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Révolution Internationale - 2008 - n° 386 à 396

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Révolution Internationale n° 386 (spécial Web) - janvier 2008

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Exceptionnellement, ce numéro de Révolution Internationale est publié uniquement sur le Web.

Russie, Octobre 1917 : Salut à la Révolution prolétarienne !

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Tous les dix ans, la bourgeoisie fête à sa manière la décennie de plus qui l'éloigne dans le temps de la pire expérience qu'elle ait connue : la Révolution prolétarienne en Russie d'Octobre 1917. Et tous les dix ans, revient le rouleau compresseur idéologique des médias bourgeois qui nous "démontrent" que non seulement cet "Octobre Rouge" a été épouvantable, mais que cet événement ne pouvait qu'ouvrir la porte à la plus effroyable des barbaries.

Ainsi, les articles du journal Le Monde des 6 au 8 novembre signés d'un certain Jan Krauze comme les émissions d'Arte avec notamment les assertions du pseudo-"historien" Marc Ferro (qui nous a sorti des documents d'"archives inédites") ont-ils été particulièrement répugnants dans la falsification systématique de la Révolution russe de 1917. Après avoir mené leur "coup d'État", les Bolcheviks "se sont retournés avec une brutalité inouïe" contre toutes les "catégories sociales" qui leur auraient permis de s'emparer du pouvoir. Lénine n'est qu'un "démagogue infaillible "réclamant des "fleuves de sang", qui "n'a de cesse d'exciter la haine", qui "fixe les quotas de personnes à liquider". D'ailleurs, il avouerait lui-même que le Commissariat à la justice devrait s'appeler "Commissariat à l'extermination" ! Ainsi, ces plumitifs du capital ont été les premiers à apporter (grâce à leurs "fouilles archéologiques") leur petite contribution à la campagne de diabolisation des bolcheviks et de dénigrement de la Révolution russe. Cette campagne au service du Capital a commencé avec la publication du "Livre noir du communisme" et s'est prolongée récemment avec la campagne de criminalisation du mouvement de grèves des étudiants et des travailleurs de la SNCF et de la RATP (voir notre site Internet). Voila comment la bourgeoisie française a célébré, à sa façon, l'anniversaire de la révolution prolétarienne d'Octobre 1917.

Qui étaient les Bolcheviks ?

Le mensonge le plus gros, mais qui conditionne tous les autres, est celui d'une révolution qui n'aurait été qu'un "coup d'État" mené par une petite bande de criminels suivis par une masse populaire inculte. En tout état de cause, pour ces détracteurs bourgeois, il ne s'agissait pas d'une révolution des larges masses exploitées, dont les enfants tombaient chaque jour comme des mouches sur le Front, sacrifiés sur l'autel de la barbarie du capital (le régime tsariste, vestige de la féodalité, ne signifiait nullement que la Russie de 1917 n'était pas un État capitaliste). C'était un "complot" d'une petite minorité sanguinaire : les bolcheviks. Ainsi, l'article du Monde s'évertue à démontrer qu'entre les bolcheviks et n'importe quel aventurier prêt à tout pour s'emparer du pouvoir, il n'y avait que peu de différence. Octobre 1917 n'était qu'une "jacquerie" de paysans arriérés, selon notre grand "trouveur" d'"archives inédites", Marc Ferro.

Le Parti bolchevique a une histoire qui dément ce mensonge éhonté. Il est issu du Parti Ouvrier Social Démocrate de Russie (POSDR) affilié à la Seconde Internationale. La Fraction bolchevique était l'aile la plus à gauche et a su mener un combat politique intransigeant pour défendre les principes de classe du prolétariat contre toutes les tendances conciliatrices et confuses qui existaient dans le POSDR, y compris contre l'opportunisme des mencheviks. En particulier, face à la misère et à la barbarie guerrières auxquelles étaient soumises les masses exploitées dans la Russie tsariste, les bolcheviks ont toujours été les meilleurs défenseurs de toutes les masses opprimées (prolétaires et paysans pauvres). Dès 1905, alors que partout se sont formés spontanément des "soviets" (conseils) d'ouvriers, de paysans et de soldats, c'est Lénine qui est parmi les premiers à affirmer que, face à la dictature de la bourgeoisie (qu'elle soit "tsariste" ou "démocratique"), les Soviets sont "la forme enfin trouvée de la dictature du prolétariat". La fraction bolchevique au sein du POSDR était issue de toute une tradition de luttes contre le capitalisme, menées dans la clandestinité par des militants de la classe ouvrière qui avaient à affronter une répression constante et très efficace. Les bolcheviks ont toujours fermement défendu les positions politiques du prolétariat : non seulement ils ont participé aux luttes ouvrières partout où ils l'ont pu en Russie, mais ils ont mené des polémiques intransigeantes au sein de la Seconde Internationale pour que des mesures politiques concrètes soient prises contre le déchaînement de la barbarie capitaliste. Ils ont dénoncé la trahison des partis sociaux-démocrates qui ont embrigadé des millions de prolétaires dans la première boucherie mondiale. Ils ont défendu avec la plus grande détermination le vieux mot d'ordre du Manifeste communiste de 1848 : "Les prolétaires n'ont pas de patrie. Prolétaires de tous les pays, unissez-vous !". En Russie, ils sont pratiquement seuls à défendre une position internationaliste en 1914. Cet internationalisme intransigeant, jamais pris en défaut, a fait d'eux l'avant-garde et la tête naturelle du mouvement révolutionnaire des masses exploitées en 1917. Le prolétariat du monde entier avait les yeux rivés sur la Révolution russe d'Octobre qui a pu, grâce à son extension en Allemagne et à la fraternisation des soldats sur le Front, obliger la bourgeoisie mondiale à mettre fin à la Grande guerre de 1914-18. Le parti bolchevique était reconnu comme le parti phare de la classe ouvrière par les autres révolutionnaires de l'époque, y compris par des syndicalistes révolutionnaires ou des anarchistes comme Alfred Rosmer ou Victor Serge. Et surtout, il a compris que les masses exploitées et opprimées étaient seules à pouvoir mettre fin à la guerre. Le mot d'ordre de Lénine de "transformation de la guerre impérialiste en guerre civile" (c'est-à-dire en guerre de classe contre la bourgeoisie) n'a pas été un slogan d'une petite minorité de comploteurs qui auraient fomenté un "coup d'État". Le professeur Marc Ferro[1](à la suite de la campagne orchestrée par Monsieur Courtois avec son "Livre noir du communisme") aurait-il préféré que la boucherie mondiale se poursuive ? Sa littérature très "démocratique" de vierge effarouchée (et surtout de falsificateur à la botte du Capital) n'est rien d'autre qu'une insulte honteuse jetée au visage de tous ces enfants morts sur les champs de bataille, de tous ces estropiés qui sont revenus du front[2]

Lorsqu'il rentre à Petrograd (l'actuelle Saint-Pétersbourg) en avril1917, Lénine est conscient que le parti du prolétariat doit cesser de soutenir le très "démocratique" Gouvernement provisoire qui a succédé à celui du Tsar et il affirme que "les masses sont cent fois plus à gauche que le Parti". Pour un opportuniste avide de pouvoir, on ne peut pas dire qu'il soit très habile ! D'autant que les démocrates russes lui offraient alors, à lui et au parti bolchevik, une place dans le gouvernement provisoire.

Qui a fait la Révolution russe ?

La bourgeoisie est pourtant bien contrainte d'admettre[3]qu'il s'agit là d'un "étrange coup d'État" (Le Monde du 6 novembre). Parce que les bolcheviks, bien que déterminés, n'étaient au début de la révolution qu'une petite minorité. Parce que l'objectif qu'ils fixaient à la classe ouvrière de renverser le gouvernement "démocratique" bourgeois dirigé par Kerensky était public, discuté partout à tel point que la date de l'insurrection était connue à l'avance. Élément totalement contradictoire : comment le "coup d'État" d'un petit groupe de comploteurs a-t-il pu réussir sans même bénéficier de l'effet de surprise ? La réponse est simple : le gouvernement Kerensky était incapable de satisfaire les revendications des masses ouvrières et paysannes qui mourraient de faim, de froid, avec en plus l'hécatombe sanglante sur le Front. Les masses réclamaient : "Le pain et la paix !".Si le gouvernement provisoire était, par ailleurs, incapable de résister face à la poussée révolutionnaire des masses ouvrières, c'est qu'il n'avait plus aucun soutien dans le corps social. L'armée se délitait, les prolétaires en uniforme étaient gagnés par les idées révolutionnaires, la paysannerie haïssait les héritiers politiques des grands propriétaires autant que ce gouvernement provisoire qui ne se décidait pas à entériner le partage des terres des féodaux, ni à arrêter la guerre. Quant à la classe ouvrière, à l'arrière comme au front, elle savait qu'il existait une petite minorité en son sein, ayant "une conscience claire du buts et des moyens du mouvement prolétarien dans son ensemble " (Manifeste communiste). C'est pour cela que les masses attendaient le retour de Lénine exilé en Suisse (car le parti bolchevik, affaibli par ceux qui avaient dû émigrer à l'étranger, avait besoin de toutes ses forces[4]). Lorsqu'il revient en Russie, en avril 1917, il est accueilli à bras ouverts et acclamé par des masses d'ouvriers venus l'attendre sur le quai à la gare de Finlande à Petrograd. Cet accueil chaleureux n'était nullement dû au fait que ces masses prolétariennes étaient "incultes" et étaient "manipulées" par le grand "démagogue" Lénine[5]C'est tout simplement parce que, pour pouvoir lutter contre la guerre impérialiste, les bataillons du prolétariat russe avaient besoin d'une direction politique clairvoyante et déterminée à leur mouvement de masse : c'est grâce aux "Thèses d'avril" (rédigées par Lénine) que le parti bolchevique a pu se renforcer. Les prolétaires (qui avaient faim, froid, et continuaient à mourir sur les champs de bataille du capital) le demandaient. Pour eux, comme pour toute les classes et couches non exploiteuses, c'était une question de survie. Ces masses de prolétaires, de paysans et de soldats étaient moins stupides que certains plumitifs très "cultivés" de la bourgeoisie décadente. C'est à la demande de larges masses prolétariennes, rassemblées dans les soviets, que le "Comité Militaire Révolutionnaire" (CMR) nommé par le soviet de Petrograd (où les bolcheviks étaient majoritaires) a pu organiser et coordonner le renversement du Gouvernement provisoire. La prise du pouvoir a été réalisée principalement par la "Garde rouge" (milice ouvrière) et les marins de la garnison de Kronstadt qui ont braqué les canons de leurs navires sur le Palais d'Hiver où siégeaient Kerensky et ses ministres. Et ces derniers avaient été isolés par la coupure des lignes téléphoniques du gouvernement réalisée par les ouvriers des télécommunications. Cette petite "minorité de ministres comploteurs "réunie autour de Kerensky a fait l'objet d'un décret d'arrestation par le CMR (pour sa part, Kerensky a pu s'enfuir dans une voiture de l'ambassade américaine). Si cette insurrection (qui n'était pas une "jacquerie de paysans arriérés") a pu réussir, c'est aussi parce que les garnisons de la capitale, convaincues par les arguments des bolcheviks et l'action massive des ouvriers, ont rallié, les unes après les autres, le camp de la révolution prolétarienne à tel point que le siège du gouvernement est tombé, comme un château de cartes, presque sans combats.

Il n'est pas étonnant que les soviets (qui étaient des assemblées de masse centralisées à Petrograd dans un Comité exécutif) aient peu à peu basculé du côté de ceux qui apportaient des réponses politiques claires aux questions que se posaient toutes les couches non exploiteuses de la population : "Il faut arrêter la guerre ! Il faut exproprier la bourgeoisie ! Il faut abattre le Gouvernement provisoire, paravent de la domination bourgeoise ! Il faut exporter la Révolution internationalement !". L'élection de Trotsky à la présidence du Soviet de Petrograd n'est pas un "coup d'État", elle n'est que la conséquence du fait que la classe ouvrière dans son ensemble se reconnaissait dans la direction politique donnée par les bolcheviks. Les soviets n'étaient pas une chambre d'enregistrement des décisions du Parti bolchevique, ils étaient l'activité vivante de la classe elle-même. Que les bolcheviks, qui étaient les plus conscients des tâches de l'heure, soient arrivés à gagner la majorité dans les soviets (grâce aux débats vivants et à la démocratie prolétarienne qui y régnaient), n'a rien de bien mystérieux (sauf pour les "historiens" qui nous racontent encore des histoires à dormir debout). Ce n'était nullement un "complot", une "conspiration" fomentée dans l'ombre par une petite minorité dirigée par le grand "démagogue" Lénine.

Ce prétendu "coup d'État" dénoncé par les idéologues de la bourgeoisie n'a pas été commis par une petite cohorte de meneurs machiavéliques, mais par le prolétariat dont toutes les actions étaient discutées et votées au préalable dans les soviets. L'insurrection d'Octobre a été un témoignage vivant, une concrétisation du pouvoir réel des soviets et de leur rôle révolutionnaire comme la centralisation de l'insurrection par le CMR (avec à sa tête Trotsky qui fut élu et mandaté), condition indispensable et vitale de son succès, traduisait le caractère collectif et unitaire de l'élan révolutionnaire des masses prolétariennes.

La Sainte Alliance des grandes "démocraties" asphyxie la Révolution russe

La révolution russe ne pouvait pas survivre en restant isolée dans un seul pays et les bolcheviks le savaient pertinemment. Ils attendaient avec impatience son extension dans tous les autres pays industrialisés, et notammenten Allemagne. Chaque mois, de retard de la révolution en Europe fut une tragédie pour la Révolution russe, soumise à la pression contre-révolutionnaire non seulement des armées blanches, mais aussi de toutes les puissances capitalistes (qui continuaient à se déchirer dans la Grande Guerre, mais étaient totalement unies pour écraser ensemble la Révolution russe dans le sang). Comment se fait-il que les idéologues patentés du capital n'aient pas mentionné dans leur presse le massacre sanguinaire du quart de la population ouvrière finlandaise par l'armée allemande au printemps 1918 ? Est-ce parce qu'ils n'avaient pas découvert d'"archives inédites" ou plutôt parce que, soumis à l'idéologie dominante, ils ne peuvent que falsifier l'histoire comme le leur dicte la classe dominante ? Comment se fait-il encore que ces "brillants" écrivains n'aient pas non plus signalé, dans leur prose, que ce sont les mêmes armées allemandes qui, peu de temps après, ont fraternisé avec les armées ennemies ? Ces idéologues bourgeois n'ont peut-être pas encore compris que ce brusque retournement de situation, imprévisible, n'avait qu'une seule explication : les armées belligérantes étaient composées de prolétaires en uniformes qui en avaient assez de se faire massacrer par d'autres prolétaires en uniformes. Ils ne pouvaient plus supporter cette barbarie fratricide et sanguinaire. Ces prolétaires (et paysans "incultes") avaient pris conscience que leurs exploiteurs les avaient transformés en "machines" à tuer (grâce à la trahison des partis de la social démocratie qui ont basculé avec armes et bagages dans le camp du capital dès 1914 et grâce à la propagande nationaliste). Evidemment, cette "extermination" qui a fait 20 millions de morts pendant la première "Grande guerre" du Capital ne choque nullement ces "pourfendeurs" de bolcheviks !

La bourgeoisie avait, elle, parfaitement compris l'enjeu mondial de la Révolution d'Octobre en Russie. C'est pour cela que la Sainte Alliance de tous les camps du capital a préféré signer l'armistice et s'unirpour écraser dans le sang la révolution en Allemagne, encercler la Russie des Soviets, établir un "cordon sanitaire" autour de ses frontières, et imposer le blocus économique afin de laisser toute la population de la Russie crever de faim. Les idéologues patentés de la classe dominante n'ont pas besoin des "archives inédites" du Kremlin, offertes par Poutine, pour le savoir !

Face à l'offensive menée par des armées professionnelles bien équipées,le prolétariat en Russie devait se défendre par tous les moyens. La Révolutionrusse payait d'ailleurs là certaines de ses erreurs : ainsi les bolcheviks ont d'abord relâché la plupart des contre-révolutionnaires qu'ils capturaient contre serment de ne pas porter les armes contre la Révolution. Aucun n'a tenu parole.

Si la révolution d'Octobre a dégénéré, si les soviets n'ont pas pu se maintenir comme organes du pouvoir politique de la classe ouvrière, et si le parti bolchevique a fini par s'identifier à l'État, c'est à cause de l'échec de la révolution en Allemagne et de son extension dans le reste des pays les plus industrialisés. C'est le parti socialiste (le SPD) qui a écrasé dans un bain de sang la révolution prolétarienne en Allemagne (il n'est pas inutile de rappelerque les Corps Francs qu'il a recrutés pour cette tâche ont par la suite formé l'ossature des SA nazis). Et la barbarie de la contre-révolution capitaliste n'a pu se déchaîner que grâce au sale travail de tous les propagandistes aux ordres du capital, avec leurs campagnes anti-bolchéviques d'un cynisme sans borne[6].

Le but de la prise du pouvoir en Russie était de "tenir" jusqu'à ce que la révolution prolétarienne en Europe occidentale puisse venir soutenir la Révolutions russe. Et Lénine a même écrit que "perdre la révolution en Russie ne sera rien si nous la gagnons en Allemagne". Singulier tyran,vraiment, qui acceptait de perdre "sa" révolution pour que d'autres la gagnent !

La classe dominante est incapable de comprendre Octobre 1917

Pour la classe dominante de la société capitaliste, comprendre que l'action des masses ouvrières ait pu être consciente relève de l'impossible : la bourgeoisie croit, et croira tant qu'elle existera, qu'une révolution ne peut qu'être l'œuvre d'un petit nombre de comploteurs décidés qui réussissent à manipuler de larges masses exploitées et les autres couches sociales non exploiteuses pour les amener à exécuter leurs desseins. Cette vision conspirative (et surtout totalement délirante et irrationnelle) de l'histoire, est la preuve que la bourgeoise est une classe qui n'a plus aucun avenir historique. Elle ne peut se maintenir comme classe dominante qu'en pataugeant dans la boue et le sang. Quant aux "scoops" des plumitifs de sa presse ou de ses "historiens" aux ordres, ils prennent de plus en plus la forme de méprisables ragots [7].Ce ne sont pas seulement des tissus de mensonges liés au maintien de la dictature capitaliste : la bourgeoisie est effectivement incapable de comprendre que de larges couches sociales exploitées, soumises par des siècles d'exploitation, puissent développer une conscience claire des enjeux de la situation historique présente et la force de prendre le pouvoir pour instaurer non pas une nouvelle dictature basée sur l'exploitation de l'homme par l'homme, une anarchie aveugle, un chaos de plus en plus sanglant, mais un autre mode de production et une nouvelle société : la société communiste mondiale.

Du point de vue de la classe capitaliste, l'idée que la classe ouvrière puisse être porteuse d'une conscience plus claire, plus haute, débarrassée de l'aliénation exercée par sa position de classe exploitée, est totalement insupportable et inconcevable . Dans son Histoire de la Révolution russe,Trotsky nous montre en maints passages la morgue de la bourgeoisie, les insultes qu'elle lance à des ouvriers qu'elle croit incapables de la moindre pensée politique.

Le prolétariat, affaibli par la trahison de la social-démocratie, n'a pas eu la possibilité de renverser l'ordre capitaliste au niveau mondial. Mais il a prouvé qu'il avait la force, quand il était uni, solidaire et organisé collectivement, de mettre fin à la barbarie guerrière, réfutant ainsi concrètement tous les mensonges de la bourgeoisie sur le caractère indépassable de son ordre, de ses frontières, de ses États nationaux. Le prolétariat revendique haut et fort d'avoir montré dans la pratique que tout ce que disaient Marx et les communistes n'était pas du vent : le prolétariat est la seule classe révolutionnaire de la société capitaliste. Aujourd'hui encore, à l'occasion de l'anniversaire de la Révolution d'Octobre 1917 qui a ouvert la première vague révolutionnaire mondiale du prolétariat, la classe ouvrière doit dénoncer le caractère réactionnaire, obscurantiste, des campagnes anti-communistes actuelles.

La classe ouvrière en France, quant à elle, a célébré à sa façon l'anniversaire d'Octobre 1917 : elle a su rendre hommage à ces générations de prolétaires qui ont renversé le gouvernement bourgeois de Kerensky et ont pris le pouvoir. Face à la misère et à l'exploitation capitalistes (et aussi aux mensonges des médias et de certaines presses), les étudiants et les cheminots ont adressé, sans en être encore conscients, un grand Salut à la Révolution russe en menant un mouvement qui a fini par faire tomber le masque des syndicats (et surtout du syndicat stalinien, la CGT).

Comme en 1917-18, ce sont surtout les jeunes générations de la classe ouvrière qui étaient à l'avant-garde du combat prolétarien et qui ont su tirer les principaux enseignements de la Révolution russe : "si on reste tout seuls, on va se faire manger tout crus".[8]Quant aux communistes internationalistes, ils doivent eux aussi rendre hommage à Lénine et à tous ses camarades bolcheviks dont la contribution au mouvement ouvrier restera inestimable.. Et tout comme les bolcheviks connaissaient par cœur les enseignements de la Commune de Paris, les révolutionnaires de demain se souviendront et se serviront de l'exemple de la Révolution russe en sachant entirer les enseignements et en critiquer les erreurs.

BM


[1] Et certains amateurs "d'humour noir" issus des pays de l'Est, tels ceux qui ont édité un livre intitulé "Dessine-moi un bolchevik" participent à cette même propagande anti-bolchévique mais de façon plus "subtile". Ces premières grandes "découvertes" du 21e siècle ont été rendues publiques (comme par hasard) au même moment : à l'occasion de l'anniversaire de la Révolution russe d'Octobre 1917. Nos brillants "explorateurs" seraient-ils partis ensemble en voyage organisé, dans le même charter ? En tout état de cause, ils méritent au moins un prix "Nobel" de la paix sociale. Quant aux "intellectuels" honnêtes qui ne savent pas grand chose de cette période historique, ils feraient mieux d'être un peu plus modestes (et ne pas trop étaler leurs préjugés réactionnaires sur la place publique) s'ils ne veulent pas devenir comme Marc Ferro : un arroseur arrosé !

[2] Même les scientifiques et les intellectuels humanistes de l'époque (comme par exemple Freud, Romain Rolland, Stefan Sweig) avaient de très grandes sympathies pour les bolcheviks. Ces "libres penseurs" avaient au moins la dignité de ne pas collaborer avec le Capital en hurlant avec les loups, comme Monsieur Marc Ferro.

[3] Lénine n'était pas en Russie à l'époque et ne pouvait pas "manipuler" les masses de loin puisque la télévision n'existait pas ! Et si ces masses étaient "incultes", elles étaient donc incapables de comprendre la presse des bolcheviks. A force de jouer du tam-tam, nos plumitifs bourgeois raisonnent, décidemment, comme des tambours !

[4] Voir notre article de la Revue internationale n° 89 : "1917 : la révolution russe : les "thèses d'avril", phare de la révolution prolétarienne [1]"

 

[6] Les prédécesseurs de nos chaînes de télévision "modernes" présentaient sur leurs affiches très "démocratiques" des caricatures de bolcheviks avec un couteau entre les dents. Et cela pour bien faire passer le message : "prolétaires de tous les pays, soumettez-vous à l'ordre du capital !" C'est justement cet ordre, cette paix sociale (obtenue au prix de l'extermination par Staline des derniers combattant de la vieille garde bolchevique d'Octobre et des spartakistes en Allemagne par les "socialistes") qui a ouvert la voie royale au deuxième holocauste mondial de 1939-45.

[7] Les "intellectuels" qui croient encore au "plus grand mensonge de l'histoire", à la continuité entre la révolution prolétarienne d'Octobre 1917 et le stalinisme (qui en fut par la suite son principal bourreau) feraient mieux de changer de littérature s'ils veulent rester des gens intelligents.

[8] Propos d'un étudiant en 2006 dans la lutte contre le CPE. Les étudiants n'avaient pas besoin d'"archives inédites", ni de "bolcheviks" dans leurs AG, pour comprendre ce B-A/BA de l'histoire de l'humanité.

Histoire du mouvement ouvrier: 

  • Révolution Russe [2]

Heritage de la Gauche Communiste: 

  • La Révolution prolétarienne [3]
  • La vague révolutionnaire, 1917-1923 [4]

Russie 1917, Allemagne 1918 : L'extension de la révolution russe met fin à la guerre impérialiste

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L'article que nous publions ci-dessous rend compte,de façon très synthétique, des principaux épisodes de la Révolution russe et de son extension en Allemagne en 1918.

Contrairement à ce que soutient l'histoire officielle, celle de la bourgeoisie, la Première Guerre mondiale n'a pas pris fin, le 11 novembre 1918, parce que les forces de l'alliance germano-autrichienne avaient subi une défaite militaire décisive ou ne trouvaient plus les forces de poursuivre le combat. Non, l'armistice fut signé pour la seule raison que les bourgeoisies des deux camps belligérants devaient alors faire face à l'extension mondiale de la révolution prolétarienne d'Octobre 1917 en Russie. De fait, c'est la menace immédiate de l'insurrection du prolétariat en Europe qui a entraîné l'arrêt forcé de la tuerie capitaliste.

Que la classe ouvrière soit parvenue à un tel résultat découlait bien entendu d'un long processus au cours duquel se construisit progressivement sa force. Dès l'été 1916, il y avait eu des mouvements de masse significatifs, notamment en Allemagne, pour exprimer la colère des ouvriers contre les souffrances, les privations et la misère qu'entraînait la guerre.

Mais le véritable début de la vague révolutionnaire se situe au mois de février 1917, en Russie. A Petrograd, le 23, ce qui aurait dû être une simple journée en hommage à la femme ouvrière dans le cadre des manifestations routinières des partis socialistes, créa en réalité l'occasion de l'explosion de tout le mécontentement accumulé dans les rangs ouvriers -ainsi que dans d'autres couches pauvres de la population- contre le ravitaillement en vivres de jour en jour plus défectueux de la capitale de la Russie d'alors et la surexploitation imposée par l'économie de guerre. De telle sorte que, débordant le 23 février,le mouvement qui criait : "Du pain !" prend vite les jours suivants les allures d'une insurrection, involontairement favorisée par la férocité de la répression tsariste. Le 26, la force de la dynamique prolétarienne provoque le ralliement des soldats ; le 27, le régime tsariste[1]a vécu et s'installe alors le gouvernement démocratique bourgeois (dit"provisoire") tandis que le prolétariat, dans les usines et autres lieux de travail, s'organise en conseils autonomes et envoie des délégués au Soviet central de la ville.

Mais comme le nouveau pouvoir, dans les mois qui succèdent, poursuit la participation à la guerre, au lieu d'apporter des solutions au problème endémique de la famine, et renforce l'économie d'armement -ce qui oblige les ouvriers à travailler bien au-delà dehuit heures par jour- il suscite chez ces derniers des réactions de plus en plus combatives et conscientes, notamment à partir du mois d'avril 1917 où le parti bolchevik a mis en avant comme mot d'ordre : "La paix et le pain !" et "Tout le pouvoir aux Soviets !" La classe ouvrière s'est radicalisée de plus en plus parce que le gouvernement provisoire s'impliquait dans la guerre impérialiste de façon encore plus déterminée que le Tsar. Après de nouvelles journées insurrectionnelles en juillet, où le prolétariat a été obligé de reculer (car les conditions n'étaient pas encore mûres pour renverser le gouvernement Kerenski), le général tsariste Kornilov a tenté de faire un coup d'État contre le Gouvernement provisoire. Cette offensive a été mise en échec en particulier grâce à la mobilisation massive des ouvriers de Petrograd, ce qui a donné un nouvel élan à toute la classe ouvrière et a accru l'audience des bolcheviks et de leurs mots d'ordre. A partir du 22 octobre 1917, se tiennent des meetings qui rassemblent des foules considérables desquelles, de manière très révélatrice, montent les slogans : "A bas le gouvernement provisoire ! A bas la guerre ! Tout le pouvoir aux Soviets !". Le 25, les masses prolétariennes, avec à leur tête les marins de la "Flotte Rouge" de la garnison de Kronstadt, prennent d'assaut le palais d'Hiver, à Petrograd, et chassent le gouvernement de Kerenski.

C'est la révolution D'octobre. Le Congrès des Soviets de toutes les Russies qui se tenait au même moment et où le parti bolchevik était majoritaire, annonce, dans une Résolution, la prise du pouvoir par la classe ouvrière : "S'appuyant sur la volonté de l'immense majorité des ouvriers, des soldats et des paysans, s'appuyant sur l'insurrection victorieuse des ouvriers et de la garnison qui s'est accomplie à Petrograd, le Congrès prend en main le pouvoir. Le pouvoir des soviets proposera une paix immédiate et démocratique à tous les peuples et un armistice immédiat sur tous les fronts." (Cité par Lénine,"Oeuvres",tome 26, p. 253.) Le 26, en effet, à sa deuxième séance, le Congrès promulgue un "décret sur la paix" et arrête dans le même temps des mesures d'urgence pour soulager la misère subie par la population russe.

Les évènements révolutionnaires de Russie eurent bien entendu un retentissement énorme dans le prolétariat de tous les pays d'Europe et du monde entier, mais d'abord parmi les ouvriers des pays impliqués directement dans le carnage inter-impérialiste. Ils catalysèrent partout des manifestations contre la guerre et engendrèrent de vibrantes protestations de sympathie en faveur de l'Octobre rouge, provoquant en outre, sur le front, des mouvements de fraternisation entre soldats des armées ennemies.

C'est cependant en Allemagne, pays où se trouve le prolétariat le plus nombreux, concentré et politiquement éduqué, que les répercussions décisives se produisirent. Dans ce pays, la dynamique révolutionnaire, après un temps de mûrissement durant l'année 1917, se développe tout au long de 1918 pour atteindre son point culminant au début du mois de novembre, le 4 exactement. Ce jour-là, les marins se mutinent à Kiel entraînant derrière eux une bonne partie des soldats (des prolétaires en uniformes) et des prolétaires en civil, en particulier à Berlin et en Bavière. Les prolétaires en Allemagne répondaient ainsi de toute évidence aux appels que leurs frères de classe en Russie leur adressaient depuis octobre1917 afin qu'ils prennent le relais et la direction de la révolution mondiale. Leur soulèvement a entraîné la rébellion des troupes demeurées jusque-là loyales au gouvernement du Kaiser Guillaume II. En quelques jours, le pays se couvre de "Conseils ouvriers" sur le modèle des Soviets russes. La bourgeoisie comprend la nécessité de se débarrasser du Kaiser qui abdique le 9 novembre et est remplacé par la République (appelée par la suite République de Weimar, du nom de la ville où s'était réuni le Parlement). Elle confie le pouvoir à un gouvernement dirigé par les socialistes Ebert et Scheidemann (qui s'étaient ralliés à l'Union Sacrée en votant les crédits de guerre en 1914) qui signe immédiatement l'armistice avec la France.

Comme nous l'écrivions dans un article de "RI" n°173 (novembre 1988) consacré à la célébration de ces faits, "Avec leur mouvement insurrectionnel, les ouvriers en Allemagne avaient mis en mouvement la plus grande lutte de masse de leur histoire. Toutes les trêves sociales, que les syndicats avaient signées durant la guerre, et la politique de paix entre les classes volèrent en éclats sous les coups de la lutte de classe. Avec ce soulèvement, les ouvriers se remettaient de la défaite d'août 1914 et relevaient la tête. Le mythe d'une classe ouvrière allemande (ou autre)paralysée par le réformisme était en train de s'effondrer. (...) Dans le sillage du prolétariat de Russie, avec le soulèvement ouvrier et un début de formation de conseils en Hongrie et Autriche l'année suivante (1919), les ouvriers allemands se portaient à la tête de la première grande vague révolutionnaire internationale de luttes nées de la guerre."

Et c'est donc pour ne pas risquer d'être balayée, comme en Russie, que la bourgeoisie d'Allemagne,certainement encouragée en cela par ses consoeurs et adversaires de guerre, s'est empressée de mettre fin au conflit impérialiste commencé quatre ans plutôt.

C'est bien pour enrayer le développement de la révolution prolétarienne mondiale que toutes les bourgeoisies se sont entendues à conclure très vite entre elles le cessez-le-feu, quelques jours seulement après la mutinerie des marins de Kiel,contre les autorités militaires allemandes.

Par la suite, le mouvement révolutionnaire fut sauvagement écrasé en Allemagne (notamment lors de la"semaine sanglante" de janvier 1919 à Berlin et l'assassinat par les Corps Francs, à la solde du SPD, des révolutionnaires spartakistes dont Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg)[2]. Cette défaite du prolétariat en Allemagne devait plus tard entraîner la mort dela révolution en Russie. Il n'en reste pas moins vrai que, dans ces deux pays,la classe ouvrière mondiale avait fait la preuve qu'elle constitue la seule force de la société capable, en luttant sur son propre terrain de classe, de faire cesser la furie guerrière du capitalisme[3].

 

RI


[1] Malgré la persistance d'un régime politique de caractère féodal, le capitalisme s'était déjà développé en Russie avec des concentrations industrielles importantes : par exemple avec 40 000 ouvriers, l'usine métallurgique Poutilov de Petrograd était la plus grande usine du monde.

[2] Voir notamment dans la série consacrée à la Révolution allemande, les deux articles parus dans les n°82 et 83 de notre Revue Internationale qui retracent en détails les évènements qui vont de l'armistice à l'assassinat de Rosa Luxemburg et de Karl Liebknecht et qui permettent de mieux comprendre ce qui s'est passé en Allemagne au cours de cette période.

[3] Le lecteur pourra également se reporter utilement à l'article plus détaillé sur le même thème : "1918-1919 : la révolution prolétarienne met fin à la guerre impérialiste" paru dans la Revue Internationale n°96.

Histoire du mouvement ouvrier: 

  • Révolution Russe [2]
  • Révolution Allemande [5]

Heritage de la Gauche Communiste: 

  • La Révolution prolétarienne [3]
  • La lutte Proletarienne [6]

Groupes prolétariens, Comités de Lutte, Cercles de Discussion : L’organisation du prolétariat en dehors (...) de luttes ouvertes

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L’organisation du prolétariat en dehors des périodes de luttes ouvertes

 

Nous publions ci-dessous de larges extraits d'un Texte d'Orientation qui a été présenté en janvier 1980 au Congrès de la section du CCI en Belgique et qui a été discuté au sein de notre organisation. Ce texte a été publié une première fois dans la Revue Internationale n°21[1]. Bien que ce fut un texte interne, comme on peut le voir à son style, il permet d'apporter une contribution à la réflexion qui se fait jour aujourd'hui parmi les ouvriers les plus combatifs : comment lutter ?

Que faire après la lutte ? Comment s'organiser lorsque la grève est terminée ? Comment préparer la prochaine lutte ?

Voilà certaines questions auxquelles la maturation actuelle de la lutte de classe impose de répondre.

Face à cette question, face aux problèmes que posent les comités de lutte, cercles de discussion, groupes prolétariens, regroupant de petites minorités d'ouvriers, nous n'avons aucune recette à fournir. Entre les leçons morales ("organisez vous comme ceci ou cela", "dissolvez-vous", rejoignez-nous") et les flatteries démagogiques, nous n'avons pas à choisir. Notre souci est bien plutôt celui-ci : comprendre ces expressions minoritaires du prolétariat comme une partie d'un tout, les insérer dans le mouvement général de la lutte de classe ; de cette manière nous pourrons comprendre à quelles nécessités générales ces organes répondent. De cette manière nous pourrons également, en ne restant ni dans le flou politique ni emprisonnés dans des schémas rigides, cerner les aspects positifs de ces démarches et souligner les dangers qui les guettent.

Les caractéristiques de la lutte du prolétariat dans le capitalisme décadent

Notre première préoccupation dans l'appréhension de ce problème doit être de rappeler le contexte historique général dans lequel nous nous trouvons. Nous devons nous remettre en mémoire la nature de cette période historique (l'ère des révolutions sociales) et les caractéristiques de la lutte de classe depuis l'entrée du capitalisme dans sa période de décadence. Cette analyse est fondamentale car elle nous permet de comprendre le type d'organisation de classe qui peut exister dans une telle période.

Sans entrer dans les détails, rappelons simplement que le prolétariat au 19e siècle existe comme une force organisée de manière permanente. Le prolétariat s'unifie comme classe au travers d'une lutte économique et politique pour des réformes.

Le caractère progressiste du système capitaliste permettait au prolétariat, à cette époque, de faire pression sur la bourgeoisie pour obtenir des réformes durables et obtenir une réelle amélioration de ses conditions de vie. C'est pour cela que de larges masses d'ouvriers devaient s'organiser de façon permanente dans des syndicats et des partis qui, au sein du parlement bourgeois, pouvaient encore représenter les intérêts de la classe ouvrière en luttant pour des réformes politiques. Le capitalisme était encore à cette époque un système florissant en pleine expansion.

Dans la période de sénilité du capitalisme, ouverte avec le déchaînement de la guerre de 1914-18, les caractères et les formes d'organisation de la lutte prolétarienne changent. Une mobilisation quasi permanente du prolétariat pour la défense de ses intérêts économiques immédiats et politiques n'est plus possible ni durable. Les organes unitaires permanents de la classe ne peuvent plus désormais exister qu'au cours de la lutte elle-même. La fonction de ces organisations de masses ne se limite plus désormais à simplement "négocier" une amélioration des conditions de vie du prolétariat (car cette amélioration n'est plus possible à long terme et parce que la seule issue réaliste est celle de la révolution prolétarienne) mais à se préparer, à mesure que les luttes de développent, à la prise du pouvoir. Ces organes unitaires de masse destinés à la prise du pouvoir du prolétariat sont ceux qui ont surgi en Russie en 1905 et surtout en 1917 et en Allemagne en 1918. Ce sont les Conseils Ouvriers (ou "Soviets"). Ils ne peuvent surgir que dans une période révolutionnaire.

Ces organes possèdent un certain nombre de caractéristiques que nous devons mettre en évidence si nous voulons bien cerner tout le processus qui mène à l'auto-organisation du prolétariat.

Ainsi nous devons mettre en évidence que les Conseils sont une expression directe de la lutte de la classe ouvrière. Ils surgissent de manière spontanée (mais non mécanique) de sa lutte massive. C'est pourquoi ils sont intimement liés au développement et à la maturité de cette lutte, ils puisent en elle leur substance et leur vitalité. Ils ne constituent donc pas une simple "délégation" des pouvoirs, une parodie de Parlement, mais bien l'expression organisée de l'ensemble du prolétariat et de son pouvoir. Leur tâche n'est pas d'organiser une représentativité proportionnelle des groupes sociaux ou des partis politiques mais de permettre à la volonté du prolétariat de se réaliser pratiquement. C'est à travers eux que se prennent toutes les décisions. C'est pour cette raison que les ouvriers doivent constamment en garder le contrôle (révocabilité des délégués) par le biais des Assemblées Générales.

Seuls les Conseils Ouvriers sont capables de réaliser l'unité vivante entre la lutte immédiate et le but final des luttes. Par cette liaison entre la lutte pour des intérêts immédiats et la lutte pour le pouvoir politique et la construction de la société communiste mondiale, les Conseils posent la base objective et subjective de la révolution prolétarienne. Ils constituent le creuset par excellence de l'extension de la conscience de classe. La constitution du prolétariat en Conseils n'est pas une simple question de forme d'organisation mais bien le produit d'un développement de la lutte elle-même et de la conscience de classe. Le surgissement des Conseils n'est pas le fruit de recettes organisationnelles, de structures préfabriquées, d'organes intermédiaires.

L'extension et la centralisation de plus en plus consciente des luttes, au delà des entreprises et des frontières, ne peut être un fait artificiel et volontariste. Pour se convaincre de cette idée, il suffit de se rappeler l'expérience des AAU [2] et cette tentative artificielle de relier et de centraliser les "organisations d'usines" dans une période où la lutte refluait.

Les Conseils ne peuvent subsister que tant que subsiste une lutte permanente, ouverte, impliquant la participation d'un nombre toujours plus important de prolétaires dans le combat. Leur surgissement est essentiellement fonction d'un développement de la lutte elle-même et de la conscience de classe.

Le prolétariat a horreur du vide

Mais nous ne nous trouvons pas encore dans une période de lutte permanente, dans un contexte révolutionnaire qui permettrait au prolétariat de s'organiser en Conseils Ouvriers. L'organisation du prolétariat en Conseils est tributaire de conditions objectives (degré d'approfondissement de la crise permanente de l'économie capitaliste, cours historique) et subjectives (maturité de la lutte et de la conscience au sein de larges masses du prolétariat). Elle est le résultat de tout un apprentissage, de toute une maturation tant organisationnelle que politique.

Nous devons être conscients que cette maturation, cette fermentation politique ne se déroule pas suivant une ligne bien dessinée et bien droite. Elle s'exprime bien plutôt à travers un processus bouillonnant et confus, à travers un mouvement heurté et saccadé. Elle exige en outre une participation active de minorités révolutionnaires. Incapable d'agir mécaniquement selon des principes abstraits, selon des plans préconçus, selon un volontarisme détaché de la réalité, le prolétariat mûrit son unité et sa conscience au cours d'un apprentissage heurté fait d'avancées, de reculs et de défaites. Incapable de regrouper toutes ses forces à un jour "J" (le mythe du "grand soir" cher au syndicalisme révolutionnaire), il concentre ses rangs au cours de la bataille elle-même, son "armée", il la forme dans le conflit lui-même. Mais au cours de la lutte, il forme dans ses rangs des éléments plus combatifs, des avant-gardes plus décidées. Celles-ci ne se regroupent pas forcément au sein d'une organisation de révolutionnaires (car celle-ci dans certaines périodes est peu connue). L'apparition de ces minorités combatives au sein du prolétariat, que ce soit avant, après ou pendant les luttes ouvertes, n'est pas un phénomène incompréhensible ou nouveau. Elle exprime bien ce caractère irrégulier de la lutte, ce développement inégal et hétérogène de la conscience de classe. Ainsi, depuis la fin des années 1960, nous assistons à la fois à un développement de la lutte de classe dans le sens d'une plus grande auto-organisation, à un renforcement des minorités révolutionnaires, à l'apparition de comités, cercles et groupes prolétariens etc. où tente de se regrouper une avant-garde ouvrière. Le développement d'un pôle politique cohérent, la tendance du prolétariat à s'organiser en dehors des syndicats, procèdent d'une même maturation de la lutte et de la conscience de classe.

L'apparition de ces comités, cercles, groupes prolétariens (incluant des travailleurs salariés, étudiant ou au chômage, de toutes les générations et de toutes les catégories professionnelles), répond donc bien à une nécessité de la lutte de classe elle-même. Si des éléments combatifs sentent la nécessité de rester groupés après qu'ils aient lutté ensemble, c'est à la fois dans le but de continuer à "agir ensemble" (éventuellement préparer une nouvelle grève) et à la fois dans le but de tirer des leçons de la lutte passée (à travers un débat politique, collectif, démocratique et bien organisé). Le problème qui se pose à ces prolétaires est autant celui de leur regroupement en vue d'une action future (qui ne peut pas être conçue comme l'action d'une "petite minorité" isolée) que celui de leur regroupement en vue d'éclaircir les questions posées par la lutte passée et à venir. Cette attitude est compréhensible dans la mesure où l'absence de luttes permanentes, la "faillite" des syndicats et la faiblesse numérique des véritables organisations révolutionnaires (communistes internationalistes) créent une sorte de "vide" tant organisationnel que politique. La classe ouvrière lorsqu'elle reprend le chemin de son combat historique a toujours eu horreur du vide. Elle cherche donc toujours à répondre à un besoin posé par ce "vide" organisationnel et politique. Ces comités, cercles et groupes prolétariens, ces minorités d'avant-garde de la classe ouvrière qui ne comprennent pas encore clairement leur fonction ont toujours répondu à ce besoin. Ils sont à la fois une expression de la faiblesse générale de la lutte de classe actuelle et l'expression d'une maturation de l'organisation et de la conscience de classe. Ils cristallisent tout un travail souterrain qui s'opère au sein du prolétariat. Sans ces minorités plus conscientes, organisées et disciplinées du prolétariat, la révolte générale, inévitable, contre l'oppression, la misère et la barbarie capitalistes ne peut qu'exploser sous formes d'émeutes de plus en plus destructrices, dans un déchaînement de violence aveugle et de plus en plus incontrôlables.

Le reflux de la première vague de luttes après 1968

C'est pour cette raison que nous devons faire attention à ne pas enfermer ces organes dans des tiroirs hermétiques, dans des classifications rigides. Nous ne pouvons pas prévoir l'apparition et le développement de ceux-ci de manière tout à fait précise. De plus, nous devons être attentifs à ne pas séparer artificiellement différents moments dans la vie de ces comités et ne pas poser un faux dilemme dans le style : "l'action ou la discussion."

Ceci dit, cela ne doit pas nous empêcher d'avoir une intervention par rapport à ces organes. Nous devons également être capables d'apprécier l'évolution de ces organes en fonction de la période, suivant que nous nous trouvons dans une période de reprise des luttes ou de reflux. En effet, dans la mesure où ils sont un produit immédiat et spontané des luttes, qu'ils surgissent plus sur la base de problèmes conjoncturels (à la différence de l'organisation des révolutionnaires qui surgit sur la base des nécessités historiques du prolétariat), ces organes restent très fortement dépendants du milieu ambiant de la lutte de classe. Ils restent plus fortement prisonniers des faiblesses générales du mouvement et ont tendance à suivre les hauts et les bas de la lutte.

