s’engage pour l’abolition de l’exploitation. Ces militants se placent effectivement sur le terrain de la classe ouvrière quand ils s’affirment internationalistes et sont voués à rejoindre son combat révolutionnaire. Mais leur devenir va fondamentalement dépendre d’un processus de décantation dont le sens et l’ampleur sont fonction du rapport de forces entre les classes fondamentales, la bourgeoisie et le prolétariat.
Cette décantation sera plutôt orientée vers le néant ou même vers la bourgeoisie comme dans les années noires de la contre-révolution des années 1940. En effet, privés de la boussole de la lutte de classe du prolétariat et de l’oxygène de la discussion et du débat avec les minorités révolutionnaires qu’il produit, ils se trouvent pris au piège des contradictions intrinsèques à l’anarchisme qui les désarme et les enferme sur le terrain de l’ordre bourgeois.
Elle sera plutôt orientée vers la classe ouvrière quand celle-ci s’affirme comme force révolutionnaire. Ainsi, c’est bien le mouvement révolutionnaire même de la classe ouvrière, l’essor de la révolution mondiale et l’insurrection prolétarienne en Russie (avec la destruction de l’appareil d’Etat de la bourgeoisie par les Soviets et l’arrêt unilatéral de l’engagement dans la guerre impérialiste par le prolétariat russe et les bolcheviks), qui vont permettre en 1914-18 à ceux des anarchistes restés internationalistes d’adopter une attitude internationaliste conséquente. Ils rejoignent alors le mouvement historique de la classe ouvrière en se rapprochant du mouvement communiste issu de la gauche de la social-démocratie et opposé à la guerre : les bolcheviks et les spartakistes, seuls capables de mettre en avant l’unique alternative réaliste viable, la transformation de la guerre impérialiste en guerre civile et la révolution prolétarienne mondiale.
Scott
1) L’allégeance de l’anarchisme peut s’éparpiller en direction des différentes fractions de la classe dominante : certains militants, séduits par la Charte du Travail, pacifistes rassérénés par l’armistice, collaborèrent au programme de la Révolution nationale de Pétain et du gouvernement de Vichy, comme Louis Loréal, ou se retrouvent dans des instances officielles de l’Etat français comme P. Besnard.
2) Les Anarchistes espagnols et la Résistance, in l’Affranchi no 14, printemps-été 1997, sur CNT-AIT.info.
3) E. Sarboni, 1944 : les Dossiers noirs d’une certaine Résistance, Perpignan, Ed. du CES, 1984.
4) Les Anarchistes espagnols et la Résistance, in l’Affranchi no 14, printemps-été 1997, sur CNT-AIT.info.
5) 1943-1945 : Anarchist partisans in the Italian Resistance, sur libcom.com, (notre traduction).
6) 1943-1945: Anarchist partisans in the Italian Resistance, sur libcom.com (notre traduction).
7) Postface à Max Nettlau, Histoire de l’Anarchie, p.281.
8) E. Sarboni, 1944 : les Dossiers noirs d’une certaine Résistance, Perpignan, Ed. du CES, 1984.
9) Pépito Rossell, Dans la Résistance, l’apport du mouvement libertaire.
10) Le Monde diplomatique, août 2004.
11) Sur la trajectoire de la CNT, lire notre série dans la Revue internationale, notamment les articles : “L’échec de l’anarchisme pour empêcher l’intégration de la CNT dans l’Etat bourgeois (1931-34) ; L’antifascisme, la voie de la trahison de la CNT (1934-36)”.
12) D.A. de Santillan, in Solidaridad obrera, 16 avril 1937.
13) D.A. de Santillan, in Solidaridad obrera, 21 avril 1937.
14) Solidaridad obrera, 6 janvier 1937, cité par la Révolution prolétarienne no 238, janvier 1937.
15) Cité par P. Hempel, A bas la guerre, p.210.
16) Vsevolod Mikhaïlovitch Eichenbaum dit Voline (1882-1945) pendant la Révolution de 1905, membre du Parti socialiste révolutionnaire, participe à la fondation du soviet de Saint-Pétersbourg. Emprisonné, il s’évade et gagne la France en 1907 où il devient anarchiste. En 1915, menacé d’emprisonnement par le gouvernement français pour son opposition à la guerre, il s’enfuit aux Etats-Unis. En 1917, il retourne en Russie où il milite parmi les anarcho-syndicalistes. Par la suite, Voline entre en contact avec le mouvement makhnoviste et prend la tête de la section de culture et d’éducation de l’armée insurrectionnelle, et devient président de son Conseil militaire insurrectionnel en 1919. Plusieurs fois arrêté, il quitte la Russie après 1920 et se réfugie en Allemagne. Revenu en France, il rédige, à la demande de la CNT espagnole, son journal en langue française. Il dénonce la politique de collaboration de classe de la CNT-FAI en Espagne. En 1940, il est à Marseille où il termine la Révolution inconnue. Les privations et les terribles conditions matérielles de la clandestinité ont raison de sa santé. Il meurt de la tuberculose à Paris en 1945.
17) Extrait du tract : A tous les travailleurs de la pensée et des bras, 1943.
18) Les Anarchistes et la résistance, CIRA.
Ces derniers temps, la bourgeoisie a tenté d’inoculer un fort sentiment d’impuissance dans les rangs ouvriers. L’abstention record des dernières élections européennes, la déroute de la gauche, la faiblesse de la mobilisation lors de la dernière journée d’action syndicale du 13 juin, sont autant d’événements que la classe dominante a exploités à plein pour marteler son message propagandiste : “Vous, les ouvriers, vous êtes incapables de peser sur les choix politiques actuels et à venir. Vous êtes impuissants face aux attaques qui aujourd’hui pleuvent sur vos têtes”. Cette stratégie a, à court terme, fonctionné en partie. Il y a très ponctuellement, en ce début d’été, un certain déboussolement du prolétariat. Mais en réalité, il s’agit là d’une victoire de la bourgeoisie à la Pyrrhus.
Contrairement à ce qu’elle laisse transparaître dans ses discours, le peu d’intérêt qu’a suscité le cirque électoral des européennes inquiète la bourgeoisie. En effet, les élections sont toujours un moment privilégié pour faire croire aux ouvriers qu’ils ont la possibilité de choisir leur avenir, qu’ils ont le pouvoir de défendre leurs intérêts en glissant leur bulletin dans l’urne (1).
Or, justement, le niveau record d’abstention de ces dernières élections (près de 60 %) révèle que la mystification électorale a du plomb dans l’aile. Depuis des générations, les ouvriers sont baladés d’une alternance à l’autre, d’un gouvernement de droite à un gouvernement de gauche, et pourtant ils sont toujours confrontés à la même politique anti-ouvrière, à la même inexorable et continuelle dégradation de leurs conditions de vie.
C’est pourquoi aussi le recul prononcé de la gauche n’est pas une défaite de la classe ouvrière, bien au contraire ! Dans toute l’Europe, les partis sociaux-démocrates ont obtenu des scores extrêmement faibles. Pourquoi ? Une partie grandissante de la classe ouvrière ne croit plus en ces partis pour la défendre. Les travailleurs ont expérimenté la gauche au pouvoir et ils savent qu’elle orchestre aussi bien que la droite, voire mieux, les attaques contre leurs conditions de vie.
Cette perte croissante d’illusions pose un problème à la classe dominante. Les partis de gauche ont pour mission principale d'encadrer idéologiquement la classe ouvrière et de la pousser, soumise et atomisée, dans l’isoloir (2). C’est pour cette raison qu’au lendemain de cette élection, une véritable entreprise de culpabilisation des ouvriers a été mise en œuvre dans les médias. On a ainsi pu lire et relire dans la presse, et même sur le site officiel de l’Union européenne, que l’abstention avait profité à la montée des partis “populistes” et d’extrême-droite dans le parlement européen. Et de façon générale que, si la droite est à présent ultra-majoritaire, c’est la faute aux “couches populaires” qui ne se sont pas mobilisées sur le terrain électoral. En effet, on a vu en France une abstention de plus de 70 % dans les quartiers ouvriers, alors que l’électorat de droite s’est montré globalement beaucoup plus “citoyen”. “La droite a la main au moment même où sévit une crise historique du capitalisme”, s’est écrié le Parti de gauche (3).
Et c’est pourtant justement bien là que le bât blesse pour la classe dominante. Car les ravages que provoque la crise économique dans les rangs ouvriers les amènent non pas à se mobiliser dans les urnes mais dans la rue, sur un terrain de classe, ce qui ouvre une toute autre perspective.
Il en va exactement de même des journées d’action syndicales comme celle du 13 juin. Les journaux se sont tous répandus sur “la faiblesse de la participation”, insistant lourdement sur l’incapacité des travailleurs à se mobiliser. Tout avait été fait pour cela. Il s’agissait de la cinquième journée d'action à répétition en quelques mois. En janvier, le mécontentement social était énorme, la situation était explosive. Au niveau international, après les luttes en Grèce, les ouvriers des Antilles prenaient le relais. Les syndicats ont alors temporisé pour maîtriser la situation, ils ont égrené les journées de lutte en les espaçant de plusieurs semaines chaque fois. Alors que le nombre de participants était “historique” au cœur de l’hiver, la mobilisation a décliné progressivement. La journée du 13 juin devait venir parachever ce travail de sabotage en étant une véritable “mobilisation enterrement”. D’ailleurs, les syndicats ont fait très peu de pub pour cette journée dans les entreprises ou les administrations, très peu d’appels et de tracts ont circulé. Et la bourgeoisie a réussi son coup : il n’y avait effectivement personne, ou presque, dans les rues ce jour-là. Ponctuellement donc, elle a pu dire aux ouvriers qu’ils étaient incapables de lutter. Mais que se cache-t-il vraiment derrière cette absence de mobilisation ? Un manque de combativité ? Des illusions sur l’avenir ? Pas vraiment. Les ouvriers sont surtout très circonspects envers l’efficacité des méthodes syndicales. Même s’il n’y a pas aujourd’hui une véritable méfiance en direction des syndicats, ceux-ci sont loin d’entraîner l’adhésion massive des travailleurs.
La bourgeoisie tente de nous présenter l’abstentionnisme, le recul de la gauche et la faiblesse de la mobilisation derrière les syndicats comme des preuves de l’impuissance de la classe ouvrière. Il n’en est rien ! Il s’agit au contraire d’éléments encourageants et nécessaires qui témoignent de l’usure relative de ces armes de la bourgeoisie contre le prolétariat. Même si la classe dominante tente de profiter du déboussolement momentané de la classe ouvrière, le piège qu’elle tend ainsi aux prolétaires n’est qu’un rideau de fumée. Car, avec la faillite du capitalisme qui saute aux yeux de tous et alors que la classe ouvrière tend à développer partout son combat, l'Etat bourgeois va devoir s’appuyer de façon croissante sur ses défenseurs “sociaux” patentés, partis de gauche, d'extrême gauche et syndicats pour œuvrer à stériliser la réflexion et la prise de conscience.
Mulan (4 juillet)
1) Lire notre brochure Les élections : un piège pour la classe ouvrière [1126].
2) C’est d’ailleurs pour cela qu’en France, où le PS accuse particulièrement le coup depuis plusieurs années et laisse une brèche “sociale” très importante, se sont créés le Parti de gauche et le Nouveau parti anticapitaliste, afin d’encadrer et de tromper de façon “crédible” les ouvriers.
3) Déclaration nationale du Parti de gauche du 14 juin 2009.
Nous publions ci-dessous la traduction d’une courte prise de position sur les événements qui frappent actuellement l’Iran, prise de position réalisée par Dünya Devrimi (1), organe de presse du CCI en Turquie, et publiée en langue anglaise dès le 16 juin sur notre site.
Al-Jazeera a bruyamment proclamé que les protestations en Iran constituent le “le plus grand trouble depuis la révolution de 1979”.1 Ces “protestations”, qui ont débuté dans Téhéran le samedi 13 juin, sont, au fur et à mesure des annonces de résultats, devenues de plus en plus violentes. Dans trois universités de Téhéran, les manifestations ont rapidement été confrontées à la répression, et les protestataires ont attaqué la police et des gardiens de la révolution. La police a isolé les emplacements importants et, à leur tour, les protestataires ont attaqué des magasins, des bureaux du gouvernement, des commissariats de police, des véhicules de police, des stations-service et des banques. Des rumeurs sortant de Téhéran suggéraient que quatre personnes ou plus étaient déjà mortes. L’Etat a également réagi en arrêtant quatre éminentes “figures anti-gouvernementales” et, plus important, en interrompant le réseau Internet qui avait été utilisé, par l’intermédiaire des messageries SMS et des sites Web, pour organiser les manifestations. Les journalistes occidentaux ont dit que “Téhéran ressemblait déjà presque à une zone de guerre”.
Que les gens ne soient pas satisfaits avec ce que la société a à leur offrir et qu’il y ait une volonté croissante de lutter est une chose très claire, non seulement au vu de ces événements, mais également à celui des luttes récentes en Grèce, en Egypte ou en France. Le simple fait de tourner les pages des journaux nous montre que la classe ouvrière est en train de retrouver sa volonté de lutter malgré les craintes provoquées par la brutalité de la crise économique.
Cependant, les communistes ne doivent pas se contenter de simplement encourager de loin les luttes. Il est nécessaire d’analyser, d’expliquer et de proposer une perspective. Jusqu’à présent, ce mouvement est d’un caractère très différent de celui de 1979. Dans les luttes qui ont conduit à la “révolution islamique”, la classe ouvrière a joué un rôle énorme. D’après tous les discours des gens dans les rues qui renversaient le régime, ce qui était clair en 1979 était que les grèves des ouvriers iraniens étaient l’élément politique majeur qui conduisait au renversement du régime du Shah. En dépit des mobilisations massives, quand le mouvement “populaire”, regroupant presque toutes les couches opprimées en Iran, a commencé à s’épuiser, l’entrée en lutte du prolétariat iranien au début d’octobre 1978, particulièrement dans le secteur pétrolier, a non seulement ravivé l’agitation, mais a posé un problème pratiquement insoluble pour le capital national, en l’absence d’un remplacement possible de la vieille équipe gouvernementale. La répression a été suffisante pour provoquer le retrait des petits négociants, des étudiants et des sans travail, mais elle a prouvé qu’elle était une arme inefficace de la bourgeoisie lorsqu’elle est confrontée à la paralysie économique provoquée par les grèves des ouvriers.
Ce n’est pas pour dire que le mouvement en cours ne peut pas se développer et ne peut pas entraîner la classe ouvrière en tant que classe dans la lutte. La classe ouvrière en Iran a été particulièrement combative ces dernières années, particulièrement avec la grève non officielle forte de 100 000 enseignants qui a eu lieu en mars 2007, à laquelle se sont joints des milliers d’ouvriers d’usines en signe de solidarité. Un millier d’entre eux ont été arrêtés pendant cette grève. Ça a été la plus grande lutte ouvrière enregistrée en Iran depuis 1979. Cette grève a été suivie durant quelques mois de luttes faisant participer des milliers d’ouvriers dans les industries de canne à sucre, de pneus, des véhicules à moteur et de textiles. Aujourd’hui, bien entendu, il y a des ouvriers dans les rues, mais ils sont maintenant engagés dans la lutte en tant qu’individus et non comme force collective. Il est cependant important de souligner que le mouvement ne peut pas progresser sans cela, sans cette force collective de la classe ouvrière. Une grève nationale d’un jour a été réclamée pour mardi 16 juin. Ceci peut donner une indication sur le niveau de soutien dans la classe ouvrière (2).
Récemment, les discours des médias bourgeois nous ont abreuvé de prétendues “révolutions” baptisées du nom de diverses couleurs ou plantes. Il y a eu la révolution “orange”, la révolution des “roses”, la révolution des “tulipes” et la révolution des “cèdres”, etc, pendant tout ce temps, les médias ont bêlé comme des moutons au sujet de la “lutte” pour la démocratie.
Ce mouvement a commencé en tant que protestation au sujet de la fraude dans les élections et les protestataires se sont à l’origine mobilisés en soutien à Mousavi. Cependant, les slogans se sont rapidement radicalisés. Il y a une différence énorme entre les faibles protestations de Mousavi auprès du chef suprême au sujet de l’injustice des élections et les chants de la foule qui criait : “Mort au dictateur et au régime !” Naturellement, la clique de Mousavi est maintenant prise de panique et a décommandé une manifestation prévue pour lundi 15 juin. Il reste à voir si les gens respecteront cette décision. Par ailleurs, les appels au calme de Mousavi ont jusqu’ici suscité des slogans contre lui.
Contrairement à ce type de “révolutions” colorées, le communisme pose la possibilité d’un type complètement différent de révolution, et d’un type complètement différent de système. Ce que nous préconisons n’est pas simplement un changement de gestion de la société avec de nouveaux patrons “démocratiques”, jouant exactement le même rôle que les vieux patrons “dictatoriaux”, mais une société de producteurs libres et égaux créée par la classe ouvrière elle-même et basée non sur les besoins du profit mais sur les besoins de l’humanité, une société dans laquelle les classes, l’exploitation et l’oppression politique seront éliminées.
Sabri, le 15 juin
1) Lire notre article “Salut aux nouvelles sections du CCI aux Philippines et en Turquie !”.
2) Note de la rédaction : au moment de mettre sous presse, en ce début juillet, le mouvement de contestation en Iran semble avoir été étouffé. L’éventualité, envisagée par nos camarades de Turquie, de l’entrée en lutte dans ce mouvement de la classe ouvrière ne s’est pas réalisée. Il est aujourd’hui encore très difficile pour notre classe d’avoir assez de force pour entraîner derrière elle la majeure partie de la population dans son combat. Mais il s’agit bien là d’une réelle possibilité pour l’avenir. Au fur et à mesure que le prolétariat va développer sa combativité, sa conscience et son organisation en tant que classe dans la lutte, il sera de plus en plus capable d’ouvrir une perspective et d’offrir un espoir à l’ensemble des couches non-exploiteuses de l’humanité.
Début juin, le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, publiait le rapport Réduction des risques de catastrophes : bilan mondial 2009. Ce document met en évidence l’accroissement des risques face à la dégradation continue de l’environnement, du réchauffement climatique et de l’urbanisation anarchique dans certaines régions du globe.
Entre 1975 et 2008, 8866 catastrophes naturelles ont tué 2 284 000 personnes dans le monde. Le nombre de victimes d’inondations ou de tempêtes est passé, depuis 30 ans, de 740 millions à 2,5 milliards de personnes.
En 2008, plus de 300 catastrophes naturelles ont fait 236 000 morts et touché directement plus de 200 millions de personnes, selon les chiffres de l’ONU qui appelle, dans un grand élan de “solidarité” internationale, tous les gouvernements à “lutter” plus efficacement contre les risques “sous-jacents” de ces évènements. “Nous savons tous que les pauvres et les pays en développement sont ceux qui souffrent le plus des catastrophes, et les trois-quarts de ceux qui périssent à la suite d’inondations se trouvent dans trois pays asiatiques : Bangladesh, Chine et Inde”, analyse Ban Ki-moon.
De plus, si les pays arabes subissent moins le contre-coup de ces catastrophes naturelles parce qu’ils y sont moins exposés actuellement, la montée des eaux des océans menace directement, et à brève échéance, Bahreïn, l’Egypte et Djibouti. Et les autres pays arabes, qui ne sont pas menacés par la mer, le sont par la sécheresse.
L’impact écologique et économique du réchauffement climatique tue d’ores et déjà. Et même beaucoup. Un rapport rendu public par le “Forum humanitaire mondial”, fondation présidée par l’ancien secrétaire général des Nations-Unies, Kofi Annan, resitue la problématique du réchauffement climatique mondial. Car il ne s’agit pas seulement d’une menace future très sérieuse annonçant 250 millions de “réfugiés climatiques” à l’horizon 2050, mais d’une crise contemporaine majeure tuant actuellement 300 000 personnes par an dans le monde !
Plus de la moitié des 300 000 décès recensés sont provoqués par la malnutrition. Ensuite viennent les problèmes de santé, car le réchauffement climatique favorise la propagation de nombreuses maladies. Ainsi, dix millions de nouveaux cas de paludisme entraînant 55 000 morts ont été identifiés. Ces victimes vont s’ajouter aux 3 millions de personnes qui meurent chaque année de cette maladie. Bien entendu, la population des pays pauvres est là encore la plus touchée, car c’est aussi pour elle que l’accès aux médicaments est forcément le plus réduit.
L’élévation de la température, telle qu’elle est constatée par tous les scientifiques sérieux, a un impact direct sur les rendements agricoles et l’accès à l’eau, et en conséquence sur la pauvreté. La dégradation sévère de l’environnement, ainsi que les dérèglements climatiques qui en découlent (inondations, tempêtes, cyclones…) affectent directement au moins 325 millions de personnes par an, soit un vingtième de la population mondiale, et tout particulièrement celles qui vivent dans les pays les plus pauvres.
Les experts s’attendent à ce que ces chiffres soient encore multipliés par deux au cours des vingt prochaines années, annonçant la plus grave crise humanitaire de l’histoire de l’humanité.
Face à cette catastrophe annoncée, que fait réellement la bourgeoise ? L’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), organisme pourtant coutumière de l’optimisme forcené et du mensonge propagandiste du “ça ira mieux demain”, doit pourtant avouer elle même qu’un-tiers au moins des programmes financés dans le cadre de l’aide publique au développement n’aboutiront pas, alors que le “Forum humanitaire mondial” estime dans le même temps qu’il faudrait multiplier par cent l’argent consacré au développement pour contrer les prévisions les plus sombres !
Résultats : les nouvelles projections, en cours d’édition dans le Journal of Climate de l’American Meteorological Society Journal, font état d’une augmentation de la moyenne des températures à l’échelle du globe de 5,2 °C pour l’an 2100, avec un taux de probabilité de 90 %, ce qui contribuerait à élever le niveau de la mer de près d’un mètre !
En 2003, la même étude, mais basée sur des moyens moins développés, ne prévoyait qu’une hausse moyenne des températures de 2,4 °C. Cette différence d’estimation montre à quel point la classe dominante, tout en s’efforçant de “modéliser” l’avenir de son navire en perdition, navigue totalement à vue. Elle a beau appeler les Etats à la mise en place de plans d’action, sa logique irrationnelle ne peut que pousser à toujours plus de destruction.
Ainsi, alors que de nouvelles négociations se sont ouvertes à l’ONU pour l’après-Kyoto, un rapport de “Christian Aid” estimait que 182 millions d’êtres humains allaient mourir en Afrique d’ici 2100 des causes directes du changement climatique.
Face à de telles perspectives, et devant son impuissance à régler le problème, la bourgeoisie a recours à la culpabilisation de la population et à celle des travailleurs. On nous ressort donc à qui mieux mieux que le réchauffement global a été majoritairement provoqué par le train de vie des pays développés. En effet, les calculs effectués par les scientifiques appointés du capitalisme nous démontrent qu’un Occidental consomme onze fois plus d’énergie qu’un habitant de pays du Sud, et que la moitié des rejets de CO2 sont produits par les pays du Nord (24 % du total mondial pour les Etats-Unis, 10 % pour la zone euro). Donc, les ouvriers des pays développés devraient rester ou devenir pauvres afin de préserver la planète et, au lieu de penser à se battre contre leurs exploiteurs, se laver les dents avec l’eau qui a fait cuire les pâtes ou encore se laver à dix dans le même bain. Nous savons que même une telle situation est un luxe incroyable par rapport à celle que connaissent des milliards d’êtres humains de par le monde. Mais c’est justement ce qui est parfaitement écœurant dans la propagande capitaliste, une propagande qui voudrait que l’état de misère et d’horreur que vit une grande majorité des individus de la planète soit le lot de tous.
La classe exploitée n’a pas d’autre choix que de développer ses luttes pour sauver la planète et mettre fin à l’incurie d’un système qui est devenu une véritable catastrophe sociale pour l’humanité.
Il faut détruire le capitalisme avant qu’il ne détruise la planète !
Damien (27 juin)
La bourgeoisie ne peut faire autrement que de faire payer à la classe ouvrière le prix fort de la crise économique de son système. Mais aujourd’hui, la situation est telle qu’elle ne peut même plus s’en cacher : ainsi se multiplient les déclarations de grandes sociétés qui annoncent à leurs employés ou à une partie d’entre eux, comme les cadres, qu’ils vont devoir accepter de diminuer leurs salaires (c’est le cas du fabricant d’ampoules Osram en Alsace ou du loueur Hertz qui “propose” une diminution de 5 à 7,5 % selon le statut pendant trois mois, ou de HP qui fixe le barème à 2,5 % pour les non-cadres et 5 % pour les cadres, cette fois-ci sans limite dans le temps). Pire, se multiplient les propositions de travailler quelque temps gratuitement, comme chez British Airways, ou encore d’offrir des jours de “RTT” pour financer le chômage partiel des ouvriers (Renault). Tous ces sacrifices sont demandés au nom d’un odieux chantage : ils permettraient, selon leurs dirigeants, de sauver les emplois, voire de sauver ces entreprises de la faillite.
Les juristes se succèdent dans les colonnes des grands quotidiens pour confirmer que la pratique est parfaitement légale tant qu’elle repose sur l’accord du salarié. Un accord qui ne doit pas être trop difficile à obtenir quand on le fait reposer sur la déchirante alternative “c’est ça ou la porte”.
En général, ces annonces s’accompagnent de celles de grands “plans sociaux” dont la remise en cause est totalement exclue, que les employés acceptent ou non de travailler sans être payés : Hertz va renvoyer 4000 ouvriers chez eux, HP envisage 15 000 suppressions de postes sur deux ans, rien qu’en Europe.
à quoi va donc alors servir ce “sacrifice” ? à limiter les dégâts ou surmonter les difficultés de l’entreprise ? Certainement pas ! Il suffit de se replonger quelques années en arrière pour se rendre compte qu’il n’en sera rien : pour ne citer qu’un seul exemple parmi les plus récents, les 1200 ouvriers de Continental à Clairoix, les fameux “Conti”, viennent d’en faire l’amère expérience, eux qui, fin 2007, acceptaient de repasser à 40 heures et de travailler les jours fériés sans augmentation de salaire pour “sauver l’entreprise” ont été mis, dix-huit mois plus tard, devant le fait accompli de la fermeture programmée de l’usine. Bref, la vraie alternative proposée par la bourgeoisie est : “être viré tout de suite ou travailler gratuitement aujourd’hui… pour être viré demain” !
Ces mesures sont déjà en elle-mêmes totalement intolérables et inacceptables : subir des conditions d’exploitation pires que du temps de l’esclavage, qui au moins garantissait à l’esclave le gîte et le couvert. Aujourd’hui, le capitalisme en crise tente de forcer de plus en plus de prolétaires à trimer gratuitement pour un patron qui leur impose déjà des salaires de misère pour faire vivre leur famille tout en les plaçant sous la menace constante du licenciement du jour au lendemain, Et pour couronner le tout, la bourgeoisie saupoudre ce sommet de l’exploitation de son incomparable cynisme en n’hésitant pas à “donner l’exemple”, à l’instar du PDG de British Airways et de son directeur financier, qui travailleront gratuitement pendant un mois ou du PDG d’HP, qui réduit son salaire de 20 %. Comme si exploiteurs et exploités étaient dans le même bateau avec les mêmes intérêts à défendre, et comme si le salaire d’un ouvrier qui survit au jour le jour, quand bien même il est payé tous les mois, était comparable à celui d’un patron, qui par ailleurs touche stock-options et autres bonus. Tout cela est absolument répugnant et révoltant.
GD (3 juillet)
Le jeudi 25 juin, une centaine de familles de sans-papiers ont été expulsées de force de la Bourse du travail, à Paris, gazées et jetées à la rue comme des chiens par des hommes cagoulés, armés de barres de fer et de bombes lacrymogènes. Qui étaient ces hommes ? Des CRS ? Des commandos lepénistes ? Non. Des nervis de la CGT !
Cette centrale syndicale qui, à en croire ses discours, ne vit que pour défendre l’ouvrier, la veuve et l’orphelin, n’a en effet pas hésité à envoyer ses hommes de main déloger manu militari ces ouvriers sur-exploités, sans logement, exécutant des petits boulots de misère et réduits à survivre depuis des mois, eux et leurs familles, dans les couloirs des locaux de la Bourse du travail.
En fait, ces travailleurs et leurs familles occupaient ce bâtiment depuis le 2 mai 2008, habituellement lieu de réunion de la CGT appartenant à la Mairie de Paris. Ils n’y étaient pas venus par hasard mais par pure nécessité de survie après la magouille entreprise conjointement, en avril 2008, par le gouvernement, la gauche et les syndicats pour ficher et expulser un maximum de travailleurs clandestins (1). A cette époque, la CGT avait poussé des milliers de travailleurs clandestins à se mettre en grève, non pas comme proclamé officiellement pour défendre des conditions de travail intolérables, mais afin de pouvoir les faire repérer et ficher plus facilement. Tout avait été organisé à l’avance et négocié en secret avec le gouvernement. En tout et pour tout, 800 dossiers ont été régularisés, dossiers concernant presque tous des encartés cégétistes. Pour les milliers d’autres, leur identité maintenant connue en préfecture, ils étaient tout simplement destinés à être expulsés et à remplir les charters des 23 000 expulsions annuelles des lois Hortefeux. Parmi eux, un certain nombre se sentant particulièrement humiliés et trompés par la CGT, sans ressources et sans perspectives, sont alors venus avec leur famille occuper les locaux de ce syndicat. Attitude bien évidemment inadmissible pour ce syndicat.
Le communiqué lapidaire de la CGT, tombé le jour de l’expulsion en milieu d’après midi, révèle le peu de cas qu’elle fait de ces quelques familles ouvrières : “Les syndicats CGT de Paris ont contribué à mettre un terme à l’occupation”. Point barre. Autrement dit, pour la CGT, il n’y avait aucune raison de parler de cet “épisode”, il valait mieux le passer sous silence. Et pour cause ! Mais devant le battage et l’émotion suscités par cette ignoble politique, la CGT a finalement été contrainte de s’expliquer en tentant de justifier l’injustifiable. Anne Leloarer, membre du bureau départemental de la CGT, y est alors allée de son petit couplet empoisonné : “Franchement, on s’est démené pour eux (sic !), mais c’était de plus en plus inacceptable. Ces gens-là (re-sic !) n’ont jamais rien voulu comprendre. Ils avaient décidé qu’ils resteraient là, hébergés à la Bourse du travail”. Voilà bien des propos aussi méprisants que nauséabonds.
Il n’est pas nécessaire que Sarkozy fasse appel à ses forces de répression, la CGT réagit plus vite et tape plus fort. Et il n’y a ici rien d’étonnant, c’est la simple continuité de la pratique anti-ouvrière et répressive de la CGT depuis des décennies (2). Ce syndicat n’en est en effet pas à son coup d’essai. Déjà, en 2007, la CGT avait procédé exactement de la même manière en expulsant là-aussi des immigrés qui occupaient “ses” locaux (3). Et les jeunes générations d’aujourd’hui ne savent peut-être pas qu’en 1981, le PCF, à l’époque sous la direction de Marchais, et son syndicat la CGT, faisaient donner du bulldozer contre des ouvriers de nationalité malienne réfugiés dans un foyer Sonacotra à Vitry-sur-Seine !
Les familles ouvrières jetées de force sur les trottoirs ont bien compris le sens de ce qui leur arrivait puisque immédiatement après ils criaient tous ensemble : “CGT, Hortefeux, même patron, même combat !”. Ces familles expulsées, balancées à la rue, ce sont nos familles, ce sont celles de toute la classe ouvrière. Nous sommes tous des ouvriers susceptibles de nous retrouver jetés à la rue, sans travail et sans logement. Et comme à la Bourse du travail aujourd’hui, et à Vitry hier, “français” ou immigrés, tous les ouvriers auront à faire face aux méthodes musclées de la CGT et des autres syndicats.
Rossi (2 juillet)
1) Lire notre article “Mouvement des travailleurs sans papiers : pour expulser, le gouvernement peut compter sur les syndicats et la gauche”, Révolution internationale no 391, juin 2008.
2) Il
n’est pas davantage surprenant qu’une organisation qui prétend
elle aussi agir au nom “des travailleurs”, comme “Lutte
ouvrière” vole au secours de la CGT pour justifier son action
“coup de poing”. Dans son édition du 3 juillet, l’article
“Certains oublient que les adversaires sont Besson et Sarkozy”
s’en prend à tous ceux qui dénoncent haineusement la CGT comme
auxiliaire armé de Hortefeux. L’article met notamment en avant
que “Ces insultes sont inacceptables alors que des centaines de
militants de la CGT ont souvent été en première ligne pour
défendre le droit des travailleurs immigrés avec ou sans
papiers”.
Il faudra se souvenir, dans le développement des
prochaines luttes, que dans l’opposition irrémédiable entre les
flics syndicaux et la lutte des prolétaires contre leurs conditions
d’exploitation, LO a démontré ouvertement quel camp elle
défendait.
3) Voir “Quand les syndicats expulsent les sans-papiers [1034]”, Révolution internationale no 379, mai 2007.
Nous publions ci-dessous la traduction d’un article réalisé par World Revolution, organe de presse du CCI en Grande-Bretagne.
On nous dit tous les jours que nous devons nous serrer la ceinture, accepter les suppressions de poste, les diminutions de salaire et de pension de retraite, pour le bien de l’économie nationale, pour l’aider à faire face à la récession qui s’approfondit. L’idée de lutter contre ces attaques incessantes se heurte à la peur terrible du chômage et à la campagne médiatique sans fin qui nous dit que la lutte ne peut empêcher nos conditions de vie et de travail d’empirer.
Mais, dans les premières semaines de juin, un événement est venu clairement démontrer que le poids de la passivité et de la peur n’était pas une fatalité. Les travailleurs du métro londonien ont fait grève pour défendre 1000 emplois menacés. Les ouvriers de la Poste à Londres et en Ecosse ont lancé des luttes contre les licenciements, les contrats rompus et les suppressions de postes. Et surtout, au même moment, 900 travailleurs du bâtiment de la raffinerie de Lindsey arrêtaient le travail par solidarité avec 51 de leurs camarades qui étaient licenciés. Cette lutte a explosé dans une série de grèves sauvages par solidarité dans les plus grands sites de construction du secteur énergétique en Grande-Bretagne, quand Total a jeté 640 grévistes le 19 juin. Ces luttes montrent que nous ne devons pas accepter notre “destin”.
Au début de l’année, les ouvriers de la raffinerie de Lindsey avaient été au cœur d’une vague semblable de grèves sauvages, à propos de licenciements d’ouvriers sur le site. Cette lutte, à ses débuts, était freinée par le poids du nationalisme, symbolisé par le slogan : “Des jobs anglais pour les ouvriers anglais !” et par l’apparition de drapeaux de l’Union Jack dans les piquets de grève. Quelques-uns des ouvriers en grève disaient qu’on ne devait pas employer d’ouvriers étrangers alors que les ouvriers anglais étaient licenciés. La classe dominante a utilisé ces idées nationalistes à plein, exagérant leur impact et en présentant cette grève comme étant dirigée contre les ouvriers italiens et polonais employés sur le site. Cependant, soudainement et de façon imprévisible, il a été mis fin à cette grève quand ont commencé à apparaître des banderoles appelant les ouvriers portugais et italiens à rejoindre la lutte, affirmant : “Ouvriers du monde entier, unissez-vous !” et que les ouvriers polonais du bâtiment ont rejoint les grèves sauvages à Plymouth. Au lieu d’une défaite ouvrière longuement préparée, avec des tensions croissantes entre ouvriers de différents pays, les ouvriers de Lindsey ont obtenu 101 emplois de plus, les ouvriers portugais et italiens gardant leur emploi, gagné l’assurance qu’aucun ouvrier ne serait licencié et sont rentrés unis au travail.
La nouvelle vague de luttes, s’appuyant sur cette bonne dynamique, a pu éclater sur une base d’emblée beaucoup plus claire : solidarité avec les 51 ouvriers licenciés. Au même moment, un autre employeur embauchait des ouvriers. Les ouvriers licenciés ont été avertis qu’on n’avait plus besoin d’eux par des post-it sur leur carte de pointage ! Cela a suscité une réponse immédiate de la part de centaines d’ouvriers, arrêtant le travail par solidarité. Il y avait le sentiment que ces ouvriers étaient attaqués à cause du rôle qu’ils avaient joué dans la grève précédente. Le 19 juin, Total, le propriétaire du site, prenait la mesure inattendue de licencier 640 grévistes. Il y avait déjà eu des grèves de solidarité dans d’autres usines, mais avec ces annonces de nouveaux licenciements, des grèves ont éclaté dans tout le pays. “Environ 1200 ouvriers en colère se rassemblaient aux principales entrées hier, agitant des panneaux qui fustigeaient... les patrons cupides. Des ouvriers des centrales électriques, des raffineries, des usines dans le Cheshire, le Yorkshire, le Nottinghamshire, l’Oxfordshire, en Galles du Sud et Teesside arrêtaient le travail pour montrer leur solidarité” (The Independent du 20 juin). Le Times rapportait “qu’il y avait aussi des signes que la grève s’étendait à l’industrie nucléaire, puisque EDF Energy disait que les ouvriers contractuels du réacteur de Hickley Point dans le Somerset avaient arrêté le travail”.
Les journaux de droite tels que le Times et le Daily Telegraph qui, d’habitude, utilisent à plein ce genre de sentiments, n’en faisaient aucune mention et se concentraient plutôt sur l’action engagée par Total et le danger que ces luttes ne s’étendent. La classe dominante est extrêmement préoccupée par cette lutte, justement parce qu’elle ne peut pas la dévoyer si facilement dans une campagne nationaliste. Elle a peur qu’elle puisse s’étendre à tout le secteur de la construction en général et peut-être même au-delà. Les ouvriers peuvent voir que si Total arrive à licencier des ouvriers en grève, d’autres patrons prendront la suite. La question de la grève est clairement posée comme une question de classe, qui concerne tous les travailleurs.
La vision de la solidarité avec les travailleurs étrangers confirme la nature de classe évidente de cette lutte. Comme le dit clairement un ouvrier licencié : “Total réalisera bientôt qu’ils ont libéré un monstre. C’est honteux que cela soit arrivé sans aucune consultation. C’est aussi illégal et ça me rend malade. S’ils (Total) s’en tirent, le reste de l’industrie s’écroulera et fera du dégraissage. Les travailleurs seront décimés et les ouvriers non qualifiés étrangers seront embauchés au moindre coût, traités comme de la merde et renvoyés quand le travail sera fini. Il y a une sérieuse possibilité que l’électricité soit coupée à cause de cela. Nous ne pouvons pas rester passifs et voir des ouvriers jetés comme des habits sales” (The Independent du 20 juin).
Cette indignation des ouvriers est celle de toute la classe ouvrière. Pas seulement à cause de ce que fait Total, mais de toutes les autres attaques qu’ils subissent ou voient. Des millions d’ouvriers sont en train d’être jetés comme des déchets par la classe dominante. Les patrons s’attendent à ce que les ouvriers acceptent des réductions de salaire ou même travaillent gratis et qu’ils en soient contents ! Le mépris de Total est celui de toute la bourgeoisie.
Quoiqu’il arrive dans les prochains jours, cette lutte a démontré que les ouvriers n’ont pas à accepter les attaques, qu’ils peuvent résister. Plus que cela, ils ont vu que la seule façon de nous défendre nous-mêmes est de nous défendre les uns les autres. Pour la deuxième fois cette année, nous avons vu des grèves sauvages de solidarité. Il y a des rapports qui disent que les grèves de Lindsey ont envoyé des piquets volants au Pays de Galles et en Ecosse. Il y a des sites de construction dans tout le pays, en particulier dans la capitale, où les sites olympiques regroupent un grand nombre d’ouvriers de plusieurs nationalités. Envoyer des délégations sur ces sites, appelant à l’action solidaire, serait le message le plus clair que c’est une question qui concerne le futur de tous les travailleurs, quelles que soient leurs origines. Les ouvriers de la poste et du métro de Londres essaient aussi de se défendre contre des attaques similaires et ont tout intérêt à former un front commun.
Le vieux slogan du mouvement ouvrier – travailleurs du monde entier, unissez-vous ! –, est souvent tourné en ridicule par les patrons qui ne peuvent pas voir plus loin que leurs intérêts nationaux. Mais la crise mondiale de leur système rend de plus en plus évident le fait que les ouvriers ont les mêmes intérêts partout : chercher à s’unir pour défendre leurs conditions de vie et mettre en avant la perspective d’une autre forme de société, basée sur la solidarité à l’échelle mondiale et la coopération.
Phil. (21 juin)
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Alors que les médias nous serinent que “des signes de reprise économique sont déjà là” en France et que “le bout du tunnel” dans la conjoncture internationale nous est promis à l’horizon 2010, les ouvriers font au contraire l’amère expérience d’une nouvelle accélération de la vague de licenciements, de fermetures de sites ou d’entreprises (alors qu’au printemps dernier, le rythme des “plans sociaux” avoisinait déjà les 200 chaque mois). Le nouveau “Pôle emploi” (né de la fusion de l’ANPE et de l’UNEDIC) est débordé. Alors que l’hexagone connaît sa pire période de récession depuis 1949, il est prévu que près de 600 000 emplois (source Mediapart) seront détruits dans le secteur privé pour l’année 2009. Le chiffre officiel du chômage est reparti à la hausse en juillet et son taux devrait repasser la barre au-dessus des 10 % en France d’ici la fin de l’année. 650 000 jeunes arrivent sur le marché du travail et bien peu d’entre eux, même parmi les surdiplômés, ont l’espoir de décrocher un emploi. Cet été, les ixes Rencontres d’Aix-en-Provence, organisées par “le Cercle des économistes”, ont souligné avec gravité les “chiffres, terrifiants de l’OCDE. D’avril 2008 à avril 2009, le chômage a crû de 40 % dans les pays les plus riches. De 2007 à 2010, il devrait même y avoir 26 millions de chômeurs en plus, un bond de 80 %, sans précédent en si peu de temps. “Le plus gros de la détérioration reste à venir”, a mis en garde Martine Durand, responsable de l’emploi (…)” (1).
Aux Etats-Unis, après une forte saignée en 2008 et le choc brutal dans le secteur clé de l’automobile, “les annonces de suppressions de postes augmentent de 31 % (…) Les chiffres de juillet portent à 994 048 le nombre de postes dont la suppression a été annoncée depuis le début de l’année, ce qui correspond à un bond de 72 % sur un an” (2). La population active diminue, et rien que pour le mois de juillet, on compte 422 000 actifs de moins aux Etats-Unis, un rythme bien plus rapide qu’en juin (155 000) (3). Dans ces conditions, il devient quasiment impossible de retrouver du travail. C’est pour cela que les chômeurs de longue durée, dont le nombre ne cesse de croître de façon vertigineuse, mais aussi maintenant les travailleurs fraîchement licenciés, renoncent à rechercher un emploi. Par ailleurs, la campagne présidentielle du médiatique Obama annonçait qu’une des priorités de sa réforme était de garantir une couverture sociale digne de ce nom, une réelle protection de la santé. Ce à quoi on assiste, comme partout, c’est au contraire à une dégradation très forte puisque les salariés jetés à la rue ne peuvent tout simplement plus se soigner. En effet, selon l’institut Gallup, plus de cinq millions de personnes ont perdu leur contrat d’assurance faute d’argent. Et d’ici la fin de l’année, on pourrait compter 50 millions d’exclus ! (4)
L’Allemagne, qu’on nous présentait il y a quelques décennies comme un “modèle”, est également frappée de plein fouet par la crise. Le numéro un allemand de l’énergie, EON, dans son groupe basé à Düsseldorf, prévoit par exemple la suppression de 10 000 postes en Europe. En plus d’un véritable chantage à l’emploi sur place, et qui partout se généralise, il est précisé que “les mesures de (gestion du) personnel inévitables seront mises en œuvre (…) avec des temps partiels, des retraites anticipées, des non-renouvellements de contrats à durée déterminée ou des départs volontaires” (5).
