Soumis par Révolution Inte... le
C'est à grand renfort de publicité que l'ensemble des médias ont annoncé l'accord électoral survenu entre Lutte Ouvrière (LO) et la Ligue Communiste Révolutionnaire (LCR) en novembre dernier. Afin de redonner du crédit au cirque électoral auprès des ouvriers, l'ensemble des médias bourgeois ont littéralement propulsé sur le devant de la scène l'alliance entre Arlette Laguiller et Olivier Besancenot comme ce que l'on fait de mieux en ce moment du point de vue de l'opposition aux attaques du gouvernement Raffarin. Ce "bloc anticapitaliste" nous dit-on, incarnerait la défiance vis-à-vis de la gauche officielle. Comme gage de la sincérité du couple trotskiste, la propagande insiste sur le fait que cette fois, contrairement aux élections passées il n'y aura pas de consigne de vote à gauche au second tour, sauf dans les cas où Le Pen serait en mesure de l'emporter. Comme le dit le député européen de la LCR, Krivine, "c'est à la gauche d'aller elle-même gagner ses voix. Nous ne serons plus ses ramasseurs de balles".
Face à une telle promotion (commerciale), quel crédit les ouvriers peuvent-ils accorder à ce produit électoral que constitue le tandem Laguiller-Besancenot. Autrement dit, LO et la LCR sont-elles des organisations révolutionnaires comme elles le prétendent ?
D'abord, lorsque les médias bourgeois font autant de publicité autour d'un événement, en l'occurrence pour promouvoir le vote trotskiste aux prochaines élections régionales et européennes, les ouvriers ne peuvent qu'exprimer d'emblée une certaine méfiance. Si LO et la LCR étaient réellement des organisations authentiquement révolutionnaires cherchant à détruire le capitalisme, comment expliquer que l'Etat bourgeois fasse autant de publicité à de tels "adversaires". Au-delà des paillettes médiatiques et des slogans enflammés, la nature de classe d'une organisation politique du prolétariat se juge sur sa défense de l'internationalisme prolétarien, sa filiation historique et sa pratique politique.
LO-LCR, derniers défenseurs du stalinisme
LO et la LCR comme la plupart des organisations trotskistes depuis la Seconde Guerre mondiale et jusqu'à l'effondrement du stalinisme à la fin des années 1980, ont toujours défendu de façon "critique" que les régimes staliniens du bloc de l'Est et en particulier la Russie n'étaient pas capitalistes et qu'ils représentaient quelque chose de progressiste pour le prolétariat. C'est au nom d'ailleurs de la soi-disant défense des "acquis" de la révolution d'Octobre que la plupart des groupes trotskistes dont les ancêtres de LO et de la LCR, trahiront l'internationalisme prolétarien pour participer à l'embrigadement des ouvriers dans la Deuxième Guerre mondiale, véritable boucherie qui a fait plus de 50 millions de victimes 1. En laissant planer un doute sur le fait que le stalinisme puisse avoir quelque chose de commun avec la révolution de 1917, le trotskisme a participé activement au plus grand mensonge du siècle visant à assimiler le stalinisme au communisme. Pour la Gauche communiste, c'est dès les années 1930 qu'elle affirmait sans ambiguïté qu'il ne subsistait plus en URSS le moindre acquis de la révolution d'Octobre et qu'elle dénonçait le stalinisme. Dans toute l'histoire humaine, le stalinisme constitue le phénomène certainement le plus tragique et haïssable qui ait jamais existé. Outre qu'il est responsable du massacre de dizaines de millions d'êtres humains, il a instauré pendant des décennies une terreur implacable sur près d'un tiers de l'humanité, mais aussi, et surtout, parce qu'il s'est illustré comme le pire ennemi de la révolution communiste, falsifiant la réalité en se prétendant être le continuateur de la révolution bolchevik de 1917 alors qu'il en est son fossoyeur 2.