C'est ainsi que nous devons opérer une distinction dans le développement de ces comités, cercles, groupes prolétariens etc. au moment du reflux de la lutte entre 1973 et 77, et dans la période actuelle de reprise internationale des luttes.

Tout en soulignant les dangers qui restent identiques pour ces deux périodes, nous devons être capables de cerner les différences d'évolution.

C'est ainsi qu'avec la fin de la première vague de luttes à la fin des années 1960, nous avons pu assister à l'apparition de toute une série de confusions au sein de la classe ouvrière. Ces confusions nous pouvons les mesurer surtout en fonction de l'attitude des quelques éléments combatifs de la classe qui tentent de rester groupés.

Nous avons vu ainsi se développer :

  • L'illusion du syndicalisme de combat et la méfiance à l'égard de tout ce qui est "politique" (OHK, AAH, Komiteewerking [3]. Dans la plupart des cas, les comités issus des luttes se sont transformés carrément en para-syndicats. C'est le cas des Commissions Ouvrières en Espagne et des "Conseils d'Usines" en Italie. Plus souvent encore, ils disparaissent carrément.
  • Un très fort corporatisme (ce qui constitue la base même du syndicalisme "de combat").
  • Lorsque des tentatives sont faites pour dépasser le cadre de l'usine ou de l'entreprise, une confusion et un éclectisme politique très grand.
  • Une très grande confusion politique, ce qui rend ces organes très fragiles aux manoeuvres des gauchistes et les font tomber aussi dans des illusions du style de celles entretenues par le PIC (voir le "bluff" des groupes ouvriers. [4]

C'est également au cours de cette période que se développe l'idéologie de "l'autonomie ouvrière" avec tout ce qu'elle comporte comme apologie de l'immédiatisme, de l'usinisme et de l'économisme.

Toutes ces faiblesses sont essentiellement dues aux faiblesses de la première vague de luttes de la fin des années 1960. C'est ainsi que ces mouvements se caractérisent par une disproportion entre la force et l'extension des grèves et une faiblesse dans le contenu des revendications. Ce qui marque surtout cette disproportion c'est une absence de perspectives politiques claires dans le mouvement. Le repli ouvrier de 1973-77 est le produit de cette faiblesse utilisée par la bourgeoisie pour opérer un travail de démobilisation et d'encadrement idéologique des luttes. Chacun des points faibles de la première vague de grèves qui a surgi en 1968 est "récupéré" par la bourgeoisie à son profit :

  • "Ainsi l'idée d'une organisation permanente de la classe ouvrière, à la fois politique et économique, s'est transformée ensuite en celle des 'nouveaux syndicats' pour finalement en revenir aux syndicats classiques. La vision de l'AG comme une forme indépendante du contenu a abouti -via les légendes sur la démocratie directe et le pouvoir populaire- au rétablissement de la confiance dans la démocratie bourgeoise. Les idées d'autogestion et de contrôle ouvrier de la production, confusions explicables dans un premier temps, furent théorisées par le mythe de 'l'autogestion généralisée', les 'Îlots du communisme' ou la 'nationalisation sous contrôle ouvrier'. Tout ceci a préparé les ouvriers à faire confiance au plan de restructuration 'qui évite les licenciements' ou aux pactes de solidarité nationale pour 'sortir de la crise'." (Rapport sur la lutte de classe présenté au 3e Congrès international du CCI)

La reprise des luttes ouvrières depuis 1977

Avec la reprise des luttes ouvrières depuis 1977, nous voyons se dessiner d'autres tendances. Le prolétariat a mûri par la "défaite", il a tiré même très confusément les leçons de ce reflux et même si les dangers restent toujours présents de "syndicalisme de combat", de corporatisme, etc., ils s'inscrivent dans une évolution générale différente.

C'est ainsi que depuis 1977 nous voyons se développer timidement :

  • Une volonté plus ou moins marquée de développer une discussion politique de la part d'une avant-garde combative de prolétaires (rappelons l'AG des coordinamenti à Turin, le débat mené à Anvers avec des ouvriers de Rotterdam, d'Anvers, etc., la conférence des dockers à Barcelone... [5]).
  • La volonté d'élargir le champ de la lutte, de dépasser le ghetto de l'usinisme, de donner un cadre politique plus global à la lutte. Cette volonté s'exprime par l'apparition de "coordinamenti" et plus spécifiquement dans le manifeste politique d'un des coordinamenti du nord de l'Italie. Ce manifeste réclame une unification de l'avant-garde combative des usines, la nécessité d'une lutte politique indépendante des ouvriers et insiste sur la nécessité de dépasser le cadre de l'usine pour lutter.
  • Le souci d'établir une liaison entre l'aspect immédiat de la lutte et le but final du mouvement prolétarien dans son ensemble. Ce souci s'exprime particulièrement dans des groupes de travailleurs : en Italie (FIAT) et en Espagne (FEYCU, FORD). Les premiers sont intervenus par voie de tract pour dénoncer les menaces de licenciements faits au nom de "l'anti-terrorisme", les seconds pour dénoncer l'illusion du parlementarisme.
  • Le souci de mieux préparer et organiser les luttes à venir (par exemple, l'action des "porte-parole" de Rotterdam appelant à la formation d'AG).

Bien entendu, répétons-le, les dangers de corporatisme, de syndicalisme de combat, d'enfermement de la lutte sur un terrain strictement économique subsistent même au cours de cette période,

Mais ce dont nous devons tenir compte, c'est l'influence importante de la période sur l'évolution des comités, cercles, groupes prolétariens etc., surgissant avant ou après les luttes ouvertes. Lorsque la période est à la combativité et à la remontée des luttes, l'intervention de telles minorités ouvrières prend un autre sens et notre attitude également. C'est ainsi que dans une période de recul généralisé des luttes, nous insisterons plus sur les dangers pour de tels organes de se transformer en para-syndicats, de tomber dans les bras des gauchistes et des illusions du terrorisme, etc. Dans une période de remontée, nous insisterons plus sur les dangers du "volontarisme" et de "l'activisme" (voir les illusions exprimées à cet égard dans le manifeste du coordinamento de Sesto San Giovanni), sur les illusions que pourraient avoir ces ouvriers combatifs de former les embryons des comités de grève futurs, etc. Dans une période de reprise des luttes, nous serons également plus ouverts face à l'apparition de minorités combatives se regroupant en vue d'appeler à la lutte et à la formation de comités de grève, d'AG, etc.

La politique du CCI à l'égard des comités, cercles et groupes prolétariens

Ce souci de replacer ces comités, cercles, groupes prolétariens, etc. dans le bain de la lutte de classe, de les comprendre en fonction de la période dans laquelle ils se meuvent, n'implique pas pourtant que nous changions nos analyses du tout au tout, suivant ces différentes étapes de la lutte de classe.

Quel que soit le moment où naissent ces comités, cercles et groupes prolétariens, nous savons qu'ils ne constituent qu'une étape d'un processus dynamique général, un moment dans la maturation de l'organisation et de la conscience de classe. Ils ne peuvent avoir un rôle positif que s'ils se donnent un cadre large et souple pour ne pas figer ce processus. C'est pourquoi ils doivent veiller à ne pas tomber dans les pièges suivants :

  • imaginer qu'ils constituent la structure préparant le surgissement des comités de grève ou des Conseils Ouvriers ;
  • imaginer qu'ils sont investis d'une sorte de "potentialité" (ou de "mission impossible") ayant le pouvoir de déclencher la lutte future (ce ne sont pas des "minorités" aussi combatives et "éclairées" soient-elles qui peuvent créer et décréter artificiellement une grève ou font surgir une AG ou un comité. Et cela, même si ces minorités d'avant-garde mènent une intervention active dans ce processus) ;
  • se doter d'une plate-forme ou de statuts ou de tout élément risquant de figer leur évolution et les condamnant à la confusion politique. Ces formes d'organisation du prolétariat entre deux périodes de lutte ouverte ne doivent pas être confondues avec les organisations révolutionnaires qui ne sont pas le produit des luttes immédiates mais du combat historique de la classe ouvrière ;
  • se présenter comme des organes "intermédiaires" entre les syndicats et les Conseils Ouvriers ou entre la classe dans son ensemble et ses organisations politiques, comme une organisation à la fois unitaire et politique minoritaire.

C'est pourquoi, quelle que soit la période dans laquelle nous nous trouvons, notre attitude envers ces comités, cercles, groupes prolétariens, si elle reste ouverte, vise cependant à favoriser la réflexion politique en leur sein. Nous devons essayer de faire en sorte que ces comités, cercles, groupes prolétariens ne se figent ni dans un sens (en structure qui s'imagine préfigurer les Conseils), ni dans l'autre. Ce qui doit nous guider avant tout, ce ne sont pas les intérêts et les préoccupations conjoncturelles de ces organes (car nous ne pouvons pas leur suggérer une recette organisationnelle et une réponse toute faite), mais les intérêts généraux de l'ensemble de la classe. Notre souci est de toujours homogénéiser et développer la conscience de classe de telle sorte que le développement de la lutte se fasse avec une participation toujours plus massive des ouvriers à celle-ci et une prise en main de la lutte par les ouvriers eux-mêmes et non par une minorité, quelle qu'elle soit. C'est pour cette raison que nous insistons tant sur la dynamique du mouvement et que nous mettons les éléments les plus combatifs du prolétariat en garde contre les tentatives de substitutionnisme ou contre tout ce qui risque de bloquer le développement ultérieur de la lutte et de la conscience du prolétariat. En orientant l'évolution de ces organes dans une direction (réflexion et discussions politiques), plutôt que dans une autre, nous répondons à ce souci de favoriser la dynamique du mouvement. Bien entendu, cela ne signifie pas que nous condamnions toute forme d'"intervention" ou d'action" ponctuelle de la part de ces organes. Il est évident que dès l'instant où un groupe d'ouvriers combatifs comprend que sa tâche n'est pas d'agir en vue de se constituer en para-syndicats mais plutôt en vue de tirer des leçons politiques des luttes passées et se préparer à celles de demain, cela n'implique pas le fait que cette réflexion politique se fasse dans le vide éthéré, dans l'abstrait et sans aucune conséquence pratique. La clarification politique menée par ces ouvriers combatifs va également les pousser à agir ensemble à l'intérieur de leur entreprise (et même au delà de l'entreprise). Ils vont ressentir la nécessité de donner une expression politique matérielle à leur réflexion politique (tracts, journaux, etc.), ils vont ressentir la nécessité de prendre position par rapport à des faits concrets qui touchent la classe ouvrière. En vue de diffuser cette prise de position et de la défendre, ils vont donc avoir une intervention concrète. Dans certaines circonstances ils vont proposer des moyens d'action concrets (formation d'AG, de comités de grève...) en vue de riposter ou de lutter. Au cours de la lutte elle-même, ils ressentent la nécessité de se concerter pour développer une certaine orientation de la lutte, pour appuyer des revendications permettant d'élargir la lutte, pour insister sur l'élargissement de celle-ci, etc.

Mais, par rapport à cela, même si nous devons veiller à ne pas plaquer des schémas rigides, il est clair que nous continuons à insister sur le fait que ce qui compte avant tout, c'est la participation active de tous les ouvriers à la lutte, et qu'en aucun cas ces éléments combatifs ne doivent se substituer à cette participation et mener l'organisation et la coordination de la grève à la place de leurs camarades. De plus, il est également clair que plus les idées des organisations révolutionnaires gagneront les prolétaires au sein des luttes, plus ces éléments les plus combatifs et clairvoyants se tourneront vers elles. Ceci, non pas parce que les organisations communistes auront mené une politique de "recrutement" forcé envers ces éléments (comme le font les staliniens, les trotskistes et autres gauchistes), mais tout simplement parce que ces éléments prendront conscience qu'une intervention politique réellement active et efficace ne peut se faire que dans le cadre d'une telle organisation internationale.

L'intervention des révolutionnaires

Tout ce qui brille n'est pas or. Mettre en évidence que la classe ouvrière fait surgir dans sa lutte des minorités plus combatives ne signifie pas affirmer que l'impact de ces minorités est décisif pour le déroulement ultérieur de la conscience de classe. Nous ne devons pas faire une identification absolue entre expression d'une maturation de la conscience et facteur actif dans le développement de celle-ci.

En réalité, l'influence que peuvent avoir ces comités, cercles, groupes ouvriers, etc. dans le déroulement ultérieur de la lutte est très limitée. Elle est entièrement fonction de la combativité générale du prolétariat et de la capacité de ces comités ou cercles à poursuivre sans cesse un travail de clarification politique. Or, à long terme, ce travail ne peut se poursuivre que dans le cadre d'une organisation révolutionnaire.

Mais là encore aucun mécanisme n'est déterminé à l'avance. Ce n'est pas d'une manière artificielle que les organisations révolutionnaires pourront agréger ces éléments. Contrairement à des organisations comme Battaglia Comunista, le CCI ne cherche pas à combler d'une manière artificielle et volontariste un "fossé" qui existerait entre le parti et la classe. Notre compréhension de la classe ouvrière comme force historique et de notre rôle nous empêche de vouloir figer ces comités, cercles ou groupes prolétariens dans des structures intermédiaires ou de chercher à créer des "groupes d'usine", courroies de transmission entre la classe et le parti.

Se pose alors la question de savoir quelle est notre attitude par rapport à de tels comités, cercles etc. Tout en leur reconnaissant une influence limitée, des faiblesses, nous restons ouverts et attentifs au surgissement de tels organes. Nous leur proposons avant tout une très grande ouverture dans la discussion et nous n'adoptons en aucun cas une attitude de mépris, de condamnation sous prétexte de "l'impureté" politique de ces organes. Ceci est une chose. Une autre chose serait de flatter ces organes ou même de concentrer notre énergie uniquement sur eux. Nous n'avons pas à faire une "obsession" des "groupes ouvriers", comme nous n'avons pas à les ignorer. Tout en reconnaissant le processus de maturation de la lutte et de la conscience de classe et ses tentatives à se "hisser" vers le terrain politique, tout en ayant conscience que le prolétariat dans ce processus fait surgir en son sein des minorités plus combatives qui ne se regroupent pas nécessairement en organisation politique, nous devons faire attention à ne pas identifier ce processus de maturation avec celui qui caractérisait le développement de la lutte de classe au 19e siècle. Cette compréhension est très importante car elle nous permet d'apprécier en quoi ces comités, cercles, etc. sont véritablement des expressions de la maturation de la conscience de classe, mais des expressions avant tout temporaires et éphémères et non pas des jalons fixes et structurés, des échelons organisationnels dans le développement de la lutte de classe. Car la lutte de classe dans la période de décadence du capitalisme se développe par explosions, par surgissements brusques qui surprennent même les éléments les plus combatifs d'une lutte précédente et peuvent les dépasser tout à fait en conscience et en maturité. Le prolétariat ne peut s'organiser réellement au niveau unitaire qu'au sein de la lutte elle-même et au fur et à mesure que la lutte devient permanente, il grossit et renforce ses organisations unitaires.

C'est cette compréhension qui nous permet de mieux cerner en quoi, même si dans certaines circonstances il peut être très positif de mener une discussion suivie et systématique avec ces cercles et de participer à leurs réunions, nous n'avons pas de politique spécifique, de "tactique" spéciale à l'égard de ces comités ouvriers. Nous reconnaissons la possibilité et une plus grande facilité de discuter avec ces éléments combatifs (particulièrement quand la lutte n'est pas encore ouverte) ; nous avons conscience que certains de ces éléments peuvent nous rejoindre, mais nous ne focalisons pas toute notre attention sur eux. Car ce qui reste avant tout essentiel pour nous, c'est la dynamique générale de la lutte du prolétariat au sein de la laquelle nous n'opérons aucune classification rigide, aucune hiérarchisation. Nous nous adressons avant tout à la classe ouvrière dans son ensemble. Contrairement aux autres groupes politiques qui essaient de combler l'absence d'influence de minorités révolutionnaires par des procédés artificiels en s'illusionnant sur ces "groupes ouvriers", le CCI reconnaît son peu d'impact dans la période présente. Nous ne cherchons pas à développer, pour augmenter cette influence, une confiance artificielle des ouvriers à notre égard. Nous ne sommes pas ouvriéristes, comme nous ne sommes pas des mégalomanes. L'influence que nous développerons progressivement au sein des luttes, viendra essentiellement de notre PRATIQUE POLITIQUE en leur sein, et non d'un quelconque rôle de "porteurs d'eau" ou d'une politique de flagorneries. De plus, cette intervention politique, nous l'adressons à la classe ouvrière dans son ensemble, au prolétariat pris comme un tout et comme une classe internationale. Nous existons non pas pour nous satisfaire de la "confiance" que nous accorderaient deux, trois ouvriers aux mains calleuses, mais pour homogénéiser et accélérer l'épanouissement de la conscience de classe. Et nous devons être conscients que ce n'est qu'au cours du processus révolutionnaire lui-même que le prolétariat nous accordera sa "confiance" politique, dans la mesure où il reconnaîtra alors que le parti révolutionnaire fait réellement PARTIE de son combat historique.



[1] L'organisation du prolétariat en dehors des périodes de luttes ouvertes (groupes, noyaux, cercles. etc.) [7]

[2] AAU, Allgemeine Arbeiter Union : Union Générale des Travailleurs. Les "unions" ont été des tentatives de créer des formes d'organisation permanentes regroupant l'ensemble des ouvriers en dehors des syndicats et contre eux, en Allemagne, dans les années qui suivirent l'écrasement de l'insurrection de Berlin en 1919. Elles exprimaient une nostalgie des Conseils Ouvriers, mais ne parvinrent jamais à en remplir leur fonction.

[3] Différents groupes d'ouvriers ayant existé en Belgique.

[4] Le groupe français PIC (Pour une Intervention Communiste) vécut pendant quelques mois convaincu et cherchant à convaincre tout le monde, qu'il participait au développement d'un réseau de "groupes ouvriers", qui constitueraient une puissante avant-garde du mouvement révolutionnaire. Il fondait et entretenait cette illusion sur la réalité squelettique de deux ou trois groupes constitués pour l'essentiel d'éléments "ex-gauchistes". Il ne reste plus grand chose de tout ce bluff.

[5] Il s'agit de rencontres organisées à cette époque regroupant des délégations de différents groupes, collectifs, comités ouvriers...

 

Heritage de la Gauche Communiste: 

  • La lutte Proletarienne [6]

Réunion Publique du CCI au Pérou - L'extension de l'espace du débat prolétarien sur le continent américain

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Le CCI a tenu sa première réunion publique à Lima, au Pérou, pendant le mois d'octobre 2007. C'est un événement important puisqu'il a donné l'opportunité à des sympathisants du projet révolutionnaire de mieux comprendre les idées de la Gauche communiste et de prendre contact avec notre organisation. Dans ce pays, les militants sincères de la cause de la classe exploitée ont supporté pendant des dizaines d'années le poids terrible du stalinisme, du maoïsme (essentiellement à travers le "Sentier Lumineux"), du trotskisme, etc. Dans cette région du monde souffrant de la répression brutale de l'État capitaliste et de l'isolement par rapport au reste du prolétariat mondial, il était de la première importance, pour la classe ouvrière, qu'apparaisse une minorité de militants politiques cherchant à clarifier leurs idées sur la révolution mondiale et le communisme.

Le CCI a participé à ce débat public, animé par le souci d'ouvrir un espace de discussion fraternelle dont le but est la clarification et non le "recrutement" systématique et sans principes. Nous voulons remercier publiquement nos sympathisants de la région pour leur soutien logistique, sans lequel nous n'aurions que très difficilement pu réaliser cet objectif, entamer un débat de fond sur le monde actuel, sur ce que nous offre le capitalisme et les perspectives qui en découlent pour l'humanité. Onze personnes ont assisté à cette réunion, abordant des sujets cruciaux concernant la future révolution. Nous voulons ici exposer les leçons de cette réunion prometteuse pour tous les camarades intéressés dans le monde entier. Le sujet annoncé publiquement sur des affiches collées sur les murs de Lima était : "Qu'est-ce que le socialisme et comment lutter pour le réaliser ?", mais l'enthousiasme des participants et leurs questionnements sincères ont permis que la réunion aborde bien d'autres sujets.

Au cours des discussions, se sont exprimées des positions de camarades qui avaient noué des liens avec le GCI [1] ou qui partagent plus ou moins encore certaines positions de ce groupe ; d'autres se revendiquaient de l'anarchisme ; d'autres enfin étaient des sympathisants très proches de notre organisation. Le fait le plus significatif fut néanmoins l'ambiance sincère, fraternelle et ouverte du débat.

La lutte ouvrière : forme et contenu du terrain de classe

Dans la mesure où tous les participants ont manifesté un accord tacite sur la nécessité de la révolution et la perspective de détruire le capitalisme, la discussion s'est engagée rapidement sur des questions plus "concrètes". Une des premières questions abordées a concerné la notion de "décadence du capitalisme", dans la mesure où les participants, peu ou prou influencés par le GCI, ont une certaine vision "a-historique" du processus qui conduit à la transformation de la société, incluant même l'idée de l'existence d'un prolétariat avant l'arrivée des Espagnols aux Amériques (un des participants l'a exprimé quasi textuellement en ces termes : "il n'y avait rien de progressiste dans le fait de massacrer des prolétaires au cours de la conquête des Amériques"). Cette position exprime bien sûr les confusions typiques que sème à profusion le GCI. Plutôt que de tenter de comprendre les processus historiques, le GCI diffuse la "radicale" (et combien creuse) méthode dite de "la violence réactionnaire contre la violence des opprimés", sans prendre en compte le contexte historique dans lequel ils se développent. Cela rend, bien sûr, incompréhensibles les raisons pour lesquelles la révolution mondiale était impossible au 19e siècle, et aussi pourquoi les luttes prolétariennes et les organisations politiques de la classe ouvrière avaient, à l'époque, un contenu et des formes différentes (syndicats, partis de masse, programme minimum, etc.). D'autres participants à la réunion publique ont insisté pour développer l'explication de la décadence du capitalisme, et cette question a donc aussi été abordée.

Le débat a aussi porté sur ce qu'est le prolétariat, sur sa nature et sa façon de lutter. Des participants ont défendu que les événements d'Argentine en 2001 étaient provoqués par un mouvement authentiquement prolétarien et qu'il fallait "les soutenir et les imiter", de même que "les soviets en Irak" (sic !). Le CCI a pu présenter son analyse [2], en donnant des éléments de réflexion qui furent sérieusement discutés par les participants. Nous avons mis en avant trois axes de discussion :

  • La nécessité de rejeter la "violence pour la violence". S'il est certain que la révolution qui détruira le capitalisme sera nécessairement violente, car il est évident que la minorité qui détient l'appareil d'État résistera jusqu'à son dernier souffle, cette violence de classe du prolétariat n'est pas l'essence même de sa révolution ; celle-ci se trouve essentiellement dans la capacité du prolétariat à développer sa lutte massive et consciente. Ce qui distingue la classe qui sera le sujet de la future révolution, ce n'est pas sa violence mais sa conscience[3].
  • Les luttes ouvrières s'organisent à travers des organes engendrés au cours de la lutte elle-même, allant des assemblées générales, des délégations, des comités de lutte jusqu'à des formes plus avancées où ils s'amplifieront quand la situation historique fera surgir des Conseils Ouvriers. Nous n'en sommes encore qu'au tout début des ripostes ouvrières au niveau international depuis les gigantesques campagnes sur "la mort du communisme" et le recul que le prolétariat mondial a subi au niveau de sa conscience [4]. Rejeter les assemblées par lesquelles s'exprime l'effort du prolétariat pour prendre en mains ses luttes est une grave erreur, de même que privilégier les actions désespérées (incendies de voitures, blocage total de la production, affrontements stériles contre la police, etc.), au lieu de tirer les leçons, réfléchir et discuter collectivement de la question : comment et pourquoi la bourgeoisie et son État mystifient-elle la classe ouvrière et l'effort de clarification de ses minorités les plus conscientes ?
  • Les luttes authentiquement "pures" du prolétariat n'existent pas, et le CCI ne s'attend nullement à l'apparition de luttes dégagées immédiatement de l'influence de l'idéologie bourgeoise ou de luttes dans lesquelles seront totalement absents les organes de l'appareil d'État (syndicats de tout poil, partis intégrés au système politique et parlementaire du Capital, de même que le bras armé "radical" de la bourgeoisie : le gauchisme, qu'il soit maoïste, trotskiste, ou anarchiste officiel, etc.). L'authenticité d'une lutte prolétarienne ne se mesure pas à la présence ou non d'éléments issus "sociologiquement" de telle ou telle catégorie de travailleurs manuels. Elle se vérifie par l'existence, dans les luttes prolétariennes, d'une dynamique où les participants se reconnaissent comme partie d'une classe, comme membres qui doivent entrer en lutte avec les autres et qui partagent des intérêts immédiats communs. Quand commence à surgir la conscience qu'il existe une identité prolétarienne, la lutte contre le Capital fait de grands pas en avant et il est de la première importance de généraliser ces leçons. Par contre, quand, au lendemain d'une lutte, il subsiste une ambiance de division, de sectarisme, de ségrégation, de corporatisme, etc., alors il faut réfléchir aux origines d'une telle ambiance sociale et au piège dans lequel on est tombé.

Il reste un long chemin de clarification à poursuivre pour comprendre toutes les questions liées à la lutte de classe du prolétariat.

La question syndicale

Cette question a été également présente dans une partie de la discussion. La vision classique qu'un syndicat peut être "récupérable" par la classe ouvrière ne s'est pas fait attendre (notamment à travers la vision anarchiste défendue par la CNT), et la question de la possibilité d'un "syndicalisme révolutionnaire" fut ouvertement posée. Tout les participants étaient d'accord pour affirmer que si la CNT a trahi pendant les événements d'Espagne 1936, il existait cependant au moins un groupe, "les Amis de Durruti" qui s'était opposé à la militarisation du travail" [5]. Un des participants a avancé cet argument classique du GCI : "le syndicat n'a jamais été et ne sera jamais révolutionnaire". Cette affirmation contient une part de vérité, dans le sens où les syndicats n'ont pas surgi, effectivement, en tant qu'organes de la lutte révolutionnaire du prolétariat, mais comme organes de sa lutte immédiate lui permettant d'obtenir des réformes durables au sein du capitalisme et une réelle amélioration de ses conditions de vie. Mais cet argument a aussi la faiblesse de manquer de méthode et de ne pas concevoir les syndicats comme produits historiques. Il ne permet pas de comprendre que leur apparition, qui a coûté tant de souffrances au prolétariat, était conditionnée par une période historique où la révolution prolétarienne mondiale n'était pas encore possible, objectivement et subjectivement. Cet argument va de pair avec cette vieille rengaine du GCI qui affirme que la 2e Internationale n'avait rien de prolétarien ! Rappelons rapidement que la 2e Internationale avait eu le mérite d'adopter le marxisme comme méthode scientifique (matérialiste, historique, dialectique) pour développer la théorie révolutionnaire du prolétariat. C'est cette méthode qui a permis de faire la distinction entre les organisations unitaires du prolétariat (les syndicats) et ses partis politiques. C'est cette méthode qui a permis de mener un combat de fond contre la vision du monde de la franc-maçonnerie. C'est encore cette méthode qui a permis de développer les discussions sur les origines du christianisme et a fourni une multitude d'articles fondamentaux. Le fait que les partis de la 2e Internationale aient trahi en votant les crédits de guerre pendant la Première Guerre mondiale n'empêche pas de reconnaître que la 2e Internationale a été, avant 1914, un maillon de plus dans la chaîne des efforts du prolétariat pour se doter d'un parti mondial.

Suite à la discussion sur cette question, un participant a alors défendu les positions du CCI sur la question syndicale en montrant comment les syndicats sont un moyen sophistiqué de contrôle étatique et comment Fujimori lui-même a développé, en accord avec l'opposition, une campagne de "destruction des syndicats" destinée à détourner la combativité ouvrière sur le terrain de la lutte pour créer de nouveaux syndicats (et non pas pour la clarification de la conscience permettant de se battre plus efficacement contre les attaques du Capital).

Les syndicats ont constitué une arme du prolétariat à une époque historique où le capitalisme était capable non seulement de lui accorder des réformes durables mais également où la révolution n'était pas encore à l'ordre du jour (c'est pour cela que le "programme minimum" était, à l'époque, une réalité pour laquelle la classe ouvrière devait lutter). Les événements de 1905 et surtout ceux de 1917 en Russie ont montré comment le prolétariat en lutte apporte une réponse aux questions d'organisation quand la révolution devient d'actualité, pendant la période de décadence du capitalisme ; la révolution ne s'est pas réalisée autour des syndicats mais autour des Conseils Ouvriers, "la forme enfin trouvée de la dictature du prolétariat" (Lénine).

Depuis lors, le développement des luttes ouvrières a été constamment confronté à la nécessité de s'organiser en dehors et contre les syndicats. Nous savons qu'il n'est pas possible, pour le prolétariat, de créer des Conseils Ouvriers n'importe quand, que leur surgissement dépend des conditions de généralisation des luttes dans une situation prérévolutionnaire. Néanmoins, les luttes ouvrières ne peuvent attendre cette situation prérévolutionnaire pour s'auto-organiser. La question de la prise en mains et du contrôle, par la classe ouvrière elle-même, de son combat, à travers des Assemblées Générales massives lui permettant de prendre toutes les décisions (qui doivent être discutées collectivement et soumises au vote), se pose dès qu'éclate une grève dans une usine. La recherche de la solidarité avec les autres exploités est une question de vie ou de mort pour chaque grève (nous ne parlons pas des simulacres de solidarité orchestrés par les syndicats). Commencer à comprendre que l'isolement signe toujours l'arrêt de mort de toute grève est une leçon à approfondir parce qu'elle permet de préparer les luttes décisives contre le capitalisme. L'extension géographique, le plus rapidement possible, de toute grève est une nécessité vitale pour l'avenir de la lutte.

Lutter pour la culture du débat

Les participants ont fait preuve d'un état d'esprit véritablement prolétarien, c'est-à-dire d'une capacité d'ouverture aux arguments des autres et d'une volonté de mener une réflexion collective. Ces deux aspects mettent en évidence l'effort difficile mais enthousiasmant des minorités à la recherche d'une perspective de classe dans cette région du monde. Ce qui les unit, c'est leur compréhension de la catastrophe à laquelle nous conduit le capitalisme. Nous sommes conscients des divergences qui subsistent encore et continuerons à combattre les aberrations politiques du GCI. Mais cela ne nous empêche pas, loin de là, de saluer cet état d'esprit des participants et nous les encourageons à continuer de développer le débat politique avec un esprit d'ouverture et d'écoute attentive, à intégrer de nouveaux arguments pour que le débat contradictoire permette de passer de la confusion à la clarification.

Dans l'atmosphère sociale dominée par l'idéologie bourgeoise et le gauchisme, le "débat" est conçu comme un rapport de forces, une "lutte à mort", à l'issue de laquelle l'un des protagonistes doit nécessairement éliminer et détruire ses adversaires, dans une vision guerrière où une "fraction" écrase les autres. Ce sont les mœurs quotidiennes des différentes fractions du Capital : les individus (ou groupes d'individus) sont soumis à la loi capitaliste de la concurrence par laquelle l'autre est toujours un ennemi, une concurrence où celui qui s'afficherait comme le plus "fort", ou le plus "musclé", serait le "vainqueur" (la concurrence sur le marché du travail de plus en plus saturé trouvant son équivalent dans les sentiments de "jalousie" infantile, la concurrence scolaire, intellectuelle, politique, etc.). Pour le marxisme, le débat et la confrontation fraternelle des idées et des arguments (qui font évoluer ces idées et permettent de dépasser les préjugés dus à la division de la société en classes) est le seul moyen de surmonter les entraves au développement de la conscience. Pour mener un débat véritablement prolétarien, les minorités les plus conscientes de la classe ouvrière doivent exclure l'humiliation et les insultes (même si la confrontation politique peut prendre dans certaines circonstances une forme polémique et passionnée, comme on le voit par exemple dans les débats parfois un peu "houleux" des Assemblées Générales massives de la classe ouvrière). Notre conception de la culture du débat suppose la volonté de convaincre et non d'imposer ses idées à n'importe quel prix et avec n'importe quels moyens. La culture du débat suppose aussi la capacité à écouter attentivement les arguments et à se laisser convaincre (être convaincu par les arguments des autres n'est pas une "capitulation" ou une "défaite", puisque dans le débat prolétarien il n'y a pas d'adversaire à abattre). La façon dont s'est tenue cette première réunion publique du CCI, nous permet d'affirmer qu'il est nécessaire d'ouvrir un espace de discussion dans cette partie du monde, un espace dans lequel les éléments de la classe ouvrière qui veulent débattre, se clarifier ou exposer leurs convictions pourront rencontrer un milieu politique qui permette l'élaboration collective des idées. Construire ce milieu politique vivant où le débat prolétarien sera au centre de la vie politique est une perspective qui, au Pérou, comme ailleurs dans le monde, constitue un préparatif indispensable à la future révolution mondiale.

Courant Communiste International


[1] "Groupe Communiste International" : il s'agit d'un groupe à la phraséologie "radicale" mais dont la pratique se rapproche de celle des groupes d'extrême-gauche du capital. Voir notre dénonciation de ce groupe dans la Revue Internationale no 124 : A quoi sert le Groupe Communiste Internationaliste ? [8]

2 Sur les prétendus "soviets" en Irak et sur les événements en Argentine, voir notre article Révoltes populaires en Argentine : seule l'affirmation du prolétariat sur son terrain peut faire reculer la bourgeoisie [9] dans la Revue Internationale no 109.

[3] Classe la plus "aliénée" de la société (du fait que, dans l'économie capitaliste, les prolétaires sont totalement dépossédés et séparés des moyens matériels de production), la classe ouvrière détient aussi en son sein la force lui permettant de dépasser cette aliénation économique : sa conscience du futur. La bourgeoisie est, de par sa position de classe exploiteuse, elle aussi une classe aliénée. Mais elle est incapable de dépasser cette aliénation car cela supposerait qu'elle renonce à être la bourgeoisie.

4 Voir notre article "Effondrement du bloc de l'Est : des difficultés accrues pour le prolétariat [10]", dans la Revue Internationale no 60, et "Un tournant dans la lutte de classe - Résolution sur l'évolution de la lutte de classe [11]", Revue internationale no 119.

[5] Voir notre série sur l'histoire de la CNT dans la Revue Internationale no 128 à 131. Voir aussi, en espagnol, notre livre Franco et la République massacrent les travailleurs [12]. Au sujet des Amis de Durruti, lire dans la Revue Internationale no 102, "Les Amis de Durruti : leçons d'une rupture incomplète avec l'anarchisme [13]"

Vie du CCI: 

  • Réunions publiques [14]

Géographique: 

  • Amérique Centrale et du Sud [15]
  • Pérou [16]

Philippines - Un microcosme de la lutte de classe internationale

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Nous publions ci-dessous l'extrait d'un message qui nous a été envoyé par les camarades du groupe Internasyonalismo aux Philippines au sujet de mouvements de travailleurs qui ont eu lieu ces dernières années dans la zone industrielle de la MEPZA [1] Bien que seulement quelques centaines de travailleurs aient été concernés par les évènements décrits dans cet article, ces luttes constituent un microcosme des problèmes auxquels se heurtent non seulement les 40 000 ouvriers dans le MEZPA mais des millions de travailleurs à travers le monde, depuis les maquiladoras[2] (à la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis) jusqu'aux usines des zones économiques spéciales en Chine.

"La compagnie A est une compagnie manufacturière japonaise opérant à l'intérieur de la MEZPA. A l'heure actuelle, il y a plus de 1000 ouvriers dont la majorité sont des femmes.

En 2004, la compagnie, qui avait opéré sous un nom différent, informait ses ouvriers, via une première note individuelle, du fait que la compagnie était déjà passée aux mains d'un nouveau propriétaire et par conséquent, qu'elle allait changer de nom pour prendre celui de "compagnie A"

Les travailleurs étaient priés de remettre leur lettre de démission effective immédiatement ; on leur a dit que leur seraient payés leurs derniers salaires et primes. Mais la compagnie leur assurait également qu'ils seraient automatiquement réintégrés et continueraient dans les mêmes emplois mais en tant qu'ouvriers nouvellement embauchés dans la compagnie A (ce qui signifie que leur ancienneté recommencerait à zéro).

Un groupe de travailleurs a mis en cause cette procédure de la compagnie. D'une part, le groupe considérait que ce procédé n'étant rien de plus qu'un changement de nom de la société, il ne devait donc pas automatiquement priver les ouvriers de leur ancienneté et les faire repartir à zéro pour la simple raison que la compagnie, encore sous le même encadrement, n'était pas capable de fournir des preuves, écrites ou autres, d'un rachat ou d'un changement de propriétaire.

D'autre part, le groupe a argumenté que même s'il y avait réellement eu un rachat et que la compagnie A était effectivement une nouvelle compagnie, le Code du Travail de l'État philippin exige expressément de l'ancienne société qu'elle paye l'ancienneté des travailleurs concernés (ce qui équivaut à un mois de salaire par année d'ancienneté) lorsqu'ils sont licenciés de leur emploi et avant leur transfert ou leur intégration par la nouvelle société.

Quelques travailleurs étaient en contact avec le Partido ng Manggawana (Parti du Travail) qui leur a conseillé de s'organiser en syndicat dans l'entreprise en vue d'engager des négociations avec la direction sur les bases du code du travail philippin.

Lorsqu'une réunion d'employés fut convoquée par la compagnie, les membres du groupe ont argumenté ouvertement contre le procédé d' "intégration automatique après rachat", ce qui poussa la direction de la société, après la dite réunion, à convoquer individuellement chaque membre du groupe qui s'était exprimé en faveur d'une réunion portes fermées ; chacun était interrogé séparément pour savoir s'il avait formé une organisation ou un syndicat, ce qui a été formellement démenti par les membres de celui-ci. Pressentant l'opposition possible, la société voulut boucler rapidement la procédure de rachat et y parvint.

Généralement les travailleurs réagissaient contre la procédure introduite par la compagnie mais, à cause de la réintégration automatique, ils hésitaient à entrer en lutte puisque, après tout, cela ne signifiait pas encore la perte de leur emploi. De plus, les ouvriers de la MEPZA ont, dans l'ensemble, une vision négative des syndicats et du syndicalisme en général non seulement parce que les tentatives du passé par les fédérations de travail pour s'organiser en syndicats à l'intérieur de la MEPZA ont échoué, mais aussi parce que le syndicalisme en général était inutile dans la défense des emplois, spécialement en ce moment, avec les procédés de contractualisation introduits par les capitalistes dans le but de survivre à la crise.

Quelques travailleurs du groupe original démissionnèrent de la compagnie pendant que d'autres restent dans leur emploi jusqu'à ce jour.

Au début de l'année 2007, des rumeurs au sujet de la compagnie A qui changerait de nom une nouvelle fois, circulaient parmi ses travailleurs. Les membres restants du groupe décrivaient un sentiment général d'hostilité contre ce projet parmi leurs collègues et une volonté de faire grève.

La direction de la compagnie A démentit le fait qu'il y ait un projet de changement de nom et clama que cela n'était qu'une rumeur créée par les médias. Avec ce démenti, la combativité des ouvriers retomba pour le moment.

***

La Compagnie B est une corporation familiale appartenant à des capitalistes basés à Cebu engagés dans la production alimentaire pour le marché de Visaya et Mindanao. La main d'œuvre est actuellement composée de plus ou moins 80 ouvriers réguliers et d'un peu plus de 200 travailleurs contractuels.

En 2004, la société a réduit le temps de travail pour les travailleurs réguliers notamment dans l'atelier de conditionnement (soit environ 60 d'entre eux) de six jours à trois jours par semaine. La raison invoquée par la société était que le volume de leurs importations de bœuf d'Australie était réduit par l'État philippin parce que la compagnie ne respectait pas les normes industrielles établies par l'État. La société assura aux travailleurs affectés que ce procédé était temporaire, puisqu'elle mettait tout en œuvre pour surmonter les anomalies afin de pouvoir retrouver leur volume normal d'importation de bœuf.

Cela s'avéra faux pour les travailleurs touchés. C'était déjà difficile pour eux de vivre avec leurs six jours de salaire, alors avec trois jours ! Pour compenser les trois jours pendant lesquels ils ne travaillaient pas, la société proposa de les assigner en plus à la construction de nouveaux bâtiments dans l'usine. Après trois jours de travail dans l'atelier de conditionnement à air conditionné, ils passaient les trois jours restants à travailler dehors sous un soleil brûlant. Et pire encore : malgré le fait qu'après leurs trois jours à l'intérieur, il restait encore de la matière première (le bœuf), ils furent néanmoins obligés de travailler dehors alors que les travailleurs contractuels récupéraient les trois jours restants. Et cet arrangement prétendument temporaire dura plus d'un an.

Se rendant compte qu'un retour aux six jours de travail dans l'atelier de conditionnement était impossible en raison de l'embauche de travailleurs contractuels, huit des travailleurs touchés décidaient, cette même année, de porter l'affaire devant le NLRC[3] mais après un long processus juridique et une année d'attente, ils ont été informés, non pas par le NLRC mais par l'entreprise, que l'affaire avait été classée.

En 2005, les travailleurs réguliers qui avaient porté l'affaire devant le NLRC décidaient de former un syndicat.

Après avoir franchi la procédure légale pour s'organiser, la minorité des travailleurs de l'atelier de conditionnement, qui avait formé un syndicat, a réussi à convaincre les autres travailleurs réguliers de se joindre à eux et a récolté une majorité des voix parmi les travailleurs réguliers de l'entreprise lors de l'Election de Certification du syndicat.

Le syndicat par la suite entama une série de négociations avec la compagnie pour un accord sur les salaires et les allocations qu'elle leur devait pour la dernière année et, finalement, ils conclurent un Accord de Négociation Collective ("Collective Bargaining Agreement", CBA) avec l'entreprise en mai dernier.

Une fois le CBA mis en place, la compagnie révisa son règlement ("Company Rules and Regulations", CRR) avec une série de pénalités strictes envers les travailleurs qui commettaient des violations au règlement et simplifia la procédure de licenciement.

A la première vague de l'application du CRR, quelques membres et responsables syndicaux élus ont été suspendus et un délégué a même été renvoyé. Quand les responsables se sont plaints, il leur a été dit par la compagnie, qu'ils devaient suivre la procédure prévue par leur CBA. A contrecoeur les responsables syndicaux ont soumis leurs plaintes à l'interminable processus de doléances pendant que les travailleurs affectés, et spécialement le responsable renvoyé, devaient mendier n'importe quel emploi afin de se nourrir eux-mêmes et leur familles."

Les travailleurs qui avaient rejoint le syndicat ressentaient avec beaucoup de scepticisme que cela ne mènerait à rien et surtout pas à la réintégration de l'ouvrier renvoyé. Sentant que s'ils ne faisaient rien à part attendre docilement la procédure légale promise, ils encourageraient tout au plus des licenciements supplémentaires et davantage de répression, ils commencèrent donc à mettre la pression sur le syndicat pour que celui-ci lance une grève. Le syndicat, cependant, hésitait à agir : "premièrement, le syndicat était lié par le CBA et par le code du travail de l'État philippin et, selon ce dernier, le problème des responsable limogés n'était pas une raison suffisante pour justifier une grève qui serait donc illégale.

Deuxièmement, même si le syndicat décidait d'outrepasser le CBA et la législation pour lancer la grève, il faudrait encore que les travailleurs soient assez nombreux pour que ce soit efficace. Les membres réguliers étaient au nombre de 40 et le fait même d'être syndiqués les isolait des ouvriers non syndiqués. Des ouvriers réguliers non syndiqués (environ 40 d'entre eux) disaient que le problème était uniquement l'affaire des travailleurs syndiqués alors que les travailleurs contractuels maintenaient que cela concernait uniquement les ouvriers réguliers et syndiqués. Ces sentiments de division ont été maintenus et renforcés par la société dans la formulation et l'application de sa politique envers les ouvriers."

Quelles leçons pouvons nous tirer de ces évènements ?

Tout d'abord, nous devons dire que l'instinct de classe des ouvriers les plus combatifs était absolument correct. Contre l'intimidation et la victimisation de travailleurs (spécialement ceux considérés comme des meneurs et des fauteurs de troubles) par les patrons, la classe ouvrière n'a qu'un seul moyen de se protéger contre la répression : développer une réaction collective de solidarité. Cette réaction collective n'est pas arrivée de manière spontanée : il s'agit d'un effort conscient, une réelle expression de la conscience de classe. Cela a été compris par les ouvriers de la compagnie A qui ont organisé des discussions sérieuses avec leurs collègues avant la confrontation aux dirigeants.

Pourquoi la formation d'un syndicat a-t-elle abouti à un échec ?

Une chose ressort clairement de ce compte-rendu : peu importe l'honnêteté et la combativité des militants pris individuellement (comme le travailleur licencié de la compagnie B), c'est la raison d'être même des syndicats qui les rend non seulement inutiles mais franchement dommageables pour les intérêts des travailleurs. L'orientation du syndicat, comme nous pouvons le voir dans ce compte-rendu, correspond à mener des négociations au sein de la structure légale prévue par les États capitalistes en se fiant aux lois du travail de ces mêmes États. En d'autres termes, les travailleurs sont supposés faire confiance aux protections légales offertes par l'État des patrons... contre les patrons. Cela revient à se battre les mains liées, puisque, quand ils ne trouvent pas les lois avantageuses, les patrons les réécrivent tout simplement - que ce soit à petite échelle comme dans l'usine de la compagnie B où le nouveau règlement a immédiatement réduit à néant les quelques avantages que les travailleurs croyaient avoir gagné avec le CBA ; ou à grande échelle en changeant la législation comme le gouvernement Thatcher l'a fait en Grande-Bretagne en rendant illégales les grèves de solidarité.