Partout, pour tous les prolétaires qui ont encore la chance d’avoir un travail, la précarité est devenue la règle avec une pression devenue insoutenable. Le chantage à l’emploi pour baisser les salaires tend à s’étendre pour faire face à une concurrence exacerbée. Certaines entreprises commencent à exiger des baisses de salaires allant de 20 à 40 % ! Dans certains cas, comme à British Airways, on en est même arrivé à demander aux salariés du travail gratuit ! Partout encore, il est prévu de faire reculer l’âge de la retraite, d’augmenter la pression fiscale, de réduire drastiquement les budgets sociaux et les salaires des fonctionnaires ! Il n’est pas étonnant, dans ces conditions, que le nombre de suicides liés aux conditions de travail se mette à grimper, notamment en France, où on note “une organisation du travail qui produit 300 à 400 suicides par an et une montée des pathologies mentales” (6). Ceux qui résistent au rythme de la concurrence y laissent leur santé, prennent de plus en plus de risques qui conduisent à des accidents du travail. Désormais, il y a 1,2 million d’accidents du travail par an et 3000 par jour dans le monde. Ces accidents du travail font désormais plus de morts que les guerres !
Face à cette dégradation violente de ses conditions de vie, le prolétariat démontre qu’il trouve la force et le courage de se battre, même dans un contexte difficile.
Durant l’été, la question des licenciements a tenu la vedette à travers l’hypermédiatisation de certaines luttes et à cause du caractère illégal de ces actions, présentées comme modèle d’une “radicalisation” des luttes ouvrières. Il n’en est rien ! Même si ces luttes restent significatives d’une volonté de se battre, elles restent l’expression d’un manque de perspective.
Par exemple, le 31 juillet, la mort dans l’âme et la rage au ventre, les 366 ouvriers de l’usine New Fabris de Châtellerault, licenciés suite à la liquidation de leur entreprise, ont voté (vote à bulletins secrets, organisé par les syndicats) l’acceptation de la dérisoire indemnité de 12 000 euros, imposée par le ministre Estrosi. Pire, l’indemnité de licenciement se limite à 9000 euros (le versement du complément est conditionné par l’hypothétique revente, via la direction, du matériel et des machines de l’usine). La veille, le 30 juillet, une ultime manifestation dans la ville avait rassemblé entre 2000 et 3000 personnes et obtenu la participation d’autres entreprises des environs (ouvriers de Magnati Marelli, des hospitaliers du CHU, des postiers, des journalistes licenciés de la Nouvelle République ainsi que des délégations syndicales de Continental, de Molex, d’Aubade, de l’usine Ford de Bordeaux, ou de plusieurs sites comme Renault, Valeo, Thales, TDF, Freescale…) mais, contrairement à ce que cette mobilisation d’autres secteurs ouvriers pouvait faire espérer, leur sort était déjà scellé. En effet, depuis un mois et demi, ils avaient été isolés et placés sous les projecteurs des médias en menaçant de faire sauter l’usine et en plaçant devant celle-ci des bonbonnes de gaz… vides, contre une modeste revendication de prime de départ de 30 000 euros7. Dans la foulée de cas similaires, comme celui des 480 employés de l’usine Nortel de Châteaufort dans les Yvelines (qui avaient renoncé 15 jours auparavant à ce “moyen de pression” ou ceux de JLG à Tonneins dans le Sud-Ouest), l’accent a été mis sur une série de séquestrations de patrons ou de cadres (Caterpillar à Grenoble, Molex près de Toulouse…).
Toutes ces actions ou ces “menaces” sont avant tout l’expression d’un sentiment d’impuissance. Alors que les médias ont mis en avant que l’utilisation de ces moyens de lutte était l’expression d’une “radicalité” débordant les appareils syndicaux, qui s’exprimait ainsi à cause de la faiblesse des syndicats, la réalité est exactement à l’opposé. Ce sont en fait les cadres syndicaux locaux de l’entreprise qui n’ont cessé d’encourager en sous-main le recours à ce type d’actions (même si elles sont hautement désapprouvées par les centrales nationales syndicales elles-mêmes).
Xavier Mathieu, un de ces délégués CGT “radicaux” de l’usine Continental à Clairoix, a déclaré au micro de France Info le 17 août en s’en prenant aux dirigeants des grandes centrales syndicales : “Les Thibault et compagnie, c’est juste bon qu’à frayer avec le gouvernement, à calmer les bases. Ils servent juste qu’à ça, toute cette racaille”. C’est tout à fait vrai. Ce “coup de gueule” contre les dirigeants syndicaux nationaux est partagé par beaucoup d’ouvriers, syndicalistes “à la base”, qui cherchent à mettre en avant une aspiration illusoire de “faire du vrai syndicalisme”. Mais il arrange également bien les syndicats comme l’ensemble de la bourgeoisie, car il traduit une tentative nécessaire pour redorer l’image du syndicalisme, singulièrement terni depuis le sabotage des luttes de ces dernières années qui ont permis aux différents gouvernements de faire passer la liquidation des régimes spéciaux de retraite, puis toutes ses autres attaques.
Les syndicats comme l’ensemble de la bourgeoisie profitent du fait que la pression actuelle du chômage et des licenciements massifs ne favorisent pas le développement de luttes massives mais, au contraire, la dispersion des réactions ouvrières comme la tendance à provoquer une certaine paralysie momentanée de l’ensemble de la classe ouvrière qui voit ces réactions avec une sympathie réelle. Face aux fermetures d’entreprises, l’arme de la grève tend à perdre son efficacité, accentuant le sentiment d’impuissance des travailleurs. Les ouvriers se retrouvent souvent dos au mur, poussés à réagir chacun dans leur coin, à cause de ce désarroi, de ce sentiment d’impuissance qu’elles génèrent, avec le traumatisme lié à la perte d’emploi. Mais la bourgeoise pourra de moins en moins utiliser cette situation pour susciter une division, voire une opposition entre ceux qui perdent leur travail et ceux qui ont le “privilège” de le conserver. S’il est difficile pour la classe ouvrière de riposter par une réponse d’envergure face aux attaques, celle-ci n’a pas pour autant renoncée à lutter pour la défense de ses intérêts alors que le manque actuel de perspective immédiate pousse la plupart d’entre elles, notamment dans les pays développés, à rester encore fortement sous l’emprise des syndicats.
L’expérience montre à la classe ouvrière qu’elle est capable de développer une réflexion collective animée par le besoin de développer ses luttes. Ce n’est qu’en tirant la leçon de la situation présente que seule la lutte unie et solidaire peut freiner la brutalité des attaques et de l’exploitation, et qu’elle sera en mesure de résister aux chantages de la bourgeoisie. Et c’est à travers la reconquête de sa capacité à prendre en mains ses luttes qu’elle pourra franchir une nouvelle étape dans son combat contre le capitalisme. Cette perspective est toujours présente.
W (28 août)
1) come4news.com [1128]
2) www.latribune.fr [1129].
3) www.lepoint.fr [1130]
4) www.humanite.fr [1131]
5) romandie.com
6) www.lemonde.fr [1067]
7) Le Nouvel observateur du 23 juillet va jusqu’à reconnaître que les 30 000 euros réclamés par les salariés de New Fabris ne pèsent plus que 22 fois le SMIC alors qu’en 1988, les ouvriers licenciés des chantiers navals de La Ciotat avaient reçu de l’Etat une prime de départ de 30 500 euros en 1988, équivalant à 40 SMIC de l’époque, soit une baise de 45 % en 20 ans !
La direction de Freescale (ex Motorola), à Toulouse, a annoncé le 22 avril la fin de la production à Toulouse, ce qui représente plus de 800 licenciements, auxquels se rajoutent ceux du secteur de la téléphonie, 250 personnes et ceux de l’importante sous-traitance sur la région. En tout, cela va concerner plus de 3000 salariés. Cela intervient quasi en même temps que la fermeture de l’usine de Crolles, près de Grenoble, celle d’East Kilbride en Ecosse ainsi que celle de Sendai au Japon. Cette “restructuration” doit être réglée avant fin 2011.
Il s’agit là d’une des nombreuses attaques aux conditions de vie de la classe ouvrière que le capitalisme en faillite lui réserve. Pour les familles frappées par les licenciements, ici comme ailleurs, c’est l’angoisse d’une perspective de misère car chacun sait que s’il parvient à retrouver un travail, il y a de grandes chances pour que ce soit un emploi de survie sous payé. Pas étonnant que ces ouvriers, eux aussi, aient ressenti ces annonces comme un grand coup sur la tête. Lancer immédiatement un appel à la solidarité des autres ouvriers de la région, cela n’est même pas évoqué par les syndicats, ce qui n’est pas fait pour nous étonner, mais qui est à souligner. Les ouvriers, eux, sous l’impulsion d’une minorité d’entre eux, vont développer des efforts pour organiser leur lutte.
Leur première réaction est qu’il ne faut pas se faire d’illusions sur le discours de la direction concernant les reclassements. D’ailleurs, début mai, lorsque le directeur réunit l’équipe de nuit (l’usine fonctionne en 6 équipes) pour lui présenter le cabinet conseil qui allait s’occuper des reconversions, il est pris à partie par les ouvriers qui lui demandent s’il ne se moque pas d’eux, le traitant de menteur. La quasi-totalité des 120 ouvriers présents ce soir-là se sont levés et ont quitté la salle. Face à la colère qui se développe, la direction et les syndicats orientent vers des AG par équipe. Parmi les ouvriers, les plus combatifs proposent qu’une fois par semaine il y ait une AG commune afin que les décisions soient prises collectivement. Cette proposition recueille l’accord des ouvriers et les syndicats sont obligés de suivre. Face aux divisions syndicales bien connus, les ouvriers demandent aux syndicats de laisser de côté leurs querelles et de s’unir en intersyndicale, pensant par là qu’ils seraient mieux défendus. FO, UNSA, CFE-CGC, CGT, CFDT et CFTC annoncent alors comme une grande réussite qu’ils sont d’accord pour créer une intersyndicale. Cette intersyndicale propose que chaque équipe élise 4 délégués chacune afin d’assister, comme observateurs, aux négociations avec la direction. Il deviendra clair pour beaucoup d’ouvriers qu’il s’agissait là d’une ruse des syndicats ayant pour but de faire semblant d’accepter que les ouvriers participent, tout en les transformant en simples observateurs. Cela leur permettait de garder le contrôle total sur les événements. Face à cette ruse, une minorité d’ouvriers interviendra dans l’AG pour défendre la souveraineté de celle-ci, dire que c’est elle qui doit décider et non l’intersyndicale. Cela recueillera l’approbation d’une partie des ouvriers.
La direction propose alors une série de négociations qui ont lieu chaque jeudi. Évidemment, les négociations n’avancent pas. Direction et syndicats les font traîner pour démoraliser les ouvriers. Les querelles entre les syndicats se réveillent bien opportunément afin de commencer à organiser la division. La majorité des ouvriers est exaspérée. A la mi-mai, l’AG de l’équipe de nuit décide de ne plus laisser les syndicats mener les discussions et décident qu’il revient aux ouvriers de porter eux-mêmes leurs revendications à la direction. Cela est discuté à l’AG commune qui suit, celle du lundi. C’est alors que la majorité des syndicats déclare qu’elle ne reconnaît plus la souveraineté de l’AG et appelle ses adhérents à des AG parallèles dans le but de faire des “propositions constructives à la direction !” (cela permettra en effet à la direction de trouver les propositions de FO très constructives !). La CGT et la CFDT, quant à elles, déclarent qu’elles continuent à reconnaître la souveraineté de l’AG (mais nous le verrons, pour mieux reprendre les choses en main). Du coup, à cette AG, ce sont les ouvriers délégués par chacune des équipes qui mènent les débats. On y parle d’interpeller la direction sur la lenteur des négociations et de menacer d’organiser l’AG devant l’usine pour faire connaître le mouvement.
A l’AG commune suivante, il est discuté d’un communiqué-tract à distribuer autour de soi ainsi qu’à la manif du 13 juin, occasion pour essayer de rencontrer d’autres ouvriers. L’idée du tract est acceptée mais les syndicats, en fait, vont essayer de ne pas le porter à la connaissance des médias pour y substituer leur propre communiqué. C’est sous la pression des ouvriers qu’ils le feront.
Face à l’impasse des négociations qui perdure, la colère des ouvriers les pousse à des débrayages pendant lesquels ils vont distribuer leur tract aux automobilistes qui passent devant l’usine. Au cours de ces distributions, de nombreux ouvriers manifestent leur solidarité. Mais la conscience de la nécessité d’une recherche active de solidarité avec les autres ouvriers n’est encore qu’embryonnaire et les syndicats l’étoufferont rapidement. De fait, pour la manif du 13 juin, les syndicats avaient préparé leur coup, et il a marché. Ils distribuent des sifflets aux ouvriers lesquels, au lieu d’aller parler avec ceux de Molex par exemple, se défoulent avec leurs sifflets, toute discussion étant ainsi impossible. Les ouvriers n’ont pas réussi à dépasser ce barrage syndical.
Le 18 juin, la colère domine encore. Une grève éclate, elle durera 72 heures. Une fois terminée, les syndicats vont essayer de la faire redémarrer, alors qu’on est à la veille des vacances, dans le but évident d’épuiser les plus combatifs. Une minorité rappelle alors que la dernière AG avait dit que ce n’était plus, à la veille des vacances, le moment de lutter dans l’isolement total. Des syndicalistes les accusent alors d’être contre la lutte. L’un d’eux tentera même d’en découdre physiquement. Mais devant le vote de l’AG qui se prononce contre la grève maintenant, ce dernier se sentira obligé de s’excuser, ce qui sera l’occasion de faire une déclaration bien accueillie par l’AG sur le fait qu’entre ouvriers, on essaie de se convaincre, mais on n’en vient pas aux mains.
Quelle pourra être la suite à la rentrée ? CGT et CFDT ont repris les choses en main. Il n’y a pas encore une conscience suffisamment claire de ce que représentent les syndicats et du fait qu’ils sont des rouages de l’Etat au sein de la classe ouvrière. Mais une réflexion commence.
Pendant les 72 heures de grève un ancien ouvrier de cette usine est venu apporter sa solidarité et a raconté la grève de 1973 en disant notamment : “nous, on n’avait pas fait confiance aux syndicats et on s’était organisé entre nous” et cela a frappé les ouvriers.
Oui, il faut garder le contrôle des AG et réaliser que ce qui constitue une force : la solidarité ouvrière. La distribution du tract aux automobilistes et l’accueil chaleureux reçu montrent que cette solidarité existe potentiellement et qu’il nous faut la développer (1). Il ne s’agit plus alors de la lutte des Freescale, des Molex ou des Conti, mais d’une lutte de la classe ouvrière. Et cela seul fait peur aux entreprises et à l’Etat, et donc aux syndicats. Cela nous permet de renforcer la confiance en nous.
G (5 juillet)
1) Non comme le proposaient les syndicats en allant se montrer au Tour de France cycliste !
Mi-août 2009, 200 000 hectares de forêts ont déjà brûlé sur l’ensemble du territoire de l’Union européenne. Telles sont les estimations du très sérieux “Système européen d’information sur les feux de forêt” (EFFIS) qui souligne que ce chiffre dépasse de 20 000 hectares ceux de 2008 (hors incendies égaux ou de moins de 40 hectares, dont le nombre est au final loin d’être négligeable). Grèce, Espagne, Italie, Turquie, France, mais aussi Portugal au printemps, Suède et Norvège en juin, ont connu une année particulièrement catastrophique, alors que les pouvoirs publics européens se vantaient d’avoir pu réduire drastiquement les plus de 480 000 hectares brûlés annuellement depuis 1980. En Californie, des dizaines de milliers de citadins ont dû être précipitamment évacués d’urgence à plusieurs reprises ces derniers mois. En Italie du Sud, 4000 touristes ont dû être évacués in extremis face à l’avancé des flammes, etc.
Evidemment, sont incriminées au premier chef les conditions météorologiques particulièrement défavorables de cette année, au regard de 2008, où “le niveau de risque d’incendie était faible sur le pourtour méditerranéen” en raison de l’été pluvieux. Mais en Grèce, malgré ce risque diminué d’incendies, 15 000 ha avaient brûlé près de la ville de Rhodes et alors que l’année précédente, en 2007, un incendie avait tué 77 personnes et brûlé 250 000 ha de forêts au nord d’Athènes... Le gouvernement grec n’avait pris aucune mesure pour garantir à la population un minimum de sécurité. Résultat, cette année, avec la sécheresse de l’été, c’est aux portes mêmes de la capitale que le feu a une nouvelle fois sévi, avec une virulence accrue. Durant trois jours, l’incendie a fait rage, le gouvernement ne laissant à la population que le choix d’être évacuée ou de mourir dans les flammes. Un même gouvernement qui constate encore que les feux de cette année ne dépassent guère la moyenne observée depuis 1980 ! Cette incurie des dirigeants grecs a une fois de plus provoqué la colère de la population et a été largement soulignée. Les médias français n’ont d’ailleurs eu de cesse d’enfoncer le clou. Ils ont été bien moins loquaces pour dénoncer les incendies qui ont ravagé 1300 hectares près de Marseille, de même que les 7000 ha détruites en Corse, comme par hasard aux sorties de trois zones urbaines. Bien sûr, des conditions de sécheresse peuvent rendre incontrôlables des départs de feu, bien sûr, on ne peut pas tout prévoir ; mais ce qui est sûr et certain, c’est l’implication des promoteurs immobiliers ou des exploitants de l’agriculture intensive, purs produits d’un capitalisme en folie qui sont prêts à tout pour leurs profits en accord et avec l’appui mafieux des notables locaux et des grands commis d’Etat délivrant des permis de construire dans les zones à haut risque. C’est ensuite en toute hypocrisie que ces derniers font semblant de se mobiliser pour persuader “l’opinion” qu’ils cherchent à résoudre le problème. Ainsi, l’hebdomadaire satirique le Canard enchaîné a-t-il dénoncé dans son édition du 5 août la triste mascarade à laquelle se livrent les pouvoirs publics français afin de faire croire à une intense activité contre les incendiaires. On arrête deux boucs-émissaires pyromanes ici ou un autre lampiste là, et le tour est joué !
Le feu, l’eau, la terre et l’air : le capitalisme contamine ou rend dangereux, voire meurtrier pour l’homme, tous les éléments naturels.
Wilma (27 août)
Les camarades de “l’Alliance des révolutionnaires socialistes” ont écrit à propos d’une lutte qui a éclaté dans l’usine de machines agricoles de la ville de Kherson en Ukraine, en février de cette année. La lutte est partie sur des revendications ouvrières (notamment d’obtenir 4,5 millions de grivnas de salaires impayés depuis des mois) mais aussi sur la demande de la nationalisation de l’usine. D’un côté, la clique “orange” représentée par le responsable de l’administration locale (un parachuté “orange”) et par le nouveau syndicat “indépendant”, de l’autre la majorité “bleu-blanc” de l’administration de Kherson et le propriétaire de l’usine.
En fin de compte, les ouvriers ont été dupés sur toute la ligne. L’administration régionale a gracieusement octroyée 2 millions de grivnas... non pas aux ouvriers, mais au propriétaire qui devait soi-disant payer les salaires avec ! Et cette somme de surcroît devait être prélevée sur l’argent destiné aux salariés de la fonction publique ! Tout cela étant présenté comme un “compromis” par les délégués syndicaux. Les camarades de l’ARS tirent une conclusion claire : “Les masses ouvrières ne doivent avoir confiance en aucune des cliques bourgeoises, en aucun groupe de pouvoir, en aucun syndicat officiel, parti, Etat ou capitaliste, ils ne doivent pas se transformer en instrument d’un quelconque regroupement bourgeois ; ils doivent préserver leur propre indépendance de classe, ils doivent combattre pour leur propre émancipation. Notre tâche, la tâche des protagonistes de la révolution sociale, est de populariser une telle conscience”.
(voir l’article complet ici [1132].)
Depuis l’effondrement des régimes staliniens et du bloc de l’Est, les organisations de l’anarchisme officiel se targuent d’avoir les mains propres dans l’affrontement qui a opposé de 1945 à 1989 les blocs de l’Est et de l’Ouest et entretiennent la légende d’une opposition irréductible aux blocs militaires : “Les anarchistes se divisèrent sur le problème des blocs. La majorité décida de s’opposer à l’Est et l’Ouest…” 1.
En réalité, après 1945, pendant la Guerre froide, une partie des organisations anarchistes prend officiellement position en faveur de la défense du “monde libre”, comme la SAC (Sveriges Arbetares Centralorganisation) en Suède. Lors de la confrontation directe entre les forces armées du bloc de l’Est et les forces américaines et de l’ONU en Corée en 1950-53, certains, à l’instar des membres du groupe de la Révolution Prolétarienne, au nom de la logique du choix du “moindre mal” et en vertu de la défense de la démocratie, prennent ouvertement une position pro-américaine. C’est le cas de A. Prudhommeaux, N. Lazarevitch, G. Leval mais aussi de militants espagnols et bulgares : “Il y a deux impérialismes mais j’en connais un particulièrement dangereux et totalitaire avec esclavage à la clé. L’autre porte en son sein un moindre danger… Je ne suis pas pour le retrait des troupes américaines de Corée… En Corée, je ne vois qu’un criminel de guerre et c’est Staline. Il est responsable directement des bombardements stratégiques qui déciment la population coréenne…” (2). Inversement, d’autres stigmatisent l’impérialisme américain comme le principal fauteur de guerre.
Ceux des anarchistes qui, telle la FA, disent refuser tous les camps en présence en s’affirmant “contre Staline, sans être pour Truman, contre Truman sans être pour Staline” n’agissent pas pour autant en internationalistes et n’échappent pas à la logique de choisir un camp impérialiste contre un autre. Ainsi, lorsque l’URSS se lance dans la course aux armements pour rivaliser avec les Etats-Unis, le “combat pour le 3e front” “entraîne la FA à dénoncer le réarmement allemand en soutenant les pacifistes de ce pays, à participer à la campagne “Ridgway (3) go home’” (4) animée par le PCF. Par la caution critique qu’elle apporte à cette campagne, la FA se situe complètement dans le sillage du PCF ; elle remplit la fonction de rabatteur des ouvriers sur celui-ci et... sur sa défense inconditionnelle du bloc impérialiste russe !
D’autre part, les actions provocatrices contestataires jouent le même rôle de rabatteur sur les institutions étatiques bourgeoises : la lutte “réellement anti-impérialiste” du “3e front révolutionnaire” de la FA se concrétise par la propagande lors des élections législatives de 1951 “en faveur de bulletins ainsi rédigés : “Ni dictature orientale, ni dictature occidentale, je veux la paix” (5) ou bien par la mise en spectacle d’actions, telles l’intrusion en février 1952 “dans la grande salle du Palais de Chaillot où se tient une réunion plénière de l’ONU. Une profusion de tracts intitulés : “3e front : A bas la guerre !” est lancée dans la salle et les délégués américains et soviétiques reçoivent des projectiles inoffensifs” (6).
Loin de constituer un moyen permettant à la classe ouvrière de se renforcer politiquement, ce type d’actions sur le terrain des institutions de l’Etat bourgeois, outre son innocuité, entretient dans la classe exploitée l’illusion qu’elle aurait une quelconque utilité pour l’issue finale de son combat révolutionnaire. Cela ne fait au contraire que renforcer la soumission de la classe ouvrière à la mystification démocratique et aux organes de la domination capitaliste en obscurcissant la nécessité de les détruire. D’ailleurs, la Fédération communiste-libertaire (FCL) présentera des candidats aux élections législatives de 1956 ! Au moment de la liquidation de la IVe République et l’appel au pouvoir du général De Gaulle en 1958 pour régler le problème colonial, “dans toute la presse libertaire, les appels concordent pour sauver la République menacée. (...) Les anarchistes dans leur grande majorité, choisissent la République et la politique du moindre mal...” (7). En avril 1961, face au putsch des généraux à Alger, qui refusent l’indépendance de l’Algérie, “la FA participe aux différents comités regroupant plusieurs organisations de gauche (...) les anarchistes sont parmi les premiers à défendre les libertés démocratiques, et ce en dépit des réfutations ultérieures” (8).
Surtout, le soutien constant aux prétendues luttes de libération nationale va concrétiser le choix d’un camp impérialiste contre un autre. En érigeant en principe, comme le fait la FA, le fait que “Les anarchistes réclament pour la population d’Outre-mer le droit à la liberté, au travail dans l’indépendance, le droit de disposer de leur propre destinée en dehors des rivalités de clans qui déchirent le monde actuel. Ils les assurent de leur solidarité dans la lutte qu’ils doivent mener contre l’oppression de tous les impérialismes...” (9). Les courants anarchistes s’installent parmi les meilleurs serviteurs de la mystification du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Ils se retrouvent ainsi à l’unisson de l’idéologie officielle de chacun des blocs (aussi bien de la doctrine Jdanov du bloc de l’Est qui s’affirme comme “le vrai défenseur de la liberté et de l’indépendance de toutes les nations, un adversaire de l’oppression nationale et de l’exploitation coloniale sous toutes ses formes” (10) que de la doctrine américaine qui stipule que “dans ces zones-clé tout doit être fait pour y encourager les formes démocratiques et l’accès à leur indépendance”). Chaque épisode de la guerre impérialiste à laquelle se livrent les blocs soviétique et occidental par nations interposées trouvera sa justification dans ces “théories”, chacune reprise à différentes sauces mais avec le même résultat désastreux pour le prolétariat.
Les anarchistes français travestissent la guerre d’Indochine en “un épisode révolutionnaire” (FA en 1952) ou y voient une “guerre de classe” (FCL en 1954) et proclament la légitimité de “la lutte du prolétariat indochinois” et la nécessité de la “solidarité ouvrière avec le Viêt-minh”.
Ce soutien politique aux luttes de libération nationale ira même jusqu’à l’implication physique. Pendant la Guerre d’Algérie, de nombreux libertaires rejoignent les “porteurs de valise”, les réseaux de soutien au FLN (11). “La position de soutien critique en faveur d’une Algérie socialiste et autogestionnaire” de la FCL au nom de la solidarité “avec les peuples soumis, contre les impérialismes” se concrétise par un soutien matériel actif aux partis nationalistes algériens du MNA, puis du FLN quand ce dernier devient hégémonique après 1956. “Les maquis de l’ALN (Armée de libération nationale) se partagent entre les deux obédiences. Nous le savons d’autant mieux que nous avons parmi nous, à la FCL, des camarades algériens de tendance FLN mais que nous avons rendu des services aux maquis MNA en jouant le rôle d’intermédiaire pour obtenir des “fournitures” (lire : des armes) pour leurs combattants” (12).
Ces prises de position par certains anarchistes, même critiques, en faveur des luttes de libération nationale, ont directement concouru à la soumission des masses à l’impérialisme. Ces courants anarchistes portent une part de responsabilité dans la soumission du prolétariat et des classes exploitées à la barbarie des conflits militaires qui ensanglantent la planète. Prisonniers de la logique d’établir une distinction entre les différents gangsters impérialistes (au nom des droits du plus faible), ils ne font que servir directement de sergent-recruteur au sein du prolétariat, ou de caution au profit de l’un ou de l’autre des camps impérialistes en présence. Le martèlement pendant des décennies de ces mystifications, auxquelles ils ont prêté main-forte, a contribué à retarder la sortie de la contre-révolution et la reprise par le prolétariat de la lutte autonome sur son propre terrain de classe et pour ses propres objectifs.
En effet, les courants officiels de l’anarchisme, qui ont exercé leur influence hégémonique sur la majorité des anarchistes après la Seconde Guerre mondiale jusqu’à la fin de la contre-révolution en 1968 et même encore après cette date, n’ont servi qu’à cristalliser et stériliser une réflexion grandissante sur la réalité “communiste” des pays stalinisés. Ces courants ont ainsi utilisé un sentiment de révolte par rapport à ce monstrueux mensonge du communisme dans les pays de l’Est pour répandre des idées comme l’antimilitarisme, le pacifisme, etc., qui, bien que participant d’un véritable questionnement sur la guerre, ne pouvaient que saper la réflexion de beaucoup d’éléments en les canalisant vers l’immédiatisme, l’activisme ou l’individualisme, au détriment de repères et d’une conscience historique des rapports de classes. Ce faisant, ils ont notamment contribué à pousser ceux qui cherchaient à rejeter le “modèle” imposé du stalinisme à se réfugier dans “la défense de la démocratie”, c’est–à-dire dans l’autre camp impérialiste, dont ils se présentaient également comme les pourfendeurs les plus radicaux.
Cependant, après 1968, avec la fin de la contre-révolution et le retour du prolétariat sur la scène de l’histoire, est réapparu ce phénomène déjà constaté à d’autres moment de l’histoire : des éléments politisés ont réellement tenté de trouver la voie révolutionnaire à travers ou à partir de l’anarchisme.
Le développement aux Etats-Unis et dans les pays occidentaux des révoltes étudiantes des années 1960, qui font de l’opposition à la guerre menée par les Etats-Unis au Vietnam leur thème le plus mobilisateur, indique que la chape de plomb de l’idéologie stalinienne commence à se fissurer. En effet, les partis staliniens n’y ont aucune influence alors qu’ils dénoncent l’intervention américaine au Vietnam contre des forces militaires soutenues par un bloc soviétique prétendument anticapitaliste. Surtout, le mensonge du stalinisme “communiste et révolutionnaire” se disloque avec l’entrée en lutte d’une nouvelle génération de jeunes ouvriers lors de la grève générale de 1968 en France et des différents mouvements massifs de la classe ouvrière partout dans le monde ensuite. C’est la fin de la contre-révolution et l’idée de la révolution communiste est remise à l’ordre du jour.
Par leur anti-stalinisme, les organisations anarchistes exercent, dès après la répression du mouvement en Hongrie en 1956, une certaine attraction, auprès d’étudiants essentiellement. Si elles se renforcent numériquement, cependant, les vieilles organisations existantes ne satisfont pas les jeunes qui les jugent sclérosées. L’ensemble du milieu se recompose (13).
Dans ce bouillonnement de la reprise de la lutte des classes internationale, il se trouve à nouveau au sein du milieu anarchiste des minorités et des éléments qui se mettent en recherche des positions de classe du prolétariat et qui tentent de se donner une cohérence révolutionnaire à partir de l’anarchisme. Ainsi, une partie du nouveau milieu libertaire s’ouvre-t-elle à des organisations qui développent certaines positions de classe (Socialisme ou barbarie), ou même au milieu politique prolétarien, en particulier son pôle conseilliste organisé, incarné par “Informations et correspondances ouvrières”. C’est ainsi que le groupe “Noir & rouge”, par exemple, se démarque de la FA et, reconnaissant “la primauté de la lutte des classes”, propose une “actualisation et une adaptation des principes de l’anarchisme.” Le groupe affirme la nécessité du débat et défend “le contact avec d’autres camarades ne se réclamant pas forcément de l’anarchisme”. Il dénonce la sacralisation de la “révolution espagnole” qui “interdit toute critique” (14). Dans sa quête des formes de luttes propres aux travailleurs, le groupe se tourne vers les apports politiques de la Gauche communiste germano-hollandaise et de Pannekoek. Il participe à la rencontre internationale organisée par ICO à Bruxelles en 1969 aux côtés de Paul Mattick, ancien militant de la Gauche communiste allemande émigré aux Etats-Unis, et Cajo Brendel animateur du groupe conseilliste hollandais “Daad & Gedachte”.
L’importance politique de cette réflexion au sein du milieu anarchiste autour des questions du renforcement et des moyens de la lutte des classes du prolétariat a été masquée par son caractère limité. En effet, comme ce questionnement s’est enclenché autour du pôle du milieu prolétarien du conseillisme organisé qui fera faillite et disparaîtra dans le milieu des années 1970, le groupe “Noir & rouge” sera entraîné dans ce naufrage et disparaîtra dans la foulée, occasionnant un important gâchis d’énergies militantes. Le contexte général des illusions du prolétariat sur la possibilité pour le système capitaliste de trouver une issue à sa crise économique, ainsi que les difficultés du prolétariat dans la politisation de son combat pour affirmer la perspective de la révolution, vont être exploités à fond par les gauchistes de toute obédience pour briser tout effort de conscience orienté vers la révolution.
Toutefois, une partie de ces nouveaux éléments issus de l’anarchisme va malgré tout parvenir à se frayer une voie vers le nouveau milieu politique prolétarien renaissant avec le retour du prolétariat sur la scène de l’histoire.
Scott
1) Postface de M. Zemliak au livre de Max Nettlau, Histoire de l’Anarchie, Artefact, p. 279.
2) Lettre de S. Nin, 24.08.50, citée par G. Fontenis, l’Autre communisme, Acratie, p. 134.
3) A l’occasion de la venue en France en mai 1952 du commandant en chef des forces de l’OTAN, Ridgway, le PCF livre ses troupes à de véritables combats de rue face à d’imposantes forces de police qui feront un mort et 17 blessés dans les rangs ouvriers.
4) G. Fontenis, op. cit., p. 149.
5) Idem, p. 134.
6) Idem, p. 149.
7) Sylvain Boulouque, les Anarchistes français face aux guerres coloniales (1945-1962), Atelier de création libertaire, p. 61.
8) Idem, p.65.
9) Résolution du congrès de la Fédération anarchiste d’octobre 1945, sur increvablesanarchistes.org.
10) Joukov, Crise du système colonial, Moscou, 1949.
11) Comme le revendique Alternative libertaire : “On oublie trop souvent que les réseaux “porteurs de valise” qui ont soutenu les indépendantistes algériens pendant la guerre n’ont pas débuté leur existence en 1957 avec l’action de P. Jeanson puis H. Curiel. Au lendemain de la l’insurrection de la Toussaint 1954 en effet, les seules organisations à soutenir l’indépendance algérienne se situaient à l’extrême-gauche. Il s’agissait du Parti communiste internationaliste (PCI-trotskiste) et la FCL. En Algérie même, le Mouvement libertaire nord-africain (MLNA), lié à la FCL, entre en lutte contre l’Etat français, pour l’indépendance du pays, dés la Toussaient 1954. La police française liquidera le MLNA puis la FCL entre 1956 et 1957. Les libertaires poursuivront néanmoins la lutte contre le colonialisme, au sein des Groupes anarchistes d’action révolutionnaires (GAAR) ou, pour les rescapés de la FCL, au sein de Voie communiste.”
12) G. Fontenis, op. cit., p. 209.
13) Par exemple, en 1965, en Italie, divers groupes, les Groupes d’initiative anarchiste, quittent la FAI ; les jeunes du nord de l’Italie se détachent de la FAGI pour constituer les Groupes anarchistes fédérés. En France, l’Organisation révolutionnaire anarchiste se sépare de la FA en 1970 pour se rapprocher des autres organisations d’extrême-gauche non libertaires, et deviendra par la suite l’Organisation communiste libertaire.
14) Citations extraites de Cédric Guérin, Pensée et action des anarchistes en France : 1950-1970, raforum.apinc.org.
La confirmation de la validité du marxisme ne concerne pas seulement la question de la vie économique de la société. Au cœur des mystifications qui s’étaient répandues au début des années 1990 résidait celle de l’ouverture d’une période de paix pour le monde entier. La fin de la Guerre froide, la disparition du bloc de l’Est, présenté en son temps par Reagan comme “l’Empire du mal”, étaient censé mettre un terme aux différents conflits militaires à travers lesquels s’était mené l’affrontement entre les deux blocs impérialistes depuis 1947. Face à ce type de mystifications sur la possibilité de paix au sein du capitalisme, le marxisme a toujours souligné l’impossibilité pour les Etats bourgeois de dépasser leurs rivalités économiques et militaires, particulièrement dans la période de décadence. C’est pour cela que, dès janvier 1990, nous pouvions écrire :
“La disparition du gendarme impérialiste russe, et celle qui va en découler pour le gendarme américain vis-à-vis de ses principaux “partenaires” d’hier, ouvrent la porte au déchaînement de toute une série de rivalités plus locales. Ces rivalités et affrontements ne peuvent pas, à l’heure actuelle, dégénérer en un conflit mondial (...). En revanche, du fait de la disparition de la discipline imposée par la présence des blocs, ces conflits risquent d’être plus violents et plus nombreux, en particulier, évidemment, dans les zones où le prolétariat est le plus faible” (Revue internationale no 61, “Après l’effondrement du bloc de l’Est, stabilisation et chaos”).
La scène mondiale n’allait pas tarder à confirmer cette analyse, notamment avec la première guerre du Golfe en janvier 1991 et la guerre dans l’ex-Yougoslavie à partir de l’automne de la même année. Depuis, les affrontements sanglants et barbares n’ont pas cessé. On ne peut tous les énumérer mais on peut souligner notamment :
– la poursuite de la guerre dans l’ex-Yougoslavie qui a vu un engagement direct, sous l’égide de l’OTAN, des Etats-Unis et des principales puissances européennes en 1999 ;
– les deux guerres en Tchétchénie ;
– les nombreuses guerres qui n’ont cessé de ravager le continent africain (Rwanda, Somalie, Congo, Soudan, etc.) ;
– les opérations militaires d’Israël contre le Liban et, tout récemment, contre la bande de Gaza ;
– la guerre en Afghanistan de 2001 qui se poursuit encore ;
– la guerre en Irak de 2003 dont les conséquences continuent de peser de façon dramatique sur ce pays, mais aussi sur l’initiateur de cette guerre, la puissance américaine.
Le sens et les implications de la politique de cette puissance ont depuis longtemps été analysés par le CCI :
“le spectre de la guerre mondiale a cessé de menacer la planète mais, en même temps, on a assisté à un déchaînement des antagonismes impérialistes et des guerres locales avec une implication directe des grandes puissances, à commencer par la première d’entre elles, les Etats-Unis. Il revenait à ce pays, qui s’est investi depuis des décennies du rôle de “gendarme du monde”, de poursuivre et renforcer ce rôle face au nouveau “désordre mondial” issu de la fin de la Guerre froide. En réalité, s’il a pris à cœur ce rôle, ce n’est nullement pour contribuer à la stabilité de la planète mais fondamentalement pour tenter de rétablir son leadership sur celle-ci, un leadership sans cesse remis en cause, y compris et notamment par ses anciens alliés, du fait qu’il n’existe plus le ciment fondamental de chacun des blocs impérialistes, la menace d’un bloc adverse. En l’absence définitive de la “menace soviétique”, le seul moyen pour la puissance américaine d’imposer sa discipline est de faire étalage de ce qui constitue sa force principale, l’énorme supériorité de sa puissance militaire. Ce faisant, la politique impérialiste des Etats-Unis est devenue un des principaux facteurs de l’instabilité du monde” (Résolution sur la situation internationale, 17e congrès du CCI, point 7).
L’arrivée du démocrate Barak Obama à la tête de la première puissance mondiale a suscité beaucoup d’illusions sur un possible changement d’orientation de la stratégie de celle-ci, un changement permettant l’ouverture d’une “ère de paix”. Une des bases de ces illusions provient du fait qu’Obama fut l’un des rares sénateurs américains à voter contre l’intervention militaire en Irak en 2003 et qui, contrairement à son concurrent républicain McCain, s’est engagé pour un retrait de ce pays des forces armées américaines. Cependant, ces illusions ont été rapidement confrontées à la réalité des faits. En particulier, si Obama a prévu de retirer les forces américaines d’Irak, c’est pour pouvoir renforcer leur engagement en Afghanistan et au Pakistan. D’ailleurs, la continuité de la politique militaire des Etats-Unis est bien illustrée par le fait que la nouvelle administration a reconduit dans ses fonctions le secrétaire à la Défense, Gates, nommé par Bush.
En réalité, la nouvelle orientation de la diplomatie américaine ne remet nullement en question le cadre rappelé plus haut. Elle continue d’avoir pour objectif la reconquête du leadership des Etats-Unis sur la planète au moyen de leur supériorité militaire. Ainsi, l’orientation d’Obama en faveur de l’accroissement du rôle de la diplomatie a en grande partie pour but de gagner du temps et donc de reculer le moment d’inévitables interventions impérialistes des forces militaires américaines qui sont, actuellement, trop dispersées et trop épuisées pour mener simultanément des guerres en Irak et en Afghanistan
Cependant, comme le CCI l’a souvent souligné, il existe au sein de la bourgeoisie américaine deux options pour parvenir à ces fins :
– l’option représentée par le Parti démocrate qui essaie d’associer autant que possible d’autres puissances à cette entreprise ;
– l’option majoritaire parmi les républicains consistant à prendre l’initiative des offensives militaires et à l’imposer coûte que coûte aux autres puissances.
La première option fut notamment mise en œuvre à la fin des années 1990 par l’administration Clinton dans l’ex Yougoslavie où cette administration avait réussi à obtenir des principales puissances d’Europe occidentale, notamment l’Allemagne et la France de coopérer et participer aux bombardements de l’OTAN en Serbie pour contraindre ce pays à abandonner le Kosovo.
La seconde option est typiquement celle du déclenchement de la guerre contre l’Irak en 2003 qui s’est faite contre l’opposition très déterminée de l’Allemagne et de la France associées en cette circonstance à la Russie au sein du Conseil de Sécurité de l’ONU.
Cependant, aucune de ces deux options n’a été en mesure, jusqu’à présent, de renverser le cours de la perte du leadership américain. La politique du “passage en force”, qui s’est particulièrement illustrée durant les deux mandats de George Bush fils, a conduit non seulement au chaos irakien, un chaos qui n’est pas près d’être surmonté, mais aussi à un isolement croissant de la diplomatie américaine illustré notamment par le fait que certains pays qui l’avaient soutenue en 2003, tels l’Espagne et l’Italie, ont quitté le navire de l’aventure irakienne en cours de route (sans compter la prise de distance plus discrète du gouvernement de Gordon Brown par rapport au soutien inconditionnel apporté par Tony Blair à cette aventure). De son côté, la politique de “coopération”, qui a la faveur des démocrates, ne permet pas réellement de s’assurer une “fidélité” des puissances qu’on essaie d’associer aux entreprises militaires, notamment du fait qu’elle laisse une marge de manœuvre plus importante à ces puissances pour faire valoir leurs propres intérêts.
