Résolution sur la situation internationale 2009

Afficher une version adaptée à l'édition sur imprimante

1) Le 6 mars 1991, suite à l'effondrement du bloc de l'Est et de la victoire de la coalition en Irak, le Président George Bush père annonçait devant le Congrès des États-Unis la naissance d'un "Nouvel Ordre mondial" basé sur le "respect du droit international". Ce nouvel ordre devait apporter à la planète paix et prospérité. La "fin du communisme" signifiait le "triomphe définitif du capitalisme libéral". Certains, tel le "philosophe" Francis Fukuyama, prédisaient même la "fin de l'histoire". Mais l'histoire, la vraie et non celle des discours de propagande, s'est dépêchée de ridiculiser ces boniments de charlatan. En fait de paix, l'année 1991 allait connaître le début de la guerre dans l'ex Yougoslavie provoquant des centaines de milliers de morts au cœur même de l'Europe, un continent qui avait été épargné par ce fléau depuis presque un demi-siècle. De même, la récession de 1993, puis l'effondrement des "tigres" et des "dragons" asiatiques de 1997, puis la nouvelle récession de 2002 qui mit fin à l'euphorie provoquée par la "bulle Internet" ont égratigné sensiblement les illusions sur la "prospérité" annoncée par Bush senior. Mais, le propre des discours de la classe dominante aujourd'hui est d’oublier les discours de la veille. Entre 2003 et 2007, la tonalité des discours officiels des secteurs dominants de la bourgeoisie a été à l’euphorie, célébrant le succès du « modèle anglo-saxon » qui permettait des profits exemplaires, des taux de croissance vigoureux du PIB et même une baisse significative du chômage. Il n’existait pas de mots assez élogieux pour célébrer le triomphe de « l’économie libérale » et les bienfaits de la « dérégulation ». Mais depuis l’été 2007 et surtout l’été 2008, ce bel optimisme a fondu comme neige au soleil. Désormais, au centre des discours bourgeois, les mots « prospérité », « croissance », « triomphe du libéralisme » se sont éclipsés discrètement. A la table du grand banquet de l’économie capitaliste s’est installé un convive qu’on croyait avoir expulsé pour toujours : la crise, le spectre d’une « nouvelle grande dépression » semblable à celle des années 30.

2) Aux dires même de tous les responsables bourgeois, de tous les « spécialistes » de l’économie, y compris des thuriféraires les plus inconditionnels du capitalisme, la crise actuelle est la plus grave qu’ait connue ce système depuis la grande dépression qui a débuté en 1929. D’après l’OCDE : « L’économie mondiale est en proie à sa récession la plus profonde et la plus synchronisée depuis des décennies » (rapport intermédiaire de mars 2009). Certains même n’hésitent pas à considérer qu’elle est encore plus grave et que la raison pour laquelle ses effets ne sont pas aussi catastrophiques que lors des années 30 consiste dans le fait que, depuis cette époque, les dirigeants du monde, forts de leur expérience, ont appris à faire face à ce genre de situation, notamment en évitant un chacun pour soi généralisé : « Bien qu’on ait parfois qualifié cette sévère récession mondiale de ‘grande récession’, on reste loin d’une nouvelle ‘grande dépression’ comme celle des années 30, grâce à la qualité et à l’intensité des mesures que les gouvernements prennent actuellement. La ‘grande dépression’ avait été aggravée par de terribles erreurs de politique économique, depuis les mesures monétaires restrictives jusqu’à la politique du ‘chacun pour soi ‘, prenant la forme de protections commerciales et de dévaluations compétitives. En revanche, l’actuelle récession a généralement suscité les bonnes réponses. » (Ibid.).

Cependant, même si tous les secteurs de la bourgeoisie constatent la gravité des convulsions actuelles de l’économie capitaliste, les explications qu’ils donnent, bien que souvent divergentes entre elles, sont évidemment incapables de saisir la véritable signification de ces convulsions et la perspective qu’elles annoncent pour l’ensemble de la société. Pour certains, la responsable des difficultés aiguës du capitalisme est la « finance folle », le fait que se soient développée depuis le début des années 2000 toute une série de « produits financiers toxiques » permettant une explosion des crédits sans garantie suffisante de leur remboursement. D’autres affirment que le capitalisme souffre d’un excès de « dérégulation » à l’échelle internationale, orientation qui se trouvait au cœur des « reaganomics » mises en œuvre depuis le début des années 1980. D’autres enfin, les représentants de la Gauche du capital en particulier, considèrent que la cause profonde réside dans une insuffisance des revenus des salariés, obligeant ces derniers, notamment dans les pays les plus développés, à une fuite en avant dans des emprunts pour être en mesure de satisfaire leurs besoins élémentaires. Mais quelles que soient leurs différences, ce qui caractérise toutes ces interprétations, c’est qu’elles considèrent que ce n’est pas le capitalisme, comme mode de production, qui est en cause mais telle ou telle forme de ce système. Et justement, c’est bien ce postulat de départ qui empêche toutes ces interprétations d’aller au fond de la compréhension des causes véritables de la crise actuelle et de ses enjeux.