Comme le soulignent les camarades d'Internasyonalismo, non seulement les tactiques légales des syndicats se sont avérées inutiles pour défendre les conditions de vie des travailleurs, mais les syndicats eux-mêmes étaient plus qu'inutiles ; loin d'unir les travailleurs, ils ont introduit de nouvelles divisions parmi eux. Derrière cette division se trouve une méfiance de longue date parmi les travailleurs philippins, une méfiance qui va en grandissant du fait que les syndicats (généralement liés aux partis politiques de gauche) utilisent leurs membres comme de la "chair à canon" dans leur combat pour leur propre influence dans le système politique bourgeois. Cette situation date d'au moins la fin de la Seconde Guerre mondiale, quand les syndicats rivaux se sont formés afin d'embrigader les ouvriers dans le soutien de tel ou tel camp impérialiste (pro-chinois, pro-URSS ou pro-USA).

Comment faire face à cette situation ? Comment les travailleurs peuvent-ils construire leur force collective afin de se défendre contre la classe capitaliste ?

Nous devons être clairs qu'il n'existe pas une "tactique de la Gauche communiste" qui marche, contre une "tactique syndicale" qui ne marche pas. La question n'est pas une question de tactique mais de politique. La politique syndicale implique l'enfermement des travailleurs dans le cadre légal de l'État bourgeois, la politique communiste signifie encourager tous les moyens qui peuvent développer la confiance des travailleurs en eux-mêmes, leur sentiment de solidarité comme membres d'une même classe avec les mêmes intérêts, et leur capacité à s'organiser eux-mêmes dans le combat.

Le contexte des événements dans la MEZPA n'est pas atypique. Bien au contraire, la tendance à la précarisation des conditions de travail, à la division des travailleurs entre réguliers et contractuels, à la dispersion des grandes compagnies dans de petites équipes de travail ou encore la délocalisation du travail vers une multitude de petits entrepreneurs - tout cela fait partie intégrante du capitalisme aujourd'hui et tout cela sert le capitalisme que ce soit du seul point de vue politique et économique immédiat ou du point de vue politique plus large du combat contre la classe ouvrière.

Par conséquent, le premier combat que les ouvriers ont à mener est celui contre l'atomisation, contre la division, pour l'intégration d'autant de travailleurs que possible dans le combat. Il s'agit surtout d'un combat politique, puisque cela signifie le développement de notre compréhension du contexte politique et économique général au sein duquel le combat se déroule ainsi que des méthodes organisationnelles avec lesquelles on doit le mener, cela signifie apprendre les leçons des autres combats ouvriers partout dans le monde sur comment s'organiser et comment évaluer le rapport de forces, apprendre comment éviter les provocations de la bourgeoisie quand cela peut conduire à la défaite, apprendre comment étendre le combat aussi largement que possible une fois qu'il est engagé.

Comment les travailleurs peuvent faire ce jugement par et pour eux-mêmes ? Cela peut seulement être fait si les travailleurs sont capables d'agir collectivement, s'ils peuvent se rencontrer, débattre ensemble, et déterminer leur action ensemble. Il est nécessaire que les travailleurs se réunissent ensemble dans des assemblées générales où les décisions peuvent être prises. La décision ne sera pas toujours d'engager ou de continuer le combat. Il se peut que les travailleurs considèrent que le moment n'est pas encore venu ou qu'ils n'ont pas suffisamment de force, mais le fait même de prendre ces décisions ensemble en tant que corps collectif permettra de renforcer leur conscience de classe et leur confiance en eux-mêmes. Manifestement, dans des conditions de répression comme aux Philippines, l'organisation d'assemblées ne sera pas chose facile, mais nous pouvons compter sur l'ingéniosité des travailleurs pour chercher ensemble comment cela peut se réaliser.

La classe ouvrière est la première dans l'histoire à être à la fois une classe exploitée et une classe révolutionnaire. Parce qu'elle ne possède rien, sa seule force dans cette société est sa conscience et son organisation.

Les révolutionnaires ne peuvent pas faire naître la lutte de classe par leur seule volonté : si les ouvriers ne sont pas prêts à lutter, alors ils ne peuvent pas les forcer à le faire. On ne peut pas remplacer la volonté des travailleurs de combattre par des campagnes artificielles ; bien au contraire cela ne peut que séparer les révolutionnaires des travailleurs et diviser les travailleurs entre eux. Mais si les révolutionnaires ne peuvent pas "créer" la lutte de classe, nous pouvons et nous devons préparer les luttes massives à venir. Nous pouvons et nous devons aider à préparer les conditions de la lutte pour qu'elle soit aussi puissante, aussi autonome et aussi consciente que possible quand elle éclatera.

C'est pour répondre à cette nécessité de la lutte de classe que le CCI a toujours encouragé, poussé, et a pris part à chaque fois que possible, à la formation de groupes de discussion et de comités de lutte réunissant des travailleurs de différents lieux de travail et de différentes entreprises. Ces groupes ne sont pas des organismes permanents : ils se créent et se dissolvent en fonction des besoins de la lutte. Mais ils peuvent offrir un moyen pour les travailleurs les plus combatifs de surmonter leur isolement, de développer leur réflexion et leur compréhension de la situation qu'ils rencontrent. Ils sont un moyen de se préparer à la lutte de masse à venir.

CCI (15/10/2007)

[1] MEPZA - Mactan Export Processing Zone. Composée de centaines de compagnies principalement étrangères destinées à l'exportation, la MEPZA compte un effectif total de force de travail de plus de 40 000 hommes. Vues les conditions politiques aux Philippines, nous n'avons pas révélé les noms des sociétés dans lesquelles les événements décrits ici ont eu lieu.

[2] Usines manufacturières de confection ou d'assemblage de petites pièces demandant un travail minutieux où sont employées essentiellement des jeunes filles ou des jeunes femmes sous-payées et surexploitées, soumises de plus aux pires conditions de travail (brimades, vexations, chantage sexuel...)

[3] NLRC - National Labor Relations Commission, une sorte d'équivalent au Tribunal des Prud'Hommes.

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  • Philippines [17]

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  • Luttes de classe [18]

Où en est la lutte de classe aux États-Unis ? - La solidarité est la clé du développement de la conscience de classe

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Comme nous l'avons souligné dans d'autres articles sur la situation aux Etats-Unis , en particulier dans Internationalism n°142, le capitalisme américain est aujourd'hui atteint d'une double maladie : une crise historique de sa puissance impérialiste et une crise économique de plus en plus inextricable. La classe dominante y a répondu en fonçant tête baissée dans la guerre impérialiste à travers toute la planète et en poursuivant les politiques complètement usées de combines fiscales et monétaires qui ont empêché jusqu'à présent l'effondrement total de l'économie. Pour la classe ouvrière, ces politiques ont signifié une détérioration continue de ses conditions de travail et de son niveau de vie comme une situation d'insécurité sociale croissante. Du fait du reflux de la lutte de classe, suite à la confusion créée par l'effondrement du bloc de l'Est (et la prétendue "victoire" du capitalisme démocratique sur le prétendu "communisme" en URSS), la bourgeoisie a pu mettre en œuvre ces politiques sans rencontrer de résistance sérieuse de la part de la classe ouvrière, seule force de la société qui ait une véritable alternative à offrir à l'impasse du capitalisme moribond. Cependant, depuis quelques années, il est de plus en plus clair qu'une nouvelle période s'est ouverte dans laquelle la lutte de classe va de nouveau être au centre de la situation sociale et où les politiques d'austérité et de guerre impérialiste de la bourgeoisie ne pourront se poursuivre sans obstacles. Afin de permettre aux prolétaires de se préparer aux luttes futures et faire fructifier toutes leurs potentialités, il nous faut mieux comprendre le stade actuel de la lutte de la classe ouvrière au sein de la première puissance mondiale.

Pour comprendre la situation actuelle de la lutte de classe aux Etats-Unis, il faut la replacer dans le contexte général de la lutte de classe internationale. Il est donc important de rappeler brièvement les principales caractéristiques de la phase actuelle de ces luttes. Depuis 2003, nous avons assisté à une tendance générale de la classe ouvrière à sortir du reflux de sa combativité et de sa conscience et de la désorientation qu'elle a connue suite à la disparition, à la fin des années 1980, de la configuration du système dominée par les deux blocs impérialistes rivaux, configuration issue de la Conférence de Yalta en février 1945. Cette nouvelle tendance de la classe ouvrière à reprendre le chemin de la confrontation avec son ennemi historique a connu un épisode remarquable lors de la grande mobilisation des étudiants en France au printemps 2006. Les luttes en Allemagne qui se sont déroulées en même temps et les mobilisations ouvrières dans de nombreux autres pays depuis, au centre comme à la périphérie du capitalisme, ont confirmé que nous étions entrés dans une nouvelle phase de la lutte de classe internationale.

Comme nous l'avons souligné dans toute la presse du CCI, les caractéristiques centrales de cette phase de la lutte de classe sont :

  • l'émergence d'une nouvelle génération d'ouvriers qui se confrontent pour la première fois à leur ennemi de classe ;
  • la question de la solidarité de classe qui est posée à la fois au sein de la classe ouvrière dans son ensemble et entre les générations de prolétaires ;
  • la réappropriation par la nouvelle génération des méthodes et des formes historiques de la lutte ouvrière - les assemblées générales et les manifestations massives ;
  • une conscience croissante des enjeux contenus dans la situation historique actuelle.

La classe ouvrière aux Etats-Unis s'est pleinement inscrite dans cette reprise générale de la lutte de classe. Comme dans d'autres pays, face aux attaques incessantes contre leurs conditions de vie et de travail d'un système capitaliste embourbé dans une crise économique permanente, les ouvriers américains ont été contraints de se défendre et de surmonter la période de désorientation des années 1990. Comme nous l'avons mis en évidence dans notre presse, la grève de trois jours des employés des transports de la ville de New York pendant les vacances de Noël en décembre 2005 a constitué le moment fort de cette tendance. Elle n'a cependant pas été un événement isolé mais plutôt la manifestation la plus claire de la tendance de la classe ouvrière à reprendre le chemin de ses luttes (qui s'était déjà concrétisée dans la lutte des employés des supermarchés en Californie en 2004 et celles des ouvriers de Boeing, de North West Airlines et des transports de Philadelphie en 2005). Cette tendance a continué en 2006, comme l'ont exprimé, en particulier, la grève sauvage des enseignants à Detroit pendant deux semaines en septembre et celle de plus de 12 000 ouvriers dans 16 usines de pneus Goodyear aux Etats-Unis et au Canada en octobre de la même année.

Toutes ces luttes faisaient face aux mêmes problèmes : la menace d'attaques draconiennes contre les salaires et les allocations, les baisses directes de salaires, les coupes dans les allocations de santé et de retraite - qui allaient frapper non seulement la génération actuelle de travailleurs exploités mais également les générations futures. La combativité des ouvriers impliqués dans ces luttes qui, pour la plupart, n'avaient aucune chance de faire reculer la bourgeoisie, a été énorme et a montré toute la réserve d'énergie et de combativité qui existe dans une classe qui n'a pas été défaite pendant deux générations. Les employés des transports de New York et de Philadelphie, les enseignants de Detroit ont fait grève en encourant des peines légales et financières parce qu'ils transgressaient les lois qui interdisent aux employés du secteur public de faire grève. Partout, les ouvriers étaient prêts à faire d'énormes sacrifices personnels. Cependant, au delà de la combativité, ce qui est le plus remarquable, c'est le développement naissant d'une conscience dans ces luttes, en particulier au niveau de l'identité et de la solidarité de classe. Très souvent, les ouvriers se sont mis en lutte en sachant très bien qu'ils ne se battaient pas seulement pour eux-mêmes mais aussi pour toutes les générations futures de prolétaires, pour les enfants et petits-enfants de toute la classe ouvrière. Tel a été le message souvent répété par les ouvriers pendant la grève du métro de New York où la principale question de la lutte était de s'élever contre une proposition de la direction d'établir un nouveau système de retraite pour les futurs employés requérant des contributions plus élevées de la part de tous les nouveaux embauchés. Cela exprimait le refus de "trahir ceux qui ne sont pas encore nés" et la volonté de défendre l'avenir de la nouvelle génération d'ouvriers et de toute la classe ouvrière ; c'était une expression frappante de la solidarité et de la conscience qui se développent dans la classe ouvrière.

Néanmoins, malgré l'énorme combativité et la conscience de classe croissante manifestée par les ouvriers engagés dans ces luttes, celles-ci ont été encore marquées par de grandes faiblesses. Partout la classe dominante est parvenue à les maintenir sous le contrôle des syndicats qui ont réussi à isoler les ouvriers de leurs frères de classe confrontés au même déluge d'attaques contre les salaires et les allocations sociales. Même pendant la grève des employés du métro de New York qui a bénéficié de la très grande sympathie des ouvriers de la ville (comme en ont témoigné les nombreuses expressions spontanées de solidarité), la bureaucratie syndicale a réussi à empêcher d'autres ouvriers de s'impliquer dans la lutte et a limité la "solidarité" à des déclarations formelles de soutien par les syndicats. Ce contrôle des luttes actuelles par l'appareil syndical n'est pas surprenant étant donné le recul de la conscience de classe durant la décennie des années 1990. Les ouvriers devront se réapproprier les leçons de leurs luttes passées pour déjouer les pièges et s'affronter à ces institutions de l'Etat bourgeois que sont les syndicats. Ce n'est que par ces confrontations politiques avec les appareils syndicaux que les ouvriers pourront se réapproprier leurs propres méthodes de lutte et d'organisation - les assemblées générales de masse, les comités de grève élus et révocables, les grèves et manifestations massives. Ces méthodes de luttes du prolétariat n'ont pas encore ressurgi dans le mouvement prolétarien renaissant aux Etats-Unis.

Cependant, malgré les faiblesses du mouvement actuel, la bourgeoisie a bien vu ses potentialités. Après chaque lutte, elle a fait campagne pour répandre le message selon lequel la principale leçon de ces grèves, c'était que "la lutte ne paie pas". Et dans la plupart des cas, les ouvriers ont repris le travail en ayant accepté de nombreuses concessions sur des baisses de salaires, des coupes dans les allocations et des conditions de travail dégradées. Si la bourgeoisie a pu faire passer ses mesures d'austérité, c'est parce que les syndicats ont joué leur rôle de saboteurs en poussant les ouvriers à rester isolés dans des grèves longues et épuisantes. Cependant, pour l'ensemble de la classe ouvrière, l'importance d'une grève ne se mesure pas à son succès concernant la satisfaction de toutes les revendications immédiates, mais à la contribution qu'elle apporte, sur le plan de l'organisation et de la conscience, au mouvement prolétarien dans son ensemble, dans sa confrontation générale à l'ennemi de classe. C'est la raison principale pour laquelle la bourgeoisie et ses syndicats font tant d'efforts pour décourager les ouvriers des autres entreprises et secteurs d'entrer en lutte. A New York, la bourgeoisie a fait tout ce qu'elle a pu pour faire rentrer dans la tête des ouvriers que "la lutte ne paie pas", en sanctionnant les employés du métro en grève. Les syndicats et le maire de la ville n'ont pas pris le risque de faire éclater d'autres luttes des employés municipaux et ont négocié des conventions salariales, avant la date prévue, en évitant de mettre en œuvre des attaques draconiennes comme celles qui avaient provoqué la grève du métro. Sur le plan national, la précipitation actuelle avec laquelle la bourgeoisie énonce de nouvelles propositions se donnant pour but de sortir de la crise à propos de la couverture des soins de santé est également le résultat de la dynamique des luttes présentes (dans la mesure où toutes ont contesté les attaques du gouvernement fédéral sur les assurances médicales). Cette campagne a en grande partie pour objectif de retirer les problèmes de la santé publique du terrain des luttes ouvrières et d'en faire une question de plus que la bourgeoisie devra "régler" à travers le cirque électoral. Les 12 postulants à la candidature présidentielle ont chacun un "plan" pour "résoudre" ce problème.

Dans un monde qui s'effondre, de plus en plus ravagé par la barbarie de la guerre, l'aggravation de la crise économique, l'instabilité politique, la propagation de maladies mortelles et la dégradation croissante de l'environnement, la responsabilité historique de la classe ouvrière mondiale est immense. L'avenir de l'humanité et, sans exagérer, la survie même de l'espèce humaine et de la vie sur la planète sont en jeu. Soit la classe ouvrière hissera ses combats au niveau nécessaire pour mettre fin à ce système moribond, soit le capitalisme emportera dans sa tombe les bases sur lesquelles l'humanité a pu émerger et se développer, les bases de toute possibilité de construire une communauté humaine mondiale, libérée de l'exploitation de l'homme par l'homme, de la division en classes sociales, des Etats nationaux et dans laquelle l'espèce humaine pourra vivre de façon plus harmonieuse avec son environnement. Le réveil actuel de la lutte de classe internationale contient la potentialité de ce nouveau monde et les révolutionnaires, les communistes internationalistes, ont d'énormes responsabilités pour aider la classe dont ils sont l'émanation, le prolétariat, à rendre cette perspective possible. Car plus que jamais l'alternative historique est : révolution communiste mondiale ou destruction de l'humanité dans le chaos et la barbarie.

Eduardo S (8 juillet 2007)

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  • Etats-Unis [19]

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  • Luttes de classe [18]

Le syndicat américain UAW gère l’austérité contre les ouvriers

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Au mois de septembre, après 48h de grève, la direction de General Motors et le syndicat UAW ont passé un accord, qui, sans aucun doute, servira de modèle aux autres secteurs de l'industrie ; il va entraîner des dépenses et des sacrifices supplémentaires pour les ouvriers et pour les retraités en remettant en cause toute leur couverture sociale. L'UAW se révèle encore une fois un partenaire accompli pour la mise en œuvre de mesures d'austérité qui vont faire baisser le niveau de vie des ouvriers et vont servir les intérêts du capital national en préservant l'industrie automobile du naufrage au détriment des intérêts de la classe ouvrière. Le même scénario s'est reproduit peu de temps après, début octobre chez Chrysler, suite à une grève qui a duré 6 heures.

L'élément nouveau présent dans le contrat de la GM est la création d'une association (VEBA) à laquelle les employés peuvent cotiser, s'ils le souhaitent, pour bénéficier d'une couverture sociale -une sorte de mutuelle ("health care trust") qui assurerait un programme de couverture sociale et qui serait gérée par le syndicat. L'accord passé allègerait ainsi la GM d'une dette estimée à 55 milliards de dollars, étalée sur les 80 prochaines années pour assurer une couverture sociale aux employés et aux retraités. Ce trust endosserait 70% de la dette, soit 38,5 milliards en liquide, valeurs boursières et autres actifs. Selon le New York Times, l'équilibre de la dette de 55 milliards proviendra des "gains sur investissements". En d'autres termes, cet accord permet à la GM de se décharger entièrement du programme de couverture médicale, très coûteux pour elle, sur le syndicat ; tout l'avenir du programme repose entièrement sur l'aptitude de l'entreprise à faire des profits. Si elle échoue, le programme de couverture médicale s'effondre aussi. Le syndicat se positionne clairement et fermement, et ce, pour une longue période, du côté de la GM pour que celle-ci réalise des profits aux dépens des ouvriers.

Le syndicat a annoncé qu'il avait obtenu la garantie que la couverture médicale ne serait pas touchée pendant deux ans -la durée exacte que mettront les autorités fédérales à revoir les détails et à autoriser la création de la VEBA ; ce sera alors au syndicat d'assumer les coupes dans la couverture médicale afin d'assurer l'avenir du programme. Le syndicat a obtenu un autre accord important : la garantie que GM maintiendrait la force de travail à un niveau de 73 000 employés, ce qui, initialement, a été compris comme la garantie d'un travail à tous les ouvriers. Mais il s'est avéré très vite que la compagnie promettait simplement de maintenir une force de travail "équivalente" à l'actuel niveau des 73 000 ouvriers. Cela ne garantit pas du tout que tous les ouvriers actuels garderont leur travail. La compagnie peut fermer des usines et elle le fera (pour l'instant le nombre d'usines et leurs localisations n'est pas annoncé), elle emploiera des intérimaires qui se verront dans l'obligation de devenir membre du syndicat UAW. Ainsi, le syndicat est assuré de recevoir 73 000 cotisations, peu importe le nombre d'ouvriers actuels qui seront licenciés ou forcés de prendre une retraite anticipée. Le contrat d'une durée de quatre ans arrivera à terme en 2011 et prévoit de donner aux ouvriers une somme forfaitaire de 3000 dollars lorsque cet accord sera signé par les représentants syndicaux, puis une somme additionnelle durant les trois dernières années. Mais, quoi qu'il en soit, aucune augmentation du salaire horaire n'est prévue.

Et pour comble, cet accord impose aussi une double échelle de salaires, condamnant les ouvriers les plus jeunes et les intérimaires nouvellement embauchés à faire exactement le même travail que les travailleurs réguliers de l'entreprise à des salaires nettement inférieurs. Cela donne encore plus de motivation à l'entreprise pour pousser dehors les ouvriers les plus anciens. Cela divise les ouvriers en les mobilisant sur des fausses questions de conflits de génération, dressant les jeunes contre les vieux, tournant ainsi le dos à la courageuse position prise par les ouvriers des transports du New York en décembre 2005, qui ont combattu pour leurs enfants et les générations futures l'imposition d'un système de double échelle avec des salaires différents selon les générations.

Une fois de plus, les syndicats se révèlent être une arme dressée contre les ouvriers pour la défense du capitalisme.

JG (13 octobre 2007)

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  • Etats-Unis [19]

Heritage de la Gauche Communiste: 

  • La question syndicale [20]

Grève à Royal Mail (GB) : le syndicat CWU négocie une baisse des salaires sur le dos des ouvriers

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La reprise des luttes ouvrières de 2003 s'est poursuivie dans beaucoup de pays en 2007, et la Grande-Bretagne n'y a pas fait exception. La dernière lutte des ouvriers de Royal Mail (les Postes britanniques) a montré à la fois la combativité des ouvriers tout comme la capacité du syndicat des ouvriers de la communication (CWU : Communication Workers Union) de saboter la grève. Lorsque le syndicat a négocié les salaires, il a négligé de préciser qu'il s'agissait d'une baisse effective des salaires. Cependant, les grèves spontanées des postiers de Liverpool et dans le secteur sud de Londres ont montré que les ouvriers n'admettaient pas tous le diktat syndical. Et bien que les ouvriers n'aient pas vu entièrement le rôle joué par le syndicat, l'accord final a été clairement vu au moins comme une trahison.

Le CWU a séparé la question des retraites du reste de l'accord afin de le vendre aux ouvriers des postes. L'idée fut aussi répandue par les syndicats officiels du Nord que c'était à cause des ouvriers du Sud que l'accord était passé, à la fois pour cacher leur responsabilité et tenter de créer la division parmi les postiers.

En réalité, la nouvelle flexibilité est un pas en avant vers 76 000 nouveaux licenciements et des accords locaux qui pousseront la productivité et le plan d'attaque de Royal Mail contre les intérêts de la classe ouvrière.

Mais bien qu'on ne puisse considérer l'accord comme autre chose qu'une défaite pour les ouvriers des postes, il est absolument nécessaire de saluer l'action solidaire et la poussée vers l'extension de la grève par les postiers dans les débuts de la grève. Et, à la fin de la grève, les grèves sauvages dans South London et à Liverpool ont montré la combativité d'ouvriers qui voulaient clairement continuer la lutte.

Le CWU a contré cette combativité en contrôlant les piquets de grève et en imposant que leur activité reste locale, sur place, de sorte que les piquets de grève soient séparés et sans lien les uns avec les autres.

Un trait important de la grève tient dans le fait que le mouvement s'est en partie développé à l'initiative des ouvriers eux-mêmes, c'est-à-dire en dehors du syndicalisme officiel. La perspective de telles grèves sauvages est un signe positif pour le futur. De même que la méfiance envers les syndicats qui se développe lentement. Au début, les ouvriers pensaient que le syndicat les avait trahis. Mais on a vu un certain nombre d'entre eux dire qu'ils annulaient leur affiliation syndicale. Petit à petit, les ouvriers ont été amenés à comprendre que leurs luttes ne peuvent réussir que si elles sont menées par les ouvriers eux-mêmes et non par les syndicats.

Car (2 décembre 2007)

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  • Grande-Bretagne [21]

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  • Luttes de classe [18]

Courrier de lecteur : grève des travailleurs du pétrole au Venezuela

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Nous publions ci-dessous notre réponse à une note envoyée par un lecteur du Brésil (T), qui nous demande notre avis sur un article qu'il a reçu dont nous publions quelques extraits. Cet article traite des luttes et des mobilisations des ouvriers du pétrole contre l'entreprise d'État Petróleos de Venezuela (PDVSA) en septembre dernier, pour des revendications salariales et d'autres avantages contractuels. Ce camarade nous demande aussi notre avis sur la réduction de la journée de travail proposée par le président Chavez dans la révision de la Constitution qui devait être soumise à référendum le 2 décembre.

Note du camarade T : "Bonjour camarade... je te fais passer le message qu'un ami m'a envoyé sur ce qui s'est passé au Venezuela. Est-ce que tu pourrais m'en faire un petit commentaire ? Je voudrais aussi que tu me dises ce qu'il en est de la réduction de la journée de travail dont parle Chavez, car ceci a provoqué pas mal de discussions ici. Salutations, T."

L'article que T nous a renvoyé est écrit en anglais[1]. Nous en traduisons ci-dessous quelques extraits :

  • "Des travailleurs du pétrole affrontent la police pour le renouvellement de leurs conventions collectives.
    30 septembre 2007 : le ministre de l'Énergie et président de la compagnie pétrolière d'État PDVSA, Rafael Ramirez, a affirmé que la convention collective des travailleurs du pétrole, en négociation depuis avril, pourrait être signée dans les deux prochaines semaines, à la suite d'affrontements, jeudi dernier, entre les ouvriers du pétrole et la police dans la province d'Anzoategui, qui se sont soldés par plusieurs personnes blessées.
    150 ouvriers de la raffinerie de Puerto La Cruz, accompagnés des travailleurs du Complexe Pétrochimique Jose, se sont dirigés vers les bureaux de la Corporation Vénézuelienne du Pétrole (CVP) à Urbaneja, pour transmettre un document à Ramirez, qui était réuni avec la commission de négociation de la Fédération Unitaire des Travailleurs des Pétroles du Venezuela (FUTPV). Ils furent stoppés par le Groupe d'Intervention Immédiate de la police d'Anzoategui.
    Lors de cet affrontement de trois heures, 40 ouvriers furent arrêtés, trois d'entre eux blessés, dont un qui reçut une balle dans le dos... Ayant eu connaissance de cette répression policière, 4000 travailleurs des entreprises Petroanzoátegui, Petrocedeño, et du Projet San Cristobal, ont immédiatement arrêté leur travail. ...dans une déclaration de solidarité avec les ouvriers du pétrole d'Anzoategui, dénonçant la violence policière, la Fédération UNT-Zulia a dit : "Nous pensons que cette situation a dégénéré à cause de l'intransigeance de PDVSA qui a laissé traîner les discussions sur la convention pendant des mois, en faisant des offres en dessous des attentes des travailleurs, en imposant arbitrairement une commission de négociation (de la FUTPV) pour discuter sur la convention alors qu'elle n'avait pas été élue par les travailleurs». C-CURA (Courant de Classe, Unitaire, Révolutionnaire et Autonome) a fait un appel pour qu'il y ait un changement dans la commission de négociation..., parce que, autrement, ils "radicaliseront" leurs actions. Mais, des appels similaires, faits par C-CURA et Fedepetrol, à des actions radicales et à des arrêts de travail généraux pour ‘paralyser' l'industrie pétrolière à ‘l'heure zéro' le 6 août, n'ont mobilisé que 1500 travailleurs au plus dans tout le pays. Après avoir proclamé et promu la dite ‘heure zéro' dans les médias privés, la controverse a pris une dimension politique lorsque d'autres secteurs d'ouvriers du pétrole et de secteurs pauvres de la population se sont unis en ‘défense' de PDVSA. Hier, la Fédération de Travailleurs de UNT -ZULIA, a déclaré : "Nous pensons que certaines situations [dans l'industrie pétrolière] sont le résultat des manœuvres des secteurs droitiers au sein du chavisme pour créer des conflits dans le pays et déstabiliser ainsi le processus de réforme constitutionnel». Mais les travailleurs d'Anzoategui ont rejeté ces accusations en brandissant une pancarte avec l'inscription : 'Nous ne sommes pas des guarimberos, nous sommes des travailleurs du pétrole' (la guarimba est une forme de protestation dont le seul but est de provoquer la violence pour atteindre des objectifs politiques). Les travailleurs du pétrole d'Anzoategui ont annoncé qu'ils continueront leurs manifestations de rue et qu'ils resteront vigilants, malgré les promesses de Ramirez sur une meilleure convention collective dans les deux prochaines semaines"

 

 

Notre réponse

Cher camarade T,

Nous voulons saluer l'envoi de ton courrier. Nous allons y répondre brièvement, en profitant de cette occasion pour évoquer la situation de la lutte de classe au Venezuela.

Sur la lutte des travailleurs du pétrole

 

L'article qu'on t'a envoyé décrit une partie de ce qui s'est passé lors d'une lutte menée en septembre-octobre dernier par les ouvriers du pétrole de l'entreprise d'État PDVSA, la plus importante du pays, qui s'est soldée par un certain nombre de travailleurs blessés, dont un grièvement, et plusieurs arrestations. La cause immédiate de la lutte a été le retard de plus de 8 mois dans la discussion de la convention collective qui régit les salaires et les conditions de travail des ouvriers de ce secteur. Ceux-ci ont réagi par des arrêts de travail et des manifestations dans les installations de PDVSA de l'Est du pays, dans la province d'Anzoategui, et de l'ouest, dans la province de Zulia, au sud du lac Maracaibo. L'entreprise, en accord avec les syndicats, la plupart contrôlés par des tendances favorables au chavisme, a retardé la discussion sur les salaires. La lutte des ouvriers a contraint plusieurs dirigeants syndicaux, ceux de C-CURA (Courant de Classe, Unitaire, Révolutionnaire et Autonome) appartenant à l'UNT (Union Unitaire des Travailleurs) ou ceux de FEDEPETROL (Fédération des Travailleurs du Pétrole, de la Chimie et Similaires du Venezuela), qui ont été ainsi contraints de se "radicaliser" contre la compagnie PDVSA et le gouvernement, pour ne pas être totalement discrédités face aux travailleurs.

En fin de compte, le syndicats et PDVSA ont fini par signer une misérable augmentation salariale de 12 000 bolivars par jour [3,8 euros], ce qui fut rejeté par les ouvriers qui exigeaient une augmentation de 30 000 bolivars. Il faut savoir que le salaire mensuel d'un ouvrier du pétrole est à peu près de 1 320 000 bolivars (autour de 420 euros ou 610 $US, selon le taux de change officiel, et, en fait, moins de 300 $US, définissant le prix réel de nombreux produits et services).

Ce salaire mensuel correspond à un peu plus du coût quotidien du panier de la ménagère avec les aliments de base pour une famille de 5 personnes (octobre 2007), qui tourne autour d'un million de bolivars. Même en additionnant les primes que reçoivent les travailleurs du pétrole, ceux-ci ne peuvent pas vivre dignement, parce que, en plus de ces bas salaires, les prix de la nourriture ne cesse d'augmenter (25% par an)[2] et la pénurie, selon les chiffres mêmes de la Banque Centrale du Venezuela, tourne autour de 30% sur les produits de base. Et pourtant, les ouvriers du pétrole sont une des catégories les mieux payées du pays !

Nous pensons, cependant, que cette lutte a représenté un gain politique et moral pour les ouvriers du pétrole et pour le prolétariat vénézuélien dans son ensemble :

  • en premier lieu, les travailleurs du pétrole ont repris la lutte sur leur terrain de classe, après avoir été un des secteurs les plus frappés par les coups de la bourgeoisie, parce qu'il était au centre de la polarisation entre le chavisme et l'opposition, ce qui avait permit à l'État de licencier 20 000 employés de PDVSA en 2003 (dont au moins la moitié étaient des ouvriers et des employés de base), sans la moindre indemnisation. Cette lutte a eu une plus forte signification alors que les fractions chavistes et de l'opposition renforcent la polarisation politique pour ou contre la reforme de la constitution proposée par Chavez. Les ouvriers, du moins lors de ces mobilisations, ont réussi à se placer sur le terrain de leurs revendications, malgré le forcing permanent de la bourgeoisie pour mettre n'importe quelle lutte ouvrière ou sociale sur le terrain de cette polarisation.
  • la lutte a mis à nu le caractère bourgeois et anti-ouvrier du gouvernement Chavez : comme les gouvernements qui l'on précédé (que le chavisme accuse de tous les maux sociaux), celui de Chavez riposte de la même manière : répression, bombes lacrymogènes, plomb et prison contre les ouvriers qui "osent" lutter pour une vie plus digne.

Un fait important : les ouvriers du pétrole de Puerto La Cruz, à l'Est du pays, dont une majeure partie sympathisent avec le chavisme, ont dénoncé les salaires mirobolants des hiérarques "socialistes" de PDVSA dont les salaires mensuels sont 50 fois supérieurs à celui des salariés de base (bien plus élevés que ceux des administrateurs de l'industrie des gouvernements précédents), alors que, concernant les ouvriers, on leur refuse des augmentations qui puissent leur permettre au minimum de se nourrir décemment, et qui plus est, ajoutons nous, quand c'est la force de travail des travailleurs qui est la source principale des salaires mirobolants et des privilèges de la haute bureaucratie de l'État et des bénéfices de plusieurs secteurs de la bourgeoisie nationale.

  • ces luttes ont été précédées par d'autres en mai dernier, qui ont mobilisé les ouvriers du pétrole pour la réintégration de plus de 1000 ouvriers des entreprises pétrolières récemment nationalisées, que le gouvernement "socialiste" de Chavez voulait jeter à la rue : voilà une expression authentique et importante de la solidarité ouvrière à laquelle ont aussi participé les familles des ouvriers.
  • comme nous l'avons dit, les travailleurs sont restés insatisfaits de cet accord. Le mécontentement est toujours latent et il peut se réveiller à tout moment.

Il est important d'ajouter que la même réaction que celle qui a eu lieu chez les ouvriers du pétrole, commence à se développer avec une certaine force dans d'autres secteurs. Les médecins, les instituteurs et des travailleurs dans d'autres secteurs publics ont commencé à se mobiliser pour des revendications salariales ; ils ont organisé des assemblées où, en plus d'exiger une augmentation des salaires, ils ont dénoncé la constante détérioration des services publics. Lors d'une récente assemblée des médecins à Caracas, travaillant pour le ministère de la Santé, ceux-ci se sont déclarés "prolétaires de la santé".

Il est important de dire que les gouvernants et les opposants ont tout essayé pour diviser et polariser le mouvement, en réussissant leur coup dans pas mal de cas. Et, en plus, le gouvernement mobilise ses organisations (cercles bolivariens, conseils communaux, service de contrôle social, et même, quand il leur semble nécessaire, ses bandes armées) pour intimider et même agresser physiquement les travailleurs.

Un autre aspect, non moins important, c'est que, presque quotidiennement, apparaissent des expressions d'indignation des masses paupérisées (en grande partie sympathisantes ou soumises au clientélisme gouvernemental), qui protestent contre le manque de logements, la criminalité, le manque de services sociaux, etc., et dernièrement à cause de la rareté des produits tel que le lait, le sucre, l'huile, etc. Dans certains cas, elles ont été réprimées. Voilà bien une situation qui apparaît clairement à l'opposé de celle des hauts pontes du régime (de ceux qu'on appelle la "bolibourgeoisie", ou bourgeoisie bolivarienne), qui étalent leur opulence[3] ; ils font des grands investissements en armements qui vont tomber nécessairement sur le dos des prolétaires et les masses paupérisées ; et ils investissent les ressources de la rente pétrolière pour déployer la politique impérialiste de l'État vénézuélien dans la région.

Voilà le véritable visage du "socialisme du 21e siècle" promu par Chavez et acclamé par la gauche, les gauchistes et les alter mondialistes qui se pâment en regardant ses discours dans Tele Sur[4] : comme tout régime bourgeois, il est bâti sur l'exploitation des masses ouvrières. La seule différence, c'est la logorrhée "révolutionnaire" pour essayer de mystifier les prolétaires à l'intérieur et à l'extérieur du pays.

Sur la "réduction" de la journée de travail

La "réduction" de la journée de travail de 8 à 6 heures par jour est prévue dans la réforme constitutionnelle proposée par Chavez, de même que les autres "avantages" du travail, tels que la sécurité sociale pour les travailleurs de l'économie souterraine qui, comme dans le reste de l'Amérique Latine, occupe 50% ou plus de la force de travail. Ces propositions, loin de chercher une amélioration véritable des conditions de vie des travailleurs, sont de la fumisterie, c'est le grand mensonge avec lequel essayer de gagner le soutien des travailleurs à la proposition gouvernementale de réforme de la constitution.

Les forces progouvernementales ne disent pas comment va se concrétiser cette réduction de la journée de travail ; mais on évoque la possibilité d'utiliser ces heures non travaillées à la "formation" politique (autrement dit, à l'endoctrinement) ou, aussi, à la prétendue "émulation socialiste" inventée par la bourgeoisie cubaine castriste pour que les travailleurs soient exploités par l'État sans débourser un centime. Par ailleurs, un des objectifs de la bourgeoisie (chaviste ou pas) est d'essayer de faire payer des impôts aux travailleurs de l'économie souterraine ; en leur offrant les bénéfices de la sécurité sociale (qui n'offrira la moindre protection réelle aux travailleurs), l'État aura un plus grand contrôle sur eux et pourra les obliger à payer des impôts et autres taxes.

L'objectif principal de la réforme constitutionnelle (avec toute sa charge d'hypocrisie comme toutes les constitutions du monde), est celui de renforcer le cadre juridique pour un contrôle plus grand de l'État sur la société, une plus grande militarisation, pour une justification légale de la répression des mouvements sociaux et permettre aussi, entre autres choses, la réélection indéfinie de Chavez à la présidence de la République.

Nous ne pouvons pas nous laisser berner : le gouvernement de Chavez est un gouvernement bourgeois, dans lequel ce qui domine ce sont les nécessités et les priorité du capital ; nous ne devons pas être naïfs (nous ne pensons pas que ce soit ton cas) par rapport à l'affirmation du régime chaviste que chercherait "le plus grand bonheur social", comme l'affirme le texte réformé de la constitution. Le chavisme lance cette propagande mensongère à travers ses campagnes au niveau national et international pour que les travailleurs du Venezuela et des autres pays finissent par croire qu'au Venezuela il y aurait une véritable amélioration des conditions de vie des travailleurs et de la population pauvre ; ce n'est qu'une grosse mystification de la propagande chaviste.

La crise capitaliste oblige chaque bourgeoisie, de droite, du centre ou de gauche, à attaquer les conditions de vie de la classe ouvrière. Dans aucun des pays où la journée de travail a été réduite par l'État (France, Allemagne, etc.; et aussi le Venezuela, où, au début des années 90, la journée de travail fut réduite de 44 à 40 heures hebdomadaires) cette mesure n'a représenté une véritable amélioration des conditions de vie de la classe ouvrière ; bien au contraire : les salaires et les avantages sociaux n'ont fait que diminuer et le travail précaire n'a fait qu'augmenter.

L'aggravation de la crise capitaliste obligera la classe ouvrière du Venezuela à lutter contre l'État tel que les ouvriers du pétrole, de la santé et de l'éducation l'ont fait. C'est ainsi, sur son terrain de classe, que le prolétariat pourra sortir du piège de la polarisation politique qui l'entrave, en s'intégrant dans la lutte du prolétariat mondial pour la construction du véritable socialisme.

Nous espérons avoir répondu à tes questions.

CCI. (19-11-07)


[1] Venezuelanalysis.com

[2] Le Venezuela a le taux d'inflation le plus élevé de la région, avec une moyenne de 20% par an ces trois dernières années.

[3] Lors d'un récent "Allo, Président", show TV dominical animé par Chavez lui-même, celui-ci n'a pas pu faire autrement que de critiquer les "révolutionnaires" dorés paradant en 4x4 tous terrains (qui dépassent les 100 millions de $), et qui boivent du whisky de 18 ans d'âge... Ce que Chavez ne dit pas, c'est qu'il tire bien profit, pour lui, sa famille et son clan, des recettes pétrolières. La "révolution bolivarienne", qui avait levé le drapeau de la lutte contre la corruption, aime bien barboter dans ses eaux croupies.

[4] Tele Sur est une chaîne de télévision récemment créée par le chavisme qui s'adresse à tous les pays de la région avec la volonté de faire pièce à l'influence politique et culturelle des États-Unis.

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  • Vénézuela [22]

Récent et en cours: 

  • Luttes de classe [18]

Mexique : Le capitalisme est le vrai coupable de la "crise de l’eau" !

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La question de l'eau est un des aspects qui met en évidence le danger auquel le capitalisme expose l'humanité, à tel point que l'ONU elle-même reconnaît que plus d'un million d'êtres humains ne peuvent jouir d'approvisionnement en eau potable. Rien qu'au Mexique, les chiffres officiels indiquent que 11 millions de personnes n'ont pas accès à cet élément naturel indispensable à la vie sur terre. Ce problème ne concerne pas seulement des zones rurales éloignées des services de distribution ; il y a dans le district urbain de Mexico des zones (comme Iztapalapa) qui vivent pratiquement sans service d'eau potable, et c'est la même chose à Tijuana (près de la frontière américaine) ou à Juarez. Il est devenu évident que la question de l'eau est devenue un problème crucial, ce qui donne une opportunité au gouvernement, aux groupes gauchistes, aux écologistes, aux ONG et à toute une faune de prétendus "intellectuels", pour monter au créneau et exposer de fausses explications ou proposer de fausses solutions. Mais autant celles-ci que celles-là s'efforcent toujours de cacher qu'il faut chercher la véritable origine du problème dans le système capitaliste lui-même. Non seulement ce dernier ne peut vivre que par l'exploitation du travail salarié, mais son existence le pousse aussi à détruire de plus en plus notre environnement naturel, au point que non seulement il pollue l'eau, la terre et l'air mais qu'en outre, il ruine, dépouille et concentre le système hydrologique en l'intégrant dans sa logique concurrentielle consistant à faire du "chiffre" et des profits.

La classe dominante n'a pas de solution au problème de l'eau

A travers ses appareils de gauche comme de droite, la bourgeoisie tente de faire croire que le problème de l'eau est lié à un accroissement de la population et à la consommation démesurée qu'en ferait l'humanité ; en d'autres termes, ce que nous vivons à ce niveau plongerait pour une grande partie ses racines tant dans des aspects "naturels" que dans un manque de "culture d'économie de l'eau". Les solutions qui en découlent seraient donc d'une part que les "citoyens responsables" fassent individuellement attention en utilisant rationnellement l'eau et, d'autre part, qu'au niveau de la production soient appliquées des technologies avancées pour son extraction, son traitement et sa distribution, jusqu'à ce que l'on parvienne à la réalisation d'une prétendue "démocratisation" de la distribution et du contrôle de l'eau potable. Toutes ces propositions ont comme toile de fond la volonté de faire croire que le capitalisme est capable de modifier sa nature prédatrice et irrationnelle - aux dires de nos dirigeants, il suffirait d'appliquer correctement la technologie en développant une "culture de protection des ressources" -, et surtout d'imposer, comme solution, des coûts élevés pour l'usage et l'accès à l'eau. Ces idées "géniales" sont inévitablement bien sûr complétées par le chœur de ceux qui prétendent trouver une solution à "la crise de l'eau" en invoquant la démocratie. C'est ainsi que la bourgeoisie parvient à faire croire que le capitalisme pourrait être "humain et rationnel" et pourrait trouver une solution à la destruction de l'environnement tout en permettant que les besoins en eau potable soient satisfaits.

Il est évident que la bourgeoisie, comme le reste de l'humanité, est préoccupée par les problèmes liés à l'eau potable, mais sa préoccupation fondamentale réside surtout dans la question : comment se l'approprier et comment faire du commerce avec l'eau potable ? Ses invocations d'accords internationaux impulsés par l'ONU, les "droits constitutionnels" ou les déclarations des gouvernements pour créer des accords de protection ne sont que l'emballage cachant leurs véritables intentions : s'approprier l'eau à tout prix. La déclaration honteuse du conseiller du Pentagone, Andrew Marshall, affirmant que les Etats-Unis devaient se préparer à aller chercher l'eau "là où elle se trouve et quand ce sera nécessaire"[1] met en évidence que pour le Capital, l'eau est maintenant devenue un nécessité "stratégique" (comme le pétrole). C'est bien pour cela que tous les Etats nationaux (en tant que représentation et expression sociale du Capital national) partagent ce projet de la bourgeoisie américaine, même si les forces dont ils disposent sur l'échiquier impérialiste ne leur permettent ni d'être aussi éhontés dans leurs déclarations, ni de mener concrètement à terme cet objectif impérialiste. La crise de l'eau n'est pas seulement le fait de quelques Etats ou de quelques entreprises (Nestlé, Lala, Coca-Cola...), c'est le système capitaliste dans son ensemble qui engendre cette dégradation, qui met en danger l'humanité et rend donc de plus en plus évidente la nécessité de sa destruction.