Aujourd’hui, par exemple, l’administration Obama a décidé d’adopter une politique plus conciliante à l’égard de l’Iran et plus ferme à l’égard d’Israël, deux orientations qui vont dans le sens de la plupart des Etats de l’Union Européenne, notamment l’Allemagne et la France, deux pays qui souhaitent récupérer une partie de l’influence qu’ils ont eue par le passé en Iran et en Irak. Cela dit, cette orientation ne permettra pas d’empêcher que se maintiennent des conflits d’intérêt majeurs entre ces deux pays et les Etats-Unis notamment dans la sphère Est-européenne (où l’Allemagne essaie de préserver des rapports “privilégiés” avec la Russie) ou africaine (où les deux factions qui mettent à feu et à sang le Congo ont le soutien respectif de la France et des Etats-Unis).
Plus généralement, la disparition de la division du monde en deux grands blocs impérialistes rivaux a ouvert la porte à l’émergence des ambitions d’impérialismes de second plan qui constituent de nouveaux protagonistes de la déstabilisation de la situation internationale. Il en est ainsi, par exemple de l’Iran qui vise à conquérir une position dominante au Moyen-Orient sous le drapeau de la “résistance” au “Grand Satan” américain et du combat contre Israël. Avec des moyens bien plus considérables, la Chine vise à étendre son influence sur d’autres continents, particulièrement en Afrique où sa présence économique croissante vise à asseoir dans cette région du monde une présence diplomatique et militaire comme c’est déjà le cas dans la guerre au Soudan.
Ainsi, la perspective qui se présente à la planète après l’élection d’Obama à la tête de la première puissance mondiale n’est pas fondamentalement différente de la situation qui a prévalu jusqu’à présent : poursuite des affrontements entre puissances de premier ou second plan, continuation de la barbarie guerrière avec des conséquences toujours plus tragiques (famines, épidémies, déplacements massifs) pour les populations habitant dans les zones en dispute. Il faut même s’attendre à ce que l’instabilité que va provoquer l’aggravation considérable de la crise dans toute une série de pays de la périphérie ne vienne alimenter une intensification des affrontements entre cliques militaires au sein de ces pays avec, comme toujours, une participation des différentes puissances impérialistes. Face à cette situation, Obama et son administration ne pourront pas faire autre chose que poursuivre la politique belliciste de leurs prédécesseurs, comme on le voit par exemple en Afghanistan, une politique synonyme de barbarie guerrière croissante.
De même que les “bonnes dispositions” affichées par Obama sur le plan diplomatique n’empêcheront pas le chaos militaire de se poursuivre et de s’aggraver dans le monde ni la nation qu’il dirige d’être un facteur actif dans ce chaos, la réorientation américaine qu’il annonce aujourd’hui dans le domaine de la protection de l’environnement ne pourra empêcher la dégradation de celui-ci de se poursuivre. Cette dégradation n’est pas une question de bonne ou mauvaise volonté des gouvernements, aussi puissants soient-ils. Chaque jour qui passe met un peu plus en évidence la véritable catastrophe environnementale qui menace la planète : tempêtes de plus en plus violentes dans des pays qui en étaient épargnés jusqu’à présent, sécheresse, canicules, inondations, fonte de la banquise, pays menacés d’être recouverts par la mer… les perspectives sont de plus en plus sombres. Cette dégradation de l’environnement porte avec elle également une menace d’aggravation des affrontements militaires, particulièrement avec l’épuisement des réserves d’eau potable qui vont constituer un enjeu pour de nouveaux conflits.
Comme le soulignait la résolution adoptée par le précédent congrès international :
“Ainsi, comme le CCI l’avait mis en évidence il y a plus de 15 ans, le capitalisme en décomposition porte avec lui des menaces considérables pour la survie de l’espèce humaine. L’alternative annoncée par Engels à la fin du xixe siècle, socialisme ou barbarie, est devenue tout au long du xxe siècle une sinistre réalité. Ce que le xxie siècle nous offre comme perspective, c’est tout simplement socialisme ou destruction de l’humanité. Voilà l’enjeu véritable auquel se confronte la seule force de la société en mesure de renverser le capitalisme, la classe ouvrière mondiale” (Point 10).
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C’est au nom de la “protection de l’environnement” que le gouvernement français impose sa dernière trouvaille : la taxe carbone qui va coûter plusieurs centaines d’euros supplémentaires à tous ceux contraints de prendre leur voiture pour se rendre à leur travail et aux familles qui se chauffent au gaz ou au fioul domestique. Cette “écotaxe” va toucher d’une manière ou d’une autre l’immense majorité de la population alors que pour les entreprises, elle s’inscrit dans un simple octroi déjà rodé en Europe d’autorisation à polluer (d’ailleurs en partie compensé par la suppression parallèle de la taxe professionnelle). Ce “geste”, que la France ambitionne d’étendre à l’échelle européenne, bien loin de “sauver la planète” avec l’aide de chacun, masque l’incapacité du système capitaliste d’empêcher la propagation croissante des gaz à effet de serre.
On nous dit aussi que c’est pour “sauver la protection sociale” que la nouvelle augmentation du forfait hospitalier à la charge de chaque patient a été décidée. Elle passera ainsi au premier janvier prochain de 16 à 18 euros. Il faut se rappeler que cette mesure a été introduite début 1983 sous l’ère Mitterrand par le ministre de la Santé de l’époque, le ministre “communiste” Jack Ralite. Dans la foulée, le déremboursement des dépenses de santé (entrepris par Martine Aubry sous le gouvernement Jospin) se poursuit : il passera de 35 à 15% sur une série de médicaments de base comme les vasodilatateurs, les anti-hémorroïdaires, les traitements contre les brûlures ou les compléments en magnésium. Pour les millions d’assurés sociaux, travailleurs ou chômeurs sans mutuelle complémentaire, cela deviendra de plus en plus impossible de se soigner. Ces laissés pour compte n’ont qu’à crever ! Et pour les autres, ce sera une nouvelle augmentation de leurs cotisations.
C’est soi-disant par souci de “justice sociale”, comme l’a répété avec culot lors de son interview le président Sarkozy à la veille du sommet du G20 à Pittsburgh, qu’est introduite la scandaleuse imposition sur les indemnités journalières des accidents du travail (environ 20 000 cas par an en France, en particulier dans le secteur le plus exposé du bâtiment et des travaux publics). Cette mesure est particulièrement cynique : on demande aux prolétaires victimes dans leur chair de leurs conditions de travail de payer eux-mêmes le défaut de protection de leur entreprise, alors que les cadences s’accélèrent en lien avec les pertes d’emploi non remplacées et alors que l’exposition aux risques d’accidents de travail ne cesse corrélativement d’augmenter. De plus, cette pénalisation vient aggraver une perte de revenus puisque les accidentés du travail ne perçoivent plus qu’entre 60 et 70 % de leur salaire.
Les fables qui cherchent à faire passer la pilule et à rendre présentable cette série de nouvelles attaques édifiantes dans l’hexagone s’accompagnent de nouvelles hausses de tarifs adoptées cet été : de 2 % à EDF (pour la troisième fois en deux ans) depuis le 15 août, de 2 à 3 % à la RATP comme chaque année au 1er juillet comme dans la plupart des transports publics. Le “pouvoir d’achat” des prolétaires se réduit chaque mois comme une peau de chagrin.
En même temps, ce sont plus de 18 000 chômeurs supplémentaires qui ont été enregistrés officiellement au mois d’août en France, ou plutôt 32 200 en incluant les demandeurs d’emploi ayant une activité réduite ; ce qui porte à plus de 2 millions et demi le nombre d’inscriptions au Pôle emploi. Les jeunes sont particulièrement touchés (près de 25 % de la tranche 16-24 ans sont désormais sans emploi) et les ouvriers de plus de 50 ans (ce qui signifie des retraites à venir encore plus misérables).
Après la SNCF, France-Télécom où le “dégraissage” continue (voir notre article sur les vagues de suicides dans de nombreuses entreprises en page 3), la “rationalisation” des dépenses dans les “services publics” s’accélère. Ainsi, à la Poste, prétendument pour “s’adapter à la concurrence internationale”, cette entreprise a fait fermer 140 bureaux de poste supplémentaires et supprimé 7600 emplois au cours des six derniers mois. Ce qui s’ajoute aux 20 000 emplois perdus entre 2002 et 2008 et aux 56 000 employés qui ont perdu leur statut de fonctionnaires.
Dans le privé, les effets de l’accélération de la crise se traduisent par des plans de licenciements massifs qui, après avoir touché les PME, s’étendent de plus en plus aux grandes entreprises dans tous les secteurs, comme l’automobile ou l’aéronautique. Partout, la même logique inhumaine des lois du capitalisme frappe les ouvriers, qu’ils travaillent ou pas, depuis les cadres jusqu’aux immigrés clandestins en quête de survie et de travail (voir notre article en page 3). Il n’y a plus de limites à l’exploitation et à la misère… L’impasse dans laquelle le capitalisme condamne l’humanité se révèle partout de manière criante.
Quant aux syndicats vers lesquels on incite les ouvriers à se tourner pour se défendre, la parodie spectaculaire de manifestation qu’ils ont organisée le 8 septembre devant la Bourse de Paris, réservée aux seuls ouvriers de l’automobile, comme leur appel à une journée de mobilisation pour le 7 octobre, démontrent qu’ils entendent simplement se préparer à continuer à défouler la colère des prolétaires à l’image des rituelles “journées d’action” ponctuelles et stérilisantes dont les ouvriers ont largement fait l’expérience en début d’année (voir RI nos 399 et 400).
Pour sauver la planète comme pour sortir de cet enfoncement inexorable dans la misère et la surexploitation, il est nécessaire d’abattre le capitalisme. Pour prendre conscience qu’ils sont la seule force sociale capable de briser les chaînes inhumaines de ce système, les ouvriers ne peuvent compter que sur le développement de leurs propres moyens de lutte.
W (26 septembre)
A Pittsburgh, les 24 et 25 septembre, s’est tenu le troisième sommet du G20 1, nouveau “forum international” tout spécialement créé pour endiguer la crise qui frappe de plein fouet l’économie mondiale depuis l’été 2007. A en croire le communiqué final, cette mission est d’ailleurs d’ores et déjà accomplie. Dressant le bilan des engagements pris en avril lors du sommet de Londres, les membres du G20 affirment en effet, très satisfaits d’eux-mêmes : “Cela a marché” ! “Notre réponse énergique a contribué à stopper la chute dangereuse de l’activité mondiale et à stabiliser les marchés financiers” 2. Il s’agirait donc maintenant de booster “la reprise”. Le Premier ministre britannique Gordon Brown s’est ainsi félicité : “Ici à Pittsburgh, les dirigeants représentant les deux tiers de la population mondiale ont adopté un plan international pour l’emploi, la croissance et une reprise économique durable” 3. Comment ? La réponse est dans le texte : “Nous nous réunissons en ce moment crucial de transition entre la crise et la reprise pour tourner la page d’une ère d’irresponsabilité et adopter un ensemble de mesures, de règles et de réformes nécessaires pour répondre aux besoins de l’économie mondiale du xxie siècle.”
Plus concrètement :
• “Nous avons décidé (...) de veiller à ce que nos systèmes de régulation des banques et des autres établissements financiers contiennent les excès qui ont conduit à la crise. Là où l’inconscience et l’absence de responsabilité ont entraîné la crise, nous n’autoriserons pas un retour aux pratiques bancaires antérieures.”
• “Nous nous sommes engagés à agir ensemble pour élever les normes en matière de capitaux, pour mettre en oeuvre des normes internationales strictes en matière de rémunérations afin de mettre un terme aux pratiques qui entraînent une prise de risques excessive, pour améliorer le marché de gré à gré des produits dérivés et pour créer des instruments plus puissants pour assurer que les grandes sociétés multinationales assument la responsabilité des risques qu’elles prennent” 4.
A la suite de ces décisions, le président français Nicolas Sarkozy n’a pas hésité à parler d’un changement “historique” et “complet” sur la réglementation financière : “Pour la première fois, les banques centrales disposeront du pouvoir de limiter le montant global des bonus” et “Le secret bancaire, les paradis fiscaux c’est fini” s’est-il réjoui5.
Résumons : la crise économique “la plus profonde (…) de mémoire d’homme”6, les licenciements par millions, la hausse spectaculaire du chômage et l’aggravation de la pauvreté sur toute la planète… tout cela aurait pour seule cause la folie des financiers et l’absence de scrupules des traders. Et les “grands de ce monde” de conclure logiquement : réglementons les secteurs bancaires et boursiers, encadrons plus efficacement les “bonus” et, demain, tout ira en s’améliorant, dans le meilleur des mondes. D’ailleurs, poursuivent-ils, les médias font sonner depuis quelques semaines déjà les trompettes de la “reprise économique”, les analystes annoncent “le bout du tunnel” et les bourses s’envolent !
Quand les vingt plus grands bonimenteurs de la planète s’écrient ainsi en chœur “faites nous confiance et ça ira mieux demain !”, il est sage de se méfier et d’y regarder à deux fois. Alors, qu’en est-il vraiment de cette “croissance durable” à venir ?
La bourgeoisie répète inlassablement que nous sommes confrontés à la pire crise économique depuis 1929. Ce qui est vrai. Mais par une telle insistance, elle aimerait nous faire croire qu’entre les deux “grandes dépressions”, le capitalisme s’est plutôt bien porté. Il s’agirait donc de deux “accidents”, forcément ponctuels. En 2008, il y aurait eu une sortie de route en quelque sorte mais le véhicule “économie mondiale” serait en passe de repartir.
La réalité est évidemment toute autre. Depuis plus d’un siècle, le capitalisme est un système décadent 7, malade, à l’agonie, qui régulièrement convulse dans des crises violentes et dévastatrices :
• En 1914, avec la Première Guerre mondiale, le capitalisme est entré de manière fracassante dans sa période de décadence. Dix millions de morts. Par cette abominable boucherie, ce système d’exploitation apporte la preuve qu’il n’a dorénavant plus rien de bon à apporter à l’humanité.
• En 1929, un krach sans précédent plonge les principales économies du globe dans un profond marasme économique. Pendant plus d’une décennie, des millions de chômeurs et de sans-abris survivent en allant à la soupe populaire8.
• En 1939, une horreur en chasse une autre ; la Seconde Guerre mondiale ravage la planète. Soixante millions de morts.
• En 1950, une sorte d’accalmie se dessine. Tout en plongeant l’humanité dans la terreur de la guerre froide et sa crainte permanente d’un conflit nucléaire, sur le plan économique, la croissance va s’installer pendant près de 17 ans. Naturellement, cette “prospérité” se fera sur le dos de la classe ouvrière à qui l’on va imposer des cadences et une productivité en constante augmentation. L’apparition de “l’Etat providence”, la sécurité sociale, les congés payés n’auront d’ailleurs pour seul but que d’avoir une main d’œuvre en bonne santé, capable d’intensifier ses efforts, de produire plus et plus vite.
• En 1967, cette relative parenthèse prend fin. La crise fait sa réapparition à travers la dévaluation brutale de la livre sterling. Le chômage, fléau qui avait presque disparu, vient à nouveau hanter les rangs ouvriers et, depuis lors, il n’a cessé de croître ! Les différents mouvements de grève qui éclatent un peu partout dans le monde – dont Mai 68 en France – constituent d’ailleurs une réaction de la classe ouvrière face à ce retour de la crise.
• Les années 1970 et 1980 sont marquées par une série de convulsions économiques. En 1971, le dollar plonge. 1973 connaît le premier “choc pétrolier”. Suivent deux années de récession. Puis l’inflation devient galopante aux Etats-Unis et en Europe (les prix s’envolent et les salaires ne suivent pas). En 1982, éclate la “crise de la dette”. En 1986, la bourse de Wall Street s’effondre. Et, enfin, les années 1980 s’achèvent par… une récession.
• En 1992-93, nouvelle récession, plus brutale encore. Le chômage explose.
• En 1997, la crise des "Tigres" et des "Dragons" asiatiques fait trembler la bourgeoisie mondiale. La classe dominante craint qu’elle ne contamine toutes les régions du monde, craintes justifiées puisque la Russie et l’Argentine finissent effectivement par plonger à leur tour. Il faut dire que la croissance de tous ces pays avait été soutenue artificiellement par la création d’une montagne de dettes que personne ne pouvait rembourser. La faillite était forcément au bout du chemin. La bourgeoisie va néanmoins réussir à éviter le pire – la dépression mondiale – en injectant massivement de l’argent via ses instances internationales (autrement dit, en contractant de nouvelles dettes !) et en faisant croire qu’une ère de prospérité s’annonce grâce à la “nouvelle économie” : et la percée d’Internet.
• En 2000-2001, patatras ! les promesses de la “nouvelle économie” s’évanouissent, la bulle spéculative sur les entreprises du net (les fameuses “Start up”) éclatent. Mais une fois encore, l’économie mondiale redémarre pour un temps. Comment ? Par un nouvel amoncellement de dettes. Cette fois-ci, ce sont en particulier les ménages américains (mais aussi espagnols, anglais, finlandais…) qui sont priés de s’endetter pour soutenir la croissance ; les prêts sont dès lors “facilités”, il n’y a plus ni contrôle, ni conditions de ressources. Et nous savons aujourd’hui où cette politique a mené.
Bref, depuis plus d’un siècle, le capitalisme frappe l’humanité de ses fléaux. En particulier, depuis 40 ans et la fin des “Trente glorieuses” 9, l’économie est en plein marasme ; les récessions se succèdent et les “relances” n’ont pour seul ressort que l’accumulation de nouvelles dettes. Et logiquement, chaque fois que sonne l’heure de rembourser, c’est la faillite, le krach.
Ce petit rappel historique, qui replace la récession actuelle comme le dernier maillon d’une chaîne ininterrompue de convulsions économiques, suffit à montrer à quel point les espoirs de “sortie de crise” de ces dernières semaines sont en fait une énième fumisterie, de la poudre aux yeux, des mensonges ! Pour la classe ouvrière comme pour toute l’humanité, l’avenir est en réalité à une paupérisation croissante.
Dans son dernier numéro, Global Europe Anticipation Bulletin, un groupe d’experts économiques, utilise une image parfaitement appropriée pour décrire ce “rebond” momentané : “Pour représenter la crise aujourd’hui, notre équipe a tenté de trouver une image simple. Voici l’analogie qui s’est imposée à nos chercheurs : une balle en caoutchouc rebondissant de marche en marche dans un escalier : si elle semble remonter à chaque marche par effet rebond (donnant un moment l’impression que sa chute s’est arrêtée), c’est pour tomber encore plus bas à la marche suivante, pour effectuer une “reprise” de sa chute”. (GEAB no 37, 15 septembre 2009) 10. Cela fait quarante que cette “balle de caoutchouc” chute dans les escaliers, mais ce faisant elle prend de la vitesse et, après être descendue marche après marche, elle les dévale aujourd’hui quatre à quatre !
Evidemment, nul ne sait encore précisément quelle forme et quelle ampleur va prendre cette nouvelle chute. Dans quelques semaines, le bilan annuel des banques révélera-t-il des déficits vertigineux, précipitant dans la faillite de nouveaux établissements internationaux ? Ou est-ce, dans quelques mois, le dollar qui finira par flancher en entraînant derrière lui un dérèglement monétaire mondial ? N’est-ce pas plutôt l’inflation qui va, dans les années à venir, faire son grand retour et ronger l’économie ? Une seule chose est certaine : la bourgeoisie est incapable d’endiguer cette spirale infernale et d’impulser une croissance réelle et durable. Si ponctuellement, en cette fin d’année 2009, elle est parvenue à éviter le pire en injectant des milliards de dollars par le biais de ses banques centrales (environ 1600 milliards à ce jour), elle a surtout creusé encore un peu plus les déficits et préparé ainsi de nouveaux cataclysmes plus dévastateurs. Concrètement, pour la classe ouvrière, cela signifie qu’elle n’a rien d’autre à attendre de ce système moribond que plus de chômage et plus de misère. Seule la révolution prolétarienne internationale pourra mettre un terme à ces souffrances !
Pawel (26 septembre)
1) États-Unis, Canada, Japon, Allemagne, France, Italie, Royaume-Uni (G7) + Russie (G8) + Afrique du Sud, Arabie Saoudite, Argentine, Australie, Brésil, Chine, Corée du Sud, Inde, Indonésie, Mexique, Turquie et Union européenne (G20).
2) Point 5 du communiqué final.
3) Le Monde du 26 septembre.
4) Idem.
5) Le Figaro du 26 septembre.
6) Rapport intermédiaire de l’Organisation de coopération et de développement économiques, mars 2009.
7) Lire notre article : “Qu’est-ce que la décadence ? [1134]”.
8)
Cette période noire, en particulier pour la population américaine,
a été immortalisée par un roman, les Raisins de la colère,
de Steinbeck, et par un film, On achève bien les chevaux, de
Pollack.
9) Cette appellation est abusive et mensongère puisque cette période de croissance, l‘après-guerre, n’a en fait duré que 17 années.
10) Source : http ://www.leap2020.eu/GEAB-N-37-est-disponible [1135] !-Crise-systemique-globale-A-la-poursuite-de-l-impossible-reprise_a3791.html
Le 22 septembre, suivi par une cohorte de journalistes armés de leurs caméras, un grand spectacle médiatique était organisé par le gouvernement à Calais pour l’évacuation programmée de “la jungle”, refuge de milliers de migrants entassés misérablement sous des planches et des toiles de tentes, survivant péniblement grâce à quelques bénévoles.
On a pu voir l’évacuation musclée d’un camp d’êtres humains, traqués et pourchassés comme des animaux nuisibles, désignés avec mépris sous le terme de “clandestins” comme s’ils s’agissaient de délinquants. Leur crime ? Avoir voulu fuir la misère ou la guerre, souvent les deux, de leur pays d’origine, en ayant tout quitté au péril de leur vie, pour échouer dans ces bidonvilles. Tous poursuivent le même rêve : ils cherchent obstinément à gagner l’Angleterre où ils espèrent trouver du travail et, pour cela, tentent de s’embarquer à bord de camions lors des contrôles de passage au port malgré les dissuasives fouilles minutieuses. Ce sont donc ceux-là qui étaient attendus par tous ces charognards de journaleux en quête de scoop grâce à l’intervention massive des forces de l’ordre. Spectacle ignoble, digne de celui que nous avons connu récemment lors de l’expulsion violente de ces émigrés, femmes et enfants compris, qui s’étaient réfugiés dans les locaux de la CGT et qui ont été jetés de force sur le pavé par les gros bras de ce syndicat, sous l’œil compatissant de la bourgeoise de droite comme de gauche.
A l’issue de ce cirque médiatique, la plupart de ces déshérités ont été capturés pour se retrouver parqués ailleurs dans des centres de rétention, dans l’attente de leur expulsion définitive. Ceux qui n’ont pas été pris continueront à se cacher dans les dunes de sable qui entourent Calais ou à errer aux abords de la ville, quitte à crever sur le trottoir.
Comme toujours, l’hypocrisie de la bourgeoisie est sans limite. On a ainsi pu entendre et lire Eric Besson, transfuge du Parti “socialiste” et ministre de l’immigration en exercice, répétant que toute cette opération avait pour but, non pas de lutter contre les émigrants mais contre les passeurs. Sortez vos mouchoirs !
Faire donner 500 CRS contre moins de 300 personnes (la plupart Afghans) dont plus de la moitié sont mineures, des enfants, est sans aucun doute un super-coup porté aux trafiquants de vie humaine, trafiquants protégés par les mafieux des pouvoirs publics, ceux-là même qui vendent d’autres enfants et des adolescentes, filles et garçons, aux réseaux de prostitution de toute l’Europe ! A qui cet hypocrite veut-il faire avaler une telle ineptie ? La destruction au bulldozer de cette “jungle”, comme après la fermeture du camp de Sangatte en 2004, n’empêchera pas ces malheureux, qui n’ont de toute façon aucun autre choix, de revenir dans les parages, avec bien d’autres.
En réalité, cette expulsion spectaculaire et militarisée à l’extrême traduit en premier lieu la volonté de la bourgeoisie française de ne plus accepter sur son sol de candidats à l’immigration. Cette intervention et cette mise en scène ont pour objectif de signifier que la politique de répression et d’expulsion va être rigoureusement et fortement renforcée. Avec la montée en masse du chômage et de la misère, la bourgeoisie française veut autant que possible se débarrasser d’un maximum de ces gens totalement indésirables. Le message est clair, il se résume en quelques mots : “Allez crever ailleurs !” De plus, cette politique de fermeté vient rappeler à tous que le gouvernement s’occupe de manière décidée de la sécurité du territoire.
Cette écœurante et déplorable mise en scène est révélatrice une fois de plus du degré d’inhumanité des gouvernements et des serviteurs zélés du capitalisme.
Tino (25 septembre)
Mardi 1er septembre. Devant le tribunal correctionnel de Compiègne, attendant le jugement, un des sept ouvriers de l’usine Continental de Clairoix poursuivis pour le “saccage” de la sous-préfecture de Compiègne le 21 avril dernier exprime son inquiétude : “Si en plus nous on prend de la prison avec sursis, on va faire quoi ? Ça peut jouer sur tout, nous, si on veut reprendre un commerce tout ça, si on se retrouve avec un casier judiciaire, ben on va être mis de côté aussi ; déjà on va avoir du mal à retrouver un emploi, alors… si en plus on a un casier sur la tête, à mon avis ça va être dur dur” 1. Pour l’instant, effectivement, seule une quinzaine d’ouvriers, parmi les 1120 licenciés de l’usine de Clairoix, ont retrouvé du travail !
Et le verdict tombe : six d’entre eux sont condamnés à des peines allant de trois à cinq mois de prison avec sursis. De plus, ils devront à nouveau comparaître le 4 novembre avec la possibilité de se voir infliger des dommages et intérêts conséquents, estimés entre 48 000 et 120 000 € 2 !
Ce qui frappe ici d’emblée, c’est la sévérité extrême de l’Etat et de sa justice. Comme l’a justement souligné un ouvrier à la sortie du tribunal, il y a bien deux poids, deux mesures : quand des dégradations bien plus importantes sont commises lors de manifestations d’agriculteurs, de routiers, de pêcheurs…, la clémence est au contraire de mise. Pourquoi ? En frappant fort, la bourgeoisie a voulu lancer un message clair à toute la classe ouvrière : “Si vous luttez, préparez-vous à être broyés par tous les moyens, y compris par la machine judiciaire.” Elle a réprimé une poignée de travailleurs pour distiller dans les rangs ouvriers un profond sentiment de découragement.
Mais si la bourgeoisie a affiché la couleur en mettant en œuvre tous les moyens dont elle dispose pour imposer par la force son pouvoir de classe dominante, les syndicats, bien sûr à travers les meneurs locaux, ces radicaux jusqu’au-boutistes, sont au contraire sortis de cette affaire avec une image plutôt combative et valorisée aux yeux des travailleurs. Xavier Mathieu (responsable CGT très médiatisé et qui a dernièrement fait la Une pour avoir “osé” dénoncer les trahisons du responsable national de son syndicat, Bernard Thibault) fait partie de la liste des six condamnés. Et, évidemment, le soutien judiciaire apporté par la CGT (avec laquelle Mathieu est réconciliée) aux sept inculpés – avec sa logistique, ses avocats experts en droit du travail et en droit social – permet au fond d’estampiller encore mieux les syndicats du label : “défenseurs officiels de la cause des travailleurs” 3.
Mais si on y regarde de plus près, on peut s’apercevoir que ce joli tableau est en fait un trompe-l’œil.
Le saccage de la préfecture est à la fois l’expression d’une grande colère, d’une réelle combativité, mais aussi le produit d’un sentiment d’impuissance et de désespoir. En effet, malgré une lutte acharnée de plusieurs mois, les 1120 ouvriers de Continental ne sont pas parvenus à sauver leurs emplois. En fait, alors que leur combat a reçu de nombreux témoignages de solidarité, leurs actions n’ont pas eu pour objectif premier de faire “fructifier” cet élan en tentant d’étendre la lutte aux autres usines voisines. Ils sont au contraire restés isolés, ne voyant l’extension qu’à travers la lunette déformante de “leur” boîte : la CGT qui menait la barque a en effet limité l’envoi de délégations massives aux usines voisines ainsi qu’aux autres usines de Continental, en Moselle et en Allemagne. Le résultat fut l’isolement, l’impuissance et donc le désespoir. Le saccage de la préfecture, acte stérile ne pouvant rien apporter au développement de la lutte, est le résultat de ce processus, de cette entrave. Et c’est bien les syndicats, CGT en tête, qui en sont les premiers responsables 4 ! Cette volonté d’enfermer et isoler les ouvriers de Clairoix est d’ailleurs parfaitement résumée par cette phrase tonitruante et révélatrice de Xavier Mathieu : “Quand on était dans notre lutte, on avait d’autres choses à faire que d’aller organiser des coordinations avec d’autres boîtes 5.”
Les syndicats ont donc aujourd’hui beau-jeu de se présenter comme des “radicaux” et des défenseurs des travailleurs. Ils voudraient se faire passer pour des sauveteurs en posant hypocritement quelques compresses sur les plaies qu’ils ont en partie eux-mêmes infligées aux ouvriers.
Face aux ouvriers en lutte, il y aura toujours la bourgeoisie, ses flics, ses juges et… ses syndicats !
DM (18 septembre)
1) www.france-info.com [1136].
3) Les condamnés ayant fait appel, il est d’ailleurs tout à fait possible que la bourgeoisie choisisse finalement de faire un coup de pub aux syndicats en les présentant comme les infatigables et efficaces défenseurs des ouvriers, sur le lieu de travail comme au tribunal, en optant dans un second temps pour un jugement plus “clément”.
4) Lire notre article sur notre site web : “Pourquoi les “Contis” ne font-ils pas trembler l’Etat ?”
Vingt-trois suicides (plus treize autres tentatives) en dix-huit mois à France Télécom ! Voilà un nouveau tragique témoignage du fait que les prolétaires sont de plus en plus confrontés à un climat de terreur au travail et à des pressions insupportables. Pour le PDG de l’entreprise Didier Lombard, rejetant la faute sur les victimes d’une exploitation forcenée, il ne s’agirait là que d’un simple effet de “mode” qui ne toucherait que des “personnes fragiles” 1. Quel cynisme !
Pour ce dirigeant capitaliste sans scrupule, dont le mea culpa à contretemps n’est qu’un simple impératif de communication, la tragédie ne réside pas dans le fait que des êtres humains se trouvent broyés par la logique implacable de rentabilité du capital, mais dans le discrédit qui écorne l’image de marque de son entreprise !
Face à un comportement dicté obligatoirement par les lois du “tiroir-caisse”, nombre de politiciens, notamment à gauche, font mine de s’émouvoir. Ce sont pourtant ces hypocrites qui ont favorisé les licenciements massifs dans cette entreprise comme dans toutes les autres depuis plus de vingt ans, contribuant ainsi à accélérer les cadences infernales menant aux drames d’aujourd’hui. Ce sont ces mêmes socialistes qui ont décuplé le stress par l’introduction des 35 heures, ajoutant une flexibilisation rendant l’ouvrier corvéable à merci ! Ce sont eux qui, par exemple, ont introduit France Télécom en Bourse en 1997 avec les méthodes de “management” que l’on connaît ! Ce n’est autre que Jospin qui a proclamé à l’époque, avec fierté, que “la mutation de l’entreprise était une belle réussite !”. Un manager de France Télécom nous donne d’ailleurs une idée de cette “belle réussite” : “Moi, mon boulot, c’est de faire – 5 % de semestre en semestre. Autant vous dire qu’on a déjà atteint l’os et que maintenant la question est de savoir si on se coupe un bras ou une jambe !” 2. Pour faire accepter ce type d’objectifs après cette vague de suicides, il n’est pas étonnant qu’on soit obligé de trouver des chemins plus “subtils” pour permettre aux salariés de “tenir le coup” : c’est le sens de la mise a disposition d’un “numéro vert” pour un contrôle supplémentaire des salariés et la remise à plat du management de cette entreprise. Mais le fond du problème ne changera pas : il est bien clair que l’objectif du capital sera toujours de rentabiliser et de pressurer toujours plus le prolétaire, jusqu’au-delà de ses limites physiologiques et au bout de sa tension nerveuse ! Car livré à sa dynamique propre, le système capitaliste ne peut aboutir qu’à l’épuisement de la force de travail. Aujourd’hui, ce ne sont plus seulement les ouvriers qui sont pressés comme des citrons et qui trinquent mais aussi les ingénieurs, les cadres administratifs et commerciaux, que la crise et la concurrence extrême ont prolétarisés et dont les conditions de travail se sont dégradés à toute allure. Déjà à l’aube de son développement, pour assurer son profit, “la production capitaliste, qui est essentiellement production de plus-value, absorption de travail extra (…) impose la détérioration de la force de travail de l’homme en la privant de ses conditions normales de fonctionnement et de développement, soi au physique, soi au moral-elle produit l’épuisement et la mort précoce de cette force” 3. Aujourd’hui, c’est l’intensification et les conditions du travail qui poussent à cet épuisement.
Le phénomène des suicides n’est malheureusement pas nouveau, ni limité à la France. La vague de suicides au travail fait suite à une augmentation croissante et continue, même si non réellement quantifié4. Depuis les années 1990, le nombre de suicides se trouve aggravé par la violence et la brutalité de la crise économique. Il traduit le fait que le monde capitaliste est sans avenir, sans perspective autre que de générer la misère sociale, la barbarie et la mort. Partout en Europe et dans le monde, le stress au travail ne cesse de faire des ravages. Aux Etats-Unis, le ministère du Travail a annoncé que “le nombre de suicides commis sur le lieu de travail était en hausse de 28 % pour l’année 2008. En tout, 251 suicides ont été recensés, le nombre le plus élevé depuis 1992” 5. En Chine, les suicides se sont multipliés dernièrement suite aux faillites d’entreprises. Souvenons-nous qu’en 2007, nous étions déjà amenés à déplorer des vagues de suicides en France, au Technicentre de Renault Guyancourt, à PSA, EDF-GDF (Chinon), dans les banques, dans la restauration (Sodexho) 6...
Rien n’a changé, si ce n’est en pire ! La pression et le harcèlement des chefs, la peur du chômage et le chantage au licenciement systématisé, la surcharge de travail grandissante sont toujours invoqués. Le phénomène d’épuisement au travail ou “burn out” tend à se développer à une échelle sans précédent7. Ce qu’on appelle le “harcèlement moral” devient la règle, comme donnée “stratégique” destinée à adapter aux forceps ou à se débarrasser dans l’urgence de salariés devenus indésirables ou insuffisamment productifs au moindre coût. Il existe d’ailleurs pour cela des “spécialistes” du harcèlement qu’on appelle dans ce milieu pourri des “nettoyeurs” ou “manager de transition”. Ils sont rémunérés pour faire ce sale boulot : c’est-à-dire détruire la personnalité de ceux qui forment le contingent des “sureffectifs” ou des “inadaptés”, isoler les ouvriers combatifs, pousser à la faute et à la porte ceux qui ont le plus d’ancienneté et qui coûtent trop cher ! L’objectif est double :
– faire en sorte que ceux qu’on veut virer partent d’eux-mêmes sans toucher la moindre indemnité,
– démoraliser et intimider les autres salariés qui restent pour les rendre plus dociles et corvéables.
Cependant, les conditions de l’exploitation et la poursuite des attaques liées à une crise économique sans issue ne peuvent que pousser à terme a exprimer la colère, à des luttes collectives, à une solidarité et une prise de conscience en profondeur. L’avenir n’est pas à la concurrence entre prolétaires, mais à leur union grandissante dans la lutte contre l’exploitation. C’est cet avenir qui peut redonner espoir, préparer des luttes massives et solidaires, et ouvrir, à terme, la voie d’une perspective révolutionnaire.
WH (18 septembre)
1) http ://info.france2.fr.
2) http ://www.marianne2.fr [1139].
3) Marx, le Capital, Edition du progrès, Livre I, chap. X. p.258.
4) Certains journalistes s’offusquent du manque de statistiques en la matière. A n’en pas douter, ces informations existent. Mais pour la bourgeoisie, elles doivent, pour des raisons évidentes, rester confidentielles.
5) Source : courrierinternational.com
6) Voir RI no 379 (mai 2007) [1140], disponible sur notre site web.
7) Phénomène dépressif grave défini comme syndrome d’épuisement professionnel qui “fait partie des risques psychosociaux professionnels, consécutif à l’exposition à un stress permanent et prolongé” et défini ainsi par par le psychanalyste Herbert Freudenberger en 1979. “Un état de fatigue chronique, de dépression et de frustration apporté par la dévotion à une cause, un mode de vie, ou une relation, qui échoue à produire les récompenses attendues et conduit en fin de compte à diminuer l’implication et l’accomplissement du travail.”
Nous publions ci-dessous la traduction d’un article paru dans World Revolution n°327 daté de septembre 2009. Alors que les attentats meurtriers se succèdent quasi-quotidiennement en Afghanistan, nous voulons souligner l’implication particulière de l’impérialisme français dans ce bourbier qui s’est tragiquement illustrée il y a peu de temps encore par la mort de jeunes engagés tombés dans une nouvelle embuscade. Ces jeunes gens à la fleur de l’âge (la plupart ont à peine une vingtaine d’années) sont depuis des mois envoyés par milliers au casse-pipe par leurs Etats respectifs. L’impérialisme français qui a rallié récemment les forces de l’OTAN en échange de quelques miettes de son haut-commandement commence à faire payer lui aussi dans la population un tribut de plus en plus lourd pour cette fuite en avant dans des aventures militaires sans fin et sans issue, révélatrices au plus haut point de l’impasse et de la barbarie guerrière du système capitaliste tout entier.
“La
guerre [en
Afghanistan] se
passe
mal. La majeure partie du sud du pays échappe au contrôle du
gouvernement. Une rébellion sporadique et disséminée a repris du
poil de la bête et risque de se transformer en une vaste mouvement
insurrectionnel contre les forces occidentales et le gouvernement élu
qu’elle rejette. En Grande-Bretagne, l’opinion publique sceptique
s’étonne que ses soldats meurent pour cette cause. Et, comme le
coût de cette guerre et le nombre de ses victimes ne cessent
d’augmenter, les Américains se poseront aussi cette question de
plus en plus fortement.”
(The Economist
du 22 août 2009)
Le fait qu’une publication telle que The Economist soulève de tels problèmes sur la guerre en Afghanistan montre à l’évidence que les prétextes officiels avancés pour justifier cette aventure militaire sont de moins en moins crédibles.
Plusieurs arguments sont donnés à cette entreprise guerrière. La première et principale raison, au lendemain des attaques du 11 septembre 2001 sur New York et Washington, consistait dans le fait que le gouvernement taliban d’Afghanistan était considéré comme complice dans ces attentats, ou qu’au moins il “abritait des terroristes” comme Oussama Ben Laden et le groupe Al-Qaida, directement impliqués.
La “guerre au terrorisme” – dont les fers de lance furent les invasions de l’Afghanistan en 2001 puis celle de l’Irak en 2003 – était supposée éradiquer ou au moins combattre le terrorisme. Quelle a été la réalité ? Son exact contraire : une exacerbation massive du terrorisme à travers toute la planète. Il n’y a pas eu de coup d’arrêt à la mobilisation des forces islamistes “radicales” dans la région. Au contraire, l’Afghanistan et l’Irak sont devenus le centre, le pôle d’attraction pour Al-Qaida et les gangs terroristes de son acabit.
Le choc en retour s’est fait ressentir partout dans le monde – comme les attentats de Madrid en 2004 (en Espagne, alors que Jose Luiz Aznar était engagé en Irak à l’époque) et de Londres en 2005.
Les taliban ne sont plus au pouvoir, mais, ils se sont renforcés de différentes manières : par exemple, ils ont servi à rassembler et fédérer les forces rebelles dispersées au Pakistan. Ils ont toujours le contrôle du commerce de l’opium et dominent de larges parties du pays . Les taliban usent de la terreur et du meurtre pour imposer leur autorité dans ces régions, mais il ne fait aucun doute que l’impopularité grandissante du gouvernement et des forces d’occupation de l’OTAN poussent de plus en plus de recrues dans leurs rangs. L’utilisation des morts de civils victimes des attaques aériennes comme celle de Kunduz début septembre ne peut qu’augmenter ce recrutement...
Un autre objectif était celui d’établir la démocratie en Afghanistan, en Irak et au Moyen-Orient. Eh bien, on n’a vu que peu de changements en Afghanistan. Tout d’abord, le gouvernement Karzaï s’est avéré incapable de contrôler la situation hors de Kaboul ; en fait, étant donné le nombre croissant d’attaques et d’attentats à l’intérieur de Kaboul, il démontre qu’il n’a pas davantage le contrôle de la capitale elle-même. Des seigneurs de guerre comme Abdul Rashid Dostum n’ont pas concédé une once de pouvoir au gouvernement de Kaboul – en fait, ils ont renforcé leur mainmise sur leurs régions, malgré les tentatives de les amener vers le “processus démocratique”.
Deuxièmement, le gouvernement Karzaï a été marqué par une corruption et une brutalité incontestables. Pour de nombreux Afghans, il n’y a pas de différence avec ceux qui étaient auparavant au pouvoir, les taliban : “Durant sa campagne, le président Hamid Karzaï a appelé ses ennemis à faire la paix. Mais ce gouvernement – incompétent, corrompu et destructeur – n’a rien d’un partenaire fiable. Dans les parties de l’Afghanistan où les insurgés ont été éjectés et l’autorité du gouvernement a été restaurée, les habitants ont souvent regretté les seigneurs de guerre, moins vénaux et moins brutaux que la plupart des hommes de Karzaï.” (The Economist, article déjà cité)
Cette année est déjà devenue l’année la plus meurtrière en Afghanistan depuis 2001. A la date du 25 août 2009, 295 soldats étrangers y ont été tués. Cela a été partiellement le résultat de l’opposition à la mini-”offensive” des troupes étrangères destinée à assurer un semblant de “stabilité” pour permettre les élections nationales. Mais cela s’est soldé par un fiasco retentissant. Non seulement cette offensive n’a pas fait reculer les taliban, mais les élections se sont tenues dans une atmosphère de peur et d’intimidation. Avant les élections, 10 soldats britanniques avaient été tués dans le district de Babaji dans une opération lancée contre des taliban, alors qu’ils préparaient le terrain à des élections “pleines et libres”. Résultat ? “Les rapports précisant que 150 personnes ont pris part au vote en cet endroit, sur une population éligible de 55 000, n’ont pas été contestés par les officiels en Afghanistan.” (BBC, le 27 août 2009) Et depuis que les élections ont eu lieu, la réalité d’une vaste fraude électorale a éclaté au grand jour.
En lien avec la tentative d’introduire les délices de la démocratie, la propagande des médias nous a joué la comédie autour de la protection du droit des femmes dans ces sociétés patriarcales arriérées. Une fois de plus, la réalité a été bien différente. La nouvelle constitution afghane a adopté il y a cinq ans une loi sur l’égalité des droits pour les femmes. Depuis lors, les taliban ont fait fermer les écoles pour filles. Pour sa part, loin de protéger les droits des femmes, Karzaï a établi des contrats avec des groupes religieux qui ont eu pour conséquences de mettre en œuvre la législation qui légalise dans les faits le viol dans le mariage.
