Les zigzags opportunistes du PCI - "Le Prolétaire"

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Dans le numéro 468 du Prolétaire (août-septembre 2003), organe de presse du Parti Communiste International (PCI), nous trouvons un article intitulé "Après les grèves du printemps, se préparer aux luttes futures" dans lequel cette organisation du courant de la Gauche communiste se livre, au passage, à une attaque en règle contre le CCI. Notre organisation y est en effet mise dans le même sac que les organes d'encadrement de l'Etat bourgeois (les syndicats et les groupuscules trotskistes) et est ouvertement dénoncée comme saboteur de la lutte prolétarienne. La réponse que nous apportons dans le présent article se propose de réfuter les "arguments" du PCI et de rétablir la vérité face à ses falsifications calomnieuses.


Mais avant de répondre aux attaques du Prolétaire contre le CCI, il n'est pas inutile d'examiner son analyse du mouvement de grèves du printemps dernier et de s'arrêter au passage sur l'analyse qu'il nous donne aujourd'hui des grèves de décembre 1995.

 

L'incohérence de l'analyse du PCI

Ainsi, dans le numéro 468 du Prolétaire, on peut lire, à propos du mouvement de grèves du printemps dernier : "Par rapport à 1995, il faut cependant noter un fait positif : à l'époque, la grande majorité des grévistes et des participants aux manifestations n'avaient pu se rendre compte du rôle réel des appareils syndicaux et avaient au contraire jugé positivement leur engagement dans la lutte". Et le PCI en tire la conclusion suivante : "le réformisme était ressorti politiquement renforcé de cette grande vague de lutte."
Ainsi, c'est avec huit ans de retard (mais mieux vaut tard que jamais !) que le PCI a fini enfin par comprendre que le mouvement de décembre 1995 n'était pas un remake de mai 1968. En effet, à l'époque, le PCI avait apporté sa petite contribution aux campagnes de la bourgeoisie en affirmant que ce mouvement était "le plus important du prolétariat français depuis la grève générale de mai-juin 1968". (voir Le Prolétaire n°435).