3) En fait, seule une vision globale et historique du mode de production capitaliste permet de comprendre, de prendre la mesure et de dégager les perspectives de la crise actuelle. Aujourd’hui, et c’est ce qui est occulté par l’ensemble des « spécialistes » de l’économie, se révèle ouvertement la réalité des contradictions qui assaillent le capitalisme : la crise de surproduction de ce système, son incapacité à vendre la masse des marchandises qu’il produit. Il n’y a pas surproduction par rapport aux besoins réels de l’humanité, lesquels sont encore très loin d’être satisfaits, mais surproduction par rapport aux marchés solvables, en moyens de paiement pour cette production. Les discours officiels, de même que les mesures qui sont adoptées par la plupart des gouvernements, se focalisent sur la crise financière, sur la faillite des banques, mais en réalité, ce que les commentateurs appellent « l’économie réelle » (par opposition à « l’économie fictive ») est en train d’illustrer ce fait : pas un jour ne se passe sans qu’on n’annonce des fermetures d’usines, des licenciements massifs, des faillites d’entreprises industrielles. Le fait que General Motors, qui pendant des décennies fut la première entreprise du monde, ne doive sa survie qu’à un soutien massif de l’État américain, alors que Chrysler est officiellement déclarée en faillite et est passée sous le contrôle de la FIAT italienne, est significatif des problèmes de fond qui affectent l’économie capitaliste. De même, la chute du commerce mondial, la première depuis la seconde guerre mondiale et qui est évaluée par l’OCDE à -13.2% pour 2009, signe l’incapacité pour les entreprises de trouver des acheteurs pour leur production.

Cette crise de surproduction, évidente aujourd’hui, n’est pas une simple conséquence de la crise financière comme essaient de le faire croire la plupart des « spécialistes ». C’est dans les rouages mêmes de l’économie capitaliste qu’elle réside comme l’a mis en évidence le marxisme depuis un siècle et demi. Tant que se poursuivait la conquête du monde par les métropoles capitalistes, les nouveaux marchés permettaient de surmonter les crises momentanées de surproduction. Avec la fin de cette conquête, au début du 20e siècle, ces métropoles, et particulièrement celle qui était arrivée en retard dans le concert de la colonisation, l’Allemagne, n’ont eu d’autre recours que de s’attaquer aux zones d’influence des autres provoquant la première guerre mondiale avant même que ne s’exprime pleinement la crise de surproduction. Celle-ci, en revanche, s’est manifestée clairement avec le krach de 1929 et la grande dépression des années 1930 poussant les principaux pays capitalistes dans la fuite en avant guerrière et dans une seconde guerre mondiale qui a dépassé de très loin la première en termes de massacres et de barbarie. L’ensemble des dispositions adoptées par les grandes puissances au lendemain de celle-ci, notamment l’organisation sous la tutelle américaine des grandes composantes de l’économie capitaliste comme celle de la monnaie (Bretton Woods) et la mise en place par les États de politiques néokeynésiennes, de même que les retombées positives de la décolonisation en termes de marchés ont permis pendant près de trois décennies au capitalisme mondial de donner l’illusion qu’il avait enfin surmonté ses contradictions. Mais cette illusion a subi un coup majeur en 1974 avec la survenue d’une récession violente, notamment dans la première économie mondiale. Cette récession ne constituait pas le début des difficultés majeures du capitalisme puisqu’elle faisait suite à celle de 1967 et aux crises successives de la livre et du dollar, deux monnaies fondamentales dans le système de Bretton Woods. En fait, c’est dès la fin des années 1960 que le néo keynésianisme avait fait la preuve de son échec historique comme l’avaient souligné à l’époque les groupes qui allaient constituer le CCI. Cela dit, pour l’ensemble des commentateurs bourgeois et pour la majorité de la classe ouvrière, c’est l’année 1974 qui marque le début d’une période nouvelle dans la vie du capitalisme d’après guerre, notamment avec la réapparition d’un phénomène qu’on croyait définitivement révolu dans les pays développés, le chômage de masse. C’est à ce moment-là aussi que le phénomène de la fuite en avant dans l’endettement s’est accéléré très sensiblement : à cette époque ce sont les pays du Tiers-Monde qui se sont trouvés aux avants postes de ce celui-ci et ont constitué, pour un temps, la « locomotive » de la relance. Cette situation a pris fin au début des années 1980 avec la crise de la dette, l’incapacité des pays du tiers-monde à rembourser les emprunts qui leur avaient permis pour un temps de constituer un débouché pour la production des grands pays industriels. Mais la fuite dans l’endettement n’a pas pris fin pour autant. Les États-Unis ont commencé à prendre le relais comme « locomotive » mais au prix d’un creusement considérable de leur déficit commercial et surtout budgétaire, politique qui leur était permise par le rôle privilégié de leur monnaie nationale comme monnaie mondiale. Si le slogan de Reagan était alors « l’État n’est pas la solution, c’est le problème » pour justifier la liquidation du néo keynésianisme, l’État fédéral américain, par ses énormes déficits budgétaires a continué de constituer l’agent essentiel dans la vie économique nationale et internationale. Cependant, les « reaganomics », dont la première inspiratrice avait été Margareth Thatcher en Grande-Bretagne, représentaient fondamentalement un démantèlement de « l’État providence », c’est-à-dire des attaques sans précédents contre la classe ouvrière qui ont contribué à surmonter l’inflation galopante qui avait affecté le capitalisme à la fin des années 1970.

