Le terrorisme est un pur produit du capitalisme

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Le 12 octobre, des touristes en flammes tentent de fuir l'incendie de la discothèque de Bali prise pour cible par un attentat à l'explosif. Un peu plus d'un an auparavant, des victimes de l'attentat du World Trade Center se jetaient dans le vide pour échapper à l'atrocité de la mort sous les décombres incandescents des tours en train de s'effondrer. A Bali, le terrorisme a fait plus de 187 morts et 300 blessés, dont 90 grièvement. On est loin des milliers de morts de l'attentat du 11 septembre à New York dont Bush avait dit qu'il constitue un acte de guerre. Néanmoins, ces deux attentats sont des actes barbares, des actes de la guerre impérialiste dont est responsable le capitalisme. Le plus souvent, ce sont des populations civiles qui sont victimes des attentats terroristes, arme de plus en plus utilisée dans la guerre que se livrent les fractions rivales de la bourgeoisie.

L'empreinte de la décomposition du capitalisme dans les tensions entre Etats

Nous avions déjà mis en évidence, à l'occasion des attentats terroristes qui s'étaient produit à Paris en 1986 que ceux-ci constituaient une des manifestations de l'entrée du capitalisme dans une nouvelle phase de sa décadence, celle de sa décomposition. Depuis, l'ensemble des convulsions qui ont secoué la planète, notamment l'effondrement du bloc impérialiste russe à la fin des années 1980, sont venus illustrer abondamment cet enfoncement de la société capitaliste dans la décomposition et le pourrissement sur pied (cf. notre texte "La décomposition, phase ultime de la décadence du capitalisme" in Revue Internationale n° 62, 1990, republié dans le n° 107). Le développement du terrorisme, des prises d'otages comme moyen de la guerre entre Etats, au détriment des "lois" que le capitalisme s'était données par le passé pour "réglementer" les conflits entre fractions de la classe dominante est la marque de cette décomposition sur les rivalités entre Etats.

En tant qu'arme utilisée dans la guerre entre Etats, le terrorisme n'est pas une nouveauté. Ce qui en est une, c'est l'ampleur qu'a pris le phénomène ces dernières années. Ainsi, rien que dans les quelques mois ayant précédé l'attentat à Bali, d'autres attentats ont eu lieu visant différents intérêts : celui contre des techniciens français de l'armement à Karachi (Pakistan) en mai et, tout récemment, contre le pétrolier français Limbourg, dans le golfe d'Aden, par exemple. Les grands Etats, et dans leur sillage les plus petits, ont multiplié les rapports avec toutes sortes de groupes mafieux ou terroristes, ou les deux à la fois, tant pour contrôler les multiples trafics illégaux qui rapportent de juteux profits que pour les utiliser comme moyens de pression sur des Etats rivaux. L'utilisation de l'IRA par les Etats-Unis pour faire pression sur la Grande-Bretagne, celle de l'ETA par la France pour faire pression sur l'Espagne en sont deux exemples significatifs.

L'enquête en cours par les autorités indonésiennes pour tenter de déterminer l'origine de l'attentat à Bali a mis sur le devant de la scène différents types de regroupements tout à fait typiques de ce que la société actuelle est capable de produire et où se recrutent, entre autres, les exécutants des actes terroristes. Ainsi, nous trouvons à la fois : une "police religieuse", composée de vandales, que la police a longtemps laissé opérer (cf. Le Monde des 20 et 21 octobre) et dont le chef, Jafar Umar Thalib, vient d'être mis sous les verrous ; une milice armée qui fait la chasse aux chrétiens et aux Célèbes, dirigée par Abou Bakar Bashir, lequel vient d'accepter, à la demande de ses commanditaires (d'anciens généraux), de dissoudre son mouvement (ibid) : la Jeemah Islamiyah, réseau régional lié à Al-Qaida. On ne sera donc pas surpris de trouver, parmi les groupements opérant en Indonésie des représentants de l'intégrisme islamique qui révèle, dans toute une série de pays musulmans, la décomposition du système et dont la contrepartie, dans les pays avancés, peut être trouvée dans la montée de la violence urbaine, de la drogue et des sectes. Quant à la connexion de l'islamisme avec les services secrets, elle est de notoriété publique. Avant de se retourner contre leur parrain américain, Ben Laden et ses fidèles fondamentalistes islamistes avaient été recrutés par la CIA pour mener la guerre sainte, la djihad, contre l'occupant russe en Afghanistan.