Aujourd'hui le PCI révise son analyse et nous ne pouvons que nous réjouir de l'entendre affirmer que ce n'est pas la classe ouvrière qui a été renforcée par ce mouvement mais bien le réformisme bourgeois (bien qu'il soit dommage qu'une organisation qui a la prétention de se situer à l'avant garde de la classe ouvrière mette huit ans avant de pouvoir adopter une analyse claire !). Néanmoins, il faut quand même signaler que ce ne sont pas seulement les grévistes qui "ont jugé positivement leur engagement dans la lutte". C'est aussi hélas ! le PCI puisque ce dernier, à l'instar de toutes les forces d'encadrement de la bourgeoisie, avait à l'époque présenté cette défaite de la classe ouvrière comme une victoire en saluant la "force" du mouvement qui aurait, à ses dires, imposé un "recul partiel du gouvernement" (Le Prolétaire n°435).
Une organisation révolutionnaire peut se tromper et revoir a posteriori une analyse qu'elle estimait erronée. C'est peut-être le cas pour le PCI concernant le mouvement de grèves de décembre 1995.
Mais lorsqu'on examine son analyse des grèves du printemps dernier contre les attaques du gouvernement Raffarin, on ne peut être que perplexe de découvrir des contradictions qui ne permettent en aucune façon au lecteur de se faire une idée claire de la position du PCI sur ce mouvement. Ainsi, dans le numéro 467 du Prolétaire (juillet-août 2003) nous pouvons lire que "Quelle que soit l'issue du mouvement en cours au moment où nous écrivons, il ne constitue qu'une escarmouche dans l'affrontement social, dans la lutte des classes (…) Mais si cette lutte de classe est menée de façon consciente et scientifiquement organisée du côté de la classe dominante, il n'en est pas de même du côté de la classe dominée (…) Au-delà de l'issue contingente du mouvement actuel (…) un progrès décisif en direction de la reprise de la lutte de classe aura été accompli lorsque des prolétaires d'avant-garde auront su tirer de l'expérience amère des trahisons des prétendus chefs ouvriers et de l'expérience enthousiasmante de la combativité des masses, la conscience et la volonté de s'atteler au travail de réorganisation classiste du prolétariat"
L'analyse que fait le PCI de ce mouvement qualifié à juste raison d'"escarmouche" est malheureusement immédiatement démentie non pas huit ans plus tard (comme ce fut le cas pour son analyse du mouvement de décembre 1995), mais à peine un mois plus tard. En effet, dans le numéro suivant du Prolétaire (août-septembre 2003), le PCI affirme que "Dans ce mouvement du printemps on a vu pour la première fois depuis longtemps des employés de l'Éducation Nationale, des enseignants, se mobiliser et faire grève non pas sur des revendications corporatistes (…) mais en tant que salariés, en tant que prolétaires. Pour la première fois depuis longtemps on a vu les secteurs combatifs essayer de se donner des formes d'organisation nécessaires à leur lutte (souligné par nous) pour contrer les blocages des appareils syndicaux. Il faut saluer et reconnaître ce que cela représente de positif pour les luttes futures (…). C'est dans cette direction, dans la direction indépendante de classe des travailleurs, de l'utilisation des méthodes et des moyens de lutte classistes (souligné par nous) que devra passer et que passera la reprise de la lutte prolétarienne (…) Il appartiendra aux prolétaires d'avant garde, sur la base des bilans des luttes passées, de s'en pénétrer et de s'en faire les vecteurs au sein de la classe."
Ainsi, d'un côté le PCI affirme que les grèves du printemps dernier n'étaient qu'une "escarmouche" puisque, contrairement à la bourgeoisie, la classe ouvrière n'a pas mené la lutte "de façon consciente et scientifiquement organisée", de l'autre il salue le fait que les travailleurs de l'Éducation nationale se soient dotés de "formes d'organisation nécessaires à leur lutte" (et qu'il se sont donc engagés "dans la direction de l'organisation indépendante de classe" !).
Cette analyse à géométrie variable révèle non seulement l'incohérence de la pensée du PCI, mais surtout la vacuité de son analyse.
Et c'est justement parce que le PCI est totalement incapable d'élaborer la moindre analyse du rapport de forces entre les classes qu'il se livre à de telles contorsions. D'ailleurs il reconnaît lui-même l'indigence de sa pensée lorsqu'il écrit dans le numéro 467 du Prolétaire : "En réalité la gouvernement Raffarin était conscient des risques de déclencher des mouvements de protestation et de grève, et il s'est efforcé de préparer le terrain pour faire passer avec un minimum de vagues son projet. Nous n'en ferons pas ici une analyse détaillée" .
Effectivement, si le PCI s'était donné la peine de mener une petite réflexion sur la façon dont le gouvernement a préparé le terrain pour faire passer ses attaques, il aurait peut-être été amené à reconnaître que la bourgeoisie a élaboré une gigantesque manœuvre "scientifiquement organisée" (comme il l'affirme lui-même très justement) pour faire passer l'attaque sur les retraites. Mais la répulsion primaire et viscérale du PCI pour la méthode marxiste consistant à faire une analyse scientifique de la façon dont la bourgeoisie manoeuvre pour affronter la lutte de classe, ne pouvait que le paralyser et le rendre impuissant à faire une "analyse détaillée" des manœuvres de la classe dominante. Le lecteur ne peut que rester sur sa faim. Si le PCI s'était creusé un peu les méninges, il aurait pu éclairer le lecteur et lui démontrer comment, concrètement, le gouvernement Raffarin "s'est efforcé de préparer le terrain pour faire passer avec un minimum de vagues son projet". Peut-être aurait-il alors compris que pour faire passer l'attaque sur les retraites, le gouvernement, avec la complicité des syndicats et des gauchistes, avait réussi à isoler les travailleurs de l'Education nationale en portant une attaque spécifique à ce secteur (la décentralisation) pour noyer l'attaque centrale contre le système des retraites et empêcher une riposte massive et unie de toute la classe ouvrière.