Le capitalisme a transformé l'eau en marchandise

Pour bien mettre en évidence son inquiétude et son engagement en ce qui concerne la question de la crise de l'eau, la classe dominante organise des forums (Forum mondial de l'eau et autres forums "alternatifs"...) visant à répandre, par de belles résolutions et proclamations (tant officielles qu'"alternatives"), une véritable campagne de confusion dans la population et dans la classe ouvrière; cette campagne cherche à dédouaner le système capitaliste de sa responsabilité en masquant que c'est lui qui est le véritable responsable de la crise de l'eau. Gauchistes et altermondialistes en ont fait un axe de leur activité, clamant haut et fort que "L'eau n'est pas une marchandise". Ce slogan, devenu un cliché privilégié, leur permet de renforcer leur image d'opposition à la dynamique du capital pour s'approprier toute l'eau et en faire le commerce, mais ne peut que semer davantage de confusion et de pièges.

Les arguments les plus utilisés pour "démontrer" que "l'eau n'est pas une marchandise" se basent sur le fait que l'eau fait partie de l'environnement, qu'elle est source et essence de vie, ressource naturelle non renouvelable. Nous pourrions jusque-là être d'accord. Mais cet argument est aussitôt utilisé pour conclure que l'eau est un "droit fondamental de l'homme" et qu'il faut se mobiliser pour qu'il soit reconnu comme tel. Ainsi, nous devrions croire que ces "droits de l'homme", pour lesquels il faudrait lutter, donneraient des "garanties légales" dont chaque être humain pourrait bénéficier. Ce précepte est précisément celui qui est déjà défini depuis 1948 par l'ONU (qui succéda à la fameuse Société des Nations que Lénine appelait justement "un repaire de brigands") et soutenu par les Constitutions de la plupart des divers Etats-nations (à côté, soit dit en passant, du "droit à la propriété"). En fin de compte, ils ne font que semer l'illusion que les institutions du Capital pourraient résoudre les problèmes créés par ce même Capital, pour que " la gestion et le contrôle de l'eau soient maintenus dans le domaine public" (Forum alternatif au Ive Forum mondial de l'eau, Mexico, 2006). Ils n'hésitent pas à avancer que "ce serait une obligation pour les institutions publiques (...) de garantir ces conditions". Sous couvert de radicalisme verbal, ils ne font en fin de compte que soutenir les actions étatiques, demandant seulement que ce soit précisément l'Etat, l'Etat capitaliste, qui assure le contrôle de l'eau.

Dans le même sens, en voulant montrer une attitude radicale d'opposition au processus de privatisation de l'eau, la Coalition des organisations pour le droit à l'eau affirme : "L'accès à l'eau potable ne s'obtiendra pas par la privatisation, mais par le respect de la responsabilité sociale de l'État". Nous pouvons constater dans ces deux exemples que l'Etat est présenté comme étant un organisme "neutre" dans la société, ce qui est absolument faux ! L'Etat et ses "institutions publiques" répondent aux besoins du capital, c'est pourquoi tous les discours soi-disant "alternatifs" finissent par insister sur la possibilité pour le capitalisme de devenir plus "humain", moins prédateur, s'il utilisait une "meilleure politique".

Les proclamations basées sur un langage marxiste lancées par des "intellectuels" ne sont pas moins dangereuses. Pour s'en convaincre, il suffit de lire Economie et politique de l'eau, de J. Veraza. Ce livre commence par exposer une approche marxiste du processus par lequel l'eau, même quand elle n'a pas de valeur (puisqu'elle n'est pas le produit du travail humain), est amenée, par une imposition du prix, à devenir une marchandise, pour finir par l'éternelle ritournelle altermondialiste. On trouve dans son explication l'ébauche d'une explication correcte quand il observe que "l'eau est un patrimoine de l'humanité", mais il reste à mi-chemin et oublie que l'humanité est soumise au Capital, et pas uniquement à cause des multinationales qui ne sont qu'une partie de ce système d'exploitation et dont la limitation des pouvoirs ne favoriserait en rien l'émancipation de l'humanité. Cet "oubli" lui permet, quand il critique la privatisation comme "solution" à la question de l'eau, d'avancer que la "solution politique ne passe pas, loin s'en faut, par la destruction du capitalisme" mais se base sur l'espoir (ou la prière ?) que " le capital national et mondial peuvent agir et prendre conscience pour s'opposer aux abus hydrauliques des capitaux privés et transnationaux de l'eau". En d'autres termes, la solution serait l'adoption par le système capitaliste d'une démarche rationnelle et consciente qui affaiblisse les politiques néolibérales et limite la voracité des multinationales. Ce serait l'avènement du "capitalisme à visage humain" !

L'humanité comme un tout est menacée par le capitalisme ! Proclamer que ce système pourrait s'améliorer sur la base de réglementations internationales ou nationales, ou par une attitude généreuse et rationnelle de la classe dominante, c'est pousser les travailleurs à se détourner de la nécessité de l'action révolutionnaire. Aujourd'hui, l'avertissement d'Engels sur l'alternative qui s'offrirait à l'humanité, socialisme ou barbarie, est plus "prophétique" que jamais. Soit le prolétariat en finit avec ce système dégénéré pourrissant, soit l'humanité se verra aspirée dans une spirale toujours plus destructrice de barbarie.

Rojo (octobre 2007)

[1]) Déclaration publiée par The Guardian, citée par Gian Carlo Delgado dans Agua, éd. La Jornada, 2006, p. 189.

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  • Mexique [23]

Récent et en cours: 

  • Ecologie [24]

Morts de froid, SDF, sans-abri… - Le capitalisme sème la misère et la mort

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Un homme est mort de froid en plein cœur de Paris, place de la Concorde, dans la nuit du 20 au 21 décembre. A peine un entrefilet dans les journaux. Le cas est devenu trop banal ; les statistiques sont elles aussi glaçantes : il y aurait officiellement 200 personnes qui meurent de froid par an en France chaque année. Le gouvernement avec son cynisme habituel se félicite même qu'il y en ait si peu alors que le nombre de sans-abri ou de sans domicile fixe (SDF) dépasserait le chiffre de 100 000, en augmentation constante, alors que plus de 3 millions de foyers seraient "mal logés". Les télévisions nous montrent régulièrement quelques foyers modèles du Secours Catholique (avec chambres individuelles) et des reportages sur les rondes de nuit du "SAMU Social". Cette publicité est bien obligée de concéder quelques interviews moins idylliques de ces prolétaires survivant dans la plus grande misère et qui refusent de se laisser "rafler" pour aller dans les centres d'hébergement surpeuplés où il n'est pas possible de fermer l'œil parce que la promiscuité est telle que chacun vit dans la crainte permanente du vol ou de l'agression. Dans ces petits "camps de concentration humanitaires", ils se disent beaucoup moins en sécurité que sur leur bout de trottoir. Qu'importe : le message de la propagande est bien là, martelée avec insistance : s'ils crèvent de froid, tant pis, c'est de leur faute, c'est qu'ils le veulent bien ! La spectaculaire intervention musclée des flics pour démonter les tentes des "Enfants de Don Quichotte" sur les quais de Seine face au parvis de Notre-Dame n'aura été qu'un événement médiatique qui se conclut deux jours plus tard par un touchant consensus où chaque association et chaque organisation caritative se félicite que le gouvernement ait renouvelé ses belles promesses en termes de construction de nouveaux foyers, de logements sociaux d'urgence ou de "droit au logement opposable en justice". Evidemment, cela n'est que de la poudre aux yeux : non seulement rien n'est réglé mais la situation ne peut qu'empirer dramatiquement. Quelques jours auparavant, pour leur 22e anniversaire, les "Restos du Cœur" ont mis en avant qu'ils avaient servi plus d'un milliard de repas depuis leur création (82 millions en 2006 auprès de 700 000 personnes). Et leur fréquentation est en constante augmentation (+5% par an) : avec l'emploi de plus de 51 000 "bénévoles", c'est devenu la plus grosse entreprise caritative du pays. Les porte-parole de l'État bourgeois ne nous parlent plus de "nouvelle classe" que seraient les "nouveaux pauvres" comme il y a 20 ans ; la misère croissante crève aujourd'hui les yeux. La question du logement, le coût exorbitant des loyers, l'insalubrité du parc immobilier, la multiplication des prêts immobiliers "à risque", liés au gonflement de la spéculation immobilière, sont le creuset permanent de la paupérisation croissante de la classe ouvrière qui se cumule avec tous les autres facteurs de dégradation vertigineuses des conditions de vie des ouvriers : la hausse du "coût de la vie", des produits alimentaires de base, le déremboursement des dépenses de santé, l'aggravation de la précarité de l'emploi, les menaces de licenciement et de chômage... Un sondage récent a montré qu'une personne sur deux redoute de se retrouver à la rue du jour au lendemain. Un autre chiffre semi-officiel a été rendu public (encore très en dessous de la réalité) : il y aurait plus de 7 millions de personnes qui sont aujourd'hui réduites en France à survivre en dessous du seuil de pauvreté, y compris parmi des couches de plus en plus larges de travailleurs salariés. Le déséquilibre et le développement des inégalités sociales est aussi de plus en plus manifeste, révélateur de l'aberration du mode de production capitaliste et de sa faillite : d'un côté cette société sécrète une accumulation ostentatoire de richesses et de fortunes colossales, l'étalage d'un luxe artificiel et d'un train de vie tapageur pour une petite minorité d'exploiteurs (y compris de ses couches parasitaires) et de l'autre de plus en plus de prolétaires surexploités réduits à plonger dans la détresse. Dans tous les pays, y compris les plus riches et développés, le même phénomène permet de faire le même constat. Celui de l'incapacité du système capitaliste à satisfaire les besoins les plus élémentaires de l'immense majorité des êtres humains. C'est pourquoi le prolétariat, qui est la seule classe capable de renverser ce système et de construire une nouvelle société d'abondance (débarrassée de la marchandise et donc de la misère) détient la clé de l'avenir. Il y a 160 ans, dans Misère de la Philosophie, Marx mettait en avant contre Proudhon qu'il ne faut pas voir dans la misère que la misère mais le ressort même de la lutte de classe qui rend possible la nécessité de la révolution : "la condition d'affranchissement de la misère et de l'exploitation de la classe laborieuse, c'est l'abolition de toute classe". [1]

W. (21 décembre 2007)

[1] [1]Plus que jamais, le marxisme reste la seule théorie vivante de la classe porteuse du communisme. Karl Marx n'était ni un guignol ni un clown (contrairement à ce que prétendent les "humoristes" du Capital qui cherchent à escroquer les ouvriers et à leur vendre leurs "best sellers" . Voir la couverture d'un livre très commercial intitulé "Prolétaires de tous les pays, excusez-moi"). C'est bien la lutte des prolétaires de son époque qui avait permis à Marx d'examiner et d'analyser la dynamique historique du capitalisme avec un télescope (et non avec des verres déformants). Le mot d'ordre du Manifeste de 1848 "Prolétaires de tous les pays, unissez-vous !", est toujours d'actualité. .

Situations territoriales: 

  • Situation sociale en France [25]

Campagne anti-terroriste en Grande-Bretagne : Protéger la population ou renforcer l'État policier ?

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Selon Lord West, la Grande-Bretagne serait dorénavant le leader mondial des mesures anti-terroristes, "à l'avant-garde de tous les pays du monde sur le front de la protection". De nouvelles mesures proposées par le gouvernement travailliste viennent consolider cette position.

La sécurité doit être renforcée dans les gares, les ports et les aéroports, avec de nouvelles barrières de sécurité, des zones où les véhicules sont interdits et des bâtiments résistant aux explosions. L'effectif des services de sécurité qui était de 2000 en 2001 va passer à plus de 4000 employés. Il y aura une nouvelle police et de nouveaux pouvoirs d'expulsion. Une nouvelle force à la frontière du Royaume-Uni ayant le droit d'arrestation et de détention des suspects va avoir plus de 25 000 employés ; 2000 supplémentaires travailleront dans des unités régionales anti-terroristes. Toute personne prenant l'avion pour sortir ou entrer en Grande Bretagne devra fournir 90 documents d'informations aux services de sécurité. Il y aura de la propagande contre les "influences terroristes".

Quand le Parti travailliste est arrivé au pouvoir, on ne pouvait être mis en garde à vue que quatre jours ; depuis lors, la durée de celle-ci peut aller jusqu'à 20 jours, ce qui est la plus longue durée en Europe, avec la possibilité d'être doublée et d'atteindre 8 semaines ou plus (L'État Turc, qui est en guerre contre les Kurdes dans le Sud-Est du pays, n'autorise que 7 jours et demi de garde à vue).

L'infrastructure des services de "sécurité" en Grande-Bretagne a plus de 4 millions de caméras de surveillance, le nombre le plus élevé du monde. La base de données britannique ADN, qui aura 4,25 millions d'êtres humains dans ses fichiers à la fin de 2008, est la plus grande du monde. Les demandes officielles (émanant d'environ 800 organismes y ayant droit) d'écoutes téléphoniques, de surveillance du courrier électronique avoisinent les 30 000 par mois. En 2005, le Parti travailliste a introduit les ordres de contrôle qui sont utilisés pour mettre certaines personnes en résidence surveillée quand il n'y a pas assez de preuves pour les mettre en accusation.

Pour renforcer son appareil de répression, l'État ne met en avant qu'une seule raison. Le Directeur Général du MI5[1] dit que dans ce pays, il y a 30 groupes actifs et 200 autres représentant 2000 personnes actuellement ou potentiellement impliquées dans le terrorisme. Lord West dit qu'il faudra 30 ans pour arriver à éradiquer le terrorisme.

Oui, le terrorisme est une préoccupation réelle pour la classe dominante, qu'il soit le fait d'individus isolés ou de groupes qui opèrent pour le compte des États impérialistes hostiles à l'État britannique. A ce niveau, les mesures anti-terroristes ne sont qu'une autre partie des dispositions militaires d'un État.

Cependant, si on regarde l'éventail des mesures qui ont été introduites par le gouvernement ces dernières années, on voit qu'elles ne sont pas seulement destinées à contrer les ennemis impérialistes (ceux qui sont derrière "une petite minorité d'extrémistes violents") mais aussi son ennemi de classe : la classe ouvrière et spécialement les militants révolutionnaires.

Le volume énorme d'enregistrements téléphoniques et d'e-mails (quelques 400 0000 pendant les 15 derniers mois) n'a pas seulement comme cible les 2000 "personnes les plus recherchées" par le MI5, mais clairement toute une série de personnes que l'État estime nécessaire d'espionner. En d'autres termes, si on considère les droits d'arrestation et de recherche disponibles du fait de la législation anti-terroriste, sur 400 recherches, il n'y a qu'une arrestation (et une proportion encore plus réduite conduisant à des poursuites ou des condamnations). Ces pouvoirs existent en partie pour collecter de l'information et en partie pour intimider. L'intimidation des individus, le contrôle social, la surveillance de groupes soupçonnés d'être une menace, sont bien sûr le but de l'activité des services de la "sécurité" d'État.

Les querelles entre les supporters du gouvernement et les membres d'associations de défense des libertés civiques se sont concentrées sur l'extension de la durée de la garde à vue. C'est une dispute purement académique, puisque le gouvernement a même des pouvoirs beaucoup plus étendus s'il choisit de proclamer l'état d'urgence. L'État affirme, effectivement, qu'il utilisera les pouvoirs normalement utilisés en temps de guerre sans que les hostilités ne soient formellement déclarées. Mais il n'a pas besoin de couvrir tous ses agissements par le biais de sa "législation". Après tout, la politique du "tirer pour tuer" utilisée en Irlande du Nord et à la station de métro de Stockwell[2] n'avait besoin d'autorisation (ni de sanction) "légale".

Pourquoi la Grande-Bretagne est-elle autant à l'avant-garde dans le renforcement de son appareil de répression ? Est-ce parce que le parti travailliste aurait un "réflexe autoritaire" ? Est-ce parce qu'il y aurait quelque chose de particulièrement menaçant dans le situation actuelle en Angleterre ?

Non. Le fait que la bourgeoisie britannique soit si en avance dans ses préparatifs de répression (idéologiques, législatifs ou technologiques) montre la vision qu'a cette fraction nationale de la classe dominante. Alors que la lutte de la classe ouvrière est en dernière analyse une menace au niveau international pour le système capitaliste, chaque État capitaliste doit fourbir ses propres armes au niveau national. En Grande-Bretagne, l'État veut saper toute possibilité de futures confrontations de classe, mais se préparer aussi à la possibilité d'un échec de ce sabotage du développement de la riposte prolétarienne. D'autres pays se préparent déjà à suivre le "modèle" de la Grande-Bretagne en ce domaine.

Car (24 novembre 2007)

[1] Service secret intérieur, équivalent de la Direction de la Surveillance du Territoire française.

[2] Evoque le meurtre par la police d'un jeune ouvrier électricien brésilien, tiré à vue comme un lapin dans une station de métro lors de son "ratissage" après la dernière vague "d'attentats déjoués" à Londres le 21 juillet 2005.

Géographique: 

  • Grande-Bretagne [21]

Questions théoriques: 

  • Terrorisme [26]

Crime fasciste à Madrid: L’alternative n’est pas fascisme ou antifascisme, mais barbarie capitaliste ou révolution prolétarienne

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Dimanche 11 novembre, dans une rame du métro de Madrid, un individu appartenant à une bande néo-nazie a assassiné Carlos, un jeune de 16 ans, et en a blessé un autre. Ce crime a été commis à l'occasion d'un appel d'un obscur groupuscule fasciste -Démocratie Nationale- auquel a répliqué une manifestation antifasciste de quelques 200 jeunes.

Nous voulons exprimer notre indignation face à la mort de ce jeune. Nous témoignons notre profonde solidarité à sa famille effondrée par un tel crime. Ce lâche assassinat est répugnant. Les idéologies fascistes et racistes, qui ont mis entre les mains de l'assassin le couteau qui a fauché la vie du jeune Carlos, sont un ramassis des idéologies les plus réactionnaires que le capitalisme ait secrétées tout au long de son histoire. Elles sont le catalyseur des pulsions les plus inhumaines, des sentiments les plus irrationnels de haine et de recherche de boucs émissaires.

Pendant les années 1930 et 1940, sous des régimes comme celui de Franco, le fascisme a reçu du Capital un mandat de gouvernement qu'il a exercé avec une terreur et une barbarie que ses rivaux "démocrates" et staliniens se chargent de rappeler à tout heure. Aujourd'hui, ces résidus des régimes fascistes, écartés des gouvernements mais que les États "démocratiques" entretiennent encore, servent à polariser les ripostes irrationnelles et xénophobes aux contradictions du capitalisme (le chômage, l'immigration ou l'insécurité). Face à ces contradictions, cette idéologie réactionnaire cultive le racisme, l'enfermement identitaire et le nationalisme le plus extrême... Les idéologies fascistes, néonazis, populistes, expriment de la manière la plus brutale et sans fard le processus de décomposition du capitalisme que nous avions identifiée à la fin des années 1980 :

  • "l'accroissement permanent de la criminalité, de l'insécurité, de la violence urbaine, (...) ;
  • le développement du nihilisme, du suicide des jeunes, du désespoir (tel que l'exprimait le "no future" des émeutes urbaines en Grande-Bretagne), de la haine et de la xénophobie qui animent les "skinheads" et les "hooligans" pour qui les rencontres sportives sont une occasion de se défouler et de semer la terreur ;
  • le raz-de-marée de la drogue, qui devient aujourd'hui un phénomène de masse, participant puissamment à la corruption des États et des organismes financiers, n'épargnant aucune partie du monde et touchant plus particulièrement la jeunesse, un phénomène qui, de moins en moins, exprime la fuite dans des chimères et, de plus en plus, s'apparente à la folie et au suicide ;
  • la profusion des sectes, le regain du mysticisme, y compris dans certains pays avancés, le rejet d'une pensée rationnelle, cohérente, construite, y inclus de la part de certains milieux 'scientifiques' et qui prend dans les médias une place prépondérante notamment dans des publicités abrutissantes, des émissions décervelantes ;
  • l'envahissement de ces mêmes médias par le spectacle de la violence, de l'horreur, du sang, des massacres, y compris dans les émissions et magazines destinés aux enfants ;
  • la nullité et la vénalité de certaines productions "artistiques" (littérature, musique, peinture, architecture) qui ne savent exprimer que l'angoisse, le désespoir, l'éclatement de la pensée, le néant ;
  • le "chacun pour soi", la marginalisation, l'atomisation des individus, la destruction des rapports familiaux, l'exclusion des personnes âgées, l'anéantissement de l'affectivité et son remplacement par la pornographie, le sport commercialisé et médiatisé, les rassemblements de masse de jeunes dans une hystérie collective en guise de chanson et de danse ("rave parties"), sinistre substitut d'une solidarité et de liens sociaux complètement absents.

Toutes ces manifestations de la putréfaction de la vie sociale qui aujourd'hui, à une échelle inconnue dans l'histoire, envahissent tous les pores de la société humaine, ne savent exprimer qu'une chose : non seulement la dislocation de la société bourgeoise, mais encore l'anéantissement de tout principe de vie collective au sein d'une société qui se trouve privée du moindre projet, de la moindre perspective, même à court terme, même la plus illusoire."[1]

À la racine de la haine, de la xénophobie, de l'exaltation nationaliste, ne se trouve pas spécifiquement l'idéologie fasciste -ni, en soi, une autre idéologie,d'ailleurs- mais le système capitaliste comme un tout et toutes les forces politiques qui le défendent -qu'elles soient fascistes, de droite, de gauche ou d'extrême gauche. Toutes favorisent ces expressions de barbarie criminelle -certaines d'une manière directe (le néo-fascisme), les autres (ceux qui se présentent comme "démocrates" et "anti-fascistes")- de manière hypocrite et sournoise.

Le nationalisme : patrimoine commun à toutes les fractions et idéologies du Capital

 

On attribue souvent aux fascistes le monopole du nationalisme. Voilà un vrai et gros mensonge. Ce sont les démocrates et antifascistes du PSOE[2] qui ont organisé l'hystérie nationaliste, véritable provocation envers la bourgeoisie marocaine, déclenché par la visite du roi dans les enclaves de Ceuta et Melilla. Ce sont eux qui développent une campagne assourdissante d'exaltation nationale qui s'est concrétisée dans ce nouveau label "Gouvernement d'Espagne", dont le PSOE est si fier. Les deux grands partis "démocratiques" -PP et PSOE-, soutenus indirectement par tous les autres, développent une surenchère nationaliste sans précédent avec pour objectif de nous embrigader derrière eux dans la défense de la Nation espagnole. Ce sont chez eux que les chiots fascistes trouvent la source de leur inspiration. N'est-ce pas Rajoy[3] qui excite les peurs et les haines vis-à-vis de "l'étranger" quand il dit qu'"il y a ici ou là des gens qui veulent du mal aux Espagnols" ?

L'exaltation nationaliste espagnole a, par ailleurs, son pendant dans l'hystérie nationaliste pro-catalaniste ou pro-basque déclenchée par des partis tel que Esquerra, Convergencia, Parti Nationaliste Basque (PNV), Batasuna etc. Les uns faisant la promotion du nationalisme "grand espagnol", les autres celui du nationalisme basque ou catalaniste ; ils veulent tous nous faire entrer dans cette ambiance étroite et repliée sur elle-même de la "communauté nationale", de la défense de "ce qui nous est propre", d'exclusion des "autres", de crainte et de haine vis-à-vis de "l'étranger". On prétend faire la distinction entre un nationalisme "démocratique" et "ouvert" et un nationalisme "fermé" et "exclusif". C'est une différenciation démagogique et fausse. Tout nationalisme porte en lui-même et mène par lui-même vers l'exclusion, vers la haine de l'étranger, vers les sentiments irrationnels de victimisation et de recherche chez "les autres" du bouc émissaire sur lequel faire porter la responsabilité de ses propres malheurs.

Toutes les idéologies et les fractions du Capital mènent au racisme et à la xénophobie

 

Les groupuscules néo-nazis dirigent leur haine vers les immigrants. Ils leur font subir les actes les plus barbares comme celui qu'on a pu voir (avec la scène filmée en vidéo) dans le métro où un élément dégénéré, abruti par le "nationalisme régional" catalaniste s'en prend sadiquement à Barcelone, à une immigrante équatorienne.

Les autorités et les partis démocratiques "s'indignent" devant ces actes cruels et barbares, mais ce sont eux qui traitent les émigrants comme du bétail en les expulsant dans leurs pays d'origine dans des conditions abominables. C'est justement le démocrate et antifasciste Zapatero qui a tout mis en place en 2005 pour que 5 émigrants finissent par crever sur les frontières de Ceuta et Melilla. C'est le gouvernement du "dialogue" de Zapatero qui demande aux gouvernements du Maroc ou du Sénégal de faire le sale boulot de poursuivre les émigrants. Ce sont les démocrates et antifascistes du PSOE et d'IU[4] qui, dans leurs gouvernements régionaux ou leurs mairies, acceptent que des immigrants soient engagés sans contrat légal, obligés de travailler du lever au coucher du soleil pour des salaires misérables, dormant entassés dans des cahutes ou des baraques abandonnées ou, tout simplement, à la belle étoile.

Les minorités néo-fascistes jouent leur rôle en insultant, en agressant les immigrés ; les démocrates de droite et de gauche organisent leur sélection et leur exploitation en laissant des tiers faire le sale travail. Les néo-fascistes vocifèrent, les démocrates agissent.

Toutes les fractions du capital ont les mains tachées de sang

 

Habituellement, la bourgeoisie "démocratique" attribue uniquement au fascisme la responsabilité de la répression ou de la guerre. Elle met en avant la barbarie répressive du franquisme, elle insiste sur les pires expressions de la barbarie guerrière des nazis. Par contre, elle ferme le rideau sur les répressions brutales menées par les démocrates et sur les atrocités réalisées par les grandes "démocraties" lors de leurs innombrables massacres contre l'humanité.

Avec des manipulations de toutes sortes, elle déforme les faits historiques en nous offrant, en échange, une "mémoire historique" sélective et falsifiée. De cette façon, elle cache la question essentielle : c'est tout le capitalisme, toutes ses fractions, qui sont coupables de la répression et de la guerre. C'est l'État capitaliste sous toutes ses formes -totalitaires et démocratiques- qui sont responsables des crimes les plus atroces contre l'humanité.

Quant à la répression, faut-il rappeler que c'est la "très démocratique" et "si antifasciste" République espagnole qui, rien que dans sa première année, entre les mois d'avril et décembre 1931, assassina plus de 500 ouvriers lors de la répression des luttes des travailleurs, des journaliers et des paysans ? Faut-il rappeler que c'est le gouvernement social-démocrate allemand qui noya dans le sang la tentative révolutionnaire du prolétariat en 1918-23, causant plus de 100 000 morts ? Faut-il rappeler que de nombreux hiérarques du nazisme ont commencé leur carrière dans les Corps Francs organisés par la social-démocratie et les syndicats en Allemagne pour réprimer la révolution prolétarienne en 1919 ? Faut-il rappeler que Franco fut chargé par la République de réprimer l'insurrection ouvrière des Asturies en octobre 1934 ? Est-il nécessaire de signaler que Pinochet fut un serviteur zélé du gouvernement démocratique d'Allende, lequel l'a fait applaudir par les masses lors d'une concentration devant le Palais présidentiel de Santiago ?

Quant aux guerres, si les nazis ont leurs camps de concentration, les démocrates ont dans leur besace le bombardement atroce de Dresde qui provoqua en une seule nuit la mort de 250 000 victimes innocentes. Et que dire du largage des bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki par la plus grande "démocratie" du monde, l'État américain !. Sans parler de la barbarie guerrière en Irak, en Afghanistan et dans tant d'autres lieux !

Au nom de l'antifascisme, on nous impose l'exploitation et la répression

 

Tout au long du 20e siècle, considéré comme le plus barbare de l'histoire, le capitalisme a réussi à se maintenir et à survivre en enfermant le prolétariat dans toute une série de faux dilemmes : le monde "libre" contre le soi-disant "communisme" ; la démocratie ou le totalitarisme ; la gauche ou la droite ; le nationalisme "grand espagnol" ou le nationalisme basque ou catalaniste. Sa politique a consisté à lui faire choisir entre la peste et le choléra, à lui faire choisir un plat dans un menu entièrement empoisonné.

Pendant plus d'un siècle, surtout grâce à ses forces de "gauche", le capitalisme a exhorté le prolétariat à choisir le "moindre mal" : la ritournelle a toujours été la même : oui, c'est vrai, les "démocrates" du capital, les "socialistes" et les "staliniens" ne sont pas dignes de confiance, mais le plus grand mal, le diable en personne, ce sont uniquement les fascistes d'extrême droite. Au nom de cette démagogie, on a fait accepter les pires barbaries, l'exploitation la plus sauvage, les guerres les plus cruelles.

Avec ces choix truqués, le Capital cherche toujours à faire en sorte que le prolétariat perde son autonomie de classe, à le transformer en un jouet de ses batailles politiques, à faire de lui de la chair à canon lors de ses guerres.

Le dilemme le plus funeste, celui qui a fait le plus de tort au prolétariat tout au long du 20e siècle a été celui de choisir entre cette fausse alternative : fascisme ou antifascisme. Au nom de ce piège mortel, l'humanité toute entière fut entraînée dans le plus terrifiant des holocaustes : près de 60 millions de morts lors de la 2e Guerre mondiale. Au nom de ce dilemme truqué, un million de morts furent sacrifiés dans la "guerre civile" barbare de 1936 en Espagne.

A chaque fois que le prolétariat prend partie pour une des fractions du capital (extrême droite, droite, gauche ou extrême gauche), à chaque fois qu'il perd son identité de classe, et qu'il est dissout dans la masse interclassiste du "peuple" ou des "citoyens" en général, le Capital arrive à prolonger les souffrances, l'exploitation, la barbarie provoquées par son système d'exploitation.

La raison est bien simple : si le prolétariat choisit un des camps du capital, s'il disparaît en tant que classe dans cet amalgame du "peuple" ou des "citoyens" de la Nation capitaliste, alors les ouvriers, de même que l'ensemble de toute les classes non exploiteuses, deviennent les otages des guerres de cliques auxquelles se livrent leurs exploiteurs. Et c'est ainsi que le Capital arrive à créer un climat social où toute la population devient une somme d'automates vociférants contre l'épouvantail -qu'il agite pour cacher ses autres monstres (car dans ses querelles internes de cliques, la bourgeoisie a aussi besoin d'avoir ses propres boucs émissaires) ; les exploités sont transformés en soldats prêts à s'entre-tuer ou à mourir pour la "Patrie", pour les intérêts des fractions "démocrates" du Capital, pour des causes qui sont toujours celles de l'exploitation et de la barbarie capitaliste.

Les "démocrates anti-fascistes" du Capital sont tout aussi responsables de la Terreur bourgeoise que les néo-nazis les plus réactionnaires et arriérés. Le prolétariat n'a pas à choisir entre les camps d'exterminations nazis et les bombardements atomiques et massifs de la "guerre propre" des "démocraties". L'histoire des deux guerres mondiales a montré que, drapés de belles phrases sur "la tolérance", "la liberté", "l'égalité", "la fraternité" et "les droits de l'homme", tous les États "démocratiques" du capital ont inoculé tout autant, mais plus sournoisement, ces mêmes poisons nationalistes que leurs rivaux fasciste, franquiste, nazis ou staliniens.

Seule la lutte indépendante du prolétariat peut nous sortir de l'impasse historique du capitalisme

 

La seule manière de lutter efficacement contre le Capital, c'est l'autonomie politique du prolétariat. C'est uniquement s'il est capable de lutter pour ses intérêts propres, sur son propre terrain de classe exploitée, qu'il pourra bâtir un rapport de forces capable de faire face au Capital. Ce n'est que de cette façon qu'il pourra agréger à son combat libérateur toutes les couches sociales opprimées et exploitées.

La société capitaliste, c'est la division de l'humanité en nations concurrentes, tandis que le prolétariat représente l'unité de l'humanité toute entière en une communauté mondiale où les différences de "races", de culture ou d'origine sociale sont abolies. Au nationalisme -quelle que soit l'enveloppe qui l'entoure- il faut opposer l'internationalisme prolétarien.

La société capitaliste secrète la haine et l'exclusion de l'étranger, de "l'autre". Seul le prolétariat pourra établir une communauté d'êtres humains libres et égaux qui travailleront collectivement pour le bien-être et l'épanouissement de toute l'espèce humaine. Face à la division et à l'affrontement entre êtres humains, il faut opposer la fraternité universelle qu'exprime de façon embryonnaire la lutte de classe du prolétariat.

La société capitaliste est basée sur la concurrence entre entreprises et nations, ce qui entraîne obligatoirement, dans la vie sociale, le chacun pour soi, le "pousse-toi de là que je m'y mette", le fait que chaque être humain est vécu comme un ennemi, un prédateur dans ses rapports avec les autres. Seul le prolétariat, en unifiant l'humanité dans une communauté mondiale où chacun pourra apporter le meilleur de lui-même pour contribuer à la pleine satisfaction des besoins de son espèce (en préservant son environnement naturel), pourra abolir les racines de la barbarie capitaliste. Face à la concurrence et au corporatisme dans le monde du travail, qui sont des forces destructrices et de désagrégation du tissu social, il faut opposer la solidarité et l'unité contenues dans les luttes authentiques du prolétariat.

L'origine de l'assassinat de Carlos se trouve dans le capitalisme et son processus de décomposition. Il ne faut pas s'arrêter au bras qui l'a tué, mais au système qui l'a armé. Seule la lutte indépendante du prolétariat contre toutes les fractions de la classe dominante, contre l'État bourgeois dans son ensemble, contre l'économie capitaliste et toutes ses expressions nationales et idéologiques pourra mettre fin aux bases matérielles qui provoquent (en plus de l'exploitation, de la guerre et de la barbarie quotidienne), des actes inhumains tels que le crime du métro de Madrid.

Acción Proletaria (journal du CCI en Espagne - 12 décembre 2007)

[1] D'après nos "Thèses sur la décomposition, phase ultime de la décadence capitaliste" (1990), republiées dans la Revue Internationale nº 107 - 4e trimestre 2001 [27].

[https://fr.internationalism.org/french/rint/107_decomposition.htm] [28]

[2] PSOE : Parti Socialiste. PP : Parti Populaire (droite)

[3] Chef du PP.

[4] Izquierda Unida (Gauche Unie) coalition autour du Parti Communiste d'Espagne.

Géographique: 

  • Espagne [29]

Questions théoriques: 

  • Décomposition [30]

Referendum au Venezuela : prendre parti pour ou contre la réforme de la constitution c’est prendre parti pour le capital

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Nous publions ci-dessous de larges extraits d'un tract que notre section au Venezuela a diffusé à la veille du référendum du 2 décembre dernier organisé par Chavez pour se faire plébisciter. Le résultat, l'échec de Chavez qui n'a obtenu que 48 % des voix, ne fait que confirmer le contenu de cette prise de position : l'impopularité croissante du dictateur populiste à qui la coalition de toutes les forces d'opposition de la bourgeoisie a refusé d'octroyer la "réélection à vie" contenu dans le projet de réforme de la Constitution. Par ailleurs, il faut réaffirmer que cette mise en échec ne représente nullement une quelconque "victoire" pour les prolétaires qui n'avaient absolument rien à gagner sur un terrain électoral qui n'est pas le leur.

Une fois de plus, moins d'un an après la réélection de Chavez, la bourgeoisie nationale, autrement dit aussi bien les dirigeants chavistes que ceux de l'opposition, mobilise les travailleurs et la population pour une autre confrontation électorale. Cette fois-ci, on convoque à un référendum le 2 décembre pour voter pour ou contre la réforme de la Constitution proposée par Chavez. (...)

Tenir les masses constamment mobilisées est indispensable pour le projet chaviste, et c'est ainsi que pendant ces 9 années de gouvernement, il a mis en place rien de moins que 10 consultations électorales. De cette manière, il cherche à maintenir la cohésion de ses forces éblouies par le mirage des supposés bienfaits du "Socialisme du 21e siècle" ou "Socialisme bolivarien", nom avec lequel la bourgeoisie chaviste a baptisé son modèle capitaliste d'État, un modèle basé, comme les autres, sur l'exploitation du prolétariat vénézuélien.

Le prolétariat vénézuélien n'a rien à gagner dans cette nouvelle bataille électorale ; il a surtout beaucoup à perdre ; non seulement à cause des mirages des modèles capitalistes que les factions bourgeoises en lutte lui font miroiter, mais aussi parce qu'elle renforce la division et les affrontements entre prolétaires. Cette nouvelle bataille électorale se déroule dans un cadre d'affrontement politique aiguisé entre les fractions gouvernementale et oppositionnelle, qui s'est répercuté dans les rangs des travailleurs avec le résultat de quelques ouvriers morts et blessés et qui pourrait déboucher sur des situations imprévisibles auxquelles beaucoup d'autres prolétaires pourraient être entraînés. Avec ce referendum, comme avec n'importe quel autre processus électoral, la seule gagnante est la bourgeoisie, qu'elle soit de gauche ou de droite. (...) Aussi, le prolétariat doit à tout prix éviter de tomber dans les mirages démocratiques qui lui proposent les progouvernementaux ou ceux de l'opposition pour essayer de l'encadrer dans l'une ou l'autre faction ; les uns se présentant en tant que défenseurs de la "démocratie participative où chacun en est l'acteur", les autres en tant que défenseurs d'une "démocratie sociale" contre les tentatives totalitaires et dictatoriales de Chavez. La démocratie, indépendamment de ses qualificatifs, n'est que l'appareillage juridique et idéologique que les classes dominantes ont perfectionné pendant des lustres pour soumettre le prolétariat et la société dans son ensemble. Les travailleurs doivent rejeter fermement les illusions propagées par les secteurs de la petite bourgeoisie d'opposition selon lesquelles une telle dynamique vers le chaos pourrait être inversée grâce "au jeu démocratique" et revenir à l'époque "faste" des années 70 ; et ne pas penser non plus que le projet chaviste du "socialisme bolivarien" éliminera la pauvreté en créant rien de moins que "le maximum de bonheur possible", tel que c'est écrit dans la Constitution reformulée. Les uns autant que les autres sont des défenseurs du système capitaliste d'exploitation, qui, dans sa période de décadence où nous vivons, ne se fonde que sur l'augmentation constante de la paupérisation. Ses propres lois de fonctionnement (qu'aucune loi décrétant le "socialisme" ne peut dépasser, comme le chavisme le prétend), concentrent la richesse entre les mains de quelques uns et la pauvreté pour l'immense majorité de la population.

La situation n'est pas "rose" pour le chavisme

 

La précipitation et la manière brouillonne avec laquelle le chavisme prétend imposer la réforme constitutionnelle met en évidence le fait que le projet chaviste court "contre la montre" pour contrer un processus d'épuisement politique et social ; d'un coté, parce que la pression de la bourgeoisie d'opposition est plus grande du fait que le chavisme a été incapable de mener à bien les objectifs du capital national dans son ensemble et, d'un autre coté, à cause du malaise social qui a commencé à sourdre et que le chavisme, à l'évidence, a de plus en plus de difficultés à contrôler (et c'était une des raisons principales pour les quelles la bourgeoisie avait accepté Chavez). Plusieurs facteurs montrent les difficultés réelles du projet chaviste :

  • aggravation de la crise économique : même si le gouvernement se vente de la plus forte croissance du PIB de la région (estimée à 8% en 2007, grâce à l'augmentation constante des dépenses publiques basée sur les prix très élevés du pétrole), les problèmes économiques sont bien présents. D'un coté, le Venezuela, pendant les 3 dernières années, a eu l'inflation la plus élevée de la région (officiellement, une moyenne proche de 20% par an, ce qui fait fondre les salaires et les pensions des travailleurs : rien qu'en se limitant aux produits alimentaires de base, l'inflation atteint 27%) ; augmentation du déficit budgétaire, ce qui veut dire que la rente pétrolière et les impôts ne sont pas suffisants face à la spirale des dépenses de l'État ; augmentation de la dette externe et interne (autour de 53 milliards de dollars, un peu plus de 25% du PIB) ; augmentation de l'emploi précaire, qui se concrétise dans la quantité de travailleurs de l'économie "informelle" (52% de la force de travail) et dans la politique "coopérativiste" de l'État ; aggravation des pénuries à cause de la politique économique du gouvernement, surtout pour les produits de base tel que le lait, le sucre, les œufs, etc.
  • développement d'une géopolitique impérialiste fort coûteuse pour la bourgeoisie : augmentation des dépenses d'armement (ce qui préoccupe les autres pays de la région à cause du déséquilibre entre les forces armées) ; politique de "donations" à des pays "amis" comme Cuba, le Nicaragua, la Bolivie, l'Équateur, etc. et des rabais dans la facture pétrolière pour ainsi essayer de contrebalancer l'influence des États-Unis dans les Caraïbes, l'Amérique Centrale et du Sud.
  • dissensions au sein du chavisme lui-même : rupture du parti Podemos ("Nous pouvons") avec le chavisme, qui possède une représentation parlementaire minoritaire ; refus des autres partis alliés, tel le Parti communiste du Venezuela (PCV) ou Patria Para Todos (PPT), à se dissoudre pour s'intégrer dans un Parti Socialiste Uni du Venezuela promu par Chavez ; dissidences au sein du TSJ [Tribunal Suprême=Cour de Cassation] ; développement de mouvements du chavisme sans Chavez. Peu de semaines avant le référendum, l'ancien ministre chaviste de la défense, le général Raul Baduel, a asséné un coup dur à l'aile radicale du chavisme en se prononçant contre la réforme et en appelant les forces armées (où, d'après ce qu'on dit, il a de l'ascendant) à défendre la constitution de 1999 ; etc.
  • des difficultés au niveau géopolitique : après les escarmouches avec l'ancien président du Mexique (Fox) et Alan García (Pérou), il a eu des altercations diplomatiques avec l'Espagne et récemment avec la Colombie, quand ce pays a enlevé à Chavez le rôle de premier plan qu'il prétendait jouer dans la médiation avec les FARC pour la libération des otages. Chavez a essayé de tirer profit de ces événements pour sa campagne en faveur de la réforme constitutionnelle parce qu'il cherche désespérément des ennemis extérieurs, étant donné que la politique des États-Unis vis-à-vis de Chavez a consisté à ne pas tomber dans le piège de l'affrontement médiatique, laissant Chavez "cuire dans son jus". Il n'est pas à exclure qu'il existe une politique coordonnée pour affaiblir Chavez au niveau régional et mondial, tout en consolidant les forces d'opposition à l'intérieur.
  • la corruption et le clientélisme politique ont atteint des niveaux bien plus élevés que lors des gouvernements précédents. (...)

Protestations sociales et lutte des travailleurs

 

Le plus grand défi que le chavisme affronte, c'est la perspective d'une élévation de la protestation sociale et de la lutte des ouvriers.

Tout le long de cette année, les expressions de l'indignation des masses (parfois même sympathisantes du chavisme) à cause du manque d'attention de l'État vis-à-vis de leurs nécessités en services, en voierie et, surtout, le manque de logements qui s'est encore aggravé avec les ravages provoqués par les pluies torrentielles (certaines personnes vivaient déjà dans des conditions très précaires depuis les inondations de 1999). Leurs protestations se sont jointes à celles de chauffeurs de taxi et des transports publics, qui subissent des agressions et même des assassinats en permanence. Les blocages de routes et les occupations de sièges d'organismes publics sont presque quotidiens.

En mai dernier, il y a eu des luttes chez les étudiants, des luttes qui rompaient avec la forme "traditionnelle" de lutte de ce secteur, qui se sont résolument exprimées sur un terrain social et ont utilisé des méthodes de luttes ouvrières basées sur les assemblées générales et les délégués élus par celles-ci. (...)

Il faut particulièrement mettre en relief les luttes des travailleurs pour leurs revendications salariales et sociales, les luttes des ouvriers du pétrole, qui ont débuté en mai dernier pour la réintégration des travailleurs des entreprises mixtes nationalisées, que l'entreprise d'État PDVSA voulait licencier. (...) (Voir l'article "Courrier du lecteur : grève des travailleurs du pétrole au Venezuela").

Face a une telle perspective de mobilisation sociale, face aux difficultés accrues pour montrer un visage "populaire" et "ouvrier", le régime chaviste n'a pas d'autre choix que celui de renforcer le contrôle et les moyens de répression étatiques, en modifiant pour cela quelques articles de la constitution ; comme, par exemple, les articles qui traitent de l'instauration des états d'exception et sur la création des dites "milices révolutionnaires", forces de répression militarisées, "garde prétorienne" directement dépendante de la présidence de la république.

Des défis encore plus grands pour la classe ouvrière

Il est certain que les luttes sociales et les luttes ouvrières ont marqué un coup d'arrêt à cause de la campagne assourdissante pour la réforme. Il existe cependant un danger pour la classe ouvrière d'être prise dans les filets de cette polarisation et même d'être utilisée comme chair à canon par l'une ou l'autre des factions au pouvoir.

En tant que révolutionnaires, en tant que militants de notre classe, nous alertons le prolétariat contre ce danger. Beaucoup de prolétaires se sont laissé embarquer par la polarisation, disposés parfois à s'en prendre à leurs frères de classe : de tels agissements, comme tous ceux qui affaiblissent la solidarité de classe, doivent être dénoncés avec fermeté et sans relâche. Le prolétariat vénézuélien vit une situation particulièrement dangereuse, et, jusqu'à maintenant, il n'a pas eu les forces pour s'opposer fermement et massivement à une telle polarisation.

