Investiture de Ségolène Royal : en costume ou en tailleur, le PS reste un ennemi de la classe ouvrière

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La campagne pour l’investiture socialiste en vue des prochaines élections présidentielles a ENFIN touché son but et the winner is… Ségolène Royal. Le 16 novembre, le beaujolais nouveau est arrivé, le candidat PS aussi !

L’éléphant accouche de sa souris mais diable que ce fût long et bruyant ! Il aura fallu presqu’un an de gestation et surtout de gesticulations pour en arriver à ce résultat. De l’éclosion à l’explosion médiatique de Madame Royal, jusqu’au bouquet final de la "guerre des 3 roses" (opposant Fabius, Royal et DSK au cours de 6 débats publics dont 3 diffusés sur les chaînes parlementaires), en passant par la capitulation de Jack Lang et celle de Lionel Jospin, l’épopée des candidats à la candidature socialiste nous aura été présentée sous toutes les coutures.

Sur le modèle des primaires américaines et italiennes, la bourgeoisie française a très clairement voulu faire de ces élections internes au Parti Socialiste un enjeu colossal ! "Mais qui sera le candidat désigné pour défendre les couleurs du PS en 2007 ?" La question n’a pas cessé de tourner en boucle sur les plateaux de télé, dans la presse et sur Internet. Depuis le mois de septembre, pas moins de 25 sondages ont été commandés et diffusés sur ce thème. Certains journaux, à l’image du Parisien, en ont tellement abusé qu’ils ont fini par décider de "lever le pied" pour ne pas donner l’impression de participer "à la canonnade sondagière".

Le soir du 16 novembre, la tension était donc fatalement à son comble… jusqu’à l’écrasante victoire du clan Royal. Evidemment, cette mise en haleine et ce suspense quasi hitchcockien ne pouvaient viser qu’un seul objectif, celui d’embrouiller les consciences en suscitant le maximum d’intérêt pour les élections présidentielles à venir. Ainsi, à la veille du vote interne, Madame Royal, savante dans l’art de faire monter la pression, déclarait solennellement dans une ultime vidéo : "Le 16 novembre c’est déjà le premier tour du vote de 2007." Rien que ça !

Monsieur Hollande (candidat plus que sérieux au titre de "première dame de France") ne s’est pas trompé en qualifiant de "belle réussite" cette "procédure inédite" de sélection du prétendant socialiste au trône élyséen.

En effet, pour la classe dominante, ce déluge médiatique est une "belle réussite" parce qu’il permet de raviver la vieille illusion selon laquelle le bulletin de vote peut être source de changement et d’avenir.

"Aux urnes citoyens !" ; la bourgeoisie découvre avec le cirque pré-électoral des primaires, un excellent moyen de polariser les esprits (bien avant l’heure) sur ce même choix pourri qu’elle nous resservira d’ici quelques mois : "Alors ? La peste ou le choléra ?"

Rien de neuf au PS, toujours le même projet…

Au cours de cette campagne interne au PS, la bourgeoisie a tenté de nous faire croire que trois gauches s’affrontaient avec trois "projets d’avenir" radicalement différents. "Laurent Fabius incarne un socialisme étatique et républicain de gauche, Dominque Strauss-Kahn une social-démocratie rénovée, tandis que Ségolène Royal prône une démocratie participative…" (Le Monde du 9 novembre 2006). Au bout du compte, ce qui devait impérativement ressortir de cette campagne, c’est l’image d’une "renaissance du PS", "plus à gauche", "plus moderne", "plus démocratique" ou "plus de n’importe quoi", peu importe pourvu que l’on fasse avaler aux travailleurs que quelque chose de neuf s’est produit à gauche et peut encore se produire pour leur propres destinées s’ils votent judicieusement pour cette "promesse d’avenir" en 2007.

"Le PS nouveau est arrivé" et il faut bien dire que le triomphe de Ségolène Royal reste l’option la plus crédible pour donner chair à cette supercherie. "Parce que c’est ELLE", comme l’a dit Jack Lang ; parce qu’ "une femme enfin est en mesure de l’emporter à la présidentielle !", d’après Libération ; "le peuple français est en train d’écrire une nouvelle page de son histoire", selon Madame Royal en personne. Voilà la nouveauté ? La belle affaire ! Une femme chef de file du PS et, peut-être, présidente. En quoi cela changerait-il la nature du PS et la face du monde ? C’est simple… en rien !

… défendre le capital national et frapper sur les ouvriers

DSK, Fabius et Royal ont eu beau faire des ronds de jambes sur le trottoir de la rue Solférino pour aguicher le chaland, on ne sait que trop bien l’odeur fétide de leur camelote.