Pendant ce temps, la guerre en Afghanistan s’est étendue de plus en plus vers le Pakistan. L’administration Obama a mis en avant qu’elle considérait l’Afghanistan et le Pakistan comme des zones plus importantes stratégiquement que l’Irak. Il y a eu quelques tentatives des médias pour présenter la guerre en Irak comme plus ou moins achevée afin de justifier cet objectif, en dépit du fait que la dernière vague d’attaques-suicide en Irak nous rappelle à quel point la situation reste en réalité instable et précaire. Mais en tous cas, avec l’influence grandissante des taliban dans les zones du Pakistan où le gouvernement n’a aucune autorité, la guerre connaît déjà une escalade, avec l’utilisation grandissante des drones bombardiers de la part des Etats-Unis et dans les nouvelles offensives du gouvernement pakistanais. La dernière en date a provoqué des combats meurtriers (l’armée prétendant avoir tué plus de 1600 islamistes radicaux) et l’évacuation forcée de plus de 2 millions de gens.
Comme les justifications officielles à la guerre deviennent de moins en moins crédibles en termes de menace universelle, sa réalité en tant que guerre impérialiste devient toujours plus évidente pour la plupart des populations.
Depuis l’effondrement des anciens blocs impérialistes à la fin des années 1980, les Etats-Unis ont dû faire face à des remises en cause toujours grandissantes de leur position de “gendarme du monde”. Personne ne conteste leur force militaire, et aucune autre puissance – ou même la coalition d’une demi-douzaine d’Etats– ne peut rivaliser avec eux. Cependant, cela n’a pas empêché les autres pays de contester la domination américaine dans différentes régions du monde. Et de façon notable aujourd’hui, on a vu la montée de la Chine comme entité économique gigantesque qui a délibérément utilisé l’argent gagné du commerce pour acheter son accès à des régions vers lesquelles elle n’avait pas de prime abord d’intérêt majeur. Il faut aussi noter la réémergence de la Russie ; et les Etats-Unis ne sont pas parvenus à écarter le danger de devoir se battre pour défendre leur autorité au cœur même du capitalisme – en Europe, autour de la France et surtout de l’Allemagne.
Pour maintenir ce “leadership” devant toutes ces difficultés, les Etats-Unis doivent contrôler les zones stratégiquement vitales du Moyen-Orient et de l’Asie Centrale – vitales à la fois pour les raisons géopolitiques traditionnelles qui sont les héritières du “Grand Partage” impérialiste du 19e siècle, et à cause des sources d’énergie clés et les voies de contrôle qu’elles impliquent (pétrole et gaz). l’enjeu ici est impérialiste au sens le plus large du terme : les guerres en Irak et en Afghanistan ne reçoivent pas le soutien des compagnies américaines pour leur seul appétit d’acquérir des profits rapides, mais à cause du besoin à long terme de l’Etat américain de maintenir sa domination globale.
Et la Grande-Bretagne ? A la fin de la période des blocs, la Grande-Bretagne a commencé elle aussi à prendre un chemin plus “indépendant”, comme on l’a vu à travers sa volonté de sabotage des efforts américains lors de la guerre des Balkans dans les années 1990. Mais en tant que puissance de second rang, “l’indépendance” est un mirage toujours remis aux calendes grecques et, depuis 2001 et en particulier avec la “guerre au terrorisme”, la bourgeoisie britannique s’est trouvée de plus en plus empêtrée dans les projets militaires américains au Moyen-Orient et en Asie centrale. En Afghanistan, elle se trouve dans la position inconfortable de servir de ligne de front des forces de l’OTAN, avec ses troupes souvent pauvrement équipées exposées à une insurrection de taliban toujours plus enhardis.
Comme de plus en plus de personnes, y compris les familles des soldats servant en Afghanistan, commencent à s’interroger sur les vraies raisons de cette guerre, la classe dominante n’abandonnera pas ses justifications : Brown, par exemple, continue à nous vendre la guerre comme un moyen d’éviter les atrocités terroristes à Londres ou à Glasgow. En même temps, pour faire diversion, on nous soumet des débats comme celui sur quelle somme faut-il ou pas dépenser pour équiper les troupes, alors que la vraie question est celle-ci : pourquoi cette société est-elle en permanent état de guerre ; et comment pouvons-nous nous battre contre la guerre et ce système qui l’engendre ?
Graham (4 septembre)
L’élection présidentielle organisée au Gabon le 30 août dernier pour désigner le successeur d’Omar Bongo (décédé le 8 juin) opposait son propre fils Ali Bongo à d’autres candidats. Et comme naguère son père, Ali, “Monsieur fils”, s’est aussitôt proclamé vainqueur dès la fermeture des bureaux de vote et a fait massacrer avec la complicité de l’armée française sur place les manifestants qui contestaient cette “victoire”. En effet, dès l’annonce de la victoire d’Ali Bongo, des émeutes ont éclaté, notamment à Port-Gentil, au cours desquelles le consulat de France a été incendié. C’est là où l’armée gabonaise, sous l’œil concupiscent des militaires français, a tiré sur la foule des faisant entre trois et quinze morts, selon les sources. Par ailleurs, des témoignages font état de la disparition de plusieurs corps emmenés par les forces de répression du régime.
Voilà une énième élection à la “françafricaine”. Une de ces élections dont le vainqueur est désigné d’avance avec la bénédiction de l’ancienne puissance coloniale. Ainsi, le défunt “papa Bongo” a toujours pu sortir systématiquement vainqueur de toutes les présidentielles, notamment, celle de 1979 (sous Giscard D’Estaing) avec un score de 99,8 %, ou celles de 1986 (sous Mitterrand) avec 99,9 %.
Certes, cette fois-ci, les parrains du fils ont voulu afficher un score “présentable” en n’accordant au vainqueur que 41 % des suffrages, mais cela n’a trompé personne et tout le monde a senti que les résultats ont été “cuisinés” d’avance avec une lourdeur débordante. D’ailleurs, les manifestants n’ont pas manqué de le faire savoir au président français en scandant : “Pourquoi Sarkozy proteste-t-il contre les fraudes en Iran et ne dit rien sur le voleur de chez nous ?”.
En effet, c’est là toute l’hypocrisie abjecte des responsables français qui n’ont cessé d’employer le double langage dans cette affaire. Ainsi, à la veille du scrutin gabonais, Sarkozy et Kouchner faisaient répéter dans tous les médias que “la France n’a pas de candidat” alors qu’en coulisse les “services français” téléguidaient tout le processus électoral devant conduire à l’élection d’Ali Bongo. Ainsi, Jeune Afrique (du 13 septembre 2009), sous le titre sans équivoque de “Sarkozy vote Ali”, révèle :
“Le 29 août, Paris fait son “coming out”. C’est Me Robert Bourgi, l’ami et le conseiller de Nicolas Sarkozy, qui dévoile les vraies intensions élyséennes. A la veille du scrutin, il confie au journal le Monde : “Au Gabon, la France n’a pas de candidat, mais le candidat de Robert Bourgi, c’est Ali Bongo. Or je suis un ami très écouté de Nicolas Sarkozy. De façon subliminale, l’électeur le comprendra.” (…) Qu’elle semble loin cette année 2005 où Nicolas Sarkozy qualifiait de ‘mascarades’ l’élection au Togo du fils du défunt Gnassingbé Eyadema. ‘Aujourd’hui, Sarkozy fait du Chirac. Il adoube un fils de président’, commente un diplomate sur un ton désabusé.”
Qui aurait pu douter du contraire, avec un Etat français qui fait des pieds et des mains depuis la “décolonisation” pour défendre ses intérêts sur le continent africain, en prenant tout juste la peine de faire semblant, qu’il s’agisse de la droite ou de la gauche. Il ne s’agit ni plus ni moins que d’une de ces énièmes magouilles de l’Elysée sur le continent africain. D’ailleurs, Robert Bourgi ne s’en cache même pas en ajoutant : “Ali privilégiera les entreprises françaises”. Le “monsieur Afrique” de Sarkozy fait allusion aux nombreux groupes français qui règnent dans ce pays, à l’instar de Total (ex-Elf), véritable pompe à fric entre les mains des réseaux politico-mafieux dont Bourgi est l’héritier. Et Omar Bongo était l’instrument idéal fabriqué de toutes pièces par ces barbouzes et autres charognards pour garantir leurs intérêts au Gabon ; c’est ce que rappelle Jeune Afrique :
“Choisi par Jacques Foccart avec la bénédiction du général de Gaulle, Omar Bongo Ondimba aura été l’allié successif des six présidents de la Ve République. Le plus petit et beaucoup moins peuplé - un demi -million d’habitants - des territoires de la fédération d’Afrique- Equatoriale française retenait l’attention par la richesse exceptionnelle de son sol : pétrole, manganèse, fer, uranium… sans parler de sa forêt. Faut-il chercher ailleurs l’intérêt qu’afficha la puissance coloniale au déroulement de la colonisation ? Toujours est-il que le Monsieur Afrique des présidents Charles de Gaulle et Georges Pompidou, Jacques Foccart, y veilla avec une singulière attention.”
En effet, c’est bien là le fond de l’enjeu, il s’agit pour la bourgeoisie française de préserver à tous prix ses divers intérêts au Gabon face aux puissances concurrentes, notamment la Chine qui se montre de plus en plus agressive dans cette zone. De fait, Omar Bongo resta jusqu’au bout comme le gardien fidèle des intérêts de ses maîtres, tant économiques que stratégiques et militaires. Sur ce dernier plan, il participa à toutes les interventions militaires que la France a pu mener sur le continent, depuis la guerre du Biafra (en 1967) jusqu’à la dernière au Tchad (en 2008). De même, sur le plan intérieur, les ressources du pays restent entre les mains de la famille Bongo et ses parrains de la métropole, comme le note Courrier international du 17 juin 2009) :
“Régnant sans partage sur un véritable émirat pétrolier, Bongo a été un allié fidèle de la France et s’est révélé particulièrement généreux avec les hommes politiques de ce pays, de droite comme de gauche. Pour ses bons et loyaux services, la France a fermé pudiquement les yeux sur des aspects bien contestables de son règne : la dilapidation outrancière des ressources publiques érigée en système de gouvernance, un système clientéliste, des élections truquées, etc. Sans compter que le Gabon a toujours été géré comme une petite entreprise familiale, avec la fille du président, Pascaline, comme directeur de cabiner, son fils Ali comme ministre de la Défense et une ribambelle d’autres rejetons nommés à la tête des entreprises les plus juteuses du pays. Un partage du gâteau dont a été exclue l’écrasante majorité des Gabonais, qui vivent dans un pays censé être la ‘Suisse de l’Afrique’. “
Voilà comment les criminels gabonais ont pillé les biens du pays en compagnie des brigands français de tous bords. Bref, pendant que la majorité de la population patauge dans la misère, les Bongo roulent dans le plus grand luxe en vidant les caisses de l’Etat pour s’acheter hôtels de luxe (en France) tout en remplissant leurs propres comptes (en Europe) avec le reste. Pire encore, l’impérialisme français fait tout pour protéger son pion gabonais à chaque fois que celui-ci est menacé. Par exemple, lorsque Port-Gentil fut le théâtre d’insurrection en 1990, le gouvernement Mitterrand-Rocard envoie ses paras pour rétablir l’exploitation pétrolière et surtout “ramener l’ordre”.
Aujourd’hui, avec l’élection du fils, il s’agit de renforcer le même “ordre” de la Françafrique. En ce sens, l’organisation de l’élection présidentielle n’était qu’une façade visant à légitimer un élu mafieux longtemps désigné par ses grands parrains. Comme le précise le Nouvel observateur du 10 septembre 2009 :
“Après quarante-deux ans de règne ininterrompu du père, c’est donc le fils qui lui succède. Un héritage improbable : ex-rappeur, fêtard repenti, passionné de Ferrari et de jet -ski, formé au collège Sainte- Croix de Neuilly puis à la Sorbonne. Son père avait beau répéter qu’il n’avait pas de “dauphin”, sous son aile, l’ex-ministre de la défense, âgé aujourd’hui de 40 ans, prépare depuis longtemps son accession au pouvoir.”
Tout compte fait, le seul souci pour la bourgeoisie française est de savoir si “Monsieur fils” saura assumer efficacement le sale “héritage” du père.
Amina (21 septembre)
Dans la partie précédente de cet article, nous avons montré que le bouillonnement de la lutte des classes du prolétariat à la fin des années 1960, la recherche d’une perspective véritablement révolutionnaire avaient impulsé la réapparition au sein du milieu anarchistes de courants prolétariens. En tant qu’expression de cet effort de prise de conscience du prolétariat, ceux-ci avaient été conduits à remettre en cause certaines des positions politiques des organisations de l’anarchisme officiel inféodé à l’état bourgeois qui avaient dominé l’ensemble du milieu anarchiste après 1945, à prendre leur distance avec celles-ci pour se rapprocher des groupes politiques de la Gauche communiste, notamment conseillistes.
Trois décennies plus tard, le système capitaliste en faillite révèle l’impasse barbare dans laquelle il enferme l’humanité et où le prolétariat reprend progressivement le chemin de la lutte et tente de faire émerger une perspective révolutionnaire. Dans cette situation historique, au sein du milieu qui se revendique de l’anarchisme, tendent à s’exprimer de plus en plus clairement, dans les débats, deux positions bien distinctes.
L’importance de ces débats s’illustre dans le fait qu’il touche à la question de l’attitude à adopter face à la guerre impérialiste et aux principes fondamentaux du prolétariat, comme celui de l’internationalisme, qui détermine l’appartenance au camp ouvrier face à la bourgeoisie.
Abordons les positions qui s’expriment dans le milieu anarchiste à travers deux exemples :
Nous avons la position du KRAS, qui se place d'un point de vue authentiquement internationaliste, affirmant à propos de la guerre en Géorgie en 2008 que : “L’ennemi principal des gens simples n’est pas le frère ou la sœur de l’autre côté de la frontière ou d’une autre nationalité. L’ennemi, c’est les dirigeants, les patrons de tout poil, les présidents et ministres, les hommes d’affaire et les généraux, tous ceux qui provoquent les guerres pour sauvegarder leur pouvoir et leurs richesses. Nous appelons les travailleurs en Russie, Ossétie, Abkhazie et Géorgie à rejeter le joug du nationalisme et du patriotisme pour retourner leur colère contre les dirigeants et les riches, de quelque côté de la frontière qu’ils se trouvent” 1.
D'un autre côté, nous trouvons celle de l’Organisation communiste libertaire à propos de l’Irak qui appelle à : “soutenir matériellement et financièrement (…) les forces progressistes opposées à l’occupation” dont les “moyens militaires limités leur permettent tout de même d’organiser quelques ‘zones libérées’ dans les quartiers populaires où l’armée américaine ne s’aventure pas” tandis que “dans les pays qui maintiennent des troupes en Irak, outre les Etats-Unis, incluent notamment plusieurs pays de l’Union européenne (…), la tâche principale est d’affronter le gouvernement pour obtenir le retrait, bloquer les transports de troupes ou de matériel militaire” 2. Il n’y a donc pas là une simple divergence tactique pour atteindre un même but, comme se plaisent à nous le raconter certains libertaires.
La prise de position du KRAS exprime les intérêts du prolétariat à combattre en tant que classe universelle par delà les divisions de couleurs, de nationalités, de culture ou de religions que lui impose le capitalisme pour l’opprimer. L’autre position apporte son soutien à la “résistance” des peuples irakiens, libanais, etc., c’est-à-dire à certains secteurs de la bourgeoisie. Cette position constitue une trahison de l’internationalisme à un double point de vue : non seulement vis-à-vis des prolétaires des grandes puissances auxquels on masque la réalité des antagonismes entre grands requins impérialistes et leur enjeu réel ; mais aussi à l’égard des prolétaires appelés sur place à se soumettre à la guerre impérialiste et à se faire tuer pour la défense des intérêts impérialistes de leur bourgeoisie. La disparition des blocs depuis 1989 n’a fait disparaître ni l’impérialisme, ni la position belliciste de la plupart des représentants de l’anarchisme “officiel” de la FA à Alternative Libertaire !
Ces deux positions n’ont rien en commun : elles expriment des positions de classe diamétralement opposées et complètement antagoniques. Elles sont séparées par une frontière de classe.
Il apparaît clairement que l’anarchisme constitue un lieu où s’affrontent des positions ouvertement bourgeoises et nationalistes et des positions prolétariennes internationalistes. Dans cette confrontation entre deux tendances opposées, la question de la guerre au Moyen-Orient occupe une place importante. Après des décennies d’un règne sans partage dans le milieu libertaire de la défense inconditionnelle de la cause palestinienne, cette idée ne va désormais plus de soi. Une partie de ceux qui se réclament de l’anarchisme commence à remettre en cause les positions classiquement adoptées jusqu’alors, et à s’en détacher. Ainsi, dans un article abordant la question : : ‘pourquoi nous ne les soutiendrons jamais, le Hezbollah, le Hamas ou tout groupe armé dit de “résistance anti-impérialiste”’, Non Fides affirme : “Comment la majorité de l’extrême-gauche et une partie du mouvement libertaire peut-elle se solidariser avec ces partis totalitaires et ultra-religieux ? Cette solidarité, c’est “l’anti-impérialisme des imbéciles”. (...) La politique déplorable du commandement israélien les poussent à soutenir toute forme de contestation de cette politique belliqueuse, et ce quitte à opérer des alliances avec l’Islam politique, les ultra-religieux, les nationalistes et l’extrême-droite parfois néo-nazie” 3. Certains parviennent à affirmer nettement la position internationaliste du prolétariat vis-à-vis du Moyen-Orient. Ainsi a-t-on pu lire une campagne d’affiches anarchistes en Belgique affirmant que “De Gaza en Palestine à Nasiriya en Irak, du Kivu au Congo à Grozny en Tchétchénie, les massacres de milliers d’êtres humains sont quotidiens. Sous les différentes formes qu’il prend aux quatre coins du monde, ce système capitaliste et autoritaire dévaste des zones entières par la famine, la privation, la pollution, la guerre. (...) Opposer une logique de guerre contre tout un “peuple” à la terreur de l’Etat israélien ne sert qu’à faire oublier aux rejetés de Gaza comme aux exploités de Tel Aviv qu’il ne leur reste qu’une possibilité pour s’en sortir : se battre contre toute autorité, que ce soit celle de l’uniforme du soldat israélien ou du policier palestinien, de la camisole religieuse (...), du costume des capitalistes démocratiques et des usuriers (...) Il est urgent d’opposer à la guerre entre Etats, entre religions, entre ethnies, la guerre sociale contre toute exploitation et toute domination” 4.
Quand des conceptions aussi étrangères que l’internationalisme et les concessions au nationalisme se retrouvent face à face au sein d’un même courant ou d’une même organisation, leur caractère complètement inconciliable interdit toute cohabitation et rend toute unité impossible. C’est pourquoi nous soutenons sans réserve le KRAS-AIT de Moscou dans son combat mené pour rejeter les conceptions “culturalistes et ethno-identitaires” (qui ne sont rien d’autre qu’une expression du nationalisme) incompatibles avec les objectifs de la révolution sociale.
A l’image des événements survenus à l’échelle de cette organisation, c’est à l’ensemble du milieu libertaire que ce processus de clarification et de décantation s’impose pour séparer les éléments voués à rejoindre le combat révolutionnaire et les défenseurs de l’ordre bourgeois. Ceux des militants anarchistes attachés à l’internationalisme ont bien plus en commun avec les groupes de la Gauche communiste, l’appartenance au même camp du prolétariat et de la révolution, qu’avec le reste de leur “famille libertaire”. Aujourd’hui, le caractère crucial des enjeux, où la survie de l’humanité est menacée par la persistance du système capitaliste, exige que tous ceux qui se réclament de l’internationalisme et de la lutte de classe mondiale du prolétariat, indépendamment de leur horizon politique d’origine, se rapprochent, entrent en collaboration pour travailler ensemble à la cause qui leur est commune.
Ainsi est-il utile de clarifier ce que recouvre l’utilisation au sein du milieu anarchiste d’un même lexique à propos de positions diamétralement opposées. C’est le cas concernant l’appel à la défense dans les conflits impérialistes d’un “troisième front” ou d’un “troisième camp”. Cette position quand elle est formulée par le KRAS, par exemple, correspond incontestablement à la position internationaliste prônant la nécessité de développer la lutte commune du prolétariat, par-delà toutes les divisions nationales, contre tous les camps bourgeois en présence. Il s’agit là de la seule position véritablement révolutionnaire et prolétarienne possible à adopter.
Inversement, pour les organisations de l’anarchisme officiel, la “défense du troisième camp” n’est rien d’autre qu’une formule destinée à rabattre les classes exploitées vers l’un des protagonistes dans la logique du choix d’un camp impérialiste. Un tel exemple nous est fourni par leur position concernant l’intervention israélienne au Liban dans l’été 2006. Lorsque la FA affirme que “dans cette escalade militaire sanglante, entre d’un côté les forces impérialistes des Etats-Unis et d’Israël et de l’autre les milices réactionnaires de l’Islam politique, les travailleuses et travailleurs, et plus largement les peuples de la région, n’ont rien à gagner mais tout à perdre (…), [et qu’]en tant que travailleuses et travailleurs internationalistes, une de [ses] tâches urgentes est de soutenir le développement d’un troisième camp, le camp des travailleurs, au Moyen-Orient à la fois contre la domination impérialiste et l’oppression islamiste.”5, de quoi s’agit-il en réalité ? La FA deviendrait-elle internationaliste ? Absolument pas ! Elle ne fait que continuer à pousser à faire le choix de la résistance arabe contre Israël, mais sous une autre forme que celle des protagonistes directement aux prises ! Tout comme dans le conflit israélo-palestinien, complètement dépitée que “le Hamas et le Djihad islamique, arrivés au pouvoir par les urnes en profitant de la corruption et du discrédit du Fatah de Yasser Arafat et de la déliquescence de l’OLP, tirent profit de la colère, de la frustration de la majorité palestinienne en transformant ainsi le combat antisioniste en combat religieux”, le pseudo-internationalisme dont elle s’affuble ne lui sert qu’à faire de la publicité à une hypothétique direction politique laïque à la ‘résistance’. La lutte antisioniste, oui, mais pas avec les islamistes du Hezbollah ou du Hamas ! Pour la FA, “le troisième camp”, c’est celui des partis de la gauche bourgeoise ‘laïque et démocratique’ sur lesquels elle cherche à rabattre les travailleurs.
Dans la même veine, Alternative libertaire (AL) affirme sans détours que “le peuple libanais saura trouver la voie d’une résistance à l’impérialisme israélien, tout en se dégageant de l’ingérence de l’État syrien et de la réaction religieuse incarnés en partie par le Hezbollah. Il est dramatique que cette organisation rétrograde ait été hégémonique dans la résistance libanaise face à l’agression israélienne” 6. Ainsi les homologues d’AL au Liban, se retrouvent-ils du côté des “partis politiques ‘traditionnels’ et confessionnels” du ‘courant du 14 mars’, qualifié de “mouvement relativement novateur et pouvant ouvrir des perspectives pour un autre futur au Liban” opposé à celui des “corrupteurs de la tutelle syrienne et des nostalgiques du passé noir du Liban.”7 L’anarcho-chauvinisme n’a vraiment rien à envier au patriotisme de ses amis bourgeois et leur sert de pourvoyeur en chair à canon dans les luttes qui fragmentent la classe dominante !
Dans la dernière partie de cette série, nous aborderons une question méconnue mais néanmoins importante, celle de “l’anationalisme” que revendiquent et défendent plusieurs éléments anarchistes, en l’opposant souvent à “l’internationalisme”.
Scott
1) Fédération pour l’éducation, la science et les ouvriers techniques, KRAS-AIT.
2) Courant alternatif, n°154.
3) Non Fides, n° 2, septembre 2008.
4)
Affiche “A Gaza comme
ailleurs...”, signée “Des anarchistes” diffusée début 2009
en Belgique.
5) Union locale CNT de Besançon, Syndicat CNT interco 39, FAU-IAA Boers (Allemagne), Fédération anarchiste francophone, 28 juillet 2006.
6) Alternative libertaire, 18 août 2006.
7) Alternative Libertaire, n°154.
Nous publions ci-dessous la troisième partie de la résolution sur la situation internationale adoptée lors du XVIIIe congrès du CCI qui s’est récemment tenu. Dans la première partie, nous montrions que le capitalisme n’a aucune solution réelle à apporter à la crise économique, qu’il s’agit d’un système décadent et moribond. La deuxième partie traitant des conflits impérialistes qui ravagent la planète introduisait la question de la lutte de classe qui est traitée à partir du point 9 1 :
“Comme le soulignait la résolution adoptée par le précédent congrès international :
“Ainsi, comme le CCI l’avait mis en évidence il y a plus de 15 ans, le capitalisme en décomposition porte avec lui des menaces considérables pour la survie de l’espèce humaine. L’alternative annoncée par Engels à la fin du xixe siècle, socialisme ou barbarie, est devenue tout au long du xxe siècle une sinistre réalité. Ce que le xxie siècle nous offre comme perspective, c’est tout simplement socialisme ou destruction de l’humanité. Voila l’enjeu véritable auquel se confronte la seule force de la société en mesure de renverser le capitalisme, la classe ouvrière mondiale.” (Point 10)”.
9 Cette capacité de la classe ouvrière à mettre fin à la barbarie engendrée par le capitalisme en décomposition, à sortir l’humanité de sa préhistoire pour lui ouvrir les portes du “règne de la liberté”, suivant l’expression d’Engels, c’est dès à présent, dans les combats quotidiens contre l’exploitation capitaliste, qu’elle se forge. Après l’effondrement du bloc de l’Est et des régimes soi-disant “socialistes”, les campagnes assourdissantes sur la “fin du communisme”, voire sur la “fin de la lutte de classe”, ont porté un coup sévère à la conscience au sein de la classe ouvrière de même qu’à sa combativité. Le prolétariat a subi alors un profond recul sur ces deux plans, un recul qui s’est prolongé pendant plus de dix ans. Ce n’est qu’à partir de 2003, comme le CCI l’a mis en évidence en de nombreuses reprises, que la classe ouvrière mondiale a fait la preuve qu’elle avait surmonté ce recul, qu’elle avait repris le chemin des luttes contre les attaques capitalistes. Depuis, cette tendance ne s’est pas démentie et les deux années qui nous séparent du précédent congrès ont vu la poursuite de luttes significatives dans toutes les parties du monde. On a pu voir même, à certaines périodes, une simultanéité remarquable des combats ouvriers à l’échelle mondiale. C’est ainsi qu’au début de l’année 2008, ce sont les pays suivants qui ont été affectés en même temps par des luttes ouvrières : la Russie, l’Irlande, la Belgique, la Suisse, l’Italie, la Grèce, la Roumanie, la Turquie, Israël, l’Iran, l’Émirat de Bahrein, la Tunisie, l’Algérie, le Cameroun, le Swaziland, le Venezuela, le Mexique, les États-Unis, le Canada et la Chine. 1
De même, on a pu assister à des luttes ouvrières très significatives au cours des deux années passées. Sans prétendre à l’exhaustivité, on peut citer les exemples suivants :
– en Égypte, durant l’été 2007, où des grèves massives dans l’industrie textiles rencontrent la solidarité active de la part de nombreux autres secteurs (dockers, transports, hôpitaux…) ;
– à Dubaï, en novembre 2007, où les ouvriers du bâtiment (essentiellement des immigrés) se mobilisent massivement ;
– en France, en novembre 2007, où les attaques contre les régimes de retraite provoquent un grève très combative dans les chemins de fer, avec des exemples d’établissement de liens de solidarité avec les étudiants mobilisés au même moment contre les tentatives du gouvernement d’accentuer la ségrégation sociale à l’Université, une grève qui a dévoilé ouvertement le rôle de saboteurs des grandes centrales syndicales, notamment la CGT et la CFDT, obligeant la bourgeoisie de redorer le blason de son appareil d’encadrement des luttes ouvrières ;
– en Turquie, fin 2007, où la grève de plus d’un mois des 26 000 travailleurs de Türk Telecom constitue la mobilisation la plus importante du prolétariat dans ce pays depuis 1991, et cela au moment même où le gouvernement de celui-ci est engagé dans une opération militaire dans le Nord de l’Irak ;
– en Russie, en novembre 2008, où des grèves importantes à Saint-Pétersbourg (notamment à l’usine Ford) témoignent de la capacité des travailleurs à surmonter une intimidation policière très présente, notamment de la part du FSB (ancien KGB) ;
– en Grèce, à la fin de l’année 2008 où, dans un climat d’un énorme mécontentement qui s’était déjà exprimé auparavant, la mobilisation des étudiants contre la répression bénéficie d’une profonde solidarité de la part de la classe ouvrière dont certains secteurs débordent le syndicalisme officiel ; une solidarité qui ne reste pas à l’intérieur des frontières du pays puisque ce mouvement rencontre un écho de sympathie très significatif dans de nombreux pays européens ;
– en Grande-Bretagne, où la grève sauvage dans la raffinerie Linsay, au début de 2009, a constitué un des mouvements les plus significatifs de la classe ouvrière de ce pays depuis deux décennies, une classe ouvrière qui avait subi de cruelles défaites au cours des années 1980 ; ce mouvement a fait la preuve de la capacité de la classe ouvrière d’étendre les luttes et, en particulier, a vu le début d’une confrontation contre le poids du nationalisme avec des manifestations de solidarité entre ouvriers britanniques et ouvriers immigrés, polonais et italiens.
10 L’aggravation considérable que connaît actuellement la crise du capitalisme constitue évidemment un élément de premier ordre dans le développement des luttes ouvrières. Dès à présent, dans tous les pays du monde, les ouvriers sont confrontés à des licenciements massifs, à une montée irrésistible du chômage. De façon extrêmement concrète, dans sa chair, le prolétariat fait l’expérience de l’incapacité du système capitaliste à assurer un minimum de vie décente aux travailleurs qu’il exploite. Plus encore, il est de plus en plus incapable d’offrir le moindre avenir aux nouvelles générations de la classe ouvrière, ce qui constitue un facteur d’angoisse et de désespoir non seulement pour celles-ci mais aussi pour celles de leurs parents. Ainsi les conditions mûrissent pour que l’idée de la nécessité de renverser ce système puisse se développer de façon significative au sein du prolétariat. Cependant, il ne suffit pas à la classe ouvrière de percevoir que le système capitaliste est dans une impasse, qu’il devrait céder la place à une autre société, pour qu’elle soit en mesure de se tourner vers une perspective révolutionnaire. Il faut encore qu’elle ait la conviction qu’une telle perspective est possible et aussi qu’elle a la force de la réaliser. Et c’est justement sur ce terrain que la bourgeoisie a réussi à marquer des points très importants contre la classe ouvrière à la suite de l’effondrement du prétendu “socialisme réel”. D’une part, il a réussi à enfoncer l’idée que la perspective du communisme est un songe creux : “le communisme, ça ne marche pas ; la preuve, c’est qu’il a été abandonné au bénéfice du capitalisme par les populations qui vivaient dans un tel système”. D’autre part, il a réussi à créer au sein de la classe ouvrière un fort sentiment d’impuissance du fait de l’incapacité de celle-ci à mener des luttes massives. En ce sens, la situation d’aujourd’hui est très différente de celle qui prévalait lors du surgissement historique de la classe à la fin des années 1960. A cette époque, le caractère massif des combats ouvriers, notamment avec l’immense grève de mai 1968 en France et l’automne chaud italien de 1969, avait mis en évidence que la classe ouvrière peut constituer une force de premier plan dans la vie de la société et que l’idée qu’elle pourrait un jour renverser le capitalisme n’appartenait pas au domaine des rêves irréalisables. Cependant, dans la mesure où la crise du capitalisme n’en était qu’à ses tous débuts, la conscience de la nécessité impérieuse de renverser ce système ne disposait pas encore des bases matérielles pour pouvoir s’étendre parmi les ouvriers. On peut résumer cette situation de la façon suivante : à la fin des années 1960, l’idée que la révolution était possible pouvait être relativement répandue mais celle qu’elle était indispensable ne pouvait pas s’imposer. Aujourd’hui, au contraire, l’idée que la révolution soit nécessaire peut trouver un écho non négligeable mais celle qu’elle soit possible est extrêmement peu répandue.
11 Pour que la conscience de la possibilité de la révolution communiste puisse gagner un terrain significatif au sein de la classe ouvrière, il est nécessaire que celle-ci puisse prendre confiance en ses propres forces et cela passe par le développement de ses luttes massives. L’énorme attaque qu’elle subit dès à présent à l’échelle internationale devrait constituer la base objective pour de telles luttes. Cependant, la forme principale que prend aujourd’hui cette attaque, celle des licenciements massifs, ne favorise pas, dans un premier temps, l’émergence de tels mouvements. En général, et cela s’est vérifié fréquemment au cours des quarante dernières années, les moments de forte montée du chômage ne sont pas le théâtre des luttes les plus importantes. Le chômage, les licenciements massifs, ont tendance à provoquer une certaine paralysie momentanée de la classe. Celle-ci est soumise à un chantage de la part des patrons : “si vous n’êtes pas contents, beaucoup d’autres ouvriers sont prêts à vous remplacer”. La bourgeoise peut utiliser cette situation pour provoquer une division, voire une opposition entre ceux qui perdent leur travail et ceux qui ont le “privilège” de le conserver. De plus, les patrons et les gouvernements se replient derrière un argument “décisif” : “Nous n’y sommes pour rien si le chômage augmente ou si vous êtes licenciés : c’est la faute de la crise”. Enfin, face aux fermetures d’entreprises, l’arme de la grève devient inopérante accentuant le sentiment d’impuissance des travailleurs. Dans une situation historique où le prolétariat n’a pas subi de défaite décisive, contrairement aux années 1930, les licenciements massifs, qui ont d’ores et déjà commencé, pourront provoquer des combats très durs, voire des explosions de violence. Mais ce seront probablement, dans un premier temps, des combats désespérés et relativement isolés, même s’ils bénéficient d’une sympathie réelle des autres secteurs de la classe ouvrière. C’est pour cela que si, dans la période qui vient, on n’assiste pas à une réponse d’envergure de la classe ouvrière face aux attaques, il ne faudra pas considérer que celle-ci a renoncé à lutter pour la défense de ses intérêts. C’est dans un second temps, lorsqu’elle sera en mesure de résister aux chantages de la bourgeoisie, lorsque s’imposera l’idée que seule la lutte unie et solidaire peut freiner la brutalité des attaques de la classe régnante, notamment lorsque celle-ci va tenter de faire payer à tous les travailleurs les énormes déficits budgétaires qui s’accumulent à l’heure actuelle avec les plans de sauvetage des banques et de “relance” de l’économie, que des combats ouvriers de grande ampleur pourront se développer beaucoup plus. Cela ne veut pas dire que les révolutionnaires doivent rester absents des luttes actuelles. Celles-ci font partie des expériences que doit traverser le prolétariat pour être en mesure de franchir une nouvelle étape dans son combat contre le capitalisme. Et il appartient aux organisations communistes de mettre en avant, au sein de ces luttes, la perspective générale du combat prolétarien et des pas supplémentaires qu’il doit accomplir dans cette direction.
12 Le chemin est encore long et difficile qui conduit aux combats révolutionnaires et au renversement du capitalisme. Ce renversement fait tous les jours plus la preuve de sa nécessité mais la classe ouvrière devra encore franchir des étapes essentielles avant qu’elle ne soit en mesure d’accomplir cette tache :
– la reconquête de sa capacité à prendre en main ses luttes puisque, à l’heure actuelle, la plupart d’entre elles, notamment dans les pays développés, sont encore fortement sous l’emprise des syndicats (contrairement à ce qu’on avait pu constater aux cours des années 1980) ;
– le développement de son aptitude à déjouer les mystifications et les pièges bourgeois qui obstruent le chemin vers les luttes massives et le rétablissement de sa confiance en soi puisque, si le caractère massif des luttes de la fin des années 1960 peut s’expliquer en bonne partie par le fait que la bourgeoisie avait été surprise après des décennies de contre-révolution, ce n’est évidemment plus le cas aujourd’hui ;
– la politisation de ses combats, c’est-à-dire sa capacité à les inscrire dans leur dimension historique, à les concevoir comme un moment du long combat historique du prolétariat contre l’exploitation et pour l’abolition de celle-ci.
Cette étape est évidemment la plus difficile à franchir, notamment du fait :
– de la rupture provoquée au sein de l’ensemble la classe par la contre-révolution entre ses combats du passé et ses combats actuels ;
– de la rupture organique au sein des organisations révolutionnaires résultant de cette situation ;
– du recul de la conscience dans l’ensemble de la classe à la suite de l’effondrement du stalinisme ;
– du poids délétère de la décomposition du capitalisme sur la conscience du prolétariat ;
– de l’aptitude de la classe dominante à faire surgir des organisations (tel le Nouveau parti anticapitaliste en France et Die Linke en Allemagne) qui ont pour vocation de prendre la place des partis staliniens aujourd’hui disparus ou moribonds ou de la social-démocratie déconsidérée par plusieurs décennies de gestion de la crise capitaliste mais qui, du fait de leur nouveauté, sont en mesure d’entretenir des mystifications importantes au sein de la classe ouvrière.
En fait, la politisation des combats du prolétariat est en lien avec le développement de la présence en leur sein de la minorité communiste. Le constat des faibles forces actuelles du milieu internationaliste est un des indices de la longueur du chemin qui reste encore à parcourir avant que la classe ouvrière puisse s’engager dans ses combats révolutionnaires et qu’elle fasse surgir son parti de classe mondial, organe essentiel sans lequel la victoire de la révolution est impossible.
Le chemin est long et difficile, mais cela ne saurait en aucune façon être un facteur de découragement pour les révolutionnaires, de paralysie de leur engagement dans le combat prolétarien. Bien au contraire !
CCI
Il y a vingt ans, le 9 novembre 1989, le mur de Berlin était abattu et démonté morceau par morceau par une foule en délire. Ce fut là, au cœur de l’Europe, au sein d’une Allemagne enivrée par l’abolition du “rideau de fer” et le mirage de la réunification, le symbole le plus fort de la fin de la division du monde en deux blocs rivaux : l’Est et l’Ouest. En cette fin d’année 1989, en quelques mois, l’humanité assista à la dislocation de l’URSS et à la disparition des régimes staliniens d’Europe de l’Est.
A l’époque, cet événement permit à la bourgeoisie d’utiliser une arme idéologique de destruction massive : la mort du stalinisme prouvait définitivement que le communisme était un rêve dangereux qui menait forcément au totalitarisme et à la faillite ! En identifiant ainsi frauduleusement le stalinisme au communisme, en faisant de la débandade économique et de la barbarie des régimes staliniens la conséquence inévitable de la révolution prolétarienne, la bourgeoisie visait à détourner les ouvriers de toute perspective révolutionnaire.
Dans la foulée, la bourgeoisie en profita aussi pour faire passer un second gros mensonge dont elle a le secret : avec la disparition du stalinisme, le capitalisme allait enfin pouvoir s’épanouir vraiment. L’avenir, promettait-elle, s’annonçait radieux. C’est ainsi que le 16 mars 1991, George Bush père, président des Etats-Unis d’Amérique, fort de sa toute récente victoire sur l’armée irakienne de Saddam Hussein, annonça la venue d’un “nouvel ordre mondial” et l’achèvement d’un “monde où les Nations unies, libérées de l’impasse de la guerre froide, sont en mesure de réaliser la vision historique de leurs fondateurs. Un monde dans lequel la liberté et les droits de l’homme sont respectés par toutes les nations”. Cette seconde fumisterie ne fit pas long feu. Les années 1990 et 2000 ont été marquées par une succession de guerres (de la Yougoslavie à l’Afghanistan en passant, une seconde fois, par l’Irak) et par une paupérisation croissante. D’ailleurs, aujourd’hui, en plein cœur d’une débâcle économique sans précédent, les célébrations de la chute du mur se sont faite discrètes, modestes, tant les promesses de “liberté”, de “paix” et de “prospérité” apparaissent aux yeux de tous, pour ce qu’elles sont : une escroquerie.
La classe ouvrière n’a plus guère d’illusion sur ce système d’exploitation. Elle sait aujourd’hui que l’avenir promis par le capitalisme ne peut être fait que de chômage, de misère, de guerre et de souffrances. Par contre, ce qui lui manque pour avoir le courage de rentrer en lutte, c’est un espoir, une perspective, un autre monde possible pour lequel combattre. Les mensonges assimilant communisme et stalinisme, cette immense propagande qui s’est déchaînée à l’occasion de la chute du mur et de l’effondrement du bloc de l’Est, pèsent encore aujourd’hui dans les têtes ouvrières, y compris les plus combatives.
C’est pourquoi nous publions ci-dessous de larges extraits d’un document que nous avions diffusé en janvier 1990 comme supplément à notre presse territoriale et qui visait justement à combattre cette campagne nauséabonde.
En crevant, le stalinisme rend aujourd’hui un dernier service au capitalisme. (…)
La mort du stalinisme constitue aujourd’hui une victoire idéologique pour la bourgeoisie occidentale. A l’heure actuelle, le prolétariat doit encaisser le coup. Mais il devra comprendre que le stalinisme n’a jamais été autre chose que la forme la plus caricaturale de la domination capitaliste. (…) Il devra comprendre qu’à l’Ouest, comme à l’Est, le capitalisme ne peut offrir aux masses exploitées qu’une misère et une barbarie croissantes avec, au bout, la destruction de la planète. Il devra comprendre, enfin, qu’il n’y a pas de salut pour l’humanité en dehors de la lutte de classe du prolétariat international, une lutte à mort qui, en renversant le capitalisme, permettra l’édification d’une véritable société communiste mondiale, une société débarrassée des crises, des guerres, de la barbarie et de l’oppression sous toutes ses formes. (…)
En clamant haut et fort que la barbarie stalinienne est l'héritière légitime de la révolution d'Octobre 1917, en affirmant que Staline n'a fait que pousser jusqu'à ses ultimes conséquences un système élaboré par Lénine, toute la bourgeoisie MENT. Tous les journalistes, tous les historiens et autres idéologues à la solde du capitalisme savent pertinemment qu’il n’y a aucune continuité entre l’Octobre prolétarien et le stalinisme. Ils savent tous que l’instauration de ce régime de terreur n’a été rien d’autre que la contre-révolution qui s’est installée sur les ruines de la révolution russe, avec la défaite de la première vague révolutionnaire internationale de 1917-1923. Car c’est bien l’isolement du prolétariat russe, après l’écrasement sanglant de la révolution en Allemagne, qui a porté un coup mortel au pouvoir des soviets ouvriers en Russie.
L’Histoire n’a fait que confirmer de façon tragique ce que, dès l’aube du mouvement ouvrier, le marxisme a toujours affirmé : la révolution communiste ne peut prendre qu’un caractère international. “La révolution communiste (...) ne sera pas une révolution purement nationale ; elle se produira en même temps dans tous les pays civilisés (...) Elle exercera également sur tous les autres pays du globe une répercussion considérable et elle transformera complètement et accélérera le cours de leur développement. Elle est une révolution universelle ; elle aura, par conséquent, un terrain universel” (F. Engels, Principes du communisme, 1847). Et c’est cette fidélité aux principes du communisme et de l’internationalisme prolétarien que Lénine, dans l’attente d’un relais de la révolution en Europe, exprimait lui-même en ces termes : “La révolution russe n’est qu’un détachement de l’armée socialiste mondiale, et le succès et le triomphe de la révolution que nous avons accomplie dépendent de l’action de cette armée. C’est un fait que personne parmi nous n’oublie (...). Le prolétariat russe a conscience de son isolement révolutionnaire, et il voit clairement que sa victoire a pour condition indispensable et prémisse fondamentale, l’intervention unie des ouvriers du monde entier” (Lénine, “Rapport à la Conférence des comités d’usines de la province de Moscou”, 23 juillet 1918).