Ainsi, l'existence de groupes fanatisés ayant tout à fait le profil pour commettre des attentats, ne dégage en rien les grandes puissances d'aucune responsabilité dans la barbarie actuelle. Tout au contraire, celles-ci en constituent l'épicentre. Nous seulement, comme on vient de le voir avec la guerre en Afghanistan, les attentats terroristes contre les tours jumelles ont constitué le prétexte que cherchait la bourgeoisie américaine pour une intervention partout dans le monde où elle le jugerait nécessaire pour la défense de ses intérêts impérialistes, sous prétexte de lutte contre le terrorisme mondial. Mais de façon plus cynique et machiavélique encore, comme le mettent en évidence des sources même de la bourgeoisie, il apparaît aujourd'hui clairement que la bourgeoisie américaine a délibérément laissé se dérouler les préparatifs d'une attaque terroriste sur son propre territoire par Al Qaïda[1]. Ces sources ne vont pas jusqu'à en donner la raison qu'elles connaissent pourtant, susciter dans la population américaine la révolte contre une horreur inique et insoutenable pour la canaliser dans l'adhésion à une politique qui sera nécessairement de plus en plus belliciste. Les éléments dont on dispose aujourd'hui ne permettent pas encore de mettre en évidence à qui le crime profite et donc qui avait tout intérêt à ce que l'attentat de Bali soit commis. Il en est de même concernant deux autres attentats qui viennent de se produire aux Philippines : le 17 octobre, une explosion dans un supermarché de la ville de Zamboanga faisant 7 morts et plus de 160 blessés ; le 18 octobre, une bombe dans un autobus de Manille faisant au moins 3 morts et 22 blessés.

Les risques de déstabilisation de la région

En tout cas, ces attentats sont vraisemblablement à mettre en lien avec l'existence de facteurs de déstabilisation dans une région aujourd'hui globalement sous influence américaine mais fragilisée par les difficultés que connaissent certains pays du fait de la désagrégation de la société ou par les aspirations séparatistes de la part de fortes minorités locales existant en particulier en Indonésie, Thaïlande, Birmanie et Malaisie. C'est justement une telle menace qui permet d'expliquer les massacres que les milices au service de l'armée indonésienne avaient perpétrés au Timor Oriental en 1999. Au lendemain d'un référendum patronné par l'ONU ayant donné un vote massif en faveur de l'indépendance vis à vis de l'Indonésie, ces hordes recrutées parmi les voyous timorais s'étaient livrées à l'extermination systématique de populations civiles sur la base de leur appartenance ethnique, ce qui n'est pas sans rappeler le génocide, opéré avec la bénédiction de la France, des Tutsis au Rwanda en 1994 et le massacre des populations kosovares en 1998. La non intervention de l'ONU pendant toute une période avait alors été justifiée par les Etats-Unis par la nécessité que ce soit l'Indonésie elle-même qui reprenne le contrôle des différentes factions au sein de la population. Il s'agissait en fait de laisser le temps à la saignée de s'opérer, de manière à ce qu'elle serve d'exemple à quiconque serait tenté par des velléités indépendantistes, à commencer par les populations de Sumatra du Nord, des Célèbes ou des Moluques traversées par des mouvements nationalistes. Les Etats de la région ne pouvaient eux aussi que partager cet objectif de la bourgeoisie indonésienne, de même la bourgeoisie américaine qui s'inquiétait de la déstabilisation de cette région du monde qui viendrait s'ajouter à celle de toute une série d'autres régions (cf. notre article "Timor, Tchétchénie, Le capitalisme, synonyme de chaos et de barbarie" dans la Revue Internationale n° 99). Dans l'opération de "retour à l'ordre" du Timor oriental qui a finalement eu lieu, les Etats-Unis ont délégué le travail à l'Australie, ce qui représentait pour eux l'avantage de pousser en avant leur plus fidèle et solide allié dans cette région. Ce fut réciproquement une bonne occasion pour l'Australie de concrétiser ses projets de renforcement de ses positions impérialistes dans la région (même au prix d'une brouille temporaire avec l'Indonésie). Pour la première puissance mondiale, il était fondamental, et cela le demeure aujourd'hui, de maintenir une forte présence, par alliés interposés, dans cette partie du monde sachant que le développement général des tensions impérialistes contenues dans la situation historique actuelle porte avec lui la menace d'une avancée de l'influence des deux autres grandes puissances qui peuvent jouer un rôle dans la région, le Japon et la Chine.

Fk (21 octobre)

[1] Un article du journal Le Monde du 5 octobre fait le compte-rendu d'un article de l'hebdomadaire allemand Die Zeit qui "dresse la liste tragique des coupables négligences qui ont jalonné le travail d'enquête des services spéciaux américains sur Al-Qaida. Beaucoup d'éléments sont troublants" (présentation du Monde). Le Monde cite l'hebdomadaire : "Les enquêteurs américains savaient que des attaques terroristes étaient en préparation, mais ils ont laissé agir les suspects" et écrit que "l'hebdomadaire allemand assure que la CIA et le FBI auraient pu tout empêcher".

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