Soumis par Revue Internationale le
- Hommes politiques, économistes et médias nous ont habitués aux plus stupéfiantes théories dans leur tentative désespérée d'occulter la faillite absolue du système capitaliste, et pour justifier l'interminable escalade d'attaques contre les conditions de vie de la classe ouvrière.
- Il y a maintenant 25 ans, un Président américain porte-parole du conservatisme le plus radical, Nixon, proclamait aux quatre vents : « nous sommes tous keynésiens ». En ce temps-là, face à l'aggravation de la crise, la bourgeoisie avançait « l'intervention de l'Etat », le développement de « l'Etat social et égalitaire », comme potion magique pour soigner tous les maux. C'est au nom de cette politique qu'il était demandé aux ouvriers de consentir des sacrifices pour « sortir du tunnel ».
- Pendant les années 1980, face à l'évidence du marasme économique, la bourgeoisie dut changer de monture. C'est l'Etat qui était alors devenu le responsable de tous les maux et l'universelle panacée fut : « moins d'Etat ». Ce furent les années dorées des « reaganomics », qui provoquèrent dans le monde entier la plus formidable vague de licenciements depuis les années 1930, et qui fut organisée par l'Etat.
- Aujourd'hui, la crise du capitalisme a atteint un tel niveau de gravité que tous les Etats industrialisés ont dû mettre à l'ordre du jour la liquidation pure et simple des minimums sociaux garantis (allocations chômage, retraites, santé, éducation ; mais aussi les indemnités de licenciement, la durée de la journée de travail, la sécurité, etc.) dont jouissent encore les travailleurs sous le masque de l' « Etat providence ».
- Cette attaque impitoyable, ce saut qualitatif dans la tendance annoncée par Karl Marx à la paupérisation absolue de la classe ouvrière, se justifie et s'accompagne d'une nouvelle idéologie : « la mondialisation de l'économie mondiale ».
Les serviteurs du capital ont découvert... la lune ! Ils vendent avec cent cinquante ans de retard une soi-disant « grande nouveauté de la fin du siècle », qu'Engels constatait déjà dans les Principes du communisme, écrits en 1847 : « Les choses sont arrivées à un tel point qu'une nouvelle machine qui s'invente aujourd'hui en Angleterre pourra, en l'espace d'une année, condamner des millions d'ouvriers en Chine à la famine. Ainsi, la grande industrie a lié les uns aux autres tous les peuples de la Terre, a uni en un seul marché mondial tous les marchés locaux, a préparé partout le terrain pour la civilisation et le progrès, et elle l'a fait de telle façon que tout ce qui se réalise dans les pays civilisés se répercute nécessairement dans tous les autres. »
Le capitalisme a besoin de s'étendre à l'échelle mondiale, imposant son système d'exploitation salariée à tous les recoins de la planète. L'intégration dans le marché mondial, au début de ce siècle, de tous les territoires significatifs de la planète et la difficulté pour en trouver de nouveaux, capables de satisfaire les besoins toujours croissants de l'expansion du capitalisme, marquent précisément la décadence de l'ordre bourgeois, comme le soutiennent les révolutionnaires depuis 80 ans.
Dans ce cadre de saturation chronique du marché mondial, le 20e siècle est le témoin d'un approfondissement sans précédent de la concurrence entre les divers capitaux nationaux. Face à des besoins croissants de réalisation de la plus-value, les marchés rétrécissent toujours plus. Ceci impose un double mouvement à chaque capital national : d'un côté, protéger par un ensemble de mesures (monétaires, législatives, etc.) ses produits propres face aux assauts des capitaux concurrents, et d'un autre tenter de convaincre ces derniers d'ouvrir leurs portes à ses marchandises (traités commerciaux, accords bilatéraux, etc.).
Quand les économistes bourgeois parlent de « mondialisation », ils laissent entendre que le capitalisme peut s'administrer de façon consciente et unifiée par le biais des règles données par le marché mondial. C'est exactement le contraire qui est vrai : les réalités du marché mondial imposent leurs lois, mais dans un cadre dominé par les tentatives désespérées de chaque capital national de leur échapper et de faire en sorte que ce soient les rivaux qui supportent ce joug.. Le marché mondial actuel « mondialisé » ne crée pas un cadre de progrès ni d'unification, mais au contraire l'anarchie et la désagrégation. La tendance du capitalisme décadent est à la désarticulation du marché mondial, soumis à la puissante force centrifuge d'économies nationales structurées par des Etats hypertrophiés qui tentent par tous les moyens (y compris militaires) de protéger le produit de l'exploitation de leurs travailleurs respectifs contre les assauts des concurrents. Alors que la concurrence entre nations contribuait au siècle dernier à la formation et à l'unification du marché mondial, la concurrence organisée de chaque Etat national au 20e siècle tend précisément à l'inverse : la désagrégation et la décomposition du marché mondial.
C'est exactement pour cette raison que la « mondialisation » ne peut s'imposer que par la force. Dans le monde issu de Yalta, les Etats-Unis et l'URSS profitèrent des avantages donnés par la discipline de bloc impérialiste pour créer des organismes très structurés pour réglementer (à leur avantage bien sûr) le commerce mondial : le GATT, le FMI, le Marché commun, le Comecon dans le bloc russe, etc. Expressions de la force militaire et économique des têtes de bloc, ces organismes ne parvinrent jamais malgré tout à supprimer les tendances à l'anarchie et à organiser un marché mondial harmonieux et unifié. La disparition des deux grands blocs impérialistes après 1989 [1] a considérablement accéléré la concurrence et le chaos dans le marché mondial.