Au cours des années 1990, une des « locomotives » de l’économie mondiale a été constituée par les « tigres » et les « dragons » asiatiques qui ont connu des taux de croissance spectaculaires mais au prix d’un endettement considérable qui les a conduits à des convulsions majeures en 1997. Au même moment, la Russie « nouvelle » et « démocratique », qui elle aussi s’est retrouvée en situation de cessation des paiements, a déçu cruellement ceux qui avaient misé sur la « fin du communisme » pour relancer durablement l’économie mondiale. A son tour, la « bulle Internet » de la fin des années 1990, en fait une spéculation effrénée sur les entreprises « high tech », a éclaté en 2001-2002 mettant fin au rêve d’une relance de l’économie mondiale par le développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication. C’est alors que l’endettement a connu une nouvelle accélération, notamment grâce au développement faramineux des prêts hypothécaires à la construction dans plusieurs pays et notamment aux États-Unis. Ce dernier pays a alors accentué son rôle de « locomotive de l’économie mondiale » mais au prix d’une croissance abyssale des dettes, -notamment au sein de la population américaine- basées sur toutes sortes de « produits financiers » censés prévenir les risques de cessation de paiement. En réalité, la dispersion des créances douteuses n’a nullement aboli leur caractère d’épée de Damoclès suspendue au-dessus de l’économie américaine et mondiale. Bien au contraire, elle n’a fait qu’accumuler dans le capital des banques les « actifs toxiques » à l’origine de leur effondrement à partir de 2007.

4) Ainsi, ce n’est pas la crise financière qui est à l’origine de la récession actuelle. Bien au contraire, la crise financière ne fait qu’illustrer le fait que la fuite en avant dans l’endettement qui avait permis de surmonter la surproduction ne peut se poursuivre indéfiniment. Tôt ou tard, « l’économie réelle » se venge, c’est-à-dire que ce qui est à la base des contradictions du capitalisme, la surproduction, l’incapacité des marchés à absorber la totalité des marchandises produites, revient au devant de la scène.

En ce sens, les mesures qui ont été décidées en mars 2009 lors du G20 de Londres, un doublement des réserves du Fond monétaire international, un soutien massif des États au système bancaire en perdition, un encouragement à ces derniers à mettre en œuvre des politiques actives de relance de l’économie au prix d’un bond spectaculaire des déficits budgétaires, ne sauraient en aucune façon résoudre la question de fond. La fuite en avant dans l’endettement est un des ingrédients de la brutalité de la récession actuelle. La seule « solution » que soit capable de mettre en œuvre la bourgeoisie est… une nouvelle fuite en avant dans l’endettement. Le G20 n’a pu inventer de solution à une crise pour la bonne raison qu’il n’existe pas de solution à celle-ci. Il avait pour vocation d’éviter le chacun pour soi qui avait caractérisé les années 1930. Il se proposait aussi de tenter de rétablir un peu de confiance parmi les agents économiques, sachant que celle-ci, dans le capitalisme, constitue un facteur essentiel dans ce qui se trouve au cœur de son fonctionnement, le crédit. Cela dit, ce dernier fait, l’insistance sur l’importance de la « psychologie » dans les convulsions économiques, la mise en scène du verbe face aux réalités matérielles, signe le caractère fondamentalement illusoire des mesures que pourra prendre le capitalisme face à la crise historique de son économie. En fait, même si le système capitaliste ne va pas s’effondrer comme un château de cartes, même si la chute de la production ne va pas se poursuivre indéfiniment, sa perspective est celle d’un enfoncement croissant dans son impasse historique, celle du retour à une échelle toujours plus vaste des convulsions qui l’affectent aujourd’hui. Depuis plus de quatre décennies, la bourgeoisie n'a pas pu empêcher l’aggravation continue de la crise. Elle part aujourd'hui d'une situation bien plus dégradée que celle des années 60. Malgré toute l’expérience qu’elle a acquise au cours de ces décennies, elle ne pourra pas faire mieux mais pire encore. En particulier, les mesures d’inspiration néokeynésiennes qui ont été promues par le G20 de Londres (allant même jusqu’à la nationalisation des banques en difficulté) n’ont aucune chance de rétablir une quelconque « santé » du capitalisme puisque le début de ses difficultés majeures, à la fin des années 1960, résultait justement de la faillite définitive des mesures néokeynésiennes adoptées au lendemain de la seconde mondiale.

5) Si elle a grandement surpris la classe dominante, l’aggravation brutale de la crise capitaliste n’a pas surpris les révolutionnaires. Comme le mettait en avant la résolution adoptée par le précédent congrès international avant même le début de la panique de l’été 2007 : « Dès à présent (…) les menaces qui s'amoncellent sur le secteur des logements aux États-Unis, un des moteurs de l'économie américaine, et qui portent avec elles le danger de faillites bancaires catastrophiques, sème le trouble et l'inquiétude dans les milieux économiques. » (Point 4).