La situation au Venezuela est une illustration du fait que la bourgeoisie, dans son ensemble, est incapable de gouverner vraiment : il y a 9 ans, elle a placé Chavez au pouvoir pour essayer de régler la situation sociale et politique des années 90 ; résultat : le remède est pire que le mal. Pour les travailleurs : la détérioration des services publics, le coût élevé de la vie, le chômage et l'emploi précaire, la délinquance et, maintenant, la pénurie des aliments de base : voilà qui nous éloigne de ce "paradis" que nous ont vendu la bourgeoisie et la petite bourgeoisie de gauche, un paradis où nos conditions de vie allaient s'améliorer et, même, disaient-ils, la pauvreté allait être surmontée.

Les travailleurs n'ont d'autre alternative que celle de lutter avec leurs propres forces pour un monde meilleur, pour une vie vraiment digne. Pour y arriver, il faudra en finir avec les illusions démocratiques, qui non seulement éloignent la classe ouvrière de son propre terrain de lutte, mais qui l'éloignent aussi de sa lutte historique pour le dépassement de la barbarie à laquelle le capitalisme nous soumet. Seules les masses travailleuses, par le rôle qu'elles occupent au sein du capitalisme, possèdent la capacité de développer une lutte unie et consciente contre le capital ; et ainsi devenir une référence pour les autres couches sociales opprimées, et, enfin, mener à bien une lutte pour le véritable socialisme. Pour cela, il faut que les ouvriers brisent les chaînes de la polarisation et reprennent les luttes sur leur propre terrain de classe, sur la base de véritables assemblées ouvrières, avec leur délégués élus et révocables, responsables devant elles.

De la même manière, les minorités qui luttons au Venezuela et dans le monde entier pour dépasser la situation actuelle de domination du travail par le capital, avons aussi une très grande responsabilité dans le débat et la propagation des idées socialistes que nos prédécesseurs révolutionnaires ont défendues : Marx, Engels, Lénine, Trotski, Luxemburg, etc., des idées qui sont l'antithèse de cette supercherie nommée "socialisme du 21e siècle".

Internacionalismo (section du CCI au Venezuela) 29-11-07

Géographique: 

  • Vénézuela [22]

Heritage de la Gauche Communiste: 

  • La mystification parlementaire [31]

Sarkozy reçoit Kadhafi - Les "guignolades" d’un marchand de canons

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Il ne fait pas bon planter des tentes à Paris quand l'hiver arrive. Pourtant, le colonel Kadhafi, qui a installé la sienne pendant quelques jours au coeur de la capitale en décembre, n'a pas eu à goûter les rigueurs du froid ni de la répression. Bien au contraire, c'est dans les dorures de la République que le "Guide" de la Libye avec sa suite s'est vu dérouler le tapis rouge et qu'il a été pompeusement reçu par Sarkozy et sa troupe gouvernementale docile.

Docile, ou presque. Quelques voix se sont élevées pour s'offusquer d'un tel accueil pour celui qui, en 1983, a commandité un des plus meurtriers attentats perpétrés contre un avion français et qui tout récemment torturait encore les infirmières bulgares libérées par l'ex-première dame de France. A en faire toujours un peu trop, Sarkozy Ier irrite de façon croissante une partie de la classe dominante, jusque dans son propre clan. C'est la faussement candide Rama Yade qui a endossé ce rôle, au prix d'un sérieux remontage de bretelles par l'Élysée. Et bon nombre de députés de droite comme de gauche, se sont déclarés franchement scandalisés ou hostiles, mais pas un Bernard Kouchner toujours prêt à jouer les moralistes pleurnichards mais qui, dans son costume actuel de ministre des "affaires" étrangères, n'a pas voulu entraver la démarche intéressée de son Président.

Car, tout simplement, Kadhafi est venu "signer une dizaine de milliards de contrats" selon les propres mots de Sarkozy (Le Monde du 12 décembre). Et pas dans n'importe quoi : dans l'armement et le nucléaire. Un tel soutien dans ces secteurs, en faveur d'un chef d'État récemment encore mis au ban de la "communauté internationale" pour soutien au terrorisme, n'est pas anodin, même si la Libye tente de rentrer dans le rang. Cette cure de remise en forme est apportée par la France à l'armée libyenne alors que Kadhafi justifiait encore, à Lisbonne au début du mois, le recours au terrorisme pour un État faible. Ce qui ne laisse présager rien d'autre qu'un retour prochain de la Libye sur la scène de la provocation guerrière. Tout cela ne peut que contribuer à aggraver le chaos et les massacres, notamment sur le sol africain.

Mais le clou de cette visite parisienne, est resté la question des droits de l'Homme. Sarkozy jure la main sur le coeur qu'il en a parlé à Kadhafi. D'ailleurs, ne le reçoit-il pas pour l'encourager dans sa décision de se "normaliser" ? Kadhafi rétorque quant à lui qu'on ne lui en a pas parlé, et que d'ailleurs ce serait mal venu dans un pays où il n'est pas certain que les immigrés bénéficient de ces droits. A ce petit jeu de poker menteur, celui qui ment le moins est sans aucun doute Kadhafi. Il n'était vraiment pas nécessaire de parler des "droits de l'Homme" à Kadhafi pour lui vendre des armes. De quels droits de l'Homme peut-on bien parler quand on fourgue à un pays un arsenal militaire capable de mater et massacrer le moindre frisson de rébellion dans toute sa région, où il garde une influence considérable ? Sarkozy peut se targuer pourtant d'avoir "été le candidat des droits de l'Homme" (Libération du 12 décembre) et d'avoir respecté ses engagements en libérant les infirmières bulgares et obtenant "des preuves de vie d'Ingrid Betancourt" (Ibid.). Au sein de la bourgeoisie, libyenne, française ou de n'importe où, le sort des populations est lié à ses intérêts impérialistes et l'humanité n'a qu'un seul droit, celui de verser sa sueur et son sang.

Les gesticulations people de Sarkozy du haut de sa "jet set" ressemblent de plus en plus à un théâtre de grand' guignol pour amuser la galerie : un jour sous les flashes de sa poignée de mains amicale avec le pantin Chavez, un autre faisant frissonner les foules de journaleux et de politicards avec la marionnette de "l'affreux, sale et méchant" acteur Kadhafi en guest-star. Puis suivent les cadeaux de Noël-surprise du Président : s'afficher à Eurodisney avec sa nouvelle poupée Barbie, la chanteuse et ex-top model Carla Bruni et, pour couronner le tout, la gloire médiatico-rédemptrice d'une bénédiction papale juste à la veille de la messe de minuit. Alléluia ! De quoi émouvoir dans les chaumières garnies d'antennes paraboliques !

Décidément, en assurant en permanence un tel spectacle, Saint Nicolas, notre bon Papa Noël français, qui a transformé l'Élysée en magasin de farces et attrapes, mériterait bien un jour de recevoir de ses pairs de la bourgeoisie un prix Nobel s'il y en avait un réservé aux marchands de canon.

RI (19 décembre)

Situations territoriales: 

  • Vie de la bourgeoisie en France [32]

Révolution Internationale n° 387 - févier 2008

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Chute des Bourses, secousses bancaires... Vers une violente accélération de la crise économique

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"Un vent de panique provoque un lundi noir à la Bourse de Paris", "Tempête boursière", "Les digues cèdent sur la planète finance", "Nouveau krach d'un système détraqué", "Les Bourses européennes connaissent leur plus forte chute depuis le 11 septembre 2001" [1]... Ce début d'année 2008 commence en fanfare. Presque toutes les bourses du monde, de l'Europe à l'Asie, ont connu de violentes turbulences, perdant en l'espace d'une seule journée de 4 à 7% ; certaines ont même dû être fermées en cours de séance pour limiter les dégâts.

Pourquoi cette chute des bourses ?

Les unes après les autres, les banques publient des résultats jugés "médiocres" pour l'année 2007. Les pertes liées à la crise des subprimes n'en finissent pas de surprendre par leur ampleur. Les banques américaines sont évidemment très touchées : entre autres exemples, le bénéfice de la Bank of America a plongé de 29 % en 2007, celui de Wachovia a fondu de 98 % au quatrième trimestre ! Tous les continents sont touchés. Après les banques allemandes WestLB et Commerzbank, c'est aujourd'hui le tour de la deuxième banque chinoise, Bank of China, d'annoncer des pertes de plusieurs milliards de dollars. Le gouvernement britannique a dû intervenir directement pour sauver Northernrock de la faillite.

Jusqu'à présent, nous refaisant le coup du nuage de Tchernobyl, les autorités et les médias nous assuraient que les banques françaises avaient été plus responsables, qu'elles n'avaient pas trempé leurs mains dans la spéculation sauvage, etc. Et... patatras... voilà qu'AXA, BNP Paribas, Crédit Agricole, Richelieu Finance publient à leur tour des résultats en berne. Côté mensonge, la palme du ridicule et du grotesque revient sans nul doute à la Société Générale et à son patron Daniel Bouton. Pour justifier 7 milliards d'euros de perte, ce dernier, lors d'une conférence surréaliste, a expliqué sa déconfiture par "l'extraordinaire talent de dissimulation" de Jérôme Kerviel, un trader de 31 ans, soulignant "l'incroyable intelligence de cet opérateur de base" dont les "motivations sont totalement incompréhensibles". Connaissant les procédures de contrôle sur le bout des doigts, il aurait créé une "entreprise dissimulée à l'intérieur (des) salles de marché" de la SG, accusant 4,9 milliards d'euros de perte à lui tout seul contre "seulement" 2 milliards de dépréciations d'actifs liées à la profonde crise des subprimes ! Le mensonge est énorme et tous les spécialistes ont évidemment émis "des doutes" quant à la validité de cette thèse. Mais la direction de la banque, Sarkozy et le gouvernement ne lâchent pas leur scénario. Même le secrétaire général de l'OCDE, Angel Gurria, apporte sa petite participation au gros mensonge "Ce qui se passe à la Société Générale est différent et n'est pas symptomatique d'une crise systémique". Voilà le but de la manœuvre ! Nier la réalité de la crise, faire croire qu'il ne s'agit que d'un accident de parcours, d'une simple fraude.

Pourtant, cette crise est bien là. Elle n'a rien de virtuelle et ses conséquences commencent déjà à se faire ressentir pour la classe ouvrière. Les banques annoncent les unes après les autres des "restructurations nécessaires", autrement dit des vagues de licenciements : 4000 suppressions de postes aux Caisses d'Epargne, 2400 chez Indymac Bancorp (société de crédit américaine), 1000 chez Morgan Stanley (banque américaine) ; entre 17 000 et 24 000 chez Citygroup (1re banque mondiale) ; de 5 à 10 % des effectifs chez Merrill Lynch (banque d'investissement) et Moody's (agence de notation financière). Et il ne s'agit là que des premières annonces d'une vague de licenciements qui va toucher dans les mois à venir l'ensemble du secteur bancaire.

Derrière la crise financière, la crise de l'économie réelle

"Cette dérive boursière est [...] plutôt une bonne nouvelle pour certains. Cela permet d'assainir le marché."[2] Ce discours, les médias nous en rebattent les oreilles. Les convulsions boursières et les difficultés des banques auraient même un aspect moral : les spéculateurs ayant commis quelques excès seraient aujourd'hui punis par le marché et tout serait simplement en train de revenir à la normale. Mensonges ! Derrière la très médiatique crise financière actuelle, se cache, à peine voilée, une profonde crise de l'économie réelle.

La folle spéculation de ces dix dernières années prend racine dans les difficultés des entreprises à vendre leurs marchandises. Le capitalisme est rongé par une maladie mortelle et congénitale à laquelle il n'existe nul remède : la surproduction[3]. La seule solution du capitalisme est de créer artificiellement des débouchés par un recours massif à l'endettement et au crédit. Pour faire face à la crise asiatique en 1997, puis à la récession de 2001, la bourgeoisie a ouvert en grand les vannes du crédit. Jamais les taux n'ont été aussi bas, les banques ne vérifiant même plus la solvabilité des emprunteurs ! Cet été, le revenu des ménages pauvres américains était pour 80% lié au crédit, c'est à dire qu'ils achetaient leur télévision, leur nourriture, leurs vêtements... en s'endettant ! Les prêts à risques nommés subprimes en sont venus à représenter, en juillet 2007, 1500 milliards de dollars de dettes ! Une montagne... mais une montagne qui a commencé à s'éroder puis à craquer. Tous ces ménages endettés ont été incapables de rembourser leurs prêts arrivant à échéance. L'économie réelle, faite pour les ouvriers de vagues de licenciements, de hausse du chômage et de paupérisation, a rappelé l'économie virtuelle à la triste réalité. Effet domino, les banques ont accumulé les pertes qu'elles annoncent aujourd'hui... à coups de milliards de dollars. Mieux encore, profitant des taux d'emprunts extrêmement bas, les banques, les magnats de la finance et même les entreprises s'étaient mis à leur tour à s'endetter pour spéculer, se vendant et se revendant entre eux les subprimes contractés par les familles ouvrières. Autour des prêts à risques, ce ne sont donc pas 1500 milliards mais des dizaines de milliers de milliards de dollars qui ne seront finalement jamais remboursés[4] !

C'est donc bien la crise de l'économie réelle qui est la cause de la frénésie spéculative de ces dix dernières années comme des secousses financières actuelles. Mais aujourd'hui, comme un boomerang, les difficultés des banques vont rejaillir sur toute la vie économique : "Les historiens le savent bien : les crises bancaires sont les plus graves, en ce qu'elles affectent le centre névralgique des économies, en l'occurrence le financement de l'activité et des entreprises.»[5] Prises dans la tourmente, les banques ne vont plus pouvoir continuer de prendre le risque de prêter à tout va, sans être sûres de la solvabilité des emprunteurs. Les entreprises comme les ménages vont ainsi avoir plus de mal à s'endetter, ralentissant du même coup l'activité économique. Comme l'écrit La Tribune : "Dans la zone euro, où les PME dépendent à plus de 70 % des banques pour se financer, l'impact récessionniste est certain"[6]. C'est ce que les spécialistes appellent le "credit crunch". Cet impact sur l'économie réelle commence d'ailleurs déjà sérieusement à se faire ressentir. En particulier, lors du dernier trimestre 2007, l'économie mondiale a fortement ralenti, laissant entrevoir ce que nous réservent 2008 et 2009. Un journal comme Le Monde, pourtant habituellement "réservé", ne cache plus aujourd'hui la réalité de cette tendance récessionniste : "L'indice Baltic Dry Index (BDI), qui mesure le prix du transport maritime des matières premières, est un bon indicateur du niveau d'activité du commerce... et de l'économie mondiale. Il vient de battre quatre records de baisse en une journée [...] Si les prédictions de l'indice Baltic Dry sont avérées, le ralentissement mondial a déjà commencé et sera douloureux"[7]. Par le fret maritime naviguent toutes les marchandises du monde ; son ralentissement est donc en effet très significatif de la mauvaise santé actuelle de l'économie mondiale. Les premières victimes en seront évidemment les ouvriers. Ford, par exemple, annonce déjà, comme un signe avant-coureur, la suppression de 13 000 emplois (venant s'ajouter aux 44 000 déjà supprimés en 2006).

La bourgeoisie n'a aucune solution réelle à sa crise historique

Face à cette nouvelle crise, la bourgeoisie apporte encore et toujours sa sempiternelle et unique "solution" : encore plus de crédits, encore plus de dette. Le président américain, George Bush a ainsi annoncé un plan exceptionnel de 140 milliards de dollars et la FED (banque centrale américaine), une baisse de 75 points de ses taux directeurs. Toutes ces mesures ne pourront en rien enrayer l'accélération actuelle de la crise, tout juste la différer un peu.

En 1997, en injectant près de 120 milliards de dollars, la bourgeoisie était parvenue à circonscrire la crise en Asie. En 2001, l'éclatement de la bulle Internet avait été compensé par la création d'une nouvelle bulle, la bulle immobilière. Mais aujourd'hui, il ne s'agit pas d'une crise régionale située à la périphérie (la crise asiatique) ou d'un problème pouvant être limité à un secteur secondaire (la bulle Internet). C'est le cœur même du capitalisme qui est touché : l'Amérique, l'Europe, et les banques. La crise est donc bien plus grave, ses conséquences sur nos conditions de vie seront bien plus dramatiques.

Fort heureusement, nous disent tous les économistes à la solde de la classe dominante, l'Asie et ses taux de croissance fantastiques vont soutenir, malgré tout, la croissance mondiale... Mais là aussi, la réalité est tout autre. Certains experts commencent déjà, à contre cœur, à le reconnaître devant l'évidence des faits : "Mais il faut bien constater que la Thaïlande a annoncé hier un ralentissement de ses exportations en décembre, tout comme Singapour ou encore Taiwan. La Banque mondiale admet que des canaux de contagion de la crise aux pays émergents existent : l'exposition des banques aux subprimes, (...) et (...) l'impact sur l'économie d'une récession aux États-Unis."[8]. La Chine va particulièrement souffrir de la baisse de ses exportations de par la récession américaine. Bref, l'Asie, comme tous les continents, va être touchée par cette nouvelle accélération de la crise économique mondiale. Et là-bas, cela se traduira par une augmentation considérable de la pauvreté et de la famine.

Dans les mois et les années à venir, sur toute la planète, le prolétariat va être confronté à une dégradation considérable de ses conditions d'existence. La bourgeoisie n'aura de cesse d'attaquer et d'attaquer encore. Mais depuis plusieurs années maintenant, les prolétaires ont démontré leur capacité à développer leurs luttes. Face à cette nouvelle aggravation de la crise et à la dégradation de leurs conditions de vie, ils ne peuvent que continuer à amplifier leurs combats et forger leur solidarité de classe.

Pawel (26 janvier)

[1]) Respectivement la Tribune, le Figaro, les Echos, Libération, le Monde du 21 au 23 janvier.

[2]) La Tribune du 22 janvier.

[3]) Pour une explication plus détaillée de l'économie capitaliste, lire notre article "Qu'est-ce que la décadence ?" sur www.internationalism.org [33].

[4]) Ainsi, après les subprimes, d'autres types de crédit arrivent peu à peu à échéance et, là aussi, la douche risque d'être froide. Par exemple, pour les Credit Default Swap (CDS, sorte de crédit à mi-chemin entre le prêt classique et l'assurance), le "total des encours mondiaux en CDS s'est très rapidement développé à partir du début des années 2000 pour atteindre 45 000 milliards de dollars en 2007 (plus de 3 fois le PIB américain). Ces actifs sont considérés comme ayant de grandes ressemblances avec le marché des subprimes. Si les entreprises venaient à faire faillite, les même causes produiraient les même effets, sur une échelle beaucoup plus grande" (Commission pour la libération de la croissance française, dite Commission Attali).

[5]) La Tribune du 22 janvier.

[6]) Idem.

[7]) Le Monde du 21 janvier.

[8]) La Tribune du 22 janvier

 

Récent et en cours: 

  • Crise économique [34]

France : Seule la lutte freine les attaques

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Au delà des vœux mielleux du Président pour 2008, la bourgeoisie française s'apprête à taper aussi fort qu'elle le pourra sur la classe ouvrière. Prise à la gorge par l'aggravation brutale de la crise économique mondiale, elle doit maintenant s'attaquer définitivement à tous les "avantages acquis". Et cela d'autant plus que, depuis plus de vingt ans, elle n'a pas été en mesure d'imposer à la classe ouvrière une politique de démantèlement de "l'État providence" à la hauteur des nécessités du capital national.

Le retard de la bourgeoisie française

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les gouvernements de la plupart des pays d'Europe occidentale ont mis en place ce qu'on a désigné "l'État providence" : couverture des dépenses de santé, indemnisation du chômage, pensions de retraite. Ce n'est nullement par philanthropie que la classe exploiteuse a mené une telle politique mais bien pour rationaliser l'exploitation de la classe ouvrière. La santé gratuite (ou à faible coût) pour les salariés était destinée à garantir l'entretien d'une force de travail à qui on demandait des efforts considérables afin de reconstruire une économie en ruines du fait de la guerre. L'indemnisation du chômage, sous couvert de "solidarité", ne coûtait pas très cher à la bourgeoisie à une époque de plein emploi. Quant à la prise en charge des pensions de retraite pour les vieux travailleurs (en général après 65 ans), elle ne coûtait pas très cher non plus du fait de l'espérance de vie des ouvriers à cette époque, espérance de vie affectée pour beaucoup d'entre eux par les terribles épreuves de la guerre. Une des meilleures illustrations de la rationalité parfaitement capitaliste de ces mesures c'est qu'elles ont été mises en place aussi bien par des gouvernements dirigés par des partis de gauche (comme en Grande-Bretagne) que par des gouvernements contrôlés par la droite, comme en Allemagne ou en France (où le général De Gaulle était le chef du gouvernement).

Cependant, depuis le début des années 1980, les bourgeoisies des principales puissances européennes concurrentes de la France, telles l'Angleterre et l'Allemagne se sont attachées à démanteler "l'Etat providence". La raison en est simple, à la fin des années 1960/début des années 1970, la crise économique mondiale du capitalisme entre dans une nouvelle phase d'approfondissement. Finie la période du "miracle économique" de l'après-guerre. A nouveau, une réalité implacable s'impose : faire en sorte que chaque capitalisme soit le plus compétitif possible sur l'arène de la guerre commerciale mondiale. Pour la bourgeoisie de tous les pays, il s'agit de faire baisser autant que possible le coût du travail. Autrement dit, la classe ouvrière doit commencer à se serrer la ceinture. La bourgeoisie se doit d'imposer dorénavant une austérité grandissante. Mais pour cela, elle lui faut d'abord s'attaquer à la résistance des ouvriers qui avaient déjà commencé à réagir face à la dégradation de leurs conditions de vie. Ainsi, les années 70 ont vu se développer une très forte combativité ouvrière dans le plus vieux pays capitaliste du monde, la Grande-Bretagne, dont l'économie était une des plus affectées par la crise mondiale. La bourgeoisie anglaise a confié à madame Thatcher la sinistre besogne de casser les reins d'un des prolétariats les plus combatifs du monde. La "Dame de fer", comme l'avait surnommée la bourgeoisie, s'y est employée avec zèle, notamment en provoquant et en entraînant les mineurs britanniques dans une lutte extrêmement longue et dure. Cette lutte sera finalement défaite par la capacité de la bourgeoisie à l'enfermer dans un complet isolement corporatiste avec une contribution de premier ordre des syndicats. La défaite infligée à ce secteur très important de la classe ouvrière dans ce pays, accompagnée d'autres défaites majeures dans d'autres secteurs comme celui de l'imprimerie, a permis à la bourgeoisie britannique d'avoir les mains libres pour lui imposer une austérité sans précédent et de démanteler "l'État providence".

Les raisons profondes de cette difficulté

Dans la majorité des pays occidentaux développés, cette politique d'austérité était brutalement déployée par des gouvernements de droite, le rôle de la gauche consistant, dans l'opposition, à saboter les luttes défensives de la classe ouvrière. Mais en France, du fait de toute une série d'archaïsmes de l'appareil politique de la classe dominante[1], l'arrivée à contretemps de la gauche au pouvoir, avec l'élection de Mitterrand en 1981, allait durablement freiner la capacité de la bourgeoisie de ce pays à mener des attaques aussi fortes et profondes que ses principaux concurrents. Les partis de gauche (partis socialiste et communiste) ne pouvaient pas du jour au lendemain faire au gouvernement, sous peine de se discréditer brutalement, exactement le contraire de tout ce qu'ils avaient annoncé pendant des années dans l'opposition. De ce fait, il a fallu attendre plusieurs années pour que se mette en place progressivement en France une réelle politique d'austérité (rebaptisée "rigueur" pour les besoins de la cause)[2]. Quant à la politique de "libéralisation" de l'économie développée dès la fin des années 1970 dans les principaux pays européens, elle a dû attendre plus longtemps encore. Cette politique pour la bourgeoisie présentait un double avantage. En premier lieu, elle plaçait les ouvriers travaillant dans les secteurs étatisés de l'économie non plus directement en face du seul Etat capitaliste, mais en face d'une multitude de patrons, ce qui favorisait la division et l'éparpillement des luttes. En second lieu, elle permettait d'introduire des modèles de gestion des entreprises plus concurrentiels. Il est plus facile de licencier dans ces secteurs que dans celui du secteur public. En France, c'est finalement le gouvernement de gauche Jospin, au cours des années 1990, qui privatisera franchement des secteurs entiers de l'économie française poussée par des accélérations de la crise économique mondiale. Dans ce domaine pourtant si important pour la bourgeoisie, la France capitaliste aura pris un retard certain.

Ainsi, malgré les effets ravageurs de la crise, le capital français a dû supporter, au moins jusqu'à présent, que les ouvriers en France partent à la retraite à 60 ans (une des principales promesses de Mitterrand en 1981 qu'il a dû satisfaire) quand l'âge de départ se situe à 65 ans et plus chez ses principaux concurrents, tout en continuant également, malgré les nombreuses attaques déjà effectuées sur ce plan, a maintenir un minimum de couverture de santé pour la classe ouvrière.

C'est fondamentalement cette incapacité de la bourgeoisie française à porter des attaques décisives contre "l'État providence" qui explique la situation de son économie plombée à la fois par un déficit de l'État de plus en plus catastrophique et un déficit croissant de son commerce extérieur. Au moment où, du fait de l'aggravation de la crise, le chômage pèse de manière croissante sur les finances publiques et que s'amenuisent les cotisations sociales, l'État est incapable de boucler ses budgets. Ses dépenses pèsent sur le prix des marchandises produites (à travers notamment des impôts) ce qui les rend de moins en moins compétitives sur le marché mondial. Lorsque le premier ministre Fillon déclarait, il y a quelques mois, que l'État français était en faillite sur un ton volontairement alarmiste, il ne faisait que traduire ouvertement cette urgence pour le capital français.

La bourgeoisie française face à la lutte de classe

L'incapacité de la bourgeoisie française à porter des attaques anti-ouvrières à un niveau suffisant ne résulte pas seulement de ses archaïsmes politiques qui ont provoqué la venue de la gauche au pouvoir en 1981. Elle résulte aussi de la capacité de la classe ouvrière en France à réagir aux attaques à laquelle elle est confrontée. Cela fait plusieurs dizaines d'années que la bourgeoisie se rappelle la surprise et l'angoisse qu'elle a vécue au moment de la grève ouvrière massive de mai 1968. Cette lutte massive représentait l'expression la plus forte de la reprise de la lutte ouvrière internationale après des dizaines d'année de contre-révolution. Pratiquement tous les pays d'Europe furent touchés par cette nouvelle vague de lutte internationale mais c'est en France, et de loin, que le prolétariat exprima au plus haut point sa combativité et sa capacité de lutter. Tout au long de la période qui nous sépare de 1968, cette capacité du prolétariat français allait se manifester. Que l'on se souvienne des luttes dans la sidérurgie à la fin des années 1970. Enfin, il y a à peine plus d'un an, la lutte exemplaire des jeunes générations contre le CPE venait rappeler à nouveau, si nécessaire, cette réalité. Cette force de la classe ouvrière en France a entravé la capacité de la bourgeoisie française à démanteler totalement "l'Etat providence".

Ce n'est donc pas par hasard si Sarkozy déclarait il y a quelques mois : "Je veux en finir avec l'esprit de mai 68". Ce cri du cœur que veut la bourgeoisie, et le plus rapidement possible, c'est casser totalement la Sécurité sociale, réduire les pensions de retraite en dessous même du minimum vital. C'est "dégraisser" comme le disent si bien les bourgeois, toutes les administrations et autres fonctions publiques de centaines de milliers de prolétaires fonctionnaires qui y travaillent. C'est flexibiliser au maximum le travail. C'est-à-dire mettre chaque travailleur à la disposition de ses exploiteurs. Mais plus encore que ses prédécesseurs de droite comme de gauche qui se sont succédés depuis 1968 à la tête de l'Etat, le gouvernement Sarkozy devra faire face à la capacité de réaction croissante de la classe ouvrière. Au moment où la lutte de classe se développe dans de nombreux pays du monde le prolétariat français aujourd'hui placé à la pointe de cette vague de luttes se trouve en mesure de faire face aux nouvelles attaques déjà programmés et annoncées par l'Etat bourgeois.

Face à la nouvelle accélération brutale de la crise économique, tous les gouvernements, qu'ils soient de droite ou de gauche, n'ont fondamentalement qu'une seule politique : attaquer toujours davantage la classe ouvrière[3]. La seule limite à l'exploitation de la classe ouvrière, c'est la capacité de résistance des prolétaires et de refus des "sacrifices" que la bourgeoisie et ses gouvernements, de gauche comme de droite, cherchent à leur imposer. La crise met ainsi à nu l'antagonisme fondamental et irréductible entre la classe exploiteuse et la classe exploitée. En conséquence, pour la bourgeoisie, la seule feuille de route, c'est d'attaquer toujours plus fort. Pour la classe ouvrière, le seule perspective, c'est le développement des luttes.

Tino (24 janvier)

[1]) Archaïsmes qui sont résumés dans la formule : "la France a la droite la plus bête du monde".

[2]) Il n'est pas inutile de rappeler que le Premier ministre socialiste qui a opéré le "tournant de la rigueur" n'était autre que Laurent Fabius, chef de file actuel de la "gauche" du PS.

[3] La gauche et les gauchistes quand ils proposent "de prendre l'argent dans la poche des riches", ne mettent en avant qu'une pure mystification idéologique car l'idée de relance de la production par la "consommation populaire" est une parfaite aberration dans le système capitaliste car la part de profit réinjecté dans l'économie s'amenuiserait alors que c'est une nécessité pour le fonctionnement du système capitaliste car ce qui caractérise le capitaliste, ce n'est nullement son train de vie c'est de réinvestir ses profits dans la production.

 

Géographique: 

  • France [35]

Situations territoriales: 

  • Situation sociale en France [25]

France : Le sabotage des luttes par les syndicats continue

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La journée de mobilisation nationale des fonctionnaires appelée par tous les principaux syndicats le 24 janvier a rassemblé la moitié moins de grévistes (20 à 25 %) et de manifestants (300 000 dont 25 000 à Paris) que la précédente le 20 novembre dernier. Et pour cause : alors que le 20 novembre avait servi d'enterrement de première classe à la grève des cheminots et des traminots (voir RI n° 385, décembre 2007), cette fois les syndicats avaient pris soin d'isoler et de canaliser la combativité restant forte chez les salariés pour lesquels les "négociations" sur les régimes spéciaux s'enlisent depuis plus de deux mois en les faisant manifester en catimini à Paris 2 jours avant. Ainsi, sans aucune publicité médiatique ni syndicale, le 22 janvier, entre 16 000 (selon la police) et 50 000 (selon les syndicats) cheminots, traminots, gaziers et électriciens ont défilé entre la gare d'Austerlitz et les Invalides, derrière 5 fédérations syndicales, CGT en tête. Leur mot d'ordre était clairement "défendre la future retraite de leurs enfants" et un agent de service de l'EDF déclarait nettement "Je défends ici l'avenir de mes enfants". En même temps, la colère était très forte chez les cheminots qui en plus des régimes spéciaux se retrouvaient sous le coup d'une nouvelle annonce de 1500 suppressions d'emplois dans le secteur du fret (transport des marchandises) de la SNCF. Seuls FO et SUD, reprenant leur posture radicale lors de la grève d'octobre-novembre n'y participaient pas mais appelaient leurs adhérents à rejoindre le cortège des fonctionnaires le 24. Une nouvelle fois, la division syndicale était au service de la division des ouvriers. La "Journée nationale d'action" du 24 regroupant la fonction publique d'Etat, les collectivités territoriales et divers services publics (en particulier les hôpitaux, les agences de l'ANPE ou la Poste) était dominée par le secteur de l'enseignement (où le taux de grévistes atteignait 40 %), concernés par 11 200 suppressions de poste sur les 22 900 prévus dans l'ensemble du secteur public à la rentrée 2008 et par les heures administratives supplémentaires (et non rémunérées) qu'on leur impose désormais. Mais dans le privé, les "négociations" sur les nouveaux contrats de travail sous le signe de la "flexisécurité" signés avec l'instance patronale du Medef par 5 syndicats sur 6 (à l'exception de la CGT) constituent pour 11 millions de salariés une déréglementation complète dans le prolongement de la réforme du Code du travail adopté en douce en décembre dernier : en cas de licenciement, il s'agira "rupture de contrat à l'amiable" pour éviter de passer par les tribunaux, de généraliser des CDD "de mission" limités à 36 mois ; de périodes d'essai porté de 1 à 2 mois pour les ouvriers et employés, de 2 à 4 mois pour les cadres. Et les syndicats osent parler de "compromis équilibrés" et de "contreparties gagnantes" pour... quelques mois de prolongation de droits à une mutuelle complémentaire de santé en cas de "rupture de contrat amiable" ! Les syndicats sont non seulement à l'avant-garde de la bourgeoisie non seulement pour saboter et diviser la riposte des ouvriers mais aussi pour faire passer les attaques de la bourgeoisie. La collusion entre les syndicats, le gouvernement et le patronat est manifeste. Face à l'usure grandissante des appareils syndicaux, une duperie supplémentaire est organisée pour enfumer la conscience des ouvriers et bloquer la dynamique de leur réflexion : la négociation sur "la représentativité des syndicats" qui viennent de s'ouvrir ne peut servir qu'à occuper le terrain et faire diversion en alimentant la querelle entre les "syndicats représentatifs" accrochés à leurs intérêts de boutique et les "syndicats émergents" tels que l'UNSA et Sud-Solidaires qui se posent en nouvelles forces d'encadrement des ouvriers. Les ouvriers ne doivent compter que sur eux-mêmes pour développer leurs luttes et non pas sur les syndicats qui y feront toujours obstacle, quel que soit leur image et leur statut, officiel ou non.

W (25 janvier)

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  • Situation sociale en France [25]

Russie : La combativité ouvrière brave la répression

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La répression de la classe ouvrière caractérise tous les régimes capitalistes ("démocratie" ou "dictature") : c'est toujours par la terreur que la classe bourgeoise impose son ordre social à la classe exploitée. En Russie, la structure criminelle du système social, économique et politique explique la permanence et la brutalité de la répression que subit la classe ouvrière de la part de l'État. Toute l'économie est quadrillée par les "monopoles" contrôlés par le clan des "hommes en uniforme" qui s'accaparent les grandes sociétés ainsi que les postes de gouverneurs des régions. L'économie est asservie dans l'unique but de produire un maximum de revenus à la camarilla de la classe dominante. La plupart des patrons et des bureaucrates d'État, gangsters membres de l'ex-KGB, savent, parce qu'ils peuvent perdre leur position du jour au lendemain au gré de la lutte à mort entre fractions, que leur temps au pouvoir est compté. C'est pourquoi, afin de se faire un maximum d'argent en un minimum de temps, ils usent de tous les moyens possibles pour tirer un maximum de profit de la classe ouvrière, depuis le légalisme du "droit du travail" révisé en 2001 qui rend pour ainsi dire illégal tout mouvement de grève de plus de 24 heures, la condamnation systématique des grèves par les cours de justice jusqu'à la violence de la police ou des milices armés contre les ouvriers combatifs.

Salut à la riposte de la classe ouvrière !

Bravant cette répression, les luttes ouvrières qui ont surgi lors de la dernière période font voler en éclats le mythe entretenu par les médias d'une majorité satisfaite de sa situation et toute entière derrière un Poutine adulé. "Si le mois de novembre doit rester dans les mémoires, ce ne sera pas en raison de la campagne électorale ou des intrigues politiques au Kremlin, mais à cause du surgissements des luttes ouvrières."[1]

Une vague de grèves, première manifestation de la combativité ouvrière depuis près d'une décennie, a, depuis le printemps, balayé le pays de la Sibérie Orientale au Caucase, touchant de multiples secteurs tels la région du pétrole de Khanty-Mansiysk dans le Grand Nord, des chantiers de construction en Tchétchénie, une usine de la filière bois à Novgorod, un hôpital dans la région de Tchita, le service de maintenance des logements à Saratov, les fast-food à Irkoutsk, l'usine automobile General Motors-AvtoVAZ à Togliatti, ou encore une grosse usine métallurgique en Carélie. Le renforcement des mesures répressives au cours de l'été pour endiguer la montée des luttes est largement resté sans effets.

En novembre, les dockers du port de Tuapse en Mer Noire (les 4-7 novembre), puis ceux du port de St-Pétersbourg (13-17 novembre) sont entrés en grève alors que les ouvriers des Postes cessaient le travail pour la première fois depuis 2001 (le 26 octobre), de même ceux du GouP TEK (secteur de l'énergie). Les conducteurs des Chemins de fer russes (R.ZH.) menacent de faire grève pour la première fois depuis 1988. "La grande vague de grèves qui a déferlé sur la Russie ne se calme pas. D'une entreprise à l'autre, les arrêts de travail succèdent aux blocages, tandis que certaines sociétés qui travaillent encore sont menacées de grèves (...) L'automne de cette année 2007, que le pouvoir en pleine campagne des législatives tente de présenter comme l'aboutissement du processus de stabilisation et d'une ère de prospérité, a été marqué par la montée en puissance de la "conscience prolétaire"."[2] Si pour le moment les grèves restent limitées à une entreprise ou une région particulière, elles manifestent la riposte de la classe ouvrière à la dégradation galopante de ses conditions de vie. Les inégalités insupportables dans la société, le luxe le plus insolent étalé par les oligarques et les managers d'entreprises alors que la majorité des ouvriers peine à s'offrir trois repas par jour, exacerbent le mécontentement. Surtout, si la question des salaires se trouve au cœur des luttes et forme l'aiguillon de la combativité ouvrière, c'est parce que les salaires sont dévorés par le développement faramineux de l'inflation et l'augmentation de 50 à 70 % des prix alimentaires, alors même qu'une nouvelle hausse de 50 % est attendue au cours de l'hiver !

Face à cette situation, la Fédération des syndicats indépendants de Russie, héritière de l'ancienne confédération soviétique et pro-gouvernementale, par définition hostile à toute lutte, est trop discréditée pour jouer efficacement son rôle d'encadrement de la lutte du prolétariat au profit de la classe dominante. Elle est même vue "comme l'adversaire le plus énergique du mouvement des ouvriers" [3]. C'est pourquoi, avec l'aide de centrales occidentales, une partie de la bourgeoisie russe cherche à exploiter les illusions existant chez les ouvriers sur les syndicats "libres" et "de lutte" pour que se développent de nouvelles structures comme le syndicat cheminot RPLBJ, la confédération Zachita Truda ou le Syndicat interrégional des travailleurs de l'automobile, fondé à l'initiative du Comité syndical de Ford et regroupant des syndicats indépendants de plusieurs grandes entreprises.

C'est celui-ci qu'on a vu à l'œuvre dans la grève de l'usine Ford à Saint-Pétersbourg, en novembre-décembre, où la majorité des 2200 ouvriers s'est mobilisée pour une augmentation de 30 % des salaires [4]. Cette lutte a contribué à rompre le black-out sur les luttes ouvrières en Russie.

La direction a d'abord organisé le lock-out de l'usine avec l'aide des OMON [5]. Sous l'impulsion du syndicat, les ouvriers se sont massés quotidiennement par centaines dans un piquet aux portes de l'entreprise sans autre perspective que de "tenir" face à la direction refusant toute négociation. Après un mois, la grève s'effilochant, les ouvriers, épuisés, ont dû reprendre sans rien avoir obtenu, en se pliant aux conditions de la direction : la promesse de négociations après la cessation de la grève.

C'est en isolant ainsi les ouvriers sur "leur" usine et en restreignant les expressions de solidarité des autres secteurs à l'envoi de messages de sympathie et au soutien financier à la caisse de grève que ces nouveaux syndicats indépendants ont infligé cette dure défaite aux ouvriers.

Toute l'expérience de la classe ouvrière depuis des décennies montre qu'il n'existe pas de syndicalisme au service de la lutte ouvrière, qu'il est une arme de la classe dominante et les syndicats des organes de l'Etat capitaliste dont la fonction est de contrecarrer les besoins d'unité, de solidarité, d'extension et, dans l'avenir, d'internationalisation de la lutte ouvrière. Ce qui importe pour la classe ouvrière ce n'est pas de reconstruire de nouveaux syndicats. Son avenir, elle devra le forger en développant la confiance en ses propres forces et ses propres moyens de lutte, les seuls qui lui permettent de construire un rapport de force en sa faveur face à la bourgeoisie : les assemblées générales et la lutte unie et solidaire de toute la classe ouvrière.

Igor (25 janvier)


[1]) Moscow Times, 06.12.07.

[2]) Vremia Novostieï, cité par Courrier international n° 892.

[3]) Moscow Times, 29.11.07

[4]) Les salaires sont de 550 euros en moyenne.

[5]) Police anti-émeutes.

Récent et en cours: 

  • Luttes de classe [18]

Allemagne : La combativité montante de la classe ouvrière au niveau mondial

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En 2007, l'Allemagne a connu le plus grand nombre de jours de grèves accumulés (dont 70% à cause des grèves du printemps contre « l'externalisation », c'est-à-dire la délocalisation, de 50 000 emplois dans les télécoms) depuis 1993, au lendemain de la réunification. Ce pays a été non seulement vanté ces dernières années pour son dynamisme économique mais aussi comme modèle de « concertation sociale ».

La grève des cheminots

C'en est bien fini. La grève des cheminots qui s'est achevée début janvier après dix mois de conflit l'illustre bien. Alors que le nombre d'employés des chemins de fer a été réduit de moitié en 20 ans et que les conditions de travail se sont dégradées comme jamais auparavant dans ce secteur, leurs salaires ont été de plus bloqués depuis 15 ans, faisant du travail des cheminots en Allemagne un des métiers les plus mal payés (en moyenne moins de 1500 euros mensuels). Pendant ces dix mois, les cheminots allemands ont subi toutes sortes de manœuvres, de menaces et de pressions :

  • Les tribunaux allemands avaient déclaré au mois d'août dernier que la grève était illégale dans ce secteur. Or, la grève de trois jours, lancée par les conducteurs de train en novembre et qui était annoncée clairement par les conducteurs comme étant une grève "illimitée", a été immédiatement et comme par miracle légalisée par les tribunaux au moment même où se déroulait également la grève des cheminots en France
  • Les syndicats ont joué un rôle majeur pour diviser les ouvriers à travers un partage des tâches entre les syndicats partisans de la légalité et ceux plus radicaux prêts à la transgresser comme le syndicat corporatiste des roulants GDL qui s'est présenté comme l'animateur de la grève.
  • Une vaste campagne a été organisée par les médias pour dénigrer le caractère «égoïste» de la grève alors que celle-ci a bénéficié de la sympathie d'une majeure partie des autres ouvriers «usagers» de plus en plus nombreux à s'identifier eux aussi comme victimes des mêmes «injustices sociales».
  • l'Etat allemand a cherché à intimider les conducteurs de train en les menaçant de leur faire payer les millions d'euros perdus du fait de la grève.

Malgré cela, les cheminots n'ont pas reculé et ont en définitive imposé un rapport de force à la bourgeoisie allemande.

Le conflit s'est achevé sur une augmentation de 11% de salaire toutefois réservé au seul secteur des « roulants » de la Deutsche Bahn. De plus, cela non seulement était bien loin des 31% revendiqués par les ouvriers mais cette augmentation est déjà rognée par un ensemble de conventions salariales sur 19 mois dont la réduction de 41 à 40 heures de travail hebdomadaire pour les 20 000 conducteurs de train à partir de ... février 2009. Mais il est significatif que l'Etat ait lâché ces maigres concessions pour servir de soupape face à une montée générale des revendications sur les salaires.

La lutte autour de Nokia à Bochum

La combativité montante du prolétariat en Allemagne s'est illustrée de la manière la plus éclatante à Bochum lorsque le constructeur finnois de téléphonie mobile Nokia a annoncé pour fin 2008 la fermeture de son site à Bochum qui emploie 2300 ouvriers et qui représente avec les travailleurs intérimaires et les entreprises sous-traitantes la perte de 4000 emplois pour cette ville. Le 16 janvier, au lendemain de cette annonce, les ouvriers ont refusé de prendre leur poste de travail et des ouvriers de l'usine voisine d'Opel, d'autres de chez Mercedes ou ThyssenKrupp, des sidérurgistes de l'entreprise Hoechst à Dortmund, des métallos venus de Herne, des mineurs de la région ont afflué aux portes de l'usine Nokia pour leur apporter leur soutien et leur solidarité. Le 22 janvier, ce même sentiment de solidarité avec les ouvriers de Nokia était au cœur d'une manifestation de 15 000 personnes réunissant à nouveau les ouvriers des entreprises de toute la région défilant dans les rues de Bochum.. Les ouvriers renouent ainsi avec leurs expériences passées de combativité. En 2004, les ouvriers de l'usine Daimler-Benz à Brême s'étaient ainsi mis spontanément en grève en refusant le chantage à la concurrence entre les sites de production de la direction par solidarité à l'égard des ouvriers de Stuttgart de la même entreprise menacés de licenciements. Quelques mois plus tard, d'autres ouvriers de l'automobile, précisément déjà ceux d'Opel à Bochum, avaient déclenché spontanément une grève à leur tour face à une pression de la direction du même type. C'est justement pour enrayer ces manifestations de solidarité ouvrière par rapport aux ouvriers de Nokia à Bochum, et pour les dévoyer, que gouvernement, élus locaux ou régionaux de tout bord, église, syndicats et représentants du patronat allemand, ont orchestré une grande et bruyante campagne nationale "dénonçant" le caractère sans scrupule de Nokia et accusant le constructeur finnois d'avoir « scandaleusement abusé » l'Etat allemand et avoir profité de ses subventions. Tous jurent, la main sur le cœur, qu'ils avaient misé ces fonds pour l'emploi et qu'aujourd'hui encore ils veulent défendre bec et ongles « leurs » ouvriers contre ces patrons déloyaux[1].

