Emigration : Les Etats démocratiques dressent un "rideau de fer" contre l'immigration clandestine

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A l’automne 2005, nous avons pu assister à des scènes aussi abominables qu’écœurantes sur les frontières Sud de l'Europe. Autour des enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla, au nord du Maroc, des centaines d’émigrants se lancent par vagues successives dans une course désespérée pour escalader les immenses grilles qui gardent la frontière. On se souvient encore des images de ces êtres humains littéralement empalés sur les grilles barbelées, fauchés par les balles de la police autant espagnole que marocaine, ou largués en plein désert comme des chiens galeux [1].
Aujourd’hui, c’est sur les plages "paradisiaques" des îles Canaries, dans l’ Atlantique, que viennent s’échouer les émigrants qui essayent d’entrer en Espagne pour fuir la misère et la barbarie des conflits guerriers dans leur pays d’origine.

Rien que depuis janvier 2006, plus de 10.000 personnes sont arrivées sur les côtes des Canaries dans des embarcations de (bien mauvaise) fortune. Au mois de mai, ils étaient presque 5.000 et il faut en compter au moins autant qui n’arrivent jamais nulle part, perdus et condamnés à mort au beau milieu de l’océan ; des hommes, des femmes et leurs enfants, sans eau, sans vivres, épuisées par les morsures d’un soleil de plomb.
Début juin, une embarcation à la dérive a été retrouvée à la Barbade, dans les Caraïbes, à plus de 5 000 km des côtes africaines, avec 11 cadavres momifiés. Une soixantaine de sénégalais s’étaient embarqués aux Iles du Cap Vert sur un rafiot affrété par une crapule locale. Après les avoir plumés de 1500 euros par personne, ce rapace mafieux les a purement et simplement abandonné à leur triste sort. Sur le bateau à la dérive, un passager a alors lancé un appel au secours avec un téléphone portable mais le seul "secours" reçu a été celui d’un cargo (sans doute de mèche avec le négrier) qui les a repoussé encore plus vers le large !
Sur 2000 km de côtes, entre le sud du Maroc, la Mauritanie et le Sénégal, ils sont des dizaines de milliers qui attendent qu’un "passeur" vienne leur proposer de les amener au paradis d’occident.

 

La seule réponse de la bourgeoisie : la répression !

L’Union Européenne, à la rescousse d’un gouvernement espagnol "débordé" par l’afflux de migrants, a organisé une Conférence, avec les pays d’Afrique concernés, pour préparer une réunion euro-africaine, en juillet, sur l’immigration. Lors de cette réunion préparatoire, il a été décidé de faire patrouiller les forces armées espagnoles, appuyées par d’autres pays d’Europe, devant les côtes africaines pour interdire tout départ d’embarcation vers les Canaries. Les Etats africains concernés feront désormais de la "sous-traitance" et l’Europe s’engage de son côté à "financer des centres d'accueil en Mauritanie et au Sénégal". Pour dire les choses plus clairement, les Etats africains seront subventionnés par nos belles et généreuses démocraties occidentales pour faire de la "rétention" dans des camps de type concentrationnaire avant de renvoyer, manu militari, les émigrés à leur pays d’origine. Le message européen est on ne peut plus simple : "il faut prendre exemple sur la politique de la bourgeoisie marocaine à la fin de l’année dernière". Le mot d’ordre est faire peur, harceler, arrêter les émigrants, les tuer ou les larguer au large de l’océan s’il le faut mais surtout s’en débarrasser.

Le document préparatoire de cette Conférence euro-africaine était sans équivoque : il faut "des mesures drastiques contre l’immigration clandestine" (Le Monde du 13 juin 2006). Tout le reste n’est que belles paroles. Personne n’est dupe et le journal Le Monde lui même, dans la même édition, le dit : "Les autres mesures risquent d’apparaître comme un catalogue de vœux pieux : amélioration de la coopération économique, développement du commerce, prévention des conflits’".

Au moment où les vagues de l’immigration sont les plus fortes, partout on entend les mêmes discours qui ne servent qu’à masquer de nouvelles lois encore plus répressives que les précédentes. Derrière les propos lénifiants du genre : "Il faut aider les nations d’où arrivent ces vagues pour fixer la population", la bourgeoisie européenne veut nous faire croire qu’elle peut "aider" les pays d’Afrique "en voie de développement" à mettre fin aux massacres et aux famines. Cela fait plus de 40 ans que la propagande bourgeoise nous bassine avec de tels mensonges. Car dans le capitalisme décadent, la plupart des pays du tiers-monde, et notamment ceux du continent africain, s’enfoncent toujours plus dans le sous-développement, dans le chaos sanglant avec son lot de famines et d’épidémies dont on veut nous faire croire qu’ils seraient les conséquences désastreuses de la "sécheresse". Dans les rapports entre Etats il n’y a ni "aide", ni "amitié " ni "solidarité" pour sauver les populations. Ces rapports sont dictés par les intérêts impérialistes de tous les Etats, petits ou grands. Et à chaque fois que la classe dominante affirme vouloir "s’occuper du mal à la racine", c’est pour mieux masquer aux prolétaires que c’est justement son système en pleine décomposition qui est à la racine de ce "mal". Et le seul "remède" qu’elle est capable d’apporter, c’est encore le racket des ouvriers dans les campagnes "humanitaires" de ses ONG et autres associations caritatives qui visent à culpabiliser les prolétaires en faisant appel à leur "bonne conscience" et à leur "générosité". Tous ces mensonges sont colportés aussi bien par la droite que par la gauche, auxquelles viennent prêter main-forte toute une cohorte d’associations tiers-mondistes et altermondialistes.

Tous ces beaux discours ne peuvent masquer la réalité : pour la bourgeoisie des pays développés, l’heure est à la fermeture des frontières, et les immigrés sans papiers ou "choisis" qui, au terme de leur effroyable périple, arrivent enfin en Europe ou aux Etats-Unis [2], vont subir, s’ils trouvent un travail précaire, une surexploitation accrue et vont être utilisés comme main d’œuvre bon marché pour faire pression sur les salaires des travailleurs autochtones.

Comme nous l’écrivions dans notre article "Le prolétariat : une classe d’immigrés" (voir RI n° 206) : "Ce que la classe dominante cherche aujourd'hui à masquer, c'est son incapacité à offrir la moindre perspective à toute la classe ouvrière. L'exclusion des travailleurs immigrés que le capitalisme condamne à crever de faim "ailleurs", c'est déjà le sort que ce système moribond réserve à des millions de prolétaires autochtones livrés définitivement au chômage".

Sandrine

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