Cette même résolution tordait également le cou aux grandes expectatives suscitées par le « miracle chinois » : « … loin de représenter un "nouveau souffle" de l'économie capitaliste, le "miracle chinois" et d'un certain nombre d'autres économies du Tiers-monde n'est pas autre chose qu'un avatar de la décadence du capitalisme. En outre, l'extrême dépendance de l'économie chinoise à l'égard de ses exportations constitue un facteur certain de fragilité face à une rétractation de la demande de ses clients actuels, rétractation qui ne saurait manquer d'arriver, notamment lorsque l'économie américaine sera contrainte de remettre de l'ordre dans l'endettement abyssal qui lui permet à l'heure actuelle de jouer le rôle de "locomotive" de la demande mondiale. Ainsi, tout comme le "miracle" représenté par les taux de croissance à deux chiffres des "tigres" et "dragons" asiatiques avait connu une fin douloureuse en 1997, le "miracle" chinois d'aujourd'hui, même s'il n'a pas des origines identiques et s'il dispose d'atouts bien plus sérieux, sera amené, tôt ou tard, à se heurter aux dures réalités de l'impasse historique du mode de production capitaliste." (Point 6). La chute du taux de croissance de l’économie chinoise, l’explosion du chômage qu’elle provoque, notamment avec le retour forcé dans leur village de dizaines de millions de paysans qui s’étaient enrôlés dans les bagnes industriels pour tenter d’échapper à une misère intenable, viennent pleinement confirmer cette prévision.

En fait, la capacité du CCI à prévoir ce qui allait se passer ne s’appuie sur aucun « mérite particulier » de notre organisation. Son seul « mérite » consiste en sa fidélité à la méthode marxiste, en la volonté de la mettre en œuvre de façon permanente dans l’analyse de la réalité mondiale, en sa capacité de résister fermement aux sirènes proclamant la « faillite définitive du marxisme ».

6) La confirmation de la validité du marxisme ne concerne pas seulement la question de la vie économique de la société. Au cœur des mystifications qui s’étaient répandues au début des années 1990 résidait celle de l’ouverture d’une période de paix pour le monde entier. La fin de la « guerre froide », la disparition du bloc de l’Est, présenté en son temps par Reagan comme « l’Empire du mal », étaient censé mettre un terme aux différents conflits militaires à travers lesquels s’était mené l’affrontement entre les deux blocs impérialistes depuis 1947. Face à ce type de mystifications sur la possibilité de paix au sein du capitalisme, le marxisme a toujours souligné l’impossibilité pour les États bourgeois de dépasser leurs rivalités économiques et militaires, particulièrement dans la période de décadence. C’est pour cela que, dès janvier 1990, nous pouvions écrire :

« La disparition du gendarme impérialiste russe, et celle qui va en découler pour le gendarme américain vis-à-vis de ses principaux ‘partenaires’ d’hier, ouvrent la porte au déchaînement de toute une série de rivalités plus locales. Ces rivalités et affrontements ne peuvent pas, à l’heure actuelle, dégénérer en un conflit mondial (…). En revanche, du fait de la disparition de la discipline imposée par la présence des blocs, ces conflits risquent d’être plus violents et plus nombreux, en particulier, évidemment, dans les zones où le prolétariat est le plus faible. » (Revue Internationale n° 61, « Après l’effondrement du bloc de l’Est, stabilisation et chaos ») La scène mondiale n’allait pas tarder à confirmer cette analyse, notamment avec la première Guerre du Golfe en janvier 1991 et la guerre dans l’ex Yougoslavie à partir de l’automne de la même année. Depuis, les affrontements sanglants et barbares n’ont pas cessé. On ne peut tous les énumérer mais on peut souligner notamment :

  • la poursuite de la guerre dans l’ex Yougoslavie qui a vu un engagement direct, sous l’égide de l’OTAN, des États-Unis et des principales puissances européennes en 1999 ;

  • les deux guerres en Tchétchénie ;

  • les nombreuses guerres qui n’ont cessé de ravager le continent africain (Rwanda, Somalie, Congo, Soudan, etc.) ;

  • les opérations militaires d’Israël contre le Liban et, tout récemment, contre la bande de Gaza ;

  • la guerre en Afghanistan de 2001 qui se poursuit encore ;

  • la guerre en Irak de 2003 dont les conséquences continuent de peser de façon dramatique sur ce pays, mais aussi sur l’initiateur de cette guerre, la puissance américaine.

Le sens et les implications de la politique de cette puissance ont depuis longtemps été analysés par le CCI :

« … le spectre de la guerre mondiale a cessé de menacer la planète mais, en même temps, on a assisté à un déchaînement des antagonismes impérialistes et des guerres locales avec une implication directe des grandes puissances, à commencer par la première d'entre elles, les États-Unis. Il revenait à ce pays, qui s'est investi depuis des décennies du rôle de ‘gendarme du monde’, de poursuivre et renforcer ce rôle face au nouveau ‘désordre mondial’ issu de la fin de la guerre froide. En réalité, s'il a pris à cœur ce rôle, ce n'est nullement pour contribuer à la stabilité de la planète mais fondamentalement pour tenter de rétablir son leadership sur celle-ci, un leadership sans cesse remis en cause, y compris et notamment par ses anciens alliés, du fait qu'il n'existe plus le ciment fondamental de chacun des blocs impérialistes, la menace d'un bloc adverse. En l'absence définitive de la ‘menace soviétique’, le seul moyen pour la puissance américaine d'imposer sa discipline est de faire étalage de ce qui constitue sa force principale, l'énorme supériorité de sa puissance militaire. Ce faisant, la politique impérialiste des États-Unis est devenue un des principaux facteurs de l'instabilité du monde. » (Résolution sur la situation internationale, 17e congrès du CCI, point 7)