La perspective est à un développement de la lutte des classes. Ce développement des luttes ouvrières dans un pays aussi central, avec toute l'expérience historique et le rôle central qu'il détient pour le prolétariat d'Europe ne peut être qu'un catalyseur puissant pour les combats que mènent les ouvriers sur tout le continent. C'est pour cette raison que la bourgeoisie fait mine de se poser à Bochum en défenseur et protecteur de « ses » ouvriers»: afin d'étouffer les réelles manifestations de la solidarité ouvrière qui se sont exprimées là et tenter d'empêcher qu'elles ne se propagent.

WA (27 janvier)

[1] L'hypocrisie de l'argument est d'autant plus grande que la classe ouvrière de ce pays est particulièrement exposée aux attaques incessantes de bourgeoisie nationale (âge de la retraite repoussée jusqu'à 67 ans, plans de licenciements, coupes dans toutes les prestations sociales de l'Agenda 2010, ...).

Géographique: 

  • Allemagne [36]

Récent et en cours: 

  • Luttes de classe [18]

Courrier de lecteur - Les travailleurs du pétrole s’opposent aux attaques du chavisme

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Nous publions ci-dessous notre réponse à une note envoyée par un lecteur du Brésil (T), qui nous demande notre avis sur un article qu'il a reçu et dont nous publions quelques extraits. Cet article traite de luttes et de mobilisations ouvrières au Venezuela en septembre dernier, luttes particulièrement révélatrices de la vraie nature anti-ouvrière du chavisme.

 

L'article que T nous a renvoyé est écrit en anglais[1]. Nous en traduisons ci-dessous quelques extraits :

"Des travailleurs du pétrole affrontent la police pour le renouvellement de leurs conventions collectives.
Cent cinquante ouvriers de la raffinerie de Puerto La Cruz, accompagnés des travailleurs du complexe pétrochimique Jose, se sont dirigés vers les bureaux de la Corporation vénézuélienne du Pétrole (CVP) à Urbaneja, pour transmettre un document à Rafael Ramirez, ministre de l'Énergie et président de la compagnie pétrolière d'État PDVSA, qui était réuni avec la commission de négociation de la Fédération unitaire des travailleurs des pétroles du Venezuela (FUTPV). Ils furent stoppés par le Groupe d'intervention immédiate de la police d'Anzoategui.
Lors de cet affrontement de trois heures, 40 ouvriers furent arrêtés, trois d'entre eux blessés, dont un qui reçut une balle dans le dos... Ayant eu connaissance de cette répression policière, 4000 travailleurs des entreprises Petroanzoátegui, Petrocedeño, et du Projet San Cristobal, ont immédiatement arrêté leur travail.

"... Dans une déclaration de solidarité avec les ouvriers du pétrole d'Anzoategui, dénonçant la violence policière, la Fédération UNT-Zulia a dit : "Nous pensons que cette situation a dégénéré à cause de l'intransigeance de PDVSA qui a laissé traîner les discussions sur la convention pendant des mois, en faisant des offres en dessous des attentes des travailleurs, en imposant arbitrairement une commission de négociation (de la FUTPV) pour discuter sur la convention alors qu'elle n'avait pas été élue par les travailleurs".

"C-CURA (Courant de classe, unitaire, révolutionnaire et autonome) a fait un appel pour qu'il y ait un changement dans la commission de négociation..., parce que, autrement, ils "radicaliseront" leurs actions. Mais, des appels similaires, faits par C-CURA et Fedepetrol, à des actions radicales et à des arrêts de travail généraux pour "paralyser" l'industrie pétrolière à "l'heure zéro" le 6 août, n'ont mobilisé que 1500 travailleurs au plus dans tout le pays. Hier, la Fédération de travailleurs de UNT-ZULIA, a déclaré : "Nous pensons que certaines situations [dans l'industrie pétrolière] sont le résultat des manœuvres des secteurs droitiers au sein du chavisme pour créer des conflits dans le pays et déstabiliser ainsi le processus de réforme constitutionnel". Mais les travailleurs d'Anzoategui ont rejeté ces accusations en brandissant une pancarte avec l'inscription : "Nous ne sommes pas des guarimberos, nous sommes des travailleurs du pétrole" (la guarimba est une forme de protestation dont le seul but est de provoquer la violence pour atteindre des objectifs politiques). Les travailleurs du pétrole d'Anzoategui ont annoncé qu'ils continueront leurs manifestations de rue et qu'ils resteront vigilants, malgré les promesses de Ramirez sur une meilleure convention collective dans les deux prochaines semaines.

Notre réponse

Cher camarade T,

Nous voulons saluer l'envoi de ton courrier. Nous allons y répondre brièvement, en profitant de cette occasion pour évoquer la situation de la lutte de classe au Venezuela.

Sur la lutte des travailleurs du pétrole

La lutte menée en septembre-octobre dernier par les ouvriers du pétrole de l'entreprise d'État PDVSA, la plus importante du pays, s'est soldée par un certain nombre de travailleurs blessés et plusieurs arrestations. La cause immédiate de la lutte a été le retard de plus de 8 mois dans la discussion de la convention collective qui régit les salaires et les conditions de travail des ouvriers de ce secteur. L'entreprise, en accord avec les syndicats, la plupart contrôlés par des tendances favorables au chavisme, a retardé la discussion sur les salaires. La lutte des ouvriers a contraint plusieurs dirigeants syndicaux à se "radicaliser" contre la compagnie PDVSA et le gouvernement, pour ne pas être totalement discrédités face aux travailleurs.

En fin de compte, les syndicats et PDVSA ont fini par signer une misérable augmentation salariale de 12 000 bolivars par jour (3,8 euros), ce qui fut rejeté par les ouvriers qui exigeaient une augmentation de 30 000 bolivars. Il faut savoir que le salaire mensuel d'un ouvrier du pétrole est à peu près de 1 320 000 bolivars (autour de 420 euros), ce qui correspond à un peu plus d'une journée d'alimentation de base pour une famille de 5 personnes. Et pourtant, les ouvriers du pétrole sont une des catégories les mieux payées du pays !

Nous pensons, cependant, que cette lutte a représenté un gain politique et moral pour les ouvriers du pétrole et pour le prolétariat vénézuélien dans son ensemble.

En premier lieu, les travailleurs du pétrole ont repris la lutte sur leur terrain de classe, après avoir été un des secteurs les plus frappés par les coups de la bourgeoisie (20 000 employés de PDVSA avaient été licenciés en 2003 sans la moindre indemnisation). Les ouvriers, du moins lors de ces mobilisations, ont réussi à se placer sur le terrain de leurs revendications, malgré le forcing permanent de la bourgeoisie pour mettre n'importe quelle lutte ouvrière ou sociale sur le terrain de la polarisation sur le projet de réforme de la constitution.

Sur la nature anti-ouvrière du chavisme

Mais surtout, la lutte a mis à nu le caractère bourgeois et anti-ouvrier du gouvernement Chavez : comme les gouvernements qui l'ont précédé (que le chavisme accuse de tous les maux sociaux), celui de Chavez riposte de la même manière : répression, bombes lacrymogènes, plomb et prison contre les ouvriers qui "osent" lutter pour une vie plus digne.

Ces luttes ont été précédées par d'autres en mai dernier, qui ont mobilisé les ouvriers du pétrole pour la réintégration de plus de 1000 ouvriers des entreprises pétrolières récemment nationalisées, que le gouvernement "socialiste" de Chavez voulait jeter à la rue : voilà une expression authentique et importante de la solidarité ouvrière à laquelle ont aussi participé les familles des ouvriers.

Comme nous l'avons dit, les travailleurs sont restés insatisfaits de cet accord. Le mécontentement est toujours latent et il peut se réveiller à tout moment. Il est important d'ajouter que la même réaction que celle qui a eu lieu chez les ouvriers du pétrole, commence à se développer avec une certaine force dans d'autres secteurs. Les médecins, les instituteurs et des travailleurs dans d'autres secteurs publics ont commencé à se mobiliser pour des revendications salariales ; lors d'une récente assemblée des médecins à Caracas, travaillant pour le ministère de la Santé, ceux-ci se sont déclarés "prolétaires de la santé".

Il est important de dire que les gouvernants et les opposants ont tout essayé pour diviser et polariser le mouvement, en réussissant leur coup dans pas mal de cas. Et, en plus, le gouvernement mobilise ses organisations (cercles bolivariens, conseils communaux, service de contrôle social, et même, quand il leur semble nécessaire, ses bandes armées) pour intimider et même agresser physiquement les travailleurs.

Par ailleurs, presque quotidiennement, apparaissent des expressions d'indignation des masses paupérisées (en grande partie sympathisantes ou soumises au clientélisme gouvernemental), qui protestent contre le manque de logements, la criminalité, le manque de services sociaux, etc., et dernièrement contre de la rareté des produits tel que le lait, le sucre, l'huile, etc. Dans certains cas, elles ont été réprimées. Voilà bien une situation qui apparaît clairement à l'opposé de ceux qu'on appelle la "bolibourgeoisie", ou bourgeoisie bolivarienne, qui étale son opulence [2].

Voilà le véritable visage du "socialisme du xxie siècle" promu par Chavez et acclamé par la gauche, les gauchistes et les alter-mondialistes qui se pâment en regardant ses discours à la télévision : comme tout régime bourgeois, il est bâti sur l'exploitation des masses ouvrières. La seule différence, c'est la logorrhée "révolutionnaire" pour essayer de mystifier les prolétaires à l'intérieur et à l'extérieur du pays.

L'aggravation de la crise capitaliste obligera la classe ouvrière du Venezuela à lutter contre l'État, tel que les ouvriers du pétrole, de la santé et de l'éducation l'ont fait. C'est ainsi, sur son terrain de classe, que le prolétariat pourra sortir du piège de la polarisation politique qui l'entrave, en s'intégrant dans la lutte du prolétariat mondial pour la construction du véritable socialisme.

Nous espérons avoir répondu à tes questions.

CCI (19 novembre 2007)

[1]) Venezuelanalysis.com.

[2]) Lors d'un récent "Allo, Président", show TV dominical animé par Chavez lui-même, celui-ci n'a pas pu faire autrement que de critiquer les "révolutionnaires" dorés paradant en 4x4 tous terrains (qui dépassent les 100 millions de $), et qui boivent du whisky de 18 ans d'âge... Ce que Chavez ne dit pas, c'est qu'il tire bien profit, pour lui, sa famille et son clan, des recettes pétrolières. La "révolution bolivarienne", qui avait levé le drapeau de la lutte contre la corruption, aime bien barboter dans ses eaux croupies.

 

Vie du CCI: 

  • Courrier des lecteurs [37]

Assassinat de Benazir Bhutto - Le Pakistan au coeur des rivalités impérialistes

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Le 27 décembre 2007, Benazir Bhutto était assassinée. Son retour de Dubaï en octobre dernier avait déjà été l'occasion d'un attentat qui la visait et avait fait 139 morts. Bien sûr, cette égérie défunte de la "démocratie" s'est vue offrir un panel circonstancié d'hommages venant de la presse bourgeoise internationale. Son "charisme" et son "courage extraordinaire", sa "résistance à l'hégémonie militaire" ont fleuri la une de la plupart des journaux occidentaux et des pays arabes modérés. Mais c'est aussi l'inquiétude qui a marqué les réactions tant des éditoriaux journalistiques que des hommes politiques : "ouverture vers l'abîme", "vers le chaos politique" et "l'implosion du Pakistan", etc. L'ONU s'est réunie en urgence, pour se replier dans l'impuissance tout aussi précipitamment. Et les Etats-Unis, par la voix du département d'Etat, condamnaient "des gens qui là-bas (...) essayent d'interrompre la construction d'une démocratie" et Bush exhortait " le Pakistan à honorer la mémoire de Benazir Bhutto en poursuivant le processus démocratique pour lequel elle a donné courageusement sa vie". Bref, selon la bourgeoisie, Benazir Bhutto incarnait à elle seule le salut d'un Pakistan qui fait face à une instabilité grandissante. Son retour avait soulevé toute une vague d'espérances sur la possibilité de mettre un frein à l'anarchie qui gangrène un État dont l'armée est de plus en plus infiltrée par les islamistes radicaux et qui est détenteur de l'arme nucléaire.

Ainsi, en 2007, on a dénombré 800 morts, principalement du fait d'attentats suicides. Les talibans font des percées régulières en territoire pakistanais, en particulier au nord-ouest où des soldats sont tués ou enlevés par centaines. Pas plus les 90 000 hommes de troupe massés à la frontière que les dix milliards de dollars alloués à l'Etat pakistanais n'ont permis un contrôle de la situation. Les conflits religieux entre Chiites et Sunnites, qui à eux seuls ont fait 4000 morts en 15 ans, sont une source chaque jour plus ouverte de violence, conflits auxquels les tensions toujours plus exacerbées entre ethnies viennent faire du Pakistan une nouvelle poudrière. L'assassinat de Benazir Bhutto est venu jeter une nouvelle dose de haine sur le feu des dissensions entre Sindis (ethnie de la famille Bhutto) et Pendjabis (dont le territoire a été le théâtre de l'attentat contre l'ex-premier ministre).

De plus, des millions d'Afghans se sont réfugiés au Pakistan, ce qui vient rajouter à l'instabilité du pays, et même si environ 2,3 millions d'entre eux ont été rapatriés en 2005, plus d'un million restent encore.

Le climat de suspicion et de guerre larvée est généralisé dans toute la classe politique, exprimant de façon aiguë les mœurs de gangsters de la bourgeoisie : par exemple, immédiatement après l'assassinat, c'est la main d'Al Qaïda qui était désignée mais, dans le même temps, les militaires proches du pouvoir étaient eux aussi considérés comme des organisateurs potentiels de l'attentat.

Un nouvel échec des Etats-Unis

En clair, le Pakistan est un pays à la limite d'une explosion politique, militaire et socio-ethnique. Le régime de Musharraf y a sa part de responsabilité : corruption généralisée, accointances avec les talibans, double langage avec les Etats-Unis. Il ne plaît d'ailleurs à personne : de moins en moins aux islamistes depuis le massacre de la Mosquée rouge l'an dernier, comme à des secteurs de plus en plus larges d'une armée divisée entre les partisans islamistes et les clans anti-américains, aux occidentaux depuis la mise en place de l'état d'urgence à l'automne 2006, pour mieux préparer sa réélection à la présidence, jusqu'aux Etats-Unis eux-mêmes pour lesquels il manque totalement de fiabilité en tant "qu'allié". Et c'est pourtant à présent sur ce seul homme politique qu'ils vont être contraints de s'appuyer dans le conflit en Afghanistan.

Lorsque les Etats-Unis ont lancé leur invasion de l'Afghanistan en 2003, se servant de la destruction du World Trade Center et de la cause de la "guerre contre le terrorisme" comme prétexte, le soutien du Pakistan leur était nécessaire. L'Amérique lui avait promis qu'elle soutiendrait les tribus hostiles à l'Alliance du Nord, ennemie traditionnelle et barrière à l'influence pakistanaise en Afghanistan, mais cette promesse a fait long feu du fait de l'influence gagnée par l'Alliance du Nord dans la situation qui a prévalu après la défaite des talibans. Cependant, l'aide du Pakistan aux Etats-Unis n'avait été initialement obtenue que sous la menace de Bush de bombarder le pays à un tel point qu'il le renverrait "à l'âge de pierre" ! s'il ne lui donnait pas "volontairement" son soutien pour la guerre en Afghanistan. Cette menace a d'ailleurs été récemment plus ou moins rappelée par le démocrate Barack Obama dans la campagne présidentielle actuelle, sous-entendant que les Etats-Unis pouvaient toujours bombarder les bastions d'Al Qaïda au Pakistan sans permission ; ce à quoi le président Musharraf a répondu qu'il considérerait de telles attaques comme des attaques ennemies !

Aussi, c'était afin d'essayer de trouver un appui plus fiable au sein de l'Etat, tout en donnant un vernis plus "démocratique" à l'alliance avec le Pakistan, et pour tenter de ralentir les forces centrifuges qui font ravage, que l'Amérique avait fait appel à Benazir Bhutto. Issue d'une famille de politiciens pakistanais de longue date, vieille routarde de la politique puisque par deux fois premier ministre, bénéficiant d'une aura internationale de défenseur patenté de la "démocratie", la dirigeante du Parti du Peuple Pakistanais était de plus connue comme une "fidèle des Etats-Unis" [1].

C'est donc en tant que telle que son retour au pays avait été organisé et arraché à Musharraf par l'Administration américaine dans l'objectif de constituer une coalition incluant des "modérés", mieux à même de soutenir la politique américaine en Afghanistan et au Pakistan.

Quels que soient les commanditaires de cet assassinat, la disparition de Benazir Bhutto est donc un échec cuisant pour la Maison Blanche dans sa croisade contre le terrorisme. Déjà englués dans le chaos irakien et loin de sortir du bourbier afghan, les Etats-Unis se trouvent une nouvelle fois devant une aggravation de leur affaiblissement sur la scène internationale.

Le Pakistan, pièce maîtresse de l'impérialisme américain

Que l'Amérique se trouve en butte à une difficulté supplémentaire par rapport au Pakistan ne signifie pas pour autant que ce dernier puisse profiter en quoi que ce soit d'une telle situation. Celle-ci ne peut que s'aggraver et s'accélérer. Le problème de fond n'est d'ailleurs pas en soi Musharraf. Il s'agit d'une question plus large qui touche aux origines mêmes de la fondation en 1947 de l'État pakistanais, tiraillé en tous sens, proie de multiples tensions guerrières ainsi que de nombreuses pressions internes et externes.

Le conflit congénital entre le Pakistan et l'Inde vient au premier plan. C'est ce conflit qui a poussé l'État pakistanais à se doter (sous l'impulsion de Bhutto père) de l'arme nucléaire. Rappelons que les dissensions indo-pakistanaises sur le Cachemire et la course aux armements nucléaires entre ces deux pays ont conduit à la menace de guerre en 2002, et le risque réel d'utilisation de l'arme atomique. Ce n'est que sous une puissante pression des Etats-Unis que le danger de guerre a été enrayé, ces derniers craignant que ce conflit ne vienne entraver leur propre perspective militaire. Mais aucun des problèmes entre Islamabad et New-Delhi n'a été résolu. La course aux armements entre les deux États a pris de telles proportions qu'ils sont devenus les deux principaux canaux de transfert d'armes vers le tiers-monde en 2006, tandis qu'ils alimentent chacun de leur côté attaques terroristes et attentats aveugles, excitant le nationalisme le plus répugnant, au plus grand mépris des populations qu'ils prétendent "libérer" du joug de l'adversaire.

Mais c'est aussi dans le cadre de l'affrontement entre les blocs de l'Est et de l'Ouest, aux temps de la Guerre froide, que le Pakistan a joué un rôle important dans la guerre impérialiste. Ainsi, durant les années 1980, le Pakistan était stratégiquement important pour l'aide accordée par le bloc de l'Ouest aux Moudjahidines, qui combattaient l'URSS en Afghanistan. A l'époque, ces islamistes n'avaient pas que Dieu mais aussi des missiles Stinger américains de la CIA de leur côté.

Globalement, la situation stratégique du Pakistan n'est pas à son avantage et rend ses positions très complexes. Ce pays détient en effet des frontières importantes avec l'Afghanistan, tout comme avec l'Iran, la Chine et l'Inde.

Contraint par la force de soutenir les Etats-Unis dans leur "guerre contre le terrorisme", il ne peut en même temps rien gagner de cette loyauté, car il est pris dans une convergence d'intérêts entre l'Inde, son ennemie intime, et les Etats-Unis, le Big Boss qui lui impose son diktat. D'autre part, son autre "protecteur", la Chine, a de son côté des appétits impérialistes qui la poussent au conflit avec l'Inde mais aussi avec l'Amérique, ce qui le met donc en porte à faux vis-à-vis de Washington. Le tout sur fond d'une guerre avec l'Afghanistan qui ronge littéralement le pays par tous les bouts et d'une guerre larvée mais permanente avec l'Inde.

Quel que soit le résultat des élections de février, le Pakistan ne peut échapper à une instabilité et à un chaos croissants qui font planer une menace supplémentaire sur l'équilibre de toute cette région du monde.

Wilma (21 janvier)


[1]) Démise par deux fois de ses fonctions pour corruption, impliquée dans l'assassinat de son propre frère devenu en 1992 un rival potentiel, pour ne citer que ces deux exemples, il va sans dire que sa carrière politique a montré qu'elle n'avait rien à envier en matière de coups tordus à des Nawaz Sharif et Pervez Musharraf.

 

Géographique: 

  • Pakistan [38]

Personnages: 

  • Benazir Bhutto [39]
  • Parvez Musharraf [40]

Récent et en cours: 

  • Assassinat de Bhutto [41]

Le Kenya à son tour à feu et à sang

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Le Kenya, longtemps réputé "havre de paix" ou "safari exotique" par excellence, promu aux films à grand spectacle hollywoodiens, vient de sombrer dans un des chaos les plus horribles dont le continent africain détient le triste monopole. "Longtemps réputé être l'une des démocraties les plus stables d'Afrique, le Kenya attire près d'un million de touristes par an. Cette image a volé en éclats en l'espace d'une seconde pour un couple d'Américains implorant un billet d'avion. ‘Nous venons de voir une femme brûlée vive sous nos yeux. Nous devons impérativement partir', plaide l'homme. (...) Car le Kenya compte, aux yeux des Occidentaux. Seul pays d'Afrique jugé suffisamment paisible pour abriter plusieurs agences des Nations Unies, il accueille aussi les sièges de centaines d'ONG, de multinationales, de banques et médias. Son économie à croissance rapide semblait pouvoir être le moteur de la prospérité de la région" (Courrier International du 16 janvier 2008)

En effet, suite à la proclamation des résultats de l'élection présidentielle de décembre dernier qui opposait le président sortant (Mwai Kibaki) à son rival (Raila Odinga), le premier a vite proclamé sa "victoire" et le second a immédiatement répliqué en se disant, lui aussi, "victorieux". Alors que ces deux politicards avaient pu gouverner le pays ensemble en 2002 sans aucune référence à leur appartenance ethnique, cette fois-ci, chacun a mobilisé cyniquement son "ethnie" en vue de déclencher les tueries en cours qui ont déjà fait près de 1000 morts et plus de 250 000 déplacés. Et beaucoup de maisons brûlent encore, avec, dans certains cas, leurs propres occupants à l'intérieur ; bref on assiste à d'abominables massacres de masse que les médias appellent "guerre ethnique" ou "génocide".

Parce qu'ils sont totalement discrédités et incapables de satisfaire les besoins des populations, les candidats manipulent les foules et font des promesses intenables pour se faire élire et, quand ils échouent, ils décident alors de régler leurs comptes par classes exploitées interposées qu'ils instrumentalisent odieusement.

Voilà donc une illusion de plus qui s'est effondré : le Kenya, îlot des "démocraties paisibles" est devenu soudain un cauchemar, pas seulement pour les populations victimes de la barbarie qui s'y déroule, mais aussi pour toutes ces institutions internationales de la bourgeoisie qui cautionnent ou épaulent les auteurs des crimes. A vrai dire, on ne voit pas comment un pays comme le Kenya, chroniquement sous-développé, entouré de pays en conflits permanents dans lesquels il est impliqué, Etat lui-même survivant en permanence avec de sanglants conflits intérieurs depuis son indépendance en 1963, puisse devenir une "démocratie paisible", ne serait-ce que momentanément !

Tout cela n'est que mensonge et propagande de la bourgeoisie visant à mystifier le monde et la classe ouvrière en particulier dans le but de l'empêcher de prendre conscience de la cause fondamentale du chaos : l'enfoncement du Kenya et de tout le continent africain dans la crise mortelle du capitalisme. La décomposition sociale se traduit par une extrême misère pour la population dont plus de la moitié est sous-alimentée, avec un chômage massif sans allocation, un manque chronique de soins pour la masse des malades dont plus de deux millions atteints du Sida, sans aucun soin, soigneusement parqués loin des caméras des touristes dans les immenses et sordides bidonvilles autour de Nairobi.

A l'heure où nous écrivons, le bain de sang continue et, pendant ce temps-là, les représentants de l'ONU, de l'Union africaine (UA) et des grandes puissances impérialistes, comme la sous-secrétaire d'Etat américaine (chargée des affaires africaines), font leurs ballets diplomatiques habituels en lançant hypocritement des appels cyniques à la "retenue".

En clair, les puissances impérialistes portent une lourde responsabilité dans la tragédie qui se déroule au Kenya, en particulier les Etats-Unis et la Grande-Bretagne : "(...) Ils se sont comportés comme les parrains des gouvernements successifs, qu'ils ont submergé de compliments- et d'aide (16 milliards de dollars en quarante ans). Le fait que la stagnation économique, l'inégalité de répartition des terres et des richesses - et la corruption - règnent en maître ne les a jamais gêné. Au contraire : ils n'en ont chanté que plus haut les louanges de ce "havre de quiétude, de liberté et de démocratie". Jusqu'à George W. Bush qui a, tout naturellement embrigadé- militairement- le gouvernement de Kibaki dans sa guerre contre le terrorisme" (Jeune Afrique, janvier 2008)

Une telle situation d'aggravation brutale d'affrontements meurtriers au Kenya n'est pas anodine. Il faut en effet se souvenir que le premier heurt direct entre la première puissance mondiale et Ben Laden avait eu lieu au Kenya en 1998, lorsque l'ambassade américaine de Nairobi avait été détruite par des attaques terroristes revendiquées par le leader des groupes islamiques d'Al Qaïda. Depuis cette date, les Etats-Unis avaient dès lors fait du Kenya une de leurs bases avancées dans la guerre qu'ils mènent contre les islamistes, d'abord au Soudan, puis en Somalie et plus largement sur l'ensemble du continent.

Ancienne colonie britannique durant 80 ans (de 1887 à 1963) avant d'obtenir son "indépendance" par les armes et dans un bain de sang de la population, le Kenya n'est jamais sorti du sous-développement (tout comme le reste du continent africain), avec ce que cela implique comme misère absolue pour la population. Quant au Kenya "indépendant", il s'agit d'un leurre, car ce pays n'a jamais été autre chose qu'un pion de l'ancienne puissance coloniale britannique avant de devenir progressivement l'allié "privilégié" de l'impérialisme américain dans la Corne de l'Afrique. Aussi, les évènements qui frappent ce pays ne sont pas isolés et momentanés, mais sont les prémisses de l'ouverture vers une situation et d'un chaos à la "rwandaise" ou à "l'ivoirienne", c'est-à-dire avec des massacres plus massifs de type génocidaire et le partage du pays en zones de guerre sous la coupe en règle de bandes criminelles qui s'entre-tuent épisodiquement et terrorisent les populations.

En définitive, le Kenya vient de rejoindre le triste "club" des pays, comme ses voisins soudanais et somalien, où règne une barbarie permanente amplifiée par les rivalités des grandes puissances impérialistes qui cherchent à les contrôler. Face à cette nouvelle horreur qui se développe, est masquée hypocritement la responsabilité des pays développés, "démocratiques", qui arment et financent ces cliques sanguinaires, exécuteurs en sous-main de leur sale besogne sur le terrain.

Amina (18 janvier 2008)

Géographique: 

  • Afrique [42]

Questions théoriques: 

  • Décomposition [30]

Groupe de discussion des Midlands en Grande-Bretagne : Un lieu de clarification de la conscience de classe

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Nous publions ci-dessous de larges extraits d'un article de World Revolution n°258 d'octobre 2002 (organe du CCI en Grande-Bretagne) traitant de la dynamique d'un groupe de discussion qui s'est constitué aux Midlands en 2000. Cet article rappelle la nécessité de ce type de formation pour la clarification de la conscience au sein de la classe ouvrière. Le Groupe de discussion des Midlands (GDM) implique depuis 8 ans des personnes de Leicester et Birmingham provenant de milieux politiques divers (de la Gauche communiste, du conseillisme, de l'anarchisme, du mouvement écologiste et du gauchisme). Le but de ce groupe était de discuter de l'alternative prolétarienne au capitalisme à l'instar d'autres groupes de discussion qui existent ou ont existé au Mexique, en Inde, en France, en Espagne, en Suisse et en Australie.

Les cercles de discussion ne peuvent s'appréhender que dans le contexte du développement historique de la conscience de classe. Ils sont partie prenante de l'effort du prolétariat pour développer sa conscience de classe en essayant de comprendre la signification et les implications des crises du capitalisme dans le cadre des positions politiques du prolétariat.

Dans le contexte historique actuel, c'est-à-dire celui d'un chaos impérialiste et économique grandissant, il est important de souligner que le processus de développement de la conscience de classe se révèle de plus en plus difficile, en particulier depuis l'effondrement du bloc de l'Est. Le travail des cercles de discussion est de ce fait d'une grande importance pour le développement futur de la compréhension par le prolétariat de son propre rôle historique.

Une tribune pour la discussion et la clarification

Le GDM est apparu au départ comme Groupe de Discussion de Leicester (GDL) avec des éléments qui avaient discuté dans la région tout en ayant un contact de longue date avec le Courant Communiste International. Ces discussions avaient été favorisées par des questionnements sur la guerre au Kosovo. Afin de donner à ces discussions une forme plus systématique et fructueuse, le CCI suggéra qu'il devienne un cercle de discussion. Les premières discussions du GDL portèrent sur un article du CCI qui tirait les leçons politiques d'un groupe de discussion qui avait existé à Zurich, en Suisse, dans les années 1990. Cet article mettait en avant qu'un cercle est un rassemblement ouvert mais non permanent d'ouvriers qui se rencontrent pour discuter et clarifier des questions politiques. Ces cercles sont des lieux que le prolétariat crée afin de pousser en avant sa conscience, surtout dans les moments où il n'existe aucun parti et aucun Conseil Ouvrier... Nous les considérons comme une expression concrète de la classe. Ils expriment la conscience de la classe, démontrant qu'ils ne sont pas prêts à subir la crise et la banqueroute du capitalisme sans faire preuve de résistance ; ils montrent la volonté de se défendre contre les attaques du système capitaliste. En même temps, ils sont l'expression d'une tentative de recherche de moyens de lutte et de développement d'une perspective révolutionnaire..." (World Revolution n° 207, "Les cercles de discussion dans la classe ouvrière : un phénomène mondial"). Puisqu'un cercle n'est pas une organisation se regroupant autour d'une plate-forme politique, il ne peut être une entité permanente ou stable. C'est un moment de clarification politique, permettant aux militants, à travers la participation à un processus de discussion collective, de rechercher où ils en sont politiquement en se situant du point de vue de la classe exploitée et par rapport aux courants historiques existant déjà au sein du milieu prolétarien marxiste internationaliste.

Un processus positif de clarification et d'ouverture

Un élément central des discussions du GDM fut la détermination à mieux comprendre les principales questions théoriques et historiques du mouvement ouvrier et de combiner cet aspect avec le souci de se référer et de discuter des événements nationaux et internationaux au fur et à mesure qu'ils se déroulaient. C'est ainsi qu'après le 11 septembre 2001, le cercle a également discuté les tracts et communiqués publiés par le CCI et d'autres groupes de la Gauche communiste. Lors d'une réunion particulière, le groupe a considéré ces attaques comme une expression de l'aggravation des tensions impérialistes. Cette préoccupation de dénoncer la guerre impérialiste d'un point de vue prolétarien a été une grande force du groupe. Tous les participants ont clairement manifesté leur opposition à la guerre au Kosovo et en Afghanistan ainsi qu'à toutes les guerres impérialistes.

La publication dans le journal World Revolution (WR) n° 257 de la présentation d'une discussion sur la Commune de Paris, montre la profondeur et la qualité de ces discussions. Entre autres choses, le GDM a discuté du mouvement anti-capitaliste, de la Révolution russe (que le groupe considère comme prolétarienne, bien qu'il y ait des désaccords sur le rôle des bolcheviks et sur les raisons de sa dégénérescence), de la conscience de la bourgeoisie en se centrant sur le rôle des partis de gauche contre la classe ouvrière.

Dès le début, le GDM a fait de la Gauche communiste un point de référence. Il a invité les groupes de la Gauche communiste à participer à ses réunions. Cela a permis aux participants de profiter non seulement d'une meilleure compréhension des positions des différents groupes mais aussi de gagner en expérience dans la discussion avec des organisations politiques du prolétariat. Le CCI est intervenu dans les réunions du groupe depuis sa fondation et la Communist Workers Organisation (CWO) est aussi intervenue plus récemment.

Les progrès réalisés à travers une lutte politique déterminée

Le GDM a pleinement rempli son rôle central, celui de la clarification. Mais il a dû mener un grand débat politique pour y arriver. En particulier il a dû se confronter à des confusions sur sa propre nature et sur le rôle qu'il devait jouer.

Le GDM a basé initialement son travail sur les leçons de l'expérience plus large de la classe ouvrière, notamment celle du cercle de discussion de Zurich. Cependant, la pleine assimilation de ces leçons a été entravée par des confusions au sein du groupe sur ses relations avec le CCI. Certains éléments, alors qu'ils voyaient, au début, la nécessité d'un débat ouvert, ont commencé à voir la fonction du GDM comme étant un lieu pour la discussion des positions du CCI. Cette vision tendait à considérer le groupe comme une sorte d'antichambre du CCI. Le CCI a fermement rejeté cette vision et a souvent insisté sur la nécessité pour le groupe de discuter l'histoire plus globale du mouvement ouvrier et des positions des autres organisations communistes.

Le CCI a toujours défendu la vision suivant laquelle les cercles de discussion sont des lieux de clarification et non des appendices, la "propriété privée" ou la "chasse gardée" des organisations politiques prolétariennes. Ces cercles de discussion doivent agréger quiconque recherche la clarification. Les seules raisons justifiant l'exclusion du débat de tel ou tel individu (ou groupuscule d'individus) doivent être basée sur certains principes élémentaires de comportement prolétarien : les manœuvres de sabotage ou les tentatives de prise de contrôle de ces cercles de discussion (de même que le mouchardage)..

Des éléments issus du milieu gauchiste ont participé aux réunions du GDM, ce qui a permis une confrontation politique avec les positions de l'idéologie bourgeoise. Loin d'être une diversion, de telles discussions ont amené à une clarification sur la nature et le rôle du gauchisme.

Ainsi, comme ce fut le cas avec le GDM, les cercles de discussion peuvent être très hétérogènes. Mais il n'y a rien de dommageable à cela. Chercher à imposer des critères (autres que ceux du comportement politique cités ci-dessus) pour la participation aux cercles de discussion signifierait affaiblir leur force fondamentale : leur nature ouverte permettant un débat contradictoire. De tels critères impliqueraient, en effet, un accord préalable sur des positions politiques - (c'est-à-dire un certain niveau de clarification), ce qui reviendrait à mettre la charrue avant les bœufs. Toute tentative d'imposer de tels critères amènerait à geler le processus de clarification. L'évolution politique de ceux qui participent à la discussion ne peut être que le résultat de la confrontation entre différentes positions. Le CCI, pour sa part a toujours fait confiance à la capacité de jugement et au "bon sens" de tous ceux qui ont accepté de discuter loyalement avec lui, sans ostracisme et sans préjugés (y compris ceux qui ont milité dans des partis bourgeois).

Cependant, si un cercle de discussion ne peut être la "propriété" d'une organisation, il n'est pas non plus un groupe politique ou une organisation en tant que telle[1].

Cela ne veut pas dire que les organisations politiques prolétariennes ne doivent pas stimuler l'émergence de tels groupes et intervenir en leur sein afin de contribuer à la clarification la plus efficace. Les principes animant l'intervention du CCI sont "l'intervention organisée, unie et centralisée au niveau international, pour contribuer au processus qui mène à l'action révolutionnaire de la classe ouvrière". (Positions de base du CCI). Il est du devoir du CCI et des autres organisations politiques prolétariennes de prendre la parole au sein des cercles de discussion afin de permettre aux participants de mieux connaître les groupes historiques de la Gauche communiste et de prendre position, en développant la culture du débat.

Le GDM a dû aussi faire face à un certain nombre de tensions personnelles dans ses rangs. Cependant, suite à une discussion franche, tous les participants sont tombés d'accord sur le fait que les intérêts du groupe étaient prioritaires et que la personnalisation de la discussion était à rejeter.

Une fois ces difficultés résorbées, le groupe a pu s'épanouir et les débats s'enrichir. Au début de 2002, le GDM a tenu une réunion sur l'opposition prolétarienne à la guerre impérialiste. Cette réunion a attiré des individus qui n'étaient jamais venus auparavant, accompagnés de la CWO et du Socialist Party of Great Britain (SPGB) (voir WR n° 252). La plupart de ces éléments ont par la suite participé aux discussions du GDM.

Le Groupe de discussion des Midlands a exprimé, en Grande-Bretagne, l'effort le plus large possible du prolétariat pour développer sa conscience. La dynamique que les participants ont été capables de maintenir a révélé toute la vitalité politique de ce groupe. Tous les éléments qui l'ont animé ont entrepris un réel processus de clarification politique. Cela ne veut pas dire que chacun a déjà une conscience parfaitement claire des enjeux de la situation historique. Mais cela veut dire que les participants sont plus clairs sur ce qu'ils défendent, sur la façon dont ils envisagent leur avenir politique.

Certains éléments du GDM (une toute petite minorité) ont fini par demander leur adhésion au CCI, tandis que le groupe de discussion continue à se rencontrer régulièrement en menant une politique d'ouverture vers d'autres éléments à travers des informations sur le site libcom.org et la participation à des réunions de groupes anarchistes. Les éléments du groupe viennent également régulièrement à nos réunions de Birmimgham. Pour notre part, nous continuons de participer aux réunions du groupe de discussion.

D'après World Révolution n° 258 (octobre 2002),
Organe du CCI en Grande-Bretagne


[1]) Voir l'article sur notre site Internet "L'organisation du prolétariat en dehors des périodes de lutte ouverte"

 

Heritage de la Gauche Communiste: 

  • La lutte Proletarienne [6]

Révolution Internationale n° 388 - mars 2008

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La lutte de classe est le seul moyen pour s'opposer aux attaques de la bourgeoisie

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Depuis qu'en dépit de ses promesses électorales de la campagne présidentielle sur le pouvoir d'achat, Sarkozy a déclaré "les caisses sont vides", alors qu'il s'est octroyé une substantielle augmentation de salaire et qu'il bénéficie de vacances de luxe payées par ses amis milliardaires, sa côte de popularité s'est effondrée.

Chacune de ses initiatives provoque désormais un tollé et le fait dégringoler davantage dans les sondages. Ainsi, il a provoqué la grève la plus suivie depuis 1974 dans l'audiovisuel public en annonçant que les chaînes publiques seraient prochainement privées de leurs recettes publicitaires.

De même, il a suscité une levée de boucliers, surtout chez les parents d'élèves et les enseignants, choqués par sa décision que chaque enfant de 10 ans devrait porter dans les écoles le poids de la mémoire d'un enfant mort victime de la Shoah.

Avec son intervention ainsi que celle d'un de ses fils dans "l'affaire de l'investiture de Neuilly", il a réussi à s'aliéner une partie de son électorat de droite en agissant comme un oligarque.

Derrière le rideau de fumée des annonces, les attaques s'intensifient

A la veille des élections municipales et cantonales en France, les effets d'annonces du gouvernement se multiplient pour tenter d'enrayer cette chute de popularité du président et de prévenir une débâcle électorale du gouvernement. Alors que la gauche n'a rien à dire sur l'essentiel parce qu'elle se propose d'appliquer exactement le même programme que l'actuel gouvernement (auquel d'ailleurs participe directement nombre de ses représentants patentés), cette esbroufe masque mal de nouvelles arnaques. On veut nous faire croire que le fameux "travailler plus pour gagner plus", ça marche. En fait, le paiement majoré des "heures sup" ne concerne en grande partie qu'une minorité qui les cumulait déjà (en particulier les cadres supérieurs et les ingénieurs ).

Les "rachats de journées RTT" dans l'administration sont en fait payés moins que les heures normales. De plus, seulement 38 % des salariés du secteur privé peuvent en bénéficier.

L'augmentation des petites retraites est aussi de la poudre aux yeux : en fait la prime de 200 euros suite à la promesse de hausse de 25 % en 5 ans ne touche que 600 000 personnes qui perçoivent le "minimum vieillesse" (soit 628 euros mensuels), laissant en particulier sur la touche plus de 4 millions d'anciens travailleurs à bas salaire qui continueront à percevoir moins de 580 euros mensuels.

Les annonces de créations de 300 000 emplois en 2007 sont de la même eau : ce sont pour la plupart des emplois précaires, des temps partiels ou d'embauches dans d'éphémères "créations d'entreprise" dont moins de 10 % peuvent survivre au-delà d'une année....

Et surtout, le gouvernement signe un aveu d'impuissance sur le plan économique et social lié à l'accélération de la crise mondiale : 50 000 emplois ont été perdus en 2007. Effet de la crise financière et de la récession mondiale, les annonces de plans de licenciements se multiplient partout dans tous les secteurs, dans des entreprises de toutes tailles. Depuis le début de l'année 2008, déjà des dizaines de milliers de licenciements sont annoncés : fermetures de sites dans la sidérurgie avec Arcelor Mittal à Gandrange (où les déclarations de Sarkozy de voler à leur secours ne sont pas prises au sérieux), Chaussures Charles Jourdan à Romans, chez Flextonics à Canejan en Aquitaine, à Dax chez Sony, à Sanmina-SCI en Normandie, chez Kodak à Chalon sur Saône, l'usine Baxter à Orléans, Arkema à Marseille, l'Imprimerie Nationale en banlieue parisienne tandis que la cessation d'activité de Kléber-Michelin à Toul en Lorraine d'ici fin 2009 va entraîner la perte de 826 emplois. D'autres suppressions d'emploi sont prévues simultanément pour Sony et chez Dow Chemical en Alsace, pour SKF sur son site vendéen, pour Miko-Unilever à Saint-Dizier, chez Arc International à Arques (Nord) d'ici fin 2010 et à la même échéance l'usine Ford de Blanquefort en Aquitaine devrait de solder par une perte de 2000 emplois. Le repreneur du fabricant de jouets Smoby ayant jeté l'éponge, 1350 ouvriers se retrouvent sans emploi dans le Jura alors qu'à Alcatel Lucent, la précédente vague de licenciements n'est pas achevée et on annonce déjà une nouvelle charrette de 400 personnes sur le site de Velizy. Peugeot annonce d'autres licenciements.

Dans leurs tentatives pour minimiser la gravité de la crise, les économistes et les médias s'interrogent désormais sur la "désindustrialisation" du pays, masquant le caractère international de ce phénomène (voir l'article "Derrière la prétendue purge de l'économie, la généralisation de la misère ouvrière"). Dans les banques et les assurances, les suppressions massives d'emploi, précipitées par la crise financière mondiale commence à produire ses effets : les assurances AGF ouvrent le bal en annonçant le "sacrifice" de 1500 à 2000 emplois dans les prochains mois. Et des dizaines de milliers d'emplois sont menacés dans les banques.

Pendant ce temps, la mise en œuvre des nouvelles franchises médicales depuis le 1er janvier pèse déjà lourdement sur de nombreuses familles ouvrières.

Les prix qui continuent de s'envoler sur tous les produits alimentaires de première nécessité comme la flambée des tarifs des loyers, du gaz, de l'essence entraînent une forte dégradation du pouvoir d'achat. Malgré des statistiques trafiquées, les pouvoirs publics sont contraints d'avouer une inflation au plus haut niveau depuis 16 ans ainsi qu'une chute de la consommation des ménages de 1,2  % en janvier (pourtant en pleine période de "soldes").

L'énième "plan banlieues" (incapable d'être budgétisé) concocté par Fadela Amara et annoncé par Sarkozy à grands renforts de publicité a fait un "bide" retentissant.

Autre pétard mouillé, la plupart des 316 mesures du rapport Attali pour "moderniser et dynamiser l'économie" sont déjà enterrées car trop d'intérêts particuliers s'opposent à leur mise en œuvre.

La seule promesse tenue, c'est le renforcement de l'arsenal répressif de l'appareil d'Etat. Là-dessus, le savoir-faire en matière "sécuritaire" du président ex-ministre de l'Interieur est éclatant : durcissement de la loi contre la délinquance et développement d'une "cyberpolice".

Mais le plus grand zèle de l'Etat en ce domaine est réservé à la partie la plus démunie de la classe ouvrière : les travailleurs immigrés clandestins avec le renforcement des contrôles d'identité, les squatters délogés manu militari, et surtout l'intensification des rafles contre les travailleurs "sans papiers" arrachés à leurs familles, cueillis n'importe où, y compris à la sortie des écoles, avec la multiplication des "expulsions musclées" dont le chiffre devrait passer de 25 000 l'an dernier à 27 000 en 2008, emprisonnement de ces "clandestins" en attente d'expulsion dans des centres de rétention où ils sont traités pire que du bétail (comme à Vincennes, Palaiseau ou dans la banlieue rouennaise), provoquant à plusieurs reprises des mouvements de révolte vite réprimés...