C'est une responsabilité primordiale des révolutionnaires que d'analyser scientifiquement la stratégie manoeuvrière de la bourgeoisie visant à saboter la lutte prolétarienne et à infliger des défaites cuisantes à la classe ouvrière. La démarche sibylline du PCI consistant à dire les choses à moitié, à ne jamais aller jusqu'au bout de son raisonnement, c'est justement celle de l'opportunisme qui a toujours affiché le plus grand mépris pour la théorie et l'approfondissement politique. C'est bien ce mépris propre au matérialisme vulgaire qu'on trouve dans le sarcasme adressé au CCI dans l'article du Prolétaire n°468. Ainsi le CCI aurait "justifié son refus d'appeler les travailleurs à prendre la lutte en main au nom d'une 'savante analyse' selon laquelle on aurait été en présence d'une manoeuvre de la bourgeoisie visant à infliger une défaite cinglante à la classe ouvrière". Ici le PCI ne se contente pas seulement de colporter le grossier mensonge (sur lequel nous reviendrons plus loin) suivant lequel le CCI aurait refusé d'appeler les travailleurs à prendre la lutte en main, mais il se permet encore de faire de l'ironie sur notre "savante analyse" des manœuvres de la bourgeoisie. Quand on est incapable de faire la moindre analyse cohérente comme le révèle les contradictions contenues dans les numéros 467 et 468 du Prolétaire (et c'est d'autant plus grotesque pour une organisation qui se réclame de "l'invariance" de son programme !), on est mal placé pour faire la leçon au CCI. Le PCI n'aime pas les analyses "savantes". C'est le seul "argument" qu'il est capable d'avancer pour réfuter l'analyse du CCI. Le PCI affirme platoniquement que les "prolétaires d'avant-garde" doivent tirer "des bilans des luttes passées" (Le Prolétaire n°468). Ce ne sont malheureusement que des paroles creuses. Quel bilan le PCI peut-il tirer du mouvement du printemps dernier alors qu'il n'est même pas capable aujourd'hui de répondre à cette question élémentaire : cette lutte s'est-elle oui ou non soldée par une défaite pour la classe ouvrière et quelles leçons cette dernière doit-elle en tirer pour ses combats futurs ? Ce B-A/BA du marxisme, le PCI ne l'a, de toute évidence, pas encore assimilé. C'est bien pour cela que, pour cacher l'indigence de sa pensée et l'incohérence de son "analyse", il ne peut que se gausser de la "savante analyse" du CCI. Cela frise l'indécence que de se réclamer du marxisme tout en affichant son mépris pour les "analyses savantes". Pour sa gouverne, il n'est pas inutile de rappeler au PCI que toute sa vie, Marx a bataillé pour donner à la classe ouvrière les instruments théoriques les plus développés, les plus acérés. Comme il le disait lui-même, c'est pour les ouvriers qu'il a écrit Le Capital et tous ses autres textes. De même, il a lutté avec la plus grande énergie contre ceux, notamment les "artisans communistes" (dans la Ligue des Justes), qui méprisaient la réflexion théorique dans le combat du prolétariat 1.

 