7) L’arrivée du démocrate Barak Obama à la tête de la première puissance mondiale a suscité beaucoup d’illusions sur un possible changement d’orientation de la stratégie de celle-ci, un changement permettant l’ouverture d’une « ère de paix ». Une des bases de ces illusions provient du fait qu’Obama fut l’un des rares sénateurs américains à voter contre l’intervention militaire en Irak en 2003 et qui, contrairement à son concurrent républicain McCain, s’est engagé pour un retrait de ce pays des forces armées américaines. Cependant, ces illusions ont été rapidement confrontées à la réalité des faits. En particulier, si Obama a prévu de retirer les forces américaines d’Irak, c’est pour pouvoir renforcer leur engagement en Afghanistan et au Pakistan. D’ailleurs, la continuité de la politique militaire des États-Unis est bien illustrée par le fait que la nouvelle administration a reconduit dans ses fonctions le Secrétaire à la Défense, Gates, nommé par Bush.

En réalité, la nouvelle orientation de la diplomatie américaine ne remet nullement en question le cadre rappelé plus haut. Elle continue d’avoir pour objectif la reconquête du leadership des États-Unis sur la planète au moyen de leur supériorité militaire. Ainsi, l’orientation d’Obama en faveur de l’accroissement du rôle de la diplomatie a en grande partie pour but de gagner du temps et donc de reculer le moment d’inévitables interventions impérialistes des forces militaires américaines qui sont, actuellement, trop dispersées et trop épuisées pour mener simultanément des guerres en Irak et en Afghanistan

Cependant, comme le CCI l’a souvent souligné, il existe au sein de la bourgeoisie américaine deux options pour parvenir à ces fins :

  • l’option représentée par le Parti Démocrate qui essaie d’associer autant que possible d’autres puissances à cette entreprise ;

  • l’option majoritaire parmi les républicains consistant à prendre l’initiative des offensives militaires et à l’imposer coûte que coûte aux autres puissances.

La première option fut notamment mise en œuvre à la fin des années 1990 par l’administration Clinton dans l’ex Yougoslavie où cette administration avait réussi à obtenir des principales puissances d’Europe occidentale, notamment l’Allemagne et la France de coopérer et participer aux bombardements de l’OTAN en Serbie pour contraindre ce pays à abandonner le Kosovo.

La seconde option est typiquement celle du déclenchement de la guerre contre l’Irak en 2003 qui s’est faite contre l’opposition très déterminée de l’Allemagne et de la France associées en cette circonstance à la Russie au sein du Conseil de Sécurité de l’ONU.

Cependant, aucune de ces deux options n’a été en mesure, jusqu’à présent, de renverser le cours de la perte du leadership américain. La politique du « passage en force », qui s’est particulièrement illustrée durant les deux mandats de George Bush fils, a conduit non seulement au chaos irakien, un chaos qui n’est pas près d’être surmonté, mais aussi à un isolement croissant de la diplomatie américaine illustré notamment par le fait que certains pays qui l’avaient soutenue en 2003, tels l’Espagne et l’Italie, ont quitté le navire de l’aventure irakienne en cours de route (sans compter la prise de distance plus discrète du gouvernement de Gordon Brown par rapport au soutien inconditionnel apporté par Tony Blair à cette aventure). De son côté, la politique de « coopération », qui a la faveur des démocrates, ne permet pas réellement de s’assurer une « fidélité » des puissances qu’on essaie d’associer aux entreprises militaires, notamment du fait qu’elle laisse une marge de manœuvre plus importante à ces puissances pour faire valoir leurs propres intérêts.

Aujourd’hui, par exemple, l’administration Obama a décidé d’adopter une politique plus conciliante à l’égard de l’Iran et plus ferme à l’égard d’Israël, deux orientations qui vont dans le sens de la plupart des États de l’Union Européenne, notamment l’Allemagne et la France, deux pays qui souhaitent récupérer une partie de l’influence qu’ils ont eue par le passé en Iran et en Irak. Cela dit, cette orientation ne permettra pas d’empêcher que se maintiennent des conflits d’intérêt majeurs entre ces deux pays et les États-Unis notamment dans la sphère Est-européenne (où l’Allemagne essaie de préserver des rapports « privilégiés » avec la Russie) ou africaine (où les deux factions qui mettent à feu et à sang le Congo ont le soutien respectif de la France et des États-Unis).

Plus généralement, la disparition de la division du monde en deux grands blocs impérialistes rivaux a ouvert la porte à l’émergence des ambitions d’impérialismes de second plan qui constituent de nouveaux protagonistes de la déstabilisation de la situation internationale. Il en est ainsi, par exemple de l’Iran qui vise à conquérir une position dominante au Moyen-Orient sous le drapeau de la « résistance » au « Grand Satan » américain et du combat contre Israël. Avec des moyens bien plus considérables, la Chine vise à étendre son influence sur d’autres continents, particulièrement en Afrique où sa présence économique croissante vise à asseoir dans cette région du monde une présence diplomatique et militaire comme c’est déjà le cas dans la guerre au Soudan.

