Soumis par Révolution Inte... le
Derrière
sa posture d'Etat-défenseur du droit international, de la
légalité onusienne et porte-parole des Etats victimes
des abus américains, c'est la défense de ses intérêts
impérialistes bien compris que la France cherche avant tout à
préserver.
Dans ce bras de fer, qui était joué
d'avance face au rouleau compresseur américain, les médias
français de tout bord politique ont appuyé à
fond la classe dominante au pouvoir, déversant à gros
bouillons un nationalisme abject et un pacifisme misérable
pour tenter d'obtenir le soutien de la population en général
et de la classe ouvrière en particulier, à ses
objectifs impérialistes.
Avec le commencement des
opérations guerrières et l'utilisation des armes de
destruction massive contre l'Irak, la télévision et la
radio sont passées à une autre phase : celle de
l'information "objective" sur le déroulement des
opérations, celle du compte-rendu en continu de l'avancée
des forces anglo-américaines sur le terrain où les
envoyés spéciaux ont pu avoir "accès aux
champs de bataille" et avoir "l'impression de pouvoir
travailler librement" comme l'affirmait un reporter de TF1, qui
ajoutait cependant : "J'espère que ce n'était pas
une illusion." (Le Monde, 18 avril 2003) Honnêtes,
objectifs, libres, les médias bourgeois ? Quelle odieuse
tromperie et quelle auto-mystification pour de nombreux journalistes
! En effet, la propagande la plus cynique et la manipulation la plus
subtile trouvent leur expression la plus achevée, la plus
efficace, sous l'apparence du masque démocratique. Cette
propagande idéologique est d'autant plus mystificatrice que
ses ficelles échappent à ceux qui se croient immunisés
contre la manipulation. Elle est d'autant plus efficace que les
médias, grâce aux finances et aux moyens d'Etats
puissants, parviennent à donner l'illusion de la "pluralité"
et de "l'indépendance". C'est un fait certain que,
pour cette guerre, des images, il y en a eu. Contrairement à
la première Guerre du Golfe en 1991 où la presse en
était réduite à photographier... les seules
images autorisées par le Pentagone : les écrans
télévisés de CNN, organe médiatique
officiel de l'Etat américain. A cette époque, ce que
l'on nous a donné à voir ressemblait à un
"wargame", un gigantesque jeu électronique
inlassablement commenté par d'éminents "spécialistes"
! Quant à savoir réellement ce qui se passait sur le
terrain, rien ne filtrait. Cette guerre était une GUERRE
PROPRE, sans mort ! Rien donc sur les 2000 bombes-laser ayant
"manqué" leur cible, pas une image sur le "résultat"
des tapis de bombes larguées depuis 10 000 mètres
d'altitude. Lorsque les journalistes évoquaient l'emploi de
fuel-air bombs (qui font éclater les poumons de tout être
vivant sur plus d'un km) c'était pour s'extasier devant la
sophistication des armes de haute technologie ! Comme toujours, ce
n'est que BIEN APRES le conflit que les "révélations"
et autres "découvertes" furent livrées, de
façon planifiée et au compte-gouttes, par les médias.
Soudain, on nous donnait le nombre de morts de cette boucherie : de
200 000 à 500 000 tués ! (voir notre Revue
Internationale n°105 et Révolution Internationale n°292).
Un tel bilan ne pouvait être rendu public immédiatement
car la France, entre autres, était impliquée dans la
croisade anti-irakienne.
Aujourd'hui, à les en croire, il
n'y aurait plus désormais de place pour la manipulation et la
désinformation. Cette guerre-ci n'aurait été
couverte qu'avec un véritable souci de "transparence"
et "d'objectivité.
Il est vrai que la tonalité
des commentaires a différé selon l'appartenance de
telle ou telle équipe de journalistes, à tel ou tel
pays. Si les médias américains ont d'un bout à
l'autre soutenu et applaudi la progression des forces américaines,
les journalistes français et ceux du "front du refus"
d'avant-guerre ont, quant à eux, "nuancé"
leurs appréciations des opérations, donnant ainsi
l'apparence d'une information plus "éclairée",
plus "posée", en un mot plus "objective".