La « mondialisation » va-t-elle en finir avec cette tendance ? A en croire ses apôtres, la « mondialisation » part d'un marché mondial « déjà unifié » qui va avoir un « effet salutaire » sur toutes les économies et va permettre au monde entier de sortir de la crise en le débarrassant « des égoïsmes nationaux ». Si nous examinons chacun des traits qui, selon les économistes, caractérisent la « mondialisation », nous constatons qu'aucun d'entre eux ne suppose un « dépassement » du chaos dans lequel se débat le marché mondial, pas plus que de la crise qui ne fait que s'aggraver. Pour commencer, les « transactions électroniques via Internet » supposent une accentuation considérable des risques d'impayés, déjà très élevé, contribuant ainsi de fait à augmenter le fardeau toujours plus insupportable de l'endettement. Quant à la « mondialisation » des marchés monétaires et financiers, nous avions déjà analysé ce qu'elle vaut : « Un krach financier est inévitable. Sous certains aspects, il est même déjà en cours. Même du point de vue du capitalisme, une forte "purge" de la "bulle spéculative" est indispensable. (...) Aujourd'hui, la bulle spéculative et, surtout, l'endettement des Etats ont augmenté de façon inouïe. Dans ces circonstances, nul ne peut prévoir où s'arrêtera la violence d'une telle purge. Mais, en tout état de cause, elle se traduira par une destruction massive de capital fictif qui jettera dans la ruine des pans entiers du capital mondial. » [2]
Ce à quoi prétend la « mondialisation » est en réalité assez différent des musiques célestes que tentent de nous vendre ses chantres. Il tente de répondre aux problèmes urgents posés par l'état actuel de la crise du capitalisme : la baisse des coûts de production ; la destruction des barrières protectionnistes pour que les capitalismes les plus compétitifs puissent profiter des marchés toujours plus réduits.
Par rapport à la baisse des coûts de production, nous avions déjà noté que : « L'intensification de la concurrence entre capitalistes, exacerbée par la crise de surproduction et la rareté des marchés solvables, pousse ceux-ci à une modernisation à outrance des processus de production, remplaçant des hommes par des machines, dans une course effrénée à la "baisse des coûts". Cette même course les conduit à déplacer une partie de la production vers des pays où la main d'oeuvre est meilleur marché (Chine et Sud-Est asiatique actuellement par exemple). » [3]
Ce second aspect de la réduction des coûts (transfert de certaines parties de la production vers des pays aux coûts salariaux moins élevés) s'est accéléré durant les années 1990. Nous voyons à présent comment les capitalistes « démocratiques » ont recours aux bons services du régime stalinien chinois pour produire à des coûts dérisoires des compacts, des chaussures de sport, des disques durs, des modems, etc. Le décollage des fameux « dragons asiatiques » est basé sur le fait que la fabrication d'ordinateurs, d'aciers ordinaires, de composants électroniques, de tissus, etc., a été déplacée vers ces paradis aux « coûts salariaux infimes ». Le capitalisme aux abois sous les coups de la crise doit profiter à fond des différences de coûts salariaux : « les coûts salariaux totaux (charges comprises) dans l'industrie des différents pays en voie de développement qui produisent et exportent des produits manufacturés mais aussi des services, varient de 3 % (Madagascar, Viet Nam) à 40 % par rapport à la moyenne des pays plus riches d'Europe. La Chine se trouve à environ 5 à16 %, et l'Inde vers 5 %. Avec l'effondrement du bloc soviétique, il existe à présent aux portes de l'Union européenne une réserve de main d'oeuvre dont le coût ne dépassera pas 5 % (Roumanie) ou 20 % (Pologne, Hongrie) par rapport aux coûts en Allemagne. » [4]
Voilà quel est le premier aspect de la « mondialisation ». Ses conséquences sont la baisse du salaire moyen mondial, mais aussi les licenciements massifs dans les grands centres industriels sans que cette réduction de postes de travail soit compensée par la création dans des proportions identiques dans les nouvelles usines ultra automatisées. Enfin, loin de remédier à la maladie chronique du capitalisme (la saturation des marchés), elle ne peut que l'aggraver en contribuant à réduire la demande dans les grands pays industrialisés sans la compenser par une croissance parallèle de la consommation dans les économies émergentes. [5]
Pour ce qui est de la destruction des barrières douanières, il est certain que la pression des « grands » a eu comme résultat que des pays comme l'Inde, le Mexique ou le Brésil révisent leurs taxes à la baisse au prix d'un endettement considérable (ces mêmes formules furent utilisées au cours des années 1970 et conduisirent à la catastrophe de la crise de l'endettement en 1982), mais le soulagement apporté à l'ensemble du capital mondial est totalement illusoire : « ... le récent effondrement financier d'un autre pays "exemplaire", le Mexique, dont la monnaie a perdu la moitié de sa valeur du jour au lendemain, qui a nécessité l'injection urgente de près de 50 millions de dollars de crédits (de très loin la plus grande opération de "sauvetage" de l'histoire du capitalisme) résume la réalité du mirage que constitue "l'émergence" de certains pays du tiers-monde. » [6]
Nous n'assistons pas, sous les effluves de l'actuelle « mondialisation », à une diminution du protectionnisme ou de l'interventionnisme de l'Etat par rapport aux échanges commerciaux, mais bien au contraire à leur amplification, tant par les moyens traditionnels que par des trouvailles récentes :
- Clinton lui-même qui, en 1995, parvint à faire en sorte que le Japon ouvre ses frontières aux produits américains, qui, sans relâche, demande à ses « associés » la « liberté de commerce », donna l'exemple dès son élection, par l'augmentation des taxes sur les avions, l'acier et les produits agricoles, limitant en outre les achats de produits étrangers aux agences étatiques ;
- le célèbre Uruguay Round, qui donna lieu à la substitution de l'ancien GATT par la nouvelle Organisation mondiale du commerce (OMC), n'a obtenu qu'un accord totalement illusoire : les taxes n'ont été éliminées que dans 10 secteurs industriels, et dans 8 autres elles ont été réduites de 30 %, mais le tout étalé sur dix ans !
