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L'idée d'une société où n'existeraient ni la misère, ni l'oppression, ni les inégalités sociales, ni la propriété privée, d'une société qui serait basée sur la solidarité, où l'homme ne serait plus "un loup pour l'homme", où "le libre épanouissement de chacun serait la condition du libre épanouissement de tous", n'est pas nouvelle. On la trouve dès l'antiquité sous des formes diverses depuis les écrits du philosophe grec Platon (qui, par ailleurs, défendait l'esclavage !) jusqu'à la pensée des premiers chrétiens. On la retrouve au Moyen-Age, notamment dans les mouvements millénaristes, ou, au début du 16ème siècle, chez le moine allemand Thomas Münzer, un des chefs de la guerre des paysans.
Cependant, ce qui donne au communisme son véritable essor, c'est l'apparition dans la société d'une nouvelle classe qui, pour la première fois, porte en elle la possibilité de transformer en réalité ce vieux rêve de l'humanité : le prolétariat. Et c'est au sein même des révolutions bourgeoises du 17ème siècle en Angleterre et de la fin du 18ème en France qu'on voit apparaître des courants politiques qui, de façon plus ou moins explicite, se réclament d'un tel projet. Alors que dans ces pays, le prolétariat est encore embryonnaire, il se donne déjà, avec les "levellers" (niveleurs) ou les "égaux", une expression organisée pour la défense de ses intérêts historiques. Mais c'est vers le milieu du 19ème siècle, avec le développement et la concentration de la classe ouvrière qui accompagne l'apparition de la grande industrie, que le communisme précise ses objectifs et ses moyens, qu'il rompt avec les utopies du passé (dont les plus fécondes sont certainement celles de Fourier, de Saint-Simon et de Owen), qu'il commence à se dégager des pratiques sectaires et conspiratives affectionnées par Blanqui et ses compagnons, ainsi que des références religieuses auxquelles se rattache encore un communiste pourtant aussi lucide que Weitling, un des fondateurs de la "Ligue des justes" qui fut l'ancêtre de la "Ligue des communistes".
Le "Manifeste Communiste", première formulation scientifique de la perspective du communisme
C'est à ce moment-là que la perspective du communisme se donne sa première formulation scientifique et rigoureuse avec le "Manifeste du Parti Communiste" de 1847, document qui jette les bases théoriques de tout le développement ultérieur du mouvement prolétarien. Dans ce texte, le communisme n'est pas présenté comme l'invention de quelques visionnaires qu'il s'agirait ensuite de mettre en application, mais bien comme la seule société qui puisse succéder à la société capitaliste et surmonter ses contradictions mortelles. L'idée essentielle de ce texte est que, comme toutes les sociétés qui l'ont précédé, le capitalisme n'est pas immortel. S'il a constitué une étape progressive dans le développement de l'humanité, notamment en unifiant le monde par la constitution d'un marché mondial, il porte en son sein des contradictions insurmontables qui le plongent dans des convulsions de plus en plus violentes et finiront par l'emporter. En permettant un développement prodigieux des forces productives matérielles de la société, et au premier rang d'entre elles la classe ouvrière, il crée les conditions de son dépassement par une société qui aura pour base cette abondance à travers une révolution dont le sujet est cette même classe ouvrière qui, située au plus bas de l'échelle sociale, ne peut s'émanciper qu'en émancipant toute l'humanité.
Si le "Manifeste Communiste" se trompait, comme ses auteurs Marx et Engels l'ont reconnu plus tard, en donnant l'impression que le capitalisme était déjà parvenu au faîte de son développement et que la révolution communiste était imminente, l'essentiel de la démarche qui est la sienne a été depuis amplement confirmé par les faits, et notamment l'idée que le capitalisme ne peut échapper à des crises économiques de plus en plus violentes.
