La première année de ce deuxième millénaire que
la bourgeoisie avait inauguré en grandes pompes vient de se terminer
dans le sang. Les feux d'artifice de l'an 2000 ont maintenant cédé
la place au déchaînement des massacres et de la barbarie guerrière,
dévoilant le vrai visage du capitalisme et de l'avenir qu'il réserve
à l'humanité.
A la guerre ne peut que succéder et s'ajouter de nouvelles guerres, toujours
plus meurtrières et insolubles. Ainsi, alors que les bombardements intensifs
de l'aviation américaine se sont poursuivis en Afghanistan après
la chute du régime taliban, le conflit israélo-palestinien a été
de nouveau relancé avec une violence décuplée.
Aux effroyables attentats de Jérusalem et Haïfa contre la population
civile lors du premier week-end de décembre, la soldatesque de Sharon
a su, comme le parrain américain en Afghanistan, apporter une riposte
à la mesure des ambitions impérialistes de Tsahal : bombardements
massifs des bâtiments symbolisant l'autorité palestinienne, dénonciation
d'Arafat comme principal responsable du terrorisme débridé du
Hamas et du Jihad islamique, bouclage total des territoires palestiniens, incursions
massives dans les villages de Cisjordanie et de la bande de Gaza, "nettoyage"
des poches de résistance abritant des chefs du Hamas à coups de
tirs de mortiers, d'assassinats, de tabassages, d'arrestations sommaires de
tous les "suspects" etc. Sharon a promis de venger les enfants d'Israël
sauvagement assassinés par les attentats-suicides des 1er et 2 décembre.
Chose promise, chose due : ce sont maintenant les enfants palestiniens qui,
sur le chemin de l'école, ont été fauchés par les
balles perdues des blindés de l'armée israélienne. L'ordre
de la terreur règne dans les territoires palestiniens tandis que la population
d'Israël vit dans l'angoisse permanente de nouvelles ripostes du Hamas.
Mais au-delà de l'escalade de la violence aveugle illustrant la folie
meurtrière des deux camps belligérants, qui a fait déjà
plus d'un millier de morts depuis le début de la deuxième Intifada,
c'est à une véritable offensive impérialiste que se livre
aujourd'hui l'Etat d'Israël. Une offensive qui, sous couvert de lutte contre
le terrorisme, révèle sa volonté de ne pas tolérer
la constitution d'un quelconque Etat palestinien. Et cela avec la bénédiction
de l'oncle Sam qui a immédiatement apporté son plein soutien aux
représailles sanglantes du gouvernement Sharon. Quant aux grandes démocraties
européennes, malgré leurs timides protestations, elles ont été
contraintes de s'aligner derrière la croisade antiterroriste de Bush
et Sharon (voir article ri319/guerre_en_Afganisthan [1]).
Ainsi, les visées expansionnistes d'Israël viennent aujourd'hui
confirmer toute la validité des analyses mises en avant par le CCI :
Aujourd'hui, il est clair que cette nouvelle flambée de violence aveugle
a mis définitivement un terme aux accords d'Oslo. Et même si la
bourgeoisie mondiale appelle maintenant Arafat et Sharon à s'asseoir
de nouveau à la table des négociations, elle est obligée
de reconnaître qu'il n'y a pas de solution au conflit israélo-palestinien
comme l'a révélé l'impuissance du médiateur de la
Maison Blanche, Zinni, à imposer une trêve qui a duré moins
de 48 heures.
Par ailleurs, au moment même où cette région du Moyen-Orient
était en train de basculer dans l'horreur, on commence à nous
sortir au compte- gouttes les chiffres (toujours non officiels !) des victimes
civiles des "dommages collatéraux" en Afghanistan : plus d'un
millier de cadavres ont été découverts aux alentours de
l'aéroport de Kandahar, détruit par les frappes américaines.
De même, dans les régions montagneuses où se déroule
la traque de Ben Laden par les justiciers de la démocratie occidentale,
des villages entiers ont été détruits et de nombreuses
"bavures" ont occasionné des centaines de morts parmi la population
civile. Sans compter les milliers de réfugiés, victimes de la
faim et du froid, et fuyant désespérément les zones de
combat.
Ainsi, l'accélération brutale des conflits impérialistes,
la barbarie qui se déchaîne aujourd'hui est un concentré
de la réalité du système capitaliste. Cette barbarie ne
fait qu'annoncer l'avenir que ce système réserve à l'humanité
au cours de ce nouveau siècle. Cette barbarie n'est que la manifestation
la plus effroyable de la faillite du mode de production bourgeois, incapable
de trouver la moindre issue à sa crise économique. C'est bien
ce que révèle encore l'effondrement catastrophique d'un des pays
les plus développés d'Amérique latine, l'Argentine (voir article ri319/crise_Argentine [2]
).
Bombardements intensifs, massacres des populations civiles, déchaînement
aveugle du terrorisme, montée du fanatisme religieux et de la haine inter-ethnique,
marasme économique, voilà ce qu'est aujourd'hui le capitalisme
: un système qui n'a aucune perspective d'avenir à offrir à
l'humanité.
C'est dans la boue et dans le sang que se vautre la société bourgeoise.
A ce chaos inextricable qui ne peut continuer qu'à s'aggraver, il n'existe
qu'une seule alternative : la lutte révolutionnaire de la seule force
sociale capable de sortir l'humanité de cette impasse, la classe ouvrière
mondiale. Tant que le prolétariat n'aura pas hissé ses luttes
à la hauteur de la gravité de l'enjeu contenu dans la situation
historique mondiale, le capitalisme ne peut que continuer à faire ses
ravages aux quatre coins de la planète. Voilà le défi que
les prolétaires des pays centraux d'Europe occidentale doivent relever.
Le mot d'ordre de l'Internationale Communiste "socialisme ou barbarie",
"révolution communiste mondiale ou destruction de l'humanité"
révèle, plus que jamais, toute sa validité.
C'est au moment où nous mettions sous presse notre journal que l'Argentine
est venue au devant de la scène mondiale avec une aggravation spectaculaire de
sa crise économique, sociale et politique. Cet article n'est donc qu'une
première prise de position "à chaud".
Une économie en banqueroute totale : une récession persistante depuis 3 ans,
un chômage de près de 20% (atteignant 40% dans de nombreuses provinces), 150
milliards de dollars de dette extérieure ce qui oblige de consacrer les trois
quarts des exportations à rembourser les intérêts de celle-ci.
Une situation sociale et politique chaotique : malgré l'état de siège des
manifestations massives quotidiennes qui tournent à l'émeute aux quatre coins
du pays aux cris de "Nous voulons manger !", plus de 20 morts et une
centaine de blessés en quelques jours, des pillages systématiques de magasins,
un appareil politique qui disparaît dans les airs à l'image de l'ex-président
De la Rua, obligé de quitter son palais en hélicoptère, après que la démission
du ministre de l'économie, puis du gouvernement, n'aient pu calmer la
situation.
Ce qui se passe à l'heure actuelle en Argentine est révélateur, non pas tant
de la situation spécifique de ce pays, mais de la situation du capitalisme
mondial. En fait, à cause de certaines spécificités, l'Argentine constitue une
sorte de caricature des maux qui accablent la planète aujourd'hui.
Certains nous disent que le problème est un endettement excessif. C'est vrai
que l'endettement extérieur a plus que doublé en dix ans (de 62 milliards de
dollars en 1991 à 148 milliards de dollars en 2001). Mais c'est là une
expression de l'économie mondiale qui vit à crédit, dont la poursuite de la
croissance se base sur un endettement toujours plus faramineux. La croissance
des "glorieuses" années 90, notamment pour l'économie américaine,
s'était alimentée d'une véritable fuite en avant tant dans l'endettement des
pays dits "émergents" que dans une spéculation effrénée autour de la
"nouvelle économie" (Internet, télécommunications, etc.). Depuis
1997, avec la "crise asiatique", puis "russe", puis
"brésilienne", les pays "émergents" ont eu tendance à
devenir des pays "submergents". En 2001, la "nouvelle
économie" a connu une débâcle magistrale. Et finalement, suivant les
experts, l'économie mondiale est maintenant en récession, à commencer par son
plus beau fleuron, l'économie des Etats-Unis.
L'économie argentine avait aussi connu des "heures de gloire". Par
exemple, entre 1991 et 1994, ses taux de croissance annuels étaient compris
entre 6 et 9%. En 1997 et 1998, ils étaient encore respectivement de 8 et 4%.
Et si, en 1999, c'était la chute (-3,2%) laquelle s'est poursuivie depuis, cela
ne faisait qu'anticiper ce qui est devenu en 2001 le lot commun de la plupart
des pays du monde. Pendant toutes les années où le capitalisme a vécu dans
l'euphorie de la "croissance", les banques ne se sont pas fait prier
pour prêter à l'Argentine : après tout, la croissance économique (qui était justement
fondée sur le crédit) devait permettre de rembourser. Mais lorsqu'on construit,
étage après étage, un édifice sur du sable, il finit par s'écrouler, même si au
début il avait l'air solide.
Pour certains "spécialistes", les maux actuels de l'Argentine
seraient la conséquence d'une politique erronée suivie par son ministre de
l'économie, Domingo Cavallo, décrit comme un homme arrogant, sûr de lui et
entêté. En particulier, il se serait accroché de façon absurde à sa politique
financière, la parité automatique du peso par rapport au dollar, qui, en
rendant les marchandises argentines trop chères à l'exportation (notamment face
au Brésil qui avait dévalué son real de moitié), avait fait exploser le déficit
commercial. Pourtant, c'est le même Cavallo qui, ministre de l'ancien président
Menem, était le "père de la prospérité" du début des années 90. En
fait, cette politique financière visait à se prémunir contre l'inflation
galopante qui était encore de 175% en 1991, après qu'elle ait atteint 5000% (!)
en 1989.
D'autres voix (notamment celles qui ont fait de
"l'anti-mondialisation" leur fonds de commerce) nous disent que la
responsabilité de la catastrophe actuelle revient au Fonds monétaire
international qui, en imposant des politiques d'austérité (dites de
"réajustement structurel") a cassé la croissance économique de
l'Argentine. C'est vrai que les "spécialistes" du FMI ne méritent pas
toujours la réputation de "meilleurs économistes du monde" que leur
avait décerné son ex-directeur général, Michel Camdessus en 1998[1] [5]. On
l'a vu notamment lors de la crise asiatique de 1997 qui avait surpris ces
"experts". Cela dit, ils ne font que faire appliquer les lois du
capitalisme : leur objectif est de permettre que les pays surendettés
continuent à être capables de rembourser leurs créanciers, et c'est pour cela
qu'ils prônent de façon invariable la réduction des "dépenses
excessives", c'est-à-dire une austérité draconienne pour les populations
pauvres, et particulièrement pour les ouvriers. Ce n'est pas le FMI qu'il faut
donc remettre en cause, mais le système dont il est un des principaux
défenseurs.
Les mêmes qui dénoncent le FMI font également grand cas de la corruption :
"Les institutions, des trois pouvoirs étatiques jusqu'aux syndicats, en
passant par l'armée et la police, le parlement et les partis politiques sont
les acteurs répétés de scandales de corruption, de malversation, de
clientélisme, de procédures anti-démocratiques et de toutes sortes de délits
d'une envergure et d'une arrogance telles que, s'ils ne provoquaient pas des
résultats aussi désastreux, on pourrait en faire les sujets d'une série
télévisée ou d'une opérette à l'italienne." ("Le lent naufrage de
l'Argentine", Le Monde diplomatique, octobre 1999)
C'est vrai que la corruption en Argentine est spectaculaire, mais c'est tout
simplement la caricature d'une situation qui prévaut dans le monde entier où
les "scandales" ne cessent de faire le pain béni des journalistes.
Le marasme économique dans lequel plonge l'Argentine aujourd'hui ne peut que se
solder par une aggravation encore plus terrible de la misère de la population,
alors que déjà 2000 personnes passent chaque jour en dessous du seuil de
pauvreté. Et bien évidemment, cet accroissement de la misère va frapper encore
plus durement la classe ouvrière. Une classe ouvrière qui se retrouve
aujourd'hui noyée au milieu des émeutes de la faim dans un grand mouvement de
"protestation populaire" interclassiste au sein duquel elle ne peut
ni affirmer son autonomie de classe ni mettre en avant ses propres méthodes de
luttes. Car les pillages des magasins et les saccages de vitrines ne sont
nullement une manifestation de la force du prolétariat et de ses méthodes de
lutte contre le capitalisme. Ces actes de violence ne font qu'exprimer le
désespoir des couches sociales les plus cruellement frappées par la misère et
dont la révolte, aussi légitime soit-elle, n'est qu'un feu de paille qui ne
peut déboucher sur aucune perspective.
Les nouvelles vagues de licenciements et les baisses de salaires qui
s'annoncent ne peuvent que créer les conditions pour un ressurgissement massif
des luttes ouvrières dans ce pays.
Depuis la fin des années 60, le prolétariat en Argentine a manifesté à
plusieurs reprises son énorme combativité face aux attaques capitalistes. En
1969, les ouvriers de Cordoba ont tenu la deuxième ville du pays pendant
plusieurs jours. En novembre 1992, puis en août, septembre et décembre 1996, de
même que l'été dernier (voir ri315/Argentine_lutte_de_classe [6]) l'Argentine a été ébranlée par
plusieurs vagues de grève générale qui, à chaque fois, avaient mobilisé des
dizaines de milliers d'ouvriers. Mais malgré leur énorme combativité, ces
grèves massives n'ont pas été en mesure d'empêcher l'Etat argentin d'appliquer ses
plans d'austérité successifs. Cette difficulté résulte de la très forte
influence du syndicat péroniste, la CGT, et notamment du poids considérable de
l'idéologie nationaliste, vestige du péronisme. De plus, après les sept années
de plomb du pouvoir des généraux qui se sont achevés en 1983, les illusions
démocratiques pèsent encore très lourdement sur la conscience de la classe
ouvrière de ce pays. C'est ainsi que la bourgeoisie continue à exploiter les
illusions nationalistes et démocratiques du prolétariat en lui faisant croire
que ce serait le FMI le responsable de la banqueroute de l'Etat argentin et
qu'un changement de gouvernement pourrait apporter une amélioration de
l'économie nationale.
Et on peut donc être sûr que, une fois encore, les forces d'opposition et les
syndicats se préparent à dévoyer la colère des masses ouvrières sur le terrain
pourri de l'alternance du jeu démocratique bourgeois, c'est-à-dire vers les
isoloirs électoraux.
Le chaos économique et social qui ébranle aujourd'hui l'Argentine annonce,
même si c'est de façon caricaturale, ce que sera la situation de la classe
ouvrière demain dans les pays développés. Car l'Argentine était un pays
développé, le plus développé de toute l'Amérique latine (avec un PNB de 7750
dollars par habitant en 1999, contre 3970 pour le Mexique, 3680 pour le
Vénézuela et 4350 pour le Brésil). Aujourd'hui, la plongée de l'économie
capitaliste dans le gouffre d'une nouvelle récession mondiale ne peut que se
solder par la banqueroute des Etats qui n'ont pu jusqu'à présent développer
leur économie qu'au prix d'un endettement faramineux.
Plus la classe dominante va continuer à tricher avec les lois du capitalisme,
notamment en vivant sur le crédit, pour masquer la faillite de son système,
plus elle va continuer à créer les conditions pour de nouvelles convulsions
comme celles que connaît l'Argentine aujourd'hui.
A cette situation d'impasse économique, de chaos social et de misère croissante
pour la classe ouvrière, celle-ci n'a qu'une seule réponse à apporter : développer
massivement ses luttes sur son propre terrain de classe dans tous les pays. Car
aucune "alternance démocratique", aucun changement de gouvernement,
en Argentine, comme en France et partout ailleurs, ne peut apporter un
quelconque remède à la maladie mortelle du capitalisme. La généralisation et
l'unification des combats du prolétariat mondial, vers le renversement du
capitalisme, est la seule alternative capable de sortir la société de cette
impasse.
[1] [7] "L'équipe des économistes du FMI est certainement la meilleure du monde parce qu'il est normal que le monde s'offre ça" (Michel Camdessus, le 19 octobre 1998 sur France Inter)
L'économie capitaliste mondiale est en pleine crise ouverte. A son tour,
l'Allemagne, après les Etats-Unis et le Japon est entrée officiellement
en récession. Tous les indicateurs économiques sont repartis dans
le rouge. Le taux de croissance dans les 30 pays de l'OCDE ne devrait pas dépasser
1% en 2002. Et ce ne sont pas les prévisions "optimistes"
des "experts" qui annoncent un redressement pour le second semestre
de l'année qui peuvent rassurer, alors que depuis trente ans, ils annoncent
régulièrement " la sortie du tunnel ".
L'accélération de la dégradation des conditions de vie
des ouvriers est manifeste partout dans le monde. A commencer par l'aggravation
du chômage. Aux Etats-Unis, 2 millions d'emplois ont été
perdus au cours de l'année 2001. De gigantesques nouveaux plans de licenciements
concernant le cœur des pays industrialisés sont annoncés,
dans tous les secteurs de l'industrie, de l'automobile (60.000 chez Ford aux
Etats-Unis) à l'aéronautique (6000 pour Airbus après les
"dégraissages" massifs pour Boeing et les compagnies aériennes)
en passant par les secteurs de pointe comme l'informatique, la "high tech" ou par l'électroménager (Brandt) au même titre que
les secteurs plus traditionnels (les mines en Espagne, la sidérurgie
en Allemagne). Sans parler de l'effondrement de la "net économie" dont les bulles de savon liées à la frénésie
de spéculation financière immédiate crèvent les
unes après les autres. Le démantèlement des restes de l'Etat-Providence
se fait sentir dans le secteur de la santé en France après la
Grande-Bretagne. Les retraites sont diminuées brutalement en Allemagne
ou en Italie et le seront bientôt en France. La flexibilité du
travail et sa précarisation sont imposées partout sous diverses
formes. Depuis l'été 2001, le passage à l'Euro sert de
justification à une accélération brutale du coût
de la vie dans les Etats concernés.
Après plus de trois ans de récession, la plongée dans la
banqueroute de l'Argentine, naguère présentée comme "un modèle de redressement économique" par la Banque mondiale,
est révélatrice de l'avenir que nous réserve la société
capitaliste. Or, la seule promesse du "nouveau" président
Duhalde pour obtenir un nouveau prêt conditionnel du FMI, c'est la suppression
de 100.000 emplois supplémentaires. Non seulement d'autres Etats latino-américains
comme le Brésil ou le Chili sont menacés de connaître le
même sort mais après le krach de 1997 des tigres et des dragons
du Sud-Est asiatique, ces mêmes pays connaissent de nouvelles alertes.
La faillite de l'Argentine comme la faillite du géant américain
Enron sont des indicateurs de la faillite GLOBALE du système capitaliste.
C'est à cause de cet enfoncement dans une crise sans issue que la bourgeoisie
est partout poussée à exprimer les rivalités entre nations
suscitées par la course concurrentielle vers le profit sur un terrain
d'affrontements militaires. Dans le cadre d'un marché mondial sursaturé,
les contradictions insurmontables du système précipitent les Etats
dans des conflits où les enjeux stratégiques prennent le pas sur
les intérêts économiques immédiats. Tous les Etats,
des plus grands aux plus petits, en manifestant leur nature impérialiste,
sont condamnés à une fuite en avant dans l'augmentation des budgets
militaires, dans la course aux armements et finalement dans l'engrenage d'une
implication militaire et guerrière de plus en plus importante. C'est
pour cela que depuis plus de soixante ans, se révèle un autre
visage du capitalisme : la guerre permanente. La guerre est devenue un phénomène
inséparable de la survie même du mode de production capitaliste.
Mais depuis douze ans, après l'effondrement du bloc capitaliste russe
et la dissolution de la discipline issue de l'ancienne politique des blocs,
on a assisté à une brutale accélération des tensions
impérialistes dominée par une tendance au chaos et au "chacun
pour soi" et à une multiplication des foyers de conflits. L'intervention
militaire en Afghanistan des grandes puissances qui se présentent comme
les gendarmes du monde est aujourd'hui un concentré saisissant des contradictions
du système. Menée au nom de la "pacification" et de
la "lutte contre les nouvelles menaces terroristes", elle ne fait
que semer davantage la mort, la barbarie et le chaos. Plus que jamais, la planète
se retrouve mise à feu et à sang. Ces opérations musclées
de "maintien de l'ordre" qui sont des démonstrations de force
militaire de plus en plus brutales, contribuent à attiser, entretenir
et aggraver les foyers de conflits non seulement en Asie Centrale mais aussi
au Moyen-Orient où la spirale de la violence aveugle ne fait que s'élargir
de jour en jour, d'attentats-kamikazes en représailles disproportionnées.
En s'appuyant sur telle ou telle nation, sur telle ou telle ethnie ou sur telle
ou telle bande armée, elles réactivent d'anciens conflits comme
celui entre l'Inde et le Pakistan. De même, l'intervention des "boys" américains aux Philippines, leurs menaces face à d'autres
pays désignés comme "des protecteurs des terroristes"
ne peuvent qu'élargir dans les mois qui viennent le champ de nouvelles
tueries. Et, chaque fois, ce sont les populations civiles locales qui en sont
les principales victimes. Ce sont elles qui sont massacrées, bombardées,
pourchassées ; ceux qui en réchappent sont condamnés à
l'exode, croupissant dans des camps où ils sont à nouveau décimés
par la misère, la faim, le froid, les épidémies. Cette
fuite en avant dans la barbarie la plus effroyable n'est qu'une autre manifestation
de la faillite historique du capitalisme et de la menace d'anéantissement
que la survie de ce mode de production fait courir à l'humanité.
C'est le même système décadent qui rejette sur le pavé
du chômage des millions de prolétaires qu'il est incapable d'intégrer
à sa production que ce soit au cœur du système ou à
sa périphérie, et qui, dans les Etats sous-développés,
massacre les populations civiles dans des conflits guerriers sans fin.
Mais c'est en menant le combat contre les racines mêmes de la guerre,
contre la crise économique et ses effets dévastateurs, c'est en
s'affirmant sur son propre terrain de classe, c'est en résistant pied
à pied aux attaques qu'elle subit, contre la dégradation de ses
conditions d'existence, contre les licenciements, c'est en se donnant les moyens
de développer massivement ses luttes, que la classe ouvrière pourra
à terme mettre fin au déchaînement de la barbarie guerrière
en renversant le capitalisme avant qu'il ne détruise la planète.
C'est parce qu'elle est la seule classe de la société porteuse
de la réalisation de cette perspective, c'est parce que le développement
de ses combats sont une véritable alternative à la misère
et à la guerre engendrées par le capitalisme que la classe ouvrière
détient le sort de l'humanité entre ses mains.
Bien que les attentats terroristes du 11 septembre et le déchaînement
de la riposte américaine en Afghanistan ait polarisé l'attention
de la classe ouvrière, celle-ci ne s'est pas laissée totalement
paralyser par les campagnes bellicistes de la bourgeoisie. Ainsi, depuis deux
mois, c'est dans tous les secteurs que les ouvriers ont manifesté leur
mécontentement et leur volonté de ne pas courber l'échine
face à la dégradation de leurs conditions de vie. C'est bien ce
dont témoigne la multiplication, ces deux derniers mois, des grèves
dans le public comme dans le privé : à l'usine de textiles DIM
à Autun contre les licenciements début décembre, chez Mc
Donald (où la grève se poursuit depuis le mois de novembre), dans
les bureaux de Postes de la région parisienne contre l'intensification
du travail avec le passage à l'Euro; à l'usine Scholtès
Thionville pour des augmentations de salaires, chez les employés du Musée
de l'Homme à Paris, dans les transports parisiens et en province, chez
les employés municipaux (telle la grève de 9 jours des employés
de la ville de Tours contre les 35 heures), chez les enseignants et les personnels
administratifs, ouvriers et de service de l'Education Nationale, dans les banques
contre la dégradation des conditions de travail, à Renault Flins
contre l'application des 35 heures, etc.
Avec le succès de la grève des gendarmes qui ont obtenu, début
décembre, 1000 francs d'augmentation de salaire et un renforcement de
leurs effectifs, la bourgeoisie a mis a profit ce mouvement hypermédiatisé
non seulement pour dénaturer la lutte de classe (voir RI n°319),
mais pour pousser une fois encore la classe ouvrière derrière
les syndicats. Dans tous ces conflits sociaux, dans le public comme dans le
privé, les syndicats exhortent les ouvriers à engager le combat
en semant l'illusion que la lutte sur un terrain corporatiste paie, et même
qu'elle peut rapporter gros, comme l'aurait démontré la grève
des gendarmes. Ainsi, par exemple, au lendemain de la "victoire" des
gendarmes, la CGT appelle à la mobilisation des ouvriers de l'usine Scholtès
Thionville en mettant en avant une revendication démagogique calquée
sur celle des gendarmes : 1000 francs par mois (ce qui représente une
augmentation de plus de 15% pour des salaires d'environ 6000 à 6500 francs
!), et une prime de fin d'année de 3000 francs.
Alors que tous les secteurs sont confrontés aux mêmes attaques,
notamment la dégradation des conditions de travail et la mise en place
des 35 heures, partout les syndicats se sont efforcés d'émietter
la combativité ouvrière, en enfermant et isolant les différents
foyers de lutte les uns des autres, en planifiant dans le temps les journées
d'action (notamment dans l'Education Nationale ou dans les hôpitaux) afin
d'éviter un mouvement massif et uni de toute la classe ouvrière.
Une fois encore, face à la montée du mécontentement des
ouvriers, les syndicats prennent les devants et occupent tout le terrain social.
Ce sont eux qui organisent, contrôlent et dirigent les grèves,
les assemblées générales et les manifestations avec comme
seul objectif de lâcher un peu la vapeur en période préélectorale.
En canalisant et défoulant la colère des ouvriers dans l'impasse
du corporatisme, leurs manoeuvres, comme toujours, ne visent qu'un seul but
: permettre au patronat et au gouvernement de faire passer leurs attaques.
Aujourd'hui, ce sont les grèves et manifestations dans le secteur de
la santé qui font l'objet de toutes sortes de manoeuvres de la bourgeoisie.
Ainsi, alors que le protocole Guigou d'application des 35 heures dans la Fonction
publique hospitalière provoque une flambée de colère dans
ce secteur, les médias ont monté en épingle la grève
des médecins généralistes revendiquant une augmentation
de leurs honoraires. A la suite des journées "sans toubibs",
on a vu également les infirmières libérales se mobiliser
à leur tour pour le même type de revendications que celles des
médecins libéraux. Les médias ne se sont pas privés
d'étaler leur énorme combativité révélées
par des échauffourées avec les CRS lors de leur manifestation
du 23 janvier à Paris. Grâce à la médiatisation de
ces mouvements de colère de la petite-bourgeoisie libérale (confrontée
elle aussi à l'aggravation de la crise et aux restrictions imposées
par l'Etat), la bourgeoisie cherche aujourd'hui à semer la confusion
dans les rangs ouvriers en masquant l'attaque constituée par l'application
des 35 heures dans la Fonction publique. Elle cherche non seulement à
noyer la colère des travailleurs des hôpitaux dans un vaste mouvement
protéiforme de tous les "professionnels de la santé",
mais encore à saboter leur riposte contre l'application de la loi Aubry.
Ainsi, l'ouverture des négociations locales, début janvier, dans
tous les hôpitaux a permis au gouvernement Jospin de laisser toute latitude
aux syndicats pour organiser la division et la dispersion des luttes dans ce
secteur. Alors que la loi Aubry sur les 35 heures n'a qu'un seul objectif, l'annualisation
et la flexibilité du temps de travail en fonction des besoins non pas
des ouvriers mais des entreprises, leur application dans la Fonction publique
hospitalière est présentée par tous les syndicats non signataires
de cet accord (CGT, FO, CFTC, SUD) comme un "acquis social" qu'il
faudrait maintenant imposer chacun dans son coin, chacun dans "sa boîte"
en faisant pression sur les directeurs d'hôpitaux ! Depuis la fin de l'année
2001, ce sont les travailleurs de plus d'une trentaine d'hôpitaux qui
ont été appelés par les syndicats CGT, FO, CFTC, SUD à
se mobiliser pour que l'ARTT (qui ne sera effective qu'à partir du 1er
avril), "ne soit pas un leurre".
Pour enfermer les ouvriers dans "leur" hôpital et empêcher
une riposte massive et unie de tout le secteur hospitalier, le principal thème
revendicatif des syndicats (qui sont bien sûr les seuls à négocier
avec les directions) consiste à polariser les ouvriers sur le "maintien
des acquis locaux" ( jours de congés supplémentaires, intégration
du temps de repas dans le temps de travail, etc.). En mettant en avant la défense
de ces "acquis locaux", les syndicats ont organisé partout
la dispersion, l'émiettement et l'enfermement des luttes et ont défoulé
la colère des hospitaliers dans des actions locales : mise en place par
les syndicats de comité de grève et autres "collectifs de
lutte" au sein de chaque hôpital, manifestations locales y compris
dans l'enceinte-même des hôpitaux (comme au centre hospitalier Sainte-Anne
à Paris où le 15 janvier, les syndicats ont organisé une
manifestation à l'intérieur des murs de l'hôpital afin d'exiger
du directeur qu'il sorte de son bureau pour s'expliquer devant les grévistes,
etc. !
Partout, ces forces d'encadrement capitalistes sèment l'illusion qu'en
faisant pression sur les directeurs pour obtenir des effectifs supplémentaires
permettant une véritable réduction du temps de travail, en luttant
chacun dans "sa" boîte, les travailleurs pourraient éviter
de "se faire arnaquer" !
Grâce au protocole Guigou d'application de la loi Aubry, grâce aux
manoeuvres syndicales d'isolement et d'émiettement de la combativité
dans le secteur de la santé, la bourgeoisie cherche aujourd'hui à
imposer l'annualisation et la flexibilité du temps de travail en évitant
une riposte massive de toute la Fonction publique hospitalière.
En appelant à la "grève reconductible", en poussant
les hospitaliers dans des grèves longues (certains hôpitaux, comme
les CHU de Rennes et Clermont-Ferrand, sont en grève depuis plus de six
semaines), les syndicats visent à épuiser la combativité
ouvrière et à empêcher ainsi toute réflexion sur
l'attaque que représente en réalité la loi Aubry sur les
35 heures. Une attaque qui, quels que soient les protocoles de mise en application
suivant les secteurs, n'est pas spécifique aux travailleurs des hôpitaux.
C'est toute la classe ouvrière, dans le public comme dans le privé,
qui est aujourd'hui victime de l'escroquerie des 35 heures. Ce n'est qu'en développant
une riposte unie de tous les secteurs, en brisant l'enfermement et la division
organisée par ces défenseurs de l'ordre capitaliste que sont les
syndicats, que la classe ouvrière pourra lutter efficacement contre toutes
les attaques et les "arnaques" de la bourgeoisie.
Dans les numéros précédents de RI[1] [14], nous avons fait une analyse du processus qui a amené à la banqueroute totale de l'Argentine: une dette qui représente aujourd'hui plus de la moitié du PNB. Un chômage qui atteint aujourd'hui la moitié de la population active. Un pays qui, en dix ans, est passé de l'hyper-inflation à l'hyper-endettement. Après trois ans de récession, après le plan de "sauvetage" de mars 2000, le FMI refuse en novembre de débloquer les milliards de dollars promis. Sans la moindre liquidité pour payer le service d'une dette gigantesque, le gouvernement impose le "corralito " : les gens ne pourront sortir que 1000 pesos (dollars) au maximum par mois. Epargne bloquée et salaires kidnappés par l'Etat lui-même. Après trois ans de récession, trois ans d'augmentation galopante du chômage, de la pauvreté, de la précarité, après les baisses de salaires et des pensions du mois de mars, maintenant le peu que les gens possèdent à la banque se retrouve confisqué par l'Etat. Partout, économistes, scribouillards de toutes sortes, se mettent à proposer des solutions, à faire des analyses sur la "mauvaise étoile" des Argentins, dans une espèce de mauvais tango sur un disque rayé. En fait, la "solution" de la bourgeoisie est toujours la même : faire payer les prolétaires, exploiter encore plus, saigner à blanc et, ce faisant, transformer certaines parties du monde en terrains vagues habités par des clochards. Où que ce soit dans le monde (les tigres et autres dragons du Sud-est asiatique, en Russie ou au Mexique), à chaque fois, à chaque "nouveau plan", c'est toujours les mêmes qui trinquent.
L'Argentine n'est pas une exception, elle n'est même plus le signe avant-coureur, mais l'image à peine déformée de ce qui attend, à plus ou moins longue échéance, de plus en plus larges parties du monde.
Dans le cas de l'Argentine, le FMI est en train de mettre la pression pour éviter la contamination aux pays voisins et même à l'Europe. Le FMI sait très bien que de nouveaux crédits n'auraient engendré que de nouvelles dettes dans une fuite en avant sans fin, suicidaire, et qui auraient contaminé à coup sûr les pays voisins et l'Europe.
Ainsi, la seule façon de procéder a été, comme toujours, la même : écraser encore plus les salariés et les classes non-exploiteuses. Au passage, le FMI, en tant que représentant de la bourgeoisie occidentale, a mis au pied du mur sa consœur argentine, bourgeoisie particulièrement corrompue et arrogante. Si, au mois de mars 2001, c'étaient trois ministres des finances qui se sont succédés en 10 jours, maintenant, en 15 jours, ce sont… 5 présidents qui sont passés les uns après les autres ! On a eu droit à toutes les nuances du péronisme, depuis l'histrion populiste de service qui a promis "l'immédiate cessation de payement de la dette" et "de suite, un million d'emplois" (Rodríguez Sáa), jusqu'au populiste bon teint Duhalde qui, lui, a été le candidat péroniste contre De La Rúa, et qui se permet maintenant de critiquer "tous ces stupides et corrompus qui nous ont mis dans un tel état", faisant référence, entre autres, à son coreligionnaire Menem.
A côté de la mesure de blocage de l'épargne, le nouveau gouvernement a décidé de dissocier le peso du dollar, ou plutôt de faire deux "pesos", un équivalent au dollar, l'autre "flottant". La mesure est présentée avec son mode d'emploi démagogique : il s'agit d'arrêter la fuite des capitaux ; ainsi pour ceux qui veulent acheter des dollars, ce sera toujours 1$ = 1peso. Par contre, pour acheter des produits à l'étranger, ce sera la valeur du peso "réel". Déjà, actuellement, le peso réel vaut 0,7 $ avec la dévaluation. Le résultat pour une population où la paupérisation se propage sans entrave est l'augmentation des produits de première nécessité. Le "faiseur de miracles" Cavallo (ex-ministre de l'Economie) avait inventé, il y a dix ans, la "dollarisation" pour juguler l'hyper-inflation. Dix ans après, le même Cavallo était de retour pour juguler l'hyper-endettement. Maintenant que Cavallo a été remercié, on va assister à un retour de l'inflation et à une augmentation du coût de la vie, avec le blocage des salaires. Mais il est bien évident qu'il n'y a plus de "retour en arrière possible" : aujourd'hui la situation a évolué en bien pire. Et, plus important encore, le monde entier est en récession. Ainsi, la crise argentine n'est qu'un signe majeur de la situation actuelle de l'économie mondiale, dans laquelle elle s'inscrit pleinement.
C'est le 20 décembre 2001 que le gouvernement de De La Rúa a pris la décision de la confiscation de l'épargne. A partir de là, toute une série d'émeutes vont se produire en Argentine jusqu'à récemment.
Augmentation du chômage et précarité ont été le quotidien depuis trois ans pour la classe ouvrière argentine. En fait, la dégradation de ses conditions de vie, déjà ancienne, est entrée en chute libre. En mai 2001, la bourgeoisie a porté une attaque en règle contre les fonctionnaires retraités.
Un autre aspect de la crise argentine a été l'appauvrissement constant de ce que les sociologues appellent la "classe moyenne", fierté de la "nation" argentine, où l'on mélange petits commerçants, petits patrons, professions libérales avec les employés de l'Etat. Il est vrai que le "corralito" a été un sérieux coup sur la tête de la petite bourgeoisie argentine, une petite-bourgeoisie très paupérisée, amère, désespérée. La loi de confiscation des avoirs la touche de plein fouet. Mais elle-même se considère pour ce qu'elle est : une "classe moyenne". À côté des émeutes de la faim, des assauts contre les supermarchés et les transports de denrées, les "cacerolazos" (les concerts de casseroles) ont été très clairement marqués par ces couches sociales, quand ils ne furent pas, dans la plupart des cas, montés par des organisations leur appartenant : à Cordoba, les manifestations violentes sont organisées par les PME. A Buenos Aires, à côté des petits commerçants, ce sont les avocats qui ont dirigé les manifestations contre les "juges corrompus" de la Cour Suprême. Cette révolte populaire qui a commencé par des émeutes d'un "peuple affamé", avec une classe ouvrière noyée dans le désespoir, est en train de finir en manifestations d'une petite bourgeoisie, misérable certes, où la classe ouvrière, en tant que telle, est complètement dévoyée. Les couches moyennes en Argentine sont en train de vivre un processus de paupérisation galopante, de désespoir total, ce qui n'empêche qu'elles imprègnent ces mouvements de protestation, ces émeutes, de toutes les caractéristiques de ces couches : un avenir inexistant enrobé d'une idéologie nationaliste hystérique. Voilà dans quelle situation difficile se trouve aujourd'hui la classe ouvrière en Argentine qui a eu par le passé une expérience de lutte autonome exemplaire. Un dernier événement vient illustrer cette situation. Vendredi 11 janvier, 600 "piqueteros" ("coupeurs de route") appartenant à un groupe d'ouvriers et de chômeurs très combatifs se sont présentés devant le Marché Central de Buenos Aires pour décharger des cageots de victuailles des camions et les porter dans un quartier populaire. Un millier d'ouvriers manutentionnaires du Marché Central, sous-payés, les ont expulsés à coup de bâton, les poursuivant dans les champs, blessant grièvement plusieurs d'entre eux. Cette bagarre n'est pas une anecdote. Comme le fait remarquer un journal argentin : "L'affrontement entre exploités et affamés, synthèse pathétique à la base de la crise argentine, a débouché, après la bastonnade sur les "piqueteros", sur l'assaut de la direction du Marché Central par la troupe même des manutentionnaires." Soit dit en passant, cette lutte contre la direction actuelle du Marché se fait pour le compte d'autres coteries du pouvoir dans le monde privilégié des combines et du clientélisme. D'un côté, les "piqueteros" qui épuisent leur combativité dans des blocages de routes et autres actions radicales sans le moindre lendemain. De l'autre, les manutentionnaires entre les mains des syndicats péronistes, utilisés comme troupes de choc pour le compte des politiciens plus ou moins mafieux.
Aujourd'hui, face à la situation de misère à laquelle elle est confrontée, la colère de la classe ouvrière en Argentine est noyée au milieu de toutes les autres couches sociales sans avenir. Prétendre aider la classe ouvrière de ce pays en s'excitant et en applaudissant ce mouvement de révolte populaire interclassiste, parce qu'il a l'air de s'opposer aux intérêts de la bourgeoisie, c'est la jeter encore plus dans les bras d'une petite-bourgeoisie passablement décomposée. Ce n'est qu'en développant ses luttes sur son propre terrain de classe, en s'affirmant comme classe autonome avec ses propres moyens de lutte dans les grèves et manifestations massives autour de revendications communes à toute la classe exploitée, que celle-ci pourra intégrer dans son combat les autres couches sociales victimes de la misère et de l'austérité capitaliste. Le combat sur son propre terrain de classe est la seule voie qui puisse permettre à la classe ouvrière d'en finir avec la misère, en construisant par et dans la lutte un rapport de force capable de renverser le capitalisme à l'échelle mondiale. Seule l'affirmation de sa perspective révolutionnaire pourra permettre au prolétariat de construire une autre société basée non sur l'exploitation et le profit, sur les lois du marché, mais sur la satisfaction des besoins humains. Ce n'est que dans une société communiste mondiale que la distribution de biens de consommation pourra être réellement effective en se développant à l'échelle de l'histoire et de toute l'humanité.
En ce sens, les révolutionnaires doivent être clairs ; ils ne sont pas là pour consoler leur classe, pour la pousser dans des impasses, mais pour lui montrer le chemin de sa perspective et défendre ses propres intérêts en la mettant en garde contre les dangers qui la menacent : en particulier celui de se laisser dévoyer dans des révoltes interclassistes et dans les illusions démocratiques.
Comme nous l'avons toujours mis en évidence, cette perspective révolutionnaire dépend essentiellement du développement du combat des bataillons les plus concentrés et expérimentés du prolétariat mondial, et notamment ceux de la vieille Europe occidentale. Du fait de sa longue expérience des pièges de l'Etat démocratique, de son jeu parlementaire et des manoeuvres de ses syndicats, seul le prolétariat des pays les plus industrialisés, peut ouvrir une dynamique vers la généralisation mondiale des combats de classe en vue du renversement du capitalisme. C'est dans la vieille Europe que le capitalisme est né et a créé son propre fossoyeur. C'est dans cette partie du monde que le géant prolétarien lui portera les premiers coups décisifs.
Voilà pourquoi les communistes ne doivent pas céder à l'impatience en refusant de voir les difficultés auxquelles est confronté le prolétariat en Argentine qui, malgré son énorme combativité, n'a pas la force politique, du fait de son manque d'expérience historique, de développer un mouvement révolutionnaire en s'affirmant comme classe autonome.
Face à la faillite du capitalisme, les communistes ont donc le devoir de mettre en avant les buts généraux du mouvement prolétarien dans son ensemble en soulignant l'énorme responsabilité qui repose sur les épaules du prolétariat des pays centraux du capitalisme.
Pn (20 janvier)
Depuis la guerre du Golfe, la classe ouvrière mondiale a été
confrontée sans cesse à la réalité de la guerre
: les innombrables conflits en Afrique et en Yougoslavie, celui du Kosovo, du
Kargil (région du Cachemire indien où les affrontements entre
l'Inde et le Pakistan ont fait plus de 30.000 morts, pour la plupart des civils,
en 1998), l'intervention militaire en Afghanistan et, maintenant, les préparatifs
de guerre entre l'Inde et le Pakistan, nations qui possèdent l'arme nucléaire
et se livrent un face à face menaçant.
Cette réalité du système capitaliste en décomposition,
constamment déchiré par la guerre, est horrifiante. Considérée
en dehors du cadre historique du marxisme, elle conduit au désespoir.
Seule l'analyse historique et matérialiste de la réalité
du capitalisme aujourd'hui, fournit une clef pour comprendre les guerres et
les crises qui ravagent le système capitaliste mondial.
Les guerres qui ont ravagé le système capitaliste depuis le début
du 20e siècle ne peuvent être comprises que dans le cadre de la
décadence de ce système, à partir de 1914. Cependant, le
cadre immédiat dans lequel se déroulent les guerres actuelles
est défini par l'effondrement des blocs impérialistes à
la fin des années 1980 et par la décomposition du capitalisme.
Comme nous l'avons montré à maintes reprises, l'effondrement du
bloc russe en 1989 a entraîné l'effondrement du bloc occidental.
Ceci a éliminé la discipline de bloc qui empêchait que des
conflits entre puissances de moindre importance n'éclatent de façon
incontrôlée. La réalité, telle qu'elle apparaît
depuis lors, se définit le mieux par le règne du "chacun
pour soi". Ce sont toutes les puissances, petites ou grandes, qui cherchent
à satisfaire leurs appétits impérialistes, quel qu'en soit
le coût. De ce fait, les grandes puissances, en particulier la seule superpuissance
mondiale, les Etats-Unis, ont de plus en plus de difficultés à
contenir les conflits entre les gangsters de moindre importance.
Les guerres auxquelles nous faisons référence ci-dessus ont été
le produit de cette tendance au chacun pour soi. Les roulements de tambours
annoncent la guerre qui se prépare entre l'Inde et le Pakistan aujourd'hui.
Cette guerre, tout en trouvant ses racines dans leur passé, se situe
dans ce cadre historique global du chaos généralisé, de
la tendance au chacun pour soi.
Depuis l'attentat terroriste du 13 décembre 2001 contre le Parlement
indien, la bourgeoisie indienne réclame à grands cris la guerre
contre le Pakistan. A la suite de cet attentat, toutes les fractions de la bourgeoisie
indienne se sont réunies au Parlement le 18 décembre et ont déclaré
soutenir toute action diplomatique et militaire, y compris la guerre, que leur
gouvernement serait amené à entreprendre pour "punir",
à l'instar des Américains, les "terroristes et ceux qui leur
apportent leur soutien".
Immédiatement après, la bourgeoisie indienne a commencé
une campagne de propagande belliciste. Les politiciens ont fait des déclarations
visant à développer une hystérie guerrière et les
médias ont stimulé cette frénésie chauvine par des
reportages patriotiques sur la préparation de la guerre. Ceci a été
accompagné par une mobilisation en vue de la guerre tout le long de la
frontière. Près d'un demi-million de soldats ont été
déplacés vers la frontière entre les deux pays. Réciproquement,
les Pakistanais ont fait de même. La machine de guerre de chacun des deux
Etats s'est mise en marche vers la frontière.
L'Inde et le Pakistan ont déplacé les populations civiles en-dehors
de la zone frontalière et, de chaque côté, les champs de
blé ont été transformés en champs de mines.
Ces bruits de bottes ont été accompagnés par une offensive
diplomatique de la part de l'Inde, un jeu dans lequel le Pakistan est, pour
le moment, en position d'infériorité. La bourgeoisie indienne
a rappelé son ambassadeur à Islamabad ; chacun des deux Etats
a demandé à l'autre de réduire les membres de son personnel
diplomatique de 50% et a restreint leurs déplacements aux seules capitales.
Chacun a interdit à l'autre l'utilisation de son espace aérien
pour les vols civils et toutes les voies de transport ont été
coupées. Il est aussi question d'abroger un vieux traité sur le
partage de l'eau de l'Indus. On peut dire que les préparatifs de guerre
sont terminés : les deux armées se font face, prêtes à
s'entre-tuer à n'importe quel moment.
De façon superficielle, tout ceci n'est que le résultat de l'attentat
du 13 décembre contre le Parlement indien. Mais si cette guerre finit
par éclater, elle ne sera pas le première entre l'Inde et le Pakistan.
Depuis leur naissance, en 1947, les deux Etats ont mené pas moins de
quatre guerres ouvertes ( 1948, 1965, 1971 et 1999 ) et s'en sont approchés
en maintes autres occasions. Quand ils ne se font pas ouvertement la guerre,
ils la font par ethnies interposées, comme au Cachemire, ou bien avant
au Pendjab indien (le Pendjab a été séparé en deux
provinces portant le même nom, l'une au Pakistan et l'autre en Inde, lors
de la partition en 1947 et où les affrontements ont été
très violents) et à Karachi (capitale de la province de Sindh
au sud-est du Pakistan).
C'est dans la naissance même de ces deux Etats que la guerre prend ses
racines. Leurs relations - dans l'esprit de leur bourgeoisie dirigeante - semble
se résumer à cette simple équation de leur lutte à
mort : "C'est vous ou nous." C'est cette équation qui a caractérisé
les relations entre les deux blocs impérialistes durant la "guerre
froide" et qui s'est résolue par la destruction du bloc russe. La
bourgeoisie du Pakistan parle de "saigner l'Inde par mille plaies"
(guerre quotidienne au Cachemire, au Khalistan et ailleurs). En Inde, la bourgeoisie
ne cesse d'évoquer la nécessité d'une "guerre terminale"
avec le Pakistan, seule façon de ramener la "paix". Ce type
de discours, non seulement exprime leur haine mutuelle, mais aussi révèle
leurs forces respectives et leurs calculs stratégiques.
Immédiatement après cet attentat contre le Parlement indien,
qui a fait 14 victimes, la bourgeoisie indienne a décidé et déclaré
qu'il avait été perpétré par deux groupes terroristes
basés au Pakistan, Let et Jaish, avec l'aide des services secrets pakistanais,
l'ISI. L'Inde a demandé au Pakistan d'entamer une action contre ces deux
groupes et simultanément a commencé sa mobilisation en vue de
la guerre. Ceci n'est pas sans rappeler l'attitude de la bourgeoisie américaine
après le 11 septembre, concernant Ben Laden et l'Afghanistan.
Ces affirmations de la bourgeoisie indienne sur les deux groupes, Let et Jaish,
ont été acceptées par la bourgeoisie mondiale : les Etats
américain et britannique les ont interdits peu après les déclarations
de l'Inde. Sous leurs pressions, le Pakistan a aussi interdit ces deux groupes
et a arrêté leurs dirigeants. Il semble clair que cet attentat
n'a pas profité à la bourgeoisie pakistanaise. En fait, l'Inde
s'en est servi habilement pour mettre le Pakistan au pied du mur. Cependant,
il est possible que Let et Jaish l'aient accompli avec la complicité
d'éléments dissidents au sein de l'Etat pakistanais, qui pensaient
qu'une guerre pourrait servir leurs intérêts. Il est aussi possible
que l'Etat indien l'ait favorisé. Il s'en est servi avec succès
pour mettre le Pakistan en accusation. Même avant cela, l'Etat indien
avait renforcé son offensive au Cachemire : chaque jour le nombre de
morts ne fait que s'accroître.
Mais la tournure qu'ont pris les événements en Afghanistan a représenté
un encouragement bien plus concret pour la bourgeoisie indienne lui permettant
de passer à l'offensive. Depuis des années, le régime des
talibans se comportait comme une extension de l'Etat pakistanais. Celui-ci utilisait
l'Afghanistan, sous la coupe des talibans, comme un centre d'entraînement
pour les mouvements séparatistes fanatiques au Cachemire, mais aussi
en Asie centrale et en Tchétchénie. Pour le Pakistan, comme pour
les Etats-Unis, l'Afghanistan représentait un passage obligé pour
étendre son influence vers l'Asie centrale. Les stratèges pakistanais
disaient que le contrôle sur l'Afghanistan donnerait à leur pays
une supériorité stratégique sur l'Inde.
La chute de ces derniers a représenté un coup sévère
porté contre le Pakistan. Sa position s'en est trouvé relativement
affaiblie, sa bourgeoisie a été plongée dans le désarroi
et des divisions sont apparues dans ses rangs.
La bourgeoisie indienne a tiré avantage de cette situation et a accéléré
son offensive contre le Pakistan.
Si on la laissait faire, la bourgeoisie indienne serait déjà
en guerre. Mais ceci ne va pas dans le sens des intérêts des Etats-Unis.
Ils se sont engagés en Afghanistan dans une "guerre contre le terrorisme".
Bien que le régime des talibans ait été détruit,
ils ont encore besoin du soutien du Pakistan, que celui-ci le veuille ou non,
pour atteindre leurs buts stratégiques : élimination totale des
talibans, installation d'un régime sous leur contrôle absolu, utilisation
du pays comme base pour pénétrer dans les républiques d'Asie
centrale et surveiller tous les territoires qui l'entourent. Dans l'immédiat,
une guerre entre le Pakistan et l'Inde pourrait tout compromettre. Les Etats-Unis
seraient obligés de choisir leur camp et leurs plans à long terme
visant à la domination de cette partie du monde seraient réduits
à néant.
Les Etats-Unis ont aussi conscience qu'une guerre entre l'Inde et le Pakistan,
compte tenu de leur hostilité, pourrait dégénérer
en une conflagration à plus grande échelle, d'autant plus que
la bourgeoisie indienne est vraiment poussée à bout. Si une guerre
met en danger le Pakistan, le risque est que la Chine soit amenée à
faire une démonstration de force, ce qui entraînerait les Etats-Unis
à réagir. De fait, la Chine a déjà exprimé
son "inquiétude grandissante" concernant les tensions entre
l'Inde et le Pakistan et des mouvements de troupes chinoises ont été
signalés à la frontière sino-indienne.
Compte tenu de cette situation, les Etats-Unis ont accru leurs pressions à
la fois sur l'Inde, pour qu'elle fasse preuve de "retenue", et sur
le Pakistan, pour qu'il entreprenne des actions contre les terroristes. Il semble
peu probable qu'une guerre soit sur le point d'éclater dans cette partie
du monde.
Mais, même si la "paix" qui règne pour le moment et si
les intérêts impérialistes des grandes puissances peuvent
avec succès obliger l'Inde et le Pakistan à se désengager
et à démobiliser, ce ne sera qu'un intermède temporaire.
Et cela n'a rien à voir avec le fait que l'Inde et le Pakistan sont des
"ennemis héréditaires", c'est uniquement parce que la
logique même du capitalisme, c'est la guerre.
Dans ses préparatifs de guerre, la bourgeoisie a essayé d'activer le sentiment de haine nationaliste et la frénésie patriotique. Mais la classe ouvrière n'a rien à gagner de cette guerre, comme elle n'a rien à gagner de tous les conflits impérialistes dans lesquels veulent l'entraîner ses exploiteurs. Les ouvriers doivent refuser de se laisser embrigader par la propagande de la bourgeoisie. La classe ouvrière ne peut mettre en avant ses propres intérêts que par le développement de la lutte de classe contre ses exploiteurs, contre la bourgeoisie, et en affirmant son unité de classe par delà les frontières nationales. La classe ouvrière et son avant-garde révolutionnaire, les communistes, n'ont aucun camp à choisir. L'ennemi de classe est dans tous les camps impérialistes. Face aux menaces de guerre, ils doivent, dans cette région du monde comme partout ailleurs, appeler à l'unité internationale de la classe ouvrière pour la destruction du capitalisme.
Communist Internationalist,Il y a dix ans, en décembre 1991, on assistait à l'éclatement
de l'URSS. Voici ce que nous écrivions à l'époque à
propos de cet événement :
"C'est sur une nouvelle accélération brutale de l'histoire
que vient de s'achever l'année 1991 : l'URSS, ce gigantesque Etat capitaliste
qui fut pendant plus d'un demi-siècle la deuxième puissance mondiale
a été définitivement rayée de la carte du monde
le 21 décembre avec la création de la Communauté des Etats
Indépendants (CEI) au sommet d'Alma-Ata. Depuis deux ans les événements
qui ont secoué l'ex-empire soviétique, la rapidité vertigineuse
avec laquelle ils se sont succédé, n'ont cessé de mettre
en relief l'extrême gravité de la nouvelle situation historique
ouverte avec la fin de la 'guerre froide'. Le monde capitaliste entre aujourd'hui
de plain-pied dans une ère nouvelle, celle de la décomposition
du capitalisme ..."
Dans un autre article paru en octobre 1991 intitulé "URSS : ce n'est
pas le communisme mais le capitalisme qui s'effondre", nous ajoutions :
"Et cet irréversible processus déliquescent qui affecte chaque
jour davantage un Etat bourgeois (...) est l'éclatante manifestation
une fois de plus de la faillite totale du système capitaliste".
A l'opposé des déclarations de George Bush (le père) du
25 décembre 1991 : "L'Union Soviétique n'est plus. C'est
une victoire pour la démocratie et la liberté. Nous sommes ce
soir devant un nouveau monde d'espoirs et de possibilités pour nos enfants",
nous annoncions déjà : "Pour tenter de freiner le chaos mondial
et continuer à s'affirmer comme seul gendarme du monde, l'Etat américain
risque d'être amené, dans le futur, à utiliser une fois
encore les 'grands moyens' (...) L'anarchie qui gangrène ce gigantesque
territoire ne peut que favoriser, partout, la dissémination des armes
nucléaires, qui risquent d'être utilisées par n'importe
quel docteur Folamour local (...) Voilà ce qui se profile derrière
tous les projets de 'désarmement nucléaire' des dirigeants occidentaux
: de nouvelles guerres du Golfe sont aujourd'hui en gestation. Face à
la gravité des enjeux, on peut être sûr que s'il déclenche,
dans l'avenir, une nouvelle 'Tempête du Désert', le gendarme US
aura pour objectif essentiel d'exhiber aux yeux de tous (en particulier de ses
principaux concurrents impérialistes) son gigantesque potentiel militaire
et éventuellement nucléaire. C'est bien le sens qu'il faut donner
aux discours menaçants de Bush lorsqu'il affirme que la guerre du Golfe
aurait été une 'guerre pour rien', laissant entendre avec un cynisme
sans nom que 'les USA n'ont peut être pas été assez loin'.
Ainsi, de la même façon que la guerre du Golfe avait constitué
une conséquence directe de l'effondrement du bloc de l'Est, le déchaînement
du chaos et du 'chacun pour soi' résultant de la disparition de l'Etat
soviétique vient aujourd'hui aggraver à une échelle considérable
la menace de nouveaux bains de sang sur toute la planète. Une telle situation
ne peut que contraindre, à terme, les grandes puissances, et en premier
lieu les USA, à se lancer dans l'engrenage de la barbarie guerrière.
Voilà l'avenir que nous promet le 'nouvel ordre mondial' : la fin de
'l'équilibre de la terreur' tant saluée par la classe dominante
a cédé la place au déchaînement de la terreur où,
aux massacres, ne peuvent que succéder de nouvelles boucheries encore
plus sanguinaires. Et cette catastrophe planétaire contenue en germe
dans la situation historique présente n'est certainement pas le résultat
de la faillite du communisme. Si l'URSS a explosé, c'est parce qu'elle
constituait le bastion le plus fragile du système capitaliste décadent,
un bastion qui était condamné à s'effondrer sous les coups
de boutoir de la crise économique mondiale. La disparition de cet Etat
n'est qu'une des manifestations extrêmes de la décomposition générale
du mode de production capitaliste. En continuant à pourrir sur pied,
ce système moribond et barbare porte avec lui la menace de destruction
de toute la planète."
De fait, à quoi a-t-on assisté depuis une décennie ? Certes
pas à une explosion atomique mais bel et bien à une dissémination
de l'arsenal nucléaire issue de l'ex-URSS, alimentée par une décomposition
de l'armée (comme la revente incontrôlée d'armes radioactives
ou le pourrissement de déchets nucléaires dans la mer Baltique).
Et surtout au réveil de conflits entre Etats dotés de la bombe
atomique comme l'Inde et le Pakistan qui continuent à faire planer la
menace d'une destruction massive. Mais ce que ces dix années ont pleinement
démontré et confirmé, c'est l'accélération
et l'enfoncement du monde dans la barbarie guerrière et dans un chaos
sanglant. On a ainsi assisté à l'éclatement de la Yougoslavie,
notamment sous la pression de certaines puissances européenne comme l'Allemagne,
qui en suscitant de nouveaux appétits impérialistes, a marqué
les années 1990 et débouché sur l'extension du chaos guerrier
aux portes de l'Europe occidentale en Croatie, en Bosnie puis au Kosovo. On
a vu la réaffirmation sanglante et brutale de l'impérialisme russe
qui, avec le soutien de toutes les puissances occidentales, perpètre
depuis huit ans des tueries sans fin en Tchétchénie. On a eu droit
à une succession quasi-ininterrompue de massacres en Afrique depuis l'intervention
américaine en Somalie en 1993 jusqu'aux tueries inter-ethniques au Rwanda,
au Burundi, au Zaïre, au Congo, particulièrement alimentées
par les intérêts impérialistes de la France et de la Grande-Bretagne
tandis que les guérillas armées téléguidées
par tel ou tel impérialisme se poursuivent de plus belle sur tout le
continent, de l'Angola au Soudan en passant par le Sahara occidental. On assiste
depuis deux ans à une escalade vertigineuse de la violence au Moyen-Orient,
d'attentats-kamikazes de nationalistes palestiniens en raids de représailles
de plus en plus atroces de l'armée israélienne qui plongent la
région dans un chaos sanglant. Et ce n'est pas la dernière proposition
de Sharon de créer des "zones tampons" pas plus que celle de
la gauche israélienne de construire un mur en Cisjordanie autour de l'enclave
palestinienne (treize ans après la démolition du mur de Berlin,
présentée comme le symbole du "triomphe de la démocratie
et de la paix") qui peut permettre de limiter l'accélération
des affrontements meurtriers.
La fuite en avant dans les aventures guerrières de l'impérialisme
américain pour préserver son statut de gendarme du monde s'est
pleinement confirmée, au nom de la nouvelle croisade anti-terroriste.
Les attentats du 11 septembre 2001 ont fourni un fabuleux prétexte, sous
couvert de traque aux "suppôts du terrorisme" et de combat implacable
contre "l 'axe du Mal" réaffirmé par Bush (le fils)
lors de son discours sur l'état de l'Union le 29 janvier dernier, au
déclenchement d'une guerre exterminatrice illimitée susceptible
de se déchaîner en n'importe quel endroit de la planète.
Cela constitue d'ores et déjà une menace imminente contre des
cibles favorites des Etats-Unis que sont toujours l'Irak comme il y a onze ans
lors de la guerre du Golfe ("le problème n'est pas de savoir si
nous interviendrons mais quand" a déclaré le secrétaire
d'Etat américain à la Défense), l'Iran ou la Corée
du Nord (alors que 37 000 soldats américains occupent déjà
la pseudo- "zone démilitarisée " entre les deux Corées
et que la tournée du président américain en Asie du Sud-Est
n'a pas apaisé les tensions). Elle a permis dans la foulée le
débarquement de 400 GI's aux Philippines. Et bien évidemment,
cette démonstration à la face du monde de la force militaire du
gendarme américain a justifié et justifie encore le bombardement
de l'Afghanistan (déjà au cœur des enjeux impérialistes
entre les blocs et dont la population subissait les ravages de la guerre depuis
son invasion par l'URSS en décembre 1979).
Dans ce contexte, plus que jamais, les "accords de paix", ne sont
que des moments de surenchères dans les rapports de force inter-impérialistes
qui engendrent à leur tour de nouvelles haines nationalistes et de nouveaux
massacres, démontrant que la guerre est irrémédiablement
devenu le mode de survie permanent du capitalisme décadent. Ainsi, en
Afghanistan, le gouvernement provisoire installé par la Maison Blanche
ne fait qu'intensifier les massacres entre bandes armées rivales pachtounes,
ouzbeks et tadjiks au sein desquelles différents impérialismes
occidentaux et régionaux placent leur pion et agissent en sous-main.
C'est ainsi que nous pouvions déjà affirmer dans notre Manifeste
"Révolution communiste ou destruction de l'humanité"
du 9e Congrès du CCI, rédigé en septembre 1991 : "Si
on laisse le capitalisme en place, il finira, même en l'absence d'une
guerre mondiale par détruire définitivement l'humanité
à travers l'accumulation des guerres locales". L'enjeu de cette
situation est patent aujourd'hui. Il est clair que la menace d'anéantissement
de l'humanité ne vient pas seulement d'une guerre atomique ou d'une catastrophe
nucléaire mais que le capitalisme précipite le monde dans un abîme
de chaos et de barbarie guerrière généralisée.
Si les événements ultérieurs ont confirmé et validé
en grande partie et même l'essentiel de nos pronostics, c'est parce que
les efforts du CCI pour comprendre la nouvelle période historique qui
s'ouvrait avec l'éclatement de l'URSS (nos analyses sur la phase de décomposition
du capitalisme, nos thèses sur le militarisme et la décomposition,
la mise en relief de la dynamique du chacun pour soi qui contrecarre la tendance
vers la reformation de blocs impérialistes, etc.) n'ont jamais cessé
de s'appuyer fermement sur la méthode, la vision révolutionnaire
et l'expérience historique du marxisme. Ces analyses sont une confirmation
de la faillite historique du mode de production capitaliste à laquelle
le combat révolutionnaire de la classe ouvrière mondiale, seule
classe porteuse d'un autre avenir pour l'humanité, peut mettre fin, à
travers le développement de ses luttes contre la crise économique.
La candidate à l'élection présidentielle Arlette Laguiller prétend que son programme est l'expression de la défense des intérêts de la classe ouvrière. Mensonges ! Duperie sur toute la ligne ! Ses grands thèmes martelés tout au long de la campagne électorale sont non seulement destinés à engager un maximum d'ouvriers sur le terrain électoral bourgeois mais aussi à enfermer les prolétaires dans de dangereuses illusions réformistes et à dénaturer le sens même de la lutte de classe. Quel est donc ce "programme" ?
"faire payer le patronat", "prélever l'argent sur les
profits patronaux" ou "sur la fortune des actionnaires" pour
"redistribuer les richesses sociales et financer les emplois" , autrement
dit la formule qu'emploie également LO : "faire payer les riches
" . Cette bonne vieille recette de la gauche dans l'opposition a fait en
son temps les choux gras du PCF, en particulier quand le parti stalinien s'en
prenait aux "200 familles" dans les années 1930. Ce n'est rien
d'autre qu'une vaste entreprise de mystification qui revient à faire
croire que la solution au chômage et à la misère engendrés
par le capitalisme se trouverait dans une meilleure gestion de ce système.
Cela ne fait que renvoyer en permanence aux prolétaires l'idée
d'un capitalisme viable, un système qu'il suffirait de réformer,
qu'il serait possible d'orienter dans un sens favorable aux travailleurs et
surtout qu'il n'est pas nécessaire de détruire. Pour exploiter
ce filon électoral, notre "Arlette nationale" va jusqu'à
reprendre aujourd'hui à son compte la vieille idée d'autogestion
galvaudée par les anarchistes d'un côté, par le "modèle
yougoslave" à la Tito de l'autre en passant par les courants ouvertement
réformistes comme le PSU à la fin des années 1960 et dans
les années 1970, reprise par un syndicat comme la CFDT à l'époque.
Quelle que soit la couleur au goût du jour de la façade : au nom
plus libertaire de l'autogestion ou au nom d'une phraséologie empruntée
au marxisme comme l'appropriation collective des moyens de production, le fonds
de commerce reste le même : LO et sa candidate répandent le mythe
que la misère croissante engendrée par le capitalisme n'est pas
le résultat d'un système aux abois mais une simple question de
gestion et de "répartition des richesses". Elles prétendent
que les inégalités sociales et le chômage viennent de ce
que les "riches" amassent du fric qu'ils ne veulent pas partager,
et non pas de la logique même des rapports de production capitalistes.
Depuis Marx dans sa brochure "Salaire, prix et profit", tous les révolutionnaires
n'ont jamais cessé de combattre l'illusion qu'il n'y a pas de société
juste et équitable dans le cadre du capitalisme, que la seule réponse
historique que puisse apporter le prolétariat face aux iniquités
engendrées par ce système, c'est de le détruire, d'abolir
le salariat en développant les luttes contre l'exploitation de la force
de travail et les rapports capitalistes de production. En masquant le caractère
antagonique et inconciliable des intérêts des ouvriers avec ceux
du capital, LO cherche à ramener les ouvriers derrière la défense
de leur entreprise et de l'Etat bourgeois. Quand il arrive à LO de parler
de crise, ce n'est jamais pour y voir la manifestation de la faillite du système
qui fonde la nécessité et la possibilité de la révolution
prolétarienne. C'est pour la présenter soit comme un mythe inventé
par les méchants patrons pour s'en mettre davantage plein les poches,
soit comme le produit d'une mauvaise gestion de l'entreprise. En même
temps, en désignant la poche des "patrons privés" comme
cause de la misère des exploités, LO dédouane le premier
responsable de l'austérité capitaliste et du chômage, le
premier donneur d'ordre des licenciements et de la régression sociale
: l'Etat de la société bourgeoise qui ne peut être qu'un
Etat bourgeois, capitaliste. Pour LO, la solution est toute trouvée :
il suffirait de concentrer les moyens de production aux mains de l'Etat. Car
cet Etat et par voie de conséquence son gouvernement sont présentés
comme un arbitre au-dessus des classes sociales, qui pourraient indifféremment
pencher en faveur de l'une ou de l'autre classe : la bourgeoisie ou le prolétariat.
Le reproche qu'adresse LO à la gauche au gouvernement, c'est "de
se mettre au service des patrons", de "faire des cadeaux au patronat".
LO masque ainsi la nature de l'Etat capitaliste en faisant croire que c'est
lui qui sert les patrons privés alors que c'est la politique des patrons
privés qui est bel et bien au service de la défense du capital
national dont l'Etat représente le garant, le meilleur et le plus rigoureux
représentant. En réalité, le gouvernement "n'obéit"
nullement aux patrons mais ce sont les patrons qui sont contraints d'obéir
à l'Etat et aux intérêts du capital national. Cette recette
miracle c'est la même camelote, les mêmes vieilles recettes que
le PCF a servi pendant des décennies : mieux gérer le capitalisme,
c'est marcher vers une économie rationnellement organisée et planifiée,
capitaliste d'Etat, il suffit que l'Etat "s 'approprie et contrôle
les moyens de production" sur le modèle stalinien au nom de "l'Etat
ouvrier" qui en URSS aurait fait pendant 70 ans "la preuve de sa supériorité
économique". La raison profonde de cette mystification, c'est que
LO a pris la place et le flambeau du PC stalinien pour apparaître aujourd'hui
comme le plus fervent défenseur, le champion du capitalisme d'Etat.
Mais le grand dada de LO, c'est "la réquisition des entreprises
qui licencient" avec sa proposition de faire une loi promulguant l'interdiction
de licencier pour les entreprises qui font des profits. En s'en prenant aux
entreprises qui licencient tout en faisant des bénéfices, LO ignore
les dizaines de milliers de prolétaires jetés sur le pavé
pour cause de faillite pure et simple des entreprises. LO reprend le discours
mystificateur de toute la bourgeoisie qui présente le financement des
emplois comme une part prise sur les profits des capitalistes, et voudrait nous
faire croire que l'embauche des ouvriers serait un "cadeau" qui leur
serait fait en "sacrifiant" une partie des profits capitalistes. C
'est exactement le contraire qui est vrai : les richesses sont produites par
le travail, pas par le capital et c'est ce dernier qui s'en approprie une partie
sur le dos de la classe ouvrière à travers la plus-value. Le capitalisme
vit avant tout de l'exploitation du travail des prolétaires, sans cela,
il ne peut tirer aucun profit. La condition indispensable pour que cette plus-value
se réalise, c'est la vente des produits du travail des ouvriers dans
le cadre du marché. La véritable origine des plans de licenciements
massifs qui s'abattent sur le dos de la classe ouvrière, c'est bel et
bien la crise de surproduction affectant globalement le système, avec
l'exacerbation de la concurrence capitaliste sur le marché mondial saturé
de marchandises. Quand les capitalistes peuvent accroître leurs parts
de marché, ils embauchent davantage de main-d'oeuvre. A l'inverse, ils
réduisent les salariés au chômage pour diminuer leurs coûts
de production en fonction d'une mévente réelle ou anticipée.
C'est pourquoi le "financement des emplois" ne peut pas être
une question de répartition de profits.
Quant au fait que LO appelle les ouvriers à faire confiance à
l'Etat en lui demandant de prendre des mesures de coercition contre "le
patronat privé" quand il licencie, c'est de la poudre aux yeux.
Dans le cadre du capitalisme, les réquisitions d'usine ont toujours été
une contrainte par la force dirigée contre la classe ouvrière,
par l'appareil répressif de l'Etat (police ou armée) pour briser
directement les luttes ouvrières et faire redémarrer la production.
Elles ont toujours correspondu à une militarisation du travail, fusil
dans le dos. Et LO voudrait faire croire aux prolétaires que cette contrainte
pourrait s'exercer aussi contre le capitalisme en masquant toujours la même
réalité que l'Etat n'est que l'instrument docile aux mains de
la classe dominante et de ses rapports de production.
Le reste n'est qu'un accommodement de cette sauce réformiste au goût
du jour. LO réclame donc la levée du secret bancaire et l'ouverture
des livres de compte des entreprises :
"Il faut le contrôle de la population sur tous les accords financiers,
sur tous les grands centres dans le pays et hors du pays. Il faut lever ce secret
commercial et ce secret bancaire qui ne servent qu'à cacher aux yeux
de la population les énormes profits de ces quelques trusts qui font
et défont les emplois" (éditorial de LO du 2 décembre
1998). Conclusion : travailleurs, inutile de détruire l'Etat bourgeois,
il suffit de "moraliser" l'économie ; allez dans le secret
des banques étudier les balances comptables et tout ira mieux. Cette
"recette" est de la même eau que la taxe Tobin (voir RI n°317,
novembre 2001) que LO se permet pourtant de critiquer. La spéculation
et les trafics financiers ne sont nullement la cause de la crise, ils ne sont
que la conséquence directe de l'impasse où est acculé le
mode de production capitaliste. Aucune mesure étatique, "populaire"
ou pas, n'empêchera la crise de se poursuivre et d'étendre ses
ravages sur toute la planète. Voilà ce que la propagande de LO
cherche à cacher à la classe ouvrière. Elle participe d'un
discours populiste totalement démagogique qui surfe sur la vague de dénonciation
des magouilles et des affaires des politiciens, en semant les mêmes illusions
que les "antimondialistes" sur la possibilité d'un capitalisme
propre en évitant de mettre en cause les racines de ces phénomènes
: la décomposition et le pourrissement sur pied du capitalisme agonisant.
Le ton radical et le verbiage pseudo-révolutionnaire "d'Arlette" ne sont qu'un leurre : LO n'a rien d'une organisation ouvrière, la place que lui accorde la bourgeoisie dans cette campagne électorale ne sert qu'à dénaturer le marxisme aux yeux des prolétaires, à les empêcher de prendre conscience de la faillite du mode de production capitaliste et à les enfermer dans le cadre gestionnaire, réformiste et parfaitement bourgeois, à préserver l'ordre capitaliste existant et à faire obstacle au combat de classe pour le renversement du capitalisme.
CB (16 février)Parce que dans le meilleur des cas il exprime une influence de l'idéologie petite-bourgeoise dans les rangs du prolétariat (quand il n'est pas directement une composante de la bourgeoisie au travers de ses organisations les plus établies comme la FA - Fédération Anarchiste), l'anarchisme, même s'il peut condamner fermement la guerre impérialiste, ne peut offrir de réelle perspective révolutionnaire au prolétariat.
Notons d'abord la grande variété de la nébuleuse anarchiste.
Au nom de la sacro-sainte autonomie individuelle, chacun n'engage que lui-même.
Au sein d'un même groupement politique, chaque "compagnon",
"cercle" ou "unité régionale" y va de son
interprétation du monde, sans qu'il soit possible de savoir précisément
quelle est la position officielle de l'organisation et quelles sont les tendances
politiques alternatives qui s'y opposent. C'est déjà un aspect
fondamental qui s'oppose aux intérêts profonds du prolétariat
qui tend toujours à faire émerger une réponse unie et internationale
face à la guerre, comme expression de l'unité de la classe ouvrière
et de la nature globale de son combat. Et quand cela n'est pas possible du fait
de divergences politiques momentanément insurmontables, c'est une responsabilité
des organisations révolutionnaires de présenter clairement face
à la classe leurs positions respectives comme facteur actif de clarification
et de décantation du milieu politique et de développement de la
conscience de classe.
Le courant anarchiste, quand il s'essaie à une déclaration commune
(contre la guerre en Afghanistan), ne peut guère produire que des déclarations
pacifistes et contre-révolutionnaires. Pour autant, au sein de certaines
tendances de l'anarcho-syndicalisme, se font jour des positions plus "radicales"
et nettement influencées par des positions de classe.
C'est le cas en particulier de l'article "Socialisme ou Barbarie"
paru dans l'édition nationale de Combat Syndicaliste, septembre-octobre
2001, (CS). Cet article se place du point de vue de la classe ouvrière,
principale victime de l'attentat du 11 septembre comme de la croisade guerrière
qui l'accompagne depuis, et fait une critique argumentée du capitalisme
et de sa frénésie d'accumulation, rappelle les innombrables guerres
qui ont ponctué le 20e siècle, dénonce l'Union Sacrée
et l'hypocrisie de la bourgeoisie. Il pose clairement que les Etats-Unis sont
des "terroristes comme les autres", et que "l'attentat sert déjà
de justification à de futures atrocités" (CS, p.3). Il perçoit
que "malgré l'unité de façade, chaque Etat dans ces
guerres cherche à défendre ses propres intérêts"
(CS, p.6). Ce numéro de CS campe donc sur une position internationaliste
: "Nous sommes tous les victimes d'un même système, le capitalisme,
qui exploite, licencie et cherche à nous enrôler dans des conflits
qui ne sont pas les nôtres" (CS, éditorial) et plus loin :
"Internationalistes, nous n'avons jamais versé dans 'l'anti-américanisme',
et nous avons toujours été solidaires des américains qui
luttent contre l'exploitation capitaliste, comme nous le sommes avec tous les
travailleurs, tous les opprimés du monde, en lutte contre un même
système économique, celui qui exploite et licencie de New York
à Pékin, en passant par Moscou. Et dans cette ambiance d'union
sacrée, nous restons ce que nous avons toujours été, non
pas américains, français ou arabe mais des travailleurs, des membres
de la classe mondiale des exploités et qui ont un même intérêt
contre les capitalistes de toute nationalité" (CS, p.4).
Mais ce radicalisme "prolétarien" de façade ne fait
plus illusion lorsqu'on découvre la position de ce même groupe
dans l'édition Midi-Pyrénées de CS : "qui peut penser
sérieusement qu'à l'intérieur même des Etats-Unis,
un hispanique, un noir, un pauvre, sont traités à égalité
avec un riche ? Où est la démocratie là-dedans, où
est la justice ?" (CSMP, p.9). Ainsi, il n'est plus question ici de dénoncer
le capitalisme et de poser le problème en termes d'antagonisme entre
les classes, celle des exploités et celle des exploiteurs. dans son édition
Midi Pyrénées, CS révèle en fait le vrai fond de
commerce du courant anarchiste : l'interclassisme dont l'une des variantes est
l'antiracisme. Les "opprimés", ce ne sont pas les prolétaires
quelle que soit leur race, mais les "noirs" et les "hispaniques".
Mais, pire encore, nos libertaires radicaux se fendent, dans cet article, d'une
dénonciation pleurnicharde des inégalités sociales entre
les "riches" et les "pauvres" tout en se lamentant sur l'absence
de "démocratie" et de "justice" !
Au-delà de l'idéologie réformiste que véhicule la
composante anarcho-syndicaliste du courant libertaire, ce qui caractérise
essentiellement ce dernier c'est sa démarche non pas scientifique, mais
idéaliste et morale. Une telle approche ne peut que le situer, à
l'instar des trotskistes, dans le camp de la bourgeoisie.
C'est bien ce dont témoigne encore la façon pour le moins ambiguë
dont cet article dénonce le terrorisme, en disant une chose et son contraire
: "Il est nécessaire de préciser que le terrorisme n'a jamais
été un moyen de lutte prolétarienne, cela n'a jamais été
une arme au service des exploités et des opprimés. Si certaines
situations historiques ont imposés ou imposent la lutte armée,
elle s'est toujours, lorsqu'elle a été menée par des militants
ouvriers, opposée au terrorisme. Les luttes de partisans contre le fascisme,
les attentats contre le tsar ou contre Franco n'ont jamais visé le peuple
ni même un peuple, mais les têtes couronnées, les bouchers,
les oppresseurs" (CS, p.3). En effet il est nécessaire de préciser
! Car le terrorisme sorti en grande pompe par la porte, contre " un peuple",
revient par la fenêtre au nom de la lutte contre " les bouchers,
les oppresseurs". Il ne s'agit pas ici d'une question de morale. Les révolutionnaires
n'ont jamais eu d'états d'âme quand des généraux,
des "bouchers", etc., se sont fait exécuter. La question n'est
pas de savoir si la victime du terrorisme est un "oppresseur", mais
bien plutôt de savoir ce qui renforce ou pas la conscience et le combat
de la classe ouvrière. C'est pour cela par exemple que la construction
d'un courant marxiste et authentiquement révolutionnaire en Russie s'est
effectué, y compris contre les terroristes qui pourtant n'hésitaient
pas à s'en prendre au tsar ou à son ministre Stolypine. A contrario,
face à l'immensité des difficultés de la révolution,
on a vu les SR (Socialistes-Révolutionnaires) de gauche revenir à
leurs premières amours et attenter à la vie de Lénine,
caractérisé comme "l'oppresseur" du jour (à l'été
1918). Ainsi, pour les anarcho-syndicalistes, si "l'oppresseur" du
jour est le fascisme, alors, adieu l'internationalisme .et vive la lutte des
partisans ! N'en déplaise à la CNT-AIT, la lutte des partisans
contre le fascisme était une lutte nationale, rouage essentiel de la
boucherie impérialiste, et elle n'était pas " menée
par des militants ouvriers" mais par les traîtres et les bourreaux
du prolétariat, les staliniens !
C'est à juste raison que ce numéro de Combat Syndicaliste affirme
: "Le capitalisme est en décomposition, une décomposition
qui entraîne l'humanité dans la spirale sanglante de la barbarie.
Pour mettre fin à cette barbarie, il est plus que jamais nécessaire
de lutter pour une autre organisation de la société, d'abolir
ce despotisme de l'atelier lié au chaos du marché qu'est l'économie
capitaliste (...) Pour en finir avec les ignominies du capitalisme, la perspective
de la révolution sociale est plus que jamais d'une brûlante actualité."
(CS, p.6)
C'est pour cela que le prolétariat doit se détourner résolument
de ces marchands d'illusion que sont les anarchistes. Le courant "libertaire"
n'a jamais de mots assez durs pour dénigrer et discréditer le
marxisme, qui est le seul courant capable de défendre un point de vue
de classe. Contrairement aux anarchistes de tout poil, le marxisme, de par sa
méthode scientifique et non idéaliste ou morale, a toujours mis
en évidence que le prolétariat est la seule classe exploitée
qui soit également une classe révolutionnaire. C'est pour cela
que contrairement aux anarchistes, il a toujours défendu que le prolétariat
doit mener son combat en vue du renversement du capitalisme en affirmant son
autonomie de classe, en refusant de se dissoudre dans le "peuple"
en général et dans les mouvements interclassistes (pacifistes,
antiracistes, etc.).
Depuis ses origines, le mouvement
ouvrier a dû faire face à la répression de la bourgeoisie. Cependant, ce serait
une grave erreur - une naïveté extrême - que de croire que cette répression ne
prend que la forme d'une répression physique exercée contre les grèves ou les
soulèvements ouvriers.
La révolution prolétarienne est la première de l'histoire dont le succès
dépendra fondamentalement de la conscience de la classe révolutionnaire de ses
propres buts, de la finalité de son combat contre le capitalisme : le
communisme. Inévitablement dans la société capitaliste, cette conscience
historique se développe de façon hétérogène au sein du prolétariat, et c'est
pourquoi la conscience de classe révolutionnaire est cristallisée d'abord dans
des organisations politiques, avant-gardes minoritaires de la classe ouvrière.
Ironie de l'histoire, la bourgeoisie s'est souvent montrée plus clairvoyante que les masses ouvrières elles-mêmes quant au rôle fondamental des organisations révolutionnaires. Depuis toujours, elle prête une attention particulière aux organisations politiques qui se réclament de la révolution communiste, même dans des périodes où celles-ci sont ultra-minoritaires, voire complètement inconnues du prolétariat dans son ensemble. Ceci reste vrai quel que soit le régime politique du moment. Pour ne donner que deux exemples qui nous concernent directement :
Une seule fois dans l'histoire, les méthodes de la police politique ont pu être
examinées de manière exhaustive par les révolutionnaires : après la révolution
d'octobre 1917, quand les archives de la police secrète tsariste -l'Okhrana-
sont tombées entre les mains des bolcheviks. C'est à partir de ces archives que
Victor Serge a écrit son livre "Ce
que tout révolutionnaire doit savoir de la répression", qui reste un
exposé d'une grande valeur pour la compréhension des méthodes policières. Comme
disait Victor Serge, l'Okhrana était "le
prototype de la police politique moderne". Cependant, comme nous allons
voir, l'espionnage et la provocation policière ne sont pas nés avec l'Okhrana,
et les révolutionnaires n'ont pas attendu le livre de Serge pour comprendre
l'intérêt dont ils étaient l'objet.
Quel est le but de cet intérêt policier ? Ce n'est pas simplement d'espionner,
réprimer et détruire les organisations révolutionnaires. La bourgeoisie - et
ses polices politiques - sait très bien que les organisations politiques du
prolétariat naissent non pas dans les têtes des individus qui les composent,
mais des conditions mêmes de la lutte de classe et de l'opposition permanente
entre la classe ouvrière et la société capitaliste.
Ce n'est donc pas par hasard si le personnage de l'agent provocateur a toujours
été honni dans le mouvement ouvrier, à la fois dans ses organisations
politiques et dans les organismes que fait surgir la classe ouvrière au cours
de ses luttes (assemblées générales, comités d'usines, etc.). Dès leurs
origines, les organisations politiques de la classe ouvrière ont essayé de se
prémunir contre l'activité de l'agent provocateur. Ainsi, nous pouvons lire la
règle suivante, introduite dans les statuts de la London Corresponding Society
(l'une des premières véritables organisations politiques ouvrières) en 1795 :
"Tous ceux qui essaient de nuire à
l'ordre, sous le prétexte de montrer leur zèle, leur courage, ou pour toute
autre raison, sont à soupçonner. Un caractère bruyant n'est que rarement signe
de courage, et un zèle extrême cache souvent la trahison"[1] [23]. De la même façon,
la Ligue des Communistes (dont Marx a écrit le fameux Manifeste en 1848) énonça
dans l'article 42 de ses statuts : "Les
individus écartés ou exclus, ainsi qu'en général les sujets suspects, sont à
surveiller par la Ligue et à mettre hors d'état de nuire"
Cependant, l'efficacité du provocateur a ses limites. Comme l'affirme encore
Victor Serge : "(…) la provocation
ne peut jamais nuire qu'à des individus ou à des groupes (...) elle est à peu
près impuissante contre le mouvement révolutionnaire considéré dans son
ensemble.
Nous avons vu un agent provocateur se charger de faire entrer en Russie (1912)
la littérature bolchevique ; un autre (Malinovsky) prononcer à la Douma des
discours rédigés par Lénine (…) Or, qu'une brochure de propagande soit répandue
par les soins d'un agent secret ou par ceux d'un militant dévoué, le résultat
est le même : l'essentiel est qu'elle soit lue (...) Quand l'agent secret
Malinovsky fait retentir à la Douma la voix de Lénine, le ministère de
l'Intérieur aurait bien tort de se réjouir du succès de son agent stipendié. La
parole de Lénine a pour le pays beaucoup plus d'importance que la voix d'un misérable n'en a par
elle-même".
Bien pire que la provocation en elle-même est le soupçon, la méfiance qui
peuvent s'installer au sein même de l'organisation quand ses membres se sentent
les cibles de la provocation. C'est d'autant plus le cas parce que - en dehors
de ce cas unique que fut la saisie des archives de l'Okhrana - les
révolutionnaires n'ont évidemment pas les moyens de chercher des preuves dans
les archives de la police, et la police elle-même fait tout pour brouiller les
pistes et pour protéger les véritables espions. Au pire, la police n'a même pas
besoin d'agir, elle n'a qu'à laisser la méfiance et la suspicion s'installer et
en récolter les fruits : la paralysie, voire l'éclatement de l'organisation
révolutionnaire. Le livre de Thompson nous donne un exemple frappant de cette
paralysie qui touche la London Corresponding Society : "En 1794 un certain Jones, de Tottenham, fut
accusé (à tort) d'être un espion, à cause de ses résolutions violentes, que
l'on soupçonnaient 'd'avoir comme but de piéger la Society'. Comme nous le
rapporte Groves (le véritable espion), non sans un certain humour malicieux,
Jones s'est plaint : 'Si un citoyen propose une Résolution un tant soit peu
énergique, on le prend pour un espion envoyé par le gouvernement. Si un citoyen
s'assoit dans un coin et ne dit rien, c'est qu'il regarde ce qui se passe pour
en faire un rapport (...) les citoyens ne savent plus comment ils doivent agir'"[2] [24].
Si la méfiance au sein de l'organisation est facteur de paralysie et de
désagrégation d'une organisation prolétarienne, le soupçon est un fardeau
terrible et parfois insupportable pour le militant individuel (Serge cite des
exemples de militants qui se sont suicidés, ou ont commis des actes désespérés,
parce qu'ils n'ont pas pu se laver d'un soupçon injustifié). Un militant
communiste se met en opposition à toute la société bourgeoise et aux attributs
de celle-ci. Il est mis au ban de la société, il est montré du doigt par toute
la machine de la propagande bourgeoise comme un illuminé au mieux, un criminel
sanglant au pire. Il peut être traqué impunément comme une bête à abattre. Pour
garder la tête haute, le militant communiste doit non seulement maintenir une
conviction inébranlable dans la cause historique du prolétariat, dans le futur
de l'humanité, dans la nécessité et la possibilité d'une révolution communiste
; il doit aussi préserver son honneur de militant, le respect et la confiance
de ses camarades de combat. Il n'y a pas pire honte pour un militant communiste
que d'être désigné comme un traître. Le soupçon est facile à semer,
terriblement difficile à effacer. C'est pour cela que les militants communistes
ont le devoir de défendre leur dignité face aux soupçons et à la calomnie, de
même que l'organisation a la responsabilité de ne pas tolérer en son sein ce
poison qui détruit son unité et la solidarité entre camarades.
Ce n'est pas pour rien qu'en 1860, Karl Marx a publié sa dénonciation de Karl
Vogt, un espion à la solde de Napoléon III qui avait lui-même accusé Marx
d'être un agent de la police. Les commentateurs bourgeois "bien
intentionnés" voient souvent dans ce texte une faiblesse de Marx, une
distraction de son œuvre "philosophique" pour s'attaquer à un
individu méprisable, et ils considèrent que le texte -avec son attention
minutieuse aux détails les plus lamentables de l'activité de Vogt- représente
un exemple de "l'autoritarisme" de Marx qui n'aurait pas supporté la
contradiction. C'est ne rien comprendre à l'action de Marx, qui détestait
parler en public de lui-même ou de ses affaires personnelles, mais qui s'est
senti obligé de consacrer une année entière à ce travail indispensable afin de
défendre à la fois son honneur personnel de révolutionnaire, mais aussi et
surtout le mouvement dont il faisait partie.
Victor Serge avait bien raison quand il écrivait : "(…) c'est une tradition : les ennemis de l'action, les lâches, les
biens installés, les opportunistes ramassent volontiers leurs armes dans les
égouts ! Le soupçon et la calomnie leur servent à discréditer les
révolutionnaires."
Le danger du soupçon incontrôlé au sein de l'organisation était bien compris
par les révolutionnaires du passé comme en témoignaient déjà les statuts de la
Ligue des Justes, prédécesseur de la Ligue des Communistes (ce brouillon des statuts
date de janvier 1843) : "Si
quelqu'un veut se plaindre de personnes ou de questions appartenant à la Ligue,
il doit le faire ouvertement dans la réunion [de la section]. Les dénigreurs seront exclus."
(Point 9)
Vers la fin du 19e siècle, cette position de base est encore affinée. Il ne
suffit pas d'exclure le dénigreur, il faut trouver le moyen de traiter les
accusations éventuelles sans que celles-ci nuisent à l'organisation si elles
s'avèrent infondées. Cette méthode du mouvement ouvrier est préconisée dans les
statuts de la section berlinoise du parti social-démocrate allemand, qui
déclarait en 1882 (alors que le parti travaillait dans l'illégalité) : "Chaque militant -même s'il s'agit d'un
camarade bien connu- a le devoir de maintenir la discrétion sur les sujets discutés
au sein de l'organisation -quelle que soit la matière. Si un camarade entend
une accusation de la part d'un autre camarade, il a le devoir en premier lieu
de la traiter confidentiellement, et il doit exiger de même de la part du
camarade qui l'a informé de l'accusation ; il doit établir les raisons de l'accusation,
et savoir qui en est à l'origine.
Il doit en informer le secrétaire [de la section], qui doit clarifier la
question dans une confrontation avec l'accusé et l'accusateur (...) Toute autre
action, comme par exemple semer le soupçon sans preuves attestées par les
secrétaires [c'est-à-dire les responsables de la section] provoquera des dégâts
importants. Puisque la police a un intérêt notoire à promouvoir la division
dans nos rangs en semant des dénigrements, tout camarade qui ne se tient pas à
la procédure décrite ci-dessus risque d'être considéré comme une personne
travaillant pour la police"[3] [25].
Il est évident que dans les conditions d'illégalité de l'époque, les
révolutionnaires étaient préoccupés au jour le jour par le danger de
l'infiltration de la police dans leurs rangs. Mais le soupçon au sein de
l'organisation n'était pas systématiquement l'œuvre de la police, il pouvait
naître sans la moindre provocation. Même lorsque ces accusations sont lancées
avec les meilleures intentions de protéger l'organisation, la méfiance qu'elles
suscitent peut être encore plus dangereux pour la santé de l'organisation, et
pour la sécurité des militants eux-mêmes, que la véritable provocation. C'est
ce que Victor Serge met encore en évidence : "Des accusations sont murmurées, puis formulées tout haut, le plus
souvent impossibles à tirer au clair. Il en résulte des maux infinis, plus
graves à certains égards que les maux infligés par la provocation réelle (...)
Ce mal -le soupçon, la défiance entre nous- ne peut être circonscrit que par un
grand effort de volonté.
Il faut -et c'est d'ailleurs la condition préalable de toute lutte victorieuse
contre la provocation véritable dont chaque accusation calomnieuse portée
contre un militant fait le jeu- que jamais un homme ne soit accusé a la légère,
et que jamais une accusation formulée contre un révolutionnaire ne soit
classée. Chaque fois qu'un homme aura été effleuré d'un pareil soupçon, un jury
de camarades doit statuer et se prononcer sur l'accusation ou sur la calomnie.
Règles simples à observer avec une inflexible rigueur si l'on veut préserver la
santé morale des organisations révolutionnaires."
Dans cette première partie, nous avons essayé de démontrer :
L'organisation communiste n'a pas sa place "naturelle" dans la société bourgeoise, au contraire elle est un corps étranger dans cette société. L'antagonisme entre les principes communistes et l'idéologie bourgeoise ne se jouent pas seulement à l'extérieur de l'organisation, mais aussi à l'intérieur. L'infiltration de cette idéologie étrangère au prolétariat peut se manifester à travers les positions politiques opportunistes que peut prôner une partie de l'organisation, mais aussi et de façon beaucoup plus insidieuse par des comportements individuels empruntés à la classe dominante (ou à certaines couches sociales sans devenir historiques) et diamétralement opposés au comportement qui doit être celui d'un militant communiste.
Le CCI a toujours mis en évidence que la question du comportement politique
des militants est une question en lien avec les principes de la classe porteuse
du communisme. Contre le poison de la méfiance et de la suspicion, nous
réaffirmons que "les rapports qui se
nouent entre les militants de l'organisation, s'ils portent nécessairement les
stigmates de la société capitaliste, ne peuvent être en contradiction flagrante
avec le but poursuivi par les révolutionnaires. Ils s'appuient sur une
solidarité et une confiance mutuelles qui sont une des marques de
l'appartenance de l'organisation à la classe porteuse du communisme."
(Plate-forme du CCI) Déjà, nos statuts insistent sur le fait que le
comportement d'un militant ne peut pas être en contradiction avec le but pour
lequel nous combattons, et que les débats au sein de l'organisation "soient menés avec le plus de rigueur
possible, mais en se gardant des attaques personnelles qui ne sauraient se
substituer à l'argumentation politique cohérente" Oublier ces règles
de comportement, se laisser happer par l'esprit de concurrence inoculé par la
société capitaliste peut amener des militants encore plus loin hors du terrain
du débat entre communistes, les amener même dans certaines circonstances (par
exemple lorsqu'ils ont été mis en minorité et se sont retrouvés à court
d'arguments dans un débat) à entreprendre des campagnes de calomnie contre
leurs camarades, vus comme des adversaires à abattre.
L'utilisation de campagnes de calomnie contre des militants au sein des
organisations révolutionnaires a jalonné l'histoire du mouvement ouvrier depuis
ses origines. Il suffit de se remémorer les calomnies de Bakounine contre Marx
au sein de l'AIT accusé d'être un "dictateur" (du fait qu'il était...
juif et allemand !), celles déversées après le congrès de 1903 du POSDR par les
mencheviks contre Lénine, accusé de vouloir "faire régner la terreur dans
le parti comme Robespierre". On peut également citer le cas extrême des
campagnes de dénigrement contre Rosa Luxembourg, entreprises par des éléments
opportunistes du parti social-démocrate allemand qui allaient trahir les
principes de la classe ouvrière en 1914. Ainsi, Rosa Luxemburg fut accusée dans
les couloirs du parti d'avoir des moeurs de "libertine" (et même
d'être un agent de la police tsariste, l'Okhrana) par ces militants qui,
quelques années plus tard, allaient organiser en janvier 1919 son assassinat :
le "chien sanglant" Noske et ses complices Ebert et Scheidemann.
Pour ne prendre qu'un dernier exemple, nos prédécesseurs de la Gauche
Communiste de France ont dû faire face aussi à la calomnie au sein de
l'organisation, comme on peut voir dans cette résolution adoptée à la
conférence de la GCF de juillet 1945 :
"Approuvant la résolution de
l'assemblée générale du 16 juin qui enregistrait la rupture de ces éléments
avec l'organisation, la conférence (...) s'élève tout particulièrement contre
la campagne de basse calomnie devenue l'arme préférée de ces éléments contre
l'organisation et contre les militants individuellement.
En recourant à de telles méthodes, ces éléments, tout en illustrant leur dite
politique, créent une atmosphère empoisonnée en introduisant la suspicion, la
menace de pogromes (selon leur propre expression), le gangstérisme, et
perpétuent ainsi la tradition infâme qui était à ce jour l'apanage du
stalinisme.
Estimant urgent de mettre un terme, de ne pas permettre à la calomnie de tenir
lieu de débats politiques dans les rapports entre militants révolutionnaires,
la conférence décide de s'adresser aux groupes révolutionnaires leur demandant
d'instituer un tribunal d'honneur, se prononçant sur la moralité
révolutionnaire des militants calomniés, et d'interdire le droit de cité à la
calomnie ou aux calomniateurs dans les rangs du prolétariat".
Ainsi, notre organisation, en rejetant de ses rangs la calomnie et les
calomniateurs se situe pleinement dans la continuité du combat des
révolutionnaires du passé pour la défense de l'organisation face à toutes les
tentatives visant à la détruire. La calomnie non seulement n'a aucun droit de
cité dans les rangs du prolétariat, mais elle est encore une des armes
préférées de la bourgeoisie pour discréditer les organisations communistes et
semer la méfiance généralisée envers les positions qu'elles défendent. Il
suffit pour s'en convaincre de citer, par exemple, les campagnes de calomnie
dirigées contre Lénine (accusé par le gouvernement Kerenski d'être un agent du
Kaiser et de l'impérialisme allemand) pour discréditer le parti bolchevik à la
veille de la révolution russe, et celles menées contre Trotski (accusé par le
stalinisme d'être un agent d'Hitler et du fascisme) pour dénigrer tout combat
contre le stalinisme dans les années 30.
Le combat contre la calomnie n'est pas seulement une nécessité vitale pour les
militants et l'organisation à laquelle ils appartiennent. Il concerne toutes
les organisations du mouvement communiste. C'est pour cela que, face à ce type
de comportement destructeur, faisant le jeu et favorisant le travail de l'Etat
bourgeois, le CCI se doit de mettre en garde l'ensemble du milieu politique
prolétarien. "Lorsque de tels
comportements sont mis en évidence, il est du devoir de l'organisation de
prendre des mesures non seulement en faveur de sa propre sécurité, mais
également en faveur de la sécurité des autres organisations communistes"
(Revue Internationale n°33,
"Rapport sur la structure et le fonctionnement de l'organisation").
Le CCI vient d'exclure un de ses membres. Une telle mesure n'est pas fréquente de la part de notre organisation. La dernière exclusion d'un membre du CCI remonte à 1995 et la précédente avait eu lieu en 1981. En effet, nous n'appliquons une telle sanction que face à des fautes extrêmement graves, et c'est pour cela qu'en général, nous l'accompagnons d'un communiqué dans la presse parce que nous considérons que l'élément qui est sanctionné représente un danger, non seulement pour notre organisation mais également pour l'ensemble du milieu politique prolétarien et les sympathisants de la Gauche communiste.
Celui qui fait aujourd'hui l'objet d'une telle sanction, Jonas (qui avait également signé des articles dans notre presse des initiales JE) s'est en effet rendu coupable de comportements absolument indignes d'un militant communiste. Nous reproduisons ci-dessous des extraits de la résolution adoptée par notre organisation à son sujet :
"Jonas a présenté sa démission en mai 2001 avec l'argument que sa santé ne lui permettait pas de poursuivre le combat politique au sein de notre organisation alors que celle-ci était menacée à ses dires par une 'entreprise de démolition'. En réalité, le CCI a pu constater que si Jonas s'était mis en retrait, il n'en a pas pour autant cessé toute activité envers notre organisation. Bien au contraire. Il est établi que cette mise en retrait était un moyen de mener secrètement et impunément une politique hostile au CCI consistant notamment :
Un des aspects les plus intolérables et répugnants de son comportement est la véritable campagne qu'il a promue et menée contre un membre de l'organisation (...) l'accusant dans les couloirs et même devant des personnes extérieures au CCI de manipuler son entourage et les organes centraux pour le compte de la police et de n'avoir participé [aux combats passés pour la défense de l'organisation] que pour détourner les soupçons alors [qu'il] aurait été en réalité le complice de Simon [un élément aventurier exclu du CCI en 1995] avec qui il se serait, en quelque sorte, "partagé le travail".
Il peut arriver qu'un militant sincère d'une organisation communiste ait, à tort ou à raison, des soupçons envers un autre militant. Il lui appartient alors d'en faire part aux organes que s'est donné l'organisation pour traiter ce genre de problèmes et qui examinent alors, avec le maximum d'attention, de prudence et de discrétion les éléments sur lesquels se base une telle conviction. Mais telle n'a pas été l'attitude de Jonas. En effet, il a refusé catégoriquement de rencontrer la commission chargée d'examiner ce genre de problèmes alors qu'en même temps il continuait à distiller son poison.
Il faut préciser que le membre du CCI accusé par Jonas d'être un "flic complice de Simon" a demandé que soit menée une enquête approfondie sur son propre compte afin de pouvoir continuer à militer dans nos rangs. Cette enquête a abouti à la conclusion formelle que ces accusations n'avaient absolument aucun fondement et mis en évidence leur caractère mensonger et malveillant. Cela n'a pas empêché Jonas de poursuivre ses calomnies.
"Le fait que Jonas ait refusé de rencontrer le CCI pour s'expliquer sur ses comportements constitue en soi un aveu du fait qu'il est conscient d'être devenu un ennemi de notre organisation malgré ses déclarations théâtrales à 'ses camarades' qu'il présente en réalité (à l'exception de ceux qu'il a réussi à entraîner dans son sillage) soit comme des 'flics', soit comme des 'Torquemada', soit comme de pauvres crétins 'manipulés'".
Aujourd'hui, Jonas est devenu un ennemi acharné du CCI et il a adopté des comportements dignes de ceux d'un agent provocateur. Nous ne savons pas quelles sont ses motivations profondes, mais ce dont nous sommes sûrs, c'est qu'il représente un danger pour le milieu politique prolétarien.
Le CCI (24 février 2002)
Le carnaval électoral est de retour en France avec son cortège
inépuisable de bluff, de magouilles politiciennes, de mensonges, d'illusions.
En réalité, les dés sont pipés d'avance : c'est
toujours la bourgeoisie qui gagne les élections. Sur ce terrain pourri,
les ouvriers n'ont rien à y défendre. L'expérience est
déjà faite depuis longtemps pour les prolétaires : que
la gauche ou la droite l'emporte, tel candidat ou tel autre, cela signifie pour
eux la même politique d'attaques incessantes de toutes les conditions
de vie ouvrière.
C'est pourquoi aujourd'hui encore les révolutionnaires appellent les
ouvriers à déserter toute participation électorale au nom
de la défense de leurs intérêts immédiats et historiques.
Ce n'est qu'en développant leurs luttes sur leur propre terrain de classe,
contre la misère, sur les lieux de travail, dans les grèves et
manifestations qu'ils peuvent réellement exprimer leur colère.
Cette attitude des révolutionnaires n'est pas spécifique aux élections
qui se déroulent aujourd'hui en France. C'est depuis le début
du siècle précédent que, contrairement au 19e , les ouvriers
n'ont plus aucune possibilité d'utiliser les élections pour défendre
leurs intérêts.
A la fin du 19e siècle et au début du 20e siècle par contre, le capitalisme ayant désormais étendu sa domination à l'ensemble de la planète, il ne peut plus être un système progressiste. Il ne peut plus parvenir à surmonter les contradictions économiques qui l'assaillent, il ne peut plus résoudre ses crises cycliques de surproduction car il se heurte aux limites d'un marché mondial de plus en plus saturé. Tous les rapports sociaux de production, propriété privée, salariat, nation, qui avaient constitué le cadre à partir duquel le capitalisme a pu se généraliser à toute la planète et qui avaient permis un formidable développement des forces productives, se transforment en autant d'entraves à ce développement.
Le capitalisme entre définitivement dans une crise historique permanente. Il ne peut désormais survivre qu'à travers un cycle infernal de crise, guerre, reconstruction, nouvelle crise plus aigüe..., entraînant avec lui l'ensemble de l'humanité dans une barbarie et une misère toujours plus grandes.
Ces contradictions insurmontables qui assaillent le capitalisme depuis le début du 20e siècle acquièrent de par leur intensité, leur durée, leur généralisation à tous les pays, une dimension qualitativement nouvelle. Elles placent la classe ouvrière devant la nécessité et la possibilité d'oeuvrer directement au renversement du capitalisme.
Désormais, la survie du capitalisme, compte tenu de l'âpreté de la concurrence entre les différentes fractions nationales de la bourgeoisie qui se disputent les débouchés de plus en plus rares sur le marché mondial, implique une intensification de l'exploitation et des attaques contre toutes les conditions de vie ouvrière. Désormais, il est hors de question pour la bourgeoisie d'accorder dans quelque domaine que ce soit, économique ou politique, des réformes réelles et durables à la classe ouvrière. C'est l'inverse qu'elle lui impose : toujours plus de sacrifices, de misère, d'exploitation et de barbarie.
Dans ces conditions, il n'est plus possible pour le prolétariat de se
défendre sur le terrain des institutions bourgeoises. Sa seule tâche
est maintenant de se préparer à affirmer sa propre perspective
révolutionnaire afin de détruire ce système agonisant de
fond en comble.
Pour y parvenir, il doit rejeter toutes ses méthodes de lutte passées,
devenues désormais caduques : la lutte dans les syndicats et sur le terrain
électoral. Ces moyens qui, au 19e siècle, lui avaient permis de
s'affirmer et de se constituer en classe sont devenus des armes de la bourgeoisie,
des forces de mystification qui ne servent qu'à désarmer les ouvriers,
à les détourner du terrain réel de leurs luttes contre
le capital.
Ainsi, aujourd'hui la classe ouvrière n'a pas le choix. Ou bien elle
se laisse entraîner sur le terrain électoral, sur le terrain de
l'Etat bourgeois qui organise son exploitation et son oppression, terrain où
elle ne peut être qu'atomisée, donc sans force pour résister
aux attaques du capitalisme en crise. Ou bien, elle développe ses luttes
collectives, de façon solidaire et unie, pour défendre ses conditions
de vie. Ce n'est que de cette façon qu'elle pourra développer
sa force de classe, s'unifier et s'organiser en dehors des institutions bourgeoises
pour mener le combat en vue du renversement du capitalisme. Ce n'est que de
cette façon qu'elle pourra, dans le futur, édifier une nouvelle
société débarrassée de l'exploitation, de la misère
et des guerres.
En Israël et en Palestine, les morts se comptent par 40, 50, tous les jours. Jamais auparavant la barbarie quotidienne n'avait atteint un tel degré dans la région. Depuis le déclenchement de la deuxième Intifada en septembre 2000, ce sont 1600 morts qui jonchent le sol de cette région, particulièrement chez les jeunes et les adolescents des zones de populations hyper-concentrées de la bande de Gaza et de Cisjordanie.
La soldatesque de Tsahal, la peur au ventre et excitée par le nationalisme, tire sur tout ce qui bouge, dynamite des quartiers entiers, fouille les maisons, bombarde et entre dans les camps de réfugiés, détruit les infrastructures vitales comme les canalisations d'eau, tire sur les ambulances et les hôpitaux. Elle arrête tout homme de plus de 14 ans sous prétexte de "chasse aux terroristes" en puissance, alimentant d'autant la haine anti-juive des Palestiniens.
Côté palestinien, on assiste à un accroissement sans précédent des attentats aveugles frappant la population d'Israël, arabes israéliens compris : des jeunes désespérés, fanatisés, embrigadés par des groupes islamistes, utilisés comme arme "percutante" par l'Autorité palestinienne (les Brigades de Al-Aksa, par exemple) qui les pousse à jouer les kamikazes au milieu de la foule.
Depuis septembre 2000, c'est bel et bien, en réalité, d'une guerre qu'il s'agit, après les quatre guerres "déclarées" de 1956, 1967, 1973 et 1982 qu'on a vues depuis la création de l'Etat d'Israël en 1948 (sans compter les multiples opérations de police et autres attentats qui n'ont jamais cessé en temps de "paix"). Des deux côtés, de véritables flots de propagande nationaliste s'écoulent, transformant tout un chacun en tueur patenté. Et au déversement massif de cette idéologie abrutissante s'ajoute celui de la religion qui permet d'opposer plus fortement encore les deux "camps" et d'attiser la violence meurtrière.
"De chaque côté, les cliques dirigeantes appellent les ouvriers à "défendre la patrie", qu'elle soit juive ou palestinienne. Ces ouvriers juifs qui en Israël sont exploités par des capitalistes juifs, ces ouvriers palestiniens qui sont exploités par des capitalistes juifs ou par des capitalistes arabes (et souvent de façon bien plus féroce que par les capitalistes juifs puisque dans les entreprises palestiniennes le droit du travail est encore celui de l'ancien empire ottoman).
Les ouvriers juifs ont déjà payé un lourd tribut à la folie guerrière de la bourgeoisie au cours des cinq guerres qu'ils ont subies depuis 1948. Sitôt sortis des camps de concentration et des ghettos d'une Europe ravagée par la guerre mondiale, les grand-parents de ceux qui aujourd'hui portent l'uniforme de Tsahal avaient été entraînés dans la guerre entre Israël et les pays arabes. Puis leurs parents avaient payé le prix du sang dans les guerres de 67, 73 et 82. Ces soldats ne sont pas d'affreuses brutes qui ne pensent qu'à tuer des enfants palestiniens. Ce sont de jeunes appelés, ouvriers pour la plupart, crevant de trouille et de dégoût qu'on oblige de faire la police et dont on bourre le crâne sur la "barbarie" des arabes.
Les ouvriers palestiniens aussi ont déjà payé de façon horrible le prix du sang. Chassés de chez eux en 1948 par la guerre voulue par leurs dirigeants, ils ont passé la plus grande partie de leur vie dans des camps de concentration, enrôlés de gré ou de force à l'adolescence dans les milices du Fatah et autres FPLP ou Hamas. Leurs plus grands massacreurs ne sont d'ailleurs pas les armées d'Israël mais celles des pays où ils étaient parqués comme la Jordanie et le Liban : en septembre 1970 (le "septembre noir"), le "petit roi" Hussein les extermine en masse, au point que certains d'entre eux vont se réfugier en Israël pour échapper à la mort ; en septembre 1982, ce sont des milices arabes (certes chrétiennes et alliées à Israël) qui les massacrent dans les camps de Sabra et Chatila, à Beyrouth." (Révolution Internationale n°307, janvier 2001)
Aujourd'hui, après la conférence de Madrid, les accords d'Oslo
en 1996, les différents sommets de Camp David aux Etats-Unis et de Charm-El-Cheik
en Egypte, le tout enrobé du caramel idéologique de l'octroi du
prix Nobel de la paix à Arafat, Perès et Rabin (ceux-là
mêmes qui n'avaient cessé de fomenter guerres et attentats depuis
des décennies), après tous les discours sur la "paix en marche"
dans la région "grâce" aux efforts américains
(auxquels les pays européens, France en tête, se sont empressés
de s'opposer au maximum), on peut une fois de plus voir ce que le mot "paix"
signifie dans la bouche de la bourgeoisie : la guerre. Cette réalité
est le mode de vie de ce système moribond depuis plus d'un siècle
et ne peut que s'accentuer dans ce siècle, si le prolétariat n'y
met pas fin par la révolution communiste mondiale.
La classe dominante s'inquiète de la possibilité que la crise
économique qui conduit l'économie argentine à la faillite,
ne s'étende à d'autres pays d'Amérique Latine, notamment
le Venezuela, la Colombie, et l'Uruguay. Elle craint le retour d'une crise comme
celle qui a frappé le Sud-Est asiatique en 1997, voire quelque chose
de pire qualitativement et quantitativement.
Le Fonds Monétaire International ayant écarté toute possibilité
de nouveaux emprunts, la seule alternative qui reste pour l'Etat argentin, est
de frapper encore plus durement la classe ouvrière et les autres couches
non-exploiteuses par ses mesures d'austérité.
Une série d'attaques contre les conditions de vie de la classe ouvrière
a provoqué des grèves, des manifestations, et d'autres formes
de lutte. Dans RI n°316 nous en avons donné des exemples, tout en
soulignant les obstacles auxquels la classe ouvrière fait face : la force
des syndicats, le poids des idéologies nationalistes et autres, le danger
de se laisser emporter dans la marée d'un mouvement incluant d'autres
classes sociales, avec d'autres intérêts et d'autres méthodes
de lutte.
Depuis lors, les ouvriers ont été de plus en plus submergés dans un mouvement général qui englobe les sans ressources, la petite-bourgeoisie, les professions libérales et d'autres parties de la population. Les actions spectaculaires - dont aucune n'est caractéristique de la classe ouvrière - comme le pillage, les émeutes, les attaques de banques, les incendies, se sont largement répandues. La police a dispersé des manifestations réunissant toutes les classes sociales au moyen de gaz lacrymogènes et de balles en caoutchouc, sans pour cela provoquer une montée des luttes ouvrières.
Cette situation pose des difficultés considérables pour la classe
ouvrière en Argentine. Comme nous l'avons écrit dans notre presse
:"Face à une attaque énorme contre son niveau de vie, et
une véritable crise sociale et politique, la classe ouvrière n'a
pas été capable jusqu'ici d'affirmer ses propres intérêts
de classe ni sa confiance en elle-même en tant que force sociale distincte,
et s'est laissé emporter par une marée de colère sans direction."
(World Revolution, mars 2002)
Si nous devons comprendre la sévérité de la crise qu'affronte
le capitalisme en Argentine, nous devons comprendre également les limites
de l'intervention de l'impérialisme américain et du FMI face à
l'effondrement économique argentin. Ces limites reflètent la confiance
de la bourgeoisie dans le fait que, dans la situation actuelle, il n'y a aucun
danger significatif à craindre du côté de la classe ouvrière.
La classe ouvrière n'a pas à avoir peur de comprendre la vérité
de sa situation. Mais toute tentative de découvrir la réalité
de la situation sociale réelle en Argentine se heurte à la propagande
des gauchistes, qui ont salué les derniers évènements comme
une "révolution".
Le Weekly Worker du 10 janvier 2002 (hebdomadaire trotskiste en Grande-Bretagne)
prétend que "l'Argentine se trouve dans une situation pré-révolutionnaire
en ébullition. Les partis capitalistes établis -les Radicaux
et les Péronistes- sont incapables de diriger comme avant : la masse
de la population n'est plus prête à être dirigée ainsi".
Workers' Power (février 2002) en fait l'écho : "A partir
de la fin novembre toutes les conditions objectives d'une situation révolutionnaire
ont mûri - la classe dominante était au bord de la paralysie politique.
Quand le FMI rejeta les requêtes répétées de De La
Rua pour des emprunts, et exigea un programme d'austérité encore
plus draconien, les partis de la classe dominante démontrèrent
qu'ils étaient 'incapables de régner comme avant'.
En même temps la classe ouvrière, la petite-bourgeoisie, les secteurs
paupérisés de la société n'étaient pas prêts
de tolérer une situation économique qui allait en empirant, de
même qu'une austérité croissante dictée par le FMI.
La décision de geler les retraits bancaires a exaspéré
les classes moyennes".
Dans ses diverses publications, le plus important des groupes gauchistes en Grande-Bretagne, le Socialist Workers' Party, se montre généralement plus prudent, se demandant (à la une du Socialist Worker, 12 janvier 2002) "Est-ce que la révolte peut mener à la révolution ?". Ceci dit, il soutient l'avis de ses rivaux gauchistes : "Les 19/20 décembre est venue cette fusion d'amertume qui marque le début d'une situation révolutionnaire - les pauvres s'attaquant aux supermarchés pour s'emparer de la nourriture, les couches inférieures des classes moyennes frappant leurs casseroles, les petits commerçants exprimant leur solidarité, et la jeunesse ouvrière en colère dans la rue (…) deux des éléments clés dans la description que donne Lénine d'une situation révolutionnaire sont présents : les masses populaires ne veulent plus continuer comme avant, et la classe dominante ne le peut plus".
Ces groupes se basent sur les remarques de Lénine à propos des
"symptômes d'une situation révolutionnaire", dans La
faillite de la 2e Internationale, publié en septembre 1915. Mais les
gauchistes mentionnent rarement les "trois symptômes principaux".
Cela vaut la peine de les rappeler.
Quels sont, d'une façon générale, les indices d'une
situation révolutionnaire ? Nous sommes certains de ne pas nous tromper
en indiquant les trois principaux indices que voici :
Le seul point dans ce cadre qui demande à être explicité est un point central du marxisme, considérant que, dans la société capitaliste, la seule classe opprimée capable d'une action indépendante est bien la classe ouvrière. Sur tout le reste, la contribution de Lénine reste valable jusqu'à ce jour.
Pour commencer par le premier point de Lénine : il est évident que la classe dirigeante argentine est en désarroi face aux coups portés par trois ans de récession. La succession des présidents, et les "ajustements" budgétaires à la queue leu leu sont le résultat de la force de la crise et le résultat de la politique du FMI. La bourgeoisie s'inquiète de la situation sociale, mais elle ne subit pas la pression de la lutte ouvrière.
Les gauchistes indiquent d'autres facteurs qui détermineraient l'action de l'Etat. Le Weekly Worker (10 janvier 2002) parle des "pillages massifs des supermarchés par les affamés, et des confrontations combatives avec la police en armes devant le parlement et les ministères - des actions dont le soutien massif évident a suffit pour faire tomber les gouvernements du radical De La Rua et de son successeur Péroniste Rodriguez Saa". Il existe bien, selon les mots de Lénine, "le mécontentement et l'indignation des classes opprimées", et la bourgeoisie argentine n'est pas contente du désordre social dans le pays, mais sa capacité de gouverner n'est pas menacée tant que les énergies de la classe ouvrière ne se dirigent pas vers une lutte autonome.
Si on prend le deuxième point mis en avant par Lénine, il est important de prendre en considération la situation des classes opprimées en Argentine. Comme nous l'avons montré dans notre presse, il ne peut y avoir aucun doute quant à la sévérité croissante de chaque régime d'austérité imposé par le gouvernement argentin. Alors que la situation n'a fait qu'empirer, comment la population s'est-elle débrouillée ? Avec une crise alimentaire croissante, est venu le pillage des supermarchés ; avec la pénurie d'argent liquide, on a vu l'émergence de marchés de troc où on échange les produits de première nécessité. Dans chaque cas on voit une tentative désespérée de satisfaire les besoins individuels, mais non pas une lutte collective afin de faire avancer les intérêts de classe. Pour que "la souffrance et la misère des classes opprimées" deviennent un facteur de la situation, elles doivent devenir un stimulant à l'action de classe. La classe ouvrière en Argentine n'a pas été en mesure de distinguer sa lutte de celle des autres couches sociales opprimées.
Ceci nous amène au troisième "symptôme" évoqué par Lénine. Comme nous l'avons souligné, toutes les couches de la population ont souffert des effets de la crise sur l'économie argentine. Cela va "des secteurs les plus exploités - tels ceux qui trouvent leur subsistance dans les monceaux d'ordures - jusqu'aux petits entrepreneurs", comme disait Workers' Power (janvier 2002). Ainsi la crise a frappé des gens de toutes sortes de conditions sociales, avec des intérêts de classe différents et aussi avec des façons différentes de les défendre.
Par exemple, pour ceux qui sont en bas de l'échelle -sans-abri ou habitant les bidonvilles, et qui n'ont jamais été intégrés dans les rapports de travail associé de la classe ouvrière- la vie est une existence au jour le jour, qui ne donne aucune raison de penser qu'on peut travailler avec ou faire confiance aux autres. D'un autre côté, il y a les "classes moyennes", petits commerçants ou marchands, dont la position sociale est saturée d'individualisme. Par contre, la classe ouvrière - la classe du travail associé au cœur de la production capitaliste, et qui n'a que sa force de travail à vendre - est la seule classe capable d'une action indépendante, même si certains des chômeurs ont été repoussés vers les marges de la société. L'histoire a montré que les autres couches sociales n'ont aucune existence indépendante, et tendent à se rallier à l'une des deux classes principales : la classe exploiteuse, ou le prolétariat exploité. En Argentine, du fait que la classe ouvrière ne s'est pas battue sur son propre terrain de classe autonome, elle n'a pas donné une direction au mouvement permettant d'entraîner derrière elle les autres couches sociales. Le 8 août 2001, un des organisateurs d'une grande manifestation à Buenos Aires s'est félicité du fait que "Les Argentins de toutes les classes se rassemblent".
Pour des marxistes, c'est un grave problème que la classe ouvrière doit surmonter. Mais ce mouvement interclassiste ne pose aucun problème pour les gauchistes. "Une coalition de fait s'est créée dans la rue, entre les classes moyennes, la classe ouvrière, et le sous-prolétariat paupérisé… Les classes moyennes sont rentrées sur la scène politique, se sont solidarisées ouvertement avec le pillage des supermarchés par les chômeurs, et se sont opposées à l'état d'urgence qui supprimait leur droit de protester." (Workers' Power, février 2002). La seule classe révolutionnaire au sein de la société capitaliste est la classe ouvrière, mais elle ne peut pas prendre l'initiative si elle se noie dans la masse sans perspective des autres couches sociales.
Malgré tout leur baratin sur la "révolution", les gauchistes ne peuvent pas s'empêcher de révéler certains aspects de la situation qui démentent ce qu'ils disent. Bien qu'il parle des "journées révolutionnaires", Workers' Power (février 2002) est obligé de reconnaître que "de façon générale, la classe ouvrière s'est jointe aux actions du 19 et du 20 décembre en tant qu'individus, ou dans des lieux de travail spécifiques, mais non pas en tant que force organisée". Socialist Worker (9 février 2002) avoue que "Alors que les ouvriers ont été impliqués dans les protestations et les assemblées, en général cela n'a pas été en tant que groupes organisés".
Les diverses assemblées qui se sont formées ont rencontré un mélange d'enthousiasme et de réserve de la part des gauchistes. Pour Workers' Power (février 2002), les assemblées de quartier "représentent l'implication croissante des masses dans la politique", mais "les classes moyennes y jouent un rôle disproportionné", et "les cols-bleus y sont largement absents" : ces dernières "ne doivent pas être confondues avec des conseils ouvriers".
Socialist Worker (9 février 2002) donne un exemple parlant : "Dans un quartier anciennement huppé de Buenos Aires, Belgrano, où quasiment aucun ouvrier n'habite, une assemblée animée se réunit presque chaque soir. Elle a voté pour l'annulation de la dette étrangère, la nationalisation des banques et des industries privées, etc."
Ce qui est intéressant dans cet exemple, c'est que l'assemblée
a voté pour les mêmes mesures capitalistes d'Etat que les assemblées
dans les quartiers ouvriers. Quand les marxistes considèrent une formation
sociale, ils examinent ses revendications, sa composition sociale, et sa façon
d'agir afin de déterminer où elle se place dans la lutte entre
les classes. Dans le cas des assemblées en Argentine, de façon
générale, celles-ci mettent en avant des revendications en faveur
de l'action de l'Etat capitaliste (bien qu'il y ait aussi beaucoup d'opposition
à la répression étatique), leur composition est interclassiste,
et leur mode d'action ne vise pas à l'organisation et à l'indépendance
de la lutte des ouvriers. Quelques assemblées semblent avoir adopté
des axes pour l'organisation d'actions plus radicales, mais ce sont des exceptions.
Le mouvement des piquets (les piqueteros) est un autre phénomène
qui est apparu en Argentine. Regroupant "les chômeurs, les syndicalistes,
les comités de quartier, les militants des droits de l'homme, et les
mouvements régionaux" (International Viewpoint, décembre
2001), il s'est généralisé à tout le pays à
travers le blocage des principales routes. La nature interclassiste du mouvement
a fait que l'action des piquets est restée stérile. Les piquets
délégués par des assemblées ouvrières pour
étendre la lutte font partie intégrante de la lutte de classe.
Mais en Argentine, les barrages routiers ont désorganisé la vie
sociale sans amener la moindre avancée de l'organisation ou de la confiance
de la classe ouvrière en elle-même, sans encourager le moindre
pas en avant dans le développement d'un sentiment d'identité de
classe.
Faire ainsi ressortir les principales caractéristiques de la situation en Argentine ne veut pas dire sous-estimer la combativité du prolétariat. Ces dernières années il a mené des luttes d'ampleur qui ont représenté une force dans la société, malgré leur enfermement dans le cadre syndical. Mais les révolutionnaires ne doivent pas hésiter à mettre en garde la classe ouvrière contre les dangers de se laisser emporter dans des mouvements interclassistes, ou de se laisser tromper pas les illusions démocratiques.
Il est bien typique des gauchistes de proclamer une "situation révolutionnaire"
limitée à un seul pays. En ceci, ils restent conséquents
avec leur célébration des "révolutions" en Indonésie
en 1998 et en Serbie en 2000 - des "révolutions" où
la classe ouvrière a suivi les drapeaux du nationalisme et de la démocratie,
et où l'appareil de l'Etat capitaliste est resté intact. Les marxistes,
par contre, insistent sur le fait que la crise économique est une crise
du capitalisme planétaire, que la force de la classe ouvrière
est celle d'une classe internationale, et que le rapport de force entre les
classes ne peut être déterminé qu'au niveau international.
Parler d'une "situation révolutionnaire" en Argentine, c'est
cacher la réalité des luttes que la classe ouvrière sera
obligée d'entreprendre.
Quand les gauchistes présentent
une image fausse de ce qui se passe en Argentine, ils restent fidèles
à une pratique établie depuis des décennies. C'est le contraire
qui est vrai concernant l'intervention du Bureau International pour le Parti
Révolutionnaire (BIPR), un groupe qui fait partie du camp de la classe
ouvrière. Dans une prise de position récente ("La crise et
le libéralisme économique ont mis l'Argentine à genoux.
Le prolétariat relève la tête"), le BIPR démontre
la gravité de la crise économique, sa nature internationale, les
attaques dévastatrices contre les conditions de vie de la masse de la
population, et le besoin d'éviter les pièges des syndicats.
Quand il décrit la nature de la réponse à ces attaques, le BIPR affirme que "la colère et la violence ont grandi en même temps que la faim, la misère sociale et économique, le désespoir face à la réalité quotidienne, et le manque de perspectives pour l'avenir". Evidemment, le mouvement est très hétérogène, puisque "les jeunes et les étudiants, les ouvriers, les chômeurs, et la petite bourgeoisie prolétarisée d'abord et paupérisée ensuite, sont descendus spontanément dans la rue".
C'est une description juste des évènements, mais quand le BIPR parle des attaques contre les banques, les bureaux, et les supermarchés pour dire que "la faim et la colère (…) restent à la base de ce dernier surgissement insurrectionnel", il abuse d'un terme clé du mouvement marxiste. Lénine suivait Marx, en décrivant l'insurrection comme un art, qui exige l'analyse attentive et l'intervention des révolutionnaires au sein des luttes montantes de la classe ouvrière. Pour les marxistes, "insurrection" ne veut pas dire le pillage et les incendies.
En parlant de la classe ouvrière, le BIPR nous dit que "la réponse a été typiquement prolétariennne", puisque "dans toute l'Argentine des grèves et des occupations ont surgi". C'est comme si la classe ouvrière avait pu entrer en lutte en ignorant l'action des autres couches sociales. En réalité, la classe n'a pas été engagée dans des luttes "typiquement prolétariennes", et les révolutionnaires ne doivent pas essayer de cacher le danger pour les ouvriers d'être emportés dans un mouvement stérile du point de vue social.
Il est vrai, comme dit le BIPR, que "des masses énormes de prolétaires et de déshérités ont été poussés à l'action", mais "l'action" de la classe ouvrière n'est pas la même que celle des autres couches sociales, et dans le contexte argentin il faut distinguer les caractéristiques du mouvement.
Le BIPR affirme que "le contenu de classe d'un mouvement ne dépend pas seulement de son aspect sociologique, c'est-à-dire de la présence de prolétaires, mais surtout des buts politiques qu'il contient et qui s'y développent". Mais il ne dit rien sur ce fait que le poids des autres couches peut avoir une forte influence, qui peut entraver la capacité de la classe ouvrière de développer sa propre identité de classe, sans parler de ses propres "buts politiques". La situation dans laquelle se trouvent les ouvriers est un facteur matériel que les marxistes ont le devoir d'examiner.
Pour le BIPR, "deux éléments sont clairement absents" de la situation, dont "un véritable resurgissement de la lutte de classe". C'est vrai, mais en tant que marxistes nous devons expliquer pourquoi, face à des attaques massives de l'Etat, il n'existe pas de réponse claire de classe. Et une des raisons principales en est que la classe ouvrière a été submergée par un mouvement interclassiste.
Le BIPR évite cette réalité en disant qu'un parti révolutionnaire "peut transformer la colère, la détermination de lutter, et la révolte spontanée, en révolution sociale". Une telle idée met le marxisme sur la tête. Cette idée suggère que, quelle que soit la nature du mouvement -qu'il soit sur un terrain de classe, ou qu'il ait dévoyé les énergies de la classe ouvrière- le parti peut transformer la situation sans tenir compte de la réalité sociale. Et une telle idée relève d'une démarche idéaliste.
Par contre, quand le BIPR dit "qu'il doit y avoir une conscience des antagonismes
de classe", c'est tout à fait juste. La question de savoir comment
les ouvriers reconnaissent leurs intérêts de classe, les moyens
de leur lutte, et la nature de leurs ennemis de classe, est fondamentale. C'est
un processus qui ne saurait être réduit à l'influence des
organisations révolutionnaires, puisqu'il dépend également
de la nature du mouvement dans lequel ils interviennent, et l'existence ou non
déjà de tentatives vers la clarification au sein de la classe
ouvrière elle-même. Les très grandes difficultés
auxquelles s'affronte le prolétariat ne peuvent être abolies de
façon volontariste par des proclamations idéalistes sur la capacité
du parti à transformer la situation.
Le score électoral de Le Pen
au premier tour des présidentielles a constitué un événement
historique de portée internationale. Pour la première fois, le
FN arrive à menacer la "démocratie" française.
Et c'est sous le signe de la "honte" que s'est immédiatement
déchaînée la campagne anti-Le Pen, polarisant l'attention
de toute la population, réveillant dans tous les esprits le spectre du
fascisme.
Dès le soir du premier tour, on a assisté au déferlement de l'hystérie démocratique aux quatre coins du pays avec la multiplication des manifestations massives pour "faire barrage" à l'extrême-droite. Et ce sont toutes les forces de gauche (partis de gauche et d'extrême-gauche, syndicats, MRAP, associations des droits de l'homme, Ras l'front, SOS racisme, etc.) qui ont agité frénétiquement l'épouvantail Le Pen pour rassembler dans la rue des dizaines de milliers de manifestants, en grande majorité des jeunes, étudiants et lycéens. Par ailleurs, l'ensemble des forces démocratiques de l'Etat bourgeois, depuis le PC jusqu'à l'Eglise, appellent à voter "utile" au second tour pour le candidat de droite Chirac (le slogan des jeunes manifestants était "Votez escroc, pas facho !").
Malgré les ratés de la campagne électorale et la débandade de la classe politique française (voir ici [37]), la bourgeoisie n'a pas raté l'occasion de mettre à profit cet événement pour porter un nouveau coup à la conscience de la classe ouvrière en lui faisant croire, une fois encore, que la démocratie est son bien le plus précieux, sa seule planche de salut et qu'elle n'a donc pas d'autre choix que de se mobiliser massivement pour la sauver.
Quand la classe dominante n'a plus de pain à offrir aux prolétaires, elle lui offre des jeux pour la distraire et lui faire oublier que, face à l'enfoncement de l'économie mondiale dans une crise économique sans issue, quelle que soit la clique capitaliste au gouvernement, celle-ci ne peut qu'accentuer ses attaques contre toutes les conditions de vie ouvrières.
En exploitant la défaite cuisante de Jospin et la montée du FN,
toutes les fractions de la bourgeoisie, à droite comme à gauche,
cherchent aujourd'hui à entraîner les ouvriers derrière
la fausse alternative : démocratie contre fascisme.
Elles cherchent à intoxiquer la conscience des prolétaires et
à les dévoyer de leur propre terrain de classe en les embrigadant
dans le raz-de-marée interclassiste de l'union sacrée anti-Le
Pen.
On veut nous faire croire que l'avenir de la société se joue sur
le terrain du cirque électoral.
Ainsi, on a eu droit, dès les premières heures de l'après premier tour, à une analyse extrêmement pernicieuse du score de Le Pen : à coups d'interviews hypermédiatisés, on nous rabâche que si le FN a eu un tel succès, ce serait en grande partie la faute aux abstentionnistes. Cette campagne visant à faire porter "la honte" sur les ouvriers qui, par leur refus des isoloirs électoraux, ont clairement manifesté leur rejet et leur dégoût des partis bourgeois, ne vise qu'un seul objectif : culpabiliser la classe ouvrière en lui faisant croire que ce sont les mauvais "citoyens" abstentionnistes qui mettent en danger la démocratie. Moralité : il faut rattraper le coup et aller voter massivement au second tour pour défendre, non pas nos propres intérêts de classe exploitée, mais la démocratie capitaliste, présentée comme un "moindre mal".
Mais le cynisme de la propagande bourgeoise ne s'arrête pas là. La classe dominante et ses médias aux ordres ont encore profité de la montée du FN dans les villes ouvrières dominées pendant des décennies par le PC pour déchaîner une campagne visant à culpabiliser, démoraliser et diviser les ouvriers en les montant les uns contre les autres. En témoignent ces titres du journal Le Monde du 25 avril : "Ces travailleurs qui ont voté Le Pen", "Les enfants perdus de la classe ouvrière". En présentant les prolétaires comme des "fachos", réactionnaires, nationalistes et xénophobes, la propagande bourgeoise vise à discréditer le prolétariat et à semer l'illusion suivant laquelle l'avenir de la société n'est pas dans la lutte de classe entre exploiteurs et exploités mais dans un front uni du "peuple de la France républicaine", toutes classes confondues, contre la "peste brune".
La classe ouvrière ne doit pas tomber dans ce piège ! Elle doit refuser la fausse alternative "fascisme ou démocratie" !
Elle ne doit jamais oublier les leçons de l'une des plus grandes tragédies
du 20e siècle : c'est grâce à la mobilisation de dizaines
de millions de prolétaires derrière les drapeaux de l'antifascisme
dans les années 1930 que les partis de gauche ont pu embrigader la classe
ouvrière dans la Seconde Guerre mondiale pour la défense du capital
national. C'est au nom de la défense de la démocratie contre le
fascisme que les prolétaires ont fait le sacrifice du sang et ont été
utilisés comme chair à canon pour une cause qui n'était
pas la leur (voir article page 8).
Aujourd'hui, la situation historique est radicalement différente de celle
qui prévalait à la veille de la Seconde Guerre mondiale . La classe
ouvrière n'a pas subi de défaite sanglante, elle n'est pas prête
à faire le sacrifice de sa vie pour la défense du drapeau tricolore,
elle n'est pas disposée à se faire trouer la peau sur les champs
de bataille impérialistes et dans les croisades "humanitaires"
de la bourgeoisie démocratique.
Mais le danger de se laisser enchaîner au char de l'Etat bourgeois n'en est pas moins grand. Aujourd'hui, la menace que fait peser sur la classe ouvrière la mystification de l'antifascisme, ce n'est pas le risque d'embrigadement dans une guerre mondiale comme ce fut le cas dans les années 1930, mais celui de perdre son identité de classe, de se laisser noyer dans des mouvements "citoyens", interclassistes, derrière les illusions démocratiques répandues par la bourgeoisie (avec le relais des étudiants et des intellectuels) et de ne pouvoir retrouver le chemin de sa propre perspective révolutionnaire : la destruction de l'Etat bourgeois sous toutes ses formes, démocratique et "totalitaire".
Les prolétaires ne doivent jamais oublier que la démocratie et le fascisme sont les deux faces de la même médaille, les deux visages de la même dictature implacable du capital. C'est le capitalisme décadent qui a donné naissance au fascisme. C'est la respectable république démocratique de Weimar qui, grâce à la trahison du parti social-démocrate et au massacre de milliers de prolétaires dans la révolution allemande en 1919-23, a fait le lit du nazisme.
C'est ce même capitalisme moribond qui a permis la montée en flèche du parti de Le Pen. C'est le socialiste Mitterrand qui, en instituant le suffrage à la proportionnelle, a permis au FN d'obtenir des sièges au Parlement et de devenir un parti électoral.
C'est ce système pourri qui est le seul et unique responsable de la décomposition généralisée de toute la société et qui entretient l'insécurité permanente, la violence aveugle, la xénophobie, le racisme, la haine inter-ethnique, le terrorisme.
La seule alternative, la seule solution porteuse d'avenir pour l'humanité, c'est le combat de la classe ouvrière pour le renversement du capitalisme et la construction d'une nouvelle société. Une société sans exploitation, sans crise, sans misère, sans frontières nationales, sans guerre. Une société humaine unifiée où les hommes n'auront plus aucune raison de vivre dans la peur du voisin et de l'étranger. Une société basée non sur l'exploitation et la recherche du profit, mais sur la satisfaction des besoins humains. Seule une telle société pourra débarrasser à jamais l'humanité de toutes les tares de la barbarie capitaliste qui la déchire et dont l'idéologie ultra-nationaliste et xénophobe de l'extrême-droite n'est qu'une caricature.
Et ce n'est certainement pas dans les isoloirs électoraux que la classe ouvrière pourra affirmer sa propre perspective révolutionnaire comme le prétendent les trotskistes de Lutte Ouvrière, du Parti des Travailleurs ou de la Ligue Communiste Révolutionnaire.
Le seul moyen de combattre l'extrême-droite et son programme national-capitaliste, c'est de mener la lutte contre le système capitaliste, contre la démocratie bourgeoise, contre tous les gouvernements de droite comme de gauche qui n'ont qu'un seul programme à nous proposer : toujours plus de misère, de chômage, d'exploitation et de barbarie.
Contrairement aux campagnes mensongères de la bourgeoisie, la classe ouvrière, lorsqu'elle se bat de façon solidaire et unie sur son propre terrain pour la défense de ses conditions de vie n'est pas une classe réactionnaire. C'est la seule classe révolutionnaire de la société, la seule force capable de sortir l'humanité de l'impasse dans laquelle la plonge le capitalisme. L'alternative historique n'est pas entre fascisme ou démocratie, mais entre révolution prolétarienne mondiale ou enfoncement de l'espèce humaine dans la barbarie et la décomposition sociale. L'arène électorale de l'Etat démocratique n'est que la feuille de vigne derrière laquelle se masque la dictature du capital. C'est pour cela que les révolutionnaires n'appellent ni à l'immobilisme abstentionniste, ni à la mobilisation électorale en faveur du "démocrate" Chirac.
Ils n'ont qu'un seul mot d'ordre à donner à la classe ouvrière : "Prolétaires, ne votez pas. Luttez !"
RI
"Votez escroc, pas facho !" Ce slogan repris massivement par les jeunes
au cours des manifestations qui se sont déroulées tous les soirs
depuis le premier tour des élections présidentielles en France,
symbolise assez bien la situation qui prévaut aujourd'hui dans ce pays.
En effet, Jacques Chirac, celui que les "Guignols de l'info" à
la télévision ont caricaturé en "Super Menteur",
celui qui risquait d'être mis en examen s'il n'avait pas été
réélu, et dont la plus grande qualité comme homme politique
est d'être "sympatoche", comme dit sa marionnette, sera probablement
au soir du 5 mai le président le mieux élu de l'histoire de la
Ve République. Et cela malgré le fait qu'il n'a pas réussi
à atteindre 20% des voix au premier tour. En même temps, ce slogan
qui appelle à participer le plus massivement possible à la mascarade
électorale pour "faire barrage au fascisme", alors que l'abstention
a battu ses records historiques, rend compte de l'intensité de la campagne
démocratique et antifasciste qui se développe actuellement (voir
notre article en première page).
D'emblée, une question se pose : puisque le résultat du premier tour des présidentielles, qui a vu la qualification pour le second tour de Le Pen, permet à l'heure actuelle la mise sur pieds d'une formidable campagne de mystification contre la classe ouvrière, ce résultat n'a-t-il pas, d'une façon ou d'une autre, été voulu (et donc préparé) par les forces dominantes de la bourgeoisie française ? Celles-ci, ayant à leur disposition les organismes de sondage, les auraient utilisés pour minimiser la "menace Le Pen" jusqu'au dernier moment afin d'aboutir au résultat qui est sorti des urnes le 21 avril. Ce ne serait pas la première fois que la classe dominante, en s'appuyant notamment sur des sondages et surtout sur les campagnes médiatiques, manipule les élections afin que le résultat soit conforme à ce qu'elle en attend, notamment d'être le plus à même d'affaiblir la classe ouvrière. Dans les pays du Tiers-Monde, la pratique est courante de bourrer les urnes afin de leur faire dire ce qu'on attend d'elles. Dans les pays les plus avancés, on procède avec plus de subtilité. Même s'il arrive que quelques scrutins soient "bidouillés" ici ou là (le PCF au temps de sa splendeur était devenu un grand spécialiste de ce genre d'exercice), ce n'est pas tant les urnes qu'on bourre, que le crâne des électeurs. Et puisque les résultats du premier tour permettent une manoeuvre d'ampleur contre la conscience des prolétaires, il est légitime de se demander si finalement, malgré les mines effarées qu'arborent tous les politiciens et autres bavards qui se succèdent sur les écrans de télévision, le succès de Le Pen n'est pas un coup monté.
Pour répondre à cette question, il est donc nécessaire d'examiner plus en détail les intérêts des différents partis politiques face à cette élection, de même, et fondamentalement, les intérêts globaux de la bourgeoisie. En d'autres termes, il faut se poser la question, comme nous l'avions fait dans notre presse après les attentats du 11 septembre, "à qui le crime profite ?".
Pour répondre à cette question, on peut déjà éliminer
les petits partis ou les petits candidats (comme le candidat des chasseurs et
des pêcheurs, la candidate écologiste de droite, celle des radicaux
de gauche ou le tenant d'un "vrai libéralisme") qui, même
s'ils participent pleinement, avec leurs moyens, à la défense
de l'ordre capitaliste, n'ont pas un rôle déterminant dans la conduite
des affaires et des manoeuvres de la classe dominante.
Il est clair que le résultat du 21 avril profite au Front national, le
parti de Le Pen. Ce dernier, depuis plus de 20 ans, rêvait d'être
qualifié pour le second tour des présidentielles. Cela dit, ce
n'est pas un concurrent sérieux du point de vue de la gestion du capital
national français. Son programme, s'il était appliqué,
coûterait l'équivalent de la moitié du budget de l'État
et la France se mettrait hors jeu en Europe, et pas seulement du point de vue
politique mais aussi du point de vue économique puisque Le Pen propose
le retour au Franc, la sortie de l'Union européenne, la fermeture des
frontières avec un rétablissement massif des barrières
douanières (pour un pays qui exporte plus qu'il n'importe !).
Pour ce qui concerne le Parti socialiste, celui qui pendant les cinq dernières
années a dirigé l'État et qui a occupé cette place
pendant 15 ans depuis 1981, il est difficile de considérer que l'élimination
de son champion dès le premier tour de l'élection est une victoire.
C'est vrai qu'une défaite électorale peut être bénéfique
pour un parti bourgeois à certains moment de sa vie et une défaite
au second tour n'aurait pas constitué pour le PS une catastrophe irrémédiable.
Mais ici on voit le principal parti du pays se trouver éliminé
dès le premier tour, tout comme la démocratie chrétienne
de Bayrou ou le "pôle républicain" de Chevènement.
Plus globalement, la gauche bourgeoise sera absente de l'affrontement électoral
décisif alors qu'elle a monopolisé le pouvoir pratiquement en
permanence depuis 21 ans. On ne peut pas dire que c'est là une situation
glorieuse propre à rehausser le prestige de cette partie de l'appareil
politique de la classe dominante. Plus précisément, le parti phare
de cette gauche, celui qui avait en permanence dicté ses propres conditions
à ses alliés, risque dans l'avenir (au delà de la nécessité
immédiate de ne pas se déchirer trop à l'approche des élections
législatives du mois de juin) d'avoir des difficultés à
se faire obéir désormais. Le magazine "Marianne" qui,
en général, voit assez clair dans le jeu des différents
partis titre un de ses articles : "Les socialistes se sentent morveux".
Pour ce qui est du parti "communiste" (qui au lendemain de la guerre
était le premier parti de France avec 26% des voix aux législatives),
il est difficile de dire que ces élections comportent quelque chose de
positif. Si son score avait été honorable, le PCF aurait pu tirer
parti de la présence de Le Pen au second tour et de l'échec de
Jospin :
Mais avec moins de 3,5% des voix (c'est-à-dire sous la barre des 5% ce
qui le prive même du remboursement de ses frais de campagne et lui procure
des ennuis financiers notables), le PCF apparaît comme l'un des grands
perdants de cette élection. Et cela d'autant plus qu'une bonne partie
des voix qui se sont portées sur Le Pen provenait de ses anciens électeurs.
Pour ce qui concerne la droite, il est clair que le résultat du premier
tour assure à Chirac une élection facile au second tour. Il est
même probable qu'il battra le record établi par Pompidou, son parrain
en politique, lors des élections de 1969.
Cela dit, c'est une maigre consolation pour Chirac et pour la droite dans son
ensemble.
En premier lieu, la réélection de Chirac, même "triomphale"
n'assure pas à la droite une victoire automatique aux élections
législatives du mois de juin puisque, fort de son succès actuel,
le FN risque d'être présent dans plusieurs centaines d'élections
triangulaires. En 1997, ce sont justement ces triangulaires qui avaient permis
la victoire de Jospin. On risque alors de se retrouver dans une nouvelle cohabitation
avec un président de droite et un gouvernement de gauche. Cette formule
a fonctionné pendant cinq ans, mais une des raisons pour lesquelles,
de façon presque unanime, les partis bourgeois ont décidé
de modifier la durée du mandat présidentiel en l'alignant sur
celui des députés était de pouvoir synchroniser les échéances
électorales présidentielles et législatives afin justement
de s'éviter désormais une nouvelle cohabitation. Pour des raisons
que nous verrons plus loin, c'est un cas de figure dont la bourgeoisie ne veut
plus, comme d'ailleurs ses principaux représentants l'ont dit et répété
sur toutes les antennes. En tous cas, Chirac et ses amis ne souhaitaient certainement
pas cette formule qui les a déjà privés du pouvoir gouvernemental
pendant cinq ans.
Par ailleurs, même au cas où la droite remporterait les élections
législatives, son chef Chirac ne sera pas l'élu de la droite mais
de l'ensemble des forces "antifascistes", ce qui, qu'il le veuille
ou non, risque d'entraver sa liberté de manœuvre lorsqu'il voudra
faire adopter des mesures ayant quelque ressemblance avec celles que proposait
Le Pen (notamment sur la sécurité et vis-à-vis des immigrés).
C'est pour ces raisons qu'on n'assiste à aucun triomphalisme de la part
des hommes politiques de la droite qui, dès à présent,
sont à la recherche des moyens (comme la création d'un "grand
parti de la majorité présidentielle") pour limiter les effets
délétères du succès de Le Pen.
Mais au-delà de l'intérêt des différents partis bourgeois,
ce sont les intérêts de l'ensemble de la bourgeoisie française
qui ont été affectés par les résultats du 21 avril,
non pas du point de vue de sa capacité à faire face à la
classe ouvrière mais sur l'arène internationale où le gouvernement
français va traîner pendant longtemps le boulet de la prestation
ridicule que ses forces politiques ont accomplie. Qu'il soit flanqué
d'un premier ministre socialiste ou d'un premier ministre de son camp, Chirac
n'aura pas beaucoup d'autorité pour faire valoir les intérêts
de la bourgeoisie française dans les rencontres régulières
où les chefs de bande capitalistes négocient leurs prérogatives
autant sur le plan économique que diplomatique. Il faut d'ailleurs voir
à la fois la stupéfaction et la lourde ironie que les journaux
européens ont affichées le 22 avril pour comprendre que la bourgeoisie
des autres pays mise sur une révision à la baisse pour le futur
des prétentions françaises (en particulier quand elle se fait
le principal porte-parole des mesures contre l'Autriche de Haider), tout en
manifestant une certaine inquiétude devant le "foutoir" auquel
ressemble de plus en plus la vie politique de la 5e puissance mondiale.
Ainsi, on doit considérer que les mines consternées de la majorité
des hommes politiques et des journalistes au soir du 21 avril n'étaient
pas de la simple comédie (comme ils en sont capables en d'autres circonstances)
: le jeu électoral français venait d'accoucher d'un résultat
qui est loin de satisfaire les attentes de la classe dominante et qui risque
de lui créer pas mal de difficultés.
A la suite de l'élection de Mitterrand en 1981, alors que dans les principaux pays d'Europe (comme en Allemagne, en Grande-Bretagne et en Italie, et sous l'égide des États-Unis de Reagan) la bourgeoisie jouait la carte de la gauche dans l'opposition afin de pouvoir mieux saboter de l'intérieur les luttes ouvrières, le CCI avait analysé cette "exception française" non pas comme une carte délibérée de la classe dominante mais comme un "accident" résultant d'une faiblesse historique et d'un archaïsme de son appareil politique. Les résultats du 21 avril constituent une nouvelle manifestation de cette faiblesse d'un appareil politique qui n'est pas capable, contrairement à celui d'autres bourgeoisies, comme celles d'Allemagne ou de Grande-Bretagne, de faire dire aux urnes ce qu'il attend de chaque élection.
Les commentateurs bourgeois (journalistes et politiques) ont commencé
à proposer des analyses qui, pour la plupart contiennent une part de
vérité :
Toutes ces explications sont valables. On peut y ajouter aussi les effets des attentats du 11 septembre dans un pays où l'immigration maghrébine et musulmane est importante (et d'où provient le seul accusé vivant ayant participé à la préparation des attentats), ce qui a fait évidemment le jeu de Le Pen.
Cela dit, on ne peut se contenter de ces explications circonstancielles face à l'ampleur de cette nouvelle montée de l'extrême-droite (près de 20% si on additionne les voix de Le Pen et celles de Mégret). Il s'agit d'un phénomène qui a des sources profondes et que la scission du Front national de 1999 n'a pas réussi à éliminer. Cette scission avait été orchestrée (comme nous l'avions relevé dans notre presse, voir RI n°287 de février 1999) par tous les secteurs de la bourgeoisie, de droite comme de gauche, alors que cette dernière était pourtant la principale bénéficiaire du vote FN et que c'est Mitterrand qui, dans les années 80, avait mis en selle Le Pen. Cependant, après le recul enregistré par l'extrême-droite aux dernières européennes, on assiste aujourd'hui à son retour en force. Plus généralement, il faut noter que la montée des partis xénophobes et "sécuritaires" n'est pas propre à la France mais qu'elle affecte aussi des pays aussi différents que l'Autriche, la Belgique, l'Italie, le Portugal, même si c'est en France qu'elle a revêtu sa forme la plus spectaculaire. C'est donc un phénomène historique, qui a des racines profondes et face auquel il appartient aux révolutionnaires de donner un cadre d'analyse global concernant l'ensemble de la vie de la société.
Depuis la fin des années 80, le CCI a tenté d'élaborer un tel cadre en analysant le moment actuel de la vie du capitalisme comme celui de la décomposition, celle où la décadence de ce système, inaugurée par la Première Guerre mondiale et qui a fait du 20e siècle le siècle le plus barbare de l'histoire, a atteint sa phase terminale. Depuis plus de 10 ans, c'est dans ce cadre de la décomposition que nous avons expliqué des phénomènes aussi variés que la montée de la violence urbaine, de la drogue, de l'intégrisme religieux, de la corruption de la classe dominante, du développement des mafias, du "chacun pour soi" qui affecte aussi bien les individus que la classe dominante, au sein de chaque pays comme à l'échelle internationale dans la multiplication de conflits guerriers plus absurdes et barbares les uns que les autres. En particulier, nous avons analysé l'événement historique le plus considérable des 20 dernières années, l'effondrement des régimes staliniens et du bloc de l'Est, comme la manifestation la plus spectaculaire de cette décomposition du système capitaliste. Et c'est aussi dans ce cadre qu'il est nécessaire de replacer les résultats du 21 avril et la montée de l'extrême-droite.
Déjà, si on s'en tient à un certain nombre d'aspects circonstanciels
qui ont favorisé le succès de Le Pen, on peut constater qu'ils
sont en lien avec la décomposition :
Mais plus fondamentalement, il faut voir que Le Pen représente le parti de la peur, du désespoir, de la haine, de l'irrationnel et du repliement sur soi, c'est-à-dire les effets typiques sur les cerveaux de la décomposition de la société capitaliste. Une société dont l'avenir apparaît de plus en plus bouché, qui pourrit sur pied, qui sombre dans la violence et la barbarie, qui engendre chez un nombre croissant d'être humains un sentiment d'insécurité et de désespoir. Et la classe ouvrière n'échappe pas aux effets délétères de la décomposition. Dans l'ambiance idéologique où elle baigne, la misère qui se développe de plus en plus, la précarité, la peur du chômage, la montée de la violence, favorisent parmi un nombre important d'ouvriers, notamment ceux qui pendant des décennies ont été abreuvés des discours chauvins du PCF, le progrès des thèmes lepénistes. Et ce phénomène n'a pu que s'accentuer avec les formidables campagnes idéologiques qui se sont développées après 1989 sur le thème "le communisme est mort", "la lutte de classe, voire la classe ouvrière, n'existe plus". En ce sens, les campagnes bourgeoises sur le thème de la "victoire de la démocratie sur le communisme" qui se sont développées après l'effondrement du bloc de l'Est sont en partie responsables de la montée actuelle de l'extrême droite. Ce ne serait pas la première fois que la démocratie bourgeoise fait le lit idéologique des courants fascistes ; c'est même une constante dans l'histoire depuis le début des années 20 avec l'arrivée de Mussolini. Cela ne fait que souligner encore plus l'hypocrisie de ces mêmes forces "démocratiques" qui aujourd'hui s'agitent sur toutes les chaînes de télévision et dans presque tous les journaux.
A l'heure actuelle, contrairement aux années 20 et aux années 30 dans certains pays, le programme fasciste n'est pas adapté aux besoins de la bourgeoisie (voir notre article page 8). C'est pour cela qu'il n'existe pas de "menace d'un régime fasciste" comme se plaisent à le répéter l'ensemble des partis bourgeois, y compris et surtout ceux d'extrême-gauche. Cela dit, l'impact important des campagnes de Le Pen dans les milieux ouvriers est clairement une manifestation de la faiblesse de la classe ouvrière. Cette faiblesse, les ouvriers ne pourront pas la surmonter en se mettant à la traîne des campagnes démocratiques. Bien au contraire. Seule la reprise de leurs combats sur un terrain de classe contre les attaques croissantes que leur assène un capitalisme en crise pourra leur redonner confiance en eux-mêmes et en l'avenir sapant ainsi les effets pernicieux des discours dont les abreuvent les démagogues de tous ordres, les "fascistes" du style Le Pen, mais aussi les politiciens "démocrates".
Fabienne (27 avril)Face au danger de dégénescence
La tâche principale de cette Conférence a été d'affronter une crise organisationnelle, la plus sérieuse depuis la naissance du CCI, qui a brutalement éclaté au grand jour au lendemain de son 14ème Congrès International en avril 2001.
Nos lecteurs ont pris connaissance dans notre presse qu'un ex-militant, Jonas, a été exclu du CCI pour indignité politique, consistant entre autres à détruire le tissu organisationnel en faisant circuler de façon persistante et en sous-main les rumeurs les plus calomnieuses sur des camarades de l'organisation afin de semer le trouble dans plusieurs sections du CCI.
Cet individu a regroupé autour de lui, et en grande partie sur la base de ces rumeurs, d'autres militants qui se sont mobilisés pour mener une guerre totale contre l'organisation, essayant de détruire ses principes statutaires de fonctionnement centralisé, menaçant l'existence même du CCI.
Cette "camarilla" dirigée par l'individu Jonas s'est autoproclamée "fraction", bien qu'elle ait été totalement incapable de mettre en avant la moindre divergence programmatique justifiant l'utilisation du titre de "fraction". Le seul "principe" qui a animé la politique de ces éléments fut un déchaînement de haine destructrice et une soif insatiable de vengeance. Parce qu'ils ont été mis en minorité, et se sont eux-mêmes discrédités en étant incapables de développer la moindre argumentation politique, leurs agissements ont consisté à fomenter un complot contre l'organe central du CCI à travers des réunions secrètes, puis à saboter systématiquement l'activité de l'organisation par des manœuvres, des provocations, des campagnes de calomnie, par le chantage et la menace de déverser leurs calomnies à l'extérieur, comme en témoigne le contenu de leurs infâmes "bulletins internes" qui sont maintenant envoyés à certains groupes et sympathisants de la Gauche communistes.
Après un an de comportements destructeurs visant à déstabiliser l'organisation (comme le disait explicitement un membre de la "fraction" dans une réunion secrète : "Il faut les déstabiliser") et à pousser les militants à la rébellion contre les organes centraux du CCI, la "camarilla" de Jonas a accompli sa dernière action la plus misérable contre l'organisation. Elle a refusé de se présenter à la Conférence internationale, à moins que l'organisation ne reconnaisse par écrit cette "fraction" et retire les sanctions qu'elle avait prises conformément à nos statuts (et notamment l'exclusion de Jonas). Face à cette situation, toutes les délégations du CCI, bien que prêtes à entendre en appel les arguments de ces éléments (à cet effet, elles avaient d'ailleurs constitué, à la veille de la tenue de la Conférence, une commission internationale de recours, composée de militants de plusieurs sections du CCI afin de permettre aux quatre membres parisiens de la "fraction" de présenter leurs arguments), n'ont pas eu d'autre alternative que de reconnaître que ces éléments s'étaient eux-mêmes mis en dehors de l'organisation. Face à leur refus de se défendre devant la conférence et de faire appel devant la commission de recours, le CCI a pris acte de leur désertion et ne pouvait donc plus les considérer comme membres de l'organisation.
La Conférence a également condamné àl'unamimité les méthodes de voyous utilisées par la "camarilla" de Jonas consistant à "kidnapper" (avec leur complicité ?), à leur arrivée à l'aéroport, deux délégués de la section mexicaine, membres de la "fraction", venus à la Conférence pour y défendre leurs positions. Alors que le CCI avait payé leurs billets d'avion afin de leur permettre d'assister aux travaux de la conférence et d'y défendre les positions de la "fraction", ces deux délégués mexicains ont été accueillis par deux membres parisiens de la "fraction" qui les ont amenés avec eux et les ont empêchés de se rendre à la Conférence. Devant nos protestations et notre exigence de remboursement des billets d'avion au cas où les deux délégués mexicains (qui avaient reçu un mandat de leur section) n'assisteraient pas à la Conférence, l'un des deux membres parisiens de la "fraction" (ex-membre de l'organe central du CCI) nous a ri au nez en affirmant avec un cynisme incroyable : "ça, c'est votre problème !" Face au détournement des fonds de l'organisation et au refus de rembourser au CCI les deux billets d'avion payés par l'organisation, révélant les méthodes de gangsters utilisées par la "camarilla" de Jonas, tous les militants du CCI ont manifesté leur profonde indignation en adoptant une résolution condamnant ces comportements. Ces méthodes qui n'ont rien à envier à celles de la tendance Chénier (qui avait volé le matériel de l'organisation en 81) ont fini par convaincre les derniers camarades encore hésitants de la nature parasitaire et anti-prolétarienne de cette prétendue "fraction".
La Conférence s'est donc trouvée face à deux nécessités. La première et la plus urgente était de continuer à défendre le CCI et ses principes organisationnels de la manière la plus intransigeante et la plus rigoureuse contre les attaques et les provocations répétées de ce regroupement parasitaire. La seconde était de tirer de façon approfondie les leçons de ces événements : sur quelles faiblesses de l'organisation ce regroupement parasitaire constitué à l'instigation de Jonas est-il apparu et s'est-il développé de manière aussi rapide et destructrice ? C'est ce deuxième aspect que le présent article se propose de développer (pour le premier aspect, nos lecteurs pourront se reporter à l'article "Une attaque parasitaire dirigée contre le CCI" publié sur notre site Internet ).
D'après la propagande bourgeoise, les organisations révolutionnaires du prolétariat sont condamnées à l'échec puisque les principes communistes qui assurent leur cohésion, la solidarité prolétarienne et la confiance mutuelle au sein du prolétariat, entrent inévitablement en conflit avec les motivations égoïstes et l'esprit de compétition qui animent les individus qui les composent. Selon cette vision, les organisations révolutionnaires ne peuvent être que le miroir de la corruption qui règne au sein des partis politiques de la bourgeoisie. Celle-ci ne se contente pas de faire une propagande incessante pour l'idéologie du "chacun pour soi", mais elle apporte à cette idéologie un support pratique par la répression ouverte, quand nécessaire, et en semant la discorde parmi les organisations révolutionnaires, en encourageant, directement ou indirectement, le travail des agents provocateurs, des aventuriers et des parasites.
Le fait que la classe ouvrière soit une classe exploitée rend ses organisations révolutionnaires extrêmement vulnérables aux pressions destructrices de la société bourgeoise. La construction des organisations révolutionnaires a toujours nécessité un effort permanent, une vigilance constante, une attitude critique, et d'autocritique, sans lesquels elles courent le risque d'être détruites, anéantissant des années d'efforts et faisant reculer le processus révolutionnaire.
Le combat des marxistes dans la 1ère Internationale pour le principe de centralisation et contre les intrigues destructrices de Bakounine, le combat de Lénine et des bolcheviks contre l'opportunisme en matière d'organisaion et "l'anarchisme de grand seigneur" des mencheviks en 1903, le combat de la Gauche Communiste contre la dégénérescence de la 3ème Internationale dans les années 20 et 30, ont tous préfiguré la série des combats que le CCI a menés depuis sa création pour l'application en son sein des règles de fonctionnement centralisé, contre l'esprit de cercle et de clan, contre l'individualisme et le démocratisme petit-bourgeois.
Dans le même esprit, le CCI, contrairement aux autres groupes de la Gauche communiste qui eux aussi ont été ébranlés par des scissions, a toujours rendu compte de ses problèmes internes afin de permettre au mouvement révolutionnaire d'en tirer des enseignements qui puissent contribuer à renforcer l'ensemble du milieu politique prolétarien. Bien que nous soyons parfaitement conscients que les groupes et éléments du milieu parasitaire vont une fois encore se jeter comme des vautours sur cette crise organisationnelle du CCI pour alimenter leurs ragots sur la prétendue "dégénérescence stalinienne" de notre organisation, nous continuons à affirmer que le CCI a su tirer les enseignements de chaque crise qu'il a traversée et qu'il en est à chaque fois sorti renforcé politiquement.. Etant donnée la difficulté de construire les organisations révolutionnaires, il est évident que l'idée qu'elles puissent être immunisées contre la dégénérescence opportuniste, que ce soit au niveau programmatique ou organisationnel, qu'elles puissent se développer paisiblement et sans heurts, est particulièrement dangereuse.
C'est précisément le développement d'une telle illusion
au sein du CCI, l'idée suivant laquelle dorénavant l'organisation
pourrait se construire sans combats politiques majeurs en son sein, que la Conférence
internationale a stigmatisée. Ainsi, le CCI a fait preuve d'une naïveté
certaine et d'un manque de vigilance face à la persistance en son sein
de l'esprit de cercle avec l'illusion que cette faiblesse issue des circonstances
historiques de fondation du CCI (marquées par le poids de la petite-bourgeoisie
soixantehuitarde avec ses composantes gauchistes et anarchisantes) avait été
éradiquée à jamais grâce au combat que nous avons
mené en 93-95.
Cette faiblesse n'a pas seulement révélé une amnésie
envers l'histoire du mouvement marxiste, mais aussi une perte de vue des conditions
extrêmement difficiles dans lesquelles se maintient le CCI dans la période
actuelle de décomposition sociale du capitalisme.
En fait, un des facteurs autour duquel s'est cristallisée la crise récente du CCI a été constitué par une discussion sur la confiance et la solidarité au sein de l'organisation qui, dès le départ, a été orientée par la majorité de membres du Secrétariat international (la commission permanente de l'organe central) avec une méthode étrangère à celle que le CCI a toujours mis en œuvre dans ses débats. En effet, dès l'ouverture de cette discussion, ces derniers ont développé une véritable campagne visant à discréditer des camarades minoritaires afin de les mettre "hors CCI" (selon les propres termes d'un membre de la prétendue "fraction"). Ils ont commencé à introduire au sein de l'organe central une conception monolithiste, totalement étrangères aux principes du CCI, allant même jusqu'à s'opposer à la publication dans les bulletins internes des contributions de camarades ayant des divergences avec la politique de la majorité du Secrétariat international . Face à cette grave dérive, risquant de conduire à l'abandon des principes de fonctionnement du CCI et à une dégénérescence organisationnelle, l'organe central du CCI a pris la décision, ratifiée au 14ème congrès international, de nommer une Commission d'investigation chargée de faire la clarté sur les dysfonctionnements au sein de son Secrétariat international.
Et c'est face au désaveu de la politique de ce dernier que Jonas a immédiatement annoncé sa démission en se présentant comme une victime d'une "entreprise de démolition de l'organisation". Selon Jonas, si le Secrétariat international (dont il était membre) avait fait l'objet d'un tel désaveu par l'organe central du CCI, cela ne pouvait être que l'oeuvre d'un "flic". Au lendemain de sa démission, Jonas (qui n'a pas eu le courage de venir au 14ème congrès du CCI pour y défendre ses positions) a immédiatement poussé sept camarades les plus proches de lui à se réunir secrètement pour constituer une "fraction". Il a affirmé auprès d'une délégation du BI : "Puisqu'on n'est plus aux commandes, le CCI est perdu". Ainsi, la vision mise en avant par Jonas (celle d'être "aux commandes") n'est pas la conception du CCI du rôle des organes centraux. Cette vision, c'est celle des cliques bourgeoises, des petits bureaucrates, des aventuriers et des staliniens qui ne peuvent tolérer la moindre divergence et qui, faute d'arguments, utilisent la méthode de la calomnie pour semer le trouble à l'intérieur et aujourd'hui au sein du milieu politique prolétarien.
Face à cette politique manœuvrière de Jonas et ses supporters, visant à étouffer toute divergence au nom de la "confiance" envers la majorité du secrétariat international (en fait il s'agissait d'appeler le CCI a lui accorder une foi aveugle et sans principe), le débat sur la confiance et la solidarité a dû être réorienté par l'organe central au lendemain du 14ème congrès du CCI à partir d'un cadre historique et théorique que la "camarilla" de Jonas n'a cessé de dénigrer sans aucune argumentation politique comme a pu le constater la Conférence. Cette orientation a permis à la Conférence de commencer à développer un débat sérieux et argumenté, au sein duquel tous les militants sans exception ont pu défendre leur position, exprimer leurs doutes ou désaccords avec un état d'esprit constructif et fraternel visant non pas à calomnier les camarades qui ne partagent pas leur point de vue, mais à clarifier les désaccords dans le seul objectif de renforcer l'organisation comme corps politique uni et donc centralisé.
Parmi les autres faiblesses de l'organisation sur lesquelles Jonas et sa "camarilla" se sont appuyés, la Conférence a mis en évidence le poids non seulement de l'esprit de cercle mais également de l'idéologie démocratiste au sein de l'organisation. Dans le CCI, le démocratisme s'est récemment manifesté à travers une tendance opportuniste à la remise en cause de nos principes de centralisation, notamment à travers l'idée que la confiance ne peut se développer, au sein de l'organisation, qu'en proportion inverse de sa centralisation.
Une fois que le CCI a pris conscience du danger de liquidation de nos principes
de centralisation sous le poids de l'idéologie démocratique, seul
le clan de Jonas a persisté dans la défense de cette vision révisionniste
et liquidatrice qui l'a mené jusqu'à sa pitoyable conclusion.
Ainsi, dès le 31 janvier, la prétendue "fraction" a
adressé à tous les militants du CCI une déclaration (publiée
dans son bulletin interne) affirmant sa rupture de toute loyauté envers
le CCI. Au lieu d'un débat centralisé, posant clairement les divergences
en respectant les statuts du CCI, cette "camarilla" a exigé
que l'ensemble des militants du CCI reprennent à leur compte sa propre
litanie d'insultes et de calomnies contre les organes centraux du CCI et certains
de leurs membres. En résumé, le clan des amis de Jonas a revendiqué
toute la série des droits bourgeois : le droit de colporter les pires
mensonges et calomnies contres des militants et contre les organes centraux
au nom de la "liberté d'expression", le droit de déstabiliser
l'organisation en complotant dans son dos, le droit de s'asseoir sur toutes
les règles de fonctionnement du CCI, le droit de ne verser que 30% de
leurs cotisations, le droit de déserter les réunions auxquelles
ils étaient convoqués, le droit de voler le fichier d'adresses
de nos abonnés, le droit de voler les notes des organes centraux pour
les falsifier, le droit de voler l'argent du CCI et de séquestrer deux
délégués de la section mexicaine pour les empêcher
d'assister à la conférence (de peur que celle-ci ne les convainque).
Et tout cela au nom de "liberté" d'"expression",
en fait la liberté de sabotage et de destruction ! La Conférence
a clairement mis en évidence que les manoeuvres de Jonas ont démoli
des militants en les transformant en une bande d'imposteurs et de faussaires.
Ces éléments ont poussé la naïveté jusqu'à
croire qu'en s'autoproclamant "fraction", ils allaient pouvoir masquer
leur démocratisme petit-bourgeois et leur individualisme destructeur
contre nos principes de centralisation. En d'autres termes, le clan des amis
de Jonas a suivi les mots d'ordres libertaires des étudiants de Mai 68
: il a pris ses désirs pour la réalité. Et lorsque le CCI
se défend, n'accepte pas de se laisser détruire par leurs méthodes
puschistes, et applique les sanctions prévues dans ses statuts, il est
dénoncé de façon hystérique comme une secte dégénérescente,
stalinienne manipulée par un "flic" et des "Torquemada"
(selon les propres termes de Jonas) ! Voilà la force motrice, sordide,
qui a animé la formation de cette prétendue "fraction"
qui n'est rien d'autre que l'arme de guerre du citoyen Jonas contre le milieu
politique prolétarien, le clan le plus honteux et le plus dangereux de
toute l'histoire du CCI. Analyser ses racines idéologiques et politiques
fut la tâche entamée par la Conférence extraordinaire du
CCI.
Les débats de cette conférence furent très riches et ont
révélés que, contrairement aux calomnies de la "fraction"
et de tout le milieu parasitaire anti-CCI, notre organisation, loin d'étouffer
les divergences a, au contraire, exhorté tous les militants à
assumer leur responsabilité et à exprimer leurs désaccords.
La profondeur politique et la passion qui ont animé les débats
de cette Conférence a montré la détermination du CCI à
se mobiliser pour la défense de l'organisation et de ses principes. Enfin
la Conférence a pris conscience de la gravité de l'enjeu pour
le milieu politique prolétarien contenu dans les méthodes de la
"camarilla" de Jonas (qui cherche aujourd'hui à infiltrer le
BIPR afin de l'entraîner dans sa politique de destruction du CCI).
Bien que le CCI, au cours de son histoire, ait fait l'expérience de plusieurs scissions, il a su résister à leurs effets négatifs. Malgré les pertes numériques, le CCI a été capable de maintenir et de renforcer sur le plan politique une organisation centralisée à l'échelle internationale, comprenant des sections dans quatorze pays. Bien que cette crise ait été la plus grave de toute l'histoire du CCI et que les manoeuvres de la "camarilla" de Jonas aient failli détruire nos sections aux USA et au Mexique (tout comme la tendance Chénier, lors de la crise de 81, avait failli détruire toute la section du CCI en Grande-Bretagne), le CCI a été capable de limiter les dégâts et nos pertes numériques ont été relativement faibles au regard des ambitions de la "fraction" de Jonas. Nous avons perdu quelques militants mais nous avons sauvé l'organisation et ses principes.
C'est avec la plus profonde consternation que la Conférence a constaté la folie destructrice et suicidaire dans laquelle Jonas a entraîné des militants qui furent durant de longues années nos camarades de combat, en particulier l'un d'entre eux qui, depuis son entrée dans l'organisation au début des années 70, avait toujours fait preuve jusqu'à présent de la plus grande loyauté envers le CCI, de la plus grande confiance envers son organe central, et d'une détermination exemplaire dans les différents combats pour la défense et la construction de l'organisation. Le CCI n'a pu sauver que deux camarades qui avaient participé activement aux réunions secrètes du "collectif" (devenu par la suite "fraction"). En prenant conscience du caractère particulièrement destructeur et suicidaire de leur dérive, ces deux camarades ont rapporté en détail à la Commission d'investigation comment ils avaient été entraînés dans cette sordide aventure. Deux autres militants que Jonas présentait comme des "centristes" et qui avaient également participé aux réunions secrètes du "collectif", ont préféré démissionner plutôt que d'adhérer à la "fraction" et de suivre la lamentable trajectoire de ce regroupement parasitaire.
Nous sommes pleinement conscients que ce que le CCI a accompli est bien modeste face à l'hostilité capitaliste qui nous environne. Mais cela ne retire rien au fait que le travail de défense de l'organisation réalisé par la récente Conférence extraordinaire ne contient pas seulement d'importantes leçons pour le renforcement du CCI, mais aussi pour poursuivre un débat élargi au sein du milieu politique prolétarien sur les dangers qui pèsent sur les organisations révolutionnaires. L'ensemble du milieu doit être capable de résister aux forces de destruction de la société bourgeoise, à la tentation de l'opportunisme et aux sirènes du parasitisme auxquels il est confronté, aujourd'hui et dans la période à venir.
CCI (19 avril 2002)
Le premier tour des élections présidentielles a réactualisé
de façon spectaculaire et assourdissante le bourrage de crâne orchestré
par la bourgeoisie sur la "dangereuse montée de l'extrême-droite"
et sur le développement de la "gangrène fasciste". Le
"péril brun" serait en train de menacer la "civilisation"
et les "valeurs démocratiques" des grands Etats occidentaux,
et le retour de régimes fascistes et nazis qu'on a connu dans les années
1930 réprésenterait le principal danger planant sur le nouveau
siècle à venir.
Y a-t-il un "danger fasciste" aujourd'hui ? Le développement
électoral du Front National en France et la montée des idéologies
racistes et xénophobes en général annoncent-ils le retour
du fascisme du siècle dernier ? Quel est le but des campagnes de mobilisation
"antifascistes" actuelles ?
L'interprétation historique officielle bourgeoise, de la droite à
l'extrême- gauche, présente toujours le fascisme comme une espèce
d'aberration historique, comme une manifestation de forces obscurantistes complètement
étrangères au capitalisme et à son mode de vie "civilisé".
Selon elle, le fascisme aurait pris le pouvoir dans les années 1920 et
1930 contre la volonté de la bourgeoisie ou de ses secteurs les plus
progessistes. Cela permet à la classe dominante de se laver du péché
d'avoir engendré le fascisme et en même temps de cacher les véritables
conditions historiques dans lesquelles elle a effectivement eu recours à
lui, en tant que forme alors la mieux adaptée à ses besoins et
à ceux de l'Etat capitaliste.
Cela lui permet d'autant mieux de masquer le fondement historique réel
du fascisme.
Entre les deux guerres, les régimes fascistes ont été avant
tout l'expression fondamentale des besoins du capitalisme confronté à
la violence de sa crise. Les ravages de la crise économique, surtout
dans les pays vaincus et lésés par l'issue du premier conflit
mondial, vont placer la bourgeoisie de ces pays devant l'évidence : pour
survivre, il fallait redistribuer les parts du gâteau impérialiste
et la seule issue était de s'acheminer, et vite, vers une nouvelle guerre
mondiale. Pour cela, il fallait concentrer tous les pouvoirs au sein de l'Etat,
accélérer la mise en place de l'économie de guerre et de
la militarisation du travail, faire taire les conflits internes à la
bourgeoisie. Les régimes fascistes vont se constituer directement en
réponse à cette exigence du capital national. En cela, ils n'ont
été qu'une des expressions les plus brutales, comme l'a été
également le stalinisme, de la tendance générale au capitalisme
d'Etat qui est la caractéristique de la domination du capital dans sa
période historique de décadence, ouverte depuis 1914. Loin d'être
la manifestation de la petite bourgeoisie dépossédée et
aigrie par la crise, même si cette dernière lui a largement servi
de masse de manoeuvre, le fascisme a bel et bien constitué le programme
de la bourgeoisie et du capitalisme dans des conditions déterminées.
C'est bel et bien la grande bourgeoisie industrielle qui favorisa la montée
du fascisme et lui confia les rênes de l'Etat, en Allemagne comme en Italie.
Mais si la crise économique, la nécessité du capitalisme
d'Etat et la marche à la guerre constituent des conditions historiques
fondamentales du fascisme, elles sont loin d'être les seules. L'autre
condition préalable, majeure et incontournable, pour l'instauration du
fascisme, c'est la défaite du prolétariat. Jamais la bourgeoisie
n'a pu recourir au fascisme face à une classe ouvrière mobilisée
sur son terrain de classe. Que ce soit en Italie ou en Allemagne, pays où
la vague révolutionnaire ouverte par Octobre 17 s'était propagée
avec le plus d'ampleur, le fascisme n'a pu s'imposer avant que les forces "démocratiques",
et surtout la gauche de la bourgeoisie déguisée en faux amis des
ouvriers, ne se soient chargées d'écraser, physiquement et politiquement,
la flambée révolutionnaire. Les massacreurs de la révolution
allemande ne sont pas les nazis, mais les très socialistes Noske et Scheidemann,
qui, au nom du gouvernement social-démocrate, firent réprimer
dans le sang la mobilisation prolétarienne et assassinèrent sauvagement
Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht, en se servant des corps francs, embryons
des futures milices nazies. En 1919-1920, l'Italie aussi s'embrase. La première
vague de répression sera l'oeuvre du très démocratique
gouvernement Nitti et de sa Garde Royale, mise en place pour réprimer
les grèves et qui fera plusieurs centaines de victimes ouvrières.
Mais, bien plus que la répression directe, ce qui brisera l'élan
prolétarien, c'est son enfermement, grâce aux syndicats et au PSI,
dans les fameuses occupations d'usines et dans l'illusoire gestion ouvrière
de la production. Le mouvement des occupations était voué à
l'échec, et ce n'est qu'après sa défaite à l'automne
1920 que la répression massive s'abat sur la classe ouvrière,
répression qui est menée conjointement, et par les forces légalement
constituées de l'Etat démocratiques et par les escadrons fascistes.
C'est seulement après la défaite de la classe ouvrière
que les "faisceaux" de Mussolini vont se développer pleinement,
avec l'aide du patronat qui les finance et de l'Etat qui les encourage. Là
comme ailleurs, c'est l'étouffement de la vague révolutionnaire
internationale qui permettra au fascisme de prendre le pouvoir.
Dans les autres pays d'Europe, pays vainqueurs de la Première Guerre
mondiale, l'économie de guerre, le renforcement du capitalisme d'Etat
et les préparatifs de la Seconde Guerre mondiale, n'ont pas été
moins présents. Cependant, le prolétariat, moins engagé
dans la vague révolutionnaire que ses frères de classe d'Allemagne
et d'Italie, n'y avait pas connu de défaite physique. La bourgeoisie
avait besoin de la mystification démocratique pour obtenir la soumission
politique de la classe ouvrière et l'amener à la guerre. Ainsi,
dans ces années 1930, alors que les effets de la grande dépression
poussaient des millions de prolétaires à réagir contre
la misère capitaliste, ce sont les "Fronts populaires" qui
vont se charger, tant de mettre en place l'économie de guerre que d'embrigader
le prolétariat pour la boucherie mondiale derrière l'idéologie
antifasciste.
Il est tout à fait vrai que l'actuelle plongée de la société
capitaliste dans la décomposition nourrit le développement de
toutes sortes d'idéologies cherchant des boucs émissaires à
la faillite générale de la société et compensant
l'absence de perspective par des programmes populistes et ouvertement xénophobes
et racistes. A ce niveau, Le Pen ou les groupuscules néo-nazis en Allemagne
font pleinement partie de ces autres manifestations de la décomposition
que sont la drogue ou les sectes, expressions d'une société capitaliste
sans avenir, qui pourrit littéralement sur pied.
Pour autant, cela ne suffit pas à expliquer ce fameux "phénomène
Le Pen". Il est désormais admis, y compris dans les discours bourgeois,
que le FN ne serait jamais arrivé là sans la volonté délibérée
de la bourgeoisie française qui, de scrutin proportionnel en coups de
pouce répétés dans les médias, a fait d'un pantin
inconsistant une véritable vedette nationale.
D'autre part et surtout, même avec son succès populaire et la publicité
médiatique qui lui est faite, ce n'est pas cela qui fait de Le Pen un
nouvel Hitler, pas plus que le "désespoir populaire" n'explique
la prise du pouvoir par ce dernier en 1933.
Contrairement au parti nazi à l'époque, le FN, et les autres partis
d'extrême-droite existant en Europe, sont loin d'être les représentants
d'un quelconque programme de sortie de la crise pour le capital national. Si
Hitler et son parti ont pris le pouvoir, c'est bien parce que leur programme
de capitalisme d'Etat et de fuite en avant vers la guerre, constituait la seule
issue possible pour le capital allemand et qu'il a effectivement résorbé
en quelques années le chômage à travers sa politique de
grands travaux et d'économie de guerre. Aujourd'hui, outre le fait que
la bourgeoisie n'a pas actuellement les moyens de s'engager vers une nouvelle
guerre mondiale face à une classe ouvrière qui n'est pas défaite,
les politiques de grands travaux, de commandes publiques basées sur un
endettement gigantesque des finances publiques sont DEJA derrière nous.
S'il y a quelque chose d'utilisable dans le programme de Le Pen, c'est la politique
de limitation de l'immigration et d'utilisation des travailleurs immigrés
comme boucs émissaires, et cela, la bourgeoisie française, de
droite comme de gauche, n'a pas eu besoin de nommer un président ou un
ministre FN pour le mettre en place.
Mais, surtout, la bourgeoisie a bien trop besoin aujourd'hui de son paravant
démocratique pour affronter la classe ouvrière. Nous ne sommes
pas dans les années 30, années où le prolétariat
payait le prix de la terrible défaite de la vague révolutionnaire.
Quelles que soient les difficultés actuelles de la classe ouvrière,
c'est une classe qui n'a pas connu la défaite et dont la capacité
de résistance sur son terrain de classe aux attaques du capital n'est
pas entamée. Un pantin comme Le Pen au pouvoir serait bien incapable
de contrôler la situation sociale, alors que le mode "démocratique"
de domination du capital, avec ses syndicats divers et variés, son parlement,
son jeu opposition-gouvernement et ses médias "libres" est
d'une bien plus terrible efficacité pour conserver le contrôle
social, pour assurer un encadrement serré des luttes ouvrières
et pour mener à bien les manipulations idéologiques. Et c'est
bien là la seule raison pour laquelle Le Pen existe et qui fait que la
bourgeoisie a besoin de lui : il sert de faire valoir à l'Etat démocratique.
(D'après RI n°267, avril 1997)
Au soir du 5 mai, l'immense "Ouf !" de soulagement poussé
par les médias (ces simples trois lettres étaient par
exemple le titre qui barrait la "une" de l'édition
du lundi 6 mai du journal Libération) clôturait le faux
suspense entretenu pendant les quinze jours entre les deux tours des
élections présidentielles françaises par toute
la bourgeoisie, y compris à l'échelle internationale.
A entendre les commentaires unanimes sur cette élection, la
France l'avait échappé belle, grâce à ce
"sursaut national" qui consacrait la réélection
de Chirac avec 82 % des suffrages exprimés. Le résultat
ne faisait pourtant aucun doute, surtout après l'énorme
battage médiatique anti-Le Pen. Un quasi-plébiscite, un
score inédit que même un De Gaulle à son apogée
n'aurait pu rêver d'atteindre !
Toute la bourgeoisie avait ainsi utilisé à fond le coup
de théâtre, la surprise (réelle !) des résultats
du premier tour pour organiser une gigantesque campagne de mobilisation
contre le "danger fasciste", pour "sauver la république
et la démocratie". Bref, il s'agissait à tout prix
de prendre partie et de se prononcer "pour ou contre Le Pen",
un fameux filon en agitant une fois de plus un personnage qui, au sein
de la bourgeoisie, joue à merveille le rôle d'épouvantail
qui lui a été octroyé depuis les années
1980. Dans quel but ? Un seul et unique : ramener au maximum l'électorat
vers les urnes.
Rien n'illustre mieux l'objectif de cette campagne que le détournement
et la récupération du vieux slogan de mai 1968 "élections
: piège à cons" devenu dans la bouche des médias
bourgeois : "abstention : piège à cons".
Ce "Ouf !" signifie que la bourgeoisie est globalement parvenue
à ses fins : entraîner massivement dans le piège
électoral, alors que pendant toute la période précédant
le premier tour, la campagne électorale s'était déroulée
sans aucun débat politique, dans un climat général
d'indifférence et d'ennui.
Aujourd'hui, à la veille d'une nouvelle échéance
électorale, les législatives, et cinq semaines après
le dénouement de la précédente, à quoi assiste-t-on
? A l'agitation d'un nouveau débat politique, dramatisé
à souhait et présenté comme un choix crucial qui
se retrouve placé au coeur de cette nouvelle campagne électorale
: pour ou contre la cohabitation. Chacun est invité à
prendre parti et à se ranger derrière tel ou tel argument.
Pour les uns, il faut une alternance du pouvoir sinon une nouvelle cohabitation
entraînerait une paralysie des décisions de l'appareil
politique. Mais cela alimenterait aussi le discrédit des grands
partis démocratiques et continuerait à faire le jeu de
Le Pen en lui apportant de nouveaux partisans pour les prochaines échéances
électorales de 2007.
Pour les autres, "il ne faut pas laisser les mains libres à
la droite pendant 5 ans". Surtout, voter pour un gouvernement de
gauche offrirait une légitime revanche aux frustrations de "ce
peuple de gauche" qu'on a persuadé de voter Chirac pour
faire barrage à Le Pen et au FN, "peuple de gauche"
qui s'est rendu aux urnes pour voter du bout des gants, en se bouchant
le nez, voire en prenant des anti-vomitifs. Même si le thème
de la cohabitation a beaucoup moins d'impact émotionnel que le
danger de l'extrême droite, l'objectif de la bourgeoisie reste
fondamentalement le même : tout ce ramdam ne vise toujours qu'à
attirer au maximum la population dans la mascarade électorale.
La classe ouvrière n'a rien à faire dans ce cirque électoral,
contrairement à ce qu'affirment les LCR, LO et autres PT qui
ne font qu'entretenir les pires illusions à ce sujet pour enfermer
les prolétaires sur le terrain bourgeois. C'est un leurre. Les
prolétaires n'ont rien à attendre des élections,
rien à gagner en tombant dans ce piège des isoloirs.
Au contraire, en poussant chaque ouvrier à s'exprimer comme citoyen,
individuellement, de façon la plus atomisée possible,
il s'agit toujours de la même manoeuvre de la bourgeoisie qui
tente de faire obstacle à la prise de conscience que seule la
lutte organisée et collective pour la défense de ses conditions
de vie sur un terrain de classe ouvre au prolétariat une autre
perspective que l'exploitation capitaliste. Les élections font
partie de la vie de la bourgeoisie au service exclusif de ses intérêts
de classe, où l'alibi des "élections démocratiques"
ne fait que masquer la dictature du capital. Pour les ouvriers, elles
ne sont qu'une mystification pure et simple.
Peu importe le résultat des élections il ne changera
rien pour la classe ouvrière, quelle que soit l'équipe
gouvernementale qui sera mise en place, quelle que soit son étiquette
politique.
C'est d'ailleurs, dès aujourd'hui, une évidence avec le
gouvernement "de transition" Raffarin qui, sous couvert de
s'être "mis immédiatement au travail avec de nouvelles
claires priorités", n'apporte aucune rupture par rapport
à la précédente équipe ministérielle.
Les soi-disant nouvelles mesures qu'il a adoptées sont en réalité
en parfaite continuité avec le gouvernement Jospin.
Ainsi, quand on examine de près "la priorité des priorités", les mesures sur la sécurité, on s'aperçoit que le Conseil de Sécurité Intérieure, qui a été présenté comme une innovation, avait été créé sous Mitterrand en 1988, par son premier ministre Rocard et en 1997, c'est Jospin qui l'avait réactivé. De même, la police de proximité dont le zélé Zébulon Sarkozy fait la promotion en payant de sa personne sur le terrain pour escorter les virées nocturnes de sa flicaille avait été mise sur le terrain par Chevènement en 1997 et, en 1999, Jospin avait déjà prévu le déploiement des gardes mobiles et des CRS dans les banlieues.
Autre opération publicitaire du tout-sécuritaire Sarkozy
: les "groupes opérationnels de soutien". Ces fameuses
brigades d'intervention associant aux forces de police, des fonctionnaires
de justice, des douanes et des impôts existaient déjà
sur des opérations ponctuelles. Leur systématisation a
été mise en place il y a plus de trois mois par le précédent
ministre de l'Intérieur du PS Vaillant, lors de sa "réforme
de la police", en pleine campagne sur "l'insécurité
des banlieues" afin de lutter contre la délinquance juvénile,
les trafics de drogue et autres commerces illicites dans les cités.
Quant au gadget des "flash-ball", qu'a-t-il de plus "scandaleux"
que les balles réelles utilisées lors des multiples "bavures"
qui ont émaillé périodiquement l'action de la police
du gouvernement "socialiste" ?
Que va changer pour les ouvriers la nomination d'un grand patron privé
au ministère des Finances alors que les plans de licenciements
ne cessent de tomber depuis des années ? Que va changer un autre
gouvernement alors qu'avant même ce changement, malgré
le traficotage des chiffres du chômage et la multiplication des
emplois précaires par 10 en 5 ans, le chômage officiel
était reparti à la hausse de 0,8 % en mars (17 700 chômeurs
supplémentaires en un mois), faisant passer le taux de chômage
chez les jeunes entre 18 et 25 ans à 17,5 %, alors qu'également
le nombre de personnes vivant en dessous du SMIC atteignait 8 millions
dans le pays ? Une fois de plus, les promesses électorales de
baisses d'impôts, même si elles sont tenues, ne peuvent
toucher que les hauts revenus dans la logique implacable du système.
Avant même les élections, la hausse officielle du coût
de la vie augmentait de 0,4 à 0,5 % chaque mois depuis le début
de l'année. Avant même les élections, le principe
de l'allongement de la durée des cotisations pour les retraites
dans la fonction publique avait été décidé
conjointement par Jospin et Chirac au sommet de Barcelone. Le déficit
de l'UNEDIC ayant été rendu public, c'est à une
nouvelle attaque à la fois contre les prolétaires réduits
au chômage et contre les salariés qu'il faut s'attendre
pour combler ce déficit.
Quel que soit le gouvernement qui sortira des urnes, les prolétaires
devront faire face à une multiplication des attaques et devront
subir l'intensification de la même exploitation capitaliste. La
seule réponse possible pour la classe ouvrière, c'est
de développer ses luttes contre le système capitaliste,
contre l'Etat bourgeois, contre tous les gouvernements de droite comme
de gauche qui n'ont qu'un seul programme à lui proposer : toujours
plus de misère, de chômage et d'exploitation.
Dans un grand élan d'enthousiasme républicain, démocratique
et citoyen, le 1er Mai 2002 aura été présenté
par la bourgeoisie comme une journée historique de mobilisation
populaire, venant effacer la honte que les résultats du premier
tour des élections présidentielles ont infligée
à la France éternelle, patrie des Droits de l'Homme.
La gauche plurielle, avec quelques ministres, les gauchistes et les
anarchistes, les syndicats et une soixantaine d'associations, tous s'étaient
donné rendez-vous dans la rue pour clamer leur attachement aux
valeurs de la république.
Ce sont toutes les forces réunies de la classe capitaliste qui
ont réussi à faire sortir le "peuple dans la rue".
Cette mobilisation massive n'a absolument rien eu d'une journée
de la classe ouvrière. Voilà bien longtemps que le 1er
Mai, qui représentait pour les ouvriers de tous les pays l'affirmation
de l'unité et de la solidarité internationales du prolétariat,
est devenu un enterrement de la lutte ouvrière mené par
les corbillards de la gauche, des syndicats et des gauchistes (voir
notre article page 2). Mais cette année, en plein milieu du cirque
électoral, loin d'être une mobilisation du "monde
du travail", elle a été une entreprise de fusion
dans la démagogie "citoyenne"qui visait à noyer
les prolétaires dans le raz de marée d'une manifestation
interclassiste en défense de l'Etat démocratique.
Contrairement aux amalgames mis en avant par les médias, cette
manifestation n'a rien eu à voir avec le 14 juillet 1935, qui
marquait une étape majeure de l'avènement du Front populaire,
où le prolétariat était embrigadé pour la
marche à la guerre derrière l'antifascisme, pas plus qu'avec
le 13 mai 1968 qui marquait le resurgissement du prolétariat
sur son terrain de classe et qui ouvrait une perspective vers un nouveau
cours historique d'affrontements de classe.
La signification politique à donner à chacune de ces manifestations
ne peut être appréhendée en dehors de la méthode
marxiste exigeant de les replacer dans le cours historique qui leur
est propre.
Dès le début des années 1930, l'anarchie de la
production capitaliste est totale. La crise mondiale jette sur le pavé
des millions de prolétaires. Seule, l'économie de guerre,
pas seulement la production massive d'armement mais aussi toute l'infrastructure
nécessaire à cette production, se développe puissamment.
La réponse de le bourgeoisie à la crise est donc la guerre
impérialiste. Les régimes politiques mis en place par
le capitalisme dans les principaux pays européens correspondent
à cette nécessité historique, et non pas à
un accident de l'histoire comme on le prétend de l'avènement
du fascisme en Italie ou en Allemagne, ou à une victoire électorale
du prolétariat comme on veut présenter le Front populaire
en France.
En effet, afin de préparer l'embrigadement de la classe ouvrière
dans l'économie de guerre et dans la militarisation du travail
qui l'accompagne, la bourgeoisie utilisera le poison le plus efficace
: le nationalisme et la plus colossale duperie et escroquerie idéologique,
l'antifascisme.
Déjà, le 14 juillet 1935 a montré l'efficacité
de cette mystification : "C'est sous le signe d'imposantes manifestations
de masses que le prolétariat français se dissout au sein
du régime capitaliste… Ce 14 juillet marque un moment décisif
dans le processus de désagrégation du prolétariat…
Les ouvriers ont …applaudi les ministres capitalistes, qui ont
solennellement juré de 'donner du pain aux travailleurs, du travail
à la jeunesse et la paix au monde' ou, en d'autres termes, du
plomb, des casernes et la guerre impérialiste pour tous."
(Bilan n° 21, juillet-août 1935)
Moins d'un an après, alors qu'explosait une vague de grèves
ouvrières spontanées contre l'aggravation de l'exploitation
provoquée par la crise économique et le développement
de l'économie de guerre, le triomphe du gouvernement du Front
populaire consacrera l'anéantissement de la conscience de classe
des ouvriers qui défilent derrière les drapeaux tricolores,
la disparition de toute résistance prolétarienne organisée
au régime bourgeois.
Le 3 mai 1936, le Front populaire obtient la majorité à
la Chambre, le 4 juin Léon Blum forme son gouvernement, le 11
sont votés les congés payés, le 13 les 40 heures.
Le 14 juillet, après le défilé militaire du matin,
ce sont près d'un million de manifestants qui vont converger
vers la place de la Nation, à Paris, où sur une immense
estrade drapée de blanc seront acclamés les principaux
dirigeants du Front populaire.
Le 17 juillet sera votée la "nationalisation des fabrications de guerre".
Ce jour là, près d'un million de personnes, en majorité des ouvriers, défilèrent à Paris dans une énorme manifestation, sur laquelle flottaient des drapeaux rouges, et non pas tricolores contrairement à 1936, et parmi les slogans les plus en vogue, c'est "Elections, piège à cons" qui est particulièrement entendu.
Contrairement à ce que la bourgeoisie veut nous faire croire, mai 68 fut bien plus qu'une série de manifestations étudiantes, mais avant tout, le plus grand mouvement de grèves qu'ait jamais connu l'Europe : 10 millions d'ouvriers se mirent en grève, avec plus de quatre millions pendant trois semaines et plus de deux millions un mois durant.
Non, mai 1968 n'est pas une révolte de la jeunesse contestataire ni une révolte des consciences, mais la fin d'une période de contre révolution ouverte avec la défaite de la vague révolutionnaire des années 1920, et qui s'était poursuivie et approfondie avec l'action simultanée du fascisme et du stalinisme, ainsi que de l'anti-fascisme et des fronts populaires. Le milieu des années 1960 marque la fin de la période de reconstruction d'après la deuxième guerre mondiale et le début d'une nouvelle crise ouverte du système capitaliste. Mais surtout, les événements de mai 68 constituent le début de la reprise historique de la lutte de classe et l'ouverture d'un nouveau cours historique vers l'affrontement décisif entre les classes antagoniques de notre époque : le prolétariat et la bourgeoisie. Ce nouveau cours historique se trouvera confirmé par les événements internationaux qui suivirent le Mai français. Et c'est justement pour cela que dans les rues flottaient les drapeaux rouges et qu'on chantait l'Internationale (et non la Marseillaise), symboles historiques des luttes passées de la classe ouvrière.
Qu'avons-nous vu ce jour là ? C'est le peuple de France qui est descendu dans la rue dans un grand rassemblement interclassiste. Nous avons vu les familles défiler, avec leurs enfants dans les poussettes, même un chien avec un 'NON' scotché sur le dos, les 'gens', la 'population', des bandes de gamins se tenant par la main et chantant et surtout, depuis le lendemain du premier tour, les lycéens et les étudiants, en grande partie la jeunesse sur laquelle les médias avaient mis le paquet.
Ce fut donc un défilé bon enfant, les banderoles et les slogans scandés par les manifestants ne manquaient pas d'humour et quelques orchestres apportant de cette "bonne humeur" qui fait les rendez-vous populistes.
En fait, ce fut tout sauf une journée de lutte du prolétariat,
tout sauf une manifestation de la classe ouvrière. Au-delà
des aspects folkloriques, quelle signification donner alors à
cette manifestation ? Celle d'une manifestation en défense de
la démocratie bourgeoise, mais derrière les banderoles
de laquelle on ne retrouvait pas massivement la classe ouvrière
comme en 1935 et 1936.
Elle n'a pas défilé en tant que classe, et ne s'est même
pas mobilisée derrière les syndicats. Et si de nombreux
prolétaires, français et immigrés, se sont rendus
à cette manifestation, c'est uniquement en tant que "citoyens",
atomisés, noyés au milieu de la masse de toutes les couches
sociales du "peuple de France".
Aujourd'hui la bourgeoisie utilise à son profit les effets de la période de décomposition pour entraîner la classe ouvrière dans un combat qui n'est pas le sien.
Mais nous ne sommes ni dans une période de contre-révolution ni dans un cours à la guerre mondiale et la classe ouvrière, non défaite malgré ses difficultés réelles et importantes, n'est pas résignée, soumise à la défense des intérêts du capitalisme en crise.
Depuis le début de la campagne électorale et les appels aux votes "révolutionnaires" venant de l'extrême gauche, suivis des plus écœurants appels aux votes démocratiques et citoyens, il était de la responsabilité des organisations révolutionnaires d'être présentes à cette manifestation pour dénoncer l'hystérie démocratique et l'union sacrée antifasciste. Elles se devaient de montrer clairement la signification de cette mystification que constitue la démocratie bourgeoise dans la période de décadence du capitalisme et plus particulièrement dans la période actuelle de décomposition. Dénoncer et contrer les efforts de la bourgeoisie pour détourner la classe ouvrière de son terain de lutte en la diluant dans le magma de ce type de manifestations interclassistes et démocratistes. Aussi le CCI était-il présent, à Paris comme en province, aux manifestations du premier mai, pour dénoncer par un tract la mystification électorale, présenter et défendre ses positions en vendant sa presse, en poussant à la discussion des éléments qui, malgré l'hostilité de certains individus, ont accueilli notre position sur la question électorale avec sympathie et ont acheté notre presse.
Contrairement à tous ceux qui présentent notre organisation comme une secte dégénérescente et qui n'avaient strictement rien à dire à la classe ouvrière face à cette gigantesque campagne antifasciste, le CCI a pleinement assumé ses responsabilités comme groupe du milieu révolutionnaire.
Le fait que les révolutionnaires aient pu diffuser leur presse et leur tract dans cette manifestation sans risquer de se faire lyncher, comme c'était le cas dans les années 30, par les ouvriers, est un signe indubitable que, malgré les efforts de l'Etat bourgeois pour détruire la conscience de la classe ouvrière et l'enchaîner derrière son idéologie, celle-ci n'est pas embrigadée pieds et poings liés derrière les intérêts du capital. Et, cela malgré toutes ses difficultés actuelles à développer ses luttes et à retrouver le chemin de sa perspective révolutionnaire vers la destruction du capitalisme mondial et de l'Etat bourgeois sous toutes ses formes.
Thierry (25 mai)Le samedi 4 mai le CCI a tenu une réunion publique à Paris sur le thème
"La défense des organisations communistes, une tâche difficile mais
indispensable".
Bien que les résultats du premier tour des élections présidentielles en France
et la gigantesque campagne antifasciste qui les ont suivis auraient pu
justifier que nous modifiions le thème de cette réunion publique, notre
organisation a pris la décision de maintenir le thème initial. Cette décision,
comme nous l'avons dit au cours de la présentation, était motivée par la gravité
de l'attaque que subit notre organisation à l'heure actuelle avec la campagne
de calomnies de la part de quelques ex-membres du CCI regroupés sous le nom de
"fraction interne du CCI" autour du citoyen Jonas, exclu de notre
organisation pour indignité politique[1] [41]. Face
à cette situation, il était de la responsabilité du CCI d'assurer de façon
prioritaire sa défense en même temps que celle des principes de fonctionnement
des organisations communistes. En effet, sans organisation, il n'y a pas
d'intervention possible et c'est justement ce que visent l'État bourgeois et
ses complices du milieu parasitaire : détruire les organisations
révolutionnaires de l'intérieur et les discréditer face à la classe ouvrière en
semant le trouble et la confusion auprès des éléments à la recherche d'une
perspective de classe.
Une soixantaine de personnes, venues de plusieurs villes de province, mais également de Suisse, d'Allemagne, de Grande-Bretagne, de Belgique ont jugé la question suffisamment importante pour faire le déplacement en vue d'entendre les arguments du CCI et de les confronter à ceux de la "fraction". D'autres contacts, n'ayant pu être présents à cette réunion publique, nous ont adressé des lettres de soutien et de solidarité qui ont été portées à la connaissance des participants.
Le choix du thème de cette réunion publique a fait pousser de hauts cris à l'un de nos calomniateurs (ex-membres du BIPR qui a quitté récemment cette organisation), estimant irresponsable et scandaleux que le CCI n'ait pas consacré sa réunion publique à la situation en France alors que la classe ouvrière de ce pays était confrontée à une gigantesque campagne antifasciste.
A cette critique sur notre prétendue irresponsabilité nous avons été amenés à
rappeler que, en 1872, alors que la classe ouvrière venait de vivre les deux
événements historiques les plus importants de cette période - la Guerre
franco-prussienne de 1870 et la Commune de Paris -, le Congrès de la Haye (le
seul où Marx et Engels étaient personnellement présents) s'était donné comme
principal objectif la question de la défense de l'organisation.
En fait, si l'intervention de cet élément a mis en évidence une
irresponsabilité, c'est bien de la sienne propre. Cela n'a pas surpris le CCI
qui avait déjà souligné lors d'une réunion publique précédente qu'il était
effectivement irresponsable de sa part de quitter le BIPR parce qu'il avait des
désaccords avec l'analyse de cette organisation des événements du 11 septembre.
Il est évident qu'on ne devait pas attendre la moindre rigueur principielle sur
les questions d'organisation de la part d'un élément qui a passé ces 20
dernières années à naviguer dans pratiquement tous les groupes du milieu
politique prolétarien, démontrant par là l'élasticité de ses convictions. On
peut cependant noter une constante au milieu de ses positions à géométrie
variable : son hostilité indéfectible au CCI pour la raison que celui-ci ne
l'avait pas intégré en 1982 parce qu'il estimait que cet élément n'avait pas
encore surmonté toutes les confusions politiques provenant de son appartenance
antérieure à un groupe trotskiste. Une hostilité qui a conduit cet élément,
lors de notre réunion publique à faire cause commune avec les membres de la
"fraction" des "amis" de Jonas, lesquels depuis plusieurs
mois manifestent à son égard une sympathie ostensible[2] [42].
Nous n'avons pas la place dans le cadre de cet article de fournir un état
civil détaillé du cercle parasitaire auto-proclamé "Fraction interne du
CCI". Dans le précédent numéro de RI nous avons rendu compte de la
Conférence extraordinaire du CCI qui s'est tenue à la fin du mois de mars. Une
bonne partie de cet article traite des agissements de cette prétendue
"fraction" et nous engageons le lecteur à s'y reporter de même qu'à
notre communiqué "Une attaque parasitaire dirigée contre le CCI"
publié sur notre site Internet à la suite des premières calomnies publiques que
ces glorieux chevaliers sans peur et sans reproche ont crachées sur le CCI.
De façon succincte on peut présenter ainsi les états de service de cette
héroïque "fraction" :
Le seul exemple de tels comportements de la part de militants du CCI est celui de la tendance Chénier, en 81. A cette époque, le CCI avait mis en évidence que ces comportements gangstéristes avaient comme principal inspirateur l'individu Chénier (exclu en septembre 81) et qui s'était révélé par la suite être un agent de l'État bourgeois. Aujourd'hui, il est clair pour le CCI que les comportements de voyous des membres de la "fraction" ont pour principal inspirateur Jonas qui joue un rôle tout à fait comparable à celui de Chénier (même si le CCI ne peut pas encore se prononcer sur les raisons profondes de son comportement et a reconduit le mandat de la Commission d'investigation lors de notre Conférence extraordinaire afin de faire la plus grande clarté sur cette question).
L'exposé introductif à la discussion avait pour objectif, avant que de
rapporter les comportements particulièrement destructeurs de Jonas et ses amis,
d'affirmer la position du CCI et de l'ensemble du mouvement ouvrier sur la
question de la défense des organisations communistes contre les attaques
qu'elles subissent de la part de la classe dominante ou qui font directement
son jeu. Il s'est penché plus particulièrement sur les question suivantes
auxquelles la nature des agissements de la soi-disant "fraction" ont
donné une actualité particulière :
Après cette introduction, le CCI a donné la parole à l'ensemble des présents et en priorité aux membres de la "fraction". Son porte parole a commencé par déclarer que celle-ci demandait sa réintégration dans le CCI tout en affirmant continuer à mener un "travail politique" avec un élément exclu du CCI (comme nous l'avons appris dans une lettre que nous a adressée la "fraction", Jonas est aujourd'hui officiellement membre de la "fraction") ! Ensuite, il a fait une longue intervention (dont l'essentiel figurait sur un tract distribué aux participants) dont la préoccupation principale, à travers des analogies historiques absolument hors de propos, était de justifier les actes d'indiscipline et le viol des statuts. Concernant les réunions secrètes, le porte-parole de la "fraction" a eu le culot de les justifier en s'appuyant notamment sur l'exemple des oppositions de gauche du parti bolchevik au cours des années 20, à une époque où les membres de ces oppositions risquaient la prison, alors que le CCI, misant sur la capacité des militants à se ressaisir (ce que deux d'entre eux ont d'ailleurs fait) n'a pas pris la moindre sanction après la découverte de ces réunions secrètes et de leur contenu scandaleux. A part ce point, le porte-parole de la "fraction" n'a pas donné la moindre réponse sur les questions soulevées dans l'exposé du CCI.
La prestation des trois "sympathisants" de la "fraction" n'a fait que confirmer à la fois la nullité politique de ce clan parasitaire et le caractère destructeur de son action.
Le premier est un ex-militant du CCI qui a démissionné en septembre 2001 après avoir participé aux réunions secrètes qui s'étaient tenues au cours de l'été 2001. Son intervention n'était qu'une suite de jérémiades totalement mensongères sur les "mauvais traitements" qu'il aurait subis de la part du CCI et qui l'auraient contraint, à ses dires, à la démission. Ces "mauvais traitements" sont une pure invention, à moins de considérer comme scandaleux que l'organisation demande des comptes à des militants qui font preuve d'une complète déloyauté à son égard et lui mentent effrontément. En effet, comme le présidium l'a fait remarquer, lorsque nous avons demandé à cet élément, au moment de la découverte des réunions secrètes combien il s'en était tenues, il avait dit un gros mensonge en répondant "deux", alors qu'il y en avait eu cinq et qu'il le savait pertinemment. Ce gros menteur est aussi un gros vantard puisque, lors de la 4e réunion secrète (dont le procès-verbal est tombé par hasard aux mains de l'organisation), il s'était vanté auprès de ses acolytes d'avoir réussi à bien duper un membre de l'organe central de notre section en France. De toute évidence, ce qui désormais préoccupe cet ex-militant ce n'est plus la défense des principes du CCI, mais la défense de sa petite personne et de ses "copains" de la "fraction" pour de ne pas défaillir à la "solidarité de fer entre nous" (selon les termes employés par un membre de la "fraction" dans une réunion secrète). A cette solidarité "de fer" d'un corps parasite au sein de l'organisation, le CCI a opposé la solidarité de classe qui doit unir les militants d'une organisation communiste.
Ce n'est pas la première fois qu'un militant, lassé par plusieurs années d'engagement, n'arrive pas à assumer sa passion nouvelle pour les pantoufles et le bonnet de nuit et ce faisant essaie de faire porter à l'organisation la responsabilité de son accès de fatigue. A ces ex-militants, un de nos abonnés a adressé dans une lettre au CCI le conseil suivant : "s'ils sont fatigués, qu'ils aillent se coucher". Nous pouvons ajouter : c'est le meilleur service qu'ils puissent rendre au prolétariat.
Le deuxième supporter de la "fraction" est également un ancien militant du CCI qui a démissionné en 1996. Il a fait la leçon au CCI sur la question de la défense de l'organisation en déclarant que celle-ci passait en premier lieu par la défense de ses principes. Ce sont de fortes paroles mais cet élément n'est jamais venu à une réunion publique du CCI depuis 1996, même quand celles-ci étaient consacrées à la défense des principes communistes face à la barbarie impérialiste lors de la guerre au Kosovo et plus récemment à l'occasion de la guerre en Afghanistan. Ce n'est que récemment que cet élément, tel la belle au bois dormant, s'est réveillé d'un long sommeil pour venir nous faire des leçons de morale. En fait, nous savons pertinemment que ce sont les attaques publiques de la "fraction" contre le CCI qui ont fait à cet élément le même effet que le baiser du Prince. En effet, une des caractéristiques de cet élément, c'est toute sa démarche politique qui l'a amené à réapparaître aujourd'hui à nos réunions publiques pour y semer le trouble auprès de nos contacts. En effet, lors de la crise de 1993 de notre organisation (qu'il avait qualifiée de "guerre des chefs"), cet ancien combattant du CCI s'était particulièrement distingué par ses conduites manœuvrières, son double langage et ses dénigrements dans les couloirs contre d'autres militants, notamment des membres des organes centraux. Cela lui avait valu d'ailleurs à cette époque une résolution spéciale, adoptée par tous les membres de l'actuelle "fraction", lui demandant de cesser ces comportements et d'en faire la critique. C'était trop lui demander et il a préféré quitter l'organisation peu après en gardant un état d'esprit de profonde hostilité à l'égard du CCI, hostilité que tous nos sympathisants présents à cette réunion publique ont pu constater.
Dans son intervention, cet élément a affirmé que le CCI avait refusé sa demande
de convoquer un jury d'honneur pour le laver de l'accusation d'être un agent de
l'État. Si telle avait été l'opinion du CCI sur son compte comme il l'a affirmé
(en allant même jusqu'à déclarer qu'il détenait des "preuves" !), cet
élément aurait été exclu et dénoncé publiquement par un communiqué dans notre
presse, ce qui n'est nullement le cas comme pourront le vérifier nos lecteurs.
Par ailleurs, ce n'était pas au CCI de demander un jury d'honneur pour un
militant dont il avait certes critiqué les comportements manœuvriers mais qui a
quitté l'organisation de son propre gré.
Voilà le type de "sympathisants" que la fraction "réveille"
aujourd'hui : des éléments qui sont venus à cette réunion publique non pour
défendre les principes du mouvement ouvrier et du CCI en prenant position sur
notre exposé introductif, mais pour régler leurs vieux comptes personnels avec
notre organisation. Ce supporter de la "fraction" a réussi le tour de
force consistant, après avoir esquivé toute prise de position sur l'exposé du
CCI (et sur les comportements de Jonas), à se présenter comme une grande
victime des calomnies du CCI. C'est donc le CCI qui serait le calomniateur
patenté et non l'individu qu'il a exclu de ses rangs. Il faut encore noter que
dans son intervention, cet élément a pris subtilement (et à mots couverts) la
défense de J.J. (que le CCI avait exclu en 1995) et dont les amis de l'époque
ont constitué le groupement parasitaire dénommé "Cercle de Paris".
Faut-il s'attendre à un rapprochement entre ce dernier et la
"fraction" ? En tout cas, celle-ci a commencé à envoyer ses
"bulletins internes", qu'elle affirme désormais destiné à la
"discussion au sein du milieu politique prolétarien" (Bulletin n°9 de
la "Fraction"), à des membres de ce cercle. Les amis de Jonas
considèrent-ils maintenant que le Cercle de Paris appartient au milieu
politique prolétarien et non au parasitisme comme ils l'affirmaient quand ils
étaient encore militants du CCI ?
Le troisième "sympathisant" de la fraction (il s'est ainsi désigné) est également un ancien membre du CCI qui avait démissionné en 1993. Mais, contrairement au deuxième supporter de la "fraction", cet élément était resté jusqu'à présent l'un de nos plus fidèles compagnons de route, qui est toujours intervenu à nos côtés et nous a apporté pendant des années un soutien inestimable. C'est avec une profonde consternation que tous les militants du CCI et certains sympathisants présents à notre réunion publique ont assisté au triste spectacle de sa dérive vers le parasitisme. Cet élément a fait une intervention incompréhensible pour quiconque l'a entendue mais la seule chose qu'il a clairement démontrée c'est qu'il est devenu violemment hostile au CCI. C'est là un succès de la politique menée délibérément par Jonas et sa "fraction": détruire notre milieu de contacts en transformant les sympathisants du CCI en ennemis de celui-ci.
Les nombreux contacts du CCI qui sont intervenus ont soutenu le cadre politique donné par l'exposé introductif et ont interpellé la "fraction" afin qu'elle prenne position sur cette présentation. Plusieurs interventions ont vigoureusement protesté contre le vol du fichier d'adresses de nos abonnés, affirmant que c'est au CCI comme groupe politique qu'ils ont confié leurs adresses et non à Monsieur Jonas et sa camarilla.
Face aux interventions de nos contacts qui ont, avec différents arguments, affirmé la nécessité pour une organisation révolutionnaire de défendre ses statuts et de condamner fermement les méthodes de Jonas, quelle fut la réponse de la "fraction" ? Le silence ! Les membres de cette soi-disant "fraction" ont refusé de prendre la parole pour répondre aux questions qui leur étaient posées par les abonnés à qui ils avaient envoyé leur prose parasitaire.
Face à cette attitude d'esquive, l'un de nos contacts les a interpellés une deuxième fois pour leur demander de répondre aux arguments du CCI et aux questions des abonnés. Quelle fut l'attitude de la "fraction" ? Celle de... s'éclipser discrètement (suivis par ses supporters) en prétextant que leur départ groupé était motivé par des... "obligations familiales" (leurs familles sont décidément très bien synchronisées) !
En réalité, s'ils ont préféré quitter la salle tous ensemble sur la pointe des pieds, c'est justement parce qu'ils savaient qu'ils ne pouvaient pas vendre leur camelote frelatée auprès des éléments sérieux du milieu politique prolétarien venus à cette réunion publique.
Suite à la remarquable prestation de cette soi-disant "fraction", plusieurs de nos contacts et abonnés qui n'étaient pas intervenus dans la discussion, ont fini par prendre la parole pour apporter leur plein soutien au CCI. Comme l'a affirmé un de nos abonnés à la fin de cette réunion publique : "je ne voyais pas très clair en arrivant à cette réunion publique. J'apporte mon soutien au CCI. C'est l'attitude de cette 'fraction' qui m'a convaincue. Ces gens-là se sont discrédités eux-mêmes en quittant la salle lorsqu'on leur a demandé de répondre aux questions et de prendre position sur ce que dit le CCI"
Avant le départ de la "fraction", l'un de nos camarades (ex-membre de la camarilla de Jonas) avait pris la parole pour témoigner du caractère manœuvrier et conspirateur de cette entreprise de destruction du CCI dans laquelle il avait lui-même été entraîné. L'un de nos contacts a salué cette intervention et a affirmé que, contrairement aux démissionnaires revanchards et aux fractionnistes pleurnichards, "le vrai courage, c'est celui de ce militant" qui a été capable de mettre les intérêts historiques du prolétariat au-dessus de son orgueil personnel, pour rester un militant loyal, non pas à un chef de bande, mais à l'organisation communiste dans laquelle il voulait continuer à militer.
Cette réunion publique a mis clairement en évidence que les comportements parasitaires de cette "fraction", animés par la loyauté envers des éléments déclassés devenus des aventuriers, sont un pur reflet de la décomposition sociale du capitalisme. Comme l'a mis en évidence l'intervention d'une sympathisante venue d'Allemagne, les calomnies proférées et répétées avec insistance par Jonas et sa "fraction" contre des membres de l'organisation dans le but de les détruire (ou de "les déstabiliser", selon les propres termes utilisés par un participant à une réunion secrète), s'apparentent au phénomène du "mobing". Cette sympathisante a affirmé avoir été elle-même victime de mobing et a témoigné de sa propre expérience[3] [43].
La discussion a mis également en évidence le danger que représente cette
camarilla pour le milieu politique prolétarien comme le révèle leur rencontre
avec le BIPR (dont la "fraction" a rendu compte dans le numéro 9 de
son "bulletin interne" envoyé à tous nos abonnés).
L'un de nos sympathisants a clairement affirmé que cette politique de la
camarilla de Jonas consistant à "mouiller" le BIRR publiquement pour
l'obliger à prendre fait et cause pour la "fraction" contre le CCI
"n'est pas seulement de l'opportunisme. C'est du pur manoeuvrisme !".
Pour notre part, nous estimons que cette manœuvre consistant à rendre publique
la discussion que la "fraction" a eue avec le BIRR ne peut que contribuer
à discréditer ce dernier au sein du milieu politique prolétarien[4] [44].
A l'issue de cette réunion publique certains contacts du CCI sont venus nous trouver pour nous proposer leur aide estimant que le CCI doit, comme il l'a fait en 81, récupérer le matériel et l'argent volé par les "fractionnistes".
Les sympathisants du CCI ne peuvent en effet que se sentir directement concernés dans la mesure où les fonds de l'organisation émanent non seulement des cotisations des militants mais également de leurs propres souscriptions en tant que sympathisants du CCI. C'est donc en partie l'argent de nos souscriptions qui a été volé sans le moindre scrupule par la "fraction". C'est bien pour cela que le CCI continuera à exiger que la camarilla de Jonas restitue cet argent volé à la classe ouvrière (et nous ne voyons aucun inconvénient à ce que ces racketteurs ouvrent, s'ils le souhaitent, une souscription auprès de leurs sympathisants afin de les aider à rembourser leur dette). Cette question est une position de principe sur laquelle le CCI ne fera aucune concession, quelles que soient les justifications "théoriques" et "historiques" alambiquées que nos "fractionnistes" vont devoir élaborer pour couvrir leurs mœurs de petits malfrats.
Cette réunion publique a clairement révélé que, face aux méthodes du lumpen utilisées par la camarilla de Jonas, la méthode marxiste "a fait le poids". (5)
Jamais le CCI n'avait reçu autant de lettres de soutien (dont certaines ont été lues à cette réunion publique). Comme l'a d'ailleurs fait remarquer, avec dépit, l'ex-membre du BIRR, "on a jamais vu autant de monde dans une réunion publique du CCI à Paris" ! [5] [45]
[45]Cette réunion publique était une étape dans le combat du CCI pour la défense des principes communistes. Mais nous savons que le combat n'est pas terminé car les organisations révolutionnaires, comme ennemies irréductibles de l'ordre capitaliste, seront toujours l'objet de toutes les tentatives de la classe bourgeoise pour les détruire ou les discréditer. Ces attaques peuvent être portées par les organes spéciaux de l'État bourgeois ou par des individus déclassés, mais aussi par d'anciens militants dont l'usure des convictions peut déboucher sur la haine de l'organisation à laquelle ils ont appartenu et de leurs anciens camarades de lutte. C'est cette usure de leurs convictions qui les poussent à la démission suite à la moindre égratignure, à la capitulation face à la pression de l'idéologie dominante et jusqu'à la trahison des principes prolétariens. C'est cette trahison des principes organisationnels du CCI que nos "fractionnistes" essaient encore de masquer en se décernant un certificat de "véritables continuateurs des principes du CCI" et de toutes les fractions de gauche du mouvement ouvrier. Un enfant de 5 ans peut bien se prendre pour Superman, Wonderwoman ou un héros de la Guerre des étoiles. Cela ne veut pas dire que ce soit la réalité et les adultes ne sont pas dupes. Nos chevaliers de la sainte "fraction" peuvent bien raconter et se raconter qu'eux aussi ils sont des "héros" (de la défense des principes communistes). Leur comportement politique et leur intervention dans cette réunion publique ont montré qu'ils étaient loin du compte, comme ont pu le constater tous nos sympathisants. "C'est dans la pratique que l'homme fait la preuve de la vérité" disait Marx. La pratique des fractionnistes a fait la preuve de la vérité, la vérité de leur imposture.
CCI (25 mai)[1] [46] Voir à ce sujet le "Communiqué à nos lecteurs" dans Révolution internationale n° 321 (ici [47]). Dans ce communiqué nous écrivions entre autres : "Un des aspects les plus intolérables et répugnants de son comportement est la véritable campagne qu'il a promue et menée contre un membre de notre organisation l'accusant dans les couloirs et même devant des personnes extérieures au CCI de manipuler son entourage et les organes centraux pour le compte de la police"
[2] [48] Qui se ressemble s'assemble : cet élément, qui lors de sa première réapparition depuis au moins 10 ans à une réunion publique du CCI, l'hiver dernier, avait commencé par dénigrer le BIPR nous a affirmé lors de la dernière réunion, et à deux reprises, que l'éclatement en 1982 du Parti communiste international (la principale organisation du courant "bordiguiste") était à saluer ! La destruction des organisations révolutionnaires, même si elles sont gangrenées par l'opportunisme, est toujours un coup porté au prolétariat et les communistes ne saluent jamais un tel événement. Les amabilités échangées entre cet élément et les membres de la soi-disant "fraction" ont en réalité une base politique commune : l'hostilité de l'un et des autres, non seulement au CCI, mais à l'ensemble du milieu politique prolétarien, même si, évidemment, la soi-disant "fraction" affirme le contraire.
[3] [49] Ce phénomène du mobing propre à la décomposition du capitalisme se retrouve d'ailleurs dans certains faits divers mettant en évidence les jeux sataniques très à la mode dans certains établissements scolaires où des bandes d'adolescents s'amusent à prendre pour cible un de leur camarade et lui font subir toutes sortes de tortures pouvant même aboutir à son assassinat. Bien que ce type de jeux pervers révèle de toute évidence un profond déséquilibre mental (tout comme chez les serial killers), ils sont avant tout la manifestation de la barbarie d'une société pourrissante qui introduit aujourd'hui le sadisme des hordes nazies ou des tortionnaires de la guerre d'Algérie jusque dans les cours de récréation.
[4] [50] Et c'est bien l'objectif que visait Monsieur Jonas : piéger le BIRR et le discréditer tout en semant la zizanie entre les groupes du courant de la Gauche communiste !
[5] [51] Lorsqu'une délégation du CCI a rencontré la "fraction" pour discuter des modalités de récupération du matériel appartenant à l'organisation et exiger le remboursement de l'argent volé au CCI, le courageux porte-parole de la camarilla de Jonas a proféré des propos menaçants contre nos camarades, illustrant encore la mentalité de voyou de cette soi-disant "fraction" : "De toute façon, à Paris, vous ne faites pas le poids !"
Au grand "Ouf" de
soulagement poussé par la bourgeoisie démocratique au soir du 5 mai pour avoir
réussi à écarter le "danger" Le Pen, a succédé un autre
"Ouf" au soir du deuxième tour des élections législatives le 15 juin.
En effet, sur sa lancée, la "vague bleue" a réussi à écarter un autre
danger, celui d'une nouvelle cohabitation droite-gauche. Aussi, malgré le fait
que sa stratégie initiale consistant à faire passer Jospin à la tête de l'Etat
ait lamentablement capoté (voir RI n°323 - ici [54]), la
bourgeoisie française a fait contre mauvaise fortune bon coeur et a oeuvré à
limiter les dégâts en replaçant toute la droite au pouvoir.
En effet, depuis 1981, avec l'arrivée alors accidentelle de Mitterrand à
l'Elysée et de la gauche au gouvernement, la classe dominante a dû se résoudre
à s'accommoder de toute une série de cohabitations qui néanmoins l'embarrassent
de plus en plus. Non pas qu'il existe des désaccords profonds entre la gauche
et la droite concernant les attaques à porter contre la classe ouvrière ou
encore la nécessité de défendre les intérêts impérialistes de la France sur
l'arène mondiale. Concernant les attaques anti-ouvrières, la
"différence" tient dans l'enrobage "réformateur" dont la
gauche est capable, mieux que la droite, pour faire passer la pilule. Le
problème, pour la bourgeoisie, avec les cohabitations à répétition depuis plus
de vingt ans, c'est qu'elles mettent particulièrement en évidence que droite ou
gauche, c'est bonnet blanc et blanc bonnet. Le résultat en a été une décrédibilisation
importante de la gauche, mais aussi du jeu démocratique lui-même, laissant
ainsi un créneau au discours lepéniste et au développement de son influence.
Il aura d'ailleurs fallu toute la campagne anti-Le Pen pour réveiller dans la population un intérêt envers la campagne présidentielle, dont le premier tour avait vu 28% d'abstentions, autrement dit plus que le candidat arrivant en tête des suffrages !
Le "danger" ayant été écarté par les résultats du second tour des présidentielles, l'intérêt pour les urnes est brusquement retombé. En effet, ce sont 46% d'abstentions qui ont été enregistrées au second tour des législatives, un record. Au terme de celles-ci, la gauche a dû céder sa place à la droite aux rênes de l'Etat. Voici une alternance qui ne peut que redorer le blason de la démocratie. La gauche aussi y trouve son compte puisqu'elle va pouvoir entreprendre, dans l'opposition, une cure de jouvence. Elle en avait besoin pour atténuer le discrédit résultant du fait que, pendant plus de vingt ans, elle a dû assumer, à la tête de l'Etat, la responsabilité des mesures anti-ouvrières, même si, bien sûr, elle s'est efforcée de mettre sur le dos du patronat une partie d'entre elles.
Le PS a d'ailleurs besoin de se requinquer car, s'il se maintient électoralement à 35% des suffrages exprimés, c'est parce qu'il a bénéficié du vote de tous ceux qui sont allés laver leur conscience en soutenant les candidats socialistes aux législatives après être allés voter Chirac en se pinçant le nez, par discipline antifasciste. La cure d'opposition risque de ne pouvoir être suffisante pour le PC, littéralement laminé et qui, malgré le report des voix du PS en sa faveur au second tour, exhale péniblement encore quelques soupirs avec ses 3,26% des voix. En perte de vitesse depuis Mai 68, la participation de ce parti à la dernière cohabitation a encore accéléré sa descente aux enfers. Quel que soit son avenir, sa sortie du gouvernement n'est donc pas une mauvaise chose pour lui, hormis le fait qu'il perd une source de financement importante. Quant aux Verts, leur poids politique s'est lui aussi nettement réduit au gouvernement.
Une chose cependant doit rester claire. Ce départ des partis de gauche du gouvernement ne correspond nullement à une stratégie de la bourgeoisie pour affronter un développement massif des luttes ouvrières. Autant la pression pour le vote Chirac était destinée à faire face à Le Pen (et le coup a réussi puisque ce dernier n'a même pas aujourd'hui un député), autant c'est par défaut que toute la gauche se retrouve à présent dans l'opposition, même si elle saura oeuvrer utilement au sein de cette nouvelle donne politique, tant pour son propre compte que pour celui de l'Etat.
"Libérés" du fardeau du pouvoir, on peut s'attendre avec certitude à ce que ces partis développent un discours progressivement plus radical et plus critique à l'égard du gouvernement. Les syndicats, eux aussi, vont se trouver plus à l'aise du fait que leurs partis de tutelle n'ont plus en charge la responsabilité directe de décider et faire appliquer les attaques anti-ouvrières. Il est utile de rappeler ici les contorsions de la CGT contrainte depuis sept ans, et avant cela dans la période comprise entre 1981 et 1984, de "s'affranchir" du PC et de louvoyer entre ses liens connus avec ce parti au gouvernement et son rôle de syndicat "de lutte", "ouvrier".
Tout ce joli monde va retrouver les accents "combatifs" des années 70. Il ne faudra pas s'étonner qu'il répéte à tue-tête, "c'est la faute à la droite, la droite attaque les ouvriers".
TOUTES les mesures anti-ouvrières que la droite prend et se prépare à prendre ont été préparées par la gauche. C'est cette dernière qui les aurait assumées si elle était restée au gouvernement. Avec les syndicats, elle s'offusque et s'indigne aujourd'hui de ce que le SMIC n'ait pas eu un coup de pouce supérieur à l'inflation, prétendant que les négociations prévues par la gauche sur les bas salaires contenaient la prévision d'une augmentation plus importante que celle décidée par la droite. Qui pourra le vérifier ? En tout cas, les ouvriers savent que les négociations salariales de l'an dernier dans la fonction publique, comme les précédentes depuis plus de dix ans, ont débouché sur le gel des salaires et que la loi Aubry sur les 35 heures a créé six types de SMIC différents dont aucun n'est favorable aux ouvriers, mais tous le sont au patronat et à l'Etat. Et la gauche nous parle maintenant de "cadeau au patronat" ! La mise en place par la gauche de la "flexibilité du travail" et des 35 heures elle-même a été une énorme attaque contre toute la classe ouvrière et il en a résulté une "France d'en bas" dans laquelle on trouve une proportion de plus en plus importante d'ouvriers, au chômage ou avec un emploi faiblement rémunéré, jetés à la rue et dans la misère.
Ces mêmes partis de gauche hurleront demain contre les conditions faites aux chômeurs, comme celles qu'a préparées la signature en catimini, le 19 juin, d'un accord entre le patronat et certains syndicats concernant le PARE (Plan d'Aide au Retour à l'Emploi) et qui prévoit une aggravation des conditions d'indemnisation du chômage, sous différentes formes. Or, il ne faut pas oublier que c'est la gauche qui a mis en place le PARE (voir RI n°303, juillet-aôut 2000) dont la création s'accompagnait de toute une série de mesures particulièrement scélérates contre la classe ouvrière, tendant notamment à exclure purement et simplement les ouvriers sans travail de la vie sociale. Et lorsqu'elle montrera du doigt l'augmentation des cotisations sociales, il faudra se souvenir que c'est la gauche qui a introduit et ensuite régulièrement augmenté, pour les besoins du capital, la CSG et autres joyeusetés qui représentent une attaque et une baisse draconienne de notre niveau de vie.
Tous ces partis de gauche vont désormais chercher à se faire passer pour les amis des ouvriers et même pour leurs meilleurs défenseurs. Les prolétaires ne doivent pas se laisser duper : ennemie de la classe ouvrière au gouvernement, la gauche le demeure dans l'opposition, même s'il est alors plus difficile de s'en rendre compte. C'est pourquoi elle y est encore plus dangereuse.
RI.
Le CCI n'est pas la seule organisation du milieu de la Gauche communiste
à être l'objet d'attaques parasitaires dans la période
actuelle. Une attaque similaire a été lancée par
le groupe Los Angeles Workers Voice (LAWV) contre le Bureau International
pour le Parti Révolutionnaire (BIPR). Tout ceci fait suite à
l'effondrement de la branche américaine du BIPR, mise en place
à la conférence nord-américaine des sympathisants
du BIPR, qui s'était tenue à Montréal en avril
2000. Cette section des sympathisants du BIPR était un regroupement
du Los Angeles Workers Voice avec un autre sympathisant, AS, alors basé
dans le Wisconsin, maintenant dans l'Indiana.
Ce regroupement aux Etats-Unis, organisé sous le nom d'Internationalist
Notes (une lettre d'information publiée depuis plusieurs années
par AS) a commencé rapidement à se défaire.
A partir de l'été 2001, on a pu avoir un bref aperçu
d'âpres disputes internes au sein d'Internationalist Notes, qui
devaient couver depuis le début même, sur des questions
fondamentales concernant le fonctionnement de l'organisation, la centralisation
et l'intervention dans la lutte de classe. Vers décembre, leurs
chemins se sont séparés, le LAWV ayant rompu avec les
orientations et les pratiques organisationnelles du BIPR, et donc avec
celles de la Gauche communiste. Cependant, quelque temps après,
ayant été accusé de façon outrancière
de pratiques dictatoriales, le BIPR dénonçait le LAWV
pour "avoir recours à la calomnie, ce qui interdit toute
discussion ultérieure."
Les dissensions qui ont déchiré la branche américaine du BIPR se sont centrées sur une question organisationnelle de base, clarifiée depuis longtemps déjà par le mouvement ouvrier révolutionnaire. Il semble qu'il y ait eu un profond désaccord sur la nécessité d'une presse paraissant régulièrement, de la tenue périodique de réunions publiques et d'une intervention cohérente et réfléchie dans la lutte de classe, ainsi que sur la nécessité d'une organisation centralisée.
De ce que nous pouvons saisir du débat, il semble que le LAWV, un groupe engagé dans un processus de rupture avec le gauchisme, était embourbé dans le localisme, l'immédiatisme et l'activisme. Selon les termes même du BIPR, "ce à quoi ils sont opposés, ce n'est pas à une organisation de type de celle des Bolcheviks, mais à toute organisation qui irait au-delà de leur groupuscule. Tel qu'il est, United States Workers Voice (comme le LAWV s'appelle maintenant) reste un regroupement d'individus, sans cohésion aucune, et en conséquence sans positions politiques claires et incapable de travailler avec quiconque en dehors de leur cercle immédiat." (Déclaration sur les relations entre le LAWV et le BIPR).
Toutes ces confusions politiques de la part du LAWV ne sont pas une surprise. Ce groupe est arrivé à la Gauche communiste après une terrible expérience bourgeoise gauchiste, de fait staliniste, portant un bagage politique extrêmement négatif, ce qui a affecté son évolution politique et aurait nécessité une ferme discussion politique. Leurs faiblesses immédiatistes et localistes ont pu se voir clairement au cours de la période qui a précédé leur affiliation formelle au BIPR, à travers les distributions systématiques et volontaristes de tracts au cours de meetings et de manifestations gauchistes ou syndicales, sans aucune évaluation politique du caractère approprié ou non d'une telle intervention. C'est bien là une de leurs faiblesses qui ont fait l'objet des critiques de la part d'AS, dans les textes du débat publiés dans la presse du BIPR.
Mais durant la brève et tumultueuse période d'affiliation avec le BIPR, les actions du LAWV ont clairement reflété qu'il était dominé par des idéologies étrangères à la classe ouvrière. Le LAWV a mené des intrigues et des manœuvres politiques au sein du BIPR, ayant tenu en privé des discussions secrètes politiques et organisationnelles à Los Angeles, sans y faire participer AS ou le reste du BIPR, et sans les tenir au courant. Ils ont fait fi des règles et du mode de fonctionnement des organisations révolutionnaires et du comportement de camarades appartenant à une organisation prolétarienne.
Les conséquences de ce mode de fonctionnement bourgeois gauchiste ont été la prise de décisions unilatérales dans le domaine de l'organisation, des annonces définitives de changement brutal de ligne politique de classe, sans le moindre murmure de discussion au sein de l'organisation. Le LAWV a répondu à des critiques sur ces grossières violations des règles organisationnelles par des attaques personnelles contre AS et par des calomnies contre le BIPR.
Quelles que soient les divergences qui séparent les organisations
du milieu de la Gauche communiste, l'héritage politique commun
et les principes que nous partageons l'emportent de loin. Dans cette
affaire, nous tenons à exprimer notre solidarité envers
AS et le BIPR.
Nous aussi sommes habitués à ce type de conduite venant
d'un milieu parasitaire dont l'existence se résume à attaquer
et jeter le discrédit sur les organisations communistes. Et cette
accusation toute vertueuse de pratiques antidémocratiques et
staliniennes au sein du BIPR n'est pas sans nous rappeler les immondices
que l'autoproclamée "fraction interne du CCI" a déversés
récemment sur le CCI.
Il est évident qu'il y a des différences entre le LAWV et la prétendue "fraction" formée par d'anciens membres du CCI. Il y a néanmoins de remarquables similitudes entre les comportements de ces deux regroupements : ils subissent la même influence d'idéologies étrangères à la classe ouvrière, ils ont la même tendance à compenser la vacuité de leurs arguments politiques par des attaques personnelles au cours des débats, à couvrir leurs violations des règles organisationnelles de base par les dénonciations de stalinisme et de pratiques antidémocratiques dont eux et l'ensemble de l'organisation seraient victimes, et tous deux vont proclamant que ce sont eux les continuateurs de la tradition de la Gauche communiste. En un mot, ils ont la même conduite parasitaire.
Une fois que le LAWV eut induit une dynamique négative dans sa
relation avec le BIPR, il sombra dans une brusque régression
politique. C'est ainsi que, par exemple, alors qu'il avait confirmé
son plein accord avec la plate-forme du BIPR depuis le milieu des années
90, le LAWV a brutalement adopté cette vision ridicule selon
laquelle dès 1918 la Révolution russe aurait dégénéré
en capitalisme d'Etat et les bolcheviks seraient devenus contre-révolutionnaires.
La régression politique du LAWV s'est poursuivie par la publication
de leur plate-forme dans leur nouvelle revue, le New Internationalist
(sous la pression du BIPR le nom Internationalist Notes a été
abandonné car il a déjà été utilisé
dans l'histoire par Battaglia Comunista). La plate-forme est un document
assez mal écrit de deux pages et demie, présenté
en un seul interminable paragraphe. A son début, le texte du
LAWV semble suivre d'assez près les positions de base telles
qu'elles apparaissent dans chaque publication de la presse du CCI, et
leur emprunte maintes formules.
Le CCI n'est en rien flatté par cette imitation aguichante de la part d'un groupe parasite. Nous avons tout à fait conscience que les parasites se cherchent souvent une légitimité par des tentatives d'ouverture en direction des groupes déjà établis du milieu politique prolétarien, et ce afin de pouvoir les dresser les uns contre les autres. De toute façon, le LAWV a remodelé et a ajouté de nombreux points aux formules tirées de nos positions de base, ce qui reflète leur inconsistance, leurs confusions et leur régression politique qui les fait s'éloigner des traditions de la Gauche communiste.
Par exemple, au lieu de parler de décadence du capitalisme, le LAWV fait référence à une période de barbarie introduite par la guerre mondiale en 1914. Mais plus loin dans le document, on fait référence au 'capitalisme décadent', sans expliquer ce que signifie cette décadence. Le document n'est pas clair aussi sur le capitalisme d'Etat : n'existe-t-il que dans les pays staliniens ou représente-t-il une tendance universelle dans la période de décadence du capitalisme ? La "dictature du prolétariat", un acquis fondamental du mouvement ouvrier révolutionnaire, qui remonte à Marx et Engels, est totalement absente de ce document.
Malheureusement, aujourd'hui aux Etats-Unis, nous avons non seulement un affaiblissement de la présence du BIPR, mais avec lui, c'est la présence de toute la Gauche communiste qui est affaiblie.
En outre, nous nous trouvons face à la présence d'un groupe parasitaire, composé d'anciens gauchistes, n'ayant qu'une compréhension parcellaire des positions de la Gauche communiste, lourdement imbibé d'un amalgame de conceptions idéologiques localistes, immédiatistes et activistes, héritées de leur passé staliniste, d'un manque de confiance libertaire envers la centralisation et la Révolution russe, et qui s'affirme comme étant le porte-parole de la Gauche communiste aux Etats-Unis.
Et en même temps, ils dénaturent les positions de cette
tradition politique et calomnient l'une des plus importantes organisations
internationales qui s'en revendique, le BIPR.
Il est à craindre que dans un avenir proche, le CCI aussi sera
sujet aux calomnies et aux diffamations venant de ces éléments
parasites.
Un an après,
quel bilan peut-on tirer de la "guerre contre le terrorisme" déclarée
au monde entier, et en particulier aux nations désignées comme "l'axe du
Mal" par les Etats-Unis au lendemain des attentats du 11 septembre ?
Il est clair que le renversement du régime des
talibans et la guerre contre Al Qaida en Afghanistan n'ont rien réglé : la
large coalition internationale anti-terroriste mise en place sous le contrôle
étroit de la Maison Blanche n'est plus de mise.
Mais surtout on a assisté depuis un an à une montée des tensions guerrières
notamment à travers une forte aggravation de la situation au Moyen-Orient et à
la montée de la pression pour une nouvelle intervention guerrière en Irak afin
de renverser le régime de Saddam Hussein, en dehors même de la réactivation des
risques de conflit nucléaire entre l'Inde et le Pakistan (voir RI n° 325). En
contrepartie, les Etats-Unis se sont installés en maître au coeur de l'Asie
Centrale, en Afghanistan, au Tadjikistan et en Ouzbékistan, ont pris position
en Géorgie (qui, en réaction directe à cette avancée américaine, fait
aujourd'hui l'objet de fortes pressions russes) tout en poursuivant des
objectifs stratégiques beaucoup plus vastes et globaux.
Le but est d'assurer leur contrôle non seulement sur cette région, ancienne possession de la Russie, mais sur le Moyen-Orient et le sous-continent indien. En plaçant la Corée du Nord dans les pays de "l'axe du Mal", il est clair que les Etats-Unis lancent également un défi à la Chine et au Japon. Ce qui leur permet de développer leur stratégie d'encerclement des puissances européennes occidentales et notamment de bloquer l'avancée impérialiste de l'Allemagne, son plus dangereux rival impérialiste, vers les territoires slaves et orientaux.
Cependant, malgré cette offensive, la tendance
irrémédiable au déclin et à l'affaiblissement du leadership américain sur le
monde se fait jour.Dès janvier 1991, la guerre du Golfe montrait que "face à la tendance au chaos généralisé propre à la phase de décomposition du
capitalisme, et à laquelle l'effondrement du bloc de l'Est avait donné un coup
d'accélérateur considérable, il n'y a pas d'autre issue pour le capitalisme,
dans sa tentative de maintenir en place les différentes parties d'un corps qui
tend à se disloquer, que l'imposition d'un corset de fer que constitue la force
des armes. En ce sens, les moyens même qu'il utilise pour tenter de contenir un
chaos de plus en plus sanglant sont un facteur d'aggravation considérable de la
barbarie guerrière dans laquelle est plongé le capitalisme" ("Militarisme et décomposition", Revue Internationale n°64, 1er trimestre
1991).
L'actualité n'a fait que confirmer la croissance de cette barbarie permanente
dans un monde capitaliste dominé par le 'chacun pour soi' dans la concurrence
généralisée que se livrent les puissances impérialistes, grandes ou petites.
C'est le seul moyen décisif pour les Etats-Unis d'imposer leur autorité. S'ils
renoncent à la mise en oeuvre ou à l'étalage de leur supériorité militaire,
cela ne peut qu'encourager les nations qui contestent leur autorité à aller
encore plus loin dans cette contestation. Mais en même temps, lorsqu'ils font
usage de leur force brute, même si ce moyen aboutit momentanément à contraindre
et forcer les autres puissances à ravaler leurs velléités, cela ne peut ensuite
que pousser davantage ces dernières à prendre leur revanche à la première
occasion et à tenter de se dégager de cet étau américain. La première
conséquence de cette situation est que cela conduit la bourgeoisie américaine à
agir de plus en plus seule.
Si la guerre du Golfe a été conduite "
légalement " dans le cadre des résolutions de l'ONU, la guerre du Kosovo a
été faite " illégalement " dans le cadre de l'OTAN et la campagne
militaire en Afghanistan a été menée sous la bannière de "l'action
unilatérale" des Américains. Cette politique ne fait évidemment que
renforcer le sentiment d'hostilité des autres Etats envers l'Oncle Sam. C'est
cette contradiction qui se reflète dans les débats et les "désaccords" qui ont surgi au sein de la bourgeoisie américaine.
Certes, au début de la Seconde Guerre mondiale, étaient déjà apparues des
divergences au sein de la bourgeoisie américaine sur la nécessité ou non de
l'entrée en guerre des Etats-Unis entre "isolationnistes" et "interventionnistes"; le camp républicain était globalement sur des
positions "isolationnistes" tandis que les
"interventionnistes" se recrutaient essentiellement au sein du parti
démocrate. En 1941, le désastre de Pearl Harbor délibérément provoqué par
Roosevelt (voir "Le machiavélisme de la bourgeoisie" dans la Revue
Internationale n° 108, 1er trimestre 2002) avait alors permis aux "
interventionnistes " de l'emporter. Aujourd'hui, cet ancien clivage a
disparu. Mais les contradictions de la politique américaine suscitent un
nouveau différend interne qui ne recoupe plus vraiment celui des partis
traditionnels. Dans la bourgeoisie américaine, il n'existe bien entendu aucun
désaccord sur le fait que les Etats-Unis doivent être capables de préserver
leur suprématie impérialiste mondiale, et d'abord sur le terrain militaire. La
différence d'appréciation porte sur le fait suivant : les Etats-Unis
doivent-ils accepter la dynamique qui les pousse à agir seuls ou doivent-ils
essayer de garder autour d'eux et ménager un certain nombre d'alliés, même si
cette alliance n'a aujourd'hui aucune stabilité ? Ces deux positions
apparaissent clairement au sujet des deux principaux foyers de préoccupation :
le conflit israélo-palestinien et le projet d'intervention militaire en Irak.
Ainsi, les oscillations de la politique américaine au Moyen-Orient concernant
aussi bien le soutien total à Sharon que l'intention parallèle de se
débarrasser d'Arafat ou les discours sur la création inéluctable d'un Etat
palestinien témoignent de ces contradictions. Sur la lancée du 11 septembre,
les Etats-Unis ont poursuivi une politique de soutien quasi-inconditionnel à
Israël mais il est clair que la fuite en avant de Sharon et des fractions
encore plus radicales de la bourgeoisie israélienne dans la politique de la
canonnière, entraînant le conflit dans une absurde spirale sans fin de violence
aveugle, contribue à un isolement suicidaire d'Israël et indirectement des
Etats-Unis. Les difficultés économiques d'Israël conditionnant le
mécontentement croissant face à d'énormes sacrifices de la population dans le
gouffre de l'économie de guerre, poussent à la fissure de la politique d'union
nationale en Israël même comme le montre la démission de son mandat de député
de l'ancien ministre travailliste de Ehoud Barak, Shlomo Ben Ami. De surcroît,
même si beaucoup d'Etats arabes ne sont pas des inconditionnels d'Arafat, la
politique américaine de soutien ouvert à Sharon les irrite. Cela pourrait
rapprocher de larges secteurs de la bourgeoisie arabe (Egypte, Arabie Saoudite,
Syrie, notamment) des puissances de l'Union européenne. Ces dernières en
déclarant ouvertement leur hostilité à l'élimination d'Arafat, bien qu'elles
aient prouvé leur impuissance à jouer un rôle de "faiseur de paix",
viennent jouer les trouble-fête et tentent de retirer les marrons du feu dans
leurs menées diplomatiques.
La pomme de discorde qui donne lieu aux tergiversations américaines encore plus
médiatisées autour de l'opération militaire projetée en Irak pour renverser
Saddam Hussein ne porte que sur l'échéance et la manière d'agir. Le secrétaire
d'Etat à la Défense Donald Rumsfeld, le vice-président Dick Cheney et la
conseillère d'Etat Condoleeza Rice défendent l'idée qu'il faut intervenir seuls
et le plus vite possible, tandis que d'autres éminents membres du "staff" républicain tels que Colin Powell, James Baker et Henry Kissinger
(appuyés par certains milieux d'affaires qui s'inquiètent du coût de l'opération
si les Etats-Unis devaient en porter seuls la charge dans la "conjoncture
de crise économique actuelle") sont beaucoup plus réticents ou nuancés,
préférant poursuivre encore l'usage alternatif de la carotte et du bâton. Le
clivage n'est plus entre démocrates et républicains mais à l'intérieur de
chaque camp. Quel est l'intérêt de cette entreprise guerrière ? Par cette
nouvelle démonstration de force, les Etats-Unis entendent renforcer
efficacement leur crédibilité et leur autorité dans la région comme sur la
planète, à commencer sur le plan idéologique. Alors que pendant la guerre du
Golfe, l'axe essentiel de la propagande avait été de chasser du pouvoir "le boucher de Bagdad", le fait que la Maison Blanche ait dû s'accommoder
de le laisser en place pouvait être considéré comme un échec relatif. Mais
aujourd'hui, contrairement à 1991, les Etats-Unis peuvent assumer le
renversement de Saddam Hussein dont ils n'ont plus besoin en tant que gendarme
local, étant donné la volonté américaine d'imposer leur présence directe sur le
terrain. Et surtout, malgré les difficultés de sa mise en oeuvre, un mérite
essentiel de l'opération contre l'Irak est de dissocier le front européen,
c'est un excellent moyen de diviser les puissances européennes, notamment la Grande-Bretagne
d'un côté, la France et surtout l'Allemagne de l'autre. La Grande-Bretagne
reste le principal soutien d'une guerre contre l'Irak, même si Londres a pris
ses distances avec Washington. Ce n'est pas par solidarité envers les
Etats-Unis que la bourgeoisie britannique réagit ainsi mais la Grande-Bretagne
a toujours misé résolument sur le renversement de Saddam Hussein et sur un
changement d'équipe au pouvoir en Irak pour réaffirmer ses prétentions
vis-à-vis de cette ancienne colonie anglaise en dédommagement de sa
contribution militaire. A l'inverse, la France a toujours affirmé son hostilité
envers une nouvelle intervention militaire sur le sol irakien et a cherché à
maintenir des liens avec Saddam Hussein (comme avec le Liban et la Syrie), même
depuis la guerre du Golfe. Ainsi, elle a toujours réclamé au sein de l'ONU la
fin de l'embargo contre l'Irak. Quant à l'Allemagne, elle a également toujours
cherché à s'affirmer au Moyen-Orient à travers un axe terrestre Berlin-Bagdad
via la Turquie.
Les "faucons" partisans de la manière
forte et d'une intervention rapide des Etats-Unis contre l'Irak semblent
l'avoir emporté, même si Bush déclare que l'action n'est pas imminente[1] [55].
Déjà, d'incessantes frappes aériennes anglo-américaines sont déclenchées
quotidiennement pour servir de répétition générale à l'opération guerrière au
nord comme au sud de l'Irak, sous divers prétextes (par exemple, le 27 août, la
détection de radars dans une zone démilitarisée a servi à prendre pour cible
l'aéroport de Mossoul). Pour cela, la Maison Blanche s'est assurée les bases
stratégiques d'une intervention (près de 50 000 soldats américains sont
stationnés au Koweït). Elle peut désormais compter sur les appuis des uns pour
combler les défections des autres par rapport à la guerre du Golfe de 1991.
Ainsi, la Turquie a d'ores et déjà accepté de servir de base arrière aux
escadres américaines, moyennant des aides financières conséquentes. Les
Emirats, le Koweït, Oman, Bahreïn et surtout le Qatar devraient servir de bases
stratégiques régionales[2] [56]. La
Jordanie prêterait son territoire pour neutraliser la frontière occidentale de
l'Irak, toute proche d'Israël. Néanmoins, l'entreprise s'annonce encore plus
périlleuse que les menées guerrières en Afghanistan, car les Etats-Unis ne
peuvent plus dans le cas présent laisser faire le sale travail sur place par
quelqu'un d'autre (comme avec l'Alliance du Nord afghane) et le syndrome du
Vietnam risque de resurgir alors qu'ils ont pu se retirer de l'opération
militaire en Afghanistan avec "zéro mort". De même, la mise en
place d'une large opposition démocratique sur le terrain pour "
l'après-Saddam Hussein " est loin d'être une évidence. Le fiasco de
l'opération commando à l'ambassade d'Irak à Berlin en témoigne[3] [57]. Une
autre difficulté est la multiplicité bien plus grande qu'en Afghanistan
d'influences contraires, y compris sur le plan régional. Les minorités kurdes
et chiites ne sont pas fiables, du point de vue américain, les unes étant
influençables aux pressions de plusieurs puissances européennes, les autres
étant inféodées à l'Iran et à la solde des intérêts de cet Etat ; s'y ajoutent
les réticences probables a posteriori de la Turquie étant donné d'une part sa
sensibilité sur la question kurde où Saddam Hussein assure encore la police aux
frontières et surtout l'attirance de la Turquie envers l'Union Européenne qui
multiplie les pressions sur elle. L'autre risque est que la bourgeoisie
américaine va ternir définitivement son image de "faiseuse de paix"
au Moyen-Orient vis-à-vis de l'ensemble des Etats arabes et affaiblit par là à
terme ses positions acquises dans la région.
L'évolution de la situation s'inscrit ainsi pleinement dans la poursuite de la
même politique guerrière que lors de la guerre du Golfe, puis dans
l'ex-Yougoslavie, et en Afghanistan, mais à un niveau supérieur d'aléas et de
risque de chaos. La politique du gendarme de l'ordre mondial est un facteur
actif d'un chaos guerrier grandissant, d'un enfoncement dans la barbarie et a
des conséquences de plus en plus incontrôlables. Elle fait courir des risques
de plus en plus déstabilisateurs, en particulier sur tout le continent
asiatique du Proche-Orient à l'Asie Centrale, du sous-continent indien jusqu'au
Sud-Est asiatique, révélateurs du danger mortel que font courir à l'humanité
entière les affrontements guerriers des puissances impérialistes dans la
période de décomposition du capitalisme.
[1] [58] Les problèmes soulevés par cette intervention au sein de la bourgeoisie américaine sont cependant tels qu'aucune certitude n'est possible. Ce qui est certain, c'est que, comme le martèlent plusieurs membres du gouvernement, notamment Dick Cheney : "Plus nous tardons à intervenir, plus ce sera difficile de le faire". Mais, de toutes façons, que l'intervention américaine puisse se réaliser ou pas, la barbarie guerrière et le chaos ne peuvent que se déchaîner de plus en plus.
[2] [59] Les réticences de l'Arabie Saoudite notamment qui ne voit pas d'un bon oeil une participation des chiites à un futur gouvernement "démocratique" irakien ont été prises en compte et la plate-forme d'Al-Kharg qui a été si largement utilisée par les forces américaines pendant la guerre du Golfe et la guerre en Afghanistan notamment, a commencé à être démontée pour être transférée sur une nouvelle base en construction à Al-Udeid, sur la côte orientale qatarie, au sud de Doha, qui est appelée à jouer le même rôle stratégique qu'Al Kharg pour les Etats-Unis.
[3] [60] Par ailleurs, cet épisode en dit long, sur l'opposition de l'Allemagne de Schröder aux visées américaines à travers la rapidité avec laquelle la bourgeoisie allemande a mis fin à la prise d'otages, et sur l'efficacité de sa coopération avec le gouvernement irakien (même s'il existe des désaccords sur ce sujet qui ont été au coeur de la campagne électorale allemande avec les critiques du candidat CDU Stoiber lors du débat télévisé face à Schröder).
Nous avons déjà traité dans notre presse de la soi-disant "Fraction interne du CCI" (FICCI). Il s'agit d'un groupe parasitaire qui s'est constitué au sein de notre organisation avec comme vocation, sous couvert de grandes phrases sur sa volonté de "redresser et de sauver le CCI", de saboter son travail et de tenter de le détruire.
La conférence extraordinaire internationale du CCI qui s'est tenue fin mars 2002 a constaté que les éléments parisiens constituant cette soi-disant "fraction" (qui a également des ramifications au Mexique) s'étaient eux-mêmes et délibérément placés en dehors de notre organisation par :
Dès janvier 2002, alors que ses membres appartenaient formellement à notre organisation, la FICCI a commencé à déverser systématiquement à l'extérieur de celle-ci les calomnies qu'elle avait colportées auparavant en son sein. Aujourd'hui, c'est sur un site Internet (membres.lycos.fr/bulletincommuniste) ainsi que dans des documents qu'elle envoie aux abonnés de notre presse dont les adresses ont été volées par un des membres de la FICCI, que celle-ci poursuit son entreprise de calomnies contre le CCI et de tentative de destruction du milieu politique prolétarien.
Nous n'allons pas revenir dans ce court article sur la totalité des mensonges et des calomnies que la FICCI déverse à l'encontre de notre organisation et de ses militants. Nous nous sommes déjà largement exprimés dessus et nous y reviendrons ultérieurement si nécessaire. Nous voulons simplement prendre rapidement position sur un "communiqué" dont la FICCI demande la publication "dans tous les organes de presse du milieu politique prolétarien, y compris dans les publications et sur le site du CCI comme droit de réponse".
Le "communiqué" affirme : "Suite aux articles parus dans la presse du CCI, nous démentons toutes les accusations portées par le CCI contre notre fraction et ses membres". En fait, ce "démenti" n'est lui-même qu'un tissu de mensonges. Quelques exemples.
Dans notre communiqué publié dans RI n°321(ici [47]), nous écrivions qu'un des comportements motivant l'exclusion de Jonas consistait "à faire circuler, y compris à l'extérieur du CCI, toute une série d'accusations extrêmement graves contre un certain nombre de ses militants, alors qu'en même temps il s'est toujours refusé à rencontrer (et même à reconnaître) la commission (…) chargée d'examiner ce type d'accusations". Et le communiqué précisait : "Un des aspects les plus intolérables et répugnants de son comportement est la véritable campagne qu'il a promue et menée contre un membre de l'organisation (...) l'accusant dans les couloirs et même devant des personnes extérieures au CCI de manipuler son entourage et les organes centraux pour le compte de la police..."
Il faut noter qu'aucun membre de la FICCI n'a jamais démenti les faits qui sont rapportés ici. D'ailleurs, dans les réunions publiques du CCI où nous avions invité les membres de la FICCI à venir présenter leur position (à Paris le 4 mai 2002 et à Mexico le 3 août 2002), ces derniers ont soigneusement refusé de se prononcer sur la véracité de ces faits comme le leur demandaient le présidium et des participants ou bien ils s'en sont sortis par un mensonge. A Paris, ils ont courageusement quitté la salle en bloc (en motivant "des obligations familiales" !) après qu'un sympathisant ait insisté pour qu'ils se prononcent et à Mexico un membre de la FICCI a affirmé que Jonas avait effectivement porté ce type d'accusations mais devant "l'organe approprié".
Mais peut être la FICCI considère-t-elle que le fait pour un militant d'une organisation communiste d'accuser un autre militant d'être un "flic" (suivant l'expression de Jonas), et cela dans les couloirs et non devant les organes responsables de ce type de questions constitue un comportement tout à fait correct ? Il faudrait que la FICCI se prononce là-dessus et notamment qu'elle dise ce qu'elle pense aujourd'hui des affirmations suivant lesquelles : "... depuis le début du mouvement ouvrier, ses organisations politiques ont toujours fait la preuve de la plus grande sévérité (consistant bien souvent dans l'exclusion) contre les auteurs, même de bonne foi, d'accusations calomnieuses contre leurs militants..."
"... tout soupçon, même fondé, sur un membre de l'organisation doit être communiqué exclusivement à une instance formelle chargée de ce genre de problème (organe central ou commission spécialisée) et certainement pas faire l'objet de discussions ou de spéculations dans l'ensemble de l'organisation. Tout comportement visant soit à titre individuel, soit à titre "collectif" mais en dehors des structures formelles de l'organisation à "faire sa propre enquête" sur une question de ce genre constitue une faute organisationnelle de la plus grande gravité et s'apparente à un travail de provocation policière (même s'il est inspiré par des intentions sincères). Elle doit donc être sanctionnée comme telle."
Ces passages sont extraits d'une résolution adoptée en janvier 2002 par une réunion plénière de l'organe central du CCI avec le plein soutien des deux membres de la FICCI qui y participaient. Notons à ce propos que le passage de notre communiqué sur Jonas affirmant qu'il "a adopté des comportements dignes de ceux d'un agent provocateur" s'inspirait directement de cette résolution.
Nous n'avons jamais écrit que les membres de la FICCI avaient "refusé de payer leurs cotisations" mais nous avons signalé ce qu'eux mêmes reconnaissent dans ce communiqué : ils ont refusé de payer l'intégralité de leurs cotisations. C'est une méthode aussi vieille que la malhonnêteté que d'attribuer frauduleusement aux autres des mensonges afin de mieux pouvoir les "dénoncer". Par ailleurs, sous la plume des membres de la FICCI, la "tradition dans le mouvement révolutionnaire" a bon dos pour justifier n'importe quel manquement aux règles de fonctionnement de l'organisation. C'est ainsi que les statuts du CCI précisent que : "Le fait pour des membres de l'organisation de défendre des positions minoritaires ne saurait les dégager d'aucune de leurs responsabilités en tant que militants de celle-ci." Ce qui vaut également pour le paiement de l'intégralité de la cotisation qui constitue une des responsabilités majeures de chaque militant. Il faut noter que les statuts du CCI ont été adoptés par la totalité des membres parisiens de la FICCI et que les membres mexicains de celle-ci ont affirmé vouloir les respecter lorsqu'ils ont rejoint notre organisation, comme le fait d'ailleurs tout militant qui intègre nos rangs.
Concernant l'affirmation que les membres de la FICCI n'ont jamais volé de l'argent du CCI, c'est un mensonge énorme. Oui ou non ont-ils refusé de rembourser le coût des billets d'avion qui ont permis à deux membres mexicains de la FICCI de venir en France, non pas pour participer à la conférence extraordinaire du CCI de mars 2002 comme ils en avaient reçu le mandat de leur section et comme ils s'étaient engagés à le faire, mais pour participer à une réunion de la FICCI ? Comme nous l'avons déjà écrit, il semblerait que la FICCI fasse sienne cette affirmation de Goebbels, responsable de la propagande nazie : "Un mensonge énorme porte avec lui une force qui éloigne le doute".
Avant de conclure, nous voudrions évoquer les soutiens que reçoit aujourd'hui la FICCI.
Le "Communiqué" a été publié avec "son soutien et sa compréhension" par une petite feuille gratuite intitulée Le prolétariat universel (PU). Pierre Hempel, responsable de publication et unique rédacteur de cette feuille ajoute : "... le CCI a fonctionné pendant 20 ans avec une pleine liberté de critique interne... c'était à une époque il est vrai où était encore vivant un représentant de la vieille tradition révolutionnaire ni sectaire ni intolérante (Marc Chiric). Cet esprit... s'est enfui du CCI. C'est pourquoi je me suis moi-même enfui de cette secte en 1996." En juillet 1984, notre camarade MC avait rédigé un article (RI n°123) à propos de la publication par un ancien membre du CCI, RC, d'une petite revue intitulée Jalons comparable au PU à la différence qu'elle n'était pas gratuite et ne remplissait pas ses colonnes d'attaques contre le CCI ni de commérages dignes d'un concierge. A son propos, MC écrivait : "Cette histoire présente un intérêt qui dépasse largement la personne de ce camarade. Elle touche le fond de ce qui sépare le marxisme de l'anarchisme. Le marxisme est la théorie d'une classe au travail associé, la classe ouvrière, qui tend vers l'unité, vers une activité collective, vers le rétablissement de la communauté humaine. L'anarchisme, sous toutes ses formes, est l'idéologie de la petite bourgeoisie, de l'artisanat, du travail individuel, et qui aspire à l'individualisme débridé, à l'Unique de Stirner...
Le camarade RC se voudrait être en théorie marxiste, mais n'arrive pas à se décrotter de l'anarchisme individualiste dans la pratique qui lui colle à la peau, et qui, comme un autre anarchiste, prétendait faire la grève générale à lui tout seul." Cette appréciation correspond assez bien également à Hempel. D'ailleurs, MC avait critiqué sévèrement dans des contributions de nos bulletins internes l'individualisme tant de RC que de Hempel. Ce n'est pas non plus un hasard si RC et Hempel ont fait un bout de chemin ensemble après la "fuite" de ce dernier du CCI, avant, très logiquement comme il sied à des individualistes indécrottables, que de se séparer. Incapable de supporter la discipline d'une organisation prolétarienne, frustré qu'on ne reconnaisse pas ses talents littéraires à la hauteur de l'idée qu'il s'en faisait, mécontent qu'on critique ses comportements (les critiques que MC avait portées ou qu'il avait soutenues, il ne les a plus supportées après la disparition de celui-ci), Hempel n'a rien trouvé de mieux que d'aller planter ses choux tout seul, reprenant contre le CCI, pour justifier sa "fuite", une vieille accusation du milieu parasitaire que la FICCI fait sienne aujourd'hui : notre organisation serait une "secte". C'est-à-dire l'accusation classique de la propagande bourgeoise contre les organisations qui luttent pour la révolution communiste, une propagande à laquelle le parasitisme apporte sa contribution.
Contrairement à ce que dit Hempel, et que reprend aujourd'hui la FICCI, il n'y a pas eu de changement dans le CCI quant à la "liberté de critique interne"[1] [61]. Hempel pouvait tout à fait exprimer son point de vue et ses désaccords, ce dont les membres qui ont constitué la FICCI étaient d'ailleurs convaincus. En revanche Hempel comme la FICCI étaient tenus, quels que soient leurs désaccords, de respecter les statuts du CCI[2] [62].
En soi, le type de soutiens que rencontre la FICCI dans ses campagnes en dit long sur le rôle qu'elle joue maintenant, non pas au service du prolétariat, mais en faisant le jeu de la classe dominante.
CCI
[1] [63] Nous tenons à affirmer que nous ne nous estimons nullement dans l'obligation de publier un document de la FICCI "comme droit de réponse". Notre presse, si elle est ouverte à l'expression des désaccords ou critiques formulées par des lecteurs ou d'autres groupes du milieu politique prolétarien n'a pas vocation à véhiculer les calomnies d'un groupe parasitaire visant, non le "redressement" comme il l'affirme, mais la destruction de notre organisation. Il ne s'agit donc aucunement là de "censure" de notre part contre les positions d'un groupe de la Gauche communiste comme se plaît à nous en accuser la FICCI. Et cela d'autant moins que, grâce en bonne partie au matériel que ses membres ont dérobé au CCI, celle-ci dispose des moyens de faire connaître largement ses affirmations.
[2] [64] Voir à ce sujet notre article "Les fractions face à la question de la discipline organisationnelle" dans la Revue Internationale n°110.
Il y a cent trente ans, en septembre 1872, se tenait à La Hayes le cinquième Congrès de l'AIT, l'Association Internationale des Travailleurs (Première Internationale). Il s'agit certainement de l'un des épisodes de l'histoire de la classe ouvrière parmi les plus calomniés. Connu pour la décision qu'il prit d'exclure de l'AIT Bakounine, James Guillaume et la Fédération Jurassienne, ce Congrès est pour les uns, sans intérêt, s'étant occupé exclusivement de "dissensions internes". Pour d'autres (tels les anarchistes, mais aussi les historiens bourgeois), il s'agissait d'une "guerre des chefs" où Marx aurait utilisé des mesures administratives pour régler des désaccords sur des questions théoriques (comme celle de l'Etat). Rien n'est plus faux.
Ce Congrès au contraire est l'un des plus
importants de l'histoire du mouvement ouvrier. Il constitue le point culminant
d'une longue bataille au sein de l'AIT pour la construction d'une organisation
conforme à la nature de classe et aux besoins historiques du prolétariat. Il
lègue aux générations suivantes de révolutionnaires des leçons qui restent
fondamentales aujourd'hui :
La fondation de l'AIT en 1864 à Londres marque une nouvelle étape dans l'affirmation du mouvement ouvrier. Tirant les leçons de la période précédente, les nouveaux éléments prolétariens se séparent de la bourgeoisie en affirmant la nécessité de l'autonomie de la classe ouvrière par rapport aux autres classes de la société non seulement politiquement en adoptant un programme propre mais aussi organisationnellement en reprenant et en développant les principes prolétariens déjà présents dans certaines organisations précédentes. Ils définissent l'organisation comme un organisme conscient, collectif, uni et centralisé ; la phase antérieure des sectes politiques concevant leur activité sur la séparation entre la base inconsciente de la vie politique réelle de l'organisation et la direction des conspirateurs professionnels était désormais dépassée. D'emblée, la nouvelle organisation se dota d'une structure de centralisation qui prendra en 1866 le nom de Conseil Général.
Jusqu'à la Commune de Paris de 1871, l'AIT a
regroupé un nombre croissant d'ouvriers et a constitué un facteur de premier
plan de développement des deux armes essentielles du prolétariat, son
organisation et sa conscience. C'est à ce titre qu'elle fera l'objet d'attaques
de plus en plus acharnées de la part de la bourgeoisie : calomnies dans la
presse, infiltration de mouchards, persécution contre ses membres, etc. Mais ce
qui a fait courir le plus grand danger à l'AIT, ce sont des attaques qui sont
venues de ses propres membres et qui ont porté contre le mode d'organisation de
l'Internationale elle-même.
Déjà au moment de la fondation de l'AIT, les statuts provisoires qu'elle s'est
donnée sont traduits par les sections parisiennes, fortement influencées par
les conceptions fédéralistes de Proudhon, dans un sens qui atténue
considérablement le caractère centralisé de l'Internationale. Mais les attaques
les plus dangereuses viendront plus tard avec l'entrée dans les rangs de l'AIT
de "l'Alliance de la démocratie socialiste ", fondée par Bakounine,
et qui allait trouver un terrain fertile dans les secteurs importants de
l'Internationale du fait des faiblesses qui pesaient encore sur elle et qui
résultaient de l'immaturité politique du prolétariat à cette époque, un
prolétariat qui ne s'était pas encore totalement dégagé des vestiges de l'étape
précédente de son développement, et notamment des mouvements sectaires.
Cette faiblesse était particulièrement accentuée dans les secteurs les plus
arriérés du prolétariat européen, là où il venait à peine de sortir de
l'artisanat et de la paysannerie, notamment dans les pays latins. Ce sont ces
faiblesses que Bakounine, qui n'est entré dans l'Internationale qu'en 1868, a
mises à profit pour essayer de la soumettre à ses conceptions "anarchistes"
et pour en prendre le contrôle. L'instrument de cette opération était
"l'Alliance de la démocratie socialiste", qu'il avait fondée comme
minorité de la "Ligue de la Paix et de la Liberté". Cette dernière
était une organisation de républicains bourgeois, fondée à l'initiative
notamment de Garibaldi et de Victor Hugo, et dont un des principaux objectifs
était de faire concurrence à l'AIT auprès des ouvriers. Bakounine faisait
partie de la direction de la "Ligue" à laquelle il prétendait donner
une "impulsion révolutionnaire" et qu'il a incitée à proposer une
fusion avec l'AIT, laquelle l'a refusée à son congrès de Bruxelles en 1868.
C'est après l'échec de la "Ligue de la Paix et de la Liberté" que
Bakounine s'est décidé à entrer dans l'AIT, non pas comme simple militant, mais
pour en prendre la direction.
L'Alliance était donc une société à la fois publique et secrète et qui se proposait en réalité de former une Internationale dans l'Internationale. Sa structure secrète et la concertation qu'elle permettait entre ses membres devait lui assurer le "noyautage" d'un maximum de sections de l'AIT, celles où les conceptions anarchistes avaient le plus d'écho. En soi l'existence de plusieurs courants de pensée n'était pas un problème. En revanche les agissements de l'Alliance, qui visait à se substituer à la structure officielle de l'Internationale, ont constitué un grave facteur de désorganisation de celle-ci et lui ont fait courir un danger de mort. L'Alliance avait tenté de prendre le contrôle de l'Internationale lors du Congrès de Bâle, en septembre 1869 en essayant de faire adopter, contre la motion proposée par le Conseil Général, une motion en faveur de la suppression du droit d'héritage. C'est en vue de cet objectif que ses membres notamment Bakounine et James Guillaume, avaient appuyé chaleureusement une résolution administrative renforçant les pouvoirs du Conseil Général. Mais ayant échoué, l'Alliance, qui pour sa part s'était donnée des statuts secrets basés sur une centralisation extrême, a commencé à faire campagne contre la "dictature" du Conseil Général qu'elle voulait réduire au rôle "d'un bureau de correspondance et de statistiques" (suivant les termes des alliancistes), d'une "boîte aux lettres" (comme leur répondra Marx). Contre le principe de centralisation exprimant l'unité internationale du prolétariat, l'Alliance préconisait le "fédéralisme", la complète "autonomie des sections" et le caractère non obligatoire des décisions des congrès. En fait elle voulait pouvoir faire ce qu'elle voulait dans les sections dont elle avait pris le contrôle. C'était la porte ouverte à la désorganisation complète de l'AIT. C'est à ce danger que devait parer le Congrès de La Haye de 1872."[2] [66]
Si ce combat de l'AIT est souvent évoqué comme
celui de Marx et d'Engels, c'est avant tout parce que l'intransigeance de ces
deux militants au sein du Conseil Général est exemplaire du combat mené par
toute l'organisation collectivement. La détermination du seul Conseil Général
dans la lutte contre Bakounine n'aurait pu aboutir si elle n'avait pas exprimé
-tout en la stimulant- celle de l'organisation dans son ensemble. D'ailleurs,
le caractère secret de l'Alliance s'explique en partie par le fait que ses
fondateurs "savaient parfaitement
que la grande masse des internationaux ne se soumettrait jamais sciemment à une
organisation comme la leur, dés qu'ils en auraient connu l'existence."[3] [67].
Ainsi, lorsque face au Congrès de La Haye, l'Alliance tenta un ultime coup de
force, à la Conférence de Rimini en août 1872, proposant un congrès opposé à
celui de l'AIT, ce projet dut bientôt être retiré faute de réussir à entraîner
des forces nombreuses dans cette aventure.
La Suisse, là où Bakounine avait ses bases les plus solides, est l'un des
exemples qui montrent le combat actif de tous les militants. Lorsque Bakounine
lança ses manœuvres pour la prise de contrôle de la section suisse en avril
1870, il se heurta à la résistance des sections ouvrières de Genève.
L'usurpation par Bakounine du nom de l'organe central pour son groupe
d'intrigants conduisit les militants suisses à l'exclure (déjà !), lui et ses
acolytes les plus actifs, de la fédération romande.
D'autre part, après que le Conseil Général eut rendu publics dans
l'organisation les agissements des membres de l'Alliance pour les dénoncer et
les réduire à l'impuissance, le combat des ex-alliancistes, réaffirmant leur
loyauté à l'AIT, a été décisif pour détacher un maximum de militants dupés par
l'influence parasitaire de Bakounine et pour reconstruire, en Espagne, une
fédération loyale à l'AIT.
Et pour sa part la section Ferré de Paris non représentée au Congrès de La Hayes
adressa à ce dernier ce message de fermeté : "Citoyens, jamais congrès ne fut plus solennel et plus important que
celui dont les séances vous réunissent à La Haye. Ce qui va en effet s'agiter,
ce n'est pas telle ou telle insignifiante question de forme, tel ou tel banal
article de règlement, c'est la vie même de l'Association. (…) des intrigants
honteusement expulsés de notre sein, des Bakounine, des Malon, des Gaspard
Blanc et des Richard essayent de fonder nous ne savons quelle ridicule
fédération, qui, dans leurs projets ambitieux doit écraser l'Association. Eh
bien citoyens, c'est ce germe de discorde grotesque par ses visées
orgueilleuses mais dangereux par ses manœuvres audacieuses, c'est ce germe
qu'il faut anéantir à tout prix. Sa vie est incompatible avec la nôtre et nous
comptons sur votre impitoyable énergie pour remporter un décisif et éclatant
succès."
Les manœuvres répétées des alliancistes
expliquent que le Congrès ait dû prendre trois jours de ses travaux pour la
vérification des mandats des délégués, c'est-à-dire vérifier que chaque section
se trouve en conformité avec les obligations statutaires de l'AIT
(particulièrement la première d'entre elles : le versement des cotisations à
l'organisation) pour exercer ses droits de membre. Le Congrès dut menacer les
délégués de plusieurs sections contrôlées par l'Alliance qui refusaient de
payer leurs cotisations au Conseil Général d'invalider leur mandat afin qu'ils
s'acquittent de la dette de leur section.
Ensuite, après avoir entériné les propositions de la Conférence de Londres
tenue un an auparavant sur la nécessité pour la classe ouvrière de se doter
d'un parti politique (ce qui exigeait une centralisation accrue et plus de
pouvoirs pour le Conseil Général), le Congrès a débattu de la question de
l'Alliance sur la base du rapport d'une Commission d'enquête qu'il avait
nommée.
Certains membres de l'Alliance refusèrent de coopérer avec la Commission élue
voire même de la reconnaître, en la traitant notamment de "Sainte Inquisition".
Ce que reprochait le Congrès à l'Alliance c'était, non pas la propagande en faveur de ses positions, mais le viol flagrant des statuts et des conditions de son admission dans l'AIT, tout comme l'hostilité affichée et la volonté manifeste de nuire à l'organisation. Dans l'attitude de l'Alliance, l'AIT identifia pour la première fois dans le mouvement ouvrier la menace du parasitisme politique. "Pour la première fois dans l'histoire des luttes de la classe ouvrière, nous rencontrons une conspiration secrète ourdie au sein même de cette classe et destinée à miner non le régime exploiteur existant mais l'Association même qui le combat le plus énergiquement." [4] [68]. La classe ouvrière se confrontait à des parasites qui prétendaient appartenir au camp du communisme et adhérer à son programme mais qui concentraient tous leurs efforts pour dénigrer l'organisation communiste et œuvrer à sa destruction en ne s'embarrassant d'aucun principe ni d'aucun scrupule. L'enjeu du Congrès était donc "de mettre fin une fois pour toutes aux luttes intestines provoquées toujours de nouveau au sein de notre Association par la présence de ce corps parasite. Ces luttes ne font que gaspiller des forces destinées à combattre le régime bourgeois actuel. L'Alliance en tant qu'elle paralyse l'action de l'Internationale contre les ennemis de la classe ouvrière, sert admirablement la bourgeoisie et les gouvernements." [5] [69]
Le Congrès condamna l'organisation secrète de
l'Alliance conçue pour prendre la direction de l'organisation en séparant les
militants en deux catégories dont l'une doit diriger l'autre à son insu ainsi
que l'attitude de ses adeptes d'avoir systématiquement utilisé le mensonge et
la dissimulation pour tromper l'AIT sur l'existence de l'organisation
clandestine et sur le but même de leurs paroles et de leurs actions.
Aucune sanction ne fut retenue contre les délégués qui déclarèrent rompre avec
l'Alliance.
La véritable bataille dans l'AIT a donc eu lieu entre :
L'action des marxistes a également consisté à
dénoncer les mœurs politiques de l'Alliance qui "Pour arriver à ses fins […] ne recule devant aucun moyen, aucune
déloyauté ; le mensonge, la calomnie, l'intimidation, le guet-apens lui siéent
également. Enfin en Russie, [l'Alliance] se substitue entièrement à l'Internationale et commet, sous son nom,
des crimes de droit commun, des escroqueries, un assassinat, dont la presse
gouvernementale a rendu notre Association responsable."[7] [71] ;
cette action a aussi consisté à en exposer le contenu de classe ("des déclassés sortis des couches supérieures
de la société") et à rejeter la morale politique qui se trouve à leur
base : la morale jésuitique selon laquelle "la fin sanctifie tous les
moyens" inscrite dans les statuts secrets de l'Alliance qui, fascinée par
la pègre, considère "le monde
aventurier des brigands" comme "les véritables et uniques révolutionnaires" pour lui emprunter
ses méthodes d'action.
Au contraire, non seulement le prolétariat doit développer ses propres armes,
mais pour lui, il y a une interdépendance entre le but inhérent à sa nature, le
communisme, et les moyens qu'il doit mettre en œuvre pour l'atteindre. A la
suite de Marx, nous affirmons avec Trotsky que "ne sont admissibles et obligatoires que les moyens qui accroissent la
cohésion du prolétariat (…), le pénètrent de la conscience de sa propre mission
historique (…). Il découle de là précisément que tous les moyens ne sont point
permis. (…) il en résulte pour nous que la grande fin révolutionnaire repousse,
d'entre ses moyens, les procédés et les méthodes indignes qui dressent une partie
de la classe ouvrière contre les autres ; (…) ou qui diminuent la confiance des
masses en elles-mêmes et leur organisation en y substituant l'adoration des
'chefs'." [8] [72].
Ce Congrès, le plus important de l'AIT, fut en
même temps "son chant du cygne du
fait de l'écrasement de la Commune de Paris et la démoralisation que cette
défaite avait provoquée dans le prolétariat. De cette réalité Marx et Engels
étaient conscients. C'est pour cela qu'en plus des mesures visant à soustraire
l'AIT de la mainmise de l'Alliance, ils ont proposé que le Conseil Général soit
installé à New York, loin des conflits qui divisaient de plus en plus
l'Internationale. C'était aussi un moyen de permettre à l'AIT de mourir de sa
belle mort (entérinée par la Conférence de Philadelphie de juillet 1876) sans
que son prestige ne soit récupéré par les intrigants bakouninistes." [9] [73]
Il nous enseigne que la construction de l'organisation prolétarienne est un
combat permanent et n'est pas un processus paisible qui se mène à l'abri de l'influence
destructrice des ennemis de la classe ouvrière, comme s'il se situait en dehors
des rapports sociaux capitalistes que le prolétariat doit abolir. Une fois la
défaite de la Commune surmontée par le prolétariat, les apports de l'AIT, son
intransigeance dans la défense des principes prolétariens en matière
d'organisation allaient former la base pour la fondation des partis
révolutionnaires de la Seconde Internationale. Les leçons politiques que l'AIT
a forgées doivent continuer à inspirer le combat des révolutionnaires
d'aujourd'hui et seront fondamentales pour la construction du Parti de demain.
[1] [74] "L'Alliance de la démocratie socialiste et l'Association Internationale des Travailleurs", rapport rédigé par Marx, Engels, Lafargue et autres militants sur mandat du Congrès de La Haye.
[2] [75] Revue Internationale n°110
[3] [76] Rapport présenté au Congrès de La Haye par Engels
[4] [77] Rapport présenté au Congrès de La Haye par Engels
[5] [78] "Le Conseil Général à tous les membres de l'AIT" , 4-6 août 1872
[6] [79] Revue Internationale n°110
[7] [80] "L'Alliance de la démocratie socialiste et l'Association Internationale des Travailleurs", rapport rédigé par Marx, Engels, Lafargue et autres militants sur mandat du Congrès de La Haye.
[8] [81] "Leur Morale et la nôtre"
[9] [82] Revue Internationale n°110
Les bruits de bottes guerrières de la bourgeoisie des pays développés résonnent de plus en plus brutalement sur la planète. La fameuse promesse de 1990 faite par Bush père, et relayée par les médias bourgeois, d'un "nouvel ordre mondial" s'est révélée n'être qu'un cynique mensonge masquant l'ouverture d'une période où c'est la guerre qui est plus que jamais devenue permanente et menaçante pour toute l'humanité. Ce sont ceux qui n'ont dans la bouche que les mots de "paix", "d'humanitaire", de "lutte contre le terrorisme international" et autres vocables lénifiants pour justifier leurs exactions guerrières qui sont en réalité les dignes défenseurs d'un système résolument dirigé vers la destruction de masse d'êtres humains, un système pris dans une fuite en avant inexorable vers la barbarie sans fin. Chaque "règlement" d'un conflit en amène un autre, à une vitesse sans cesse accélérée. Ainsi, la terrible démonstration de force américaine en Afghanistan a eu pour résultat immédiat la déstabilisation aggravée des pays alentour, avec la menace permanente d'un conflit entre deux puissances nucléaires, l'Inde et le Pakistan. A peine cette intervention meurtrière, à laquelle se seraient jointes volontiers les autres puissances occidentales si les Etats-Unis leur en avaient laissées le loisir, est-elle terminée que c'est l'Irak qui est visé, ouvrant la voie à de nouveaux massacres. Car si les grandes puissances sont pour l'instant divisées sur la nécessité de cette intervention, ce n'est nullement de leur part par souci de préserver des vies humaines, mais parce que les intérêts de ces vautours sont de plus en plus aiguisés, irréconciliables et porteurs de nouveaux champs de bataille, même si c'est par puissances secondaires interposées.
Barbares sont les Bush et Blair qui appellent une nouvelle fois à la croisade anti-Saddam Hussein, onze ans après les massacres en Irak qui ont vraisemblablement fait un demi-million de morts (plus de 200 000 sont officiellement reconnus) dans la population irakienne. Mais tout aussi barbares sont les Etats qui, au sein de l'ONU, n'ont à la bouche, comme la France, que le prétendu respect de la "légalité internationale" pour s'opposer à l'intervention militaire américaine en Irak. Il n'y a dans cette opposition aucune volonté d'éviter à la population irakienne une nouvelle plongée dans l'horreur, mais l'expression des luttes intestines auxquelles se livrent tous ces rapaces. Rappelons-nous qu'à l'époque, avant de participer pleinement et sans réserve à la boucherie, la France, par la voix de Mitterrand, avait été récalcitrante à se plier aux plans américains. De même que, afin de mieux légitimer a posteriori la guerre contre le "sanguinaire tyran" de Bagdad, tous les alliés de la coalition se sont retrouvés d'accord et sans état d'âme pour précipiter les minorités chiite et kurde dans une rébellion qui sera écrasée dans le sang par les troupes d'élite de Saddam Hussein, soigneusement épargnées par les "alliés". Ce dernier n'a en effet rien à leur envier comme massacreur mais son régime de terreur et d'exactions de tous ordres sur la population sert d'autant mieux de justification à l'offensive et aux pressions de l'Amérique en vue d'une intervention "préventive".
Moins de six mois après la fin des bombardements sur l'Irak en mars 1991, ce sont les mêmes requins que l'on a retrouvé aux prises dans le conflit instigué en ex-Yougoslavie par les appétits impérialistes grandissants de l'Allemagne réunifiée qui appelait la Croatie (après la Slovénie) à proclamer son indépendance vis-à-vis du pouvoir de Belgrade. C'est au nom du "droit d'ingérence" et de "l'humanitaire" qu'on pouvait voir France, Grande-Bretagne, Etats-Unis, et Allemagne en catimini, armer et avancer leurs pions locaux respectifs, pendant que se déroulait un génocide dont ces infâmes hypocrites se moquaient éperdument mais sur lequel tous s'appuyaient pour "justifier" leur présence militaire. Pendant huit ans, ils n'ont fait que semer la désolation, la misère et provoquer la mort de centaines de milliers de personnes pour achever leur "œuvre" dans la guerre au Kosovo et en Serbie en 1999, destinée à "sauver" les populations albanaises d'un autre "tyran" tout trouvé, Milosevic, que les Etats-Unis eux-mêmes et surtout la France avaient activement soutenu pendant la "purification ethnique" contre la population bosniaque.
Le Proche-Orient est une autre région mise à feu et à sang. On nous parle du conflit irréductible entre Juifs et Arabes, de la folie aventurière de Sharon et de celle des fractions islamistes radicales comme les "martyrs" d'Al Aqsa, le Hamas ou le Djihad. Bien sûr, autant les uns que les autres sont des crapules cyniques qui embrigadent et fanatisent des prolétaires pour les envoyer au massacre : soldats de Tsahal terrorisés, abreuvés de discours nationalistes, qui tirent même sur des enfants ; kamikazes palestiniens qui se font exploser au milieu de la foule. Mais une fois encore, les premiers responsables du déchaînement de cette horreur quotidienne qui a fait 2500 morts depuis le déclenchement de la deuxième Intifada en septembre 2000, ne sont autres que ceux qui composent le "quartet" (Etats-Unis, France, Grande-Bretagne, ONU) censé servir d'interlocuteur diplomatique entre les différentes fractions en présence pour "trouver une issue" au conflit.
En Afrique, les monstrueux massacres de 1994 au Rwanda, perpétrés sous la houlette de l'Etat français aux prises avec l'avancée des Etats-Unis via le Burundi dans la région des Grands Lacs, ont été le signe indubitable de la plongée définitive de ce continent dans une décomposition irrémédiable. La barbarie sous toutes ses formes constitue le lot commun de tous les pays, comme viennent encore l'illustrer les récents affrontements en Côte d'Ivoire. L'avenir de ce pays c'est la RDC (ex-Zaïre) qui l'indique, la désagrégation totale de toute la société.
Sur toute la planète s'étend le "war game" capitaliste, décadent, décomposé. Massacres innombrables d'êtres humains, déchaînement de la fureur guerrière, montée des pires fanatismes religieux et des haines raciales, misère galopante sur tous les continents, voilà la seule perspective que le capitalisme et sa bourgeoisie qui le défend bec et ongles peuvent offrir aux six milliards d'êtres humains qui peuplent le monde.
Et seul le prolétariat international peut y mettre fin. C'est lui qui a pu mettre fin à la Première Guerre mondiale par le développement de luttes révolutionnaires de même que c'est l'ouverture de ses combats de classe qui, depuis 1968, a empêché le déclenchement d'une troisième guerre mondiale entre les blocs de l'Est et de l'Ouest. C'est la classe ouvrière qui, plus que toute autre partie de la population, paie dans sa chair le prix de la guerre. Des prolétaires sont embrigadés de gré ou de force dans les boucheries auxquelles se livrent les nations capitalistes. Tous subissent l'aggravation de l'austérité et la dégradation des conditions de travail qui sont le prix à payer pour le renforcement des budgets militaires.
C'est en luttant pied à pied contre les attaques de la bourgeoisie, pour la défense de ses conditions de vie et de travail, sur son terrain de classe, celui de la défense de ses revendications en tant que classe exploitée, que le prolétariat prendra conscience de sa force. Et ce n'est qu'en développant son unité internationale et la conscience de sa responsabilité historique face à la guerre et à la barbarie capitaliste qu'il pourra préparer la seule réelle solution aux maux actuels de l'humanité : la destruction du capitalisme par la révolution communiste mondiale.
Mulan (28 septembre)
"Le gouvernement ouvre la voie à un retour aux 39 heures"
titre la presse bourgeoise après l'annonce, le 6 septembre, d'un
projet de loi du ministre Fillon qui "assouplirait les 35 heures"
en augmentant le contingent annuel d'heures supplémentaires.
En écho, la CGT, par la voix de son secrétaire général,
Bernard Thibault, dénonce "la mise à mort des 35
heures" alors que Seillère, le patron aristocrate, critique
la timidité d'un tel projet. Depuis sa mise en place, en 1997,
on nous a présenté cette loi Aubry comme un enjeu entre
droite et gauche, entre syndicats et patronat. Maintenant que la droite
est revenue au pouvoir, contrairement à ce qu'on aurait pu croire,
il n'y a aucune intention de la part du gouvernement de remettre en
cause la loi Aubry car : "Contrairement aux discours fréquemment
repris par les patrons disant que passer aux 35 heures n'est pas possible,
ils y arrivent très bien" observe une étude récente
de la BNP-Paribas. Alors finalement, cette loi de "réduction
de temps de travail", que l'on dit favorable aux travailleurs... arrange
bien les patrons, et le patron des patrons, l'Etat. Dans un article
de notre précédent numéro de RI, nous avions dénoncé
le bilan des mesures sociales de la gauche au gouvernement comme "un
bilan globalement positif... pour le capitalisme".
Et, s'il y a une loi dont le gouvernement de gauche peut se féliciter, c'est bien celle de la mise en place des 35 heures censées réduire le temps de travail, avec à la clé des promesses du style lutte contre le chômage, création d'emplois et enfin plus de temps libre pour les travailleurs pour se reposer, se détendre et se cultiver. Paroles trompeuses de ces hypocrites, car ce qui les motive ce n'est pas l'intérêt des travailleurs, mais bien l'intérêt du système capitaliste. Dans RI n° 275, nous avions publié la déclaration de l'instigatrice de cette loi, la ministre Aubry, devant un parterre de chefs d'entreprises lors d'un déplacement en Alsace : "Nous n'avons jamais dit 35 heures payées 39. C'est justement ça qu'il ne faut pas faire. Il faut plus de souplesse. Cette réduction du temps de travail doit être l'occasion, comme pour la loi Robien, de réorganiser le travail, de retrouver de la souplesse, d'être plus réactif". Et elle rajoute en parlant des 35 heures : "durée légale ne veut pas dire durée réelle". A l'attention de la classe ouvrière, il s'agit de tenir un autre discours, celui du mensonge, relayé par toutes les forces de gauche et d'extrême gauche du capital. Et pour donner plus de poids à ce mensonge, à cette vaste entreprise de mystification anti ouvrière, les patrons, de leur côté, crient au scandale, décidés à se battre. Au-delà de toute cette mise en scène orchestrée par toutes les forces de la bourgeoisie, cette loi vise à donner un cadre pour appliquer la flexibilité et l'annualisation du temps de travail, déjà mises en place dans de nombreux pays. D'ailleurs certains patrons en France n'avaient pas attendu la loi , comme le témoigne la déclaration du PDG de l'entreprise Colas, leader mondial de la construction de route : "Nous n'avons pas attendu la loi Aubry pour réduire le temps de travail. Bien avant 1998, l'adoption progressive d'une organisation du travail basée sur l'annualisation nous a permis de baisser, dans bon nombre de nos entreprises, après négociations, les volumes des heures de travail. La mise en place de cette organisation annuelle du temps de travail est particulièrement adaptée aux spécificités de nos métiers de travaux publics (saisonalité de l'activité liée aux conditions climatiques et aux carnets de commandes)". Cela montre à quel point il est nécessaire d'adapter la main d'oeuvre aux nécessités économiques du capitalisme, dont la crise exacerbe la concurrence. C'est un ministre de droite, de Robien, en 1996, qui va jeter les bases d'une telle loi, et c'est un gouvernement de gauche qui va l'appliquer en utilisant des armes idéologiques puantes sous le vocable "réduction du temps de travail" ; pourquoi alors la droite irait-elle remettre en cause une telle loi ? Le discours idéologique s'accompagne d'une stratégie sur le terrain pour faire passer une des mesures les plus féroces contre la classe ouvrière. Quelle méthode la bourgeoisie va-t-elle employer ? Car il ne s'agit pas d'attaquer de front l'ensemble de la classe ouvrière, ceci risquerait d'unir les revendications derrière des intérêts généraux partagés par tous les secteurs. Tout d'abord il y a distribution des rôles pour obtenir un dispositif bien huilé afin de tromper les ouvriers : le gouvernement, auteur de la loi et arbitre dans les négociations, leurs complices syndicaux "défenseurs des ouvriers et des 35 heures", le méchant patronat qui ne veut pas entendre parler de réduction de temps de travail. Tout doit se jouer alors dans les négociations, le résultat va dépendre du rapport de force local, à savoir au niveau de la branche, du secteur, de l'entreprise. Car il s'agit d'enfermer l'attaque dans le cadre le plus restreint possible. Les ouvriers ne sont plus confrontés à la même offensive de toute la bourgeoisie, mais uniquement à la mauvaise volonté de leur patron. Les intérêts de l'entreprise A ne sont plus forcément les mêmes que ceux de l'entreprise B. La classe ouvrière est divisée et enfermée dans le corporatisme. Tous les ouvriers touchés subissent la même attaque contre leurs conditions de travail et sur les salaires, mais alors que tout vient d'une seule et même loi, la bourgeoisie maquille son offensive en la saucissonnant avec des milliers de négociations, donnant l'impression que chaque entreprise met en place un dispositif différent. C'est le même scénario lorsqu'il s'agit de passer aux 35 heures dans la Fonction Publique dont l'Etat est le patron. Ce sont les ministres qui jouent le rôle du méchant patron, et Allègre, ministre de l'Education Nationale il y a deux ans, s'est particulièrement bien illustré. C'est après une campagne médiatique particulièrement répugnante, où les 5 millions de fonctionnaires étaient accusés de ne pas travailler plus de 30 heures, ce qui est une façon de dresser les ouvriers les uns contre les autres, que l'Etat patron de gauche a pu ouvrir les négociations sur les 35 heures. Et le gouvernement de gauche, comme n'importe quel patron, va utiliser les critères de rentabilité, d'efficacité, de qualité des services, ce qui est loin du langage démagogique et mensonger qu'il avait utilisé lorsque, avec son relais syndical, il déclarait que la loi est bonne, mais ce sont les patrons qui l'utilisent pour leur intérêt. Et là aussi, les négociations se feront atelier par atelier, établissement par établissement, bureau par bureau. Et là aussi les ouvriers seront confrontés au blocage des salaires, aux suppressions de postes, à des horaires de plus en plus contraignants, à une augmentation de la productivité. Et lorsque des ouvriers tenteront de riposter comme à la Poste ou à la SNCF, ils seront incapables de briser le cordon sanitaire établi par les syndicats afin d'éviter toute extension. La bourgeoisie a bien manoeuvré ! Les ouvriers dans leur ensemble n'ont pas perçu une telle attaque comme une attaque frontale, les empêchant donc d'agir de manière massive.
Alors qu'en est-il de cette fameuse "réduction du temps
de travail" ? Ce terme est une vaste supercherie, le contingent
d'heures supplémentaires mis en place par la gauche et repris
par la droite, fait monter les heures de travail bien au-delà
des 35 heures : dans la métallurgie et dans d'autres branches,
les semaines s'étalent jusqu'à 39 heures, voire plus comme
dans l'hôtellerie où cela peut atteindre 41 heures, et
le pire c'est dans l'agro-alimentaire. Qu'on en juge : un contingent
de 220 heures supplémentaires par an dans la charcuterie, 318
dans la boucherie ou 320 dans la pâtisserie ! Mais de plus, flexibilité
oblige, certains salariés sont contraints de venir travailler
le samedi. Et la bourgeoisie peut remercier ses syndicats qui ont signé
tous ces accords de branche. Il y a bien sûr certains ouvriers
qui bénéficient de jours de repos supplémentaires,
mais il ne leur est possible de les prendre qu'en fonction des besoins
de l'entreprise ; il arrive donc que certains les perdent. Car voilà
le maître mot de la bourgeoisie de gauche et de droite, il s'agit
d'aménagement du temps de travail afin que le travailleur soit
pieds et poings liés aux besoins de l'entreprise. C'est ainsi
qu'il s'agit de faire la chasse aux temps morts sur les lieux de production,
de fliquer les horaires, d'exploiter au maximum les ouvriers. Les 35
heures étaient censées lutter contre le chômage,
la gauche se vante aujourd'hui d'avoir créé près
de 2 millions d'emplois. Quel mensonge quand on voit aujourd'hui le
chômage grimper, les départs à la retraite dans
la Fonction Publique qui ne sont pas remplacés. Ces "emplois"
créés sont surtout des emplois à temps partiel
(de 7,7% en 1997 à 14,7% fin 2000), des intérimaires (1997 : 330 169, fin 2001 : 605 238), sans compter les milliers de CDD,
CES ou autres emplois bidons. Mais ce qui est le plus frappant du décalage
entre le discours de la bourgeoisie et la réalité vécue
par les ouvriers, c'est le manque d'effectifs dans les entreprises ou
dans le secteur public.
En fait, un des objectifs de la flexibilité est de rendre la
force de travail ouvrière moins chère et plus productive
: dans de nombreuses entreprises le taux de productivité a augmenté
de 48 % en 2001 et 40 % en 2002. Ce qui génère une dégradation
très forte des conditions de travail multipliant les accidents
de travail, les dépressions, les maladies.
Quant aux salaires, ils ont carrément baissé. Ainsi en
2000 la masse salariale a diminué de 0,2 point par rapport à
1999. Sans parler du développement de la précarité
qui entraîne un développement de la pauvreté : en
2001 on recense 1,7 millions de travailleurs pauvres contre 1,3 millions
en 1996, et encore ce sont les chiffres que la bourgeoisie veut bien
nous donner. Et quand de "nombreux ouvriers voudraient faire des
heures supplémentaires pour améliorer leur salaire",
ils se font carrément escroquer : celles-ci ne sont plus majorées
que de 10% au lieu de 25% jusqu'à présent, une mesure
qui était déjà envisagée par la gauche.
La gauche a promis un débat sur les 35 heures cet automne afin
de dénoncer le gouvernement dans la remise en cause de la loi
Aubry qu'elle défendra à tout prix ! ! Elle veut continuer
à instiller son poison idéologique dans la tête
des ouvriers pendant que Raffarin et consorts, dans la continuité
de la loi Aubry, généralisent à l'ensemble du monde
ouvrier l'annualisation et la flexibilisation du temps de travail, ce
qu'aurait fait la gauche si elle était restée au pouvoir.
Août 2002 : depuis la Russie jusqu'en Europe centrale,
des pluies interminables font gonfler les fleuves. Depuis les rives
de la mer Noire jusqu'aux régions de l'Allemagne de l'Est, la
Bavière, la République Tchèque, l'Autriche se trouvent
noyées par les eaux débordées de l'Elbe, du Danube
et de leurs affluents. Les inondations ont touché les campagnes,
les grandes et les petites villes. On a dû évacuer plus
de 100 000 personnes à Dresde. Des quartiers entiers sont dévastés
à Prague, à Vienne. En Hongrie, à Budapest, le
Danube n'avait jamais atteint, de mémoire d'homme, un tel niveau
et les évacuations de populations une telle ampleur. Ponts de
chemins de fer détruits, complexes chimiques menacés,
les pertes pourraient atteindre le chiffre pharamineux de 20 milliards
d'euros. Et surtout, les morts se comptent par dizaines un peu partout.
Septembre 2002 : une gigantesque montagne d'eau descend des Cévennes,
dévastant tout ce qui se trouve sur son passage dans le Sud-Est
de la France. Une véritable bombe liquide a tout fait exploser
sur son passage. Bilan: une quarantaine de morts, ponts effondrés,
chemins de fer, autoroutes, lignes téléphoniques coupés.
Toute une région couvrant trois départements transformée
en marécage. Des vies perdues, des pertes énormes dans
toutes les activités.
Cette catastrophe s'est produite dans une région particulièrement
meurtrie par les inondations : Nîmes, Vaison-la-Romaine, l'Aude.
Depuis plus de dix ans, les catastrophes se sont succédées
sans relâche, à chaque fois plus meurtrières, plus
destructrices. De violents orages "tout à fait exceptionnels",
disent les experts, et qui en fait le deviennent de moins en moins.
En effet, que ce soit les inondations "lentes" des plaines d'Europe centrale, que ce soit celles de la Méditerranée après celles de la Somme l'an dernier, il devient de plus en plus difficile pour les gouvernements de cacher un fait : ces catastrophes se multiplient et sont devenues, et c'est le plus inquiétant, de plus en plus meurtrières. Il y a encore quelques années, on pouvait entendre les experts nous parler de "la mémoire courte" des humains concernant le climat. En fait, depuis quelques années, les inondations se sont constamment amplifiées sur tous les continents, de la Chine à l'Amérique Latine.
La nature a bon dos. Lors des inondations de la Somme en 2001 (voir le n° 312, mai 2001 de RI), on nous a dit par exemple que la catastrophe était due à la nature du sol. Mais c'est le capitalisme, dans sa gestion totalement anarchique des resources naturelles qui en est responsable : modifications à répétition des lits des fleuves pour qu'ils deviennent des autoroutes pour le transport fluvial, crues qui ne trouvent plus d'expansion plus ou moins naturelle, mais qui deviennent obligatoirement des trombes d'eau lancées dans des lits artificiels et emportent tout ce qu'elles trouvent sur leur chemin ; haute montagne dépouillée de son manteau forestier par les activités humaines incontrôlées et les pluies acides qui envoient des quantités immenses d'eau vers les ruisseaux et les rivières, les transformant en torrents meurtriers. La terre a de moins en moins de surface perméable pour absorber les masses d'eau qui dévalent. A tout cela s'ajoute un urbanisme incontrôlé, qui pourrait apparaître comme une spécialité du Tiers-Monde: après celles de la Somme, les inondations du Sud de la France ont montré la quantité de constructions faites dans des zones inondables. Pas seulement des maisons d'habitation, mais aussi des équipements collectifs comme des écoles et même… une caserne des pompiers ! Comme on a pu le voir avec l'explosion d'AZF à Toulouse, pendant des années, on a construit en dépit du bon sens, dans les lieux qu'on savait potentiellement dangereux.
La bourgeoisie dit toujours qu'elle va tirer des leçons. Elle souhaite "une vraie réflexion locale et nationale pour que l'on puisse tirer les leçons" de cette catastrophe. Le maire de Sommières (bourg médiéval régulièrement inondé qui vient de connaître sa plus forte crue) demande que "l'Etat réfléchisse une bonne fois pour toutes aux équipements à mettre en place pour faire face à ces intempéries". La bourgeoisie a bien eu le temps de réfléchir, de mettre en place des normes encore plus strictes pour l'occupation des sols (POS), pour la prévention des risques, plus d'alertes météo, etc. Rien n'y fait. Il y en a même qui, comme Bush, proposent de… raser les forêts pour éviter le feu. Mais, dans toute sa sinistre stupidité, la proposition de Bush est un bon raccourci de toutes les propositions que font les différentes fractions de la bourgeoisie face aux catastrophes "naturelles": ne montrer du doigt qu'un aspect du problème pour qu'on ne voie pas le problème véritable.
Il en est ainsi du réchauffement de la planète sur lequel
nombre de ces charlatans et défenseurs de la classe dominante
disent ne pas pouvoir se prononcer, tout simplement pour ne pas incriminer
la classe bourgeosie et son système capitaliste, pour masquer
sa responsabilité dans les dérèglements climatiques,
résultant de la pollution atmosphérique et des gaz à
effet de serre.
Plus le capitalisme, basé sur le profit et la rentabilité
et non sur la satisfaction des besoins humains, s'enfonce dans sa propre
décomposition, moins il est capable de maîtriser les formidables
forces technologiques qu'il a développées pour maîtriser
la nature. Et si aujourd'hui la nature "reprend ses droits",
c'est bien parce que le mode de production bourgeois n'est plus capable
de dominer la nature, d'apporter le moindre progrès, la moindre
perspective d'avenir à l'humanité. Face à toutes
les balivernes de la bourgeoisie, seuls les marxistes (qui, eux ne croient
ni en Dieu, ni en la "fatalité", ni au mythe de la
"revanche de la nature sur la culture") sont en mesure d'apporter
une explication scientifique et rationnelle permettant de dénoncer
le vrai responsable des catastrophes dites "naturelles". Seul
le marxisme peut donner une perspective d'avenir à l'humanité
face à l'impasse du capitalisme dévoilée par l'impuissance
et la perplexité des "experts" de l'Etat bourgeois
devant le caractère "atypique" de telles inondations.
Aussi, la lutte contre la destruction de l'environnement est au plus haut point politique, et il n'appartient qu'au prolétariat international de pouvoir trancher la question du danger mortel que porte en lui le système capitaliste et sa perpétuation pour toute l'humanité : par la révolution mondiale.
CP (27 septembre)
Nous publions ci-dessous de larges extraits d'une lettre de lectrice très préoccupée par la question de l'émancipation de la femme, suivis de notre réponse.
Notre lectrice aborde une question qui a préoccupé le mouvement ouvrier depuis ses origines parce qu'elle ne peut être appréhendée que comme un problème de l'humanité, et non comme une question particulière. Dans ses Manuscrits parisiens de 1844, Marx posait ainsi la question : "Le rapport immédiat de l'homme à l'homme est le rapport de l'homme à la femme (…) Il permet de juger de tout le degré du développement humain. Du caractère de ce rapport, on peut conclure jusqu'à quel point l'homme est devenu pour lui-même un être générique, humain et conscient de l'être devenu." Cette vision a été reprise et développée dans toute l'évolution de la pensée marxiste et par les révolutionnaires au 19 siècle qui se sont penchés sur la question de l'oppression de la femme dans la société capitaliste (Bebel, Engels, Clara Zetkin, Rosa Luxemburg, Alexandra Kollontaï et Lénine).
Le "féminisme" : une idéologie au service de la bourgeoisie
Près de deux siècles après que les marxistes eurent posé cette question de l'oppression de la femme, celle-ci reste toujours d'actualité. En témoignent ses formes particulièrement barbares dans les Etats islamistes, infligeant aux femmes l'obligation de porter le voile (voire l'interdiction de travailler ou de s'instruire) ou dans les nombreux pays où elles sont victimes des pires mutilations sexuelles. Et ce n'est certainement pas l'intervention des grandes démocraties occidentales qui peut résoudre ce problème, comme a pu le faire croire le déchaînement de la propagande bourgeoise au moment de la "libération" de Kaboul par les justiciers du monde civilisé après la chute du pouvoir des Talibans. Dans ces mêmes pays de l'Occident "civilisé", avec la prolifération des réseaux de prostitution, une masse croissante de jeunes filles à peine sortie de l'enfance (souvent originaires d'Afrique ou des pays de l'ancien bloc de l'Est) sont contraintes, faute de pouvoir trouver un travail, de vendre leur corps pour survivre et échapper à la misère. Bien qu'aujourd'hui, avec le développement du capitalisme, les femmes aient été intégrées dans la production, et qu'elles aient acquis le droit de participer à la gestion des affaires publiques (et même de tenir les rênes du gouvernement), l'oppression des femmes reste toujours une réalité. Mais cette réalité ne trouve pas ses sources dans la domination "naturelle" et "biologique" d'un sexe sur l'autre.
Seul le marxisme, sa méthode scientifique, matérialiste, historique et dialectique peut permettre de comprendre l'origine de cette oppression, et surtout est à même d'apporter une réponse à la résolution de ce problème.
Comme l'ont mis en évidence Marx et Engels, les institutions et les fondations de l'ordre bourgeois ont une histoire. Elles ont émergé à travers un long et tortueux processus lié à l'évolution de la société humaine. Elles trouvent leurs sources dans les fondements économiques des rapports sociaux de production et dans l'apparition de la propriété privée. Nous ne pouvons dans le cadre de cette réponse rappeler toute l'argumentation développée par le marxisme au 19e siècle. Nous renvoyons notre lectrice au livre d'Engels "L'origine de la famille, de la propriété privée et de l'Etat" qui analyse de façon très minutieuse cette évolution historique, ainsi qu'à nos articles parus dans la Revue Internationale n° 81 et 85.
Bien que notre lectrice pose une question fondamentale pour le mouvement ouvrier, la démarche qu'elle emprunte pour y répondre, avec une certaine naïveté, est identique à celle des mouvements "féministes" qui ont fleuri à la fin des années 1960, notamment aux Etats-Unis. Cette vision propre à l'idéologie féministe consistant à croire que l'oppression de la femme dans la société bourgeoise (comme d'ailleurs dans toutes les sociétés de classes) trouve son origine dans le "désir de domination d'un sexe contre l'autre" est non seulement fausse mais dangereuse. Une telle vision la conduit à y apporter une réponse tout aussi erronée : les femmes doivent revendiquer des "espaces pour femmes, sans cela nous ne parviendront jamais à un vrai communisme". Pour le marxisme, l'histoire de l'humanité, c'est l'histoire de la lutte de classe et non de la lutte des sexes. Contrairement à la vision féministe (qui n'est rien d'autre qu'une variante du gauchisme tout comme l'anti-racisme), le marxisme a toujours combattu tous les clivages que la bourgeoisie s'efforce en permanence d'opérer au sein de la seule classe capable d'édifier à l'échelle mondiale une véritable societé communiste : le prolétariat. Car ce qui constitue la force de la classe ouvrière et déterminera sa capacité à renverser l'ordre bourgeois, c'est d'abord et avant tout sa capacité à défendre son unité de classe et à combattre toutes les divisions (raciales, nationales, sexuelles) que la bourgeoisie essaie d'introduire dans ses rangs. Par ailleurs, notre lectrice évoque à juste raison l'existence d'assemblées et clubs de femmes du temps de Rosa Luxemburg. Il faut préciser tout d'abord qu'il ne s'agissait pas d'associations interclassistes regroupant indistinctement l'ouvrière et la femme de son patron, mais d'organisations de "femmes socialistes"[1] [87]. Mais ce qui était encore valable à la fin du 19e siècle, dans la période ascendante du capitalisme, ne l'est plus aujourd'hui. A l'époque où le capitalisme pouvait encore accorder des réformes significatives à la classe exploitée, il était légitime pour les révolutionnaires de mettre en avant des revendications immédiates pour les femmes, y compris le droit de vote, tout en mettant en garde contre toute illusion interclassiste[2] [88].
C'est dans ce contexte que les partis sociaux démocrates se devaient d'appuyer les revendications spécifiques des femmes, dans la mesure où elles permettaient non pas de libérer immédiatement celles-ci de l'oppression capitaliste mais de renforcer le prolétariat en intégrant les femmes ouvrières dans sa lutte générale contre l'exploitation et pour le renversement du capitalisme. Ainsi, même à cette époque où les revendications des femmes avaient un sens du point de vue du combat prolétarien et permettaient de renforcer le mouvement ouvrier, les marxistes se sont toujours opposés au féminisme bourgeois. Car loin de contribuer à l'unification de la classe ouvrière, il ne faisait qu'aiguiser les divisions en son sein tout en favorisant l'idéologie interclassiste jusqu'à la conduire hors de son terrain de classe.
Avec l'entrée du capitalisme dans sa période de décadence rendant totalement obsolète toute lutte pour des réformes, les mouvements spécifiques des femmes ne peuvent être que récupérés par la classe dominante et faire le jeu de l'Etat bourgeois. En fin de compte, les "espaces pour femmes" souhaités par notre lectrice risquent d'être un nouveau ghetto isolant les ouvrières du reste du prolétariat, tout comme les "mouvements en faveur des immigrés" tendent à couper les ouvriers immigrés du combat général de leur classe.
Notre lectrice affirme également que dans la société capitaliste "la femme reste le prolétaire de l'homme même si l'institution bourgeoise du mariage est passée de mode". Cette affirmation contient une idée juste que Marx et Engels avaient d'ailleurs mise en évidence dès 1846, dans L'Idéologie allemande en levant ainsi le mythe de l'égalité des sexes : "La première division du travail est celle de l'homme et de la femme pour la procréation". Par la suite, Engels a ajouté que "la première opposition de classe qui se manifeste dans l'histoire coïncide (souligné par nous) avec le développement de l'antagonisme entre l'homme et la femme dans le mariage conjugal, et la première oppression de classe avec l'oppression du sexe féminin par le sexe masculin."
Et c'est justement à partir du constat de cette coïncidence historique qu'il a cherché à comprendre le lien qui pouvait exister entre l'antagonisme des sexes dans le mariage monogamique et l'apparition de la société divisée en classe. La découverte du rôle de la propriété privée a constitué la clef de voûte de toute la vision du marxisme qui est la seule méthode permettant de comprendre les racines matérielles, économiques de ce qui fut, et est encore, à l'origine de l'oppression de la femme. Dans son étude sur l'origine de la famille, Engels écrit : "La famille conjugale moderne est fondée sur l'esclavage domestique, avoué ou voilé, de la femme, et la société moderne est une masse qui se compose exclusivement de familles conjugales, comme d'autant de molécules. De nos jours, l'homme dans la grande majorité des cas, doit être le soutien de la famille et doit la nourrir, au moins dans les classes possédantes ; et ceci lui donne une autorité souveraine qu'aucun privilège juridique n'a besoin d'appuyer. Dans la famille, l'homme est le bourgeois ; la femme joue le rôle du prolétariat."
Mais cette formulation d'Engels que notre lectrice reprend à son compte (et que l'idéologie féministe ne s'est pas privée d'extraire de son contexte et d'exploiter pour la dénaturer) n'a rien à voir avec une démarche "sexiste". Ce qu'Engels s'est efforcé de mettre en évidence, c'est essentiellement qu'avec l'apparition de la propriété privée, la famille monogamique individuelle est devenue la première entité économique de la société au sein de laquelle se trouvaient déjà contenus en germes les futurs antagonismes entre les classes du fait de la division sexuelle du travail. Ainsi, Marx pouvait-il affirmer que la famille patriarcale issue de la "grande défaite historique du sexe féminin", le renversement du droit maternel, "contient en miniature tous les antagonismes qui, par la suite, se développeront largement dans la société et dans son Etat".
Marx et Engels ont donc clairement démontré que l'oppression du sexe féminin a fait son apparition dans l'histoire de l'humanité avec le surgissement de la monogamie (et ses corollaires, l'adultère et la prostitution) qui a constitué la première forme de famille basée non sur des conditions naturelles, mais sur des conditions économiques, c'est-à-dire la victoire de la propriété privée sur la propriété commune primitive et spontanée : "Souveraineté de l'homme dans la famille et procréation d'enfants qui ne puissent être que de lui et qui étaient destinés à hériter de sa fortune, tels étaient, proclamés sans détours par les Grecs, les buts exclusifs du mariage conjugal (…) La monogamie est née de la concentration des richesses importantes dans une même main - la main d'un homme , et du désir de léguer ces richesses aux enfants de cet homme et d'aucun autre. Il fallait pour cela la monogamie de la femme, non celle de l'homme." (Engels). Ainsi, contrairement à la démarche de notre lectrice et de l'idéologie féministe, le marxisme a mis en évidence que l'inégalité des sexes que nous avons héritée de conditions sociales antérieures n'est pas la cause, mais la conséquence de l'oppression économique de la femme avec l'apparition de la propriété privée d'abord au sein des sociétés archaïques qui, avec l'accumulation des richesses et le développement des moyens de productions, ont par la suite cédé la place à la société divisée en classes. Si la femme est ainsi devenue "le prolétaire de l'homme", ce n'est pas à cause de la volonté de pouvoir du sexe masculin, mais parce que, avec la famille patriarcale (qui est apparue comme une nécessité historique permettant à l'humanité de passer de l'état sauvage à la "civilisation"), et plus encore avec la famille individuelle monogamique, la direction du ménage a perdu le caractère public qu'elle avait dans l'ancienne économie domestique du "communisme primitif". Alors que dans ces sociétés archaïques l'économie domestique était une "industrie publique de nécessité sociale" confiée aux femmes (au même titre que la fourniture des vivres était confiée aux hommes), dans la famille monogamique patriarcale, elle est devenue un "service privé". La femme a, dès lors, été écartée de la production sociale et est devenue une "première servante" (Engels). Et ce n'est qu'avec l'apparition de la grande industrie dans la société capitaliste que la voie de la production sociale a pu être de nouveau ouverte à la femme. C'est pour cela que le marxisme a toujours mis en avant que la condition de "l'émancipation" de la femme se trouve dans son intégration dans la production sociale comme prolétaire. C'est dans sa place au sein des rapports de production, et dans sa participation active, en tant que prolétaire, dans la lutte unie de toute la classe exploitée que se trouve la clef du problème. C'est uniquement en posant la question en termes de classes et d'un point de vue de classe que le prolétariat pourra y apporter une réponse.
En renversant le capitalisme et en construisant une véritable société communiste mondiale, le prolétariat aura entre autres tâches celle de rétablir la socialisation de la vie domestique en la développant à l'échelle universelle (notamment à travers la prise en charge de l'éducation des enfants par l'ensemble de la société et non par la cellule familiale conçue comme première entité économique). Seul le prolétariat mondial, en brisant le carcan de la propriété privée des moyens de production pourra faire faire un bond gigantesque aux forces productives, mettre définitivement un terme à la pénurie, et faire passer l'humanité du règne de la nécessité à celui de la liberté. Grâce à l'édification d'une nouvelle société basée sur l'abondance, le prolétariat pourra alors achever sa mission historique de fossoyeur du capitalisme en réalisant enfin le vieux rêve de l'humanité que le communisme primitif n'était pas en mesure de réaliser.
Contrairement à la vision erronée de notre lectrice, l'émancipation de la femme ne sera pas l'oeuvre de la lutte des femmes, avec leurs revendications spécifiques, mais de toute la classe ouvrière. Car cette oppression fait partie intégrante de l'exploitation et de l'oppression d'une classe sociale privée de tout moyen de production et qui ne pourra se libérer elle-même qu'en libérant l'ensemble de l'humanité du joug de l'exploitation capitaliste. Qu'il soit contraint de vendre sa force de travail ou de se prostituer pour survivre (et dans le capitalisme décadent, la prostitution n'est pas d'ailleurs le seul "apanage" des femmes), le prolétaire, homme ou femme n'est, dans un système basé sur la recherche du profit, rien d'autre qu'une marchandise.
Louise
[1] [89] Il faut d'ailleurs préciser que, contrairement à son amie Clara Zetkin qui était présidente du mouvement des femmes socialistes et rédactrice en chef du journal féminin socialiste Die Gleichheit (L'Egalité), Rosa Luxemburg ne s'est jamais impliquée dans cette activité. Toute son énergie a été consacrée au combat pour le marxisme révolutionnaire contre le réformisme. Quant à Clara Zetkin elle-même, son nom dans l'histoire, bien plus qu'à son activité "féministe", reste attaché à son combat, aux côtés notamment de Rosa, Karl Liebknecht et Leo Jogisches contre la guerre impérialiste dès 1914 et pour la fondation du parti communiste d'Allemagne.
[2] [90] A cette même époque, certains pays étaient le théâtre de campagnes bourgeoises pour le droit de vote des femmes. En Angleterre, pays le plus affecté par ce mouvement, la revendication avait été appuyée dès ses origines par le philosophe bourgeois John Stuart Mill et le premier ministre conservateur Disraeli. La femme de Churchill était une ancienne "suffragette" : c'est dire que la revendication, comme telle, n'avait rien de spécifiquement prolétarien !
Le 12 octobre, des touristes en flammes tentent de fuir l'incendie de la discothèque de Bali prise pour cible par un attentat à l'explosif. Un peu plus d'un an auparavant, des victimes de l'attentat du World Trade Center se jetaient dans le vide pour échapper à l'atrocité de la mort sous les décombres incandescents des tours en train de s'effondrer. A Bali, le terrorisme a fait plus de 187 morts et 300 blessés, dont 90 grièvement. On est loin des milliers de morts de l'attentat du 11 septembre à New York dont Bush avait dit qu'il constitue un acte de guerre. Néanmoins, ces deux attentats sont des actes barbares, des actes de la guerre impérialiste dont est responsable le capitalisme. Le plus souvent, ce sont des populations civiles qui sont victimes des attentats terroristes, arme de plus en plus utilisée dans la guerre que se livrent les fractions rivales de la bourgeoisie.
Nous avions déjà mis en évidence, à l'occasion des attentats terroristes qui s'étaient produit à Paris en 1986 que ceux-ci constituaient une des manifestations de l'entrée du capitalisme dans une nouvelle phase de sa décadence, celle de sa décomposition. Depuis, l'ensemble des convulsions qui ont secoué la planète, notamment l'effondrement du bloc impérialiste russe à la fin des années 1980, sont venus illustrer abondamment cet enfoncement de la société capitaliste dans la décomposition et le pourrissement sur pied (cf. notre texte "La décomposition, phase ultime de la décadence du capitalisme" in Revue Internationale n° 62, 1990, republié dans le n° 107). Le développement du terrorisme, des prises d'otages comme moyen de la guerre entre Etats, au détriment des "lois" que le capitalisme s'était données par le passé pour "réglementer" les conflits entre fractions de la classe dominante est la marque de cette décomposition sur les rivalités entre Etats.
En tant qu'arme utilisée dans la guerre entre Etats, le terrorisme n'est pas une nouveauté. Ce qui en est une, c'est l'ampleur qu'a pris le phénomène ces dernières années. Ainsi, rien que dans les quelques mois ayant précédé l'attentat à Bali, d'autres attentats ont eu lieu visant différents intérêts : celui contre des techniciens français de l'armement à Karachi (Pakistan) en mai et, tout récemment, contre le pétrolier français Limbourg, dans le golfe d'Aden, par exemple. Les grands Etats, et dans leur sillage les plus petits, ont multiplié les rapports avec toutes sortes de groupes mafieux ou terroristes, ou les deux à la fois, tant pour contrôler les multiples trafics illégaux qui rapportent de juteux profits que pour les utiliser comme moyens de pression sur des Etats rivaux. L'utilisation de l'IRA par les Etats-Unis pour faire pression sur la Grande-Bretagne, celle de l'ETA par la France pour faire pression sur l'Espagne en sont deux exemples significatifs.
L'enquête en cours par les autorités indonésiennes pour tenter de déterminer l'origine de l'attentat à Bali a mis sur le devant de la scène différents types de regroupements tout à fait typiques de ce que la société actuelle est capable de produire et où se recrutent, entre autres, les exécutants des actes terroristes. Ainsi, nous trouvons à la fois : une "police religieuse", composée de vandales, que la police a longtemps laissé opérer (cf. Le Monde des 20 et 21 octobre) et dont le chef, Jafar Umar Thalib, vient d'être mis sous les verrous ; une milice armée qui fait la chasse aux chrétiens et aux Célèbes, dirigée par Abou Bakar Bashir, lequel vient d'accepter, à la demande de ses commanditaires (d'anciens généraux), de dissoudre son mouvement (ibid) : la Jeemah Islamiyah, réseau régional lié à Al-Qaida. On ne sera donc pas surpris de trouver, parmi les groupements opérant en Indonésie des représentants de l'intégrisme islamique qui révèle, dans toute une série de pays musulmans, la décomposition du système et dont la contrepartie, dans les pays avancés, peut être trouvée dans la montée de la violence urbaine, de la drogue et des sectes. Quant à la connexion de l'islamisme avec les services secrets, elle est de notoriété publique. Avant de se retourner contre leur parrain américain, Ben Laden et ses fidèles fondamentalistes islamistes avaient été recrutés par la CIA pour mener la guerre sainte, la djihad, contre l'occupant russe en Afghanistan.
Ainsi, l'existence de groupes fanatisés ayant tout à fait le profil pour commettre des attentats, ne dégage en rien les grandes puissances d'aucune responsabilité dans la barbarie actuelle. Tout au contraire, celles-ci en constituent l'épicentre. Nous seulement, comme on vient de le voir avec la guerre en Afghanistan, les attentats terroristes contre les tours jumelles ont constitué le prétexte que cherchait la bourgeoisie américaine pour une intervention partout dans le monde où elle le jugerait nécessaire pour la défense de ses intérêts impérialistes, sous prétexte de lutte contre le terrorisme mondial. Mais de façon plus cynique et machiavélique encore, comme le mettent en évidence des sources même de la bourgeoisie, il apparaît aujourd'hui clairement que la bourgeoisie américaine a délibérément laissé se dérouler les préparatifs d'une attaque terroriste sur son propre territoire par Al Qaïda[1] [93]. Ces sources ne vont pas jusqu'à en donner la raison qu'elles connaissent pourtant, susciter dans la population américaine la révolte contre une horreur inique et insoutenable pour la canaliser dans l'adhésion à une politique qui sera nécessairement de plus en plus belliciste. Les éléments dont on dispose aujourd'hui ne permettent pas encore de mettre en évidence à qui le crime profite et donc qui avait tout intérêt à ce que l'attentat de Bali soit commis. Il en est de même concernant deux autres attentats qui viennent de se produire aux Philippines : le 17 octobre, une explosion dans un supermarché de la ville de Zamboanga faisant 7 morts et plus de 160 blessés ; le 18 octobre, une bombe dans un autobus de Manille faisant au moins 3 morts et 22 blessés.
En tout cas, ces attentats sont vraisemblablement à mettre en lien avec l'existence de facteurs de déstabilisation dans une région aujourd'hui globalement sous influence américaine mais fragilisée par les difficultés que connaissent certains pays du fait de la désagrégation de la société ou par les aspirations séparatistes de la part de fortes minorités locales existant en particulier en Indonésie, Thaïlande, Birmanie et Malaisie. C'est justement une telle menace qui permet d'expliquer les massacres que les milices au service de l'armée indonésienne avaient perpétrés au Timor Oriental en 1999. Au lendemain d'un référendum patronné par l'ONU ayant donné un vote massif en faveur de l'indépendance vis à vis de l'Indonésie, ces hordes recrutées parmi les voyous timorais s'étaient livrées à l'extermination systématique de populations civiles sur la base de leur appartenance ethnique, ce qui n'est pas sans rappeler le génocide, opéré avec la bénédiction de la France, des Tutsis au Rwanda en 1994 et le massacre des populations kosovares en 1998. La non intervention de l'ONU pendant toute une période avait alors été justifiée par les Etats-Unis par la nécessité que ce soit l'Indonésie elle-même qui reprenne le contrôle des différentes factions au sein de la population. Il s'agissait en fait de laisser le temps à la saignée de s'opérer, de manière à ce qu'elle serve d'exemple à quiconque serait tenté par des velléités indépendantistes, à commencer par les populations de Sumatra du Nord, des Célèbes ou des Moluques traversées par des mouvements nationalistes. Les Etats de la région ne pouvaient eux aussi que partager cet objectif de la bourgeoisie indonésienne, de même la bourgeoisie américaine qui s'inquiétait de la déstabilisation de cette région du monde qui viendrait s'ajouter à celle de toute une série d'autres régions (cf. notre article "Timor, Tchétchénie, Le capitalisme, synonyme de chaos et de barbarie" dans la Revue Internationale n° 99). Dans l'opération de "retour à l'ordre" du Timor oriental qui a finalement eu lieu, les Etats-Unis ont délégué le travail à l'Australie, ce qui représentait pour eux l'avantage de pousser en avant leur plus fidèle et solide allié dans cette région. Ce fut réciproquement une bonne occasion pour l'Australie de concrétiser ses projets de renforcement de ses positions impérialistes dans la région (même au prix d'une brouille temporaire avec l'Indonésie). Pour la première puissance mondiale, il était fondamental, et cela le demeure aujourd'hui, de maintenir une forte présence, par alliés interposés, dans cette partie du monde sachant que le développement général des tensions impérialistes contenues dans la situation historique actuelle porte avec lui la menace d'une avancée de l'influence des deux autres grandes puissances qui peuvent jouer un rôle dans la région, le Japon et la Chine.
Fk (21 octobre)[1] [94] Un article du journal Le Monde du 5 octobre fait le compte-rendu d'un article de l'hebdomadaire allemand Die Zeit qui "dresse la liste tragique des coupables négligences qui ont jalonné le travail d'enquête des services spéciaux américains sur Al-Qaida. Beaucoup d'éléments sont troublants" (présentation du Monde). Le Monde cite l'hebdomadaire : "Les enquêteurs américains savaient que des attaques terroristes étaient en préparation, mais ils ont laissé agir les suspects" et écrit que "l'hebdomadaire allemand assure que la CIA et le FBI auraient pu tout empêcher".
Alors que la crise économique se déchaîne avec son cortège de licenciements et d'austérité accrue pour la classe ouvrière, poussant sans vergogne, les plus vulnérables des prolétaires, vers la mendicité, la prostitution, la paupérisation absolue comme disait Marx, le capitalisme révèle tous les jours un peu plus sa faillite. C'est l'image d'un monde baignant dans la violence, sans avenir, un monde au bord du gouffre qui tend à s'imposer à toute la société. Aux guerres meurtrières qui se propagent sur tous les continents, répond en écho la nécessité pour la bourgeoisie d'encadrer et de réprimer ce qui fait désordre sur le plan social. En effet, chaque pays, du fait de l'impasse économique, est confronté à la dislocation du corps social qui gangrène toute la société et plus particulièrement ses couches les plus défavorisées. C'est pour cela que les gouvernements de droite comme de gauche n'ont de cesse ces dernières années de brandir la question de "l'insécurité" pour justifier des mesures de plus en plus répressives. Après la loi d'orientation sur la justice votée au mois d'août, qui s'est traduite par une augmentation considérable des effectifs policiers (cf. RI n°326), le pitbull Sarkozy récidive avec son projet de "sécurité intérieure", avec l'aval de Daniel Vaillant, l'ancien ministre de l'intérieur de Jospin qui déclare à propos de Sarkozy, que son successeur réalise "des choses que j'aurais sans doute faites si j'étais resté aux responsabilités. On est dans une continuité" (Le Monde du 7 octobre).
N'ayons aucune illusion à ce propos, quand il s'agit de défendre l'état bourgeois, et l'ordre républicain, ils sont tous complices !
Pour justifier ce nouveau tour de vis sécuritaire, la clique à Raffarin bénéficie en plus de la couverture médiatique des faits divers les plus sordides dont les médias aux ordres, n'ont de cesse de nous abreuver jusqu'à la nausée : de la mort tragique d'une adolescente brûlée vive à Vitry au meurtre raciste de Dunkerque ; des multiples reportages sur les réseaux d'exploitation de la mendicité de la population roumaine aux mafias de la prostitution de jeunes femmes des pays de l'Est. A chaque fois, les images effrayantes, les commentaires nauséabonds et les multiples débats de société stériles, ont pour but de nous renvoyer un sentiment d'impuissance, d'empêcher notre réflexion sur la faillite de ce système, de nous faire accepter les mesures répressives de l'État, qui dit vouloir "protéger" les bons citoyens des mauvais.
Les ouvriers ne doivent pas se laisser abuser par cette intoxication idéologique. Accepter aujourd'hui que l'État s'en prenne aux plus défavorisés d'entre nous, c'est lui donner les moyens de faire passer de nouvelles mesures qui sont en préparation et qui n'ont comme seul objectif que d'empêcher que la classe ouvrière ne développe sa lutte en réponse aux attaques économiques, seule réponse possible à l'agonie moribonde du capitalisme.
Jospin avait promis durant la campagne électorale qu'il n'y aurait
plus de SDF d'ici 2004, Sarkozy le met en oeuvre. Dorénavant
l'exploitation de la mendicité " agressive " devient
passible de 3 à 5 ans de prison, et les "mendiants",
premières victimes, sont passibles de 6 mois de prison et 7500
euros d'amende, quel que soit le type de mendicité. La prostitution,
dans laquelle les notables se sont largement vautrés du temps
des maisons closes, devient un délit puni de 6 mois de prison.
Le gouvernement souhaite également protéger "le droit
à la propriété", ce qui est l'essence même
du capitalisme. Tout rassemblement dans les halls d'immeubles sont dorénavant
interdits quel qu'en soit le motif. Les gens du voyage, les squatters
et les sans-logis, occupant des terrains privés, y compris ceux
qui n'ont comme seule habitation de fortune que leur voiture, sont passibles
de 6 mois de prison. Dans le dernier cas, le véhicule sera saisi
et le permis de conduire suspendu pour une période de 3 ans.
Toute insulte ou injure à agent de l'autorité ou de la
force publique sera sanctionnée d'une peine d'emprisonnement.
Quant aux étrangers, en séjour temporaire de 3 mois dont
le comportement est fauteur de trouble, ils feront l'objet d'une reconduite
à la frontière. Ainsi les ouvriers sans papiers ou en
précarité sont particulièrement visés, puisque
la loi leur interdit de participer à quelque manifestation que
ce soit, sous peine d'être expulsés.
Comme Ceaucescu qui déclarait honteusement que le sida n'existait
pas en Roumanie, ou les staliniens qui niaient l'existence du chômage
dans les pays de l'Est avant l'effondrement du mur de Berlin, la clique
à Raffarin a décidé que désormais il n'y
aurait plus de pauvreté.
Mais la chasse aux pauvres ne s'arrête pas là. Certaines
familles dont les enfants sont malheureusement tombés dans la
délinquance, se voient déjà refuser la prolongation
de leur bail locatif dans certaines cités HLM de la région
parisienne. Un groupe de travail de l'éducation nationale est
chargé de faire des propositions pour lutter contre l'absentéisme
scolaire, et l'on parle déjà d'une amende de 2000 euros
pour les parents d'élèves absentéistes.
Si l'addition est déjà lourde, la partie la plus significative du renforcement policier est en préparation et celle-ci concerne plus particulièrement les ouvriers qui ne vont pas manquer de faire entendre leur colère face aux attaques massives dont ils sont déjà l'objet et les militants révolutionnaires qui seront à leur côté dans le combat de classe.
Dès 2003, le ministre de la justice présentera, sous couvert de lutte contre la criminalité, une loi qui supprimera la présence de l'avocat dès la première heure de garde à vue, et allongera la durée de cette garde à vue. La police aura accès à tous les fichiers nominatifs détenus par des organismes publics ou privés, et le fichier des empreintes génétiques sera étendu au delà des crimes sexuels, notamment pour les personnes dont la mise en examen pour crimes ou délits serait passible d'une peine d'au moins 3 ans d'emprisonnement. Le projet de loi pérennise le dispositif sur la sécurité quotidienne votée par la gauche en novembre 2001 qui permet aux forces de police de perquisitionner sans le consentement de la personne, y compris de nuit. Il élargit aussi le droit de fouiller des voitures, qu'elles soient à l'arrêt ou en stationnement pour les affaires de vol, terrorisme et trafic de stupéfiants.
N'ayons aucune illusion, le grand banditisme et le terrorisme sont les
alibis tous désignés pour permettre aux forces de répression
de faire comme bon leur semble. Rappelons nous les écoutes téléphoniques
tous azimuts sous le gouvernement Mitterrand.
C'est bien parce que le système capitaliste est dans une impasse
sur le plan économique, que son lent processus de décomposition
génère autant de violence, de misère, de barbarie,
que la seule solution qu'il soit capable de mettre en oeuvre est l'imposition
d'un corset de fer, d'un renforcement permanent du blindage policier.
Si l'insécurité est un pur produit de la crise et de la
décomposition capitaliste, elle ne disparaîtra pas en raisonnant
en tant que "citoyen responsable" qui fait confiance à
cet État qui en est le géniteur. Seul le développement
le plus large possible de nos luttes en réponse aux attaques
de la bourgeoisie peut nous permettre d'affirmer en tant que prolétaires,
que nous refusons le fatalisme de l'insécurité, le nihilisme
et la violence que nous fait vivre le capitalisme. Le prolétariat
est la seule classe capable de pouvoir transformer le monde ; c'est
cette perspective que les mesures sécuritaires voudraient bien
faire avorter.
Depuis la Seconde
Guerre mondiale, jusqu'à l'effondrement du bloc de l'Est la presque
totalité des conflits dont la planète a été
la théâtre ont résulté de la rivalité
entre le deux blocs ennemis se faisant face, le bloc russe et le bloc
américain. Avec la dissolution du bloc de l'Ouest, les enjeux
des conflits ont changé. Dans ceux-ci, ce qui s'exprime c'est
une tendance au chacun pour soi où chaque pays, en dehors des
Etats-Unis, délié de toute contrainte de discipline de
bloc, cherche à défendre ses intérêts impérialistes
au jour le jour (ce qui est à relativiser pour l'Allemagne candidate
à la tête d'un bloc impérialiste rival des Etats-Unis),
au gré d'alliances changeantes. Seuls les Etats-Unis suivent
une ligne totalement cohérente sur l'arène impérialiste
: maintenir leur leadership mondial à travers une politique offensive
sur le plan diplomatique mais surtout sur le plan militaire en mettant
à profit l'énorme supériorité qu'ils ont
dans ce domaine par rapport à n'importe quel autre pays. En fait,
les démonstrations de force américaines de la dernière
décennie, Guerre du Golfe, interventions en Somalie, en Bosnie,
au Kosovo et dernièrement en Afghanistan s'adressaient fondamentalement
à leurs anciens alliés du bloc de l'Ouest, les principales
puissances occidentales qui, n'ayant plus à redouter la menace
du bloc de l'Est, n'étaient de ce fait plus disposées
à se soumettre à l'autorité des Etats-Unis qu'elles
ont d'ailleurs contestée de plus en plus fortement. Et si les
Etats-Unis ont dû enchaîner les démonstration de
force, c'est parce que tout relâchement de la pression qu'il exercent
sur le monde est immédiatement mis à profit par leur rivaux
pour remettre en question leur leadership.
Ce faisant, les Etats-Unis sont entraînés, et le monde
avec eux, dans une spirale guerrière qui n'a pas de solution
dans le capitalisme sinon la ruine de l'humanité. Chaque nouvelle
démonstration de force qu'ils effectuent, si elle parvient effectivement
à remettre leurs rivaux à leur place rend en retour de
plus en plus insupportable, pour beaucoup de pays, l'hégémonie
américaine et en favorise la remise en question. Et cela d'autant
plus que chaque croisade des Etats-Unis est l'occasion pour eux d'exercer
une présence directe sur des positions stratégiques :
en Europe même (au Kosovo et en Bosnie) ; en Asie centrale (Afghanistan,
Ouzbékistan et Tadjikistan) permettant d'exercer une pression
sur la Russie, la Chine, l'Inde, le Pakistan mais surtout d'encercler
l'Europe. Avec l'occupation de l'Irak, enjeu de la prochaine guerre
programmée, les Etats-Unis escomptent exercer une pression renforcée
sur l'Europe et le Moyen- Orient.
Les opérations de police du gendarme mondial ne s'improvisent pas. Il faut créer un prétexte, leur fabriquer une légitimation idéologique. C'est ainsi que l'opération Tempête du Désert en 1991 a été réalisée au nom de la défense du droit international pour bouter Saddam Hussein hors du Koweït qu'il venait d'envahir (avec l'autorisation tacite des Etats-Unis qui lui ont ainsi tendu un piège). L'intervention au Kosovo s'est abritée derrière l'alibi humanitaire, contre l'épuration ethnique des Kosovars qui, jusque là, ne dérangeait pas outre mesure les Etats-Unis et qui s'est considérablement aggravée avec la guerre. De même, c'est l'attentat contre les Twin Towers (dont la préparation par les terroristes a bénéficié d'un bienveillant laisser faire de la part des services secrets américains) qui a légitimé la guerre déclarée au terrorisme international par les Etats-Unis, leur servant de prétexte pour frapper en tout point de la planète supposé abriter des terroristes ou tout Etat soupçonné de les soutenir. Ainsi, dans tous ces conflits, et contrairement à ce que la réalité immédiate peut laisser apparaître, l'antagonisme de fond ne réside pas entre un dictateur local ou un leader islamiste fanatisé, d'une part, et les grandes puissances démocratiques, d'autre part. Il oppose les Etats-Unis à tout ou partie de ces puissances démocratiques. Et c'est bien un tel antagonisme qui s'affiche aujourd'hui de façon à peine masquée sur la scène internationale. Les Etats-Unis avaient réussi à imposer que l'intervention dans le Golfe en 1991 soit conduite sous les auspices de l'ONU. Ils avaient par contre subi un revers en 1998 lorsque, sous le l'impulsion de la France et de la Russie, cet organisme avait mis en échec les plans de Clinton prévoyant une nouvelle intervention en Irak sous prétexte du non respect par Saddam Hussein des résolutions de l'ONU (lequel s'était alors judicieusement empressé d'écouter les bons conseils pour qu'il accepte la venue des enquêteurs de l'ONU). Cette institution leur étant devenue trop difficilement utilisable à leur gré ils semblaient désormais décidés à s'en passer.
C'est la raison pour laquelle, afin de déclencher la guerre au Kosovo, ils ont fait fi, de façon tout à fait illégale du point de vue du droit bourgeois international, de l'organisation internationale et placé leur entreprise sous le patronage de l'OTAN, un organisme militaire sur lequel ils ont un plus grand contrôle. Quant à l'opération en Afghanistan c'est de façon tout à fait unilatérale qu'elle a été décidée et dirigée par les Etats-Unis.
C'est selon les mêmes modalités qu'en Afghanistan, une partie de la bourgeoisie américaine avait décidé l'intervention consistant à renverser Saddam Hussein. Aujourd'hui, même si ce n'est pas de façon définitive, cette option est écartée du fait de l'isolement international auquel elle risque de conduire les Etats-Unis.
Il est évident que les Etats-Unis seraient largement en mesure d'assumer seuls militairement une opération destinée à renverser Saddam Hussein. Par contre, une telle opération pose un autre problème bien plus difficile qui est celui de la gestion de l'après Saddam Hussein dans un contexte de possible déstabilisation totale de la région, les Etats-Unis risquant de devoir prendre en charge, seuls ou presque, l'administration du pays dans un environnement hostile. Peu de pays ont intérêt à rallier une nouvelle entreprise guerrière américaine en Irak et ils se laisseront d'autant moins imposer une bienveillante neutralité que la justification idéologique américaine sera faible. Or c'est aujourd'hui manifestement le cas comme le traduisent ces propos tenus par l'ambassadeur d'Afrique du Sud (qui dirige le groupe des 77) lors de la séance du 15 octobre à la tribune de l'ONU : "Voilà un pays, l'Irak, qui dit : 'je veux me soumettre aux résolutions du conseil de sécurité'. Et on ne saisirait pas cette occasion ? Si elle fait cela, l'ONU entre dans un territoire inconnu". Le même orateur dénonce sans détour la tentative des Etats-Unis d'utiliser l'ONU pour leurs objectifs propres en Irak : "Tout se passe comme si les Nations Unies étaient invitées à déclarer la guerre à l'Irak".
Et pourtant, malgré l'hostilité que suscite la position américaine dans l'institution internationale, en dépit du fait que le congrès américain a donné son autorisation le 11 octobre au président Bush pour déclarer une guerre contre l'Irak sans l'aval des Nations Unies, la bourgeoisie américaine s'obstine à tenter de faire parrainer son projet par cette institution. Cela est révélateur du point auquel elle estime difficile la voie du cavalier seul ou en compagnie de la Grande-Bretagne. L'obstacle que rencontrent les Etats-Unis à l'ONU n'est pas tant représenté par les déclarations tonitruantes que nous venons de citer, émanant de pays du "tiers monde", mais bien par l'attitude de la France, et aussi de la Russie, deux membres permanents du conseil de sécurité qui font obstacle à l'adoption d'une résolution qui permettrait aux Etats-Unis de s'emparer du moindre faux pas de Saddam Hussein pour attaquer l'Irak. De même, les prises de position récentes en défaveur des Etats-Unis, comme celle de l'Allemagne, ne peuvent pas être ignorées par le Etats-Unis.Si c'est aujourd'hui la tribune de l'ONU qui constitue l'arène principale de la contestation du leadership américain, elle n'en est cependant pas le seul théâtre. Chirac dans sa visite en Egypte du 20 octobre plaçait quelques peaux de banane sous les pas de l'oncle Sam en déclarant : "Cette région n'a pas besoin d'une guerre supplémentaire". Jusqu'aux Emirats Arabes Unis qui expriment une timide réprobation à la politique américaine à laquelle ils seraient néanmoins contraints de se plier si elle s'imposait. C'est ce qu'illustrent ces paroles du ministre des affaires étrangères s'adressant le 7 octobre à son homologue irakien : "Les Emirats sont pour le retour de inspecteurs et ne voient pas la nécessité d'une nouvelle résolution." (référence à la résolution demandée par les Etats-Unis permettant des représailles automatiques contre l'Irak en cas de non respect des modalités décidées pour le travail des inspecteurs de l'ONU).
Dans une autre région du monde où l'hégémonie des Etats-Unis est aussi contestée, le Japon prend ses marques : le récent processus de normalisation des relations avec la Corée du Nord est accléléré, ce qui constitue un défi aux Etats-Unis qui placent ce pays au banc de la communauté internationale. Parallèlement à cela, le Japon est actuellement le théâtre d'une vague d'antiaméricanisme, à gauche comme à droite. Un porte parole, le gouverneur de Tokyo, déclarait : "Les Etats-Unis sont en train de devenir un autre empire mongol dont l'ambition est moins de gouverner le monde que de le dominer par la force."Loin de constituer un rééquilibrage à l'échelle du monde porteur de paix, le développement tous azimuts de la contestation du leadership américain, de même que la reprise en main de la situation par ces derniers qui suivra, sont l'expression de l'aggravation inexorable des tensions impérialistes dans la situation mondiale héritée de l'effondrement du bloc de l'Est. Seul le renversement du capitalisme peut mettre un terme au chaos croissant qui en résulte, menaçant de plus en plus la survie même de l'humanité.
F (22 octobre)
Dans son numéro 463 (août-septembre 2002), le journal Le Prolétaire, organe du Parti communiste international (PCI)[1] [99] publie un article intitulé : "A propos de la crise dans le CCI" qui mérite un certain nombre de rectifications.
En premier lieu, l'article affirme que l'un des membres de la soi-disant "fraction interne" qui s'était constituée dans le CCI[2] [100] est "dénoncé dans RI comme un probable 'agent provocateur'". Voici ce que nous écrivions dans Révolution Internationale n° 321 [47] concernant l'exclusion de Jonas (auquel se réfère implicitement Le Prolétaire) :
"Un des aspects les plus intolérables et répugnants de son comportement est la véritable campagne qu'il a promue et menée contre un membre de l'organisation (...) l'accusant dans les couloirs et même devant des personnes extérieures au CCI de manipuler son entourage et les organes centraux pour le compte de la police (...) Aujourd'hui, Jonas est devenu un ennemi acharné du CCI et il a adopté des comportements dignes de ceux d'un agent provocateur. Nous ne savons pas quelles sont ses motivations profondes, mais ce dont nous sommes sûrs, c'est qu'il représente un danger pour le milieu politique prolétarien."
Il est clair que les comportements du citoyen Jonas sont plus que troublants et tous les militants du CCI sont convaincus que ses agissements visaient à détruire notre organisation ou tout au moins à provoquer en son sein le plus de dégâts possibles comme aurait pu le faire un agent provocateur[3] [101]. Cela dit, tout lecteur aura pu lire que "nous ne savons pas quelles sont ses motivations profondes" et pourra donc constater que, jusqu'à présent, nous n'avons jamais dit que Jonas est un "probable agent provocateur". Une telle accusation, même sous la forme d'hypothèse, est extrêmement grave et même si les organisations révolutionnaires peuvent être amenées à la porter contre un de leurs anciens membres, ce ne peut être qu'à la suite d'une enquête très approfondie. C'est pour cela d'ailleurs que notre Conférence extraordinaire qui s'est tenue au printemps dernier a mandaté une Commission spéciale pour poursuivre les investigations sur le compte de Jonas. Quant au PCI, nous pensons qu'il aurait mieux fait de s'appuyer strictement sur ce que nous avons réellement écrit jusqu'à présent plutôt que de se livrer à des extrapolations qui aboutissent à une falsification de nos affirmations.
Par ailleurs, le PCI nous dit que : "Il est évidemment exclu que, comme on nous l'a demandé, nous prenions position pour l'un ou l'autre camp - que ce soit pour les dissidents au nom de la démocratie, ou pour la majorité au nom de la 'défense des organisations du milieu prolétarien'..."
Cette phrase appelle plusieurs remarques.
En premier lieu, telle qu'elle est formulée, elle laisse penser (même si ce n'est pas dit explicitement) que le CCI comme la "FICCI" aurait demandé au PCI de prendre parti pour son camp. Rien n'est plus faux. La "FICCI" a effectivement demandé au PCI, dans une lettre qu'elle lui a adressée le 27 janvier 2002, en même temps qu'à d'autres groupes de la Gauche communiste, de prendre position en sa faveur contre le CCI :
"Aujourd'hui nous ne voyons plus qu'une seule solution : nous adresser à vous pour que vous demandiez à notre organisation d'ouvrir les yeux et de retrouver le sens de ses responsabilités. (...) Parce que nous sommes en désaccord, aujourd'hui le CCI fait tout pour nous marginaliser et nous démolir moralement et politiquement." [4] [102]
Pour ce qui nous concerne, nous avons effectivement envoyé le 6 février 2002 un courrier au PCI, comme à d'autres organisations de la Gauche communiste (BIPR[5] [103], PCI-Il Programma Comunista, PCI-Il Parti-to) concernant la "FICCI". Mais contrairement à celle de la prétendue "fraction", notre lettre ne demande nullement aux groupes destinataires de prendre position pour un camp contre l'autre ; son objectif est de rectifier un certain nombre de mensonges et de calomnies à l'encontre de notre organisation qui étaient contenus dans la lettre de la "fraction" du 27 janvier.
Cela dit, la principale remarque que l'on doit faire concernant l'affirmation du PCI suivant laquelle "il est évidemment exclu" qu'il prenne "position pour l'un ou l'autre camp", c'est qu'elle est contredite tout de suite après. En effet, on peut lire quelques lignes plus loin :
"Cela ne nous empêche pas cependant de relever que les méthodes employées par le CCI face à ses dissidents actuels, et qui ne datent sans doute pas d'hier, sont malheureusement trop connues : 'criminaliser' les opposants par des accusations infamantes afin de les isoler complètement, parer à tout doute éventuel ou à toute demande d'explication politique de la part des militants par la création d'un climat de 'forteresse assiégée' qui permet de les mobiliser 'en défense de l'organisation' contre les opposants qui finissent par être dépeints comme étant au service de la bourgeoisie. Ces procédés de sinistre mémoire n'ont jamais été employés ni par Marx ni par Lénine ; ils sont en fait caractéristiques d'organisations gangrenées par l'opportunisme et/ou travaillées par les graves contradictions qui existent entre leurs analyses et la réalité. Ils seraient mortels dans un parti révolutionnaire parce qu'ils détruisent inévitablement l'homogénéité politique qui en constitue le ciment, en croyant l'assurer au moyen d'un caporalisme bureaucratiquement réglementé : étouffant la vie politique interne, ce dernier tend à empêcher d'affronter et de résoudre les problèmes politiques que ne peuvent pas ne pas se poser les militants révolutionnaires et à transformer ceux-ci en simples perroquets. Les interrogations politiques refoulées continuent cependant inévitablement à agir souterrainement et elles finissent tôt ou tard par réapparaître avec d'autant plus de virulence, sous la forme de crises organisationnelles destructrices."
En fait, le PCI qui dit avoir lu "le matériel publié par les deux parties", épouse presque à la lettre les thèses calomnieuses répandues par la "FICCI" et prend donc bien position en faveur de celle-ci contre le CCI.
Il faut saluer le fait qu'aujourd'hui le PCI condamne "l'étouffement de la vie politique interne par un caporalisme bureaucratiquement réglementé empêchant d'affronter et de résoudre les problèmes politiques que ne peuvent pas ne pas se poser les militants révolutionnaires".
C'est une idée que notre courant ne cesse de répéter notamment contre les conceptions du PCI. En effet, voici ce qu'écrivaient déjà, en 1947, nos camarades de la Gauche communiste de France (ancêtre politique du CCI) à propos des conceptions organisationnelles du PCI :
" Sur cette base commune [les critères de classe et le programme révolutionnaire] et tendant au même but, bien des divergences surgissent immanquablement en cours de route. Ces divergences expriment toujours, soit l'absence de tous les éléments de la réponse, soit des difficultés réelles de la lutte, soit l'immaturité de la pensée. Elles ne peuvent être ni escamotées ni interdites mais au contraire doivent être résolues par l'expérience de la lutte elle-même et par la libre confrontation des idées. Le régime de l'organisation consiste donc, non à étouffer les divergences mais à déterminer les conditions de leur solution. C'est-à-dire, en ce qui concerne l'organisation, de favoriser, de susciter leur manifestation au grand jour au lieu de les laisser cheminer clandestinement. Rien n'empoisonne plus l'atmosphère de l'organisation que les divergences restées dans l'ombre. Non seulement l'organisation se prive ainsi de toute possibilité de les résoudre, mais elles minent lentement ses fondations. A la première difficulté, au premier revers sérieux, l'édifice qu'on croyait en apparence solide comme un roc, craque et s'effondre, laissant derrière lui un amas de pierres. Ce qui n'était qu'une tempête se transforme en catastrophe décisive. " (Internationalisme n° 25, "La discipline… force principale…", republié dans la Revue internationale n° 34)
Au début 1983, nous ne tenions pas un langage différent face à la crise que venait de connaître le PCI :
"Où est donc le fameux parti 'bloc monolithique' ? Sans failles ? Ce 'monolithisme', revendiqué par le PCI, n'a jamais été qu'une invention stalinienne. Il n'y a jamais eu d'organisation 'monolithique' dans l'histoire du mouvement ouvrier. La discussion constante et la confrontation politique organisées dans un cadre unitaire et collectif sont la condition d'une véritable solidité, homogénéité et centralisation d'une organisation politique prolétarienne. En étouffant tout débat, en cachant les divergences derrière le mot de 'discipline', le PCI n'a fait que comprimer les contradictions jusqu'à l'éclatement. Pire, en empêchant la clarification à l'extérieur comme à l'intérieur de l'organisation, il a endormi la vigilance de ses militants. La sécurisation bordiguiste de la vérité pyramidale, la direction des chefs a laissé les militants dépourvus d'armes théoriques et organisationnelles devant les scissions et les démissions. C'est ce que le PCI semble reconnaître lorsqu'il écrit : 'Nous entendons traiter [ces questions] de façon plus ample dans notre presse, en mettant nos lecteurs devant les problèmes qui se posent à l'activité du parti'" ("Le Parti Communiste International à un tournant de son histoire", Revue internationale n° 32)".
Lorsque nous défendions ces idées, le PCI n'avait pas de mots assez méprisants pour stigmatiser notre "démocratisme"[6] [104] mais en comparant ce que nous écrivions il y a plus de 50 ans et il y a 20 ans avec ce que nous dit maintenant le PCI on ne peut qu'être frappé par la ressemblance des idées. En vérité, c'est presque une copie conforme. On peut au moins en déduire une chose : les camarades du PCI, malgré leurs grands discours sur "l'Invariance", ont été capables d'entendre nos arguments. Qu'ils se rassurent, nous ne leurs demanderons pas des droits d'auteur. Cela dit, nous pensons que plus que nos propres arguments, c'est la dure réalité des faits, et particulièrement l'effondrement dramatique du PCI en 1982, qui a été l'élément décisif ayant permis à une poignée de militants se réclamant des positions de Bordiga de comprendre l'absurdité de certains dogmes "invariants" sur le prétendu "monolithisme" du parti dont ils se réclamaient[7] [105].
Pour ce qui nous concerne, nous maintenons aujourd'hui ce que nous disions il y a 20 ou 50 ans et nous rejetons catégoriquement les accusations du PCI à propos de nos prétendues "méthodes face à nos dissidents actuels". Aujourd'hui comme hier, nous considérons que les désaccords politiques qui surgissent dans l'organisation doivent être réglés par le débat le plus large en son sein et non par des mesures administratives ou "bureaucratiques". Comme il y a 20 ans, nous faisons nôtres et nous appliquons les règles suivantes face aux divergences qui peuvent surgir dans notre organisation :
Cela dit, comme il y a 20 ans, nous estimons indispensable le respect des règles suivantes :
C'est donc en stricte application de ces principes, et non pour "criminaliser les opposants par des accusations infamantes afin de les isoler complètement" que le CCI a procédé au début 2002 à l'exclusion de l'élément Jonas et à la publication d'un communiqué dans sa presse à ce propos. C'est exactement de la même façon que nous avions agi en 1981 à propos de l'individu Chénier qui était entré dans notre organisation quelques années auparavant. Quelques mois à peine après son exclusion, Chénier a commencé une carrière officielle dans un syndicat et dans le parti socialiste (c'est-à-dire le parti qui dirigeait le gouvernement de cette époque) pour le compte de qui il travaillait probablement depuis longtemps en secret. Il est clair que le communiqué que nous avions publié dans la presse à son propos lui interdisait désormais toute possibilité de poursuivre le travail de destruction qu'il avait mené pendant plusieurs années au sein du CCI et des autres organisations par où il était passé auparavant, notamment le PCI. Si ce dernier s'était donné la peine de rendre publique sa propre décision d'exclure Chénier et les raisons de celle-ci (que nous n'avons apprises par un militant du PCI qu'après l'exclusion de Chénier du CCI) il est évident que nous n'aurions jamais laissé un tel élément entrer dans notre organisation. C'est bien pour cette raison que nous mettons en garde nos lecteurs contre Jonas "dont nous sommes sûrs... qu'il représente un danger pour le milieu politique prolétarien" tout comme Chénier en son temps, même si c'est peut-être pour d'autres motivations.
De même, les mesures disciplinaires que nous avons adoptées à l'encontre des autres membres de la "FICCI" n'ont rien à voir avec une "volonté d'étouffer le débat". C'est bien le contraire qui est vrai : c'est parce que ces militants se sont depuis le début refusé à mener le débat (parce qu'ils savaient qu'ils n'avaient pas d'argument sérieux pour convaincre les militants du CCI) qu'ils ont systématiquement violé les statuts de l'organisation : les mesures disciplinaires que celle-ci ne pouvait pas ne pas prendre leur ont alors servi de prétexte pour faire des scandales et crier à tue tête que "le CCI fait tout pour [les] marginaliser et [les] démolir moralement et politiquement".
Que le PCI nous dise si c'est faire preuve de "caporalisme bureaucratiquement réglementé" que de prendre des mesures disciplinaires lorsque des militants (parmi beaucoup d'autres infractions) :
Ce n'est pas parce qu'une "direction liquidatrice" (suivant les termes de la "FICCI") a créé "un climat de 'forteresse assiégée' qui permet de mobiliser les militants 'en défense de l'organisation' contre les opposants", comme l'écrit le PCI, que notre Conférence extraordinaire a ratifié unanimement les sanctions contre Jonas et les autres membres de la soi-disant "fraction" ; c'est tout simplement parce que TOUS les militants du CCI, autres que les membres de cette "fraction", ont été convaincus de la nécessité de telles sanctions face à l'évidence et l'accumulation des agissements volontairement destructeurs de ces éléments. Les militants du CCI ne sont ni des "perroquets" ni des zombies. Si quelques uns d'entre eux ont décidé de piétiner les principes qu'ils avaient défendus jusqu'à présent en suivant aveuglément un individu particulier, en l'occurrence Jonas (pour des raisons de liens affinitaires, d'orgueil blessé, de frustrations, de règlements de compte personnels ou de perte de leurs convictions), tous les autres rejettent un tel comportement et sont capables de se faire une opinion par eux-mêmes sans qu'il ait fallu leur forcer la main.
Croyant sur parole ce que raconte la "FICCI" à propos des "méthodes staliniennes du CCI" (et ayant apparemment oublié la phrase de Lénine "Celui qui croit sur parole est un indécrottable idiot"), le PCI enchaîne sur ce thème :
"Il est inévitable que le climat qui s'est créé dans le CCI se répercute à l'extérieur. C'est ainsi qu'un de nos camarades qui avait eu le malheur de critiquer dans une réunion publique de cette organisation de telles méthodes (tout en réaffirmant qu'il ne défendait aucunement la Fraction), s'est vu en conséquence signifier la 'rupture de tout lien politique' avec lui. La signification de cette curieuse déclaration est apparue quelques jours plus tard, lorsqu'il s'est fait injurier et bousculer lors d'une vente par un militant du CCI. Nous ne voulons pas accorder une importance démesurée à cet incident, qui est peut-être dû à la surexcitation de militants locaux. Mais il doit être clair que nous n'entendons pas nous laisser dicter les limites de notre critique par quiconque, et par quelques mesures d'intimidation, y compris physiques, que ce soit.
A bon entendeur, salut."
De même que le PCI aurait dû mieux se renseigner avant que d'emboucher les mêmes trompettes que la "fraction", il aurait mieux fait de ne pas croire sur parole ce qu'a pu lui raconter son militant de Toulouse, W., à propos des incidents qui se sont produits entre lui et nos militants.
Une première chose : nous avons toujours et en tous lieux manifesté une attitude fraternelle envers les militants du PCI. Et cela pour la bonne raison que nous considérons que cette organisation, malgré ses erreurs programmatiques, appartient au camp de la classe ouvrière. La réciproque n'a pas toujours été vraie. Ainsi, en 1979, alors que les militants du PCI étaient impliqués dans le soutien du mouvement des résidents des foyers d'immigrés SONACOTRA, il leur est arrivé à plusieurs reprises, dans des rassemblements et des manifestations de rue, de constituer une sorte de "front unique" avec des militants maoïstes de l'UCFML (avec qui ils participaient aux service d'ordre) afin d'empêcher, y compris par la menace physique, les militants du CCI de prendre la parole et de diffuser la presse. C'est vrai qu'à cette époque, le PCI était dominé, notamment en France, par un courant gauchiste et tiers-mondiste qui allait faire scission quelques années plus tard en emportant la caisse et les moyens matériels. Les militants actuels du PCI ont fait la critique de cette tendance tiers-mondiste, mais à notre connaissance ils n'ont jamais condamné le comportement des membres du PCI de l'époque qui avaient empêché, à la grande satisfaction des staliniens de l'UCFML, que s'expriment les positions internationalistes au sein d'une lutte de la classe ouvrière.
Concernant W., membre du PCI à Toulouse et que nous connaissions depuis longtemps, nous avons manifesté à son égard la même attitude fraternelle qu'aux autres membres du PCI lorsqu'il est revenu dans cette ville après plusieurs années d'absence. Nous lui avons proposé d'exposer la presse du PCI dans nos réunions publiques et nous l'avons toujours invité à y prendre la parole. De même, nous avons incité les membres d'un cercle de discussion auquel nous participons d'inviter également le PCI, c'est-à-dire W., pour qu'il puisse y présenter ses positions. Pendant toute une période, d'ailleurs, sa propre attitude à l'égard de nos militants était également cordiale et il était toujours volontaire pour engager avec eux de longues discussions.
C'est depuis le début de cette année que l'attitude de W. a changé complètement :
Malgré la politique d'ouverture que nous menons envers les autres groupes de la Gauche communiste il peut arriver que tel ou tel de nos militants perde son sang froid et commette un dérapage[10] [108]. Cependant, dans ce cas précis, il n'y a pas eu de la part de nos militants ni dérapage, ni "surexcitation" et si quelqu'un a dérapé, et même à de nombreuses reprises, c'est bien le militant du PCI. Nous ne savons pas à quoi il faut attribuer son attitude au cours de la dernière année : est-elle le résultat de la tonalité des discussions au sein du PCI ou plutôt d'une certaine "surexcitation" (suivant les termes du Prolétaire) propre à W. ? [11] [109]
De même, nous considérons comme vraisemblable que W. a donné à son organisation une version des faits différente de celle que nous venons d'exposer. C'est donc la parole de nos militants (et de nos sympathisants) contre celle du militant du PCI. Cependant, nous sommes sûrs de ce que nous avançons et nous pouvons le prouver car la plupart des agissements de W. que nous avons relatés ont eu lieu en présence de plusieurs personnes extérieures au CCI qui pourront témoigner. Nous souhaitons qu'il y ait une confrontation devant les autres militants du PCI entre leur militant W. et nos camarades ainsi que les personnes extérieures au CCI qui ont été témoins des incidents que nous avons évoqués. Nous sommes disposés, si nécessaire, à appeler à la constitution d'une commission spéciale de militants de la Gauche communiste chargée de faire la lumière sur ces faits.
Nous sommes particulièrement déterminés à ce que la vérité soit faite sur cette question car notre organisation est aujourd'hui la cible d'une campagne sans précédent de calomnies de la part d'un petit groupe d'anciens militants, ceux qui constituent la "FICCI", animés par un élément aux comportements troubles et dangereux pour les groupes de la Gauche communiste. Et le plus lamentable, dans cette affaire, c'est qu'un groupe comme le PCI apporte sa contribution, malgré sa volonté affichée de "ne pas prendre parti", à ce type de campagne, notamment en évoquant des incidents dont il est clair qu'il a une connaissance erronée.
D'ailleurs, les effets de l'article du PCI ne se sont pas fait attendre puisque, immédiatement après sa publication, il a été repris sur le site Internet de la FICCI accompagné d'une prise de position où l'on peut lire ce qui suit :
"D'abord nous condamnons l'attitude du CCI actuel et tenons à nous démarquer totalement de ses méthodes présentes. Nous nous solidarisons avec le militant du PCI victime de cette agression. Indépendamment de la réaction de soutien politique que nous apportons aux camarades du PCI, nous ressentons un choc douloureux face à ce nouvel épisode : il en dit long en effet, sur l'état de désarroi et de déboussolement des membres du CCI ; il est significatif de la profondeur de la dérive sectaire qui s'empare aussi rapidement du CCI. (...)
On aurait tort de banaliser cet incident ou de l'analyser comme un malheureux dérapage d'un militant. En effet, il n'est que la dernière illustration d'une dynamique opportuniste et sectaire qui s'est ouvertement développée d'abord au sein du CCI dès le lendemain de son 14e congrès (mai 2001) et de l'explosion ouverte de sa crise organisationnelle, puis publiquement toujours vis-à-vis des membres du CCI qui s'opposaient à cette nouvelle politique, et aujourd'hui vis-à-vis de tout le milieu politique vu comme un ennemi de classe.
(...) nous saluons cet article qui dénonce les mesures bureaucratiques et d'intimidations qui se sont instaurées à l'intérieur du CCI. Ça n'a jamais été l'attitude et les pratiques de Marx ni de Lénine, ni d'aucune organisation prolétarienne."
Nous ne ferons pas de commentaires supplémentaires sur la prose de la FICCI qui est dans la lignée de ses écrits précédents. Nous voudrions juste relever l'insondable hypocrisie de la phrase "nous ressentons un choc douloureux face à ce nouvel épisode". En réalité, l'attitude des membres de la "FICCI" que nous avons croisés quelques jours après la publication de l'article du Prolétaire parle d'elle-même : ce n'est pas la "douleur" qu'on pouvait lire sur leur visage, mais une jubilation ostensible.
Si c'est de façon sincère que les militants du PCI ne souhaitaient pas "prendre parti", on peut donc constater qu'ils ont singulièrement manqué leur coup.
Dans notre communiqué sur l'exclusion de Jonas, nous écrivions, comme on l'a déjà vu plus haut : "ce dont nous sommes sûrs, c'est qu'il (Jonas) représente un danger pour le milieu politique prolétarien". Cette affirmation s'est pleinement confirmée avec la politique manœuvrière que Jonas et sa "fraction" ont menée en direction des groupes de la Gauche communiste. Après avoir refusé de se défendre en faisant appel devant un Jury d'honneur, Jonas s'est servi de sa "fraction" pour tenter de "mouiller" le BIPR et le pousser à participer à la campagne de calomnies contre le CCI. Comme nous l'écrivions dans RI n° 324, la "manœuvre consistant à rendre publique la discussion que la 'fraction' a eue avec le BIPR ne peut que contribuer à discréditer ce dernier au sein du milieu politique prolétarien. Et c'est bien l'objectif que visait Monsieur Jonas : piéger le BIPR et le discréditer tout en semant la zizanie entre les groupes du courant de la Gauche communiste."
Aujourd'hui, c'est au tour du PCI de se laisser enrôler dans la guerre de la "fraction" de Monsieur Jonas contre le CCI. En entraînant les groupes de la Gauche communiste dans ses campagnes contre le CCI, Jonas, avec le soutien de ses fidèles, ne fait que poursuivre à l'extérieur la politique ignoble - une politique parfaitement consciente, délibérée et planifiée -qu'il avait menée à l'intérieur du CCI lorsqu'il avait tenté de semer la suspicion entre les militants pour les monter les uns contre les autres[12] [110].
Les questions restent posées : pourquoi le PCI a-t-il fait preuve d'une telle complaisance envers la prétendue "fraction" ? Pourquoi s'est-il précipité pour publier un article prenant fait et cause pour la "fraction" et portant de graves accusations contre le CCI, sans nous avoir demandé plus de précisions comme nous lui en faisions la proposition dans notre lettre du 6 février 2002 qui se terminait ainsi : "Nous sommes évidemment à votre disposition pour vous donner plus d'éléments sur cette affaire si vous le souhaitez." ? Pourquoi a-t-il cru sur parole son militant de Toulouse et a-t-il fait état publiquement de ses dires sans même nous demander des explications ?
On comprend que la "FICCI", dès qu'elle a pris connaissance de l'article du Prolétaire et sans savoir de quoi il s'agissait, se soit précipitée comme une nuée de vautours pour "se solidariser avec le militant du PCI victime de cette agression" et pour conclure que cet incident était "la dernière illustration d'une dynamique opportuniste et sectaire qui s'est ouvertement développée d'abord au sein du CCI… et aujourd'hui vis-à-vis de tout le milieu politique vu comme un ennemi de classe." Pour Jonas et ses acolytes, tout ce qui peut jeter la boue sur le CCI est bon à prendre.
Mais qu'en est-il pour le PCI ?
Faut-il penser que cette organisation a été sensible aux campagnes de séduction que la "FICCI" a lancées en direction des groupes de la Gauche communiste afin de "se les mettre dans la poche" contre le CCI ?
De ce type de campagne, plusieurs militants du PCI ont pu être témoins lors de la réunion de lecteurs tenue par cette organisation le 28 septembre à Paris. Dans cette réunion consacrée à la question palestinienne, un militant du PCI a commencé par présenter la position classique de son organisation (qu'on peut retrouver dans un long article du Prolétaire n° 463, "Aux prolétaires israéliens, Aux prolétaires palestiniens, Aux prolétaires d'Europe et d'Amérique"). Les militants du CCI présents ont à leur tour présenté leur propre position critiquant celle du PCI. Et c'est justement au cours d'une intervention d'un de nos camarades, que la représentante de la "FICCI", Sarah, lui a coupé la parole à deux reprises pour dire en substance "mais ce n'est pas ce que dit le PCI", à quoi notre camarade a répondu, à deux reprises, que le PCI était assez grand pour rectifier lui-même si c'était nécessaire. En revanche, elle n'a à aucun moment pris la parole pour défendre la position du CCI sur la question nationale et coloniale (dont pourtant la "FICCI" continue de se réclamer). Ce n'est qu'à la fin de la réunion, et après un coup de chapeau à la présentation faite par le PCI sur la question palestinienne (même si elle admettait du bout des lèvres qu'il y ait des désaccords), que Sarah a fait une intervention, mais sur un sujet qui n'était pas directement à l'ordre du jour : la situation en Argentine. Et cette intervention était consacrée à dénoncer avec véhémence "l'indifférentisme" du CCI à propos des mouvements qui s'étaient produits dans ce pays à la fin 2001. Il faut d'ailleurs noter qu'elle n'a pas dit un mot de critique sur l'article publié dans Le Prolétaire n° 460 ("Les cacerolazos ont pu renverser les présidents, Pour combattre le capitalisme, il faut la lutte ouvrière") qui présente pourtant une analyse très proche de la nôtre (voir "Argentine, Une manifestation de la faillite du capitalisme", RI n° 319). La référence à "l'indifférentisme" du CCI était évidemment une grosse ficelle puisque c'est ainsi que le PCI qualifie souvent notre position sur la question nationale.
Sincèrement, les manœuvres de séduction de la part de Sarah étaient si grossières et empreintes d'une telle démagogie que nous avons peine à croire qu'elles aient pu avoir un impact sur les militants du PCI. Un militant communiste sérieux n'est pas comme le Corbeau sur son arbre et lorsqu'on vient le flatter comme l'a fait, tel le Renard de la fable, la représentante de la "FICCI", sa réaction normale doit être plutôt le scepticisme et la prudence pour ne pas lâcher son fromage au premier parasite venu !
C'est pour cela qu'il existe sûrement d'autres causes à la bienveillance manifestée par le PCI envers la "FICCI". Une de ces causes est peut-être que les militants du PCI, traumatisés par le régime interne qui existait par le passé dans l'organisation bordiguiste où le "monolithisme" était la règle officielle, ont tendance à prendre spontanément le parti de ceux qui se présentent comme "opprimés par les méthodes staliniennes du CCI", sans chercher à en savoir plus. En fait, leur réaction serait un peu sur le même modèle que celle des conseillistes qui, parce que les partis communistes sont devenus à un moment donné des ennemis du prolétariat, en déduisent que tout parti est destiné à trahir celui-ci et qu'il faut donc rejeter par principe toute tentative de constituer un parti révolutionnaire.
Mais il existe probablement une autre raison, plus fondamentale, à la démarche du PCI. Celui-ci, comme tous les autres PCI (Programma et Il Partito) considère qu'il est LE Parti, tous les autres groupes du courant de la Gauche communiste n'étant que des usurpateurs. La conception bordiguiste, contrairement à celle du CCI et de la Gauche italienne de la période de Bilan, considère qu'il ne peut exister qu'une seule organisation révolutionnaire au monde. La conséquence logique de cette vision est de renvoyer dos à dos le CCI et la "fraction" qui officiellement défendent la même position. C'est d'ailleurs ce que prétend faire le PCI dans son article. Mais s'il prend en réalité parti pour la "fraction", comme on l'a vu, c'est que la conception du "PCI seul au monde" conduit à la vision que les seuls rapports pouvant exister entre deux organisations se réclament de la Gauche communiste sont des rapports de rivalité et de concurrence. De ce fait, on aboutit à l'idée que tout ce qui peut discréditer les autres organisations est positif puisque cela "fait de la place" pour sa propre organisation. Si la "FICCI" peut créer des ennuis au CCI, considéré par le PCI comme un concurrent, et le discréditer, c'est bon à prendre. Telle est probablement la logique, même si elle n'est pas totalement consciente, qui explique l'accès spontané de sympathie qu'à provoqué la "FICCI" auprès des militants du PCI.
En 1978, lorsque le PCI avait été invité à participer à la deuxième conférence des groupes de la Gauche communiste, il avait annoncé son refus par un article publié dans Programma Comunista[13] [111] sous le titre élégant de "La lutte entre Fottenti et Fottuti" (littéralement, entre "enculeurs et "enculés"). Pour le PCI, cette conférence n'avait d'autre signification que de permettre à chacun des groupes d'essayer de "baiser" les autres. Voilà la vision qu'avait cette organisation des rapports entre groupes de la Gauche communiste.
Le PCI d'aujourd'hui ne tient plus ce même langage et il a fait la critique de certaines de ses erreurs passées. Cependant, nous pensons qu'il lui reste encore un effort à faire pour se dégager totalement de la logique des "fottenti" et "fottuti" sachant que, jusqu'à présent, il n'a jamais fait la moindre critique de cette conception exprimée par le peu glorieux article de Programma Comunista.
En tout cas, même si le PCI n'avait pas l'intention d'être le "fottento" du CCI, ce qui est sûr c'est qu'il est bien parti pour être le "fottuto" de Jonas et de sa "fraction" !
CCI (21 octobre 2002)
[1] [112] Il s'agit du PCI qui publie en Italie Il Comunista à ne pas confondre avec le PCI qui publie dans ce pays Il Programma Comunista et les Cahiers internationalistes en France ni avec le PCI qui publie Il Partito Comunista et La Gauche Communiste, chacun de ces trois PCI se désignant comme le véritable représentant du courant de la Gauche communiste d'Italie animé par Amadeo Bordiga après la seconde guerre mondiale.
[2] [113] Voir à ce propos nos articles "Le combat pour la défense des principes de fonctionnement de l'organisation", "Le combat pour la défense des principes du mouvement ouvrier" et "Un groupe parasitaire qui sert admirablement la bourgeoisie" respectivement dans Révolution internationale n° 323 [114], 324 [115] et 326 [116] ainsi que "Le combat pour la défense des principes organisationnels [117]" dans la Revue internationale n° 110.
[3] [118] Voir à ce sujet notre article "Le combat des organisations révolutionnaires contre la provocation et la calomnie" dans RI n° 321 [119].
[4] [120] Malgré cette lettre, la FICCI a le culot d'écrire dans son Bulletin n°13 : "nous voulons affirmer que pour notre part, nous n'avons jamais demandé à personne de prendre parti entre le CCI et la Fraction". C'est un nouveau mensonge éhonté de la "FICCI" bien dans la tradition de ce regroupement qui semble avoir fait sienne la devise de Goebbels, chef de la propagande nazie : "Un mensonge mille fois répété devient une vérité".
[5] [121] BIPR (Bureau International pour le Parti Révolutionnaire - www.ibrp.org [122]) : groupe se revendiquant de la Gauche communiste italienne constitué par le Partito Comunista Internazionalista en Italie et la Communist Workers' Organisation en Angleterre.
[6] [123] Il faut noter que ces attaques étaient portées essentiellement de façon verbale par les militants du PCI et qu'on en trouve très peu d'exemples dans ses publications. En effet, à cette époque, alors que le PCI représentait à l'échelle internationale l'organisation la plus importante se réclamant de la Gauche communiste et qu'il affichait un dédain transcendantal à l'égard du CCI, sa presse ne daignait pas polémiquer avec la nôtre, sinon de façon exceptionnelle. Ce n'est plus le cas aujourd'hui, ce qu'évidemment nous saluons, sauf lorsque cette polémique se base sur des rumeurs infondées et non sur des réalités.
[7] [124] Néanmoins, les camarades du PCI semblent toujours se revendiquer de ce "monolithisme" conduisant à exclure les "dissidents". C'est bien ce dont témoigne ce passage de l'article que Le Prolétaire a publié récemment, "En mémoire de Suzanne Voute" :
"Marginalisée dans le Parti, Suzanne cessa dès lors sa participation à la presse et aux organes centraux. De plus en plus réticente à l'activité qui était menée, elle bascula dans l'opposition ouverte à la fin des années soixante dix, quand commencèrent à se manifester les premiers signes d'une nouvelle crise politique, en accusant le Parti d'être tombé dans l'activisme et la direction de se faire l'agent d'influences opportunistes. Les divergences étaient telles qu'elles poussèrent Suzanne et les camarades qui la suivaient à constituer une sorte de groupe fractionniste à l'intérieur du Parti. L'impossibilité du travail en commun et la volonté de sa part et des militants qui partageaient ses orientations de ne pas quitter l'organisation en dépit de la rupture politique advenue dans les faits, conduisirent à la décision de les exclure en 1981." (Le Prolétaire n° 461, mars-avril 2002). Nous voulons relever ici que, aux dires même du Prolétaire, l'exclusion de Suzanne Voute était basée sur le fait qu'elle exprimait des désaccords avec l'orientation du PCI à cette époque et non sur ses comportements au sein de l'organisation. Le Prolétaire pourrait d'ailleurs nous dire si Suzanne, par exemple, racontait dans les couloirs ou à l'extérieur que tel militant du PCI était un "flic", etc. Pour ce qui concerne le CCI, les seules exclusions qu'il ait prononcées faisaient suite à la mise en évidence de "comportements indignes d'un militant communiste" (Chénier en 1981, Simon en 1995, Jonas au début 2002). Pour ce qui concerne l'exclusion de Jonas, la seule que nous ayons prononcée dernièrement (puisque, contrairement à ce qu'ils racontent, les autres membres de la "fraction" n'ont pas été exclus), le critère retenu n'avait rien à voir avec des "divergences politiques" qu'il n'a d'ailleurs jamais exprimées, mais sur le fait, comme c'est dit plus haut, qu'il avait "adopté des comportements dignes de ceux d'un agent provocateur".
[8] [125] Il faut mesurer la gravité d'une telle accusation contre des militants communistes, surtout après les campagnes orchestrées par la bourgeoisie assimilant la Gauche communiste qui a refusé de marcher dans l'antifascisme au cours de la seconde guerre mondiale aux écoles "révisionnistes" qui remettent en cause l'extermination des juifs par les nazis et alimentent la propagande de l'extrême droite. Lorsque le PCI avait subi, il y a quelques années, une attaque sur ce thème (du fait qu'il avait publié l'excellente brochure "Auschwitz ou le grand alibi"), nous lui avions apporté, évidemment, notre pleine solidarité.
[9] [126] A Toulouse, depuis l'explosion de l'AZF l'an dernier, il est extrêmement difficile de trouver des salles de réunion.
[10] [127] Ainsi, lors de la fête de Lutte Ouvrière du printemps 2000, un de nos militants, Juan, aujourd'hui membre éminent de la "fraction", s'était montré très agressif (et de plus publiquement sous les yeux des militants de LO qui assistaient au "spectacle"), envers un vieux camarade qui voulait quitter notre organisation avec la perspective d'intégrer le BIPR. Nous lui avions demandé de se calmer et par la suite nous avons fait la critique de son comportement inadmissible. En même temps, nous avions fait nos excuses au camarade qui avait été rudoyé et qui estimait que le comportement agressif de Juan traduisait un certain "sectarisme" de notre part envers le BIPR. C'est d'ailleurs le même Juan qui s'est jeté rageusement sur l'un de nos camarades et lui a donné un coup de pied lorsqu'une délégation du CCI s'est présentée chez un membre de la "fraction" pour faire l'inventaire des documents appartenant au CCI qui étaient entreposés chez lui. Cette agression physique envers notre militant a fait suite à une provocation de Jonas. En effet, alors qu'il n'avait pas à participer à cet inventaire, Jonas était présent (à notre grande surprise !) et prenait ostensiblement des notes de la discussion entre nos camarades et les membres de la FICCI. C'est après que l'un de nos camarades ait pris des mains de Jonas (sans même effleurer celui-ci) le bout de papier sur lequel il écrivait que Juan s'est violemment jeté sur notre militant.
[11] [128] A l'appui de cette hypothèse, il y a notamment son obsession, sans le début d'une preuve, sur le prétendu "antisémitisme" de certains de nos militants et les insultes grossières qu'il adresse à nos militants et sympathisants.
[12] [129] D'ailleurs, comme par hasard, c'est après la publication de cet article du Prolétaire, que Jonas est enfin sorti de l'ombre, comme en témoigne le fait qu'il a trouvé l'audace de signer une "contribution" (sur les élections en Allemagne) publiée sur le site Internet de la FICCI (alors que pendant les trois décennies qu'il a passées dans le CCI, il n'a JAMAIS fait la moindre contribution écrite aux débats). Convaincu qu'il a maintenant des "alliés" parmi les groupes de la Gauche communiste, l'éminence grise de la FICCI peut désormais se donner une respectabilité en faisant sa première apparition "publique" à travers cet article (même s'il reste confortablement installé dans ses pantoufles et préfère envoyer ses amis de la FICCI aux permanences du PCI). Pour notre part, nous continuons à exiger que Jonas fasse appel à un Jury d'honneur. Tant qu'un tel jury n'aura pas statué sur son cas, nous estimons que cet individu n'a aucun droit de cité dans le milieu politique prolétarien.
[13] [130] Qui était son journal en Italie avant la scission entre Il Comunista et Programma.
La presse s'est récemment fait
l'écho de prétendus bouleversements du système de l'échange, en particulier en
Argentine où pendant des mois il n'était plus possible de retirer des pesos et
plus généralement de l'argent dans les banques."En Argentine, le troc est devenu un moyen de survie face à la crise
économique. Ils sont plus de 6 millions, près du quart de la population à s'y
adonner et à participer ainsi à une véritable économie parallèle. Un essor
exceptionnel qui accompagne celui du chômage et de la pauvreté." (Libération du 22 août 2002) D'après cet
article,"il existe à présent 8 000
clubs (de troc) dans le pays. Le premier d'entre eux est né en 1995, dans la
banlieue de Buenos Aires, à l'initiative d'une dizaine de personnes (...) La
vitesse avec laquelle (cette expérience) se développe en Argentine est sans
précédent." En quoi consiste ce "troc" ? "Pour faciliter les échanges, les membres
peuvent échanger des biens contre des creditos, une monnaie officieuse qui se
présente sous forme de coupons d'une à cinquante unités. On peut s'en servir
pour acheter des biens ou se procurer des services, s'offrir des leçons
d'anglais, des consultations de médecins ou d'avocats."
Que signifie ce "retour au troc" ? Le
troc direct peut-il exister dans la société actuelle ? Non, car le troc
véritable ne correspond qu'à une forme ancestrale, à une forme primitive de la
production et de l'échange. Marx soulignait que "le troc direct qui est la
forme primitive de l'échange représente plutôt le début de la transformation
des valeurs d'usage en marchandises que celle des marchandises en argent. C'est
seulement lorsqu'elles dépassent la quantité exigée pour la consommation que
les valeurs d'usage deviennent des moyens d'échange(...) ; l'extension
progressive du troc, la multiplication des échanges et la diversification des
marchandises échangées font évoluer la marchandise vers la valeur d'échange,
poussent à la création de la monnaie et exercent par-là une action dissolvante
sur le troc direct." (Critique de l'Economie politique, Editions La Pléiade, Œuvres économiques, vol 1,
p.302)
Ces temps définitivement révolus correspondent historiquement à la première
manifestation de la nécessité vitale pour les sociétés humaines de surmonter
leur état de dépendance envers les forces de la nature, la pénurie
conditionnant leur soumission aux lois de l'économie. Cette première étape vers
la division du travail et vers l'apparition des sociétés de classes constituait
déjà le début de la privation, de l'aliénation des produits du travail social.
Marx écrivait :"L'échange ou le troc
est l'acte social, l'acte générique, la communauté, le commerce social et
l'intégration des hommes au sein de la propriété privée. C'est un rapport
aliéné. C'est pourquoi il apparaît comme troc et il est à la vérité le
contraire du rapport social." (Manuscrits de 1844, Economie et
philosophie, Œuvres, Editions La Pléiade
vol. 2, p. 25). Marx établit qu'il s'agit d'une première ébauche de la
dépossession de l'homme de ses outils et de sa production matérielle :"de même que l'échange des produits de
l'activité humaine apparaît comme troc ou trafic, de même l'intégration
réciproque et l'échange de l'activité humaine apparaissent comme division du
travail qui change l'homme en un être abstrait, en une machine-outil pour le
réduire en un monstre physique et intellectuel." (Manuscrits de 1844,
p. 27) C'est pourquoi il n'y a aucun idyllisme à avoir par rapport à cette
phase nécessairement transitoire, produit d'un certain stade de la division du
travail, qu'ont pu exprimer à un moment historiquement déterminé et
irrémédiablement dépassé les communautés primitives.
La presse bourgeoise est d'ailleurs contrainte de reconnaître une telle partie de la réalité qui crève les yeux : "le mot 'troc' souvent employé, séduit par son côté archaïque évoquant l'achat direct d'une tranche de jambon contre une coupe de cheveu. (…) Mais il ne faut pas s'y tromper : le crédito, destiné à organiser ce troc à grande échelle est avant tout une monnaie, tout comme l'euro ou le dollar.(...) Plus de 200 millions de coupures de 'creditos' du réseau sont en circulation, soit 80 % des monnaies existant en Argentine (…) Monnaie privée, parallèle, alternative, l'image d'expériences de plus en plus nombreuses menées partout dans le monde depuis une quinzaine d'années, de Toulouse à l'Australie, en passant par l'Angleterre (…) Ainsi, en Angleterre, les LETS (local exchange trading systeme) se sont fortement développés dans les quartiers pauvres de Manchester ou Liverpool. (…) A chaque fois, le principe est le même : une communauté, plus ou moins étendue géographiquement, crée sa propre unité de compte pour échanger hors du circuit marchand classique, avec sa banque centrale, ses impôts et sa circulation monétaire. L'exemple le plus connu est celui des SEL (systèmes d'échange local), un modèle né à Vancouver, au Canada en 1983. En France, le premier est apparu en 1994. Aujourd'hui, le site Internet Selidaire en recense plus de 300 avec 25.000 membres."
Cependant, il n'en fallait pas plus pour qu'un certain nombre d'adeptes de la "lutte contre la mondialisation" se jettent sur ce "nouveau phénomène de société"en prônant cette forme d'échange qui permet "une certaine redistribution des richesses pour les plus démunis", semant ainsi un certain nombre de vieilles illusions sur la possibilité de transformer la répartition des richesses en agissant sur la monnaie. Ainsi, au Forum social mondial qui s'est tenu précisément à Buenos Aires le 22 août dernier (inspiré par les forums de Porto Alegre) et qui a accueilli plus de 400 ONG (dont Médecins du Monde, Greenpeace, Amnesty International) et 500 délégations étrangères issues du "mouvement citoyen" dont Attac, ce système a été présenté comme "un moyen de contester le système économique libéral", "un défi à la globalisation" et une "alternative possible au capitalisme". On nage là en pleine idéologie mensongère et mystificatrice.
Ainsi, dans une interview au journal Libération, un zélé propagandiste du modèle argentin du troc se targue d'avoir contribué à créer "une monnaie qui serve exclusivement à échanger et non pas à spéculer". Ces vantardises ne sont que des élucubrations qui ont été dénoncées et balayées il y a près d'un siècle et demi par Marx dès qu'il a amorcé l'étude du capital et la critique de l'économie politique.
Pour démontrer l'inanité de tels propos, il faut d'abord comprendre de quel processus est issue la monnaie en revenant à la démarche et à la méthode de Marx lui-même. “Un produit est d'abord le produit d'une activité humaine, d'un travail humain. Dès qu'il se présente sous la forme d'une marchandise à échanger contre une autre, il revêt une valeur d'échange. Et la valeur d'échange de cette marchandise est déterminée par la quantité de travail nécessaire pour la produire. Sa valeur est liée au temps de travail matérialisé, cristallisé en elle (y compris dans la fabrication de l'outil ou de la machine nécessaire à sa production). Marx ajoute que "la valeur d'échange de la marchandise, forme d'existence autonome à côté de la marchandise, c'est la monnaie (...) forme à laquelle se réduisent toutes les marchandises et se dissolvent : l'équivalent général"(Fondements de la Critique de l'Economie politique "Grundrisse", vol 1, p.129, Ed 10/18). Il est donc fondamental de rappeler que "le rapport selon lequel telle marchandise s'échange contre de l'argent, autrement dit, la somme d'argent nécessaire à l'échange d'une certaine quantité de marchandise, est déterminé par le temps de travail matérialisé en elle" (Ibid , p. 157). La monnaie représente ainsi deux choses : d'une part, elle est une marchandise comme une autre, d'autre part elle sert d'équivalent général dans l'échange, c'est-à-dire que la monnaie sert d'équivalent à la valeur du temps de travail contenu dans toute marchandise. De ce fait, la monnaie acquiert une valeur particulière, indépendante mais en même temps elle est étroitement liée aux autres marchandises et au temps de travail qu'elle matérialise. La monnaie constitue ainsi une base essentielle et indispensable du développement de l’échange, de l'achat, de la vente des biens et des services, bref du commerce marchand. Parce qu'elle a cette double dimension contradictoire, qu'elle est à la fois une marchandise qui peut être stockée et thésaurisée pour elle-même comme une autre marchandise et parce qu'elle constitue en même temps la mesure de l'échange, la monnaie devient rapidement un objet autonome de commerce (développement des prêts, de l'usure, des banques, du capital financier en général). La monnaie se trouve au cœur de l'échange : avoir plus de monnaie, c'est pouvoir acquérir davantage de marchandises, mais c'est aussi la base de l'accumulation du profit et de la réalisation de la plus-value à travers l'exploitation de la force de travail et le salariat. C'est pourquoi la monnaie est par excellence objet de spéculation.
Par conséquent, le projet d'une monnaie qui serve à échanger et non pas à spéculer est une pure fumisterie idéologique, de la vulgaire poudre aux yeux.
Une des conclusions et des conséquences de cette analyse marxiste, c'est que, du fait que "la valeur d'échange du produit crée donc l'argent à côté du produit, il est impossible d'abolir les implications et les contradictions résultant de l'existence de l'argent à côté des marchandises particulières, en modifiant simplement la forme de l'argent." (Grundrisse, p. 135)
Comme Marx écrivait dans les Grundrisse que "l'anatomie de l'homme donne la clé de l'anatomie du singe" (p. 67), on pourrait dire que la généralisation de la monnaie de singe, caractéristique des délires du marché capitaliste actuel en crise permanente (développement effréné des actions, de la Bourse, de la "nouvelle économie" et de ce qu'on peut appeler une "économie de casino") donne la clé du rôle spéculatif de la monnaie.
A l'époque Marx raillait impitoyablement un
certain Darrimon et les proudhoniens qui imaginaient qu'il suffisait de prendre
un autre équivalent général que l'or ou l'argent dans l'échange pour réguler le
marché financier ou pour redistribuer les richesses[1] [132] :
"Nous touchons ici à la question
fondamentale : (...) en termes généraux, elle se pose ainsi : est-il possible
de révolutionner les rapports de production et de distribution existants en
transformant l'instrument et l'organisation de la circulation ? En outre,
est-il possible de réaliser une telle transformation de la circulation sans
toucher aux conditions de production établis et aux rapports sociaux qui en
découlent ?" (Grundrisse p.
95). Et Marx établit qu'à partir du moment où l'homme est devenu marchandise en
étant contraint de vendre sa force de travail, c'est-à-dire ce qui constitue la
spécificité universelle de la société capitaliste entièrement vouée au profit,
il existe "la possibilité d'échanger
n'importe quel produit, activité et rapport contre autre chose qui peut
s'échanger à son tour contre n'importe quoi, sans distinction aucune ;
autrement dit, le développement de la valeur d'échange et des rapports
monétaires correspond à une vénalité et une corruption générales. La
prostitution générale -ou si l'on veut s'exprimer plus poliment : le principe
général d'utilité- est une phase nécessaire de l'évolution générale des
dispositions, facultés et capacités humaines" (Grundrisse, p. 164).
Marx démontrait alors que "tant
qu'elle reste une forme de l'argent et tant que l'argent reste un rapport
essentiel de la production, aucune de ces formes ne peut abolir les
contradictions inhérentes au rapport monétaire lui-même : elle ne peut que les
reproduire sous une forme ou sous une autre." (Grundrisse p. 56)
Non seulement, il n'est pas possible d'échapper aux lois générales du marché : "du fait que le produit du travail et le travail lui-même sont soumis à l'échange, (...) comme la monnaie s'introduit dans l'échange, je suis obligé d'échanger mon produit contre la valeur d'échange générale ou contre l'objet dont l'échangibilité est universelle, ainsi mon produit tombe sous la dépendance du commerce général et se trouve arraché à ses limites locales" (Grundrisse Trad. La Pléiade, vol. 2, p. 202) mais il est illusoire de croire qu'il suffit d'agir sur la monnaie, ou bien sa circulation ou encore qu'il suffit de changer d'équivalent général permettant l'échange, qu'on remette en cause l'or, l'argent, le dollar ou le peso, pour abolir ou réformer les rapports marchands, comme pour redistribuer les richesses sociales.
Une telle vision ne saurait être que totalement idéaliste parce que "pas plus que l'Etat, la monnaie n'est le fruit d'une convention, car elle surgit spontanément de l'échange dont elle est le produit" (Grundrisse, 10/18, p. 168). Et cette illusion rejoint la vision idéologique bourgeoise des économistes à laquelle Marx s'en prend dès son Introduction aux Grundrisse : "Les économistes prétendent que la production, par rapport à la distribution est soumise à des lois éternelles de la nature indépendantes de l'histoire : bonne occasion pour insinuer que les rapports bourgeois sont des lois naturelles et indestructibles de la société conçue in abstracto.Dans la distribution en revanche les hommes pourraient se permettre toutes sortes de fantaisies. C'est introduire une coupure brutale entre la production et la distribution et leur rapport réel (...) or, un produit ne devient réellement produit que dans la consommation qui crée à son tour, anime la production parce qu'elle crée le besoin d'une production nouvelle et que sans besoin, nulle production. C'est ainsi que la consommation représente un élément de la production."(p. 37)
En fait Marx explique que "la circulation proprement dite, ce n'est qu'un moment déterminé de l'échange, ou bien, c'est l'échange considéré dans son ensemble (...) mais il n'y a pas d'échange sans division du travail, l'échange privé implique la production privée et l'intensité comme l'extension de l'échange et sa structure sont déterminées par le développement et l'organisation de la production. La production englobe et détermine directement l'échange sous toutes ses formes."
Aujourd'hui, le pseudo-troc qui nous est présenté comme un modèle par certains n'est que la caricature parfaitement réactionnaire d'un prétendu retour aux temps précapitalistes, cette "forme" est de fait parfaitement intégrée aux rapports capitalistes actuels avec l'illusion anarchisante de petites communautés fédéralistes fonctionnant en autarcie. D'ailleurs, les médias bourgeois sont bien obligés de reconnaître d'emblée que "ces monnaies ne sont pas à l'abri des faux-monnayeurs, comme c'est déjà le cas en Argentine, des détournements de fonds par les gestionnaires de l'unité de compte ou autres dérapages. "Dès que ce simili troc s'affirme, il se fond dans les lois du marché mondial qui signifie une adaptation résignée à une pauvreté généralisée."(En Argentine), des 'créditos' falsifiés se répandent dans les pays. Parfaitement imités, ils sont couramment acceptés dans les clubs. La confiance, clé du système, est ébranlée." Et la loi du profit capitaliste comme l'ensemble de ses mécanismes s'y illustrent de manière éclatante. Dans certains clubs de Buenos Aires, les prix flambent. D'un endroit à l'autre, le prix du litre d'huile peut varier de 15 à 1000 'creditos'.
De fait, la prétendue "nouvelle économie parallèle" n'est qu'une forme particulière du vulgaire "marché noir" qui prospère particulièrement en temps de guerre ou aux plus beaux jours des régimes staliniens, mais qui est un phénomène général, indissociable du capitalisme d'Etat, forme de domination universelle du capitalisme décadent. Aujourd'hui elle est un produit d'un système en crise permanente qui signifie que le développement des forces productives est en contradiction ouverte et permanente avec les rapports de production capitalistes depuis près d'un siècle. C'est non seulement une belle mystification mais un vrai révélateur de la faillite du capitalisme et de l'impossibilité de le réformer ou de l'aménager. Face à cette faillite, pour abolir la pauvreté et le chômage auxquels le capitalisme réduit une partie croissante de l'humanité, il est nécessaire de détruire de fond en comble ce système d'exploitation et d'anéantir le salariat et ses rapports de production. La classe ouvrière est la seule classe ayant la responsabilité historique et la capacité d'affirmer comme de réaliser cette perspective permettant la libération des forces productives accumulées au cours des siècles du carcan dans lequel les enferme le capitalisme décadent. De son émancipation dépendent le sort et l'émancipation de toute l'humanité. Son programme ne peut être que l'édification d'un nouveau type de société, le communisme, basé non sur le profit et l'exploitation mais sur la satisfaction des besoins de chacun au sein de la collectivité et permettant le plein épanouissement des ressources et des activités humaines.
Wim (23 octobre)[1] [133] Si l'or a longtemps servi d'équivalent général de référence du fait de sa valeur comme métal, il est significatif que les Etats-Unis aient pu imposer le dollar comme valeur monétaire d'échange sur le commerce mondialisé lors des accords de Brettons Wood en 1972, concrétisant ainsi leur domination économique mais aussi impérialiste. De même, la reconnaissance générale du papier-monnaie, puis des chèques et aujourd'hui des cartes de crédit démontre que la forme de l'argent est tout à fait secondaire et ne change rien aux rapports de production capitalistes.
Depuis la fin des années 1980, le terrorisme occupe régulièrement la une de l’actualité internationale. Pour la bourgeoisie des grandes puissances, il est devenu” l’ennemi public numéro un”. Et c’est au nom de la lutte contre la barbarie du terrorisme que les deux principales puissances qui étaient à la tête des blocs de l’Ouest et de l’Est, les États-unis et la Russie, ont déchaîné la guerre en Afghanistan et en Tchétchénie.
De façon générale, le terrorisme se définit comme l’action violente de petites minorités en révolte contre la domination écrasante de l’ordre social existant et de son État. Ce n’eut pas un phénomène nouveau dans l’histoire. Ainsi, à la fin du 19e siècle, les populistes russes avaient fait du terrorisme un instrument de premier plan de leur combat contre la domination du tsarisme. Peu après, dans des pays comme la France et l’Espagne par exemple, il avait été repris à leur compte par certains secteurs de l’anarchisme. Tout au long du 20e siècle, le terrorisme a continué à se développer et a notamment accompagné de façon assez fréquente les mouvements d’indépendance nationale, comme on a pu le voir avec l’IRA irlandaise, I’ETA du Pays basque, le FLN pendant la guerre d’Algérie, l’OLP palestinienne, etc. Il a même été utilisé au lendemain de la seconde guerre mondiale par certains secteurs du mouvement sioniste en vue de la constitution de l’État d’Israël (Menahem Begin, un des plus célèbres premiers ministres d’Israël -et signataire des accords de Camp David en 1979- avait été dans sa jeunesse un des fondateurs de l’Irgoun, groupe terroriste juif qui s’était illustré par ses attentats contre les anglais).
Ainsi, le terrorisme, non seulement a pu se présenter (surtout à la fin du 19e et au début du 20e siècle) comme un moyen de la lutte des opprimés contre la domination de l’État, mais il a constitué (principalement au 20e siècle) un instrument de premier choix de certains mouvements nationalistes en vue de la constitution de nouveaux États. Il est clair qu’il ne peut rien exister de commun entre ces dernières formes de terrorisme et la lutte du prolétariat puisque celle-ci, qui est par essence internationaliste, n’a pas pour vocation de participer à la création de ces institutions bourgeoises que sont les États nationaux.
Qu’en est-il cependant de l’utilisation d’actes de terrorisme pour mener le combat contre l’État bourgeois? La question vaut d’être posée puisque, aussi bien certains mouvements anarchistes qui affirmaient lutter pour l’émancipation de la classe ouvrière, que, plus récemment, des groupes se réclamant de la révolution communiste ont revendiqué le terrorisme comme arme du combat de la classe ouvrière et ont pu, de ce fait entraîner derrière eux des groupes d’ouvriers sincères. Ce fut notamment le cas, au cours des années 1970, des Brigades Rouges en Italie.
En réalité ce terrain de la violence et de la lutte armée minoritaire, n’est pas celui de la classe ouvrière. C’est celui de la petite bourgeoisie désespérée, c’est-à-dire d’une classe sans devenir historique qui ne peut jamais s’élever à des actions de masse et qui est l’émanation de volontés individuelles et non de l’action généralisée d’une classe révolutionnaire. En ce sens, le terrorisme ne peut rester que sur un plan individualiste. “Son action n’est plus dirigée contre la société capitaliste et ses institutions, mais seulement contre des individualités (ou des symboles, telles les Tours jumelles, symbole de la puissance économique des États-Unis) représentatives de cette société. Il prend donc inévitablement l’aspect d’un règlement de compte, d’une vengeance, d’une vendetta, de personne à personne et non celui d’un affronte ment révolutionnaire de classe contre classe. D’une façon générale, le terrorisme tourne le dos à la révolution qui ne peut être que l’oeuvre d’une classe déterminée, engageant de larges mas ses dans une lutte ouverte et frontale contre l’ordre existant et pour la transformation sociale”. (Revue Internationale n° 15, “Terrorisme, terreur et violence de classe”).
Ainsi, le prolétariat ne peut jamais développer sa lutte contre le capitalisme à travers les méthodes conspiratives et individualistes propres au terrorisme. Le terrorisme, comme pratique, reflète parfaitement son contenu: quand il n’est pas un instrument de certains secteurs de la bourgeoisie elle-même, il est l’émanation des couches petites-bourgeoises. Il est la pratique stérile des couches sociales impuissantes et sans devenir.
De tous temps la classe dominante a utilisé le terrorisme comme instrument de manipulation, aussi bien contre la classe ouvrière que dans ses propres règlements de comptes internes.
Du fait que le terrorisme est une action qui se prépare dans l’ombre de la petite conspiration, il offre ainsi “un terrain de prédilection aux manigances des agents de la police et de l’État et en général à toutes sortes de manipulations et d’intrigues les plus insolites”. (Revue Internationale n° 15).
Déjà au siècle dernier, les actions terroristes des anarchistes avaient été utilisées par la bourgeoisie pour renforcer sa terreur d’État contre la classe ouvrière. On peut rappeler par exemple les “lois scélérates” votées par la bourgeoisie française suite à l’attentat terroriste de l’anarchiste Auguste Vaillant qui, le 9 décembre 1893, avait lancé une bombe dans l’hémicycle de la Chambre des Députés, faisant une quarantaine de blessés. Cet attentat avait été manipulé par l’État lui-même. En effet, Vaillant avait été contacté par un agent du Ministère de l’Intérieur qui, s’étant fait passer pour un anarchiste, lui avait prêté de l’argent et expliqué comment fabriquer une bombe artisanale (avec une marmite et des clous) à la fois fracassante et pas trop meurtrière[1] [135]. Dans la mesure où l’aile gauche de la bourgeoisie (notamment les radicaux) aiguillonnée par le groupe socialiste, représenté au Parlement et dirigé par Jaurès, se serait inévitablement opposé aux restrictions du droit d’association, les secteurs les plus réactionnaires de la bourgeoisie devaient contourner, avec un incroyable machiavélisme, les règles de la démocratie parlementaire pour faire adopter des mesures contre la classe ouvrière. L’attentat d’Auguste Vaillant avait ainsi servi de prétexte à la classe dominante pour faire voter immédiatement des mesures d’exception contre les socialistes réprimant la liberté d’association et de la presse.
De même, dans les années 1970, les gigantesques campagnes anti-terroristes orchestrées par la bourgeoisie suite aux affaires Schleyer en Allemagne et Aldo Moro en Italie ont servi de prétexte à l’État pour renforcer son appareil de contrôle et de répression contre la classe ouvrière.
Il a été démontré par la suite que la bande à Baader et les Brigades Rouges avaient été infiltrées respectivement par les services secrets de l’Allemagne de l’Est, la Stasi, et les services secrets de l’État italien. Ces groupuscules terroristes n’étaient en réalité rien d’autre que les instruments des rivalités entre cliques bourgeoises.
L’enlèvement d’Aldo Moro par un commando d’une efficacité militaire et son assassinat le 9 mai 1978 (après que le gouvernement italien ait refusé de négocier sa libération) n’étaient pas l’oeuvre de quelques terroristes illuminés. Derrière l’action des Brigades Rouges, il y avait des enjeux politiques impliquant non seulement l’État italien lui-même mais aussi les grandes puissances. En effet, Aldo Moro représentait une fraction de la bourgeoisie italienne favorable à l’entrée du PC dans la majorité gouvernementale, option à la quelle s’étaient fermement opposés les États-Unis. Les Brigades Rouges partageaient cette opposition à la politique du “compromis historique” entre la Démocratie Chrétienne et le PC défendue par Aldo Moro et faisaient ainsi ouvertement le jeu de l’État américain. Par ailleurs, le fait que les Brigades Rouges aient été directement infiltrées par le réseau Gladio (une création de l’OTAN qui avait pour mission de constituer des réseaux de résistance au cas où l’URSS envahirait l’Europe de l’Ouest) révèle que dès la fin des années 1970, le terrorisme a commencé à devenir un instrument de manipulation dans les conflits impérialistes.
Au cours des années 1980, la multiplication des attentats terroristes (comme ceux de 1986 à Paris) exécutés par des groupuscules fanatiques, mais qui étaient commandités par l’Iran, ont fait apparaître un phénomène nouveau dans l’histoire. Ce ne sont plus, comme au début du 20e siècle, des actions armées menées par des groupes minoritaires, visant à la constitution ou à l’indépendance nationale d’un État, mais ce sont des États eux-mêmes qui prennent en charge et utilisent le terrorisme comme arme de la guerre entre États.
Le fait que le terrorisme soit devenu un instrument de l’État en vue de mener la guerre marque un changement qualitatif dans l’évolution de l’impérialisme.
Dans la dernière période, on a pu constater que ce sont les deux principales puissances, les États-Unis et la Russie, qui ont utilisé le terrorisme comme moyen de manipulation pour justifier leurs interventions militaires. Ainsi, les médias eux-mêmes ont révélé que les attentats à Moscou de l’été 1999 avaient été perpétrés avec des explosifs fabriqués par des militaires et que Poutine, le chef du FSB (ex-KGB) à l’époque, en était probablement le commanditaire. Ces attentats étaient un prétexte pour justifier l’invasion de la Tchétchénie par les troupes russes.
De même, et comme nous l’avons amplement analysé dans notre presse, l’attentat du 11 septembre contre les Tours jumelles à New York, a servi de prétexte à la bourgeoisie américaine pour larguer ses bombes sur l’Afghanistan au nom de la lutte contre le terrorisme et contre les “États voyous”.
Même si l’État américain n’a pas directement commandité cet attentat, il est inconcevable d’imaginer que les services secrets de la première puissance mondiale aient été pris par sur prise, comme n’importe quelle république bananière du tiers-monde.
De toute évidence l’État américain a laissé faire, quitte à sacrifier ses Twin Towers et près de 3000 vies humaines. C’était le prix que l’impérialisme américain était prêt à payer pour pouvoir réaffirmer son leadership mondial en déclenchant l’opération “Justice illimitée” en Afghanistan. Cette politique délibérée de la bourgeoisie américaine consistant à laisser faire pour justifier son intervention militaire n’est pas nouvelle.
Elle avait déjà été utilisée en décembre 1941 lors de l’attaque japonaise à Pearl Harbor[2] [136] pour justifier l’entrée des États-Unis dans la seconde guerre mondiale et, plus récemment, lors de l’invasion du Koweït par les troupes de Saddam Hussein en août 1990[3] [137] pour déchaîner la guerre du Golfe sous la houlette de l’oncle Sam.
Mais cette politique du “laisser faire” ne consiste plus, comme en 1941 ou en 1990, à laisser l’ennemi attaquer le premier selon les lois classiques de la guerre entre États.
Ce n’est plus la guerre entre États rivaux, avec ses propres règles, ses drapeaux, ses préparatifs, ses troupes, ses champs de bataille et ses armements, qui servent de prétexte à l’intervention massive des grandes puissances.
Ce sont les attaques terroristes aveugles, avec leurs commandos de kamikazes fanatisés, frappant directement les populations civiles qui sont utilisées par les grandes puissances pour justifier le déchaînement de la barbarie impérialiste.
L’utilisation et la manipulation du terrorisme ne sont plus seulement le lot de petits États, tels la Libye, l’Iran ou d’autres du Moyen-Orient. En balayant les règles classiques de la guerre, en devenant le lot commun de toutes les nations, petites ou grandes, le terrorisme comme moyen de la guerre entre États est devenu l’une des manifestations les plus criantes du pourrissement sur pied du système capitaliste.
Aujourd’hui, le terrorisme est inséparable de l’impérialisme. Cette forme que prend désormais la guerre impérialiste est le résultat du déchaînement du chaos mondial dans lequel est entré le capitalisme depuis l’effondrement du bloc de l’Est et la dislocation du bloc occidental. Cet événement, comme nous l’avons mis en évidence, a marqué de façon spectaculaire l’entrée du capitalisme dans la phase ultime de sa décadence, celle de la décomposition[4] [138].
Depuis que nous avons développé cette analyse au milieu des années 1980[5] [139] (5), ce phénomène n’a fait que s’amplifier. C’est bien ce que traduit le développe ment et l’utilisation, sans précédent dans l’histoire, du terrorisme à l’échelle planétaire.
Le fait même que “l’arme du pauvre” qu’est le terrorisme soit désormais utilisée par les grandes puissances dans la défense de leurs intérêts impérialistes sur l’échiquier mondial est particulièrement significatif de l’enfoncement de la société dans la décomposition capitaliste.
Jusqu’à présent la classe dominante était parvenue à repousser à la périphérie du capitalisme les manifestations les plus caricaturales de la décadence de son système et de sa crise. Il en avait été ainsi des manifestations les plus brutales de la crise économique du capitalisme qui avaient d’abord affecté les pays de la périphérie. En même temps que revient en force cette crise insoluble, touchant de plein fouet le coeur même du capitalisme, les formes les plus barbares de la guerre impérialiste font maintenant leur apparition dans les grandes métropoles comme New York ou Moscou.
Par ailleurs, cette nouvelle expression de la guerre impérialiste révèle la dynamique suicidaire de la société bourgeoisie en pleine putréfaction. En effet, l’utilisation du terrorisme comme arme de la guerre s’accompagne de l’acceptation de sacrifices. Il en est ainsi non seule ment des kamikazes dont le sacrifice de leur vie est à l’image d’un monde qui se suicide, mais également de la classe dominante des États frappés par les attaques terroristes, telle la bourgeoisie américaine. La diffusion sur tous les écrans du monde des images hallucinantes des Tours jumelles s’écroulant comme des châteaux de cartes ne nous ont-elles pas renvoyé la vision d’un monde en pleine apocalypse ? En laissant faire les attentats du 11 septembre, la première puissance mondiale a délibérément décidé de sacrifier les Tours jumelles, symbole de sa suprématie économique. Elle a délibérément sacrifié près de 3000 citoyens américains sur son propre territoire national. En ce sens, les morts de New York ont non seulement été massacrés par la barbarie d’Al Qaida, mais ils l’ont été avec la froide et cynique complicité de l’État américain lui-même. Au-delà des vies humaines dont la bourgeoisie se moque éperdument, c’est encore sur le plan économique que se mesure surtout le sacrifice que l’État américain était disposé à faire pour justifier sa gigantesque démonstration de force en Afghanistan. Pour cela, l’oncle Sam était prêt à payer (et surtout à faire payer à la classe ouvrière) le prix de la reconstruction du Word Trade Center et de toute la désorganisation économique et sociale occasionnée par l’effondrement des Tours jumelles. L’utilisation du terrorisme comme arme de la guerre impérialiste, dans la période historique actuelle de décomposition du capitalisme, révèle que tous les États sont des “États voyous” dirigés par des gangsters impérialistes. La seule différence qui distingue les grands caïds, tel le parrain américain, et les petits malfrats poseurs de bombes, réside dans les moyens de destruction dont ils disposent pour déchaîner la guerre.
A New York, à Moscou, en Afghanistan, en Irak, au Moyen-Orient, à Bali, ce sont les populations civiles qui sont aujourd’hui terrorisées par la folie meurtrière du capitalisme.
Cette situation constitue un appel à la responsabilité du prolétariat mondial. Celui-ci est la seule force de la société capable, par sa lutte révolutionnaire pour le renversement du capitalisme, de mettre fin à la guerre, aux massacres, et à la terreur capitaliste sous toutes ses formes.
Louise
[1] [140] Voir Bernard Thomas, “Les provocations policières” (chapitre IV), Éditions Fayard, 1972.
[2] [141] Voir la Revue Internationale n° 108, Pearl Harbor 1941, les Twin Towers 2001, le machiavélisme de la bourgeoisie.
[3] [142] Voir notre brochure sur “La guerre du Golfe”.
[4] [143] Voir notre brochure sur “L’effondrement du stalinisme”.
[5] [144] Voir la Revue Internationale n° 57, “La décomposition du capitalisme” et n°62 et 107 “La décomposition, phase ultime de la décadence du capitalisme.”
Selon le bilan officiel, la prise d'otages dans un théâtre en plein centre de Moscou entre le 23 et le 26 octobre dernier s'est soldée par la mort de 128 otages, dont 5 par balles et 123 des suites de l'inhalation d'un gaz diffusé par les forces de l'ordre. Près d'un mois plus tard, 27 ex-otages sont toujours hospitalisés dont 4 dans "un état grave". Et ce bilan ne tient pas compte des 41 membres abattus du commando, ni de quelque 80 personnes qui seraient portées "disparues" (selon un site Internet).
La première question à poser, c'est à qui profite le crime ? Il est clair
que malgré la bavure des gaz utilisés par les forces spéciales pour donner
l'assaut qui a directement provoqué la mort de la majorité des otages, le seul
bénéficiaire de l'opération a été le Kremlin.
Alors que la guerre en Tchétchénie s'enlisait depuis de longs mois, qu'elle
tendait à se transformer comme dans les années 1980 en "nouveau bourbier
afghan", source de démoralisation accrue pour les troupes russes et de
désintérêt, voire d'impopularité au sein de la population, l'événement a permis
de relancer une gigantesque campagne anti-terroriste dans tout le pays. Il a en
effet suscité un regain de peur permanente de nouvelles opérations terroristes
au sein de la population russe. C'était le meilleur moyen de resserrer les
rangs autour du nationalisme et de remobiliser une large union nationale autour
du président Poutine dont l'intransigeance (malgré le prix payé en vies
humaines durant l'assaut), symbole d'un Etat fort, est présentée comme la seule
en mesure d'assurer "la défense du peuple russe". Il faut d'ailleurs
rappeler que Poutine a bâti sa popularité et s'est fait élire sur ce seul
programme : restaurer l'autorité du pouvoir central en apparaissant comme le
champion de l'éradication du terrorisme tchétchène, ayant promis en septembre
1999 d'aller "buter les terroristes tchétchènes jusque dans les
chiottes".
Les nouvelles lois anti-terroristes que le gouvernement s'est empressé de faire
adopter par le parlement permettent non seulement de justifier le flicage et le
quadrillage en règle de la population, d'organiser un véritable état de siège
en poursuivant la chasse au faciès caucasien dans tout le pays, mais elles
délivrent aussi en la matière les pleins pouvoirs au gouvernement. Avec le
soutien de près des deux tiers de la population, l'Etat échappe désormais à
tout contrôle et à toute enquête avec notamment l'interdiction de la remise aux
familles des corps de terroristes tués ou la répression de "tout ce qui
peut nuire aux enquêtes antiterroristes ou les entraver".
La bourgeoisie russe justifie enfin la recrudescence de ses opérations
militaires en Tchétchénie, c'est-à-dire l'intensification effrénée des pires
massacres et des exactions de l'armée.
A tous les niveaux, la bourgeoisie est poussée à recourir systématiquement
au terrorisme. En Russie, la ficelle est si grosse que la presse elle-même,
nationale comme internationale, est amenée à s'interroger ouvertement sur la
manoeuvre manipulatrice, sur comment une cinquantaine de personnes ont pu se
rassembler et pénétrer dans un lieu public au coeur de la capitale en
transportant un arsenal impressionnant, dans une ville où un Tchétchène peut se
faire contrôler et arrêter plusieurs fois par jour dans la rue.
Parmi les hypothèses mises en avant dans Le Monde du 16 novembre sont évoquées
soit une infiltration du commando par les services secrets russes, soit que ces
derniers étaient au courant de l'opération et ont laissé faire dans le but de
relancer la guerre en Tchétchénie. En effet, selon certaines fuites, des agents
des services secrets avaient informé leur hiérarchie des mois à l'avance de la
préparation d'actions à Moscou par le groupe de Movsar Baraev, mais l'information
"se serait perdue comme toujours dans les méandres des échelons
supérieurs". On imagine pourtant mal une information de cette importance
passer inaperçue... Le 29 octobre, le quotidien Moskovski Komsomolets a cité un
informateur anonyme du FSB (ex-KGB) selon lequel le commando était depuis
longtemps "infiltré" par les services russes qui auraient directement
contrôlé quatre des preneurs d'otages.
Le commando était dirigé par le clan Baraev dont les hommes de main ont déjà
joué un rôle éminent dans la guerre en Tchétchénie. Sous couvert de défense
d'un islamisme radical, son ancien chef (assassiné il y a deux ans), oncle du
commandant des preneurs d'otages, entretenait des liens directs avec le
Kremlin. Ses troupes ont en effet été les seules à être épargnées au cours des
bombardements et des massacres de l'armée russe[1] [146].
C'est lui qui avait par ailleurs permis le massacre des principaux chefs de
guerre nationalistes tchétchènes encerclés dans Grozny en les attirant dans un
guet-apens, leur donnant le feu vert pour s'enfuir dans un passage où les
attendaient les troupes russes.
Il faut rappeler le pourquoi de la guerre en Tchétchénie. C'est un territoire
que la Russie ne peut pas lâcher sous peine de nouvelle implosion et d'ouvrir
la voie à des forces incontrôlables. La guerre en Tchétchénie devait servir
d'avertissement pour arrêter net les revendications indépendantistes d'une
multitude de petites républiques tentées de faire sécession avec le risque d'un
nouveau délitement des restes de la Russie, puissant facteur d'accélération du
chaos mondial.
A nouveau, comme lors des épisodes précédents du conflit tchétchène, la Russie
bénéficie aujourd'hui de la complicité et de l'accord tacite des bourgeoisies
occidentales qui, si elles se sont une nouvelle fois émues hypocritement sur
les méthodes brutales de la Russie, approuvent au fond l'opération. Lors du
sommet commun du 11 novembre à Bruxelles avec la Russie, Poutine a fait signer
"un plan d'action commun pour combattre le terrorisme" dans lequel
chaque partie s'engage à renforcer la coopération de leur police et de leur
justice pour livrer les terroristes, sur le même modèle que celui signé entre
l'Union Européenne et les Etats-Unis. Le secrétaire général de l'OTAN, Lord
Robertson, cautionnait d'ailleurs dans une conférence de presse l'argument de
Poutine : "Il devient de plus en plus clair que des éléments terroristes
extérieurs sont impliqués dans l'insurrection en Tchétchénie (...) La Russie a
le droit d'affronter les violations de la loi et de l'ordre sur son
territoire." Toutes les puissances occidentales expriment ainsi leur
soutien et le même intérêt fondamental : éviter par dessus-tout une nouvelle
désintégration de la Fédération de Russie.
La première guerre en Tchétchénie de janvier 1995 à fin 1996 a fait plus de 100
000 morts.
La deuxième guerre en Tchétchénie dès 1999 s'est illustrée par encore davantage
de barbarie : le siège et la quasi-destruction de la capitale, Grozny, par la
traque et les massacres des populations civiles par l'armée d'occupation dans
tout le pays, par l'exode massif des populations civiles se réfugiant dans des
camps de fortune dans les républiques voisines.
Dès l'été 1999, la Russie a systématiquement utilisé la provocation et le
terrorisme au service de la défense de ses intérêts impérialistes.
Ainsi, le chef de la branche islamiste radicale Bassaev (celui là-même qui a
finalement revendiqué la récente prise d'otages de Moscou) envahissait le
Daghestan aux côtés du Saoudien Khattab avec leurs bandes armées composées d'un
millier de Tchétchènes sous couvert de venir en aide à des islamistes locaux.
C'était le premier prétexte tout trouvé par Moscou pour relancer la guerre en
Tchétchénie. Le provocateur Bassaev était notoirement lié au milliardaire
mafieux Berezowski, ancien ami personnel du clan Eltsine. Le second élément
étroitement lié au premier et qui avait servi à justifier la deuxième guerre en
Tchétchénie en 1999 avait été la série d'attentats qui ont fait près de 300
morts à Moscou, au Daghestan et dans la ville de Volgodonsk au sud de la
Russie. L'implication directe dans tous ces attentats du FSB (les services
secrets russes) dont Poutine était l'ancien patron ne fait plus aujourd'hui
aucun doute (Le Monde des 17 et 18 novembre)[2] [147]. Cela
a permis l'arrivée comme premier ministre de Poutine, héritier désigné
d'Eltsine, faisant de la "guerre à mort contre le terrorisme
tchétchène" le tremplin de son élection comme président en décembre 2000.
Cela démontre que le terrorisme est devenu une arme privilégiée dans les règlements
de compte entre Etats et entre fractions bourgeoises (cf. article en première
page).
Mais les intérêts de la bourgeoisie russe à utiliser les actes terroristes
ne s'arrêtent pas là. Cela lui fournit surtout un argument de poids pour
pourchasser les bases et les nids terroristes dans les républiques voisines.
Elle vise en particulier la préparation d'une intervention militaire en
Géorgie, accusée de servir de "base arrière au terrorisme", et
s'avère un objectif majeur de la Russie.
Même si l'approvisionnement de la Russie en pétrole de la mer Caspienne
représentait une ressource économique majeure pour elle, l'appropriation de la
"rente pétrolière" n'est pas sa principale préoccupation. L'Etat
russe a perdu le contrôle des voies d'acheminement du pétrole en 2000 lorsque
les Etats-Unis ont remporté la mise avec l'accord sur l'oléoduc entre la
Turquie et la Caspienne, traversant les trois Etats du Sud-Caucase :
Azerbaïdjan, Arménie, Géorgie, évitant ainsi un tracé à travers la Russie ou
l'Iran, malgré les efforts de Moscou pour torpiller cet accord. Les tentatives
d'intimidation russes le prouvent : pression depuis quelques années sur la
Géorgie (tentatives d'assassinat du président Chevarnadzé, ex-ministre de
Gorbatchev, notamment en février 1998), sur l'Azerbaïdjan (là aussi accusé de
servir de base arrière au terrorisme tchétchène) et l'Arménie (la main du
Kremlin est patente derrière la tuerie de 1999 en plein parlement arménien où
le premier ministre et le président de l'assemblée parlementaire furent
assassinés). Cependant le sud du Caucase est un axe stratégique central
beaucoup plus large auquel la Russie n'a pas renoncé, en particulier en faisant
pression sur la Géorgie qui en est le pivot central. L'occupation militaire de
la Géorgie permettrait à la Russie de récupérer une partie de son ancienne
influence impérialiste dans le sud du Caucase. Dans le cadre du chacun pour soi
qui domine les rivalités impérialistes actuelles, la Russie a engagé un
véritable bras de fer avec les Etats-Unis en revendiquant les mêmes droits
qu'eux d'envahir d'autres territoires au nom de la lutte antiterroriste.
L'attitude du Kremlin remet en cause l'accord tacite imposé par la Maison
Blanche : "A vous le contrôle du Nord-Caucase, à nous celui du Sud".
La prise d'otages de Moscou constitue un pas de plus vers une expédition
militaire en Géorgie, marquant une opposition russe au refus catégorique du
gouvernement américain de faire la moindre concession à la Russie sur le
Sud-Caucase. Il est édifiant que les deux principales puissances militaires de
la planète (pour la Russie, il s'agit surtout de son potentiel nucléaire encore
impressionnant) revendiquent les mêmes prérogatives.
Il y a une similitude frappante entre l'utilisation de l'alternative terrorisme
/ antiterrorisme aujourd'hui par la bourgeoisie russe depuis 1999 et celle de
la bourgeoisie américaine depuis le 11 septembre. Quels que soient les liens
réels ou la parenté entre Al Qaida et les islamistes tchétchènes radicaux, les parallèles
entre la bourgeoisie russe et la bourgeoisie américaine sont ici multiples,
notamment au travers des bénéfices que ces Etats ex-têtes de bloc, en butte au
chacun pour soi et à la contestation de leur autorité respective, peuvent
retirer des actions terroristes. La guerre en Tchétchénie est un modèle réduit
de la guerre en Afghanistan, à la différence notable près que les Etats-Unis
ont bel et bien posé les pieds en Asie Centrale alors que la Russie ne fait que
rêver de reprendre pied dans le Sud-Caucase d'où elle a été chassée.
La Russie comme caïd régional obéit aux mêmes règles et à la même logique
impérialiste que le grand parrain américain à l'échelle mondiale, la fuite en
avant dans les menées guerrière pour faire respecter sa domination sur les
puissances vassales. Comme pour les Etats-Unis, cette logique la conduit à
rallumer d'autres foyers de conflits interimpérialistes qui risquent de se
propager non seulement dans tout le Caucase mais bien au-delà. Cette poudrière
militariste et guerrière permanente qu'est devenu le monde capitaliste menace
d'entraîner des pans entiers de la planète dans un déchaînement de chaos
sanglant et de barbarie guerrière sans autre perspective pour les populations
prises en otages que de nouveaux massacres.
[1] [148] L'oncle de Mosvar Baraev,
Arbi, avait d'ailleurs obtenu un sauf-conduit de la part d'un responsable des
services secrets (limogé par la suite) lui permettant de circuler librement
dans la région en pleine guerre.
[2] [149] Des poseurs de bombes à Ryazan
pris sur le fait et arrêtés suite à une alerte d'un témoin se sont révélés être
des membres du FSB. Les explosifs trouvés avec eux étaient de même nature que
ceux utilisés lors des attentats, l'hexogène, dont l'armée a le monopole de
fabrication, de stockage et d'utilisation. Les agents ont été désavoués et
radiés par leurs chefs. Par la suite, les autorités ont déclaré qu'il ne
s'agissait que de sucre. Quelques temps après, en plein conflit tchétchène, cet
épisode a été purement et simplement enterré, le dossier étant devenu
"secret défense".
Après la
loi sur la "sécurité intérieure" de Sarkozy
(voir RI n°328), le projet de réforme de la loi de modernisation
sociale (LMS) promulguée par la "gauche plurielle",
et les projets de réforme des retraites et de la sécurité
sociale montrent clairement la détermination du gouvernement
Raffarin à accélérer les attaques contre la classe
ouvrière.
Raffarin et ses ministres ne s'en cachent pas et ne cessent de déclarer,
à travers les médias, qu'il faut se préparer à
la "rigueur", alors que dans tous les secteurs sont annoncés
des licenciements, sur fond de prévisions particulièrement
pessimistes concernant l'état de l'économie.
Mais ce discours de "vérité" de la droite annonçant
une politique d'austérité ouverte permet à l'ancienne
gauche plurielle de rebondir pour "dénoncer" cette
entreprise de "démolition des acquis sociaux et des mesures
positives de la gauche" (dixit Jack Lang). Qu'ont représenté
en réalité ces mesures de gauche ? La mise en place de
dispositions permettant le déploiement d'attaques en profondeur
de la classe ouvrière. Aussi, non seulement la droite est loin
de les jeter au panier, mais tout au contraire elle prend appui dessus
pour mettre les bouchées doubles dans les attaques contre la
classe ouvrière. Qu'on regarde par exemple la "loi de modernisation
sociale", sortie du chapeau de la gauche au moment des licenciements
chez Michelin, Lu-Danone, Mark and Spencer, etc., afin d'alimenter l'illusion
dans la classe ouvrière que cela pourrait constituer un moyen
d'empêcher les patrons de licencier. Cette loi "sociale"
n'a, dans la réalité, aucunement freiné les licenciements,
mis à part dans les petites entreprises, mais bien plutôt
permis de les faire passer plus facilement en chloroformant les ouvriers.
On l'a vu dans les grandes entreprises qui ont continué à
virer en masse leurs salariés ! Les annonces des derniers plans
de licenciement montrent bien qu'il n'était pas nécessaire
d'attendre le gel de la LMS proposé par Fillon.
C'était cela la vraie politique de la gauche : exhiber d'une
main des lois "sociales" aux intitulés ronflants pour
mieux frapper de l'autre.
Au premier semestre 2002, les entreprises françaises ont procédé
à 150 000 licenciements, portant à 2,4 millions le nombre
de sans-emploi officiel, dont 50% à peine sont indemnisés.
Qui était aux rênes du pouvoir jusqu'au 5 mai ? La gauche.
Depuis septembre 2001 (donc plus de huit mois sous le règne PS-PC-Verts),
le chômage aura augmenté de 20% dans la région la
moins touchée jusqu'alors, la région parisienne. Et cela,
alors même que les radiations en masse de chômeurs des listes
de l'ANPE augmentaient de 72,8%. Il faut d'ailleurs signaler que ce
procédé, dans l'art duquel le PS est passé maître,
a été tellement apprécié par la bourgeoisie
allemande qu'elle l'a copié outre-Rhin. Le PS peut prétendre
nous faire "découvrir" que la suppression de sept articles
de la LMS ouvre la porte à la multiplication de "charrettes
de licenciements" et le PC voir la preuve dans le projet Fillon
que cette loi était bien l'expression d'une "politique anti-droite",
tout cela n'est destiné qu'à brouiller les cartes. Il
en est ainsi des attaques contre les conditions de vie des chômeurs
-que la gauche "dénonce" aujourd'hui- comme des licenciements
massifs : la gauche, avant la droite, avait déjà accéléré
le mouvement. En effet, le PS n'a eu de cesse, lorsqu'il était
au gouvernement, à travers des "aménagements"
multiples du chômage (le plus récent étant le PARE),
de s'attaquer au chômage... en attaquant les chômeurs par
leur éviction pure et simple des statistiques, puis du circuit
du travail ou en installant des masses grandissantes d'ouvriers dans
une pseudo-assistance et la précarité réelle.
La "remise en cause" des 35 heures, vaste réforme "historique"
censée lutter contre le chômage, fait encore partie de
la panoplie des accusations de la gauche à l'encontre de la droite.
La gauche se vantait même d'avoir créé à
travers elle près de 2 millions d'emplois ! Une fois de plus,
il suffit de se pencher sur les chiffres du chômage et sur le
nombre de licenciements effectués depuis plus d'un an pour se
rendre compte qu'il s'agit d'un énorme mensonge. Mais la gauche
de la bourgeoisie n'est plus à cela près, son cynisme
et son culot constituant justement deux de ses forces permettant de
mieux mystifier les ouvriers. La loi Aubry, au-delà des discours
mensongers, c'est tout simplement la flexibilité accrue du travail.
Tout cela la droite ne peut pas le renier, elle ne peut qu'en remercier
la gauche … mais pas publiquement (voir RI n° 327).
Parallèlement à ce battage de la gauche, les syndicats
sont à l'offensive pour pourrir le terrain des luttes. Depuis
la manifestation d'EDF-GDF d'octobre (voir RI n°328), on les voit
organiser des journées d'action dans tout un tas de secteurs,
annonçant l'entrée dans une période où ils
vont prétendre contraindre le gouvernement Raffarin à
un bras de fer. D'ailleurs, devant la multiplication des conflits qui
s'annoncent fin novembre et début décembre, routiers,
paysans, fonction publique, etc., les médias nous répètent
que Raffarin cherche à tout prix à éviter "la
contagion des conflits". Le "spectre de 1995" est même
régulièrement et de plus en plus clairement mis en avant,
manière d'accréditer la détermination des syndicats
à en découdre. En réalité, il s'agit de
la poursuite d'une stratégie de dispersion et d'éparpillement
des ouvriers pour faire passer les attaques en évitant les tentatives
réelles de s'y opposer. S'ils multiplient les appels à
la mobilisation derrière eux, par secteurs, par corporations,
les uns après les autres avec des revendications spécifiques,
c'est afin de pousser à la division et à l'isolement et
mieux saboter les potentialités de riposte ouvrière. Et
lorsqu'ils prétendent faire "l'unité", c'est
en fait pour dévoyer les inquiétudes des ouvriers sur
de fausses questions comme celle de la "défense du service
public" (mobilisation du 3 octobre dernier) et pour orchestrer
la dispersion à travers la mise en avant d'une collection de
revendications spécifiques et de cas "particuliers".
C'est ce qu'ils préparent à nouveau avec la journée
d'action du 26 novembre, dont le résultat escompté est
le déboussolement, le sentiment d'impuissance. Initialement planifiée
par cinq fédérations de cheminots sur la question de "moyens
humains, matériels et financiers" et contre la libéralisation
du secteur ferroviaire, elle se transforme à présent en
une journée d'action de différents secteurs aux objectifs
informes, en un fatras où les revendications légitimes
sur les retraites dans la fonction publique vont être soigneusement
noyées au milieu de mystifications telles que la "défense
du service public" contre les privatisations et la "politique
ultralibérale" du gouvernement. Un tel amalgame présente
un triple avantage pour ces ennemis de la classe ouvrière. Tout
d'abord la mise en œuvre de la dispersion totale de la journée
d'action et de la manifestation, chaque syndicat appelant à la
mobilisation sur tel ou tel aspect catégoriel comme cela se dessine
pour les salariés d'Air France, de la RATP, de France Telecom
ou encore les hospitaliers. Puis la division entre différentes
catégories, tous les syndicats n'appelant pas forcément
à la manifestation à l'instar de la FSU qui veut mobiliser
les enseignants le dimanche 8 décembre. Enfin, l'isolement des
ouvriers du public de ceux du privé, faisant de la revendication
légitime des premiers sur les retraites une spécificité
ne concernant pas les seconds. Or, si les salariés du secteur
privé ont déjà connu une attaque en profondeur
contre leurs retraites - allongement de la durée de temps de
travail allié au développement du travail à temps
partiel - la perspective annoncée est d'imposer à tous
les ouvriers, du public comme du privé, 42 ans de cotisations.
Cette fausse unité est un véritable poison pour la classe
ouvrière, tout autant que les mobilisations ouvertement sectorielles.
Elle fait partie d'un travail de pourrissement de la conscience ouvrière
et du terrain de ses luttes, de manière à affaiblir ses
capacités de riposte face aux attaques massives à venir.
Il ne faut pas être dupes, suivre les syndicats, écouter
les sirènes de la gauche, c'est se livrer pieds et poings liés
à une aggravation sans précédent de toutes les
conditions de vie et de travail.
"C'est ainsi, dans le fracas de l'artillerie, dans l'obscurité, au milieu des haines, de la peur et de l'audace la plus téméraire, que naquit la nouvelle Russie (…) Pareils à un fleuve noir emplissant toute la rue, sans chants ni rires, nous passions sous l'Arche Rouge (…) De l'autre côté de l'Arche, nous priment le pas de course, nous baissant et nous faisant aussi petits que possible, puis, nous rassemblant derrière le piédestal de la colonne d'Alexandre (…) Après être restés quelques minutes massée derrière la colonne, la troupe, qui se composait de quelques centaines d'hommes, retrouva son calme et, sans nouveaux ordres, d'elle-même, repartit en avant. Grâce à la lumière qui tombait des fenêtres du Palais d'Hiver, j'avais réussi à distinguer que les deux ou trois cents premiers étaient des gardes rouges, parmi lesquels étaient disséminés seulement quelques soldats (…) Un soldat et un garde rouge apparurent dans la porte, écartant la foule : ils étaient suivis d'autres gardes, baïonnette au canon, escortant une demi-douzaine de civils qui avançaient l'un derrière l'autre. C'était les membres du Gouvernement provisoire (…) Nous sortîmes dans la nuit glacée, toute frémissante et bruissante de troupes invisibles, sillonnées de patrouilles (…) Sous nos pieds, le trottoir était jonché de débris de stuc de la corniche du Palais qui avait reçu deux obus du croiseur "Aurora". C'était les seuls dégâts causés par le bombardement. Il était trois heures du matin. Sur la Nevski, tous les becs de gaz étaient de nouveau allumés; le canon de 3 pouces avait été enlevé et seuls les gardes rouges et les soldats accroupis autour des feux rappelaient encore la guerre (…) A Smolny, des bureaux du Comité Militaire Révolutionnaire semblaient jaillir des éclairs, comme d'une dynamo travaillant à trop grande puissance."
"J'ai lu avec un immense intérêt et la même attention jusqu'au bout le livre de John Reed, Dix jours qui ébranlèrent le monde. Je le recommande du fond du cœur aux ouvriers de tous les pays. Je voudrais que cet ouvrage fut répandu à des millions d'exemplaires et traduit dans toutes les langues, car il donne un tableau exact et extraordinairement vivant d'événements qui ont une si grande importance pour l'intelligence de ce qu'est la révolution prolétarienne, de ce qu'est la dictature du prolétariat."
Liens
[1] https://fr.internationalism.org/ri319/guerre_en_Afganisthan
[2] https://fr.internationalism.org/ri319/crise_Argentine
[3] https://fr.internationalism.org/tag/5/121/afghanistan
[4] https://fr.internationalism.org/tag/recent-et-cours/afghanistan
[5] https://fr.internationalism.org/ri319/crise_Argentine#_ftn1
[6] https://fr.internationalism.org/ri315/Argentine_lutte_de_classe
[7] https://fr.internationalism.org/ri319/crise_Argentine#_ftnref1
[8] https://fr.internationalism.org/tag/5/55/argentine
[9] https://fr.internationalism.org/tag/5/52/amerique-centrale-et-du-sud
[10] https://fr.internationalism.org/tag/recent-et-cours/crise-economique
[11] https://fr.internationalism.org/tag/vie-du-cci/prises-position-du-cci
[12] https://fr.internationalism.org/tag/5/36/france
[13] https://fr.internationalism.org/tag/situations-territoriales/lutte-classe-france
[14] https://fr.internationalism.org/ri320/Argentine#_ftn1
[15] https://fr.internationalism.org/ri320/Argentine#_ftnref1
[16] https://fr.internationalism.org/tag/5/61/inde
[17] https://fr.internationalism.org/tag/5/120/pakistan
[18] https://fr.internationalism.org/tag/5/119/asie
[19] https://fr.internationalism.org/tag/heritage-gauche-communiste/stalinisme-bloc-lest
[20] https://fr.internationalism.org/tag/courants-politiques/gauchisme
[21] https://fr.internationalism.org/tag/courants-politiques/trotskysme
[22] https://fr.internationalism.org/tag/courants-politiques/anarchisme-officiel
[23] https://fr.internationalism.org/ri321/calomnie_provocation#_ftn1
[24] https://fr.internationalism.org/ri321/calomnie_provocation#_ftn2
[25] https://fr.internationalism.org/ri321/calomnie_provocation#_ftn3
[26] https://fr.internationalism.org/ri321/calomnie_provocation#_ftnref1
[27] https://fr.internationalism.org/ri321/calomnie_provocation#_ftnref2
[28] https://fr.internationalism.org/ri321/calomnie_provocation#_ftnref3
[29] https://fr.internationalism.org/tag/vie-du-cci/defense-lorganisation
[30] https://fr.internationalism.org/tag/courants-politiques/ficci-gigcigcl
[31] https://fr.internationalism.org/tag/situations-territoriales/france
[32] https://fr.internationalism.org/tag/5/56/moyen-orient
[33] https://fr.internationalism.org/tag/recent-et-cours/guerre-irak
[34] https://fr.internationalism.org/tag/recent-et-cours/luttes-classe
[35] https://fr.internationalism.org/tag/courants-politiques/gauche-communiste
[36] https://fr.internationalism.org/tag/courants-politiques/tci-bipr
[37] https://fr.internationalism.org/ri323/election_decomposition.htm
[38] https://fr.internationalism.org/tag/situations-territoriales/vie-bourgeoisie-france
[39] https://fr.internationalism.org/tag/situations-territoriales/situation-sociale-france
[40] https://fr.internationalism.org/tag/questions-theoriques/decomposition
[41] https://fr.internationalism.org/ri324/reunion_publique_defense_orga.htm#_ftn1
[42] https://fr.internationalism.org/ri324/reunion_publique_defense_orga.htm#_ftn2
[43] https://fr.internationalism.org/ri324/reunion_publique_defense_orga.htm#_ftn3
[44] https://fr.internationalism.org/ri324/reunion_publique_defense_orga.htm#_ftn4
[45] https://fr.internationalism.org/ri324/reunion_publique_defense_orga.htm#_ftn5
[46] https://fr.internationalism.org/ri324/reunion_publique_defense_orga.htm#_ftnref1
[47] https://fr.internationalism.org/ri321/communique_lecteurs
[48] https://fr.internationalism.org/ri324/reunion_publique_defense_orga.htm#_ftnref2
[49] https://fr.internationalism.org/ri324/reunion_publique_defense_orga.htm#_ftnref3
[50] https://fr.internationalism.org/ri324/reunion_publique_defense_orga.htm#_ftnref4
[51] https://fr.internationalism.org/ri324/reunion_publique_defense_orga.htm#_ftnref5
[52] https://fr.internationalism.org/tag/vie-du-cci/reunions-publiques
[53] https://fr.internationalism.org/tag/courants-politiques/aventurisme-parasitisme-politiques
[54] https://fr.internationalism.org/ri323/editorial_election.htm
[55] https://fr.internationalism.org/ri326/Moyen_Orient#_ftn1
[56] https://fr.internationalism.org/ri326/Moyen_Orient#_ftn2
[57] https://fr.internationalism.org/ri326/Moyen_Orient#_ftn3
[58] https://fr.internationalism.org/ri326/Moyen_Orient#_ftnref1
[59] https://fr.internationalism.org/ri326/Moyen_Orient#_ftnref2
[60] https://fr.internationalism.org/ri326/Moyen_Orient#_ftnref3
[61] https://fr.internationalism.org/ri326/parasitisme#_ftn1
[62] https://fr.internationalism.org/ri326/parasitisme#_ftn2
[63] https://fr.internationalism.org/ri326/parasitisme#_ftnref1
[64] https://fr.internationalism.org/ri326/parasitisme#_ftnref2
[65] https://fr.internationalism.org/ri326/La_Haye_1872#_ftn1
[66] https://fr.internationalism.org/ri326/La_Haye_1872#_ftn2
[67] https://fr.internationalism.org/ri326/La_Haye_1872#_ftn3
[68] https://fr.internationalism.org/ri326/La_Haye_1872#_ftn4
[69] https://fr.internationalism.org/ri326/La_Haye_1872#_ftn5
[70] https://fr.internationalism.org/ri326/La_Haye_1872#_ftn6
[71] https://fr.internationalism.org/ri326/La_Haye_1872#_ftn7
[72] https://fr.internationalism.org/ri326/La_Haye_1872#_ftn8
[73] https://fr.internationalism.org/ri326/La_Haye_1872#_ftn9
[74] https://fr.internationalism.org/ri326/La_Haye_1872#_ftnref1
[75] https://fr.internationalism.org/ri326/La_Haye_1872#_ftnref2
[76] https://fr.internationalism.org/ri326/La_Haye_1872#_ftnref3
[77] https://fr.internationalism.org/ri326/La_Haye_1872#_ftnref4
[78] https://fr.internationalism.org/ri326/La_Haye_1872#_ftnref5
[79] https://fr.internationalism.org/ri326/La_Haye_1872#_ftnref6
[80] https://fr.internationalism.org/ri326/La_Haye_1872#_ftnref7
[81] https://fr.internationalism.org/ri326/La_Haye_1872#_ftnref8
[82] https://fr.internationalism.org/ri326/La_Haye_1872#_ftnref9
[83] https://fr.internationalism.org/tag/conscience-et-organisation/premiere-internationale
[84] https://fr.internationalism.org/tag/questions-theoriques/parti-et-fraction
[85] https://fr.internationalism.org/tag/questions-theoriques/guerre
[86] https://fr.internationalism.org/tag/5/159/tsunami
[87] https://fr.internationalism.org/ri327/feminisme.htm#_ftn1
[88] https://fr.internationalism.org/ri327/feminisme.htm#_ftn2
[89] https://fr.internationalism.org/ri327/feminisme.htm#_ftnref1
[90] https://fr.internationalism.org/ri327/feminisme.htm#_ftnref2
[91] https://fr.internationalism.org/tag/vie-du-cci/courrier-des-lecteurs
[92] https://fr.internationalism.org/tag/heritage-gauche-communiste/luttes-parcellaires
[93] https://fr.internationalism.org/ri328/attentats.htm#_ftn1
[94] https://fr.internationalism.org/ri328/attentats.htm#_ftnref1
[95] https://fr.internationalism.org/tag/5/64/australasie
[96] https://fr.internationalism.org/tag/recent-et-cours/attentats
[97] https://fr.internationalism.org/tag/5/50/etats-unis
[98] https://fr.internationalism.org/tag/recent-et-cours/11-septembre-2001
[99] https://fr.internationalism.org/ri328/Gauche_Communiste.htm#_ftn1
[100] https://fr.internationalism.org/ri328/Gauche_Communiste.htm#_ftn2
[101] https://fr.internationalism.org/ri328/Gauche_Communiste.htm#_ftn3
[102] https://fr.internationalism.org/ri328/Gauche_Communiste.htm#_ftn4
[103] https://fr.internationalism.org/ri328/Gauche_Communiste.htm#_ftn5
[104] https://fr.internationalism.org/ri328/Gauche_Communiste.htm#_ftn6
[105] https://fr.internationalism.org/ri328/Gauche_Communiste.htm#_ftn7
[106] https://fr.internationalism.org/ri328/Gauche_Communiste.htm#_ftn8
[107] https://fr.internationalism.org/ri328/Gauche_Communiste.htm#_ftn9
[108] https://fr.internationalism.org/ri328/Gauche_Communiste.htm#_ftn10
[109] https://fr.internationalism.org/ri328/Gauche_Communiste.htm#_ftn11
[110] https://fr.internationalism.org/ri328/Gauche_Communiste.htm#_ftn12
[111] https://fr.internationalism.org/ri328/Gauche_Communiste.htm#_ftn13
[112] https://fr.internationalism.org/ri328/Gauche_Communiste.htm#_ftnref1
[113] https://fr.internationalism.org/ri328/Gauche_Communiste.htm#_ftnref2
[114] https://fr.internationalism.org/ri323/conference_extraordinaire.htm
[115] https://fr.internationalism.org/ri324/reunion_publique_defense_orga.htm
[116] https://fr.internationalism.org/ri326/parasitisme
[117] https://fr.internationalism.org/french/rint/110_conference.html
[118] https://fr.internationalism.org/ri328/Gauche_Communiste.htm#_ftnref3
[119] https://fr.internationalism.org/ri321/calomnie_provocation
[120] https://fr.internationalism.org/ri328/Gauche_Communiste.htm#_ftnref4
[121] https://fr.internationalism.org/ri328/Gauche_Communiste.htm#_ftnref5
[122] http://www.ibrp.org
[123] https://fr.internationalism.org/ri328/Gauche_Communiste.htm#_ftnref6
[124] https://fr.internationalism.org/ri328/Gauche_Communiste.htm#_ftnref7
[125] https://fr.internationalism.org/ri328/Gauche_Communiste.htm#_ftnref8
[126] https://fr.internationalism.org/ri328/Gauche_Communiste.htm#_ftnref9
[127] https://fr.internationalism.org/ri328/Gauche_Communiste.htm#_ftnref10
[128] https://fr.internationalism.org/ri328/Gauche_Communiste.htm#_ftnref11
[129] https://fr.internationalism.org/ri328/Gauche_Communiste.htm#_ftnref12
[130] https://fr.internationalism.org/ri328/Gauche_Communiste.htm#_ftnref13
[131] https://fr.internationalism.org/tag/courants-politiques/bordiguisme
[132] https://fr.internationalism.org/ri328/troc.htm#_ftn1
[133] https://fr.internationalism.org/ri328/troc.htm#_ftnref1
[134] https://fr.internationalism.org/tag/questions-theoriques/leconomie
[135] https://fr.internationalism.org/french/ri329/edito_terrorisme#_ftn1
[136] https://fr.internationalism.org/french/ri329/edito_terrorisme#_ftn2
[137] https://fr.internationalism.org/french/ri329/edito_terrorisme#_ftn3
[138] https://fr.internationalism.org/french/ri329/edito_terrorisme#_ftn4
[139] https://fr.internationalism.org/french/ri329/edito_terrorisme#_ftn5
[140] https://fr.internationalism.org/french/ri329/edito_terrorisme#_ftnref1
[141] https://fr.internationalism.org/french/ri329/edito_terrorisme#_ftnref2
[142] https://fr.internationalism.org/french/ri329/edito_terrorisme#_ftnref3
[143] https://fr.internationalism.org/french/ri329/edito_terrorisme#_ftnref4
[144] https://fr.internationalism.org/french/ri329/edito_terrorisme#_ftnref5
[145] https://fr.internationalism.org/tag/questions-theoriques/terrorisme
[146] https://fr.internationalism.org/french/ri329/terrorisme_Moscou#_ftn1
[147] https://fr.internationalism.org/french/ri329/terrorisme_Moscou#_ftn2
[148] https://fr.internationalism.org/french/ri329/terrorisme_Moscou#_ftnref1
[149] https://fr.internationalism.org/french/ri329/terrorisme_Moscou#_ftnref2
[150] https://fr.internationalism.org/tag/5/60/russie-caucase-asie-centrale
[151] https://fr.internationalism.org/tag/histoire-du-mouvement-ouvrier/revolution-russe
[152] https://fr.internationalism.org/tag/heritage-gauche-communiste/vague-revolutionnaire-1917-1923