- une expression massive du neo-protectionnisme se trouve dans les normes écologiques, sanitaires et même de « bien-être » ; les pays les plus industrialisés imposent des barèmes impossibles pour leurs concurrents : « ... dans la nouvelle OMC, les groupes industriels, les organisations syndicales et les militants verts luttent pour que les biens collectifs que sont le milieu ambiant, le bien-être social, etc., ainsi que leurs normes, ne soient pas régulées par le marché mais par la souveraineté nationale qui ne peut se copartager sur ce terrain. » [7].
La formation de « zones régionales » (Union européenne, accords du Sud-est asiatique, Traité de libre commerce en Amérique du Nord, etc.) ne contredit pas cette tendance, dans la mesure où elle obéit aux besoins de groupes de nations capitalistes de créer des zones protégées à partir desquelles elles peuvent affronter des rivaux plus puissants. Les USA répliquent à l'Union européenne par le Traité de libre commerce et le Japon quant à lui se fait le promoteur d'un accord des « dragons » asiatiques. Ces « groupes régionaux » tentent de se protéger de la concurrence tout en étant eux-mêmes de véritables nids de vipères où se multiplient quotidiennement les affrontements commerciaux entre partenaires. Il suffit pour s'en convaincre d'admirer le spectacle édifiant de « l'harmonieuse » Union européenne, en permanence perturbée par les sempiternels litiges entre les Quinze.
Ne nous leurrons pas, les tendances les plus aberrantes qui expriment la décomposition du marché mondial ne cessent de s'affirmer : « Aujourd'hui, l'insécurité monétaire au niveau international est devenue telle qu'on voit de plus en plus resurgir cette forme archaïque de l'échange que constitue le troc, c'est-à-dire l'échange de marchandises directement sans recours à l'intermédiaire de l'argent. » [8] Un autre type de combine auquel ont recours les Etats, y compris les plus riches, est celui de la dévaluation de la monnaie qui permet de vendre automatiquement moins cher ses propres marchandises, tout en augmentant le prix de celles des rivaux. Toutes les tentatives pour empêcher ces pratiques généralisées se sont soldées par des échecs catastrophiques comme en fait foi l'effondrement du Système monétaire européen.
La « mondialisation », une attaque idéologique contre la classe ouvrière
Nous voyons donc que le « mondialisme » est un rideau de fumée idéologique qui tente d'occulter la réalité de l'effondrement du capitalisme dans la crise généralisée et le désordre croissant qui en découle au niveau du marché mondial.
Le « mondialisme » se veut cependant plus ambitieux. Il prétend dépasser et même « détruire » (ce sont les propres mots des « mondialistes » les plus osés) l'Etat nation, rien de moins ! C'est ainsi qu'un de ses chantres prestigieux, le japonais Kenichi Ohmae, nous dit que : « ... en quelques mots, en termes de flux réel d'activité économique, les Etats-nations ont déjà perdu leur rôle d'unités significatives de participation dans l'économie sans frontières du monde actuel. » [9] Il n'hésite pas à qualifier les Etat-nations de « filtres brutaux » et nous promet le paradis de l'économie « globale » : « Au fur et à mesure qu'augmente le nombre d'individus traversant le filtre brutal qui sépare les géographies, anciennes coutumes de l'économie mondiale, le pouvoir sur l'activité économique passera inévitablement des mains des gouvernements centraux des Etats-nations vers celles des réseaux sans frontières des innombrables décisions individuelles, basées sur le marché. » [10]
Jusqu'à présent, seul le prolétariat combattait l'Etat-nation. Mais comme on le voit, l'audace des idéologues bourgeois n'a pas de limites : les voilà prétendant s'ériger en militants de la « lutte contre l'intérêt national ». Au paroxysme de l'exaltation, deux de ces représentants, adeptes de la « mondialisation », MM. Alexander King et Bertrand Schneider, intitulent leur livre « La Première révolution mondiale ».