La décadence du capitalisme met à l'ordre du jour la transformation communiste de la société
Aujourd'hui, une nouvelle fois, la crise économique impose à la société cette aberration typique du capitalisme : des centaines de millions d'individus sont plongées dans la plus terrible des misères non pas parce que la production est insuffisante mais parce qu'elle est... trop importante. Mais cette crise est d'un type différent de celles signalées par le "Manifeste". Les crises du siècle dernier se situaient dans une période de pleine expansion du capitalisme et elles trouvaient une "solution" rapide par l'élimination des secteurs les moins rentables de l'économie et par la conquête de nouveaux marchés. En quelque sorte, elles constituaient les battements de coeur d'un organisme en pleine vigueur. Par contre, depuis la première guerre mondiale, le capitalisme est entré dans sa phase de déclin historique, de crise permanente. Désormais, il n'existe pas de solution réelle à la crise. Le système ne se survit plus que par un cycle infernal où se succèdent les phases de crises aiguës, de guerres, de reconstruction, de nouvelles crises aiguës etc., qu'on ne peut plus comparer à des pulsations mais bien aux râles de son agonie. Comme l'annonçait l'Internationale Communiste, l'ère des guerres impérialistes et des révolutions était désormais ouverte, le communisme était à l'ordre du jour. Depuis, les convulsions successives subies par l'humanité n'ont fait que confirmer chaque fois un peu plus l'urgence du dépassement du mode de production capitaliste devenu une lourde entrave à son développement. Après la première guerre mondiale, la grande crise de 1929 était une autre illustration spectaculaire de la faillite du capitalisme et, à sa suite, l'holocauste de la seconde guerre mondiale repoussait encore bien plus loin les limites de l'horreur qu'on avait cru atteintes avec la première boucherie impérialiste. Au total depuis que le capitalisme est entré dans sa phase de décadence, l'humanité a payé de plus de 100 millions de tués le maintien en vie de ce système sans compter les pertes terribles provoquées par la famine, la malnutrition et toute la misère dans laquelle il maintient et rejette plusieurs milliards d'hommes alors qu'en même temps il se livre au plus colossal gaspillage de richesses et de forces productives qu'on puisse imaginer.
La crise actuelle n'est donc pas la première manifestation de la faillite du capitalisme et de la nécessité de son remplacement par le communisme. Dans bien des domaines, elle ne fait que révéler, à une échelle certes encore plus grande, des contradictions qui avaient déjà explosé dans le passé. Mais, dans la mesure où c'est avec une envergure encore plus grande qu'apparaît le décalage entre les énormes possibilités que détient la société pour permettre une pleine satisfaction des besoins humains et l'usage catastrophique qui en est fait, la nécessité de l'édification d'une autre société se fait sentir aujourd'hui d'une façon encore plus impérieuse que par le passé.
Les grandes caractéristiques de la société communiste
Cette nouvelle société devra être en mesure de surmonter les contradictions qui accablent la société présente : c'est seulement de cette façon qu'elle ne sera pas une construction utopique de l'esprit mais une nécessité objective déterminée.
Ses caractéristiques s'inscrivent donc comme les épreuves positives des négatifs que constituent les lois qui étranglent la société capitaliste.
Les causes profondes des maux qui ruinent le système capitaliste résident dans le fait que le but de la production n'est pas la satisfaction des besoins humains mais l'accumulation du capital, qu'il ne produit pas des valeurs d'usage mais des valeurs d'échange, que l'appropriation privée des moyens de production se heurte au caractère de plus en plus social de celle-ci. En d'autres termes, le capitalisme se décompose parce qu'il produit pour le marché et que celui-ci se sature de plus en plus, parce qu'il est basé sur l'exploitation du travail salarié et que la plus- value produite par cette exploitation ne trouve plus où se réaliser, c'est-à-dire s'échanger contre des biens qui pourraient entrer dans un cycle de reproduction élargie du capital.
Les caractéristiques économiques du communisme sont donc les suivantes :
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le seul mobile de la production est la satisfaction des besoins humains ;
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les biens produits cessent d'être des marchandises, des valeurs d'échange, pour devenir uniquement des valeurs d'usage ;
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cadre trop étroit pour un processus productif devenu de plus en plus social, la propriété privée des moyens de production, qu'elle soit individuelle comme dans le capitalisme des origines ou étatique comme dans le capitalisme décadent, cède la place à leur socialisation, c'est-à-dire à la fin de toute propriété, partant, de toute existence de classes sociales et, donc, de toute exploitation.
Le communisme : une nécessité et une possibilité historiques
A cette description est souvent opposée l'objection : "puisque ce sont là les caractéristiques d'une société idéale, la plus propice au développement humain, pourquoi une telle société n'est-elle pas déjà apparue dans le passé ? En d'autres termes : pourquoi, aujourd'hui, une telle société serait-elle possible, alors qu'elle ne s'est pas réalisée dans le passé ?".