Avec l'effondrement du bloc stalinien sous les effets de la crise économique mondiale, LO n'a pas modifié son soutien critique au stalinisme, au contraire, elle persiste et renouvelle sa profession de foi. "Nous continuerons à défendre que l'Union Soviétique représentait une réalité sociale positive, même au temps de Staline ou après, car son développement industriel plus rapide qu'ailleurs (…) était dû à l'héritage de la révolution prolétarienne de 17" (Lutte de Classe n°50, novembre 1992). LO continue donc à défendre le capitalisme d'Etat stalinien. Quant à la LCR, dès l'effondrement du bloc de l'Est, elle avait effectué un virage à 180° dénonçant haut et fort "l'abomination stalinienne qui a détruit les conquêtes d'Octobre" alors que jusqu'en 1989 elle défendait bec et ongles que l'URSS était un "Etat ouvrier dégénéré". Depuis, la LCR n'a eu de cesse de gommer progressivement ses attributs staliniens. L'abandon par son dernier congrès de la dictature du prolétariat dans son programme, au grand dam de LO, n'est que l'aboutissement d'une démarche qui vise à attirer un public plus large dans ses rangs. Outre les déçus de tous les partis de gauche, la LCR a élargi son fonds de commerce au mouvement altermondialiste. Pour autant, la LCR n'a pas abondonné son soutien critique au stalinisme. Dans un article publié dans la rubrique débats de son site Internet intitulé "Alors, toujours trotskistes ?", la LCR perpétue le mythe de "l'Etat ouvrier bureaucratiquement dégénéré" en déclarant à propos de l'effondrement des partis staliniens dans les pays de l'Est que "Les révolutions démocratiques n'ont pas débouché sur la révolution politique, le retour des conseils ouvriers que nous pronostiquions, mais sur la restauration du capitalisme !" La LCR persiste et signe. En URSS, ce n'était pas du capitalisme d'Etat, mais quelque chose qui aurait à voir avec la lutte du prolétariat.
Et c'est la même attitude de soutien critique que LO et la LCR emploient vis-à-vis des partis de gauche du capital.
La fonction des gauchistes est toujours de masquer la nature bourgeoise de la gauche
Depuis un certain nombre d'années, les trotskistes sont obligés de dénoncer et critiquer les différents gouvernements de la gauche plurielle, du fait de la méfiance croissante de la classe ouvrière à l'encontre de ces mêmes partis de gauche qui n'ont eu de cesse d'attaquer les conditions de vie du prolétariat. Ce radicalisme verbeux ne doit pas nous faire oublier que, par le passé, ils n'ont pas hésité à soutenir ouvertement cette gauche invoquant comme prétexte que la classe ouvrière avait encore des illusions sur celle-ci. Ainsi lors des élections présidentielles de 1974 et 1981, LO a appelé à voter Mitterrand au second tour, même si en 1981 c'était un appel "sans illusion mais sans réserve". En 1988, LO proposait une alliance électorale au PCF pour les législatives et en 1995, LO et le PCF faisaient des listes communes pour les municipales dans trois villes, dont Sochaux, grande cité ouvrière. La LCR de son côté a régulièrement frayé avec les partis de gauche, et systématiquement elle proposait la fusion de ses listes avec l'ensemble des partis de gauche au second tour, quelle que soit l'élection. C'est d'ailleurs ce que regrette ouvertement une tendance dans la LCR, qui s'est exprimée dans le sens de maintenir cette position lors de son dernier congrès. (cf. Rouge du 6 novembre).
Aujourd'hui, le discrédit des partis de gauche est tellement profond dans la classe ouvrière que les trotskistes n'ont pas d'autre choix de se démarquer de cette gauche s'ils veulent garder un certain crédit auprès des ouvriers. En même temps, ils continuent leur sale boulot anti-ouvrier en maintenant l'ambiguïté sur la nature de ces mêmes partis de gauche. Ainsi la LCR affirme qu'elle "n'a jamais tiré de trait d'égalité entre la gauche et la droite" ou mieux encore, Krivine se défend, suite à son alliance avec LO, de vouloir s'en prendre à l'ex-gauche plurielle. "Ce n'est pas Hollande notre adversaire, mais Raffarin et le baron Seillère" (Libération du 4 novembre). LO va même jusqu'à dire à propos de la gauche que dans l'opposition aujourd'hui "elle se garde bien de prendre des engagements vis-à-vis des travailleurs, ne serait-ce que celui de supprimer dés son retour éventuel au pouvoir toutes les mesures anti-ouvrières prises par le gouvernement Chirac-Raffarin" ( Lutte Ouvrière du 7 novembre). Mais de qui se moque t'on ? La gauche au gouvernement non seulement n'est jamais revenue sur les mesures prises par des gouvernements de droite, mais elle a pris des mesures similaires voire pire, conformément aux besoins du capital français.