Ainsi, de tous temps, l’internationalisme a été la pierre angulaire des combats de la classe ouvrière et du programme de ses organisations révolutionnaires. C’est ce programme que Lénine et les bolcheviks ont constamment défendu. C’est armé de ce programme que le prolétariat a pu, en prenant le pouvoir en Russie, contraindre la bourgeoisie à mettre fin à la première guerre mondiale et affirmer ainsi sa propre alternative : contre la barbarie généralisée du capitalisme, transformation de la guerre impérialiste en guerre de classe.
Toute remise en cause de ce principe essentiel de l’internationalisme prolétarien a toujours été synonyme de rupture avec le camp prolétarien, d’adhésion au camp du capital. Avec l’effondrement de l’intérieur de la révolution russe, le stalinisme a justement constitué cette rupture, lorsque, dès 1925, Staline met en avant sa thèse de la “construction du socialisme en un seul pays” grâce à laquelle va s’installer dans toute son horreur la contre-révolution la plus effroyable de toute l’histoire humaine. Dès lors, l’URSS n’aura plus de “soviétique” que le nom : la dictature du prolétariat à travers le pouvoir des “conseils ouvriers” (soviets) va se transformer en une implacable dictature du Parti-Etat sur le prolétariat.
L’abandon de l’internationalisme par Staline, digne représentant de la bureaucratie d’Etat, signera définitivement l’arrêt de mort de la révolution. La politique de la 3ème Internationale dégénérescente sera, partout, sous la houlette de Staline, une politique contre-révolutionnaire de défense des intérêts capitalistes. C’est ainsi qu’en 1927, en Chine, le PC, suivant les directives de Staline, se diluera dans le Kuomintang (parti nationaliste chinois) et désarmera le prolétariat insurgé à Shanghaï, et ses militants révolutionnaires, pour les livrer pieds et poings liés à la répression sanglante de Tchang Kaï Tchek, proclamé “membre d’honneur” de l’Internationale stalinisée.
Et face à l’Opposition de gauche qui se développe alors contre cette politique nationaliste, la contre-révolution stalinienne va déchaîner toute sa hargne sanguinaire : tous les bolcheviks qui tentaient encore de défendre contre vents et marées les principes d’Octobre seront exclus du Parti en URSS, déportés par milliers, pourchassés, traqués par le Guépéou, puis sauvagement exécutés lors des grands procès de Moscou (et cela avec le soutien et la bénédiction de l’ensemble des pays “démocratiques” !).
Voilà comment ce régime de terreur a pu s’instaurer : c’est sur les décombres de la révolution d’Octobre 1917 que le stalinisme a pu asseoir sa domination. C’est grâce à cette négation du communisme constituée par la théorie du “socialisme en un seul pays” que l’URSS est redevenue un Etat capitaliste à part entière. Un Etat où le prolétariat sera soumis, le fusil dans le dos, aux intérêts du capital national, au nom de la défense de la “patrie socialiste”.
Ainsi, autant l’Octobre prolétarien, grâce au pouvoir des conseils ouvriers, avait donné le coup d’arrêt à la guerre impérialiste, autant la contre-révolution stalinienne, en détruisant toute pensée révolutionnaire, en muselant toute velléité de lutte de classe, en instaurant la terreur et la militarisation de toute la vie sociale, annonçait la participation de l’URSS à la deuxième boucherie mondiale.
Toute l’évolution du stalinisme sur la scène internationale dans les années 30 a, en effet, été marquée par ses marchandages impérialistes avec les principales puissances capitalistes qui, de nouveau, se préparaient à mettre l’Europe à feu et à sang. Après avoir misé sur une alliance avec l’impérialisme allemand afin de contrecarrer toute tentative d’expansion de l’Allemagne vers l’Est, Staline tournera casaque au milieu des années 30 pour s’allier avec le bloc “démocratique” (adhésion de l’URSS en 1934 à ce “repère de brigands” qu’était la SDN, pacte Laval-Staline en 1935, participation des PC aux “fronts populaires” et à la guerre d’Espagne au cours de laquelle les staliniens n’hésiteront pas à user des mêmes méthodes sanguinaires en massacrant les ouvriers et les révolutionnaires qui contestaient leur politique). A la veille de la guerre, Staline retournera de nouveau sa veste et vendra la neutralité de l’URSS à Hitler en échange d’un certain nombre de territoires, avant de rejoindre enfin le camp des “Alliés” en s’engageant à son tour dans la boucherie impérialiste où l’Etat stalinien sacrifiera, à lui seul, 20 millions de vies humaines. Tel fut le résultat des tractations sordides du stalinisme avec les différents requins impérialistes d’Europe occidentale. C’est sur ces monceaux de cadavres que l’URSS stalinienne a pu se constituer son empire, imposer sa terreur dans tous les Etats qui vont tomber, avec le traité de Yalta, sous sa domination exclusive. C’est grâce à sa participation à l’holocauste généralisé aux côtés des puissances impérialistes victorieuses que, pour le prix du sang de ses 20 millions de victimes, l’URSS a pu accéder au rang de superpuissance mondiale.
Mais si Staline fut “l’homme providentiel” grâce auquel le capitalisme mondial a pu venir à bout du bolchevisme, ce n’est pas la tyrannie d’un seul individu, aussi paranoïaque fut-il, qui a été le maître d’œuvre de cette effroyable contre-révolution. L’Etat stalinien, comme tout Etat capitaliste, est dirigé par la même classe dominante que partout ailleurs, la bourgeoisie nationale. Une bourgeoisie qui s’est reconstituée, avec la dégénérescence interne de la révolution, non pas à partir de l’ancienne bourgeoisie tsariste éliminée par le prolétariat en 1917, mais à partir de la bureaucratie parasitaire de l’appareil d’Etat avec lequel s’est confondu de plus en plus, sous la direction de Staline, le Parti bolchevik. C’est cette bureaucratie du Parti-Etat qui, en éliminant à la fin des années 20 tous les secteurs susceptibles de reconstituer une bourgeoisie privée, et auxquels elle s’était alliée pour assurer la gestion de l’économie nationale (propriétaires terriens et spéculateurs de la NEP), a pris le contrôle de cette économie. Telles sont les conditions historiques qui expliquent que, contrairement aux autres pays, le capitalisme d’Etat en URSS ait pris cette forme totalitaire, caricaturale. Le capitalisme d’Etat est le mode de domination universel du capitalisme dans sa période de décadence où l’Etat assure sa mainmise sur toute la vie sociale, et engendre partout des couches parasitaires. Mais dans les autres pays du monde capitaliste, ce contrôle étatique sur l’ensemble de la société n’est pas antagonique avec l’existence de secteurs privés et concurrentiels qui empêchent une hégémonie totale de ces secteurs parasitaires. En URSS, par contre, la forme particulière que prend le capitalisme d’Etat se caractérise par un développement extrême de ces couches parasitaires issues de la bureaucratie étatique et dont la seule préoccupation n’était pas de faire fructifier le capital en tenant compte des lois du marché, mais de se remplir les poches individuellement au détriment des intérêts de l’économie nationale. Du point de vue du fonctionnement du capitalisme, cette forme de capitalisme d’Etat était donc une aberration qui devait nécessairement s’effondrer avec l’accélération de la crise économique mondiale. Et c’est bien cet effondrement du capitalisme d’Etat russe issu de la contre-révolution qui a signé la faillite irrémédiable de toute l’idéologie bestiale qui, pendant plus d’un demi-siècle, avait cimenté le régime stalinien et fait peser sa chape de plomb sur des millions d’êtres humains.
Voilà comment est né et de quoi est mort le stalinisme. C’est dans la boue et dans le sang de la contre-révolution qu’il s’est imposé sur la scène de l’histoire, c’est dans la boue et le sang qu’il est en train de crever tel que le révèlent dans toute leur horreur les récents événements de Roumanie et qui ne font qu’annoncer des massacres bien plus sanguinaires encore au cœur même de ce régime, en URSS.
En aucune façon, et quoi qu’en disent la bourgeoisie et ses médias aux ordres, cette hydre monstrueuse ne s’apparente ni au contenu ni à la forme de la révolution d’Octobre 17. Il fallait que celle-ci s’effondre pour que celle-là puisse s’imposer. Cette rupture radicale, cette antinomie entre Octobre et le stalinisme, le prolétariat doit en prendre pleinement conscience (…).
CCI (8 janvier 1990).
2) Cet intertitre a été ajouté à la version initiale pour faciliter la lecture.
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Dernièrement, les syndicats, la gauche et l’extrême-gauche ont lancé, ensemble et unis, une grande opération médiatique pour lutter contre la privatisation de La Poste en organisant un référendum intitulé “votation citoyenne”. Olivier Besancenot, porte-parole du NPA, s’est même réjoui de mener cette action “révolutionnaire” aux côtés du PS. Et face à l’horrible vague de suicides chez France Telecom, tous les syndicats et toutes les organisations de gauche ont dénoncé avec virulence la privatisation de l’entreprise qui induit d’après eux ces “méthodes de management” insoutenables et cette “pression pour atteindre des résultats”.
Indéniablement, aujourd’hui, chaque processus de privatisation est accompagné d’un cortège d’attaques : flexibilité, intensification des cadences, harcèlements, licenciements... Mais est-ce sur le terrain de la “défense du service public”, comme ils nous le proposent, que l’on peut combattre cette forte dégradation des conditions de vie et de travail ?
Tout d’abord, une mise au point s’impose. Les différents partis de gauche ont beau jeu aujourd’hui de pousser des cris d’orfraie face aux horreurs induites par la privatisation de France Telecom ou pour dénoncer le changement de statut de La Poste. Ce sont eux qui hier, quand ils étaient au pouvoir (1), ont préparé la privatisation de France Télécom et d’Air France entre 1997 et 1998, ce sont eux qui ont décidé de l’“ouverture à la concurrence du marché de La Poste” en 2000, ce sont eux qui ont programmé les privatisations (ou l’ouverture du capital) de Thomson, du Gan, du CIC, du CNP, d’Eramet, du Crédit Lyonnais, d’Aerospatiale, d’Autoroutes du Sud de la France… Quant aux syndicats, durant ces différentes périodes, aucun d’eux n’a mené campagne ni appelé à des manifestations. Quand la droite a modifié le statut d’EDF en 2004, les syndicats étaient vent-debout. Mais quand les mêmes mesures sont prises par la gauche, ils sont alors ventre à terre.
Toutes les gesticulations actuelles de la gauche et des syndicats ne sont donc que pure hypocrisie.
Les ouvriers de La Poste et de France Telecom sont légitimement inquiets et en colère. Mais aller chercher la protection de l’État, est-ce vraiment la solution ? Car en luttant “contre la privatisation et pour la défense des services publics” c’est bien de cela qu’il s’agit. En formulant ainsi les revendications de la lutte, les syndicats, la gauche et l’extrême-gauche veulent faire croire à la classe ouvrière que l’Etat peut être de leur côté, qu’il peut les protéger contre les méfaits du capitalisme et de l’exploitation. Cette idéologie s’appuie sur plusieurs idées répandues :
– les fonctionnaires ont des conditions de travail privilégiées, ou en tout cas moins dures que dans le privé ;
– les entreprises d’Etat sont là non pour faire du bénéfice mais pour rendre service à la collectivité ;
– la vague de nationalisation des années 1945-1950 a permis une amélioration substantielle des conditions de vie et de travail.
Vérifions tout cela point par point : il est vrai que certains postes de bureau, dans les administrations, sont souvent moins pénibles. Cela dit, même cette idée très répandue est à relativiser car aujourd’hui dans les bureaux comme ailleurs, les conditions de travail se détériorent. Les collègues partant à la retraite n’étant pas remplacés (ou même parfois ceux qui mutent), la charge de travail pour ceux qui restent augmente considérablement. Ensuite, de nombreux fonctionnaires ont des boulots épuisants physiquement ou nerveusement. Il ne faut pas oublier que c’est à l’Education nationale, chez les enseignants, que le taux de suicide est le plus élevé. Les charges horaires d’une infirmière des Hôpitaux de Paris ou d’un interne, par exemple, sont insoutenables.
Enfin, l’Etat est le champion des emplois précaires. Il paye certains “emplois aidés” (comme les assistants d’éducation) sous le SMIC horaire. Il multiplie ainsi les CDD de 2 mois par-ci, 3 mois par-là. Certains sont ainsi embauchés durant des années en vivant en permanence dans le stress de ne pas être renouvelés ! Un récent fait d’actualité résume à lui seul toute l’inhumanité dont est capable l’Etat : des travailleurs africains sans papiers se sont filmés en train de charrier des seaux fumants remplis de goudrons à 300 °C, sans gants ni bottes, et ce durant toutes les heures de la nuit dans les tunnels du métro parisien. Qui était leur patron ? L’Etat ! Enfin, pour être précis, car l’Etat n’est pas avare d’hypocrisie, le patron était un sous-traitant d’un autre sous-traitant embauché par la RATP, entreprise semi-publique ! (2)
Les entreprises d’Etat, comme toutes les entreprises, sont là pour faire du bénéfice. L’exploitation n’y disparaît pas comme par enchantement. Ainsi, les grèves très combatives des employés de La Poste dans les années 1970, 1980, 1990 démontrent à l’évidence que ce “service public” n’était pas aussi social et humain que le prétendent la gauche et les gauchistes. Ce n’est pas pour rien que l’Etat, comme toute entreprise capitaliste aujourd’hui, supprime des postes chaque année, et par dizaines de milliers ! Nos détracteurs souligneront que certaines branches (comme la Sécurité sociale ou l’Education nationale) ne font pas de profits, qu’elles sont juste là pour le bien de la collectivité. Cela rejoint la question des nationalisations des années 1945-1950.
Les privatisations actuelles et les nationalisations de l’après-Seconde Guerre mondiale sont en fait le fruit d’une seule et même logique : la volonté de chaque Etat de s’appuyer sur des entreprises compétitives pour défendre ou accroître ses parts sur le marché mondial. Seul le contexte a changé. En 1945, chaque bourgeoisie nationale tentait de “reconstruire” son économie. Pour ce faire, il fallait absolument que l’Etat prenne directement en main les secteurs clefs de l’économie nationale : les transports, l’énergie, l’éducation, la santé. Pour ces deux derniers, il s’agissait d’avoir une main-d’œuvre qualifiée et en bonne santé, autrement dit des travailleurs très productifs, prêts à travailler pleinement et sans limite, à se “sacrifier” sur l’autel de la défense du capital national. Les déclarations du secrétaire général du PCF, M. Thorez, devenu ministre d’Etat de la Fonction publique entre 1945 et 1947 et vice-président du Conseil, qui appelaient les ouvriers français à “Produire, [car] c’est aujourd’hui la forme la plus élevée du devoir de classe” et à “retrousser les manches” sont tout à fait explicites.
Si les services publics rendent donc effectivement “service” à une communauté, il ne s’agit pas de la communauté en général mais de cette communauté particulière nommée “bourgeoisie nationale”.
La politique de défense des services publics et de lutte contre la privatisation est donc un piège tendu à la classe ouvrière. Le but est de lui faire oublier que l’Etat est son pire ennemi. Ce n’est rien d’autre qu’une tentative de jeter les ouvriers dans la gueule du loup.
En diminuant par dizaines de milliers le nombre de fonctionnaires, en créant de nouveaux impôts et taxes, en diminuant les remboursements des frais médicaux, en allongeant l’âge de la retraite, en orchestrant en sous main les restructurations dans les grandes entreprises… l’Etat mène des attaques féroces contre toute la classe ouvrière. Le comprendre, c’est permettre une lutte unie de tous les ouvriers contre le représentant principal du capital.
Privé-public : une même exploitation, une même lutte ! Ce n’est qu’en empruntant ce chemin que l’on pourra réellement honorer la mémoire de ceux qui n’ont pas supporté cette pression, notamment ce travailleur de France Telecom qui disait : “j’espère que mon geste servira à quelque chose.”
Dam (22 octobre)
1) En particulier le gouvernement Jospin et sa “majorité plurielle” : PS, PCF et Verts.
Nous publions ci-dessous la traduction d’un article réalisé par World Revolution, organe de presse du CCI en Grande-Bretagne.
L’une des manifestations de lutte de classe les plus significatives en Corée du Sud, depuis de nombreuses années, a été l’occupation de l’usine de construction de voiture Ssangyong, à Pyeongtaek près de Séoul, qui s’est terminée début août (1).
Après avoir occupé l’usine pendant 77 jours dans des conditions de siège où la nourriture, l’eau, le gaz et l’électricité leurs étaient refusés, et avoir résisté à des assauts répété de la police soutenue par une unité de rangers, de nervis et de briseurs de grève, les ouvriers ont été obligés d’abandonner leur occupation avec beaucoup de leurs revendications principales non satisfaites, et ils ont été immédiatement soumis à une vague de répression sous forme d’arrestations, d’interrogatoires et dans certains cas d’amendes exorbitantes.
L’économie sud-coréenne ne s’est jamais vraiment remise de l’atterrissage en catastrophe des “Tigres et Dragons”, en 1997 – un précurseur de l’actuel krach du crédit. Depuis lors, l’ensemble de l’industrie automobile est en crise profonde. La Ssangyong Motor Company, qui est maintenant sous le contrôle d’un conglomérat de véhicules automobiles chinois, a graduellement réduit sa main-d’œuvre et a proposé un plan pour offrir l’usine en garantie afin de s’assurer les prêts dont elle avait besoin pour échapper à la faillite. Ce plan impliquait beaucoup plus de licenciements – 1700 ouvriers contraints à une retraite anticipée et la mise à la porte de 300 travailleurs occasionnels – ainsi qu’un transfert de technologie vers la Chine avec l’objectif éventuel de s’approvisionner sur le marché de gros du puissant voisin de la Corée où la main-d’œuvre est disponible à prix réduit.
La grève et l’occupation d’usine, qui ont commencé au matin du 22 mai, étaient accompagnées de la demande de ne licencier personne, de ne précariser personne et de ne pas s’approvisionner à l’extérieur. Pendant l’occupation, le millier d’ouvriers qui occupait l’usine a fait preuve d’un courage et d’une ingéniosité exemplaires pour se défendre contre des forces de police équipées d’hélicoptères, de gaz lacrymogènes, de pistolets paralysants et autres matériels militaires. Cette résistance a exigé non seulement la fabrication d’armes improvisées (tubes en métal, cocktails Molotov, frondes) mais également le sens de la stratégie et de la tactique de défense – par exemple, ils ont répliqué à la supériorité écrasante des forces de répression par un repli vers le département de la peinture, calculant (correctement) que les matériaux inflammables qui y étaient entreposés dissuaderaient la police d’utiliser les gaz lacrymogènes, particulièrement à la suite d’une tragédie récente à Séoul où cinq personnes sont mortes dans un incendie allumé au cours d’une confrontation avec la police.
Ces actions réclament un sens aigu de l’initiative et de l’auto-organisation. Il semble que les ouvriers s’étaient organisés en 50 ou 60 groupes de dix membres chacun, chacun de ces groupes choisissant un délégué pour coordonner l’action.
L’occupation a également inspiré des actes de solidarité de la part d’autres ouvriers, beaucoup d’entre eux se trouvant face au même avenir incertain. Les ouvriers de l’usine voisine d’automobiles de Kia-Hyundai ont été particulièrement actifs, avec des centaines d’ouvriers venant à l’usine pour la défendre contre l’attaque concertée de la police. Des tentatives pour atteindre les grilles de l’usine, et apporter de la nourriture et diverses provisions aux occupants, se sont heurtées à une violence aussi brutale que celle exercée contre les ouvriers à l’intérieur. Il n’y a aucun doute que l’occupation a été considérablement soutenue par toute la classe ouvrière coréenne – un fait qui s’est reflété dans la position de la fédération syndicale nationale, le KCTU, qui a appelé à une grève générale de deux jours et à un rassemblement de solidarité nationale fin juillet.
Mais bien que certaines des mesures proposées à l’origine par les patrons aient été annulées à la fin de la grève, l’occupation s’est achevée dans la défaite. Les ouvriers sont sortis de l’occupation vaincus et meurtris, certains sérieusement blessés, et avec une certaine recrudescence des suicides parmi les salariés ou leurs familles.
“Dans les négociations finales, le secrétaire du syndicat local était d’accord avec la retraite anticipée proposée (c’est-à-dire licenciement avec concession d’une indemnité de licenciement) pour 52 % des travailleurs, et avec un congé pour 48 % d’entre eux pendant une année sans salaire, après quoi ils seraient réembauchés si les conditions économiques le permettaient. La société paierait également une indemnité mensuelle de 550 000 wons pendant une année à quelques ouvriers transférés sur des postes commerciaux.
“Les jours suivants aux insultes se sont ajoutés les coups au cours de la période de détention, à l’encontre de nombreux d’ouvriers emprisonnés, en attendant le dressage des actes d’accusation et un procès intenté par la société contre le syndicat KMWU pour lui réclamer 500 000 000 de wons (45 000 000 $ US). Comme on l’a indiqué, la législation du travail coréenne autorise en ce cas des procès individualisés et des poursuites qui ont déjà par le passé laissé certains ouvriers sans aucune ressource. La société réclame en la circonstance un dédommagement de 316 milliards de wons (258,6 millions de $) équivalant à une perte de production estimée à 14 600 véhicules, à cause de la grève” (2).
Ce que cette défaite démontre surtout, c’est que même si on organise au mieux la défense et l’occupation d’une usine, si la lutte ne s’étend pas, celle-ci échouera dans la grande majorité des cas. Le besoin central de tout groupe d’ouvriers confronté aux licenciements est d’aller à la rencontre d’autres ouvriers, de se rendre dans d’autres usines et bureaux, et d’expliquer la nécessité d’une action commune, afin d’établir un rapport de forces qui peut contraindre les patrons et l’Etat à reculer. La solidarité active montrée par les ouvriers de Kia-Hyundai et d’autres à l’extérieur des grilles de l’usine prouve que ce n’est pas utopique, mais que le mouvement doit aller prioritairement vers l’extension plutôt que d’opposer une simple résistance aux attaques de la police contre une usine occupée, quelle que soit la nécessité de cette dernière. Les ouvriers qui réfléchissent à propos de cette défaite doivent poser la question : pourquoi ces authentiques expressions de solidarité ne se sont-elles pas traduites par une extension directe de la lutte, à Kia et dans d’autres lieux de travail ? Plus que cela : ces minorités militantes qui se trouvent en train de remettre en cause la stratégie des syndicats doivent se réunir dans des groupes ou des comités afin de pousser à l’extension et à l’organisation indépendante de la lutte.
Pour nous, la clef du problème est que la question de l’extension a été laissée aux mains des syndicats, pour lesquels le déclenchement de la grève fait partie d’un rituel bien rodé, avec des actions symboliques qui n’avaient absolument pas pour objectif de mobiliser un grand nombre d’ouvriers, y compris à travers leur soutien à l’occupation de Ssangyong, laissant de côté l’extension de la lutte pour mettre en avant leurs propres revendications. A l’intérieur de l’usine, le syndicat (le KMWU) semble avoir maintenu un contrôle global de la situation. Loren Goldner, qui était en Corée quand la lutte a commencé et a pu se rendre dans l’usine, raconte sa discussion avec un ouvrier qui a participé à l’occupation : “J’ai parlé à un ouvrier qui participait activement à l’occupation et qui critiquait le rôle du syndicat. D’après lui, le KMWU gardait le contrôle de la grève. Cependant, contrairement au rôle des syndicats dans la lutte de Visteon au Royaume Uni et dans le démantèlement de l’industrie automobile aux Etats-Unis, le KMWU a soutenu les actions illégales d’occupation de l’usine et de préparation à sa défense armée. D’un autre côté, dans les négociations avec la société, il s’est concentré sur la demande de ne licencier personne et il a mis la pédale douce par rapport aux demandes de sécurité d’emploi pour tous et contre l’externalisation.”
L’extension de la lutte ne peut pas être laissée entre les mains des syndicats. Elle ne peut être prise en charge effectivement que par les ouvriers eux-mêmes. Quand les syndicats soutiennent des actions illégales et quand leurs représentants locaux participent à une lutte, cela ne prouve pas que les syndicats puissent parfois être du côté de la lutte. Cela montre au mieux que les dirigeants syndicaux subalternes, comme dans le cas du secrétaire local de KMWU, sont souvent aussi des ouvriers et peuvent encore agir en tant qu’ouvriers ; mais au mieux cela sert à maintenir l’illusion que les syndicats, au moins au niveau local, sont encore des organes de lutte du prolétariat.
Goldner tire les conclusions suivantes de la défaite : “La défaite de Ssangyong ne peut pas être seulement attribuée au rôle bancal de l’organisation nationale du KMWU, qui, dès le début, a permis aux négociations d’être canalisées vers l’objectif étroit du “aucun licenciement”. La défaite ne peut non plus être entièrement expliquée par l’ambiance de la crise économique. Ces deux facteurs ont assurément joué un rôle majeur. Mais au-dessus et au-delà de leur impact indéniable, c’est le recul, année après année de la classe ouvrière coréenne, surtout à travers la précarisation, qui affecte maintenant plus de 50 % de la main-d’œuvre. Des milliers d’ouvriers des usines voisines ont à plusieurs reprises apporté leur aide à la grève de Ssangyong, mais cela n’a pas été suffisant. La défaite des grévistes de Ssangyong, en dépit de leur héroïsme et de leur ténacité, ne fera qu’approfondir la démoralisation régnante jusqu’à ce qu’une stratégie se développe qui puisse mobiliser un plus large soutien, non pour livrer simplement des batailles défensives mais pour pouvoir passer à l’offensive”.
Nous sommes assurément d’accord sur le fait que l’atmosphère de crise économique a certainement un effet paralysant sur de nombreux ouvriers, qui peuvent voir que l’arme de la grève est souvent inefficace quand l’usine ferme de toutes façons, et qui ont vu tellement d’occupations contre les fermetures étranglées après un siège prolongé. Le processus de précarisation joue également un rôle en atomisant la main-d’œuvre, bien que nous ne pensions pas que ce soit le facteur décisif et qu’il ne s’applique certainement pas seulement à la Corée. En tous cas, c’est en lui-même un aspect de la crise, une des nombreuses mesures que les patrons utilisent pour réduire le coût de la main-d’œuvre et pour disperser la résistance.
Finalement, Goldner a raison de dire que les ouvriers devront passer à l’offensive, c’est-à-dire se lancer dans la grève de masse qui a pour objectif, à terme, de renverser le capitalisme. Mais c’est précisément la prise de conscience naissante de l’ampleur de la tâche qui, dans un premier temps, peut également inciter les ouvriers à hésiter à s’engager dans la lutte.
Une chose est certaine : la question du passage des luttes défensives aux luttes offensives ne peut pas être posée seulement en Corée. Cela ne peut qu’être le résultat d’une maturation internationale de la lutte de classe, et dans ce sens, la défaite chez Ssangyong et les leçons à en tirer peuvent apporter une véritable contribution à ce processus.
Amos (1er septembre).
1) Une vidéo de cet événement est consultable sur notre site internet : https://fr.internationalism.org/icconline/20009/la_defaite_a_ssangyong_coree_du_sud_montre_la_necessite_de_l_extension_de_la_lutte.html [1145]
2) Cette citation est de Loren Goldner qui est un intellectuel engagé d’origine américaine ayant longuement résidé en Corée du Sud. Il est l’auteur de nombreux articles traitant souvent de manière très pertinente la crise économique du capitalisme et la lutte de classe, en particulier en Corée du Sud. Il a notamment dressé ce bilan détaillé de la lutte à l’usine de Ssangyong consultable sur libcom.org. dont est extraite cette citation et les suivantes.
Nous publions ci-dessous un tract émanant du collectif “Unité à la base de Tours” (1). Ces camarades, pour la plupart de jeunes étudiants, ont su se réunir pour animer des assemblées générales ouvertes à tous, refusant l’enfermement corporatif dans lequel les syndicats cherchaient à enfermer la lutte. Ils ont mené une activité intense au cours de laquelle ils ont tenté de rejoindre les salariés sur leur lieu de travail, afin de discuter et d’appeler à étendre la lutte. Ce tract a le grand mérite de poser la question de la perspective révolutionnaire en mettant en avant la nécessité de remettre en cause la société capitaliste. Il essaye en même temps de tirer des leçons et de faire un bilan des derniers combats. Il s’agit là, selon notre point de vue, d’une démarche politique importante et nécessaire pour préparer les luttes futures.
La crise économique se développe. Partie du secteur financier, elle s’est étendue à tous les secteurs de l’économie. Les délocalisations et les fermetures d’usines en sont les manifestations les plus flagrantes. Le bâtiment, par exemple, connaît aussi de graves problèmes. Mais les entreprises de ce secteur sont de taille plus réduite. Elles attirent moins l’attention des médias.
Cherchant essentiellement des événements spectaculaires, conduisant à des surenchères médiatiques.
Cette crise dont la bourgeoisie (les propriétaires des moyens de production et du capital) est responsable, ce sont les travailleurs et les futurs travailleurs de tous les pays qui la payent. Les fermetures d’usines, les délocalisations, les licenciements, les cas de chômage technique et partiel..., dont souffrent les travailleurs ne se comptent plus. La crise a pour conséquence une augmentation de la violence dans les rapports sociaux entre les classes. Dans les faits, cela se traduit d’un côté, par des attaques répétées contre les acquis sociaux, bientôt réduits à néant : volonté d’augmenter la durée du travail (“travailler plus pour gagner plus”...), repousser l’âge du départ à la retraite (67, voire 70 ans…), attaques contre le code du travail (travail dominical...), etc. Tout ceci n’a qu’un but : renforcer l’exploitation ! De l’autre côté, cela se traduit par une volonté des travailleurs de résister à ces attaques, de manière de plus en plus combative : séquestrations de cadres dirigeants (3M...), grèves dures avec occupation du lieu de travail (Continental...), développement des liens nationaux et internationaux : rencontres des salariés de plusieurs usines au siège de leur groupe (Michelin, Caterpillar...) et liaisons avec les travailleurs d’autres pays (Continental avec l’Allemagne...), certains allant même jusqu’à menacer de faire sauter leur usine pour obtenir des indemnités de licenciement décentes (New Fabris...).
Mais ces luttes semblent prendre une nouvelle tournure. Beaucoup de travailleurs mobilisés n’ont plus l’espoir de pouvoir conserver leur emploi et donc de maintenir leur site industriel. Ce qu’ils veulent c’est de faire en sorte que les “plans sociaux” (langage technocratique pour dire licenciements massifs) leur donnent un maximum d’argent. Ainsi, d’une part, les actionnaires seront dans l’obligation de débourser un peu plus que ce qu’ils avaient prévu ; d’autre part, ces travailleurs pourront tenir un peu plus longtemps malgré la faiblesse des allocations liées au chômage. C’est donc les questions de dignité et de conditions de vie qu’ils posent. Mais il n’en reste pas moins vrai qu’ils – nous sommes) – sont dans une impasse.
C’est à une véritable crise de perspectives auxquelles nous sommes confrontés. Les confédérations syndicales, de par leur stratégie d’accompagnement de la crise, n’offrent aucun moyen pour sortir de cette voie sans issue. Cela montre que la nécessité de s’organiser autrement, en essayant de reconstruire de nouvelles perspectives en rupture avec le capitalisme devient à la fois urgente et vitale. Comment parvenir à un partage égalitaire des richesses ? Comment sortir de la domination des actionnaires et autres petits chefs qui ruinent notre quotidien ? C’est bien de notre vie de tous les jours, mais aussi du devenir de l’humanité, de l’avenir de la planète dont il est question : un choix de société ! Est-ce que les confédérations syndicales sont capables de construire des espaces où nous pourrions réfléchir sur notre quotidien, commencer à le transformer ? Peut-on envisager que les bureaucraties syndicales puissent favoriser l’imagination et la lutte pour un devenir dans lequel les rapports sociaux deviennent la préoccupation centrale de l’organisation sociale et non plus la recherche de profits pour une minorité toujours plus avide ?
Les succès des grandes mobilisations des 29 janvier et 19 mars ont été porteurs d’espoir. Force est de constater que les suites données par les directions syndicales n’ont pas été à la hauteur de nos espérances. La plupart des directions des grandes centrales se sont contentées de discuter avec le gouvernement, d’organiser “des journées coup de poing”. Rien de réellement positif ne s’est concrétisé pour renforcer le camp des travailleurs et de tous les dominés : pour construire la solidarité de classe. Cela a conduit logiquement aux débandades des 26 mai et 13 juin.
Beaucoup d’entre nous (travailleurs, précaires, chômeurs, retraités, syndiqués...) espérions, chuchotions, gueulions, agissions pour la grève générale reconductible. Mais rien n’y a fait. L’étau des bureaucraties syndicales est encore efficace ! Il est maintenant vital de se donner des perspectives révolutionnaires pour en finir radicalement avec la société capitaliste. Nous devons nous organiser à la base, développer la solidarité de classe, construire des outils de lutte pour prendre nos affaires en main et construire dès à présent un autre futur !
Dans les usines, dans les quartiers, dans les facs..., construisons nos comités, nos collectifs et toutes formes d’outils de lutte que nous jugerons opportuns !
Sortons des logiques corporatistes qui nous affaiblissent !
Solidarité entre tous les exploités et les dominés, syndiqués ou non !
Bâtissons
l’unité de notre classe
en reconnaissant nos camarades de nos
ennemis !
Marre des miettes, prenons le four a pain !
Collectif Unité à la Base de Tours
Ce tract illustre bien le fait que la classe ouvrière, par le biais de certaines de ses minorités, ne se résout pas à la passivité. Elle n’accepte pas les conditions d’exploitation auxquelles la bourgeoisie, le gouvernement et les syndicats, veulent la contraindre.
Ce qui nous semble très intéressant dans ce tract, même si nous n’en partageons pas tous les points de vue ni toutes les formulations, c’est qu’il pose centralement la question de la perspective révolutionnaire : “Il est maintenant vital de se donner des perspectives révolutionnaires pour en finir radicalement avec la société capitaliste”. Cette question est effectivement le principal problème auquel se heurte le prolétariat aujourd’hui : “C’est à une véritable crise de perspectives auxquelles nous sommes confrontés”. Et pourtant, comme le dit le tract, conscient de la gravité des enjeux : “c’est bien de notre vie de tous les jours, mais aussi du devenir de l’humanité, de l’avenir de la planète dont il est question .» Cela pose effectivement le problème d’“un choix de société” et nous partageons pleinement cette préoccupation du tract, une préoccupation qui montre que cette question de la perspective révolutionnaire est en émergence. Il s’agit donc d’une contribution du tract à cet effort de conscience de la classe ouvrière.
Dans ce cadre, ce texte se place d’emblée du point de vue des intérêts de la lutte de classe en réaction à la crise et aux attaques brutales menées par la bourgeoisie. C’est pour ces raisons qu’il en arrive rapidement à dénoncer le sabotage des luttes ouvrières par les syndicats : “Les succès des grandes mobilisations des 29 janvier et 19 mars ont été porteurs d’espoir. Force est de constater que les suites données par les directions syndicales n’ont pas été à la hauteur de nos espérances. La plupart des directions des grandes centrales se sont contentées de discuter avec le gouvernement, d’organiser “des journées coup de poing”. Rien de réellement positif ne s’est concrétisé pour renforcer le camp des travailleurs et de tous les dominés : pour construire la solidarité de classe. Cela a conduit logiquement aux débandades des 26 mai et 13 juin.”
Les ouvriers se sont donc trouvés dans des “impasses”. Et comme le souligne le tract, “l’étau des bureaucraties syndicales est encore efficace.” Chaque lutte est restée et reste encore bien enfermée sur elle-même, les ouvriers ne pouvant créer un véritable rapport de force débouchant sur un mouvement de plus large ampleur. A travers leurs réactions et dans ce contexte, “les questions de dignité et de conditions de vie qu’ils posent” témoignent davantage d’un potentiel pour les luttes futures que d’une réponse à la hauteur des attaques portées.
Afin d’effectuer un pas en avant pour développer la lutte de façon plus efficace, le tract donne un certain nombre d’orientations politiques très importantes qui se résument un peu dans la phrase suivante : “nous devons nous organiser à la base, développer la solidarité de classe, construire des outils de lutte pour prendre nos affaires en mains et construire dès à présent un autre futur !”.
La question de “s’organiser” pour le prolétariat est essentielle. Mais que doit-on entendre par cette expression du tract “nous devons nous organiser” ? Quelles formes de luttes développer ?
Nous pensons que ce sont ces questions centrales qui doivent effectivement être débattues dans la classe ouvrière et qu’il est nécessaire de préciser, afin de les confronter pour nourrir la réflexion.
Nous
pensons, pour notre part, dans un contexte où le prolétariat est
frappé de plein fouet par la crise, que les porteurs de la défense
d’une perspective cherchant à remettre en cause le capitalisme
doivent assumer un rôle forcément minoritaire pour la préparation
politique à l’action et à l’intervention dans les futures
luttes.
Après les premiers coups de massues d’une crise
économique amenée à se prolonger, lorsque la classe ouvrière
reprendra le chemin du combat, il lui faudra alors reprendre
elle-même ses luttes en main, ses initiatives et sa créativité,
selon les modalités d’un combat réellement collectif, où les
décisions émaneront de véritables AG, ouvertes et souveraines. Les
AG futures, réellement vivantes, constituerons le seul et unique
moyen de mener le combat de façon efficace et autonome. Ce
seront aux participants eux-mêmes et non aux syndicats, qui
paralysent et sabotent les luttes, de décider ce qu’il convient de
faire. Ce sont les ouvriers eux-mêmes qui doivent exprimer leur
solidarité, dans et par la lutte, collectivement, en envoyant par
exemple des délégations massives dans les autres usines ou sur
d’autres lieux de travail, afin de rejoindre les salariés pour une
lutte commune. Ce sont les initiatives d’AG communes,
interprofessionnelles, ouvertes, qui doivent constituer le poumon du
combat ! C’est à la condition de cette prise en main par les
ouvriers eux-mêmes qu’une solidarité active, réelle, en
direction de leurs frères de classe en lutte sera possible. A ces
objectifs, se dresseront évidemment de nombreux obstacles. Ce sera
encore aux ouvriers eux-mêmes, dans ces mêmes AG d’en discuter et
d’étudier la façon de les surmonter collectivement. Les AG, à
n’en pas douter, restent le mode d’organisation authentiquement
prolétarien permettant de contrôler collectivement la lutte. Elles
constituent en quelque sorte les embryons des futurs conseils
ouvriers. Ces organes, rassemblant les masses ouvrières, par
lesquels elles s’unifient, s’érigent comme force révolutionnaire
en vue du renversement du capitalisme. Ils permettront un dépassement
des rapports sociaux d’exploitation en vue de la création d’une
nouvelle société.
Pour conclure, soulignons que c’est avec le souci de contribuer à la réflexion engagée que nous nous sommes permis ces quelques commentaires.
CCI
1) Il s’agit d’un collectif qui s’est constitué, regroupant des éléments jeunes et combatifs, dont le noyau dur était très impliqué dans le mouvement étudiant (notamment contre la LRU).
Mardi 6 octobre, Cobo Center (1), ville de Détroit. Des bénévoles attendent la venue des plus démunis pour leur distribuer 5000 formulaires de demande d’aide financière temporaire (pour le paiement des loyers et des factures de services publics) et d’aide au logement (pour les sans-abri ou ceux qui le seraient en l’absence de ces aides) (2). La veille déjà, près de 25 000 de ces documents ont été retirés auprès des différents services de la mairie. Mais en ouvrant les portes ce jour là, les bénévoles n’en croient pas leurs yeux : ce n’est pas quelques centaines de personnes, les plus pauvres des quartiers, qui attendent là dès l’aube, mais plusieurs milliers ! Entre 15 000 et 50 000 selon les estimations ! En fait, à l’annonce de cette nouvelle distribution, des sans-abris, des chômeurs de longue date, mais aussi des ouvriers récemment licenciés, des travailleurs précaires ou menacés par d’éventuels dégraissages et des membres de la “classe moyenne” (des professeurs ou des fonctionnaires par exemple) qui sont en train de plonger à leur tour dans la pauvreté… bref, la majorité de la classe ouvrière de la région s’est amassée dans la froideur du petit matin dans l’espoir d’obtenir quelques miettes d’aides pour ne pas perdre son logement ou pour manger ou simplement pour “tenir” encore un peu. De longues queues serpentent donc devant l’entrée du bâtiment et cheminent jusque dans la rue. Personne ne s’attendait à une telle foule. Les bénévoles, éberlués, sont littéralement pris d’assaut. Les personnes ayant la chance d’obtenir un formulaire s’empressent de le remplir sur place sous peine de se le faire voler. Des photocopies (non reconnues et donc non valides) circulent pour 20 dollars pièce. Pour limiter cette escroquerie et éviter les heurts, les bénévoles finissent par distribuer eux-mêmes des photocopies sans pour autant savoir si celles-ci seront prises en compte par l’administration.
Aux Etats-Unis, la crise économique frappe avec une brutalité extrême et aucun secteur de la classe ouvrière n’est épargné. Comme l’exprime le pompier Dan McNamara, la ruée de cette foule en détresse “est tout à fait représentative des difficultés de la classe moyenne en Amérique” (3). Tony Johnson, sans emploi depuis trois ans, présent dès 5 heures du matin, exprime ainsi sa colère : “il n’y a pas de tranquillité parce qu’il n’y a pas d’emplois. Tout le monde est à la recherche d’un extra, d’un coup de main. Ils ne me comptabilisent pas comme chômeur parce que je n’ai pas d’allocation. C’est comme si je n’existais même pas. Mais j’existe. Regardez autour de vous. Il y a des milliers... des millions dans ce cas” (4).
Malgré tous ses trucages et autres “artifices statistiques”, la bourgeoisie américaine ne peut plus masquer la paupérisation criante de toute la population. Le taux de chômage est passé de 4,7 % en septembre 2007 à 9,8 % en septembre dernier, chiffre record depuis 1983. Il a donc doublé en seulement deux ans ! (5)
En Europe, il est de coutume de dire que les Etats-Unis ont toujours quelques années d’avance, qu’ils montrent le chemin en quelque sorte, qu’ils indiquent l’avenir. La classe ouvrière du monde entier sait donc à quoi s’attendre !
Cela dit, il faut croire que la crise et la misère traversent les frontières plus vite que la mode. En Espagne, le taux de chômage s’élevait à 13,9 % au quatrième trimestre 2008 avec plus de 3,3 millions de chômeurs. C’est le record dans l’Union européenne et la plupart des analystes considèrent que ce chiffre pourrait atteindre 19 % en 2010 (soit plus de 4 millions de chômeurs) (6) ! Quant à l’Irlande, surnommée le “Tigre celtique” suite à ses “exploits économiques” du début des années 2000 (il y a deux ans encore, cette île battait des records avec 5,1 % de croissance et “seulement” 4,4 % de chômeurs), son taux de chômage devrait prochainement atteindre 15 % ! (7)
La bourgeoisie peut donc bien nous servir à toutes les sauces ses grossiers mensonges sur la “reprise”, “la fin de la crise”, le “bout du tunnel”… La réalité, c’est ce que ressentent dans leur chair les travailleurs, les précaires et les chômeurs du monde entier : la dégradation terrible des conditions de vie. Le capitalisme ne peut engendrer que toujours plus de misère, il est devenu un système définitivement décadent qu’il faut abattre.