Ainsi, la perspective qui se présente à la planète après l’élection d’Obama à la tête de la première puissance mondiale n’est pas fondamentalement différente de la situation qui a prévalu jusqu’à présent : poursuite des affrontements entre puissances de premier ou second plan, continuation de la barbarie guerrière avec des conséquences toujours plus tragiques (famines, épidémies, déplacements massifs) pour les populations habitant dans les zones en dispute. Il faut même s’attendre à ce que l’instabilité que va provoquer l’aggravation considérable de la crise dans toute une série de pays de la périphérie ne vienne alimenter une intensification des affrontements entre cliques militaires au sein de ces pays avec, comme toujours, une participation des différentes puissances impérialistes. Face à cette situation, Obama et son administration ne pourront pas faire autre chose que poursuivre la politique belliciste de leurs prédécesseurs, comme on le voit par exemple en Afghanistan, une politique synonyme de barbarie guerrière croissante.

8) De même que les « bonnes dispositions » affichées par Obama sur le plan diplomatique n’empêcheront pas le chaos militaire de se poursuivre et de s’aggraver dans le monde ni la nation qu’il dirige d’être un facteur actif dans ce chaos, la réorientation américaine qu’il annonce aujourd’hui dans le domaine de la protection de l’environnement ne pourra empêcher la dégradation de celui-ci de se poursuivre. Cette dégradation n’est pas une question de bonne ou mauvaise volonté des gouvernements, aussi puissants soient-ils. Chaque jour qui passe met un peu plus en évidence la véritable catastrophe environnementale qui menace la planète : tempêtes de plus en plus violentes dans des pays qui en étaient épargnés jusqu’à présent, sécheresse, canicules, inondations, fonte de la banquise, pays menacés d’être recouverts par la mer… les perspectives sont de plus en plus sombres. Cette dégradation de l’environnement porte avec elle également une menace d’aggravation des affrontements militaires, particulièrement avec l’épuisement des réserves d'eau potable qui vont constituer un enjeu pour de nouveaux conflits.

Comme le soulignait la résolution adoptée par le précédent congrès international :

« Ainsi, comme le CCI l'avait mis en évidence il y a plus de 15 ans, le capitalisme en décomposition porte avec lui des menaces considérables pour la survie de l'espèce humaine. L'alternative annoncée par Engels à la fin du 19e siècle, socialisme ou barbarie, est devenue tout au long du 20e siècle une sinistre réalité. Ce que le 21e siècle nous offre comme perspective, c'est tout simplement socialisme ou destruction de l'humanité. Voila l'enjeu véritable auquel se confronte la seule force de la société en mesure de renverser le capitalisme, la classe ouvrière mondiale. » (Point 10)

9) Cette capacité de la classe ouvrière à mettre fin à la barbarie engendrée par le capitalisme en décomposition, à sortir l’humanité de sa préhistoire pour lui ouvrir les portes du « règne de la liberté », suivant l’expression d’Engels, c’est dès à présent, dans les combats quotidiens contre l’exploitation capitaliste, qu’elle se forge. Après l’effondrement du bloc de l’Est et des régimes soi-disant « socialistes », les campagnes assourdissantes sur la « fin du communisme », voire sur la « fin de la lutte de classe », ont porté un coup sévère à la conscience au sein de la classe ouvrière de même qu’à sa combativité. Le prolétariat a subi alors un profond recul sur ces deux plans, un recul qui s’est prolongé pendant plus de dix ans. Ce n’est qu’à partir de 2003, comme le CCI l’a mis en évidence en de nombreuses reprises, que la classe ouvrière mondiale a fait la preuve qu’elle avait surmonté ce recul, qu’elle avait repris le chemin des luttes contre les attaques capitalistes. Depuis, cette tendance ne s’est pas démentie et les deux années qui nous séparent du précédent congrès ont vu la poursuite de luttes significatives dans toutes les parties du monde. On a pu voir même, à certaines périodes, une simultanéité remarquable des combats ouvriers à l’échelle mondiale. C’est ainsi qu’au début de l’année 2008, ce sont les pays suivants qui ont été affectés en même temps par des luttes ouvrières : la Russie, l’Irlande, la Belgique, la Suisse, l’Italie, la Grèce, la Roumanie, la Turquie, Israël, l’Iran, l’Émirat de Bahrein, la Tunisie, l’Algérie, le Cameroun, le Swaziland, le Venezuela, le Mexique, les États-Unis, le Canada et la Chine.

De même, on a pu assister à des luttes ouvrières très significatives au cours des deux années passées. Sans prétendre à l’exhaustivité, on peut citer les exemples suivants :

  • en Égypte, durant l’été 2007, où des grèves massives dans l’industrie textiles rencontrent la solidarité active de la part de nombreux autres secteurs (dockers, transports, hôpitaux…) ;

  • à Dubaï, en novembre 2007, où les ouvriers du bâtiment (essentiellement des immigrés) se mobilisent massivement ;

  • en France, en novembre 2007, où les attaques contre les régimes de retraite provoquent un grève très combative dans les chemins de fer, avec des exemples d’établissement de liens de solidarité avec les étudiants mobilisés au même moment contre les tentatives du gouvernement d’accentuer la ségrégation sociale à l’Université, une grève qui a dévoilé ouvertement le rôle de saboteurs des grandes centrales syndicales, notamment la CGT et la CFDT, obligeant la bourgeoisie de redorer le blason de son appareil d’encadrement des luttes ouvrières ;