Un programme électoral qui sème l'illusion que le capitalisme peut être réformé
En guise de "programme commun", les trotskistes ont repris les éléments de ce qu'ils ont appelé pour d'autres élections le "programme d'urgence pour les travailleurs" où les revendications essentielles sont "l'interdiction absolue des licenciements collectifs et la réquisition des entreprises qui licencient tout en faisant du profit, et surtout, le contrôle public de la collectivité sur la comptabilité des grandes entreprises, etc…". (Le Monde du 1er novembre) Ce qui est édifiant dans ce programme, c'est qu'il ressemble à ce que la gauche avait promis aux ouvriers dans les années 1970 (Mitterrand disait en 1981 qu'il fallait "opérer une rupture avec le capitalisme"). Le PCF ne disait pas autre chose quand il parlait de "faire payer les riches" où de s'attaquer aux "200 familles" qui gouvernent le pays. Selon nos trotskistes, en s'opposant à la logique capitaliste au sein du système, à travers des mesures visant à le rendre moins injuste, on ferait faire à la classe ouvrière des pas en avant vers l'instauration du socialisme. Tous les partis de gauche ont semé par le passé le même type d'illusions, poussant les ouvriers à lutter pour réformer le capitalisme. Des générations d'ouvriers se sont épuisés dans cette impasse et les trotskistes appellent à continuer dans cette logique. Faire croire que le chômage est le fait de la cupidité des patrons, c'est masquer à la classe ouvrière la situation réelle de la crise du capitalisme. S'il jette sur le pavé des millions de prolétaires, alors que c'est justement de l'exploitation de ceux-ci qu'il tire ses profits, c'est justement parce que la réalisation de tels profits est de plus en plus limitée du fait de la crise mondiale de surproduction. 3 Contrairement aux mensonges que véhiculent LO et la LCR, le prolétariat ne peut conquérir de réformes et d'avantages durables dans le capitalisme. Sa capacité de résister aux attaques capitalistes, il ne peut la trouver que dans ses luttes de résistance, dans son unité croissante, dans le développement de sa conscience de la faillite du système qui entraîne l'humanité à sa perte.
Une alliance électorale au service de l'Etat bourgeois
Comme nous venons de le voir, les ouvriers n'ont rien à attendre du point de vue de la défense de leurs intérêts de l'alliance LO-LCR. La médiatisation de la candidature trotskiste s'inscrit pleinement dans le dispositif anti-ouvrier que la bourgeoisie française met en place pour les prochaines échéances électorales. Il s'agit de redonner un certain crédit à la campagne électorale, compte tenu de l'usure des programmes des partis de droite et de gauche et du fort taux d'abstention que suscitent les élections européennes. Par ailleurs, l'approfondissement de la crise économique et les attaques frontales contre la classe ouvrière (retraite, santé, chômage) ne peuvent que provoquer une réflexion en profondeur et donc une conscience croissante de la faillite du capitalisme parmi les ouvriers. Même si les syndicats ont démontré leurs capacités de pouvoir encadrer pour le moment la situation sociale, comme nous l'avons vu lors des grèves du printemps dernier, cela n'est pas suffisant. Pour empêcher et dévier cette prise de conscience naissante dans la classe ouvrière un réformisme "radical", la bourgeoisie a besoin de ses fractions d'extrême gauche. En effet le PCF s'enfonce dans une irrémédiable agonie depuis la chute du stalinisme et le PS malgré ses capacités gouvernementales, ne s'est pas remis de la défaite de Jospin et il est incapable pour le moment d'avoir un langage crédible en tant qu'opposition au gouvernement.
C'est la raison essentielle de cette candidature unie des trotskistes : venir au secours de la gauche. C'est ce que dit Krivine, "Aujourd'hui on est dans une situation où les attaques de la droite et du patronat sont sans précédent et où, en face, on a une gauche paralytique car plombée par son bilan. Il faut répondre à cela." ( Le Monde du 1er novembre) C'est clair, LO et la LCR viennent combler un vide idéologique du fait des difficultés de la gauche. Effectivement, les trotskistes ne sont pas que des "ramasseurs de balles" pour la gauche. L'Etat bourgeois ne s'y trompe pas et c'est pour cela qu'il n'hésite pas à confier les premiers rôles du prochain cirque électoral au tandem trotskiste. Compte tenu de leur verbiage pseudo-révolutionnaire et du fait qu'ils n'ont jamais participé à un gouvernement, l'alliance trotskiste est le cheval de Troie idéal pour répandre le poison réformiste dans la classe ouvrière alors que la faillite du capitalisme pose la nécessité de sa destruction.
Donald ( 27 novembre)
1 Voir notre brochure "Le Trotskisme contre la classe ouvrière"
2 Voir notre Revue Internationale n°60, consacrée à l'effondrement du bloc de l'Est et à la faillite définitive du stalinisme.
3 Voir notre article "Seule l'abolition du salariat en finira avec les licenciements", RI n°314, juillet/août 2001