Lisa, le 22 octobre
1) Centre d’exposition et de conférence de la ville.
2) La ville de Détroit a en effet entrepris de répartir l’aide fédérale perçue au titre des programmes de Prévention des Sans-abris et du Relogement Rapide, soit 15,2 millions de dollars.
3) Par classe moyenne, il faut entendre cette partie de la classe ouvrière qui avait un emploi stable.
4) Toutes ces citations et tous ces faits sont issus d’un article diffusé sur le site Contreinfo (www.contreinfo.info [1085]). Une vidéo y est d’ailleurs accessible.
5) Source : www.romandie.com/infos/news/200910221854040AWP.asp [1146]
Vendredi 9 octobre. Quelques heures avant la cinquième réunion en deux semaines de son conseil de sécurité nationale, consacré cette fois à l’Afghanistan, le président américain Barack Obama se voyait attribuer le prix Nobel de la Paix, “pour ses efforts extraordinaires en faveur du renforcement de la diplomatie et de la coopération internationales entre les peuples” selon l’annonce du jury d’Oslo. En recevant ce prix, Obama rappela qu’il était “le commandant en chef d’un pays qui a une guerre à terminer”. Et quelques jours plus tard, le Washington Post annonçait que le même Obama avait décidé d’envoyer un renfort de quinze mille soldats supplémentaires en Afghanistan !
Loin d’être une exception, il est de coutume que le prix Nobel de la Paix soit régulièrement attribué aux plus féroces va-t-en-guerre de la bourgeoisie mondiale, comme le rappelle l’historien américain Howard Zinn dans The Guardian du 10 octobre 2009 :
“[...] Thomas Woodrow Wilson, Theodore Roosevelt et Henry Kissinger avaient également reçu le Nobel de la Paix. [...] Oui, Wilson est crédité de la création de la Société des Nations – cet organisme inefficace qui n’a rien fait pour empêcher la guerre. Mais il a également ordonné le bombardement de la côte mexicaine, envoyé des troupes occuper Haïti et la République dominicaine, et impliqué les Etats-Unis dans le massacre à grande échelle qui se déroulait en Europe durant la Première Guerre mondiale – laquelle peut aisément prétendre à la première place dans la liste des guerres stupides et sanglantes. Certes, Theodore Roosevelt a joué les intermédiaires pour conclure la paix entre le Japon et la Russie. Mais c’était aussi un amoureux de la guerre qui a pris part à la conquête de Cuba par les Etats-Unis, qui prétendait libérer cette petite île du joug espagnol tout en l’emprisonnant dans des chaînes américaines. Et une fois président, il mena une guerre sanglante pour soumettre les Philippins, allant jusqu’à féliciter un général américain qui venait de massacrer six cents villageois sans défense. [...] »
Plus tard enfin, le comité estima qu’il était juste de décerner un prix de la paix à Henry Kissinger, qui avait signé l’accord final mettant un terme à la guerre du Vietnam, dont il avait pourtant été l’un des instigateurs. Kissinger, qui avait servilement approuvé Nixon dans sa volonté d’étendre la guerre en procédant au bombardement de villages au Vietnam, au Laos et au Cambodge. Kissinger, qui correspond très exactement à la définition du criminel de guerre, s’est vu attribuer un prix de la paix ! [...] Obama poursuit une action militaire sanglante et inhumaine en Irak, en Afghanistan et au Pakistan.” 1
Parmi les sanguinaires pacifistes nobélisés, n’oublions pas l’égyptien Anouar el-Sadate, les Israéliens Menahem Begin, Shimon Peres et Yitzhak Rabin, et le Palestinien Yasser Arafat, qui ensanglantèrent le Proche-Orient pendant des décennies. Ni l’Américain Jimmy Carter ni le Russe Mikhaïl Gorbatchev, protagonistes de la guerre froide.
Le prix Nobel de la Paix n’est rien d’autre qu’un comble d’hypocrisie et de cynisme, dont l’unique objectif est d’attribuer un gage de respectabilité aux fidèles serviteurs de l’impérialisme, exemplaire du mode vie capitaliste décadent.
DM
Le samedi 10 octobre, les médias français étaient sous le choc : le centre-ville de Poitiers était “attaqué” par une horde d’environ 200 militants dits “d’ultra-gauche”.
Ce qui était annoncé comme un “Rassemblement festif” par le “Collectif contre la prison de Vivonne”, initialement prévu pour protester contre un transfert de détenus, prévu le lendemain, entre l’ancienne et la nouvelle prison de la ville, c’est-à-dire avec une tonalité plutôt bon enfant, rassemblement autorisé par la préfecture de la Vienne, se transformait brutalement en saccage ciblé de quelques vitrines de banques, d’assurances et d’une boutique Bouygues, et de plusieurs abribus, avec deux blessés très légers (dont un policier). Saccage certes, mais bien loin des descriptions apocalyptiques que nous ont faites à l’unisson les médias.
Selon ces derniers, qui nous ont quasiment présenté Poitiers à feu et à sang, il s’agissait de hordes de “jeunes, grands, qui portaient des masques argentés en forme de flamme avec des grands bambous, des bâtons qu’ils ont balancés dans les vitrines. C’était de la violence pour la violence. (…) Ceux qui n’étaient pas masqués portaient des écharpes, des bonnets, on ne pouvait pas voir leurs visages (…) Le plus impressionnant, c’est la peur qui se lisait sur le visage des gens et des enfants qui sont rentrés se réfugier dans la pharmacie”, dit Sabrina. “Et ces bombes rouges, la fumée qu’il y avait, on a senti les gens très apeurés, c’était la panique” (la Nouvelle république du 11 octobre). Une cache d’armes avec des marteaux, des masses et des explosifs était même découverte par la police dans la ville, tandis que le maire PS de Poitiers, se prenant pour Charles Martel, renchérissait sur France 3 : “Nous avons évité une catastrophe.” Bagdad, Kaboul Beyrouth, de la gnognote à côté des ces événements, hypergonflés par la presse aux ordres, la police et le gouvernement !
Le collectif organisateur s’est immédiatement démarqué des ces “casseurs” tout en dénonçant l’exagération manifeste de ces événements, tendant forcément à le discréditer. Mais là n’est pas l’essentiel car ces prétendues émeutes ont toutes les caractéristiques de la manipulation policière. Ainsi, malgré l’autorisation de manifester, il est étrangement “interdit de prendre des photos”, précise une journaliste de une Coccinelle à Poitiers du 10 octobre, tout en ajoutant : “maintenant je comprends mieux pourquoi. Je ne suis pas extra lucide mais m’étant faite serrer pour que je ne prenne pas de photos, je comprends que des choses se préparent. J’ai déjà connu cela par le passé en région parisienne.”
Un membre du collectif raconte sur le site Le Post.fr : “Ça se passait bien jusqu’au départ du cortège. A 17 h 15, plein de gens qui n’étaient pas au départ de la manif’ sont arrivés en masse des rues adjacentes. Ils étaient cagoulés, équipés, très bien organisés. 10 minutes après, ça dégénérait et ça commençait à casser, les fumigènes sont sortis, etc. J’ai vite quitté la manif, la violence ne m’intéresse pas. Surtout en plein festival de théâtre de rue, avec des familles, des enfants...”
Un témoin qui a vu passer la vague de “casseurs” près de son domicile racontait sur Europe 1: “C’étaient des gens entraînés, cagoulés, avec des talkies-walkies… comme des militaires.” Eléments qui permettent au député-maire de Poitiers, aux côtés de Brice Hortefeux, de s’inquiéter encore de ce “groupe anarchiste très organisé qui a utilisé la prison comme prétexte à ses actions”.
La police réussissait au bout du compte un beau coup de filet : 18 personnes interpellées dont une gamine de 14 ans et bon nombre de SDF, tous probablement issus de cette “mouvance anarchiste insurrectionnelle” qui prône “la destruction du pouvoir par l’insurrection”. Tous les médias ont massivement diffusé le même message : les autorités et la police auraient été “surpris” par le caractère soudain et imprévisible de cette violence. Tu parles...
Tout cela n’est pas sans nous rappeler de récents coups bas de la police française en matière de provocation. Le 1er mai dernier par exemple, à la fin du défilé, un employé de la Protection judiciaire à la jeunesse et sa compagne “remarquent un curieux manège : une dizaine d’hommes en civil sort d’un car de CRS. Crânes rasés, foulards, capuches, autocollants CGT ou “Rêve générale” – la panoplie complète du manifestant (…) les hommes se dispersent par groupe de deux ou trois et déboulent place de la Bastille” puis provoquent des gardes mobiles, en train de déloger de jeunes “punks”, à coups de “Police partout, justice nulle part”, “Casse-toi pauv’ con”. Certains des jeunes seront arrêtés, pas les flics, bien sûr ; et surtout le témoin gênant sera lui aussi arrêté. (https://www.liberation.fr/societe/0101577634-1er-mai-un-proces-pour-avoir-denonce-des-policiers-deguises [1150]).
Ces policiers n’agissent pas en free-lance. Ils font partie d’une “compagnie de sécurisation” officiellement créée en 2005 par Sarkozy au moment des manifestations lycéennes contre la loi Fillon au nom du “provoquer plus pour coffrer plus” (le Canard enchaîné du 6 mai 2009) et sous prétexte de “protéger les manifestants” contre les provocateurs, les casseurs, les voleurs, etc. On verrait cela dans un film, on aurait du mal à y croire.
De tous temps, les classes dirigeantes ont utilisé des agents provocateurs pour attirer les masses en révolte dans des guets-apens et finalement les réduire à leur merci. La bourgeoisie est passée maîtresse dans cet art de la provocation policière destinée à justifier le renforcement de sa surveillance policière en poussant des éléments confus à la baston stérile avec ses flics, à entraîner les manifestations dans des violences inutiles, à faire passer les expressions de la lutte de la classe ouvrière pour de la violence gratuite et salir les groupes politiques prolétariens en les amalgamant à des sortes de débiles primaires à l’assaut de la méchante flicaille : en résumé pour détruire la réflexion et la prise de conscience au sein du prolétariat que la violence nécessaire contre la bourgeoisie et le capitalisme ne se résume pas et n’est pas un affrontement physique mais essentiellement d’abord politique. Et que, dans cet affrontement, les organisations politiques ont une place prépondérante qu’il s’agit pour la bourgeoisie de dénigrer autant que faire se peut.
Elément significatif : alors que tout le monde avait oublié l’épisode poitevin, le journal le Monde du 21 octobre publiait la revendication des violences du 10 octobre, intitulée “Coucou, c’est nous” d’un groupe “insurrectionnaliste” signant “quelques casseurs”, et dont un mot d’ordre est : “La destruction est source de joie”. Tout aussi significatif est le fait que cet article paraît au moment même où commence le procès de Julien Coupat et de ses amis, qualifiés eux aussi d’éléments de “la mouvance ultra-gauche”, éléments probablement sincères mais tout aussi probablement manipulés, pour des sabotages de caténaires du TGV l’an dernier (1).
Et la bourgeoisie, quant à elle, n’aura jamais de cesse tant qu’elle survivra d’attaquer la conscience de son fossoyeur potentiel, le prolétariat, et de tenter de l’effrayer ou de l’intimider en faisant l’amalgame entre les organisations politiques prolétariennes et toute une frange désespérée de la classe ouvrière, se réclamant de façon erronée et confuse du prolétariat et de sa lutte, par là même offerte aux crapuleries et autres manipulations policières. D’ailleurs, quelques jours plus tard, le ministre de l’Intérieur Hortefeux profitait de ces “événements” pour justifier la proposition d’une nouvelle mouture du très controversé fichier Edvige, nettement orienté contre les “agitateurs” d’extrême-gauche qui “fomentent des troubles à l’ordre public” et qui, lors des futures luttes ouvrières, pourra être utilisé contre les éléments prolétariens les plus combatifs et les organisations révolutionnaires.
Wilma (23 octobre)
1) A moins qu’ils ne soient innocents et faussement accusés, ce qui est tout à fait possible, et que les véritables auteurs de ces sabotages soient là aussi des flics.
Nous publions ci-dessous un article que nous venons de recevoir de la part de camarades en Australie sur la récente grève de conducteurs de bus à Sydney.
Le lundi 24 août, 130 chauffeurs de bus de Sydney ont mis en place une grève sauvage défiant les patrons, les bureaucrates d’Etat et également les syndicats, grève dénoncée par tous. Les ouvriers de Busways au dépôt de Blacktown à l’est de Sydney ont arrêté le travail à 3 h 30 du matin, provoquant l’annulation des services de période de pointe dans les zones de Blacktown, Mount Druitt et Rouse Hills.
La décision des ouvriers de se mettre en grève a été prise après la rupture de la négociation entre les syndicats et l’administration de Busways sur la réforme des horaires qui devait être mise en application en octobre. Face à une économie en ruines et à un système de transports en commun à la dérive, les dirigeants des autobus privés, de concert avec le gouvernement, essayent de réduire radicalement les coûts et d’imposer des accélérations de cadence. Les conducteurs ont protesté contre les nouveaux horaires, invoquant le fait que ces derniers représentent une attaque contre les conditions de travail des conducteurs et qu’il sera impossible de les mettre en application car elles sont un empiétement sur les périodes de repos et font pression sur les conducteurs pour qu’ils dépassent des limites de vitesse, mettant en danger la vie des passagers et des autres automobilistes. “Le nouvel horaire signifie moins de temps pour accomplir nos itinéraires. Nous courrons après le retard et serons blâmés par le public. Puisque nous courrons après le retard, il y aura aussi moins de temps de repos”, expliquait un travailleur (1).
Depuis des mois, le TWU (le syndicat des travailleurs du transport) et la compagnie font traîner en longueur les négociations sur ces nouveaux horaires qui ne peuvent déboucher sur le moindre résultat positif pour les conducteurs. Pire encore, le TWU a également été complice des attaques contre les conditions de vie et de travail de ces dernières années, notamment à travers les divers accords pour accroître la “flexibilité”. Après la rupture complète des négociations, les ouvriers, irrités par le manque de soutien et par la trahison pure et simple du syndicat, ont pris la décision d’arrêter le travail sans consulter le TWU et la direction de Busways tout en se défiant d’eux. Un ouvrier déclare : “Nous n’en pouvons plus. Nous avons essayé, à travers le système, d’obtenir des changements et rien ne s’est jamais produit. Nous ne pouvons strictement rien obtenir avec le syndicat Le but des syndicats était censé être d’améliorer les conditions, pas de les aggraver” (2) et un autre que “le syndicat a dénoncé les ouvriers pour ce qu’ils ont fait. Nous avons décidé que nous ne pouvions plus rien attendre du syndicat. Le syndicat ne s’inquiète que des 60 $ mensuels que nous devons lui verser”.
La réponse des patrons et du syndicat devant cette grève était de faire en sorte qu’elle se termine le plus rapidement possible. Concernant la gestion des horaires de Busways, la direction et le TWU ont fait volte-face, se déclarant d’accord dans les négociations sur les horaires proposés par les chauffeurs, les conducteurs ayant pris la décision au bout de 6 heures de discussions de retourner au travail à 9 h 30 du matin, après avoir attendu la fin des services de pointe du matin. Malgré cette décision, les conducteurs ont exprimé leur intention de déclencher de nouvelles actions de grève si la compagnie refusait de revoir à la baisse son programme de réformes. Cependant, l’évocation de cette perspective a provoqué la décision d’interdire d’autres actions de grève ainsi que des menaces de répression, de la part de la Commission des relations industrielles.
La réaction rapide du syndicat pour contenir et arrêter la grève confirme que c’est seulement si les ouvriers prennent leur lutte dans leurs propres mains, comme l’ont fait les conducteurs, que la défense des conditions de vie et de travail peut être efficace. Cependant, le résultat de la grève n’a pas encore été une victoire pour les conducteurs. Le nouveau round de négociations entre le TWU et la direction de Busways s’est conclu sur un accord pour procéder à la réforme des horaires, ce qui était déjà cyniquement prévu dès le début, c’est-à-dire de suivre les décisions de la direction de la compagnie.
Nous apportons notre entière solidarité aux ouvriers de Busways et nous considérons cette grève comme un moment important du développement de la lutte de classe en Australie. En réponse à la faillite du système capitaliste et aux attaques contre des ouvriers par le capital, la classe ouvrière doit prendre confiance en sa propre force et en celle de sa lutte, à la fois pour se défendre au quotidien et finalement, pour affirmer ouvertement ses propres intérêts de classe. Pour cet objectif, il est absolument essentiel que les ouvriers prennent la lutte dans leurs propres mains, et plus encore, qu’ils se battent pour étendre et généraliser cette lutte. L’isolement dans lequel les conducteurs se sont trouvés, combiné au spectacle hystérique de la dénonciation des conducteurs qualifiés dans cette ignoble campagne de “bolchos”, de “brutes”, par tous les médias aux ordres de la classe dirigeante, est une cause fondamentale de l’étouffement de la lutte. C’est seulement en prenant directement leur lutte en mains, en dehors du cadre syndical, et en la généralisant, contre toutes les divisions sociales, sectorielles et géographiques, que la classe ouvrière peut trouver la force nécessaire pour développer son combat.
NIC (9 septembre)
1) WSWS, Australie : grève des chauffeurs de bus au mépris du syndicat [1151], 26 août 200.
2) Idem.
Chaque année, les médias égrènent des accidents d’avion en tous genres et des crashs aériens qui tuent en quelques minutes des centaines de personnes. Généralement, la responsabilité de ces catastrophes est rejetée sur le dos des pilotes ou bien du personnel de maintenance. Concernant le crash de l’airbus A330 d’Air France entre Paris et Rio le 1er juin, on aura là encore tout entendu, de la possibilité d’une attaque par missile à celle d’un orage inattendu par sa taille (démenti par Météo-France) en passant par l’incurie des pilotes. Dans le même registre de l’hypocrisie et du mensonge, le crash aux Comores le 30 juin d’un avion affrété par la compagnie Yemenia, qui se trouve sur la liste noire des compagnies indésirables dans certains pays du fait du mauvais entretien de leur flotte, avait fait l’objet de toute une campagne de l’Etat français, afin de détourner l’attention de l’opinion sur ces “compagnies-voyous”, et faire passer Air France-KLM pour une compagnie des plus sérieuses.
Ce qui s’est passé le 1er juin est en réalité une illustration de ce mépris total que toutes les compagnies aériennes, quelles qu’elles soient, et avec elles, des Etats qui les parrainent et les protègent, cultivent à l’égard de la vie humaine. Car cette merveille de la technologie qu’est l’avion serait en effet bien plus sûr pour le transport des êtres humains si les lois du profit, de la rentabilité et de la concurrence capitaliste n’ouvraient sur toutes sortes de malversations et d’économies… mortelles.
L’équipage et les 228 morts du vol entre Paris et Rio ne sont plus là pour raconter ce qui s’est passé. Les 10 millions d’euros dépensés pour retrouver les fameuses boîtes noires qui nous auraient dit toute la vérité l’ont été en pure perte. Comme le disait le 22 août un des correspondants du site www.eurocokpit.com [1152] (1), et alors que le BEA (2) affirmait au lendemain de la catastrophe que l’Airbus gisait “en un seul morceau” : “A l’heure où l’on sait repérer une molécule d’eau (vieille de plusieurs centaines de millions d’années) dans la zone polaire de Mars, on nous “informe” qu’il est impossible de localiser 200 tonnes de ferraille à 4 km sous les quilles de nos plus beaux fleurons nucléaires et électronico-subaquatiques.” En réalité, la vérité sur ce qui s’est passé, que tous les pilotes dénoncent de longue date, et que savaient tout aussi bien les dirigeants d’Air France et d’Airbus, c’est la défaillance des sondes Pitot de marque française Thalès (d’EADS). Ces dernières ont été choisies préférentiellement à celles de marque américaine Goodrich et avaient été certifiées à l’origine par Airbus pour ce type d’avion, pour de pures raisons de concurrence économique et sans essais préalables réellement probants. Le rôle de ces sondes est primordial, car elles permettent de mesurer la vitesse de l’avion mais aussi divers paramètres conduisant à apprécier les conditions atmosphériques, l’altitude, etc. En résumé, où se trouve l’appareil, où il va et quels risques il encourt. Depuis 15 ans (!), les difficultés provoquées par les sondes Pitot de maque Thalès étaient connues. En 1994, un prototype d’A330 s’était écrasé à Toulouse, dont la faute avait été évidemment attribuée à une “erreur de pilotage”. Jusqu’en 2008, de nombreux Air Safety Reports (ASR, rapports d’incidents signalant les défaillances des sondes) avaient été émis, mais jamais la compagnie Air France, soutenue par le BEA et l’EASA, n’avait pris la moindre mesure (3). Pire, alors que ces sondes ont de plus en plus clairement été incriminées dans l’accident de l’AF 447, le BEA et la direction d’Air France ont fait disparaître purement et simplement les comptes-rendus circonstanciés d’incidents répertoriés durant le vol de l’AF447 et tous ceux identiques à celui ayant conduit au crash du 1er juin. Les enjeux à l’origine d’un tel comportement sont considérables pour l’Etat français et pour l’aéronautique européenne :
– la mise à nu de pratiques scandaleuses exposant volontairement des vies humaines (scandaleuses d’ailleurs même du point de vue du capital, quand on sait l’effort énorme consenti pour le développement des équipements et leur intégration dans l’avion afin de prendre en compte les contraintes de sécurité) ;
– le risque d’astreinte d’Air France au paiement de dédommagements astronomiques aux familles des victimes si la responsabilité de la compagnie venait à être établie (4) ;
– les retombées commerciales des plus négatives pour Airbus.
Hélas pour Air France, une nouvelle preuve du type de celles effacées refaisait son apparition avec l’incident, identique aux autres de la série, se produisait de nouveau le 13 juillet sur un vol Paris-Rome, et remettant à nouveau en question sur le devant de la scène la fiabilité des sondes Thalès. Air France décidait donc dans l’urgence de changer un certain nombre des sondes Thalès de ses A320 et A330 par des Goodrich… le 30 juillet. C’est-à-dire deux mois après le crash du 1er juin, deux mois durant lesquels c’est sciemment que des milliers de vol, transportant des centaines de milliers de personnes ont été effectués avec le risque permanent de se crasher !
Mais Airbus comme Air France n’en sont plus à cela près. Plusieurs accidents aériens impliquant l’A320 et son système de navigation avaient eu lieu au mont Saint-Odile et à Bangalore, et là aussi les pilotes avaient été mis en cause. Or, pour gagner du temps, Airbus avait validé ce système expérimenté sur Boeing sans faire des essais suffisants pour le certifier de façon fiable sur l’A320 dont le système d’exploitation informatique est configuré différemment. Résultat, le système fournissait de fausses informations au pilote sur l’altitude et la direction de l’avion au décollage, informations mortelles de nuit ou par temps nuageux !
Rappelons la catastrophe du 25 juillet 2000 à Gonesse, où 113 personnes trouvaient la mort au décollage d’un Concorde affrété par la Continental Airlines. On nous a assuré que c’était la faute à un bout de ferraille qui traînait sur la piste, résultat “évident” de la négligence des employés de l’aéroport. Cependant, huit ans après, cinq personnes, ainsi que la compagnie américaine, se retrouvaient au tribunal pour “homicides et blessures involontaires”. Car une des causes principales du crash résidait dans un “défaut important” du Concorde, au niveau de l’aile de l’avion. “Or ce défaut était connu du constructeur (Aerospatiale puis Airbus et enfin EADS), comme de la Direction générale de l’aviation civile (DGAC) dès 1979, après l’accident d’un Concorde à Washington (Etats-Unis) précurseur de celui de Gonesse. Le ministre des Transports de l’époque Joël Le Theule en avait été informé. On ne trouve pas la trace de ce “défaut important” dans le rapport du BEA sur l’accident de Washington. Tous les noms des enquêteurs et celui du coordinateur de l’enquête sont masqués” (5). Et malgré 16 incidents graves et 6 accidents précurseurs rapportés sur 24 années d’exploitation d’une flotte de 13 avions, le BEA écrivait que “cet accident n’était pas prévisible” !
Le Manuel de gestion de la sécurité aérienne (OACI) précise :
“Parmi les principaux facteurs qui déterminent un contexte favorable aux accidents et aux incidents, on peut citer la conception du matériel, les infrastructures d’appui, les facteurs humains et culturels, la culture de sécurité de l’entreprise et les facteurs de coûts.”
En mars 2004, la Mission d’information de l’Assemblée nationale sur la sécurité du transport aérien de voyageurs relevait dans son rapport que “ le problème des pièces détachées dont la traçabilité n’est pas établie et qui font l’objet de copies ou de trafics illicites (contrefaçon, pièces d’occasion recyclées...)”.
Le rapport faisait donc la pieuse et stérile recommandation “d’assurer une meilleure traçabilité des pièces détachées et de lutter contre le trafic de pièces non conformes, de contrefaçon ou d’occasion”.
Lorsqu’on sait que “le prix d’une pièce est multiplié environ par dix par rapport à son coût de fabrication, en raison des frais induits par la certification et les tests” (6), on ne peut assurément que s’en remettre aveuglément au sens moral de ces compagnies aériennes, dont l’objectif final et essentiel est de faire du profit, pour s’assurer de la fiabilité de ces pièces de rechange !
Avant chaque vol, un membre de l’équipage technique fait “le tour de l’avion” ainsi que l’équipe de maintenance. Il s’agit d’effectuer un certain nombre d’opérations de contrôle : intégrité de la cellule, des ailes, des réacteurs, absence de fuites de carburant, huile, hydraulique, état des pneus, etc. “Cette “visite prévol” est une phase très importante du vol. La négliger peut conduire à un accident. Jusqu’où va-t-on aller pour améliorer la productivité, car c’est bien de cela dont il s’agit : diminuer au maximum la durée des escales et donc l’immobilisation au sol de l’avion !” (7)
Ces visites sont de plus en plus réduites et les pilotes soumis à des pressions grandissantes pour en diminuer le temps, comme ils sont par ailleurs soumis à des conditions de travail draconiennes.“Dans une étude réalisée en décembre 2006, la DGAC (Direction générale de l’aviation civile) notait que le niveau de fatigue des pilotes augmentait avec le nombre d’étapes réalisées par jour... et que le nombre d’étapes était un élément à prendre en compte. Une nouvelle réglementation est pourtant appliquée en Europe depuis juillet 2008. Un pilote peut désormais effectuer un nombre d’étapes illimité en 11 heures de temps de service car le nombre d’étapes n’est pas réglementé.
“La DGAC ne tient pas compte des études scientifiques sur la fatigue afin de ne pas porter atteinte à la “procuctivité” des équipages et donc aux intérêts économiques du transport aérien” (8).
Pourtant, dans une étude sur la fatigue en aéronautique remise à la DGAC en novembre 1998, le Laboratoire d’anthropologie appliquée (LAA) affirmait que pour la prévention efficace de la fatigue des équipages, “dans le contexte de forte concurrence que connaissent actuellement les compagnies aériennes françaises et étrangères les conduisant à se placer aux limites maximales autorisées, il apparaît indispensable que cette réglementation évolue de manière à réduire les risques sur le plan de la sécurité des vols.”
Depuis, rien n’a changé... ! De nombreux pilotes et personnels aériens ne cessent de plus en plus de les dénoncer des conditions de travail tellement éreintantes qu’ils ne sont plus fiables aux commandes d’un appareil.
Nous n’avons fait qu’effleurer différents aspects de cette incurie calculée des compagnies aériennes pour faire du fric. La bourgeoisie des pays développés peut toujours établir des listes “noires” ou “grises” des compagnies aériennes à éviter dans certains pays, elle n’a rien de mieux à proposer. Mais elle sait mieux mentir et camoufler la monstrueuse réalité.
Mulan (22 octobre)
1) Nombre des informations de cet article proviennent de ce site animé par des pilotes professionnels.
2) Bureau d’enquêtes et d’analyses, organisme officiel chargé d’enquêter sur les accidents et incidents de l’aviation civile. Cet organisme gouvernemental est spécialisé dans la falsification la plus honteuse d’évènements divers aériens et maritimes pour mentir sur les véritables raisons de certaines tragédies. Ainsi, le BEA-Mer s’était lancé en septembre 2009 dans des explications “les plus fumeuses pour expliquer le naufrage du Bugaled Breizh, ce chalutier de 24 mètres ayant – selon la version officielle – été happé vers le fond par un banc de sable disparu aussitôt après avoir commis son forfait, alors qu’il a été établi qu’un sous-marin avait accroché ses chaluts.” www.eurocokpit.com [1152]
3) Signalons au passage que le Syndicat national des pilotes de ligne a fait le jeu de la direction et de la DGAC, ne demandant que des “aménagements” ridicules en termes d’efficacité.
4) Deux familles américaines viennent ainsi récemment de porter plainte contre Air France, mettant en avant le caractère “défectueux et déraisonnablement dangereux” de l’A330.
5) Les dossiers noirs du transport aérien. Henri Marnet-Cornus.
6) Idem.
7) Idem.
8) Idem.
Un lecteur signant JM a posté sur notre site Internet un commentaire très intéressant qui pose la question de la nécessaire collaboration entre les différents groupes révolutionnaires. Dans son message intitulé “Conditions des alliances et des rapprochements des organisations” (1), ce camarade demande sur quels critères se base le CCI pour essayer de travailler, ou non, avec une autre organisation.
Notre réponse publiée ci-dessous s’appuie en grande partie sur les différents commentaires postés par le CCI au cours de cette discussion. Nous profitons d’ailleurs de cet article pour encourager tous nos lecteurs à venir débattre sur notre site pour commenter, critiquer, compléter ou questionner nos articles.
Par vos articles, vous essayez parfois de vous rapprocher d’autres groupes politiques. Par exemple avec les anarchistes.
Avez-vous un document officiel qui traite des conditions des alliances et des rapprochements ? Ou bien, vous faites toujours au cas par cas ?
Par exemple, le CIQI, une organisation trotskiste, a récemment abandonné le soutien aux syndicats qu’il défendait depuis très longtemps. Il s’est donc, sur ce point, rapproché de la Gauche communiste (https://wsws.org/francais/News/2009/sep2009/opel-s19.shtml [1153])
On a parfois l’impression que les rapprochements et les éloignements des organisations entre elles se règlent d’après des principes bureaucratiques pour ne pas dire opportunistes. Dans un cas, une organisation ne voudra pas discuter avec une autre parce que la première pourrait se faire absorber par la deuxième. Cela dénote une faiblesse organisationnelle. Dans un autre cas, c’est parce que les militants de la première organisation ne sont pas sûrs et pourraient “mal” être influencés par la deuxième. Cela dénote une faiblesse théorique.
On peut aussi admettre que toute discussion n’est pas souhaitable si elle n’apporte pas un éclairage théorique ou bien une collaboration sur quelque chose de concret. Mais mon sentiment est qu’on ne mutualise pas suffisamment les tâches techniques, qui sont habituellement neutres politiquement (transport, hébergement, renseignements...), et que la collaboration politique sur des points précis (interventions en AG...) se fait un peu au petit-bonheur, sans suite après le mouvement.
A mon avis, il faudrait un document résumant à quelles conditions et pourquoi il pourrait y avoir une collaboration entre militants. Il faudrait que ce document ne soit pas excessivement restrictif ni permissif pour ne pas paralyser ou pourrir l’organisation. Ce serait un document très utile. Qu’en pensez-vous ?
“Seuls peuvent redouter des alliances temporaires, même avec des éléments incertains, ceux qui n’ont pas confiance en eux-mêmes. Aucun parti politique ne pourrait exister sans ces alliances” (Que faire ?, Lénine).
Dans ces quelques lignes, JM pose une question cruciale. Depuis quelques années, la classe ouvrière a ré-amorcé un processus lent mais profond de réflexion. Il y a une conscience de plus en plus grande de l’état désastreux du capitalisme et de son incapacité à offrir un quelconque avenir à l’humanité. Concrètement, au-delà des luttes encore trop rares, cette dynamique s’incarne surtout à travers une vie plus riche au sein du milieu révolutionnaire. Des groupes relativement anciens (comme OPOP au Brésil) et d’autres plus jeunes ou même naissants, ainsi que des individus, essayent de construire un tissu international au sein duquel se développe un débat franc et fraternel (2). Les révolutionnaires sont aujourd’hui encore peu nombreux à travers le monde ; et il n’y a rien de plus néfaste que l’isolement. Créer des liens et débattre à l’échelle internationale est donc vital. Les divergences, les désaccords, quand ils sont discutés ouvertement et sincèrement, sont une source d’enrichissement pour la conscience de toute la classe ouvrière.
Mais ces évidences ne vont pas de soi pour tout le monde. Il règne aujourd’hui encore, au sein du camp révolutionnaire, une certaine dispersion, peu de travail en commun voire, pire, du sectarisme ! Les différents points de vue et analyses, au lieu d’engendrer de sains débats, sont trop souvent un prétexte au repli sur soi. Il y a une tendance à la défense de “sa chapelle”, une sorte d’esprit de boutiquier qui n’a rien à faire dans le camp de la classe ouvrière (c’est d’ailleurs pour illustrer cela qu’au terme “alliances” utilisé par JM, le CCI lui préfère ceux de “collaboration”, “travail en commun”, “prise de position commune”…). Les révolutionnaires ne sont pas des concurrents les uns des autres ! Nous sommes donc parfaitement d’accord avec JM quand il dit : “On a parfois l’impression que les rapprochements et les éloignements des organisations entre elles se règlent d’après des principes bureaucratiques pour ne pas dire opportunistes. Dans un cas, une organisation ne voudra pas discuter avec une autre parce que la première pourrait se faire absorber par la deuxième. Cela dénote une faiblesse organisationnelle. Dans un autre cas, c’est parce que les militants de la première organisation ne sont pas sûrs et pourraient “mal” être influencées par la deuxième. Cela dénote une faiblesse théorique.”
JM a aussi raison de demander à ce que de telles collaborations s’appuient sur des critères clairs et non suivant des choix tactiques intéressés.
La société capitaliste, et c’est là la base du marxisme, est divisée en deux camps irréconciliables aux intérêts antagoniques : la bourgeoisie et le prolétariat. Toute la politique de notre organisation est basée sur cette approche. Pour le CCI, il faut en effet à la fois la plus grande collaboration entre les organisations appartenant au camp prolétarien et la plus grande fermeté face au camp bourgeois. Cela implique forcément de déterminer ce qui distingue fondamentalement ces deux camps. A première vue, on pourrait croire cette distinction évidente. Après tout, chaque organisation se réclame officiellement d’un courant, soit en soutenant ouvertement le système actuel (généralement la droite), soit en affirmant défendre les intérêts de travailleurs (la gauche et l’extrême-gauche). Nombreux sont les groupes se proclamant révolutionnaires : il y a les communistes, les trotskistes, les maoïstes (un peu moins aujourd’hui), les anarchistes officiels… Mais en réalité, ce que dit une organisation d’elle-même ne peut suffire. L’histoire fourmille d’exemples d’organisations jurant la main sur le cœur défendre la cause du prolétariat pour mieux le poignarder dans le dos. La social-démocratie allemande se disait prolétarienne en 1919 en même temps qu’elle assassinait Rosa Luxemburg, Karl Liebknecht et des milliers d’ouvriers. Les partis staliniens ont écrasé dans le sang les insurrections ouvrières de Berlin en 1953 et de Hongrie en 1956 au nom du “communisme” (en fait dans l’intérêt de l’URSS).
Si “l’emballage” ne suffit pas pour définir la nature d’une organisation, comment alors en évaluer le “contenu” (le programme, la plate-forme présentant les positions politiques) ?
JM souligne qu’un groupe trotskiste, le CIQI, vient d’abandonner le soutien aux syndicats, affirmant ainsi que “sur ce point” le CIQI s’est “rapproché de la Gauche communiste” (courant dont est issu le CCI). Mais ce seul critère n’est pas suffisant ou déterminant d’un tel rapprochement. N’a-t-on pas vu dans les années 1970, en France, des organisations maoïstes comme la Gauche prolétarienne (qui publiait la Cause du peuple) qui considéraient eux aussi les syndicats comme des organes bourgeois, ce qui ne les empêchait pas de se réclamer de Staline et de Mao, deux ennemis jurés et assassins de la classe ouvrière ! Toute position politique ne peut donc pas déterminer, à elle seule, la nature d’une organisation. Pour le CCI, il existe des critères fondamentaux. Soutenir le combat de la classe ouvrière contre le capitalisme signifie à la fois lutter de façon immédiate contre l’exploitation (lors des grèves, par exemple) et ne jamais perdre de vue l’enjeu historique de ce combat : le renversement de ce système d’exploitation par la révolution. Pour ce faire, une telle organisation ne doit jamais apporter son soutien, de quelque manière que ce soit (même de façon “critique”, par “tactique”, au nom du “moindre mal”…), à un secteur de la bourgeoisie : ni à la bourgeoisie “démocratique” contre la bourgeoisie “fasciste” ; ni à la gauche contre la droite ; ni à la bourgeoisie palestinienne contre la bourgeoisie israélienne ; etc. Une telle politique a deux implications concrètes :
1) il s’agit aussi de refuser tout soutien électoral, toute collaboration, avec des partis gérants du système capitaliste ou défenseurs de telle ou telle forme de celui-ci (social-démocratie, stalinisme, “chavisme”, etc.) ;
2) surtout, lors de chaque guerre, il s’agit de maintenir un internationalisme intransigeant, en refusant de choisir entre tel ou tel camp impérialiste. Au cours de la Première Guerre mondiale comme au cours de toutes les guerres du xxe siècle, toutes les organisations qui n’ont pas fait ce choix, qui ont abandonné le terrain de l’internationalisme en défendant l’une des forces impérialistes en présence, ont en fait trahi la classe ouvrière et ont été définitivement emportés dans le camp de la bourgeoisie.
Le court message de JM soulève en fait la double question : dans quel camp, pour le CCI, se situent les anarchistes et les trotskistes ?
Les anarchistes, pour la plupart, ne se réclament pas du marxisme et ont sur de nombreux points de grandes divergences avec le CCI. Pourtant, comme l’a remarqué JM, “Par vos articles, vous essayez parfois de vous rapprocher d’autres groupes politiques. Par exemple avec les anarchistes”. En effet, depuis quelques années, il existe des discussions entre certains groupes ou individus anarchistes et le CCI. Par exemple, nous collaborons avec le KRAS en Russie (section de l’AIT anarcho-syndicaliste), en publiant et en saluant ses prises de positions internationalistes face à la guerre en Tchétchénie, par exemple. Le CCI considère ces anarchistes avec qui il discute, malgré les divergences, comme faisant partie du camp du prolétariat. Pourquoi ? Parce qu’ils se démarquent de tous ces autres anarchistes (comme ceux de la Fédération anarchiste) et de tous ces “communistes” (comme ceux du PCF) qui défendent en théorie l’internationalisme mais qui s’y opposent en pratique, en défendant lors de chaque guerre un camp belligérant contre un autre. Il ne faut pas oublier qu’en 1914, lors de l’éclatement de la guerre mondiale, et en 1917, lors de la Révolution russe, les “marxistes” de la social-démocratie étaient du côté de la bourgeoisie contre le prolétariat alors que la CNT espagnole dénonçait la guerre impérialiste et soutenait la révolution ! C’est d’ailleurs pour cela qu’elle avait été invitée au IIe congrès de l’Internationale communiste.
Quant au trotskisme, la majorité sympathisant avec ce courant pense sincèrement se battre pour l’abolition du capitalisme (comme au sein de la mouvance anarchiste d’ailleurs). Les jeunes attirés par le NPA sont souvent authentiquement révoltés par l’inhumanité de ce système d’exploitation. Mais notre lecteur devrait s’interroger si, au regard des “critères fondamentaux” que nous venons de décrire, le trotskisme, comme courant (avec les organisations qui s’en réclament), n’est pas passé dans le camp de la bourgeoisie : participation à la Seconde Guerre mondiale dans les rangs de la Résistance ; défense de l’URSS (en fait du camp impérialiste russe) ; soutien à Hô Chi Minh pendant la guerre du Vietnam ; soutien à Chavez aujourd’hui ; appel au vote pour la gauche au second tour des élections (voire pour Chirac en 2002) ; alliances électorales avec le PC ou le PS (notamment aux municipales) ; campagne commune avec ces partis pour le NON au référendum de mai 2005 sur la Constitution européenne, etc.
Mais justement, face à cette politique faussement prolétarienne et clairement bourgeoise dans les faits, il est tout à fait possible que des ouvriers, même s’ils militent dans ces organisations, se posent des questions, soient poussés par leurs réflexions à s’en détacher et se rapprochent des positions prolétariennes. Si une organisation, en tant que telle, ne peut pas passer du camp bourgeois au camp prolétarien (comment imaginer LO renier d’un seul coup toute son histoire ?), il est toujours possible que de petites minorités ou, plus probablement, que des éléments s’éloignent individuellement du nationalisme du trotskisme pour se rapprocher de l’internationalisme prolétarien. C’est d’ailleurs ce qui se produit actuellement en partie en Amérique latine où l’extrême-gauche au pouvoir (Chavez, Lula…) révèle chaque jour un peu plus sa véritable nature anti-ouvrière aux yeux de certaines minorités.
Avec tous ceux là, le CCI est toujours prêt à discuter ouvertement… et avec enthousiasme !
Tibo, le 16 octobre
1) Ce commentaire [1154] a été posté à la suite de notre article sur les luttes à Freescale qui ont eu lieu entre avril et juin (“Freescale : comment les syndicats sabotent les efforts des ouvriers pour lutter”, Révolution internationale no 404, septembre 2009).
2) Notre presse de ces dernières années témoigne de ce processus embryonnaire. Voici deux exemples parmi tant d’autres : “Déclaration internationaliste depuis la Corée contre la menace de guerre [1155]” et “Une rencontre de communistes internationalistes en Amérique latine [1156]”.
Ces derniers mois, ont fleuri sur les rayons des librairies des couvertures aux titres tapageurs sur lesquelles s’étalaient de grands portraits de Marx. Il y en a eu pour tous les goûts. Le biblique : “Marx est toujours vivant”. Le classique : “Marx, le retour” . L’emphatique : “Marx, les raisons d’une renaissance”. Le répétitif en manque d’imagination : “Le grand retour de Marx”. Ou le sobre mais en lettre majuscule : “MARX”1. Tous ces magazines, à leur façon et en pimentant le tout de quelques critiques, ont encensé le génie de ce “grand penseur” !
Cet amour soudain peut surprendre. Il y a quelques années encore, Marx était présenté comme le diable ! Françoise Giroud a d’ailleurs même écrit une biographie de Jenny Marx, la femme de Karl, en titrant tout bonnement : Jenny Marx ou la femme du diable ! C’est à lui qu’on devait les horreurs du stalinisme, les camps de travail en Sibérie et en Chine, les dictatures sanguinaires de Ceausescu ou de Pol Pot.