  • en Turquie, fin 2007, où la grève de plus d’un mois des 26000 travailleurs de Türk Telecom constitue la mobilisation la plus importante du prolétariat dans ce pays depuis 1991, et cela au moment même où le gouvernement de celui-ci est engagé dans une opération militaire dans le Nord de l’Irak ;

  • en Russie, en novembre 2008, où des grèves importantes à Saint-Pétersbourg (notamment à l’usine Ford) témoignent de la capacité des travailleurs à surmonter une intimidation policière très présente, notamment de la part du FSB (ancien KGB) ;

  • en Grèce, à la fin de l’année 2008 où, dans un climat d’un énorme mécontentement qui s’était déjà exprimé auparavant, la mobilisation des étudiants contre la répression bénéficie d’une profonde solidarité de la part de la classe ouvrière dont certains secteurs débordent le syndicalisme officiel ; une solidarité qui ne reste pas à l’intérieur des frontières du pays puisque ce mouvement rencontre un écho de sympathie très significatif dans de nombreux pays européens ;

  • en Grande-Bretagne, où la grève sauvage dans la raffinerie Linsay, au début de 2009, a constitué un des mouvements les plus significatifs de la classe ouvrière de ce pays depuis deux décennies, une classe ouvrière qui avait subi de cruelles défaites au cours des années 1980 ; ce mouvement a fait la preuve de la capacité de la classe ouvrière d’étendre les luttes et, en particulier, a vu le début d’une confrontation contre le poids du nationalisme avec des manifestations de solidarité entre ouvriers britanniques et ouvriers immigrés, polonais et italiens.

10) L’aggravation considérable que connaît actuellement la crise du capitalisme constitue évidemment un élément de premier ordre dans le développement des luttes ouvrières. Dès à présent, dans tous les pays du monde, les ouvriers sont confrontés à des licenciements massifs, à une montée irrésistible du chômage. De façon extrêmement concrète, dans sa chair, le prolétariat fait l’expérience de l’incapacité du système capitaliste à assurer un minimum de vie décente aux travailleurs qu’il exploite. Plus encore, il est de plus en plus incapable d’offrir le moindre avenir aux nouvelles générations de la classe ouvrière, ce qui constitue un facteur d’angoisse et de désespoir non seulement pour celles-ci mais aussi pour celles de leurs parents. Ainsi les conditions mûrissent pour que l’idée de la nécessité de renverser ce système puisse se développer de façon significative au sein du prolétariat. Cependant, il ne suffit pas à la classe ouvrière de percevoir que le système capitaliste est dans une impasse, qu’il devrait céder la place à une autre société, pour qu’elle soit en mesure de se tourner vers une perspective révolutionnaire. Il faut encore qu’elle ait la conviction qu’une telle perspective est possible et aussi qu’elle a la force de la réaliser. Et c’est justement sur ce terrain que la bourgeoisie a réussi à marquer des points très importants contre la classe ouvrière à la suite de l’effondrement du prétendu « socialisme réel ». D’une part, il a réussi à enfoncer l’idée que la perspective du communisme est un songe creux : « le communisme, ça ne marche pas ; la preuve, c’est qu’il a été abandonné au bénéfice du capitalisme par les populations qui vivaient dans un tel système ». D’autre part, il a réussi à créer au sein de la classe ouvrière un fort sentiment d’impuissance du fait de l’incapacité de celle-ci à mener des luttes massives. En ce sens, la situation d’aujourd’hui est très différente de celle qui prévalait lors du surgissement historique de la classe à la fin des années 1960. A cette époque, le caractère massif des combats ouvriers, notamment avec l’immense grève de mai 1968 en France et l’automne chaud italien de 1969, avait mis en évidence que la classe ouvrière peut constituer une force de premier plan dans la vie de la société et que l’idée qu’elle pourrait un jour renverser le capitalisme n’appartenait pas au domaine des rêves irréalisables. Cependant, dans la mesure où la crise du capitalisme n’en était qu’à ses tous débuts, la conscience de la nécessité impérieuse de renverser ce système ne disposait pas encore des bases matérielles pour pouvoir s’étendre parmi les ouvriers. On peut résumer cette situation de la façon suivante : à la fin des années 1960, l’idée que la révolution était possible pouvait être relativement répandue mais celle qu’elle était indispensable ne pouvait pas s’imposer. Aujourd’hui, au contraire, l’idée que la révolution soit nécessaire peut trouver un écho non négligeable mais celle qu’elle soit possible est extrêmement peu répandue.