A cette question, le marxisme donne une réponse sérieuse et rigoureuse. Il explique qu'une des caractéristiques essentielles de l'évolution de l'humanité est le développement de ses forces productives, en d'autres termes de la productivité du travail humain. A chaque niveau de développement de ces forces productives a correspondu un type donné de rapports de production, c'est-à-dire des relations établies entre les hommes dans l'activité de production des biens destinés à satisfaire leurs besoins.
Dans les sociétés primitives, la productivité du travail est tellement faible qu'elle suffit à peine à satisfaire les besoins physiologiques élémentaires des membres de la communauté. De ce fait, l'exploitation et l'inégalité économique sont impossibles dans la mesure où, si certains individus s'appropriaient ou consommaient des biens en quantité plus grande que d'autres, ces derniers seraient incapables de survivre.
L'exploitation, en général sous forme d'esclavage des membres des communautés vaincues dans des conflits territoriaux, ne peut apparaître que lorsque, à grands traits, la production moyenne d'un homme dépasse le minimum physiologique. Mais, entre la satisfaction de ce minimum et une pleine satisfaction des besoins matériels et par suite intellectuels des hommes, il existe toute une marge de développement de la productivité du travail (c'est-à-dire de maîtrise de la nature) qui, historiquement, sépare justement la dissolution du communisme primitif de la possibilité du communisme supérieur.
De la même façon que ce n'est pas parce que l'homme était "naturellement" bon qu'il n'exploitait pas ses semblables dans le premier, ce n'est nullement parce qu'il est "mauvais" qu'il l'a fait depuis et jusqu'à nos jours. L'exploitation de l'homme par l'homme, l'existence de privilèges économiques, ont été possibles parce que la production humaine moyenne était supérieure au minimum physiologique et nécessaires parce qu'elle ne pouvait pas satisfaire pleinement les besoins de la totalité des membres de la société.
Et tant que ce n'était pas le cas, le communisme était impossible. Mais c'est justement une telle situation que le capitalisme a radicalement modifiée. Par l'énorme progrès qu'il a permis de faire faire à la productivité du travail, en exploitant méthodiquement les découvertes scientifiques, en généralisant le travail associé, en mettant en oeuvre les richesses naturelles et humaines du monde entier, mais aussi, évidemment au prix d'une intensification de l'exploitation inconnue jusqu'à lui, il a enfin créé les bases matérielles du communisme. En se rendant maître de la nature, il a créé les conditions pour que l'homme puisse être son propre maître.
Seul le communisme peut sauver la société humaine
Et c'est bien ce que la crise du capitalisme vient démontrer une nouvelle fois. Pour la première fois dans l'histoire de l'humanité, une société plonge la plus grande partie de ses membres dans la misère, non pas parce qu'elle ne produit pas assez, mais parce qu'elle produit trop eu égard aux lois qui la régissent.
Avant le capitalisme, l'humanité a connu des crises, mais jamais des crises de surproduction. Aujourd'hui ce mal congénital propre au système capitaliste se révèle avec une ampleur inégalée : la montée inexorable du chômage, le sous-emploi croissant de l'ensemble des moyens de production, leur destruction massive dans des guerres de plus en plus meurtrières et étendues, démontrent que les véritables utopistes sont ceux qui espèrent encore réformer ce système dans le sens d'une plus grande harmonie, d'une meilleure satisfaction des besoins des hommes, sans le bouleverser de fond en comble.
L'ensemble des événements économiques, politiques et militaires depuis une vingtaine d'années témoigne du fait que l'humanité, si elle reste livrée aux lois du capitalisme, s'achemine vers sa destruction. Si l'incroyable puissance destructive des conflits impérialistes passés démontrait que l'homme s'était rendu suffisamment maître de la nature pour établir la société communiste, cette maîtrise de la nature, qui est allée en se renforçant, l'a rendue maintenant capable de détruire l'humanité. Ce n'est donc pas seulement pour assurer l'épanouissement de l'espèce humaine que le communisme est aujourd'hui nécessaire, mais plus simplement pour permettre sa survie.