Alors pourquoi ce revirement ? C’est que la crise économique est passée par-là. La situation actuelle inquiète profondément la classe ouvrière. Et une partie d’entre elle, une petite partie, essaye de comprendre pourquoi le capitalisme est moribond, comment résister à la dégradation des conditions de vie, comment lutter et surtout – ce qui est le plus difficile aujourd’hui – savoir si oui ou non un autre monde est possible… Et tout naturellement, quelques-uns se tournent vers Marx. Les ventes du Capital ont d’ailleurs dernièrement connu un certain regain. Il ne s’agit pas d’un phénomène massif concernant toute la classe ouvrière mais quand même, ce début de réflexion minoritaire, et parfois souterrain, inquiète la bourgeoisie. La classe dominante a horreur que les ouvriers se mettent à penser par eux-mêmes ! Elle s’empresse toujours de les gaver de sa propagande, de ses mensonges et, aujourd’hui, de sa vision de Marx, de sa vision du marxisme.
Présenter Marx comme le diable ne suffisant plus aujourd’hui à repousser de son œuvre les plus curieux, la bourgeoisie a été contrainte de changer de tactique. Elle s’est faite doucereuse, aimable et révérencieuse, voire louangeuse avec le vieux barbu… pour mieux le dénaturer et le réduire à une icône inoffensive comme la momie de Lénine !
A en croire tous ces magazines, Marx était un génie de l’économie (n’avait-il pas dénoncé, bien avant Benoît XVI, le rôle funeste de l’argent, principal vecteur de l’injustice ?), un grand philosophe, un grand sociologue et même un précurseur de l’écologie ! La bourgeoisie est aujourd’hui prête à reconnaître tous les talents à Marx, tous sauf un, qu’il était un grand révolutionnaire, un combattant de la classe ouvrière ! Et le marxisme est une arme théorique forgée par la classe ouvrière pour renverser le capitalisme ! Ou, pour reprendre une expression de Lénine “Le marxisme est la théorie du mouvement libérateur du prolétariat.”2.
Marx n’est pas né communiste. Il l’est devenu. Et c’est la classe ouvrière qui l’y a “converti”. Jeune, Marx était même très critique envers les théories communistes. Voici ce qu’il en disait :
On “ne saurait accorder aux idées communistes sous leur forme actuelle ne fût-ce qu’une réalité théorique, donc moins encore souhaiter leur réalisation pratique, ou simplement les tenir pour possibles” (3). Ou encore, le communisme est “une abstraction dogmatique” (4). Au début, Marx jugeait donc les “idées communistes” idéalistes et dogmatiques. Pourquoi ?
Depuis qu’il y a des opprimés sur terre, les hommes rêvent d’un monde meilleur, d’une sorte de paradis sur terre, d’une communauté où tous les hommes seraient égaux et où régnerait la justice sociale. C’était vrai pour les esclaves. C’était vrai pour les serfs (les paysans). Dans la grande révolte de Spartacus contre l’Empire romain, les esclaves révoltés ont tenté d’établir des communautés. Les premières communautés chrétiennes prêchaient la fraternité humaine universelle et ont tenté d’instituer un communisme des biens. John Ball, l’un des leaders de la grande révolte des paysans en Angleterre en 1381 (et il y a eu de nombreuses révoltes paysannes contre le féodalisme) disait : “Rien ne pourra aller bien en Angleterre tant que tout ne sera pas géré en commun ; quand il n’y aura plus ni lords, ni vassaux ”. Seulement, il ne pouvait s’agir chaque fois que d’un beau rêve. Sous la Grèce ou la Rome antiques, au Moyen Age, bâtir un monde communiste était impossible. Tout d’abord, la société ne produisait pas suffisamment pour satisfaire l’ensemble des besoins. Il ne pouvait y avoir qu’une minorité, qui en exploitant la majorité, pouvait vivre “confortablement”. Ensuite, il n’existait pas de force sociale suffisamment puissante pour bâtir un monde égalitaire : les esclaves ou les paysans ne pouvaient que se faire massacrer à chaque révolte. Bref, les “idées communistes” ne pouvaient être qu’utopiques.
Et la classe ouvrière, en tant que classe elle-aussi exploitée, a repris à son compte ces vieux rêves. Au xviiie et au début du xixe siècle, elle a, en Angleterre, et surtout en France, tenté d’instaurer de-ci de-là des communautés. Des penseurs ont essayé d’élaborer, à partir de leur imagination, un monde parfait. C’est d’ailleurs pour ça qu’à “utopique”, Marx ajoutait l’adjectif “dogmatique”. Ces “idées communistes” étaient “dogmatiques” parce qu’inventées de toute pièce à partir d’idéaux intemporels et immuables comme la Justice, le Bien, l’Egalité… elles ne se construisaient pas peu à peu, avec un aller-retour permanent entre la réalité matérielle et le cerveau des hommes mais la réalité était priée de se plier aux exigences de la pensée et à ses désirs de Justice, d’Egalité…
Mais alors, pourquoi Marx va-t-il finalement vouer sa vie au combat pour le communisme ? En fait, voir ce qu’est la classe ouvrière et vivre ses grèves, vont totalement le bouleverser. A travers les luttes des tisserands de Silésie de 1844 ou de celles du prolétariat, un peu plus tard, en France en 1848, Marx va découvrir ce qu’est la classe ouvrière, ce qu’est son combat. Et il va voir dans la réalité de ce combat le moteur indispensable à la transformation du monde, une promesse vivante pour l’avenir, une possibilité pour la première fois réelle d’aller vers le communisme. Voici quelques lignes qui montrent à quel point Marx fut frappé par ce qu’il vécut : “Lorsque les ouvriers communistes se réunissent, leur intention vise d’abord la théorie, la propagande, etc. Mais en même temps ils s’approprient par-là un besoin nouveau, le besoin de la société toute entière. (...) La compagnie, l’association, la conversation qui vise l’ensemble de la société les comblent ; pour eux la fraternité humaine n’est pas une phrase, mais une vérité, et, de leurs figures endurcies par le travail, la noblesse de l’humanité rayonne vers nous” (5).
C’est un peu lyrique mais ce que voit Marx ici c’est que, contrairement aux classes exploitées du passé, le prolétariat est une classe qui travaille de manière associée. Cela veut dire, pour commencer, qu’elle ne peut défendre ses intérêts immédiats que par le moyen d’une lutte associée, en unissant ses forces. Mais cela veut dire aussi que la réponse finale à sa condition de classe exploitée ne peut résider que dans la création d’une réelle association humaine, d’une société fondée sur la libre coopération. Et surtout, cette “association” a pour la première fois “les moyens de ses ambitions” car elle peut s’appuyer sur les énormes progrès apporté par l’industrie capitaliste. Techniquement, l’abondance est possible. Avec les progrès apportés par le capitalisme, il est possible de satisfaire les besoins de toute l’humanité. C’est tout cela que Marx a vu grâce à la classe ouvrière.
Pour résumer, Marx, mais aussi évidemment Engels, en se plaçant du point de vu de la classe ouvrière et en faisant leur son combat révolutionnaire, en comparant d’un côté le potentiel du prolétariat et de l’autre les crises et les contradictions qui frappent le capitalisme, sont peu à peu parvenus à comprendre que le communisme devenait à la fois possible et nécessaire. Possible et nécessaire grâce :
– au développement des forces productives, à l’échelle mondiale, sans lequel il ne peut y avoir d’abondance ni de pleine satisfaction des besoins humains ;
– à la naissance du prolétariat, première classe exploitée qui, en affrontant ce capital mondial, sera conduit à être le fossoyeur du vieux monde ;
– à la nature forcément éphémère du capitalisme.
Marx et Engels n’auraient jamais compris tout cela s’il n’avait pas été, avant tout, des combattants de la classe ouvrière ! En effet, seule une classe dont l’émancipation s’accompagne nécessairement de l’émancipation de toute l’humanité, dont la domination sur la société n’implique pas une nouvelle forme d’exploitation mais l’abolition de toute exploitation, pouvait avoir une approche marxiste de l’histoire humaine et des relations sociales. Toutes les autres classes en étaient, et en sont encore, forcément incapables. On l’a déjà dit, pour les esclaves ou les serfs, un autre monde ne pouvait être qu’imaginaire. Leur démarche, leur pensée, ne pouvait donc être a fortiori qu’utopiste, idéaliste. Quant aux classes dominantes, les maîtres, les nobles ou les bourgeois, il leur était et il leur est toujours impossible de regarder en face la réalité, d’étudier objectivement l’évolution de l’histoire humaine et leur propre monde car sinon ils seraient irrémédiablement contraints de voir que leur classe, leur monde, leurs privilèges étaient ou sont condamnés à disparaître.
La noblesse se croyait investie d’un devoir divin et donc éternel. Comment pouvait-elle comprendre quoi que ce soit à l’évolution des sociétés humaines ?
Un autre exemple, plus concret et d’actualité celui là. Marx est aujourd’hui salué par tous les économistes qui cherchent dans son célèbre Capital des solutions pour faire face à la crise actuelle. Cela ressemble fort à la quête du Graal, vaine et irrationnelle. Ces économistes pourront lire, et relire encore, toutes les pages du Capital, les tordre dans tous les sens, il n’en sortira pas une seule goutte d’eau de jouvence permettant au capitalisme de rester éternellement jeune. Au contraire ! Si Marx s’est plongé dans l’économie, c’est justement pour comprendre par quels mécanismes le capitalisme est rongé de l’intérieur et donc condamné à périr. Il ne s’agissait pas pour lui de trouver des remèdes aux maladies du capitalisme mais de le combattre et de préparer son renversement. Tous nos docteurs es sciences, et autres spécialistes de l’enfumage idéologique, ne pourront jamais rien comprendre aux ouvrages économiques de Marx car ses conclusions leur sont forcément inacceptables et même insoutenables !
Adopter une démarche scientifique et objective sur la question de l’histoire des sociétés humaines, sur la question sociale, signifie percevoir qu’il y a eu le communisme primitif, puis l’esclavagisme, puis le féodalisme, puis le capitalisme (et peut être ensuite le communisme) parce que nos capacités productives évoluaient, parce que donc la façon dont la société devait s’organiser pour produire – nos rapports de production – devaient évoluer de pair et qu’enfin tout cela s’est incarné à travers l’histoire de la lutte des classes. On comprend pourquoi le marxisme – cette “démarche scientifique et objective sur la question de l’histoire des sociétés humaines et sur la question sociale” – est forcément inaccessible à la bourgeoisie… Tout simplement parce que la conclusion logique de cette approche est que le capitalisme doit disparaître et les privilèges de la bourgeoisie avec !
En nous parlant aujourd’hui, à tort et travers, de Marx et du marxisme, c’est tout cela que la bourgeoisie tente de cacher derrières ses mensonges et ses falsifications. Comme disait Lénine, “Les grands révolutionnaires ont toujours été persécutés durant leur vie : leur doctrine a toujours été en butte à la haine la plus féroce, aux campagnes de mensonge et de diffamation les plus ineptes de la part des classes oppresseuses. Après leur mort on tente de les convertir en icônes inoffensives, de les canoniser pour ainsi dire, d’entourer leur nom d’une auréole de gloire pour la consolation des classes opprimées et pour leur duperie, en même temps qu’on émascule la substance de leur enseignement révolutionnaire, qu’on en émousse le tranchant, qu’on l’avilit” (6). Cette fin de phrase est particulièrement appropriée à la propagande actuelle : “… on émascule la substance de leur enseignement révolutionnaire, on en émousse le tranchant, on l’avilit”.
Nous devons donc, nous, au contraire affirmer que Marx était un combattant révolutionnaire. Et même plus : seul un militant révolutionnaire peut être marxiste. Cette unité entre la pensée et l’action est justement un des fondements du marxisme. C’est aussi ce que disait Marx : “Jusqu’ici les philosophes n’ont fait qu’interpréter le monde de différentes manières; il s’agit maintenant de le transformer !” (7) ou encore “Les conceptions théoriques des communistes ne reposent nullement sur des idées, des principes inventés ou découverts par tel ou tel réformateur du monde. Elles ne sont que l’expression générale des conditions réelles d’une lutte de classe existante, d’un mouvement historique qui s’opère sous nos yeux” (8).
Le marxisme n’est ni une discipline universitaire ni une énième théorie sage et bien inoffensive, ni une utopie, ni une idéologie, ni un dogme. Au contraire ! Nous reprendrons ici le style flamboyant de Rosa Luxemburg en finissant par cette dernière citation : “Le marxisme n’est pas une chapelle où l’on se délivre des brevets d’“expertise” et devant laquelle la masse de croyants doit manifester sa confiance aveugle. Le marxisme est une conception révolutionnaire du monde, appelée à lutter sans cesse pour acquérir des résultats nouveaux, une conception qui n’abhorre rien tant que les formules figées et définitives et qui n’éprouve sa force vivante que dans le cliquetis d’armes de l’autocritique et sous les coups de tonnerre de l’histoire” (9).
Pawel (8 octobre 2009)
1) Respectivement : Challenges (décembre 2007), Courrier International (juillet 2008), le Magazine Littéraire (octobre 2008), Le Nouvel Observateur (août 2009), Le Point (spécial hors-série de juin/juillet 2009).
2) La faillite de la IIe Internationale, 1915.
3) Le communisme et la Allgemeine Zeitung d’Augsbourg.
4) Lettre à Ruge.
5) Manuscrits philosophiques et économiques de 1844.
6) Lénine, l’Etat et la révolution.
7) Thèses sur Feuerbach.
8) Le Manifeste communiste.
9) Rosa Luxemburg, l’Accumulation du capital.
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Les attaques pleuvent sur nos têtes. Tous nous avons peur, pour nous-mêmes ou pour nos proches, de l’annonce d’une fermeture d’usine ou d’un “plan de restructuration” synonyme de vague de licenciements. Les jeunes en âge d’accéder au “marché du travail” sont confrontés à un mur. Les entreprises n’embauchent plus. Les concours de la Fonction publique sont saturés avec, dans le meilleur des cas, 100 candidats surqualifiés pour… un poste. Seuls sont encore proposés, par les boîtes d’intérim ou les pôles emplois, les petits boulots précaires, sous-payés et aux conditions d’exploitation infernales. Et tous, nous savons que cela sera encore pire demain !
Et pourtant, nous, chômeurs, précaires, travailleurs du public et du privé, hésitons à rentrer en lutte. La crise économique frappe sans distinction toute la classe ouvrière, avec une brutalité et une férocité inconnues depuis des décennies. Face à cette situation insoutenable, depuis plusieurs mois, il n’y a presque aucune réaction, très peu de grèves et de luttes (1). Pourquoi ?
C’est à cette question cruciale que répond en très grande partie le courrier publié ci-dessous que nous a adressé Al, un lecteur de notre presse (2).
Sans entrer dans les détails, le capitalisme traverse une énième crise économique […]. Dans tous les pays, les entreprises et les Etats ont procédé à des licenciements massifs. Au niveau mondial, le chômage a tout simplement explosé. Les taxes et impôts en tous genres ont fortement augmenté et les aides sociales ont, de leur côté, drastiquement diminué. Toutes ces actions engendrent bien évidemment une dégradation importante mais également très rapide des conditions de vie des ouvriers, et ce, au niveau mondial. […]
Aujourd’hui, moi-même et certainement bon nombre d’ouvriers se demandent pourquoi n’y a-t-il pas une réponse massive de la part du prolétariat mondial face à l’importance et la profondeur de la crise actuelle et de ses conséquences sur leur vie sociale. Qu’est-ce qui empêche les ouvriers d’entrer en lutte aujourd’hui ? Exceptée la révolte de décembre 2008 et janvier 2009 en Grèce, la classe ouvrière n’a paradoxalement pas répondu à la hauteur du déluge des coups portés.
Il faut dire que les Etats, relayés par les journalistes et analystes financiers de tous bords, mettent tous les moyens en œuvre pour faire croire depuis mars 2009 à une reprise de l’économie. Notamment au dernier G20, tous les représentants de tous les pays se sont félicités de la réussite de leurs plans respectifs sur l’économie mondiale et les marchés financiers. Embellie qui, soit dit en passant, n’est que temporaire et concerne uniquement les marchés boursiers et qui est menée par les grandes banques, américaines notamment, comme Goldman Sachs, contribuant à la formation d’une nouvelle “bulle” boursière et à son éclatement à très court terme. L’économie “réelle”, elle, continue a contrario de se dégrader fortement. Cette euphorie, couplée à un battage médiatique, entretient certainement la confusion dans la tête des ouvriers et contribue également au manque de perspectives. La deuxième raison remonte à une vingtaine d’années, à savoir, la chute du mur de Berlin, du stalinisme, du “bloc de l’Est” et de la fameuse “mort du communisme”. En effet, aujourd’hui, simplement en discutant avec un bon nombre de personnes, on s’aperçoit que pour eux le système qui fut en place en Russie, dans les pays de l’Est et en Allemagne de l’Est, était le communisme, alors qu’il n’en était rien. Je pense et me rends compte que la désinformation et les mensonges sur le communisme proférés par la classe exploiteuse ont laissé des traces et sont encore malheureusement présents dans l’esprit des prolétaires. Aujourd’hui, beaucoup d’ouvriers pensent objectivement que ce système économique est en fin de vie et à l’agonie, mais ne savent tout simplement pas par quoi le remplacer, car on leur a martelé pendant des années, à travers les médias, la presse écrite, ses livres mais aussi et surtout par l’éducation, que le communisme était un système économique qui ne marchait pas et qui menait à des régimes dictatoriaux ou, au mieux, que c’était une utopie. Ce qui est faux bien entendu, il s’agit là d’un des plus grands mensonges de l’humanité. La troisième et dernière raison est que la crise ne frappe pas tous les salariés avec la même intensité et au même moment. Ce qui peut expliquer pourquoi un nombre limité d’ouvriers entrent dans des luttes désespérées, car isolées, et que d’autres sont encore en phase de réflexion et de mûrissement de leur conscience.
Voilà peut-être un début de réponse, qui n’engage bien évidemment que moi et qui, je l’espère, apportera quelques éléments à la réflexion collective..
Nous sommes d’accord avec chaque point de ce courrier. En fait, la violence avec laquelle frappe aujourd’hui la crise économique a, momentanément, un effet effrayant et paralysant.
Comme le souligne le camarade Al, les dernières luttes d’ampleur ont eu lieu en Grèce et aux Antilles fin 2008, début 2009. Ce n’est pas un hasard si la situation sociale s’est calmée précisément à ce moment-là, juste quand la crise a commencé à nous frapper plus fort. En général, et cela s’est vérifié fréquemment au cours des quarante dernières années, les moments de forte montée du chômage ne sont pas le théâtre des luttes les plus importantes. La classe ouvrière est en effet alors soumise à un chantage odieux mais efficace : “si vous n’êtes pas contents, beaucoup d’autres ouvriers sont prêts à vous remplacer”. De plus, les patrons et les gouvernements se replient derrière un argument “décisif” : “Nous n’y sommes pour rien si le chômage augmente ou si vous êtes licenciés : c’est la faute de la crise”. Se développe donc un certain sentiment d’impuissance. Les ouvriers n’ont pas face à eux simplement un méchant patron mais un capitalisme international en déliquescence. Toute lutte est une remise en cause de l’ensemble du système. Toute lutte pose, fondamentalement, la question d’un autre monde. Pour entrer aujourd’hui en grève, il faut non seulement avoir le courage de braver les menaces de licenciements et le chantage patronal, mais il faut aussi et surtout croire que la classe ouvrière est une force capable de proposer autre chose. Il ne lui suffit pas de percevoir que le capitalisme est dans une impasse pour que la classe ouvrière soit en mesure de se tourner vers une perspective révolutionnaire. Il faut encore qu’elle ait la conviction qu’une telle perspective est possible. Et c’est justement sur ce terrain que la bourgeoisie a réussi à marquer des points à la suite de l’effondrement de l’URSS, prétendument “patrie du socialisme”. La classe dominante est parvenue à enfoncer dans la tête des ouvriers l’idée que la révolution prolétarienne est un songe creux, que le vieux rêve du communisme est mort avec l’URSS (3). Les années 1990 ont été fortement marquées par l’impact de cette propagande. Pendant une décennie, les luttes ont été en fort repli. Même si cet effet “mort du communisme” a commencé à légèrement s’estomper au début des années 2000 et que notre classe est parvenue lentement à reprendre le chemin du combat, il en reste encore de nombreuses traces aujourd’hui. L’assimilation du stalinisme et du communisme, le manque de confiance de la classe ouvrière à bâtir de ses mains un autre monde, agissent comme des verrous.
Sommes-nous donc dans une impasse ? Certainement pas. La perspective est sans aucun doute vers des luttes de plus en plus nombreuses et importantes. Momentanément, notre classe a pris un coup sur la tête, elle est comme anesthésiée. Mais la crise reste le terreau le plus fertile au développement des luttes. Dans les mois et années à venir, la classe régnante va tenter de faire payer à tous les travailleurs les énormes déficits budgétaires qui s’accumulent, les plans de sauvetage des banques et de “relance” de l’économie. A ce moment-là, les fonctionnaires, en particulier, seront touchés à leur tour de plein fouet, et simultanément. La menace de licenciement planant moins lourdement sur leurs épaules, ils auront alors la responsabilité de mener en premier l’offensive et d’entraîner à leurs côtés les travailleurs du privé, les précaires, les chômeurs, les retraités… S’imposera alors l’idée que seule la lutte unie, massive et solidaire, tous secteurs confondus, peut freiner la brutalité des attaques. C’est par ce combat que la classe ouvrière forgera sa confiance en ses propres forces et en sa capacité de mener un jour à terme la révolution communiste mondiale, condition du renversement de l’exploitation.
Pawel, 21 novembre.
1) Au niveau international, néanmoins, le prolétariat mène quelques grèves passées sous-silence par un black-out presque total de tous les médias. Dans ce numéro, nous nous faisons ainsi l’écho de luttes récentes au Mexique et en Grande-Bretagne (voir pages 4 et 5).
2 ) N’hésitez pas à réagir vous aussi en nous écrivant sur notre boîte mail ou par courrier.
3) Lire l’article dans ce numéro en page 2 qui, à propos de la chute du mur de Berlin, traite justement de cette propagande nauséabonde assimilant le stalinisme et le communisme.
Depuis huit ans, la Force internationale d’assistance à la sécurité (ISAF), mise sur pied par les Etats-Unis après les attentats du 11 septembre 2001 pour faire rendre gorge au “terrorisme international”, sévit en Afghanistan. Depuis huit ans, après la “grande victoire” de la démocratie des premiers mois, on n’a vu qu’un enfer chaque jour plus brûlant s’instaurer dans ce pays et alentour. Sous le titre ronflant d’Operation Enduring Freedom, les 100 000 soldats de cette coalition impérialiste (plus les 200 000 soldats et policiers afghans) ont déjà subi des pertes s’élevant à plus de 1200 morts, sans compter les blessés et estropiés à vie dont les gouvernements se font fort de ne rien dire. Cela sans compter les plus de 2100 morts au sein de la population civile, prise en étau entre le feu des talibans, les attentats des membres d’Al-Qaïda et les bombardements des forces occidentales et afghanes (ces dernières étant responsables selon l’ONU de près de 40 % de ces victimes civiles !). Ainsi, à Kunduz, dans le Nord du pays, 90 civils sont morts sous les bombardements de citernes de carburant par la coalition début septembre dernier. Et c’est sans dénombrer encore les populations du Pakistan, dont on dénombre régulièrement les morts par dizaines, voire par centaines, sous la menace de mourir à tout moment dans un attentat terroriste. Car la première “victoire” de cette offensive guerrière est d’avoir réussi à creuser les sillons d’un désordre grandissant qui ne frappe plus seulement l’Afghanistan mais aussi de plein fouet son voisin le Pakistan. Une fois encore, à l’instar de ce qu’on a vu au Proche-Orient, en Irak, en ex-Yougoslavie et partout ailleurs, il est nécessaire de réaffirmer que les velléités impérialistes, quels que soient leurs oripeaux “pacifistes”, “démocratiques” ou “anti-terroristes”, derrière lesquels elles se drapent, ne font jamais que sonner la charge d’une aggravation des tensions guerrières avec leurs cohortes de morts et de populations plongées dans la terreur et une misère sans nom. Pour donner une idée de l’intérêt porté ne serait-ce que par la France à la population civile afghane qu’elle est venue contribuer à “libérer” du terrorisme, il faut savoir que 200 millions d’euros sont alloués pour l’armée contre 11 millions pour l’aide à la population civile. Et ce sont globalement 3,6 milliards de dollars par mois que coûte militairement ce “sauvetage” du peuple afghan qui crève à petit feu. A Kaboul par exemple, tandis que les parrains de la drogue paradent en 4x4 aux côtés des dignes représentants de la démocratie occidentale, environ 50 000 enfants travaillent dans les rues à laver des voitures, cirer des chaussures, ramasser des papiers, des enfants qui souffrent de faim, de maladies, de maltraitances, de violences et d’esclavagisme. Les conditions de vie s’aggravent dans tout le pays. Au Nord-Est du pays, au Badakhshan, une des régions au centre du trafic de l’opium, une étude de l’OMS considère qu’il y a 6500 décès maternels pour 100 000 naissances, ce qui constitue le chiffre le plus élevé jamais enregistré. Soixante-quinze pour cent des nouveaux-nés survivants meurent à leur tour à cause du manque d’alimentation, de chaleur et de soins. De plus, en moyenne, une femme enceinte a une chance sur huit de mourir, et il est vraisemblable que plus de la moitié d’entre elles n’aura pas atteint l’âge de seize ans. De cela, la bourgeoisie nous parle moins, contrairement au battage sur le cirque pour l’élection présidentielle afghane. Le président Karzaï, poulain de la coalition, élu à coups de grossières magouilles critiquées du bout des lèvres par les dirigeants occidentaux, et parrain notoire de la drogue, symbolise à lui seul le cynisme de ces derniers : comme l’a dit Kouchner, il est en effet totalement corrompu, mais c’est notre homme !
Malgré le ratage total que représente l’engagement militaire des Etats-Unis et de leurs alliés en Afghanistan, ceux-ci persistent et signent. Le Pentagone demande d’ailleurs 40 000 hommes supplémentaires, tout en se posant la question de “se rapprocher de la population civile et de lui démontrer que les forces étrangères sont venues pour elle, pour lui bâtir un avenir sécuritaire”. En attendant que se réalise cette illusoire perspective de plus en plus lointaine, Obama poursuit la même politique guerrière que son prédécesseur, avec exactement la même justification : réduire Al-Qaïda. Or, selon l’aveu du conseiller en sécurité nationale d’Obama au Congrès, James Jones, “La présence d’Al Qaïda est très réduite. L’évaluation maximale est inférieure à 100 exécutants dans le pays, aucune base, aucune capacité à lancer des attaques contre nous ou nos alliés.” Même au Pakistan voisin, les restes d’Al Qaïda ne sont presque plus décelables. Le Wall Street Journal signale : “Chassés par les drones étasuniens, en proie à des problèmes d’argent, et trouvant plus de difficultés à attirer les jeunes Arabes dans les montagnes sombres du Pakistan, Al Qaïda voit son rôle rapetisser là-bas et en Afghanistan, selon des rapports du Renseignement et des responsables pakistanais et étasunien.”
Alors pourquoi un tel acharnement puisque la menace justifiant cette guerre ne présente aucune réalité ? D’autant que les alliés de l’Amérique commencent à ruer de plus en plus dans les brancards (même Sarkozy, pourtant si va-t-en-guerre il y a peu, ne veut pas envoyer un soldat de plus) et déclarer ouvertement pour certains que c’est une guerre perdue d’avance. Ainsi, le Premier ministre canadien, Stephen Harper, disait récemment sur CNN : “Nous ne remporterons pas cette guerre simplement en restant là. Jamais nous ne battrons les insurgés.” La raison principale à la continuation de cette offensive, c’est le contrôle stratégique de cette région voisine de la Chine, de l’Iran et de la Russie, et de zones de circulation essentielle de matières premières, d’une région qui regarde aussi directement vers l’Afrique. C’est donc un enjeu majeur pour la première puissance mondiale, ses alliées et ses rivales qui se moquent tous bien du sort de la population et de son bien-être, mais desquelles on peut attendre qu’elles projettent de rester encore longtemps, semant toujours plus la désolation et les massacres.
Wilma, 21 novembre
Ces dernières semaines, tous les médias ont traité en long, en large et surtout de travers, des vingt ans de la chute du mur de Berlin. Des émissions spéciales et des documentaires historiques, des débats télévisés, des séries d’articles dans les journaux et les magazines, aucun de nous n’a pu échapper à cet immense battage. Pourquoi ?
Le but était de faire entrer dans la tête de chaque ouvrier et de leurs enfants, de gré ou de force, rien de moins que le plus gros mensonge de l’histoire. A en croire tous ces plumitifs et journalistes aux ordres, le 9 novembre 1989 est tombé un régime… communiste. Presque à chaque phrase ou à chaque ligne, au milieu des descriptions de l’horreur bien réelle des régimes staliniens (l’absence totale de liberté, la violence du pouvoir et les assassinats de sa police politique – en l’occurrence la Stasi – la pauvreté, la férocité de l’exploitation…), a été répété, martelé, le mot “communisme”. Dans un article du 2 novembre au titre sans équivoque “Communisme : les plaies derrière le mur”, le journal le Monde écrit ainsi : “Des hommes et des femmes transportés d’émotion, qui rient et qui pleurent ; des coups de pelle et de marteau, des mains qui en arrachent les fragments. La chute du mur de Berlin, le 9 novembre 1989, figure parmi les plus grandes dates de l’histoire européenne. Deux ans avant la disparition de l’URSS, un premier coup fatal était donné à l’empire communiste.” Nous pourrions citer par centaines des passages de la même eau dans tous les grands journaux. Par exemple, le Figaro daté du 9 novembre étalait ce titre en première page : “La mort du communisme”. Et voici un dernier exemple : “les événements de la fin 1989 étaient le signal de la fin de la période ouverte par la révolution russe et la grande vague révolutionnaire qui avait ébranlé le monde capitaliste après la Première Guerre mondiale.” Et cette fois ce n’est pas le Monde, Libération ou le Figaro mais le NPA de Besancenot qui apporte là sa petite contribution à ce grand mensonge (1).
Cela dit, les plus attentifs auront remarqué une nuance, une petite voix apparemment divergente au milieu de toute cette propagande. Les médias, toujours à cœur d’éclairer la vitrine démocratique, ont laissé un droit de parole aux “ostalgiques”. Ce sont ces personnes de l’Est (ost en allemand) qui sont nostalgiques, qui regrettent le temps de la RDA. Mais à y regarder de plus près, c’est en fait la même camelote frelatée qui nous est refourguée ici. Certes, il y a un autre point de vue sur comment les ouvriers vivaient sous le stalinisme, mais le plus important demeure : ce régime est toujours et encore assimilé au communisme !
Les choses doivent être claires : le stalinisme a été un régime inhumain et sanguinaire, sans aucun doute, mais il n’a rien à voir avec le communisme. Il en est même l’antithèse ! Le stalinisme a été le fossoyeur de la Révolution russe. Dans les années 1920 et 1930, il a écrasé physiquement et idéologiquement le prolétariat. L’avènement du stalinisme marque le triomphe de la contre-révolution et de la bourgeoisie. En URSS et donc en RDA, il n’y a pas eu une ombre de communisme. Ce qui s’est donc effondré ce 9 novembre 1989, ce n’est pas la société sans classe rêvée depuis toujours par les opprimés mais au contraire une forme particulièrement brutale de capitalisme d’Etat (2).
La bourgeoise est pourtant parvenue jusqu’à maintenant à convaincre le prolétariat mondial du contraire. Comment ? En utilisant cette méthode de propagande décrite par Joseph Goebbels (le ministre de la propagande sous Hitler) : “Un mensonge répété mille fois reste un mensonge, un mensonge répété un million de fois devient une vérité.” C’est donc un million de fois que la bourgeoisie a répété et répété encore que le stalinisme était du communisme, que ce régime barbare était le régime de la classe ouvrière et qu’enfin, la chute du mur de Berlin et l’effondrement de l’URSS était l’issue inexorable de la révolution ouvrière de 1917.
Ce faisant, la classe dominante est réellement parvenue à empoisonner la conscience ouvrière. Dans les années 1990, et dans le monde entier, la combativité de notre classe a très fortement diminué. Pourquoi lutter, en effet, si aucun autre monde que le capitalisme n’est possible ? Pourquoi lutter si la lutte ouvrière mène forcément à l’horreur du stalinisme ? Cette absence de perspective a fortement pesé sur la classe ouvrière durant les années 1990 et cela continue d’être un frein important aux luttes aujourd’hui. Par son intense propagande pour célébrer les vingt ans de la chute du mur de Berlin, la bourgeoisie frappe où cela fait mal ; elle remue avec un plaisir sadique le couteau dans la plaie.
Néanmoins, la propagande actuelle n’est pas l’exacte copie de celle des années 1990. L’assimilation frauduleuse du stalinisme et du communisme est identique, nous venons de le voir. Mais il y a vingt ans, ce message était complété par un “Le communisme est mort. Vive le capitalisme !”. Deux ans après la chute du mur, le 6 mars 1991, George Bush père, président des États-Unis d’Amérique, osait même annoncer l’avènement d’un “monde où les Nations unies, libérées de l’impasse de la guerre froide, sont en mesure de réaliser la vision historique de leurs fondateurs. Un monde dans lequel la liberté et les droits de l’homme sont respectés par toutes les nations”. Une nouvelle ère de paix et de prospérité devait s’ouvrir.
Aujourd’hui, évidemment, le discours officiel a dû, pour le moins, s’adapter. La guerre décime des populations entières. La planète est peu à peu détruite. La crise économique plonge dans le dénuement le plus total, dans la famine, des centaines de millions de personnes… Exit donc la fameuse victoire historique du capitalisme ! A la poubelle, toutes les belles promesses d’un avenir qui chante ! Ce qui reste, c’est la victoire de la “liberté d’expression” ou, pour reprendre une formule de Coluche, le “Ferme ta gueule” de la dictature a été remplacé triomphalement par le “Cause toujours” de la démocratie.
Il y a vingt ans, un pan entier du capitalisme à bout de souffle s’est effondré avec le mur de Berlin. Aujourd’hui, le reste suit peu à peu, lambeaux après lambeaux. Qu’il agisse sous le masque d’un régime totalitaire ou d’un Etat démocratique, le capitalisme va continuer d’infliger à l’humanité toujours plus de misère et de guerre. Mais le prolétariat est capable de construire de ses mains un autre monde, une société sans classes et sans exploitation, une société basée non sur le profit mais pour l’épanouissement de tous. Pour cela, il faut rejeter l’assimilation du communisme et du stalinisme ; il faut que notre classe reprenne confiance en elle et dans ce monde qu’elle seule est capable de bâtir !
Tibo, 13 novembre
1 ) Source : “Chute du mur : le début d’une nouvelle période…”.
2 ) Nous ne pouvons dans le cadre de cet article développer notre argumentation sur les raisons de la victoire de la contre-révolution stalinienne. Nous renvoyons nos lecteurs aux multiples articles de notre presse sur ce sujet, notamment le plus récent : “Il y a 20 ans : la chute du mur de Berlin [1158]”.
“Je connais des gens inquiets du fait que l’immigration fragilise leurs salaires et les perspectives d’emplois de leurs enfants” (1). Quel est l’auteur de ces propos aussi révoltants que nauséabonds ? Un militant d’extrême-droite ? Non ! Il s’agit du Premier ministre britannique, homme de gauche, Gordon Brown ! Les immigrés indésirables sont, ce n’est pas nouveau, des boucs émissaires “responsables du chômage et de la misère” ! Les dirigeants de ce monde, que ce soient les Brown, Besson ou autres, exploitent toujours la bassesse des instincts populistes et savent joindre le geste à la parole : ratissages policiers, rafles, tracasseries administratives, expulsions...
Dans bon nombre de pays, comme par exemple en Grande-Bretagne, les nouveaux arrivants sont presque systématiquement confrontés à la prison (2), au travail au noir sous-payé, au racisme et à la terreur. Bon nombre d’Etats encouragent désormais, au nom de la sécurité, des sortes de rondes de nuit (comme en Italie ou en Grande-Bretagne) où les citoyens sont appelés à participer pour dénoncer à la police tous ceux qui peuvent paraître “suspects”, notamment les immigrés. Dans la plupart des pays européens, louer un logement à un immigré clandestin ou l’héberger est passible d’emprisonnement. En Italie, une loi prévoyait même, dans sa première mouture, d’obliger les médecins, les directeurs d’école et les facteurs, à dénoncer les immigrants en situation irrégulière !
Dans ce contexte, l’opération conjointe des autorités françaises et britanniques, le 22 octobre dernier, contre des réfugiés afghans, n’est qu’un épisode supplémentaire des drames humains qui se succèdent et que vivent les étrangers en situation irrégulière. Sur vol charter franco-britannique, des jeunes étaient alors expulsés vers leur pays en guerre. Le comble du cynisme, c’est que le ministre Besson, le gouvernement et les médias en France nous ont présenté le sort de ces malheureux comme l’application d’une politique humaine presque charitable. Ces réfugiés ne seront t-ils pas “logés à l’hôtel” ? Dans une zone “sécurisée” de Kaboul ? Aux “frais de la princesse” (puisqu’ils vont soi-disant toucher 2000 euros) ? A les écouter, il s’agirait presque de vacances au club Méditerranée !
De qui se moque-t-on ? En réalité, comme dans la plupart des cas, il s’agit de se débarrasser des bouches inutiles pour le capital en se souciant comme d’une guigne des conséquences souvent meurtrières des expulsions. Ce que pense la bourgeoisie, réellement, se résume en peu de mots : “qu’ils aillent crever chez eux !”. Par une législation durcie et une intervention musclée, la bourgeoisie a fait de l’Europe une véritable “forteresse”.
Bien sûr, pour faire bonne figure, la gauche en France, championne de l’hypocrisie, fait mine de s’offusquer d’une politique attribuée à dessein à la seule et unique “méchante droite”. De la bouche de Martine Aubry, on entend ainsi parler de “charters de la honte”, quant au docteur Kouchner, la main sur le cœur, il nous dit qu’il “n’aurait surtout pas fait cela” ! Mais leur duplicité donne envie de vomir. Rappelons-nous en effet que toute cette clique de gauche applaudissait, du temps d’Edith Cresson, quand elle conduisait brutalement par charters entiers les déshérités aux frontières. Michel Rocard affirmait alors : “on ne peut pas accueillir toute la misère du monde” ! En matière de répression contre les immigrés et les clandestins, le PC n’a rien à envier lui non plus aux “socialistes”, quand par exemple, dans les années 1980, il expulsait les immigrés à Vitry-sur-Seine à coups de bulldozers. Et que dire de la CGT qui, il n’y a pas si longtemps de cela, manu militari, expulsait les sans-papiers (femmes et enfants) de ses propres locaux !
Aujourd’hui, les pays européens ont renforcé leur politique de contrôles, de façon coordonnée, notamment sous l’impulsion de l’Allemagne (3). Les pays de l’espace Schengen rejettent désormais jusqu’à 90 % des demandes d’asile, au motif que le but des candidats est d’abord “économique”. C’est au nom de ces “abus” qu’un ministre comme Besson demande maintenant la mise en place de “vols conjoints sous bannière européenne”. C’est pour cela qu’un centre franco-britannique de renseignements opérationnels a déjà vu le jour à Folkestone (depuis le 2 septembre de cette année) comprenant des agents des deux pays pour traquer les “indésirables”.
Si ces initiatives encouragées par le ministre français Besson (4) ne peuvent que se développer et contribuer à atteindre l’objectif de la France, qui est d’expulser 27 000 migrants sans-papiers pour l’année 2009, elles témoignent surtout d’une paranoïa sécuritaire grandissante qui gangrène l’ensemble de la bourgeoisie mondiale. Et c’est principalement la classe ouvrière qui en fait les frais ! Alors que la crise économique signe la faillite du système capitaliste, que le chômage de masse atteint des sommets, les grandes démocraties, celles qui viennent de fêter en grandes pompes les 20 ans de la chute du mur de Berlin, n’ont aucune perspective d’avenir à proposer aux immigrés ni à l’ensemble des autres prolétaires : sauf la division, la répression et la misère. La bourgeoisie utilise les matraques, les camps de rétentions et les charters pour chasser les prolétaires en survie hors des pays dits “riches”. Le “modèle démocratique européen”, tant vanté par la bourgeoisie, n’est que celui d’un bunker capitaliste supplémentaire, lui aussi sans avenir.
WH, 12 novembre
1) Source : Lepoint.fr (extrait d’une interview au Daily Mail).
2) 200 demandeurs d’asile sont en prison en GB.
3) Au point que certains parlent de “germanisation de la politique européenne en matière d’immigration” . Voir le site de la Deutsche Welle : "Immigration : l'empreinte de Berlin [1160]".
4) N’oublions pas que cet individu a été le directeur de campagne de Ségolène Royal lors des dernières présidentielles...
Nous avons reçu de la part de la CNT-AIT de Toulouse la communication que nous publions ci-dessous.
Nous sommes entièrement d’accord avec les camarades qu’il s’agit là d’une tentative d’intimidation par l’Etat contre des militants et contre la classe ouvrière en général. Le contraste entre la sévérité des peines demandées et le silence bienveillant et complice qui a couvert des criminels de guerre comme Karadzic et Mladic pendant tant d’années depuis la guerre en ex-Yougoslavie est on ne peut plus parlant quant à l’hypocrisie de l’accusation de “terrorisme”.
Nous exprimons toute notre solidarité envers les militants emprisonnés et leurs familles, et nous encourageons nos lecteurs de faire diffuser le plus largement possible la déclaration de la CNT-AIT.
CCI, 27 octobre
Vous êtes certainement au courant que des militants anarcho-syndicalistes serbes, dont l’actuel secrétaire de l’AIT, sont détenus dans la prison de Belgrade. La procédure engagée à leur encontre est celle de “terrorisme”. A l’heure actuelle nous ne savons pas jusqu’où elle ira. L’accusation repose sur des allégations de dégâts matériels minimes qui auraient été commis par un groupe anarchiste à l’encontre de l’ambassade grecque de Belgrade en solidarité avec un compagnon grec toujours emprisonné. Les accusés nient les faits, ils encourent de 3 à 15 ans de réclusion. Cette disproportion entre les faits reprochés et l’accusation nous fait penser que la volonté du pouvoir serbe est de museler nos compagnons dont l’activité militante gêne visiblement.
Nous vous demandons par la présente de diffuser le plus largement possible le communiqué de l’ASI suivant :
Le 4 septembre 2009, le tribunal local de Belgrade a décidé que les militants de l’ASI seront incarcérés durant 30 jours. Nos compagnons sont accusés d’un acte de “terrorisme international”.
La Confédération de syndicats “Initiative anarcho-syndicaliste” a été informée par les médias de l’attaque contre l’ambassade grecque et de l’organisation qui l’a revendiquée. Nous en profitons pour rappeler encore une fois à l’opinion publique que ces moyens de lutte politique individualiste ne sont pas ceux de l’anarcho-syndicalisme, au contraire : nous affirmons publiquement nos positions politiques et cherchons à attirer les masses vers le mouvement syndicaliste et les organisations libertaires et progressistes à travers notre action.
L’État veut faire taire nos critiques avec ses moyens de répression, il le fait avec sa logique absurde, en déclarant suspects ceux qui expriment publiquement leur point de vue libertaire et conclue l’affaire en les enfermant pour donner une fausse image à l’opinion publique. On peut remarquer les formes peu scrupuleuses d’action des institutions du régime et ce dès les premiers moments de la détention, la perquisition illégale des appartements, l’intimidation des familles et les accusations disproportionnées de terrorisme international.
Bien que nous ne soutenions pas les actions du maintenant célèbre groupe anarchiste “Crni Ilija”, nous ne pouvons pas les caractériser comme du “terrorisme international” puisque le terrorisme, par définition, est une menace contre la vie de civils, alors que dans ce cas personne n’a été blessé et que les dégâts matériels furent symboliques. Il est clair que cette farce de l’État est un moyen d’intimider ceux qui dénoncent l’injustice et le désespoir de cette société.
En ces temps d’endormissement social il y a des individus qui font le choix d’actions incroyables, quelquefois auto-destructives, pour rompre le blocage médiatique et attirer l’attention sur leurs demandes (souvenons-nous des travailleurs qui se sont coupés les doigts et se les ont mangés, ou par exemple, de cet homme désespéré qui a menacé de faire exploser une grenade dans l’édifice de la présidence serbe), cela pour que leurs problèmes soient connus plus largement.
Nous ne laisserons pas convaincre qu’un tel acte symbolique de solidarité, bien qu’exprimé de façon erronée, puisse être considéré comme un acte antisocial ou terroriste, cela comme n’importe quel acte de rébellion de ceux qui ont été dépossédés de leurs droits. Nous exprimons notre solidarité avec les compagnons incarcérés et leurs familles et demandons qu’on établisse la vérité sur cette affaire.
Liberté pour les anarcho-syndicalistes !
Initiative anarcho-syndicaliste
5 septembre 2009
(Ces deux textes sont tirés d'un seul et même article réalisé par World Revolution (WR), organe de presse du CCI en Grande-Bretagne.)
La grève à Tower Hamlet College a été remarquable à plusieurs titres. Le simple fait qu’une grande proportion de l’équipe enseignante de tout le collège (1) se soit mise en grève illimitée contre la menace de supprimer des postes a été en lui-même un signe de leur détermination et de leur combativité, quand on sait que tant de grèves sont réduites à une protestation d’un à deux jours. Et peut-être plus importantes encore ont été les claires expressions de solidarité de classe qui ont accompagné cette grève. Cet aspect implique à la fois les grévistes eux-mêmes et un nombre significatif d’autres travailleurs.
Les enseignants du collège en grève étaient membres de l’UCU (University and College Union), mais, dès le début de la grève, ils ont laissé les assemblées générales ouvertes à tous les employés du collège ; et lorsque, pendant la grève, il est devenu difficile pour les non-enseignants qui n’avaient pas rejoint la grève d’assister aux assemblées générales pendant leurs heures de travail, les enseignants en grève décidèrent de faire des AG durant l’heure des repas pour permettre à cette catégorie de personnel de venir discuter avec les grévistes. Il y a eu un sentiment fort de la part du personnel non-enseignant, dont la plupart est membre de l’Unison (2), qu’ils devaient se joindre à la grève, bien que cela ait été contrecarré par le légalisme syndical. Les grévistes ont aussi fait un effort considérable pour envoyer des délégations vers d’autres collèges locaux et sur d’autres lieux de travail pour expliquer leur situation aux autres ouvriers. Ceci s’est traduit par la participation de nombreux ouvriers aux piquets de grève – non seulement avec des enseignants d’autres collèges mais aussi de pompiers par exemple – et par des rassemblements appelés en soutien à la grève.
Depuis le début, il était évident que la lutte au THC n’était pas une simple réaction contre un administrateur au cœur particulièrement dur et son plan personnel pour rendre THC plus rentable, mais que les réductions de personnel étaient un test en préparation à de plus amples attaques dans le secteur de l’éducation. C’est cette compréhension qui explique, par-dessus tout, cette naissance d’une large sympathie pour cette grève au. THC.
La volonté des travailleurs du THC de se mobiliser pour les boulots de leurs collègues (qui ont une fonction sociale importante dans une communauté locale où obtenir une qualification ESOL est essentiel pour trouver du travail plus tard) a été un signe indéniable de ce que les salariés ne baissent pas les bras face aux attaques et il est révélateur de leur conscience que cela peut faire réfléchir d’autres patrons dans le secteur de l’éducation avant de ressortir de nouvelles suppressions de postes. Ceci explique certainement pourquoi la direction du THC a été contrainte de faire des concessions après quatre semaines de grève, en particulier en retirant quelques licenciements annoncés.
Cependant, bien que l’UCU (University and College Union) se soit déclarée satisfaite des résultats de la grève, et bien que les gauchistes du SWP aient crié à la “victoire”, le bilan réel est plus que mitigé comme on peut le voir à partir des réflexions d’une des grévistes qui a écrit régulièrement sur le forum de discussion internet de Libcom. Tout en reconnaissant que d’importantes concessions avaient été acquises, c’est-à-dire la sauvegarde de 7 postes et l’amélioration des accords de licenciements, elle a mis en avant d’importantes critiques sur la façon dont la fin du conflit a été organisée par les syndicats :
“La prétendue victoire tient dans ce qu’il n’y a pas eu de licenciements forcés. A la place, les 13 postes menacés ont été redéployés, des licenciements ont été reportés après être passés devant le tribunal ou certains ont accepté de soi-disant départs volontaires. Il n’y a pas eu de retrait de la menace de licenciements forcés. Il n’y a eu aucun accord pour garantir le maintien de nos contrats actuels. Grâce à des menaces et à des pots-de-vin, certains des licenciements secs ont été présentés comme volontaires. La pression est venue à la fois de la direction et des syndicats. Les responsables nationaux aussi bien que locaux ont téléphoné à des gens menacés de licenciement en leur disant qu’ils devaient accepter le licenciement dit volontaire. Deux jours avant la “découverte” de l’Acas (3), notre assemblée générale avait affirmé que, bien qu’il fût clair que les gens souhaitaient arrêter la grève, nous étions préparés à la mener jusqu’au bout afin de protéger ces derniers, et ceux-ci n’étaient pas encore sous la pression d’accepter un accord. L’accord proclame que les licenciements forcés ont été évités et c’est la “victoire” à laquelle crient l’UCU, le SWP, etc. En fait, il y a eu des licenciements forcés “volontaires” – des salariés ont subi des pressions pour accepter leur licenciement “volontaire”. Cette salade nous a été vendue au milieu du sabotage éhonté de l’assemblée générale où la discussion avant et pendant l’assemblée avait été rendue impossible à cause des cris des membres officiels du syndicat. Il y a eu un court débat, la plupart des gens intervenant contre l’acceptation de l’accord mais à la fin, il y a eu 24 votes contre, beaucoup d’abstentions et la claire majorité votant l’accord et le retour au travail (bien que par ailleurs l’assemblée ait été bien sûr moins nombreuse que nos habituelles assemblées hebdomadaires). Nous sommes retournés au travail le vendredi matin. Là où je travaille, il y a eu un soulagement de ne pas être restés en grève plus longtemps mais aussi beaucoup de malaise sur la façon dont la lutte s’est achevée et sur la réalité à laquelle nous sommes à présent confrontés.”
Des discussions avec les grévistes, il ressort clairement que la plupart, sinon tous, ont cru que le renforcement de leur lutte était identique au renforcement et à la montée en puissance de l’UCU. Et pourtant, les citations ci-dessus montrent clairement tout le contraire : l’UCU a oeuvré contre les ouvriers et la grève.
Un moment crucial dans le développement de la grève, et qui a permis que cette position ambiguë soit mise en avant, a été le vote des ouvriers membres d’Unison de se joindre à la grève. Selon de nombreux enseignants en grève, que ce soit avant ou après le vote, les ouvriers membres d’Unison avaient montré clairement au cours des assemblées générales qu’une majorité d’entre eux était favorables à la grève – un pas qui aurait forcé la direction à fermer le collège plutôt que de le laisser ouvert avec une équipe squelettique. Mais le vote, qui avait été reporté presque jusqu’à la fin de la grève, a eu pour résultat une très étroite défaite de la proposition de se mettre en grève. Comme un des membres du collectif Libcom l’a dit :
“C’est une bonne illustration de la nature de classe anti-ouvrière des votes individuels et privés (les seuls qui soient légaux). Il est facile de se sentir démoralisés et isolés en votant chez soi ou à bulletins secrets, ce qui est tout le contraire d’une assemblée générale où l’on peut gagner la confiance collective et quelque influence.”
Le problème ici a été que, malgré le fait que les ouvriers membres de l’UCU étaient prêts à ouvrir leurs assemblées générales à ceux de l’Unison, et que ces derniers étaient généralement prêts à démontrer leur solidarité, il n’y a pas eu suffisamment de compréhension du besoin de mettre le contrôle de la lutte dans les mains des assemblées, d’insister sur le fait que la décision de se mettre en grève aurait dû être faite non pas dans des votes syndicaux isolés et atomisés, mais dans les assemblées générales elles-mêmes. Cela aurait signifié une remise en cause du contrôle des appareils syndicaux. C’était un pas que n’a pu franchir cette lutte-ci, mais il faut en tirer les leçons pour les luttes futures.
Alors que les ouvriers des postes attendaient le résultat de leur récent vote national pour se mettre en grève (ce vote a été reculé de trois semaines par le syndicat CWU - Communication Workers Union), leur situation se présentait de plus en plus mal. Depuis la fin de la grève nationale de 2007, et particulièrement au cours des 18 derniers mois, les ouvriers des postes de tout le pays sont confrontés à une attaque massive de la direction de Royal Mail (RM) pour imposer des coupes claires dans le personnel, à des attaques sur les conditions de travail et à des baisses de salaires. Ces dernières années, RM a supprimé 40 000 emplois et cherche activement à en supprimer 30 000 de plus. Les postiers ont aussi vu la disparition de leurs fonds de pension et l’imposition par un décret de la direction recul de l’âge de la retraite de 60 à 65 ans. La direction de RM a ressorti les tactiques les plus brutales d’intimidation et de harcèlement pour imposer son plan de “modernisation”. Dans tout le pays, RM a nommé des directeurs venant d’autres entreprises pour imposer les nouvelles conditions de travail dans les bureaux locaux en désaccord.
“‘Habituellement, j’aime mon travail mais à présent l’intimidation et le harcèlement sont en dehors de tout contrôle’, dit Pete qui a travaillé à la poste pendant 30 ans et se trouvait parmi les 12 solides membres du piquet de grève au centre de distribution d’East London à Essex Thorrock” (Socialist Worker-online du 29 août 2009).
“Il y a toujours un chef derrière vous. Franchement, je trouve très gênant de devoir lever la main pour demander à quelqu’un qui a la moitié de mon âge si je peux aller aux toilettes” (Ibid.).
On dit aux employés chargés de la distribution du courrier que maintenant ils doivent “optimiser” leur tournée et qu’ils doivent pour cela faire des heures supplémentaires. Tout refus entraînerait une sanction disciplinaire et ce point était l’un des termes des “accords de modernisation” conclus entre RM et le CWU à la fin de la grève de 2007.
Le CWU a en effet proclamé son accord avec cette pression pour “moderniser”. Il dit que les patrons de RM sont contraints à cette modernisation des services, y compris les baisses de salaires et les pertes d’emploi, sans consultation préalable. “Le secrétaire général du CWU, Dade Ward, pense qu’il ne peut y avoir de changement réussi de Royal Mail sans accord syndical… ‘La modernisation est cruciale pour le succès futur de RM, mais l’amélioration du changement doit être acceptée et être amenée avec des salaires et des conditions de travail modernes. Nous voulons voir un nouvel accord de sécurité du travail qui aidera les gens à s’adapter à ce changement bénéfique pour l’entreprise’” (BBC News du 16 septembre 2009). Déjà, à l’issue de la grève de 2007, Billy Hayes et lui avaient démontré le même souci quand ils signèrent l’accord pourri qui donna 6,9 % et une prime de 400 livres comme provision sur “la productivité et la flexibilité à mettre en phase 2 du processus de modernisation”.
En 2007, la grève a été défaite par l’utilisation de la tactique syndicale de la “grève tournante” qui a vu l’usure du mouvement grâce à des actions partielles et limitées dans le temps et géographiquement. Cependant, au cours de la lutte, il y a eu d’importantes expressions de solidarité de classe, notamment avec le refus des ouvriers au travail de franchir les piquets de grève, qui ont été significatives non seulement pour les ouvriers en Grande-Bretagne mais internationalement car elles constituaient un défi pour la capacité du CWU de contrôler la grève au niveau national.
Aujourd’hui, le CWU a essayé de faire usage de ces mêmes tactiques. Bien avant le vote pour une grève nationale (les résultats étaient annoncés pour le 8 octobre), il a tenté de d’enfermer et d’épuiser le mouvement dans le localisme. Ainsi des grèves de deux jours ont eu lieu dans des régions spécifiques, principalement à Londres, dans les Midlands, à Bristol et dans le Yorkshire. Une fois de plus, la colère et la frustration des ouvriers des postes a éclaté en grèves sauvages comme dans l’Ouest de l’Ecosse en septembre, où les postiers se sont mis en grève illégalement pour protester contre la suspension de chauffeurs après leur refus de forcer les piquets de grève. De même, le bureau de Liscard à Wallasey, dans le Merseyside, a connu un arrêt de travail spontané pendant 5 jours pour protester contre la suppression arbitraire d’équipes dans les tournées. D’autres bureaux ont aussi participé à des actions sauvages mais il y a eu un black-out lorsqu’elles se sont produites. Cependant, contrairement à 2007, ces actions non-officielles ont été le travail d’une petite minorité du mouvement.
Un autre aspect du sabotage syndical se voit dans la tentative du CWU de faire de cette grève une lutte pour que le syndicat soit en mesure de négocier avec la direction. RM, avec le plein soutien du gouvernement, essaye de supprimer des emplois et de mettre en œuvre des conditions de travail aggravées pour les ouvriers de la poste. La défense contre ces attaques est un combat pour de véritables revendications de classe. Défendre la capacité des syndicats de négocier des accords accords revient en fait à aider les patrons à vaincre la grève et à faire passer leurs attaques.
SM&G, 3 octobre
1) En Grande-Bretagne, un “college” est un établissement d’enseignement supérieur. Pour des raisons de commodité, nous le traduirons par le mot français “collège”.
2) Un des principaux syndicats de Grande-Bretagne.
3) L’Acas (Advisory, Conciliation and Arbitration Service) est un organisme qui a été chargé de “mener” les négociations entre la direction et les syndicats après plusieurs semaines de grève.
Nous publions ci-dessous une lettre que nous a adressé un militant syndicaliste, JM, sur la question du rôle des syndicats dans les luttes et de la réelle volonté de combattre des syndiqués, ainsi que de larges extraits de notre réponse.
Chers camarades,
Je suis infirmier de secteur psychiatrique dans un hôpital (de province) où travaillent près de 2000 agents. J’ai 47 ans et suis à la tête du syndicat CGT local (75 % aux élections professionnelles) dont sont adhérents 350 salariés actifs et 1000 retraités. J’ai découvert par hasard votre revue dans un supermarché Casino. Mon attention s’est d’autant plus portée sur elle qu’un article concernait l’ordre infirmier.
Nous avons combattu, localement, la création de cet ordre (tracts, assemblées générales) mais nous nous sommes heurtés à grande indifférence de la part des collègues… Nous avons, contre l’avis de la fédération Santé CGT, décidé de présenter quelques candidats qui se sont fait élire pour contrer de l’intérieur cette instance corporative et répressive, inutile à la profession. Votre article rend très bien compte du sujet.
En ce qui concerne le syndicalisme, ses permanents et ses travers, je ne peux que reconnaître que tout n’est pas faux. Moi-même, je suis détaché à 80 % et ne “travaille plus” qu’un jour par semaine sur un groupe de pré-adolescents. Mais ces quatre jours de détachement ne sont pas suffisants et je suis obligé de continuer mon activité syndicale le soir à la maison, les week-ends, voire pendant les vacances… Aussi quelquefois, lorsqu’un permanent, éloigné du terrain, se met à me donner des leçons, j’ai un peu les “boules”…
Par contre, votre haine irrépressible vis-à-vis du syndicalisme “institutionnel” vous aveugle, au point de tenir des propos simplificateurs qui entachent la rigueur intellectuelle que vous vous efforcez d’affecter… Dire : “92 % de salariés estiment ne pas ressentir le besoin de se syndiquer”, c’est un propos digne du pire partisan du Medef ou de l’UMP. C’est méconnaître totalement le terrain. A croire que vous n’avez jamais rencontré un salarié du privé !
Récemment, à quelques militants, nous avons soutenu un petit syndicat CGT d’une clinique privée du groupe ORPEA. Elles étaient quatre jeunes filles, infirmières et aide-soignantes. La direction les a tellement harcelé qu’elles ont fini par démissionner…
Autre exemple : ma belle-fille travaille dans un magasin d’une enseigne de prêt-à-porter. Les heures supplémentaires ne sont pas payées, les contrats sont précaires et à temps partiel. Bientôt le dimanche sera un jour comme un autre…
Inutile de dire qu’il n’y a aucun délégué syndical, aucun élu du personnel, que toutes (ce sont des jeunes filles) “ferment leur gueule”. Monter un syndicat ? Personne n’ose en faire partie…
Dans mon unité de soins à l’hôpital, je travaille avec un jeune éducateur (30 ans) qui était adhérent à la CNT pour finalement rejoindre la CGT. Etonné de sa décision, je lui en faisais la remarque. “Mais, JM, il faut être logique, ici la CGT est la seule à faire quelque chose concrètement”, me répondit-il.
Enfin vous relayez : “les syndicats canalisent les révoltes…”. Là encore, cela participe à la décrédibilisation qui tente de nous faire disparaître. A l’hôpital, la direction a voulu sécuriser les cours des unités d’accueil et de crise (coupes des arbres, érection de murs d’enceinte). Les agents qui y travaillent ont râlé quelque peu… Nous avons décidé d’une action symbolique pour protester : un rassemblement avec la plantation d’un arbre contre le tout sécuritaire et une conférence de presse.
Désolé de vous dire que les “jeunes en révolte” ne nous ont guère “poussé au cul”, c’est peu dire…
Si à Caterpillar la base pousse, c’est qu’elle n’a plus rien à perdre. Ailleurs, ce n’est pas encore le cas.
Et on ne fera pas la révolution en tapant plus souvent qu’il ne faut sur ceux qui tentent de faire quelque chose contre le système. Pendant ce temps, ceux qui l’érigent en modèle à leur seul profit, sont bien tranquilles…
Bien cordialement.
Camarade,
[…] Comme tu le montres dans ta lettre, un certain nombre de membres de syndicats sont totalement de bonne foi et nous sommes tout à fait d’accord avec toi quand tu montres l’énergie qu’ils consacrent à ce qu’ils pensent être la défense de leurs camarades ouvriers ; le problème est de savoir si cette énergie dépensée sert cette cause ou si, au contraire, elle la dessert.
De la même manière, tu as aussi raison quand tu mentionnes que dans un certain nombre de petites entreprises, y compris dans le secteur de la santé, des membres des syndicats sont réprimés par le patron de multiples manières. Mais là aussi, toute l’histoire nous montre que ce n’est pas parce que la répression s’abat sur des hommes qui se battent que leur combat est orienté vers un mieux pour l’humanité. A titre d’exemple, les nombreux combats nationalistes qui existent dans le monde sont le plus souvent violemment réprimés, et pourtant ces combats n’apportent que chaos et barbarie sans aucune amélioration pour les ouvriers et les autres opprimés.
Ce n’est donc pas le fait qu’en telle ou telle circonstance, des membres des syndicats sont réprimés qui permet de savoir si leur positionnement sert à améliorer le sort des ouvriers. Ce qui doit nous guider, c’est l’examen du sens de l’action des syndicats dans l’ensemble des luttes qui ont eu lieu dans le passé ou qui se déroulent actuellement. C’est seulement de cette manière que nous pourrons avoir une vue globale, générale de l’action des syndicats et que nous pourrons donc l’analyser et savoir si elle sert les intérêts de la classe ouvrière.
Il est certain qu’au xixe siècle, dès que les ouvriers ont pu imposer l’existence des syndicats, ces derniers ont réellement organisé les luttes contre le patronat et contre l’Etat. Ils avaient certaines limites qui ont été montrées par les communistes, mais, malgré cela, ils furent de réels moyens de lutte de la classe ouvrière.
Or, pendant la plus grande partie du xxe siècle, nous ne constatons pas la même chose. Il faut tout d’abord souligner que, même en se limitant à la crise économique que le capitalisme connaît depuis le début des années 1970, l’action des syndicats n’a pas permis d’empêcher la dégradation des conditions de vie et de travail des ouvriers. Et, d’après nous, non seulement, elle n’a pas permis d’empêcher cette dégradation mais, au contraire, les syndicats ont systématiquement agi dans le sens d’empêcher la lutte en la divisant et en la sabotant.
La condition majeure de la force des ouvriers en lutte est la solidarité qu’ils peuvent mettre en oeuvre car c’est la base de l’unité entre ouvriers d’un même établissement ou d’usines, de corporations ou de secteurs différents. Or, dans la pratique, on voit que les syndicats provoquent systématiquement toutes sortes de divisions qui empêchent cette solidarité et cette unité.
Donnons quelques exemples. Tout d’abord, les querelles qui existent entre syndicats divisent les ouvriers et souvent en démoralisent une partie. Mais les divisions provoquées par les syndicats ne s’arrêtent pas là, loin de là. Ainsi, dernièrement, alors que des ouvriers sont licenciés dans de nombreuses entreprises, les syndicats n’ont rien fait pour que les luttes se rassemblent et s’unifient. Au contraire, ils ont montré le fait de travailler dans telle ou telle usine comme une spécificité : ainsi, les ouvriers de l’usine Molex sont devenus “les Molex”, ceux de l’usine Continental sont devenus “les Conti”, etc. Ce faisant, ils ont poussé les ouvriers de chacune de ces usines à lutter de manière isolée. Dans de telles conditions, ces ouvriers se sont épuisés, ce qui a permis aux directions des entreprises de faire passer les licenciements et de n’accorder que des indemnités très basses.
Et ces divisions par usine, par corporation ou par secteur, entretenues ou provoquées par les syndicats, ne datent pas d’hier. Par exemple, en 2003, lors de la grève des enseignants contre l’allongement des annuités nécessaire pour obtenir la retraite prévue par la loi Fillon, non seulement les syndicats ont empêché que d’autres corporations (RATP, La Poste) du secteur public se mettent en grève avec le personnel de l’éducation nationale, mais en plus, ils ont fait reprendre le travail à tout le personnel technique (dit IATOS) des établissements lorsque le gouvernement a reporté la décision qui faisait dépendre l’emploi de ces personnels du Conseil régional (mesure qui a, d’ailleurs, été appliquée quelques temps plus tard). En faisant cesser la grève à ces personnels, ils ont laissé les enseignants en lutte tous seuls ; un tel isolement a rendu leur défaite inévitable.
On peut aussi citer l’exemple du secteur dans lequel tu travailles car il est édifiant. Lors de la grève des infirmières en 1988, la CFDT avait mis en place une nouvelle structure, “la coordination infirmière”, qui a mis systématiquement en avant la revendication selon laquelle les infirmières n’avaient pas le salaire qu’elles auraient dû avoir du fait de leur niveau d’étude (bac + 3) ; une telle revendication ne pouvait que gêner ou décourager tous les ouvriers qui n’avaient pas ce même niveau de diplômes d’être solidaires avec elles. D’autre part, au moment où la grève a éclaté, c’est-à-dire au moment où le mouvement était le plus fort, la CGT avec les autres syndicats ont découragé l’entrée en lutte des ouvriers des autres entreprises du secteur public pour laisser le secteur de la santé tout seul, et ce alors que le mécontentement était partout très fort (1).
Quand de telles manœuvres de division qui aboutissent à isoler des luttes ne suffisent pas, les syndicats procèdent au sabotage de la lutte. Par exemple, en 1986, lors de la grève des cheminots, les syndicats disaient aux cheminots de leur dépôt, en vue de les démoraliser et de leur faire reprendre le travail, que ceux de tel ou tel autre dépôt avaient repris le travail, ce qui s’avérait faux lorsqu’on s’en informait par téléphone. Cette méthode a été reprise en 2003 en donnant de fausses informations sur la soi-disant reprise du travail dans des lycées.
Nous voudrions souligner qu’une nécessité première des luttes est la discussion la plus libre et la plus large dans les assemblées générales ; cette discussion la plus large est nécessaire pour que la lutte se développe, pour que la solidarité se construise et se renforce, pour que les ouvriers prévoient les modalités de leur lutte et s’organisent. C’est d’ailleurs lorsqu’il y a eu de tels débats, que ce soit en mai 1968 ou en 2006 dans la lutte contre le CPE, que les luttes ont fait réellement reculer la classe dominante. Si on examinait des luttes dans d’autres pays, on s’apercevrait de la même chose. Or, dans les assemblées générales, les syndicats essaient d’empêcher ou au moins de limiter les prises de parole qu’ils ne contrôlent pas. D’ailleurs, des membres du CCI se sont fait expulser manu militari d’assemblées générales lors de la lutte des infirmières de 1988, quand ils ont voulu s’exprimer sur la manière dont la lutte était menée.
L’énumération pourrait continuer, car les exemples sont innombrables et ils signifient que même si les intentions d’une grande partie des ouvriers qui adhérent au syndicat sont de se donner les moyens de se défendre et de lutter, ils sont trompés parce qu’ils sont entraînés dans un combat qui ne va pas dans le sens qu’ils souhaitent ; il va, en fait, dans le sens contraire : celui de la défense des intérêts de la classe dominante contre la lutte que tente de développer la classe ouvrière.
Bien sûr, les défenseurs des syndicats nous répondent, lorsque nous mettons en évidence tous ces faits, que nous oublions que dans l’immense majorité des cas, ce sont eux – les syndicats – qui déclenchent et sont à la tête des luttes. Formellement c’est vrai ; mais si les syndicats lancent des actions, que ce soit dans une entreprise, dans une corporation ou nationalement (ce sont alors, le plus souvent, des “journées d’action”), c’est parce qu’ils sentent que le mécontentement ou la colère ouvrière commencent à devenir forts et qu’il est nécessaire de lancer ce qu’ils font apparaître aux yeux des ouvriers comme une “lutte” pour les empêcher de déclencher la lutte eux-mêmes. Les “journées d’action” de 2009 en sont une illustration frappante.
A partir de tous ces constats, il est nécessaire de se poser la question des raisons d’un tel changement dans la politique des syndicats au début du xxe siècle, changement qui ne s’est pas démenti depuis. Pourquoi, de manière aussi systématique, l’action des syndicats vise-t-elle à empêcher la lutte ou, lorsqu’elle a lieu, à tout faire pour qu’elle ne puisse pas se développer ? La question est trop importante pour les luttes présentes et à venir contre un capitalisme qui ne cesse de généraliser la misère, pour que nous ne nous donnions pas les moyens d’y répondre.
Bien sûr, dans le cadre de cette lettre dont la taille est forcément limitée, nous ne pouvions pas expliquer quelles sont les réponses que nous apportons à ces questions. Nous voulions simplement exprimer les questions que pose l’action des syndicats. Pour trouver ces explications détaillées, tu peux lire notre presse, notamment notre article “Dans quel camp sont les syndicats [1113]”.
Et si tu le veux, nous pourrons revenir de manière plus détaillée sur ces questions dans des courriers ultérieurs.
Fraternellement,
CCI, 21 octobre
1) Nous avons dressé un bilan de cette lutte au sein d’un recueil d’articles nommé Bilan de la lutte des infirmières. Octobre 1988 [1161].
En octobre, le CCI a organisé à Lille un week-end de discussions destiné à ses contacts et lecteurs. Ces réunions se distinguent de nos traditionnelles réunions publiques et permanences par trois éléments essentiels. D’abord, les sujets sont proposés par les participants potentiels en amont de la rencontre et les discussions sont souvent introduites par des participants qui ne sont pas des militants du CCI. Ensuite, deux sujets sont abordés chacun sur une demi-journée, et le temps est laissé pour prolonger les discussions dans les moments conviviaux qui suivent. Car, et c’est là leur troisième aspect singulier, le but de ces rencontres est aussi de rapprocher les personnes qui partagent les même préoccupations et les mêmes questionnements, à défaut de partager les mêmes positions, par des moments de rencontre plus informels, notamment des repas qui prolongent et offrent un cadre différent à la discussion.
A Lille, une trentaine de personnes ont ainsi participé à cette rencontre, venant de toute la France (Lille, Paris, Rouen, Nantes, Toulouse, Marseille, Lyon), de Belgique et de Hollande. Nous reviendrons ultérieurement sur la discussion du samedi après-midi, consacré à Darwin, au darwinisme, aux instincts sociaux et à la nature humaine. Cette discussion très riche s’est prolongée jusque tard dans la soirée et continuait même au petit-déjeuner du dimanche matin ! Dans un premier temps, nous vous proposons de retrouver sur notre site internet en français le compte-rendu complet [1162] de la discussion du dimanche matin consacrée à l’écologie et à la capacité du capitalisme à éviter les catastrophes liées au réchauffement climatique, à la pollution, etc.
Si vous êtes intéressés à participer à ce genre de débats, n’hésitez pas à nous le faire savoir par mail ou par courrier.
Avec le sommet de Copenhague, l’écologie fait à nouveau la “une” de l’actualité. Mais si ce sujet nous préoccupe de plus en plus, c’est surtout parce qu’ il devient évident que la destruction actuelle de la planète met en jeu la survie même de l’humanité !
Tout d’abord, il y a le réchauffement climatique, où l’effet de serre joue un rôle prépondérant :
– les niveaux atmosphériques en dioxyde de carbone (CO2) et en méthane (CH4) ont atteint le niveau le plus élevé depuis 650 000 ans, ce qui implique que la température moyenne sur terre devrait augmenter sur les 100 prochaines années entre 1,1 et 6,4 °C ;
– la montée des eaux océaniques pourrait faire disparaître des îles entières et même des pays comme le Bengladesh. Cela entraînerait le déplacement forcé de plusieurs centaines de millions de personnes !
– on assiste dès aujourd’hui à des tempêtes de plus en plus violentes à l’exemple de Katrina. Pour certains experts, ce risque à été multiplié par trois ces dix dernières années ;
– les zones désertiques gagnent peu à peu du terrain. En ce moment même, une terrible sécheresse sévit dans sept pays de l’Afrique de l’Est, tels l’Éthiopie, le Kenya et la Somalie. 23 millions d’êtres humains sont en danger à cause de très mauvaises récoltes répétées, ils n’ont plus de réserves de nourriture. Cette sécheresse frappe aussi l’Australie, le Sud-ouest américain (ces dernières années, des incendies catastrophiques y ont d’ailleurs menacé des villes entières) et l’Asie centrale (la mer d’Aral en Russie a déjà pratiquement disparu).
Ensuite, il y a la fabrication de produits contaminants et de déchets toxiques répandus partout, dans l’air, les eaux et la terre. Tout le monde pense évidemment immédiatement au nucléaire, à Tchernobyl et à tous les déchets radioactifs ! Mais il y a aussi des produits comme le mercure qui infestent un certain nombre de cours d’eau ou de mers côtières. Il y a l’amiante qui est présente partout dans les bâtiments et dans tous les pays. Il y a aussi les pesticides, utilisés pour les besoins de l’agriculture intensive. Ce poison entraîne la disparition des abeilles par exemple. Pour la production de ces pesticides, on se rappelle de l’usine de Bhopal, en Inde, qui en explosant a tué près de 30 000 personnes et contaminé une grande partie d’une ville de 800 000 habitants !
Et que dire de la gestion même de ces montagnes de déchets ? Dans ce domaine, à chaque instant, les gouvernements et les entreprises étalent toute leur incurie. Tout récemment, c’est encore le nucléaire qui était à “l’honneur” en Sibérie. La France y a en effet envoyé des déchets dans de simples fûts en ferraille et à ciel ouvert ! Le documentaire de Yann-Arthus Bertrand, Vu du ciel, révèle comment la Chine balance ses déchets nucléaires dans les lacs des hauts plateaux du Tibet, un des poumons essentiels du globe, et met ainsi en danger des milliards d’individus ! En Italie, en particulier à Naples, des déchets en tous genres s’accumulent dans d’immenses décharges et les maladies des “riverains” explosent. L’Etat français s’est tout récemment débarrassé (il n’y a pas d’autre mot) d’un navire dans une banlieue d’Abidjan, en Côte d’Ivoire. Il y a eu des morts et des milliers de personnes contaminées. En juin 1992 déjà, la FAO (Food and Agricultural Organisation) a annoncé que les États en voie de développement, les pays africains surtout, étaient devenus une “poubelle” à la disposition de l’Occident. Les océans aussi servent de poubelle. Ainsi, La Reppublica on-line du 29 janvier 2007 décrivait une île d’un nouveau genre, sortie tout droit d’un cauchemar digne du cinéaste Tim Burton, une “île des déchets” située dans “l’océan Pacifique, qui a une profondeur de 30 mètres et qui est composée à 80 % de plastique et le reste par d’autres déchets qui arrivent de toutes parts. Cette “île” de déchets atteint les 3,5 millions de tonnes” !
Enfin, pour conclure cette liste qui pourrait être interminable, soulignons tout de même le pillage incessant des ressources. La bande équatoriale de la planète est tout simplement en train d’être saccagée par la déforestation de l’Amazonie, de l’Afrique équatoriale et de l’Indonésie… tout cela, ironie du sort, pour produire des bio-carburants. Alors que les océans représentent 60 % des ressources alimentaires, ils sont pillés sans vergogne, tant et si bien que des centaines d’espèces sont en voie de disparition. La famine va donc encore frapper une part plus grande de l’humanité. Bref, la destruction engendrée par le capitalisme met aujourd’hui en péril la survie même de l’espèce humaine !
Alors,
face à l’ampleur de la catastrophe, la bourgeoisie sonne
aujourd’hui le rassemblement général. Au sommet de Copenhague, en
décembre, on va voir ce qu’on va voir ! Une “coalition
inédite d’organisations françaises de solidarité internationale,
de défense de l’environnement et des droits de l’homme” a
même lancé aux différents Etats un “ultimatum climatique”.
Soit
ces pays signent un accord qui conduira les émissions mondiales de
gaz à effet de serre à se stabiliser puis à décliner avant
2015.
Soit notre planète se réchauffera de plus de 2 °C,
seuil au-delà duquel les conséquences pour notre planète et nos
sociétés seraient désastreuses. Notre climat, toujours d’après
cette “coalition d’associations”, pourrait même devenir
complètement incontrôlable, en passant par ce que les scientifiques
appellent des “points de rupture”.
La fondation Nicolas Hulot a lancé un appel à peu près identique : “L’avenir de la planète et avec lui, le sort d’un milliard d’affamés qu’aucun porte-voix ne représentera, se jouera à Copenhague. Choisir la solidarité ou subir le chaos, l’humanité a rendez-vous avec elle-même.”
Oui, c’est vrai, l’humanité a rendez-vous avec elle-même, mais certainement pas à Copenhague. Car avant tout, il faudrait sortir d’une naïveté dangereuse et rappeler comment fonctionne le capitalisme, cette société dominée par une minorité d’exploiteurs.
Ce sont les lois mêmes du capitalisme qui poussent la bourgeoisie à détruire la planète. Nous sommes dans un système monstrueux qui transforme tout ce qu’elle produit, y compris les déchets eux-mêmes, en marchandises… non pour satisfaire les besoins humains mais afin de faire du profit. Cela peut aller jusqu’à l’absurde comme par exemple la récente trouvaille de tels sommets : la possibilité légale d’acheter “le droit de polluer” ! Le capitalisme, c’est avant tout la loi du plus fort et le règne de la concurrence. C’est pour répondre à cette loi que sont nées et se sont développées les grandes concentrations industrielles et les mégapoles où s’entassent des millions d’être humains : Tokyo, 36 millions d’habitants ; Bombay, 26 millions ; Mexico et New-York, 21 millions ; Kinshasa, 17 millions… Et évidemment, ces concentrations ont un rôle majeur dans la crise écologique. La concurrence, c’est aussi la guerre. Or, la production et l’entretien du matériel militaire (sans parler des millions de victimes et des dégâts liés aux guerres) est déjà en soi un véritable gouffre d’énergie humaine et terrestre. Un porte-avions consomme plusieurs milliers de litres à l’heure par exemple. Enfin, le capitalisme est un système de production totalement anarchique et irrationnel. Une marchandise peut parcourir des milliers et des milliers de kilomètres pour trouver son acheteur. Des pays cultivent des denrées alimentaires vendues à l’autre bout de la planète, alors que la population locale meurt de faim parce qu’elle n’a pas les moyens de payer !
Contrairement à toutes ces propagandes qui rejettent la faute sur les “individus”, les “citoyens”, en cherchant à nous culpabiliser (en nous faisant croire que si la planète va mal, c’est parce que nous prenons la voiture pour aller bosser, ou que nous ne faisons pas assez attention à ne pas laisser le robinet couler quand on se brosse les dents ou faisons la vaisselle, ou que nous ne trions pas bien nos déchets…), c’est donc bien le système de production capitaliste comme un tout qui est responsable du grave déséquilibre écologique et qui, s’il perdure encore trop longtemps, anéantira l’humanité toute entière !
Maintenant, un certain nombre de personnes, dont certaines très médiatisées, comme Al Gore, Nicolas Hulot, Yann Arthus Bertrand, au-delà de mettre l’accent sur une réalité effrayante, nous appellent à pousser les “grands de ce monde” à se coordonner internationalement et à trouver des solutions. Evidemment, toute prétendue solution à ce problème ne peut être envisagée qu’à l’échelle internationale. Cela sauterait aux yeux d’un enfant. Mais là encore, c’est d’une certaine manière vouloir faire l’autruche et refuser de regarder la réalité en face. Les “grands de ce monde” auxquels ils invitent à s’en remettre pour “prendre les mesures nécessaires” ne sont rien d’autres que les représentants des bourgeoisies nationales et un simple regard sur les décisions qu’elles ont prises depuis plus d’un siècle montre qu’on ne peut attendre que le pire de leur part.
Ces bourgeoisies ont produit guerre sur guerre : ne serait-ce que depuis 1939, il n’y a pas eu un seul jour sans conflit meurtrier sur la planète. Et dans ces occasions, elles ont démontré de quel cynisme envers la nature et l’être humain elles étaient capables : gaz mortels, produits chimiques comme les défoliants, armes bactériologiques, atomiques et même, récemment, bombes au phosphore. Les dernières guerres du Golfe, d’Irak, de Palestine et d’Afghanistan, pour se limiter aux exemples les plus récents, ont démontré leur efficacité en matière de destruction de vies humaines et… environnementale.
Quant aux décisions qui seront et sont déjà prises, on en voit l’aspect ridicule et même absurde. Nous parlions tout à l’heure du droit d’acheter le “droit de polluer” mais il y a aussi la taxe carbone, la journée sans voiture…
L’énergie verte a déjà prouvé quel avenir elle avait dans le capitalisme. Depuis deux ans, pas moins d’une trentaine de pays ont connu des émeutes de la faim parce qu’une partie conséquente des produits de l’agriculture a été détournée pour produire des bio-carburants et que la spéculation a fait flamber les prix. L’énergie renouvelable ou le développement durable (qui doit selon le célèbre Nicolas Hulot “jeter les bases d’un modèle de développement compatible avec la réalité physique et humaine de notre planète, et sortir enfin du cercle vicieux de la pauvreté et de la destruction de nos ressources naturelles”, c’est-à-dire “la trame d’un monde nouveau au service exclusif de l’homme”), est déjà mise à profit par tous les Etats, médias et industriels pour tenter de faire croire qu’un autre capitalisme, un “capitalisme vert”, va permettre à la société de dépasser la très grave crise économique qu’elle connaît aujourd’hui, quand cela n’est pas tout simplement un argument publicitaire de plus comme pour le blanchiment des pires pollueurs mercantiles, tels Total, GDF… En fait, comme à travers le chômage, la précarité, la misère et l’exploitation grandissantes qu’il engendre, comme à travers la barbarie guerrière qu’il sème, les désastres écologiques aggravés que cause le capitalisme sont une démonstration supplémentaire de la faillite de ce système et de l’impasse dans lequel il pousse l’humanité.
En fait, il existe une seule classe qui a les capacités d’inverser cette tendance suicidaire : c’est la classe ouvrière. Elle seule est capable de donner un autre futur à l’humanité. Elle seule a les capacités de détruire ce système capitaliste agonisant et de proposer un autre monde avec des bases complètement différentes. D’emblée, elle se situe au niveau international, comme elle l’a démontré lors de sa tentative de révolution mondiale pour mettre fin à la folle boucherie guerrière en 1917. Et encore aujourd’hui, on peut voir à Rio de Janeiro, à New-York ou au Caire, que la classe ouvrière mène partout le même combat. Ses revendications sont partout les mêmes : pour des conditions de vie décentes pour tout le monde.
Le moteur, la dynamique de ses luttes sont le contraire de la loi du profit et de la concurrence, c’est la solidarité d’une classe par nature associée, développant des liens basés sur l’entraide, la coopération, l’assistance mutuelle, la fraternité…, préfiguration des rapports au sein d’une société libérée de toute exploitation.
Certains objecteront que l’expérience de Russie nous a apporté le stalinisme et son corollaire, le productivisme. On ne reviendra pas ici pas sur l’énorme mensonge du communisme = stalinisme (notre presse lui a déjà consacré de multiples articles). Mais évoquons un instant la question du productivisme. Le stalinisme n’avait en effet pas plus de respect pour la nature que pour la vie humaine. Mais il en était tout autrement pour les révolutionnaires de 1917. En fait, “l’écologie” faisait déjà partie de son combat. Au début des années 1920, il a existé une sorte de commissariat à l’Environnement animé par des bolcheviks tels que Lounatcharski, Bogdanov, Borodine et bien d’autres encore. Ce commissariat avait réussi à mettre sur pied, à la fin des années 20, une soixantaine de Zapovedniki, c’est-à-dire des espaces aménagés comme réserves naturelles pour la sauvegarde de toutes les espèces. Et là encore, c’est le stalinisme qui a rapidement détruit cet instrument pour satisfaire les besoins capitalistes d’un productivisme à outrance, que ce soit dans l’industrie ou dans les campagnes. L’un des résultats fut la disparition de la mer d’Aral. Les dernières appréciations sur l’état de l’ex-URSS constatent une destruction de 20 % du territoire.
La classe ouvrière, à travers sa révolution prolétarienne internationale, est seule capable d’ouvrir la perspective d’une transformation radicale de la relation entre l’homme et la nature. C’est pourquoi les minorités les plus conscientes ne doivent pas se laisser enfermer dans un combat uniquement écologique, mais consacrer leurs énergies à renforcer le combat de la classe ouvrière.
Ayato, le 14 novembre.
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