Comment la bourgeoisie s'apprête à taper plus dur

Malgré leur vigueur, la bourgeoisie fait preuve d'une certaine "retenue" dans ses attaques, mais sitôt les municipales passées, elle leur lâchera la bride sans retenue, n'ayant plus d'échéance électorale proche dans les deux ou trois ans à venir. Elle s'apprête à taper très fort. Face à l'aggravation de la crise, la bourgeoisie n'a fondamentalement qu'une seule politique, attaquer la classe ouvrière à travers :

  • la baisse du salaire réel ;
  • la baisse du "salaire social" et de toutes les prestations sociales (en particulier des dépenses de santé avec notamment le renforcement annoncé de la traque et de la répression aux "arrêts maladie injustifiés" par la médecine du travail) ;
  • l'augmentation d'une part de la production en allongeant la durée du travail annuel et le nombre d'années travaillées de chaque prolétaire et d'autre part de la productivité donc des cadences de chaque travailleur ;
  • Depuis des mois, elle prépare déjà le terrain à ses grands chantiers de "réformes" avec trois priorités affichées :
  • l'allongement de l'âge du départ en retraite où elle se prépare à s'aligner sur les autres Etats européens : 65 à 67 ans contre 60 aujourd'hui après la récente suppression des "régimes spéciaux". Dans la réforme Fillon de 2004, on est déjà dans les 41 ans dans la fonction publique avant même la généralisation de cette mesure dans le privé que le gouvernement s'apprête à mettre à l'ordre du jour ;
  • la déréglementation des contrats et de la durée du travail va s'intensifier. Le nouveau code du travail est déjà sorti qui limite le recours aux prud'hommes pour les salariés. L'accord prétendu "équitable" signé par 5 syndicats sur 6 avec le Medef le 11 janvier dernier sur la "flexisécurité" est un premier pas en ce sens. Il signifie de nouveaux contrats de travail "individualisés" pour 11 millions de salariés dans le privé, des "ruptures du contrat à l'amiable" donnant pratiquement droit au patron de licencier quand il veut, une multiplication de CDD de 36 mois, des périodes d'essai portées de 1 à 2 mois pour les ouvriers et employés, de 2 à 4 pour les cadres. En "échange" : le droit à une mutuelle complémentaire de remboursement des dépenses de santé est prolongé de quelques mois. Des miettes... Et ce n'est qu'un début pour rendre chaque salarié taillable et corvéable à merci ;
  • une réduction drastique du nombre de fonctionnaires. Face à l'hypertrophie des structures administratives de l'Etat, en particulier, les différentes lois de décentralisation, notamment mises en place dans les "années Mitterrand" n'ont absolument pas allégé l'appareil administratif de l'Etat, mais l'ont au contraire alourdi. On a créé entre l'Etat central et les départements un nouvel échelon (la région) où toute une bureaucratie s'est développée. Parmi les conséquences : on a construit des hôtels de région avec des fonctionnaires embauchés au niveau de la région sans qu'on soit capable de réduire le nombre de fonctionnaires au niveau central ou des départements. Cela a créé toute une série de doubles emplois pour une même tâche administrative avec en plus des rivalités et des contradictions entre ces différents niveaux (commune, département, région, administration centrale), représentant des "féodalités" pour les différents partis qui défendent leur bout de gras, et au sein même de chaque parti (1).

Réduire cette lourdeur bureaucratique baptisée "réforme" de l'Etat est devenue une des priorités du gouvernement Sarkozy - que la gauche avait naguère tenté de commencer avec le projet de réforme Sautter. Cependant, le non remplacement officiel d'un fonctionnaire partant à la retraite sur deux est déjà largement dépassé dans la réalité. Le gouvernement a déjà commencé à tailler dans le vif dans certains secteurs centraux avec des effets désastreux dans la Fonction publique : fusion ANPE-Unedic, suppression de tribunaux, suppression de 9000 postes dans l'Education nationale en 2008 et de 80 000, y compris d'éducateurs spécialisés, entre 2009 et 2012. De plus en plus d'enseignants sont contraints de donner des heures de travail administratif non payées et d'accepter d'enseigner deux matières ; la « refonte » en cours de l'administration fiscale avec la fusion des services des impôts et du trésor regroupés en pôle unique (DGFP : Direction générale des finances publiques), sous prétexte de simplification pour les usagers et de modernisation des services, va éliminer de nombreux postes. En échange, la négociation avalisée par une majorité de syndicats sur le pouvoir d'achat des fonctionnaires est une vaste fumisterie : promesse de 0,5 point d'indice en plus en mars (aumône de 7 euros environ) et 0,3 % en octobre.

S'y ajoute la fermeture des services publics les moins "rentables" : hôpitaux, maternités, bureaux de postes tandis que la SNCF "sacrifie" ses branches les plus déficitaires avec 6000 emplois en moins dans le fret en 2008.

La conséquence majeure de cette situation est une plongée dans la misère de secteurs de plus en plus larges de la classe ouvrière à laquelle les prolétaires ne peuvent s'opposer que par un développement de la lutte de classe.

La perspective est au développement des luttes ouvrières

Une réelle combativité très forte s'exprime déjà à travers une prolifération de réactions ouvrières concernant aussi bien des revendications de revalorisation des salaires que des oppositions aux plans de licenciements. Ainsi, pour canaliser la colère, les syndicats ont été contraints pour la première fois le 1er février dernier une grève nationale des caissières et des employés dans la grande distribution qui a affecté toutes les grandes surfaces (Auchan, Carrefour, Centres Leclerc, Casino, Champion, Hyper U, Intermarché, Ed, Atac mais aussi Ikea, Picard, Darty, Leroy-Merlin, Monoprix...) où le salaire moyen à temps complet (entre 27 et 34 heures hebdomadaires) oscille entre 600 et 800 euros. Le conflit s'est prolongé 16 jours au Carrefour des quartiers Nord de Marseille, le syndicat majoritaire CFDT ayant appelé à une reprise du travail après des concessions dérisoires (le chèque déjeuner passant de 3,05 à 3,50 euros et quelques emplois à temps partiel de 16 heures sont prolongés de 2 ou 3 heures) alors que la revendication principale d'une prime de 250 euros n'a pas été accordée. Une grève des contrôleurs aériens contre un regroupement des sites et pour des hausses de salaire a fortement perturbé le trafic des aéroports parisiens. Dans le groupe Safran-Snecma, chez Good­year-Dunlop, chez Whirlpool, sur le site de L'Oréal France à Clichy-la-Garenne, dans le groupe de presse Prisma, une série de grèves a eu lieu pour réclamer de meilleurs salaires comme contre la détérioration des conditions de travail.

A Toul, les ouvriers de Kléber-Michelin ont relâché deux cadres d'entreprise retenus dans l'usine pendant 5 jours en échange d'une promesse de renégociation du plan social (la plupart des syndicats acceptant une prime de départ de 2500 euros). Sitôt après, les salariés de Ford à Blanquefort se sont mis en grève à leur tour. Les ouvriers de l'Imprimerie nationale sont en grève depuis un mois pour tenter de s'opposer à la fermeture du site. Lors d'une manifestation d'un millier de personnes à Saint-Dizier contre les licenciements chez Miko, noyée dans un régionalisme interclassiste avec le "soutien" des élus locaux de toutes tendances et des petits commerçants, une tendance vers l'émergence d'une solidarité ouvrière encore fortement encadrée par les syndicats s'est exprimée à travers la présence dans le cortège de délégations venus non seulement d'autres usines appartenant au même groupe Unilever (Amora ou Knorr) mais aussi d'ouvriers de toute la région, de Michelin ou d'Arcelor confrontés aux mêmes attaques (2).

Le signe le plus tangible et le plus encourageant aujourd'hui de la maturation de ce sentiment de solidarité de classe s'exprime à travers l'hébergement de plus en plus répandue de travailleurs clandestins et de leurs familles alors que les familles d'accueil encourent 5 années de prison dans le cadre des nouvelles lois Sarkozy-Hortefeux (3).

Les prolétaires ne peuvent compter que sur leur solidarité et le développement de leurs luttes pour résister aux attaques de la bourgeoisie.

W (23 février)

 

1) Quand Allègre avait déclaré "il faut dégraisser le mammouth", à propos de l'Education nationale, il énonçait une nécessité pour la bourgeoisie applicable à toute la Fonction publique.

2) On est encore loin des manifestations massives de solidarité qui se sont déroulées récemment à Bochum (voir l'article "Allemagne la combativité montante de la classe ouvrière" dans RI no 387 et sur notre site Web) et qui sont clairement porteuses de cet avenir.

3) A ce sujet, la ministre de l'Intérieur Alliot-Marie a déclaré récemment sur les ondes de France-Info qu' "elle ne laisserait pas impunie la propagande subversive d'une poignée d'agitateurs gauchistes ou d'extrême gauche". Voilà une menace fort claire envers les révolutionnaires !

 

Récent et en cours: 

  • Crise économique [34]
  • Luttes de classe [18]

Récession mondiale : derrière la prétendue "purge salutaire" de l'économie, la généralisation de la misère

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Avec la "crise des subprimes", la récession économique mondiale se profile nettement. De façon simultanée, sur l'ensemble du globe, des centaines de milliers de prolétaires sont brutalement frappés par la crise économique. Parmi les premières victimes, les familles expulsées de leurs maisons qui ne peuvent plus rembourser leurs prêts ou qui perdent leur emploi. En un an, aux Etats-Unis, le taux de saisies/expulsions a doublé : 200 000 procédures de saisies par mois au deuxième semestre 2007 accentuant le phénomène des "villes fantômes". Ainsi, la paupérisation galopante sollicite beaucoup plus fortement les programmes d'aide alimentaire existants (1). En plus, 27 000 licenciements sont programmés dans le secteur du bâtiment, 28 000 dans le secteur de l'agro-alimentaire. Dans le secteur automobile, 12 000 suppressions d'emploi sont envisagés pour les usines Ford ! 74 000 "départs volontaires" sont demandés pour General Motors. En 2006 déjà, le licenciement de 30 000 ouvriers payés à l'heure avait montré la détermination de la direction pour "rattraper la productivité des constructeurs asiatiques". Le plan aujourd'hui met à exécution cette même volonté afin "d'embaucher de nouveaux venus, payés trois fois moins : 25 dollars de l'heure au lieu de 75 dollars actuellement, prestations sociales comprises" (2). Il faut ajouter "la grande différence avec les plans précédents" : les ouvriers doivent "accepter de perdre leur assurance santé et leurs pensions retraite en passant les portes de l'usine".3 Les licenciements se multiplient dans l'industrie manufacturière, le commerce de détail, etc. Il est clair que l'hécatombe va suivre dans le secteur des services. Dans la finance mondiale, 26 000 licenciements sont déjà prévus, touchant des temples comme HSBC, UBS. Citigroup prévoit entre 17 000 et 24 000 licenciements !

Aujourd'hui, ce choc frontal lié à la crise ne peut plus être uniquement reporté à la périphérie du capitalisme, dans les pays pauvres. C'est maintenant le cœur du système capitaliste et son prolétariat le plus concentré au monde qui est touché. En Europe, dans un pays comme l'Allemagne, dont on vante pourtant la performance des exportations et le dynamisme des entreprises, les charrettes de licenciements se multiplient : à la Deutsche Telekom, 35 000 licenciements sont prévus d'ici fin 2008. Chez BMW, 8000 emplois doivent être supprimés pour des questions de "rentabilité". Idem chez Siemens qui prévoit de jeter à la rue 3000 employés de sa division Enterprise Network (SEN). L'opérateur Nokia s'apprête à déménager en Roumanie avec une main d'œuvre bien meilleur marché. Ailleurs aussi, dans le secteur des télécommunications, l'entreprise néerlandaise KPN prévoit de supprimer 2000 postes qui s'ajouteront aux 8000 prévus par un plan divulgué en 2005. En France, outre les 23 000 suppressions de postes programmées dans la fonction publique et les collectivités locales, 18 000 licenciements chez Peugeot seront étalés jusqu'en 2010. Une myriade de faillites d'entreprises entraîne d'ores et déjà des licenciements secs, en particulier pour les ouvriers les plus vulnérables que sont les travailleurs immigrés en situation irrégulière, sans papiers, mais "légalement" employés dans les secteurs du BTP, la restauration, l'électronique... Ce désastre, qui n'en est qu'à ses débuts, touche tous les autres pays en Europe et le reste du monde. Même dans ce qu'on nous présente comme le nouvel El Dorado, la Chine, la contraction du marché mondial entraîne de nombreuses faillites et licenciements (4).

Il n'y a pas d'illusions à se faire, la paupérisation s'accélère partout ! Ce qui nous est présenté par la bourgeoisie comme des "dégraissages" et selon certains économistes une "purge salutaire" n'est en réalité qu'une des expressions les plus significatives de la faillite du système capitaliste.

WH (23 février)


1) Pour les enfants, « Kids Café » distribue davantage de repas dans 18 comtés. Dans l'Etat de New York, les soupes populaires connaissent une hausse de 24 % en un an.

2) Libération du 23 février 2008.

3) Idem.

4) Pour s'adapter, "depuis le premier janvier 2008, la Chine applique un nouveau droit du travail dont l'arrivée provoque depuis des mois des licenciements massifs". Dans le sud de la Chine (Shenzhen), une entreprise sur 10 est amenée à fermer dans cette mégalopole industrielle. Voir le site Internet WWW.lagrandeepoque.com


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Tchad : l'impérialisme français en première ligne du conflit sanglant

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Au Tchad, fin janvier et début février, des groupes armés "rebelles" ont tenté de renverser le régime du président Idriss Déby. Résultat : plusieurs milliers de morts et des dizaines de milliers de personnes fuyant les combats pour le Cameroun où elles n'ont rien trouvé d'autre que des camps de la misère, sans eau ni nourriture. Aujourd'hui, avec la défaite des rebelles repoussés aux confins du Soudan, le pays est livré à la vindicte de la soldatesque d'Idriss Déby, profitant de sa "victoire" pour mener une chasse aux sorcières qui frappe les opposants officiels à son régime mais aussi tous ceux qui ont eu le malheur de se plaindre de leur sort. Une bonne partie des quelque 700 000 habitants de la capitale N'Djamena avait suivi le mot d'ordre des rebelles qui les invitaient à fuir avant le déclenchement de la vague d'attaques et cette "lâcheté" se fera payer très cher par les forces de répression tchadiennes.

Mais l'armée du président tchadien et les "rebelles" ne sont pas seuls à s'affronter et à porter la responsabilité de tous ces massacres. Une fois encore, nombreuses sont les puissances impérialistes, petites ou grandes, à être rentrées dans cette danse macabre.

La complicité de la France

Pendant le déroulement des opérations militaires, Paris s'est efforcé de cacher sa participation directe dans la boucherie. C'est ainsi qu'on a pu entendre Kouchner et Sarkozy dire : "Nous n'avons pas à participer aux combats" et "Nous espérons ne pas avoir à intervenir plus en avant militairement" pour finir par ajouter tout de même : "Si la France doit faire son devoir, elle le fera". A les en croire, la France ne serait donc pas encore impliquée militairement dans cette affaire, mais si la défense de la démocratie l'exige (puisque Idriss Déby a été élu), elle est prête à défendre le régime légitimement en place. Quel cynisme ! La bourgeoisie fait la guerre, déclenche les plus abominables horreurs, massacre à tour de bras, et cela toujours au nom de la paix, de la démocratie, de l'humanitaire... Actuellement déjà, au Darfour, région frontalière du Tchad, l'Eufor est déployée avec 3700 hommes dont les deux tiers sont des éléments de l'armée française. Pourquoi ? Officiellement, pour "protéger" les populations, "pour accentuer la coopération des forces de paix et prêter main forte" aux forces de l'Union africaine.

Kouchner et Sarkozy peuvent bien déclarer "Nous n'avons pas à participer aux combats", l'armée française est déjà sur place, et en action. Son implication est d'une telle évidence que même les médias ne peuvent la cacher : "Nicolas Sarkozy (...) a engagé dans les combats des officiers d'état-major, le premier février, et des éléments du Commandement des opérations spéciales (COS), le 2. (...) Le 6 février, le ministre de la Défense, Hervé Morin, s'est rendu à N'Djamena pour réitérer le "soutien sans faille" de la France au président Déby, et, pour que chacun comprenne le message, il s'est fait photographier l'œil dans le viseur d'une arme automatique" (1). Il y a un peu plus d'un an, fin 2006, la France était déjà intervenue militairement pour sauver le régime tchadien en utilisant chars, aviation et quelques 2000 soldats. L'affrontement contre les rebelles s'était soldé par quelques milliers de morts dans la population. Cette fois-ci encore, le gouvernement français a donc utilisé son dispositif militaire sur place pour soutenir son pion tchadien. Sur toutes les chaînes télévisées françaises, au 20 h, tout le monde a pu voir ces images de l'évacuation des ressortissants étrangers à partir de l'aéroport de N'Djamena tourner en boucle. Le message était clairement propagandiste : "Oh, regardez notre belle et noble armée française sauvant des vies en sécurisant l'aéroport et en organisant l'évacuation !". Les journalistes en ont d'ailleurs fait des tonnes sur le sauvetage des ressortissants non français, pour bien montrer l'altruisme de la république tricolore. Mais là encore, la "protection", le "sauvetage des vies" n'ont été que des excuses infâmes. Sécuriser cet aéroport a surtout permis aux avions du pouvoir tchadien de décoller pour aller bombarder les rebelles et, en passant, raser des villages. Des mirages de l'armée française décollaient eux aussi de cet aéroport, non pour bombarder mais pour repérer les colonnes rebelles et indiquer leur présence à l'armée tchadienne. L'hypocrisie de la bourgeoisie n'a pas de limite (2).

Tous des charognards impérialistes

Ce nouvel avatar de la guerre au Tchad n'a rien d'étonnant. Cette région est depuis des décennies convoitée et tiraillée par les grandes puissances impérialistes.

Dans les années 1980, par exemple, c'est Hissène Habré qui était soutenu par la France pour le compte du bloc américain. Qu'on se souvienne des opérations Manta mises au point par Mitterrand au profit des Etats-Unis afin de contenir la pression de la Libye, considérée à l'époque comme oeuvrant pour le compte de l'impérialisme russe. Comme l'avoue le Monde (du 17 avril 2006) : "Si la France maintient une forte présence militaire au Tchad (1350 soldats, 6 avions de chasse Mirage et 3 hélicoptères), c'est pour des raisons historiques, stratégiques et diplomatiques. (...) Depuis l'indépendance en 1960, tous les présidents tchadiens, de François Tombalbaye au général Maloum, d'Hissène Habré à Idriss Déby, ont entretenu des rapports étroits avec Paris".

Le soutien diplomatique et militaire actuel à Idriss Déby n'a donc rien à voir, ni de près ni de loin, avec une quelconque défense de la démocratie. La France soutien simplement son homme de main sur place et, encore une fois, c'est tellement gros que les médias sont obligés de lâcher le morceau : "Idriss Déby a pris le pouvoir par les armes en décembre 1990. Il venait de Libye et du Darfour et avait bénéficié de l'aide militaire française pour chasser Hissène Habré, devenu embarrassant. Il a persisté dans son être présidentiel jusqu'à aujourd'hui à grand renfort de combats, répression, de fraudes électorales, de manipulations constitutionnelles. (...) il a néanmoins joui du "soutien sans faille" de la part de la France" (3).

Ce "soutien sans faille" de la bourgeoisie française est aujourd'hui d'autant plus nécessaire que le Tchad se trouve au cœur d'appétits impérialistes de plus en plus aiguisés. Parmi les concurrents de l'Etat français, on trouve la Libye de Kadhafi, le "nouvel ami" de Sarkozy, qui arme et finance tout le monde (le régime et ses opposants) et dont le but fondamental est de récupérer la place de Paris. Mais il y a aussi, évidemment, les Etats-Unis dont les sociétés exploitent le pétrole tchadien au détriment de la société française Total et qui soutiennent en sous-main certaines fractions de rebelles. Ou encore, prouvant que petites ou grandes, toutes les nations sont impérialistes, il y a le Soudan (soutenu par la Chine) et les groupes qui arment les "rebelles" tchadiens en vue de renverser le pouvoir en place de Déby, lequel, de son côté, arme et finance les "rebelles" soudanais dont les exactions ravagent le Darfour ! C'est cette mosaïque de cliques et de charognards qui se disputent le contrôle du Tchad et des pays environnants. C'est pour cette raison que ces criminels mettent toute la région à feu et à sang. Trois conflits ravagent actuellement cette région du monde : au Tchad, en Centrafrique et au Darfour !

Toutes ces bourgeoisies ne sont que des charognards. En treillis en Afrique ou en costume trois-pièces à Paris ou Washington, bien léchée et présentable, la bourgeoisie reste une classe sanguinaire et va-t-en-guerre dont l'inhumanité n'a d'égale que l'hypocrisie et le cynisme. Soyons-sûrs qu'aucun de ces serial-killers impérialistes ne baissera les bras et que la population de cette région du monde va continuer de voir s'accroître l'insécurité et le chaos. Les médias peuvent bien nous abreuver de discours lénifiants voulant nous faire croire qu'ils font tout pour défendre la "paix", plus la bourgeoisie parle de paix et d'humanitaire, plus elle fait la guerre et massacre.

Amina (15 février)

 

1) Jean-François Bayart, Directeur de recherche au CNRS, le Monde du 13 février 2008.

2) D'ailleurs, le rôle de la bourgeoisie française a été à ce point déterminant dans le sauvetage d'Idriss Déby que celui-ci a immédiatement annoncé qu'il allait réfléchir à une grâce éventuelle des prisonniers de l'association l'Arche de Zoé. Ce fait divers, aussi, révèle à sa façon tout le cynisme et toute l'hypocrisie dont la bourgeoisie est capable. Cette proposition de grâce montre bien que tous les discours tchadiens ou français sur la légitimité ou non de l'action humanitaire de cette association étaient du vent. Les membres de l'Arche de Zoé n'ont été que des pions, depuis le début. Ponctuellement, Idriss Déby a voulu jouer les gros bras. En faisant arrêter ces humanitaires, il montrait qu'il était indépendant, « maître chez soi ». Mais ses difficultés face aux rebelles l'ont rattrapé ; le soutien de l'armée française lui est devenu vital. D'où cette proposition de grâce en signe de reconnaissance... et de soumission. Dans ce jeu d'otages et de chantage, Déby et Sarkozy, ces éminents représentants de la classe dominante, étalent ici leurs mœurs crapuleuses dignes du plus minable des mafieux.

3) Jean-François Bayart, op. cit.

 

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Gaza : l'horreur sans fin du capitalisme

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Depuis plus d'un mois, la bande de Gaza, où survivent 1 500 000 Palestiniens, est soumise à un nouveau blocus israélien, après celui de l'été dernier. Ecrasée par la terreur, la population subit les bombardements aveugles et les incursions quotidiennes de l'armée israélienne (1), pilonnant les champs encore cultivés, tandis qu'à ces attaques répondent les tirs incessants de roquettes des militants du Hamas sur la ville israélienne de Sderot. A la mort violente et brutale s'ajoute une mort à petit feu par la faim, la soif et les maladies. On dénombre ainsi chaque semaine des dizaines de morts et bien plus de blessés graves, tandis que la pire misère grandit.

L'électricité, dont l'approvisionnement est tenu par Israël, est fréquemment coupée, rendant la vie quotidienne intenable et entravant toute l'activité économique comme celle des hôpitaux dépourvus de médicaments et d'équipements et où les décès se multiplient faute de soins appropriés. Il en est de même pour l'essence, dont le manque chronique provoque l'arrêt des générateurs. En juillet dernier, 3190 entreprises avaient été fermées, faisant monter le taux de chômage à plus de 60 %. Aujourd'hui, il a grimpé à 70 % de la population. En 2006, 57 % des familles de la bande de Gaza percevaient un revenu au-dessous du seuil de pauvreté. Qu'en-est-il alors à présent ? On parlait en juillet 2007 de 90 % de la population vivant sous le seuil de pauvreté et dépendant uniquement de la farine fournie par l'UNRWA (pilotée par l'ONU) et le PAM (Programme alimentaire mondial), c'est-à-dire la misérable aumône de la bourgeoisie internationale.

L'accès à l'eau est non seulement de plus en plus rare mais risque de provoquer une véritable catastrophe sanitaire, alors que 150 des médicaments de base pour soigner ne sont plus disponibles et que les réserves en traitements fondent rapidement. En effet, l'utilisation de l'eau par la culture intensive israélienne provient pour 65 % depuis des décennies des nappes profondes de la Cisjordanie, de la bande de Gaza, du Jourdain et du Golan anciennement syrien, bouleversant totalement l'équilibre hydrographique. A Gaza, outre le fait que le mur israélien au sein du territoire suit le tracé des bassins aquifères pour en interdire l'accès aux Palestiniens, les pompages ont eu pour résultat que l'eau de mer s'est infiltrée dans la nappe phréatique de la côte. Aussi, 90 % de l'eau des robinets est de l'eau salée. Pire encore, dans le Nord du territoire, il n'y a plus de séparation entre les nappes aquifères et les eaux usées, contraignant la population à boire cette mixture propageant de nombreuses maladies, surtout chez les enfants.

La bande de Gaza est transformée en une monstrueuse prison sans espoir, dans laquelle l'inhumanité est le maître-mot. Quel spectacle poignant et révoltant que de voir ces centaines de milliers de Palestiniens traverser fin janvier comme des voleurs la frontière égyptienne, dans la confusion la plus totale, afin d'emmagasiner tout ce qu'ils pouvaient, de la nourriture à l'essence en passant par des mini-motos ! Et quelle écœurante tragédie que de les voir refoulés sous les coups de matraque et les menaces armes au poing des forces de l'ordre égyptiennes, reconstruisant à la hâte le mur qui le protège de ces parias de l'humanité.

Ce nouvel épisode du conflit israélo-palestinien s'inscrit dans la lutte à mort engagée par Tel Aviv contre le Hamas depuis sa victoire aux élections palestiniennes de juin dernier. La non reconnaissance par ce groupe islamique radical de l'Etat d'Israël est le prétexte pour justifier cette pression accrue sur la population palestinienne qu'il prétend vouloir ainsi pousser à rejeter la clique sanguinaire du Hamas.

Face à une telle horreur, que fait la bourgeoisie internationale ? Rien ! L'ONU, pourtant toujours prompte à voter des résolutions grandiloquentes, n'a même pas été capable de se mettre d'accord sur la rédaction d'un texte minimum. Et pour cause ! Car ce sont tous les rapaces impérialistes qui y siègent qui sont responsables de la tragédie actuelle dans les territoires occupés.

Ce n'est nullement le sort de la population palestinienne qui les préoc­cupe. Ainsi par exemple, lorsque Kouchner déclare cyniquement qu'il "faut redonner la confiance aux Palestiniens", après avoir clamé l'été dernier qu'il avait "confiance", et qu'il suffisait "qu'Israéliens et Palestiniens apprennent à se connaître", il vient profiter de l'horreur que vivent les Palestiniens pour vendre sa camelote de représentant des intérêts impérialistes français au nom de "l'humanitaire".

L'accélération de la situation actuelle au Proche-Orient est le produit direct de la fameuse "feuille de route" de Georges Bush censée amener la "paix" et la "stabilité". Elle n'a apporté que plus de désolation. Une fois encore s'affirme le fait que plus la bourgeoisie nous parlent de paix et plus elle développe la guerre, que le sort fait aujourd'hui aux populations palestiniennes est celui qu'elle réserve à l'humanité toute entière.

Wilma (22 février)

 

1) Les bombardements sont d'ailleurs tout aussi actifs en Cisjordanie.


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Quelques commentaires sur une apologie d'Ernesto "Che" Guevara (à propos d'un livre de Besancenot)

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Grâce aux succès électoraux de son porte-parole, Olivier Besancenot, la LCR (Ligue communiste révolutionnaire) apparaît aujourd'hui comme l'organisation d'extrême-gauche la mieux placée pour briguer le titre de "premier parti anti-capitaliste" de France. C'est pourquoi la LCR s'est lancée, ces derniers mois, dans une campagne de séduction tous azimuts et ultra médiatisée, en tentant tout particulièrement de racoler la jeunesse.

Pour ce faire, elle a sorti son "arme fatale" : la très emblématique figure de Che Guevara. Lors de son dernier congrès, cette organisation trotskiste lui a rendu un hommage particulièrement appuyé, la traditionnelle banderole à l'effigie de Léon Trotski ayant même été remplacée pour l'occasion par le célèbre portrait du "Che" (1). Véritable experte de la communication et du marketing, la LCR a parallèlement lancé sur le marché un nouveau livre, déjà en passe de devenir un best-seller, à la gloire de sa nouvelle icône : Che Guevara, une braise qui brûle encore (Ed. Mille et une nuits).

Olivier Besancenot (co-rédacteur de l'ouvrage avec M. Löwy, un spécialiste de l'Amérique latine), s'est efforcé de tisser autour de Guevara une auréole révolutionnaire, n'hésitant pas à le présenter comme l'un des plus fermes opposants au stalinisme. Il affirme ainsi sans détour qu'"il rompt radicalement avec la version orthodoxe et glaciale du ‘socialisme réel' des pays de l'Est". Mais cette rupture avec l'orthodoxie soviétique, cette image de pur révolutionnaire luttant cœur et âme pour la classe ouvrière correspond-elle à la réalité ?... Tout ceci n'est-il pas un mythe, un mensonge (2) ? Besancenot et Löwy (B&L), tout au long de leur livre, dressent-ils un portrait fidèle de ce que furent réellement Che Guevara et sa politique ?

Un "internationalisme" au service du camp impérialiste russe

La première vertu dont B&L drapent leur héros est celle de l'internationalisme prolétarien. Rien de moins. Depuis 1848 et le Manifeste du Parti communiste, l'un des cris de ralliements le plus puissant et le plus beau de la classe ouvrière est sans nul doute "Les prolétaires n'ont pas de patrie. Prolétaires de tous les pays, unissez-vous !". Durant la Première Guerre mondiale, le rejet de tout nationalisme, le refus de tout embrigadement impérialiste et la défense intransigeante du drapeau internationaliste fut le combat héroïque de Lénine, Trotski, Rosa Luxembourg, Karl Liebknecht... Pour B&L, aux côtés de ces grands révolutionnaires, se trouverait Che Guevara : "Pour le Che, l'internationalisme révolutionnaire n'était pas un sujet édifiant pour discours du Premier Mai. Comme pour les fondateurs de l'Internationale communiste en 1919, il était à la fois mode de vie, idéal suprême, foi séculaire, impératif catégorique et patrie spirituelle" ou encore "la pensée du Che signifie un retour aux sources, à l'Internationale communiste des premières années (1919-1924), avant qu'elle ne devienne peu à peu un instrument au service de la politique extérieure de l'URSS de Staline". En apparence, en effet, quel meilleur exemple d'internationalisme qu'un Argentin risquant sa vie à Cuba, au Congo puis en Bolivie ? Che Guevara serait donc un internationaliste, un vrai, et un opposant à "la politique extérieure de l'URSS de Staline"...

B&L prétendent étayer leurs louanges d'exemples concrets. Ce qu'ils portent aux nues, c'est cela : "Le Che laisse à l'Histoire l'empreinte de celui qui aura dénoncé l'indifférence de Moscou aux luttes de libération nationales qui cherchaient à soustraire leur pays de la domination capitaliste". Ils applaudissent le Che quand il parle de "la solitude du peuple vietnamien" et qu'il appelle à créer "deux, trois, plusieurs Vietnams" ! Nous y voilà... voici quel visage a l'internationalisme, ce "mode de vie, idéal suprême, foi séculaire, impératif catégorique et patrie spirituelle" de Guevara... et de Besancenot : créer "deux, trois, plusieurs Vietnams" ! Contrairement à toute cette propagande nationaliste et nauséabonde, le peuple vietnamien n'était pas "seul" : il y avait plutôt trop de monde autour de lui ! Il était l'enjeu de la lutte impérialiste entre les deux blocs, pris dans l'étau implacable des massacres de la Guerre froide. D'un côté, il y avait les bombardements de l'aviation américaine et la brutalité des GI's. De l'autre, il y a avait les armées de "libération nationale", soutenues directement par les impérialismes russe et chinois. Et au milieu, le "peuple vietnamien" crevant la bouche ouverte, qui était bien loin de souffrir de "solitude". Pour B&L, et derrière eux toute la LCR, "le Che laisse à l'Histoire l'empreinte de celui qui aura dénoncé l'indifférence de Moscou aux luttes de libération nationale" alors qu'en réalité, il n'y a pas eu la moindre "indifférence" de la part du régime stalinien, au Vietnam comme ailleurs. De l'Asie à l'Afrique, le bloc impérialiste soviétique a soutenu, politiquement et militairement, toute lutte qui pouvait faire basculer une partie du monde vers lui (surtout à partir de la fin de la Seconde Guerre mondiale et de la Guerre de Corée).

D'ailleurs, que couvre cette critique de "l'indifférence de Moscou" ? B&L y sous-entendent de façon à peine voilée que l'URSS avait encore dans les années 1950, 60 et 70 un rôle positif à jouer dans "la défense des peuples" ? Nous retrouvons ici ce mensonge trotskiste selon lequel l'URSS était un "État ouvrier dégénéré", ce qui veut dire que, même "dégénéré", il devait être soutenu de façon "critique" ainsi que ses aventures impérialistes. L'URSS n'a jamais été un "Etat ouvrier dégénéré". Le stalinisme fut le fossoyeur de la Révolution d'Octobre 1917. A la fin des années 1920, la contre-révolution triompha, la bourgeoisie reprit le pouvoir de "l'intérieur", massacrant au passage tous les bolcheviks restés fidèles à la cause prolétarienne, dont Trotski. L'URSS devint dès lors une puissance capitaliste sous la forme d'un capitalisme d'État particulièrement brutal et archaïque. Après la Seconde Guerre mondiale, l'Union soviétique devint même une grande puissance impérialiste rivale directe du bloc américain.

Il n'y a pas une ombre d'internationalisme chez Che Guevara, pas plus qu'à la LCR d'ailleurs qui a pendant des décennies servi de rabatteur à toutes les causes de "libération nationale" dans le monde au service du camp impérialiste russe. Besancenot salue le Che car il y retrouve la même idéologie frelatée : le nationalisme et le "soutien critique" (mais soutien quand même) à la patrie soi-disant prolétarienne, l'URSS.

Du patriotisme national au patriotisme de la grande patrie

Cet internationalisme de Che Guevara vanté par B&L n'est donc qu'une fumisterie, un grossier mensonge. "L'internationalisme prolétarien" n'est que du verbiage enrobant des références permanentes à "l'amour de la patrie". Guevara ne signait-il pas tous ses textes par ce sinistre mot d'ordre castriste : "la patrie ou la mort" ? Ce nationalisme viscéral a imprégné toute son "œuvre politique" ; toute sa vie et son combat furent guidés par les intérêts de ce qu'il nommait la "grande patrie".

En 1967, Che Guevara envoya son fameux Message à la Tricontinentale dans lequel apparaît précisément cette idéologie nationaliste de la "grande patrie" : "Sur ce continent, on parle pratiquement la même langue, sauf le cas exceptionnel du Brésil, mais le peuple de ce pays peut parfaitement se faire comprendre avec ceux de langue hispanique, tellement les deux langues sont proches. Il y a une telle identité entre les classes de ces pays qu'ils arrivent à s'identifier dans une "internationale latino-américaine" (3), bien plus parfaite que sur d'autres continents. Ils sont unis par la langue, les coutumes, la religion, le maître commun (4). Le degré et les formes d'exploitation sont similaires dans leurs effets pour les exploiteurs et les exploités d'une grande partie des pays de notre Amérique. Et la révolte est en train de mûrir d'une façon accélérée chez elle." Et B&L osent faire passer ce "Message" pour un "grand événement internationaliste" ! Pour Guevara, il fallait mener une lutte à mort non pas contre la bourgeoisie dans son ensemble, en tant que classe, mais contre un pays, les Etats-Unis (5). Faire croire que cette lutte à mort contre les Etats-Unis, autrement dit contre "l'autre bloc", c'est de "l'internationalisme", que ce serait un retour aux origines de l'Internationale communiste de 1919 est une des pires escroqueries vendues par le livre de B & L.

Il est vrai que depuis le xixe siècle, pratiquement depuis l'accession à l'indépendance des Etats d'Amérique latine, les Etats-Unis n'ont cessé de considérer "l'autre" Amérique comme leur arrière-cour. Depuis le 19e siècle, les Etats-Unis ont maintenu une ingérence permanente vis-à-vis de leurs voisins du Sud. Il serait trop long de recenser tous les débarquements, les renversements, la mainmise de toute sorte des Etats-Unis en Amérique latine. Cela a créé un terreau irrigué de "frustrations nationales" qui a nourri une haine anti-américaine permanente au sein de larges fractions de la petite bourgeoisie de beaucoup de pays latino-américains, la grande bourgeoisie étant la plupart du temps liée aux intérêts de la grande puissance. La contre-révolution stalinienne s'est abreuvée de ces frustrations nationales pour embrigader le mouvement ouvrier latino-américain, en fomentant, entre autres, le mythe de la "grande patrie". Aujourd'hui, après la chute du mur de Berlin et la disparition du bloc stalinien, cette idéologie de la "grande patrie" reste la référence pour tous les idéologues du capitalisme d'Etat : de la fumeuse idéologie bolivarienne au "socialisme du 20e siècle" du président vénézuélien Chavez, le tout saupoudré d'une critique du néo-libéralisme ("l'adversaire commun", selon B&L)

Ceux qui se réclament aujourd'hui du Che arborent des affiches avec Chavez, Castro et Morales surmontées du slogan "Ensemble pour la grande patrie". Cette grande patrie, que Guevara en son temps et les trotskistes de la LCR maintenant, essayent de faire passer pour de "l'internationalisme" est un mélange de "revendications culturelles et linguistiques", parfois "hispaniques ou latines" (surtout anti-anglosaxonne) parfois, au contraire, "indigéniste"..., bref, un pot-pourri saupoudré de romantisme à quatre sous, qui n'a qu'un seul moteur : une haine inextinguible envers les Etats-Unis, une haine nationaliste que le Che exprime dans ce même Message à la Tricontinentale : "Au moment d'envisager la destruction de l'impérialisme, il faut identifier sa tête, autrement dit les Etats-Unis d'Amérique: (...) le grand ennemi du genre humain. (...) La plus grande leçon de l'invincibilité de la guérilla auprès des dépossédés : la galvanisation de l'esprit national (...). La haine comme facteur de lutte, la haine intransigeante de l'ennemi qui transforme l'être humain en machine à tuer efficace, violente, sélective et froide" (6).

La vision de la classe ouvrière pour le "Che"

"Il est sans doute vrai que le Che sous-estime, par exemple, le rôle des villes en survalorisant la place politique de la paysannerie. Il ne dénigre pourtant pas les combats ouvriers, loin de là" (p. 95). Si les auteurs de la LCR se sentent obligés de dire une chose aussi étonnante selon laquelle le "Che" "ne méprisait pas les combats ouvriers", c'est parce que, de fait, pour Guevara, la classe ouvrière n'était qu'un pion dans sa vision de prise du pouvoir. Une des caractéristiques des avatars de la contre-révolution stalinienne a été l'extrême méfiance vis-à-vis de la classe ouvrière, qui n'est d'ailleurs plus considérée comme la classe porteuse de la révolution. Tous les avatars du stalinisme, du maoïsme au castrisme, ont misé sur une mythique paysannerie révolutionnaire, une paysannerie qui (de même que les groupes "indigènes") ne leur sert que de masse de manœuvre et de chair à canon.

Pour les idéologues du "foquisme" (7), comme les auteurs de la LCR le disent, "la guérilla est un moyen de déclencher un mouvement large et majoritaire". En fait, la guérilla n'était pas l'initiateur d'un mouvement, mais le mouvement lui-même. Les deux auteurs de la LCR nous disent que la "grève générale insurrectionnelle du 1er janvier 1959 a porté un coup de grâce à la dictature qu'aucune victoire militaire n'aurait su remplacer. Le Che le sait et s'inscrit, à ce niveau, dans la vieille tradition du mouvement ouvrier qui accorde à la grève générale insurrectionnelle une portée stratégique cruciale dans la prise du pouvoir par le peuple : ‘un facteur primordial de la guerre civile', la prise du pouvoir représente, donc, chez Guevara, une étape nécessaire qu'il ne s'agit pas d'entreprendre comme un coup de force, mais bien à partir d'un large mouvement révolutionnaire majoritaire, suscité dans les zones rurales et aussi dans les villes, à partir de l'activité armée par la guérilla".

Derrière ce langage se cache le fait que la classe ouvrière n'a été qu'une masse de manœuvre supplétive pour la guérilla nationaliste de Castro, et la "grève générale insurrectionnelle" qu'un moyen de plus pour que triomphe le véritable moteur de l'insurrection nationaliste, c'est-à-dire la guérilla elle-même. C'est d'ailleurs l'organisation militaire et l'armée qui forment la véritable colonne vertébrale du régime castriste et du parti stalinien.

"L'anti-bureaucratisme" : une idéologie révolutionnaire ?

Un des thèmes préférés de l'admiration de la LCR pour le Che, c'est la critique que celui-ci aurait fait de la "bureaucratie" soviétique. B&L parlent de la "guerre du Che contre le bureaucratisme". Pendant des années, quand un stalinien ou un gauchiste voulait un tant soit peu se démarquer du système régnant en URSS, il avait recours à la tarte à la crème de la "critique de la bureaucratie". Pour la LCR, l'URSS et son camp n'étaient pas capitalistes, mais dirigés par une "couche bureaucratique", formule vide de sens qui ne servait qu'à justifier finalement leur "soutien critique". Il s'agit de faire croire que Guevara, ce responsable de l'Etat cubain, ministre de l'Industrie, prenait des risques contre l'appareil quand il chargeait la bureaucratie. Son texte Contre le bureaucratisme (1963) peut se résumer ainsi : il faut changer les méthodes d'administration léguées par la guérilla et les remplacer par une organisation où il faut "inculquer l'intérêt chez les employés, éliminer les parasites" en redonnant "une grande impulsion patriotique et nationale pour résister à l'impérialisme qui a étreint l'immense majorité du peuple cubain,et chaque travailleur est devenu un soldat de l'économie prêt à résoudre n'importe quel problème."

Autrement dit, il s'agissait de passer de l'administration "artisanale" de la guérilla à une administration de type militaire avec élan patriotique incorporé.

Souvent, ce genre d'argument de lutte contre la bureaucratie est utilisé par le sommet de l'Etat pour se débarrasser des éléments intermédiaires ou faire pression sur eux pour les contraindre à mener la politique de la clique au pouvoir. Ce fut, par exemple, la tactique utilisée par Mao Tse Toung dans sa "Révolution culturelle" en Chine. La clique au pouvoir impose son ordre et ses intérêts par cette "lutte contre la bureaucratie" : toutes les fractions bourgeoises doivent obéir à une seule clique, en particulier à son chef. C'est pourquoi elle a toujours comme corollaire le culte du chef. Et ici, Guevara est devenu un véritable champion, portant le culte de la personnalité vis-à-vis du "lider máximo", Fidel Castro, à son paroxysme. Celui-ci est pour Guevara l'exemple, le modèle permanent, la source d'inspiration :

"La masse, (...) suit sans hésiter ses dirigeants, surtout Fidel Castro..." "Si on regarde les choses superficiellement, on pourrait penser que ceux qui parlent de soumission de l'individu à l'Etat ont raison, mais les masses réalisent avec enthousiasme et discipline sans égal, les tâches que le gouvernement établit, qu'elles soient économiques, culturelles, de défense ou sportives... L'initiative vient en général de Fidel ou du haut commandement de la Révolution et elle est expliquée au peuple qui la fait sienne" (Le socialisme et l'homme à Cuba, 1965).

Le Che et le trotskisme

Pour justifier cette revendication de Guevara, un des chapitres du livre de B&L s'attache à retrouver des traces des "penchants trotskistes" de ce personnage. Il y a un coté pitoyable et pathétique dans cette recherche d'un Guevara trotskisant. Il aurait eu par exemple dans son barda en Bolivie un exemplaire de la Révolution russe. Dans leur soutien critique au stalinisme, les trotskistes n'ont jamais pu éviter le masochisme (8). Il suffit de lire ses déclarations à des journalistes en 1961 en Uruguay pour se rendre compte des sentiments tout à fait staliniens que Guevara portait en réalité aux trotskistes :

"Journaliste : Dr. Guevara, pourriez-vous nous dire pourquoi on a enlevé aux trotskistes cubains tous leurs moyens d'expression, pourquoi on leur a confisqué leur imprimerie ?

Guevara : Les trotskistes ? Ecou­tez, il y a eu une petite imprimerie qui publiait un hebdomadaire qui a eu quelques problèmes avec nous". Et il persifle : "Nous avons pris quelques mesures administratives, parce qu'il n'avaient pas de papier, ni la permission pour en utiliser, ni imprimerie, ni rien du tout ; et, tout simplement, nous avons décidé qu'il n'était pas prudent que le trotskisme continue à appeler à la subversion".

Après, Guevara, méprisant, évoque une possible connivence entre le trotskisme et Batista (9), faisant une obscure référence à une grève aventuriste dont Batista était au courant et à cause de laquelle "beaucoup de nos camarades sont morts" et, enfin, il finit en disant que le trotskisme renaît, "étrange coïncidence", à Guantánamo, ville "si proche de la base navale des Etats-Unis", de sorte que :

"... nous soupçonnons qu'il pouvait avoir un rapport avec cette... ‘proximité géographique'. C'est pour cela que nous avons pris quelques mesures pour que des gens qui ne représentent rien et dont nous ne savons pas d'où ils sortaient leur argent, continuent, sur des positions d'extrême gauche, à gêner le développement de notre Révolution.