La reconversion sur le tard de Monsieur Fabius en chantre du "socialisme vraiment social" ("si, si, cette fois c’est promis, on vous le jure !") ne fait que difficilement illusion. Il faut dire que l’animal a un pedigree plutôt gratiné.

"Pour ceux qui sont en haut du panier tout va très bien, ils ont tout […] Et les autres ?"

"Je me suis toujours senti proche des pauvres…". Ce doit être pour cela que ce bon Fabius, Premier ministre de 1984 à 1986, avec ses copains "socialos", a lancé le fameux "plan acier" en 1984. Un plan de restructuration du secteur sidérurgique (sous couvert de "modernisation" industrielle) qui a laissé sur le carreau des milliers d’ouvriers. La Lorraine se souvient encore de cette suppression massive d’emplois. Un an plus tard, il lancera les TUC (travaux d’utilité collective) rémunérés à la moitié du SMIC. Voilà le Fabius authentique, pionnier de la précarisation du travail. Alors, quand il se présente en 2006 avec pour slogan "à gauche toute", on ne peut s’empêcher de penser que sa reconversion aurait été plus simple et naturelle… sur la voie du grand comique.

Quant à Royal et DSK, ils ont un passé tout aussi remarquable en tant que têtes d’affiche de cette gauche plurielle conduite par Jospin en 1997. Une gauche qui a su nous prouver, une nouvelle fois au pouvoir, tout ce qu’elle avait de "social" à travers sa chasse aux immigrés, la flexibilisation du travail, l’intensification des cadences de production via l’instauration des 35h (inspirées par DSK alors ministre de l’économie) ou encore la réforme du système de santé entamée par Martine Aubry.

Le PS a-t-il aujourd’hui un programme différent de celui d’hier ? Peut-il proposer une autre politique que celle consistant à taper toujours plus fort sur les travailleurs ? Il est évident que non ! Le projet du PS adopté au congrès du Mans en novembre 2005, démagogique à souhait comme il se doit en ces circonstances électorales, nous laisse cependant un avant-goût des prochaines rafales qu’il réserve à la classe ouvrière. Ainsi, le programme d’entrée dans la vie active, nommé plantureusement EVA, n’augure rien moins qu’un retour du CPE… à la sauce Royal bien entendu.

Les propositions avancées par la candidate socialiste ne laissent d’ailleurs subsister aucun doute quant à la nature irrémédiablement anti-ouvrière du PS. "Il est devenu insupportable de défaire la nuit ce que Pénélope a fait le jour. Je ne déferai pas pour le plaisir ce qu’a fait la droite." (Ségolène Royal interviewée par les lecteurs du Parisien dans son édition du 23 février)

Précarité, flexibilité et flicage… le la est donné par cette autre brave Pénélope fidèle à son Parti et à sa classe, celle des exploiteurs.

Dans un entretien au Financial Times, le 2 février, Royal expliquait en effet que "Tony Blair a été caricaturé en France, cela ne me dérange pas de me référer à certaines de ses idées… il a obtenu un véritable succès en mettant en avant plus de flexibilité…"

De même, Ségolène Royal compte plus que jamais poursuivre les suppressions de postes dans le secteur public. Sa déclaration au sujet du temps de travail des enseignants lors d’une réunion socialiste à huis clos, diffusée sauvagement sur fonds de règlements de compte par le clan Strauss-Khan, est de ce point de vue très explicite : "… moi j’ai fait une proposition, par ailleurs je vais pas encore la crier sur les toits… que les enseignants restent 35h au collège…" Ne pas remplacer les départs d’enseignants, administratifs ou surveillants, implique effectivement d’augmenter le temps de présence et la charge de travail des profs. Tout ceci s’inscrit logiquement dans la politique du dégraissage, l’interminable cure d’amaigrissement des effectifs de l’Education Nationale.

Aussi, la nouvelle star du PS n’a pas oublié de s’exprimer sur le flicage de la classe ouvrière en planifiant d’ores et déjà le renforcement de l’encadrement syndical. Il faut dire que l’idée de départ de Madame Royal était ni plus ni moins que l’adhésion obligatoire aux syndicats. Enfin, la chasse aux immigrés sera toujours de mise (cela va sans dire) mais "dans le respect de la personne", les clandestins sauront apprécier cette délicate attention.

"Exploitation, ordre et sécurité", c’est tout le programme de ce "socialisme rénové" et de sa candidate. "L’ordre juste" (formule de campagne de Ségolène Royal) ou "juste l’ordre", c’est effectivement l’essence du projet de la social-démocratie et cela depuis qu’elle est passée avec armes et bagages, il y a près d’un siècle, dans le camp de la défense du capital.

Azel (18 novembre 2006)

 

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