Cependant, c'est dans le cadre de l'offensive idéologique de la bourgeoisie contre l'ensemble du prolétariat que cette « phobie » anti-nations joue son rôle le plus néfaste. Un des aspects de cette offensive est de piéger le prolétariat dans un faux dilemme :
- d'un côté, les forces politiques qui défendent de façon décidée le « mondialisme » (en Europe ce sont les partisans de Maastricht) soulignent la nécessité de « dépasser les égoïsmes nationaux rétrogrades » pour s'intégrer dans de « vastes ensembles mondiaux » permettant de sortir de la crise ;
- de l'autre, les partis de gauche (surtout quand ils sont dans l'opposition) et les syndicats cherchent à lier la défense des intérêts ouvriers à celle de l'intérêt national soi-disant piétiné par les gouvernements « traîtres à la patrie ».
Les tenants de la « mondialisation », soi-disant pourfendeurs de l'intérêt national, fulminent contre ce qu'ils appellent le « minimum social garanti », c'est-à-dire la sécurité sociale, les indemnisations de licenciement, les allocations de chômage ou de retraite, les aides à l'éducation ou au logement, le code du travail qui limite la durée de la journée de travail, les cadences, l'âge de l'embauche, etc. Voilà, selon eux, les « horribles » entraves que porte en lui l'Etat-nation, prisonnier de ces « affreux » groupes de pression constitués par les travailleurs.
Nous voici donc enfin arrivés au coeur du « mondialisme », à ce qu'il reste de lui une fois qu'on l'a dépouillé de ses oripeaux (qu'ils se nomment « dépassement de la crise » ou « internationalisme des individus libres dans un marché libre »). Il ne prétend en fin de comptes qu'à être le nouvel alibi de l'attaque qu'impose la crise du capital à tous les Etats-nations : en finir avec le « minimum social garanti », cet ensemble de prestations sociales et de législation du travail qui, avec le développement de la crise, sont devenus insupportables.
Ici intervient l'autre aspect de l'attaque idéologique de la bourgeoisie, celui qui est porté par les syndicats et la gauche. Ces dernières cinquante années, le « minimum social garanti » a été le phare de ce qu'il a été convenu d'appeler le Welfare State, qui était la façade « sociale » du capitalisme d'Etat. Face aux ouvriers, cet « Etat social » était présenté comme la manifestation de la capacité de l'exploitation capitaliste à s'adoucir, comme « la preuve » concrète qu'au sein de l'Etat national pouvaient se concilier les classes et que leurs intérêts respectifs pouvaient être pris en comptes.
Les syndicats et la gauche (en particulier quand ils sont dans l'opposition) s'affichent comme les grands défenseurs de cet « Etat social ». Ils mettent en avant le conflit entre « l'intérêt national » qui permettrait le maintien d'un « minimum social » et le « cosmopolitisme apatride » des gouvernements. C'est un des aspects qui a d'ailleurs eu un impact non négligeable dans la manoeuvre de la bourgeoisie en France pendant les luttes de l'automne 1995. Il s'agissait de présenter le mouvement comme une manifestation anti-Maastricht, une sorte de ras-le-bol général de la population contre les pénibles exigences des « critères de convergence » et ce sont les syndicats qui canalisaient ce « mouvement ».
Les contradictions de Battaglia Comunista face à la « mondialisation »
La tâche des groupes de la Gauche communiste (base du futur parti mondial du prolétariat) est de dénoncer sans concessions ce venin idéologique. Face à ces nouvelles attaques, la classe ouvrière n'a pas à choisir entre « l'intérêt national » et « le mondialisme ». Ses revendications ne se situent pas dans le camp de la défense du Welfare State, mais dans la défense intransigeante de ses intérêts de classe. La perspective de ses luttes ne se situe pas dans le faux dilemme entre le « social-patriotisme » et le « mondialisme », mais dans la destruction de l'Etat capitaliste dans tous les pays.
La question de la « mondialisation » a été traitée à maintes reprises par Battaglia Comunista (BC) qui lui a dédié plusieurs articles dans Prometeo, sa revue théorique semestrielle. BC défend avec une grande fermeté une série de positions de la Gauche communiste que nous voulons souligner :
- il dénonce sans concession la « mondialisation » comme étant une puissante attaque contre la classe ouvrière, faisant remarquer qu'elle se base « sur l'appauvrissement progressif du prolétariat mondial et le développement de la forme la plus violente de surexploitation » ; [11]
- il rejette l'idée qui affirme que la « mondialisation » est un dépassement des contradictions du capitalisme : « Il est important de souligner que les modifications les plus récentes intervenues dans le système économique mondial sont entièrement reconductibles dans le cadre du processus de concentration-centralisation, marquant certainement une nouvelle étape mais en aucun cas le dépassement des contradictions immanentes au processus d'accumulation du capital » [12] ;
- il reconnaît que les restructurations et les « innovations technologiques » introduites par le capitalisme dans les années 1980 et 1990 n'ont pas signifié une amplification du marché mondial : « (...) contrairement aux espérances, la restructuration basée sur l'introduction de technologies se substituant à la main d' oeuvre sans donner lieu à l'apparition de nouvelles activités productives compensatoires, interrompt au lieu de relancer ce que l'on appelle le "cercle vicieux" qui a été la base du puissant développement de l'économie mondiale pendant la première phase du capitalisme monopoliste. Pour la première fois, les investissements supplémentaires ont déterminé une réduction tant absolue que relative de la force de travail engagée dans le processus productif, au lieu de l'augmenter » [13] ;
- il rejette toute illusion tendant à voir la « mondialisation » comme une forme harmonieuse et ordonnée de la production mondiale, affirmant sans la moindre équivoque que « nous assistons au paradoxe d'un système qui recherche un maximum de rationalité à travers le monopole et ne parvient qu'à l'irrationalité la plus extrême : tous contre tous, chaque capital contre tous les capitaux ; le capital contre le capital » [14] ;
- il rappelle que « l'effondrement (du système capitaliste) n'est pas le résultat mathématique des contradictions du monde de l'économie, mais l'oeuvre du prolétariat qui a pris conscience que ce monde n'est pas le meilleur des mondes » [15].