Qu'en a-t-il été réellement ? En premier lieu,
pour couvrir cette guerre, les journalistes ont dû se soumettre
à des règles édictées par Washington, ils
ont dû accepter de signer ".. un document de trois pages
lors de leur 'incorporation', en février. Ils se sont ainsi
engagés à ne pas 'donner des informations détaillées',
ni à dire 'ce qu'ils vont faire'. Les 'intégrés'
peuvent se voir interdits de diffusion pour des 'raisons de
protection opérationnelle', la décision revenant au
chef d'unité" (Le Monde du 25 mars 2003). Quant aux
journalistes indépendants (les "wild cats"), ils ne
pouvaient que suivre les troupes. Comme l'avouait une journaliste
"indépendante" : "Nous nous sommes
auto-intégrés ( !)" On voit ce qu'il en est à
la base de la "liberté d'action et de mouvement" des
reporters ! En second lieu, il est également vrai que les
nouvelles du front sur la progression des troupes américaines
ont, de façon constante, été accompagnées
de la comptabilité des pertes militaires, concernant bien sûr
les troupes américaines et irakiennes mais aussi concernant la
population civile. C'est ainsi que nous sont parvenues des
informations sur les dommages "collatéraux" comme
l'explosion d'une bombe sur un marché de Bagdad, des images de
blessés irakiens dans les hôpitaux mais tout cela étant
filmé sous l'encadrement très strict des militaires et
policiers irakiens avant la chute de la capitale. Rien de plus
objectif que l'image d'horreur de ce petit enfant irakien amputé
et gravement brûlé comme de nombreux autres, nous
rétorquera-t-on ! A ceci près que l'insistance
appesantie et délibérée sur cette scène,
comme il en existe des milliers relevant de la même barbarie
dans toutes les guerres, loin de n'être qu'objective, visait en
fait à servir idéologiquement la cause du prétendu
"camp de la paix" contre les Etats-Unis. La publicité
accordée par la France, non sans une certaine jubilation à
peine dissimulée, à des déclarations et
informations semblant attester des risques d'enlisement de l'armée
américaine, faisait elle aussi partie de la guerre idéologique
dont les reporters de guerre sont les premiers soldats 1.
Plus encore qu'en 1991, au nom de la "liberté de la
presse", cette guerre a vu se déployer massivement
propagande et contre-propagande. Ainsi il semble bien que les médias
français se soient pour le moins laissés aller (ou
berner) sur cette question de l'enlisement américain, sans se
soucier du peu de vraisemblance d'une telle thèse, les
capacités militaires irakienne ayant été
quasiment anéanties lors de la Guerre du Golfe de 1991 et
suite aux raids incessants qu'elles ont subis pendant les dix années
qui ont suivi. Quant au moral des troupes irakiennes, il était
au plus bas. On comprend ainsi l'embarras avec lequel les médias
français ont couvert la chute de Bagdad sous les acclamations
d'une foule probablement mobilisée à cet effet et, par
la suite, l'évidence de la victoire américaine sans que
se produisent les exodes massifs "redoutés" en
paroles, espérés en réalité par le "camp
de la paix".
Malgré la "transparence totale"
avec laquelle a été couverte cette guerre, il y a fort
à parier que, comme à l'accoutumée, on en
apprendra plus dans les mois et les années qui viennent. On
cherchera alors à nous faire croire que le capitalisme
"démocratique" est le seul système qui soit
aussi foncièrement honnête avec l'histoire puisque tout
peut être dit. En fait, ce "tout peut être dit en
démocratie" sert à justifier les moments où
tout doit être manipulé, déformé, caché.
Gage suprême d'impartialité, toutes les informations
distillées tout au long de l'expédition guerrière
l'ont en général été au "conditionnel",
avec les réserves d'usage dorénavant prescrites aux
journalistes, concernant les dégâts réels. Et ces
derniers ont été présentés comme étant
le résultat inévitable de toute guerre afin que ne
transparaisse pas trop ouvertement l'opposition persistante de la
bourgeoisie française à la politique américaine,
mais aussi afin de préserver l'avenir quant à une
éventuelle participation française à la
"reconstruction" de l'Irak ou dans les opérations
des vautours humanitaires. C'est le sens des propos hypocrites de
Raffarin mettant en garde contre l'anti-américanisme, après
l'avoir implicitement favorisé.
Sur le fond, les médias
ont toujours joué à la perfection le rôle que
l'on attendait d'eux : en mentant sur les mobiles réels de
l'opposition "du camp de la paix" à cette guerre
avant son déclenchement ; en cachant ce qui se passait sur le
terrain lors de la Guerre du Golfe de 1991 ; ou encore par
l'exposition crue des massacres qu'on nous a servie dans le cadre de
la préparation et du déroulement de la guerre du Kosovo
ou en Somalie. A chaque fois, ils ont braqué les projecteurs
sur l'événement sous un angle permettant de l'insérer
dans un scénario au service idéologique des plans et
intérêts impérialistes du moment et de tel ou tel
camp.
Le recours à géométrie variable au
droit international, aux opérations de sauvetage humanitaire
ne sont que le cache sexe d'une défense virulente, de la part
de la France, comme des autres pays, de ses propres intérêts
impérialistes, comme on l'a vu au Rwanda, où c'est la
France essentiellement qui a armé et entraîné les
escadrons de la mort, bourreaux de centaines de milliers de victimes
! Dans ce contexte, le rôle des médias est essentiel
pour servir la propagande de l'Etat, et il est d'autant plus efficace
quand il est assumé par des gens qui peuvent prétendre
à "l'indépendance" et qui, en général,
croient eux-mêmes à leur propre discours sans même
se rendre compte à quel point il leur est dicté. C'est
là la supériorité du mode "démocratique"
de domination bourgeoise par rapport aux méthodes dites
"totalitaires".
SB (26 avril)
1 Dans tous les sens du terme d'ailleurs puisque beaucoup d'entre eux, présents sur le front dans des conditions particulièrement dangereuses, l'ont payé de leur vie. Morts au service du capital !