Les contorsions opportunistes du PCI

Quant à l'affirmation de nos "artisans communistes" du PCI suivant laquelle les travailleurs de l'Éducation nationale se seraient dotés de "formes d'organisation nécessaires à leur lutte" allant dans la direction d'une "indépendance de classe", elle appelle plusieurs remarques :
- de quelles formes d'organisation s'agissait-il ? Là encore le PCI reste muet, incapable d'en faire la moindre "analyse détaillée". S'il évite de se prononcer clairement c'est encore pour masquer son opportunisme indécrottable sur la question syndicale et son rôle de porteur d'eau du syndicalisme "radical", "à la base";
- en effet, les seules formes d'organisation que nous avons vu apparaître dans ce mouvement (assemblées générales, comités de grève, coordinations) étaient totalement mises en place, contrôlées et dirigés par les syndicats et leurs bases trotskistes. Les AG étaient-elles souveraines ? Les travailleurs en lutte se sont-ils organisés en dehors et contre les syndicats ? Certainement pas ! En se refusant à admettre la réalité des faits, le PCI veut nous faire prendre des vessies pour des lanternes;
- ce que le PCI dénonce dans sa presse, ce ne sont pas les syndicats et le syndicalisme sous toutes ses formes, mais uniquement les "appareils syndicaux" les "bonzeries syndicales", les "directions syndicales";
- ce faisant, il ne fait rien d'autre que reprendre à son compte le même refrain que les trotskistes. Et c'est justement pour cela qu'il a vu dans ce mouvement des "formes d'organisation nécessaires à la lutte pour contrer les blocages des appareils syndicaux". C'est exactement la position défendue par les amis d'Arlette Laguiller dans le forum qu'il ont tenu à la dernière Fête de LO sur la grève des travailleurs de l'Education nationale. Ce n'est pas un hasard si le PCI (qui était pourtant présent sur les lieux) ne s'est pas donné la peine de faire entendre sa voix dans ce forum pour dénoncer les manœuvres des trotskistes et les "formes d'organisation" (notamment les coordinations) qu'ils avaient mises en place pour les vider de tout contenu de classe et pour empêcher toute tentative de prise en main de la lutte par les ouvriers eux-mêmes. Faire croire, comme le fait le PCI, que grâce à ces "formes d'organisation", les travailleurs de l'Education nationale se seraient engagés dans la voie de "l'indépendance de classe" est une attitude totalement irresponsable et indigne d'une organisation révolutionnaire. C'est du pur collaborationnisme avec les forces d'encadrement de l'Etat bourgeois !

Lénine disait que "la patience et l'humour sont les principales qualités des révolutionnaires." Pour notre part, nous sommes prêts à donner rendez-vous au PCI dans huit ans : peut-être sera-t-il capable, comme pour le mouvement de décembre 1995, de réviser sa copie et de comprendre que la lutte menée par les travailleurs de l'Éducation nationale était en réalité totalement contrôlée et encadrée par les syndicats et leurs valets trotskistes (et qu'elle n'a pas "renforcé la classe ouvrière" mais le réformisme bourgeois !). Nous ne désespérons pas de voir un jour le PCI surmonter ses ambiguïtés et aller un peu plus loin dans sa réflexion. Avec un peu de chance, peut-être finira-t-il un jour par reconnaître clairement que le mouvement du printemps dernier (tout comme celui de décembre 1995) s'est soldé par une défaite cinglante pour la classe ouvrière qui a permis à la classe dominante, grâce à sa stratégie "consciente et scientifiquement organisée" non seulement de faire passer son attaque sur les retraites, mais encore d'annoncer, sans risque d'explosion sociale, toute une série de mesures anti-ouvrières dès la rentrée de septembre.
Pour notre part, nous estimons que c'est la condition pour que le PCI puisse se hisser à la hauteur de ses ambitions : devenir LE parti "compact et puissant" dont a besoin la classe ouvrière pour remplir sa mission historique de renversement du capitalisme.
Dans la deuxième partie de cet article qui paraîtra dans le prochain numéro de RI, nous répondrons aux calomnies déversées par Le Prolétaire n°468 contre le CCI.

GL


1 C'est sur cette question que s'est produite la rupture entre Marx et Engels d'un côté, et Weitling de l'autre, le 30 mars 1846, lors d'une réunion du comité de correspondance communiste de Bruxelles. Weitling n'était pourtant pas n'importe qui : c'était un des principaux fondateurs de la Ligue des Justes qui devint par la suite la Ligue des Communistes sur mandat de laquelle Marx et Engels ont rédigé rien de moins que le Manifeste communiste. Mais à cette réunion, Weitling avait affirmé que, dans le combat contre la société capitaliste, les ouvriers n'arriveraient à rien par des analyses abstraites (ou des "analyses savantes"). Comme l'écrit un participant à cette réunion : " A ces derniers mots, Marx, absolument furieux, frappa du poing sur la table, si fort que la lampe en trembla et, se levant d'un bond, il s'écria : "Jusqu'à présent l'ignorance n'a jamais servi à personne !'" ( Voir La vie de Karl Marx par Boris Nicolaïevski).

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