11) Pour que la conscience de la possibilité de la révolution communiste puisse gagner un terrain significatif au sein de la classe ouvrière, il est nécessaire que celle-ci puisse prendre confiance en ses propres forces et cela passe par le développement de ses luttes massives. L’énorme attaque qu’elle subit dès à présent à l’échelle internationale devrait constituer la base objective pour de telles luttes. Cependant, la forme principale que prend aujourd’hui cette attaque, celle des licenciements massifs, ne favorise pas, dans un premier temps, l’émergence de tels mouvements. En général, et cela s’est vérifié fréquemment au cours des quarante dernières années, les moments de forte montée du chômage ne sont pas le théâtre des luttes les plus importantes. Le chômage, les licenciements massifs, ont tendance à provoquer une certaine paralysie momentanée de la classe. Celle-ci est soumise à un chantage de la part des patrons : « si vous n’êtes pas contents, beaucoup d’autres ouvriers sont prêts à vous remplacer ». La bourgeoise peut utiliser cette situation pour provoquer une division, voire une opposition entre ceux qui perdent leur travail et ceux qui ont le « privilège » de le conserver. De plus, les patrons et les gouvernements se replient derrière un argument « décisif » : « Nous n’y sommes pour rien si le chômage augmente ou si vous êtes licenciés : c’est la faute de la crise ». Enfin, face aux fermetures d’entreprises, l’arme de la grève devient inopérante accentuant le sentiment d’impuissance des travailleurs. Dans une situation historique où le prolétariat n’a pas subi de défaite décisive, contrairement aux années 1930, les licenciements massifs, qui ont d’ores et déjà commencé, pourront provoquer des combats très durs, voire des explosions de violence. Mais ce seront probablement, dans un premier temps, des combats désespérés et relativement isolés, même s’ils bénéficient d’une sympathie réelle des autres secteurs de la classe ouvrière. C’est pour cela que si, dans la période qui vient, on n’assiste pas à une réponse d’envergure de la classe ouvrière face aux attaques, il ne faudra pas considérer que celle-ci a renoncé à lutter pour la défense de ses intérêts. C’est dans un second temps, lorsqu’elle sera en mesure de résister aux chantages de la bourgeoisie, lorsque s’imposera l’idée que seule la lutte unie et solidaire peut freiner la brutalité des attaques de la classe régnante, notamment lorsque celle-ci va tenter de faire payer à tous les travailleurs les énormes déficits budgétaires qui s’accumulent à l’heure actuelle avec les plans de sauvetage des banques et de « relance » de l’économie, que des combats ouvriers de grande ampleur pourront se développer beaucoup plus. Cela ne veut pas dire que les révolutionnaires doivent rester absents des luttes actuelles. Celles-ci font partie des expériences que doit traverser le prolétariat pour être en mesure de franchir une nouvelle étape dans son combat contre le capitalisme. Et il appartient aux organisations communistes de mettre en avant, au sein de ces luttes, la perspective générale du combat prolétarien et des pas supplémentaires qu’il doit accomplir dans cette direction.

12) Le chemin est encore long et difficile qui conduit aux combats révolutionnaires et au renversement du capitalisme. Ce renversement fait tous les jours plus la preuve de sa nécessité mais la classe ouvrière devra encore franchir des étapes essentielles avant qu’elle ne soit en mesure d’accomplir cette tache :

  • la reconquête de sa capacité à prendre en main ses luttes puisque, à l’heure actuelle, la plupart d’entre elles, notamment dans les pays développés, sont encore fortement sous l’emprise des syndicats (contrairement à ce qu’on avait pu constater aux cours des années 1980) ;

  • le développement de son aptitude à déjouer les mystifications et les pièges bourgeois qui obstruent le chemin vers les luttes massives et le rétablissement de sa confiance en soi puisque, si le caractère massif des luttes de la fin des années 1960 peut s’expliquer en bonne partie par le fait que la bourgeoisie avait été surprise après des décennies de contre-révolution, ce n’est évidemment plus le cas aujourd’hui ;

  • la politisation de ses combats, c’est-à-dire sa capacité à les inscrire dans leur dimension historique, à les concevoir comme un moment du long combat historique du prolétariat contre l’exploitation et pour l’abolition de celle-ci.

Cette étape est évidemment la plus difficile à franchir, notamment du fait :

  • de la rupture provoquée au sein de l’ensemble la classe par la contre-révolution entre ses combats du passé et ses combats actuels ;

  • de la rupture organique au sein des organisations révolutionnaires résultant de cette situation ;

  • du recul de la conscience dans l’ensemble de la classe à la suite de l’effondrement du stalinisme ;

  • du poids délétère de la décomposition du capitalisme sur la conscience du prolétariat ;

  • de l’aptitude de la classe dominante à faire surgir des organisations (tel le Nouveau Parti Anticapitaliste en France et Die Linke en Allemagne) qui ont pour vocation de prendre la place des partis staliniens aujourd’hui disparus ou moribonds ou de la Social-démocratie déconsidérée par plusieurs décennies de gestion de la crise capitaliste mais qui, du fait de leur nouveauté, sont en mesure d’entretenir des mystifications importantes au sein de la classe ouvrière.

En fait, la politisation des combats du prolétariat est en lien avec le développement de la présence en leur sein de la minorité communiste. Le constat des faibles forces actuelles du milieu internationaliste est un des indices de la longueur du chemin qui reste encore à parcourir avant que la classe ouvrière puisse s’engager dans ses combats révolutionnaires et qu’elle fasse surgir son parti de classe mondial, organe essentiel sans lequel la victoire de la révolution est impossible.

Le chemin est long et difficile, mais cela ne saurait en aucune façon être un facteur de découragement pour les révolutionnaires, de paralysie de leur engagement dans le combat prolétarien. Bien au contraire !

Vie du CCI: