L 'année 2003 commence avec la menace de plus en plus pressante d'un nouveau déluge de feu sur l'Irak, onze ans après la guerre du Golfe. Cette menace est pleinement révélatrice de la gravité des enjeux actuels qui pèsent sur le monde. Déjà, à travers un déploiement stratégique et une occupation militaire qui se traduisent par un quadrillage, un encerclement complet de l'Irak de Saddam Hussein, adversaire désigné, nous assistons à une concentration massive d'armements et au déploiement d'une logistique de destruction des plus impressionnantes, largement du niveau de celles des opérations militaires majeures depuis 1990. Si cette nouvelle entreprise guerrière était déclenchée, elle serait porteuse non seulement d'un enfoncement de la planète dans la barbarie guerrière avec son sinistre lot de nouveaux massacres de population à grande échelle mais aussi d'une accélération considérable des rivalités et des affrontements impérialistes dans le bras-de-fer permanent que se livrent les principales puissances de la planète entre elles depuis l'effondrement des blocs impérialistes.
Ce qui s'annonce sur le seul terrain de la barbarie guerrière est un des signes les plus patents de l'impasse dans lequel le capitalisme entraîne toute l'humanité et dont l'année 2002 offre elle-même un tableau édifiant.
Ce début de millénaire aura été déjà marqué par l'accélération des conflits armés sur la planète comme par une nouvelle aggravation de la crise économique mondiale. Sur le plan impérialiste, des pans entiers de la population civile sont les otages soit de bombardements intensifs, soit sous la menace constante des attentats terroristes qui sont devenus une arme de guerre dans les règlements de compte entre fractions de la bourgeoisie (voir RI n° 329). Ainsi, le 11 septembre 2001 et l'attentat qui a détruit les Tours Jumelles ont été le prétexte à des bombardements massifs de l'Afghanistan et à une contre-offensive américaine avec l'occupation stratégique de l'Asie Centrale sous prétexte d'une traque à Ben Laden, au mollah Omar et leurs séides d'Al Qaida. Au Moyen-Orient, un cycle infernal d'attentats-kamikaze palestiniens et de représailles de l'Etat israélien concrétise le basculement irrémédiable de la région dans le chaos sanglant. La menace de conflit nucléaire entre l'Inde et le Pakistan, désamorcé de justesse l'été dernier, représente désormais un danger permanent tandis que les manoeuvres stratégiques et militaires se développent autour des deux Corées, cernées par leurs puissants voisins, la Chine et le Japon.
La prise d'otages dans un théâtre de Moscou par un commando tchétchène qui s'est achevé en carnage avec l'intervention des troupes d'élite, a permis de relancer les massacres en Tchétchénie. Loin de freiner la multiplication des actes terroristes, la croisade mondiale contre le terrorisme a, de fait, signifié la recrudescence de ceux-ci, de Bali au Kenya. Et pour cause, le terrorisme est aujourd'hui devenu une arme de guerre de tous les Etats, y compris les plus puissants.
Le continent africain se retrouve mis à feu et à sang, de la Côte d'Ivoire à la Corne de l'Afrique et du Nord au Sud, en proie à des tueries interethniques attisées en sous-main par des puissances impérialistes rivales. En même temps, avec les ravages conjugués de la misère et de la décomposition y sévissent partout famine et pandémies comme celle du sida.
Depuis les secousses financières et les plongées boursières de l'été dernier, ce ne sont plus seulement les Etats-Unis qui sont frappés par la récession. Des puissances économiques comme l'Allemagne et le Japon connaissent aujourd'hui les pires difficultés économiques et le niveau de leur croissance est proche de zéro. Tous les Etats s'enfoncent dans une politique de surendettement. L'Argentine a ouvert la voie aux Etats, notamment d'Amérique latine, qui se retrouvent en faillite ouverte sans espoir de remise à flots, alors même que le FMI et la Banque mondiale s'avèrent de plus en plus incapables de colmater les brèches ouvertes. L'effondrement des valeurs spéculatives de la "nouvelle économie" comme la faillite de géants comme Enron ou Worldcom laissent sur la paille des milliers de salariés (et de surcroît parfois actionnaires forcés). Tant dans le secteur de la dite nouvelle économie, que dans celui dit traditionnel, incapables de se relancer dans un marché mondial sursaturé, les entreprises se livrent à des guerres commerciales à mort à coups de mégafusions, d'OPA, d'opérations boursières et spéculatives tous azimuts, débouchant la plupart du temps sur des liquidations brutales et sur des plans de "restructuration" drastiques.
Tout cela démontre la faillite irrémédiable du capitalisme et dévoile l'impasse que ce système représente pour l'humanité entière.
La principale victime du capitalisme, c'est toujours la classe ouvrière. C'est elle qui subit de plein fouet les attaques de plus en plus frontales et massives de la bourgeoisie et de son Etat. C'est elle qui devra payer en définitive la note faramineuse des opérations militaires et guerrières qu'engage sa bourgeoisie nationale. Et cette charge vient encore alourdir considérablement la facture de la crise économique en termes d'exploitation et de "sacrifices" que le capitalisme exige du prolétariat avec les vagues toujours plus massives des licenciements, le poids du chômage dans les familles ouvrières, la dégradation accélérée de son niveau de vie et de ses conditions de travail. Ces attaques aujourd'hui quasiment simultanées réduisent d'ailleurs une partie croissante du prolétariat à la misère au coeur même des pays centraux du capitalisme.
Non seulement la classe ouvrière subit l'insécurité permanente et les effets gangrènants de la décomposition de la société capitaliste dans son ensemble qui affectent toutes les classes de la société, mais elle est aussi la première victime de la loi du profit. Celle-ci qui se trouve être à l'origine de la crise économique, est aussi à l'origine de la multiplication des catastrophes et de l'ampleur inégalée des ravages provoqués par les catastrophes, celles présentées comme "naturelles" (inondations, tremblements de terre, dérèglements climatiques...) comme d'autres telles les marées noires, les explosions dans les pôles chimiques ou le naufrage de vieux rafiots surchargés.
Mais la nature de la classe ouvrière ne se résume pas à celle d'une classe qui concentre sur elle tous les maux de la société.
Malgré toutes les attaques idéologiques qu'elle subit depuis l'effondrement des régimes staliniens, malgré ses difficultés actuelles à reconnaître et affirmer ses intérêts de classe, malgré tout le chemin qu'elle a encore à parcourir pour se réapproprier ses expériences de lutte, la classe ouvrière est en même temps la seule classe porteuse d'une perspective d'avenir pour l'humanité (voir article page 8), capable de balayer ce système en pleine putréfation qui ne peut engendrer que toujours davantage de misère et de barbarie, de guerre et de destruction. D'ailleurs, la bourgeoisie ne s'y trompe pas car elle sait bien que, face à elle et à la défense de son système, elle trouvera la seule classe sociale qui se pose comme son ennemi irréductible et son futur fossoyeur. C'est pour cela qu'elle prend mille précautions pour la mystifier, pour masquer l'ampleur des attaques qu'elle doit porter contre ses conditions de vie, pour dévoyer ses mobilisations à travers une série de manœuvres syndicales. C'est pour cela qu'elle consacre autant de soin et fournit autant d'efforts pour l'empêcher de prendre conscience de la force qu'elle représente dans la société, non seulement pour s'opposer aux attaques capitalistes mais aussi, à plus long terme, pour renverser le capitalisme.
W.
Les Etats-Unis affichent
clairement leur détermination à faire la guerre en Irak.
Chacun des actes et chacune des paroles des membres de l'administration
américaine vont résolument dans ce sens, ne laissant aucune
ambiguïté sur leur résolution à intervenir
militairement dans ce pays devenu le symbole de la capacité de
l'Amérique à imposer son leadership sur le monde. Car
la nouvelle croisade contre Saddam Hussein est l'occasion pour les Etats-Unis,
après leur intervention en Bosnie, au Kosovo et en Afghanistan,
d'assurer leur présence directe et d'exercer leur contrôle
sur des objectifs stratégiques. L'objectif irakien leur permet
de parachever leurs manœuvres d'encerclement de l'Europe et d'affirmer
par la même occasion leur mainmise sur une partie importante des
réserves pétrolières européennes. Dès
janvier 2002, la dénonciation par Bush de "l'axe du Mal"
visait en première ligne Bagdad, bouc émissaire désigné
pour justifier une nouvelle démonstration de force américaine.
Il y a onze ans, c'est l'invasion irakienne du Koweït qui avait
servi de justification à l'intervention massive et aux massacre
de centaines de milliers de vies humaines de la part d'une puissance
américaine venant à la "rescousse du peuple koweitien".
Aujourd'hui, les Etats-Unis poussent à une guerre dite "préventive"
ne s'appuyant même pas sur une menace imminente, mais sur le danger
hypothétique que représenterait l'Irak, quintessence des
pires maux de la terre et que Washington s'apprête à exorciser
par les armes, "afin que le monde soit plus en sécurité".
La population est même prévenue que si l'Irak ne désarme
pas "pacifiquement", il le sera "militairement".
On peut donc voir se mettre en place un véritable encerclement
de l'Irak, déjà quasiment digne de la guerre du Golfe
de 1990-91. 70 000 hommes des trois armes principales, soumis à
un entraînement intensif et abondamment équipés
de la technologie américaine dernier cri, cernent le pays : au
nord en Turquie, au sud au Koweït, au Bahreïn, au Qatar, Oman,
dans les Emirats Arabes Unis, en Arabie Saoudite et à Djibouti.
Avec la constitution de cette armada, dont les effectifs doivent atteindre
150 000 hommes courant janvier, c'est un véritable cordon militaire
ne laissant aucune chance à Bagdad, mais aussi un contrôle
serré de tout le Golfe persique, de la mer Rouge avec une partie
importante de la corne de l'Afrique, qui est mis en place par les bourgeoisies
américaine et britannique. D'ores et déjà, avant
même le déclenchement presque annoncé de cette guerre,
la Grande-Bretagne et les Etats-Unis multiplient les raids aériens
meurtriers dans le Sud du pays, qui se chiffrent maintenant à
une soixantaine depuis 1996. Bassorah est une cible stratégique
privilégiée pour son pétrole, mais où tombent
sous les bombes les ouvriers qui y travaillent ! Voilà pour la
sécurité du monde, tandis que ces mêmes puissances,
pour mieux "sauver" les irakiens de leur dictateur, durcissent
avec brutalité les conditions des accords "pétrole
contre nourriture" afin de rendre les armées du tyran moins
aptes à se défendre en cas d'invasion, interdisant en
particulier les antidotes de gaz innervants et toxiques ou les antibiotiques
qui permettraient de limiter les dégâts d'une éventuelle
attaque à l'anthrax par exemple ! Et ce sont ces mêmes
pourfendeurs de terrorisme qui ont aussi perfectionné les armements
les plus destructeurs de toute nature, de façon à laminer,
écraser et terroriser la population irakienne, sous prétexte
de lui apporter la "liberté démocratique". Comble
du cynisme, l'armée américaine a mis au point des "mini
-bombes" nucléaires, destinées à pénétrer
le béton des bunkers, et dont les émanations radioactives
futures en cas d'utilisation pourront être mise sur le dos de
Saddam Hussein !
De tels éléments ne peuvent que servir les rivaux des
Etats-Unis dont le discours ne manque pas d'exploiter tout ce qui permet
de faire apparaître l'oncle Sam comme fauteur de guerre. Sous
couvert d'une opposition de principe ou morale à la politique
hégémonique des Etats-Unis, ou du strict respect du rôle
souverain de l'ONU, ceux-ci, France, Allemagne et Russie en tête,
ne perdent pas une occasion, au Conseil de Sécurité des
Nations Unies ou en toute autre circonstance, d'exprimer leur détermination
à faire échec aux visées militaires des Etats-Unis
en Irak. La dénonciation par l'Amérique des omissions
accusatrices pour ses auteurs, les autorités irakiennes, de la
"déclaration d'armement irakienne" a donné lieu
à des déclarations contradictoires illustrant cet antagonisme
entre brigands impérialistes. Pour Bush, qui les a qualifiées
de "violation flagrante", elles suffiraient à justifier
l'emploi de la force. Pour les autres, qui tentent d'en minimiser l'importance,
il ne peut en être question.
Si tous ces impérialismes petits ou grands sont contre cette
guerre, ce n'est pas, contrairement à ce qu'ils aimeraient faire
croire, parce qu'ils voudraient la paix ! La France, en première
ligne dans ce concert international d'hypocrisie et de mensonges, tout
en n'hésitant pas, pour la galerie, à critiquer Saddam
Hussein afin de mieux se mettre dans le camp des pourfendeurs de terrorisme,
ne cesse de se féliciter de l'avancée vers une solution
"diplomatique" qu'a représentée la résolution
1441 de l'ONU. Et de relancer plus que jamais les campagnes anti-américaines,
dont elle s'était fait la championne toutes catégories
depuis l'éclatement du bloc de l'Ouest après 1989, mais
qu'elle avait été contrainte de mettre sous le boisseau
après l'attentat du 11 septembre. Les médias français
étaient ainsi tout contents de pouvoir publier un sondage américain
exhibant la perte de crédibilité des Etats-Unis dans le
monde depuis deux ans. Quant à la prétendue volonté
"humanitaire" de la France d'éviter des massacres en
Irak, on peut mesurer ce qu'elle vaut à l'aulne des 500 000 morts
rwandais en 1994 à mettre en grande partie sur le compte des
menées de l'impérialisme français en Afrique. Celle
de la Russie qui "rejette la menace d'un recours à la force"
ne vaut pas mieux, tandis qu'elle s'acharne avec une rare férocité
à écraser la Tchétchénie dans un bain de
sang interminable. Et que dire de l'hypocrisie de l'Allemagne dont les
relations diplomatiques avec l'administration Bush sont "exécrables",
selon Donald Rumsfeld lui-même, qui est irréductiblement
contre le principe même d'une guerre, mais d'accord pour s'engager
militairement sous couvert de "mission de paix" comme au Kosovo
(dont elle va assurer prochainement la direction du contingent militaire
international) ou au Koweït (où des hommes de troupe et
des chars allemands sont cantonnés de longue date).
Ce qui motive tous ces gangsters, ce n'est pas la paix du monde, mais
la défense de leurs propres intérêts impérialistes,
laquelle est la clé véritable de leur opposition systématique
à la rivale américaine. Ceci est une donnée fondamentale
de la période aujourd'hui qui résume à elle seule
tous les risques d'éruptions guerrières. A l'instar de
Bush qui, début décembre, avec une perversité sans
égale, souhaitait ses "vœux de bonheur" aux populations
arabes, tout en déployant une armada dans le Golfe, la bourgeoisie
internationale prétend œuvrer pour la paix tout en préparant
la guerre.
Le regroupement parasitaire autoproclamé "Fraction interne du CCI" et qui s'est constitué autour de l'individu Jonas, exclu du CCI pour ses comportements indignes d'un militant communiste (voir notre communiqué dans RI n° 321) dévoile aujourd'hui ouvertement sa vraie nature.
Sur le site Internet de la FICCI, viennent d'être publiés deux textes qui en disent long sur les agissements destructeurs de cette prétendue "fraction".
Le premier texte est la lettre que la section du CCI au Mexique a adressée le 15 novembre aux quatre membres de la prétendue "fraction" vivant dans ce pays. La publication du contenu de cette lettre ne nous pose évidemment aucun problème. Par contre, ce qui nous pose problème (et devrait poser problème à l'ensemble des groupes du courant de la Gauche communiste), c'est le fait que la FICCI ait rendu publique à l'avance la date à laquelle devait se tenir une réunion interne du CCI (la Conférence territoriale de notre section mexicaine). Dans cette lettre, la section du CCI au Mexique a en effet donné aux membres de la "fraction" la date de cette Conférence afin de leur permettre de se défendre et de faire appel devant celle-ci (ce qu'ils ont refusé de faire).
En publiant l'intégralité de cette lettre sur son site Internet, la camarilla des amis de Jonas a ainsi délibérément mis à la disposition de toutes les polices du monde la date à laquelle devait se tenir notre Conférence au Mexique en présence de militants venus d'autres pays (puisque notre presse a toujours signalé que des délégations internationales participaient à ce type de conférences). Cela signifie que les organes de police concernés pouvaient renforcer et cibler leurs contrôles et leur surveillance dans les aéroports et aux frontières. Cet acte répugnant de la FICCI consistant à faciliter le travail des forces de répression de l'État bourgeois contre les militants révolutionnaires est d'autant plus ignoble que les membres de la FICCI savaient pertinemment que certains de nos camarades ont déjà, dans le passé, été directement victimes de la répression et que certains ont été contraints de fuir leur pays d'origine 1 [2].
Mais les méthodes policières de ce regroupement parasitaire ne s'arrêtent pas là.
En effet, dans le Bulletin Interne n° 14 de la FICCI, publié sur son site Internet, nos lecteurs pourront également trouver un texte intitulé "Une ultime mise au point" qui a la prétention (et surtout l'hypocrisie) de vouloir défendre le PCI ("Le Prolétaire") contre "l'attaque inqualifiable" dont cette organisation serait victime de la part du CCI. En réalité, nos lecteurs pourront constater par eux-mêmes que ce texte n'est nullement un article de défense du PCI, comme le révèle l'absence totale d'argumentation réfutant les éléments que nous avons mis en évidence dans notre réponse au "Prolétaire" (voir RI n°328 et 329).
Ce texte de la FICCI se consacre essentiellement à déverser les pires calomnies sur deux de nos camarades (et donc sur l'ensemble des militants du CCI accusés d'être à la botte de "celui qui dirige le CCI" et de sa compagne sur laquelle Jonas a fait courir le bruit, au sein du CCI, qu'elle était un "flic"). En même temps, il révèle une fois encore les méthodes abjectes des amis de Jonas.
Dans son "Ultime mise au point", la FICCI commence par affirmer "nous sommes toujours restés sur un terrain strictement politique". Nos lecteurs peuvent eux-mêmes en juger à la lumière de toute l'argumentation "politique" de la FICCI mettant clairement en évidence ses "divergences de fond" avec le CCI, lesquelles auraient justifié la constitution d'une "fraction interne" ayant la prétention de se situer dans la continuité de toutes les fractions de gauche du mouvement ouvrier, depuis la Ligue Spartakus jusqu'à la fraction de la Gauche italienne. Nous ne citerons ici qu'un petit extrait de cette argumentation, faisant la preuve que cette FICCI est toujours restée "sur un terrain strictement politique". Qu'on en juge !
"Ce texte est de la main de CG, alias Peter, ce que prouve le style et surtout la référence (plutôt fantaisiste) à une lamentable opération de récupération menée sous sa direction. Ce même Peter est celui qui dirige le CCI et qui, après avoir exclu ou poussé dehors la plus grande partie des membres fondateurs du CCI, se prétend le seul héritier de MC. Mais il faut aussi savoir que si Peter mène cette cabale haineuse contre notre camarade Jonas, c'est pour la raison bien simple que Louise (alias Avril), la militante à propos de laquelle Jonas a osé exprimer clairement des doutes, n'est autre que la compagne du chef." 2 [3]
En fait, ce texte de la FICCI aurait dû s'intituler, comme celui publié par P. Hempel dans sa feuille de chou Le Prolétariat universel, "Conciergerie universelle" 3 [4]. Sous le prétexte fallacieux de vouloir prendre la défense du PCI, la camarilla de Jonas dévoile aujourd'hui son fond de commerce et les vraies "divergences de fond" se situant "sur un terrain "strictement politique" qui étaient à l'origine de la fondation de cette prétendue "fraction" : le CCI est dirigé par un "petit Staline" (le "chef") manipulé par "la compagne du chef" qui est un élément douteux (un "flic" suivant les termes de Jonas).
Comme nous l'avions souligné dans notre article de RI n° 321 ("Le combat des organisations révolutionnaires contre la provocation et la calomnie"), le mouvement ouvrier a mis en évidence que ces méthodes consistant à introduire le soupçon au sein de l'organisation afin de détruire la confiance entre militants sont justement celles utilisés dans le passé par les agents provocateurs (notamment la Guépéou dans le mouvement trotskiste des années 1930).
Aujourd'hui, à travers cette "Ultime mise au point", la camarilla des amis de Jonas poursuit à l'extérieur du CCI le même sale travail qu'elle faisait à l'intérieur du CCI, cela afin de semer le trouble et la suspicion dans tout le milieu politique prolétarien. Il est clair que, faute d'avoir pu convaincre les militants du CCI de la nécessité d'exclure le "chef" et la "compagne du chef", ce groupuscule parasitaire se donne aujourd'hui comme objectif d'entraîner derrière ses calomnies les autres groupes de la Gauche communiste afin d'établir un cordon sanitaire autour du CCI et le discréditer (comme on peut d'ores et déjà le constater à la lecture de la presse du PCI).
Mais là où la FICCI dévoile encore plus ouvertement la nature policière de ses agissements réside dans l'insistance avec laquelle cette "Ultime mise au point" livre publiquement les initiales de celui qu'elle appelle le "chef" ("Ce texte est de la main de CG, alias Peter"). Quel intérêt se situant "sur un terrain strictement politique", Jonas et ses amis, peuvent-ils trouver à mettre sur la place publique les initiales d'un militant. Au-delà du fait qu'il s'agit là encore d'un véritable travail d'indicateur (de même nature que celui consistant à livrer à toutes les polices du monde la date de notre Conférence territoriale au Mexique), nous avons à faire ici à des méthodes de maître chanteur visant à intimider les militants. En livrant publiquement sur Internet les véritables initiales d'un de nos camarades (à quand le nom complet et l'adresse ?), Jonas et ses amis cherchent en réalité à faire passer le message suivant : quiconque osera soutenir le CCI sera dénoncé aux services de police. C'est notamment pour cela que les fichiers d'adresses des militants et de nos abonnés ont été volés au CCI plusieurs mois avant la constitution de la FICCI : outre que ce vol permettait d'abreuver nos camarades et abonnés de dénigrements crapuleux contre le CCI, il permet d'exercer sur eux une intimidation permanente. Sinon, comment expliquer que la FICCI, alors que ses bulletins se trouvent maintenant sur Internet, continue à les envoyer par la poste, y compris à ceux qui lui ont explicitement demandé de cesser ses envois ? 4 [5]
Par ailleurs, quel intérêt politique la FICCI trouve-t-elle à clamer sur tous les toits : "ce texte est de la main de CG, alias Peter, ce que prouve le style" ? Du point de vue de la méthode prolétarienne, ce qui intéresse le lecteur sérieux c'est d'abord et avant tout le contenu politique de nos articles et non quel individu est derrière telle signature ou tel "style". Par contre, il est vrai que, grâce à l'analyse du "style", les forces de répression de l'État bourgeois peuvent effectivement chercher à identifier les rédacteurs de la presse révolutionnaire (même si, comme c'est le cas pour le CCI, les articles publiés dans notre presse sont discutés et corrigés collectivement). Ce qui permet à la bourgeoisie, dans les périodes de répression, de tenter de paralyser la publication de la presse révolutionnaire en arrêtant et emprisonnant les militants dont on a (ou on croit avoir) reconnu le "style".
Avec de telles méthodes consistant à faire le travail des mouchards de la police, cette "ultime mise au point" est en réalité une ultime menace : si le CCI continue à mettre en garde le milieu politique prolétarien contre les manœuvres de Jonas et ses amis (comme il l'a fait dans son article de réponse au PCI), alors la FICCI va publier à l'extérieur les fameux "documents" faisant la preuve que "la compagne du chef" est un élément douteux afin de convaincre le milieu politique prolétarien. Ainsi, on peut lire dans le texte de la FICCI : "le camarade Jonas n'était pas le seul (et de loin) à avoir des raisons de douter de cette militante ; là encore de nombreux documents écrits du CCI que nous avons en notre possession, le montrent."
Cette menace, nous ne la connaissons que trop. C'est désormais à l'extérieur du CCI que la FICCI fait le même chantage qu'elle a pratiqué pendant près d'un an à l'intérieur de notre organisation pour tenter de l'obliger à accepter le viol permanent de nos Statuts de même que les mœurs de voyous des membres de la "fraction" (vol de documents et de l'argent du CCI, menace, chantage, calomnies contre des militants diffusées à travers des correspondances et réunions secrètes, etc.).
Cette méthode consistant à utiliser le chantage et l'insinuation, à répandre la calomnie contre deux de nos camarades et à affirmer haut et fort "Encore une fois nous sommes en possession de documents qui prouvent ce que nous avançons." n'est effectivement pas nouvelle de la part de la FICCI. Lorsque ses membres étaient encore dans le CCI, ils avaient eu pendant des mois le même comportement à propos d'un document intitulé "Histoire du SI" (Secrétariat International, commission permanente de l'organe central du CCI) qu'ils faisaient circuler de façon sélective et qu'ils présentaient comme faisant la preuve des accusations qu'ils portaient contre certains de nos camarades, particulièrement Louise et Peter. Malgré l'importance qu'ils attribuaient à ce document (qu'ils qualifiaient "d'historique"), ils avaient toujours refusé de le remettre à l'organisation, y compris à la Commission d'Investigation qui avait été nommée par le 14e congrès du CCI pour faire la lumière sur ce genre de problèmes. Finalement, ce document a été publié dans le n° 10 du Bulletin de la FICCI, après que les membres de celle-ci se soient placés délibérément en dehors de notre organisation. Il a été lu, à la demande expresse de l'organe central du CCI, par tous nos camarades qui comprenaient la langue française. Toutes les sections et tous les camarades ont été indignés et ont éprouvé la nausée devant l'avalanche de mensonges et d'interprétations crapuleuses contenues par ce document, de même que par le déballage qu'il fait de la vie privée des militants.
Voilà le type de document que la FICCI menace de rendre public !
Les organisations du mouvement ouvrier ont souvent été confrontées à ce type de chantage : "Nous avons des documents qui prouvent nos accusations !" Face à ces méthodes, l'attitude des organisations prolétariennes a toujours été d'exiger la publication de ces fameux documents afin qu'ils puissent être réfutés publiquement. Concernant ceux que la FICCI évoque frénétiquement, il est clair que le CCI est parfaitement capable de les réfuter également. Cependant, ces documents traitent des détails du fonctionnement de notre organisation et de la vie privée de ses militants, et leur publication ne pourrait être que pain béni pour les services de police. Cela dit, le CCI est tout à fait disposé à ce qu'ils soient portés à la connaissance d'une commission constituée par des militants de confiance des organisations de la Gauche communiste et qu'ils soient discutés dans ce cadre.
Le CCI n'a rien à craindre de la vérité parce que cette vérité ne peut que :
- mettre en évidence le fait que notre organisation, aussi bien au niveau de ses positions que de ses principes de fonctionnement reste totalement fidèle à son expérience passée ainsi qu'à celle de la Gauche communiste ;
- faire ressortir le caractère consciemment destructeur et anti-prolétarien des agissements de Jonas et de ses supporters comme la publication du Bulletin 14 de la FICCI et notamment le texte "Une ultime mise au point" vient d'en faire une nouvelle fois la preuve.
CCI
1 [6] Nous lisons ou nous entendons souvent que les organes spéciaux de l'État bourgeois n'ont rien à faire des activités d'une toute petite organisation comme la nôtre dans la mesure où aujourd'hui la classe dominante n'a pas conscience du rôle qu'est appelé à jouer la Gauche communiste dans un futur mouvement révolutionnaire. C'est faire preuve d'une énorme naïveté comme l'ont montré par exemple les campagnes "antirévisionnistes" qui visaient à mettre dans un même sac les groupes de ce courant qui dénonçaient l'antifascisme et l'extrême droite antisémite. Toute l'histoire du mouvement ouvrier atteste que les services spécialisés de l'État bourgeois ne sous estiment jamais le danger potentiel que représentent les groupes révolutionnaires, aussi réduites que soient, à un moment donné, leur taille ou leur influence sur la classe ouvrière. D'ailleurs, malgré le fait que pour le moment l'État "démocratique" n'exerce pas en général la répression ouverte contre les groupes de la Gauche communiste, ces derniers on déjà eu à subir des actions de répression (comme les perquisitions qui ont frappé le Parti Communiste International dans les années 1970). Le CCI lui-même n'a pas été épargné puisque certains de nos militants, y compris dans les pays les plus "démocratiques", ont fait l'objet de perquisitions, de gardes à vue, d'interrogatoires prolongés à des postes de frontière, de surveillances policières ostensibles en vue d'intimidation, d'actions de commando d'éléments armés probablement de mèche avec l'Etat. Tout cela, les membres de la "FICCI" le savaient parfaitement.
2 [7] MC est notre camarade Marc Chirik, mort en 1990. Il avait connu directement la révolution de 1917 dans sa ville natale de Kichinev en Moldavie. Membres dès l'âge de 13 ans du parti communiste de Palestine, exclu du PCF en 1928, il a poursuivi le combat pour la défense des positions révolutionnaires dans différentes organisations de la Gauche communiste, notamment la Fraction italienne où il est entré en 1938 et la Gauche communiste de France à partir de 1945. A partir de 1964 au Venezuela et de 1968 en France, MC a joué un rôle décisif dans la formation des premiers groupes qui allaient être à l'origine du CCI auxquels il a apporté l'expérience politique et organisationnelle qu'il avait acquise dans les différentes organisations communistes dont il avait été membre auparavant. On trouvera plus d'éléments sur la biographie politique de notre camarade dans notre brochure "La Gauche communiste de France" et dans l'article que la Revue Internationale lui a consacré lors de sa disparition (n°65 et 66). Quant à l'affirmation ridicule suivant laquelle Peter "se prétend le seul héritier de Mc" (complétée par une note s'exclamant "c'est dire, au passage, la conception qu'il se fait de l'organisation révolutionnaire"), les membres de la FICCI auront bien du mal à la prouver. Elle ne fait que révéler l'imagination malade et la hargne stupide des membres de la FICCI, ainsi d'ailleurs que leur propre conception tordue de l'organisation.
3 [8] Sur les convergences entre la FICCI et P. Hempel, voir notre article "Un groupe parasitaire qui sert admirablement la bourgeoisie" dans RI 326.
4 [9] Dans son Bulletin n° 11, la FICCI publie une réponse à un courrier que nous avions adressé à chacun de ses membres lui demandant de restituer les documents internes en sa possession. Dans cette réponse, elle écrit : "Quant au double des adresses du fichier des abonnés, il est pour le moins frappant que vous revendiquiez, tel un boutiquier jaloux de ses clients, une "propriété" sur des personnes. (…) Mais peut-être votre souci est-il la sécurité même de ces documents qui pourraient tomber dans des mains "indélicates" ? (…) nous pouvons vous assurer qu'ils sont à l'abri et en sécurité… et qu'il serait difficile, pour ne pas dire impossible, à des "gens indélicats" de mettre la main dessus." On peut se faire une idée aujourd'hui, après les mouchardages de la FICCI à la police, de la confiance qu'on peut lui accorder !
Dans les discussions
menées par les différentes sections du CCI lors des réunions
publiques, des permanences ou des ventes de la presse, nos interlocuteurs
tombent en général assez vite d'accord avec notre appréciation
de la situation mondiale et reconnaissent que le capitalisme entraîne
l'humanité vers l'abîme. Mais quand il s'agit de comprendre
que la classe ouvrière est la seule force capable de sortir l'humanité
de cette impasse par un soulèvement révolutionnaire, de
gros doutes apparaissent rapidement : " La classe ouvrière
est aujourd'hui elle-même désespérément divisée.
Les secteurs centraux ne vivent plus maintenant aux limites du minimum
vital comme au siècle dernier, mais ont accès aux 'acquis'
de notre culture moderne et au bien-être, même si c'est
dans une mesure modeste. La plupart des ouvriers ne se sentent plus
des ouvriers et ressentent même l'expression 'ouvrier' comme insultante.
Les 'vrais prolétaires' comme il y a cent ans sont aujourd'hui
en partie éliminés et remplacés par les employés
du secteur des services qui ne sont plus productifs et, en tout cas,
ne sont plus de 'vrais' ouvriers. Avec l'effondrement de l'Est ainsi
qu'avec l'identification entretenue par les médias bourgeois
entre le communisme et le stalinisme, le dernier reste de sympathie
du monde du travail pour la théorie de la lutte des classes et
l'hostilité délibérée au capital s'est éteint
définitivement."
Nous pensons que nous devons répondre énergiquement à
de tels arguments. Aujourd'hui, pour les révolutionnaires, l'un
des devoirs les plus importants consiste justement à les réfuter,
surtout que de telles idées ne sont plus seulement colportées
par les habituels petits-bourgeois qui se croient supérieurs,
mais par des ouvriers conscients et combatifs, par des camarades qui
se dressent pour la disparition de ce système. En outre, ces
arguments aboutissent à une prétendue "réfutation
du marxisme", dont la défense revient en premier lieu à
l'organisation communiste.
La conception actuellement en vogue affirme que l'interprétation par Marx et Engels de la nature et du rôle du prolétariat pouvait correspondre à la réalité du siècle passé, mais n'a aujourd'hui plus aucune validité. Une telle conception ne s'appuie pas seulement sur le mépris coutumier de l'idéologie bourgeoise dominante pour la classe productrice, mépris qui a atteint de nouveaux sommets dans le dénigrement du socialisme par son identification avec le stalinisme. Elle repose également sur la méconnaissance fort répandue de ce que Marx, Engels et le mouvement ouvrier ont effectivement dit de la nature de la classe. Ainsi, leur conviction que le prolétariat est la dernière classe de l'histoire de l'humanité, et la plus révolutionnaire, ne se fonde aucunement sur les particularités de son exploitation à cette époque-là. Aujourd'hui, on répand partout l'affirmation selon laquelle, dans l'optique de Marx, la vocation révolutionnaire du prolétariat se fondait sur le fait que les ouvriers de son époque devaient s'éreinter jusqu'à 18 heures par jour, accomplir de durs travaux physiques, alors qu'ils ne disposaient d'aucune sorte d'assurance maladie, de retraite, ni de congés annuels. Le fait que tout cela ne concerne plus la majorité des ouvriers, au moins dans les pays industrialisés, signifierait que les rêves révolutionnaires sont dépassés. Voilà la fausse conclusion que l'on veut nous faire avaler. Tant que l'on se tient sur le terrain, indigent au possible, de ce genre "d'explications" que les critiques bourgeois de Marx affectionnent, il est impossible d'avancer. Qu'a dit réellement le marxisme à ce sujet ?
Dans un texte fondamental, "L'Anti-Dühring", Engels
a caractérisé la contradiction du capitalisme entre le
caractère social du processus de production et la forme privée
de l'appropriation capitaliste : "La production sociale est appropriée
par des capitalistes individuels, (une) contradiction fondamentale d'où
naissent toutes les contradictions dans lesquelles la société
actuelle se meut et que la grande industrie a mis ouvertement au jour."
Ce point est absolument décisif pour comprendre la nature révolutionnaire
de la classe ouvrière. Le capitalisme n'a pas seulement bouleversé
le processus de production, les moyens de production techniques et scientifiques,
mais il a créé de la sorte, pour la première fois,
les conditions pour un monde sans pénurie ni détresse
matérielle. Il a, en lien avec cela, radicalement transformé
et révolutionné la nature de la classe exploitée,
productrice, autant à travers la socialisation du travail que
par la séparation complète des producteurs par rapport
aux moyens de production. A travers ces deux mutations, le prolétariat
se différencie fondamentalement des classes productrices qui
l'ont précédé comme les esclaves ou les serfs,
lesquels étaient sans doute exploités, mais ne représentaient
pas une classe révolutionnaire qui porte en elle une nouvelle
société.
Fondamentalement, les esclaves ou les serfs ne produisaient pas dans
la perspective de l'échange, du marché, mais pour satisfaire
les besoins locaux et personnels de leurs maîtres. Dans les sociétés
esclavagistes et féodales, les instruments de travail étaient
des instruments individuels. La base de la production était,
de ce fait, le travail isolé, limité localement, individuel.
C'est principalement par la violence que les producteurs étaient
contraints de travailler. Ces derniers n'avaient aucun intérêt
pour leur travail et ne possédaient aucune véritable instruction.
Et avant tout, ils étaient à peine unis les uns aux autres,
alors qu'ils étaient assujettis à leurs maîtres
par une relation personnelle.
Le bouleversement majeur apporté par le capital provient justement
du remplacement, en tant que base prépondérante de la
production, du travail individuel par le travail collectif. Cela signifie
que, pour la première fois dans l'histoire, presque tous les
producteurs sont, par l'échange et une division du travail toujours
plus prononcée, réunis les uns et les autres dans le processus
de production. A la place du travail individuel isolé, la fabrication
de biens s'est développée par l'association dans le travail
de milliers d'êtres humains, souvent accompagnée d'une
division du travail réalisée à l'échelle
du globe terrestre (par exemple, une automobile moderne se compose de
pièces détachées produites dans d'innombrables
usines et pays). Avec l'arrivée de l'ère du machinisme,
le capital a remplacé les instruments de travail individuels
par des systèmes de production collectifs, mis en mouvement par
de véritables armées du travail. De cette sorte, le capital
a créé, à la place des exploités éparpillés,
isolés les uns des autres, une classe qui se trouve unie par
son travail collectif (et ceci à un niveau mondial) et qui ne
peut vivre et travailler que grâce à cette union. C'est
avant tout cette socialisation du travail qui a permis au capital de
renforcer autant la compétitivité de ses produits et de
faire reculer les autres formes de production précapitalistes.
C'est seulement ainsi qu'il a pu commencer sa marche triomphale dans
la production et son expansion géographique. Mais, en même
temps, il a engendré, avec le prolétariat moderne, son
propre fossoyeur.
Par la généralisation de la production marchande, le capital
a bouleversé en même temps les rapports politiques entre
les classes. Les capitalistes ne produisent plus pour des besoins individuels,
mais pour le marché. De ce fait, les rapports entre exploiteurs
et exploités sont totalement dépersonnalisés, tout
en devenant hautement politiques. Les rapports des esclaves et des serfs
avec leurs maîtres étaient principalement des relations
personnelles, c'est-à-dire que les conditions de l'exploitation
dépendaient en premier lieu de la capacité de l'exploiteur
à mobiliser un certain nombre de soldats et de gardiens des travaux
pour s'attacher des forces de travail et les contraindre à produire.
A l'opposé dans le capitalisme, les conditions de production,
de travail et d'exploitation dépendent fondamentalement du marché,
c'est-à-dire selon que l'économie est en plein boom, en
récession, ou que les forces de travail inondent le marché
ou ne sont disponibles qu'en quantités limitées. Fondamentalement,
les travailleurs ne sont plus exploités et mis au supplice par
des individus mais, au contraire, par le système lui-même.
De ce fait, la lutte des classes entre exploiteurs et exploités
dans sa forme actuelle, pleinement développée, classe
contre classe, est devenue possible. En même temps, la séparation
complète entre les producteurs (en tant que travailleurs salariés)
et les moyens de production (en tant que capital) entraîne le
remplacement de la violence par une coercition économique dans
la contrainte au travail. Les ouvriers doivent vendre leur force de
travail pour pouvoir travailler et vivre.
C'est seulement de la naissance d'une main d'oeuvre "libre",
"mobile", "librement" motivée par la contrainte
économique, que peut résulter la possibilité de
généraliser et d'exploiter systématiquement la
science et la technique dans le processus de production. Il en découle
que le prolétariat moderne ne se distingue pas par sa grossièreté
et son ignorance (comme le pensent les nostalgiques des révolutions
romantiques qui postulent que la disparition des ouvriers des premiers
temps du capitalisme équivaut désormais à l'impossibilité
de la révolution), mais par un haut niveau d'instruction et d'éducation.
La voiture, l'assurance maladie et les congés annuels ne sont
pas des cadeaux ni des tentatives de corruption par le capital, mais
les conditions minimales pour que les ouvriers puissent produire et
reconstituer leurs forces dans le monde du travail d'aujourd'hui, très
complexe et exigeant.
Selon Marx et Engels, la principale contradiction du capitalisme réside
dans l'opposition entre, d'un côté, la prédominance
du travail social et, de l'autre, l'orientation totalement privée
et dirigée vers le profit maximal de la vie économique,
sur la base de la propriété privée. En apparence,
il s'agit d'une contradiction entre les choses. En vérité,
cette contradiction s'exerce à l'intérieur de la société,
entre les classes.
Ainsi, le caractère social du travail est incarné par
le prolétariat. La classe ouvrière se distingue par son
caractère collectif, organisé, discipliné, méthodique,
unitaire et avant tout conscient, caractère visible autant dans
le processus de travail lui-même que dans le combat collectif.
La société actuelle, privée, individuelle, chaotique,
anarchique, avec son caractère concurrent et guerrier, représentée
et incarnée par la bourgeoisie, en est le pôle contraire.
Alors que le monde du travail se montre toujours plus méthodique,
scientifique, "rationnel" et discipliné, l'anarchie
de la production capitaliste explose et le chaos s'exacerbe, conditionné
par la concurrence. Chaque secteur capitaliste, et particulièrement
chaque capital national, continue sa guerre contre tous, et cela prend
des formes toujours plus destructrices. En fin de compte, c'est l'existence
de l'humanité qui est menacée par la survivance d'un tel
système.
Cette contradiction entre le travail toujours plus productif et l'appropriation
privée toujours plus destructrice ne peut être réglée
que par son dépassement opéré par la lutte des
classes. Il revient au prolétariat la tâche de résoudre
cette contradiction, en associant au caractère social de la production
l'appropriation sociale des produits.
Cela veut dire que, pour parvenir à une conscience révolutionnaire,
il ne s'agit pas pour la classe ouvrière de laisser pénétrer
en son sein une théorie venue de l'extérieur ou des données
étrangères à sa propre vie. Pour elle, il s'agit
"seulement" de comprendre sa nature propre.
Puisque le prolétariat n'est pas propriétaire de moyens
de production et comme il est intégré dans la trame mondiale
du travail social, il ne peut accomplir sa tâche qu'en contrôlant
et en socialisant les moyens de production en tant que représentant
de l'humanité, non pas en agissant individuellement mais seulement
collectivement. Face aux couches qui produisent encore sur la base d'une
organisation individuelle du travail, comme les paysans, les artisans,
les professions libérales, les "producteurs intellectuels",
etc., et qui revendiquent encore les fruits de leur travail individuel
- voulant ainsi faire tourner la roue de l'histoire à l'envers,
le prolétariat est, par la force des choses, tourné vers
le futur. Comme il ne peut trouver de solution à la crise du
capital, puisqu'une telle solution n'existe pas, il lui faut forcément
rechercher et trouver une solution en dehors de ce système.
Il doit être clair que ni ses conditions d'exploitation, ni sa
composition (sociologique) momentanée, ni la nature des instruments
employés au travail, ni l'opinion que tel ouvrier "moyen"
a de lui-même ou de sa classe, ne permettent de comprendre la
nature profonde du prolétariat. C'est quelque chose de bien plus
important qui autorise à le faire : la nature collective, consciente,
massive, internationale et tournée vers le futur du prolétariat.
Une nature qui apparaît spontanément dans sa théorie
révolutionnaire, mais qui, aussi, resurgit dans ses gigantesques
combats. La classe, dans son ensemble, ne peut révéler
au grand jour sa véritable nature à volonté, n'importe
quand, dans n'importe quelles conditions. Il est nécessaire pour
cela qu'elle approfondisse et étende sa théorie et son
programme ; qu'elle se mobilise massivement sous les coups de la crise
; qu'il y ait des actions de masse créatrices dans les luttes.
Il n'y a absolument aucune garantie que le prolétariat trouvera
son chemin à temps avant que le capitalisme ne détruise
l'humanité. Ce que nous savons cependant, c'est que si les conditions
subjectives et objectives se réunissent dans cette perspective,
si la classe entre en bouillonnement révolutionnaire, sa nature
se dévoilera comme le socialisme scientifique l'a annoncé
il y a cent cinquante ans.
(D'après Weltrevolution n°53)
Lors de ses "bons"
vœux exprimés "aux Français" le 6 janvier,
et particulièrement en direction de la classe ouvrière
que le chef de l'Etat a appelé à "l'effort partagé
et juste" et à "renouer avec les fils de la solidarité",
Jacques Chirac donnait le coup d'envoi à une accélération
du "chantier" des retraites, qui devra être achevé
au mois de juin.
En ce sens, on a donc vu le gouvernement Raffarin se préparer
à mettre les bouchées doubles pour faire travailler plus
longtemps les ouvriers en leur faisant payer toujours plus le prix fort
de la crise et du chômage.
Et si les salariés du secteur privé avaient vu passer
en 1993 le nombre d'annuités ouvrant les droits à la retraite
à 40 ans, les gouvernements successifs, de droite et de gauche,
n'avaient pas achevé leur sale besogne dans le secteur de la
fonction publique.
Ainsi, c'est Raffarin qui, en l'occurrence, va s'efforcer de réaliser
le but de Jospin de réformer les retraites des fonctionnaires
et des régimes spéciaux.
Ces derniers, EDF et GDF en première ligne, vont justement servir de ballon d'essai et de tremplin pour généraliser l'attaque à tout le secteur public. Et ce ne sont bien évidemment pas les grandes phrases démagogiques de Chirac ou la détermination affichée des Raffarin et autres Fillon, pas plus que les provocations du Medef sur les "nantis" de la fonction publique, qui vont faire avaler la pilule aux prolétaires, mais le travail de sabotage des syndicats au sein même de la classe ouvrière. Déjà, la manifestation des agents d'EDF et de GDF du 3 octobre 2002, appelée par l'ensemble des syndicats sur le thème de "Tous ensemble pour le secteur public nationalisé" et à laquelle avait été conviées d'autres entreprises du public (SNCF, La Poste, Air France, France Telecom), a constitué un moment fort de ce sale travail syndical. En mettant l'accent sur la "défense du service public", les syndicats enfonçaient le clou de la division entre les ouvriers du privé et les "privilégiés" du secteur public accrochés à leurs prérogatives et entraînaient encore ces derniers sur le terrain particulièrement pourri de l'opposition à la privatisation pour la défense du secteur nationalisé, esquivant la question centrale des attaques d'ampleur contre toutes leurs conditions de vie et de travail, et dont les retraites sont un axe principal (voir RI n°328).
La mascarade du vote organisé à EDF et GDF en janvier
dernier a vu éclater toute la duplicité syndicale pour
faire passer la réforme des retraites. Mis sur pied par la CGT
et en accord avec le gouvernement, soi-disant pour avoir l'avis des
salariés et pour servir de "test" à l'avenir
de la réforme dans les autres entreprises publiques et chez les
fonctionnaires, le "non" des agents a eu pour résultat…
une détermination accrue du Premier ministre déclarant
que ce prétendu "revers majeur" (selon le PS) ne "remettait
nullement en cause le choix du gouvernement de réformer les retraites"
! Il ne pouvait en être autrement car il y avait là tous
les ingrédients pour le rassurer sur la voie royale ouverte par
les syndicats. Ceux-ci se sont en effet partagés le travail afin
de semer le maximum de confusion et de tuer dans l'oeuf toute tentative
de riposte des agents d'EDF-GDF.
Tout d'abord, le travail de sabotage de la CGT, sous prétexte
de se mettre à l'écoute de la base, a consisté
à enfermer les ouvriers dans l'isoloir, chacun avec son bulletin
de vote, seul et atomisé, écartant la tenue d'assemblées
générales, seuls lieux à même de développer
une véritable expression de la réflexion collective de
la classe ouvrière. Ensuite, le prétendu cafouillage de
la CGT qui, tout en étant à l'initiative de la consultation
électorale, s'était prononcée auparavant, par la
voix de son leader à EDF-GDF, en faveur de l'accord, puis qui,
par souci "démocratique", s'est ralliée au vote
majoritaire du "non", a permis d'entretenir le désarroi
et le déboussolement.
A ce travail de sape de la CGT sont venues s'ajouter les déclarations
de Blondel s'étant opposé dès le début à
l'accord, non pas en soi contre celui-ci, mais parce que la "réforme
des retraites était le préalable nécessaire à
l'ouverture du capital d'EDF". Autrement dit, attaquer le système
de retraites, oui, mais si EDF reste nationalisée, poussant les
ouvriers dans le faux choix mortel : être nationalisés
ou privatisés. Et pour jeter un peu plus le trouble dans la réflexion
des ouvriers, la CFDT qui, quant à elle, soutient la réforme
gouvernementale, se chargeait de rajouter une couche de confusion en
regrettant haut et fort que "les salariés se soient trompés
sur l'objectif du texte (de la réforme) qui visait à alléger
l'entreprise des charges de retraite à un moment où l'on
ouvre le marché à la concurrence".
On a ainsi vu de la part des syndicats se mettre en place tout l'éventail des positions possibles de façon à éparpiller autant que faire se peut la réflexion des ouvriers. Et les partis de gauche et d'extrême gauche ne se sont pas privés d'apporter leur aide active à cette opération de sabotage. Ainsi, le PS à travers François Hollande se félicitait que les salariés aient dit "non à l'ouverture du capital d'EDF" pour conseiller au gouvernement de "traiter globalement (le dossier général des retraites) et non pas par bouts comme il a tenté de la faire". En clair : plus fort, plus vite et plus large pour attaquer la classe ouvrière !
Dans ce concert tonitruant des ennemis des ouvriers, la LCR voyait même que "le vote des salariés de l'énergie montre que l'on peut battre la politique de régression sociale du gouvernement". Ben voyons ! C'est tout le contraire qui est vrai : une accumulation de mauvais coups plus pernicieux les uns que les autres contre les ouvriers, dont le vote à EDF-GDF a été une phase particulière afin de provoquer le désarroi dans toute la fonction publique et au-delà dans toute la classe ouvrière. Car ce "ballon d'essai" a eu pour objectif d'offrir l'image d'une classe ouvrière impuissante et déboussolée, incapable de s'organiser, de façon à mieux faire passer l'attaque à venir contre tous les autres secteurs et toutes les catégories d'ouvriers.
Il ne faut pas être dupe. Toute cette opposition de façade n'a aucunement l'intention d'empêcher le gouvernement de réformer les retraites. Elle est tout au contraire sur le devant de la scène pour lui préparer le terrain. La manifestation et la journée d'action du 1er février prochain auxquelles appellent les syndicats comme les partis de gauche et d'extrême gauche contre la réforme Raffarin et du Medef va s'avérer être un moment de plus dans le sabotage du terrain de la riposte ouvrière. Et demain, comme pour les 35 heures, ils viendront nous dire pour les uns que la réforme des retraites est une bonne chose pour la solidarité ouvrière, pour les autres qu'ils n'en voulaient pas mais en rendront responsables les ouvriers eux-mêmes, incapables de s'y opposer.
Mulan (21 janvier)
Au milieu des flots de propagande déversés aujourd'hui par les gouvernements et les partis politiques à propos des préparatifs de guerre au Moyen-Orient, deux thèmes se distinguent particulièrement. Le premier attribue la responsabilité essentielle d'une telle guerre aux "Etats voyous", tel l'Irak, désignés comme des menaces pour la paix et la sécurité mondiale. L'autre thème met en cause, au contraire, de "mauvais" pays capitalistes, la première puissance mondiale en particulier, laquelle n'aurait dans cette affaire d'autre objectif que de s'accaparer les revenus de la vente du pétrole irakien. Face à ces campagnes, il appartient aux révolutionnaires de défendre la position internationaliste du prolétariat en débusquant les mensonges dont nous abreuvent les différents camps bourgeois en présence.
Depuis la Première Guerre mondiale, la bourgeoisie a toujours pris un soin particulier à masquer les causes réelles de la guerre. Si bien que les fondements de ce fléau auquel le 20e siècle doit en bonne partie d'avoir été le siècle le plus barbare de l'histoire de l'humanité demeurent complètement incompréhensibles aux grandes masses de la population, totalement mystifiées par un discours dégageant le capitalisme et la bourgeoisie comme un tout de leurs responsabilités dans cette situation. C'est le propre de la bourgeoisie, en tant que classe dominante d'un système entré en décadence depuis maintenant un siècle et qui, dans son agonie, entraîne l'humanité vers le néant, de faire passer pour des vertus les pires monstruosités en les drapant du voile idéologique de la défense de la "civilisation", de la "démocratie", des "droits de l'homme", du "droit international", de la "lutte contre le terrorisme". Sa préoccupation est de cacher ce fait que les conflits qui ont ensanglanté la planète depuis un siècle ont tous été, sans exception, des conflits impérialistes, c'est-à-dire l'expression au plus haut niveau des antagonismes entre fractions rivales de la bourgeoisie mondiale.
Le mobile réel de la Première Guerre mondiale n'était
autre que le repartage du marché mondial. Pour des pays comme
la France et surtout la Grande-Bretagne dont l'économie pouvait
bénéficier d'un empire colonial, il s'agissait de défendre
un statu quo à leur avantage contre la volonté de l'Allemagne
en particulier, moins bien lotie sur ce plan, de vouloir le remettre
en cause. C'est ce dernier pays qui a poussé à la guerre
alors que le manque de débouchés résultant de sa
situation géopolitique et la crise de surproduction en développement
handicapaient de façon croissante sa capacité à
écouler une production industrielle importante. Tous les belligérants,
y compris les vainqueurs à l'exception des Etats-Unis, ont sur
le plan économique été des perdants de cette guerre.
En fait, si les Etats-Unis ont pu acquérir à travers elle
une position dominante au niveau mondial, c'est parce que, éloignés
du terrain des opérations, ils ont eu à fournir un effort
de guerre relativement moins important que les puissances européennes
et ont été épargnés par les destructions
massives.
La Seconde Guerre mondiale est elle aussi le produit des mêmes
contradictions et l'enjeu des tueries est de nouveau le repartage du
monde. C'est ce que traduit clairement le slogan de Hitler pour justifier
la politique expansionniste de l'Allemagne : "Exporter ou mourir".
Les destructions occasionnées par le second conflit mondial ont
impliqué, de façon plus nette encore que le premier, un
recul de l'économie mondiale, avec des répercussions sur
tous les protagonistes, même si encore une fois les Etats-Unis
s'en sont mieux sortis que les autres. En fait, ceux-ci ont, à
cette occasion, encore renforcé leur position de première
puissance mondiale, fondamentalement grâce aux positions stratégiques
qu'ils venaient d'acquérir, notamment suite à la défaite
de l'Allemagne et du Japon mais aussi suite à la ruine des principaux
pays d'Europe. De même, c'est également grâce à
la défaite de l'Allemagne que la Russie put occuper elle aussi
des zones stratégiques essentielles, dont une partie de l'Europe,
lui permettant ainsi de se hisser au rang de seconde puissance mondiale,
à la tête du bloc impérialiste rival des Etats-Unis.
Et pourtant la Russie était alors, et restera, un pays dont l'économie
a plus à voir avec celle des pays sous-développés
que celle des grands pays industrialisés. Ainsi la Seconde Guerre
mondiale illustre clairement cette tendance, qui s'accentue au sein
de la décadence du capitalisme, selon laquelle les gains de la
guerre s'expriment en terme de positions stratégiques payées
au prix fort sur le plan économique. La conquête de telles
positions tend à devenir essentiellement un but en soi, contrairement
au passé où elle constituait surtout un moyen de conquêtes
à caractère économique. A mesure que se prolonge
la période de décadence du capitalisme, la guerre prend
un caractère de plus en plus irrationnel sur le plan économique
même (sans parler pour l'humanité !), pour le capital comme
un tout, mais aussi pour chaque capital national pris séparément.
C'est ce que montrent les quatre décennies du face à face
entre le bloc de l'Est et celui de l'Ouest avec son cortège de
guerres locales, la plupart du temps pour des objectifs strictement
stratégiques ayant englouti en pure perte des sommes considérables
(et fait plus de morts que la Seconde Guerre mondiale). L'URSS, économiquement
plus faible que ses rivaux du bloc occidental, ne pouvait plus supporter
le coût de l'effort de guerre, si bien qu'elle n'a pas résisté
à l'aggravation de la crise économique et s'est effondrée.
Tout ce qui précède n'enlève rien au fait que ce
sont toujours les déterminations économiques qui constituent
le moteur de la guerre. En effet, c'est l'aggravation de la crise économique
qui pousse chaque bourgeoisie nationale à vouloir résoudre
les contradictions qui en découlent dans la fuite en avant dans
le militarisme et vers la guerre. Bien qu'une telle politique constitue
à son tour un facteur d'aggravation de la crise, aucun pays ne
peut y échapper sous peine de présenter une vulnérabilité
accrue face aux appétits impérialistes des autres nations.
Ainsi, si au début du 20e siècle, la guerre est conçue
par ses protagonistes comme un moyen de repartage des marchés,
elle s'est progressivement imposée à leur conscience comme
étant désormais le moyen de défendre son rang dans
l'arène impérialiste mondiale. C'est ce qu'a montré
de manière éclatante la guerre du Vietnam entre 1962 et
1975 où l'absence totale d'objectif économique n'a pas
empêché une implication massive et terriblement coûteuse
de la part des Etats-Unis. De même, toute la période écoulée
depuis la fin des blocs constitue une illustration frappante de ce fait.
En effet que ce soit en Irak en 1991, en Yougoslavie, en Afghanistan,
aucune des opérations militaires, pour ne citer que les principales,
des Etats-Unis et de leurs "alliés", n'a en aucune
façon permis une rentabilisation ultérieure (évanoui
le bluff de la reconstruction de la Yougoslavie !) mais le fait réel
de dépenses énormes sur fond de relance de la course aux
armements. En revanche, toutes ces opérations participaient d'un
enjeu stratégique qui constitue la toile de fond à la
préparation d'une nouvelle guerre en Irak.
La fin des blocs en 1990 inaugure un accroissement considérable
des conflits et du chaos à l'échelle de la planète.
La dynamique et l'enjeu de ceux-ci se résume de la sorte : "Face
à un monde dominé par le 'chacun pour soi', où
notamment les anciens vassaux du gendarme américain aspirent
à se dégager le plus possible de la pesante tutelle de
ce gendarme qu'ils avaient dû supporter face à la menace
du bloc adverse, le seul moyen décisif pour les Etats-Unis d'imposer
leur autorité est de s'appuyer sur l'instrument pour lequel ils
disposent d'une supériorité écrasante sur tous
les autres Etats : la force militaire. Ce faisant, les Etats-Unis sont
pris dans une contradiction :
- d'une part, s'ils renoncent à la mise en œuvre ou à
l'étalage de leur supériorité militaire, cela ne
peut qu'encourager les pays qui contestent leur autorité à
aller encore plus loin dans cette contestation ;
- d'autre part, lorsqu'ils font usage de la force brute, même,
et surtout, quand ce moyen aboutit momentanément à faire
ravaler les velléités de leurs opposants, cela ne peut
que pousser ces derniers à saisir la moindre occasion pour prendre
leur revanche et tenter de se dégager de l'emprise américaine."
(Résolution du 12e congrès du CCI [16], Revue Internationale
n°90).
Une telle analyse permet de comprendre non seulement les raisons de
la première guerre du Golfe en 1991 mais aussi pourquoi, depuis
lors, les Etats-Unis se trouvent contraints de renouveler et amplifier
les démonstrations de force face à celles, aussi de plus
en plus téméraires, lancées contre leur autorité.
Les interventions militaires américaines n'ont cependant pas
pour fonction unique de rappeler de façon menaçante qui
est le seul gendarme du monde et qui, seul, a les moyens de l'être.
A travers elles, ce sont aussi un ensemble de positions stratégiques
que conquièrent les Etats-Unis. L'Irak constitue en l'occurrence
un maillon d'importance au sein d'une stratégie d'encerclement
des puissances européennes occidentales visant notamment à
bloquer l'avancée impérialiste de l'Allemagne, leur plus
dangereux rival impérialiste, vers les territoires slaves et
orientaux. Une telle importance se trouve encore accrue du fait des
réserves pétrolières de son sous-sol, et plus globalement
de celui du Moyen-Orient dont dépend en grande partie l'économie
du Japon mais aussi de certains pays européens. Si les Etats-Unis
parvenaient à un contrôle absolu sur les fournitures de
l'Europe ou du Japon en hydrocarbures, cela voudrait dire qu'ils seraient
en mesure d'exercer le plus puissant des chantages sur ces contrées
en cas de crise internationale grave : ils n'auraient même pas
besoin de les menacer de leurs armes pour soumettre ces pays à
leur volonté.
Pour prendre la mesure de l'évolution de la contestation de l'autorité
des Etats-Unis par leurs anciens alliés depuis la disparition
des blocs, il suffit de se remémorer les timides tentatives effectuées
en 1990 par l'Allemagne et la France visant à "saboter la
guerre" en dépêchant en Irak leurs propres conciliateurs
en vue de faire reculer Saddam Hussein. On était alors loin des
déclarations tonitruantes actuelles de la part de l'Allemagne
et de la France contre la politique américaine. Plus spectaculaire
encore, et également significative de la situation actuelle,
est l'attitude de la Corée du Nord qui, en paroles et en actes,
défie ouvertement l'autorité américaine non seulement
en remettant en cause unilatéralement les accords qui lui interdisent
la poursuite de son programme nucléaire mais aussi en accusant
publiquement les Etats-Unis d'être à l'origine d'une telle
mesure discriminatoire à son encontre. Sachant les Etats-Unis
occupés par d'autres problèmes, il s'agit pour la Corée
de profiter de la situation afin de renégocier avec l'Oncle Sam,
à des meilleures conditions, le respect des accords aujourd'hui
dénoncés avec force publicité. Néanmoins,
il y a tout lieu de penser qu'elle a été poussée
dans cette démarche par d'autres puissances régionales,
elles aussi intéressées à pouvoir défier
l'autorité américaine. Ainsi, dans le sillage des déclarations
de Pyongyang, la Chine et la Russie se sont précipitées
pour déclarer qu'il ne fallait pas dramatiser la situation et
qu'elles-mêmes prenaient en charge son règlement pacifique.
Et dans le même temps la Russie mettait de nouveau à profit
l'étroitesse de la marge de manœuvre actuelle des Etats-Unis
en déclarant ouvertement qu'elle va aider l'Iran dans la poursuite
de son programme nucléaire, lequel pourtant a déjà
valu à ce pays des menaces explicites de représailles
de la part des Etats-Unis.
Jamais à la veille d'une intervention militaire programmée
des Etats-Unis, on n'avait assisté à une telle contestation
de leur leadership mondial. Ce fait a toute son importance dans la mesure
où il pourrait avoir des incidences, non pas sur la capacité
des Etats-Unis à renverser militairement Saddam Hussein, même
à eux seuls, mais sur les implications d'une telle intervention
et surtout de ses suites. En effet, l'hostilité qu'elle suscite
dans le monde est aussi présente dans la population américaine
où elle pourrait prendre un nouvel élan s'il devait y
avoir des morts du côté américain. Comme la bourgeoisie
américaine l'a clairement annoncé, son intention est de
prendre pied en Irak et d'administrer le pays. Il y a là le risque
d'un enlisement dans un environnement qui sera d'autant plus agressif
que l'opposition à l'intervention américaine aura dès
le départ suscité une forte hostilité, tant dans
la région que dans le monde.
La bourgeoisie américaine est parfaitement consciente des difficultés
qui sont devant elle. Il s'est d'ailleurs exprimé en son sein
des divergences portant non pas sur la nécessité de poursuivre
l'offensive mais sur la meilleure manière de le faire en évitant
de se retrouver isolés sur la scène internationale. C'est
d'ailleurs la prise en compte de ce facteur qui a amené les Etats-Unis
à changer leur fusil d'épaule à l'automne dernier
en tentant de faire parrainer par l'ONU une intervention militaire en
Irak (voir à ce propos notre article "Menaces de guerre
contre l'Irak" dans la Revue Internationale n°111 [17]).
La détermination de fer qu'ils ont jusqu'à présent
affichée en faveur d'une telle intervention les autorise à
présent difficilement à reculer maintenant pour tenter
de se créer des conditions plus favorables. C'est une des raisons
pour laquelle ils tentent d'obtenir un départ "négocié"
de Saddam Hussein, lui proposant, à lui et à sa famille,
un sauf-conduit en déclarant renonçer par avance à
toute poursuite contre sa personne. Une telle issue serait tout bénéfice
pour les Etats-Unis qui ne manqueraient pas d'en attribuer les mérites
à leur fermeté et leur permettrait d'entrer en Irak à
moindre risque.
En dépit de leur hostilité actuelle affichée à
l'encontre de la politique américaine, on ne sait pas encore
quelle sera l'attitude de pays comme la France face à l'entrée
en guerre des Etats-Unis. Il est possible que certains opéreront
une volte face, en prétextant par exemple telle trouvaille de
dernière minute à charge de Saddam Hussein faite par les
inspecteurs en désarmement. S'ils participaient alors à
la guerre, ce serait non pas par allégeance aux Etats-Unis mais
parce que ce serait la condition pour continuer à pouvoir jouer
un rôle dans la région, voire un moyen de contrecarrer
les plans américains sur place. C'est d'ailleurs pour cette première
raison que la Grande-Bretagne a répondu présent depuis
le début, et non pas pour honorer une alliance "historique"
avec les Etats-Unis qui a fait long feu comme on l'a vu en Yougoslavie
depuis le début des années 1990.
Partout dans le monde, la thèse de l'administration américaine
selon laquelle le renversement de Saddam Hussein se justifie par la
menace que représente son programme de fabrication d'armes de
destruction massive perd, jour après jour, de sa crédibilité.
Même aux Etats-Unis, où la population ne s'est pourtant
pas encore totalement remise de l'accès de patriotisme suscité
à dessein suite à l'attentat du 11 septembre, elle rencontre
un scepticisme croissant.
Et c'est là qu'intervient le mythe mensonger du pacifisme. Il
a pour fonction de canaliser la protestation contre la guerre sur un
terrain permettant d'éviter qu'elle ne débouche sur une
remise en cause radicale du système. Pour sauver la mise au capitalisme,
le pacifisme est capable de mettre en cause la responsabilité
de fractions "inadaptées" de la bourgeoisie, de condamner
de prétendues "aberrations du système", qu'il
suffirait de corriger. C'est fondamentalement d'une telle stratégie
idéologique de la bourgeoisie que relève l'explication
suivant laquelle la guerre préparée par le gouvernement
américain serait une "guerre pour le pétrole".
Un élu de Californie déclarait lors de la manifestation
pacifiste du 19 janvier dernier à San Francisco : "La Corée
du Nord possède l'arme nucléaire, mais l'on n'y va pas.
L'Irak ne l'a pas, mais l'on s'y précipite. La différence
? Voyons … Le pétrole !" En d'autres termes, ce qui
intéresserait fondamentalement les Etats-Unis conduits par un
président lui-même lié aux pétroliers américains,
c'est de faire main basse sur les réserves de pétrole
de l'Irak pour s'approprier les profits faciles de sa vente.
Une telle explication est totalement en contradiction avec la réalité
même des précédents conflits en Afghanistan, en
Yougoslavie et même en Irak en 1991 qui, on l'a vu, ont coûté
énormément et n'ont pas permis aux vainqueurs de se payer
en nature, que ce soit avec du pétrole ou autre chose. Elle vise
en fait à masquer la réalité de la dynamique actuelle
d'une spirale infernale mue par les forces aveugles du capitalisme en
crise et qui entraînent tous les pays dans la guerre. Si aucun
pays n'échappe à cette course folle, ce sont néanmoins
les grandes puissances qui sont à l'offensive, soit de façon
conventionnelle, soit par la manipulation du terrorisme, et qui détiennent
entre leurs mains des moyens de destruction capables de créer
des dommages croissants et irréparables à la civilisation.
Luc (23 janvier)
Partout dans le monde et plus particulièrement en ce moment dans le carré des grands pays industrialisés, les prolétaires peuvent entendre cette mauvaise rengaine que jouent la bourgeoisie et ses sous-fifres de journalistes et d'économistes aux ordres : "Salariés, vous vivez au-dessus de vos moyens, il va falloir vous serrer la ceinture." Ainsi, non contente d'avoir depuis plus de trente ans licencié, rogné par tous les moyens les salaires et les revenus sociaux, la bourgeoisie continue de cogner mais cette fois-ci avec une violence redoublée.
Aujourd'hui, les coups que la bourgeoisie assène aux prolétaires
n'ont d'égal que ceux des années 1930. Cependant, à
nous tous, il est donné de voir dans les pays dits "riches"
des supermarchés remplis d'objets de consommation, des magasins
regorgeant de produits en tout genre, des entreprises capables de tout
fabriquer mais qui, en dernière analyse, se heurtent à
une difficulté : de moins en moins de consommateurs peuvent acheter
leurs marchandises. En conséquence, cela se traduit dans tous
les secteurs par des faillites et donc des licenciements. Aucune branche
d'activité, depuis l'agriculture jusqu'à l'informatique
en passant par l'automobile, n'est épargnée, aucun État
n'y échappe. Comme le soulignait déjà Marx en 1848
dans le Manifeste Communiste : "La société se voit
rejetée dans un état de barbarie momentané ; on
dirait qu'une famine, une guerre de destruction universelle, lui ont
coupé les vivres ; l'industrie, le commerce semblent anéantis.
Et pourquoi ? Parce que la société a trop de civilisation,
trop d'industrie, trop de commerce." Voici donc, décrit
par Marx, ce type de crise jusqu'alors inédit dans l'histoire
et devenu pratiquement permanent au 20e siècle : la surproduction.
Si, désormais, des millions d'êtres humains sont jetés
à la rue, souffrent de famine, ce n'est plus parce que la société
ne produit pas assez mais au contraire parce qu'elle produit trop et
qu'elle ne trouve pas d'acheteurs. Jamais dans l'histoire humaine, une
telle situation ne s'était rencontrée. Car, s'il est vrai
qu'au 14e siècle, l'Europe était ravagée par les
disettes, c'est fondamentalement parce que les structures sociales médiévales
étaient incapables de subvenir aux besoins des populations. A
l'époque, il eût paru totalement invraisemblable qu'un
jour, l'humanité pourrait souffrir d'indigence à cause
d'un excès de production invendue. Pourtant, de nos jours, c'est
bel et bien le cas.
Contrairement, donc, à tout ce que peut affirmer la bourgeoisie,
nous ne vivons pas au-dessus de nos moyens mais largement en dessous.
Prenons un exemple, particulièrement significatif puisqu'il concerne
la nourriture, le secteur agricole. A l'aube du 18e siècle, c'est-à-dire
juste avant la révolution industrielle qui naît en Angleterre,
un paysan européen nourrit 1,7 personne, de sorte qu'il s'alimentait
lui-même et fournissait les trois quarts de l'alimentation d'une
autre personne ; en 1975, un travailleur agricole aux États-Unis
pouvait nourrir 75 individus (ce chiffre doit approcher la centaine
en 1992). Selon d'autres sources, il semblerait aujourd'hui que la seule
agriculture des Pays-Bas, hypercompétitive, soit suffisante à
nourrir l'Europe ! De même, à présent, l'agriculture
mondiale pourrait ravitailler près de trois fois toute l'humanité,
soit environ 18 milliards d'êtres humains.
Comble de l'absurde, le capitalisme réduit à la famine
et à la malnutrition endémique environ la moitié
de la population mondiale, soit 3 milliards d'hommes. Et, comme le capitalisme
ne produit pas pour satisfaire les besoins humains mais pour vendre
et réaliser du profit, les excédents agricoles sont détruits
mais surtout pas distribués sinon ils feraient chuter les cours
du marché (qui se situent déjà bien bas). Ainsi,
désormais, subventionne-t-on dans la CEE les paysans pour qu'ils
mettent en jachère leurs terres. Des millions d'hectares capables
de fournir des millions de quintaux de blé (15% des terres céréalières)
vont retourner à la friche.
Encore une fois, la description d'une telle société eût
semblé totalement délirante pour le paysan du Moyen Âge,
lui qui, patiemment depuis l'an mil, n'avait eu de cesse laborieusement
que défricher, assécher les marais. Bien sûr, cela
ne concerne pas que la vieille Europe, puisqu'aux États-Unis
même, on incendie les champs d'orangers pour cause de surproduction.
Pourtant, l'humanité n'en finit pas de crever de faim et, dans nos supermarchés, tous ces produits agricoles sous leurs diverses formes sont toujours aussi chers comparativement à nos salaires. Une question vient donc immédiatement à l'esprit : pourquoi de telles crises de surproduction ? Comment se fait-il que le capitalisme ne parvienne pas à écouler les marchandises qu'il crée ? Pourquoi l'offre (la production) est-elle plus importante que la demande (la consommation) ?
Marx a, de son temps, clairement mis en évidence que le travail
humain, ou plus exactement la force de travail, est une marchandise
qui s'achète et qui se vend. Et, ce qui détermine le prix
de la force de travail, à savoir le salaire que va verser le
capitaliste à l'ouvrier, c'est, comme toute marchandise, la quantité
de travail nécessaire à sa production. Qu'est-ce que cela
veut dire ? Simplement que le salaire versé à l'ouvrier
par l'entrepreneur est le strict minimum servant à l'éduquer,
le nourrir, le loger, le vêtir. Quant aux congés hebdomadaires
et annuels, ils ne servent qu'à permettre au prolétaire
de reconstituer sa force de travail ; d'être suffisamment en forme
pour produire de nouveau et dans les mêmes conditions qu'avant.
Mais Marx a percé le mystère du prétendu salaire
juste, équitable. Il a mis en évidence que l'ouvrier travaille
plus qu'il n'est rétribué, qu'il y a exploitation du travail,
non pas au sens moral mais bien scientifiquement. Le salaire n'est-il
pas l'équivalent exact, sous forme d'argent, du travail fourni
par l'ouvrier ? Non, pas du tout, cette réalité de l'exploitation
salariale, même si elle n'est pas a priori apparente n'en est
pas moins vraie. Elle est simplement masquée.
Dans la Rome antique, celle de l'Empire qui a succédé
à la République, lorsque les maîtres utilisaient
de la force de travail sous forme d'esclaves capturés au gré
des conquêtes militaires, l'exploitation était visible
: les maîtres nourrissaient et logeaient cette main-d'œuvre
; celle-ci appartenait aux maîtres et travaillaient jusqu'à
la mort sur les terres des villas.
Ce fut la même chose au Moyen Age. Lorsque, durant la période
carolingienne des 8e et 9e siècles, le mode de production esclavagiste
a disparu et a été remplacé par les structures
de la seigneurie, ici aussi le servage a laissé clairement apparaître
l'exploitation. Selon les rapports établis avec le seigneur de
l'endroit, chaque semaine, le serf devait travailler deux ou trois jours
sur la réserve, c'est-à-dire sur la terre du seigneur
féodal, et effectuer des corvées gratuitement.
Dans le capitalisme, qui est également une société
de classes, la tricherie se situe désormais au niveau des salaires.
Prenons un exemple totalement théorique : un ouvrier travaillant
sur une chaîne de montage ou derrière un micro-ordinateur
et qui, à la fin du mois, est payé 800 euros. En fait,
et c'est ce que Marx a démontré, il a produit non pas
pour l'équivalent de 800 euros, ce qu'il reçoit, mais
pour la valeur de 1200 euros. Il a effectué un surtravail, une
plus-value, qui se traduit pour le capitaliste en profit. Que fait le
capitaliste des 400 euros qu'il a volés à l'ouvrier ?
Il en met une partie dans sa poche, admettons 150 euros, ce qui lui
permet généralement de vivre beaucoup mieux qu'un simple
ouvrier, et les 250 euros restant, il les réinvestit dans le
capital de son entreprise, le plus souvent sous forme de l'achat de
machines plus modernes, etc.
Mais pourquoi le capitaliste procède-t-il ainsi ? Parce qu'il
n'a pas le choix. Le capitalisme est un système concurrentiel,
il faut vendre les produits moins cher que le voisin qui fabrique le
même type de produits. En conséquence, le patron est contraint
non seulement de baisser ses coûts de production, c'est-à-dire
les salaires (ou, dit autrement, le capital variable), mais encore d'utiliser
une part croissante du surtravail dégagé pour le réinvestir
prioritairement dans les machines (le capital fixe), afin d'augmenter
la productivité (quantité produite en un temps donné)
de son capital. S'il ne le fait pas, il ne peut pas réinvestir,
se moderniser, et, tôt ou tard, son concurrent, qui, lui, le fera,
vendra moins cher et remportera le marché. Le patron philanthropique
qui, par hypothèse, se refuserait à exploiter toujours
plus ses ouvriers serait vite conduit à faire faillite.
Le système capitaliste est donc à la fois dynamique, dans
le sens où il doit constamment s'élargir, accumuler, pousser
au maximum l'exploitation de la force de travail, et affecté
par un phénomène contradictoire : en effet, en ne rétribuant
pas les ouvriers par l'équivalent de ce qu'ils ont effectivement
fourni comme travail et en contraignant les patrons à renoncer
à consommer une grande part du profit ainsi extorqué,
le système produit plus de valeur qu'il n'en distribue. Jamais
ni les ouvriers ni les capitalistes réunis ne pourront à
eux seuls absorber toutes les marchandises produites. Et pour cause,
puisqu'une partie du produit du travail de l'ouvrier, celle qui n'est
ni reversée sous forme de salaires ni consommée par les
capitalistes, mais qui est destinée à être réinvestie,
c'est-à-dire transformée en nouveau capital, ne peut trouver
d'acheteurs dans la sphère capitaliste. Ce surplus de marchandises,
qui va le consommer ?
C'est là justement qu'intervient la nécessité
pour ce système de trouver de nouveaux débouchés
en dehors du cadre de la production capitaliste ; c'est ce qu'on appelle
les marchés extra-capitalistes (au sens d'en dehors du capitalisme).
En quelque sorte, un marché extra-capitaliste, c'est un débouché
économique solvable, en d'autres termes capable de payer les
marchandises, mais qui ne fonctionne pas de manière capitaliste,
puisque quand c'est le cas, on ne peut acheter tous les biens fabriqués.
Il en est ainsi depuis la genèse de ce mode de production. Le
capitalisme n'a pas conquis la planète entière du jour
au lendemain. Prenons l'exemple de l'Angleterre. Lorsque, en 1733, John
Kay met au point son fameux métier à tisser qui multiplie
par quatre la productivité, les étoffes tissées,
désormais abondantes et bien moins chères, n'ont pas été
vendues aux seuls ouvriers et entrepreneurs anglais. Elles étaient
également consommées par des paysans ainsi que par des
nobles qui avaient la possibilité d'acheter. Ces paysans, ces
nobles, n'appartenaient pas à la sphère de production
capitaliste qui, à elle seule, eût été incapable
de tout absorber. Voilà donc un exemple de marché extracapitaliste
à l'intérieur même du pays où est née
la révolution industrielle. Dans une certaine mesure, des poches,
des unités de production capitalistes, sont apparues et ont progressivement
gagné le reste du monde. Par là même se trouvaient
résolues, momentanément, les crises de surproduction.
Certes, il y en avait, mais celles-ci, aux 18e et 19e siècles,
duraient deux à trois ans, le temps que de nouveaux débouchés
soient conquis. Après quoi la machine économique repartait
de plus belle.
Ainsi ce système a-t-il pu, dans les contrées où
il est né, c'est-à-dire en Europe, trouver les conditions
de sa croissance. Toutefois, en conquérant ce type de marché
avec des produits défiant toute concurrence, le capitalisme contraignait
les sphères de production extra-capitalistes à produire
de la même façon que lui. Pourquoi ?
Qui pouvait en effet continuer à produire des étoffes
artisanalement alors que les manufactures, ces ancêtres des usines
modernes, faisaient les mêmes mais à bien moindre coût
? Personne. En conséquence, le capitalisme ne faisait que détruire
ce qui lui servait momentanément de ballon d'oxygène.
Ces marchés extérieurs adoptaient à leur tour le
mode de production capitaliste et le même problème se retrouvait
posé encore et toujours à une échelle chaque fois
supérieure : à qui vendre ?
C'est ce processus dynamique et contradictoire qui anime toute l'histoire
de ce monde, tel l'ogre du conte qui a besoin d'enfants pour vivre mais
qui les dévore. Ainsi, au 19e siècle, une fois qu'à
l'intérieur des grands pays industrialisés, le mode de
production capitaliste s'était imposé avec violence, il
lui a fallu partir à la conquête du monde pour trouver
de nouveaux débouchés. C'est l'entreprise coloniale dont
Rosa Luxemburg met clairement en évidence les motivations. La
dernière décennie du 19e siècle, qui voit la fin
de l'ascendance du capitalisme, est désormais marquée
par le déchaînement de l'impérialisme.
A partir de 1897, la Grande-Bretagne règne sur un empire de 33
millions de kilomètres carrés peuplé de 450 millions
d'habitants comprenant le Canada, l'Australie, l'Inde, l'axe africain
allant du Caire au Cap, etc. La France, plus modeste, étend son
empire sur près de 10 millions de kilomètres carrés
et sur 48 millions d'habitants (Afrique de l'Ouest et Indochine surtout).
La Chine est dépecée, les puissances impérialistes
obtenant l'octroi de territoires à bail, de zones d'influence,
de concessions de mines et de chemin de fer. Idem pour l'empire ottoman
et l'Amérique latine, qui n'ont conservé que l'apparence
d'une indépendance économique et politique. Vers 1890,
le partage territorial du monde entre les grandes puissances capitalistes
est à peu près achevé. Or ces pays conquis adoptent
à leur tour le mode de production capitaliste. En conséquence,
on ne sait plus où écouler le surplus de marchandises,
faute de nouveaux territoires extra-capitalistes de quelque importance.
Le marché mondial est saturé.
De fait, au crépuscule du 19e siècle, l'heure n'est plus
à l'exploration de nouvelles terres et au libre-échange
; c'est à présent le temps des canons et du protectionnisme
qui a sonné. L'ère des guerres mondiales qui visent au
repartage du marché planétaire entre les différents
États bourgeois s'ouvre. Le capitalisme vient d'entrer dans sa
phase de décadence, c'est-à-dire la pire période
que l'humanité ait jamais endurée. C'est cette époque,
dans laquelle nous sommes toujours, actuellement, qui pose au prolétariat
international l'alternative suivante : communisme ou barbarie.
D'après RI n°217
Il y a soixante dix ans, en janvier 1933, un événement d'une portée historique mondiale est venu frapper la "civilisation" capitaliste : l'arrivée d'Hitler au pouvoir et l'instauration du régime nazi en Allemagne. A en croire la bourgeoisie, le fascisme se serait imposé brutalement à la société capitaliste, à son "corps défendant". Ce mensonge ne tient pas un seul instant à l'épreuve des faits historiques. En réalité, le nazisme en Allemagne, comme le fascisme en Italie, est le produit organique du capital. La victoire du nazisme s'est effectuée démocratiquement. Quant au racisme répugnant, l'hystérie nationaliste ou la barbarie qui, toujours selon la bourgeoisie démocratique, caractériseraient en propre les régimes fascistes, ils ne sont pas du tout spécifiques à ces régimes. Ils sont au contraire le produit du capitalisme, en particulier dans sa phase de décadence, et l'attribut de toutes les fractions de la bourgeoisie, démocrates, staliniennes ou fascistes.
La terrible réalité de l'holocauste est souvent utilisée, en faisant appel à l'émotion plus qu'à l'objectivité, pour étayer l'idée d'une nature du fascisme qui le différencierait dans le fond du capitalisme en général et de la démocratie en particulier. L'examen objectif des faits eux-mêmes montrent que la barbarie n'est pas l'exclusivité du fascisme mais que la démocratie capitaliste, si prompte à dénoncer les crimes nazis, est directement responsable de millions de morts et de souffrances équivalentes pour l'humanité (bombardements de Dresde et Hambourg, bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki). Le comble du cynisme criminel est d'ailleurs allé jusqu'au refus catégorique des puissances "démocratiques", notamment anglo-américaine, de toute proposition visant à faire libérer plusieurs centaines de milliers de juifs des camps hitlériens. D'ailleurs, contrairement à la propagande officielle accréditant la thèse de la découverte des camps d'extermination à la fin de la guerre, les états-majors alliés étaient parfaitement au courant de leur existence dès 1942 (voir notre brochure "Fascisme et démocratie, deux expressions de la dictature du capital".)
Le mensonge selon lequel la classe dominante ne savait pas quels étaient
les vrais projets du parti nazi, en d'autres termes qu'elle se serait
fait piéger, ne tient pas un seul instant face à l'évidence
des faits historiques. L'origine du parti nazi plonge ses racines dans
deux facteurs qui vont déterminer toute l'histoire des années
1930 : d'une part l'écrasement de la révolution allemande
ouvrant la porte au triomphe de la contre-révolution à
l'échelle mondiale et d'autre part la défaite essuyée
par l'impérialisme allemand à l'issue de la première
boucherie mondiale. Dès le départ, les objectifs du parti
fasciste naissant sont, sur la base de la terrible saignée infligée
à la classe ouvrière en Allemagne par le Parti social-démocrate,
le SPD des Noske et Scheidemann, de parachever l'écrasement du
prolétariat afin de reconstituer les forces militaires de l'impérialisme
allemand. Ces objectifs étaient partagés par l'ensemble
de la bourgeoisie allemande, au-delà des divergences réelles
tant sur les moyens à employer que sur le moment le plus opportun
pour les mettre en œuvre. Les SA, milices sur lesquelles s'appuie
Hitler dans sa marche vers le pouvoir, sont les héritiers directs
des corps francs qui ont assassiné Rosa Luxemburg, Karl Liebknecht
ainsi que des milliers de communistes et de militants ouvriers. La plupart
des dirigeants SA ont commencé leur carrière de bouchers
dans ces mêmes corps francs. Ils ont été "la
garde blanche" utilisée par le SPD au pouvoir pour écraser
dans le sang la révolution, et cela avec l'appui des très
démocratiques puissances victorieuses. Celles-ci d'ailleurs,
tout en désarmant l'armée allemande, ont toujours veillé
à ce que ces milices contre-révolutionnaires disposent
des armes suffisantes pour accomplir leur sale besogne. Le fascisme
n'a pu se développer et prospérer que sur la base de la
défaite physique et idéologique infligée au prolétariat
par la gauche du capital, laquelle était seule en mesure d'endiguer
puis de vaincre la vague révolutionnaire qui submergea l'Allemagne
en 1918-19. C'est ce qu'avait compris parfaitement l'état-major
de l'armée allemande en donnant carte blanche au SPD afin de
porter un coup décisif au mouvement révolutionnaire qui
se développait en janvier 1919. Et si Hitler ne fut pas suivi
dans sa tentative de putsch à Munich en 1923, c'est parce que
l'avènement du fascisme était jugé encore prématuré
par les secteurs les plus lucides de la classe dominante. Il fallait,
au préalable, parachever la défaite du prolétariat
en utilisant jusqu'au bout la carte de la mystification démocratique.
Celle-ci était loin d'être usée et bénéficiait
encore, au travers de la République de Weimar (bien que présidée
par le junker Hindenburg), d'un vernis radical grâce à
la participation régulière, dans ses gouvernements successifs,
de ministres venant du soi-disant parti "socialiste".
Mais dès que la menace prolétarienne fut définitivement
conjurée, la classe dominante, sous sa forme - soulignons le
- la plus classique, au travers des fleurons du capitalisme allemand
tels Krupp, Thyssen, AG Farben, n'aura de cesse de soutenir de toutes
ses forces le parti nazi et sa marche victorieuse vers le pouvoir. C'est
que, désormais, la volonté de Hitler de réunir
toutes les forces nécessaires à la restauration de la
puissance militaire de l'impérialisme allemand, correspondait
parfaitement aux besoins du capital national. Ce dernier, vaincu et
spolié par ses rivaux impérialistes suite à la
Première Guerre mondiale, ne pouvait que chercher à reconquérir
le terrain perdu en s'engageant dans une nouvelle guerre. Loin d'être
le produit d'une prétendue agressivité congénitale
germanique qui aurait enfin trouvé dans le fascisme le moyen
de se déchaîner, cette volonté n'était que
la stricte expression des lois de l'impérialisme dans la décadence
du système capitaliste comme un tout. Face à un marché
mondial entièrement partagé, ces lois ne laissent aucune
autre solution aux puissances impérialistes lésées
dans le partage du "gâteau impérialiste" que
celle d'essayer, en engageant une nouvelle guerre, d'en arracher une
plus grosse part. La défaite physique du prolétariat allemand
d'une part, et le statut de puissance impérialiste spoliée
dévolu à l'Allemagne suite à sa défaite
en 1918 d'autre part, firent du fascisme - contrairement aux pays vainqueurs
où la classe ouvrière n'avait pas été physiquement
écrasée - le moyen le plus adéquat pour que le
capitalisme allemand puisse se préparer à la seconde boucherie
mondiale. Le fascisme n'est qu'une forme brutale du capitalisme d'Etat
qui était en train de se renforcer partout, y compris dans les
Etats dits "démocratiques". Il est l'instrument de
la centralisation et de la concentration de tout le capital dans les
mains de l'Etat face à la crise économique, pour orienter
l'ensemble de l'économie en vue de la préparation à
la guerre. C'est donc le plus démocratiquement du monde, c'est-à-dire
avec l'aval total de la bourgeoisie allemande, qu'Hitler arrive au pouvoir.
En effet, une fois la menace prolétarienne définitivement
écartée, la classe dominante n'a plus à se préoccuper
de maintenir tout l'arsenal démocratique, suivant en cela le
processus alors déjà à l'œuvre en Italie.
"Oui, peut-être..." nous dira-t-on, "mais ne faites-vous
pas abstraction de l'un des traits qui distinguent le fascisme de tous
les autres partis et fractions de la bourgeoisie, à savoir, son
antisémitisme viscéral, alors que c'est justement cette
caractéristique particulière qui a provoqué l'holocauste
?" C'est cette idée que défendent en particulier
les trotskistes. Ceux-ci, en effet, ne reconnaissent formellement la
responsabilité du capitalisme et de la bourgeoisie en général
dans la genèse du fascisme que pour ajouter aussitôt que
ce dernier est malgré tout bien pire que la démocratie
bourgeoise, comme en témoigne l'holocauste. Selon eux donc, devant
cette idéologie du génocide, il n'y a pas à hésiter
un seul instant : il faut choisir son camp, celui de l'antifascisme,
celui des Alliés. Et c'est cet argument, avec celui de la défense
de l'URSS, qui leur a servi à justifier leur trahison de l'internationalisme
prolétarien et leur passage dans le camp de la bourgeoisie durant
la Seconde Guerre mondiale (non sans avoir traficoté pour certains
d'entre eux dans la milice en France au temps du pacte Germano-soviétique,
défense de l'URSS oblige). Il est donc parfaitement logique de
retrouver aujourd'hui en France, par exemple, les groupes trotskistes
- la Ligue Communiste Révolutionnaire et son leader Krivine avec
le soutien discret, mais bien réel, de Lutte Ouvrière
- en tête de la croisade antifasciste et "anti-négationniste",
défendant la vision selon laquelle le fascisme est le "mal
absolu" et, de ce fait, qualitativement différent de toutes
les autres expressions de la barbarie capitaliste ; ceci impliquant
que, face à lui, la classe ouvrière devrait se porter
à l'avant-garde du combat et défendre voire revitaliser
la démocratie.
Que l'extrême droite (le nazisme en particulier) soit profondément
raciste, cela n'a jamais été contesté par la Gauche
communiste pas plus d'ailleurs que la réalité effrayante
des camps de la mort. La vraie question est ailleurs. Elle consiste
à savoir si ce racisme et la répugnante désignation
des juifs comme boucs émissaires, responsables de tous les maux,
ne seraient que l'expression de la nature particulière du fascisme,
le produit maléfique de cerveaux malades ou s'il n'est pas plutôt
le sinistre produit du mode de production capitaliste confronté
à la crise historique de son système, un rejeton monstrueux
mais naturel de l'idéologie nationaliste défendue et propagée
par la classe dominante toutes fractions confondues. Le racisme n'est
pas un attribut éternel de la nature humaine. Si l'entrée
en décadence du capitalisme a exacerbé le racisme à
un degré jamais atteint auparavant dans toute l'histoire de l'humanité,
si le 20e siècle est un siècle où les génocides
ne sont plus l'exception mais la règle, cela n'est pas dû
à on ne sait quelle perversion de la nature humaine. C'est le
résultat du fait que, face à la guerre désormais
permanente que doit mener chaque Etat dans le cadre d'un marché
mondial sursaturé, la bourgeoisie, pour être à même
de supporter et de justifier cette guerre permanente, se doit, dans
tous les pays, de renforcer le nationalisme par tous les moyens. Quoi
de plus propice, en effet, à l'épanouissement du racisme
que cette atmosphère si bien décrite par Rosa Luxemburg
au début de sa brochure de dénonciation du premier carnage
mondial : "(...) la population de toute une ville changée
en populace, prête à dénoncer n'importe qui, à
molester les femmes, à crier : hourrah, et à atteindre
au paroxysme du délire en lançant elle-même des
rumeurs folles ; un climat de crime rituel, une atmosphère de
pogrom, où le seul représentant de la dignité humaine
était l'agent de police au coin de la rue." Et elle poursuit
en disant : "Souillée, déshonorée, pataugeant
dans le sang, couverte de crasse, voilà comment se présente
la société bourgeoise, voilà ce qu'elle est..."
(La Crise de la Social-démocratie). On pourrait reprendre exactement
les mêmes termes pour décrire les multiples scènes
d'horreur en Allemagne durant les années 1930 (pillages des magasins
juifs, lynchages, enfants séparés de leurs parents) ou
évoquer, entre autres, l'atmosphère de pogrom qui régnait
en France en 1945 quand le journal stalinien du PCF titrait odieusement
: "A chacun son boche !". Non, le racisme n'est pas l'apanage
exclusif du fascisme, pas plus que sa forme antisémite. Le célèbre
Patton, général de la très "démocratique"
Amérique, celle-là même qui était censée
libérer l'humanité de "la bête immonde",
ne déclarait-il pas, lors de la libération des camps :
"Les juifs sont pires que des animaux" ; tandis que l'autre
grand "libérateur", Staline, organisa lui-même
des séries de pogroms contre les juifs, les tziganes, les tchétchènes,
etc. Le racisme est le produit de la nature foncièrement nationaliste
de la bourgeoisie, quelle que soit la forme de sa domination, "totalitaire"
ou "démocratique". Son nationalisme atteint son point
culminant avec la décadence de son système.
La seule force en mesure de s'opposer à ce nationalisme qui
suintait par tous les pores de la société bourgeoise pourrissante,
à savoir le prolétariat, était vaincue, défaite
physiquement et idéologiquement. De ce fait, le nazisme, avec
l'assentiment de l'ensemble de sa classe, put s'appuyer notamment sur
le racisme latent de la petite-bourgeoisie pour en faire, sous sa forme
antisémite, l'idéologie officielle du régime. Encore
une fois, aussi irrationnel et monstrueux que soit l'antisémitisme
professé puis mis en pratique par le régime nazi, il ne
saurait s'expliquer par la seule folie et perversité, par ailleurs
bien réelles, des dirigeants nazis. Comme le souligne très
justement la brochure publiée par le Parti Communiste International,
"Auschwitz ou le grand alibi", l'extermination des juifs "...
a eu lieu, non pas à un moment quelconque, mais en pleine crise
et guerre impérialistes. C'est donc à l'intérieur
de cette gigantesque entreprise de destruction qu'il faut l'expliquer.
Le problème se trouve de ce fait éclairci : nous n'avons
plus à expliquer le 'nihilisme destructeur' des nazis, mais pourquoi
la destruction s'est concentrée en partie sur les juifs."
Pour expliquer pourquoi la population juive, même si elle ne fut
pas la seule, fut désignée tout d'abord à la vindicte
générale, puis exterminée en masse par le nazisme,
il faut prendre en compte deux facteurs : les besoins de l'effort de
guerre allemand et le rôle joué dans cette sinistre période
par la petite-bourgeoisie. Cette dernière fut réduite
à la ruine par la violence de la crise économique en Allemagne
et sombra massivement dans une situation de lumpen-prolétarisation.
Dès lors, désespérée et en l'absence d'un
prolétariat pouvant jouer le rôle de contrepoison, elle
donna libre cours à tous les préjugés les plus
réactionnaires, caractéristiques de cette classe sans
avenir, et se jeta, telle une bête furieuse, encouragée
par les formations fascistes, dans le racisme et l'antisémitisme.
Le "juif" était supposé représenter la
figure par excellence de "l'apatride" qui "suce le sang
du peuple" ; il était désigné comme le responsable
de la misère à laquelle était réduite la
petite-bourgeoisie. Voilà pourquoi les premières troupes
de choc utilisées par les nazis étaient issues des rangs
d'une petite-bourgeoisie en train de sombrer. Et cette désignation
du "juif" comme l'ennemi par excellence aura aussi comme fonction
de permettre à l'Etat allemand, grâce à la confiscation
des biens des juifs, de ramasser des fonds destinés à
contribuer à son réarmement militaire. Au début,
il dut le faire discrètement pour ne pas attirer l'attention
des vainqueurs de la Première Guerre mondiale. Les camps de déportation,
au départ, eurent la fonction de fournir à la bourgeoisie
une main-d'œuvre gratuite, tout entière dédiée
à la préparation de la guerre.
C'est au nom de cette barbarie nazie que le camp des forces démocratiques
alliées a pu tenter de justifier aux yeux des ouvriers son implication
dans la boucherie mondiale et tous ses crimes. Loin de permettre d'éviter
à l'avenir de nouveaux holocaustes, la défense des valeurs
démocratiques de la classe dominante ne peut que servir la survie
d'un système à l'agonie, le capitalisme, qui depuis le
début du siècle dernier n'a cessé d'accumuler les
massacres et les génocides.
RI
A nos lecteurs : Suite à une erreur de notre part dans l'utilisation du code à barres, ce numéro de RI, qui succède directement au numéro 331, ne porte pas le numéro 332 mais 333.
Le 15
février dernier, dans le monde entier, les rues des
principales métropoles sur tous les continents ont résonné
de slogans tels que "Non à la guerre !", "Pas
de sang pour le pétrole !", "Refusons une nouvelle
Busherie !", " Bush, Sharon, assassins !", "Quelle
connerie, la guerre !" et bien d'autres de la même
veine.
Ces cortèges "pacifistes" ont drainé
des foules immenses, établissant un peu partout des records de
mobilisation, notamment dans les pays où les gouvernements se
sont ralliés à l'entreprise belliciste de Bush contre
l'Irak : près de 3 millions de participants à Rome, 1
million et demi à Londres, à Barcelone comme à
Madrid. Mais dans les autres Etats où les manifestations ont
pris des accents et des allures "d'union nationale" en
soutien au "front anti-guerre" des bourgeoisies nationales,
les rassemblements ont été presque aussi gigantesques :
500 000 personnes à Berlin, et autant en France 1 [21],
plus de 200 000 à Bruxelles. Même aux Etats-Unis, la
protestation organisée dans la plupart des grandes villes du
pays, a atteint une ampleur comparable aux défilés
contre la guerre du Vietnam (250 000 manifestants à New-York).
Jamais la même "cause" n'avait mobilisé autant
le même jour à l'échelle planétaire.
Que la guerre soit une abomination et un déchaînement
de barbarie, cela ne fait aucun doute. Elle est d'autant plus
insupportable et écœurante pour la classe ouvrière que
c'est elle qui en a toujours payé le prix le plus élevé,
dans ses conditions d'existence, dans sa chair, dans son sang.
Mais
soyons clairs : cette mobilisation pacifiste générale à
laquelle on a assisté n'était qu'un moment fort d'une
campagne idéologique d'envergure, mensongère et
criminelle que développe partout la bourgeoisie et en
particulier dans les pays où la classe ouvrière est la
plus forte et la plus concentrée.
Les grand-messes
pacifistes n'ont jamais empêché les guerres
impérialistes. Elles n'ont fait que les préparer et les
accompagner.
D'abord, les rassemblements actuels, quelle que soit leur ampleur, ne peuvent peser sérieusement sur le cours des événements. Ils ne vont nullement empêcher la guerre dans la mesure où les Etats-Unis ont déjà décidé de la faire seuls ou presque, si nécessaire. Mais surtout leur fonction première, essentielle, est précisément de masquer les enjeux réels de la situation et d'empêcher de prendre conscience du véritable problème au sein de la population en général, et de la classe ouvrière en particulier : la responsabilité de la guerre n'incombe pas à tel ou tel Etat ou groupe de pays. La guerre est inscrite dans le mode de vie du système de production capitaliste dans son ensemble, dans sa globalité. Le camp de "la paix" n'existe pas, il n'est qu'une illusion. Faire croire que la "paix" est possible dans le capitalisme est une vaste mystification. La "paix" n'est toujours qu'un moment de la préparation d'une nouvelle guerre car celle-ci est devenue un mode de vie permanent dans le capitalisme décadent. C'est pourquoi il ne peut y avoir de lutte contre la guerre qui ne soit lutte contre le capitalisme.
La vraie question, c'est à quoi correspond et à qui
sert ce phénomène "pacifiste" qui dépasse
de loin l'ampleur des rassemblements "anti-guerre" au
moment de la première guerre du Golfe en 1991 ? Il est suscité
et encouragé par la classe dominante elle-même en
désignant tel ou tel pays ou telle ou telle fraction de la
bourgeoisie comme "fauteur" de guerre. C'est ainsi que les
"bellicistes" et les "pacifistes", se renvoient
la balle pour mystifier "l'opinion publique", d'un côté,
l'ennemi principal, c'est l'Irak, de l'autre, ce sont les Etats-Unis.
Il s'agit pour la bourgeoisie de persuader qu'il y a toujours un camp
impérialiste à choisir (en l'occurrence, peu importe
que l'adversaire désigné par les pacifistes soient les
Etats-Unis, le gouvernement américain, ou la seule fraction
Bush). D'ailleurs, un des slogans mis en avant dans les
manifestations faisait cet aveu révélateur : "la
paix est patriotique", ce qui révèle clairement
que le "camp belliciste" n'a pas le monopole de la défense
de l'intérêt national capitaliste.
Aussi, cela ne
traduit qu'une hypocrisie et un cynisme sans nom que le soi-disant
"front anti-guerre" soit de façon inédite
dans l'histoire représenté aujourd'hui directement par
certains Etats qui osent se présenter comme les colombes de la
"paix". Même des fractions de droite que l'on ne peut
soupçonner de trahison envers l'ordre bourgeois, se laissent
désigner comme chefs de file d'un courant "pacifiste".
N'est-il pas grotesque de voir Chirac proposé comme futur
"prix Nobel de la paix" alors que le gouvernement français
est responsable du chaos guerrier en ce moment même en Côte
d'Ivoire ? Dans le même "camp", on trouve la Russie
de Poutine qui ne cesse de commettre les pires massacres et perpétrer
les pires horreurs à travers son armée en Tchétchénie,
et aussi l'Allemagne où les prédécesseurs de
Schröder n'ont pas hésité il y a dix ans à
encourager l'éclatement de la Yougoslavie qui a provoqué
trois ans de génocides et de guerres atroces dans les Balkans,
tout cela dans l'intérêt de leurs sordides intérêts
impérialistes nationaux particuliers. Aujourd'hui, ces
dirigeants tout aussi sanguinaires que les autres sont amenés
à surfer sur le "courant pacifiste" pour jouer les
matamores et mettre des bâtons dans les roues de la bourgeoisie
américaine. Ils proclament : "Demandons, exigeons,
imposons la paix au gouvernement Bush !", uniquement afin
d'affirmer leurs intérêts qui les poussent dans une
attitude ouvertement contestataire envers les Etats-Unis. De plus,
une bonne partie d'entre eux dans cette coalition de façade
sont prêts à changer d'avis et à participer à
la guerre contre l'Irak sous conditions, soit si la pression
américaine l'exige, soit si "certaines règles du
droit international sont respectées", comme une nouvelle
résolution de l'ONU. Aucun gouvernement ne peut être
réellement contre la guerre mais uniquement contre les
conditions formelles dans laquelle les Etats-Unis l'imposent.
Ces rassemblements ont pour fonction d'empêcher la remise en
cause du capitalisme, de comprendre que la guerre est l'expression
des rivalités inter-impérialistes entre tous les Etats,
engendrées par la concurrence capitaliste dans la défense
de leurs intérêts nationaux respectifs.
Pour certains
Etats, il s'agit carrément d'une véritable "union
sacrée" derrière sa propre bourgeoisie nationale
qui est proposée. C'est le cas de la France où domine
nettement la tonalité antiaméricaine, encouragée
et soutenue par la quasi-totalité des fractions politiques de
la bourgeoisie nationale, de Le Pen jusqu'aux organisations
gauchistes qui "poussent" Chirac à s'opposer encore
davantage à la politique des Etats-Unis 2 [22].
Sa première fonction est de nourrir dans les populations un
sentiment anti-américain en désignant les Etats-Unis
comme les seuls "fauteurs de guerre", l'adversaire
impérialiste numéro 1 par excellence pour dévoyer
leur hostilité envers la guerre sur un terrain bourgeois.
Il n'y a pas des guerres "justes" et d'autres
"injustes", des formes acceptables pour faire la guerre et
d'autres non, quel que soit le camp en présence. Le résultat
est d'ailleurs le même pour les populations prises en otage qui
seront massacrées, bombardées, gazées, avec les
armes le plus nocives et les plus meurtrières sans la moindre
considération "humanitaire".
Aujourd'hui, comme
toujours dans le passé, le pacifisme est le meilleur complice
du bourrage de crâne belliciste. Cette idéologie
bourgeoise est un véritable poison pour la classe ouvrière.
Au-delà de la crapulerie de tous ceux qui colportent une telle
mystification pour masquer leur idéologie nationaliste, le
pacifisme vise un objectif bien particulier : récupérer
la crainte et l'aversion des ouvriers devant la menace de guerre pour
empoisonner leur conscience et amener à soutenir un camp
bourgeois contre un autre.
C'est pour cela que le pacifisme fait
partie, comme chaque fois que la bourgeoisie a eu besoin de faire
accepter aux prolétaires sa logique meurtrière, d'un
vaste partage des tâches entre les différentes fractions
impérialistes du capital mondial.
Ce qui définit le
pacifisme, ce n'est pas la revendication de la paix. Tout le monde
veut la paix. Les va-t-en guerre eux-mêmes ne cessent de clamer
qu'ils ne veulent la guerre que pour mieux rétablir la paix.
Ce qui distingue le pacifisme, c'est de prétendre qu'on peut
lutter pour la paix, en soi, sans toucher aux fondements du monde
capitaliste. Les prolétaires qui, par leur lutte
révolutionnaire en Russie et en Allemagne, mirent fin à
la Première Guerre mondiale, voulaient eux aussi la fin de la
guerre. Mais s'ils ont pu faire aboutir leur combat, c'est parce
qu'ils ont su mener leur combat non pas AVEC les "pacifistes"
mais malgré et CONTRE eux. A partir du moment où il
devint clair que seule la lutte révolutionnaire permettait
d'arrêter la boucherie impérialiste, les prolétaires
de Russie et d'Allemagne se sont trouvés confrontés non
seulement aux "faucons" de la bourgeoisie mais aussi et
surtout à tous ces pacifistes de la première heure
(mencheviks, socialistes-révolutionnaires, sociaux-patriotes)
qui, armes à la main, ont défendu ce dont ils ne
pouvaient plus se passer et ce qui leur était le plus cher :
rendre inoffensive pour le capital la révolte des exploités
contre la guerre. Tel a toujours été le but réel
du pacifisme !
Sur ces manœuvres, l'histoire nous livre des
expériences édifiantes. La même entreprise que
nous voyons à l'œuvre aujourd'hui, les révolutionnaires
du passé le dénonçaient déjà avec
énergie : "La bourgeoisie a précisément
besoin de phrases hypocrites sur la paix par lesquels on détourne
les ouvriers de la lutte révolutionnaire", énonçait
Lénine en mars 1916. L'usage du pacifisme n'a pas changé
: "En cela réside l'unité de principe des
sociaux-chauvins Plekhanov, Scheidemann) de des sociaux-pacifistes
(Turati, Kautsky) que les uns et les autres, objectivement parlant,
sont les serviteurs de l'impérialisme : les uns le servent en
présentant la guerre impérialiste comme la 'défense
de la patrie', les autres défendent le même impérialisme
en le déguisant par des phrases sur la 'paix démocratique',
la paix impérialiste qui s'annonce aujourd'hui. La bourgeoisie
impérialiste a besoin de larbins de l'un et de l'autre sorte,
de l'une et de l'autre nuance : elle a besoin des Plékhanov
pour encourager les peuples à se massacrer en criant 'A bas
les conquérants' ; elle a besoin des Kautsky pour consoler et
calmer les masse irritées par des hymnes et dithyrambes en
l'honneur de la paix", écrivait déjà
Lénine, en janvier 1917. Et il ajoutait : "En fait, la
politique de Kautsky (pour l'Allemagne) et celle de Sembat-Henderson
(pour la France et la Grande-Bretagne) aident de façon
identique leurs gouvernements impérialistes respectifs, en
attirant principalement l'attention sur les intrigues ténébreuses
du concurrent et adversaire, et en jetant un voile de phrases
nébuleuses et de pieux souhaits sur les activités tout
aussi impérialistes de ' leur' bourgeoisie. Nous cesserions
d'être des marxistes, nous cesserions d'être en général
des socialistes, si nous nous contentions d'une méditation
chrétienne pour ainsi dire, sur la vertu des bonnes petites
phrases générales, sans mettre à nu leur
signification."
Ce qui était vrai au moment de la Première Guerre
mondiale s'est depuis invariablement confirmé. Aujourd'hui
encore, face aux préparatifs guerriers dans le Golfe, la
bourgeoisie a plus que jamais puissamment organisé sa machine
pacifiste dans tous les pays.
Pour les révolutionnaires, il
ne suffit pas de dénoncer la guerre impulsée par les
Etats-Unis mais il faut en même temps montrer l'hypocrisie de
tous les autres Etats qui ne mobilisent la population contre cette
guerre que pour s'opposer aux Etats-Unis et défendre leurs
propres intérêts nationaux.
Pour les révolutionnaires, non seulement les préparatifs
d'un nouveau conflit dans le Golfe opposent des bandes de brigands
impérialistes, mais la classe ouvrière n'a aucun
intérêt à soutenir un camp ou l'autre, donc elle
doit absolument se démarquer aujourd'hui des entreprises
"pacifistes" animées par d'autres brigands
impérialistes.
C'est pourquoi l'hostilité à
la guerre du prolétariat doit rester sans la moindre
concession, liée à une position de principe que les
révolutionnaires ont toujours défendu :
L'INTERNATIONALISME PROLETARIEN, le refus de faire cause commune avec
sa propre bourgeoisie nationale. Alors que pour chaque fraction
concurrente de la classe dominante, son positionnement est dicté
par le fait qu'elle a tel ou tel intérêt impérialiste
à défendre en Irak ou plus largement dans cette région
du Moyen-Orient, la classe exploitée quant à elle n'a
AUCUN intérêt à s'aligner derrière les
prétendues "justes causes" de ses exploiteurs,
qu'elles soient "défensives" ou "pacifistes".
La classe ouvrière doit s'appuyer sur son expérience
historique pour prendre conscience que les chants de sirène du
pacifisme ne servent qu'à l'attirer dans un piège, sur
un terrain strictement bourgeois. Non seulement elle ne peut qu'être
enchaînée à la défense d'un camp
impérialiste contre un autre, mais elle ne peut que perdre sa
propre identité en se laissant noyer dans la "population"
en général, toutes classes confondues, au milieu d'un
gigantesque mouvement "citoyen" dans lequel il lui est
totalement impossible d'affirmer ses propres intérêts de
classe. Une classe qui n'a pas de patrie, pas de frontières et
d'intérêts nationaux à défendre.
Aujourd'hui comme hier, la seule réponse que la classe
ouvrière puisse apporter à la guerre et à son
corollaire, le pacifisme, c'est la LUTTE DE CLASSE. La lutte contre
la guerre ne peut être que la lutte contre le capitalisme
mondial, contre ce système d'exploitation dont elle est la
principale victime. Car c'est ce même système, dont les
Bush, Blair, Chirac, Schröder, Saddam et consorts sont les
dignes représentants, qui d'un côté exploite les
prolétaires, les réduit au chômage et à la
misère, de l'autre, les massacre, les condamne à
l'exode massif, à la famine, aux épidémies. Ce
n'est qu'en développant massivement leurs combats sur leur
propre terrain de classe exploitée, en unifiant leurs luttes à
l'échelle internationale dans les usines et dans la rue, que
les prolétaires de tous les pays, et notamment ceux des pays
les plus industrialisés d'Europe et d'Amérique,
pourront ouvrir une perspective d'avenir pour l'humanité :
celle du renversement du capitalisme.
La paix est impossible
dans le capitalisme. Le capitalisme, c'est la guerre !
Contre
l'union sacrée de tous les exploiteurs, contre toutes les
manœuvres d'intoxication idéologique et de division du
prolétariat mondial : Prolétaires de tous les pays,
unissez-vous !
Wim (21 février)
1 [23] Bien que la mobilisation sur Paris (250 à 300 000 manifestants) ait été affaiblie par le fait que des "initiatives citoyennes" la semaine précédente l'ont disséminé en quelques 70 cortèges provinciaux et que le jour choisi tombait en pleine période de vacances scolaires.
2 [24] Dans ce cadre, même si le pacifisme est traditionnellement véhiculé par les partis de gauche et d'extrême gauche qui restent les moteurs des mouvements pacifistes, en particulier afin d'y enrôler spécifiquement les ouvriers, son influence va bien au-delà des clivages traditionnels au sein de la bourgeoisie. De même, la mobilisation des "chrétiens" est liée au rôle éminent du pape dans la croisade antiaméricaine.
Pour Bush,
Blair et leurs supporters dans le monde, la guerre qui se prépare
contre l'Irak est une "guerre pour la paix", laquelle
serait menacée par les "armes de destruction massive"
de Saddam Hussein. Pour Chirac, Schröder et leurs "fans",
c'est le désarmement "pacifique" de Saddam qui
permettra le mieux de garantir cette "paix mondiale".
L'histoire nous a appris depuis longtemps ce que valent les discours
des gouvernements bourgeois, qu'ils soient "bellicistes" ou
"pacifistes" : dans le capitalisme d'aujourd'hui, la "paix"
comme la guerre ne préparent jamais la paix mondiale mais
toujours de nouvelles guerres. Et si les grandes démocraties,
anciennes alliées de la "guerre froide" sont
aujourd'hui divisées, ce n'est certainement pas à cause
de désaccords sur la meilleure solution pour garantir la
paix.
En réalité, lorsque la France et les
Etats-Unis se prennent violemment à partie et que, déchirée
par les oppositions entre ses Etats membres, l'UE révèle
au grand jour qu'elle ne constitue rien de plus qu'une entente
économique dénuée de toute cohésion
politique, ce sont des intérêts impérialistes
antagoniques qui s'affrontent, d'autant plus fortement que chaque
pays se trouve assailli par des contradictions de plus en plus
insurmontables sur le plan économique.
Depuis le début des années 1990, de telles tensions
n'ont cessé de se manifester à travers en particulier
une série des démonstrations de force des Etats-Unis.
Comme nous l'avons déjà mis en évidence dans nos
colonnes (et celles de la Revue Internationale), celles-ci ont pour
objectif, à travers l'usage de leur écrasante
supériorité militaire, de faire taire la contestation
de leur leadership mondial tout en conquérant des positions
stratégiques renforçant encore leur suprématie
vis-à-vis de leurs rivaux, européens principalement. En
ce sens, l'Irak constitue une position clé que les Etats-Unis
se proposent de contrôler directement. Ce pays constitue un
maillon de l'encerclement de l'Europe. Son contrôle ne peut
qu'affaiblir les positions de la France (le plus turbulent rival des
Etats-Unis) et de l'Allemagne, potentiellement le plus dangereux du
fait de sa puissance économique et de son rayonnement
géographique et historique en direction de l'Est.
L'effondrement de l'Empire ottoman ("l'homme malade de
l'Europe") qui s'est accéléré à la
fin du 19e siècle et au début du 20e a attisé
les convoitises des puissances de l'époque envers les régions
qu'il contrôlait, notamment les Balkans (d'où est partie
la Première Guerre mondiale) et le Proche-Orient qui est
devenu un carrefour stratégique entre plusieurs continents.
Alors que la France et l'Angleterre visaient au contrôle de
cette région à travers la Méditerranée
(c'est la France qui construit le canal de Suez achevé en
1869) et, pour l'Angleterre, à partir de l'Empire des Indes
(via l'Afghanistan et la Perse), l'Allemagne de Guillaume II se donne
le même objectif à travers une voie continentale, un axe
Berlin-Istambul-Bagdad. Ainsi, c'est l'Allemagne qui finance la ligne
de chemin de fer de Bagdad, commencée en 1903, visant à
relier Berlin au Golfe persique (via l'Orient-Express et la Turquie).
Evidemment, l'importance de cette région (et la convoitise à
son égard de la part des grandes puissances) s'accroît
encore au début du 20e siècle avec la mise en
exploitation de ses réserves pétrolières : c'est
à la veille de la Première Guerre mondiale que l'or
noir commence à couler en Iran et en Irak (encore dominé
par l'Empire ottoman). Les ambitions impérialistes de
l'Allemagne ont subi un coup d'arrêt avec la défaite de
ce pays dans la Première Guerre mondiale et c'est à
l'Angleterre qu'échoit le protectorat de l'Irak à
partir de 1920. Cette domination anglaise est pratiquement sans
partage jusqu'au renversement de la monarchie hachémite par un
coup d'Etat le 14 juillet 1958. Mais à la suite de ce dernier,
l'Irak échappe au contrôle de la puissance anglaise pour
passer des accords économiques, politiques et militaires avec
l'URSS, la France et l'Allemagne. L'effondrement du bloc de l'Est a
légué à ces deux derniers pays l'essentiel de
l'influence étrangère en Irak, une influence que ne
parvient pas à abolir la guerre du Golfe de 1991, ni l'embargo
et les bombardements anglo-américains infligés depuis à
ce pays. Cela explique pourquoi la France et l'Allemagne,
contrairement à la Grande-Bretagne et aux Etats-Unis (qui ont
perdu avec la chute du Shah d'Iran en 1979 une position essentielle
dans la région) ont tout intérêt au statu quo en
Irak.
Ces éléments permettent à eux seuls de
comprendre pourquoi c'est l'Irak qui a constitué, après
l'Afghanistan, l'objectif prioritaire des Etats-Unis. Il en existe
d'autres, stratégiques également. En choisissant l'Irak
comme cible suivante de leurs opérations militaires, les
Etats-Unis savaient qu'ils rallieraient à eux la
Grande-Bretagne, qui elle non plus ne peut retrouver une influence en
Irak tant que Saddam Hussein est en place. Du même coup se
trouvait écarté le scénario de la guerre en
Yougoslavie à partir de 1991 où la France et la
Grande-Bretagne ont fait alliance pour la défense d'intérêts
impérialistes communs, face aux Etats-Unis. Le volume
considérable des réserves pétrolières de
l'Irak accentue évidemment de façon majeure
l'importance stratégique de ce pays situé au coeur
d'une région qui fournit la plus grande partie du pétrole
consommé au Japon et en Europe. Comme nous l'avons déjà
développé, si les Etats-Unis parvenaient à un
contrôle absolu sur les fournitures de l'Europe ou du Japon en
hydrocarbures, cela voudrait dire qu'ils seraient en mesure d'exercer
le plus puissant des chantages sur ces contrées en cas de
crise internationale grave.
Le contrôle direct de l'Irak
(une clé pour la domination de tout le Moyen-Orient) constitue
également une étape nécessaire pour le
renforcement de l'autorité américaine dans la région,
en particulier à travers la "normalisation" de la
situation en Arabie Saoudite et la remise au pas de l'Iran, qui
pourrait bien constituer la prochaine cible de l'offensive
américaine. Ainsi, ce qui se profile derrière la
mainmise sur l'Irak par les Etats-Unis, c'est tout un remodelage de
la carte géopolitique du Moyen-Orient avec, en perspective, le
"règlement" de la question palestinienne. En fait de
règlement, ce qui est visé ce n'est ni plus ni moins
que la création du Grand Israël, cher à Sharon, au
moyen de l'expulsion des populations des territoires occupés,
au delà du rempart que constitue le Jourdain, pour les parquer
en Jordanie.
Dans la crise irakienne actuelle, le refus de la
France et de l'Allemagne des plans des Etats-Unis traduit leur
volonté de défendre leurs propres intérêts.
Mais si cela a pris la forme d'une opposition aussi ouverte et
véhémente, témoignant d'une contestation du
leadership américain à un niveau inégalé
jusqu'ici, c'est parce que ces pays ont exploité à fond
la faiblesse des justifications idéologiques de cette nouvelle
croisade américaine. La scène où de Villepin est
applaudi à l'assemblée de l'ONU et où Powell,
déstabilisé, ne parvient pas à trouver ses mots,
symbolise parfaitement cet affront fait à la première
puissance mondiale et que cette dernière ne peut que faire
payer très cher, sous peine d'en subir d'autres aux
conséquences coûteuses sur le plan impérialiste.
On ne sait pas encore aujourd'hui si la résistance de la
France et de l'Allemagne aux plans américains va se poursuivre
à l'ONU, ni sous quelle forme. On ne sait pas non plus encore
comment les Etats-Unis s'arrangeront avec le "droit
international" au cas où ils n'obtiendraient pas de l'ONU
la majorité pour intervenir en Irak. Par contre, ce qui est
d'ores et déjà acquis c'est que, en isolant la France
et l'Allemagne de la presque totalité des pays européens,
les Etats-Unis ont marqué des points très importants
qui compteront dans le futur. Ainsi certains pays "amis" de
la France et de l'Allemagne, comme l'Espagne et l'Italie en
particulier, leur ont fait faux bond.
C'est pour l'Allemagne que
les dommages apparaissent pour l'instant les plus importants. Alors
que depuis sa réunification, c'est en direction de l'Europe de
l'Est qu'elle avait, non sans succès, tenté d'élargir
sa zone d'influence, on voit des pays comme la Hongrie et la
Tchéquie, fer de lance de la pénétration de
l'Allemagne au niveau économique, lui faire des
infidélités.
En fait, si certains pays ont lâché
la France et l'Allemagne, c'est par crainte, d'une part des
représailles américaines, d'autre part de l'affirmation
de voisins plus puissants, et donc plus aptes à faire valoir
leurs propres intérêts sur l'échiquier
impérialiste mondial. Jouer sur deux tableaux à la
fois, tant que c'est possible, est vu par ces pays comme un moyen de
ne pas se faire phagocyter par des "amis" géographiquement
trop proches.
Quant à la France, elle ne perd rien pour
attendre au niveau des représailles que la bourgeoisie
américaine va exercer sur elle. Déjà ses
positions en Afrique sont soumises à une pression accrue à
laquelle les Etats-Unis ne sont pas étrangers 1 [26].
Même
si, pour un temps, l'action de la France et de l'Allemagne risque de
perdre en efficacité contre la politique américaine, ce
n'est pas sans difficultés que les Etats-Unis s'engagent au
Moyen-Orient. Les alliances qui se nouent sont toujours de
circonstance (contrairement à celles qui pouvaient exister au
sein des deux anciens blocs de l'Est et de l'Ouest), et de fait sont
soumises aux fluctuations des intérêts particuliers des
uns et des autres. C'est ce que vient illustrer le marchandage imposé
par la Turquie qui accepte de mettre à la disposition des
Etats-Unis ses installations militaires aéroportuaires,
moyennant une rétribution que, jusqu'à ce jour, l'Oncle
Sam a jugé excessive. Il n'est pas un pays dont les Etats-Unis
n'aient pas à se méfier. Jusqu'à la
Grande-Bretagne, alors qu'elle leur avait damé le pion au
Kosovo en 1999, au dernier moment, dans la répartition des
protectorats.
Depuis le début des années 1990, les
offensives américaines successives, même si elles sont
parvenues à contenir momentanément la contestation de
leur leadership, n'ont en définitive abouti qu'à
renforcer encore cette contestation. C'est la raison pour laquelle la
première puissance mondiale doit en permanence être à
l'offensive avec des moyens de plus en plus importants. C'est à
cette nécessité qu'avait correspondu l'exploitation des
attentats du 11 septembre (que les services secrets américains
n'ont pas tenté d'empêcher alors qu'ils étaient
au courant de leur préparation) en libérant la
bourgeoisie américaine du syndrome du Vietnam, c'est-à-dire
lui laissant les mains libres pour engager les troupes américaines
sans devoir rendre des comptes sur le coût en vies humaines :
selon sa propagande, l'exigence du "zéro mort américain",
à laquelle ils se soumettaient avant, a été
balayée par les 3 000 morts du World Trade Center.
Quel que
soit le consensus que les Etats-Unis obtiendront, ou pas, pour
intervenir en Irak, quelles que soient la facilité ou les
difficultés militaires de cette guerre, toutes les
frustrations suscitées par cette nouvelle opération de
police des Etats-Unis ne pourront que rejaillir par la suite et
participer d'une nouvelle aggravation des tensions impérialistes.
Une fois encore, ce seront les populations civiles locales qui vont
faire les frais de la boucherie impérialiste et ce sera, comme
toujours, la classe ouvrière qui va devoir supporter le coût
de la guerre et du militarisme.
Luc (20 février)
1 [27] Dans les manifestations anti-françaises en Côte d'Ivoire à la fin du mois de janvier, des drapeaux américains ont fait leur apparition dans la foule, traduisant ainsi l'activité sur place de différents services "spécialisés" américains.
Les guerres modernes ont la propriété d'être présentées
mensongèrement comme des guerres "défensives"
: défense de la "civilisation" contre le terrorisme
et la barbarie des "Etats voyous", défense de la démocratie
contre le totalitarisme. C'était déjà la grande
mystification que dénonçaient les militants du parti social-démocrate
russe avec Lénine dont nous publions des extraits d'un article
de 1914, intitulé "L'Internationale et la défense
nationale".
L'article de Lénine démontre comment la question de la
guerre n'est pas un problème indifférent aux débats
des deux premières Internationales, le problème y est
constamment envisagé. Il affirme que le combat contre la guerre
est une composante essentielle avec le combat contre l'exploitation
économique de la lutte du prolétariat pour mettre à
bas le capitalisme. Mais mieux encore, contre tous les juges modernistes
et contre-révolutionnaires de l'histoire qui se lamentent à
dessein sur l'impuissance et la faillite de la 2e Internationale face
à la guerre mondiale, Lénine démontre que le coeur
du combat des Internationales a été maintenu, même
après leur disparition ou leur faillite, par le noyau de militants
qui n'avaient cessé de combattre l'opportunisme des futurs traîtres
chauvins. C'est cette continuité et pugnacité du combat
qui ont permis de renforcer l'éruption du prolétariat
révolutionnaire contre la guerre en 1917 et de constituer la
3e Internationale.
Ainsi, même dans une période aussi dramatique, une poignée
de révolutionnaires, seuls héritiers de la tradition marxiste
bafouée, a prouvé que ce n'est qu'en maintenant le flambeau
de l'Internationalisme contre les social-chauvins qui les accusaient
de défendre des conceptions "surannées", qu'il
était possible de se préparer à mettre fin à
la guerre par la perspective de la révolution.
Il n'est pas vrai que l'Internationale ait consacré trop peu
d'attention au problème de la guerre. Presque tous les congrès
internationaux s'en sont occupés. Un rappel des faits suffira.
L'ancienne Internationale a consacré à ce problème
deux résolutions en deux congrès. La 2e Internationale
s'y est arrêtée dans huit congrès et huit résolutions.
Elle a, en outre, traité, dans cinq résolutions, la question
coloniale.
Il est inexact que l'Internationale ait enseigné aux ouvriers
qu'ils n'avaient qu'à se demander si une guerre était
défensive pour que la question fût tout de suite tranchée
et qu'il ne leur restât qu'à mettre le fusil sur l'épaule
et à exterminer "l'ennemi". Quiconque prendra la peine
de parcourir les résolutions authentiques de la 1ère et
2e Internationale se convaincra que rien d'analogue n'a jamais été
résolu. Examinons ces résolutions.
En 1867, au congrès de Lausanne, la 1ère Internationale
élabore une motion détaillée sur la guerre. Le
point essentiel est dans l'indication qu'il "ne suffit pas de supprimer
les armées permanentes pour en finir avec les guerres, mais qu'une
transformation de tout l'ordre social est à cette fin également
nécessaire". En 1867, au congrès de Bruxelles, l'Internationale
"recommande tout particulièrement aux ouvriers de cesser
le travail dans leur pays en cas de guerre".
Le Conseil général de la 1ère Internationale adopte,
en 1866, au début de la guerre austro-prussienne, une résolution
dans laquelle il recommande aux prolétariats de considérer
ce conflit comme celui de deux despotes et de tirer parti de la situation
pour leur propre émancipation.
Dans un manifeste aux trade-unions, en juillet 1868, le même Conseil
général, dans lequel on n'ignore pas que Karl Marx exerçait
une influence prépondérante, écrivait : "Les
bases de la société doivent être dans la fraternité
des travailleurs, libérés des mesquines rivalités
nationales. Le travail n'a pas de patrie."
Telles sont les résolutions de la 1ère Internationale.
A la conférence de Londres, en 1888, les députés
social-démocrates reçoivent le mandat de travailler à
l'institution de cours d'arbitrage pour la liquidation des conflits
entre Etats.
Au premier congrès de la 2e Internationale (Paris, 1889), une
résolution antimilitariste précise est prise. Revendication
principale : la substitution des milices populaires aux armées
permanentes. En 1891, le congrès de Bruxelles, "considérant
que la situation de l'Europe devient chaque année plus menaçante(...),
considérant les campagnes chauvines des classes dirigeantes,
invite tous les travailleurs à protester, par une agitation incessante,
contre toutes les tentatives de guerre et (...) déclare que la
responsabilité des guerres retombe en tout cas (...) sur les
classes dirigeantes".
En 1893, le congrès de Zurich déclare : "La social-démocratie
révolutionnaire internationale doit s'insurger avec la plus grande
énergie contre les aspirations chauvines des classes dirigeantes.
Les représentants des partis ouvriers sont tenus de refuser tous
les crédits militaires et de protester contre le maintien des
armées permanentes."
En 1900, au congrès de Paris, l'Internationale décide
catégoriquement que : "Les députés socialistes
de tous les pays sont inconditionnellement tenus de voter contre toutes
les dépenses militaires, navales, et contre les expéditions
coloniales."
En 1907, à Stuttgart, après avoir examiné la question
sous tous ses aspects, l'Internationale adopte une résolution
circonstanciée, dont le passage le plus important est celui-ci
: "Si la guerre éclate pourtant, les socialistes ont pour
devoir d'intervenir pour en hâter la fin et tirer de toute façon
parti de la crise économique et politique, pour soulever le peuple
et précipiter par là même la chute de la domination
capitaliste."
En 1910, à Copenhague, la résolution de Stuttgart est
confirmée et l'Internationale déclare une fois de plus
que c'est "le devoir invariable" des députés
socialistes de refuser tous les crédits de guerre.
En novembre 1912, au congrès de Bâle, réuni pendant
la guerre des Balkans, l'Internationale formule une claire menace de
révolution si les gouvernements criminels vont jusqu'à
la guerre mondiale. "Que les gouvernements n'oublient pas, déclare
le congrès de Bâle, que la guerre franco-allemande a provoqué
l'éruption révolutionnaire de la Commune, que la guerre
russo-japonaise a mis en mouvement les forces révolutionnaires
des peuples de la Russie. Les prolétaires considèrent
comme un crime de se tirer les uns sur les autres pour les bénéfices
capitalistes, les rivalités dynastiques et les traités
diplomatiques secrets." Tel était jusqu'à présent,
le langage de l'Internationale. On chercherait en vain dans ces motions
une approbation de la guerre même défensive.
L'Internationale disait comment combattre la guerre, comment agir quand
la guerre éclate. Elle disait : "Votez contre les crédits,
appelez les masses au combat, préparez la guerre civile (la Commune
donnée en exemple) ; rappelez-vous que les guerres ne sont que
violences des classes dirigeantes contre les ouvriers, qu'elles sont
enfantées par l'ordre capitaliste. Elle appelait à la
lutte contre la guerre moderne". (...) Mais aujourd'hui !... Comme
les social-chauvins de tous les pays l'ont déshonorée,
l'Internationale !
L'Internationale n'a jamais dit que les socialistes dussent participer
à la "défense nationale" dans toute guerre défensive.(...)
Dans les guerres impérialistes qui caractérisent toute
notre époque, l'assaillant peut demain se trouver en état
de défense et vice versa. Pour cette raison déjà,
l'Internationale ne pouvait conseiller en toutes occasions la guerre
défensive. Il ne faut pas confondre les fâcheuses déclarations
isolées de quelques leaders socialistes avec l'opinion de l'Internationale.(...)
La différence entre une guerre offensive et la guerre défensive
est, dans la majorité des cas, tout à fait douteuse, écrivait
Kautsky lui-même en 1905. Et, en 1907, au congrès de la
social-démocratie allemande, à Essen, Kautsky, répliquant
à Bebel, disait encore :
"En réalité, la question ne se posera pas pour nous
en cas de guerre par rapport à telle ou telle nation isolée,
car la guerre entre les grandes puissances deviendra une guerre mondiale
et ne se limitera pas à deux Etats. Il arrivera qu'un beau jour
le gouvernement allemand tentera de berner les travailleurs allemands,
en leur assurant que la France est l'agresseur. Le gouvernement français
fera de même de son côté. Et nous serons les témoins
d'une guerre dans laquelle les ouvriers français et allemands,
également enthousiastes et suivant leurs gouvernements, s'égorgeront
entre eux."
(...) L'Internationale n'a jamais justifié ni préconisé
ce qu'ont fait les social-chauvins en Allemagne, en Autriche, en France
et en Belgique. Le simple recueil des résolutions de l'Internationale
constituerait le meilleur réquisitoire contre les opportunistes
qui les ont déchirées, amenant l'Internationale même
au krach. Les opportunistes étaient très forts dans l'Internationale,
mais pas assez pour affirmer, sous son égide, le patriotisme
d'aujourd'hui claironné par Haase et Vaillant, Hervé et
Sudekum. Au moment où l'opportunisme et le chauvinisme ont temporairement
triomphé dans les plus grands partis européens, la 2e
Internationale a cessé de vivre.
Une autre Internationale la remplacera.
Lénine (12 décembre 1914)
La bourgeoisie et ses médias présentent le chômage comme une fatalité, tout en "proposant" des "solutions". Ils peuvent ainsi justifier les sacrifices imposés aux ouvriers, sous la forme d'un véritable chantage à l'emploi, en cherchant à culpabiliser les "actifs", en leur demandant de "partager" travail et salaire. Bref, ils généralisent la misère, au nom de la "solidarité".
Le chômage qui affecte aujourd'hui la classe ouvrière n'est pas un phénomène nouveau. Depuis ses origines, le capitalisme a connu des crises périodiques qui, à chaque fois, se traduisaient par une poussée du chômage et une violente attaque contre les conditions de vie des ouvriers.
Au moment le plus aigu des crises cycliques du 19e siècle, certains
secteurs, comme le textile, pouvaient licencier jusqu'à 50% de
leur main-d'oeuvre. Plus largement, lorsque le patron ne parvenait pas
à vendre ses marchandises sur un marché ponctuellement
saturé, il se voyait dans l'obligation de jeter à la rue
la classe laborieuse.
L'exode rural forcé ainsi que la ruine de milliers d'artisans
incapables de concurrencer les grandes entreprises capitalistes qui
produisaient moins cher, faisait qu'une énorme masse de sans-travail
affluait vers les grandes villes pour garnir les rangs du prolétariat.
Cette gigantesque "armée industrielle de réserve"
permettait alors à la bourgeoisie de faire pression sur les salaires
pour les maintenir au niveau le plus bas. Si le chômage est également
resté particulièrement élevé avant 1850
dans le pays industriel le plus puissant à l'époque, l'Angleterre,
c'est que ses marchandises ne parvenaient pas à être écoulées
de manière suffisante. Ceci, tant sur le marché intérieur
saturé, que dans les pays du continent qui adoptaient des mesures
"protectionnistes". La France et l'Allemagne avaient en effet
tendance à fermer la porte aux produits anglais, pour ne pas
être concurrencés et favoriser les débuts de leur
propre révolution industrielle.
Mais à partir de la seconde moitié du 20e siècle,
le fait que le capitalisme n'ait pas encore conquis la planète
permettait de résoudre les effets les plus dévastateurs
de la concurrence et, surtout, de surmonter momentanément les
crises de surproduction, grâce à la découverte de
nouveaux débouchés obtenus par les conquêtes coloniales.
Les marchandises ainsi vendues pouvaient permettre de réaliser
la plus-value, c'est-à-dire le profit, et d'assurer le processus
d'accumulation du capital. Cette expansion permettait non seulement
d'écouler les surplus de marchandises dans ces zones pré-capitalistes
mais aussi, par la même occasion, d'étendre le mode de
production capitaliste, faisant des anciens producteurs de nouveaux
prolétaires.
Cette marche forcée, au prix d'épisodes sanglants, conduisait
l'industrie à absorber et intégrer à peu près
partout une main-d'oeuvre toujours plus nombreuse et concentrée.
C'est durant cette période que l'Europe continentale et les Etats-Unis
entraient de plain-pied dans la révolution industrielle. La colonisation
et le développement du capital américain absorbèrent
donc nombre de chômeurs potentiels par le biais de l'émigration
européenne (50 millions d'européens quittèrent
le "vieux continent" entre 1850 et 1914).
Ainsi, dans l'ascendance du capitalisme, pour les prolétaires, malgré la misère et la surexploitation qu'ils subissaient, les conditions d'expansion du capitalisme leur permettaient non seulement de vendre leur force de travail, mais encore de se constituer en classe, de s'organiser, de développer leur unité et d'arracher aux exploiteurs des réformes et des améliorations durables. De plus les conquêtes de zones extra-capitalistes dans toutes les régions du globe permettaient de limiter le chômage grâce à l'ouverture et à l'élargissement du marché mondial. Durant cette période, malgré son caractère inhumain, le chômage n'avait pas la signification tragique qu'il a aujourd'hui, où il apparaît comme un véritable cancer social.
La Première Guerre mondiale, dont l'origine est liée
au repartage des marchés entre les différentes bourgeoisies
nationales, sanctionne la fin de cette phase dynamique du capitalisme
et annonce sa décadence.
Si, au lendemain de la "Grande Guerre", le taux de chômage
est resté assez peu élevé, c'est avant tout du
fait que des millions de prolétaires avaient été
fauchés sur le front. La période de reconstruction qui
a suivi a permis provisoirement d'absorber une main-d'oeuvre diminuée.
Dix ans après le conflit, la surproduction qui entraînait
la catastrophe de 1929 provoquait une montée dramatique du chômage
dans tous les pays industriels. Le chômage est passé de
5,9 % à 13,1 % au Royaume-Uni entre 1929 et 1932 et de 5,9 %
à 17,2 % pour la même période en Allemagne. L'exemple
le plus significatif est son bond spectaculaire aux Etats-Unis, où
il est passé de 3% en 1929 à 25% en 1933 ; situation caractérisée
par ses grèves "dures" et ses longues files d'attente
aux soupes populaires.
Si par la suite, on enregistre une légère décrue
dans la plupart des pays jusqu'au déclenchement de la Seconde
Guerre mondiale, cela n'est dû essentiellement qu'au développement
du capitalisme d'Etat, à la production d'armement et à
la politique de grands travaux d'inspiration keynésienne qui
marquent la fuite en avant du capitalisme vers la préparation
directe d'une nouvelle boucherie impérialiste, comme seule "réponse"
à ses contradictions mortelles. Ces politiques appliquées
aussi bien par les régimes démocratiques ("New Deal"
aux Etats-Unis et programme du Front Populaire en France) que par les
régimes "totalitaires" (plan quinquennaux en URSS,
mise en place de l'Institut pour la Reconstruction Industrielle -IRI-
en Italie, plan de quatre ans en Allemagne), à coup de déficits
budgétaires et d'endettement, permettaient de maintenir et de
créer une activité artificielle.
Tous les Etats poussaient violemment les prolétaires à
se sacrifier pour les intérêts de l'économie nationale.
Et de ce point de vue, les staliniens de l'URSS, de la fameuse "patrie
du socialisme", n'étaient pas en reste. La glorification
des "héros du travail", conduisant à la construction
du mythe Stakhanov, faisait partie de l'arsenal idéologique bourgeois
pour pressurer au maximum la force de travail. Si les staliniens se
targuaient de ne "pas connaître le chômage", la
mobilisation dans les vastes camps de production de l'industrie lourde,
au service de l'armement et du capital russe, où les prolétaires
devaient s'épuiser pour des conditions de vie misérables
en était le prix à payer. Ceci, sans compter la masse
des travailleurs entassés dans les goulags !
Si, de 1945 jusqu'à la fin des années soixante, le taux
du chômage est resté encore relativement faible, c'est
grâce à la phase de reconstruction d'après guerre.
Mais à la fin des années soixante, celle-ci est terminée.
Les nations dont le potentiel industriel avait été détruit,
comme l'Allemagne, peuvent de nouveau produire et, surtout, encombrer
le marché mondial. Le chômage, jusque là repoussé
ou atténué momentanément par l'économie
de guerre, la reconstruction, les mesures étatiques et le développement
du crédit, revient alors avec fracas. Contrairement à
la veille de la Première et de la Seconde Guerre mondiale, la
bourgeoisie ne peut embrigader derrière les drapeaux nationaux
une masse ouvrière qui, depuis Mai 68, a retrouvé le chemin
de la lutte sur son propre terrain de classe. L'aggravation de la crise
économique entraîne alors un inexorable mouvement de licenciements,
dans tous les pays industriels. De récessions en récessions,
les chômeurs ne cessent de s'entasser par millions.
Avec le début des années quatre-vingt, le chômage est devenu massif et chronique, ouvrant une ère de paupérisation absolue. Désormais, les différents capitaux nationaux ne peuvent survivre qu'en rejetant dans le chômage un nombre toujours plus grand de prolétaires. Alors que la surproduction atteint des niveaux inégalés et que les Etats croulent sous les dettes, que les secousses monétaires et boursières se multiplient en fréquence et en intensité, que la guerre commerciale se déchaîne tous azimuts, la perspective de "résorber" le chômage par le biais de "sacrifices nécessaires" s'avère être un odieux mensonge. En réalité, face à la concurrence, toutes les bourgeoisies nationales sont obligées de "rationaliser" leur production. Cela signifie qu'elles doivent dès maintenant fermer les usines les moins rentables, augmenter la productivité du travail, diminuer les effectifs, accélérer les cadences, baisser les salaires. La crise et le chômage ainsi engendré ne sont ni cycliques, ni conjoncturels. Alors que le capitalisme avait pour raison d'être essentielle de développer les forces productives en généralisant le salariat comme c'était le cas dans le passé, son incapacité évidente aujourd'hui à donner du travail à des dizaines de millions de prolétaires signifie que ce système est arrivé au bout du rouleau.
Au début du 21e siècle, le drame du chômage illustre de façon éclatante la faillite du mode de production bourgeois. Il témoigne de la nécessité pour la classe ouvrière de renverser ce système moribond et de mettre fin, par la révolution communiste mondiale, à la misère capitaliste.
Dans le concert des gigantesques manifestations pacifistes au cours de ces dernières semaines, un des slogans les plus fédérateurs et consensuels de l'anti-américanisme ambiant était "Non à la guerre pour le pétrole !". En France par exemple, on a pu voir placardées partout des affiches où l'organe du PCF, L'Humanité soignait sa publicité en se présentant comme "le journal des anti-guerre" avec une photo représentant un tuyau de pompe à essence appuyé comme un revolver en plein milieu du front d'une petite fille irakienne. La plupart des organisations gauchistes à commencer par la LCR et le PT comme les "altermondialistes" d'Attac, les "mouvements citoyens", les Verts et tous les porte-parole de la gauche n'ont pas cessé de marteler la même idée, amplement relayée par tous les grands médias eux-mêmes du Monde au Nouvel Observateur en passant par Libération et toutes les chaînes de télévision, publiques ou privées, que cette nouvelle guerre du Golfe était avant tout une guerre pour le pétrole au profit exclusif des trusts et des grands groupes pétroliers américains. Ainsi, Arlette Laguiller devait entamer le 21 mars une tournée de meetings dans le pays sur le thème "Pas de sang dans le pétrole !" et écrivait par exemple dans l'éditorial du n° 1806 de Lutte Ouvrière daté du 14 mars : "Le pétrole du Moyen-Orient et les bénéfices que les trusts américains peuvent tirer de la guerre ont bien plus d'importance aux yeux de Bush que les milliers de victimes civiles, mortes ou handicapées à vie que sa croisade contre l'Irak ne manquera pas de provoquer". Qu'y a-t-il derrière cette larmoyante démagogie antiaméricaine ? En d'autres termes, tous ces discours reviennent à dire que ce qui intéresserait fondamentalement les Etats-Unis conduits par un président lui-même lié aux groupes pétroliers américains, c'est de faire main basse sur les réserves de pétrole de l'Irak pour s'approprier les produits faciles de sa rente.
Tout les bons apôtres qui répètent qu'il s'agit
d'une guerre pour le pétrole feraient bien de regarder d'un peu
plus près l'histoire de ces 50 dernières années
avant de proférer et de colporter ce genre d'inepties. Une telle
explication simpliste visant à faire croire que l'objectif de
cette guerre serait une question de rente pétrolière que
chercheraient à s'assurer certains Etats est en contradiction
flagrante avec la réalité même des précédents
conflits en Afghanistan ou en Yougoslavie, et même avec la première
guerre du Golfe en 1991 qui ont coûté énormément
d'argent et n'ont pas permis aux vainqueurs de se payer en nature (les
produits pétroliers irakiens sont restés depuis 12 ans
sous embargo), que ce soit avec du pétrole ou autre chose. Au-delà,
est-ce qu'on peut expliquer ainsi les guerres du 20e siècle à
commencer par les deux boucheries mondiales : quel était l'intérêt
strictement économique de ces conflits ? Qui aurait osé
prétendre que de précédentes guerres menées
par les Etats-Unis comme la guerre de Corée et la guerre du Vietnam
étaient "une guerre pour le riz" ?
Si, à la fin du 19e siècle, le but des guerres coloniales
était l'acquisition de matières premières à
bas prix ainsi que l'ouverture de nouveaux marchés capitalistes,
il est aujourd'hui absurde de continuer à penser que l'objectif
d'une guerre se limite à de stricts intérêts économiques
ou à un approvisionnement en matières premières.
Au début de l'année (voir Le Monde daté du 4 janvier
2003), les experts américains en analysant l'impact possible
de la guerre sur l'économie américaine dégageaient
trois hypothèses : la plus optimiste prévoyait des effets
négatifs limités et d'assez courte durée, la deuxième
aurait comme conséquence un taux de croissance proche de zéro
sur une assez longue période, la dernière débouchait
sur une plongée dans une récession durable. Alors que
tous les scénarios dégageaient un effet négatif,
ces perspectives contredisent les assertions de tous ceux qui nous racontent
que l'économie américaine escompte tirer de fabuleux profits
de la guerre. D'ailleurs, l'économiste en chef d'une agence financière
américaine déclarait alors : "Les faits sont têtus.
Quand vous commencez une guerre, beaucoup de choses peuvent se produire,
la plupart du temps, elles ne sont jamais bonnes". C'est d'ailleurs
pour cela que les milieux industriels et financiers américains
se sont montrés pendant des mois si réticents, voire hostiles
au projet de Bush sur l'Irak.
Il est évident que la guerre commerciale que se livrent les grands
trusts pétroliers est sans merci, que des groupes américains
ou anglais comme Chevron Texaco, Exxon Mobil, RD/Shell ou BP ne peuvent
qu'exploiter la situation pour chercher à évincer du Moyen-Orient
de dangereux concurrents comme le Français Total Elf Fina ou
le Russe Lukoil qui étaient parvenus à s'implanter dans
la région, et que les compagnies américaines entendent
ensuite profiter du rapport de force militaire pour régler le
compte de leurs concurrents britanniques. Mais cela ne saurait constituer
un motif sérieux et crédible de mobiliser une telle armada
terrifiante et de mettre toute la région à feu et à
sang.
Aujourd'hui l'Irak n'assure que 3,3 % de la production pétrolière
mondiale. En admettant que l'objectif qui est clairement avoué
soit un doublement de la production en fonction de ses réserves
importantes (l'Irak détiendrait 11 % des réserves mondiales
et un sixième de l'ensemble du Proche-Orient), ces bénéfices
économiques immédiats attendus peuvent-ils expliquer une
guerre d'une telle envergure ? Pas le moins du monde.
La propagande officielle est à peine un peu plus subtile : en
faisant main basse sur les réserves pétrolières
irakiennes, les Etats-Unis veulent se libérer d'une trop grande
dépendance vis-à-vis de l'Arabie Saoudite. Nous avons
déjà répondu dans notre presse au manque de crédibilité
de cet argument (voir RI n° 330, "Le bluff de la rente pétrolière",
janvier 2003) en montrant que la part des importations en pétrole
saoudien ne représentait qu'entre 5 et 8 % de la consommation
pétrolière américaine et plus largement que pour
l'ensemble des ressources énergétique (pétrole
+ gaz + charbon + nucléaire + hydroélectricité),
les Etats-Unis assurent déjà 82% de leurs propres besoins
sans recourir aux importations.
Si le pétrole était d'un intérêt tellement
vital, pourquoi encourir les risques énormes actuel de le dilapider
et de faire partir en fumée cette manne ? Le déclenchement
de la guerre fait courir un danger évident de destruction ou
de pollution des champs pétroliers par les bombardements ou par
Saddam lui-même qui, de façon tout a fait prévisible,
pouvait être poussé ainsi à se livrer à des
opérations de sabotage (comme cela s'est déjà produit
au Koweït en 1991 où il aura fallu des mois et dépenser
des sommes colossales pour éteindre les foyers, remettre en état
et dépolluer les quelque 700 puits incendiés). D'ailleurs,
les premières heures du conflit n'ont pas tardé à
confirmer ce danger et semblent dans une certaine mesure accréditer
cette hypothèse. Quant au coût pour protéger les
sites pétrolifères ainsi menacés, son prix à
payer en termes de moyens matériels, financiers, économiques,
militaires, humains mis en oeuvre dépassera sans doute de beaucoup
les bénéfices que la bourgeoisie pourra jamais en tirer.
S'il s'agissait d'une guerre de rapine, il est dès à présent
clair que le camp des belligérants ne pourra jamais se rembourser
des coûts astronomiques de la guerre. Cela souligne et fait ressortir
le caractère totalement irrationnel des guerres impérialistes,
notamment d'un point de vue économique.
Même si tous les Etats, des Etats-Unis à l'Europe en passant
par le Japon sont intéressés à se procurer du pétrole
bon marché, cela ne saurait expliquer l'incroyable concentration
et l'utilisation de moyens militaires d'une telle envergure par la première
puissance mondiale dans la mesure où la guerre ne peut que creuser
encore les déficits commerciaux comme budgétaires considérables
des Etats-Unis.
Si le volume des réserves pétrolières de l'Irak
joue un rôle dans l'importance stratégique de ce pays,
c'est avant tout parce que ce pays est situé au coeur d'une région
qui fournit la plus grande partie du pétrole consommé
en Europe et au Japon (l'Europe- en dehors de la Russie- en est tributaire
à 25% en moyenne, très inégalement selon les pays,
mais un des plus dépendants est l'Allemagne, le rival impérialiste
le plus sérieux pour la Maison Blanche et le Japon en dépend
à 95% !). Si les Etats-Unis parvenaient à contrôler
étroitement les fournitures de l'Europe et du Japon en hydrocarbures,
ce serait un atout majeur pour préserver son statut de gendarme
du monde. Cela permettrait à la bourgeoisie américaine
d'exercer le plus puissant des chantages sur ces pays en cas d'aggravation
des conflits impérialistes vis-à-vis d'eux ou d'avancée
stratégique de ses principaux rivaux impérialistes. Ainsi,
le véritable but de la guerre est d'ordre stratégique
et militaire. Et cette stratégie consiste avant tout à
déstabiliser l'adversaire, exploiter les faiblesses ou les dépendances
des puissances rivales les plus dangereuses, les priver de leurs atouts
ou de moyens comme de matières premières de telle sorte
que cette privation puisse porter un coup fatal à son économie
ou bien encore le placerait dans l'incapacité d'assurer efficacement
sa protection et ses fonctions militaires. C'est cela qui est la caractéristique
la plus révélatrice de la logique du capitalisme aujourd'hui
et des rapports impérialistes réels dans le monde.
Tous ces arguments fallacieux de la guerre pour le pétrole ont
pour fonction essentielle de constituer un instrument de propagande
et un rideau de fumée idéologique. Leur premier rôle
est de servir de cache-sexe à l'idéologie pacifiste bourgeoise,
dont l'anti-américanisme est l'élément moteur et
qui tente de camoufler l'existence d'une autre coalition, d'un autre
camp tout aussi impérialiste, belliciste et monstrueusement cynique.
C'est d'ailleurs la raison pour laquelle cet argument était beaucoup
moins mis en avant en 1991, alors que les Etats et les fractions de
la bourgeoisie qui l'invoquent si volontiers aujourd'hui participaient
à ce moment-là à la coalition militaire autour
des Etats-Unis et aux bombardements contre l'Irak. L'objectif fondamental
de cette campagne d'intoxication mystificatrice est d'essayer de masquer
les antagonismes impérialistes réels entre toutes les
grandes puissances et de tenter de dégager la responsabilité
de tous les Etats dans l'engrenage de la folie meurtrière du
capitalisme qui ravage le monde. La fable de la guerre pour le pétrole
sert en définitive à empêcher de comprendre au sein
de la classe ouvrière les contradictions insurmontables du capitalisme
et de prendre conscience de l'impasse que représente le capitalisme
qui sème partout sur la planète la misère, la barbarie
et la mort et dont tous les Etats portent la responsabilité.
Au moment où le gouvernement impose brutalement et sans fards à la classe ouvrière les attaques les plus massives et frontales possibles, touchant tous les secteurs et tous les aspects de ses conditions de vie et de travail, les syndicats apparaissent étrangement en retrait, singulièrement mous et divisés sur le terrain social, en complet décalage par rapport à l'ampleur et à la multiplication des attaques actuelles.
Mais en même temps, tout-un-chacun peut constater que les syndicats appellent unitairement à la mobilisation la plus large possible, contre ... "la guerre de Bush". Ils se sont placés aux avants-postes sur le terrain du pacifisme et derrière cette "union nationale" que Chirac et Raffarin réclament ardemment dans tous leurs discours. Ainsi, des syndicats comme SUD et la CGT se mettent en campagne dans les entreprises, tracts et pétitions à l'appui, pour appeler à réagir vigoureusement contre la guerre, appels directement en soutien du gouvernement français. Pourquoi une telle attitude face à la situation ?
Il est clair que toute la bourgeoisie profite de l'actuelle préoccupation légitime de la classe ouvrière, de son inquiétude sur la question de la guerre et de sa polarisation sur les événements internationaux pour faire passer une série d'attaques antiouvrières. Déjà, le gouvernement se prépare à utiliser le prétexte que la conjoncture internationale guerrière est une grande épreuve pour l'économie nationale et qu'elle va le contraindre à renforcer ses plans d'austérité, et à réduire les budgets sociaux. S'il est vrai que la guerre constitue un puissant facteur d'accélération de la crise économique, ce que veut cacher la bourgeoisie, c'est que la récession était déjà une réalité concrète bien avant la perspective de déclenchement d'une guerre en Irak. Ce n'est pas la première fois que la bourgeoisie utilise ce genre de stratagème pour masquer la crise de son système et cela lui permet d'avoir les mains encore plus libres pour cogner encore plus fort sur les ouvriers. Dans ce contexte, la tentative par les syndicats d'entraîner un maximum d'ouvriers sur le terrain interclassiste du pacifisme et surtout dans "une union sacrée" derrière toute la bourgeoise nationale prend tout son sens. Elle participe d'une opération idéologique concertée pour anesthésier leur conscience de classe.
Mais cette manœuvre ne s'arrête pas là. Elle est
parallèlement accompagnée d'une activité plus classique
mais aussi pernicieuse de sabotage sur le terrain social. Les syndicats
poursuivent et intensifient leur sale travail habituel en organisant
et en assurant l'éparpillement, la dispersion et la division
de la riposte ouvrière aux attaques qui s'abattent tous azimuts.
Quelques exemples suffisent pour montrer comment syndicats et gouvernement,
main dans la main, agissent pour faire passer de nouvelles mesures.
Pour les fonctionnaires qui sont particulièrement en ligne de
mire avec simultanément l'attaque sur les retraites, les suppressions
de poste, le gel des salaires, le projet de modernisation et de "décentralisation"
de la fonction publique qui va se traduire par une "mobilité"
et une "flexibilité" nouvelle, ils mettent à
part des autres attaques, la plus explosive d'entre elles, celle sur
les retraites (qui va faire progressivement passer, entre 2004 et 2007,
la durée de cotisations et de travail de 37 annuités et
demi à 40 pour tous les agents de la fonction publique). De plus
chaque secteur a eu sa propre journée d'action. Par exemple,
le ministère des finances le 10 mars, l'Education nationale le
18 (la quatrième en deux mois), en mettant en avant et en martelant
en chaque occasion la "défense du service public".
La défense et l'amélioration du service public, une administration
moins bureaucratique et plus efficace au service des usagers servent
à nouveau d'emballage-cadeau au chantage à la mise en
place d'une nouvelle attaque, chantage exercé en retour par le
ministre de tutelle Delevoye contre tous les fonctionnaires : "augmentation
de salaires, pourquoi pas ? Mais à une condition préalable,
le salaire au mérite, en fonction de votre productivité,
de votre "flexibilité", de votre zèle à
contribuer aux économies de l'Etat, de votre docilité
à accepter des sacrifices, et donc la réduction du nombre
de fonctionnaires".
Et, pour accentuer le déboussolement, la démobilisation
et le sentiment d'impuissance, les syndicats se présentent en
désaccord et divisés sur la question des retraites pour
la journée de mobilisation prévue le 3 avril prochain.
Dans le privé, au milieu d'une pluie de plans de licenciements,
les syndicats enferment de plus belle les ouvriers dans le cadre de
l'usine ou de l'entreprise (Métaleurop, Danone, Grimaud, Daewoo,
Alstom, Aubert et Duval, ...) en encourageant des actions isolées,
focalisées sur tel ou tel patron particulier, tel ou tel problème
spécifique à "la boîte". On a vu resurgir,
comme dans les années 1970, des actions-commandos téléguidées
par la CGT : pour pousser les ouvriers d'une entreprise de textile,
dans la voie du nationalisme le plus exacerbé, à s'en
prendre aux camions transportant des vêtements faits "à
l'étranger" ; pour encourager ceux de Metaleurop à
aller casser les vitrines du siège social de la société
"étrangère" Glencore. Pendant ce temps-là,
on fait croire que ceux d'Air-Lib, licenciés "légalement
et à la française" seront repris par Air France ou
par… la RATP.
Dans ces manoeuvres d'émiettement, l'objectif poursuivi par les
syndicats n'est pas seulement d'étouffer, de défouler,
d'isoler ou de canaliser la combativité des ouvriers, mais elle
est aussi de minimiser et de masquer l'ampleur des attaques, d'empêcher
les ouvriers de prendre conscience que ces attaques concernent et touchent
de la même façon et partout tous les prolétaires.
Quand les officines syndicales laissent entendre que le meilleur moyen
de lutter contre la régression sociale, ce serait de lutter d'abord
en priorité contre la guerre, aux cotés des pacifistes
qui organisent des rassemblements massifs un peu partout dans le monde,
ils participent au premier plan à une offensive idéologique
entreprise par toute la bourgeoisie pour dénaturer dans la conscience
des ouvriers le lien entre les attaques économiques qu'ils subissent
de toutes parts et la guerre en les poussant à agir à
l'exact opposé de leurs intérêts de classe.
Ils les empêchent de comprendre que le seul moyen de refuser la
guerre pour le prolétariat, c'est de se battre et de développer
ses luttes de la façon la plus unitaire possible sur son terrain
de classe. C'est tout le contraire que de participer au grand carnaval
des pacifistes qui revient à la défense des intérêts
impérialistes du capital national, à apporter son soutien
à un camp contre un autre sur le terrain des rivalités
et des dissensions impérialistes de la bourgeoisie. C'est la
faillite même du système capitaliste dans son ensemble,
entraîné dans une crise irréversible, que les syndicats
comme l'ensemble de la bourgeoisie s'attachent à masquer aux
yeux des ouvriers en les empêchant de prendre conscience que c'est
le même ennemi de classe qui, d'un côté, livre au
massacre et à la barbarie des populations entières et,
de l'autre, les condamne à une exploitation de plus en plus féroce,
à une misère toujours plus grande.
Les actuelles manœuvres de la bourgeoisie, Etat et syndicats en
tête, pour minimiser les attaques en cherchant à entraîner
les ouvriers derrière le char bourgeois du pacifisme constituent
une attaque importante contre le développement de la conscience
ouvrière. C'est la fonction essentielle de ces défenseurs
du capitalisme que sont les syndicats d'y faire barrage. Leurs manœuvres
visent toujours le même objectif : empêcher la mobilisation
massive contre les attaques économiques qui, seule, peut permettre
aux ouvriers de s'opposer en tant que classe au système et à
terme de le renverser, en mettant fin à la guerre comme à
l'exploitation capitaliste
Tous les conflits
majeurs qui ont ensanglanté la planète depuis la disparition
des blocs ont impliqué les principales puissances de l'ex-bloc
de l'Ouest. L'image qui en a été donnée est celle
d'une solide unité entre ces pays, sur un plan politique et même
dans des opérations militaires, au service de la défense
du droit international, de l'humanitaire, de la lutte contre "le
terrorisme international". Depuis bientôt un an qu'a surgi
la présente crise irakienne, le monde découvre avec stupéfaction
la force des dissensions, brutalement propulsées sur le devant
de la scène, qui opposent ces pays entre eux. Des alliances,
qui étaient qualifiées d'historiques, sont rompues, comme
celle entre la France et les Etats-Unis. On assiste au développement
de campagnes xénophobes anti-américaines, anti-françaises,
orchestrées par les médias à la solde des Etats,
et qui évoquent les pires moments de l'histoire du 20e siècle.
En fait, déjà avant la crise actuelle, les antagonismes
entre ces grandes puissances étaient présents, mais ils
se sont considérablement aggravés, au point que se déchire
aujourd'hui le voile d'hypocrisie qui a pu donner à ces guerres
l'apparence de la respectabilité. Ainsi, s'il devient difficile
à la bourgeoisie de cacher "qui est le véritable
ennemi de qui", sa propagande belliciste ne peut pas non plus s'empêcher
d'invoquer l'enjeu réel de la guerre : le contrôle de positions
stratégiques essentielles dans le rapport de force entre ces
puissances.
Les principaux brigands impérialistes ne sont pas d'accord sur
la manière dont ils vont se partager le monde, et pour le caïd,
le plus fort d'entre eux, les Etats-Unis, il n'est évidemment
pas question de partager sa suprématie.
En fait tout au long du 20e siècle, c'est la question du partage
du monde entre les différents impérialistes, les plus
puissants secondés par les moins forts, qui est à l'origine
des alliances, des blocs, des guerres mondiales ou des guerres localisées
qui ont jalonné les trois décennies de la période
de la guerre froide.
Polarisées pendant toute la période de la guerre froide
par le face-à-face entre les deux blocs impérialistes
rivaux, celui de l'Est et celui de l'Ouest, les tensions impérialistes
ne cessent pas avec la disparition de ceux-ci. Tout au contraire. L'impasse
économique totale et de plus en plus évidente du mode
de production capitaliste ne peut qu'attiser de façon croissante
les antagonismes guerriers entre nations.
Très tôt après la dissolution du bloc de l'Ouest,
les Etats-Unis organisent la guerre du Golfe. En laissant croire à
Saddam Hussein qu'il peut envahir le Koweït sans risque de rétorsion,
ils se créent ainsi délibérément l'occasion,
sous prétexte de libérer le Koweït au nom de la défense
du droit international, d'une démonstration de force sans précédent
depuis la Seconde Guerre mondiale. Les anciens alliés des Etats-Unis
au sein du bloc de l'Ouest n'ont alors d'autre choix, s'ils veulent
pouvoir maintenir leur rang dans l'arène impérialiste
mondiale, que de se soumettre en participant à la première
guerre du Golfe, ou en la finançant. Bien conscients qu'ils sont
entraînés dans cette guerre contre leurs intérêts,
la plupart de ces pays, à l'exception de la Grande-Bretagne,
font plus que traîner les pieds pour s'aligner sur la position
des Etats-Unis et s'associer à leur effort de guerre. C'est ainsi
qu'ont eu lieu diverses tentatives, notamment de la France et de l'Allemagne,
pour torpiller, à travers des négociations séparées
menées au nom de la libération des otages, la politique
américaine dans le Golfe.
Cette guerre a mis en relief une réalité qui n'a fait
que se confirmer depuis lors : l'incapacité totale des Etats
européens à mettre en avant une politique extérieure
commune indépendante qui aurait pu constituer les prémices
politiques de la constitution, à terme, d'un bloc "européen"
dirigé par l'Allemagne. De même, elle a illustré
le fait, qui n'a pas non plus été démenti, que
la première puissance mondiale doit en permanence être
à l'offensive, en faisant usage de son écrasante suprématie
militaire, si elle veut maintenir son leadership mondial face à
la contestation de celui-ci en particulier de la part de ses anciens
alliés du bloc de l'Ouest.
La crise irakienne actuelle illustre que bien des étapes importantes
ont été franchies de la part de ces mêmes puissances
dans l'affirmation de leurs intérêts impérialistes
propres.
Quelques mois à peine après la guerre du Golfe en 1991,
le début des affrontements en Yougoslavie est venu illustrer
le fait que ces mêmes puissances, et particulièrement l'Allemagne,
étaient bien déterminées à faire prévaloir
leurs intérêts impérialistes au détriment
de ceux des Etats-Unis.
C'est pour se constituer un débouché vers la Méditerranée
que l'Allemagne a encouragé la sécession des républiques
du nord de la Yougoslavie, la Slovénie et la Croatie, ouvrant
ainsi une boîte de Pandore des les Balkans qui redevenaient un
des foyers des affrontements entre les puissances impérialistes
en Europe. En effet, les autres Etats européens, ainsi que les
Etats-Unis, qui étaient opposés à cette offensive
allemande ont directement, ou indirectement par leur immobilisme, encouragé
la Serbie et ses milices à déchaîner la "purification
ethnique" au nom de la défense des minorités.
A la faveur de ce qui constituait une étape supplémentaire
dans l'aggravation de la situation mondiale, les Etats-Unis surent mettre
en évidence l'impuissance de l'Union européenne par rapport
à une situation où elle était pourtant la première
concernée et les divisions régnant dans les rangs de cette
dernière, y compris entre les "meilleurs alliés"
du moment, la France et l'Allemagne. Ils ne parvinrent néanmoins
pas à contenir réellement l'avancée de certains
impérialismes, particulièrement la bourgeoisie germanique
qui, dans l'ensemble, est parvenue à ses fins dans l'ex-Yougoslavie.
La manifestation la plus spectaculaire de cette crise de l'autorité
du gendarme mondial a été constituée par la rupture
de son alliance historique avec la Grande-Bretagne, à l'initiative
de cette dernière, à partir de 1994. Si, après
1989, la bourgeoisie britannique s'était montrée dans
un premier temps la plus fidèle alliée de sa consœur
américaine, notamment au moment de la guerre du Golfe, le peu
d'avantages qu'elle avait retiré de cette fidélité,
de même que la défense de ses intérêts spécifiques
en Méditerranée et dans les Balkans, lui dictaient une
politique pro-serbe et la conduisirent à prendre des distances
considérables avec son alliée et à saboter systématiquement
la politique américaine de soutien à la Bosnie. Dans ce
contexte, la bourgeoisie britannique réussissait à mettre
en œuvre une solide alliance tactique avec la bourgeoisie française.
Un tel échec était évidemment grave pour la première
puissance mondiale puisqu'il ne pouvait que conforter la tendance de
nombreux pays, sur tous les continents, à mettre à profit
la nouvelle donne mondiale pour desserrer l'étreinte que leur
avait imposée l'Oncle Sam pendant des décennies. C'est
pour tenter de compenser cette position de faiblesse que les Etats-Unis
développent alors un activisme autour de la Bosnie, après
avoir fait étalage de leur force militaire à deux reprises
durant l'année 1992 :
- lors du massif et spectaculaire déploiement "humanitaire"
en Somalie, qui n'était qu'un prétexte et un instrument
de l'affrontement des deux principales puissances s'opposant en Afrique
: les Etats-Unis et la France ;
- lors de l'interdiction de l'espace aérien du sud de l'Irak,
sous prétexte de défendre la population chiite persécutée
par le régime de Bagdad, qui constituait principalement un message
en direction de l'Iran dont la puissance militaire montante s'accompagnait
du resserrement de ses liens avec certains pays européens, notamment
la France. Par rapport à la guerre de 1991, ce n'est que péniblement
que les Etats-Unis ont pu obtenir un accord autour de ce projet (le
troisième larron de la coalition, la France, se contentant cette
fois-ci d'envoyer des avions de reconnaissance).
La suite de la guerre en Yougoslavie s'est concrétisée
jusqu'à l'été 1995 par la longue impuissance des
Etats-Unis sur ce terrain majeur des affrontements impérialistes.
Néanmoins, Washington revient en force dans cette région
à partir de l'été 1995 sous couvert de l'IFOR devant
prendre le relais de la FORPRONU, laquelle avait constitué pendant
plusieurs années l'instrument de la présence prépondérante
du tandem franco-britannique. La victoire finalement obtenue par les
Etats-Unis à travers les accords de Dayton de 1996 ne constituait
pas une victoire définitive dans cette partie du monde ni un
arrêt de la tendance générale vers la perte de son
leadership comme première puissance mondiale. En effet, cette
tendance devait se manifester à nouveau très tôt
à deux reprises :
- en septembre 96, par les réactions presque unanimes d'hostilité
envers les bombardements de l'Irak par 44 missiles de croisière
de la part de pays qui avaient soutenu les Etats-Unis en 1990-91 ;
- l'ajournement lamentable en février 1998 de l'opération
"Tonnerre du désert" visant à infliger une nouvelle
punition à l'Irak et, au-delà de ce pays, aux puissances
qui le soutenaient, notamment la France et la Russie. Saddam Hussein
ayant tiré les leçons de sa cuisante défaite de
1991 et bien conseillé par ces deux pays, il a eu tôt fait
d'accéder formellement aux exigences de l'ONU (concernant l'inspection
des sites dit présidentiels) pour mettre en échec le plan
américain.
Les Etats-Unis reprennent l'offensive en 1999 en ex-Yougoslavie en ne
laissant d'autre issue à leurs alliés que la guerre face
à la nouvelle cible désignée, Milosevic. La guerre
du Kosovo qui vient d'éclater, menée cette fois dans le
cadre de l'OTAN, constitue l'événement le plus important
sur la scène impérialiste mondiale depuis l'effondrement
du bloc de l'Est à la fin des années 1980. Ayant pour
théâtre non plus un pays de la périphérie,
comme ce fut le cas de la guerre du Golfe en 1991, mais un pays européen,
elle donne lieu à des bombardements de l'OTAN sur la Serbie,
le Kosovo et le Monténégro. Ainsi, c'était la première
fois depuis la Première Guerre mondiale qu'un pays d'Europe -et
notamment sa capitale- était bombardé massivement. C'était
aussi la première fois à cette date que le principal vaincu
de cette guerre, l'Allemagne, intervenait directement avec les armes
dans un conflit militaire.
Pour les autres puissances qui se sont retrouvées impliquées
dans la guerre, notamment la Grande-Bretagne et la France, il existait
une contradiction entre leur alliance traditionnelle avec la Serbie,
qui s'était manifestée de façon très claire
pendant la période où l'ex-FORPRONU était dirigée
par ces puissances, et cette opération dans le cadre de l'OTAN.
Néanmoins, pour ces deux pays, ne pas participer à l'opération
"Force déterminée" signifiait être exclus
du jeu dans une région aussi importante que celle de Balkans
; le rôle qu'ils pouvaient jouer dans une résolution diplomatique
de la crise yougoslave était conditionné par l'importance
de leur participation aux opérations militaires.
En avril 2002, nous écrivions : " la "guerre contre
le terrorisme" signifie beaucoup plus que le simple remake des
interventions précédentes des Etats-Unis dans le Golfe
et dans les Balkans. Elle représente une accélération
qualitative de la décomposition et de la barbarie :
- Elle ne se présente plus comme une campagne de courte durée
avec des objectifs précis dans une région particulière,
mais comme illimitée, comme un conflit presque permanent qui
a le monde entier pour théâtre.
- Elle a des objectifs stratégiques beaucoup plus globaux et
plus vastes, qui incluent une présence décisive des Etats-Unis
en Asie Centrale, ayant pour but d'assurer leur contrôle non seulement
dans cette région mais sur le Moyen-Orient et le sous-continent
indien, bloquant ainsi toute possibilité d'expansion européenne
(allemande en particulier) dans cette région. Cela revient effectivement
à encercler l'Europe. Cela explique pourquoi, par opposition
à 1991, les Etats-Unis peuvent maintenant assumer le renversement
de Saddam alors qu'ils n'ont plus besoin de sa présence en tant
que gendarme local étant donné leur intention d'imposer
leur présence de façon directe. C'est dans ce contexte
qu'on doit inscrire les ambitions américaines de contrôler
le pétrole et les autres sources énergétiques du
Moyen-Orient et de l'Asie Centrale." (Résolution sur la
situation internationale adoptée par la conférence extraordinaire
du CCI).
Un tel pas en avant des Etats-Unis n'aurait pas été possible
sans les attentats du 11 septembre 2001 que, de toute évidence,
les services secrets américains n'ont pas cherché à
empêcher alors même qu'ils étaient informés
de leur préparation. En effet, les victimes des Twin Towers ont
constitué face au monde la justification idéologique nécessaire
au déploiement de la présence militaire américaine
sur la planète. Sur le plan intérieur, ils ont aussi été
le moyen visant à éliminer le dit "syndrome du Vietnam",
c'est-à-dire la réticence de la classe ouvrière
américaine à se sacrifier directement pour les aventures
impérialistes des Etats-Unis.
"Toute cette situation renferme la potentialité d'un développement
en spirale hors de contrôle, forçant les Etats-Unis à
intervenir toujours plus pour imposer leur autorité, mais multipliant
chaque fois les forces qui sont prêtes à se battre pour
leurs propres intérêts et à contester cette autorité.
Cela n'est pas moins vrai quand il s'agit des principaux rivaux des
Etats-Unis" (Ibid.) Et effectivement, l'escalade sans commune mesure
de la part des Etats-Unis pour maintenir leur leadership s'est accompagnée
d'une contestation elle aussi inégalée de celui-ci de
la part de ces même rivaux impérialistes.
Les tensions ont atteint un niveau tel qu'elles ne peuvent plus être
dissimulées. Il n'y a pas de limite au chaos que cette dynamique
peut engendrer sur la planète, cette dernière pouvant
de ce fait subir des dommages irréversibles rendant impossible
le dépassement du capitalisme par une société communiste.
Une telle perspective ne contient néanmoins pas la possibilité
d'une confrontation militaire directe entre certaines de ces puissances
d'une part, et les Etats-Unis d'autre part. Ainsi, "frustrées
à cause de leur infériorité militaire et des facteurs
sociaux et politiques qui rendent impossible une confrontation directe
avec les Etats-Unis, les autres grandes puissances redoubleront dans
leurs efforts de contestation de l'autorité des Etats-Unis grâce
aux moyens qui sont à leur portée : les guerres par pays
interposés, les intrigues diplomatiques, etc" (Ibid.)
Le facteur social, commun à toutes ces puissances, Etats-Unis
y compris, est le fait qu'il existe dans chacune d'elles un prolétariat
qui n'est pas prêt à supporter, tant au niveau de son exploitation
que du sacrifice de sa vie, les implications d'une guerre totale. En
ce sens, y compris dans la situation actuelle de grande difficulté
qu'il connaît depuis le début des années 1990, le
prolétariat constitue un frein à la guerre. Lui seul constitue
le seul espoir pour l'humanité, puisque lui seul est capable,
à travers ses luttes, de s'affirmer dans cette société
en décomposition comme une force porteuse d'une alternative à
la barbarie capitaliste.
Les partisans de la guerre nous avaient raconté que l'Irak de Saddam Hussein détenait un stock d'armes de destruction massive et en particulier des armes chimiques qu'il fallait trouver et détruire pour sauver la "paix du monde".
Intox ! Mensonges ! Ce qui est vrai, c'est que le sol irakien se retrouve
maintenant jonché et infesté de ces fameuses armes de
destruction massive par les tenants de cette propagande, notamment les
bombes à fragmentation, largement utilisées au cours des
20 000 raids aériens des forces américano-britanniques
qui ont largué à jets quasi-continus pendant 21 jours
d'affilée 33 000 bombes (sans compter des dizaines de missiles
Tomahawk et des dizaines de milliers d'autres obus déversés
dans les combats terrestres). Celles qui sont tombées sans éclater
menacent encore pour des années à tout moment la vie des
populations. Ils avaient également promis "la liberté
pour le peuple irakien", débarrassé du joug de l'odieux
dictateur Saddam Hussein.
Intox ! Mensonges encore ! Certes aujourd'hui, ils sont parvenus à
renverser l'affreux tyran sanguinaire mais la "libération"
du pays se traduit par de véritables troupes d'occupation qui
se sont empressées de réinstaller les anciens responsables
des forces de police et de répression de l'ancien régime
pour rétablir l'ordre. De l'autre côté, la seule
"libération" effective, c'est celle des appétits
et des rivalités de tous les nouveaux prétendants au pouvoir
en Irak, factions rivales au sein de chaque communauté, chefs
de tribus ou chefs religieux, leaders d'opposition ramenés dans
les valises des Etats-Unis, tous cherchant à imposer leur autorité,
qui sur une ville, qui sur une région, avec le soutien de tel
ou tel Etat voisin, ou de telle ou telle grande puissance. Pour la population,
cela ne peut lui apporter qu'un avenir fait d'insécurité,
d'instabilité, de chaos et de nouveaux massacres. C'est une véritable
boîte de Pandore qui s'est ouverte pour ce pays avec les futurs
affrontements politiques, interethniques, religieux qui se dessinent
déjà aujourd'hui, au lendemain de la guerre.
Ainsi, aucun de ces deux si nobles principaux objectifs proclamés
en faveur de cette guerre n'a été réalisé,
pas même sur le plan de la croisade anti-terroriste (à
part la capture d'un terroriste palestinien retiré de toute activité
depuis des années) puisque les preuves du lien entre le pouvoir
irakien et Al Qaïda que la coalition anglo-américaine prétendait
aussi détenir étaient des faux fabriqués de toutes
pièces. Il est clair que ces arguments étaient en réalité
de vulgaires prétextes idéologiques, des moyens de propagande
auprès des populations pour déclencher une guerre dont
le seul résultat aura été d'ajouter de nouvelles
nombreuses victimes à la longue liste des massacres de population
perpétrées par le capitalisme et une nouvelle manifestation
édifiante du déchaînement d'horreurs et de barbarie
par ce système.
Mais le même cynisme et la même hypocrisie se retrouvent
étalés au sein des principales puissances qui ont animé
un front anti-guerre. Dès que l'issue rapide de la guerre n'a
plus fait aucun doute, les grands principes et les idéaux dont
ils se réclamaient ont été aussi prestement abandonnés,
en particulier le fameux "respect du droit international"
devant "permettre de préserver la paix". Celui qu'on
a fait passer pour le chef de file mondial de la cause anti-guerre,
Chirac, déclarait "il faut savoir être pragmatique"
en se félicitant publiquement de la chute de Saddam. La France
prouve qu'il ne s'agissait que d'un sordide prétexte idéologique
quand elle prétendait vouloir agir dans le strict respect du
cadre des résolutions de l'ONU et des missions de ses inspecteurs.
C'était en fait pour pouvoir prendre la tête d'une campagne
dirigée directement contre les Etats-Unis. Le véritable
objectif de ce vernis anti-guerre, c'était de pouvoir affirmer
ses propres ambitions impérialistes en cherchant à contrecarrer
la domination de l'impérialisme américain sur la région.
La surenchère à laquelle on assiste aujourd'hui, dans
laquelle chaque grande puissance démocratique fait assaut de
"projets humanitaires" rivaux, est le vecteur d'un âpre
combat où l'enjeu réel pour chacun est de maintenir et
de justifier sa présence impérialiste dans la région.
Le même Chirac a poussé cette écoeurante démagogie
jusqu'à proposer la construction d'un pont aérien pour
sauver les enfants irakiens victimes de la guerre alors qu'en Irak,
il n'existe même plus d'infrastructure pour rétablir l'eau
et de voie praticable pour acheminer les ressources vitales élémentaires.
Ce n'est pas nouveau. Mitterrand était le premier à proposer
au milieu des années 1990 une aide humanitaire à la Bosnie
alors que la France venait de se faire sur le terrain la complice des
massacres des populations bosniaques à Srebrenica. D'ailleurs,
si la fonction idéologique de l'humanitaire fait de moins en
moins illusion pour voiler les pires massacres et aventures guerrières
ou pour réparer les crimes les plus odieux que les grandes puissances
ont elles-mêmes commis, les missions humanitaires sont devenues,
comme en Bosnie pour les Etats-Unis ou en Somalie pour la France, des
moyens indispensables pour assurer une présence impérialiste
et font partie intégrante de la machine de guerre des grandes
puissances.
Dans le même registre du cynisme, les puissances européennes
ont du mal à masquer leur dépit devant le fait que les
troupes américaines n'aient pas rencontré davantage de
difficultés en Irak car elles avaient misé sur une guerre
plus longue et meurtrière, sur davantage de résistance
dans les populations ou l'armée de Saddam, sur un exode massif
des populations et un grand nombre de réfugiés, espérant
ainsi que les méthodes et le manque d'efficacité des Etats-Unis
seraient discrédités.
Ce fut pourtant un enfer et un nouveau témoignage accablant
de la barbarie du capitalisme. D'innombrables images de tanks calcinés
et de ruines fumantes ont souligné l'ampleur de la désinformation
dans chacun des deux camps pour minimiser les pertes en vies humaines.
Un officier a pourtant parlé de "carnage" dans les
rangs de l'armée irakienne tandis que les ONG n'ont évoqué
qu'un nombre manifestement sous-évalué de victimes civiles.
Pendant trois semaines, des images terrifiantes se sont succédées,
des énormes cratères creusés en pleines zones d'habitation,
des hôpitaux débordés, dépourvus de moyens
matériels et sanitaires, regorgeant de blessés ensanglantés,
manquant de moyens au point de pratiquer des opérations sans
la moindre anesthésie, populations du Sud du pays privées
d'eau buvant à même le sol le contenu de flaques non potables,
au risque des pires épidémies.
Quant au coût économique et financier de la guerre, il
est à peine moins évasif. Le coût brut officiel
de l'opération militaire pour les Etats-Unis déjà
imprécis, au moins autour de 60 milliards de dollars (ou d'euros)
ne tient pas compte de l'entretien d'une armée d'occupation ni
du coût des investissements pour reconstruire le pays (qui, selon
la Maison Blanche, va être une mise à fonds perdus pendant
au moins deux ans pour l'économie américaine). Mais si
les Etats qui n'ont pas pris part à la guerre ont aussi refusé
de la financer, la mesure de rétorsion immédiate de la
bourgeoisie américaine a été la menace d'annuler
les dettes anciennes de l'Irak, ce qui va pénaliser les adversaires
des Etats-Unis créanciers de Saddam depuis des années,
et notamment la France. Qui va payer la note ? Bien entendu, la classe
ouvrière à qui dans chaque pays on va demander des sacrifices
en fonction de cette "conjoncture défavorable".
La guerre en Irak faisait partie depuis des années des plans de la bourgeoisie américaine. Les attentats du 11 septembre lui ont permis d'en accélérer la programmation au nom de la "guerre contre le terrorisme". Après l'Afghanistan, l'Irak était en tête de liste des pays désignés comme porteurs de "l'axe du mal". Au lendemain de cette guerre, ce qui ressort de la situation, c'est une escalade des périls, des risques accrus d'instabilité, d'affrontements et de chaos. Comme en Afghanistan où la guerre n'a rien réglé, où, en dehors de Kaboul, le pays reste aux prises aux luttes des fractions qui cherchent à établir leur contrôle, l'Irak et la région restent un baril de poudre. La Syrie, l'Iran, allié des Chiites, la Turquie avec l'épineuse question kurde, les différentes fractions en Irak même, tous vont chercher à défendre leurs intérêts contradictoires. Les Etats Unis vont poursuivre leur croisade sanglante pour maintenir leur place prépondérante. Et les Etats européens, vont leur mettre de plus belle des bâtons dans les roues en attisant de nouvelles tensions, en défendant chacun leurs propres intérêts. La guerre en Irak ne fait ainsi que marquer une étape dans la spirale guerrière où s'enfonce le capitalisme et va, à son tour, engendrer d'autres conflits meurtriers. Le monde capitaliste réserve partout le même avenir à l'humanité : la guerre et la barbarie, la misère et l'exploitation. Seule la destruction de ce système par la lutte internationale de la classe ouvrière pourra y mettre fin.
Wim (26 avril)
La classe ouvrière
a toutes les raisons d'être inquiète concernant les mesures
actuellement en projet sur les retraites dans la fonction publique.
En effet, elles constituent une attaque qui va aggraver brutalement
les conditions de vie de toute la classe ouvrière, et pas seulement
des fonctionnaires à qui elles s'adressent directement aujourd'hui.
En effet, elles constituent un tremplin pour une attaque de l'ensemble
de la classe ouvrière qui, après des décennies
d'exploitation va devoir travailler plus longtemps pour des retraites
de plus en plus maigres.
En 2008, tous les fonctionnaires devront avoir cotisé pendant
40 ans, au lieu de 37,5 ans pour pouvoir "bénéficier"
d'une retraite aux conditions actuelles. D'ici à cette date,
la mise en application de la mesure devrait être progressive.
Les critères permettant le calcul du montant de la retraite (inclusion
de primes, prise en compte des meilleures années travaillées,
…) vont être revus de manière à ce que nos
exploiteurs, l'Etat capitaliste en l'occurrence, puisse dépenser
moins une fois que ses salariés ne seront plus productifs.
L'objectif, déjà avoué, est qu'en 2012, tous les
salariés en reprendront encore pour une année supplémentaire
et davantage dans les années qui suivent.
Des cadeaux sont prévus pour faire avaler la pilule : ceux qui
iront au-delà des 40 ans de cotisations bénéficieront
d'une amélioration de leur pension, sans doute pour mieux payer
leurs funérailles.
En même temps, les cotisations prélevées sur les
salaires vont être fortement augmentées. Pour les jeunes
générations, l'obtention d'une pension de retraite "décente"
va devenir un véritable parcours du combattant. L'allongement
des études de plus en plus nécessaires pour intégrer
un poste de travail, les difficultés pour avoir un travail plus
ou moins fixe, les galères diverses par lesquelles il faut passer
pour "s'installer" dans un boulot plus ou moins acceptable,
les longues périodes de chômage, le travail à temps
partiel qui a explosé dans les derniers temps, tout cela va rendre
de plus en plus illusoire le "rêve" d'une fin de vie
à l'abri du besoin.
Un des principaux pans de ce qu'on appelle le "salaire social"
est en train de tomber en miettes puisque la hausse des cotisations
et la chute libre des pensions vont aboutir à ce qu'une grande
majorité de ces dernières descendent en dessous du niveau
du salaire minimum. Ainsi, il va arriver avec les retraites ce qui est
arrivé dans tous les domaines de l'exploitation capitaliste :
l'insécurité et la précarité s'installent.
L'indécence du pouvoir capitaliste, quelle que soit la fraction
de la bourgeoisie au gouvernement, de droite ou de gauche, a depuis
longtemps présenté cette attaque comme "nécessaire
pour sauvegarder le système de retraites" et "éviter
un lourd fardeau pour les générations futures". En
réalité, ces mesures n'ont d'autre cause que l'aggravation
de la crise du système capitaliste qui oblige la bourgeoisie
à porter des coups de plus en plus tranchants contre le "salaire
social". Qu'on en juge.
C'est Mitterrand qui avait institué en 1983 la retraite à
60 ans, après 37,5 ans d'activité. Il ne s'agissait pas
alors d'une avancée sociale, comme cela avait été
présenté mais d'une mesure démagogique destinée
à masquer l'ampleur du développement du chômage,
qui constitue la plus sévère des attaques contre la classe
ouvrière. C'est Rocard, autre "socialiste" qui, en
1991, prenait l'offensive sur les retraites en proposant, dans son fameux
"Livre blanc", de faire passer à 42 ans la durée
de cotisation pour être en droit d'obtenir une retraite à
taux plein. Balladur concrétisait en partie ce projet en portant
ces cotisations à 40 ans pour le secteur privé pendant
l'été 1993. Jospin le présidentiable, attentif
à réaliser ce que Juppé n'avait pu faire passer
frontalement en s'attaquant, en 1995, aux régimes spéciaux
du secteur public, avait envisagé une ensemble de "réformes
progressives" visant tout le secteur public et destinées
à allonger jusqu'à 42,5 ans la durée nécessaire
de cotisation. On peut être certain que si Jospin avait été
élu président, c'est un gouvernement de gauche qui aurait
pris en charge "l'œuvre" que Raffarin est aujourd'hui
en train d'accomplir.
Syndicats et patronat se déclarent d'accord pour constater qu'il
existe un problème des retraites. Même s'ils contestent
la validité de la réforme du gouvernement Raffarin, déclament
que c'est à l'Etat et au patronat de mettre davantage la main
à la poche pour financer les pensions, les syndicats partagent
dans le fond, et depuis longtemps, l'idée que quelque chose doit
être fait pour "sauver le système des retraites",
alors qu'il y aura de plus en plus de retraités et de moins en
moins de salariés actifs pour les payer.
Rien que la manière qu'ils ont en commun de poser le problème
démontre que, sur le fond, ils sont d'accord. En effet, pour
les syndicats, il s'agit aussi de demander aux exploités qu'ils
prennent en compte les contradictions du système qui les exploite,
non pas pour lui porter un coup fatal à travers la lutte, mais
bien pour faire en sorte qu'il puisse se perpétuer à travers
de nouveaux sacrifices.
Depuis le début du 20e siècle, la classe ouvrière
est contrainte de lutter, non pas pour améliorer ses conditions
de vie au sein du capitalisme mais pour freiner les attaques qu'elle
subit de la part de ce système en crise. Accepter la logique
de gestion du capital, c'est capituler d'emblée, c'est accepter
les licenciements car il n'y a plus assez de débouchés
à la productions capitaliste, c'est accepter la diminution du
salaire social (pensions, remboursement des soins, …), pour ne
pas affaiblir le capital national face à la concurrence internationale,
c'est accepter en fait toute attaque antiouvrière.
Jamais les syndicats ne reconnaîtront évidemment qu'ils
sont les serviteurs zélés du capital. Et pourtant cela
est amplement confirmé par la manière édifiante
dont ils se sont positionnés depuis plus de dix ans dans la nécessaire
lutte de résistance contre l'attaque sur les retraites.
En 1993, la majorité d'entre eux signaient en catimini les accords
avec Balladur, mais tous appelaient à la mobilisation contre
les mesures du même Balladur. Tout en divisant les ouvriers par
corporation au sein du privé, ils se sont particulièrement
appliqués à faire en sorte qu'au sein de la classe ouvrière
cette réforme soit considérée spécifiquement
comme celle du privé, de manière à opérer
une division entre les ouvriers du privé et ceux du public sur
la questions des attaques contre les retraites.
Le résultat de ce travail a été que les ouvriers
du privé ne se sont nullement sentis concernés par les
mobilisations syndicales de décembre 1995 contre la loi Juppé
visant les régimes spéciaux de retraites dans la fonction
publique.
Plus récemment, au mois de janvier, on a vu la CGT tenter de
faire adopter par la base un accord avec le gouvernant visant à
attaquer les retraites à EDF.
Beaucoup d'ouvriers, surtout dans la fonction publique, ont, sans doute,
pensé que face à cette attaque particulièrement
dure de la bourgeoisie contre la classe ouvrière, les manifestations
"unitaires" des syndicats comme celles du 3 avril pouvaient
constituer un levier pour résister. Il n'en est rien.
Face à l'attaque qui, simultanément, concerne l'ensemble
de la classe ouvrière, les syndicat ne pouvaient faire autrement,
sous peine de se démasquer, que de lancer des appels unitaires.
Mais derrière cette façade d'unité, il se poursuit
le même travail de division, basé pour l'instant sur la
division syndicale, certains syndicats acceptant en partie la réforme
gouvernementale, les autres remettant aujourd'hui en question la réforme
Balladur, d'autres mettant l'accent sur le niveau des pensions ou encore
l'augmentation des cotisation, etc… Tout cela de manière
à décourager dans la classe ouvrière une dynamique
de lutte unitaire.
Quelle que soit la capacité de la classe ouvrière, relativement
faible actuellement, de s'opposer de façon unitaire, malgré
le sabotage syndical, à la marche vers une dégradation
considérable des ses conditions de vie, il est de la plus haute
importance que, pour se renforcer dans sa lutte face aux attaques de
la bourgeoisie, soit prise en charge la discussion des questions fondamentales
suivantes :
- c'est la crise historique du capitalisme qui porte avec elles des
attaques de plus en plus lourdes contre toute la classe ouvrière
;
- c'est elle qui est aussi à l'origine de la fuite en avant du
monde dans la guerre et le militarisme, et qui implique aussi une intensification
de l'exploitation ;
- loin de renforcer la nécessaire riposte de la classe ouvrière,
l'action des syndicats ne fait que l'affaiblir.
Pto (25 avril)
Derrière
sa posture d'Etat-défenseur du droit international, de la
légalité onusienne et porte-parole des Etats victimes
des abus américains, c'est la défense de ses intérêts
impérialistes bien compris que la France cherche avant tout à
préserver.
Dans ce bras de fer, qui était joué
d'avance face au rouleau compresseur américain, les médias
français de tout bord politique ont appuyé à
fond la classe dominante au pouvoir, déversant à gros
bouillons un nationalisme abject et un pacifisme misérable
pour tenter d'obtenir le soutien de la population en général
et de la classe ouvrière en particulier, à ses
objectifs impérialistes.
Avec le commencement des
opérations guerrières et l'utilisation des armes de
destruction massive contre l'Irak, la télévision et la
radio sont passées à une autre phase : celle de
l'information "objective" sur le déroulement des
opérations, celle du compte-rendu en continu de l'avancée
des forces anglo-américaines sur le terrain où les
envoyés spéciaux ont pu avoir "accès aux
champs de bataille" et avoir "l'impression de pouvoir
travailler librement" comme l'affirmait un reporter de TF1, qui
ajoutait cependant : "J'espère que ce n'était pas
une illusion." (Le Monde, 18 avril 2003) Honnêtes,
objectifs, libres, les médias bourgeois ? Quelle odieuse
tromperie et quelle auto-mystification pour de nombreux journalistes
! En effet, la propagande la plus cynique et la manipulation la plus
subtile trouvent leur expression la plus achevée, la plus
efficace, sous l'apparence du masque démocratique. Cette
propagande idéologique est d'autant plus mystificatrice que
ses ficelles échappent à ceux qui se croient immunisés
contre la manipulation. Elle est d'autant plus efficace que les
médias, grâce aux finances et aux moyens d'Etats
puissants, parviennent à donner l'illusion de la "pluralité"
et de "l'indépendance". C'est un fait certain que,
pour cette guerre, des images, il y en a eu. Contrairement à
la première Guerre du Golfe en 1991 où la presse en
était réduite à photographier... les seules
images autorisées par le Pentagone : les écrans
télévisés de CNN, organe médiatique
officiel de l'Etat américain. A cette époque, ce que
l'on nous a donné à voir ressemblait à un
"wargame", un gigantesque jeu électronique
inlassablement commenté par d'éminents "spécialistes"
! Quant à savoir réellement ce qui se passait sur le
terrain, rien ne filtrait. Cette guerre était une GUERRE
PROPRE, sans mort ! Rien donc sur les 2000 bombes-laser ayant
"manqué" leur cible, pas une image sur le "résultat"
des tapis de bombes larguées depuis 10 000 mètres
d'altitude. Lorsque les journalistes évoquaient l'emploi de
fuel-air bombs (qui font éclater les poumons de tout être
vivant sur plus d'un km) c'était pour s'extasier devant la
sophistication des armes de haute technologie ! Comme toujours, ce
n'est que BIEN APRES le conflit que les "révélations"
et autres "découvertes" furent livrées, de
façon planifiée et au compte-gouttes, par les médias.
Soudain, on nous donnait le nombre de morts de cette boucherie : de
200 000 à 500 000 tués ! (voir notre Revue
Internationale n°105 et Révolution Internationale n°292).
Un tel bilan ne pouvait être rendu public immédiatement
car la France, entre autres, était impliquée dans la
croisade anti-irakienne.
Aujourd'hui, à les en croire, il
n'y aurait plus désormais de place pour la manipulation et la
désinformation. Cette guerre-ci n'aurait été
couverte qu'avec un véritable souci de "transparence"
et "d'objectivité.
Il est vrai que la tonalité
des commentaires a différé selon l'appartenance de
telle ou telle équipe de journalistes, à tel ou tel
pays. Si les médias américains ont d'un bout à
l'autre soutenu et applaudi la progression des forces américaines,
les journalistes français et ceux du "front du refus"
d'avant-guerre ont, quant à eux, "nuancé"
leurs appréciations des opérations, donnant ainsi
l'apparence d'une information plus "éclairée",
plus "posée", en un mot plus "objective".
Qu'en a-t-il été réellement ? En premier lieu,
pour couvrir cette guerre, les journalistes ont dû se soumettre
à des règles édictées par Washington, ils
ont dû accepter de signer ".. un document de trois pages
lors de leur 'incorporation', en février. Ils se sont ainsi
engagés à ne pas 'donner des informations détaillées',
ni à dire 'ce qu'ils vont faire'. Les 'intégrés'
peuvent se voir interdits de diffusion pour des 'raisons de
protection opérationnelle', la décision revenant au
chef d'unité" (Le Monde du 25 mars 2003). Quant aux
journalistes indépendants (les "wild cats"), ils ne
pouvaient que suivre les troupes. Comme l'avouait une journaliste
"indépendante" : "Nous nous sommes
auto-intégrés ( !)" On voit ce qu'il en est à
la base de la "liberté d'action et de mouvement" des
reporters ! En second lieu, il est également vrai que les
nouvelles du front sur la progression des troupes américaines
ont, de façon constante, été accompagnées
de la comptabilité des pertes militaires, concernant bien sûr
les troupes américaines et irakiennes mais aussi concernant la
population civile. C'est ainsi que nous sont parvenues des
informations sur les dommages "collatéraux" comme
l'explosion d'une bombe sur un marché de Bagdad, des images de
blessés irakiens dans les hôpitaux mais tout cela étant
filmé sous l'encadrement très strict des militaires et
policiers irakiens avant la chute de la capitale. Rien de plus
objectif que l'image d'horreur de ce petit enfant irakien amputé
et gravement brûlé comme de nombreux autres, nous
rétorquera-t-on ! A ceci près que l'insistance
appesantie et délibérée sur cette scène,
comme il en existe des milliers relevant de la même barbarie
dans toutes les guerres, loin de n'être qu'objective, visait en
fait à servir idéologiquement la cause du prétendu
"camp de la paix" contre les Etats-Unis. La publicité
accordée par la France, non sans une certaine jubilation à
peine dissimulée, à des déclarations et
informations semblant attester des risques d'enlisement de l'armée
américaine, faisait elle aussi partie de la guerre idéologique
dont les reporters de guerre sont les premiers soldats 1 [30].
Plus encore qu'en 1991, au nom de la "liberté de la
presse", cette guerre a vu se déployer massivement
propagande et contre-propagande. Ainsi il semble bien que les médias
français se soient pour le moins laissés aller (ou
berner) sur cette question de l'enlisement américain, sans se
soucier du peu de vraisemblance d'une telle thèse, les
capacités militaires irakienne ayant été
quasiment anéanties lors de la Guerre du Golfe de 1991 et
suite aux raids incessants qu'elles ont subis pendant les dix années
qui ont suivi. Quant au moral des troupes irakiennes, il était
au plus bas. On comprend ainsi l'embarras avec lequel les médias
français ont couvert la chute de Bagdad sous les acclamations
d'une foule probablement mobilisée à cet effet et, par
la suite, l'évidence de la victoire américaine sans que
se produisent les exodes massifs "redoutés" en
paroles, espérés en réalité par le "camp
de la paix".
Malgré la "transparence totale"
avec laquelle a été couverte cette guerre, il y a fort
à parier que, comme à l'accoutumée, on en
apprendra plus dans les mois et les années qui viennent. On
cherchera alors à nous faire croire que le capitalisme
"démocratique" est le seul système qui soit
aussi foncièrement honnête avec l'histoire puisque tout
peut être dit. En fait, ce "tout peut être dit en
démocratie" sert à justifier les moments où
tout doit être manipulé, déformé, caché.
Gage suprême d'impartialité, toutes les informations
distillées tout au long de l'expédition guerrière
l'ont en général été au "conditionnel",
avec les réserves d'usage dorénavant prescrites aux
journalistes, concernant les dégâts réels. Et ces
derniers ont été présentés comme étant
le résultat inévitable de toute guerre afin que ne
transparaisse pas trop ouvertement l'opposition persistante de la
bourgeoisie française à la politique américaine,
mais aussi afin de préserver l'avenir quant à une
éventuelle participation française à la
"reconstruction" de l'Irak ou dans les opérations
des vautours humanitaires. C'est le sens des propos hypocrites de
Raffarin mettant en garde contre l'anti-américanisme, après
l'avoir implicitement favorisé.
Sur le fond, les médias
ont toujours joué à la perfection le rôle que
l'on attendait d'eux : en mentant sur les mobiles réels de
l'opposition "du camp de la paix" à cette guerre
avant son déclenchement ; en cachant ce qui se passait sur le
terrain lors de la Guerre du Golfe de 1991 ; ou encore par
l'exposition crue des massacres qu'on nous a servie dans le cadre de
la préparation et du déroulement de la guerre du Kosovo
ou en Somalie. A chaque fois, ils ont braqué les projecteurs
sur l'événement sous un angle permettant de l'insérer
dans un scénario au service idéologique des plans et
intérêts impérialistes du moment et de tel ou tel
camp.
Le recours à géométrie variable au
droit international, aux opérations de sauvetage humanitaire
ne sont que le cache sexe d'une défense virulente, de la part
de la France, comme des autres pays, de ses propres intérêts
impérialistes, comme on l'a vu au Rwanda, où c'est la
France essentiellement qui a armé et entraîné les
escadrons de la mort, bourreaux de centaines de milliers de victimes
! Dans ce contexte, le rôle des médias est essentiel
pour servir la propagande de l'Etat, et il est d'autant plus efficace
quand il est assumé par des gens qui peuvent prétendre
à "l'indépendance" et qui, en général,
croient eux-mêmes à leur propre discours sans même
se rendre compte à quel point il leur est dicté. C'est
là la supériorité du mode "démocratique"
de domination bourgeoise par rapport aux méthodes dites
"totalitaires".
SB (26 avril)
1 [31] Dans tous les sens du terme d'ailleurs puisque beaucoup d'entre eux, présents sur le front dans des conditions particulièrement dangereuses, l'ont payé de leur vie. Morts au service du capital !
Moins d'un mois après le début de l'engagement des troupes de la coalition anglo-américaine en Irak, celles-ci maîtrisaient totalement la situation sur le plan militaire. Ainsi, une fois de plus, les Etats-Unis viennent de démontrer leur écrasante suprématie militaire et surtout leur capacité à la mettre en œuvre au service de leurs objectifs politiques. En effet, les troupes américaines d'occupation en Irak ont sous leurs pieds la deuxième réserve de pétrole mondiale, dont dépend de façon significative l'économie du Japon et de certains pays industrialisés en Europe occidentale, lesquels se trouvent ainsi en partie à la merci de Washington pour leurs sources d'approvisionnement énergétique. Le succès militaire que viennent de remporter les Etats-Unis en Irak inspire la crainte et le respect et les met plus que jamais en position dominante au Moyen-Orient. Signe de l'ascendant qu'ils viennent de prendre sur tous ceux qui contestaient leur hégémonie mondiale, la croisade anti-américaine s'est fortement atténuée. Et pourtant, c'est maintenant que vont commencer les vraies difficultés pour les Etats-Unis, à la faveur desquelles va renaître de plus belle la contestation de leur leadership, comme cela a été le cas depuis le début des années 1990, les contraignant à des déploiements militaires et des démonstrations de force de plus en plus gigantesques, prenant le monde pour champ de bataille.
La disproportion des forces en présence ne
pouvait que conduire à une victoire militaire écrasante
des Etats-Unis. D'un côté, une armée de métier,
bien entraînée, bien encadrée et bien nourrie,
sans états d'âme pour aller faire son "job",
dotée d'une puissance de feu inégalée avec à
son service des moyens technologiques eux aussi inégalés.
De l'autre, une armée en déroute, sans aviation, avec
un armement dépassé et en mauvais état de
fonctionnement, et peu encline à se faire massacrer pour
défendre un régime honni. Avant le conflit, les
prévisions américaines rendues publiques tablaient sur
une guerre éclair grâce au soulèvement attendu de
la population irakienne dès l'entrée en scène de
ses "libérateurs". Cela ne s'est pas produit, mais
tout laisse à penser que cette "erreur de pronostic"
a été délibérément commise au
service de la propagande destinée à vaincre des
réticences à entrer en guerre. De même,
lorsqu'après une semaine de guerre, Bush avait averti qu'il
fallait s'attendre à ce que le conflit soit long et difficile,
c'était également une tromperie destinée à
ce que soit accueilli avec soulagement une victoire américaine,
plus rapide et moins meurtrière que ce qui avait été
annoncé. Aucune guérilla urbaine n'a transformé
les villes conquises, notamment Bagdad, en un enfer pour
l'envahisseur. Des milliers d'Irakiens ont été tués
ou atrocement mutilés, les conditions de survie de la
population irakienne se sont considérablement aggravées,
mais les troupes américaines n'ont eu à confronter
aucun mouvement populaire d'hostilité. Les exodes massifs,
pour lesquels des camps sommaires de réfugiés avaient
été prévus dans certains pays limitrophes, ne se
sont pas produits non plus.
La réunion du "camp de la
paix" à Moscou le 11 avril, après la prise de
Bagdad mais avant la chute de Tikrit tablait d'ailleurs encore sur
l'irruption de difficultés de cet ordre affectant gravement la
politique américaine au Moyen-Orient. C'est ce dont témoignent
ces paroles de Poutine parlant en ces termes des forces d'occupation
en Irak : "Je crois qu'elles font leur possible pour éviter
une catastrophe humanitaire, mais le problème est d'une telle
ampleur qu'elles en sont incapables." Lors de cette même
réunion il avait d'ailleurs qualifié le projet
américain de "colonialisme" (cité par Le
Monde du 13-14 avril). Depuis lors, l'évolution de la
situation en Irak plaçant les Etats-Unis en position de force,
les critiques à leur encontre revêtent une forme
beaucoup plus "constructive".
Dans ces circonstances, il n'est pas étonnant
que les Etats-Unis aient rejeté catégoriquement et sans
ménagement les prétentions européennes à
vouloir jouer, à travers l'ONU, un rôle important en
Irak, avec l'argument massue et implacable que l'Europe n'avait aucun
projet, réalité que ses divisions venaient
effectivement de démontrer.
Néanmoins, la mise sur
pied par les Etats-Unis, en Irak, d'un gouvernement de transition
relève d'un véritable casse-tête tant il existe
des facteurs antagoniques qui doivent être pris en compte et
qui résultent soit de caractéristiques propres au pays
lui-même, soit de son environnement géopolitique.
Le
régime de Saddam Hussein avait dû faire face, lui aussi,
à certaines de ces contradictions sur le plan intérieur,
à commencer par l'existence de trois communautés
importantes, les Kurdes, les Chiites et les Sunnites avec à
leur tête des dirigeants peu enclins à composer entre
eux. Qu'à cela ne tienne, les communautés Kurdes et
Chiites avaient été écartées de
l'exercice du pouvoir, à tous les échelons. Son régime
étant lui-même haï de toute la population, Saddam
Hussein n'avait pu le maintenir en place que par l'exercice renforcé
de la terreur. Et lorsque, dans un tel contexte, le verrou saute
alors ce sont les forces poussant à l'éclatement et au
chaos qui tendent à l'emporter sur toutes les autres, comme on
l'a constaté en Yougoslavie en 1991 par exemple 1 [32].
C'est donc cette situation que les Etats-Unis doivent gérer
sans avoir la possibilité immédiate, comme Saddam
Hussein, de ligoter l'Irak dans un nouveau corset de fer, puisqu'ils
sont venus "apporter la démocratie". Même
s'ils sont inévitablement amenés à jouer un rôle
direct et prépondérant dans la gestion des affaires du
pays pendant toute une période, cette dernière doit
être mise à profit pour préparer la transition
vers une administration plus autonome vis-à-vis de l'Oncle
Sam. Et là, c'est plutôt mal parti si on en juge par la
première réunion du 15 avril à Nassiriya devant
réunir les opposants de l'exil et ceux de l'intérieur,
boycottée par plusieurs partis irakiens dont celui de Ahmed
Chalabi, chef du CNI (Congrès national Irakien) et considéré
juqu'alors comme l'homme des Américains. En fait, cet épisode
démontre non seulement que la diplomatie américaine ne
peut contenter tout le monde, mais aussi qu'elle ne peut pas faire
autrement que de s'appuyer sur une partie de la base de l'appareil de
Saddam Hussein, encore en place et constituée en particulier
par les chefs de tribu. C'est une des raisons pour lesquelles des
chefs du parti Baas (le parti de Saddam Hussein) avaient été
conviés à cette réunion. Une telle option
apparemment prise par les Etats-Unis n'est pas sans inconvénients
puisqu'elle ne peut que cristalliser un sentiment anti-américain
latent, comme en a témoigné le jour même de la
réunion à Nassiriya, une manifestation d'irakiens
renvoyant dos-à-dos "l'Amérique" et "Saddam".
Se trouvant dans l'impossibilité de faire jaillir du néant
un appareil d'Etat au niveau local, les Etats-Unis n'ont en effet pas
d'autre alternative que de tenter de s'appuyer sur ce qui existe, et
donc aussi, concernant la communauté chiite, le pouvoir des
chefs religieux, lesquels ont fait preuve ces derniers temps d'une
intense mobilisation pour "occuper le vide social" créé
par la chute de Saddam Hussein.
Bien que divisés, certains
leaders de cette communauté ont clairement averti les
Etats-Unis que gouverner sans les associer au pouvoir risquait de
"jeter les Chiites dans la rue et de provoquer un chaos dont ils
seraient, cette fois, les seuls responsables" (cf. les propos de
Sayyid Imad, un "homme fort" de Bassora, cités par
Le Monde du 13-14 avril). La récente démonstration de
force chiite réalisée depuis lors à l'occasion
du pèlerinage de Kerbala est venue ponctuer la mise en garde.
Outre la difficulté pour faire cohabiter les responsables de
la communauté chiite avec leurs anciens persécuteurs du
parti Baas, plus problématique encore est la question des
liens de ces premiers avec l'Iran chiite. En effet, faisant partie de
"l'axe du mal", selon la classification opérée
par les Etats-Unis, ce pays a de plus été mal inspiré
en développant des liens privilégiés avec
certains pays européens. Washington va-t-il devoir revoir ses
plans vis-à-vis de ce pays en vue de résoudre la
quadrature du cercle irakien ? C'est certainement une hypothèse
"à l'étude" dont vient de témoigner le
récent bombardement "secret" par les forces
américaines des bases, situées en Irak, de la guérilla
d'un mouvement d'opposition au gouvernement iranien.
Le problème
chiite n'étant pas résolu, il faut simultanément
prendre en compte celui posé par les Kurdes. Leur accorder
trop de poids au sein du nouvel Etat irakien contient le risque de
leur permettre d'assumer leur suprématie dans la région
où ils sont majoritaires et sur la ville de Kirkouk située
au cœur de riches gisements pétrolifères. Or, de cette
situation, la Turquie voisine n'en veut en aucun cas, à cause
de la menace que contient pour sa propre stabilité la création
d'un Etat kurde à ses frontières, compte tenu de
l'importante minorité kurde qu'elle comporte elle-même
en son sein. Jusqu'à aujourd'hui, les craintes turques ont été
prises en compte par les autorités américaines, qui ne
peuvent se permettre de se mettre Ankara à dos du fait de la
position stratégique de ce pays et de ses accointances
certaines avec l'Allemagne. Ainsi, les autorités américaines
ont demandé à leurs alliés peshmergas
(combattants kurdes), et obtenu d'eux, qu'ils retirent leurs forces
de Kirkouk. Mais, si une telle situation d'exclusion des Kurdes
devait se prolonger et se confirmer, ils pourraient alors être
tentés de compenser leur frustration de ne pas tirer parti de
la chute de Saddam Hussein en s'ouvrant à toute influence
opposée aux plans américains.
Des années d'un soutien presque
inconditionnel accordé par les Etats-Unis à Israël,
y inclus lorsque ce dernier impose sa férule de fer sur les
territoires occupés au prix d'exactions quotidiennes contre la
population palestinienne, ont nourri dans le monde arabe un sentiment
anti-américain et anti-israélien que l'occupation
américaine de l'Irak risque à présent de
cristalliser en hostilité ouverte. Face au développement
d'une telle situation que les rivaux des Etats-Unis ne manqueraient
pas d'exploiter, Washington n'avait d'autre choix, pour le
désamorcer, que d'imposer brutalement à son plus fidèle
et puissant allié dans la région qu'il renonce à
ses colonies et accepte la création d'un Etat palestinien. Y
parviendra-t-il à terme ? Ceci est une autre question.
Toujours est-il qu'en agissant de la sorte, les Etats-Unis
démontrent qu'ils sont conscients qu'ils doivent à tout
prix éviter l'isolement au Moyen-Orient mais aussi
internationalement. Sur ce plan aussi, ils ont des craintes à
avoir compte tenu des distances que la Grande-Bretagne est en train
de prendre vis-à-vis d'eux, et cela de façon presque
obligée si elle ne veut pas être vassalisée par
son ancienne colonie. C'est ainsi qu'on la voit affirmer plus
explicitement ses différences avec Washington sur des
questions clés comme celle de l'occupation de l'Irak, où
elle ne veut pas rester militairement plus de 6 mois et dont elle
commence à retirer ses troupes, et comme celle aussi du rôle
de l'ONU dont elle veut qu'il soit essentiel en Irak. Face à
cela, les Etats-Unis ont déjà envisagé une
parade consistant à tenter de mettre sur pied une armée
d'occupation et de maintien de l'ordre en Irak recrutée parmi
les pays européens ne s'étant pas opposés à
l'intervention américaine.
La stabilisation de la
situation à laquelle vient d'aboutir la victoire américaine
en Irak a permis aux Etats-Unis de réaffirmer leur leadership
mondial. Mais, en même temps, comme on vient de le voir, les
facteurs d'instabilité qui demain seront à l'œuvre
sont dès aujourd'hui clairement identifiables 2 [33].
Ainsi donc le calme après la victoire n'est que le prélude
à un chaos encore plus important porté par
l'antagonisme impérialiste entre les Etats-Unis et leurs
principaux rivaux. Et si ces derniers sont pour l'instant contraints,
du fait de la situation en leur défaveur, de mettre en
sourdine leurs propres prétentions, c'est une situation qui ne
durera pas. Pour s'en convaincre, il suffit de se souvenir comment,
quelques mois seulement après la victoire américaine de
la guerre du Golfe en 1991, l'Allemagne remettait en cause l'ordre
mondial en provoquant l'explosion de la Yougoslavie par son appui à
la sécession de la Slovénie et de la Croatie. Et si,
sur ce plan, le même phénomène ne peut que se
répéter c'est néanmoins à chaque fois sur
une échelle beaucoup plus large et de façon toujours
plus dévastatrice.
Luc (22 avril)
1 [34] C'était d'ailleurs pour que "le verrou ne saute pas" que les Etats-Unis avaient délibérément laissé Saddam Hussein en place en 1991 après leur victoire militaire. C'était alors possible dans la mesure où les enjeux impérialistes ne commandaient pas encore de leur part une présence militaire directe sur le terrain. Saddam Hussein s'était alors pleinement acquitté de sa mission peu de temps après en infligeant une saignée meurtrière aux communautés chiites et kurdes.
2 [35] Aux difficultés auxquelles la bourgeoisie américaine doit faire face, il faut ajouter la reconstruction de l'Irak. Elle est contrainte de la mettre en oeuvre, au moins très partiellement, si elle ne veut pas se discréditer. Une source de financement possible pour celle-ci pourrait provenir de l'exploitation du pétrole à un niveau au moins équivalent à la production d'avant 1991. Or, pour en arriver là, deux ans de coûteux travaux de remise en état de marche des installations pétrolifères sont nécessaires. Qui va les financer ? Qui garantit que, ces travaux étant réalisés, l'exploitation du pétrole à un niveau supérieur à 1990 ne sera pas pénalisée par une baisse des cours de l'or noir?
Le 13 mai dernier,
plus d'un million de manifestants étaient dans la rue pour s'opposer
à l'attaque du gouvernement Raffarin contre le régime
des retraites.
Les médias ont largement évoqué la comparaison
de ce mouvement avec les grèves de novembre-décembre 1995
dans le secteur public contre le gouvernement Juppé qui avait
donné lieu à des rassemblements comparables. Ils ont même
évoqué la date hautement symbolique de la gigantesque
manifestation du 13 mai 1968 qui avait lancé le plus grande grève
de masse jamais connue dans le pays.
C'est une évidence, nous ne sommes pas dans la même période
qu'en mai 1968 de réaffirmation d'un combat de classe généralisé
qui fait irruption sur la scène de l'histoire après un
demi-siècle de contre-révolution. Mais nous ne sommes
plus dans la même situation qu'en 1995 non plus.
Où est la différence ?
En 1995, l'objectif essentiel du gouvernement était de renforcer
et recrédibiliser l'appareil d'encadrement syndical, en gommant
toute l'expérience accumulée des luttes ouvrières
entre 1968 et les années 1980, notamment sur la question syndicale
(voir l'article publié au verso). Une telle entreprise exploitait
pleinement le recul de la lutte de classe suite à l'effondrement
des régimes staliniens et à la campagne idéologique
de toute la bourgeoisie sur la pseudo-faillite du marxisme et du communisme.
Même si une partie économique du plan Juppé (consacré
à la réforme du financement de la sécurité
sociale et à l'institution d'un nouvel impôt appliqué
à tous les revenus) est passée en catimini et a été
parachevée sous le gouvernement Jospin dans les mois qui ont
suivi, le volet consacré précisément à la
retraite (suppression des régimes spéciaux du secteur
public) n'a pu aboutir et a même été délibérément
sacrifiée par la bourgeoisie pour faire passer cela comme une
"victoire des syndicats".
Aujourd'hui, le
niveau de la crise économique n'est plus le même. C'est
parce que la crise s'aggrave que la bourgeoisie doit désormais
cogner très fort. Ainsi, la remise en cause du régime
des retraites n'est qu'une des premières mesures d'une longue
série de nouvelles attaques massives et frontales en préparation.
Tous les salariés se retrouvent concernés par ces mesures.
Pour tous les ouvriers, c'est une attaque qui ne peut les laisser sans
réaction alors qu'ils sont déjà confrontés
en permanence à des conditions de vie qui empirent de manière
dramatique, face à des problèmes quotidiens affrontés
plus ou moins isolément dans le cadre de la cellule familiale
ou de l'entreprise : chômage, plans de licenciements, suppressions
de poste, précarité, perte du pouvoir d'achat, dégradation
générale des conditions de travail, du tissu social, augmentation
de la productivité, problèmes de santé, d'éducation,
de logement, d'environnement, remise en cause de la protection sociale.
Cette attaque a valeur d'exemple et constitue un verrou essentiel à
faire sauter pour la bourgeoisie dans la défense de la logique
de son système. On nous présente faussement le facteur
démographique (l'augmentation de l'espérance de vie et
le vieillissement de la population) comme étant déterminant
dans la crise qui menace d'entraîner les caisses de retraite vers
la faillite. Cela permet de masquer que le facteur fondamental, celui
qui a le plus de poids et qui fait une nécessité absolue
pour la bourgeoisie de s'attaquer aux retraites des salariés
c'est l'ampleur du chômage : il est évident que lorsque
le chômage en augmentation quasi-constante dépasse officiellement
les 10 % de la population active, l'assiette des cotisants se trouve
singulièrement rétrécie. Cela révèle
l'incapacité croissante du système capitaliste d'intégrer
la population dans le salariat. En fait, face à sa crise, la
bourgeoisie cherche à réduire toujours plus drastiquement
la part des dépenses improductives comme le sont, de son point
de vue, les retraites, les allocations chômage ou le RMI. La bourgeoisie
cherche en fait à masquer une réalité sociale beaucoup
plus directement accusatrice du système capitaliste derrière
des facteurs purement démographiques.
Malgré l'ampleur des attaques qu'elle a imposé à
la classe ouvrière (en particulier sa loi sur les 35 heures qui
a permi d'instaurer une flexibilité généralisé),
la Gauche au gouvernement n'a pas pu mener à bien l'attaque sur
les retraites. Rocard avait pourtant été le premier, en
1989, dans son livre blanc sur les retraites, à préconiser
cette attaque en proposant de porter progressivement à 42 ans
la durée minimale de cotisations et il avait largement préparé
le terrain et ouvert la voie à travers d'autres rapports ou audits
sur le sujet. Déjà le candidat Jospin lors des présidentielles
de 2002 avait déclaré que la réforme des retraites
allait constituer son objectif majeur.
C'est pourquoi l'aspect provocateur du gouvernement a priori comparable
à 1995, n'a en fait plus du tout le même sens.
Aujourd'hui la stratégie
de la bourgeoisie n'a plus les mêmes objectifs qu'en 95. Elle
savait bien que son attaque actuelle sur les retraites allait provoquer
d'inévitables réactions au sein de la classe ouvrière.
C'est la raison pour laquelle elle a planifié son attaque en
fonction des contraintes d'un calendrier très précis pour
pouvoir faire passer ses projets avec force de loi au meilleur moment
pour elle : au début des vacances d'été. Elle sait
bien aussi qu'elle bénéficie pour l'heure d'un contrôle
global des syndicats sur les luttes, que la classe ouvrière est
affaiblie. Malgré le mécontentement général
que ne manquera pas de susciter l'attaque et que celle-ci est à
même d'alimenter une remontée de la combativité
ouvrière, elle a aussi conscience de ne prendre qu'un minimum
de risques car une large partie des prolétaires sont encore dominés
par un sentiment d'impuissance et de résignation. Elle entendait
également tirer profit du surcroît de déboussolement
et de désorientation dans les rangs ouvriers apporté juste
auparavant par sa politique d'union nationale face à "la
guerre de Bush" puis par le déroulement de la guerre en
Irak elle-même. Face à cette réaction ouvrière
inévitable, la stratégie de la bourgeoisie était
de faire crever l'abcès, au moment choisi par elle. La méthode
de ce passage en force a été déjà largement
éprouvée en misant sur un scénario écrit
à l'avance.
C'est pour cela qu'on vient de voir Raffarin casser son image de paternalisme
rassurant et se départir de son air patelin déclarer quelques
jours avant que "ce n'est pas la rue qui gouverne", ce qui
ne pouvait avoir pour effet que de doper la mobilisation. Pas plus que
les déclarations provocatrices de Juppé en 1995, il ne
s'agit d'une gaffe ni d'une maladresse de Raffarin mais de paroles mûrement
pesées dans une interview préparée. Dans le même
sens, quand on lui a demandé, à lui qui se présentait
volontiers depuis un an comme le tenant de la main tendue vers "la
France d'en-bas", si le gouvernement allait faire un effort pour
les bas salaires au lieu d'abaisser le seuil des retraites à
75 % du SMIC, sa réponse a été catégorique
: "il n'en est pas question". Enfin, le gouvernement a délibérément
dévoilé son intention de reculer encore davantage l'âge
de la retraite jusqu'en 2020 et même au-delà et du même
coup il affichait clairement que tous les salariés, et plus seulement
les fonctionnaires, étaient impliqués dans l'attaque alors
que rien n'obligeait à le faire.
La méthode est claire : annoncer le pire et afficher sa fermeté
et sa détermination afin que le mécontentement s'exprime
dans un premeir temps. On se ménage aussi la possibilité
de casser le mouvement en laissant une ouverture dans la négociation
et à des reculs sur des points mineurs du projet afin que les
syndicats les plus "modérés" s'y engouffrent
moyennant des concessions mineures (et peu coûteuses pour l'Etat)
pour les bas salaires, ou pour ceux qui ont cotisé au maximum
en travaillant plus longtemps. C'est ce qui n'a pas manqué de
se produire rapidement. Le scénario est d'ailleurs un brin convenu
et caricatural, car est-il crédible de voir le syndicat des cadres,
la CGC-CFE se laisser convaincre par les concessions gouvernementales
pour les smicards dont il ne prétend nullement défendre
les intérêts ? Quant à la CFDT qui, depuis le début,
s'est fait le porte-parole des seules revendications précisément
accordées par le gouvernement, elle s'est chargée pour
cette fois encore (comme Notat en 1995) de porter le chapeau de l'impopularité
en "pactisant avec la droite". Il faut néanmoins remarquer
que ce partage des tâches entre syndicats est purement circonstanciel
: dans le passé et notamment au cours des années 1970,
ce rôle de "syndicat jaune" était dévolu
à FO. Il faut aussi se souvenir qu'en 1968, c'est à l'appareil
de la CGT lui-même qu'est revenu le "privilège"
de jouer ouvertement les "briseurs de grève" pour casser
le mouvement social. On en revient donc aujourd'hui à un schéma
beaucoup plus classique dans l'histoire de la lutte de classes : le
gouvernement cogne, les syndicats s'y opposent et prônent l'union
syndicale dans un premier temps pour embarquer massivement des ouvriers
derrière eux et sous leur contrôle. Puis le gouvernement
ouvre des négociations et les syndicats se désunissent
pour mieux porter la division et la désorientation dans les rangs
ouvriers. Cette méthode qui joue sur la division syndicale face
à la montée de la lutte de classe est la plus éprouvée
par la bourgeoisie pour préserver globalement l'encadrement syndical
en concentrant autant que possible le discrédit et la perte de
quelques plumes sur l'un ou l'autre appareil désigné d'avance.
Cela signifie aussi que les syndicats sont à nouveau soumis à
l'épreuve du feu et que le développement inévitable
des luttes à venir va reposer le problème de l'usure de
l'encadrement syndical pour la bourgeoisie.
Dans ce contexte, les syndicats qui revendiquent aujourd'hui d'être
partie-prenante de la lutte participent en fait étroitement à
étouffer consciencieusement toute vie ouvrière en faisant
mine de reprendre à leur compte les besoins réels de la
lutte. Ainsi, sous prétexte d'en assurer l'extension, ils s'attachent
à convaincre les ouvriers qu'il faut d'abord étendre la
lutte au sein du secteur ou de la corporation. Et quand ils consentent
à aller trouver d'autres entreprises hors de leur secteur, ce
n'est jamais avec des délégations massives d'ouvriers,
mais toujours à travers des délégations syndicales
réduites qui vont, dans la plupart des cas, trouver d'autres
syndicalistes.
Des ouvriers se sont laissés embarquer dans la fausse solidarité impulsée par les syndicats dans les services publics et notamment dans les transports (SNCF, RATP, bus urbains) dont les grèves ont paralysé pendant plusieurs jours le trafic des transports en commun. En fait de solidarité celles-ci constituent un obstacle supplémentaire à l'extension du mouvement en limitant la participation aux manifestations autrement qu'en s'y rendant avec les bus affrétés par les syndicats. Elles ont aussi contribué à rendre la grève encore plus impopulaire auprès des non grévistes.
Le secteur de l'éducation nationale est particulièrement
attaqué puisque, aux mesures sur les retraites s'ajoute pour
des dizaines de milliers de fonctionnaires le démantèlementde
leur statut, au nom de la "décentralisation". Il n'est
donc pas étonnant que ce secteur se retrouve aujourd'hui à
la pointe de la mobilisation. Mais, de plus en plus isolés du
reste de leur classe, les salariés de cette branche courent le
risque de se retrouver rapidement entraînés dans une lutte
jusqu'au-boutiste, encouragée par les gauchistes et syndicalistes
"radicaux" de tout poil, et de s'épuiser et se démoraliser,
compromettant ainsi pour un temps la possibilité de leur participation
aux futures mobilisations. D'ailleurs, à l'heure actuelle, de
nombreux établissements scolaires sont déjà en
grève depuis plus de trois semaines.
Cette expérience va inévitablement laisser des traces
profondes et le goût amer de la défaite chez des dizaines
de milliers de prolétaires. Cela aussi est inévitable.
Néanmoins, la période qui s'ouvre est telle que la classe
ouvrière sera de plus en plus amenée à comprendre
qu'elle n'a pas d'autre choix que de lutter, de retrouver et de réaffirmer
son chemin de classe face à l'accélération des
attaques massives de la bourgeoisie dirigées contre elle. La
crise économique mondiale actuelle du capitalisme atteint un
niveau de gravité qui contraint partout la bourgeoisie et son
Etat à porter de plus en plus des attaques massives et frontales.
Ainsi, par exemple, dès l'automne, la bourgeoisie française
a annoncé la couleur : elle prépare une autre attaque
générale d'envergure concernant les assurances sociales.
Contrairement aux années 90, l'aspect patent de la crise va constituer
un puissant révélateur de la faillite du système
aux yeux des prolétaires. Aux conséquences de la crise
économique s'ajoute pour les prolétaires le prix à
payer pour des dépenses de guerre et d'armement en augmentation
croissante.
Il n'y a aucune illusion à se faire sur ce qui attend les ouvriers
: toujours plus de misère et d'exploitation. Mais sous les coups
de la crise et des attaques qui en résultent, les prolétaires
sont poussés à réagir massivement et ensemble.
Ainsi se créent les conditions pour que le prolétariat
reprenne confiance en lui, retrouve sa véritable identité
de classe et s'oppose massivement et unitairement aux attaques de la
bourgeoisie comme classe ayant des intérêts propres et
distincts à défendre contre ceux de la bourgeoisie.
L'avenir appartient au prolétariat !
Wim (17 mai)
"Un autre monde est possible." Ce slogan nous le connaissons tous, il est devenu la marque de fabrique de ce fameux courant anti-mondialisation dans lequel la Ligue Communiste Révolutionnaire occupe, du moins en France, une place de choix.
C'est donc sans surprise que nous retrouvons cette profession de foi
dans le récent bouquin (Révolution ! 100 mots pour changer
le monde) du porte-parole de la LCR, Olivier Besancenot.
"…'un autre monde est possible'. Penser la révolution,
c'est commencer à expliquer quel type d'autre monde est possible."
C'est tout l'objet de ce livre et de ce point de vue, il faut bien l'avouer,
le défi est largement relevé. Bravo Monsieur Besancenot
!
Si ce dernier nous donne "100 mots pour changer le monde",
derrière chacun de ces mots, il en est un, seul et unique, qui
les résume tous : démocratie !
Voilà donc cette terre promise dont il nous fait un éloge
baveux tout au long de ses 320 pages.
Ainsi, la LCR nous offre son "alternative anti-capitaliste"
une "révolution…", certes, mais "… démocratique"
tout de même.
"L'accusation principale que nous lançons contre la démocratie
libérale, c'est que précisément les choix politiques,
sociaux et économiques échappent à la volonté
populaire." La perspective de lutte est alors toute tracée,
il faut conquérir la "vraie démocratie" confisquée
par les méchantes multinationales. Et pour les mécréants
ou autres Saint Thomas, récalcitrant aux sirènes démocratiques
de la LCR, Monsieur Besancenot les rattrape au collet en leur servant
sur un plateau la preuve irréfutable que ce "chambardement
démocratique" est le seul avenir possible en exhibant fièrement
la ville mythique du mouvement anti-mondialisation : Porto Alegre. "C'est
une ville du sud du Brésil, Porto Alegre, dirigée par
la gauche du Parti des travailleurs, qui a rallumé la flamme
des espérances démocratiques (…) Porto Alegre pratique
la démocratie participative. Depuis plus de dix ans, (…)
la municipalité laisse à la population le soin de décider
de l'utilisation du budget de la ville."
Mais c'est justement à travers l'exemple de Porto Alegre que
l'on s'aperçoit le mieux de toute la supercherie échafaudée
par les gauchistes de l'alter-mondialisme. La démocratie participative
dans cette "ville laboratoire" (et ce "depuis plus de
dix ans" !) ne correspond en rien à la remise en cause du
système capitaliste mais se résume simplement à
la participation de la population à la gestion de la misère
et de la pénurie engendrée par ce dernier.
De plus, il ne s'agit là, dans le fond, que d'une resucée
des mystifications autogestionnaires dont les ouvriers, notamment en
Europe dans les années 1970, ont fait les frais puisqu'elle s'est
révélée n'être qu'une gestion de leur propre
exploitation et non sa remise en cause. Ce n'est pas par hasard si Besancenot
nous ressort l'exemple de la lutte des ouvriers de Lip en 1973 et son
slogan, inspiré par les syndicalistes de la CFDT : "On contrôle,
on fabrique, on vend, on se paie." Ce que les trotskistes présentent
comme le summum de l'émancipation ouvrière, la démocratie
directe ou autogestion, est en fait une arme de la bourgeoisie contre
le prolétariat. Ce que le CCI a résumé dans le
point 12 de sa plateforme :
"- arme économique du capital, [l'autogestion] a pour finalité
de faire accepter par les travailleurs le poids des difficultés
des entreprises frappées par la crise en leur faisant organiser
les modalités de leur propre exploitation.
- arme politique de la contre-révolution, elle a pour fonction
:
de diviser la classe ouvrière en l'enfermant et l'isolant usine
par usine, quartier par quartier, secteur par secteur ;
d'attacher les travailleurs aux préoccupations de l'économie
capitaliste qu'ils ont au contraire pour tâche de détruire;
de détourner le prolétariat de la première tâche
qui conditionne son émancipation : la destruction de l'appareil
politique du capital et l'instauration de sa propre dictature au niveau
mondial."
En fin de compte, la tentative de la LCR n'est ni plus ni moins que
de distiller la perspective révolutionnaire de la classe ouvrière
dans le vieil alambic réformiste, d'enrayer sa conscience en
lui faisant croire qu'elle peut atteindre pacifiquement son émancipation
dans une sorte de nirvana démocratique sans remettre en cause
violemment les fondements même de la société capitaliste.
"Les révolutionnaires sont favorables aux réformes,
tout progrès, toute amélioration pour la majorité
de la population, toute nouvelle conquête sociale et démocratique
est bonne à prendre. Nous ne sommes pas partisans du tout ou
rien." Voilà qui est clairement énoncé et
illustre le "projet révolutionnaire" de Monsieur Besancenot
: "redonner un sens à la démocratie".
Et après cela, la LCR ose encore se prétendre l'héritière
de Trotsky ! Mais il n'existe pas de pire insulte pour celui qui fut
l'une des plus grandes figures de la Révolution russe, l'organisateur
de l'insurrection et de la prise de pouvoir de la classe ouvrière
en Octobre 1917.
Amender le capitalisme, le rendre plus humain en le rendant "plus
démocratique" alors qu'il est devenu, depuis son entrée
dans sa phase de décadence annoncée par le déclenchement
de la première boucherie mondiale de 1914-1918, une menace permanente
pour l'humanité, est un piège dans lequel la LCR (entre
autres) souhaite voir le prolétariat s'empaler.
Non content d'orienter les ouvriers vers une lutte stérile pour
l'amélioration de ce système, les trotskistes de la LCR
ajoutent l'appel à la défense de la démocratie,
non seulement contre les vilains patrons "qui braquent la démocratie
comme on braque une banque" mais aussi contre les courants néofascistes
qui "ne tolèrent aucune forme d'expression démocratique".
Comme si les ouvriers avaient quelque chose à défendre
dans ce monde, des acquis à préserver. Besancenot pense
notamment au suffrage universel qui serait "un acquis démocratique
précieux", c'est pourquoi "il mérite qu'on ne
le boude pas, la LCR se présente donc aux élections"
et en profite par la même occasion pour entretenir dans la classe
ouvrière les pires illusions sur la nature de ce monde. Les "élections
démocratiques" ne sont en réalité que la feuille
de vigne servant à masquer la dictature du capital.
"La démocratie est en danger ! Vite ! Prenons les armes
pour nous porter à son secours". Autant demander au prolétariat
de se suicider. La démocratie n'est qu'une forme (la plus efficace
d'ailleurs) de la dictature qui réprime la classe ouvrière
et défend la bourgeoisie et ses privilèges de classe exploiteuse.
C'est ce que rappelle Lénine dans ses Thèses sur la démocratie
bourgeoise et la dictature du prolétariat écrites en mars
1919 pour le premier congrès de l'Internationale Communiste :
"…dans aucun pays civilisé, dans aucun pays capitaliste,
il n'existe de démocratie en général : il n'y a
que la démocratie bourgeoise." et "…plus la démocratie
est évoluée, 'pure', (…) plus le joug du capitalisme
et la dictature de la bourgeoisie se manifeste dans toute leur pureté."
"Ainsi, il se confirme une fois de plus, de façon absolument
évidente, que tous ces cris en faveur de la démocratie
ne servent en réalité qu'à défendre la bourgeoisie
et ses privilèges de classe exploiteuse." C'est exactement
le cas de Monsieur Besancenot, de son organisation, et du mouvement
anti-mondialiste dans lequel il s'inscrit. Leur objectif est clair,
dévoyer la classe ouvrière de son terrain, lui faire perdre
son identité, son histoire, celle d'une classe révolutionnaire
dont la perspective est le communisme, en la gavant de guimauve interclassiste,
de lutte citoyenne pour la démocratie.
"Seattle a rassemblé des syndicalistes coréens, des
paysans sans-terre du Brésil, des étudiants des campus
américains, des féministes du Maghreb, des réseaux
de lutte pour l'annulation de la dette du Tiers-monde, des cinéastes
et même des défenseurs de tortues…" C'est l'"internationalisme
renaissant" qui "élargit ses horizons", c'est
vraiment le moins que l'on puisse dire ! Monsieur Besancenot est donc
fin prêt pour ériger l'internationale fourre-tout des "citoyens
du monde".
Comme tout groupe trotskiste, la LCR n'a de révolutionnaire que
les mots ! Besancenot veut faire croire qu'il joue au "chamboule
tout", notamment pour happer les éléments qui ressentent
une révolte vis-à-vis d'un système incapable d'engendrer
autre chose que misère et barbarie, mais en fait il ne chamboule
rien du tout. Bien au contraire, le rôle de la LCR, en tant que
"gauche authentique, une gauche 100% à gauche"…du
capital comme elle oublie chaque fois de le préciser, est de
masquer qu'un autre monde est à la fois possible et nécessaire
pour la survie de l'humanité et que cet avenir, c'est la classe
ouvrière exclusivement qui le porte dans le développement
de ses luttes.
Marx et Engels dès 1848 dans le Manifeste du Parti communiste
montraient déjà que "Les prolétaires n'ont
rien à perdre que leurs chaînes" qu'"ils ont
un monde à gagner", que ce monde, c'est le communisme et
qu'ils ne le gagneront que par le "renversement violent de tout
l'ordre social passé".
Les médias font largement écho à ce sentiment selon lequel, face à l'attaque actuelle sur les retraites, il faudrait un nouveau décembre 1995. A différentes reprises, les syndicats ont brandi cette "menace". Pour la classe ouvrière, la référence en positif à décembre 1995 ne peut représenter, à la différence de mai 1968, qu'une faiblesse importante de leur capacité de riposte aux attaques. En effet, contrairement aux proclamations de toutes les officines gou-vernementales et syndicales, non seulement cet événement n'a pas constitué une victoire de la classe ouvrière mais bien une défaite de celle-ci où, à aucun moment, elle n'a eu l'initiative et le contrôle de sa mobilisation qui sont toujours restés entre les mains des syndicats.
Il y a un bientôt huit ans, la méga-mobilisation syndicale
contre le plan Juppé battait son plein en France et donnait lieu
à un battage médiatique sans précédent à
l'adresse des prolétaires. Les trois semaines de grèves
dans la fonction publique, la paralysie complète des transports,
les "records" de mobilisation des manifestations, les commentaires
appuyés des médias sur la "popularité"
de la grève, enfin la "victoire" finale des cheminots,
tout cela avait laissé la classe ouvrière dans une espèce
d'euphorie grisante.
Le mouvement n'avait-il pas été victorieux ? Juppé
n'avait-il pas tremblé devant la masse des manifestants ? La
classe ouvrière n'avait-elle pas retrouvé "sa dignité"
et renoué avec la "solidarité" et "l'unité
dans la lutte" ? A cette époque, celui qui émettait
le moindre doute là-dessus passait au mieux pour un rabat-joie,
au pire pour un "jaune". Et pour mieux envelopper la classe
ouvrière dans cette euphorie de la victoire et dans ce sentiment
trompeur de puissance retrouvée, la bourgeoisie mettait les bouchées
doubles. Des syndicats aux médias, des gauchistes aux instances
patronales et gouvernementales, tous s'accordaient à voir dans
l'événement un "nouveau mai 68", le prototype
de futures "explosions sociales" du même acabit qu'il
fallait s'attendre à voir surgir un peu partout. Loin de la conspiration
du silence des médias qu'on a connue dans les années 1980
vis-à-vis des luttes ouvrières qui se développaient
partout en Europe, ce mouvement-là a eu droit à une publicité
médiatique phénoménale. La classe ouvrière
dans tous les pays était ainsi invitée à faire
du "décembre 95 français", l'exemple à
suivre, la référence incontournable de tous ses combats
à venir et, surtout, à voir dans les syndicats, qui avaient
été si "combatifs", si "unitaires"
et si déterminés tout au long des événements,
leurs meilleurs alliés pour se défendre contre les attaques
du capital.
Loin d'avoir constitué une "gaffe", l'annonce, simultanément
au plan Juppé sur la sécurité sociale, d'attaques
ciblant spécifiquement les cheminots était une provocation
parfaitement calculée qui allait permettre de lancer le mouvement.
Les syndicats allaient se servir de la combativité existant chez
les cheminots pour pousser par tous les moyens le maximum d'ouvriers
à se mobiliser dans un mouvement parfaitement encadré,
que ces derniers n'étaient pas prêts à mener et
qu'ils ne contrôlaient pas.
A cette fin, les syndicats ont systématiquement agi à
l'inverse de leurs pratiques habituelles de sabotage. Ils ont arboré
un langage hyper-radical et contestataire vis-à-vis du gouvernement,
contrairement à la période où la gauche était
au pouvoir.
Tous les principaux syndicats se sont immédiatement portés
à la tête du mouvement, poussant systématiquement
les ouvriers à s'engager dans la lutte, à la SNCF, puis
à la RATP et dans l'ensemble du secteur public. Unis, ils ont
lancé des appels aux manifestations, poussant ainsi de plus en
plus de travailleurs à entrer en grève. Ils se sont imposés
en mettant d'emblée en avant les besoins vitaux de la lutte,
ressentis comme tels par les ouvriers depuis des années et ceci
afin de les dénaturer, et notamment le besoin primordial de l'extension
du mouvement.
Ainsi, les intersyndicales se sont démenées pour l'extension
de la grève au-delà du secteur, en particulier en organisant
des délégations massives de cheminots dans les centres
de tri et les Télécoms, en éludant l'essentiel
: pour être réellement au service de la lutte, le besoin
vital de prise en charge de l'extension ne pouvait que venir des assemblées
ouvrieres et être assumé par elles-mêmes. C'est derrière
les intersyndicales et les "unions syndicales" qu'ils ont
appelé à "lutter tous ensemble". Ils ont mis
en avant la "souveraineté des AG" et laissé
les ouvriers "décider" au sein de celles-ci, mais dans
un cadre et selon des modalités d'actions déjà
décidés et contrôlés par leurs appareils.
Un tel simulacre était destiné dans le fond à éluder
l'antagonisme irréconciliable entre d'un côté le
souveraineté des AG, la lutte autonome du prolétariat
et, de l'autre, la présence des syndicats dans la lutte.
Dans de nombreux secteurs, comme dans la plupart des centres de tri
postaux, dans les Télécoms, à l'EDF-GDF, les syndicats
ont manipulé un minimum de grévistes pour entraîner
un maximum d'ouvriers dans la grève et dans les manifestations.
Il a suffi que, 3 semaines plus tard, Juppé retire les attaques
concernant la SNCF pour que toute cette mobilisation, sous-contrôle,
retombe aussitôt comme un soufflé.
Alors qu'en trente ans d'expérience de luttes, les syndicats
s'étaient toujours partagé le travail entre "modérés"
appelant à la reprise du travail et "radicaux" jusqu'au-boutistes
pour parachever la défaite en suscitant un maximum de divisions
dans les rangs ouvriers, permettant le retour au travail dans la démoralisation,
paquets par paquets, cette fois, les syndicats ont veillé à
assurer un repli général en bon ordre (sauf cas isolés
et ponctuels comme le centre de tri de Caen ou les traminots de Marseille).
La bourgeoisie a pu ainsi mener les opérations à sa guise
: elle a fait partir le mouvement comme elle le voulait et elle a pu
le faire cesser, quasiment du jour au lendemain, quand elle l'a voulu,
juste à la veille de la trêve des confiseurs. Tout était
donc bien réglé comme du papier à musique !
Comment s'y est-elle prise ?
- à travers une focalisation médiatique sur la lassitude
manifestée par une partie des ouvriers qui voulaient reprendre
le travail et surtout sur les AG où était votée
la reprise;
- alors que les syndicats n'avaient cessé de pousser systématiquement
un maximum de nouveaux secteurs à rentrer dans la grève,
il a suffi qu'ils cessent cette pression pour faciliter la reprise.
Cela démontre d'ailleurs que la "combativité syndicale"
n'était pas liée à une quelconque "pression
de la base", contrairement à la propagande alimentée
par les médias et entretenue par les groupes gauchistes. Le travail
s'est alors partagé entre la CFDT et les syndicats modérés
qui ont appelé directement à la reprise du travail tandis
que la CGT et FO ont dit qu'ils suivraient les décisions des
AG ;
- les syndicats ont joué sur l'absence de centralisation du mouvement
qu'ils avaient provoquée et entretenue : le fait que chaque AG
décide dans son coin de la poursuite ou non de la grève
a permis une propagation "spontanée" de la vague de
reprise.
De fait, la CGT et FO ne sont jamais apparus comme divisés, ni
surtout comme des diviseurs. Les deux principaux syndicats "combatifs"
n'ont, au contraire, pas cessé de proclamer la nécessité
pour les ouvriers de rester unis et ont même largement mis en
garde contre le développement d'une division entre "jusqu'au
boutistes" et ouvriers voulant reprendre le travail.
Contrairement à ce qui avait pu se passer dans certains conflits
des années 70 ou 80, la fin de la grève n'a pas permis
que soit mis en évidence le rôle de saboteurs de la lutte
que sont les syndicats. Le maintien du plan Juppé a été
attribué à la seule et unique intransigeance du gouvernement
et non pas à un quelconque manque de détermination des
syndicats. Par contre, les médias ont largement relayé
l'idée du manque de solidarité des secteurs qui ne se
sont pas ou que peu mis en grève, le secteur privé notamment,
et toute une entreprise de division et culpabilisation basée
sur celle-ci.
Après trois semaines de grève, un grand nombre d'ouvriers
ont repris le travail avec un sentiment de fierté "de ne
pas s'être laissés faire", d'avoir été
capables de relever la tête. L'idée suivant laquelle ce
mouvement a contribué à renforcer la classe ouvrière
est totalement fausse. Elle représente un poison pour la conscience
du prolétariat.
Les syndicats n'ont nullement changé de nature. S'ils ont adopté
un profil si radical, c'est pour faire oublier leur sale travail passé
et pour renforcer leur capacité à saboter les luttes ouvrières
dans l'avenir, comme dans le but présent et permanent de permettre
au gouvernement de faire passer ses attaques.
Face à l'usure accélérée des syndicats et
à la défiance envers eux qu'avaient suscitée dans
les rangs ouvriers 35 ans de sabotage syndical de leurs luttes, il était
urgent pour la bourgeoisie d'imprimer une nouvelle image positive de
ses officines d'encadrement de la classe ouvrière et de pousser
les ouvriers à leur faire confiance. Pour ce faire, les syndicats
ont pris l'initiative de lancer un mouvement qui, du début à
la fin, est resté sous leur parfait contrôle, et dans lequel
ils se sont offert une image inhabituellement "radicale",
"combative" et "unitaire".
Aux cris de triomphe des syndicalistes d'hier clamant que, grâce
à eux, le mouvement avait fait reculer Juppé et la classe
ouvrière s'était renforcée, s'oppose le constat
d'évidence : le plan Juppé sur la sécurité
sociale est passé. Quant à l'illusion que cette "expérience"
aurait permis à la classe ouvrière de se renforcer en
réapprenant à se défendre, qu'elle y aurait retrouvé
ses réflexes de lutte, de solidarité de classe et d'unité,
elle aussi s'est révélée une chimère. Depuis
lors, les attaques gouvernementales et patronales n'ont fait que redoubler
de violence : outre la mise en place, mois après mois, des mesures
du plan Juppé, les hausses de prélèvements et baisses
des allocations sociales, la bourgeoisie a déchaîné
sur la classe ouvrière une avalanche de coups sans précédents,
sous forme de plans sociaux à répétition et leurs
charrettes de licenciements et de suppressions de postes dans la fonction
publique, de développement de la précarité et de
la flexibilité du travail.
A tout cela les ouvriers ont été incapables d'opposer
la moindre résistance sérieuse, et pour cause. Pris dans
la nasse de syndicats renforcés par leur nouvelle image, les
ouvriers en butte aux attaques se sont retrouvé baladés,
atomisés, dispersés dans des actions syndicales impuissantes
et isolées, sans trouver la force de contester et encore moins
de déborder cet encadrement syndical omniprésent. Bref,
les syndicats ont eu les mains plus libres que jamais, dans les années
suivantes, pour faire leur sale boulot habituel de saucissonnage, de
division et de sabotage ouvert.
Le capitalisme est
rentré dans sa sixième phase de récession ouverte
depuis le resurgissement de la crise sur la scène de l'histoire
à la fin des années 60 : 1967, 1970-71, 1974-75, 1980-82,
1991-93, 2001- ?, sans compter l'effondrement des pays du Sud-Est asiatique,
du Brésil, etc., dans les années 1997-1998. Depuis, chaque
décennie se solde par un taux de croissance inférieure
à la précédente : 1962-69 : 5,2% ; 1970-79 : 3,5%
; 1980-89 : 2,8% ; 1990-99 : 2,6% ; 2000-2002 : 2,2%. En 2002, la croissance
de la zone Euro atteint péniblement + 0,7% alors qu'elle se maintenait
encore à 2,4% aux Etats-Unis, chiffre néanmoins moins
élevé que dans les années 1990.
Ce qui caractérise la récession actuelle, aux dires des
commentateurs bourgeois eux-mêmes, c'est la rapidité et
l'intensité de son développement. Les Etats-Unis, la première
économie du monde, ont très rapidement plongé dans
la récession. Le repli du PIB américain est plus rapide
que lors de la récession précédente et l'aggravation
du chômage atteint un record inégalé depuis la crise
de 1974. Le Japon, la deuxième économie du monde, ne se
porte pas mieux. Malgré des plans de relance massifs, l'économie
nippone vient de replonger dans la récession pour la troisième
fois. C'est la plus forte crise depuis 20 ans et, selon le FMI, le Japon
pourrait connaître, pour la première fois depuis l'après-guerre,
deux années consécutives de contraction de l'activité
économique. Avec ces multiples plans de relance successifs, le
Japon rajoute à son endettement bancaire astronomique, un endettement
public qui est devenu le plus élevé de tous les pays industrialisés.
Ce dernier représente aujourd'hui 130% du PIB et devrait atteindre
153% en 2003.
Au XIXe siècle, dans la période ascendante du capitalisme,
le solde budgétaire des finances publiques (différence
entre les recettes et les dépenses) de six grands pays (Etats-Unis,
Japon, Canada, France, Grande-Bretagne, Italie) n'est que ponctuellement
en déficit, essentiellement pour cause de guerres, il est par
ailleurs stable et en constante amélioration entre 1870 et 1910.
Le contraste est saisissant avec la période de décadence
dans laquelle le déficit est quasiment permanent, exceptées
4 années à la fin des années 20 et une vingtaine
d'années entre 1950 et 1970 et se creuse tant pour des raisons
guerrières que lors des crises économiques.
Le poids de la dette publique en pourcentage du PIB diminue tout au
long de la période ascendante. En général, ce pourcentage
ne dépasse jamais 50. Il explose lors de l'entrée en période
de décadence pour ne refluer qu'au cours de la période
1950-80, mais sans jamais redescendre au dessous de 50%. Il remonte
ensuite au cours des années 1980-90. Cette montagne de dettes
qui s'accumulent non seulement au Japon mais aussi dans les autres pays
développés constitue un véritable baril de poudre
potentiellement déstabilisateur à terme. Ainsi, une grossière
estimation de l'endettement mondial pour l'ensemble des agents économiques
(Etats, entreprises, ménages et banques) oscille entre 200 et
300% du produit mondial. Concrètement, cela signifie deux choses
: d'une part, que le système a avancé l'équivalent
monétaire de la valeur de deux à trois fois le produit
mondial pour pallier la crise de surproduction rampante et, d'autre
part, qu'il faudrait travailler deux à trois années pour
rien si cette dette devait être remboursée du jour au lendemain.
Si un endettement massif peut aujourd'hui encore être supporté
par les économies développées, il est par contre
en train d'étouffer un à un les pays dits "émergents".
Cet endettement phénoménal au niveau mondial est historiquement
sans précédent et exprime à la fois le niveau d'impasse
dans lequel le système capitaliste s'est enfoncé mais
aussi sa capacité à manipuler la loi de la valeur afin
d'assurer sa pérennité.
On essaie de nous faire croire qu'avec la libéralisation et
la mondialisation, les Etats n'ont pratiquement plus rien à dire,
qu'ils ont perdu leur autonomie face aux marchés et aux organismes
supranationaux comme le FMI, l'OMC, etc., mais lorsqu'on consulte les
statistiques, force est de constater que malgré vingt années
de "néo-libéralisme", le poids économique
global de l'Etat (plus précisément du secteur dit "non
marchand" : dépenses de toutes les administrations publiques,
y compris les dépenses de sécurité sociale) n'a
guère reculé. Il continue de croître, même
si c'est à un rythme moins soutenu, pour atteindre une fourchette
de + 45 à 50% pour les 32 pays de l'OCDE avec une valeur basse
autour de 35% pour les Etats-Unis et le Japon et une valeur haute de
60 à 70% pour les pays nordiques.
Oscillant autour de 10% tout au long de la phase ascendante du capitalisme,
la part de l'Etat (dépenses de toutes les administrations publiques,
y compris les dépenses de sécurité sociale) dans
la création de valeur ajoutée grimpe progressivement au
cours de la phase de décadence pour avoisiner 50% en 1995 dans
les pays de l'OCDE (source : Banque Mondiale, rapport sur le développement
dans le monde, 1997).
Quant au poids politique des Etats, il s'est bel et bien accru. Aujourd'hui,
comme tout au long du XXe siècle, le capitalisme d'Etat n'a pas
de couleur politique précise. Aux Etats-Unis, ce sont les républicains
(la "droite") qui prennent l'initiative d'un soutien public
à la relance et qui subventionnent les compagnies aériennes.
La Banque Centrale pour sa part, très étroitement liée
au pouvoir, a baissé ses taux d'intérêt au fur et
à mesure que la récession se précisait afin d'aider
à la relance de la machine économique : de 6,5% à
2% entre le début et la fin 2001. Au Japon, les banques ont été
renflouées à deux reprises par l'Etat et certaines ont
même été nationalisées. En Suisse, c'est
l'Etat qui a organisé la gigantesque opération de renflouement
de la compagnie aérienne nationale Swissair, etc. Même
en Argentine, avec la bénédiction du FMI et de la Banque
Mondiale, le gouvernement a recours à un vaste programme de travaux
publics pour essayer de recréer des emplois. Si, au XIXe siècle,
les partis politiques instrumentalisaient l'Etat pour faire passer prioritairement
leurs intérêts, dans la période de décadence,
ce sont les impératifs économiques et impérialistes
globaux qui dictent la politique à suivre quelle que soit la
couleur du gouvernement en place. Cette analyse fondamentale, dégagée
par la Gauche communiste, a été amplement confirmée
tout au long du XXe siècle et est plus que jamais d'actualité
aujourd'hui que les enjeux sont encore plus exacerbés. "Les
causes directes du renforcement de l'Etat capitaliste à notre
époque traduisent toutes les difficultés dues à
l'inadaptation définitive du cadre des rapports capitalistes
au développement atteint par les forces productives". ("La
décadence du capitalisme", brochure du CCI).
Ce qui est absolument certain, c'est qu'avec le développement
de la récession au niveau international, la bourgeoisie imposera
une nouvelle et violente dégradation du niveau de vie de la classe
ouvrière. Sous prétexte d'état de guerre et au
nom des intérêts supérieurs de la nation, la bourgeoisie
américaine en profite pour faire passer ses mesures d'austérité
déjà prévues depuis longtemps, car rendues nécessaires
par une récession qui se développait : licenciements massifs,
efforts productifs accrus, mesures d'exception au nom de l'anti-terrorisme
mais qui servent fondamentalement comme terrain d'essai pour le maintien
de l'ordre social. Après l'effondrement du bloc de l'Est, la
course aux armements s'était ralentie pendant quelques années
mais très rapidement, vers le milieu des années 1990,
elle est repartie. Le 11 Septembre a permis de justifier le développement
encore plus énorme des armements. Les dépenses militaires
des Etats-Unis représentent 37% des dépenses militaires
mondiales qui sont en hausse dans tous les pays. Partout dans le monde,
les taux de chômage sont de nouveau fortement orientés
à la hausse alors que la bourgeoisie avait réussi à
camoufler une partie de son ampleur réelle par des politiques
de traitement social - c'est-à-dire des gestions de la précarité
- et par des manipulations grossières des statistiques. Partout
en Europe, les budgets sont révisés à la baisse
et de nouvelles mesures d'austérité sont programmées.
Au nom de la stabilité budgétaire, dont le prolétariat
n'a que faire, la bourgeoisie européenne est en train de revoir
la question des retraites (abaissement des taux et allongement de la
vie active) et de nouvelles mesures sont envisagées pour faire
sauter "les freins au développement de la croissance"
comme disent pudiquement les experts de l'OCDE, à savoir "atténuer
les rigidités" et "favoriser l'offre de travail"
via une précarisation accrue et une réduction de toutes
les indemnisations sociales (chômage, soins de santé, allocations
diverses, etc.). Au Japon, l'Etat a planifié une restructuration
dans 40 % des organismes publics : 17 vont fermer et 45 autres seront
privatisés. Enfin, pendant que ces nouvelles attaques viennent
frapper le prolétariat au cœur du capitalisme mondial, la
pauvreté se développe de façon vertigineuse à
la périphérie du capitalisme. La situation des pays dits
"émergents" est significative à cet égard
avec la situation dans des pays comme l'Argentine, le Venezuela. La
Turquie et la Russie sont toujours sous perfusion et suivies à
la loupe.
A cette situation d'impasse économique, de chaos social et de
misère croissante pour la classe ouvrière, celle-ci n'a
qu'une réponse à apporter : développer massivement
ses luttes sur son propre terrain de classe dans tous les pays. Aucune
"alternance démocratique", aucun changement de gouvernement,
aucune autre politique ne peut apporter un quelconque remède
à la maladie mortelle du capitalisme. La généralisation
et l'unification des combats du prolétariat mondial qui ne peuvent
aller que vers le renversement du capitalisme, sont la seule alternative
capable de sortir la société de cette impasse. Rarement
dans l'histoire, la réalité objective n'avait aussi clairement
mis en évidence que l'on ne peut plus combattre les effets de
la crise capitaliste sans détruire le capitalisme lui-même.
Le degré de décomposition atteint par le système
et la gravité des conséquences de son existence sont tels
que la question de son dépassement par un bouleversement révolutionnaire
apparaît et apparaîtra de plus en plus comme la seule issue
"réaliste" pour les exploités. L'avenir reste
dans les mains de la classe ouvrière.
CCI
Sources
Croissance du PIB (1962-2001) : OCDE
Ratio solde budgétaire/PIB (en % du PIB) : Paul Masson et Michael
Muss : "Long term tendencies in budget deficits and Debts",
document de travail du FMI 95/128 (décembre 1995)
Alternatives Economiques (Hors série) : "L'état de
l'économie 2003".
Maddison : "L 'économie mondiale 1820-1992", OCDE et
"Deux siècles de révolution industrielle", Pluriel
H 8413.
Face à la riposte de la classe ouvrière contre l'attaque sans précédent qu'elle vient de subir avec le projet de réforme du régime des retraites, les révolutionnaires se devaient d'être présents aussi bien dans les manifestations que dans les différents secteurs en lutte où ils pouvaient intervenir, notamment dans le mouvement des travailleurs de l'Education nationale.
Ainsi, dès que le mouvement a commencé à prendre de l'ampleur avec la manifestation du 13 mai, la section du CCI en France a pris la décision de sortir un supplément à son principal outil d'intervention, le journal RI. Ce supplément s'est donné comme axe principal de dénoncer l'ampleur de l’attaque contre l'ensemble de la classe ouvrière, d'analyser les manoeuvres de la bourgeoisie pour faire passer cette attaque et de dénoncer le rôle des syndicats face à la remontée de la combativité ouvrière. Le sens de notre intervention visait à permettre à la classe ouvrière de mener une réflexion sur la profondeur de la crise du capitalisme et sur la nécessité de cette expérience de lutte lui permettant de reprendre confiance en elle et de retrouver son identité de classe. C'est justement face à la nécessité de fournir un cadre général d'analyse afin de favoriser la réflexion sur le sens de cette première riposte contre les attaques de la bourgeoisie que nous avons décidé de diffuser un supplément et non un tract agitatoire. Dans toutes les manifestations, à Paris comme en province, le CCI a mobilisé toutes ses forces, regroupant autour de lui ses sympathisants pour diffuser sa presse le plus largement possible.
Le bilan de cette mobilisation a été très positif : les chiffres de nos ventes ont battu des records. De toute l'histoire du CCI, jamais notre organisation n'avait vendu autant d'exemplaires de sa presse dans les manifestations. En particulier, dans toutes les manifestations où le CCI était présent, notre supplément s'est vendu comme des petits pains. Un tel constat n'a pour but ni de nous décerner des médailles, ni de nous emballer sur l'imminence du "grand soir".
Les chiffres de nos ventes, de même que les nombreuses discussions que nous avons pu avoir dans ces manifestations ne font que confirmer que, malgré les difficultés auxquelles elle est encore confrontée pour développer sa lutte et créer un rapport de force capable de faire reculer la bourgeoisie, la classe ouvrière est à la recherche aujourd'hui d'une perspective. Le fait que de nombreux grévistes puissent aujourd'hui faire le geste politique d'acheter un journal intitulé "Révolution Internationale" ou un supplément titrant sur "L'avenir appartient à la lutte de classe" est particulièrement significatif d'un changement dans la situation de la lutte de classe. Cela signifie qu'aujourd'hui commence à germer au sein de la classe ouvrière un réel questionnement sur l'avenir que nous réserve le capitalisme. Ce questionnement, cette quête d'une perspective, même si elles sont encore très confuses et embryonnaires, constituent un démenti cinglant à toutes les campagnes de la bourgeoisie qui ont succédé l'effondrement des régimes staliniens (campagnes sur la prétendue faillite du communisme et sur la fin de la lutte de classe).
Ainsi, cette attaque massive contre l'ensemble de la classe ouvrière ne fait que confirmer la validité de ce que notre organisation a toujours mis en avant dans sa presse depuis 1968 : malgré les souffrances qu'elle va lui infliger, la crise économique reste la meilleure alliée du prolétariat.
L'intervention du CCI ne s'est pas limitée à la diffusion de sa presse dans les manifestations de rue.
Dans les luttes elles-mêmes, dans les les AG, et particulièrement celles des enseignants, nos camarades et sympathisants sont intervenus à chaque fois qu'ils le pouvaient pour tenter de contrer les manoeuvres des syndicats et de leur base "radicale" animée par les gauchistes. Toutes nos interventions ont mis en avant :
- la nécessité vitale de l'extension géographique de la lutte dès le début du mouvement contre les manoeuvres des syndicats et des gauchistes visant à enfermer les ouvriers dans leur secteur ou leur corporation;
- la nécessité de la souveraineté des AG qui doivent être des lieux de discussion, de décision des moyens de développer la lutte et non des chambres d'enregistrement des décisions syndicales prévues d'avance;
- la dénonciation claire et concrète des orientations des centrales syndicales, de la pratique réelle des syndicats sur le terrain qui, sous couvert d'unité, ont été autant d'obstacles aux nécessités de la lutte.
Ainsi, par exemple, dès le 13 mai, dans une AG départementale regroupant près de 500 grévistes à Lyon et dirigée par l'intersyndicale FSU, FO, CGT, SUD, CNT, nos camarades ont pu intervenir à deux reprises malgré l'agressivité de l'intersyndicale qui présidait l'AG (et notamment un ponte local de la LCR, représentant de la FSU, qui a tenté de leur couper la parole par des altercations du style: "Abrège", "Commence par mettre d'abord ton école en grève"). Malgré le tir de barrage des syndicats pour tenter de nous faire taire, un autre camarade travaillant dans le secteur hospitalier est venu dans cette AG des enseignants et a insisté sur la nécessité impérative de traverser la rue pour aller chercher les autres secteurs ouvriers qui subissent la même attaque sur les retraites. Son intervention très suivie et écoutée a obligé le présidium à se concerter et à couper le micro. Mais malgré cette manoeuvre, notre camarade poursuit son intervention en haussant la voix. Il est chaudement applaudi. C'est à ce moment que le présidium se voit contraint de reprendre à son compte l'orientation que nos camarades ont mis en avant : la nécessité de l'extension géographique mais... en perspective (ce que les gauchistes feront un peu partout, une fois que le mouvement commencera à s'essouffler). Cette parodie d'extension sera concrétisée par l'envoi de délégations de syndicalistes auprès de syndicalistes des autres secteurs.
Ainsi, cette AG départementale a clairement révélé que les syndicats "radicaux", pour ne pas être débordés par l'impact de nos interventions, ont été contraints d'adapter leurs manoeuvres.
Par ailleurs, nos interventions dans les AG, quand elles étaient possibles, devaient donner le maximum de chair à ces perspectives et si possible se concrétiser dans des motions proposées aux AG. Cela fut fait à plusieurs reprises, notamment dans les AG départementales. A Lyon, par exemple, nos camarades ont pu proposer cette motion sous les quolibets de l'intersyndicale : "L'AG départementale réunie le 22/05, appelle les AG de secteurs à mettre en actes l'appel à l'extension de la lutte par des délégations les plus fortes aux secteurs public et privé comme Alstom, Ateliers SNCF Oullins, RVI, TCL, Hôpitaux, Ville de Lyon etc… L'AG départementale considère que les appels syndicaux tardifs à la lutte pour les autres secteurs, les uns pour le 27 Mai, d'autres pour le 2 Juin, d'autres encore pour le 3 Juin, le silence dans d'autres secteurs, sont des actes concrets de division et d'éparpillement et vont contre le besoin d'unité et de mobilisation nécessaires depuis longtemps.". Cette motion devait recueillir 24 voix pour, 137 contre et 53 abstentions. Le vote sur cette motion a révélé un début de questionnement vis-à-vis de la mainmise des syndicats sur la lutte et sur leurs manoeuvres de sabotage. Bien que ce questionnement soit resté encore très minoritaire, l'intervention de nos militants n'a pas été un coup d'épée dans l'eau. A plusieurs reprises, nos camarades ont été interpellés pour qu'ils développent le sens de leur intervention, avec parfois même des invitations à venir faire ces interventions dans d'autres AG de secteurs où des questions de ce même type se posaient. De nombreuses discussions ont eu lieu et continuent d'avoir lieu. Dans d'autres AG départementales, comme par exemple celle du 21 mai à Nantes, nos camarades se sont directement affrontés aux syndicats en affirmant haut et fort "L'unité de la lutte ne passe pas par l'unité des syndicats !". Ils ont été copieusement sifflés tout au long de leur intervention. A l'issue de l'AG, seuls quatre grévistes se retrouvent en accord avec notre position. Ce que nous avons pu constater sur le terrain, et à travers l'écho de nos interventions suivant les régions, c'est une énorme hétérogénéité du mouvement, tant sur le plan de la mobilisation que sur celui de la méfiance envers les syndicats.
Dans un deuxième temps et assez rapidement, lorsqu'il s'est avéré que toute possibilité de développement massif de la lutte était verrouillée par les forces d'encadrement syndicales, nos camarades ont alors réorienté clairement leur intervention :
- mise en évidence du piège que représentait le mot d'ordre de "grève reconductible" risquant de conduire à l'épuisement et la démoralisation ;
- dénonciation du jusqu'au-boutisme des syndicats et des gauchistes avec leurs actions commandos, stériles et minoritaires (tel le blocage des examens) qui ne servent qu'à renforcer la division entre grévistes et non grévistes ;
- nécessité de se regrouper pour éviter la confusion, pour discuter le plus collectivement possible de la poursuite ou non de la grève afin d'éviter la démoralisation et se préparer à reprendre le combat plus tard en gardant nos forces intactes ;
-nécessité de maintenir régulièrement des AG, avant ou après le travail, pour commencer à tirer les leçons de cette lutte, et discuter des raisons des obstacles rencontrés dans ce combat ;
-nécessité pour les minorités les plus combatives, les plus conscientes de se regrouper afin de pouvoir élargir leur réflexion à partir des questions soulevées par ce mouvement. Déjà quelques réunions regroupant des éléments combatifs de différents secteurs rencontrés pendant la grève ont eu lieu à Lyon, Marseille ou Nantes par exemple.
Par ailleurs, le CCI était également présent, comme tous les ans, à la fête de Lutte Ouvrière où il a pu intervenir dans les forums organisés par les gauchistes pour y dénoncer leurs manoeuvres de sabotage de la lutte et mettre en avant la nécessité de tirer les leçons de la défaite des enseignants. Le CCI était d'ailleurs la seule organisation révolutionnaire à être intervenue contre les manoeuvres des trotskistes et à assumer sa responsabilité, malgré les sifflements des syndicalistes de base de LO et la LCR 1 [39]. Au cours des jours suivants, le CCI a tenu dans plusieurs villes des réunions publiques sur la situation sociale en France qui furent très animées.
Il est clair aujourd'hui que le mouvement n'a pas été en mesure de faire reculer la bourgeoisie. C'est donc une défaite cuisante que vient de subir la classe ouvrière. Encore une fois, la classe dominante ne va pas manquer l'occasion de tenter de faire tirer de fausses leçons à la classe ouvrière, notamment en s'efforçant de lui faire croire que lutter ne sert à rien. Il est donc de la responsabilité des révolutionnaires de contribuer dès aujourd'hui à faire obstacle à cette ultime manoeuvre de la bourgeoisie.
C'est la raison pour laquelle, le CCI a décidé de diffuser un tract tirant le bilan de cette expérience de lutte afin de permettre à l'ensemble de la classe ouvrière de tirer le maximum de leçons de cette défaite, la pousser à approfondir sa réflexion pour l'armer du mieux possible lorsqu'elle devra reprendre le combat face à l'accélération des attaques qui s'annoncent déjà avec le dossier sur la Sécurité sociale.
L'avenir appartient effectivement à la lutte de classe.
SM
1 [40] Malgré aussi les ricanements d’éléments que nous qualifions de parasites, parce que, tout en revendiquant leur appartenance au camp prolétarien, ils n’ont d’autre raison d’exister et n’ont d’autre souci dans leurs interventions que de nuire à la réputation des organisations révolutionnaires, et en particulier, à celle du CCI. D’ailleurs, lors de la fête de LO, ces éléments n'étaient présents qu'en spectateurs et n'ont pas ouvert la bouche pour combattre les forces d'extrême-gauche du capital.
“Il faut défendre nos retraites et assurer leur financement en s’en prenant au profits capitalistes” (Rouge du 16 mai).
La solution est pourtant si évidente, comment ne pas y avoir pensé plus tôt ? Bien heureusement toute la clique gauchiste est là pour nous montrer le chemin des luttes en nous assurant que les attaques que subit la classe ouvrière (dont l’actuelle remise en cause des retraites) n’est pas le fruit de la faillite du capitalisme mais plus simplement celui d’une mauvaise répartition des richesses.
“Réformons, réformons le capitalisme des patrons pour un capitalisme social, un capitalisme à visage humain.”
Franchement, nous n’en attendions pas moins de la part des troupes gauchistes, qu’elles fardent la réalité du capitalisme, l’aggravation irréversible de sa crise pour empêcher que les ouvriers en arrivent à conclure que ce système est sans avenir.
Dès la fin du mois d’avril, Lutte Ouvrière endossait, en prévision du déclenchement de la lutte, sont rôle oh combien éprouvé de rabatteur des syndicats : “Les confédérations syndicales appellent à faire du 1er mai une protestation contre l’ensemble de ces attaques, et elles programment un certain nombre de journées de grève et de manifestations pendant le mois de mai. Les travailleurs, les retraités, les chômeurs, toutes les catégories de la population laborieuse ont intérêt à se saisir de chaque manifestation, de chaque grève pour en faire un succès… Lutte Ouvrière appelle chacun à se mobiliser et à participer à toutes ces initiatives pour en assurer partout le plus grand succès."
“Quelles que soient les motivations des différentes confédérations, il est indispensable que ces actions [de protestations] soient massivement suivies par tous les travailleurs.” (Lutte Ouvrière du 25 avril).
LO (tout comme la Ligue Communiste Révolutionnaire) nous rejoue le fameux couplet du soutien critique aux syndicats cherchant à persuader les prolétaires, que même si l’appareil syndical est pourri par sa direction bureaucratique, le syndicalisme reste une arme de la classe ouvrière, la seule forme de combat qui puisse aboutir à quelque chose alors qu’il est, en fait, le principal fossoyeur de la lutte de classe (lire notre brochure Les syndicats contre la classe ouvrière).
De surcroît, il est remarquable que durant tout le mois de mai, les forces gauchistes sont restées extrêmement discrètes au sein du mouvement.
Aucun cortège de LO, de la LCR ou du Parti des Travailleurs dans les différentes manifestations du 13, 19 ou 25 mai. Et pourtant tous les cortèges syndicaux étaient truffés de militants de ces organisations.
Si les officines trotskistes ne sont jamais apparues en tant qu’organisations politiques distinctes à l’intérieur du mouvement alors que leurs militants y étaient omniprésents, c’est pour mieux dissimuler le grand coup de main qu’elles ont donné dans la pratique aux “directions syndicales pourries” et à la bourgeoisie.
L’encartage syndical des trotskistes ne date pas d’hier, c’est même un véritable sacerdoce qui marque leur volonté de drainer un maximum d’illusions sur la nature des syndicats.
Ainsi, on sait qu’habituellement les trotskistes de la LCR se syndiquent chez les cheminots plutôt à la CGT et chez les postiers et les hospitaliers à SUD (syndicat “devenu le canal historique des revendications de l’extrême gauche”, Libération du 6 juin).
Plus fort, on retrouve les trotskistes jusque dans les directions syndicales honnies à l’instar de Monsieur Cyroulnik à la fois membre du secrétariat de la FSU, majoritaire chez les enseignants, et membre du comité central de la LCR.
C’est donc tapis dans l’ombre, dilués dans divers syndicats FSU, FO, CGT… et évidemment dans les syndicats dit “radicaux” comme SUD ou la CNT que trotskistes et anarcho-syndicalistes ont participé à la consolidation de l’encadrement syndical pour mieux canaliser la combativité ouvrière.
De ce point de vue, l’attitude des groupes trotskistes est tout à fait symptomatique.
Ces organisations n’ont eu de cesse de se faire passer pour les chantres de l’extension de la lutte : “Oui, c’est une bonne chose que des postiers en grève aillent vers les travailleurs d’une entreprise privée ou que des enseignants aillent vers les cheminots ou vers les agents de la RATP. Oui, c’est une bonne chose que se tissent ainsi des liens entre les uns et les autres et que, progressivement, se forge la conscience commune que les travailleurs ont tous les mêmes intérêt.” (allocution d’Arlette Laguiller à la fête de LO le 7 juin).
La chose est bonne, certes, on pourrait même ajouter vitale pour que la classe ouvrière puisse opposer à la bourgeoisie un rapport de force véritablement digne de ce nom.
Mais de quelle extension veut réellement nous parler Madame Laguiller ?
Si on y regarde d’un peu plus près, dans la pratique, la convergence d’ouvriers en lutte, promue par les gauchistes, se résume à la simple rencontre de délégations syndicales. Des syndicalistes allant retrouver les syndicalistes d’en face ! Nos champions de l’extension des luttes se révèlent n’être que les champions de l’encadrement syndical.
A La Courneuve, par exemple, “l’extension des contacts [s’est faite] quasiment exclusivement dans les réseaux CGT pour le moment.” Rouge du 5 juin. Le morceau est lâché mais ce n’est pas sans arrière-pensées. Ici, ce que critique la LCR n’est pas tant le contrôle syndical de “l’extension” que sa prise en charge “exclusivement dans les réseaux CGT”. Autrement dit, pour franchir un pas supplémentaire, il faut élargir le combat à d’autres “réseaux”… FSU, FO, SUD, etc. Et voilà nos gauchistes surpris en pleine promotion de l’intersyndicale comme summum de l’union des ouvriers en lutte !
Empêcher que la classe ouvrière prennent en charge ses luttes, qu’elle en contrôle le but et les moyens dans le cadre d’assemblées générales souveraines, on peut concevoir que “Oui, c’est une bonne chose” pour les gauchistes mais certainement pas pour les prolétaires.
Lorsque les enseignants (secteur le plus en pointe dans cette lutte) furent suffisamment épuisés par plus d’un mois (parfois deux) de grèves reconductibles, le moment était alors venu pour les gauchistes de sortir du bois pour impulser une "radicalisation" du mouvement.
Le but, ici, est très clairement de mettre à genoux les enseignants qui n’ont pas été vidés de toute leur combativité. Ce qu’avoue par maladresse, lors de la fête de LO, un de ses militants rennais dans un forum consacré à la grogne des enseignants en mettant en avant le fait que son organisation “milite pour relancer le mouvement alors que l’essoufflement se fait sentir” dans sa région. Ou bien cet autre affidé de LO qui affirme qu’on “emportera pas le morceau mais il faut aller jusqu’au bout” c’est-à-dire jusqu’à ce qu’épuisement s’ensuive.
Pour ce faire est fabriqué un climat d’euphorie comme nous avons pu le constater, lors de cette même fête, dans la totalité des forums traitant du mouvement social dans l’éducation nationale, chez les hospitaliers, à la SNCF ou à la RATP.
Le mot d’ordre trotskiste était de nier purement et simplement la réalité de l’état du mouvement c’est-à-dire l’essoufflement. “Ce n’est pas le mouvement qui s’essouffle, c’est le gouvernement qui manque d’air” exposé de LO au forum de l’Education nationale. Mieux encore dans Rouge du 12 juin, on peut lire “Depuis le 13 mai, la mobilisation va crescendo, la liaison s’est faite avec les enseignants. Le déclic semble en train de se produire […] Comme si l’inversion du rapport de forces était à portée de mains”. Ainsi en faisant croire aux enseignants que la grève se “généralise” et que le gouvernement est sur le point de céder ( ce qui est illustré par une soi-disant reculade sur le projet de décentralisation), les trotskistes compte emmener les prolétaires en lutte dans un voyage jusqu’au bout de la démoralisation.
Par ailleurs LO trouve, dans cette entreprise, un véhicule de choix avec la coordination nationale des enseignants, sous son influence depuis le début du mouvement, qui le 17 juin appelait toujours à “poursuivre la grève reconductible” et à faire “pression sur les exams”. C’est dans ce sens que sous la poussée des gauchistes, le mouvement éclate dans une multitude d’actions commandos “interprofessionnelles” plus stériles les unes que les autres, occupations de voies ferrées (Paris Nord, Saint-Lazare, Nice), blocage d’accès routiers, des dépôts de bus, incendie du siège du MEDEF à La Rochelle, échauffourée avec la maréchaussée à la manifestation du 12 juin à Paris ou menaces sur la tenue des épreuves du bac.
Comme elle l’a affirmé explicitement lors de sa traditionnelle fête au Château de Presles, LO “soutient les minorités qui font des opérations coup de poing” se hissant de la sorte à la hauteur de la CGT des années 1980 qui était particulièrement friande de ce type d’actions-commando. Actions désespérées, sans aucun effet si ce n’est d’ancrer chez les ouvriers un sentiment d’impuissance, d’inutilité de la lutte et d’alimenter la division en leur sein. Comme en 1984 lorsque la CGT poussait à la fois les métallos de Dunkerque a bloquer le port après l’annonce d’une charrette de licenciements et en même temps soufflait sur la colère des dockers réclamant la réouverture du port.
Aujourd’hui, les gauchistes font exactement la même politique que la CGT d’il y a une vingtaine d’années car, en poussant des minorités d’ouvriers à bloquer les transports et les examens, il cherchent essentiellement à monter les ouvriers les uns contre les autres.
Dans cet objectif, les grands cris gauchistes appelant à l'extension de la lutte aux autres secteurs, à l'image de ce tract de la LCR diffusé dans les manifestations du mois de juin : "Le 3 juin n'est qu'un début ; grève générale! ; c'est le moment : privé, public, par millions, jusqu'à satisfaction.", ne peuvent être compris autrement que comme la volonté d’amplifier le sentiment d’isolement des enseignants, les faire retomber de plus haut pour rendre la défaite la plus démoralisante possible.
Ainsi, la prochaine étape consistera certainement, avec la mise en place de la réforme des retraites, à suggérer aux ouvriers qui sont entrés en lutte que l’échec du mouvement est venu non pas de l’encadrement syndical mais du manque de soutien des ouvriers non grévistes. Voici une façon supplémentaire de diviser secteur public et privé, c’est-à-dire avec exactement le même discours que celui des syndicats qui ont toujours rejeté la responsabilité de la défaite sur le manque de mobilisation des ouvriers eux-mêmes.
Durant le conflit de ce printemps, à l’intérieur des syndicats comme au sein des coordinations, on peut dire que les forces gauchistes ont assumé leur part du travail dans l’œuvre d’épuisement et de division de la classe ouvrière.
Le prolétariat doit impérativement tirer les leçons de cette lutte, ce que par ailleurs les agents gauchistes tentent d’empêcher à tout prix via le piège du jusqu’auboutisme.
Pour développer son combat, la classe ouvrière ne pourra pas faire l'économie de l’affrontement avec ces fers de lance de la bourgeoisie que sont les syndicats et les gauchistes de tous poils.
Azel (15 juin)
Les leçons du formidable mouvement de grève massive de l’été 1980 en Pologne demeurent d'une brûlante actualité. C'est à la lueur de celles-ci qu'il convient d'examiner des faiblesses importantes qui se sont manifestées dans le mouvement de grève du printemps dernier en France.
Dans le secteur des transports, et même à l’Education nationale, pourtant à la pointe de la mobilisation, la classe ouvrière n'a pas été en mesure de prendre sa lutte en mains, laissant ainsi toute latitude aux syndicats pour effectuer leur sale travail de sabotage.
En particulier, ceux-ci ont dénaturé la nature et les moyens de ce besoin vital de la lutte qu'est l'extension. En effet, c'est à un simulacre de solidarité prolétarienne et d'extension géographique de la lutte qu'a correspondu l'organisation de délégations composées de quelques syndicalistes ou d’éléments gauchistes entraînant derrière eux, ça et là, des minorités d'ouvriers plus ou moins nombreux. En 1980, en Pologne, c’est dès le début du mouvement que les ouvriers polonais sont sortis du cadre de l’usine et du secteur, envoyant des délégations massives, décidées et contrôlées par les assemblées générales, en direction des entreprises les plus proches géographiquement. C’est l’ensemble de la classe ouvrière en lutte, à travers le MKS, comité de grève à l’échelle nationale qui décidait des actions à mener en fonction des besoins de la lutte. A contrario, c'est l'absence d'un tel contrôle du mouvement de ce printemps qui a permis à toutes les forces hostiles à son réel développement de l'affaiblir de l'intérieur.
Ainsi, dans le mouvement de ce printemps en France, l'arme de la grève à répétition dans les transports, contrôlée par les syndicats, a été utilisée contre les intérêts généraux du mouvement. Largement handicapés dans leurs déplacements pour se rendre à leur travail des ouvriers ont, en nombre croissant, été animés par une hostilité grandissante vis-à-vis d'actions dont ils ne comprenaient pas le sens. De plus, la quasi-paralysie des transports pendant les manifestations a limité la participation ouvrière à celles-ci dans la mesure où le seul moyen de s'y rendre était bien souvent d'emprunter les cars syndicaux pour ensuite se trouver parqués derrière les banderoles de tel ou tel syndicat.
Pire encore. En laissant le contrôle du mouvement aux syndicats, les enseignants se sont laissés piéger dans une grève longue, isolées des autres secteurs, de plus en plus minoritaire.
Le 1er juillet 1980, à la suite de fortes augmentations du prix de la viande, des grèves éclatent à Ursus (banlieue de Varsovie) dans l'usine de tracteurs qui s'est trouvée au coeur de la confrontation avec le pouvoir en juin 1976, ainsi qu'à Tczew dans la région de Gdansk. A Ursus, les ouvriers s'organisent en assemblées générales, rédigent un cahier de revendications, élisent un comité de grève. Ils résistent aux menaces de licenciements et de répression et vont débrayer à de nombreuses reprises pour soutenir le mouvement. Entre le 3 et le 10 juillet, l'agitation se poursuit à Varsovie (usines de matériel électrique, imprimerie), à l'usine d'aviation de Swidnick, à l'usine d'automobiles de Zeran, à Lodz, à Gdansk. Un peu partout, les ouvriers forment des comités de grève. Leurs revendications portent sur des augmentations de salaires et l'annulation de la hausse des prix. Le gouvernement promet des augmentations : 10 % d'augmentation en moyenne accordées généralement aux seuls grévistes afin de calmer (!) le mouvement. A la mi juillet, la grève gagne Lublin. Les cheminots, les transports puis l'ensemble des industries de cette ville arrêtent le travail.
Le travail reprend dans certaines régions mais des grèves éclatent ailleurs. Krasnik, l'aciérie Skolawa Wola, la ville de Chelm (près de la frontière russe), Wroclaw sont touchées durant le mois de Juillet par la grève ; le département K-1 du chantier naval de Gdansk a débrayé, également le complexe sidérurgique de Huta-Varsovie. Partout les autorités cèdent en accordant des augmentations de salaires. Vers la fin juillet, le mouvement semble refluer; le gouvernement pense avoir stoppé le mouvement en négociant au coup par coup, usine par usine. Il se trompe car les ouvriers vont déjouer le piège des divisions en catégories professionnelles, en régions, par usines, avec prétendument leurs "problèmes propres". En effet, après une accalmie, la grève reprendra pour s'étendre géographiquement, et non par branches d'industrie.
Le 14 août, le renvoi d'une militante des syndicats "libres" provoque l'explosion d'une grève au chantier Lénine à Gdansk. L'assemblée générale dresse une liste de 11 revendications ; les propositions sont écoutées, discutées, votées. L'assemblée décide l'élection d'un comité de grève mandaté sur les revendications : réintégration des militants, augmentation des allocations sociales, augmentation des salaires de 2000 zlotys (salaire moyen : 3000 à 4500 zlotys), dissolution des syndicats officiels, suppression des privilèges de la police et des bureaucrates, publication immédiate des informations exactes sur la grève, etc. ! Tous les ouvriers licenciés du chantier naval depuis 1970 doivent pouvoir revenir à leurs postes. La direction stalinienne cède sur les augmentations de salaire et garantit même la sécurité aux grévistes.
Le 15 août, la grève générale paralyse la région de Gdansk. Les chantiers navals "La Commune de Paris" à Gdynia débrayent. Les ouvriers occupent les lieux et obtiennent 2100 zlotys d'augmentation immédiatement. Ils refusent cependant de reprendre le travail car "Gdansk doit gagner aussi". Le 18 août dans la région de Gdansk Gdynia Sopot, 75 entreprises sont paralysées Il y a environ 100 000 grévistes; on signale des mouvements à Szczecin et à Tarnow à 80 km au sud de Cracovie. Le comité de grève organise le ravitaillement : des entreprises d'électricité et d'alimentation travaillent à la demande du comité de grève. Les négociations piétinent, le gouvernement se refuse à parler avec le comité inter entreprises. Le 20 août, 300 000 ouvriers sont en grève. Le bulletin du comité de grève du chantier Lénine "Solidarité" est quotidien, des ouvriers de l'imprimerie aidant à imprimer des tracts et les publications.
Le 26 août, les ouvriers réagissent avec prudence aux promesses du gouvernement, restent indifférents aux discours de Gierek. Ils refusent de négocier tant que les lignes téléphoniques sont coupées à Gdansk. Le 28 août, les grèves s'étendent, elles touchent les usines de cuivre et de charbon en Silésie dont les ouvriers ont le niveau de vie le plus élevé du pays. Les mineurs se mettent en grève "pour les revendications de Gdansk". Trente usines sont en grève à Wroclaw, à Poznan (les usines qui ont commencé le mouvement en 1956), aux aciéries de Nowa-Huta et à Rzeszois, la grève se développe. Partout, des comités inter-entreprises se forment par région. Toute la classe ouvrière se dresse contre la classe capitaliste concentrée dans l'État.
En affirmant dès le début : "NOUS SOMMES TOUS NOS REPRÉSENTANTS", ou bien "NOUS N'AVONS CONFIANCE QU'EN NOUS-MÊMES", les ouvriers ont manifesté une conscience de classe aiguë. C'est pourquoi ils ont été capables de se doter d'organisations propres, à travers les assemblées générales et les comités de grève. Ainsi à Gdansk, le comité de grève rend compte de son mandat devant les ouvriers l'après-midi et les informe sur les réponses de la direction. L'assemblée décide la formation d'une milice ouvrière et de saisir l’alcool. Une seconde négociation avec la direction reprend. Les ouvriers installent un système de sonorisation pour que toutes les discussions puissent être entendues. Mais bientôt on installe un système qui permet aux ouvriers réunis en assemblée de se faire entendre dans la salle des négociations. Des ouvriers saisissent le micro pour préciser leurs volontés. Pendant la plus grande partie de la grève, et ce jusqu'au dernier jour avant la signature du compromis, des milliers d'ouvriers interviennent du dehors pour exhorter, approuver ou renier les discussions du comité de grève.
Peu après le 15 août, le mouvement des chantiers navals à Gdansk connaît un moment de flottement : des délégués d'atelier hésitent à aller plus loin et veulent accepter les propositions de la direction. Des ouvriers venus d'autres usines de Gdansk et de Gdynia les convainquent de maintenir la solidarité. On demande l'élection de nouveaux délégués plus à même d'exprimer le sentiment général. Les ouvriers venus de partout forment à Gdansk un comité inter-entreprises national dans la nuit du 15 août et élaborent un cahier de 21 revendications. Le comité de grève compte 400 membres, 2 représentants par usine; ce nombre atteindra 800 à 1000 quelques jours plus tard. Des délégations font le va et vient entre leurs entreprises et le comité de grève central, utilisant parfois des cassettes pour rendre compte de la discussion. Les comités de grève dans chaque usine se chargent de revendications spécifiques, l'ensemble se coordonne. Le comité d'usine des chantiers Lénine comporte par exemple 12 ouvriers, un par atelier, élus à main levée après débat. Deux sont envoyés au comité de grève central et rendent compte de ce qui se passe 2 fois par jour. Ces comités de grève inter-entreprises qui se créent et forment le MKS ne sont pas composés de "professionnels" de la lutte, comme les syndicalistes, mais ils englobent tous les ouvriers, quels que soient leur métier, leur qualification, leur secteur ou leur corporation. Ils sont la réelle émanation de la volonté ouvrière en lutte. Contre les idées galvaudées par les suppôts de la propagande bourgeoise, la constitution de ces comités de grève ne représentait pas l’anarchie mais un plus grand ordre, mettant en place des services de ravitaillement pour la population et une milice ouvrière contre les provocations et la répression de l’Etat. Dans la grève de masse, la volonté de tous –toute la classe- prédomine sur la volonté de quelques-uns. Le MKS avait toute prérogative pour conduire la grève. Il décidait si certaines entreprises devaient continuer à travailler pour assurer les besoins des grévistes. Ainsi, la raffinerie produisant au ralenti l’essence nécessaire aux transports, des bus et des trains circulaient ; l’industrie alimentaire dépassait quant à elle les plus hautes normes fixées par les bureaucrates auparavant, pour assurer l’approvisionnement de la population.
Outre les limites fondamentales imposées par le mouvement ouvrier international de l’époque qui laissaient les luttes en Pologne isolées, les illusions sur le "syndicalisme libre" ont participé à la défaite que subiront par la suite les ouvriers.
Ce sont en définitive les démocrates du KOR et les syndicalistes à la Walesa qui s’autoproclameront permanents et videront de toute sa substance le MKS pour en faire un organe permanent de la lutte, le MKZ, puis un syndicat, appelé cyniquement "Solidarité". On verra dans les années 1980 ce qu’il deviendra : un organe de gouvernement bourgeois, ouvertement anti-ouvrier.
Cependant, les leçons de la Pologne 1980 restent fondamentales pour le développement des luttes ouvrières dans le futur. C’est pourquoi la classe ouvrière doit dès aujourd’hui se les réapproprier et en faire une boussole dans son combat contre toutes les forces de la bourgeoisie.
D’après notre brochure "Grève de masse en Pologne"
L'attaque contre
les retraites en France qui vient d'être officialisée à
travers l'adoption par le parlement de la loi Fillon a constitué,
par son ampleur et sa profondeur, une expression particulièrement
significative de la faillite du système capitaliste, contraint
d'amputer toujours davantage les dépenses d'entretien des exploités.
Son objectif n'est pas tant de faire travailler plus longtemps les ouvriers
que de leur supprimer, ni plus ni moins, leur retraite.
Seuls les ouvriers sont capables, à travers leur mobilisation,
de s'opposer à cette logique. C'est pourquoi les luttes ouvrières
massives du printemps dernier revêtent une signification toute
particulière. En effet, elles démontrent que de nouveau
le prolétariat est en train de retrouver sa capacité à
se reconnaître en tant que classe luttant pour des intérêts
communs, et ce malgré l'impact négatif très important
qu'ont eu sur sa conscience les campagnes idéologiques massives
sur "la fin de la lutte de classe" pendant toutes les années
1990, suite à l'effondrement du stalinisme. Une telle dynamique
de la lutte de classe est porteuse de luttes de plus en plus massives
et surtout d'un développement de la conscience de la faillite
du capitalisme, de la possibilité de lutter contre ce système
jusqu'à son renversement. Une telle perspective implique aussi
de la part de la classe ouvrière qu'elle tire les leçons
de ses défaites en apprenant à combattre son ennemi et
à déjouer ses pièges. C'est une nécessité
vitale comme l'illustre le fait que c'est sans avoir été
inquiétée que la bourgeoisie a pu faire passer son attaque
contre les retraites et cela malgré la forte mobilisation des
enseignants. C'est en permanence que la bourgeoisie manœuvre contre
son ennemi mortel, de manière à affaiblir ses ripostes.
Cette fois-ci, elle a su habilement focaliser le mouvement sur une revendication
spécifique à l'Education Nationale, la lutte contre la
décentralisation, de manière à empêcher le
développement d'une lutte massive de tous les secteurs contre
la réforme des retraites. Quant à l'encadrement de la
lutte elle-même, il a pu être assumé sur le terrain
sans difficulté par les syndicats et des organismes divers, dont
des coordinations autoproclamées, mis sur pied par les gauchistes.
Malgré sa victoire, la bourgeoisie ne pouvait néanmoins
pas laisser les choses en l'état et se devait d'occuper le terrain
afin de faire obstacle à la réflexion des ouvriers sur
ce qui venait de se passer. Alors que le mouvement des enseignants agonisait,
les projecteurs médiatiques se braquaient, dès le 27 juin,
sur la lutte des intermittents du spectacle. Pendant une bonne partie
du mois de juillet et de façon récurrente le mois suivant,
l'annulation ou le maintien des festivals ont tenu le public du petit
écran en haleine. Tout le battage sur ce conflit, lui accordant
une importance aussi grande que les mobilisations du printemps dont
elle apparaissait constituer le prolongement, n'avait d'autre objet
que de dénaturer la lutte de classe en renvoyant une image de
celle-ci fortement emprunte de l'individualisme et des préjugés
élitistes et petit-bourgeois propres aux artistes. De même,
le rendez-vous altermondialiste (du 8 au 10 août) dans le Larzac
devenu pour l'occasion la "Mecque de la contestation sociale"
a fait lui aussi l'objet de toute l'attention des médias. Ce
type de rassemblement constitue également une offensive idéologique
contre la classe ouvrière en substituant à sa lutte sur
un terrain de classe un fatras de luttes interclassistes, citoyennes
à qui mieux, réclamant l'amélioration de la démocratie
bourgeoise.
Un autre spectacle a été monté en grandes pompes
par la bourgeoisie cet été, face à une situation
dont il lui était impossible de dissimuler la réalité,
l'hécatombe en vies humaines provoquée par la canicule.
Là aussi, il s'est agi pour la bourgeoisie de détourner
les consciences de la signification profonde d'un événement
qui est le produit des coupes claires effectuées depuis plus
de vingt ans, par tous les gouvernements, dans les budgets de santé
et sociaux, et qui constitue une illustration accablante de l'impasse
dans laquelle se trouve le capitalisme, tout juste bon à préparer
nos cercueils. A cette fin, nous avons eu droit à d'interminables
bavardages sur le devoir d'alerte, la responsabilité ou non du
gouvernement, et à une entreprise de culpabilisation de la population
sur le thème de "l'égoïsme qui nous fait abandonner
nos aînés", celle-ci préparant le terrain au
projet d'une nouvelle attaque des conditions de vie de la classe ouvrière
visant à lui enlever un jour par an de congés pour financer
des mesures en faveur des plus vieux.
L'aggravation de la crise économique mondiale, est illustrée,
par exemple, par la récession ouverte qui frappe des puissances
comme l'Allemagne et la Hollande. Et c'est bien entendu à la
classe ouvrière que la bourgeoise compte faire payer la note.
La période estivale ayant toujours été mise à
profit pour faire passer un maximum d'attaques contre la classe ouvrière,
l'été 2003 ne pouvait d'autant moins déroger à
cette règle : hausse des tarifs des services publics (transports,
gaz, électricité, téléphone, etc.) ; cascade
ininterrompue de plans sociaux, les vacances étant le moment
tant attendu par les entreprises pour lâcher la bonde du licenciement.
Depuis juin, ce sont plus de 8000 emplois qui se retrouvent sur la sellette
dans tous les secteurs : automobile, électronique, chimie, aérospatiale,
prêt-à-porter … Et pour que l'économie réalisée
par le capital sur le dos des prolétaires licenciés soit
plus conséquente, le calcul de leur indemnisation est révisé
en leur défaveur suite à un décret du 27 juillet
paru au Journal Officiel. Ainsi, le plafond maximum des indemnités
a été divisé par deux.
Dans le secteur public, les plans de suppressions de postes sont de
plus en plus agressifs. Ainsi le budget 2004 prévoit une suppression
de 5000 postes de fonctionnaires. Après avoir annoncé
au printemps le chiffre astronomique de 30 000, le gouvernement est
revenu au mois de juillet à un ordre de grandeur plus "raisonnable".
Quel soulagement ! D'abord on vous annonce l'amputation d'un bras et
finalement la main suffira. C'est tout l'art de couper une main en en
faisant presque une bonne nouvelle. Pour l'heure, la rentrée
scolaire 2003, avec la suppression de postes de surveillants et d'aides-éducateurs,
prétendument compensée par des assistants d'éducation,
se fera au bout du compte avec un déficit de 10 000 postes.
L'aggravation de la crise atteint un tel niveau que la bourgeoisie ne
se limite pas à se débarrasser d'une main-d'œuvre
devenue pléthorique. Aujourd'hui, elle n'est même plus
capable de maintenir son système de protection sociale qui agissait
jusqu'à présent comme un frein à une explosion
tous azimuts de la pauvreté. Les ouvriers au chômage, malades
ou retraités, tous ceux dont la force de travail n'est plus exploitable,
tous ceux dont le capitalisme ne peut extraire de la plus-value seront
de plus en plus abandonnés à leur propre sort, la misère.
C'est toute la signification du programme de réformes du gouvernement
Raffarin baptisé "agenda 2006" en écho à
celui de Schröder en Allemagne.
Le prochain dossier, celui de la réforme de la Sécurité
sociale, quant à lui, relève de la même logique.
Déjà 617 médicaments avaient vu leur taux de remboursement
passer de 65 à 35%, en plein week-end de Pâques, pour cause
de Service Médical Rendu (SMR) "faible". Le 17 juillet,
le ministre de la santé, Mattei, poursuivait en rendant public
une liste de 84 médicaments qui ne seront plus remboursés
car cette fois le SMR est "insuffisant" et, d'ici 2005, 650
autres médicaments subiront le même traitement. "Cette
décision est la conséquence directe de la réévaluation
des 4500 médicaments de la pharmacopée commandée
par Martine Aubry en 1999" d'après Mattei. Et oui, c'est
bien le gouvernement Jospin qui a mis en place cette notion de SMR avec
l'idée que "les médicaments à SMR insuffisant
sortiront du remboursement…", annonce faite par Aubry en septembre
2000. Comme pour les retraites, il existe une véritable continuité
entre gauche et droite pour préparer et mettre en œuvre
les mesures anti-ouvrières nécessaires au capital. Face
à celles-ci, les ouvriers qui le pourront vont de plus en plus
être contraints de payer, en plus de leurs cotisations sociales
actuelles, des cotisation à des "mutuelles" afin de
ne pas se trouver dans le plus complet dénuement face à
la maladie ou la vieillesse.
Parmi les milliers de dépôts de bilan d'entreprises qui
émaillent la plongée dans la crise, l'un au moins, et
pas des moindres, aura participé de remettre les pendules à
l'heure par rapport à tous les mensonges véhiculés
sur le prétendu rôle de rempart joué par l'Etat
contre les abus du libéralisme, en particulier si le gouvernement
est de gauche. En effet, Alstom vient d'être sauvé de la
faillite début août par l'Etat, désormais détenteur
d'un tiers du capital du groupe. Ainsi, comme au Japon ou aux Etats-Unis,
c'est un gouvernement de droite qui intervient directement dans les
affaires d'un capital privé pour le nationaliser en d'autres
termes, et met la main à la poche, non pas pour faire des cadeaux
à des actionnaires, mais bien pour maintenir en vie un secteur
jugé stratégique pour le capital national. Pas non plus
pour sauver des emplois, puisque le projet d'en supprimer 5000 est maintenu.
Ainsi donc, c'est bien l'Etat capitaliste comme un tout qui est le représentant
suprême des intérêts du capital, et non pas la fraction
particulière de celui-ci que constitue le patronat. Et c'est
contre lui, comme un tout, que les ouvriers doivent diriger leurs luttes.
La corde passée autour du cou du prolétariat par un système
capitaliste moribond se resserre inexorablement chaque jour. Face à
la dégradation brutale de ses conditions de vie, la classe ouvrière
n'a pas d'autre alternative que de lutter, contrairement à ce
que veut lui faire croire la bourgeoisie. C'est encore un message de
ce type que celle-ci a envoyé dés le mois de juin avec
l'annonce de la retenue sur le salaire des personnels de l'Education
Nationale du paiement des samedis, dimanches et jours fériés
lorsqu'ils ont été encadrés par des jours de grève.
Revenue dans l'actualité vers la fin août, à travers
la question de savoir si les dimanches et jours fériés
seront effectivement concernés, cette nouvelle attaque, dont
la raison d'être n'est pas économique mais bien politique,
est de faire mordre la poussière à des salariés
exténués part plus d'un mois de grève. C'est aussi
un avertissement à toute la classe ouvrière : "lutter
peut vous coûter très cher!"
Si la classe dominante cherche à ce point à démoraliser
et à détourner le prolétariat de la lutte, c'est
qu'elle y perçoit très nettement une menace pour la survie
de son système.
Et pour cause, c'est à travers le développement de luttes
massives que la classe ouvrière retrouvera confiance en elle,
renouera avec sa perspective révolutionnaire, tout en prenant
conscience du rôle anti-ouvrier des syndicats, des gauchistes
de toutes nuances.
Il y a deux ans,
l'attentat du 11 septembre sur les Twin Towers à New York ouvrait
la voie à une accélération sans précédent
des tensions guerrières depuis la fin de la Guerre froide. Ce
pas de plus du monde dans le chaos a trouvé sa justification
dans l'affirmation d'une prétendue "lutte contre le terrorisme
international", doublée d'un "combat pour la défense
de la démocratie". Cette propagande mensongère ne
peut plus masquer la réalité d'une aggravation des tensions
impérialistes entre les grandes puissances et tout particulièrement
entre les Etats-Unis et leurs anciens alliés du bloc de l'Ouest
(voir les Revue Internationale n°113 et 114).
Ainsi que nous l'avons déjà maintes fois développé
dans nos colonnes, les Etats-Unis sont contraint en permanence d'affirmer
sur le plan militaire leur leadership mondial que leur contestent leurs
anciens alliés. Les principaux conflits où ont été
impliquées ces puissances depuis l'effondrement du bloc de l'Est
relèvent de cette logique. C'est avec plus de netteté
encore que celle-ci s'est affirmée en Afghanistan et en Irak.
Dans ces deux pays, les Etats-Unis jouent un rôle majeur de maintien
de l'ordre et connaissent des difficultés croissantes face à
une situation que l'on peut déjà qualifier d'enlisement.
Afin d'empêcher leur principaux rivaux de leur mettre des bâtons
dans les roues en Irak et au Moyen-Orient, les Etats-Unis ont fait en
sorte d'être les seuls maîtres à bord. C'est la raison
pour laquelle ils dénient à l'ONU la possibilité
de pouvoir jouer le moindre rôle politique dans l'administration
de l'Irak. Toutes les autres composantes de la force internationale
présente militairement dans ce pays étant à ce
jour soumises à leur autorité, l'entreprise américaine
a été couronnée de succès. Et pourtant,
non seulement il n'existe pas à l'heure actuelle de perspective
tangible d'un allègement de leur dispositif militaire sur place,
fort actuellement de 145 000 hommes, mais encore celui-ci apparaît
de plus en plus insuffisant pour contrôler la situation. Les objectifs
qu'ils s'étaient fixés, en prenant le monde à témoin
au lendemain de leur victoire militaire, semblent s'éloigner
de jour en jour alors que la perspective de remise sur pied de la société
irakienne n'a jamais été aussi éloignée.
Quoi qu'en dise la bourgeoisie américaine, elle ne contrôle
pas la situation en Irak. C'est une réalité dont se délecte
la propagande anti-américaine qui fait flèche de tout
bois pour montrer du doigt la nocivité de la présence
américaine dans ce pays.
Les conditions de vie de la population déjà déplorables
sous le règne de Saddam Hussein se sont encore aggravées
à cause de la guerre et de l'incapacité de l'occupant
à améliorer l'approvisionnement en biens de consommation
et de première nécessité, à remettre sur
pied le minimum d'infrastructures indispensables à la vie quotidienne.
Du fait de la famine, des émeutiers prennent pour cible les rares
magasins approvisionnés.
Des attaques de gangsters ont lieu contre les banques, tandis que la
gabegie et la spéculation en tous genres essaiment dans tout
le pays.
L'insécurité et l'instabilité se développent,
sous l'effet en particulier du terrorisme tous azimuts. Ce dernier frappe
essentiellement les forces américaines ou leurs alliés,
comme l'illustre l'attentat perpétré à Bagdad contre
l'ambassade de Jordanie. Mais il prend aussi pour cible les intérêts
économiques vitaux de l'Irak, comme des oléoducs acheminant
l'eau ou le pétrole.
Les troupes d'occupation paient quotidiennement un lourd tribut à
la défense des intérêts impérialistes de
la bourgeoisie américaine. C'est ce dont témoignent les
62 GI's qui ont trouvé la mort dans des attentats ou des embuscades
depuis la fin de la guerre. Terrorisées pour la plupart, les
troupes américaines terrorisent à leur tour la population
en générant à leur encontre une hostilité
croissante. L'effort de guerre américain, en dollars et en vies
humaines, est loin d'être achevé, d'autant plus que 78
GI's ont également été tués, dans des "accidents"
cette fois, depuis la "victoire".
Malgré le corset de fer qu'essaient de tisser les Etats-Unis
sur les débris de la société irakienne, c'est l'anarchie
la plus totale qui règne. Quant à une relève irakienne
relayant sur le terrain la domination américaine, elle risque
de se faire attendre aussi longtemps que la constitution d'un gouvernement
"démocratique", projet phare de la propagande de la
Maison Blanche et justification à la guerre. Bush a beau proclamer
que, jamais dans l'histoire, une coalition gouvernementale n'avait réuni
autant de partis différents que le "Conseil de Gouvernement
Provisoire", "preuve" s'il en est de sa volonté
de mettre en place la "démocratie", cette coalition
n'est en rien un squelette de gouvernement futur mais un véritable
panier de crabes. Les intérêts les plus divers et concurrents
s'y entredéchirent, sans souci aucun de l'intérêt
"national". Pire, certaines fractions pro-chiites présentes
en son sein sont de plus en plus enclines à mener un combat de
front contre l'Amérique, excluant ainsi de fait toute possibilité
pour que cette coalition puisse prétendre jouer le moindre rôle.
Quant à la terre promise, la reconstruction de l'Irak, elle prend
du plomb dans l'aile avec une évidence qui s'impose de plus en
plus : les revenus pétroliers escomptés ne pourront participer
à celle-ci que dans une proportion minime, à peine suffisante
pour financer la remise sur pied des installations pétrolières.
Se trouve donc posée la question de savoir qui va en supporter
le fardeau financier.
Ainsi donc, bien que parvenus à éliminer totalement l'influence
leur rivaux en Irak, les Etats-Unis se trouvent aujourd'hui prisonniers
de contradictions dont ils cherchent à sortir. L'occupation de
l'Irak est un gouffre financier et les pertes en vie humaines parmi
les troupes américaines vont à terme poser des problèmes
sérieux la bourgeoisie américaine. Celle-ci ne peut néanmoins
pas se désengager sans avoir stabilisé la situation à
son avantage, ce qui relève d'une gageure. Elle cherche donc
à impliquer d'autres puissances dans l'effort financier et militaire
tout en gardant le monopole du commandement, avec la Grande-Bretagne
dans le rôle de second couteau. Compte tenu de l'opposition française
et allemande à un retour de l'ONU comme simple banquier et pourvoyeur
de chair à canon, sans tenir les manettes de commande, la tension
monte à nouveau entre les principaux rivaux impérialistes.
Les attentats contre les GI's comme ceux frappant des personnalités
enclines à une coopération avec la Maison Blanche sont
destinés à faire monter la pression contre "l'envahisseur
yankee". Le piétinement actuel des Etats-Unis ne peut qu'encourager
dans leur la détermination tous les groupements agissant sur
place ou depuis les pays voisins hostiles à la présence
américaine. L'attentat contre un dignitaire chiite modéré
le 29 août à Nadjaf, avec ses 82 morts et 230 blessés,
est un coup supplémentaire porté à la crédibilité
de la bourgeoisie américaine concernant sa capacité à
parvenir à mettre en place une solution politique en Irak. Il
fait clairement le jeu des principaux rivaux des Etats-Unis, sans que
ceux-ci en soient nécessairement les commanditaires.
Tous les actes terroristes en Irak ne sont néanmoins pas dirigés
contre les intérêts américains comme l'a illustré
l'attentat contre le siège de l'ONU à Bagdad le 12 août
qui a tué plus de vingt personnes, dont le représentant
spécial en Irak du secrétaire général de
l'ONU, grand ami de la France (ses gardes du corps étaient tous
français et des éléments rapportés par les
médias montrent qu'il était particulièrement visé).
Sur bien des plans, cet attentat fait l'affaire des Etats-Unis. Bien
qu'il constitue une illustration supplémentaire de leur incapacité
à maintenir l'ordre dans ce pays, il vient néanmoins alimenter
fort à propos leur propagande selon laquelle "c'est en Irak
que se combat le terrorisme international qui, on le voit, n'est pas
dirigé uniquement contre les intérêts américains".
Il constitue aussi un prétexte pour faire pression sur les grandes
démocraties, rivales de Etats-Unis, afin qu'elles prennent leurs
responsabilités et s'engagent dans la cause de la pacification
et l'édification de l'Irak démocratique. Ce n'est certainement
pas une coïncidence si cet attentat intervient au moment où
la Grande-Bretagne et les Etats-Unis avaient déjà engagé
une démarche dans le sens de faire assumer par davantage de membres
de la "communauté internationale" le poids militaire
et économique de la situation en Irak. Néanmoins, la France
et l'Allemagne ont pu retourner la situation à leur profit en
invoquant l'impossibilité pour l'ONU de prendre une part plus
active sur le terrain humanitaire en Irak sans une association à
la direction des affaires de ce pays qui lui permette d'assurer la sécurité
de ses personnels. S'exprimant en ce sens, on a pu entendre la semaine
suivante le ministre des affaires étrangères français,
de Villepin, se répandre en un plaidoyer "pour une solution
politique" en Irak, relayé fortement par un Chirac qui appelait
devant 200 ambassadeurs à la fois au "transfert du pouvoir…aux
Irakiens eux-mêmes" et à la mise en œuvre "d'un
processus auquel les Nations Unies seules sont en mesure de donner toute
sa légitimité", le tout enrobé dans la dénonciation
de "l'unilatéralisme", à savoir des Etats-Unis.
Les contradictions auxquelles est soumise la bourgeoisie américaine
n'épargnent pas la bourgeoisie britannique, d'autant plus alarmée
qu'elle a peu à gagner dans cette alliance avec l'Oncle Sam.
Les péripéties autour de la mort de David Kelly, un des
principaux conseillers de l'ONU pour les questions des Armes de Destruction
Massives irakiennes, expriment l'existence un désaccord de fractions
significatives de la bourgeoisie anglaise avec la politique poursuivie
par Blair.
A proximité du bourbier irakien, Washington doit faire face
à une situation endémique qui perdure et s'aggrave depuis
des décennies maintenant, le conflit israélo-palestinien.
Aucun des plans de paix américains n'a pu jusqu'alors en venir
à bout. Il était cependant urgent et de la plus haute
importance que les Etats-Unis éliminent un foyer de tension à
même de cristalliser à l'encontre d'Israël et d'eux-mêmes
l'hostilité du monde arabe. La fameuse "feuille de route"
dont l'administration Bush est à l'origine a été
la marque de la détermination de Washington à contraindre
Israël à faire des concessions significatives. Avec elle,
il ne s'agissait plus cette fois de pourparlers entre Israël et
l'Autorité palestinienne comme à l'époque des accords
d'Oslo inaugurés par Clinton en 1993. C'était purement
et simplement une injonction de la Maison Blanche pour qu'Israël
ne fasse plus obstacle, sous quelque prétexte que ce soit, à
la création d'un Etat palestinien. Vis-à-vis du camp palestinien
adverse, les mêmes méthodes autoritaires ont été
employées pour éliminer tout ce qui apparaissait constituer
un obstacle à la solution finale. C'est ainsi qu'Arafat, jusqu'ici
un bon allié des Etats-Unis dans la mise en œuvre du processus
de paix, a été écarté au profit de son rival
Mahmoud Abbas. Malgré la pression de Bush, Sharon, tout en faisant
semblant d'accepter diverses trêves, a continué sa politique
d'ouverture des territoires palestiniens aux colons israéliens,
d'incursions meurtrières dans les territoires occupés
et d'assassinats des chefs du Hamas et du Djihad islamiste. Ces organisations
quant à elles n'attendaient que les provocations de l'Etat israélien
pour perpétrer une nouvelle série d'attentats anti-israéliens.
La "feuille de route" a réussi un temps à faire
baisser la tension, mais le nouvel embrasement actuel signe son échec.
Révélateur de cette situation de faiblesse de la diplomatie
musclée des Etats-Unis, Arafat fait une tentative de retour sur
le devant de la scène en se présentant comme un acteur
incontournable de la paix avec Israël. Aux difficultés grandissantes
de la Maison Blanche en Irak fait écho son impuissance à
influer sur le conflit israélo-palestinien.
A la veille du deuxième anniversaire de l'attentat contre les Twin Towers et du troisième anniversaire de l'Intifada en Palestine, la perspective qu'offre le capitalisme, tant aux populations des régions laminées par les guerres, soumises à la terreur et à une misère sans nom, qu'à l'ensemble de la planète, c'est toujours plus de chaos, toujours plus d'horreurs et de massacres.
Mulan (30 août)
Le
rassemblement du Larzac était prévu, au départ,
pour fêter le trentième anniversaire de la première
manifestation contre l'extension d'un camp militaire et, du même
coup, pour lancer la mobilisation des militants altermondialistes
contre le nouveau sommet de l'Organisation mondiale du commerce (OMC)
qui doit se tenir du 10 au 14 septembre à Cancun (Mexique).
Grâce à la grande médiatisation dont il a
bénéficié, "Larzac 2003" est devenu,
un Woodstock anti-OMC, mais aussi le carrefour de la contestation
sociale pour un grand nombre de militants de gauche, suite aux grèves
et manifestations massives du printemps dernier. Face au
questionnement réel d'un certain nombre d'éléments,
le CCI était présent sur place pour diffuser sa presse
et défendre les positions marxistes de la Gauche Communiste
face au poison de l'idéologie altermondialiste. Avec plus de
150 000 personnes, ce rassemblement est sans aucun doute un succès
pour la bourgeoisie, notamment pour ses partis de gauche, gauchistes
et syndicats, tous regroupés pour l'occasion derrière
le charismatique José Bové, que M. Mélenchon,
figure de proue du PS, décrit comme l'homme providentiel pour
ranimer l'idéologie de gauche bien mal en point : "Il
faut rendre grâce à José Bové de ce qu'il
fait pour notre pays et pour la gauche…C'est un véritable
cadeau du bon Dieu pour nous qu'il existe actuellement un mouvement
de contestation aussi puissant" (Le Monde du 14 août).
Jusqu'à présent José Bové et ses acolytes
de la nébuleuse alter-mondialiste s'étaient distingués
comme les pourfendeurs de la "mal bouffe", de la
"marchandisation" de la vie, des OGM, de l'OMC et ses
sommets, appelant avec des accents radicaux le peuple de gauche à
défendre les produits français, à défendre
le capital national contre l'ogre américain 1 [46].
Cette fois-ci, grâce au soutien du gouvernement, des partis
de gauche, des syndicats et des gauchistes, Bové, fraîchement
sorti de prison, après une arrestation "musclée"
largement médiatisée, s'est fait le porte-parole de
l'ensemble de la contestation sociale. La façon dont la
bourgeoisie française utilise le syndicaliste Bové
n'est pas sans rappeler d'ailleurs l'attitude du gouvernement
polonais en 1980 à l'égard de Lech Walesa, patron du
syndicat Solidarnosc. L'Etat l'emprisonne pour crédibiliser
son action et le libère quand la situation le nécessite.
En récompense de sa contribution décisive à la
défaite de la lutte des ouvriers polonais, Lech Walesa sera
élu prix Nobel de la paix, puis président de la
république en décembre 1990. Pour Bové ce
rassemblement du Larzac fait "la jonction entre le gigantesque
mouvement social du printemps et ceux qui refusent les projets de
l'OMC". (Le Monde du 10/11 août). La CGT surenchérit
par la bouche de sa responsable nationale, Gisèle Vidallet "le
rassemblement du Larzac ne fait pas la liaison entre les mouvements
sociaux du printemps et de l'automne, il en fait partie intégrante".
(La Dépêche du Midi du 10 août). Après
avoir joué la carte de la division syndicale lors des grèves
du printemps, provoquant la défaite de la classe ouvrière,
les syndicats continuent leur sale boulot et voudraient nous vendre
maintenant l'altermondialisation comme une expression politique du
combat de la classe ouvrière.
Ne nous laissons pas abuser !
La lutte de la classe ouvrière n'a rien à voir, de prés
ou de loin avec "Larzac 2003".
Depuis plusieurs années,
Bové et sa clique sont sponsorisés par la gauche
plurielle pour tenter de redorer le blason passablement terni de
celle-ci, suite aux attaques anti-ouvrières menées par
les différents gouvernements de gauche. Ce n'est pas un hasard
si les principaux dirigeants de l'altermondialisation sont issus des
partis de gauche 2 [47].
Ainsi, il n'y a rien de surprenant à ce que Bové
déjeune avec le président PS de la région
Midi-pyrénées durant "Larzac 2003", ni à
ce qu'il soit courtisé par le PCF et les Verts ou qu'il
s'acoquine avec les syndicalistes et les divers groupes gauchistes.
Bien qu'il s'en défende, se disant indépendant des
partis politiques, Bové, est le complice actif de cette gauche
anti-ouvrière qui lui verse même des subventions pour
organiser la kermesse du Larzac. C'est pour cela qu'il s'est empressé
de faire remonter le stand du PS, par le service d'ordre de la
Confédération Paysanne, démonté
pacifiquement par des militants du DAL, car ce même PS, avec la
bénédiction des élus de la LCR du conseil
régional de Midi-Pyrénées, lui a octroyé
une subvention de 50 000 euros.
N'en déplaise à ses
fans, Bové et sa clique ont beau nous promettre que "d'autres
mondes sont possibles", sa prestation sur le Larzac a pour
objectif de récupérer le maximum de mécontents,
notamment, les déçus des partis de gauche. C'est aussi
une tentative de dévoyer vers une impasse, la combativité
et la réflexion qui se sont développées dans la
classe ouvrière lors des luttes du printemps.
Après
l'échec des manifestations massives de la classe ouvrière
contre la réforme des retraites, "Larzac 2003"
représente une tentative de dénaturer et de diluer dans
une vaste mobilisation citoyenne de gauche ce que des centaines de
milliers d'ouvriers ont commencé à ressentir dans ce
mouvement : le fait d'appartenir à une classe, qui représente
une force lorsqu'elle lutte collectivement.
Ce que nous proposent
le citoyen Bové et ses compères, c'est de lutter contre
l'OMC et pour cela il faut un Etat fort qui sache défendre les
intérêts du pays, notamment des petits producteurs comme
les paysans ou autre catégorie de citoyens. Ceci n'a rien à
voir avec la lutte de la classe ouvrière. Pour défendre
leurs conditions d'existence, les ouvriers ne peuvent que s'affronter
à l'Etat qui prend les mesures d'austérité. Du
fait qu'elle est exploitée et qu'elle produit les richesses,
la classe ouvrière est la seule classe capable de s'unir par
et dans la lutte pour défendre ses intérêts de
classe et faire reculer les attaques du gouvernement. Le prolétariat
est la seule classe capable de donner une autre perspective à
l'humanité face à la barbarie capitaliste et pour
réaliser cela, il devra détruire l'Etat capitaliste.
Avec "Larzac 2003", la bourgeoisie cherche aussi, à
pourrir la réflexion et dissiper l'inquiétude qui
commence à se développer dans la classe ouvrière,
notamment sur le fait que le capitalisme n'a pas d'issue à sa
crise, que les attaques anti-ouvrières vont se poursuivre et
qu'il n'y a pas d'autre solution que de lutter. Cette stratégie
est dans la continuité de la pratique de la mouvance ATTAC.
Lors des grèves du printemps, ATTAC a été
largement sollicité par la gauche et les syndicats pour
expliquer aux ouvriers que le capitalisme n'est pas en crise, qu'il
suffit de faire pression sur l'Etat pour que celui-ci garde le
contrôle de l'économie et empêche les grandes
entreprises financières de s'accaparer les richesses du pays,
de détruire les services publics.
Certes, il ne s'agit pas
de nier le poids économique que représentent les grands
groupes industriels et financiers. Par contre, prétendre que
se sont les multinationales qui gouvernent la planète n'est
qu'une version frelatée des slogans populistes du PCF qui,
dans les années 1970, appelait le prolétariat à
lutter contre les 300 familles les plus riches du territoire
national.
Ce sont les Etats, quelle que soit la couleur de leur
gouvernement, qui prennent les mesures nécessaires pour faire
face à la lente agonie du capitalisme au niveau mondial. Et
c'est la classe ouvrière qui en fait les frais.
Les
ouvriers doivent rejeter le pacte que sont en train de conclure les
syndicats avec le mouvement altermondialiste, selon lequel toute
revendication ouvrière ne peut avoir pour débouché
politique que la lutte altermondialiste. Sous couvert de radicalité,
celui-ci tente de redonner corps à la propagande démocratique
selon laquelle "le capitalisme est réformable" ; il
suffirait d'un "bon contrôle citoyen" sur les
affaires du pays et celui-ci serait viable. C'est une nouvelle
escroquerie pour nous faire avaler ce que la gauche nous promet
chaque fois qu'elle est dans l'opposition : "un capitalisme à
visage plus humain". Lorsqu'elle est au gouvernement, elle
montre alors son vrai visage : une fraction bourgeoise qui défend
les intérêts du capital national et qui attaque sans
vergogne les conditions de vie du prolétariat.
S'il est
vrai que le prolétariat n'est pas le seul à subir les
conséquences des aberrations d'un capitalisme de plus en plus
criminel, il n'en reste pas moins vrai qu'il est le seul à
pouvoir développer la force et la conscience politique
permettant la transformation révolutionnaire de ce monde. Sur
son chemin, la classe ouvrière est confrontée au poison
de l'ennemi de classe et c'est l'ensemble des partis de gauche,
gauchistes et syndicats qui sont chargés de lui inoculer. Face
au nationalisme et au réformisme qui se cachent sous le label
altermondialiste, le prolétariat doit réaffirmer par la
lutte de classe qu'il est la seule classe révolutionnaire
capable de s'unir au niveau international pour renverser le
capitalisme moribond n'ayant aucune autre alternative que la barbarie
à offrir à l'humanité.
Donald (27 août)
1 [48] Lire "Mensonges autour du sommet de l'OMC à Seattle" dans Révolution Internationale n° 297
2 [49] Lire "José Bové, ATTAC et consorts, défenseurs du capital national" dans Révolution Internationale n° 304.
Le CCI a pris la décision d'interdire la présence à ses réunions publiques et à ses permanences des membres de la prétendue "Fraction interne" du CCI (FICCI) 1 [51]. C'est la première fois que notre organisation prend une décision de ce type et il est nécessaire qu'elle en fasse connaître publiquement les raisons face aux éléments et groupes du milieu politique prolétarien de même que devant l'ensemble de la classe ouvrière.
Cette décision fait suite à l'exclusion de ces mêmes membres de la FICCI lors de notre XVe congrès, au printemps 2003 2 [52] et résulte des motifs de cette exclusion : l'adoption par ces éléments d'une politique de mouchardage contre notre organisation.
Pour que les choses soient bien claires : ce n'est pas en soi parce que ces éléments ont été exclus du CCI qu'il ne peuvent pas participer à ses réunions publiques. Si le CCI était conduit à exclure un de ses membres à cause, par exemple, d'un mode de vie incompatible avec l'appartenance à une organisation communiste (comme la toxicomanie), il ne l'empêcherait pas ensuite de venir à ses réunions publiques.
C'est bien parce que ces éléments ont décidé de se comporter comme des mouchards que nous ne pouvons tolérer leur présence à celles-ci. Cette décision du CCI s'applique à tout individu qui se consacre à rendre publiques des informations pouvant faciliter le travail des services de répression de l'Etat bourgeois.
Notre décision n'a rien d'exceptionnel dans l'histoire des organisations du mouvement ouvrier. Celles-ci ont toujours eu comme principe d'écarter les mouchards pour préserver la sécurité des organisations révolutionnaires et de leurs militants 3 [53].
Bien que nous ayons déjà traité de la question dans les colonnes de notre presse (voir RI n°330 : "Les méthodes policières de la FICCI"), nous ne pouvons faire l'économie d'un bref rappel des faits qui ont déterminé le 15e Congrès à exclure les membres de cette prétendue "Fraction" :
1° La publication sur Internet de la date d'une conférence de la section du CCI au Mexique (dans le n°14 du "Bulletin" de la "Fraction"), une semaine avant la tenue de cette conférence. Cela signifiait que toutes les polices du monde pouvaient renforcer et cibler leurs contrôles et leur surveillance dans les aéroports et aux frontières (puisque notre presse a toujours signalé que des délégations internationales participaient à ce type de conférences). De plus, les membres de la FICCI savaient pertinemment que certains de nos camarades ont déjà, dans le passé, été directement victimes de la répression et que certains ont été contraints de fuir leur pays d'origine.
Face à notre dénonciation de leur comportement, les membres de la "Fraction" ont répondu que la publication était intervenue le même jour que la tenue de notre conférence et qu'il n'y avait pas là de quoi "fouetter un chat". Cette réponse est un mensonge éhonté qui peut être vérifié par n'importe qui sur le site Web de la "Fraction". Le n°14 de son bulletin est daté du 24 novembre 2002, c'est-à-dire 6 jours avant la date prévue de notre réunion interne. Le CCI lui-même a eu connaissance de cette publication le 26 novembre et il s'est alors interrogé sur l'opportunité d'envoyer certains de ses délégués à cette conférence 4 [54].
2° La publication des véritables initiales d'un de nos militants, attachées à son pseudonyme actuel. La "Fraction" ne pouvant nier les faits, a cherché à esquiver l'accusation : "Rappelons simplement ici que les initiales C.G. ont signé de nombreux articles dans Révolution internationale et dans la Revue internationale tout au long des années 1970. C'est sous les initiales de C.G. que le militant Peter d'aujourd'hui, est largement connu dans le camp prolétarien." (Bulletin de la FICCI n° 18) Que signifie la dernière phrase ? Que la FICCI voulait que les groupes du milieu politique prolétarien sachent bien QUI était ce Peter dont ses textes parlent en long, en large et en travers. On peut déjà se demander en quoi cette information permet à ces groupes de mieux comprendre les questions politiques qui sont posées. Mais même en supposant que ce soit le cas, la FICCI savait parfaitement que, de tous ces groupes, seul le BIPR connaissait C.G., ce même BIPR qui avait déjà été informé depuis sept mois de la véritable identité de Peter lors d'une réunion avec la FICCI (Cf. Bulletin de la FICCI n° 9). Pour ce qui concerne les autres groupes révolutionnaires (tel le PCI), contrairement à la police, ils ne savent tout simplement pas qui est C.G. Quant au fait que dans les années 70 de nombreux articles étaient signés C.G., c'est tout fait vrai, mais pourquoi ces initiales ont-elles disparu depuis plus de 20 ans de notre presse ? Les membres de la FICCI le savent parfaitement : parce que le CCI avait jugé que c'était faciliter le travail de la police que de publier les vraies initiales d'un militant. Si effectivement la FICCI avait estimé indispensable sur le plan politique de signaler comment le militant Peter signait ses articles, elle aurait pu indiquer ses signatures les plus récentes et non la plus ancienne. Mais ce n'était pas là son objectif : ce qu'il fallait, c'était "balancer" C.G. afin que les autres militants du CCI en prennent de la graine et sachent ce qu'il en coûtait que de combattre la FICCI. Les arguments filandreux de celle-ci pour tenter de justifier son forfait ne font que mettre en relief la mentalité de mouchards et de maîtres chanteurs qui s'empare de plus en plus de ses membres.
Au vu de ses bulletins, les ragots et les mouchardages sur le CCI et ses militants sont un des principaux fonds de commerce de la "Fraction" :
- dans le n°13 de son bulletin, on peut lire que le CCI a loué une "salle luxueuse" pour une réunion publique ;
- dans le n°18, nous trouvons un rapport détaillé sur une réunion publique du PCI-Le Prolétaire, où sont détaillés tous les faits et gestes de "Peter alias C.G.".
- dans le n°19, on revient à la charge sur Peter "qui diffusait seul" dans telle ou telle manifestation et on soulève une question "hautement politique" : "Enfin, et vous comprendrez que nous posions aussi cette question : où est Louise ? Absente des manifestations, absente des réunions publiques, est-elle de nouveau 'malade' ?".
En fait, la principale préoccupation des membres de la FICCI lors de leur participation aux manifestations et aux réunions publiques du CCI est de savoir QUI est absent, QUI est présent, QUI fait quoi et QUI dit quoi afin de pouvoir par la suite faire état publiquement de tous les faits et gestes de nos militants. C'est un travail digne des agents des Renseignements généraux ! Nous ne pouvons pas interdire aux membres de la FICCI de sillonner les manifestations de rue pour nous surveiller. En revanche, nous pouvons les empêcher de faire leur sale besogne de flicage dans nos réunions publiques. A ces dernières, ils n'ont pas la possibilité de s'exprimer depuis que nous avons exigé comme condition à leur prise parole qu'ils nous restituent d'abord l'argent volé au CCI. La seule raison motivant leur présence est la surveillance de type policier et le racolage des éléments intéressés par nos positions.
Une des illustrations les plus évidentes et irréfutables de la démarche policière de la FICCI nous la trouvons dans le texte "Une ultime mise au point" publié dans le n°14 de son bulletin où l'on peut lire : "Il faut d'abord savoir que ce texte [notre article "Le Parti communiste international à la remorque de la 'fraction' interne du CCI" publié dans RI 328] est de la main de CG, alias Peter, ce que prouve le style" (souligné par nous). Dans sa célèbre brochure "Ce que tout révolutionnaire devrait savoir sur la répression", Victor Serge conseille aux militants communistes de "Ne jamais oublier le : 'donnez-moi trois lignes de l'écriture d'un homme et je vous le ferai pendre', expression d'un axiome familier de toutes les polices." Aujourd'hui, alors que la plupart des textes sont directement saisis sur clavier, l'analyse du "style" d'un document constitue pour la police le meilleur moyen d'en identifier l'auteur et la FICCI lui apporte clairement ses bons et loyaux services.
Il faut préciser que nous n'avons pas de raison de penser que les membres de la "Fraction" sont payés par la police, à la ligne en quelque sorte, ni même qu'ils seraient "tenus" par elle. Mais en quoi le fait de moucharder gratis et de son plein gré pour ses raisons propres enlève quoi que ce soit de la gravité de l'acte?
Certains nous diront, peut-être, que toutes ces informations ne peuvent être d'aucune aide à la police. C'est ne rien comprendre aux méthodes de cette dernière, qui met à profit le moindre indice afin de maintenir à jour un organigramme complet des organisations de la classe ouvrière. Les procédés de la police sont très bien décrit par Victor Serge dans son étude de l'Okhrana russe. 5 [55] Pouvons-nous sérieusement imaginer que les Etats modernes sont moins au point en la matière que leur prédécesseur tsariste?
Il y en aura peut-être aussi pour nous dire que cette interdiction pour les membres de la FICCI ne sert à rien, puisque la police peut toujours envoyer un inconnu se renseigner dans nos réunions publiques. Cela est évidemment parfaitement vrai. Mais est-ce que ça veut dire pour autant que nous devons laisser faire lorsque des gens qui ont déjà démontré qu'ils sont prêts à publier n'importe quoi, qui ont déjà déclaré qu'ils ne se sentent tenus par aucune loyauté envers le CCI ni envers ses militants dont ils ont une connaissance détaillée, viennent dans nos réunions en remplissant leur calepins de copieuses notes? Est-ce que, en somme, nous devrions laisser venir des mouchards ouverts et avérés sous prétexte que nous ne pouvons pas détecter les mouchards cachés?
On pourrait nous objecter que les organes spéciaux de l'État bourgeois n'ont rien à faire des activités d'une toute petite organisation comme la nôtre. Toute l'histoire du mouvement ouvrier atteste que les services spécialisés de l'État bourgeois ne sous estiment jamais le danger potentiel que représentent les groupes révolutionnaires, aussi réduite que soit, à un moment donné, leur taille ou leur influence sur la classe ouvrière. D'ailleurs, malgré le fait que pour le moment l'État "démocratique" n'exerce pas en général la répression ouverte contre les groupes de la Gauche communiste, ces derniers ont déjà eu à subir des actions de répression (comme les perquisitions qui ont frappé le Parti Communiste International dans les années 1970). Le CCI lui-même n'a pas été épargné puisque certains de nos militants, y compris dans les pays les plus "démocratiques", ont fait l'objet de perquisitions, de gardes à vue, d'interrogatoires prolongés à des postes de frontière, de surveillances policières ostensibles en vue d'intimidation, d'actions de commando d'éléments armés probablement de mèche avec l'Etat. Tout cela, les membres de la "FICCI" le savaient parfaitement.
Une des grandes faiblesses des organisations révolutionnaires, et de leurs militants, aujourd'hui, c'est l'oubli de toutes ces mesures élémentaires de sécurité qui avaient permis aux organisations révolutionnaires du passé de maintenir leur activité et de faire face à la répression de l'Etat bourgeois qu'il soit démocratique ou "totalitaire". Aujourd'hui comme hier, les organisations révolutionnaires se doivent d'appliquer quelques règles élémentaires "d'hygiène politique" si on peut dire. Et l'une de ces règles consiste justement à chasser les mouchards de leurs lieux de réunion..
Le CCI (30 août)
1 [56] Il s'agit des éléments suivants : Aglaé, Alberto, Jonas, Juan, Leonardo, Olivier, Sergio, Vicente et éventuellement d'autres membres de la FICCI qui auraient adhéré récemment et qui soutiennent les comportements des précédents.
2 [57] Voir à ce sujet nos articles "XVe Congrès du CCI, Renforcer l'organisation face aux enjeux de la période" [58] dans la Revue internationale n° 114 et "Les méthodes policières de la FICCI" [59] dans Révolution internationale n° 330.
3 [60] Voir à ce propos notre article "Le combat des organisations révolutionnaires contre la provocation et la calomnie [61]", RI n° 321.
4 [62] Avant le Congrès qui a prononcé l'exclusion des membres de la "Fraction", nous avons écrit deux fois à chacun de ces anciens militants, leur demandant s'ils assumaient personnellement la publication de cette information, où s'il s'agissait d'une action avec laquelle ils n'étaient pas d'accord à titre individuel. Ils avaient donc largement la possibilité de revenir dessus. Comme on peut le constater dans leurs lettres de réponse, publiées sur leur site Web, nous n'avons reçu aucune réponse à cette question pourtant précise. Ce n'est qu'après le Congrès que nous pouvons lire que "c'est de bonne grâce que nous [la fraction] reconnaissons que nous aurions dû être plus attentifs en reproduisant votre lettre et en supprimer ce passage". Là aussi, c'est de l'hypocrisie pure : pour être publiée en français sur Internet, notre lettre a dû être traduite de l'espagnol. La "Fraction" a-t-elle fait cela en dormant ?
5 [63] "Ce que tout révolutionnaire devrait savoir sur la répression"
Depuis l'attaque énorme contre les retraites en France au printemps dernier, cela n'arrête pas. C'est une véritable déferlante ininterrompue d'attaques que la bourgeoisie et son gouvernement lancent contre toute la classe ouvrière. Déjà, ces attaques n'ont pas cessé pendant tout l'été et elles ont continué en redoublant encore de violence depuis la rentrée de septembre. Elles se sont succédées en n'épargnant aucune catégorie d'ouvriers, ni aucun secteur. Le gouvernement ne prend même plus de gants pour faire passer ses mesures anti-ouvrières. Jamais encore les prolétaires n'avaient dû subir si brutalement de tels coups de massue à répétition. Cela signifie, en premier lieu, que la crise économique mondiale connaît une telle accélération qu'elle ne laisse plus d'autre choix à la classe dominante que de cogner durement, de manière frontale et massive, à visage découvert. Mais c'est surtout la nature même des attaques que porte la bourgeoisie qui démontre que le système capitaliste se trouve dans une impasse, qu'il exprime sa faillite et révèle toutes ses contradictions en impliquant une détérioration dramatique des conditions de vie de toute la classe ouvrière.
Déjà, depuis plus de deux décennies,
la montée inexorable du chômage est le principal
révélateur de la faillite du capitalisme. L'attaque
contre les retraites du printemps en constituait une confirmation
édifiante. Aujourd'hui, l'attaque directement portée
contre les ouvriers licenciés et réduits au chômage
signifie non seulement que le capitalisme jette une masse croissante
de prolétaires à la rue mais qu'en plus, elle les
affame et les réduits à la misère, ouvrant la
voie à une paupérisation massive.
Des centaines de
milliers de familles ouvrières vont se retrouver brutalement
plongées dans la misère noire. Dès janvier 2004,
850 000 chômeurs seront directement frappés. Entre 130
et 250 000 perdront immédiatement leurs droits de toucher leur
allocation Assedic et, à terme, ce sont non seulement tous les
chômeurs mais toutes les futures victimes des licenciements qui
seront concernées.
En décembre 2002, un accord
cosigné par le patronat et les syndicats CGC, CFDT et CFTC
avait réduit la durée des allocations chômage
dans le but "d'équilibrer les comptes de l'Unedic"
(la caisse d'indemnisation des chômeurs), variables selon les
catégories et l'âge des chômeurs (de 30 à
23 mois pour les moins de 50 ans, de 45 à 36 mois au-delà)
en même temps qu'il augmentait les prélèvements
sur les salaires réservés au chômage de tous les
salariés. Mais ce n'est pas tout, car pour la première
fois, la bourgeoisie se permet une mise en application rétroactive
à cette attaque qui ne s'appliquera pas seulement aux nouveaux
chômeurs mais à tous ceux qui percevaient déjà
leur allocation sous le régime précédent qui
perdront du même coup entre 7 et 15 mois
d'allocations.
Aujourd'hui, c'est, à son tour, l'allocation
de solidarité spécifique (ASS) qui servait de
complément à l'Assedic (jusqu'ici versée sans
condition de durée au-delà de l'indemnisation de
l'Unedic aux chômeurs en fin de droits) que le gouvernement
prévoit de limiter à deux ans pour ceux qui vont tomber
dans cette catégorie à partir de 2004 et à trois
ans pour ceux qui bénéficiaient déjà de
l'ASS auparavant tandis que les plus âgés vont perdre
les 40% de majoration dont ils bénéficiaient jusque
là.
Cette allocation complémentaire, désormais
plafonnée à 925 euros de revenu par personne ou à
1500 euros pour un couple, indemnisant les ménages pouvant
justifier d'une activité salariée de cinq ans dans les
10 années précédant la mise au chômage,
allait de 13,56 euros par jour pour les moins de 55 ans à
19,47 euros pour les autres et était perçue par 420 000
personnes sur les 2,5 millions de chômeurs encore indemnisés.
Cette nouvelle mesure va condamner les chômeurs concernés
à vivre du seul RMI et à la clochardisation directe. Le
gouvernement ne va pas s'arrêter là. A l'horizon, se
prépare une refonte des organismes de chômage et
plusieurs ministres, de Sarkozy à Fillon ont déjà
annoncé qu'une fusion entre les agences pour l'emploi (ANPE,
où les chômeurs doivent à la fois pointer et se
voir contrôler) et les caisses d'allocation-chômage (les
Assedics regroupés dans l'Unedic) était à
l'étude, dans le but d'effectuer un filtrage encore plus serré
des chômeurs indemnisés.
Dans la foulée, le
gouvernement se prépare à modifier la législation
du travail rendant les contrats à durée déterminée
(CDD) plus "flexibles" et accentuant fortement leur
précarité. Au lieu de contrats d'une durée de 18
mois, ce seront désormais des contrats de "mission"
ou de "projet", autrement dit des contrats à durée
indéterminée, limités à l'accomplissement
d'un chantier, d'un programme précis ou d'une opération
ponctuelle. Les titulaires de ces contrats déjà
largement sous-payés pourront maintenant être débauchés
du jour au lendemain par n'importe quelle entreprise publique ou
privée.
En même temps, les restrictions annoncées
dans le budget 2004 poursuivent et intensifient les coupes claires
chez les fonctionnaires : 5000 emplois seront supprimés dans
les ministères, sans parler du blocage des salaires. Face à
cela, le gouvernement exerce un chantage de plus en plus ouvert : il
revient à la charge pour instaurer un salaire "au mérite"
indexé sur la notation des chefs de service qui conditionnera
également les promotions dans l'administration. Les coups
pleuvent tous azimuts : 900 bureaux de poste dans des zones rurales
sont en passe d'être supprimés tandis qu'à la
SNCF les recrutements sont à nouveau gelés et 2000
emplois seront supprimés.
Les plans de licenciements
continuent de plus belle. Dans tous les secteurs, dans toutes les
branches, dans toutes les régions, les entreprises de toutes
tailles ferment ou licencient, jetant chaque mois dehors de nouvelles
dizaines de milliers de prolétaires. Au cours du 1er semestre
2003, 28 410 entreprises ont été déclarées
en faillite en France et quelque 60 000 emplois dans le seul secteur
de l'industrie ont officiellement disparu. Ce sont autant de
prolétaires qui vont grossir les rangs des chômeurs et
se retrouvés exposés rapidement au sort de la majeure
partie d'entre eux, à la rue, sans abri.
Mais ce qui attend aussi les prolétaires, ce
n'est pas seulement de crever de faim, de froid ou de chaud en plus
grand nombre, c'est aussi de crever de maladie. C'est la perspective
ouverte par le projet de réforme de la Sécurité
Sociale, qui a déjà commencé à se
traduire concrètement par une série de mesures
drastiques.
L'étalement des chiffres et des statistiques
concernant le déficit de la Sécurité Sociale a
permis au gouvernement de relancer une grande campagne idéologique,
aidé par un rapport de la Cour des Comptes qui pointe "la
dérive des dépenses de santé", visant à
conditionner "l'opinion publique" pour faire admettre la
nécessité et l'inéluctabilité de cette
attaque. On pointe du doigt l'irresponsabilité et les abus, le
gaspillage des patients et des médecins, les arrêts de
travail trop fréquents qui seraient complaisamment délivrés
par les médecins, et, également, le coût du
vieillissement de la population.
Dès aujourd'hui, sont
imposées "des mesures d'urgence" censées
combler une partie du "trou". On voit aussitôt
émerger l'augmentation du forfait hospitalier de 10%, forfait
institué en 1983 par le "camarade ministre PCF de la
Santé", Jack Ralite et dont la dernière hausse
remontait à 1996, ainsi que la poursuite de la politique de
"déremboursement" des médicaments. La hausse
du prix du tabac de 20% le 20 octobre (qui sera suivi d'une autre de
1 euro par paquet au 1er janvier 2004) est également présentée
comme une mesure en faveur de la Sécurité Sociale. On
nous prévient déjà : cela ne suffira pas et de
nouvelles mesures sont envisagées. Le gouvernement s'arrange
pour nous dire : vous échappez à pire puisqu'on vous
épargne -pour l'instant- d'autres mesures comme la taxe de 50
cents par boîte de médicament délivrée, la
taxe d'un euro par feuille de soin, ou une augmentation de la CSG.
De
façon concomitante, la bourgeoisie exploite cyniquement les
méfaits de la canicule. La grande campagne lancée et
qui doit se traduire par un "plan gouvernemental" en
octobre fustige le comportement des familles envers les parents âgés,
qu'on abandonne chez elle, dans les maisons de retraite ou dans les
hôpitaux au lieu de les prendre en charge et de les soigner
dans un cadre familial. Mais la "trouvaille" la plus
percutante du programme de solidarité en faveur du troisième
âge est la suppression d'un jour férié par an
pour les salariés (probablement le lundi de Pentecôte).
Non
seulement la bourgeoisie démontre son incapacité à
entretenir les ouvriers à la retraite comme ceux qu'elle
licencie mais elle ne tolère plus les ouvriers malades et les
met dans l'impossibilité de se soigner. Ainsi, elle n'est même
plus capable de veiller à la reproduction de la force de
travail des ouvriers alors que, depuis l'aube du capitalisme, le
souci "social" le plus élémentaire de son
système d'exploitation était de veiller à ce que
l'ouvrier reste physiquement apte à revenir travailler le
lendemain pour assurer sa productivité.
La bourgeoisie profite actuellement de la moindre
occasion pour grappiller ici et là sur le dos des salariés.
Déjà, durant l'été, elle a profité
de la période estivale pour décider une série de
hausses sur tous les principaux services publics (eau, gaz,
électricité, téléphone, transports,...)
et sur les loyers.
Tous les moyens sont bons et on assiste à
une attaque directe au porte-monnaie : augmentation de 2,5 % de le
taxe d'habitation, hausse de 3 cents par litre du gazole et de
l'essence, amendes majorées pour des "infractions"
de toute nature etc.
Le gouvernement étale avec le plus
grand cynisme et une arrogance sans bornes son mépris du sort
des prolétaires. Mais s'il adopte une telle attitude, s'il
cherche à afficher au grand jour sa toute puissance et à
habituer la classe ouvrière à courber l'échine
sous les coups, c'est parce qu'il profite de la cuisante défaite
infligée à la classe ouvrière au printemps
dernier. Et cette défaite n'a été rendue
possible qu'avec la complicité des syndicats avec lesquels le
gouvernement s'est partagé le travail. Ce sont eux qui sont
les vrais responsables de la défaite, ayant épuisé
et dévoyé la combativité ouvrière,
notamment dans le secteur de l'Education nationale (voir notre
précédent numéro et notre tract diffusé
fin juin et reproduit dans RI 338) 1 [64].
Ces mêmes syndicats n'avaient pas cessé de brailler
pendant les mois d'été que "la rentrée
serait chaude" tout en baladant les ouvriers avec la lutte des
intermittents du spectacle et les rassemblements "citoyens"
des altermondialistes. Le fait qu'au plus fort des attaques ils
soient aujourd'hui remarquablement absents du devant de la scène
est une nouvelle preuve édifiante de leur complicité
avec le gouvernement.
Voilà ce qui attend la classe
ouvrière quand elle accepte de lutter derrière les
syndicats. Face aux attaques massives de la bourgeoisie, les ouvriers
n'auront pas d'autre choix que de riposter massivement. Mais pour
pouvoir se battre efficacement la classe ouvrière ne peut pas
faire l'économie de tirer les leçons de sa défaite
du printemps dernier et comprendre quels sont tous les ennemis
auxquels elle devra se confronter.
Wim (24 sept.)
1 [65] Il n'est pas surprenant d'ailleurs que le gouvernement puisse enfoncer le clou de la défaite la plus amère pour les salariés dans le secteur de l'Education avec le prélèvement intégral des jours de grève sur leur paie, y compris les samedis. Pour couronner le tout, le gouvernement se permet d'annoncer la suppression pour l'année prochaine de 2500 postes de professeurs stagiaires et de 1500 postes de titulaires dans les établissements secondaires.
Si depuis l'attentat du 11 septembre sur les Twin Towers à New York la barbarie guerrière ne connaît qu'une accélération continue, nous le devons en premier lieu à l'affrontement impérialiste devenu aujourd'hui permanent entre les plus grandes puissances capitalistes de ce monde en putréfaction. Il n'y a plus de pause possible dans l'horreur. Les tensions inter-impérialistes ont atteint un niveau tel que chaque grande puissance met à profit tout moment de faiblesse ponctuel de l'adversaire pour lui porter de nouveaux coups. Telle est la vie quotidienne du système capitaliste mondial, dans sa sénilité avancée. Après l'effondrement du bloc soviétique en 1989, la bourgeoisie mondiale nous promettait un avenir radieux. Les prolétaires du monde entier ne devaient plus s'en faire. Maintenant débarrassé du "communisme", le capitalisme allait répandre la paix et la concorde à la surface de la planète. En fait de paix, le monde a connu depuis plus de dix années l'enfoncement dans la barbarie. L'effondrement du bloc soviétique et l'éclatement du bloc américain ont ouvert la boîte de Pandore du déchaînement inter-impérialiste de tous contre tous, des plus petits aux plus puissants. "Dans la nouvelle période historique où nous sommes rentrés (...) le monde se présente comme une immense foire d'empoigne où jouera à fond la tendance au 'chacun pour soi', où les alliances entre Etats n'auront pas, loin de là, le caractère de stabilité qui caractérisait les blocs, mais seront dictées par les nécessités du moment. Un monde de désordre meurtrier, de chaos sanglant dans lequel le gendarme américain tentera de faire régner un minimum d'ordre par l'emploi de plus en plus massif et brutal de sa puissance militaire." ("Militarisme et décomposition", Revue Internationale n°64) L'impérialisme américain, dominant de manière écrasante le reste de la planète, se devait d'assurer son maintien de superpuissance unique depuis l'effondrement du bloc de l'Est. Il se devait de faire régner de par le monde son leadership et de se préserver, autant que possible, de toute remise en cause de la part des autres grandes puissances impérialistes rivales. L'attentat du 11 septembre à New York allait donner le prétexte qu'il lui fallait pour lancer sa fameuse campagne internationale anti-terroriste, autour de ce qui était dorénavant qualifié d'axe du Mal et qui comprenait essentiellement l'Irak, la Syrie, l'Iran et la Corée du Nord. En réalité la concrétisation de cette politique à travers la guerre en Afghanistan et en Irak avait un tout autre but. Il s'agissait pour les Etats-Unis de démontrer concrètement aux autres grandes puissances rivales (Allemagne, France et dans une moindre mesure Russie, Chine, Japon) leur incroyable supériorité militaire. Il s'agissait de faire passer un message clair et net : "Il y a un seul maître à bord, les Etats-Unis, et toute contestation de cet état de fait ne pourra qu'entraîner des représailles à la hauteur de l'affront subi."
La démonstration de force effectuée par les Etats-Unis en Irak, la facilité avec laquelle ils ont anéanti aux yeux du monde entier l'armée de Saddam Hussein pouvait laisser entrevoir une période de relative accalmie sur le front inter-impérialiste. Mais rien de tel ne s'est produit, contrairement à l'après-première guerre du Golfe. Il faut dire que depuis leur victoire militaire en Afghanistan et en Irak, les Etats-Unis ne cessent de s'engluer toujours plus profondément dans une situation de moins en moins contrôlable. Les attentats y deviennent presque monnaie courante. Chaque jour des soldats de la coalition et notamment des soldats américains se font tuer. Les Etats-Unis s'enlisent en Irak, leur impuissance pour y établir un minimum de sécurité et de reconstruction se montre au grand jour. Les 170 000 soldats américains ne suffisent pas, au minimum 10 000 soldats de plus sont demandés. Le coût humain et financier exorbitant de la guerre en Irak a obligé les Etats-Unis a proposé une nouvelle résolution à l'ONU, celle-ci demandant aide militaire et financière aux grandes puissances rivales ! La réponse ne s'est pas fait attendre. The Irish Times, cité par le Courrier International résume bien la question : "La France et l'Allemagne divergent des Etats-Unis sur le futur de l'Irak" et le Financial Times de dire : "Les Américains affrontent une opposition européenne sur le plan de paix en Irak." Hypocritement, les dirigeants français et allemands font valoir qu'en l'état actuel des choses le projet de résolution n'est pas assez abouti et Gerhard Schröder d'avancer : "La proposition américaine n'est ni assez dynamique, ni suffisante" et Jacques Chirac de surenchérir : "le plus urgent est de transférer rapidement la responsabilité politique à un gouvernement irakien." Tout est bon à ces crapules capitalistes pour mettre encore plus dans l'embarras le bandit rival. Le sort de la population irakienne ou des soldats tués, ils s'en moquent totalement. Ce qui compte, ce sont les coups portés à l'impérialiste rival. C'est cela et rien d'autre que les prolétaires doivent comprendre. Les Etats-Unis sont maintenant en grande difficulté en Afghanistan et en Irak, mais comme le dit le titre de The Independant : "Les Etats-Unis ne sont pas encore assez désespérés pour imaginer de confier à l'ONU le pouvoir de gérer ses troupes." Soyons sûrs que la France ou l'Allemagne entre autres feront tout pour que les Etats-Unis s'enlisent au maximum en Irak. Soyons sûrs que les Etats-Unis feront tout pour faire payer dans un très proche avenir cette nouvelle contestation de leur leadership. Une réelle stabilisation de l'Irak nécessiterait que les grandes puissances abandonnent leurs velléités impérialistes grandissantes. Cela nécessiterait la coopération des impérialismes des pays du Sud-Ouest asiatique, région limitée par le Caucase, la Turquie, l'Iran et l'Egypte. Tout cela relève de l'utopie la plus totale, c'est exactement l'inverse qui va se passer : cette région ne peut s'enfoncer que dans un chaos grandissant.
Le 2 septembre dernier, Yasser Arafat a déclaré à CNN que "la feuille de route n'existait plus." Le Moyen-Orient connaît une nouvelle vague de violence, d'assassinats et d'attentats. Dans cette région du monde qui connaît la guerre, en fait depuis la création du "foyer national Juif" en Palestine en 1920, cela paraîtrait presque banal. Pourtant cela fait maintenant plus de six mois que l'impérialisme américain embourbé en Irak tente de faire pression sur l'Autorité palestinienne, mais surtout sur Ariel Sharon pour que celui-ci accepte cette fameuse feuille de route, et donc reconnaisse la création d'un Etat palestinien autonome. Peine perdue, le premier ministre Mhamoud Abbas, alias Abou Mazen a dû démissionner. Celui-ci a expliqué son départ en raison des divergences avec le président Yasser Arafat. Il a également mentionné la tiédeur de l'aide américaine pour soutenir "le processus de paix." La décomposition du capitalisme n'offre de fait qu'une seule perspective, celle de la logique de l'affrontement. Depuis l'attentat suicide palestinien à Jérusalem du 19 août, l'Etat israélien a de son coté mené plusieurs attaques de missiles héliportés dans les territoires occupés. Enfin le 6 septembre, le gouvernement Sharon tente de liquider le chef spirituel du Hamas, mettant en effervescence les rues palestiniennes. Les propos de Sharon "d'éliminer politiquement" Yasser Arafat, tout en crédibilisant le leader palestinien, s'inscrivent dans une montée irrésistible de la violence et de la guerre au Moyen-Orient. Et ce n'est pas la nomination au poste de premier ministre d'Ahmed Qorei, alias Abou Alaa, "ami d'Arafat" qui va calmer la situation. Parallèlement à la dégradation politique au Moyen-Orient, l'escalade militaire est évidente. L'échec de la "feuille de route" américaine est patente, les difficultés que rencontrent les Etats-Unis à contrôler le gouvernement Sharon et l'Etat israélien (qui est le plus fidèle allié des américains) est la meilleure illustration des difficultés croissantes des Etats-Unis à imposer leur loi sur la scène impérialiste mondiale.
Les tentatives incessantes de la superpuissance américaine d'imposer son autorité se traduisent aujourd'hui par un déploiement militaire gigantesque qui s'étend des confins de la Russie et de la Chine à tous les pays du Moyen-Orient excepté la Lybie, la Syrie et l'Iran. Jamais une superpuissance n'aura dominé militairement une telle étendue géographique. De l'Afrique au Pacifique, l'impérialisme américain impose sa puissance militaire. Mais loin de stabiliser le monde, chaque coup de force militaire des Etats-Unis renforce inévitablement le chaos et l'instabilité. Ainsi en va-t-il des deux dernières guerres menées dernièrement par la Maison Blanche. A Kaboul, Ahmed Karzai et l'armée américaine sont impuissants face aux guerres incessantes que se livrent les différentes ethnies et autres chefs de guerre. En Irak, chaque jour apporte son lot croissant de misère et de désolation pour la population, d'assassinats et d'actes de guerre toujours plus nombreux. Tout pas en avant sur le terrain militaire effectué par les Etats-Unis provoque immédiatement une réaction de bon nombre des autres grandes puissances impérialistes de ce monde. Les Etats-Unis sont pour le moment en difficulté. La France, l'Allemagne, la Russie et d'autres encore ne manquent pas de saisir tous les moments de faiblesse de l'Oncle Sam pour essayer de les accentuer au maximum. Il n'y a plus de règles dans cette période de décomposition avancée du capitalisme. La situation actuelle le démontre encore clairement. Chacun défend ses intérêts et passe les alliances qui lui sont les plus favorables sur le moment. Mais les Etats-Unis ne pourront en aucun cas en rester là. Plus ils seront contestés, attaqués dans leur rôle de superpuissance dominatrice, plus ils auront recours inévitablement à ce qui fait leur force : la puissance militaire. Laisser à sa seule logique le capitalisme en putréfaction ne nous promet que toujours plus de barbarie, de chaos et de conflits guerriers.
Tino (24 septembre)En quelques années seulement, le mouvement "alter-mondialiste" a pris une ampleur et occupé une place importante dans le dispositif "contestataire" au niveau mondial. Depuis sa naissance autour du Monde Diplomatique, le mouvement est arrivé aujourd'hui à englober une contestation multiforme, largement ouverte, cherchant la caution scientifique de "spécialistes" tout en n'oubliant pas d'afficher sa radicalité par quelques actions d'éclat devant la presse : affrontement avec la police, regroupement autour d'évènements d'envergure comme le contre-sommet de Larzac 2003 made in José Bové.
Tout, dans ses discours, ses écrits et ses revendications veut donner l'impression que l'altermondialisme porte une nouvelle théorie de l'analyse du monde actuel et qu'il offre à la fois la compréhension de tous ses dysfonctionnements et de la base à leur dépassement. Témoin de cette ambition, aujourd'hui le mouvement ne se limite plus à contester, ce que montre la transformation de son nom d'anti-mondialisation en alter-mondialisation. Désormais, le mouvement propose aussi. Il propose une alternative et une perspective, un autre monde possible.
Au delà de l'inanité de ses théories "scientifiques", le plus important reste de montrer en quoi ce mouvement est une émanation idéologique de la bourgeoisie, s'intégrant parfaitement dans son paysage politique, et dont la mission est de détourner toute tentative de la classe ouvrière pour comprendre le monde et en tirer les conséquences en terme de perspective, pour les ramener sur le terrain bourgeois de la défense de la démocratie, de l'Etat, etc. Il faut clairement dénoncer ce caractère anti-prolétarien et montrer en quoi il représente aujourd'hui un réel danger pour la classe ouvrière.
L'analyse des altermondialistes part d'une dénonciation du monde libéral qu'ont construit les grandes puissances dans les années 1980 et qui a mis le monde entre les mains des grandes firmes multinationales, offrant à leurs profits des ressources et services qui échappaient auparavant à leur emprise, voire au monde marchand : l'agriculture, mais aussi les ressources naturelles, l'éducation, la culture, etc. De là est venue une standardisation de produits telle la nourriture (la fameuse malbouffe) et un processus de marchandisation, de la culture par exemple.
Cette domination globale a conduit le monde à s'orienter sur la logique de profit et à se soumettre à la dictature du marché. Cette dictature retire le pouvoir politique des mains des Etats, et donc des citoyens : le gouvernement du monde par les multinationales est donc l'atteinte majeure faite à la démocratie.
Pour les alter-mondialistes, donc, "le monde n'est pas une marchandise", la loi du marché ne doit pas guider les orientations politiques. Celles-ci doivent revenir dans les mains légitimes des citoyens, et cette perspective doit guider chacun dans la défense de la démocratie contre le diktat financier.
Voyons quelle valeur on peut donner à cette analyse rapidement brossée ci-dessus. Disons-le tout de suite : les alter-mondialistes ont redécouvert la lune. En effet, quelle découverte que celle du fait que les entreprises capitalistes ne recherchent que le profit ! Quelle découverte que celle du fait que dans le capitalisme, tout bien se transforme en marchandise ! Quelle découverte, enfin, que celle du fait que le développement du capitalisme entraîne la mondialisation des échanges ! Le mouvement ouvrier n'a pas attendu les années 1990 et ces grosses têtes universitaires pour en faire l'analyse : tout est déjà dans le Manifeste Communiste, publié la première fois en 1848 :
"Elle [ la bourgeoisie] a dissout la liberté de la personne dans la valeur d'échange, et aux innombrables franchises garanties et bien acquises, elle a substitué une liberté unique et sans vergogne : le libre-échange (…) La bourgeoisie a dépouillé de leur sainte auréole toutes les activités jusqu'alors vénérables et considérées avec un pieu respect. Elle a changé en salariés à ses gages le médecin, le juriste, le prêtre, le poète, l'homme de science."
"poussée par le besoin de débouchés toujours plus larges pour ses produits, la bourgeoisie envahit toute la surface du globe. Partout elle s'incruste, partout il lui faut bâtir, partout elle établit des relations."
"En exploitant le marché mondial, la bourgeoisie a donné une forme cosmopolite à la production et à la consommation de tous les pays. Au grand regret des réactionnaires, elle a déroulé le marché mondial sous les pieds de l'industrie".
Ainsi, les altermondialistes peuvent parler d'un autre monde sans même une seule fois faire référence à deux siècles de lutte et de construction théorique par la classe ouvrière à propos justement de cet autre monde. Et pour cause : cet autre monde proposé par les alter-mondialistes s'appuie sur la période qui va des années 1930 à la fin des années 1970, période qui pour eux constitue un moindre mal par rapport à la libéralisation qui a débuté au début des années 1980, en ce sens que l'Etat y avait une place importante d'acteur économique direct (ce qui résulte de l'application des préceptes de l'économiste anglais Keynes).
Cependant, "préférer" les années 1930-1970, c'est passer l'éponge un peu vite sur un certain nombre de caractéristiques de cette période.
C'est notamment "oublier" la deuxième guerre mondiale, "oublier" que la politique keynésienne aura été incapable de résoudre la crise de 1929, laissant la plupart des pays occidentaux à la fin des années 1930 avec un chômage massif et une production stagnante voire en baisse, "oublier" la situation catastrophique de la classe ouvrière après la guerre et ce pendant plusieurs années, "oublier" que sur cette période, pas un seul jour ne s'est déroulé sans guerre, faisant parmi les populations des dizaines de millions de morts.
C'est "oublier" aussi et surtout qu'à la fin des années soixante, le capitalisme tombe dans une crise qui engendrera un développement inexorable du chômage.
Voilà à quoi ressemblait ce monde qu'il ne fallait pas changer ! Voilà l'exemple que nous donnent les alter-mondialistes d'un "paradis perdu" à retrouver, que la libéralisation des années 1980 a anéanti !
De tels "oublis", qui bien sûr n'en sont pas, sont en fin de compte le fondement d'une manipulation idéologique classique de la bourgeoisie : celle qui consiste à systématiquement opposer deux alternatives en apparences contraires, mais dont aucune ne sort du cadre capitaliste.
Un des exemples de cette fausse alternative réside dans l'argument selon lequel l'Etat s'est retiré de l'économie, laissant le terrain libre aux firmes qui dès lors sabordent l'intérêt général et la démocratie. Cet argument laisse pantois. En effet, jamais l'Etat n'aura été aussi présent dans l'économie qu'aujourd'hui ! C'est lui qui régente les échanges mondiaux en fixant les taux d'intérêt, les barrières douanières, etc. Il est lui-même un acteur économique incontournable, avec une dépense publique qui ne cesse de prendre une part toujours plus importante dans le PIB et des déficits budgétaires toujours plus présents ! Voilà l'Etat "impuissant", "absent" : dans le pays montré en modèle de libéralisme, les Etats-Unis. Bien malin serait celui qui pourrait citer un secteur économique, politique, social, dans lequel l'Etat n'a pas un rôle important voire prépondérant.
L'Etat n'est pas le garant d'un monde meilleur, où les richesses seraient mieux réparties : c'est lui qui fait ce monde, par la guerre, les attaques sur les conditions de vie des ouvriers en réduisant les pensions, les couvertures sociales, etc. C'est lui qui saigne la classe ouvrière pour tenir sous les coups de la crise de son système !
Ce que recherchent ici les alter-mondialistes, c'est de laisser un seul choix possible à ceux qui mettent en question la situation mondiale : soit le libéralisme sauvage, soit le capitalisme d'Etat. Cette fausse alternative fait écran à la seule alternative possible : socialisme ou barbarie.
La source des guerres, de la misère, du chômage, ce n'est pas une soi-disant révolution libérale imposée par des firmes surpuissantes, mais bien la crise du capitalisme, une crise mortelle qu'aucune option politique de la bourgeoisie, du keynésianisme au libéralisme, n'a pu enrayer et ne pourra enrayer.
Pour autant, les altermondialistes, tout en criant leur "anticapitalisme", se limitent à dénoncer les excès de ce monde et à émettre des propositions de réformes destinées à sauvegarder la démocratie "en danger".
Les propositions des altermondialistes pour un "autre monde" révèlent un aspect important de cette idéologie. En effet, derrière ce qui semble être un patchwork de propositions, se dessine un point commun qui ne doit pas nous étonner : toutes ces idées annoncées comme nouvelles ne sont qu'une resucée du traditionnel réformisme de gauche que le mouvement ouvrier n'a de cesse de combattre.
Arrêtons-nous d'abord sur la promotion de l'économie solidaire, autrement dit la généralisation à toute la planète d'expériences d'autogestion et de coopératives qui chaque fois se résument à l'auto-exploitation des ouvriers. Derrière cette idée, il y a fondamentalement la question de l'initiative citoyenne selon laquelle chaque individu peut participer à l'amélioration des conditions de vie dans le monde. Cette conception nie la division de la société en classe et livre les prolétaires pieds et poings liés à la bourgeoisie en qualité de citoyens. Ainsi, engagés dans les méandres de la démocratie participative, les ouvriers devenus citoyens s'éloignent de leur prise de conscience en tant que classe, leur combat représentent la seule issue à la barbarie actuelle.
De même, l'idée d'une meilleure répartition et d'une meilleure gestion de l'économie est une illustration exemplaire de la remise à neuf que les altermondialistes opèrent sur le réformisme. En effet, cette idée, c'est celle des sociaux-démocrates depuis des décennies, celle d'une meilleure répartition des fruits de la croissance. Ce discours nie délibérément que le capitalisme est en crise et que la bourgeoisie n'en est pas à répartir les fruits de la croissance, mais à faire payer les pots cassés de la crise à la classe ouvrière.
Mais surtout, on en revient toujours aux mêmes questions : en effet, qui peut assurer cette meilleure répartition, meilleure que le marché, sinon l'Etat ? Derrière ces questions de répartition, se trouve donc un élément essentiel de la propagande altermondialiste : celle de la défense de l'Etat et du service public. Voilà le discours neuf ; celui du capitalisme d'Etat à la mode stalinienne, juste remis au goût du jour par un vernis scientifique.
Finalement, derrière cette défense de l'Etat comme acteur de la vie sociale, il y a fondamentalement une défense de la démocratie, contre la dictature des multinationales.
Dernier aspect qu'il nous faut pointer, c'est le prétendu internationalisme du mouvement altermondialiste. Certes, des organisations existent dans plusieurs pays, et sont en relation entre elles. Leurs orientations sont communes. Pour autant, on cherchera longtemps le rapport avec l'internationalisme prolétarien selon lequel tous les ouvriers à travers le monde ont les mêmes intérêts et qu'en cela ils forment une unité qui constitue un élément fondamental dans le rapport des forces avec la bourgeoisie.
Ce qui unit les altermondialistes n'est qu'une opposition systématique aux Etats-Unis. Fondamentalement, leur action est anti-américaine. Chaque fois, ce qui est visé dans la dénonciation des travers du marché mondial, c'est la domination américaine sur ce marché. Et dans la revendication d'un Etat plus fort, il y a avant tout la revendication d'Etats concurrents pour entraver au maximum le leadership des Etats-Unis. Là encore, les altermondialistes se placent à la remorque de l'Etat et invitent la classe ouvrière à abandonner tout principe internationaliste, toute unité et solidarité de classe, et à les suivre dans le nationalisme, qui a toujours conduit à faire du prolétariat la chair à canon de l'impérialisme.
Le fait que des thèmes réformistes aussi anciens soient dépoussiérés de la sorte par la bourgeoisie doit nous interroger sur les mobiles de la classe dominante : pourquoi a-t-elle poussé à ce point le mouvement altermondialistes sur le devant de la scène ?
La réponse se trouve à deux niveaux. D'abord, l'idéologie démocratique se fonde avant tout sur une opposition politique : l'électeur citoyen doit pouvoir choisir entre deux options qui doivent s'opposer significativement. Les expériences de la gauche au pouvoir ont amoindri la force de cette alternative et l'effondrement de l'URSS a coulé la perspective stalinienne. Face à une droite qui cogne, face à une gauche accusée de trahir ses principes quand elle est au pouvoir, la bourgeoisie doit pouvoir redorer le blason de son idéologie de gauche. L'altermondialisme fournit une explication et une alternative "crédible". La revendication d'une "vraie gauche" peut ainsi s'y retrouver, et exploiter ses vieilles recettes, tout particulièrement la critique des excès du capitalisme, évitant de critiquer le capitalisme en lui-même.
Ensuite, le développement de ce mouvement manifeste l'intérêt que porte la bourgeoisie au développement de la prise de conscience de la classe ouvrière. Il existe actuellement au sein du prolétariat une émergence d'éléments en recherche de cohérence politique face au tableau qu'offre la planète. Cette génération n'est en général que peu, voire pas du tout politisée, et en ce sens, largement méfiante à l'égard des appareils classiques de la bourgeoisie.
Par sa structure multiforme, politique de quasiment tous bords, associative, syndicale, libertaire, le mouvement altermondialiste est un moyen d'attirer les éléments en recherche dans le giron bourgeois. En cela, il détourne leurs questionnements légitimes vers les impasses classiques de la gauche et du gauchisme, cachant ainsi la seule perspective capable de dépasser l'inéluctable destruction de l'humanité offerte par le capitalisme, la société communiste, dont l'unique porteur est le prolétariat Il masque aussi que, dans son combat contre le capitalisme, la classe ouvrière sera amenée, non pas à défendre l'Etat, la gauche, la démocratie, mais bien à les combattre sans la moindre illusion sur leur nature bourgeoise.
C'est en comprenant la vraie nature de ce mouvement que le prolétariat pourra se dégager de ce carcan mortel et retrouver le chemin de la seule perspective possible pour l'humanité : celle de la révolution, celle du communisme.
L'aggravation de la crise économique mondiale a fait revenir depuis cinq ans la question du rôle de l'Etat dans l'économie sur le devant de la scène. En effet, son intervention est appelée avec insistance par certains secteurs de la bourgeoisie pour réglementer et relancer l'activité économique. Pour la gauche et les tenants du "plus d'Etat", des plus modérés style Jospin aux plus "radicaux" style trotskistes et staliniens, prônant la mise en place de mesures d'étatisation de la société comme à l'Est avant la chute du stalinisme, la crise actuelle serait avant tout celle du libéralisme. Un tel mensonge est en réalité destiné à masquer aux exploités la faillite du système qui s'exprime en particulier par la tendance inexorable du capitalisme depuis le début du siècle au développement du capitalisme d'Etat. Ce développement, s'il permet d'aplanir certaines contradictions du système, ne constitue en rien une solution à celles-ci.
La bourgeoisie essaie de nous rejouer le même air qu'au début
des années 1990 où, en pleine récession, elle rejetait
la responsabilité de celle-ci sur les fractions libérales
jusque là au pouvoir dans les plus grands pays industrialisés.
Elle doit absolument trouver des thèmes de mystification présentant
aux exploités une prétendue alternative, au sein du système,
afin de limiter les possibilités de remise en question de celui-ci.
Ainsi, afin d'éviter que l'aggravation de la crise et des attaques
ne favorisent au sein de la classe ouvrière une remise en cause
en profondeur du système, les fractions de gauche et d'extrême
gauche de la bourgeoisie cherchent à intoxiquer la conscience
des prolétaires en proclamant que les des solutions sont possibles
en redonnant notamment à l'Etat un rôle plus central que
le libéralisme lui aurait prétendument confisqué.
Or, c'est justement l'Etat lui-même, qu'il soit géré
par des partis de droite ou de gauche, qui orchestre les attaques les
plus massives depuis la fin des années soixante. C'est dans le
but de masquer cette réalité qu'on tente aujourd'hui de
raviver l'illusion que plus d'Etat, c'est, malgré tout, plus
de justice et de social. Toutes les démarches des Etats pour
sauver des entreprises, comme celle du gouvernement français
afin de faire sortir Alstom de la plongée dans la faillite totale
n'ont rien de social. En témoigne la prévision maintenue
de 3850 licenciements à Alstom en France ou bien des 10 500 à
venir dans quinze des banques japonaises qui perçoivent des fonds
publics.
L'Etat, garant de l'ordre social, est à la pointe de la défense
des intérêts de toute la bourgeoisie contre la classe ouvrière
et c'est donc lui qui les prend en charge.
Cette intervention grandissante de l'Etat dans l'économie n'est
nullement une nouveauté, celui-ci s'étant trouvé
être le principal acteur des sauvetages les plus spectaculaires
d'établissements financiers. Ainsi, par exemple, au début
des années 1990, c'est au contribuable américain que le
gouvernement du très libéral Bush a confié le soin
de renflouer les caisses d'épargne en faillite. Lors de la plongée
dans la crise de 1998, on a pu voir l'Etat japonais voler au secours
des institutions bancaires pour leur éviter la faillite. En septembre
de la même année, la Réserve fédérale
américaine, la toute-puissante FED, a fait de même en organisant
le sauvetage du fonds d'arbitrage "Long Term Capital Management",
au bord du dépôt de bilan.
Ce rôle central de l'Etat pour éviter des catastrophes
économiques constitue l'expression d'une loi générale
qui concerne autant le libéralisme qu'elle concernait feu le
stalinisme. Celle-ci, caractéristique du capitalisme décadent,
consiste à recourir à la force étatique pour faire
fonctionner une machine économique qui, spontanément,
livrée à elle-même, serait condamnée à
la paralysie, du fait de ses contradictions internes.
Depuis la Première Guerre mondiale, depuis que la survie de chaque
nation dépend de sa capacité à se faire une place
par la force dans un marché mondial devenu trop étroit,
l'économie capitaliste n'a cessé de s'étatiser
en permanence. Dans le capitalisme décadent, la tendance au capitalisme
d'Etat est une tendance universelle. Suivant les pays, suivant les périodes
historiques, cette tendance s'est concrétisée à
des rythmes et sous des formes plus ou moins accentués. Mais
elle n'a pas cessé de progresser, au point de faire de la machine
étatique le coeur même de la vie économique et sociale
de toutes les nations.
Le militarisme allemand du début du siècle, le stalinisme,
le fascisme des années 1930, les grands travaux du New Deal aux
Etats-Unis au lendemain de la dépression économique de
1929 ou ceux du Front populaire en France à la même époque,
ne sont que des manifestations d'un même mouvement d'étatisation
de la vie sociale. De même, les politiques de reconstruction après
la Seconde Guerre mondiale ont été prises en charge par
l'Etat avec, dans beaucoup de pays, y compris la libérale Grande-Bretagne,
la nationalisation de secteurs clés de l'économie. Et
depuis la réapparition de la crise ouverte à la fin des
années 60, c'est encore l'Etat qui prend en charge les politiques
de fuite en avant dans l'endettement ou de recours à la planche
à billets. Dans le capitalisme décadent, chaque pays doit
tricher avec la loi de la valeur s'il ne veut pas voir son économie
se désagréger sous le poids de contradictions insurmontables.
Ainsi, par exemple, les pays dits socialistes ont dû, pour survivre
malgré leur arriération économique, s'isoler du
marché mondial et pratiquer une politique de prix totalement
déconnectée de celui-ci. Autre exemple qui s'est trouvé
au centre des désaccords du récent sommet de Cancun, celui
de la politique de soutien complètement artificiel à son
agriculture menée par les pays de la PAC (Politique agricole
commune) européenne de façon à ce que cette dernière
reste compétitive et puisse se vendre sur le marché mondial.
Aux Etats-Unis, les "reaganomics", supposés constituer
un retour à un capitalisme "libéral", moins
étatisé, n'ont pas interrompu cette tendance à
l'emprise croissante de l'Etat dans la vie économique. Au contraire,
le "miracle" de la reprise américaine au cours des
années 1980 n'a pas eu d'autre fondement qu'un doublement du
déficit de l'Etat et une augmentation spectaculaire des dépenses
d'armements commandés par l'Etat.
De même, les politiques de "dérégulation"
et "privatisations" destinées à renforcer la
compétitivité nationale et appliquées pendant ces
années dans l'ensemble des pays industrialisés, ont été
décidées par l'Etat qui en a retiré également
un certain nombre d'avantages. Sur le plan social, elles ont facilité
le recours aux licenciements, puisqu'en apparence la responsabilité
n'en revenait plus en propre à l'Etat mais se trouvait diluée
sur autant de capitalistes privés.
Ainsi, non seulement l'Etat a-t-il une place prépondérante
au sein de l'économie nationale, en tant que principal client
et employeur de celle-ci, mais il détient entre ses mains un
ensemble de prérogatives qui lui en permettent le contrôle
absolu : il est le principal pourvoyeur de crédit et c'est lui
qui fixe le coût de tous les emprunts ; il édicte les règles
de la concurrence entre les différents agents économiques
au sein du pays et lui seul est en mesure de négocier de telles
règles vis-à-vis des autres pays ; il est le vecteur obligé
de l'obtention de gros contrats à l'export ; il détient
les moyens de faire ou défaire des montages et rachats industriels
et financiers ; il décide des nationalisations ou privatisations
; il fixe les impôts, gère le budget et édicte le
code du travail, instrument au service du capital pour organiser l'exploitation
et dont dépend la compétitivité du capital national.
A ce titre, le budget 2004 du gouvernement Raffarin est tout à
fait éloquent : c'est l'Etat qui désigne les priorités
de la politique économique, priorités visant à
stimuler la production en baissant les coûts de production, celui
de la main-d'œuvre au premier chef. L'orientation décidée
du gouvernement français en direction des chômeurs, sur
les retraites et la Sécurité Sociale met en évidence
comment l'Etat prend en charge la politique concertée d'attaques
antiouvrières, de même que les plans de licenciements approuvées
sinon carrément concoctées, même dans les entreprises
centrales du secteur privé, par l'Etat lui-même.
Contrairement à une légende savamment entretenue par la
bourgeoisie, il n'y a donc pas qu'à l'Est, avant l'effondrement
du stalinisme, que l'Etat a joué un rôle déterminant
dans l'économie, même s'il existe des différences.
Dans les autres pays du monde capitaliste, le contrôle étatique
sur la vie de la société n'est pas antagonique avec l'existence
de secteurs privés et concurrentiels qui empêchent une
hégémonie totale des couches parasitaires engendrées,
dans tous les cas, par la mainmise de l'Etat sur la vie sociale. Dans
les pays staliniens par contre, le développement extrême
de ces couches parasitaires issues de la bureaucratie étatique,
ayant pour seule préoccupation de se remplir les poches individuellement
au détriment des intérêts de l'économie nationale,
a conduit à cette aberration, du point de vue du fonctionnement
du capitalisme, qui devait nécessairement s'effondrer avec l'accélération
de la crise économique mondiale.
Ce que démontre toute l'histoire du 20e siècle c'est que, si effectivement l'Etat joue un rôle déterminant dans le fonctionnement du capitalisme, ce n'est pas, contrairement à ce que la gauche veut faire croire, dans l'intérêt des exploités, mais bien dans le seul but de prolonger la vie, coûte que coûte, de ce système décadent.
A l'occasion du trentième anniversaire du coup d'Etat sanglant de Pinochet au Chili le 11 septembre 1973 qui a mis fin au gouvernement de l'Unité Populaire d'Allende, toute la bourgeoisie "démocratique" a mis à profit la célébration de cet événement pour tenter une fois encore de dévoyer la classe ouvrière de son propre terrain de lutte. A cette occasion, la classe dominante cherche à faire croire aux ouvriers que le seul combat dans lequel ils doivent s'engager, c'est celui de la défense de l'Etat démocratique contre les régimes dictatoriaux dirigés par des voyous sanguinaires. C'est bien le sens de la campagne orchestrée par les médias consistant à faire le parallèle entre le coup d'Etat de Pinochet le 11 septembre 1973 et l'attentat contre les Tours jumelles à New York (voir le titre du journal Le Monde du 12 septembre : "Chili 1973 : l'autre 11 septembre"). Et dans ce chœur unanime de toutes les forces démocratiques bourgeoises, on trouve au premier plan les partis de gauche et les officines gauchistes (notamment les trotskistes de LO et de la LCR) qui avaient pleinement participé, aux côté du MIR chilien, à embrigader la classe ouvrière derrière la clique d'Allende, les livrant ainsi pieds et poings liés au massacre (voir notre article dans RI nouvelle série n° 5 : "Le Chili révèle la nature profonde de la gauche et des gauchistes"). Face à cette gigantesque mystification consistant à présenter Allende comme un pionnier du "socialisme" en Amérique latine, il appartient aux révolutionnaires de rétablir la vérité en rappelant les faits d'armes de la démocratie chilienne. Car les prolétaires ne doivent jamais oublier que c'est le "socialiste" Allende qui a envoyé l'armée pour réprimer les luttes ouvrières et a permis ensuite à la junte militaire de Pinochet de parachever le travail.
En considérant la coalition d'Allende comme celle de la classe
ouvrière, en l'appelant "socialiste", toute la "gauche"
a essayé de cacher ou de minimiser le rôle réel
d'Allende et aidé à perpétuer les mythes créés
par le capitalisme d'État au Chili.
Toute la politique de l'Unité Populaire consistait à
renforcer le capitalisme au Chili. Cette large fraction du capitalisme
d'État, qui s'est appuyée sur les syndicats (aujourd'hui
devenus partout des organes capitalistes) et sur les secteurs de la
petite bourgeoisie et de la technocratie s'est scindée depuis
quinze ans dans les partis communiste et socialiste. Sous le nom de
Front des Travailleurs, FRAP ou Unité Populaire, cette fraction
voulait rendre le capital arriéré chilien compétitif
sur le marché mondial. Une telle politique, appuyée sur
un fort secteur d'État, était purement et simplement capitaliste.
Recouvrir les rapports de production capitalistes d'un vernis de nationalisations
sous "contrôle" ouvrier n'aurait rien changé
à la base : les rapports de production capitalistes sont
restés intacts sous Allende, et ont même été
renforcés au maximum. Sur les lieux de production des secteurs
public et privé, les travailleurs devaient toujours suer pour
un patron, toujours vendre leur force de travail. Il fallait satisfaire
les appétits insatiables de l'accumulation du capital, exacerbés
par le sous-développement chronique de l'économie chilienne
et une insurmontable dette extérieure surtout dans le secteur
minier (cuivre) dont l'État chilien tirait 83% de ses revenus
dans l'exportation.
Une fois nationalisées, les mines de cuivre devaient devenir
rentables. Dès le début, la résistance des mineurs
contribua à détruire ce plan capitaliste. Au lieu d'accorder
crédit aux slogans réactionnaires de l'Unité Populaire
:"Le travail volontaire est un devoir révolutionnaire",
la classe ouvrière industrielle du Chili, particulièrement
les mineurs, a continué à lutter pour l'augmentation des
salaires, et a brisé les cadences par l'absentéisme et
les débrayages. C'était la seule façon de compenser
la chute du pouvoir d'achat pendant les années précédentes,
et l'inflation galopante sous le nouveau régime qui avait atteint
300% par an à la veille du coup d'État.
La résistance de la classe ouvrière à Allende a
débuté en 1970. En décembre 1970, 4000 mineurs
de Chuquicamata se mirent en grève réclamant des augmentations
de salaires. En juillet 1971, 10 000 mineurs du charbon se mirent en
grève à la mine de Lota Schwager. Dans les mines d'El
Salvador, El Teniente, Chuquicamata, La Exotica et Rio Blanco, de nouvelles
grèves s'étendirent à la même époque,
réclamant des augmentations de salaire.
La réponse d'Allende fut typiquement capitaliste : alternativement,
il calomnia puis cajola les travailleurs. En novembre 1971 Castro vint
au Chili pour renforcer les mesures anti-ouvrières d'Allende.
Castro tempêta contre les mineurs, et les traita d'agitateurs
"démagogues" ; à la mine de Chuquicamata, il
dit que "cent tonnes de moins par jour signifiait une perte de
36 millions de dollars par an".
Peu nombreux (les mineurs représentaient 4% de la force de travail,
c'est-à- dire environ 60 000 ouvriers) mais très puissants
et conscients de l'être, les mineurs obtinrent de l'État
l'échelle mobile des salaires et donnèrent le signal de
l'offensive sur les salaires qui surgit dans toute la classe ouvrière
chilienne en 1971. Toute la presse bourgeoise était d'accord
pour affirmer que "la voie chilienne au socialisme" était
une forme de "socialisme" qui a échoué. Les
staliniens et les trotskistes bien sûr ont acquiescé, en
conservant leurs différences talmudiques. De ces derniers, le
capitalisme d'Allende a reçu un "soutien critique".
Les anarchistes n'ont pas été en reste : "La seule
porte de sortie pour Allende aurait été d'appeler la classe
ouvrière à prendre le pouvoir pour elle-même et
de devancer le coup d'État inévitable" écrivait
le Libertarian Struggle (octobre 1973). Ainsi Allende n'était
pas seulement "marxiste". C'était aussi un Bakounine
raté. Mais ce qui est vraiment risible, c'est d'imaginer qu'un
gouvernement capitaliste puisse jamais appeler les travailleurs à
détruire le capitalisme !
En mai-juin 1972, les mineurs ont recommencé à bouger
: 20 000 se mirent en grève dans les mines d'El Teniente et Chuquicamata.
Les mineurs d'El Teniente revendiquèrent une hausse des salaires
de 40%. Allende plaça les provinces d'O Higgins et de Santiago
sous contrôle militaire, parce que la paralysie d'El Teniente
"menaçait sérieusement l'économie". Les
managers "marxistes", membres de l'Unité Populaire
ont vidé des travailleurs et envoyé des briseurs de grève.
500 carabiniers attaquèrent les ouvriers avec des gaz lacrymogènes
et des canons à eau. 4000 mineurs firent une marche sur Santiago
pour manifester le 14 juin, la police les chargea sauvagement. Le gouvernement
traita les travailleurs "d'agents du fascisme". Le PC organisa
des défilés à Santiago contre les mineurs, appelant
le gouvernement à être ferme. Le MIR, "opposition
loyale" extraparlementaire à Allende, critiqua l'utilisation
de la force et prit parti pour la "persuasion". Allende nomma
un nouveau ministre des mines en août 1973 : le général
Ronaldo Gonzalez, le directeur des munitions de l'armée.
Le même mois, Allende alerta les unités armées dans
les 25 provinces du Chili. C'était une mesure contre la grève
des camionneurs, mais aussi contre quelques secteurs d'ouvriers qui
étaient en grève, dans les travaux publics et les transports
urbains. Pendant les derniers mois du régime d'Allende, la politique
à l'ordre du jour devint celle des attaques généralisées
et des meurtres contre les travailleurs et les habitants des bidonvilles,
par la police, l'armée et les fascistes. En décembre 1971,
Allende avait déjà laissé Pinochet, l'un des nouveaux
dictateurs du Chili, se déchaîner dans les rues de Santiago.
L'armée avait imposé des couvre-feux, la censure de la
presse, et des arrestations sans mandat. En octobre 1972, l'armée
(la chère "armée populaire" d' Allende) fut
appelée à participer au cabinet. Allende avouait par là
l'incapacité de la coalition à mater et écraser
la classe ouvrière. Il avait durement essayé mais avait
échoué. Le travail dût être continué
par l'armée sans fioritures parlementaires. Mais au moins l'Unité
Populaire avait aidé à désarmer les travailleurs
idéologiquement : cela facilita la tâche des massacreurs
le 11 septembre 1973.
En réalité, Allende a pris le pouvoir en 1970 pour sauver
la démocratie bourgeoise dans un Chili en crise. Après
avoir renforcé le secteur d'État d'une façon qui
rentabilise la totalité de l'économie chilienne en crise,
après avoir mystifié une grande partie de la classe ouvrière
avec une phraséologie "socialiste" (ce qui était
impossible aux autres partis bourgeois) son rôle était
terminé. Exit the King. L'aboutissement logique de cette évolution,
un capitalisme totalement contrôlé par I'État, n'était
pas possible au Chili qui restait dans la sphère d'influence
de l'impérialisme américain et devait commercer avec un
marché mondial hostile dominé par cet impérialisme.
La "gauche" et tous les libéraux, humanistes, charlatans
et technocrates se sont lamentés sur la chute d'Allende. Ils
ont encouragé le mensonge du "socialisme" d'Allende
pour tenter de mystifier la classe ouvrière. Ils ont ressorti
le slogan pourri de l'anti-fascisme, pour détourner la lutte
de classe, pour cacher que les prolétaires n'ont rien à
gagner en luttant et mourant pour une quelconque cause bourgeoise ou
"démocratique". En France, Mitterrand et le "Programme
Commun de la Gauche", tous les curés progressistes et les
canailles bourgeoises ont entonné le chœur antifasciste.
Sous couvert de "l'antifascisme" et de soutien à l'Unité
Populaire, les divers secteurs de la classe dirigeante ont tenté
de mobiliser les travailleurs pour leur replâtrage parlementaire.
Face à cette nouvelle "brigade internationale" de la
bourgeoisie, la classe ouvrière ne peut que montrer du mépris
et de l'hostilité.
Les fractions de "l'extrême gauche" du capitalisme d'État
ont joué le même rôle dans ce concert que le MIR
dans celui d'Allende. Mais, leur soutien était "critique".
Or, la question n'est pas "parlement contre lutte armée",
mais capitalisme contre communisme, antagonisme entre la bourgeoisie
du monde entier et les travailleurs du monde entier. Les prolétaires
n'ont qu'un seul programme : l'abolition des frontières, l'abolition
de l'État et du parlement, l'élimination du travail salarié
et de 1a production marchande par les producteurs eux-mêmes, la
libération de l'humanité tout entière amorcée
par la victoire des conseils ouvriers révolutionnaires. Tout
autre programme est celui de la barbarie, la barbarie et la duperie
de la "voie chilienne au socialisme".
D'après RI "Nouvelle série" n°6
(4 novembre 1973)
"Prolétaires,
serrez-vous la ceinture ! Travaillez plus, plus longtemps, soignez-vous
moins et moins bien ! Etc." Dans tous les pays, c'est le même
discours qui est tenu aux ouvriers, et les mêmes attaques qui
leur sont portées à travers l'adoption de "réformes"
qu'il fallait, nous dit-on, "avoir le courage de prendre".
Dans quel but ? Afin de "sauver l'accès pour tous à
une retraite digne, aux soins, etc." Au-delà de nuances
exprimées pour la forme, la gauche aussi bien que la droite soutiennent
ces paroles hypocrites destinées à faire passer une pilule
amère pour la classe ouvrière. Toutes les deux sont en
faveur de ces attaques et c'est de façon très conséquente
qu'elles en assument la mise en place lorsqu'elles se trouvent au gouvernement,
au moment où il s'impose de les prendre.
Un tel constat est tout à fait conforme à la nature bourgeoise
de ces partis. Si des "réformes" sont nécessaires,
c'est-à-dire s'il faut diminuer les dépenses affectées
à l'entretien de la force de travail, c'est bien dans l'intérêt
de l'économie nationale contre celui de la classe ouvrière,
en vue de maintenir la compétitivité nationale sur l'arène
internationale. C'est encore la même logique qui est à
l'œuvre lorsque, face à la contraction du marché
mondial, les entreprises se débarrassent d'une partie de leurs
effectifs alors que, dans le même temps, des mesures sont prises
partout pour revoir à la baisse les conditions d'indemnisation
du chômage. Ici aussi, droite et gauche sont en phase : après
les attaques contre l'indemnisation du chômage, au printemps dernier,
par l'Etat allemand, gouverné par la gauche, c'est au tour de
l'Etat français, gouverné par la droite, de radier par
milliers des ouvriers des listes du chômage, en application d'une
loi adoptée quelques mois auparavant.
L'évolution de la situation économique ne laisse pas d'autre
choix à la bourgeoisie de chaque pays que d'attaquer toujours
davantage les conditions de vie des prolétaires, ce qui à
terme ne peut qu'aggraver la crise. En effet, la misère croissante
dans laquelle la classe ouvrière est plongée va aussi
constituer une entrave à l'exploitation, et donc à l'accumulation
capitaliste, pour la simple et bonne raison qu'un ouvrier affaibli par
l'âge, la maladie ou la sous-alimentation peut d'autant moins
être productif qu'un ouvrier en bonne santé. C'est là
une illustration de l'impasse totale dans laquelle se trouve le capitalisme.
Le phénomène du chômage massif croissant en constitue
une autre, plus frappante encore. En rejetant du processus de production
une partie de ceux-là mêmes qui constituent la source presque
exclusive du profit, la bourgeoisie se prive de la richesse que pourrait
procurer leur exploitation. En quelque sorte, elle scie la branche sur
laquelle elle est assise. Alors que la fonction historique du capitalisme
avait été, pendant toute sa phase ascendante jusqu'au
début du 20e siècle, d'étendre les rapports de
production capitalistes à l'ensemble de la planète, à
travers un formidable développement des forces productives et
de la classe ouvrière, ce système constitue au contraire,
depuis qu'il est entré dans sa phase de décadence, une
entrave croissante à un tel développement. Ainsi donc,
le phénomène planétaire du chômage massif,
celui de la désindustrialisation des pays les plus développés,
n'ont d'autre cause que la crise irréversible du capitalisme.
Les contradictions insurmontables de ce système l'entraînent
à sa perte, et avec lui l'humanité tout entière.
En effet, la crise économique constitue le soubassement de toutes
les autres calamités qui menacent aujourd'hui la survie de l'humanité
:
- depuis l'entrée du capitalisme dans la période de décadence
au début du 20e siècle, la guerre et le militarisme expriment,
avant tout, la fuite en avant des différents pays face à
l'impasse économique dans un marché mondial saturé
; ils sont devenus le mode de vie permanent du capitalisme comme en
attestent les deux guerres mondiales et la chaîne ininterrompue
des conflits locaux, de plus en plus destructeurs, depuis la fin de
la Seconde Guerre mondiale ;
- dans sa fuite en avant, le capitalisme imprime sa marque à
toutes les sphères de l'activité humaine, y inclus ses
rapports avec la nature. C'est ainsi que, pour maintenir ses profits,
il se livre massivement, depuis plus d'un siècle, au saccage
et au pillage à grande échelle de l'environnement. Si
bien qu'aujourd'hui, sous l'effet de l'accumulation de pollutions de
tous ordres, le désastre écologique constitue une menace
tangible pour l'écosystème de la planète.
Afin d'éviter que l'aggravation de la crise et des attaques ne
favorise au sein de la classe ouvrière une remise en cause en
profondeur du système, la bourgeoisie tente de semer des illusions
dans la tête des prolétaires sur les bienfaits d'une future
reprise qui aurait comme condition "d'accepter les sacrifices aujourd'hui
afin que cela aille mieux demain". Cette vieille rengaine nous
est servie régulièrement par la bourgeoisie depuis les
années 1970, et depuis lors la situation n'a cessé de
se dégrader ! Ses fractions de gauche et d'extrême gauche
s'emploient à intoxiquer la conscience des prolétaires
en proclamant que des solutions sont possibles au sein du capitalisme,
notamment en redonnant à l'Etat le rôle plus central que
le libéralisme lui aurait confisqué. Une telle mystification
ne résiste pas à la réalité présente
où c'est l'Etat lui-même, avec à sa tête des
gouvernements de gauche comme de droite, qui orchestre les attaques
les plus massives contre la classe ouvrière depuis la fin des
années soixante.
La classe ouvrière ne peut et ne doit compter que sur ses propres
forces (et ses organisations révolutionnaires, aussi réduites
soient elles aujourd'hui), pour avancer dans la voie d'une résistance
croissante, à travers la lutte, aux attaques capitalistes et
prendre conscience de la nécessité de renverser ce système.
Ce n'est qu'ainsi qu'elle sera en mesure de s'affirmer comme la seule
force dans la société à même de présenter
une autre perspective à l'humanité que l'impasse et la
barbarie capitalistes.
Empêtré
dans ses déficits publics, le ministre français délégué
au budget, Alain Lambert, a relancé récemment la polémique
au sujet des 35 heures. Selon lui, certains de ses collègues
de la majorité et même quelques socialistes hésitants,
la réduction du temps de travail mise en œuvre par le gouvernement
Jospin en 1998 et 1999 a déstabilisé l'économie,
désorganisé les entreprises, poussé les ouvriers
à l'oisiveté pour finalement creuser les déficits
publics.
Immédiatement, la gauche a fait entendre sa voix en défendant
l'efficacité de sa politique sur l'emploi et la satisfaction
d'une majorité d'ouvriers, et en dénonçant une
droite libérale prête à détruire ce prétendu
grand acquis social.
De leur côté, certains membres du gouvernement de droite,
Chirac en tête, ont eux-aussi rapidement réagi pour clairement
affirmer que les lois Aubry ne seraient pas remises en cause.
Cette dernière réaction n'est pas plus étonnante
que la première : en effet, bien loin de pousser les ouvriers
à l'oisiveté et les entreprises à la faillite,
les lois Aubry ont au contraire pleinement répondu aux nécessités
d'adaptation des entreprises à la crise économique.
Le nom du concept est en lui-même parlant : les lois Aubry ne
parlent pas de réduction du temps de travail en tant que telle,
mais également, et même en premier lieu, d'aménagement
du temps de travail. Et pour cause : le fameux "challenge"
des 35 heures tenait dans la possibilité offerte aux entreprises
de profiter de ces lois pour réorganiser leurs cycles de production
et accroître la flexibilité du travail tout en en réduisant
le coût.
Une des façons d'y parvenir est l'annualisation du temps de travail.
Cette technique permet en effet d'adapter le temps de travail des ouvriers
à la fluctuation de la production : ainsi, les ouvriers peuvent
cumuler jusqu'à 48 heures par semaine en période pleine,
et ne travailler que de 20 à 28 heures par semaine en période
creuse. De cette façon, il n'est plus nécessaire de recourir
aux heures supplémentaires pendant le "coup de feu",
ni d'utiliser du personnel en deçà de sa productivité
maximale lors des périodes plus creuses. Le travail s'adapte
alors pleinement au rythme des commandes : c'est ce qu'on appelle la
"flexibilité".
Par conséquent, lorsque les lois Aubry contingentaient les heures
supplémentaires, ce n'était pas pour contenir les excès
du patronat, mais bien pour rester en cohérence avec l'objectif
général du dispositif et inciter les entreprises à
l'adopter rapidement, en transformant les heures supplémentaires
en temps de travail normal, compensé par un repos forcé
quand le carnet de commande se vide.
Par ailleurs, les lois Aubry ont aménagé le SMIC, c'est-à-dire
le salaire minimum : d'un minimum horaire universel, on est arrivé
à cinq modulations selon la date du passage aux 35 heures et
les modalités de leur mise en œuvre. A cette mesure s'est
ajouté le blocage des salaires sur plusieurs années, censé
compenser l'effort fait pour réduire le temps de travail. Le
travail s'adapte et, d'un point de vue global, il coûte moins
cher.
Dès lors, on comprend que la droite ne soit pas encline à
revenir sur ce "progrès", un progrès pour la
bourgeoisie qui dispose grâce à ces lois d'une force de
travail souple et disponible à la demande sans surcoût.
Le résultat à ce jour est d'ailleurs plutôt satisfaisant
: pour un coût "modique" d'environ 5 milliards d'euros,
la gauche a réussi à inverser une tendance de l'économie
en relançant la productivité à la hausse dès
1999 et à maintenir cette hausse jusqu'à aujourd'hui (source
: INSEE, comptes nationaux).
Certes, il y a les fameuses "journées ARTT" offertes
en contrepartie à certains ouvriers touchés par le dispositif.
Mais ces journées ne sont d'ailleurs "données"
en contrepartie que dans les secteurs où l'annualisation n'a
pas été mise en place. La plupart du temps, il s'agit
de secteurs où le niveau de production fluctue assez peu (comme
dans l'administration), et où les gains de productivité
peuvent plus facilement être atteints par une intensification
du rythme sur un temps de travail plus court, compensé par un
blocage des salaires. C'est également dans ces secteurs que l'hypothèse
est développée de "capitaliser" ces journées
ARTT sur des "compte épargne temps", ce qui repousse
la réduction effective du temps de travail sine die, quand cette
"épargne" pourra être liquidée, c'est-à-dire
en général au moment de la retraite.
Finalement, comment donner tort à Martine Aubry, lorsqu'elle
affirme que "les 35 heures n'ont donc pas déstabilisé
notre économie, ni désorganisé nos entreprises"
? (Le Monde du 9 octobre 2003). En créant les 35 heures, la gauche
a mis en œuvre une des plus importantes attaques sur les conditions
de travail des ouvriers depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale.
Et cette attaque a payé, puisqu'elle a permis aux entreprises
d'augmenter de façon significative leur taux d'exploitation.
En dehors de critiques quasiment isolées, la droite n'a aucunement
l'intention, comme elle l'a très clairement dit, de remettre
en cause ces dispositions. Au contraire, sur cette base, elle entend
bien prolonger l'attaque : après la "journée de solidarité"
qui va forcer les ouvriers à travailler un jour de plus pour
financer l'aide aux personnes âgées dépendantes,
la bourgeoisie se prépare à intensifier les mesures liées
aux 35 heures et destinées à accroître l'exploitation
: après avoir instauré la flexibilité et le blocage
des salaires, la classe dominante va maintenant revenir sur les "jours
ARTT" et les limitations du recours aux heures supplémentaires
non payées : le beurre avec l'argent du beurre.
Pourquoi aller encore plus loin, alors que les 35 heures ont montré
leur efficacité en l'état ? Parce que pendant ce temps,
la crise du capitalisme ne cesse de s'aggraver. Dès lors, toutes
les solutions, aussi efficaces qu'elles puissent paraître, n'ont
qu'une efficacité limitée, tant en ampleur que dans le
temps. Il faut donc chaque fois que la bourgeoisie trouve le moyen de
frapper un peu plus fort sur la classe ouvrière pour tenir sous
la pression croissante de la crise.
Face à cette attaque, il ne faut pas tomber dans le piège
de la défense des 35 heures. Il s'agit bien de la même
attaque, venant du même ennemi : la bourgeoisie qui, de gauche
comme de droite, fait payer au prolétariat le désastre
que son système en crise répand sur la planète.
Quand Lutte Ouvrière
rend hommage à ses frères d'armes, le moins que l'on puisse
dire, c'est qu'elle n'y va pas par quatre chemins. Ainsi, dans son éditorial
du 19 septembre 2003, Arlette Laguiller, après avoir salué
chaleureusement la sempiternelle fête de l'Humanité qui
"a été, une fois de plus un succès",
faisant remarquer au passage que "le PCF reste capable de réunir
plusieurs centaines de milliers de participants à sa fête,
qui est toujours la plus importante des fêtes populaires organisées
par un parti politique", en arrive à ce brillant requiem
: "Ce n'est cependant pas sur la base de sa politique actuelle
que le PCF a conquis une telle audience qui, pendant longtemps, a fait
sa force. La politique de sa direction dilapide, au contraire, le crédit
que le PCF a hérité du passé(…)".
Quel est ce donc ce "crédit hérité du passé"
dont nous parle LO ? Il est à mettre entièrement au compte
de la bourgeoisie, mais certainement pas de la classe ouvrière
! Quel était donc cet âge d'or du PCF que regrette tant
LO ? Là où son audience était à son comble
et sa force sans commune mesure avec la période actuelle, c'est,
bien sûr, l'époque bénie des dieux pour la bourgeoisie
des années 1930-1940, celles des années sombres de la
contre révolution, quand il était "minuit dans le
siècle" pour la classe ouvrière. Une période
où le PCF s'est révélé un ardent défenseur
du capital national doublé d'un féroce prédateur
de la classe ouvrière comme en témoigne sa politique active
d'embrigadement du prolétariat dans la Seconde Guerre mondiale
au nom de l'antifascisme. Les grandes heures du PCF ont aussi été
celles de la Résistance et de la Libération où
il pouvait donner la pleine mesure de son hystérie chauvine en
scandant "A chacun son Boche !" et "Vive la France éternelle
!" tout en massacrant impitoyablement tous ceux qui refusaient
de marcher derrière le drapeau national en les accusant d'être
des "hitléro-trotskistes". Souvenons-nous également
des fameux "Retroussez vos manches !" ou "la grève
est l'arme des trusts !", lancés par Thorez dans l'immédiat
après-guerre à une classe ouvrière exsangue, frappée
par la pénurie alimentaire et que l'on poussait encore à
se sacrifier pour la "reconstruction nationale". C'était
encore ce plus fidèle et zélé apôtre de la
contre-révolution stalinienne, bourreau et exploiteur patenté
de plusieurs générations de prolétaires (voir notre
brochure Comment le PCF est passé au service du capital) qui
prit ainsi largement sa part dans la chasse aux révolutionnaires
orchestrée par la Guépéou et dont fit notamment
les frais à Paris en 1937 le fils aîné de Trotsky,
Léon Sédov. C'est donc avec l'aplomb le plus écoeurant
que LO, tout en se faisant le supporter de Duclos et de ses tueurs à
gages, se proclame en même temps digne héritière
de Trotsky.
Voilà sur quoi repose "le crédit que le PCF a hérité
du passé" et qui lui vaut l'honneur d'être rangé
au Panthéon bourgeois des plus zélés serviteurs
du capital. Si LO fait l'éloge d'un si redoutable ennemi de la
classe ouvrière, c'est parce que celui-ci bénéficie
frauduleusement depuis la fin des années 1920 du prestige de
l'héritage de la révolution d'Octobre et de l'Internationale
communiste de mars 1919. Et c'est bien entendu sur cette monumentale
escroquerie que s'appuie LO pour poursuivre son entreprise de mystification
pour le compte de la bourgeoisie auprès de la classe ouvrière.
Entre autres multiples exemples, dans son éditorial du 21 novembre
1998, LO montait déjà au créneau pour défendre
la mémoire de feu Georges Marchais (dernier dinosaure stalinien
français et légataire de Thorez) contre ses détracteurs
posthumes. Pour LO, ce que ces derniers ne supportaient pas, "c'est
ce qui rattachait Marchais au mouvement ouvrier et au mouvement communiste."
En faisant la promotion prétendument "ouvrière"
de Marchais, LO réaffirmait son soutien sans faille aux régimes
capitalistes d'Etat staliniens tout en apportant sa contribution à
la campagne idéologique de toute la bourgeoisie pour semer la
confusion entre la contre-révolution stalinienne et la révolution
communiste. Une fois de plus aujourd'hui, en exhumant le fabuleux passé
stalinien du PCF, il s'agit de perpétuer ce qui reste du plus
grand mensonge du 20e siècle et de confisquer aux ouvriers leur
histoire et leur perspective révolutionnaire. Toujours fidèle
à elle-même et à son camp, celui de la bourgeoisie,
LO nous montre une fois de plus qu'elle sait reconnaître les siens
et les défendre.
Dans le numéro 468 du Prolétaire (août-septembre 2003), organe de presse du Parti Communiste International (PCI), nous trouvons un article intitulé "Après les grèves du printemps, se préparer aux luttes futures" dans lequel cette organisation du courant de la Gauche communiste se livre, au passage, à une attaque en règle contre le CCI. Notre organisation y est en effet mise dans le même sac que les organes d'encadrement de l'Etat bourgeois (les syndicats et les groupuscules trotskistes) et est ouvertement dénoncée comme saboteur de la lutte prolétarienne. La réponse que nous apportons dans le présent article se propose de réfuter les "arguments" du PCI et de rétablir la vérité face à ses falsifications calomnieuses.
Mais
avant de répondre aux attaques du Prolétaire contre le
CCI, il n'est pas inutile d'examiner son analyse du mouvement de
grèves du printemps dernier et de s'arrêter au passage
sur l'analyse qu'il nous donne aujourd'hui des grèves de
décembre 1995.
Ainsi, dans le numéro 468 du Prolétaire,
on peut lire, à propos du mouvement de grèves du
printemps dernier : "Par rapport à 1995, il faut
cependant noter un fait positif : à l'époque, la grande
majorité des grévistes et des participants aux
manifestations n'avaient pu se rendre compte du rôle réel
des appareils syndicaux et avaient au contraire jugé
positivement leur engagement dans la lutte". Et le PCI en tire
la conclusion suivante : "le réformisme était
ressorti politiquement renforcé de cette grande vague de
lutte."
Ainsi, c'est avec huit
ans de retard (mais mieux vaut tard que jamais !) que le PCI a fini
enfin par comprendre que le mouvement de décembre 1995 n'était
pas un remake de mai 1968. En effet, à l'époque, le PCI
avait apporté sa petite contribution aux campagnes de la
bourgeoisie en affirmant que ce mouvement était "le plus
important du prolétariat français depuis la grève
générale de mai-juin 1968". (voir Le Prolétaire
n°435).
Aujourd'hui le PCI révise son analyse et nous
ne pouvons que nous réjouir de l'entendre affirmer que ce
n'est pas la classe ouvrière qui a été renforcée
par ce mouvement mais bien le réformisme bourgeois (bien qu'il
soit dommage qu'une organisation qui a la prétention de se
situer à l'avant garde de la classe ouvrière mette huit
ans avant de pouvoir adopter une analyse claire !). Néanmoins,
il faut quand même signaler que ce ne sont pas seulement les
grévistes qui "ont jugé positivement leur
engagement dans la lutte". C'est aussi hélas ! le PCI
puisque ce dernier, à l'instar de toutes les forces
d'encadrement de la bourgeoisie, avait à l'époque
présenté cette défaite de la classe ouvrière
comme une victoire en saluant la "force" du mouvement qui
aurait, à ses dires, imposé un "recul partiel du
gouvernement" (Le Prolétaire n°435).
Une
organisation révolutionnaire peut se tromper et revoir a
posteriori une analyse qu'elle estimait erronée. C'est
peut-être le cas pour le PCI concernant le mouvement de grèves
de décembre 1995.
Mais lorsqu'on examine son analyse des
grèves du printemps dernier contre les attaques du
gouvernement Raffarin, on ne peut être que perplexe de
découvrir des contradictions qui ne permettent en aucune façon
au lecteur de se faire une idée claire de la position du PCI
sur ce mouvement. Ainsi, dans le numéro 467 du Prolétaire
(juillet-août 2003) nous pouvons lire que "Quelle que soit
l'issue du mouvement en cours au moment où nous écrivons,
il ne constitue qu'une escarmouche dans l'affrontement social, dans
la lutte des classes (…) Mais si cette lutte de classe est menée
de façon consciente et scientifiquement organisée du
côté de la classe dominante, il n'en est pas de même
du côté de la classe dominée (…) Au-delà de l'issue contingente du mouvement actuel
(…) un progrès décisif en direction de la reprise de
la lutte de classe aura été accompli lorsque des
prolétaires d'avant-garde auront su tirer de l'expérience
amère des trahisons des prétendus chefs ouvriers et de
l'expérience enthousiasmante de la combativité des
masses, la conscience et la volonté de s'atteler au travail de
réorganisation classiste du prolétariat"
L'analyse que fait le PCI de ce mouvement qualifié à
juste raison d'"escarmouche" est malheureusement
immédiatement démentie non pas huit ans plus tard
(comme ce fut le cas pour son analyse du mouvement de décembre
1995), mais à peine un mois plus tard. En effet, dans le
numéro suivant du Prolétaire (août-septembre
2003), le PCI affirme que "Dans ce mouvement du printemps on a
vu pour la première fois depuis longtemps des employés
de l'Éducation Nationale, des enseignants, se mobiliser et
faire grève non pas sur des revendications corporatistes (…)
mais en tant que salariés, en tant que prolétaires.
Pour la première fois depuis longtemps on a vu les secteurs
combatifs essayer de se donner des formes d'organisation nécessaires
à leur lutte (souligné par nous) pour contrer les
blocages des appareils syndicaux. Il faut saluer et reconnaître
ce que cela représente de positif pour les luttes futures (…).
C'est dans cette direction, dans la direction indépendante de
classe des travailleurs, de l'utilisation des méthodes et des
moyens de lutte classistes (souligné par nous) que devra
passer et que passera la reprise de la lutte prolétarienne (…)
Il appartiendra aux prolétaires d'avant garde, sur la base des
bilans des luttes passées, de s'en pénétrer et
de s'en faire les vecteurs au sein de la classe."
Ainsi, d'un
côté le PCI affirme que les grèves du printemps
dernier n'étaient qu'une "escarmouche" puisque,
contrairement à la bourgeoisie, la classe ouvrière n'a
pas mené la lutte "de façon consciente et
scientifiquement organisée", de l'autre il salue le fait
que les travailleurs de l'Éducation nationale se soient dotés
de "formes d'organisation nécessaires à leur
lutte" (et qu'il se sont donc engagés "dans la
direction de l'organisation indépendante de classe"
!).
Cette analyse à géométrie variable révèle
non seulement l'incohérence de la pensée du PCI, mais
surtout la vacuité de son analyse.
Et c'est justement parce
que le PCI est totalement incapable d'élaborer la moindre
analyse du rapport de forces entre les classes qu'il se livre à
de telles contorsions. D'ailleurs il reconnaît lui-même
l'indigence de sa pensée lorsqu'il écrit dans le numéro
467 du Prolétaire : "En réalité la
gouvernement Raffarin était conscient des risques de
déclencher des mouvements de protestation et de grève,
et il s'est efforcé de préparer le terrain pour faire
passer avec un minimum de vagues son projet. Nous n'en ferons pas ici
une analyse détaillée" .
Effectivement, si le PCI s'était donné la
peine de mener une petite réflexion sur la façon dont
le gouvernement a préparé le terrain pour faire passer
ses attaques, il aurait peut-être été amené
à reconnaître que la bourgeoisie a élaboré
une gigantesque manœuvre "scientifiquement organisée"
(comme il l'affirme lui-même très justement) pour faire
passer l'attaque sur les retraites. Mais la répulsion primaire
et viscérale du PCI pour la méthode marxiste consistant
à faire une analyse scientifique de la façon dont la
bourgeoisie manoeuvre pour affronter la lutte de classe, ne pouvait
que le paralyser et le rendre impuissant à faire une "analyse
détaillée" des manœuvres de la classe dominante.
Le lecteur ne peut que rester sur sa faim. Si le PCI s'était
creusé un peu les méninges, il aurait pu éclairer
le lecteur et lui démontrer comment, concrètement, le
gouvernement Raffarin "s'est efforcé de préparer
le terrain pour faire passer avec un minimum de vagues son projet".
Peut-être aurait-il alors compris que pour faire passer
l'attaque sur les retraites, le gouvernement, avec la complicité
des syndicats et des gauchistes, avait réussi à isoler
les travailleurs de l'Education nationale en portant une attaque
spécifique à ce secteur (la décentralisation)
pour noyer l'attaque centrale contre le système des retraites
et empêcher une riposte massive et unie de toute la classe
ouvrière.
C'est une responsabilité primordiale des révolutionnaires que d'analyser scientifiquement la stratégie manoeuvrière de la bourgeoisie visant à saboter la lutte prolétarienne et à infliger des défaites cuisantes à la classe ouvrière. La démarche sibylline du PCI consistant à dire les choses à moitié, à ne jamais aller jusqu'au bout de son raisonnement, c'est justement celle de l'opportunisme qui a toujours affiché le plus grand mépris pour la théorie et l'approfondissement politique. C'est bien ce mépris propre au matérialisme vulgaire qu'on trouve dans le sarcasme adressé au CCI dans l'article du Prolétaire n°468. Ainsi le CCI aurait "justifié son refus d'appeler les travailleurs à prendre la lutte en main au nom d'une 'savante analyse' selon laquelle on aurait été en présence d'une manoeuvre de la bourgeoisie visant à infliger une défaite cinglante à la classe ouvrière". Ici le PCI ne se contente pas seulement de colporter le grossier mensonge (sur lequel nous reviendrons plus loin) suivant lequel le CCI aurait refusé d'appeler les travailleurs à prendre la lutte en main, mais il se permet encore de faire de l'ironie sur notre "savante analyse" des manœuvres de la bourgeoisie. Quand on est incapable de faire la moindre analyse cohérente comme le révèle les contradictions contenues dans les numéros 467 et 468 du Prolétaire (et c'est d'autant plus grotesque pour une organisation qui se réclame de "l'invariance" de son programme !), on est mal placé pour faire la leçon au CCI. Le PCI n'aime pas les analyses "savantes". C'est le seul "argument" qu'il est capable d'avancer pour réfuter l'analyse du CCI. Le PCI affirme platoniquement que les "prolétaires d'avant-garde" doivent tirer "des bilans des luttes passées" (Le Prolétaire n°468). Ce ne sont malheureusement que des paroles creuses. Quel bilan le PCI peut-il tirer du mouvement du printemps dernier alors qu'il n'est même pas capable aujourd'hui de répondre à cette question élémentaire : cette lutte s'est-elle oui ou non soldée par une défaite pour la classe ouvrière et quelles leçons cette dernière doit-elle en tirer pour ses combats futurs ? Ce B-A/BA du marxisme, le PCI ne l'a, de toute évidence, pas encore assimilé. C'est bien pour cela que, pour cacher l'indigence de sa pensée et l'incohérence de son "analyse", il ne peut que se gausser de la "savante analyse" du CCI. Cela frise l'indécence que de se réclamer du marxisme tout en affichant son mépris pour les "analyses savantes". Pour sa gouverne, il n'est pas inutile de rappeler au PCI que toute sa vie, Marx a bataillé pour donner à la classe ouvrière les instruments théoriques les plus développés, les plus acérés. Comme il le disait lui-même, c'est pour les ouvriers qu'il a écrit Le Capital et tous ses autres textes. De même, il a lutté avec la plus grande énergie contre ceux, notamment les "artisans communistes" (dans la Ligue des Justes), qui méprisaient la réflexion théorique dans le combat du prolétariat 1 [72].
Quant à l'affirmation de nos "artisans
communistes" du PCI suivant laquelle les travailleurs de
l'Éducation nationale se seraient dotés de "formes
d'organisation nécessaires à leur lutte" allant
dans la direction d'une "indépendance de classe",
elle appelle plusieurs remarques :
- de quelles formes
d'organisation s'agissait-il ? Là encore le PCI reste muet,
incapable d'en faire la moindre "analyse détaillée".
S'il évite de se prononcer clairement c'est encore pour
masquer son opportunisme indécrottable sur la question
syndicale et son rôle de porteur d'eau du syndicalisme
"radical", "à la base";
- en effet,
les seules formes d'organisation que nous avons vu apparaître
dans ce mouvement (assemblées générales, comités
de grève, coordinations) étaient totalement mises en
place, contrôlées et dirigés par les syndicats et
leurs bases trotskistes. Les AG étaient-elles souveraines ?
Les travailleurs en lutte se sont-ils organisés en dehors et
contre les syndicats ? Certainement pas ! En se refusant à
admettre la réalité des faits, le PCI veut nous faire
prendre des vessies pour des lanternes;
- ce que le PCI dénonce
dans sa presse, ce ne sont pas les syndicats et le syndicalisme sous
toutes ses formes, mais uniquement les "appareils syndicaux"
les "bonzeries syndicales", les "directions
syndicales";
- ce faisant, il ne fait rien d'autre que
reprendre à son compte le même refrain que les
trotskistes. Et c'est justement pour cela qu'il a vu dans ce
mouvement des "formes d'organisation nécessaires à
la lutte pour contrer les blocages des appareils syndicaux".
C'est exactement la position défendue par les amis d'Arlette
Laguiller dans le forum qu'il ont tenu à la dernière
Fête de LO sur la grève des travailleurs de l'Education
nationale. Ce n'est pas un hasard si le PCI (qui était
pourtant présent sur les lieux) ne s'est pas donné la
peine de faire entendre sa voix dans ce forum pour dénoncer
les manœuvres des trotskistes et les "formes d'organisation"
(notamment les coordinations) qu'ils avaient mises en place pour les
vider de tout contenu de classe et pour empêcher toute
tentative de prise en main de la lutte par les ouvriers eux-mêmes.
Faire croire, comme le fait le PCI, que grâce à ces
"formes d'organisation", les travailleurs de l'Education
nationale se seraient engagés dans la voie de "l'indépendance
de classe" est une attitude totalement irresponsable et indigne
d'une organisation révolutionnaire. C'est du pur
collaborationnisme avec les forces d'encadrement de l'Etat bourgeois
!
Lénine disait que "la patience et
l'humour sont les principales qualités des révolutionnaires."
Pour notre part, nous sommes prêts à donner rendez-vous
au PCI dans huit ans : peut-être sera-t-il capable, comme pour
le mouvement de décembre 1995, de réviser sa copie et
de comprendre que la lutte menée par les travailleurs de
l'Éducation nationale était en réalité
totalement contrôlée et encadrée par les
syndicats et leurs valets trotskistes (et qu'elle n'a pas "renforcé
la classe ouvrière" mais le réformisme bourgeois
!). Nous ne désespérons pas de voir un jour le PCI
surmonter ses ambiguïtés et aller un peu plus loin dans
sa réflexion. Avec un peu de chance, peut-être
finira-t-il un jour par reconnaître clairement que le mouvement
du printemps dernier (tout comme celui de décembre 1995) s'est
soldé par une défaite cinglante pour la classe ouvrière
qui a permis à la classe dominante, grâce à sa
stratégie "consciente et scientifiquement organisée"
non seulement de faire passer son attaque sur les retraites, mais
encore d'annoncer, sans risque d'explosion sociale, toute une série
de mesures anti-ouvrières dès la rentrée de
septembre.
Pour notre part, nous estimons que c'est la condition
pour que le PCI puisse se hisser à la hauteur de ses ambitions
: devenir LE parti "compact et puissant" dont a besoin la
classe ouvrière pour remplir sa mission historique de
renversement du capitalisme.
Dans la deuxième partie de cet
article qui paraîtra dans le prochain numéro de RI, nous
répondrons aux calomnies déversées par Le
Prolétaire n°468 contre le CCI.
GL
1 [73] C'est sur cette question que s'est produite la rupture entre Marx et Engels d'un côté, et Weitling de l'autre, le 30 mars 1846, lors d'une réunion du comité de correspondance communiste de Bruxelles. Weitling n'était pourtant pas n'importe qui : c'était un des principaux fondateurs de la Ligue des Justes qui devint par la suite la Ligue des Communistes sur mandat de laquelle Marx et Engels ont rédigé rien de moins que le Manifeste communiste. Mais à cette réunion, Weitling avait affirmé que, dans le combat contre la société capitaliste, les ouvriers n'arriveraient à rien par des analyses abstraites (ou des "analyses savantes"). Comme l'écrit un participant à cette réunion : " A ces derniers mots, Marx, absolument furieux, frappa du poing sur la table, si fort que la lampe en trembla et, se levant d'un bond, il s'écria : "Jusqu'à présent l'ignorance n'a jamais servi à personne !'" ( Voir La vie de Karl Marx par Boris Nicolaïevski).
Après l'Argentine en 2001/2002, c'est aujourd'hui au tour de la Bolivie d'être le théâtre de sanglantes révoltes "populaires". Avec 70% de la population (constituée de 8,8 millions d'habitants) vivant au dessous du seuil de pauvreté, la Bolivie est l'Etat le plus pauvre de l'Amérique du Sud.
Comme de nombreux pays aujourd'hui, la Bolivie vit sous perfusion
des crédits dispensés par le FMI en contrepartie de la
mise en place de politiques d'austérité pour rembourser
les dettes qui ne cessent de s'accroître. Après
l'effondrement de l'économie argentine, manifestation
éclatante de la faillite du capitalisme 1 [75],
la Bolivie (dont la presse bourgeoise nous dit qu'elle bénéficie
d'un programme spécifique d'aide, pour les pays pauvres très
endettés) ne cesse pourtant de s'enfoncer dans le marasme.
Depuis 1999, le taux de chômage a été multiplié
par deux. Dans un contexte où la majorité de la
population dispose de moins de 2 dollars par jour, l'exaspération
peut basculer à tout moment vers l'explosion sociale. Déjà
en janvier-février 2003, l'armée avait réprimé
des manifestations ouvrières, faisant plus de 20 morts, suite
à l'annonce d'un budget de rigueur et d'un impôt de 12,5
% sur les salaires des 750 000 fonctionnaires que compte le
pays.
Cette fois, c'est le projet d'exportation de gaz naturel
bolivien vers les Etats-Unis et le Mexique, via le Chili qui a
provoqué le soulèvement de la population, les paysans
se mobilisant plus particulièrement contre le projet du
gouvernement, soutenu par les Etats-Unis, d'éradiquer la
culture de la coca. Cette révolte populaire majoritairement
paysanne, dans laquelle se sont mêlés des étudiants,
des ouvriers de l'enseignement et des mines, a éclaté
dans la ville de La Paz, là où siège le
gouvernement, et à El Alto, dans la banlieue pauvre de la
capitale. Elle s'est ensuite propagée aux principales villes
boliviennes. Les affrontements entre la population et l'armée,
qui ont duré plus d'un mois, ont donné lieu à un
véritable massacre : plus de 80 morts et des centaines de
blessés.
Les révolutionnaires ne peuvent que
dénoncer une telle barbarie et affirmer leur pleine
solidarité, en particulier avec les ouvriers et leurs
familles, victimes de cette boucherie. Mais, en même temps, ils
doivent affirmer que cette lutte ne constitue pas un renforcement
pour le prolétariat dans la mesure où celui-ci a été
dilué dans un mouvement de "protestation populaire".
La démission du gouvernement de Sanchez de Lozada n'est pas "
une victoire pour la Bolivie d'en bas ", comme le titre le
journal Libération du 22 octobre, mais une victoire pour les
partis de la gauche bourgeoise bolivienne qui ont contrôlé
et suscité cette révolte "populaire".
Contrairement aux luttes du mois de février, dont la presse
bourgeoise a peu parlé, où les ouvriers ont réagi
sur leur propre terrain de classe en défense de leurs
conditions de vie, cette fois-ci, ils ont été noyés
dans un mouvement où ils n'ont aucun intérêt à
défendre. C'est la gauche bolivienne qui a entraîné
la population et les ouvriers dans la lutte nationaliste pour la
défense du gaz bolivien. C'est la centrale ouvrière
bolivienne (COB), la confédération syndicale unique des
travailleurs paysans de Bolivie (CSUTCB) et le mouvement vers le
socialisme (MAS) dirigé par Evo Morales (figure de la lutte
contre la mondialisation en Amérique du Sud et leader indien
défenseur des petits producteurs de feuilles de coca) qui sont
responsables de ce bain de sang, au même titre que le
gouvernement et son armée. En appelant à manifester sur
le thème " le gaz bolivien aux Boliviens " la gauche
bolivienne n'a fait que réactiver le séculaire
sentiment nationaliste anti-chilien (la Bolivie a perdu au 19e siècle
une partie de son territoire et notamment un accès à
l'océan Pacifique au profit du Chili, lors d'une guerre
opposant ces deux pays) dans la mesure où la construction du
gazoduc devait se faire en direction d'un port chilien pour exporter
le gaz vers les Etats-Unis 2 [76].
A ce nationalisme abject que la gauche bourgeoise bolivienne
répand comme un poison dans la classe ouvrière, il faut
ajouter que la question de l'éradication de la coca, même
si elle va précipiter encore plus de paysans dans la misère,
n'a rien à voir avec le combat de la classe ouvrière,
ni en Bolivie ni ailleurs. De même, la convocation prochaine
par le nouveau gouvernement bolivien de Carlos Mesa d'une assemblée
constituante qui permettrait en fait aux ethnies indiennes d'être
beaucoup plus représentées au sein du parlement
bourgeois, constitue un renforcement pour la démocratie
bourgeoise, mais en aucun cas de la classe ouvrière. C'est
dans cette assemblée constituante que seront élaborées,
n'en doutons pas, les prochaines mesures d'austérité
contre la classe ouvrière au nom de la défense de
l'Etat et de la patrie bolivienne.
Ainsi les événements
en Bolivie ne représentent en aucune façon une victoire
pour le prolétariat mais sont au contraire une victoire pour
la démocratie bourgeoise et notamment ses partis de gauche et
d'extrême gauche. On ne peut s'empêcher de comparer ce
mouvement en Bolivie avec le mouvement de 2001 en Argentine où
la classe ouvrière avait été noyée dans
un mouvement interclassiste 3 [77].
Ce
n'est pas à un mouvement de force du prolétariat
entraînant derrière lui les autres couches
non-exploiteuses que nous venons d'assister en Bolivie. Au contraire,
ce sont notamment les paysans et les "cocaleros"
(producteurs de coca), sous l'égide des syndicats et partis de
gauche, qui ont dirigé cette révolte. Les ouvriers ont
été noyés dans le mouvement dont le résultat
ne pouvait être qu'un renforcement de la démocratie
bourgeoise.
Dans une révolte "populaire"
interclassiste, la classe ouvrière ne peut qu'être
utilisée comme chair à canon, ce que vient d'illustrer
la récente répression. Sa perspective propre ne peut
qu'y être niée. Seule, la lutte autonome du prolétariat,
même embryonnaire, ouvre de véritables perspectives et
peut représenter une alternative pour les autres couches
exploitées de la société.
Donald (24 octobre)
1 [78] Voir l'article : " Révoltes 'populaires' en Argentine : seule l'affirmation du prolétariat sur son terrain de classe peut faire reculer la bourgeoisie [79] " dans notre Revue Internationale n°109, 2e trimestre 2002.
2 [80] On peut citer à ce sujet une prise de position que nous avons reçue ces jours derniers sur " La Révolte bolivienne " d'un groupe argentin qui vient de surgir, le "Nucleo Comunista International : "On a beau essayer de présenter cette "guerre pour le gaz" pour ce qu'elle n'est pas, celle-ci n'a aucun contenu prolétarien ni la moindre tendance vers une perspective contre le capitalisme décadent (…) La nationalisation ou étatisation des puits de gaz, ou la modification de la loi sur les hydrocarbures, tout cela ne signifie absolument pas socialisation des forces productives. Ce sont des politiques de l'Etat capitaliste pour prendre en charge, conserver et maintenir les lois de base du capitalisme et de l'exploitation. "
3 [81] Comme le signale encore le groupe argentin "Nucleo Comunista Internacional" :"Les événements de Bolivie ont une grande ressemblance avec ceux d'Argentine en 2001, dans lesquels le prolétariat s'est retrouvé noyé non seulement sous les mots d'ordre de la petite-bourgeoisie, mais encore sous le fait que de tels "mouvements populaires" ont, dans le cas de l'Argentine, comme dans celui de la Bolivie, une tendance assez réactionnaire lorsqu'ils posent la question de la reconstruction de la nation, ou celle d'expulser les "gringos" et réclament que les ressources naturelles reviennent à l'Etat bolivien."
Nous publions ci-dessous des extraits d'un courrier de lecteur qui entreprend de défendre l'anarcho-syndicalisme aujourd'hui et le combat de la CNT durant la guerre d'Espagne en 1936-1939. Nous nous limiterons dans notre réponse aux questions essentielles que soulève ce courrier.
"( …) il est très difficile de dire
à des collègues qui ont perdu un mois de salaire environ
que ce mouvement isolé a été nocif, mais c'est
aussi avec cette sincérité-là que nous pourrons
faire reculer la Poste sur ses projets de désorganisation. Il
ne s'agit pas de condamner le jusqu'au boutisme comme vous le faites
mais de cerner, dès le départ, les revendications sans
occulter la stratégie de l'employeur. Ceci en mettant en place
tous les principes qui font la force de la démocratie directe
(AG souveraines, mandatés révocables sur des revendications
précises, syndiqués ou non). C'est ce que tentent de faire
les anarcho-syndicalistes partout où ils sont présents.
Ce n'est pas la révolution tous les jours mais c'est un moyen
de vivre ses idées et de participer au sabotage du profit capitaliste.
Enfin, il serait juste de rappeler que la CNT espagnole a mené
le plus loin le mouvement d'auto-émancipation humaine jamais
réalisé au XXe siècle en 1936-39, même s'il
faut y soulever toutes ses insuffisances. Pour ma part, l'anarcho-syndicalisme
n'entre pas en contradiction avec le mouvement des conseils mais doit
le favoriser (...)".
Concernant les luttes ouvrières et l'intervention des révolutionnaires
dans ces luttes, notre lecteur fait référence à
une grève dans un centre de tri postal de l'agglomération
rouennaise dont nous nous étions fait l'écho de façon
critique dans RI n° 329 daté de décembre 2002 et qui
avait déjà suscité un précédent courrier
de lecteur auquel nous avions répondu dans RI n° 333.
Certes, nous ne pouvons qu'approuver quelques remarques de ce lecteur.
C'est vrai qu'il n'est pas facile "de dire à des collègues
qui ont perdu un mois de salaire environ" dans une grève
que ce mouvement a été nocif parce qu'il est resté
isolé. Nous sommes totalement d'accord avec lui quand il ajoute
que dire la vérité aux autres ouvriers est pourtant le
seul moyen de faire reculer la bourgeoisie. Cependant nous nous demandons
pourquoi il ne reste pas conséquent avec cette affirmation en
nous reprochant aussitôt après "de condamner le jusqu'au
boutisme".
Pour nous, le jusqu'au boutisme "est nocif pour la lutte"
précisément parce qu'il pousse la lutte dans l'isolement
et ne peut entraîner que la défaite la plus amère
et démoralisante. Et nous devons toujours avoir la sincérité
de dire cette vérité-là à tous les ouvriers.
Notons qu'avec ces propos contradictoires, il est difficile de savoir
ce que pense vraiment notre lecteur des positions défendues par
le CCI dans cette grève.
Mais les contradictions de notre lecteur sont pourtant révélatrices
d'une divergence de point de vue. Le CCI, dans ses prises de position
et ses interventions, se revendique clairement du marxisme et de sa
méthode. Notre lecteur se réclame, lui, ouvertement de
l'anarchisme et plus précisément de l'anarcho-syndicalisme
dont il cherche à défendre les positions.
Certes, l'anarchisme se prétend révolutionnaire et proclame
bien haut et fort sa volonté de changer le monde. Cependant,
l'anarchisme et le marxisme s'opposent sur deux aspects essentiels :
d'une part, sur la vision du but à atteindre, c'est-à-dire
pour quelle transformation de la société nous nous battons
et, d'autre part, sur la conscience du monde dans lequel nous vivons
qui implique de comprendre par quels moyens parvenir à le transformer.
Sur le premier point, l'anarchisme se fourvoie sur toute la ligne quant
à la perspective de ce qu'est une société sans
classes quand il réclame fondamentalement une société
égalitaire dont les rapports sociaux seraient fondés sur
la liberté individuelle et des principes fédéralistes
entre diverses communautés autonomes. Le marxisme se bat dans
une tout autre perspective car il a une autre compréhension de
la société communiste : il s'agit d'un stade supérieur
d'accomplissement de l'humanité. L'organisation même de
la société communiste, parce qu'elle est conditionnée
par la satisfaction des besoins humains ne peut être assumée
que collectivement et de façon centralisée.
Sur le second point, le marxisme met en avant que nous vivons dans une
société de classes, une société d'exploitation
et que la lutte de classe est le seul moteur possible du combat prolétarien
contre la bourgeoisie pour renverser l'exploitation, là où
l'anarchisme ne comprend pas la place centrale de la classe ouvrière
dans les rapports de production et son rôle historiquement révolutionnaire
qui porte en lui l'émancipation des chaînes de l'exploitation
pour toute l'humanité. L'anarchisme, au lieu de considérer
qu'il existe un rapport de forces entre des classes sociales, préconise
pour tout un chacun de se battre avant tout contre des rapports d'autorité
d'où qu'ils viennent.
Ce que ne comprennent pas en particulier les anarchistes, c'est la nature
révolutionnaire, et par conséquent la dimension politique
essentielle du prolétariat comme classe, qui est à la
fois fossoyeur du capitalisme et porteur d'un autre projet de société.
Les anarcho-syndicalistes séparent les revendications économiques
et la dimension politique et, de ce fait, enferment les ouvriers sur
un terrain purement revendicatif en les empêchant de faire le
lien avec la dimension politique de leurs luttes. Cela revient à
ne pas comprendre la nécessité de la révolution
prolétarienne, à ne pas reconnaître le rôle
émancipateur du prolétariat dans la société.
Les marxistes ont toujours combattu le vieux fonds de commerce de l'anarchisme
selon lequel la révolution pouvait se décréter.
Rosa Luxembourg en particulier a consacré toute une brochure,
Grève de masses, parti et syndicats, essentiellement dirigée
contre la vision de la grève générale prônée
à la fois par Bakounine (vieux credo récurrent du viatique
anarchiste) et par tout le courant réformiste au sein de la 2e
Internationale. Elle met en avant, à travers l'exemple vivant
de 1905 en Russie, la dynamique de la grève de masses qui démontre
l'interaction constante entre revendications économiques et affirmation
du prolétariat sur le terrain politique. Chaque lutte porte inévitablement
à la fois des revendications économiques immédiates
et un niveau de réflexion et de maturité politique. Les
notions et les principes abstraits mis en avant par l'anarchisme tels
que la démocratie directe, le sabotage du profit capitaliste,
leurs recettes sur la grève générale ne renvoient
pas seulement à une terminologie particulière mais relèvent
d'une conception de la lutte par des actions individuelles ou minoritaires
totalement étrangère au marxisme. Cela a des répercussions
qui ne restent pas dans le domaine abstrait mais qui sont éminemment
pratiques.
L'évolution du capitalisme depuis son entrée en décadence
au début du siècle précédent, n'a fait que
confirmer l'incapacité pour le prolétariat d'obtenir des
conquêtes durables sur le plan économique.
C'est pourquoi la défense de ses intérêts immédiats
acquiert d'emblée une dimension politique pour la classe ouvrière,
allant dans le sens d'une remise en question de la société
capitaliste. Ce qui entraîne non seulement la faillite historique
du syndicalisme du point de vue de la défense des intérêts
prolétariens mais condamne irrémédiablement celui-ci
à être totalement intégré dans les rouages
de l'Etat capitaliste et à assumer une fonction essentiellement
mystificatrice d'encadrement et de sabotage des luttes ouvrières
au service du capitalisme.
Nous ne partageons nullement l'appréciation de notre lecteur
qui estime que "l'anarcho-syndicalisme n'entre pas en contradiction
avec le mouvement des conseils" et même "le favoriserait".
Même si nous accordons une importance de premier ordre aux assemblées
générales et au caractère souverain des décisions
qu'elles prennent, nous n'y donnons pas du tout le même sens et
n'y mettons pas le même contenu que l'anarchisme. Ce n'est pas
parce qu'elles seraient l'expression d'un quelconque besoin abstrait
d'un "principe de démocratie directe" mais parce qu'elles
sont la forme spontanée dans laquelle s'exprime le développement
de la lutte de classe, elles sont l'expression de la classe en lutte
qui se rassemble et s'organise de façon unitaire et qui tente
de se donner les moyens d'affronter la bourgeoisie.
Les AG ne portent pas en soi la conscience de classe mais expriment
en fait un degré tout à fait variable de maturité
et de conscience. Ce niveau se traduit à travers leurs discussions
et leurs décisions concrètes, leurs perspectives, les
délégués révocables qu'elles élisent.
Elles sont l'expression à un moment donné de la dynamique
unitaire et collective de la classe, de la grève de masse. Les
AG, parce qu'elles sont une condition indispensable de l'affirmation
révolutionnaire du prolétariat en lutte, ouvrent la possibilité
de développer la dynamique d'extension de la lutte, la conscience
des enjeux et l'unité de la classe au-delà des divisions
corporatistes ou sectorielles. Et c'est dans les moments les plus forts
de cette dynamique d'extension de la lutte et de confrontation avec
son ennemi de classe dans les périodes révolutionnaires,
que le prolétariat est capable de s'organiser en conseils ouvriers.
Cette expression unitaire et collective de la lutte s'oppose en réalité
à la conception fédéraliste des anarchistes. C'est
pourquoi les AG et les conseils ouvriers représentent tout autre
chose pour le prolétariat qu'un instrument au service d'un simple
"sabotage du profit capitaliste". Il ne s'agit pas de réduire
les luttes et leurs AG comme le font la plupart du temps les anarcho-syndicalistes
à une accumulation additionnelle de grèves juxtaposées,
une fédération de grèves autonomes, chacune mobilisée
autour de ses propres revendications, quand ils ne la réduisent
pas à une couverture falsificatrice qui sert tout bonnement aux
agissements d'une minorité syndicale ou gauchiste. Ainsi, la
vision anarchiste participe pleinement à la dénaturation
du rôle des AG car elle masque que ces AG, comme les autres organes
de la lutte de classe, sont à la fois le lieu et l'enjeu d'une
confrontation politique dans laquelle le prolétariat doit affirmer
et imposer les besoins de sa lutte contre les entreprises bourgeoises
de contrôle et de dévoiement du combat de classe.
La révolution n'est pas seulement une affaire de sincérité
des individus mais le produit d'un rapport de forces et d'un développement
de la conscience de classe au sein de la classe ouvrière dans
son ensemble. L'hétérogénéité de
cette maturation de la conscience au sein du prolétariat détermine
l'engagement et le rôle des organisations révolutionnaires
dont la responsabilité essentielle est de toujours mettre en
avant et défendre les intérêts communs comme les
buts historiques de la classe ouvrière et de ses luttes. La conscience
de classe n'est pas le seul produit mécanique du développement
ou du reflux des luttes ouvrières mais d'une expérience
historique, d'une maturation au sein des conditions sociales, historiques,
matérielles à un moment donné.
Si notre lecteur admet qu'il faut tenir compte de l'état du rapport
des forces entre les classes en énonçant "qu'il ne
s'agit pas de faire la révolution tous les jours", il réintroduit
aussitôt par la fenêtre ce qu'il vient de faire sortir par
la porte en ajoutant qu'on peut au jour le jour "participer au
sabotage du profit capitaliste". Pour l'anarchisme, il s'agit non
de se battre collectivement, de développer un rapport de forces
en tant qu'exploités contre l'exploitation capitaliste mais de
"saboter le profit capitaliste", soit individuellement, soit
par une minorité combative et déterminée. De ce
fait, pour l'anarchisme, la révolution est possible à
tout moment. Pour les marxistes, le combat de classe n'est pas "un
combat pour faire vivre ses idées", relevant d'un "libre
choix individuel". Contre cette vision totalement idéaliste
propre à l'anarchisme, nous affirmons que le combat de classe
et l'abolition de l'exploitation capitaliste correspondent à
une nécessité matérielle pour le prolétariat,
dans un monde où l'histoire de l'humanité se confond jusqu'ici
avec l'histoire de la lutte des classes.
L'anarchisme en général, et l'anarcho-syndicalisme en
particulier, sont incapables de s'appuyer sur une vision historique.
Ce point de vue néglige de tirer les leçons des luttes
précédentes et ignore superbement l'expérience
historique du mouvement ouvrier, qui est le point d'appui essentiel
du marxisme. Les intérêts et les positions de classe sont
en fait les produits de l'expérience du mouvement ouvrier, de
la maturation de la conscience de classe.
C'est pourquoi l'anarchisme, en se privant de la seule véritable
boussole permettant de mener le combat de classe, en est réduit
à s'accrocher à des principes abstraits, à une
vision moralisante quand il entreprend de s'engager dans ce combat.
Les anarchistes agissent à partir de jugements de valeur, de
principes moraux parce qu'ils ignorent ou méconnaissent les fondements
matériels des principes prolétariens. Les corollaires
de l'anarchisme, qu'il porte dans son patrimoine génétique,
sont toujours l'immédiatisme et l'activisme.
C'est aussi pourquoi, face aux situations concrètes, les anarchistes
choisissent toujours ce qui leur paraît être le moindre
mal, ce qui en fonction de leurs critères est la solution ou
la voie la moins "autoritaire", ce qui les amène à
tomber dans tous les pièges tendus par la bourgeoisie, à
choisir la "démocratie" contre le "fascisme"
et, comme on l'a vu dans la guerre d'Espagne, à s'enrôler
activement dans le camp républicain contre Franco. Autrement
dit, ils sont le plus souvent amenés à choisir entre deux
fractions bourgeoises, et à se laisser happer par l'une d'elles
en désertant et en trahissant le camp du prolétariat.
Nous reviendrons dans la deuxième partie de notre réponse
(qui paraîtra dans le prochain numéro de RI) sur les appréciations
de notre lecteur concernant la CNT et la guerre d'Espagne pour démontrer
que le courant anarchiste n'a pas davantage de boussole face à
la guerre impérialiste que dans la lutte de classe et nous mettrons
en avant les leçons que doivent en retirer les ouvriers sur le
rôle réel joué par la CNT pendant la période
1936-39.
Dans la première partie [85] de cet article, nous avons vu que le communisme n'était pas seulement un vieux rêve de l'humanité ou le simple produit de la volonté humaine, mais qu'il se présentait comme la seule société capable de surmonter les contradictions qui étranglent la société capitaliste. Après un formidable développement des forces productives, le capitalisme est entré dans sa phase de décadence au moment où il a conquis le marché mondial. Depuis, le communisme est devenu une possibilité matérielle. La barbarie permanente, les deux guerres mondiales et aujourd'hui la décomposition de la société même font que le communisme est resté plus que jamais nécessaire : pas seulement pour les progrès de l'humanité mais aussi et surtout pour sa survie même. Aussi, contrairement au discours de ceux qui nous ont annoncé en grandes pompes la "mort du communisme" au moment de l'effondrement du stalinisme, ancien bastion du capitalisme décadent, il est impossible "d'adapter" ou de "réformer" le capitalisme pour le rendre "plus humain". Dans cette deuxième partie, nous allons examiner les conceptions de ceux qui, en admettant une critique du stalinisme, pensent que, de toutes façons la société telle que Marx l'envisageait est impossible à réaliser comme l'illustrerait le déchaînement de l'égoïsme, de la soif de pouvoir et le "chacun pour soi", véritables manifestations d'une prétendue "nature humaine".
Cette "nature" est un peu comme la pierre philosophale que les alchimistes ont recherchée pendant des siècles. Jusqu'à présent, toutes les études sur les "invariants sociaux" (comme le disent les sociologues), c'est-à-dire sur les caractéristiques du comportement humain valables dans tous les types de société ont fait surtout apparaître à quel point la psychologie et les attitudes humaines étaient variables et liées au cadre social dans lequel s'est développé chaque individu considéré. En fait, s'il fallait définir une caractéristique fondamentale de cette fameuse "nature humaine" qui la distingue de celle des autres animaux, c'est bien l'énorme importance de "l'acquis" par rapport à "l'inné", c'est bien sûr le rôle décisif que joue l'éducation, et donc l'environnement social dans ce qu'est l'homme adulte.
"L'abeille confond par la structure de ses cellules de cire l'habileté de plus d'un architecte ; mais ce qui distingue dès l'abord le plus mauvais architecte de l'abeille la plus experte, c'est qu'il a construit la cellule dans sa tête avant de la construire dans la ruche", remarquait Marx. C'est de façon génétiquement programmée que l'abeille possède l'aptitude de construire des hexagones parfaits, comme le pigeon voyageur de retrouver son nid à 1000 km de distance ou que l'écureuil emmagasine des noisettes qu'il est par la suite incapable de retrouver. Par contre, la forme finale de l'édifice que va concevoir notre architecte sera déterminée bien moins par un quelconque héritage génétique que par toute une série d'éléments qui lui seront fournis par la société dans laquelle il vit. Qu'il s'agisse du type d'édifice qui lui a été commandé, des matériaux et des outils utilisables, des techniques productives des divers corps de métier pouvant participer au produit, des connaissances scientifiques auxquels il doit se conformer, c'est le milieu social qui les détermine.
A côté de cela, la part de ce qui revient à un "inné" transmis génétiquement par les parents de l'architecte se mesure essentiellement au fait que le fruit de leur accouplement n'a pas été une abeille ou un pigeon mais, comme eux, un homme, c'est-à-dire un individu appartenant à l'espèce humaine chez qui, justement, la part de l'acquis entrant dans la formation du sujet adulte est de loin la plus importante.
Il en est de la nature des comportements comme de la nature des produits du travail. Ainsi le vol est un crime, c'est-à-dire une perturbation du fonctionnement de la société qui, si elle était généralisée, deviendrait pour elle catastrophique. Celui qui vole ou plus encore, qui menace, enlève ou tue des personnes est un criminel, un être considéré presque unanimement comme malfaisant, asocial, qu'il s'agit "d'empêcher de nuire" (à moins qu'il ne le fasse dans le cadre des lois existantes, auquel cas son habileté à extorquer la plus-value aux prolétaires sera louée et grassement récompensée et son efficacité dans le massacre de ceux-ci lui vaudra galons et médailles). Mais le comportement "vol" et les criminels "voleurs", "ravisseurs" ou "assassins crapuleux" ainsi d'ailleurs que tout ce qui s'y rapporte : lois, juges, policiers, prisons, films policiers, romans de la "série noire", pourraient-ils exister s'il n'y avait rien à voler parce que tous les biens matériels, de par l'abondance permise par le développement des forces productives, seraient à la libre disposition de tous les membres de la société ? Évidemment non ! Et on pourrait multiplier les exemples illustrant à quel point les comportements, les attitudes, les sentiments, les relations entre les hommes sont déterminés par le milieu social.
Des esprits chagrins objecteront que, s'il existe des comportements asociaux, quelle que soit la forme qu'ils revêtent, en fonction des formes de société, c'est qu'il existe au tréfonds de la "nature humaine" une part d'attitude anti-sociale, d'agressivité contre autrui, de "criminalité potentielle". Et de dire : "Bien souvent le voleur ne l'est pas par nécessité matérielle", "le crime gratuit existe", ou bien, si "les nazis ont pu commettre de telles horreurs, c'est que l'homme porte en lui le mal, lequel s'épanouit pour peu que les conditions lui soient favorables". Mais que signifient de telles objections sinon qu'il n'existe pas une "nature humaine" en soi "bonne" ou "mauvaise", mais bien un homme social dont les multiples potentialités s'expriment différemment suivant les conditions dans lesquelles il vit. Les statistiques à cet égard sont éloquentes : est-ce la "nature humaine" qui devient pire lors des périodes de crise de la société où l'on voit se développer la criminalité et tous les comportements morbides ? Le développement d'attitudes "asociales" chez un nombre croissant d'individus n'est-il pas au contraire l'expression d'une inadéquation croissante de la société existante à l'égard des besoins humains, lesquels, éminemment sociaux, ne trouvent plus à se satisfaire au sein de ce qui justement devient de moins en moins une société, une communauté ?
Les mêmes esprits chagrins ou leurs congénères basent leur rejet de la possibilité du communisme sur l'argument suivant : "Vous parlez d'une société qui satisfera vraiment les besoins humains, mais justement la propriété, le pouvoir sur autrui sont des besoins humains essentiels et le communisme, qui les exclut, est vraiment mal adapté pour une telle satisfaction. Le communisme est impossible parce que l'homme est égoïste".
Dans l'Introduction à l'économie politique, Rosa Luxemburg décrit les émois des bourgeois anglais qui, lors de la conquête de l'Inde, découvrent des peuples qui ne connaissent pas la propriété privée. Ils se consolaient en se disant que c'étaient des "sauvages", mais ceux-là même à qui toute l'éducation avait appris que la propriété privée est "naturelle" étaient bien embarrassés de constater que c'étaient des "sauvages" qui avaient justement le mode de vie le plus "artificiel". De fait, l'humanité avait "un tel besoin naturel de propriété privée" qu'elle s'en est passée pendant plus d'un million d'années. Et dans bien des circonstances, c'est à coups de massacres, comme ce fut le cas des Indiens cités par Rosa Luxemburg, qu'on fit découvrir aux hommes ce "besoin naturel". Il en est de même d'ailleurs du commerce, forme "naturelle et unique" de circulation des biens et dont l'ignorance par des autochtones scandalisait le colonisateur : indissociable de la propriété privée, il apparaît avec elle et disparaîtra avec elle.
L'idée est également courante que si le profit n'existait pas comme stimulant de la production et de son progrès, si le salaire individuel n'était pas la contrepartie des efforts dépensés par le travailleur, plus personne ne produirait. Effectivement, plus personne ne produirait de façon capitaliste, c'est-à-dire dans un système basé sur le profit et le salariat, où la moindre découverte scientifique doit être "rentable", où le travail, par sa durée, son intensité, sa forme inhumaine est devenu une malédiction pour la très grande majorité des prolétaires. Par contre, le savant qui, par ses recherches, participe au progrès de la technique a-t-il besoin d'un "stimulant matériel" pour travailler ? En général, il est moins payé que le cadre commercial qui lui, ne fait faire aucun progrès à la connaissance. Le travail manuel est-il nécessairement désagréable ? A quoi rimerait alors l'expression "amour du métier" ou l'engouement pour le bricolage et toutes sortes d'activités manuelles qui souvent reviennent fort cher ? De fait, le travail, quand il n'est pas aliéné, absurde, épuisant, quand ses produits ne deviennent pas des forces hostiles aux travailleurs, mais des moyens de satisfaire réellement des besoins de la collectivité, devient le premier besoin humain, une des formes essentielles d'épanouissement des facultés humaines. Dans le communisme, les hommes produiront pour leur plaisir.
De l'existence aujourd'hui généralisée de chefs, de représentants de l'autorité, on déduit qu'aucune société ne peut se passer de chefs, que les hommes ne pourront jamais se passer d'autorité subie ou exercée sur autrui.
Nous ne reviendrons pas ici sur ce que le marxisme a depuis longtemps dit sur le rôle des institutions politiques, sur la nature du pouvoir étatique et qui se résume dans l'idée que l'existence d'une autorité politique, d'un pouvoir de certains hommes sur les autres est le résultat de l'existence dans la société d'oppositions et d'affrontements entre groupes d'individus (les classes sociales) aux intérêts antagoniques.
Une société où les hommes se font concurrence entre eux, où leurs intérêts s'opposent, où le travail productif est une malédiction, où la coercition est permanente, où les besoins humains les plus élémentaires sont foulés aux pieds pour la grande majorité, une telle société a "besoin" de chefs (comme elle a besoin d'ailleurs de policiers ou de religion). Mais qu'on supprime toutes ces aberrations, et on verra si les chefs et le pouvoir sont toujours nécessaires. "Oui, répond l'esprit chagrin, l'homme a besoin de dominer autrui ou d'être dominé. Quelle que soit la société, le pouvoir de certains sur les autres existera". Il est vrai que l'esclave qui a toujours porté des chaînes aux pieds a l'impression qu'il ne pourrait pas s'en passer pour marcher. Mais l'homme libre n'a jamais cette impression. Dans la société communiste, les hommes libres ne feront pas comme ces grenouilles qui voulaient un roi. Le besoin pour les hommes d'exercer un pouvoir sur autrui est le complément de ce que l'on pourrait appeler "la mentalité d'esclave" : l'exemple de l'armée où l'adjudant bête et discipliné est en même temps celui qui aboie en permanence après ses hommes, est à cet égard significatif. De fait, si les hommes ont besoin d'exercer un pouvoir sur d'autres, c'est qu'ils exercent bien peu de pouvoir sur leur propre vie et sur l'ensemble de la marche de la société. La volonté de puissance de chaque homme est à la mesure de son impuissance réelle. Dans une société où les hommes ne sont les esclaves impuissants ni des lois de la nature, ni des lois de l'économie, où ils se libèrent des secondes et utilisent de façon consciente les premières à leurs propres fins, où ils sont des "maîtres sans esclaves", ils n'ont plus besoin de ce piètre ersatz de puissance que constitue la domination d'autres hommes.
Et il en est de l'agressivité comme de la "soif de pouvoir". Face à l'agression permanente d'une société qui marche sur la tête, qui lui impose une angoisse perpétuelle et un refoulement constant de ses propres désirs, l'individu est nécessairement agressif : c'est la simple manifestation, bien connue chez tous les animaux, de l'instinct de conservation. Des psychologues savants affirment que l'agressivité serait une pulsion inhérente à toutes les espèces du règne animal, et ayant besoin de se manifester en toutes circonstances : même si c'est le cas, que les hommes aient l'occasion de l'employer à combattre les obstacles matériels qui entravent un épanouissement chaque jour plus grand, et nous verrons s'ils ont encore besoin de l'exercer contre d'autres hommes !
Le "chacun pour soi" serait une caractéristique de l'homme. C'est incontestablement une caractéristique de l'homme bourgeois, du "self made man", de celui "qui s'est fait tout seul", mais cela n'est qu'une expression idéologique de la réalité économique du capitalisme et n'a rien à voir avec la "nature humaine". Sinon il faudrait considérer que cette "nature humaine" s'est transformée radicalement depuis le communisme primitif ou même depuis le féodalisme avec sa communauté villageoise. De fait, l'individualisme fait une entrée massive dans le monde des idées quand les petits propriétaires indépendants font leur apparition à la campagne (abolition du servage) et à la ville. Petit propriétaire qui a réussi - notamment en ruinant ses voisins - le bourgeois adhère avec fanatisme à cette idéologie et lui décerne le titre de "naturelle". Par exemple, il ne s'embarrasse pas de scrupules pour faire de la théorie de Darwin une justification de la "lutte pour la vie", de la "lutte de tous contre tous".
Mais avec l'apparition du prolétariat, classe associée par excellence, une faille s'ouvre dans la domination sans partage de l'individualisme. Pour la classe ouvrière, la solidarité est en premier lieu un moyen élémentaire d'assurer une défense élémentaire de ses intérêts matériels. A ce stade du raisonnement, on peut déjà répondre à ceux qui prétendent que "l'homme est naturellement égoïste" : s'il est égoïste, il est également intelligent et la simple volonté de défendre son intérêt bien compris le pousse à l'association et à la solidarité dès que les conditions sociales le permettent. Mais ce n'est pas tout encore : chez cet être social par excellence, la solidarité et l'altruisme sont, tant dans un sens que dans l'autre des besoins essentiels. L'homme a besoin de la solidarité des autres, mais il a autant besoin de leur manifester sa solidarité. Et c'est quelque chose qui se manifeste de façon fréquente dans notre société aussi aliénée qu'elle soit et qui est reconnu de façon simple et courante par l'idée que "chacun a besoin de se sentir utile aux autres". Certains diront que l'altruisme est encore une forme d'égoïsme puisque celui qui le pratique se fait en premier lieu plaisir à lui-même. Soit ! Mais c'est là une autre formulation de l'idée défendue par les communistes qu'il n'y a pas par essence opposition - bien au contraire - entre l'intérêt individuel et l'intérêt collectif. Une opposition entre l'individu et la société se manifeste dans les sociétés d'exploitation, dans les sociétés qui connaissent la propriété privée (c'est-à-dire privée aux autres) et il n'y a rien là que de très logique : comment pourrait-il y avoir harmonie entre, d'une part, des hommes qui subissent l'oppression et, d'autre part, les institutions qui garantissent et perpétuent cette oppression. Dans une telle société, l'altruisme ne peut essentiellement se manifester que sous forme de charité ou sous forme de sacrifice, c'est-à-dire de négation de soi-même, et non comme affirmation, épanouissement communs et complémentaires de soi et de l'autre.
Contrairement à ce que voudrait faire croire la bourgeoisie, le communisme n'est donc pas négation de l'individualité : c'est le capitalisme où le prolétaire devient un appendice de la machine qui opère une telle négation et qui la pousse à l'extrême dans cette expression spécifique de son pourrissement, le capitalisme d'État. Dans le communisme, dans cette société débarrassée de cet ennemi de la liberté par excellence qu'est l'État, dont l'existence est devenue sans objet, c'est le règne de la liberté qui s'instaure pour chaque membre de la société. Parce que c'est socialement que l'homme réalise ses multiples potentialités et parce que disparaît l'antagonisme entre intérêt individuel et intérêt collectif, c'est un champ nouveau qui s'ouvre pour l'épanouissement de chaque individu.
De même, bien loin d'accentuer encore la morne uniformité généralisée par le capitalisme, comme le soutiennent les bourgeois, le communisme, parce qu'il permet de rompre avec une division du travail qui fige chaque individu dans un rôle qui lui colle à la peau toute sa vie durant, est par excellence la société de la diversité. Désormais, tout nouveau progrès de la connaissance ou de la technique n'est plus l'occasion d'une spécialisation encore plus poussée, mais au contraire élargit chaque fois plus le champ des multiples activités à travers lesquelles chaque homme peut s'épanouir ! Comme l'écrivaient Marx et Engels : "Dès l'instant où le travail commence à être réparti, chacun a une sphère d'activité exclusive et déterminée qui lui est imposée et dont il ne peut sortir ; il est chasseur, pêcheur, ou berger ou critique critique, il doit le demeurer s'il ne veut pas perdre ses moyens d'existence ; tandis que dans la société communiste, où chacun n'a pas une sphère d'activité exclusive, mais peut se perfectionner dans la branche qui lui plaît, la société réglemente la production générale, ce qui crée pour moi la possibilité de faire aujourd'hui telle chose, demain telle autre, de chasser le matin, de pêcher l'après midi, de pratiquer l'élevage le soir, de faire de la critique critique après le repas, selon mon bon plaisir, sans jamais devenir chasseur, pêcheur ou critique" (l'Idéologie allemande).
Oui, et n'en déplaise aux bourgeois et à tous les esprits sceptiques ou chagrins, le communisme est fait pour l'homme, l'homme peut vivre dans le communisme et le faire vivre !
Reste un dernier argument à examiner : "Oui le communisme est nécessaire et matériellement possible ! Oui, l'homme pourrait vivre dans une telle société ! Mais il est aujourd'hui tellement aliéné dans la société capitaliste que jamais il n'aura la force de réaliser un aussi gigantesque bouleversement que la révolution communiste !" C'est ce que nous ferons dans la suite de cet article.
D'après RI n° 62, juin 1979
La bourgeoisie française
n'a de cesse de proclamer que si les temps sont difficiles aujourd'hui,
cela ira mieux demain. Il n'est pas un seul jour sans que les journalistes
et autres experts bourgeois ne nous promettent une reprise économique
pour l'année prochaine. Le message est clair : la classe ouvrière
doit courber l'échine et se serrer la ceinture dans l'attente
de lendemains meilleurs. Cela fait maintenant des dizaines d'années
que la bourgeoisie nous tient régulièrement les mêmes
discours alors que les conditions d'existence des prolétaires,
elles, n'ont cessé de se dégrader.
Ces six derniers mois, c'est une véritable déferlante
de plans sociaux qui s'est abattue sur la classe ouvrière. On
a compté en France (selon les statistiques officielles de la
bourgeoisie), au cours de ces derniers mois, 25 000 faillites d'entreprises,
60 000 suppressions d'emplois, 220 000 demandeurs d'emploi supplémentaires,
tandis que la courbe du chômage devrait passer la barre des 10%
en fin d'année. Une masse croissante d'ouvriers n'ayant plus
aucun droit est rayée des statistiques du chômage. Contrairement
à ce que prétend la bourgeoisie, ce n'est pas 2,5 millions
de chômeurs que compte actuellement la France mais bien plus de
5 millions. Et que dire de cette nouveauté, le RMA (revenu minimum
d'activité) ? Un RMA, "qui devrait entrer en vigueur, début
2004, et dont l'objectif est d 'améliorer l'insertion des allocataires
du RMI ? La réforme de M. Fillon puise ses racines dans une philosophie
précise :'il n'apparaît pas sain qu'une allocation-chômage
puisse, sans limitation de durée, indemniser l'absence d'emploi'."
(Le Monde du 22 octobre). Quel cynisme ! La réalité est
tout autre : avec cette nouvelle attaque frontale contre la classe ouvrière,
les chômeurs qui ne pourront retrouver du travail (et qui, avec
l'aggravation de la crise, seront de plus en plus nombreux) ne toucheront
tout simplement plus rien pour vivre.
Pendant ce temps, un nombre croissant de grandes entreprises licencient
massivement : Aventis, STMicroelectronic, Alcatel, Giat-Industries,
Eramet, les Télécoms, Alstom... Le rythme de fermeture
d'usines s'accélère et, contrairement aux mensonges de
la bourgeoisie, cette accélération se poursuivra encore
dans les années à venir. Même les plus petites entreprises
tant vantées pour leur pseudo-dynamisme économique dégraissent
à tour de bras. Frédéric Bruggeman (cité
par Le Point et spécialisé dans l'assistance aux comités
d'entreprise) ne peut même plus cacher la réalité
: "Ce qui est nouveau c'est l'ampleur du mouvement et le fait qu'aucun
secteur n'y échappe." En réalité, ce qui est
nouveau, c'est l'ampleur de la dégradation des conditions de
vie de la classe ouvrière. Ce qui est nouveau, c'est que tous
les secteurs ouvriers sont aujourd'hui frontalement et massivement attaqués.
Mais la bourgeoisie ne se contente pas de jeter de plus en plus massivement
les ouvriers à la rue. Elle a fait des coupes sombres sur les
pensions de retraites, amenant les ouvriers à vieillir dans une
misère croissante. En s'attaquant à la Sécurité
sociale, c'est la capacité des ouvriers à se soigner qui
est désormais radicalement remise en cause.
Cette accélération brutale des attaques contre les conditions
d'existence de la classe ouvrière signe aujourd'hui la faillite
du capitalisme contraignant la classe dominante à démanteler
de façon irrémédiable l'Etat "providence".
Malgré l'accélération des mesures anti-ouvrières prises par le gouvernement Raffarin depuis la rentrée de septembre, les syndicats sont restés très discrets. Aucune agitation, aucun appel à reprendre la lutte alors qu'en juin dernier, après la grande mobilisation du printemps contre la réforme du système des retraites, les syndicats, FO et CGT en tête, n'ont cessé de claironner que "la rentrée de septembre serait chaude" et que le combat allait redémarrer dès la fin de l'été. Cette rentrée s'est déroulée d'une manière parfaitement calme, les syndicats sont restés parfaitement silencieux. Aucun appel à la mobilisation, aucun appel à la lutte. Ce silence de la part des appareils d'encadrement de la bourgeoisie n'est pas pour nous surprendre. Il est une claire confirmation de la manœuvre de l'Etat bourgeois et de ses syndicats lors des luttes du printemps dernier visant à faire passer l'attaque sur les retraites : provoquer les ouvriers du secteur de l'Education nationale, les enfermer dans une lutte sectorielle et isolée en polarisant leur combativité sur le problème de la décentralisation (voir RI n° 337 et 338). Grâce à cette manœuvre, la bourgeoisie a réussi à infliger une défaite cinglante à toute la classe ouvrière. Elle a réussi à enfoncer un coin dans la tête des prolétaires en leur faisant croire qu'il ne sert à rien de lutter ! Voilà pourquoi les syndicats n'ont pas bronché face aux nouvelles attaques annoncées dès la rentrée. Ils savaient qu'ils avaient réussi leur coup et étaient parvenus à leurs fins : démoraliser la classe ouvrière et lui insuffler un sentiment d'impuissance.
Cependant, si la bourgeoisie a remporté une victoire au printemps dernier, elle sait pertinemment qu'elle n'a pas gagné la guerre de classe. C'est pour cela qu'elle n'est pas restée inactive depuis la rentrée de septembre. La manœuvre entamée au printemps autour de la question des retraites s'est poursuivie à travers une campagne idéologique d'envergure visant en empêcher la classe ouvrière de tirer les leçons de cette défaite et de développer sa prise de conscience de la faillite historique du capitalisme. Voilà les raisons réelles du battage médiatique développé massivement autour de la tenue des journées du Forum Social Européen. A travers le mouvement altermondialiste, la bourgeoisie s'efforce en premier lieu d'empêcher la classe ouvrière de retrouver le chemin de sa propre perspective révolutionnaire face à la faillite du capitalisme. C'est pour cela qu'elle met en avant qu'un "autre monde est possible" mais… uniquement dans le cadre du capitalisme qu'il s'agirait de "réformer"! (voir article sur le FSE).
Les prolétaires doivent le savoir, si la bourgeoisie française
ne relâche à aucun moment sa pression si, de manière
continue, elle développe des campagnes d'intoxication idéologique,
c'est justement parce que, malgré la défaite de juin dernier,
la classe ouvrière garde potentiellement toute sa combativité.
Avec ses attaques brutales, massives et simultanées, la bourgeoisie
démontre ouvertement que le capitalisme n'a plus rien à
offrir à la classe exploitée. Elle est parfaitement consciente
du danger que représenterait une telle avancée de la conscience
au sein des masses ouvrières. Partout, y compris dans les Etats
les plus industrialisés, la misère se répand dans
les familles ouvrières en même temps que se déchaînent
la barbarie guerrière et le chaos sanglant dans les pays périphériques.
Il revient au prolétariat de ne pas accepter cette situation.
Lui seul est capable de s'opposer au pourrissement de la société
capitaliste. Le prolétariat doit refuser de tomber dans le piège
de l'idéologie altermondialiste. Il doit refuser de se laisser
entraîner par les trotskistes sur le terrain bourgeois des élections
(voir article page 4).
Face à la faillite du capitalisme, un seul monde est nécessaire
et possible : la construction de la société communiste.
Face à la faillite du capitalisme, une seule force peut changer
le monde et offrir un avenir à l'humanité : la classe
ouvrière mondiale.
Tino (29 novembre)
Après Porto Alegre en janvier 2001, Florence en novembre 2002 et le Larzac l'été dernier, le grand show altermondialiste a une fois de plus fait salles combles du 12 au 15 novembre dans les villes de Paris, Ivry, Bobigny et Saint-Denis à l'occasion de la seconde édition de son Forum Social Européen. Des centaines de "débats" programés pour lesquels 50 000 personnes sont venues des quatre coins de l'Europe. Une manifestation le 15 novembre, sorte de bouquet final du Forum, qui a rassemblé environ 80 000 personnes. Avec un pareil bilan, on peut dire que le mouvement altermondialiste a le vent en poupe. Et cela n'est pas pour déplaire à la bourgeoisie, bien au contraire. Mieux, c'est elle qui en est le commanditaire en titre.
Dès les origines, avec le Forum Social Mondial de Porto Alegre, la classe dominante est apparue comme le principal bailleur de fonds de l'altermondialisme. Ainsi, le journal Le Monde Diplomatique et l'association ATTAC, emblème de ce mouvement, s'étaient vu octroyer en janvier 2002 la somme de 80 000 euros par le ministère français des affaires étrangères afin de soutenir financièrement l'organisation du 2ème FSM au Brésil. De même, il y a quelques mois, au Larzac, le Conseil régional de Midi-Pyrénées s'était fendu d'une généreuse contribution de 50 000 euros. Pour le FSE de novembre à Paris, le moins que l'on puisse dire, c'est que la bourgeoisie française n'a pas lésinée sur les moyens. Matignon a arrosé le rendez-vous altermondialiste avec 500 000 euros. Les Conseils généraux de Seine-Saint-Denis, du Val de Marne et de l'Essonne ont quant à elles déboursées plus de 600 000 euros. Enfin, la Mairie de Paris a déposé sur la table 1 million d'euros et celle de Saint-Denis 570 000 euros. Tout cela sans compter l'énorme logistique fournie gracieusement : annexe de mairie, théâtre, bibliothèques, gymnase et même des locaux de préfecture ! "L'effort financier et logistique décidé par le Conseil de Paris, les maires d'arrondissement et les services de la Ville (mise à disposition d'un lieu pour l'organisation de cet événement, subvention pour l'aménagement du site de la Villette, ouvertures d'espaces de réunion et d'hébergement…illustre, je crois, une volonté à la hauteur des enjeux de ce rassemblement."(Bertrand Delanoë).
L'implication de la bourgeoisie au sein du mouvement altermondialiste est tellement criante que ce sont les maires des villes d'accueil, estampillés PCF, ou PS pour Paris, qui ont eu l'immense honneur de prononcer le 12 novembre les discours d'ouverture du FSE. Le ton était donné ! Pas de quoi s'étonner dès lors de l'importante présence des forces bourgeoises d'encadrement de la classe ouvrière que sont les syndicats ainsi que des partis de gauche et d'extrême gauche du capital dans ce FSE. Effectivement, de nombreux syndicats comme la CGT, FO, CFDT, CFTC, le G10Solidaires dont fait parti SUD, la FSU et bien d'autres, de l'allemand IGMetall à la CUT brésilienne, tous rompus au sabotage de la lutte de classe et aux techniques de mystification de la classe ouvrière, ont non seulement animé un grand nombre de débats mais se trouvaient être, pour certains d'entre eux, co-organisateur du Forum. C'est tout dire !
Idem pour les partis bourgeois hypocritement interdits de participation mais qui dans les faits étaient présents et sont intervenus massivement sous couvert d'associations, fondations ou organes de presse sous leur contrôle. Ainsi, le PS pouvait bénéficier du Mouvement des Jeunes Socialistes, de la Fédération nationale Léo Lagrange ou de la Fondation Jean Jaurès comme porte-parole. Le PCF, quant à lui, était présent dans les débats notamment par le biais de son journal L'Humanité et sa fondation Espace Karl Marx. La LCR avait aussi droit de cité dans le Forum via son hebdomadaire Rouge (devenu le temps du FSE quotidien distribué gratuitement) et ses Jeunesses Communistes Révolutionnaires.
Voilà quel est le vrai visage des animateurs et organisateurs de l'altermondialisme. Voilà ce qui se cache derrière le prétendu "renouveau" de la scène politique porteur d'alternative, toute la vieille quincaillerie bourgeoise des syndicats, de la social-démocratie en passant par le trotskisme et autres composantes du gauchisme.
Mais pourquoi la bourgeoisie accorde t-elle autant d'argent et déploie tant d'énergies pour animer un mouvement qui chante sur tout les tons qu'un autre monde (voire plusieurs) est possible et nécessaire puisque celui-ci ne tourne pas rond ? La bourgeoisie serait-elle tombée sur la tête ? Bien sûr que non ! Si elle a créé de toutes pièces le mouvement altermondialiste, le finance, l'organise et lui octroie une telle publicité à l'échelle planétaire, c'est parce que, derrière ses airs de "chamboule-tout", se cache une puissante arme de mystification contre la classe ouvrière.
La faillite du capitalisme est mise en lumière par le développement croissant de la barbarie guerrière dans les quatre coins du globe. Elle est aussi patente à travers l'aggravation de sa crise économique insoluble, dont découlent de violentes attaques contre le prolétariat. La récente remise en cause des retraites et du système de santé en France et en Allemagne en témoignent. Tout cela suscite inévitablement des interrogations quant à l'avenir que nous réserve le capitalisme. Pour la classe dominante, il est impératif de couper court à ce type de réflexion. C'est justement à cela que sert l'altermondialisme. De ce point de vue, la physionomie du FSE parle d'elle-même. Quatre villes différentes, un casse-tête pour se déplacer, des salles de "débats" dispersées d'un bout à l'autre de chaque villes façon labyrinthe. Bref, tout était prévu pour qu'il y ait le moins de rencontres, de discussions possible en dehors des "débats" officiels. "Débats" qui, soit dit en passant, étaient complètement verrouillés. En effet, les prises de parole étaient exclusivement réservées aux experts (philosophes, journalistes, syndicalistes…) se répartissant les rôles d'"orateurs" et de "modérateurs" pour reléguer le public au rang de simple spectateur juste bon à se faire bourrer le crâne.
"Un autre monde est possible"… "oui, mais lequel ?". C'est la critique commune et convenue faite à l'altermondialisme et que l'on retrouve un peu partout, des journaux aux plateaux télé. Et pour cause, elle permet aux papes du mouvement comme Bernard Cassen pour ATTAC et José Bové pour la Confédération paysanne, de venir expliquer et légitimer pourquoi l'altemondialisme ne se fonde sur aucune perspective précise. "On est en train d'y réfléchir" répondent ces messieurs, et c'est là le but des rendez-vous type FSE ; un gignatesque "brain-storming" pour définir les contours de cet "autre monde" ou encore plus évasif, "ces mondes possibles".
En fait, si l'altermondialisme reste dans le flou artistique le plus complet et s'en revendique, c'est précisément parce qu'il ne véhicule aucune alternative au capitalisme mais bien une véritable impasse pour la classe ouvrière.
"Contre la mondialisation libérale, il faut agir ICI et MAINTENANT pour une nouvelle logique économique et sociale !" tract du Mouvement Républicain et Citoyen. Voilà l'archétype du propos altermondialiste dont nous avons été abreuvé jusqu'à la lie durant le FSE. Si le monde va mal, braves gens, c'est la faute de ces fers de lance du "néo-libéralisme" que sont les méchantes multinationales sans scrupules et assoiffées de profits. Bref, un discours gauchiste dans toute sa splendeur qui consiste a crier haro sur les vilains patrons "qui organisent le système à leur profit" pour mieux blanchir le système capitaliste et semer l'illusion qu'il est inutile de le renverser puisqu'il suffit simplement d'échanger sa "logique libérale" contre une logique plus "humaine".
Mais c'est bien sûr ! Comment ne pas y avoir songé avant toutes ces crises et ces guerres qui ont ravagé et ravagent encore aujourd'hui l'espèce humaine ? Il est des fois où les mensonges éhontés de la bourgeoisie frisent le ridicule.
"Le processus de production capitaliste est déterminé par le profit. Pour chaque capitaliste la production n'a de sens et de but que si elle permet d'empocher tous les ans un "bénéfice net" …Mais la loi fondamentale de la production capitaliste à la différence de toute autre forme économique fondée sur l'exploitation n'est pas simplement la poursuite d'un profit tangible mais d'un profit toujours croissant." (Rosa Luxembourg, Critique des critiques).
"La croissance du capital apparaît comme le commencement et la fin, la fin en soi et le sens de toute la production…la production pour le profit devient la loi sur toute la terre et la sous consommation, l'insécurité de la consommation et par moments la non-consommation de l'énorme majorité de l'humanité deviennent la règle." (Rosa Luxembourg, Introduction à l'économie politique).
C'est cette loi d'airain, cette logique immuable, qui fonde la nature du capitalisme que cherche à escamoter l'altermondialisme pour asseoir son idéologie réformiste, à savoir l'illusion d'un capitalisme à visage humain.
La bourgeoisie a suffisamment d'expérience en matière de mystification pour savoir que c'est toujours dans les vieilles marmites que l'on fait les meilleures soupes. Et la soupe altermondialiste qu'elle sert au prolétariat, malgré une présentation en apparence nouvelle, n'en sent pas moins le réchauffé de cette bonne vieille marmite qu'est le réformisme.
Faire croire qu'une autre gestion du capitalisme, une gestion plus humaine, est possible, c'est ici la monumentale escroquerie portée par ce mouvement soi-disant "plein d'espoir". Un mouvement qui ne vise qu'une chose : empêcher la classe ouvrière d'en arriver à la conclusion que le capitalisme se trouve dans une situation de banqueroute historique irréversible. Un système incapable d'engendrer autre chose que misère et barbarie et ce depuis son entrée dans sa période de décadence au début du 20e siècle.
Un problème se pose tout de même pour la classe dominante : que faire de tous ceux qui ne se sentaient pas attiré ou qui n'ont pu être convenablement gavé par un FSE trop clairement réformiste ? Que faire de tous ceux qui sont restés dubitatifs devant cette vaste mascarade d'inspiration stalinienne où tous les "débats" étaient courus d'avance. Heureusement l'altermondialisme a pensé à tout, y compris à organiser son propre "contre-forum". A l'image du Forum Social Libertaire qui se déroulait à Saint-Ouen au même moment.
"Les libertaires proposent des revendications immédiates en rupture avec le capitalisme". Ils réclament non "une réforme de l'économie capitaliste mais son abolition", contrairement au FSE qui "ne remet pas au cause l'économie de marché" (site de présentation du FSL).
C'est donc avec un vocabulaire emprunté aux révolutionnaires que le FSL, animé par les organisations officielles de l'anarchisme (CNT, Alternative Libertaire, Fédération Anarchiste, OCL…), se présente et fait sa promotion. Mais très clairement, il ne s'agit là que d'une vitrine dont l'objectif est d'attirer les éléments plus perplexes, en recherche d'une perspective tranchante, pour finalement les ramener dans le giron réformiste de l'altermondialisme. Pour preuve, les thèmes débattus et les propositions de ce FSL "pour tenter de construire des alternatives" comme "l'accès pour tous à la culture", "l'éducation égalitaire pour tous" ou "une meilleure répartition des richesses" des thèmes identiques mot pour mot à ceux programmés par le FSE et relevant du réformisme le plus plat.
Tout ceci sans parler de l'idéologie autogestionnaire si chère à l'anarchisme et largement reprise par l'altermondialisme dans son ensemble avec la fameuse notion de "démocratie participative". Une idéologie dangereuse incitant les ouvriers à organiser dans les usines leur propre exploitation ou conduisant les populations à gérer directement la misère sans jamais pouvoir la résoudre comme à Porto Alegre.
Ce n'est pas un hasard si les libertaires ont rejoint le cortège de la manifestation altermondialiste du 15 novembre, s'ils ont animé via Alternative Libertaire un débat au sein du FSE sur "l'actualité de l'autogestion" ou si leur Forum à Saint-Ouen était prévu dans le cadre même du FSE. En effet, sur le site internet du FSE, dans la rubrique "Autour du FSE" se trouvent toutes les informations concernant le "contre forum anarchiste". L'anarchisme officiel est donc une composante à part entière de l'altermondialisme. Un maillon de la chaîne tenant un rôle clé, celui de rabatteur des éléments les plus critiques et les plus révoltés par la barbarie du monde capitaliste, vers le piège réformiste de l'altermondialisme.
"Un autre monde est possible…mais surtout pas le communisme". C'est ici le point de mire du mouvement altermondialiste : entraver la classe ouvrière dans son difficile effort de réappropriation de sa conscience de classe. Dans l'idéologie altermondialiste, pas question de classe ouvrière mais de "multitudes"…de citoyens évidemment. Pas question de lutte de classe mais de luttes citoyennes, toutes plus interclassistes les unes que les autres, allant de la lutte pour le droit des homosexuels, des femmes, jusqu'au combat pour "monde sans pesticides" ou pour protéger les animaux de laboratoire. Pas question de révolution prolétarienne mais d'amendement de la démocratie bourgeoise (c'est-à-dire la forme la plus avancée de la dictature de la bourgeoisie contre ceux qu'elle exploite).
Face à l'offensive altermondialiste contre le prolétariat visant à brouiller son identité et sa conscience de classe, les révolutionnaires ne peuvent rester les bras ballants. Ils ont pour responsabilité de réaffirmer que seule la société communiste constitue un avenir pour l'humanité, et seule la classe ouvrière est porteuse de ce nouveau monde. "Dans la mesure où l'abolition de l'exploitation se confond, pour l'essentiel, avec l'abolition du salariat, seule la classe qui subit cette forme spécifique d'exploitation, c'est-à-dire le prolétariat, est en mesure de porter un projet révolutionnaire."…"Le projet communiste du prolétariat…est parfaitement réaliste, non seulement parce que le capitalisme a créé les prémisses d'une telle société, mais aussi parce qu'il est le seul projet qui puisse sortir l'humanité du marasme dans laquelle elle s'enfonce". (Revue Internationale n°73 [86])
C'est tout le sens de l'intervention du CCI contre le piège du FSE : vente de sa presse (en 6 langues) et la diffusion d'un tract sur les sites du FSE et lors de la manifestation du 15 novembre ; prises de parole dans les débats du FSL. Tout cela illustre la farouche volonté du CCI de défendre les positions marxistes et de démontrer en quoi l'altermondialisme (depuis ATTAC jusqu'au anarchistes du FSL) est un piège dirigé contre le prolétariat.
C'est seulement en étant capable de développer ses luttes sur son propre terrain revendicatif contre le système capitaliste que la classe ouvrière pourra tracer clairement la perspective qu'un seul autre monde est possible : le communisme.
Azel (26 novembre)
Au
moment de la chute du régime de Saddam Hussein au printemps
dernier, Bush déclarait : "Le monde est plus sûr
!". En réalité, le monde n'a jamais été
moins sûr. En témoigne la vivacité de la vague
actuelle de terrorisme qui s'est déchaînée dans
toute la région du Moyen et du Proche-Orient depuis la fin
officielle de la guerre en Irak. Quasiment pas une semaine ne se
passe sans qu'un attentat, voire plusieurs simultanément
(comme le quintuple attentat de Bagdad fin octobre ou les deux
doubles attentats d'Istanbul mi-novembre), ne viennent frapper
aveuglément. Les attaques au moyen de véhicules chargés
d'explosifs et conduits par des kamikazes fanatisés se
répètent, avec leurs cortèges d'horreurs. Visant
les intérêts américains autant que ceux d'autres
pays de la coalition, y inclus l'ONU et le CICR pourtant opposés
à l'intervention de Washington, ces attentats frappent tout
aussi aveuglément la population irakienne. Ils sont le
résultat d'une situation qui dégénère à
grande vitesse et qui encourage et favorise les actions terroristes
de toutes sortes de groupes : résistance des hommes de
l'ex-dictateur irakien, infiltration grandissante d'éléments
de la "mouvance" islamiste (Al-Qaïda, Jihad islamique,
Brigades d'Al-Aqsa, Hamas), provenant d'Iran, de Syrie, du Yémen,
d'Arabie Saoudite ou d'ailleurs.
Comme le dit Robert Baer, ancien
agent de la CIA chargé de l'infiltration dans divers groupes
terroristes, dont Al- Qaïda, la situation de chaos créée
en Irak est considérée par les terroristes comme une
"situation idéale de Jihad". D'autres facteurs y
contribuent : les Etats-Unis ont été incapables de
s'allier aussi bien la population sunnite, à nouveau bombardée
aujourd'hui, que la population chiite qui n'a pas vu dans l'Amérique
un "libérateur" ; les rivales européennes de
Washington, comme la France et l'Allemagne, sont prêtes à
profiter de tout ce qui peut gêner la politique américaine.
Ainsi, la boîte de Pandore ouverte par la
politique militaire des Etats-Unis en Afghanistan et en Irak, et sans
cesse alimentée par les dissensions entre les grandes
puissances, continue à produire ses effets dévastateurs.
Le terrorisme ne se cantonne déjà plus au seul
territoire irakien et gagne les régions limitrophes. Les
attentats de la mi-novembre à Ryad en Arabie Saoudite puis à
Istanbul en Turquie contre deux synagogues puis contre le consulat et
une banque britanniques, quels qu'en soient les auteurs et leurs
buts, n'ont pour résultat que de créer un climat de
terreur qui va bien au-delà des seules zones où ils ont
été perpétrés. Ils ne peuvent en effet
dans un premier temps que pousser à une déstabilisation
plus grande que jamais de l'ensemble de cette région du monde
qui est une véritable poudrière. Les antagonismes
religieux, ethniques, raciaux ou nationaux, attisés ou créés
de toutes pièces par les grandes puissances depuis le 19e
siècle et surtout durant tout le 20e siècle, sont plus
que jamais prêts à exploser tous azimuts. Mais cet
"élargissement" des attentats en-dehors de la zone
de conflit en Irak vise également non seulement les Etats-Unis
et leurs alliés de la coalition mais les pays centraux dans
leur ensemble et remet avec brutalité sur le devant de la
scène le risque terroriste dans les grandes métropoles
industrielles, avec tous les ingrédients d'une violence
redoublée.
Illustration sans équivoque,
l'Organisation Maritime Internationale (OMI), organisme de l'ONU, est
convaincue que des attaques terroristes se servant de pétroliers
ou de cargos comme armes de destruction massive et visant les grands
ports vont avoir lieu, en particulier dans le Sud-Est asiatique.
Aussi, les titres des médias sont éloquents : "Guerre
sans fin contre le terrorisme", "Le front du terrorisme
s'étend", etc. Ils sont révélateurs de
l'inquiétude de la bourgeoisie des pays développés
devant la voie ouverte et annoncée par la "lutte contre
le terrorisme international" vers une plongée dans la
barbarie aggravée et dans le chaos le plus inextricable.
L'utilisation de l'arme terroriste n'est cependant
pas une nouveauté. Elle n'est d'ailleurs pas non plus
l'apanage de cliques religieuses incontrôlées. Elle fait
partie intégrante des moyens de la guerre entre Etats. Ce qui
est nouveau, c'est l'ampleur que ce phénomène a prise
ces dernières années et qu'il prend de façon
accélérée aujourd'hui. Ce sont les grands Etats,
et dans leur sillage les plus petits, qui ont multiplié les
rapports avec toutes sortes de groupes mafieux ou terroristes, ou les
deux à la fois, tant pour contrôler les trafics illégaux
que pour les utiliser comme moyens de pression contre les Etats
rivaux (voir Revue Internationale n°112 [88]). En atteste l'histoire
de l'ennemi public n°1, Ben Laden, qui a commencé sa
carrière de terroriste international comme agent de la CIA
dans la lutte des Etats-Unis contre l'URSS en Afghanistan dès
le début des années 1980.
Le développement du
terrorisme est ainsi une conséquence directe de la tendance
croissante à la violation de toutes les règles
minimales établies entre Etats. Comme nous l'écrivions
en 1990 dans la Revue Internationale n°62 dans nos "Thèses
sur la décomposition", la situation mondiale se
caractérise par "le développement du terrorisme,
des prises d'otage, comme moyens de la guerre entre Etats, au
détriment des lois que le capitalisme s'était données
par le passé pour réglementer les conflits entre
fractions de la classe dominante".
Les bourgeoisies
européennes rivales des Etats-Unis comme la France et
l'Allemagne se complaisent à épingler les erreurs
politico-stratégiques de la Maison Blanche, pour souligner
l'évidence actuelle de la politique guerrière à
outrance de Washington. C'est aussi un moyen pour elles de se
dédouaner des atrocités qu'elles ont à leur
actif au service de la défense de leurs propres intérêts
impérialistes (en Yougoslavie, au Rwanda pour la France en
particulier, etc.). Ainsi, si elles apparaissent moins "mouillées"
que les États-Unis dans le bourbier sanglant irakien, leur
part de responsabilité dans le chaos mondial ne saurait être
évacuée. Derrière tous leurs discours
hypocrites, elles sont à l'affût de difficultés
accrues des États-Unis pour concrétiser leurs
intentions de retrouver une influence dans la région et
accourir à la curée.
C'est justement pour ne pas
laisser prise aux pressions grandissantes de ces rivales que les
Etats-Unis ne peuvent se dégager du bourbier irakien. Faute
d'avoir pu lever des troupes suffisantes chez leurs alliés de
la coalition, ils sont contraints de "racler les fonds de
tiroir" afin de maintenir leur présence sur le terrain.
85 000 soldats et 43 000 réservistes vont donc recevoir leur
ordre de mission pour début 2004, dont une partie dans le
cadre de la rotation des troupes. Ce qui renvoie à une
échéance non encore définie la perspective
affichée par l'état-major américain de réduire
le contingent à 100 000 hommes 1 [89].
La
proposition d'établir un calendrier pour la constitution d'un
gouvernement irakien à l'horizon juillet 2004, qui n'est pas
plus crédible que la feuille de route israélo-palestinienne,
signifie que les États-Unis ne sont pas prêts de pouvoir
se retirer en ayant "accompli leur job". Elle s'inscrit
dans le cadre du projet délirant de Bush d'une "révolution
démocratique globale" dans les pays de la région,
l'instauration d'une démocratie en Irak en constituant la
première étape. Ce projet n'a aucune consistance, en
premier lieu parce que la "démocratisation" des
"tyrannies" visées par les Etats-Unis, comme
l'Arabie Saoudite, n'aurait pour résultat que de jeter plus
sûrement encore ces Etats dans le giron de l'islamisme radical
et anti-américain.
Pour maintenir leur leadership mondial,
les Etats-Unis n'ont d'autre issue que de s'engager dans des
offensives militaires toujours plus déstabilisatrices pour le
monde. Néanmoins, une telle escalade n'a pas été
à même d'empêcher les puissances rivales de
Washington de contester de façon chaque fois plus virulente la
domination américaine. La dernière offensive américaine
en date qui, à travers l'occupation de l'Irak, devait
constituer une étape de l'encerclement de l'Europe, est
clairement un échec. Et la position actuelle de faiblesse
relative qui en résulte pour les Etats-Unis n'est en rien
synonyme de stabilité mondiale, comme le démontre
clairement la situation actuelle.
Il s'agit en fait ici d'un
démenti à la propagande des impérialismes rivaux
des Etats-Unis selon laquelle la paix dans le monde aurait tout à
gagner d'un rééquilibrage mondial (bien sûr à
leur avantage). En fait, de paix dans le monde, il ne peut y avoir
tant qu'existeront des puissances impérialistes nécessairement
rivales, c'est-à-dire aussi longtemps qu'existera le
capitalisme.
Mulan (29 novembre)
1 [90] En l'occurrence, les dirigeants ont fait une erreur de calcul de taille : Eric Shinseki, chef d'état major de l'armée en février 2003, en pleins préparatifs de l'offensive en Irak, avait averti le Congrès, avant de démissionner, qu'il faudrait plusieurs centaines de milliers d'hommes pour organiser l'après-guerre en Irak. Ce que Wolfowitz avait récusé au prétexte qu'il était "difficile de concevoir (...) plus de troupes pour garantir la stabilité dans l'Irak post-Saddam qu'il n'en faudra pour mener la guerre elle-même".
C'est à grand renfort de publicité que l'ensemble des médias ont annoncé l'accord électoral survenu entre Lutte Ouvrière (LO) et la Ligue Communiste Révolutionnaire (LCR) en novembre dernier. Afin de redonner du crédit au cirque électoral auprès des ouvriers, l'ensemble des médias bourgeois ont littéralement propulsé sur le devant de la scène l'alliance entre Arlette Laguiller et Olivier Besancenot comme ce que l'on fait de mieux en ce moment du point de vue de l'opposition aux attaques du gouvernement Raffarin. Ce "bloc anticapitaliste" nous dit-on, incarnerait la défiance vis-à-vis de la gauche officielle. Comme gage de la sincérité du couple trotskiste, la propagande insiste sur le fait que cette fois, contrairement aux élections passées il n'y aura pas de consigne de vote à gauche au second tour, sauf dans les cas où Le Pen serait en mesure de l'emporter. Comme le dit le député européen de la LCR, Krivine, "c'est à la gauche d'aller elle-même gagner ses voix. Nous ne serons plus ses ramasseurs de balles".
Face à une telle promotion (commerciale), quel crédit les ouvriers peuvent-ils accorder à ce produit électoral que constitue le tandem Laguiller-Besancenot. Autrement dit, LO et la LCR sont-elles des organisations révolutionnaires comme elles le prétendent ?
D'abord, lorsque les médias bourgeois font autant de publicité autour d'un événement, en l'occurrence pour promouvoir le vote trotskiste aux prochaines élections régionales et européennes, les ouvriers ne peuvent qu'exprimer d'emblée une certaine méfiance. Si LO et la LCR étaient réellement des organisations authentiquement révolutionnaires cherchant à détruire le capitalisme, comment expliquer que l'Etat bourgeois fasse autant de publicité à de tels "adversaires". Au-delà des paillettes médiatiques et des slogans enflammés, la nature de classe d'une organisation politique du prolétariat se juge sur sa défense de l'internationalisme prolétarien, sa filiation historique et sa pratique politique.
LO et la LCR comme la plupart des organisations trotskistes depuis la Seconde Guerre mondiale et jusqu'à l'effondrement du stalinisme à la fin des années 1980, ont toujours défendu de façon "critique" que les régimes staliniens du bloc de l'Est et en particulier la Russie n'étaient pas capitalistes et qu'ils représentaient quelque chose de progressiste pour le prolétariat. C'est au nom d'ailleurs de la soi-disant défense des "acquis" de la révolution d'Octobre que la plupart des groupes trotskistes dont les ancêtres de LO et de la LCR, trahiront l'internationalisme prolétarien pour participer à l'embrigadement des ouvriers dans la Deuxième Guerre mondiale, véritable boucherie qui a fait plus de 50 millions de victimes 1 [92]. En laissant planer un doute sur le fait que le stalinisme puisse avoir quelque chose de commun avec la révolution de 1917, le trotskisme a participé activement au plus grand mensonge du siècle visant à assimiler le stalinisme au communisme. Pour la Gauche communiste, c'est dès les années 1930 qu'elle affirmait sans ambiguïté qu'il ne subsistait plus en URSS le moindre acquis de la révolution d'Octobre et qu'elle dénonçait le stalinisme. Dans toute l'histoire humaine, le stalinisme constitue le phénomène certainement le plus tragique et haïssable qui ait jamais existé. Outre qu'il est responsable du massacre de dizaines de millions d'êtres humains, il a instauré pendant des décennies une terreur implacable sur près d'un tiers de l'humanité, mais aussi, et surtout, parce qu'il s'est illustré comme le pire ennemi de la révolution communiste, falsifiant la réalité en se prétendant être le continuateur de la révolution bolchevik de 1917 alors qu'il en est son fossoyeur 2 [93].
Avec l'effondrement du bloc stalinien sous les effets de la crise économique mondiale, LO n'a pas modifié son soutien critique au stalinisme, au contraire, elle persiste et renouvelle sa profession de foi. "Nous continuerons à défendre que l'Union Soviétique représentait une réalité sociale positive, même au temps de Staline ou après, car son développement industriel plus rapide qu'ailleurs (…) était dû à l'héritage de la révolution prolétarienne de 17" (Lutte de Classe n°50, novembre 1992). LO continue donc à défendre le capitalisme d'Etat stalinien. Quant à la LCR, dès l'effondrement du bloc de l'Est, elle avait effectué un virage à 180° dénonçant haut et fort "l'abomination stalinienne qui a détruit les conquêtes d'Octobre" alors que jusqu'en 1989 elle défendait bec et ongles que l'URSS était un "Etat ouvrier dégénéré". Depuis, la LCR n'a eu de cesse de gommer progressivement ses attributs staliniens. L'abandon par son dernier congrès de la dictature du prolétariat dans son programme, au grand dam de LO, n'est que l'aboutissement d'une démarche qui vise à attirer un public plus large dans ses rangs. Outre les déçus de tous les partis de gauche, la LCR a élargi son fonds de commerce au mouvement altermondialiste. Pour autant, la LCR n'a pas abondonné son soutien critique au stalinisme. Dans un article publié dans la rubrique débats de son site Internet intitulé "Alors, toujours trotskistes ?", la LCR perpétue le mythe de "l'Etat ouvrier bureaucratiquement dégénéré" en déclarant à propos de l'effondrement des partis staliniens dans les pays de l'Est que "Les révolutions démocratiques n'ont pas débouché sur la révolution politique, le retour des conseils ouvriers que nous pronostiquions, mais sur la restauration du capitalisme !" La LCR persiste et signe. En URSS, ce n'était pas du capitalisme d'Etat, mais quelque chose qui aurait à voir avec la lutte du prolétariat.
Et c'est la même attitude de soutien critique que LO et la LCR emploient vis-à-vis des partis de gauche du capital.
Depuis un certain nombre d'années, les trotskistes sont obligés de dénoncer et critiquer les différents gouvernements de la gauche plurielle, du fait de la méfiance croissante de la classe ouvrière à l'encontre de ces mêmes partis de gauche qui n'ont eu de cesse d'attaquer les conditions de vie du prolétariat. Ce radicalisme verbeux ne doit pas nous faire oublier que, par le passé, ils n'ont pas hésité à soutenir ouvertement cette gauche invoquant comme prétexte que la classe ouvrière avait encore des illusions sur celle-ci. Ainsi lors des élections présidentielles de 1974 et 1981, LO a appelé à voter Mitterrand au second tour, même si en 1981 c'était un appel "sans illusion mais sans réserve". En 1988, LO proposait une alliance électorale au PCF pour les législatives et en 1995, LO et le PCF faisaient des listes communes pour les municipales dans trois villes, dont Sochaux, grande cité ouvrière. La LCR de son côté a régulièrement frayé avec les partis de gauche, et systématiquement elle proposait la fusion de ses listes avec l'ensemble des partis de gauche au second tour, quelle que soit l'élection. C'est d'ailleurs ce que regrette ouvertement une tendance dans la LCR, qui s'est exprimée dans le sens de maintenir cette position lors de son dernier congrès. (cf. Rouge du 6 novembre).
Aujourd'hui, le discrédit des partis de gauche est tellement profond dans la classe ouvrière que les trotskistes n'ont pas d'autre choix de se démarquer de cette gauche s'ils veulent garder un certain crédit auprès des ouvriers. En même temps, ils continuent leur sale boulot anti-ouvrier en maintenant l'ambiguïté sur la nature de ces mêmes partis de gauche. Ainsi la LCR affirme qu'elle "n'a jamais tiré de trait d'égalité entre la gauche et la droite" ou mieux encore, Krivine se défend, suite à son alliance avec LO, de vouloir s'en prendre à l'ex-gauche plurielle. "Ce n'est pas Hollande notre adversaire, mais Raffarin et le baron Seillère" (Libération du 4 novembre). LO va même jusqu'à dire à propos de la gauche que dans l'opposition aujourd'hui "elle se garde bien de prendre des engagements vis-à-vis des travailleurs, ne serait-ce que celui de supprimer dés son retour éventuel au pouvoir toutes les mesures anti-ouvrières prises par le gouvernement Chirac-Raffarin" ( Lutte Ouvrière du 7 novembre). Mais de qui se moque t'on ? La gauche au gouvernement non seulement n'est jamais revenue sur les mesures prises par des gouvernements de droite, mais elle a pris des mesures similaires voire pire, conformément aux besoins du capital français.
En guise de "programme commun", les trotskistes ont repris les éléments de ce qu'ils ont appelé pour d'autres élections le "programme d'urgence pour les travailleurs" où les revendications essentielles sont "l'interdiction absolue des licenciements collectifs et la réquisition des entreprises qui licencient tout en faisant du profit, et surtout, le contrôle public de la collectivité sur la comptabilité des grandes entreprises, etc…". (Le Monde du 1er novembre) Ce qui est édifiant dans ce programme, c'est qu'il ressemble à ce que la gauche avait promis aux ouvriers dans les années 1970 (Mitterrand disait en 1981 qu'il fallait "opérer une rupture avec le capitalisme"). Le PCF ne disait pas autre chose quand il parlait de "faire payer les riches" où de s'attaquer aux "200 familles" qui gouvernent le pays. Selon nos trotskistes, en s'opposant à la logique capitaliste au sein du système, à travers des mesures visant à le rendre moins injuste, on ferait faire à la classe ouvrière des pas en avant vers l'instauration du socialisme. Tous les partis de gauche ont semé par le passé le même type d'illusions, poussant les ouvriers à lutter pour réformer le capitalisme. Des générations d'ouvriers se sont épuisés dans cette impasse et les trotskistes appellent à continuer dans cette logique. Faire croire que le chômage est le fait de la cupidité des patrons, c'est masquer à la classe ouvrière la situation réelle de la crise du capitalisme. S'il jette sur le pavé des millions de prolétaires, alors que c'est justement de l'exploitation de ceux-ci qu'il tire ses profits, c'est justement parce que la réalisation de tels profits est de plus en plus limitée du fait de la crise mondiale de surproduction. 3 [94] Contrairement aux mensonges que véhiculent LO et la LCR, le prolétariat ne peut conquérir de réformes et d'avantages durables dans le capitalisme. Sa capacité de résister aux attaques capitalistes, il ne peut la trouver que dans ses luttes de résistance, dans son unité croissante, dans le développement de sa conscience de la faillite du système qui entraîne l'humanité à sa perte.
Comme nous venons de le voir, les ouvriers n'ont rien à attendre du point de vue de la défense de leurs intérêts de l'alliance LO-LCR. La médiatisation de la candidature trotskiste s'inscrit pleinement dans le dispositif anti-ouvrier que la bourgeoisie française met en place pour les prochaines échéances électorales. Il s'agit de redonner un certain crédit à la campagne électorale, compte tenu de l'usure des programmes des partis de droite et de gauche et du fort taux d'abstention que suscitent les élections européennes. Par ailleurs, l'approfondissement de la crise économique et les attaques frontales contre la classe ouvrière (retraite, santé, chômage) ne peuvent que provoquer une réflexion en profondeur et donc une conscience croissante de la faillite du capitalisme parmi les ouvriers. Même si les syndicats ont démontré leurs capacités de pouvoir encadrer pour le moment la situation sociale, comme nous l'avons vu lors des grèves du printemps dernier, cela n'est pas suffisant. Pour empêcher et dévier cette prise de conscience naissante dans la classe ouvrière un réformisme "radical", la bourgeoisie a besoin de ses fractions d'extrême gauche. En effet le PCF s'enfonce dans une irrémédiable agonie depuis la chute du stalinisme et le PS malgré ses capacités gouvernementales, ne s'est pas remis de la défaite de Jospin et il est incapable pour le moment d'avoir un langage crédible en tant qu'opposition au gouvernement.
C'est la raison essentielle de cette candidature unie des trotskistes : venir au secours de la gauche. C'est ce que dit Krivine, "Aujourd'hui on est dans une situation où les attaques de la droite et du patronat sont sans précédent et où, en face, on a une gauche paralytique car plombée par son bilan. Il faut répondre à cela." ( Le Monde du 1er novembre) C'est clair, LO et la LCR viennent combler un vide idéologique du fait des difficultés de la gauche. Effectivement, les trotskistes ne sont pas que des "ramasseurs de balles" pour la gauche. L'Etat bourgeois ne s'y trompe pas et c'est pour cela qu'il n'hésite pas à confier les premiers rôles du prochain cirque électoral au tandem trotskiste. Compte tenu de leur verbiage pseudo-révolutionnaire et du fait qu'ils n'ont jamais participé à un gouvernement, l'alliance trotskiste est le cheval de Troie idéal pour répandre le poison réformiste dans la classe ouvrière alors que la faillite du capitalisme pose la nécessité de sa destruction.
Donald ( 27 novembre)
1 [95] Voir notre brochure "Le Trotskisme contre la classe ouvrière [96]"
2 [97] Voir notre Revue Internationale n°60 [98], consacrée à l'effondrement du bloc de l'Est et à la faillite définitive du stalinisme.
3 [99] Voir notre article "Seule l'abolition du salariat en finira avec les licenciements", RI n°314, juillet/août 2001
Dans le numéro 468 du Prolétaire (août-septembre 2003), organe de presse du Parti Communiste International (PCI), nous trouvons un article intitulé "Après les grèves du printemps, se préparer aux luttes futures" dans lequel cette organisation de la Gauche communiste se livre, au passage, à une attaque en règle contre le CCI. Dans la première partie de notre réponse au Prolétaire (publiée dans le précédent numéro de RI [100]), nous avions mis en évidence les zigzags opportunistes du PCI dans son analyse de la lutte de classe. La deuxième partie de notre réponse se propose de réfuter les "arguments" du PCI et de rétablir la vérité face aux calomnies déversées par le Prolétaire n°468 contre le CCI.
L'article du Prolétaire n°468, après avoir critiqué le rôle anti-ouvrier des "appareils syndicaux" et des trotskistes dans le mouvement de grève du printemps dernier, affirme en effet : "A une autre échelle, le mouvement a agi également de révélateur pour les positions d'un groupe qui s'affirme être un représentant de la 'Gauche communiste', le Courant Communiste International. Comme lors des grèves de 1995, le CCI a en substance réagi devant le mouvement de ce printemps par une condamnation : la lutte était perdue d'avance, elle allait laisser 'le goût amer de la défaite chez des dizaines de milliers de prolétaires', 'les grèves qui ont paralysé les transports en commun constituent un obstacle supplémentaires à l'extension du mouvement'; il ne manquait même pas à ce couplet le refrain sur les 'préjudices' que feraient subir aux enfants de la classe ouvrière un blocage des examens ! Le CCI verrait-il dans les examens la voie de l'émancipation sociale pour les enfants de la classe ouvrière ? Les militants du CCI ne se cachent pas (et se glorifient même) d'avoir été 'hués' en divers endroits lorsqu'ils ont appelé à la reprise du travail. Ils justifient leur refus d'appeler les travailleurs à prendre leur lutte en main (comme nous le faisions), au nom d'une savante analyse selon laquelle on aurait été en présence d'une manœuvre de la bourgeoisie pour infliger une sévère défaite aux prolétaires ; voilà pourquoi il était nécessaire selon eux d'avertir les prolétaires du piège et de les inviter à ne pas se lancer dans une longue lutte. Le caractère spécieux de ces arguments que nous sert à chaque fois le CCI pour condamner les luttes ouvrières saute aux yeux : la pire des défaites est la défaite sans combat."
Ces attaques contre le CCI ne sont pas nouvelles. En effet, déjà
lors du mouvement de décembre 1995, le PCI avait publié
dans le n°435 du Prolétaire un article intitulé
"Le CCI contre les grèves" dans lequel il
accusait notre organisation :
- d'être "l'émule
de Thorez", le dirigeant stalinien français, qui
déclarait au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, que "la
grève est l'arme des trusts" ;
- de s'exprimer comme
"n'importe quel jaune" ;
- d'être des
"proudhoniens modernes" et des "déserteurs
(souligné par Le Prolétaire) de la lutte
prolétarienne".
Dans les numéros 258 et 259 de
RI nous avions largement répondu à ces attaques.
De toute évidence, notre réponse n'a pas convaincu nos
détracteurs puisque aujourd'hui le PCI persiste et signe.
Comme nous l'avons démontré dans le précédent
numéro de RI, les zigzags du PCI concernant l'analyse du
mouvement de grèves du printemps dernier révèlent
qu'il est incapable d'avoir la moindre continuité dans son
analyse du rapport de forces entre les classes. La seule continuité
dont sait faire preuve le PCI, c'est celle des attaques calomnieuses
contre le CCI :
- le CCI aurait réagi par une
"condamnation" du mouvement du printemps dernier. Cette
affirmation purement mensongère n'est fondée sur aucune
citation de notre presse. N'importe quel lecteur un peu sérieux
pourra lui-même se rendre compte de la façon dont le CCI
a "condamné" le mouvement : "Face aux
attaques capitalistes, la lutte est nécessaire (…) Il est
clair aujourd'hui que la classe ouvrière n'a pas d'autre choix
que de lutter. Car si elle ne le fait pas, la bourgeoisie va
continuer à cogner toujours plus fort, sans retenue (…) Ce
n'est qu'en reprenant le chemin de la lutte que le classe ouvrière
pourra retrouver son identité en tant que classe, reprendre
confiance en elle-même, développer sur le terrain son
unité et sa solidarité (…) Malgré la défaite
qu'elle vient de subir, malgré le fait que cette lutte n'a pas
fait reculer le gouvernement (en particulier sur la question des
retraites), la classe ouvrière ne doit pas céder à
la démoralisation. Elle doit résister à l'idée
que la bourgeoisie veut lui mettre dans la tête : 'lutter ne
sert à rien'." (Tract diffusé par le CCI en
juin 2003 et publié dans RI n°337).
- le CCI aurait,
selon le PCI, refusé "d'appeler les travailleurs à
prendre leur lutte en main". Là encore sur quelle
citation de notre presse le PCI s'est-il appuyé pour asseoir
une telle affirmation ? Aucune ! Voilà en réalité
comment nous avions défendu concrètement (contrairement
au PCI qui s'est révélé incapable de faire la
moindre proposition concrète) la nécessité pour
la classe ouvrière de prendre ses luttes en main :
"Aujourd'hui, elle [la classe ouvrière] vient de perdre
une bataille, mais elle n'a pas perdu la guerre (…) Pour être
plus forts demain, développer un combat massif et uni, il
faudra :
- mettre en avant des revendications communes à
toute la classe ouvrière et ne pas se focaliser sur une
attaque spécifique à tel ou tel secteur ;
- étendre
immédiatement la lutte dès le début en envoyant
des délégations massives aux entreprises les plus
proches ;
- défendre la souveraineté des assemblées
générales qui doivent être des lieux où
les ouvriers doivent se regrouper massivement, des lieux de
discussion ouverts aux ouvriers de tous les secteurs ;
- déjouer
les syndicats visant à contrôler les assemblées
générales pour saboter la lutte et toute véritable
tentative d'extension.
Ce n'est que dans et par la lutte que la
classe ouvrière pourra prendre conscience de sa force,
retrouver confiance en elle-même. C'est en se confrontant aux
manoeuvres de sabotage des syndicats et des gauchistes, dans la lutte
elle-même, que les ouvriers prendront conscience qu'ils ne
peuvent compter que sur eux-mêmes." (Tract du CCI, publié
dans RI n°337).
"Les militants du CCI ne se cachent pas (et se glorifient
même) d'avoir été hués lorsqu'ils ont
appelé à la reprise du travail". Pour remettre
les pendules à l'heure, nous tenons à rappeler au PCI
que nos militants, n'ont pas seulement été hués
lorsqu'ils ont "appelé à la reprise du travail".
Au début du mouvement, ils ont été hués
parce qu'ils ont dénoncé au sein des assemblées
générales les manœuvres des syndicats et ont défendu
la nécessité d'étendre la lutte aux autres
secteurs ouvriers. Pour le vérifier, nos lecteurs peuvent se
reporter au bilan de notre intervention publié dans RI n°337.
Ils pourront y lire les deux passages suivants dans lesquels nous
relatons les circonstances dans lesquelles nous avons été
"hués" :
"Dès le 13 mai, dans une
AG départementale regroupant près de 500 grévistes
à Lyon et dirigée par l'intersyndicale FSU, FO, SUD,
CNT, nos camarades ont pu intervenir à deux reprises malgré
l'agressivité de l'intersyndicale qui présidait l'AG
(et notamment un ponte local de la LCR, représentant de la
FSU, qui a tenté de leur couper la parole par des altercations
du style : "Abrège. Commence d'abord par mettre ton école
en grève !"). Malgré le tir de barrage des
syndicats pour tenter de nous faire taire, un autre camarade
travaillant dans le secteur hospitalier est venu dans cette AG des
enseignants et a insisté sur la nécessité
impérative de traverser la rue pour aller chercher les autres
secteurs ouvriers qui subissent la même attaque sur les
retraites." (…)
"Dans d'autres AG
départementales, comme par exemple celle du 21 mai à
Nantes, nos camarades se sont directement affrontés aux
syndicats en affirmant haut et fort "L'unité de la lutte
ne passe pas par l'unité des syndicats !". Ils ont été
copieusement sifflés tout a long de leur
intervention".
D'autre part, nos camarades ont
effectivement été "hués" par les
syndicats et les gauchistes lorsqu'ils ont appelé à la
reprise du travail dès lors qu'il est apparu clairement que
les forces d'encadrement capitalistes avaient réussi leurs
manoeuvres visant à isoler les travailleurs de l'Éducation
nationale. Si nos militants les ont alors appelés à
cesser la grève, c'est justement parce que les manoeuvres
syndicales avaient entraîné celle-ci dans une impasse.
Poursuivre la grève, avec le blocage des examens, ne pouvait
conduire qu'à épuiser la combativité des
travailleurs en lutte, les conduire à une cinglante défaite
et à la démoralisation.
Voilà en réalité
les vraies raisons pour lesquelles nos militants ont été
"hués" par les syndicats et leurs appendices
trotskistes. Si les militants du PCI ne sont pas d'accord avec nos
interventions dans les AG, s'ils estiment que les syndicats avaient
raison de nous "huer" et de nous traiter de "jaunes",
qu'ils le disent franchement au lieu de raconter n'importe quoi dans
le seul but de nous calomnier (et de masquer leur propre opportunisme
vis-à-vis des syndicats !). Pour notre part, nous avons plus
d'une fois été dénoncés par la CGT comme
des "jaunes" et des "briseurs de grève" à
chaque fois que nos camarades prenaient la parole pour dénoncer
ses manœuvres de sabotage. Ce type d'insultes de la part des
défenseurs de l'ordre bourgeois n'est pas pour nous
surprendre. Mais il est lamentable et scandaleux que le PCI reprenne
à son compte les mêmes propos. Avant de nous faire des
leçons de morale, il serait préférable que les
militants du PCI assument leurs responsabilités face à
la classe ouvrière en disant ouvertement et publiquement
quelle était leur propre orientation dans la lutte face au
"barrage des bonzes syndicaux". Nous ne pouvons que
regretter que nos détracteurs n'aient pas fait entendre leur
voix dans la lutte elle-même, et notamment dans les AG. Comme
dit le proverbe "la critique est aisée mais l'art est
difficile" et "quand on veut tuer son chien, on dit qu'il a
la rage".
Et pour boucler sa belle démonstration de
la "condamnation" du mouvement par le CCI, le PCI nous
adresse cette dernière tirade : "voilà pourquoi il
était nécessaire selon eux [les militants du CCI]
d'avertir les prolétaires du piège et de les inviter à
ne pas se lancer dans une longue lutte".
Décidément,
le PCI n'a pas fini de nous surprendre. Voilà ce qu'il
affirmait dans le numéro précédent du
Prolétaire, lorsqu'il dénonçait à juste
raison les manœuvres de sabotage syndicales : "ne pas avertir
les prolétaires, mais leur dire l'inverse, c'est tout
simplement se rendre complice de l'action anti-ouvrière du
collaborationnisme politique et syndical". Le virage à
180 degré que le Prolétaire a été obligé
d'opérer d'un numéro sur l'autre, avec pour objectif
d'attaquer le CCI en faisant flèche de tout bois, ne pouvait
que le conduire à dévoiler une fois encore
l'inconsistance de sa pensée. En tout état de cause, si
la véritable position du Prolétaire est celle de son
article du n°468, alors il est clair que le PCI se rend lui-même
"complice de l'action anti-ouvrière du collaborationnisme
politique et syndical" puisqu'il estime que nous n'avions pas à
avertir les ouvriers des pièges qui leur étaient
tendus. Le PCI nous reproche encore d'inviter les prolétaires
à "ne pas se lancer dans une longue lutte". Il est
clair que le PCI apporte aujourd'hui, de façon implicite, son
soutien à cette manœuvre syndicale que la CGT a toujours
promue : épuiser la combativité des ouvriers dans des
luttes longues et isolées. Visiblement le PCI a oublié
ce qu'il écrivait dans un tract diffusé dans les
manifestations du 16 décembre 1995 : "Et si FO et la CGT
se démènent bruyamment, c'est afin que la détermination
des grévistes s'épuise peu à peu dans une grève
interminable au lieu de se concentrer dans un affrontement généralisé
avec la bourgeoisie et son État." (souligné par
nous).
Et pour justifier une fois de plus son accord avec les méthodes
de lutte "radicale" des syndicats, le PCI affirme encore
que le CCI verrait "dans les examens la voie de
l'émancipation sociale pour les enfants de la classe ouvrière"
!
Là encore, le PCI falsifie ce que nous disons. Voici ce
qui est écrit dans le passage de notre article évoqué
par Le Prolétaire : "L'approche de la période
des examens est utilisée comme nouveau facteur de division du
mouvement : alors que les deux principaux syndicats dans l'éducation
nationale s'opposent résolument à tout boycott des
examens de fin d'année et à tout blocage des salles
d'examen, les éléments les plus combatifs sont poussés
au contraire par les syndicalistes les plus radicaux et par les
gauchistes à multiplier des actions-commandos de ce type. De
telles actions ne peuvent évidemment contribuer qu'à
isoler ces éléments combatifs et à les
discréditer en même temps aux yeux de l'ensemble de la
classe ouvrière dont les enfants sont exposés à
subir directement les préjudices du blocage des examens."
(RI n° 336)
Contrairement à ce que laisse
entendre Le Prolétaire, nous ne suggérons nullement que
les examens seraient "la voie de l'émancipation sociale
pour les enfants de la classe ouvrière". La seule
émancipation sociale pour la classe ouvrière et pour
ses enfants passe par le renversement du capitalisme ; et c'est ce
que les révolutionnaires doivent rappeler en permanence. Cela
dit, avec l'aggravation de la crise du capitalisme, chaque prolétaire
sait très bien que ses enfants seront de plus en plus menacés
par le chômage. Les études et les diplômes ne sont
pas considérés par les ouvriers comme le moyen d'une
"émancipation" ou même d'une "promotion"
sociale pour leurs enfants mais tout simplement comme le moyen de
leur éviter une misère noire et l'exclusion. Et une
telle préoccupation concerne y compris les ouvriers qui
pensent nécessaire la révolution communiste. Le royal
mépris avec lequel Le Prolétaire traite cette
préoccupation des familles ouvrières ne fait
qu'exprimer le point de vue anarchiste petit bourgeois qui est le
sien.
L'imbécillité de cet "argument" révèle au moins une chose : le PCI est d'accord avec les actions minoritaires et jusqu'au-boutistes des syndicats visant à rendre la grève impopulaire. Le blocage des examens, comme tout autre "action commando" (tels les barrages sur les routes ou le blocage des voies de chemin de fer qui ont la faveur de la CGT). C'est une conception de la lutte propre au "radicalisme" des anarchistes pour lesquels une petite minorité jusqu'au-boutiste peut par ce type d'action s'opposer au capitalisme. Là aussi, le point de vue du PCI rejoint celui des anarchistes.
Le lecteur pourra juger par lui-même du manque de sérieux
de ce groupe révolutionnaire qui se permet encore de faire au
CCI un cours de marxisme en nous rappelant (merci pour la leçon
!) que "la pire des défaites est la défaite sans
combat" (Le Prolétaire n°468). Que le PCI nous
permette de lui renvoyer l'ascenseur en lui rappelant ce que le
mouvement ouvrier nous a enseigné : la pire attitude que
puisse adopter un groupe révolutionnaire est justement celle
qui consiste à entraîner les ouvriers derrière
les méthodes de lutte des syndicats, à les embarquer
dans des aventures qui peuvent leur être fatales, accentuant
leur démoralisation et faisant le jeu de la bourgeoisie. Et
surtout, la pire faute que puissent commettre les militants
communistes, c'est de présenter les défaites de la
classe ouvrière comme des victoires (comme l'a fait le PCI
lors du mouvement de décembre 1995). C'est justement cette
démarche que la Gauche communiste (dont le PCI se réclame)
avait dénoncée en mettant en évidence qu'un des
principaux moyens avec lesquels la bourgeoisie avait infligé
au prolétariat la plus terrible contre-révolution de
son histoire a été justement de lui présenter
comme des "victoires" ses plus grandes défaites : la
"construction du socialisme en URSS" (c'est-à-dire
la victoire de la contre-révolution stalinienne), les "Fronts
populaires" des années 1930 (la "victoire de la
démocratie contre le fascisme" lors de la Seconde Guerre
mondiale).
Nous réaffirmons ici, n'en déplaise au
PCI, que la lutte longue et isolée des travailleurs de
l'Éducation nationale au printemps dernier s'est soldée
par une défaite. C'est grâce à cette défaite
cuisante pour toute la classe ouvrière que le gouvernement
Raffarin a pu non seulement faire passer son attaque contre les
retraites comme une lettre à la poste, mais s'est encore
permis d'en porter d'autres dès la rentrée de
septembre.
Lors du mouvement de décembre 1995, le PCI nous avait
traités de "jaunes", de "briseurs de grèves"
etc. sur la base d'une analyse du mouvement qu'aujourd'hui il rejette
(si l'on en croit ce qu'il écrit dans le n°468 du
Prolétaire) pour adopter une analyse proche de celle du
CCI (à moins qu'il ait encore changé sa position depuis
lors !). Avant de continuer à déverser ses calomnies
sur notre organisation, ce serait la moindre des choses :
- que le
PCI ait l'honnêteté d'admettre qu'il a commis une erreur
d'analyse lors du mouvement de décembre 1995 dans son article
du Prolétaire n°435 ;
- qu'il retire les
insultes déversées contre le CCI dans son article
intitulé "Le CCI contre les grèves"
(Le Prolétaire n°435) puisque les accusations qu'il avait
portées à l'époque contre notre organisation
n'ont aujourd'hui plus de raison d'être.
La méthode
avec laquelle le PCI mène la polémique avec le CCI, la
démarche qui l'anime (et qui est un pur produit de son
sectarisme), ce n'est pas celle d'un débat en vue de la
clarification sérieuse et argumentée des divergences
afin de dégager les orientations les plus claires pour le
combat de la classe ouvrière. Sa principale préoccupation,
c'est d'abord et avant tout de dénigrer le CCI en faisant
usage de la falsification, du mensonge et de la diffamation. Et pour
atteindre cet objectif, le PCI n'est pas à une contradiction
près. Peu lui importe la cohérence et la continuité
de son analyse de la lutte de classe. Ce qui lui importe c'est la
continuité dans son entreprise de dénigrement du CCI.
Nous tenons ici à rappeler que le mouvement ouvrier a toujours
banni de ses débats la calomnie, le mensonge et la
diffamation. Ce que Marx, Engels, Lénine, Rosa Luxemburg nous
ont enseigné, c'est que la polémique au sein du
mouvement ouvrier, aussi cinglante puisse-t-elle être, doit
toujours s'attacher à réfuter de façon
scientifique et avec des arguments sérieux les positions
erronées. La calomnie en guise d'arguments est une méthode
propre au milieu parasitaire dont la seule raison d'être est de
discréditer les organisations révolutionnaires. Que le
PCI s'approprie de plus en plus cette méthode du parasitisme
n'est pas pour nous surprendre. Il n'est pas inutile de rappeler à
nos lecteurs que cette organisation de la Gauche communiste n'a eu
aucun scrupule à flirter avec des éléments
parasites regroupés sous le nom pompeux de "Fraction
Interne du CCI" (voir notre article "Le PCI à la
remorque de la 'Fraction Interne du CCI'" dans RI n°328 )
Pour défendre sa petite boutique contre le CCI, tout est bon à
prendre pour le PCI (y compris la complaisance avec des voleurs et
des mouchards !) au mépris de tout principe. Voilà ou
mènent l'opportunisme et le sectarisme : à s'acoquiner
avec n'importe quel petit groupe de voyous qui vient lui lécher
les bottes pour l'entraîner dans un "front unique"
anti-CCI.
Encore une fois, nous ne pouvons que mettre en garde le
PCI contre cette dangereuse dérive.
GL
Dans le précédent
numéro de RI [101], nous avons commencé à répondre
à un lecteur affichant ses sympathies envers l'anarchisme en
montrant l'incohérence des anarchistes quant à leurs méthodes
dans les luttes ouvrières et leur absence de boussole.
Dans cette seconde partie, nous nous attacherons essentiellement à
démentir l'assertion totalement fausse de notre lecteur selon
laquelle " la CNT espagnole a mené le plus loin le mouvement
d'auto-émancipation humaine jamais réalisé au 20e
siècle en 1936-39 ".
D'emblée, l'affirmation " d'un mouvement d'auto-émancipation
humaine " en Espagne dans la période 1936-39 laisse
perplexe. Que veut dire notre lecteur à travers cette expression
lapidaire utilisée à l'emporte-pièce ? Veut-il
évoquer toute la période que les anarchistes (entre autres
!) appellent plus simplement celle de " la révolution espagnole
" ? Fait-il allusion à la capacité de mobilisation
du prolétariat sur un terrain révolutionnaire ? A une
transformation significative de la société capitaliste
? A des pas vers la destruction de l'Etat bourgeois ? Fait-il l'apologie
des expériences concrètes d'autogestion ? Nous ne le savons
pas.
La seule chose que nous pouvons affirmer, en revanche, c'est que, du
point de vue des révolutionnaires, l'émancipation humaine,
c'est l'abolition du salariat et la fin des rapports d'exploitation
capitalistes, la réalisation d'une société sans
classes. Nous savons que cette transformation révolutionnaire
de la société peut seulement passer par une révolution
mondiale accomplie par l'union d'une classe spécifique, le prolétariat.
Nous devons alors considérer la situation de 1936-39 en Espagne
et le rôle de la CNT selon certains critères. Le rapport
de force est-il favorable au prolétariat ? A-t-il exercé
un pouvoir politique ? A-t-il fait un pas vers l'abolition des rapports
capitalistes d'exploitation et la destruction de l'Etat bourgeois ?
A-t-il été capable d'arrêter la guerre comme l'avait
fait la révolution en Russie en 1917 ? Et bien entendu, la CNT
qui, selon notre lecteur, aurait été l'avant-garde de
" ce mouvement " et " l'aurait mené le plus loin
possible " a-t-elle joué un rôle révolutionnaire
? A chacune de ces questions, la réponse est NON. Pourquoi ?
Il est en effet impossible d'évoquer la situation en Espagne
sans rappeler brièvement quel était le contexte global
de la période et de la situation pour la classe ouvrière
au niveau international.
Ces événements se situent en pleine période contre-révolutionnaire,
notamment illustrée par l'émergence du fascisme en Italie,
du nazisme en Allemagne, du stalinisme en URSS, sur les décombres
de la vague révolutionnaire de 1917-23. Les révolutionnaires
sont systématiquement pourchassés, emprisonnés,
torturés, exilés, massacrés partout. Et partout,
toutes les bourgeoisies nationales préparent activement la guerre
mondiale, idéologiquement à travers la fausse alternative
fascisme ou démocratie, matériellement à travers
le développement intensif d'une économie de guerre menée
sous la houlette de l'Etat capitaliste.
Ce qui s'est joué en Espagne, ce n'est pas le sort de la révolution
mondiale du prolétariat comme semble le croire notre lecteur.
Ce qui s'y est déroulé, c'est le basculement du monde
dans la barbarie de la Deuxième Guerre mondiale. C'est une féroce
bataille entre deux camps bourgeois dans lequel le prolétariat
va se faire tragiquement happer.
L'Espagne restait dans les années 1930 un Etat capitaliste d'Europe
occidentale parmi les plus arriérés, héritant des
structures féodales des siècles précédents,
largement dominé par l'agriculture. Le prolétariat du
pays est alors très concentré, combatif, mais totalement
inexpérimenté, encore fortement marqué par ses
origines petites-bourgeoises, paysannes ou artisanales. Ce qui explique
l'attrait pour la révolte individualiste et, de ce fait, le poids
particulier de l'anarchisme et de l'anarcho-syndicalisme en son sein.
Dès le début des années 1930, la CNT représente
un syndicat majoritaire, notamment en Catalogne et elle exerce également
une grande influence en Aragon. La CNT apparaît d'autant plus
comme la principale force syndicale oppositionnelle crédible
que le syndicat socialiste, l'UGT, est discrédité par
sa collaboration active avec le gouvernement dictatorial de Primo de
Rivera installé au pouvoir depuis 1923. Cela dit, dès
1930, la CNT s'associe à son tour, aux côtés de
l'UGT, au " pacte de San Sebastian " qui jette préventivement
les bases d'une " alternative républicaine " au pouvoir
monarchiste pour la bourgeoisie espagnole. Suite à une montée
de mouvements sociaux et surtout à un raz-de-marée en
faveur des partis de gauche aux élections municipales, le roi
Alphonse XIII prend la fuite en avril 1931. La république est
proclamée. D'emblée, les élections qui suivent
portent au pouvoir une coalition de " centre gauche ", socialo-républicaine.
Le nouveau gouvernement ne tarde pas à donner la véritable
mesure de sa nature antiouvrière. La répression s'abat
violemment sur les mouvements de grève qui surgissent face à
la montée rapide du chômage et des prix, faisant des centaines
de morts et de blessés parmi les ouvriers, notamment en janvier
1933 à Casas Viejas en Andalousie. Au cours de cette répression,
le " socialiste " Azana ordonne à la troupe : "
Ni blessés, ni prisonniers ! Tirez au ventre ! "
Cette répression sanglante des luttes ouvrières, effectuée
au nom de la défense de la démocratie, va durer deux années,
discrédite rapidement la coalition gouvernementale et va permettre
aux forces de droite de s'organiser. Une fraction du Parti Socialiste
va tenter, de son côté, de se recrédibiliser en
opérant un tournant à gauche. En avril-mai 1934, les grèves
ouvrières reprennent de l'ampleur. Les métallurgistes
à Barcelone, les cheminots et surtout les ouvriers du bâtiment
à Madrid, engagent des luttes très dures. Face à
ces luttes, la gauche et l'extrême gauche comme dans les autres
pays européens se servent de l'idéologie antifasciste
pour entraîner les ouvriers hors de leur terrain de classe dans
une politique de " front uni de tous les démocrates ".
Quelle est l'attitude de la CNT ? Non contente de participer à
cette entreprise, visant à faire abandonner aux ouvriers leur
terrain de classe et à les entraîner derrière leur
bourgeoisie, elle y joue un rôle de premier plan. Toute sa propagande
est axée sur " l'antifacisme ". Le prolétariat
est alors pris dans un piège : d'un côté, ses luttes
sont dévoyées par la propagande antifasciste qui affaiblit
la résistance ouvrière et pousse massivement les ouvriers
vers le terrain électoral et la perspective d'un " programme
de front populaire pour faire face au péril fasciste ".
D'un autre côté, les bataillons les plus combatifs de la
classe ouvrière sont poussés à s'affronter isolément
et de façon suicidaire directement à l'appareil d'Etat.
En octobre 1934, les ouvriers des Asturies, poussés par toutes
les forces de gauche, tombent dans ce piège qui va les saigner
à blanc. Leur insurrection puis leur résistance dans les
zones minières et dans la ceinture industrielle d'Oviedo et de
Gijon est totalement isolée par les manoeuvres du PSOE et de
l'UGT qui ont empêché par tous les moyens que la lutte
ne s'étende au reste de l'Espagne. Pendant ce temps le gouvernement
déploie l'armée avec 30 000 hommes, ses chars et ses avions
pour écraser impitoyablement les ouvriers, ouvrant une nouvelle
période de répression sanglante dans le pays. Le 15 janvier
1935, l'alliance électorale du Frente Popular est signée
par l'ensemble des organisations de gauche ainsi que par les gauchistes
trotskisants du POUM. Les dirigeants anarchistes de la CNT et de la
FAI dérogent à leurs " principes anti-électoraux
" et manifestent leur soutien à cette entreprise en s'abstenant
de toute critique envers cette élection. En février 1936
le premier gouvernement de Front Populaire est élu. Alors qu'une
nouvelle vague de grèves se développe, le gouvernement
et le parti stalinien lancent des appels pour la reprise du travail,
disant que les grèves sont des actes de sabotage et font le jeu
du fascisme.
La mobilisation idéologique massive des ouvriers derrière
l'antifascisme, hors de leur terrain de classe, est en marche.
La bourgeoisie peut passer à une deuxième phase, l'embrigadement
direct derrière un camp capitaliste contre un autre, en défense
de la république du Front Populaire, la plongée du prolétariat
dans l'enfer des massacres de la guerre impérialiste.
Suffisamment assurées de leur succès, les forces militaires
se lancent dans un " pronunciamiento " parti du Maroc. Elles
sont commandées par un Franco qui a fait ses premières
armes de général en dirigeant la répression antiouvrière
de 1934 dans les Asturies, sous les ordres de Largo Caballero qui va
devenir la principale " figure " de la république du
Front Populaire. La riposte ouvrière est immédiate : le
19 juillet 1936, les ouvriers se mettent en grève contre le soulèvement
de Franco et se rendent massivement dans les casernes pour désarmer
cette tentative, sans se préoccuper des directives contraires
du Front Populaire et du gouvernement républicain. Ils endiguent
l'action franquiste, notamment à Barcelone et dans plusieurs
villes de Catalogne. Mais, dans la majorité des cas où
les ouvriers suivent les consignes d'attente du gouvernement, ils se
font massacrer dans un horrible bain de sang, comme notamment à
Séville. Les forces de gauche du capital déploient alors
pleinement leurs manoeuvres d'embrigadement. En 24 heures, le gouvernement
central qui négociait avec les troupes franquistes et organisait
avec elles le massacre des ouvriers cède la place à un
gouvernement plus à gauche et plus antifasciste qui prend la
tête du soulèvement ouvrier pour l'orienter exclusivement
sur un terrain militaire et vers l'affrontement avec Franco.
La CNT qui n'avait cessé de pousser les ouvriers à choisir
le camp de la république contre celui de Franco va donner un
nouveau coup de main au gouvernement de Front Populaire en poussant
les ouvriers dans des " expériences d'autogestion "
qui ne sont mises en oeuvre qu'après le soulèvement des
troupes franquistes et le départ précipité de nombreux
patrons d'usine et de propriétaires terriens effrayés
par la perspective de guerre civile. A quoi aura servi la fameuse "
expérience autogestionnaire " dont les anarchistes continuent
à se revendiquer et dont ils tirent autant de fierté ?
Elle aura contribué à enfermer les prolétaires
chacun dans leur coin, dans " leur " usine, " leur "
entreprise, " leur " campagne ou " leur " village
en paralysant toute réaction unitaire de la classe ouvrière,
absorbant et stérilisant ses énergies. Elle aura aussi
bloqué tout développement d'une réflexion politique
sur la situation générale et semé dans les consciences
les pires illusions sur le rapport de forces entre les classes qui se
jouait à un niveau global. Cette " autogestion " va
se propager rapidement. Plus de 70% de la production industrielle et
commerciale sera " collectivisée " à des degrés
divers en Catalogne, souvent pendant près de 14 mois, notamment
l'industrie du bois, le textile, la métallurgie mais aussi les
services et les transports publics. La CNT se retrouve aussi à
la pointe de la collectivisation des terres et encourage activement
la formation de communes ou de communautés agraires, notamment
en Aragon.
A travers l'antifascisme, la CNT et la FAI prennent alors une part décisive
et prépondérante pour rabattre les ouvriers dans les bras
du Front Populaire. Cette caution abrite les menées de l'Etat
capitaliste républicain qui profite de la confiance que font
les ouvriers aux leaders anarchistes. CNT et FAI embrigadent les ouvriers
à travers des organismes comme le Comité Central des Milices
Antifascistes et le Conseil Central de l'Economie qui créent
l'illusion d'un " pouvoir ouvrier ". Les ouvriers vont ainsi
se livrer définitivement aux mains de leurs bourreaux. Dès
lors, des centaines de milliers d'ouvriers sont directement enrôlés
dans les milices antifascistes des anarchistes et des poumistes et sont
envoyés se faire tuer sur le front impérialiste "
antifranquiste " par le gouvernement du Front Populaire. Dans ce
but, la CNT et la FAI sont appelés à participer au gouvernement
régional de Catalogne (la Generalidad), là où les
ouvriers paraissaient concentrer le plus de force. Elles acceptent sans
rechigner la main tendue par Companys et les postes de ministres proposés
(notamment les plus stratégiques, la défense et l'économie),
ce qui va permettre au gouvernement de récupérer les armes
dont s'étaient emparées les ouvriers tandis que la collectivisation
de la production va s'étendre par décrets, directement
assurée par " l'Etat catalan ". Fort de cette expérience,
le gouvernement central va à son tour appeler les anarchistes
au pouvoir. La CNT et la FAI y répondront tout aussi favorablement
avec le même empressement. Avec le même succès pour
les manoeuvres de la bourgeoisie. Les anarchistes ont tenu un rôle
de premier plan pour le compte de la bourgeoisie et dans sa manoeuvre
pour tromper les prolétaires sur la nature de classe du gouvernement
de Front Populaire et de son Etat : " Tant sur le plan des principes
que par conviction, la CNT a toujours été anti-étatiste
et ennemie de toute forme de gouvernement. Mais les circonstances ont
changé la nature du gouvernement espagnol et de l'Etat. Aujourd'hui,
le gouvernement en tant qu'instrument de contrôle des organes
de l'Etat a cessé d'être une force d'oppression contre
le classe ouvrière, de même que l'Etat ne représente
plus un organisme qui divise la société en classes. L'un
et l'autre opprimeront moins le peuple maintenant que des membres de
la CNT y sont intervenus " (Federica Montseny, 4 novembre 1936).
Dès ce moment, la bourgeoisie peut tendre un nouveau piège
idéologique dont les ministres et la plupart des leaders anarchistes
vont se faire les plus ardents apôtres et les représentants
les plus crédibles : faire croire aux ouvriers que l'Etat est
réduit en miettes, qu'il n'existe plus, que tout le pouvoir est
passé aux mains des ouvriers et des paysans.
La CNT, intégrée dans les rouages de l'appareil d'Etat,
donne la pleine mesure de ses services. Elle est très active
dans toutes les entreprises " collectivisées " pour
orienter toute la production vers le front impérialiste : l'armement,
le textile, la métallurgie, destinés à équiper
les milices ouvrières qu'elle envoie en grand nombre se faire
tuer contre l'armée franquiste. Les syndicalistes de la CNT jouent
un rôle éminent dans la militarisation de la production
: par exemple, à Hispano-Suiza, " les ateliers de cette
entreprise sont parmi ceux qui travaillent avec le plus d'intensité
et dans les branches les plus diverses pour le ravitaillement des Milices
ouvrières. Les organisations syndicales procédèrent,
dès les premiers moments de la saisie de l'usine, à l'organisation
des travaux sous la direction intégrale des organismes créés
par le prolétariat, afin d'adapter la fabrication aux nécessités
imposées par la guerre civile. Jamais une modification des services
n'aura été aussi complète et aussi rapide en vue
de transformer une production de paix en production de guerre. Les travaux
qui sortent de tous les établissements de l'industrie métallurgique
pour le service de la guerre, étant soumis au contrôle
du Comité des Milices, celui-ci fonctionne sous la forme d'un
délégué direct spécialement nommé
à cet effet. Le camarade qui remplit ces fonctions si complexes
est un des membres les plus en vue du Syndicat Unique de la Métallurgie
(CNT). Il a ses bureaux installés à l'intérieur
de l'usine Hispano-Suiza." (A. Souchy, Collectivisations : L'Oeuvre
constructive de la révolution espagnole 1936-39, cité
par C. Semprun-Maura, Révolution et contre-révolution
en Catalogne, pp. 106/107).
Après avoir abandonné ainsi son terrain de classe et s'être
vus imposer une féroce surexploitation au nom de l'économie
de guerre antifasciste par le Front Populaire : réduction des
salaires, inflation, rationnement, réquisitions, allongement
de la journée de travail, militarisation du travail, le prolétariat
devait subir la répression comme les massacres sur le front.
Les sanglants massacres en Aragon, à Oviedo, à Madrid
sont aussi le résultat de cette manoeuvre criminelle qui entoure
la tragédie des journées de mai 1937 à Barcelone
par le gouvernement de Front Populaire, troupes du PCE et de sa succursale
catalane du PSUC en tête, tandis que les hordes franquistes arrêtaient
volontairement leur avance pour permettre aux bourreaux staliniens d'écraser
les ouvriers. Là encore, ce sont l'appareil de la CNT et les
leaders anarchistes au gouvernement, tels que Federica Montseny et Garcia
Oliver qui vont, dès le début, appeler les ouvriers insurgés
à rendre leurs armes alors même que nombre de prolétaires
envoyés au front manifestaient leur intention de revenir leur
prêter main-forte.
Dans cette sanglante tragédie, la CNT, la FAI le POUM, en poussant
les ouvriers à quitter leur terrain de classe au nom du "
front antifasciste " les ont jetés pieds et poings liés
dans les bras de leurs assassins et au coeur de la mêlée
impérialiste. La présence de ministres anarchistes dans
le gouvernement de Catalogne puis dans le gouvernement central de Caballero
a représenté un puissant facteur dans la mystification
des ouvriers par le Front Populaire.
Tous les organismes dirigeants de la CNT déclarèrent une
guerre féroce contre les éléments des rares courants
qui, même dans une terrible confusion, luttaient pour défendre
un point de vue de classe, en les envoyant sur les positions les plus
exposées du front ou en les faisant emprisonner par la police
des " forces républicaines ".
La guerre d'Espagne n'était pas une révolution, mais bien
la guerre entre deux camps bourgeois, première étape de
la Seconde Guerre mondiale entre deux blocs impérialistes qui
étaient encore en voie de constitution.
Ce n'est certainement pas à l'avant-garde de " l'émancipation
de l'humanité " que s'est trouvée la CNT, mais au
contraire elle s'est illustrée par son rôle clairement
contre-révolutionnaire complémentaire à celui des
sociaux-démocrates et des staliniens.
La guerre d'Espagne avec ses répercussions idéologiques
immenses sur le prolétariat européen aura constitué
la première étape de la seconde boucherie impérialiste
mondiale. Elle se prolongea jusqu'en 1939, s'achevant par la victoire
de Franco, au moment où les autres fractions du prolétariat
mondial, servaient à leur tour de chair à canon dans l'affrontement
impérialiste généralisé derrière
leur bourgeoisie nationale respective.
Le plus haut moment d'émancipation révolutionnaire de
l'humanité du 20e siècle, c'est dans la révolution
prolétarienne en Russie de 1917 que notre lecteur doit aller
la chercher s'il veut se dégager de l'absence de repères
de l'anarchisme qui a conduit le prolétariat vers les pires défaites
et les pires massacres. C'est là que le prolétariat a
vécu ses plus riches expériences historiques à
travers le pouvoir des conseils ouvriers, qu'il a été
capable d'arrêter la barbarie guerrière et d'engendrer
une vague révolutionnaire au niveau mondial qui, même si
elle a été vaincue, a fait trembler la bourgeoisie et
a su ébranler le monde capitaliste.
Liens
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