Nous soutenons ces positions et partant de cet accord, nous voulons combattre quelques confusions et contradictions dont souffrent à notre avis BC. Cette polémique n'est bien sûr pas gratuite, elle a un objectif militant clair : face à l'aggravation de la crise, il est vital de dénoncer les théories fumeuses du genre « mondialisation », dont l'objectif n'est que d'embrumer la prise de conscience du fait que le capitalisme est aujourd'hui le « pire des mondes possibles » et doit être en conséquence détruit sur toute la planète.
Ce qui nous surprend tout d'abord, c'est que BC pense que « grâce aux progrès de la micro-électronique, tant en ce qui concerne les télécommunications qu'en ce qui concerne l'organisation du cycle de production, la planète s'est unifiée de fait. » [16] Les camarades se font avoir par les âneries répétées par la bourgeoisie sur le « miracle unificateur » que supposeraient les télécommunications et Internet, oubliant que « (...) d'un côté, la formation d'un marché mondial internationalise la vie économique, marquant profondément la vie de tous les peuples ; mais d'un autre côté se produit la nationalisation, toujours plus accentuée, des intérêts capitalistes, ce qui traduit de façon plus évidente l'anarchie de la concurrence capitaliste dans le cadre de l'économie mondiale et qui conduit à de violentes convulsions et catastrophes, à une immense perte d'énergie, posant ainsi impérativement le problème de l'organisation de nouvelles formes de vie sociale. » [17]
Une autre faiblesse d'analyse de BC réside dans l'étrange découverte qu'il fait selon laquelle « quand l'ancien Président des Etats-Unis, Nixon, assume la décision historique de dénoncer les accords de Bretton Woods et déclare la non-convertibilité du dollar, il était loin d'imaginer qu'il ouvrait le cours à un des plus gigantesques processus de transformation qu'ait connu le mode de production capitaliste au long de son histoire... S'ouvrait alors une période d'altérations profondes qui a changé la face du monde en moins de 20 ans et a poussé les rapports de domination impérialistes à leurs plus extrêmes conséquences. » [18]
On ne peut analyser comme cause (la fameuse décision de 1971 de déclarer la non-convertibilité du dollar) ce qui n'est qu'un effet de l'aggravation de la crise capitaliste et qui de toute façons n'a pas eu le moins du monde comme conséquence d'altérer les « rapports de domination impérialistes ». L'économisme de BC, que nous avons déjà eu l'occasion de critiquer, les pousse à attribuer des effets à un évènement qui n'a eu aucune conséquence dans la confrontation entre les blocs impérialistes existant alors (soviétique et occidental).
Cependant, le principal danger est qu'il ouvre la porte à la mystification bourgeoise selon laquelle le capitalisme actuel est à même de « changer et de se transformer ». Par le passé, BC a eu tendance à être déconcerté par chaque « transformation importante » que la bourgeoisie fait miroiter devant notre nez. Il s'est déjà laissé séduire par les « nouveautés » de la « révolution technologique », puis par le mirage des soi-disant fabuleux marchés ouverts par la « libération » des pays de l'Est. Aujourd'hui il prend pour argent comptant certaines mystifications contenues dans le vacarme sur la « mondialisation » : « L'avancée dans la centralisation de la gestion des variables économiques sur une base continentale ou par zones monétaires implique forcément une distribution différente du capital dans les divers secteurs productifs et parmi eux le secteur financier. Non seulement la petite et la moyenne entreprise, mais également les groupes de dimensions importantes risquent d'être marginalisés ou absorbés par d'autres avec toutes les conséquences que cela comporte sur le déclin de leurs positions relatives de pouvoir. Pour beaucoup de pays, cela peut comporter le risque de fracture de l'unité nationale même, comme nous le montrent les événements en Yougoslavie ou dans l'ex-bloc soviétique. Les rapports de force entre les différentes fractions de la bourgeoisie mondiale vont subir de profondes mutations et générer pour longtemps un accroissement des tensions et des conflits, avec les répercussions que cela entraîne forcément dans le processus de mondialisation de l'économie, qui pourra se voir ralenti et même bloqué. » [19].
Nous découvrons avec effarement que les tensions impérialistes, l'effondrement de nations, le conflit en Yougoslavie, ne s'expliqueraient pas par la décadence et la décomposition du capitalisme, par l'aggravation de la crise historique du système, mais qu'ils seraient des phénomènes au sein du processus de « mondialisation » ! BC glisse ici du cadre d'analyse propre à la Gauche communiste (décadence et crise historique du capitalisme) vers le cadre mystificateur de la bourgeoisie basé sur des sornettes quant à la « mondialisation ».
Il est essentiel que les groupes de la Gauche communiste ne cèdent pas à ces mystifications et maintiennent fermement la position révolutionnaire, qui affirme que dans la décadence, et plus concrètement dans la période de crise ouverte depuis la fin des années 1960, les diverses tentatives du capitalisme pour freiner son effondrement n'ont produit aucun changement réel, mais uniquement et exclusivement une aggravation et une accélération de celui-ci [20]. Dans notre réponse au BIPR dans la Revue internationale n° 82, nous affirmions clairement qu'il ne s'agit pas d'ignorer ces tentatives mais qu'il s'agit de les analyser dans le cadre des positions de la Gauche communiste et non en mordant à l'hameçon que nous tend la bourgeoisie.
La « mondialisation » et l'Etat national
C'est cependant dans sa position par rapport au rôle des Etats nationaux que les contradictions de BC ont les conséquences les plus graves. BC pense que la fameuse « mondialisation » altérerait profondément le rôle de l'Etat national et supposerait un affaiblissement de celui-ci. Il ne prétend certainement pas, bien sûr, à l'instar du samouraï Kenichi Ohmae, que l'Etat national aurait du plomb dans l'aile et il reconnaît plusieurs points que nous partageons :
- l'Etat national garde la même nature de classe ;
- l'Etat national est un facteur actif des « changements » qui interviennent sur le capitalisme actuel ;
- l'Etat national n'est pas en crise.
Cependant, il nous dit : « (...) Un des aspects certainement les plus intéressants de la mondialisation de l'économie est donné par l'intégration transversale et transnationale des grandes concentrations industrielles et financières qui, par leurs dimensions et leur pouvoir, dépassent de loin ceux des Etats nationaux. » [21]
Ce qu'on peut déduire de ces « aspects intéressants », c'est qu'il existerait dans le capitalisme des entités supérieures à l'Etat national, les fameux monopoles « transnationaux ». Ceci revient à défendre une thèse révisionniste qui nie le principe marxiste selon lequel l'unité suprême du capitalisme est l'Etat, le capital national. Le capitalisme ne peut jamais réellement dépasser le cadre de la nation, et encore moins être internationaliste. Son « internationalisme », comme nous l'avons vu, se résume à la prétention de dominer les nations rivales ou à conquérir la plus grande part possible du marché mondial.
Dans l'éditorial de Prometeo n° 9 se confirme cette révision du marxisme : « Les multinationales productives et/ou financières dépassent par leur puissance et par les intérêts économiques qui sont en jeu les diverses formations étatiques qu'elles traversent. Le fait que les banques centrales des divers Etats soient incapables de régir ou de tenir tête à la vague spéculative qu'une poignée de monstrueux groupes financiers déchaînent quotidiennement en dit long sur la profonde transformation des relations entres Etats. »
Faut-il rappeler que ces pauvres Etats impuissants sont précisément ceux qui possèdent (ou pour le moins contrôlent étroitement) ces mastodontes de la finance ? Est-il nécessaire de révéler à BC que cette « poignée de monstres » est constituée par de « respectables » institutions bancaires et d'épargne dont les responsables sont directement ou indirectement nommés par leurs états nationaux respectifs ?
Non seulement BC mord à l'hameçon de cette prétendue opposition entre Etats et multinationales, mais il va plus loin et découvre que « pour ces raisons, des capitaux toujours plus énormes... ont donné naissance à des colosses qui contrôlent toute l'économie mondiale. Il suffit de penser qu'alors que des années 30 aux années 70 les Big Three étaient trois fabriquants d'automobiles (General Motors, Chrysler et Ford), ce sont aujourd'hui trois Fonds d'investissements également américains : Fidelity Investments, Vanguard Group, Capital Research & Management. Le pouvoir accumulé par ces sociétés financières est immense et dépasse de loin celui des Etats qui, de fait, ont perdu ces dix dernières années toute capacité de contrôle sur l'économie mondiale. » [22]
Rappelons que pendant les années 1970, le mythe des fameuses multinationales du pétrole était très à la mode. Les gauchistes nous répétaient alors que le capital était « transnational », et c'est pourquoi la « grande revendication » des ouvriers devait être de défendre les intérêts nationaux contre cette « poignée d'apatrides ».
Il est certain que BC rejette avec force cette mystification, mais il admet cependant sa justification « théorique », c'est-à-dire qu'il reconnaît la possibilité d'une opposition ou, du moins, de divergences d'intérêts fondamentaux entre l'Etat et les monopoles « transversaux aux Etats nationaux » (c'est sa définition).
Les multinationales sont des instruments de leurs Etats nationaux. IBM, General Motors, Exxon, etc., sont tenues par toute une série de réseaux par l'Etat américain : un pourcentage important de leur production (40 % pour IBM) est acheté directement par celui-ci, qui influe directement ou indirectement dans la nomination des directeurs [23]. Une copie de chaque nouveau produit informatique est obligatoirement transmise au Pentagone.
C'est incroyable que BC avale le mensonge du super-pouvoir mondial qui serait constitué par... les trois Fonds d'investissements ! Premièrement les sociétés de fonds d'investissements ne disposent pas réellement d'une autonomie, elles ne sont que des instruments des banques, des caisses d'épargne ou d'institutions étatiques telles que les syndicats, les mutuelles, etc. Leur chef direct ou indirect est leur Etat national respectif. Deuxièmement ils sont soumis à une stricte réglementation de la part de l'Etat qui leur fixe les pourcentages qu'ils doivent investir en actions, obligations, bons du Trésor, à l'étranger, etc.
« Mondialisation » et capitalisme d'Etat
Ceci nous amène à une question essentielle, celle du capitalisme d'Etat. Un des traits essentiels du capitalisme décadent réside dans la concentration nationale du capital entre les mains de l'Etat qui devient l'entité autour de laquelle chaque capital national organise son combat, tant contre le prolétariat que contre les autres capitaux nationaux.
Les Etats ne sont pas des instruments des entreprises, aussi grandes soient-elles ; c'est exactement le contraire qui se vérifie dans le capitalisme décadent : les grands monopoles les banques, etc., se soumettent aux diktats de l'Etat et servent le plus fidèlement possible ses orientations. L'existence dans le capitalisme de pouvoirs supranationaux qui « traversent » les Etats et leur dictent la politique à suivre est impossible. Bien au contraire les multinationales sont utilisées par leur Etat respectif comme instrument au service de ses intérêts commerciaux et impérialistes.
Nous ne voulons pas le moins du monde dire que les grandes entreprises, du genre Ford ou Exxon, ne sont que de simples marionnettes de leur Etat respectif. Elles tentent bien sûr de défendre leurs propres intérêts particuliers qui, parfois, entrent en contradiction avec celui de leur Etat national. Cependant une réelle fusion entre le capital privé et l'Etat se réalise dans le capitalisme d'Etat « à l'occidentale », de sorte que globalement, au-delà des conflits et contradictions qui surgissent, ils agissent en cohérence dans la défense de l'intérêt national du capital et sous l'égide totalitaire de leur Etat.
BC objecte qu'il est difficile de savoir à quel Etat appartient Shell, par exemple (au capital anglo-hollandais) ou d'autres multinationales dont l'actionnariat est multiple. Outre qu'il ne s'agit là que d'exemples exceptionnels, nullement significatifs de la réalité mondiale du capital, il faut ajouter que les titres de propriété ne déterminent pas la véritable propriété d'une entreprise. Dans le capitalisme d'Etat, c'est l'Etat qui dirige et détermine le fonctionnement des entreprises, même quand il n'en détient aucune action. C'est lui qui réglemente les prix, les conventions collectives, les taux d'exportation, les taux de production, etc. C'est lui qui conditionne les ventes de l'entreprise en étant, dans la majorité des secteurs productifs, le principal client. C'est lui qui, à travers la politique fiscale, monétaire, de crédit, affiche clairement sa poigne et régit l'évolution du « libre marché ». BC ne prend pas en compte cet aspect essentiel de l'analyse révolutionnaire sur la décadence du capitalisme. Il préfère rester fidèle à un aspect partiel de l'effort de Lénine et des révolutionnaires de cette époque pour comprendre toute l'ampleur de la question de l'impérialisme : la théorie de Lénine sur le capital financier, reprise de Hilferding. Dans son livre sur l'impérialisme, Lénine voit clairement celui-ci comme la période décadente du capitalisme qui met à l'ordre du jour la nécessité de la révolution prolétarienne. Mais il lie cette époque au développement du capital financier comme monstre parasite émergeant du processus de concentration du capital, comme nouvelle phase du développement des monopoles.
Cependant, « (...) de nombreux aspects de la définition de Lénine de l'impérialisme sont inadéquats aujourd'hui, et même au temps où il les avait élaborés. C'est ainsi que la période où le capital semblait être dominé par une oligarchie du "capital financier" et par des "groupements de monopoles internationaux" ouvrait déjà la voie à une nouvelle phase pendant la première guerre mondiale, l'ère du capitalisme d'Etat, de l'économie de guerre permanente. A l'époque des rivalités inter-impérialistes chroniques sur le marché mondial, le capital tout entier tend à se concentrer autour de l'appareil d'Etat qui subordonne et discipline toutes les fractions particulières du capital aux besoins de survie militaire/économique. » [24].
Ce qui chez Lénine était une erreur liée au difficile processus de compréhension de l'impérialisme devient une dangereuse aberration entre les mains de BC. Premièrement, la théorie de la « concentration en super monopoles transnationaux » ferme la porte à la position marxiste sur la concentration nationale du capital au sein de l'Etat, la tendance au capitalisme d'Etat, à laquelle participent toutes les fractions de la bourgeoisie quels que soient les liens et ramifications à l'échelle internationale. Deuxièmement cette théorie entrouvre la porte à la théorie kautskiste du « super-impérialisme ». Il est surprenant que BC critique cette théorie simplement sur l'impossibilité de dépasser l'anarchie du capital sans la critiquer sur l'essentiel : une illusoire possibilité du capital de s'unir par dessus les frontières nationales. Et cette difficulté provient du fait que BC, s'il rejette avec raison la thèse extrême de la « fusion de nations », admet cependant à tort l'existence d'unités supranationales. Troisièmement BC développe des spéculations selon lesquelles l'Etat, dans le cadre de la « mondialisation » aurait deux dimensions, l'une au service des intérêts multi-nationaux et l'autre, qui lui est subordonnée, au service d'intérêts nationaux : « Il se précise de façon toujours plus évidente un Etat dont l'intervention s'articule dans le monde de l'économie à deux niveaux : un qui offre au centre supranational la gestion centralisée de la masse monétaire et la détermination des variables macro-économiques par zone monétaire de référence, et un autre qui contrôle localement la compatibilité de celui-ci avec les variables nationales. » [25] BC met le monde à l'envers ! La simple observation de l'évolution de l'Union européenne démontre tout le contraire : l'Etat national gère les intérêts du capital national et n'est en aucune façon une sorte de « délégation » de l'intérêt « européen » comme le laissent entendre les ambiguïtés de BC. Chevauchant la théorie de la spéculation sur les intérêts « transnationaux », il est amené à tirer des conclusions incroyables : les conflits impérialistes n'auraient pas dégénéré en guerre impérialiste généralisée parce que, « (...) une fois disparue la confrontation entre bloc de l'Ouest et bloc de l'Est par implosion de ce dernier, les fondements d'une nouvelle confrontation stratégique ne se sont pas précisés avec clarté. Les intérêts stratégiques des grands et véritables centres du pouvoir économique ne se sont jusqu'à présent pas exprimés en confrontation stratégique entre Etats, parce qu'ils agissent transversalement à ceux-ci. » [26]
Ceci est une confusion très grave. La guerre impérialiste ne serait plus la confrontation entre capitaux nationaux armés jusqu'aux dents (comme le définissait Lénine), mais le résultat de confrontations entre groupes transnationaux qui utiliseraient les Etats nationaux. Ceux-ci ne seraient plus le centre et les responsables de la guerre mais de simples agents des monstres transnationaux qui « les traverseraient ». Heureusement, BC ne tire pas toutes les conclusions de cette aberration. Heureusement, parce que cela le conduirait à dire que la lutte du prolétariat contre la guerre impérialiste ne serait plus la lutte contre les Etats nationaux mais la lutte pour « libérer » ces derniers de l'emprise des intérêts transnationaux. En d'autres termes, on en viendrait aux vulgaires mystifications gauchistes. Il faut être sérieux, BC doit être cohérent avec les positions de la Gauche communiste. Il doit faire la critique systématique de ses spéculations sur les monopoles et les monstres financiers. Il doit radicalement éliminer de ses mots d'ordre des aberrations telles que « une nouvelle ère caractérisée par la dictature du marché financier s'inaugure » (Prometeo n° 9). Ces faiblesses prêtent le flanc à la pénétration des mystifications bourgeoises telles que la « mondialisation » ainsi que les prétendues oppositions entre intérêts nationaux et intérêts transnationaux, entre Maastricht et intérêts populaires, entre le Traité de libre commerce et les intérêts des peuples opprimés.
Cela peut conduire BC à défendre certaines thèses et mystifications de la classe dominante, donc à participer à l'affaiblissement de la conscience et du combat de la classe ouvrière. Ce n'est sûrement pas le rôle que doit jouer une organisation révolutionnaire du prolétariat.
Adalen, 5 juin 1996.
[2] « Tourmente financière : la folie ? », Revue internationale n° 81, 2e trim.1995.
[3] « Le cynisme de la bourgeoisie décadente », Revue internationale n° 78, 3e trim.1994.
[4] Annuaire du Monde 1996, « Resituation, emploi et inégalité ».
[5] « Ce développement économique ne peut qu'affecter à terme la production des pays les plus industrialisés, dont les Etats s'indignent des pratiques commerciales "déloyales" de ces économies émergentes » (« Résolution sur la situation internationale », Revue internationale n° 82, 3e trim.1995).
[6] Idem.
[7] Annuaire du Monde 1996, « Ce qui va changer avec l'OMC ».
[8] « Une économie rongée par la décomposition », Revue internationale n° 75, 4e trim.1993.
[9] K. Ohmae, « Le Déploiement des économies régionales ».
[10] Idem.
[11] Prometeo, n° 9, « Le capital contre le capital ».
[12] Idem.
[13] Idem.
[14] Idem.
[15] Idem.
[16] Idem.
[17] Boukharine, « L'Economie mondiale et l'impérialisme ».
[18] Prometeo, no 9, « Le capital contre le capital ».
[19] Prometeo no 10, « L'Etat à deux dimensions : la mondialisation de l'économie et l'Etat ».
[20] L'incohérence navrante de BC apparaît au grand jour quand il nous dit que « (...) en réalité, le capitalisme est toujours égal à lui-même et il ne fait rien d'autre que de se réorganiser par auto-conservation selon la ligne du développement de la loi de la baisse tendancielle du taux de profit. » (Prometeo, n° 9)
[21] Prometeo n° 10, « L'Etat à deux dimensions : la mondialisation de l'économie et l'Etat ».
[22] Idem.
[23] Beaucoup d'hommes politiques américains, après avoir occupé divers postes au Sénat ou dans l'administration, deviennent dirigeants de grandes multinationales ; c'est devenu une pratique courante, qui se vérifie aussi en Europe.
[25] Prometeo n° 10, « L'Etat à deux dimensions : la mondialisation de l'économie et l'Etat ».