Journaliste : Pourtant ici [en Uruguay], ils ont bien soutenu la Révolution cubaine...

Guevara : D'accord, mais c'était à Cuba, ici, nous n'avons fermé aucun journal, bien évidemment ! (rires)" [Université de Montevideo, 1961].

Ce livre à la gloire du Che s'inscrit dans l'entreprise de la LCR de "moderniser" son image, remplaçant le "vieux" Trotski par "le Che", prétendu symbole de la "jeunesse révolutionnaire". Pour cela, il lui faut dépouiller l'image du Che de tout ce que politiquement il fut pour ne laisser que l'aura du héros (tout en restant un homme, "avec ses défauts", concèdent les auteurs B&L), une aura qui serve de guide aux nouvelles générations en recherche pour les égarer dans les impasses du "socialisme du 21e siècle", de l'altermondialisme et autres produits dérivés de ce qui n'est, en fin de compte, qu'une resucée du capitalisme étatique tout ce qu'il y a de plus stalinien.

Pinto (22 janvier)


1) Besancenot avoue lui même sans vergogne la raison profonde de ce ravalement de façade : aujourd'hui c'est dans la figure du "Che" que "la jeune génération préférerait se reconnaître plutôt qu'en Trotski". Les références au vieux militant bolchevik ne seraient plus à la mode...

2) Lire notre article "Che Guevara : mythe et réalité" (Révolution internationale n° 384) et disponible sur notre site Web : www.internationalism.org [33]

3) A plusieurs reprises, Guevara a proclamé être un "patriote" de cette autre Amérique: "Notre Amérique, la nomme-t-il, celle qui va du Rio Bravo jusqu'à la Terre du Feu"... "Je me sens aussi patriote de l'Amérique latine, de n'importe quel pays de l'Amérique latine, que n'importe qui d'autre et au moment où ce serait nécessaire, je serai disposé à donner ma vie pour la libération de n'importe lequel des pays d'Amérique Latine" (discours à l'Assemblée générale des Nations Unies, 12/1964)

4) Autrement dit les Etats-Unis.

5) B&L insistent beaucoup sur les critiques du Che à la politique de l'URSS. Pour ces auteurs, cette théorie de la "grande patrie" révèle que le Che avait raison de s'opposer à la politique des partis communistes orthodoxes. En fait, cette différence entre les staliniens orthodoxes et les guevaristes (ou les maoïstes) était liée surtout aux intérêts immédiats de l'URSS à ce moment-là. Après la crise des missiles de Cuba, en 1962, l'URSS réoriente sa politique et sa tactique impérialiste. Pour elle, il s'agit dorénavant de contrer l'autre bloc impérialiste par "la coexistence pacifique". Che Guevara, lui, n'entend rien à ce changement de stratégie et veut continuer l'affrontement par "les luttes de libération nationale" : "L'impérialisme... il faut le battre dans un affrontement mondial, vaste et prolongé. Pour lutter contre l'ennemi commun du genre humain, l'impérialisme américain, les pays socialistes doivent unir leurs efforts, malgré leurs divergences". C'est pourquoi il sera "lâché" par l'URSS et Castro lors de ses aventures désastreuses au Congo d'abord puis en Bolivie, où il mourra.

6) Pour la position marxiste sur les revendications nationales, lire, entre autres, "Courrier d'un lecteur : les revendications nationales et démocratiques, hier et aujourd'hui", Revue internationale no 129 https://fr.internationalism.org/rint129 [47].

7) La tactique de la guérilla.

8) Rappelons que Troski fut assassiné par les staliniens que Guevara n'a jamais cessé de prendre comme modèles révolutionnaires !

9) Dictateur de Cuba de 1952 à 1958, renversé par la clique castriste.


Géographique: 

  • Amérique Centrale et du Sud [15]

Courants politiques: 

  • Trotskysme [48]
  • Stalinisme [49]

Journée internationale des femmes : seule la société communiste peut mettre fin à l'oppression des femmes

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Le 8 mars, une fois de plus, toutes les associations féministes, avec la bénédiction de la petite bourgeoisie progressiste de la gauche plurielle (notamment du PS), vont commémorer la journée internationale des femmes. Une fois de plus, cette journée de lutte des femmes ouvrières sera dénaturée et transformée en une gigantesque mascarade démocratique et réformiste. Comme le Premier Mai, le 8 mars a été récupéré par la bourgeoisie et est devenu une institution de l'État capitaliste.

Dans l'Origine de la famille, de la propriété privée et de l'État (1887), Engels dénonçait déjà l'oppression des femmes en affirmant que, avec la fin des sociétés matrilinéaires et l'avènement de la société patriarcale, la femme est devenue "le prolétaire de l'homme". En 1891, Auguste Bebel, dans la Femme et le socialisme a poursuivi le travail d'Engels dans une étude approfondie de la condition féminine dans l'histoire.

Dès la fin du 19e siècle, la question de la femme s'est trouvée étroitement liée aux combats de la classe ouvrière pour l'émancipation de l'humanité toute entière. Les conditions de misère et d'exploitation que subissaient les femmes ouvrières devaient nécessairement les conduire à se porter à l'avant-garde des luttes prolétariennes du début du xxe siècle.

La lutte des femmes au sein du mouvement ouvrier du 20e siècle

La journée du 8 mars trouve son origine dans les manifestations des ouvrières du textile à New York qui se sont déroulées le 8 mars 1857 et qui furent réprimées par la police (bien qu'aucune archive du mouvement ouvrier américain n'ait permis, semble-t-il, de confirmer la véracité de cet événement).

C'est dans le principal parti de la classe ouvrière, le SPD en Allemagne, que le mouvement international des femmes socialistes vit le jour sous l'impulsion de Clara Zetkin (1) : celle-ci fonde en 1890, avec le soutien de Rosa Luxemburg, la revue Die Gleichheit (l'Égalité) qui s'inscrivait dans une perspective révolutionnaire de renversement du capitalisme et d'instauration de la société communiste mondiale. Partout dans le monde, en Europe occidentale comme aux États-Unis, les femmes ouvrières commençaient à se mobiliser contre leurs conditions d'exploitation. Elles réclamaient la diminution de leur journée de travail, l'équité des salaires avec les hommes, l'abolition du travail des enfants, une amélioration de leurs conditions de vie. A ces revendications économiques s'ajoutèrent également des revendications politiques, notamment le droit de vote pour les femmes (cette revendication politique sera par la suite noyée et confondue avec celle des femmes de la bourgeoisie, les "suffragettes").

Mais c'est surtout à partir de 1907, face aux premiers signes annonciateurs de la Première Guerre mondiale, que les femmes ouvrières et socialistes vont se trouver aux avant-postes de la lutte contre la barbarie capitaliste.

Clara Zetkin convoque le 17 août 1907 la première conférence de l'Internationale socialiste des femmes à Stuttgart. Cinquante-huit déléguées venues de toute l'Europe et des États-Unis y participent et adoptent une résolution sur le droit de vote des femmes. Cette résolution sera adoptée par le congrès de Stuttgart du SPD qui a suivi cette conférence. A cette époque où le salaire des femmes était inférieur de moitié à celui des prolétaires masculins pour la même tâche, il existait de nombreuses organisations de femmes et la grande majorité d'entre elles participaient activement à toutes les luttes ouvrières du début du siècle.

En 1908 et 1909, se déroulent à New York de gigantesques manifestations des ouvrières du textile. Elles réclament "du pain et des roses" (les roses symbolisant l'amélioration de leurs conditions d'existence), la suppression du travail des enfants et des augmentations de salaire.

En 1910, l'Internationale socialiste des femmes lance un appel à la paix. Le 8 mars 1911, la journée internationale des femmes rassemble un million de femmes ouvrières en Europe. Quelques jours plus tard, le 25 mars, plus de 140 ouvrières périssent dans un incendie de l'usine de textile Triangle à New York du fait de l'absence de mesures de sécurité. Ce drame va galvaniser encore la révolte des femmes contre leurs conditions d'exploitation et contre leur exclusion de l'activité politique parlementaire. En 1913, partout dans le monde, les femmes réclament le droit de vote. En Grande-Bretagne, les "suffragettes" de la bourgeoisie radicalisent elles aussi leur mouvement.

Mais c'est surtout dans la Russie tsariste que la lutte des femmes va donner une impulsion au mouvement révolutionnaire de toute la classe ouvrière. Entre 1912 et 1914, les ouvrières russes organisent des rassemblements clandestins et affirment leur opposition à la boucherie impérialiste. Elles seront suivies par les femmes des pays d'Europe dès le début de la guerre.

En 1915, les offensives de l'armée française sur le front provoquent une véritable boucherie : 350 000 soldats sont massacrés dans les tranchées. A l'arrière, les femmes subissent une sur­exploitation accrue pour faire tourner l'économie nationale. Les réactions contre la guerre commencent à exploser et ce sont les femmes qui sont les premières à se mobiliser. Le 8 mars 1915, Alexandra Kollontai (2) organise à Christiana, près d'Oslo, une manifestation de femmes contre la guerre. Clara Zetkin convoque une nouvelle Conférence internationale des femmes qui servira de prélude à la Conférence de Zimmerwald dans laquelle se regroupent tous les opposants à la guerre. Le 15 avril 1915, 1136 femmes de 12 pays différents se réunissent à La Haye.

En Allemagne, c'est surtout à partir de 1916 que deux des plus grandes figures féminines du mouvement ouvrier occidental, Clara Zetkin et Rosa Luxemburg, vont jouer un rôle décisif dans la fondation du Parti communiste allemand, le KPD. Aux Etats-Unis, Emma Goldman, militante anarchiste (et amie du journaliste John Reed, membre fondateur du parti communiste américain), mène un combat acharné contre la guerre impérialiste : en 1917 elle sera emprisonnée (et considérée comme "la femme la plus dangereuse des Etats-Unis") avant d'être expulsée en Russie.

En Russie, ce sont les femmes ouvrières qui vont ouvrir la marche triomphante du prolétariat vers la révolution. Le 8 mars (le 23 février dans le calendrier grégorien), les ouvrières des usines textile de Petrograd se mettent spontanément en grève et descendent dans la rue. Elles réclament du pain et la paix. Elles exigent le retour du front de leurs fils et de leur mari. "Sans tenir compte de nos instructions, les ouvrières de plusieurs tisseries se sont mises en grève et ont envoyé des délégations aux métallurgistes pour leur demander de les soutenir... Il n'est pas venu à l'idée d'un seul travailleur que ce pouvait être le premier jour de la révolution" (Trotski, Histoire de la Révolution russe). Le mot d'ordre "le pain et la paix" qui a servi d'étincelle à la Révolution russe fut donc bien lancé par les ouvrières de Petrograd qui ont entraîné dans leur mouvement les ouvriers des usines Poutilov et l'ensemble de la classe ouvrière.

La récupération du mouvement des femmes par la démocratie bourgeoise

Ce n'est pas un hasard si la bourgeoisie allemande finit par accorder le droit de vote aux femmes le 12 novembre 1918, au lendemain même de la signature de l'Armistice. C'est justement dans le pays où est né le Mouvement international des femmes socialistes, dans le pays où militaient les plus grandes figures féminines du mouvement ouvrier du début du xxe siècle, Rosa Luxemburg et Clara Zetkin, que la classe dominante devait tenter de briser l'élan révolutionnaire des femmes en cédant à cette revendication alors que le Parlement était devenu une coquille vide pour la classe ouvrière. Avec l'entrée du capitalisme dans sa période de décadence, l'heure n'était plus à la lutte pour des réformes, pour le droit de vote, mais pour le renversement de l'ordre capitaliste.(suite page 6)

La Première Guerre mondiale avait ouvert une nouvelle période historique : "l'ère des guerres et des révolutions", comme l'affirmait l'Internationale communiste en 1919.

A partir du début des années 1920, le mouvement des femmes suit le même cours que celui de la lutte du prolétariat : il entre dans une dynamique de reflux et sera rapidement absorbé par l'État capitaliste. Il va de plus en plus se distinguer et se séparer du mouvement prolétarien pour devenir un mouvement interclassiste. La question de l'oppression sexuelle des femmes sera combattue indépendamment des conditions d'exploitation des femmes dans les entreprises, en semant l'illusion suivant laquelle les femmes peuvent s'émanciper au sein même d'une société basée sur l'exploitation et la recherche du profit. Le mouvement de "libération" des femmes commencera à se focaliser, dès le début des années 1920, autour de la question de la régulation des naissances et le droit à l'avortement, notamment aux États-Unis.

En Allemagne, le mouvement des femmes sera rapidement dévoyé dès le milieu des années 1920 sur le terrain de la lutte contre le nazisme.

Dans les autres pays d'Europe, notamment en France et en Espagne, les femmes vont continuer à revendiquer le droit de vote tout en se laissant enrôler dans l'idéologie antifasciste qui allait permettre l'embrigadement de millions de prolétaires dans la Seconde Guerre mondiale.

Très vite d'ailleurs, le mouvement des femmes est récupéré par toutes sortes d'officines de l'État bourgeois, telles l'UFCS en France (Union féminine civique et sociale), organisation catholique féministe qui appelait les femmes à lutter non pas contre le système capitaliste dans son ensemble mais contre le colonialisme et le fascisme.

En France, alors que le droit de vote n'est pas encore accordé aux femmes, Léon Blum fera néanmoins entrer pour la première fois des femmes au gouvernement : le 4 juin 1936, trois femmes sont nommées sous-secrétaires d'État (Cécile Brunschwig, Irène Joliot-Curie et Suzanne Lacore). Cet événement, présenté comme "progressiste", a permis aux partis de gauche du capital de rabattre un maximum de femmes ouvrières derrière les drapeaux du Front populaire et de les faire participer aux préparatifs de la Seconde Guerre mondiale en les mobilisant dans la campagne antifasciste.

Pendant l'Occupation, de nombreuses femmes se sont engagées dans la Résistance, notamment derrière les drapeaux du parti stalinien, le P"C"F. Leur "bravoure" et leur "patriotisme" seront finalement récompensés par de Gaulle qui leur accorde le droit de vote le 23 mars 1944 afin de leur permettre... d'élire leurs propres exploiteurs de droite comme de gauche.

Néanmoins, au moment même où les femmes obtenaient le droit de vote en France, la Libération de Paris a connu son heure de gloire grâce au chauvinisme écoeurant du P"C"F : en 1945, les femmes "bien de chez nous" qui avaient commis le crime d'avoir eu des relations sexuelles avec des "boches" devaient être tondues. Accusées d'avoir souillé le drapeau tricolore et "collaboré" avec l'ennemi, elles furent condamnées à défiler sur la place publique et livrées à la vindicte populaire.

Le "féminisme" : une idéologie sexiste et réactionnaire

A partir du début des années 1970, le mouvement des femmes se démarque toujours plus du mouvement ouvrier : c'est la montée de l'idéologie "féministe" avec le MLF (Mouvement de libération des femmes) qui rejette toute idée d'appartenance des femmes à un parti politique. Au nom de l'anti-"machisme", beaucoup de leurs réunions sont interdites aux hommes. Le mouvement se prétend "autonome" et renforce l'illusion que seules les femmes seraient opprimées non par le système capitaliste mais par les "hommes" en général. On assiste à une dérive sexiste où non seulement les "féministes" revendiquent les mêmes "droits" que les hommes mais considèrent ces derniers comme leurs ennemis, leurs véritables oppresseurs. De nombreuses "féministes" se lancent dans un combat don quichottesque pour la "libération sexuelle" des femmes sans remettre le moins du monde en question les fondements économiques de leur oppression. Le mouvement féministe rompt définitivement avec la tradition de la lutte des femmes au sein du mouvement ouvrier. Il devient une idéologie réactionnaire, celle de la petite bourgeoisie sans devenir historique, qui a fleuri sous les pavés de Mai 1968. Et ce n'est nullement un hasard si les féministes ont choisi la couleur mauve comme emblème, cette même couleur qui était celle des "suffragettes" au début du xxe siècle. En 1975, ce mouvement féministe intégrera également les prostituées qui revendiquent le droit de continuer de faire "librement" commerce de leur corps (et de vivre de la misère sexuelle des hommes) sans avoir à subir la répression policière.

Une mascarade au service du capital

En 1977, l'ONU officialise la Journée internationale des femmes et adopte une résolution invitant chaque pays à consacrer une journée à la célébration des "droits de la femme et de la paix internationale". Pour ce qui est de la "paix", il suffit de voir la multiplication des massacres perpétrés sous l'égide de grandes puissances démocratiques pour se faire une idée de la valeur des bonnes "résolutions" de ce repaire de brigands impérialistes qu'est l'ONU. Quant à la Journée internationale des droits de la femme, elle n'est qu'une nouvelle esbroufe destinée à mystifier les femmes de la classe ouvrière et à les dévoyer de leurs luttes de travailleuses exploitées par la bourgeoisie.

En France, c'est la gauche (et particulièrement le PS) qui, depuis l'arrivée de Mitterrand au gouvernement, est devenue le fer de lance de l'idéologie "féministe". C'est sous le gouvernement Mauroy en 1982, avec son ministère du Droit de la Femme, que la journée du 8 mars est devenue une institution chapeautée par l'État démocratique bourgeois.

Depuis, toutes les fractions de gauche du capital se sont efforcées de mettre sur pied une multitude d'associations de femmes qui ne servent qu'à dissoudre les ouvrières dans la masse des femmes "en général", dans des luttes où les femmes de toutes les couches et classes sociales peuvent faire cause commune en tant que "femmes", sans distinction de leurs intérêts de classe.

Aujourd'hui, les campagnes électorales (avec la candidature de Hillary Clinton aux États-Unis, après celle de Ségolène Royal en France) veulent nous faire avaler une grosse couleuvre : les femmes au gouvernement seraient une alternative possible à la brutalité des attaques contre la classe ouvrière. On veut nous faire croire encore qu'avec une femme à la tête des États, il y aurait moins de barbarie guerrière : les femmes seraient moins "violentes", plus "humaines", plus "pacifistes" que les hommes.

Tout ces discours ne sont que pure mystification. La domination capitaliste n'est pas un problème de sexe mais de classe sociale. Lorsqu'elles sont aux commandes de l'État, les femmes de la bourgeoisie mènent exactement la même politique capitaliste que leurs prédécesseurs masculins. Toutes sont destinées à faire le même travail que la Dame de fer, Margaret Thatcher, qui s'est distinguée pour avoir dirigé la Guerre des Malouines en 1982 et avoir laissé mourir plusieurs prisonniers de l'IRA qui faisaient la grève de la faim afin de réclamer le statut de prisonniers politiques. Toutes font et feront la même politique que les complices de Sarkozy, Michèle Alliot-Marie, Rachida Dati, Valérie Pécresse, Fadela Amara et consorts. La bourgeoisie ne connaît pas la différenciation des sexes dans la gestion de l'économie nationale. Et la patronne des patrons, Laurence Parisot, fait aussi bien son travail au service de la bourgeoisie que ses prédécesseurs du "sexe fort".

En 1917, juste avant la Révolution d'Octobre, Lénine écrivait :

"Du vivant des grands révolutionnaires, les classes d'oppresseurs les récompensent par d'incessantes persécutions; elles accueillent leur doctrine par la fureur la plus sauvage, par la haine la plus farouche, par les campagnes les plus forcenées de mensonges et de calomnies. Après leur mort, on essaie d'en faire des icônes inoffensives, de les canoniser pour ainsi dire, d'entourer leur nom d'une certaine auréole afin de "consoler" les classes opprimées et de les mystifier ; ce faisant, on vide leur doctrine révolutionnaire de son contenu, on l'avilit et on en émousse le tranchant révolutionnaire" (l'État et la Révolution).

Il est arrivé au Premier Mai ce qui est arrivé aux révolutionnaires. Et il est arrivé à la Journée du 8 mars ce qui est arrivé au Premier Mai.

Une des armes les plus pernicieuses de la bourgeoisie réside dans la capacité de la classe dominante à retourner contre la classe ouvrière les symboles qui lui appartenaient dans le passé. Il en fut ainsi des syndicats, des partis ouvriers comme du Premier Mai et de la Journée des femmes.

Depuis la fin de la préhistoire, les femmes ont toujours subi le joug de l'oppression. Mais cette oppression ne peut être abolie au sein du capitalisme. Seul l'avènement de la société communiste mondiale pourra rendre aux femmes leurs lettres de noblesse. Elles ne pourront se libérer elles-mêmes qu'en s'intégrant et en participant activement au mouvement général du prolétariat pour l'émancipation de l'humanité toute entière.

Sylvestre (12 février)

 

 

1) Clara Zetkin, née en 1887, a participé activement à la fondation de la Deuxième Internationale. Face à l'opportunisme qui a gangrené son parti phare, le SPD, Clara Zetkin se situera avec son amie Rosa Luxemburg à l'aile gauche de ce parti. Elle a participé au mouvement révolutionnaire contre la Première Guerre mondiale. En 1915, elle participe à la fondation de la Ligue Spartakiste aux côtés de Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht. Elle était déléguée de l'Internationale communiste au Congrès de Tours lors de la fondation du Parti communiste français.

2) Alexandra Kollontaï, née en 1872, est une des plus grandes figures féminines du parti bolchevik en 1917. Après avoir fait partie des mencheviks après le Congrès du POSDR en 1903, elle lutte contre la guerre dès 1914 et rejoint le parti de Lénine en 1915. Elle participe à la Révolution russe et sera la première femme au monde à participer à un gouvernement, après la Révolution d'Octobre. Grâce à son activité et au mouvement révolutionnaire des ouvrières, celles-ci obtiennent en Russie le droit de vote, l'équité des salaires, et en 1920 le droit à l'avortement. A partir de 1918, Alexandra Kollontaï va de plus en plus s'opposer aux dérives du parti bolchevik et participera à la fondation en 1920 d'une fraction interne, l'Opposition ouvrière.

 

Personnages: 

  • Clara Zetkin [50]

Heritage de la Gauche Communiste: 

  • Luttes parcellaires [51]

Rubrique: 

Campagnes idéologiques

Réunions Publiques exceptionnelles : Mai 68 et la perspective révolutionnaire

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Le CCI organisera prochainement des réunions publiques exceptionnelles en France au sujet de Mai 68.


Au milieu du fatras de paroles et d’écrits déversés sur Mai 68, un des aspects les plus méconnus ou ignorés du mouvement qui le porte, c’est son caractère international.
La propagande bourgeoise met en avant sa « spécificité nationale » : l’arriération de la société française, l’archaïsme de ses valeurs ou de ses institutions, le caractère borné de ses dirigeants…En fait, Mai 68 n’a pas éclaté comme un orage dans un ciel d’azur. Depuis 1964, la contestation étudiante se développe partout dans le monde, surtout contre la guerre au Vietnam : aux Etats-Unis, en Allemagne, en Grande-Bretagne mais aussi jusqu’au Mexique ou au Sénégal. Quant au mouvement de la classe ouvrière qui se manifeste pour la première fois simultanément en France avec celui des étudiants, il culmine dans une grève de masse de plus de 9 millions de prolétaires. Il est le déclencheur d’une vague de luttes internationales (« l’automne chaud en 1969 en Italie », les grèves de 1970 en Pologne,…).

Le fait que les « soixante-huitards » les plus éminents (Cohn-Bendit, Glucksmann, July , …) soient devenus aujourd’hui des porte-parole patentés de l’ordre établi nous est présenté par certains comme une preuve que Mai 68 n’était nullement porteur d’un message révolutionnaire. Les idéologues bourgeois de tous bords s’accordent pourtant pour dire qu’il y a un « avant-Mai 68 » et un « après-Mai 68 ». Mais pour eux, derrière «l’évolution des mœurs » depuis 68, il y a une simple "adaptation" à une société capitaliste plus moderne ou plus progressiste.

En réalité, il y a bien eu un changement de période historique depuis Mai 68 et qui traduisait la fin de la longue période de contre-révolution subie par le prolétariat après l’écrasement de la vague révolutionnaire de 1917-1923. Les événements de Mai 68 ont ouvert une nouvelle perspective de développement international de la lutte de classe.



Notre dernière réunion aura lieu :

  • à Marseille le 31 mai à 17 heures

Pour plus d'informations, consultez l'encadré "Réunions publiques" ci-contre à gauche.

Vie du CCI: 

  • Réunions publiques [14]

Histoire du mouvement ouvrier: 

  • Mai 1968 [52]

Révolution Internationale n° 389 - avril 2008

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Face à la misère capitaliste, solidarité de tous les ouvriers

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La classe dominante et ses médias sont désormais contraints de reconnaître que "le pouvoir d'achat est devenu la première des préoccupations dans toutes les enquêtes d'opinion publique." Ça, c'est sûr ! Face à la hausse vertigineuse de tous les produits alimentaires de base, le gouvernement français a dû réviser ses chiffres officiels (de 2 % d'inflation avouée, on est passé à 4,9 % en un an) mais en réalité, c'est entre 20 et 50 % que les prix des principales denrées alimentaires ont augmenté en moins de 4 mois (pain, pâtes et céréales, produits laitiers, fruits, légumes, viande...). Acheter du poisson est devenu un luxe que la plupart des familles ouvrières ne peuvent plus se permettre.

 

La paupérisation croissante touche toute la classe ouvrière

Les soupes populaires (à commencer par les "Restos du Cœur") sont de plus en plus fréquentés par des salariés. Les prix des loyers, du gaz, des transports en commun, de l'essence ne cessent de grimper. Dans les villes, de plus en plus de familles de travailleurs sont réduites à s'entasser dans des taudis plus ou moins insalubres. Outre les fameuses cités de banlieue dont l'état ne cesse de se dégrader, à la périphérie, en lisière des aires d'autoroute ou en pleine forêt, des bidonvilles (que les pouvoirs publics avaient prétendu avoir éradiqués au début des années 1980), des abris de fortune ou de véritables "favelas" comme dans le "tiers-monde" sont en train de refleurir. Le problème du logement est devenu central aux Etats-Unis où chaque mois depuis l'été dernier, 200 000 personnes en moyenne sont jetées à la rue. Et cette déferlante gagne aujourd'hui l'Europe.

En France, les dispensaires et centres médicaux gratuits jusque-là réservés aux SDF ou aux "RMIstes" voient affluer chaque jour davantage de travailleurs qui sont incapables de payer les nouvelles franchises médicales appliquées depuis le début de l'année (en particulier la taxation de 50 centimes sur chaque boîte de médicaments). Et les retraités sont souvent les premiers à plonger dans cette misère accrue.

Plus de 6 millions de personnes vivent déjà officiellement en dessous du seuil de pauvreté et 40 % de la population a des revenus inférieurs au SMIC. La paupérisation des prolétaires s'est encore accrue avec la généralisation de la précarité de l'emploi (multiplication des temps partiels, des CDD, de l'intérim, des "stages de formation ou de recyclage") qui masque les vrais chiffres du chômage alors que les annonces de plans de licenciements, de suppressions d'emploi, de fermetures d'usine dans les grandes entreprises comme dans les PME ne cessent de tomber tous azimuts. Moins de la moitié des chômeurs officiellement décomptés sont indemnisés par l'Unedic. Pour les jeunes générations, c'est encore pire. Ceux, entre 18 et 25 ans, à la recherche d'un emploi ont rarement accès à l'assurance chômage et, sauf exception, ils sont exclus du RMI. Et cette réalité n'est ni "nationale" ni conjoncturelle. C'est le produit d'une aggravation de la crise mondiale.

Quel avenir nous réserve le capitalisme ?

Et en plus, qu'est-ce qu'on nous promet pour l'avenir ? L'attitude de la bourgeoisie française est édifiante. Au soir du second tour des élections municipales, le premier ministre Fillon avait le culot de déclarer que la défaite cuisante de son camp traduisait "l'impatience des Français à voir se mettre en place les réformes annoncées par Sarkozy lors de sa campagne présidentielle (...) La politique de la France, les électeurs l'ont majoritairement choisie à l'occasion des élections présidentielles et législative (...) et nous allons poursuivre cette politique."

Outre l'arrogant auto-aveuglement des dirigeants bourgeois, cela démontre clairement que les élections ne peuvent rien changer1. Au contraire, passées ses échéances électorales, la classe dominante peut donner libre cours au déchaînement de ses attaques.

La généralisation du passage de 40 à 41 ans de cotisations pour pouvoir bénéficier d'une retraite à taux plein déjà promise depuis la loi Fillon2 de 2004 dans la fonction publique est la prochaine étape d'une attaque qui nous réserve de passer bientôt à 65 ans pour l'âge légal du droit à la retraite, voire davantage comme en Allemagne (67 ans) ou en Grande-Bretagne (68 ans).

Le nouveau "contrat de travail" (contresigné le 11 janvier dernier par la majorité des syndicats) accouplé à la réforme du code du travail de fin 2007 assure une "flexibilité" et une précarité accrues dans le privé. Sous couvert de "séparation à l'amiable" entre employeur et salarié, il facilite le licenciement ; il allonge également considérablement la période d'essai, comme il assure la mise en place d'un nouveau CDD appelé "contrat de mission" pour les ingénieurs et les cadres. Il met l'accent sur "des devoirs renforcés" ouvrant la porte à l'acceptation de n'importe quel emploi. De plus, cet accord prépare la négociation de l'assurance chômage qui s'ouvre prochainement, annonçant une forte dégradation supplémentaire des droits des chômeurs indemnisés ainsi qu'une nouvelle augmentation des contrôles et des radiations, par ailleurs déjà accéléré par la récente fusion entre ANPE et l'UNEDIC.

Sous l'impact de l'aggravation de la crise, des plans de licenciements massifs s'apprêtent à toucher des secteurs comme l'automobile, les banques et les assurances. Et face à une concurrence internationale effrénée, les grands groupes ont de plus en plus recours à des licenciements pour embaucher à la place des intérimaires à des salaires nettement inférieurs comme chez Michelin, Bosch, Siemens.

Parallèlement, le gouvernement s'est déjà attelé à "dégraisser le mammouth" de la Fonction publique (selon l'expression de l'ancien ministre socialiste Allègre) : le budget prévoit 23 000 suppressions d'emploi chez les fonctionnaires (dont 11 200 dès le rentrée de septembre dans le seul secteur de l'Education nationale). Mais ce sera pire à partir de 2009 : ce sont 160 000 emplois en 4 ans qui doivent être supprimés dans les 3 fonctions publiques dont la moitié dans l'Education nationale (3).

Dans ce but, une grande "réforme de l'administration" est déjà à l'œuvre. Le gouvernement s'apprête à faire passer d'ici le mois de juin un projet de loi sur "la mobilité dans la fonction publique" qui vise en fait à légaliser le recours au licenciement dans toute la fonction publique : chaque fonctionnaire dont le poste est supprimé se verra proposer au maximum 3 postes de "reclassement fonctionnel ou géographique", en cas de 3 refus, il sera "mis en disponibilité ou en retraite d'office" et donc radié et licencié sans la moindre indemnité. L'administration propose en même temps une extension des temps partiels (y compris un transfert dans le privé) et le recours à des intérimaires sous-payés pour suppléer aux vacances d'emplois. Pour favoriser et accélérer cette "mobilité" et ces suppressions de poste, le gouvernement est en train de mettre en place la fusion de plusieurs corps d'Etat (centres des impôts et services de recouvrement notamment) en structure unique, le concours de recrutement de postes administratifs devenant inter-ministériel.

Vers un développement de la lutte de classe

La classe ouvrière est la première victime de l'aggravation de la crise économique mondiale. Le capitalisme en crise n'a pas d'autre moyen pour tenter de faire face à la concurrence sur le marché mondial que de baisser le coût de la rémunération de la force de travail : économie d'emplois et baisse des salaires ; mais la paupérisation et la précarité croissante qui touchent la classe ouvrière sont aussi le révélateur de la faillite irrémédiable du système capitaliste. Le capitalisme est de plus en plus incapable d'entretenir la force de travail de tous ceux qu'il exploite : l'incapacité d'intégrer une majorité de prolétaires à la production que révèlent le chômage massif et la précarité de l'emploi s'ajoute à l'incapacité de continuer à les nourrir, à les loger, à les soigner décemment.

Mais il ne faut pas "voir dans la misère que la misère". L'accélération actuelle de la crise économique et la vague de paupérisation qui l'accompagne se produisent alors que depuis quelques années maintenant, la classe ouvrière redresse progressivement sa tête et retrouve une combativité grandissante. Ces nouvelles attaques assénées par la bourgeoisie vont donc constituer un terreau fertile sur lequel vont se développer la lutte du prolétariat et son unité. D'ores et déjà, d'ailleurs, monte une colère dont témoignent en France aussi bien la seconde grève en 2 mois dans la grande distribution face à des salaires de misère que la mobilisation périodique d'enseignants exaspérés par les coups qui leur sont portés. Dans pratiquement tous les secteurs, une myriade de grèves ou de réactions ouvrières en ordre dispersé témoignent de l'ampleur du ras-le-bol. Les syndicats ne font que favoriser cet éparpillement des luttes qui les stérilise. Leur fonction d'encadrement repose entièrement sur leur capacité de diviser et d'isoler les luttes afin d'empêcher les prolétaires de prendre conscience de leur capacité collective à s'opposer à ces attaques.

A l'inverse, la lutte des ouvriers porte en elle une dynamique d'unité et de solidarité qui est non seulement le seul moyen de résister à des attaques qui touchent tous les ouvriers, dans tous les secteurs, mais qui débouche sur une perspective de remise en cause de l'impasse où les plonge le capitalisme. L'avenir appartient à la lutte de classe !

W (28 mars)

 

1) Ce récent cirque électoral a donné lieu à un écœurant et indécent étalage de magouilles et de tripatouillages en tous genres pour pouvoir aller à la soupe : multiplication de listes dissidentes dans les grands partis, un maire PC faisant des offres de services aux centristes du Modem pour conserver son poste, ce même Modem faisant la girouette s'alliant tantôt avec des listes de gauche ou des listes de droite tandis que les trotskistes de LO et ceux de la LCR se concurrençaient pour composer des listes communes avec le PS ; par ailleurs, la désillusion vis-à-vis des élections s'est traduite par une forte poussée de l'abstention dans l'électorat ouvrier et dans les quartiers dits "populaires" des grandes villes (souvent plus d'un électeur sur deux ne s'est pas déplacé pour aller voter).

2) Le même Fillon nous a abreuvé tout récemment de son fiel de politicard éprouvé en déclarant pour justifier l'allongement des retraites qu'il fallait "favoriser" l'emploi des "séniors", insistant sur le fait que la France était un des pays les plus en retard en la matière : "Ouvriers, au boulot, jusqu'à en crever !" Tel est le mot d'ordre de la bourgeoisie.

3) Ce qui signifie la suppression de nombreuses classes, en particulier dans le secondaire, une surcharge des effectifs par classe (plus de 35 élèves en moyenne). La suppression de la carte scolaire débouche sur une mise en concurrence des établissements qui va créer sur le même mode que les universités une "sélection" dès le plus jeune âge, quelques écoles réservées à l'élite et les autres.. En même temps, est prévu une suppression des crédits supplémentaires réservés aux établissements classés en "zone d'éducation prioritaire".

Récent et en cours: 

  • Luttes de classe [18]

Les FARC, une clique mafieuse et criminelle

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Les gesticulations présidentielles autour de la libération attendue d'Ingrid Betancourt y sont pour beaucoup : on parle souvent des FARC (1) ces derniers temps. Nicolas Sarkozy rêve ainsi de parfaire son image de sauveur d'otages patenté en atterrissant un jour à Roissy au bras de la franco-colombienne enlevée en 2002. Et pour cette occasion, les médias bourgeois n'ont de cesse de répéter dès qu'ils le peuvent que les FARC sont une organisation... révolutionnaire marxiste ! Pas une information dans la presse, pas un discours de politiciens, de droite comme de gauche, ne manque de mettre en exergue le caractère prétendument subversif et révolutionnaire des FARC. Tout ce battage est un tissu de mensonges qui n'a rien d'anodin. Il a pour but d'assimiler, de façon particulièrement écœurante et crapuleuse, la terreur aveugle d'une bande de pillards avec la lutte ouvrière et l'action des organisations révolutionnaires.

La genèse de cette "armée" se situe à l'époque de la Guerre Froide, une période où les guérillas sud-américaines sont totalement assujetties aux intérêts du bloc russe et dont la lutte "révolutionnaire" est en fait dirigée essentiellement contre la puissance rivale de l'URSS, les Etats-Unis. Ces guérillas, et toutes les luttes de "libération nationale", sont donc en fait une composante à part entière du conflit militaire entre ces deux blocs. En Colombie, cette période est marquée par la débandade de l'Etat face à des affrontements entre bandes (la "violencia"), par la prise de pouvoir par l'armée et par la résistance de guérillas dispersées et rassemblées en 1964 par le Parti communiste de Colombie (stalinien) sous le nom de FARC. Bref, un schéma classique d'affrontements entre cliques bourgeoises et petites bourgeoises, qui se retrouve un peu partout en Amérique du Sud à cette époque. C'est donc de ce passé purement stalinien que les FARC tirent leur étiquette de "révolutionnaires marxistes".

Depuis, les FARC sont une organisation paramilitaire très hiérarchisée, qui a vécu du vol de bétail et de prises d'otages jusqu'à découvrir le filon qui allait lui assurer richesse et pérennité : le trafic de drogue. Depuis 1982, les FARC ont même fait du narco-trafic une industrie stratégique dans leur contrôle du territoire. Estimés à 300 millions de dollars par an, les bénéfices de cette activité reposent sur une logique implacablement capitaliste : concentration des terres, expropriation des petits paysans, fondation d'alliances avec des trafiquants internationaux, etc. La prise d'otages reste une activité lucrative secondaire, au sein de laquelle les otages politiques sont minoritaires. 750 personnes seraient encore détenues, pour la plupart de riches propriétaires, des touristes, mais aussi des paysans expropriés, etc. Sans paiement de rançon, ils sont évidemment exécutés. D'ailleurs, aujourd'hui, les FARC ne s'embarrassent même plus de justifier leur action par une quelconque idéologie marxisante (entendre "stalinienne"). Les chefs des FARC, seigneurs de guerre mafieux, se posent ouvertement comme de véritables entrepreneurs à la tête de milliers d'hommes et de millions de dollars. Une bande bourgeoise en lutte pour une part de pouvoir politique et économique qui, pour parvenir à ses fins, tue (2), enlève, torture, exécute et drogue aveuglément et avec un parfait sang-froid.

En qualifiant cette bande d'assassins de "marxistes révolutionnaires", la bourgeoisie propage donc un mensonge aussi grossier que nauséabond. Mais une fois encore, la palme de la tromperie revient à Lutte ouvrière. Cette organisation trotskiste s'est dressée contre les mensonges de la presse bourgeoise pour... défendre la lutte des FARC, dont les membres sont qualifiés de "camarades sud-américains révolutionnaires". Qu'on en juge par cette déclaration d'amour enflammée :"Étiquetées' terroristes', les FARC se retrouvent logées à la même enseigne que l'étaient dans le passé les nationalistes de l'IRA irlandaise ou du FLN algérien, pour ne pas remonter aux résistants français de la Seconde Guerre mondiale... C'est aussi une façon de leur dénier le droit de s'opposer, les armes à la main, aux grands propriétaires terriens, aux narcotrafiquants, aux milices d'extrême droite, ce qu'elles font depuis plus de quarante ans. Car le combat des FARC, quelles que soient ses limites sociales et ses dérives s'inscrit dans la tradition des luttes qui ont opposé à plusieurs reprises, au cours du 20e siècle, les grands propriétaires terriens aux paysans pauvres, les possédants aux plus déshérités" (LO du 18 janvier 2008). On aurait pu risquer de s'étouffer à une telle lecture si l'on ne se savait pas déjà dans quel camp se place résolument LO, celui de ses "camarades" bourgeois de tous bords et du monde entier. FARC, FLN et autres IRA... toutes des organisations terroristes que LO défend sans sourciller, au prétexte qu'elles défendraient des causes minoritaires opprimées et/ou parce qu'ils habillent leurs crapuleries d'un verbiage marxiste ou révolutionnaire. Décidément, LO ne perd jamais une occasion pour apporter son obole à la propagande de la bourgeoisie.

Face à tous ces mensonges, il faut affirmer que la guérilla n'a rien à voir avec la lutte de la classe ouvrière. La longue expérience de l'horreur stalinienne nous a appris que derrière les discours "marxistes" se cachent bien souvent les pires ennemis du prolétariat. Les FARC font partie de ces groupes dont la moindre action glace le sang de quiconque s'inscrit dans une perspective authentiquement communiste.

GD (25 mars)

 

1) Forces armées révolutionnaires de Colombie (en espagnol Fuerzas armadas revo­lucionarias de Colombia).

2) Les FARC commettent régulièrement des attentats à la bonbonne de gaz, dont l'imprécision conduit au massacre de dizaines de civils innocents.


Géographique: 

  • Amérique Centrale et du Sud [15]

Personnages: 

  • Ingrid Betancourt [53]

Mort du dernier poilu : non à la mémoire patriotique !

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Après de nombreux refus, suite à un harcèlement des autorités de l'Etat, Lazare Ponticelli, le dernier "poilu", a fini par accepter (1) au dernier moment des "obsèques nationales" . Mais "sans tapage important ni grand défilé, au nom de tous ceux qui sont morts, hommes et femmes". Si Lazare Ponticelli avait fini par autoriser ces funérailles, qui ont eu lieu lundi 17 mars, c'était clairement au nom du rejet de "cette guerre injuste et horrible".

En revanche, pour tous les dignitaires et politiciens de l'Etat bourgeois, ce cérémonial avait une toute autre fonction : celle de la récupération politique dans l'union sacrée. Nostalgiques d'un temps où la population avait été embrigadée derrière le drapeau tricolore, il s'agissait de revenir à la charge pour nous dire "qu'il faut aimer sa patrie" (Sarkozy). Le message est clair pour les nouvelles générations : il faut savoir se mettre à genoux devant le drapeau national et accepter de se sacrifier pour la nation ! Selon les dires officiels de la bourgeoisie, tous les poilus seraient morts, certes atrocement, mais "utilement", en "héros", pour défendre les "valeurs de la nation", celle de la "paix". Mensonges odieux ! Ce sont bien les ancêtres politiques de toutes ces cliques gouvernementales et politiciennes, de droite comme de gauche, qui au nom de "la patrie" et du drapeau tricolore ont envoyé des millions de prolétaires (la plupart entre 18 et 25 ans !) se faire trouer la peau. Une boucherie organisée par les soins de cette classe sociale dominante avide de rapines, de croisades militaires destinées à défendre de sordides intérêts impérialistes ! Les faiseurs de cérémonies sont les mêmes que ceux qui mobilisent et recrutent pour les tranchées !

Le comble du cynisme, c'est bien de nous faire croire que les poilus rescapés, que l'on a tardivement cherché à consoler par des colifichets ridicules distribués par des huiles, cautionnaient cette guerre par "patriotisme" et étaient prêts à se faire étriper pour le capital national. Les témoignages des derniers "poilus", qui montrent l'horreur atroce des combats, soulignent tous l'absurdité de descendre dans les tranchées et de tirer sur "l'ennemi". En 1914-1918, les soldats avaient d'ailleurs rapidement pris conscience de l'absurdité de cette boucherie et du "bourrage de crâne": "Vous tirez sur des pères de familles, c'est complètement idiot la guerre." C'est cette prise de conscience qui explique des gestes d'humanité envers "l'ennemi", comme celui de Lazare Ponticelli en Argonne : "Je tombe sur un Allemand qui avait le bras en bandoulière. Il m'a fait signe avec ses deux doigts comme ça. Quand il m'a fait signe, j'ai compris qu'il avait deux enfants. Alors je me suis dit s'il a deux enfants, vaut mieux qu'il rentre en Allemagne. Et je l'ai ramené vers la tranchée allemande (...)". Est-ce ce geste de solidarité, qui fait fi de la nationalité et des frontières, que les bourgeois honorent ? Sûrement pas ! Autant dire qu'une telle conduite était passible du peloton d'exécution !

Et que dire alors des fraternisations dont la bourgeoisie fait bien peu de publicité ? Pour Lazare Ponticelli, les Autrichiens et les Allemands "étaient des gens comme nous", qui partageaient les mêmes souffrances et davantage même : "Ils nous donnaient du tabac et nous des boules de pain. Personne ne tirait plus."

Après avoir été mobilisé dans l'armée française et intégré ensuite de force dans l'armée italienne par les gendarmes, Lazare Ponticelli a en effet participé activement aux mouvements de fraternisation dans le Tyrol. Laissons-lui la parole : "On avait fait amitié avec la tranchée autrichienne sur le front de l'est (...) On s'est dit : "Si on essayait d'envoyer des pierres avec des bouts de papiers pour leur faire comprendre qu'on se tire dessus et qu'on n'est pas coupables". (...) Quand je suis monté debout (hors de la tranchée, NDLR) et comme je n'avais pas de fusil, je l'avais laissé dans la tranchée, ils ont vu que je ne voulais pas tirer. Alors là ils ont accepté de s'arrêter de tirer. Avec les gens qui connaissaient bien l'autrichien (les Italiens qui faisaient partie de sa compagnie, NDLR), on a parlementé et on s'est mis d'accord. On a fait une patrouille mélangée d'Italiens de chez nous et d'Autrichiens et on passait au long des lignes en faisant de la propagande. Alors tout le monde arrêtait, personne ne tirait plus. Et quand ils se sont aperçus que cela s'étendait, les officiers autrichiens et les officiers italiens se sont réunis et la compagnie a été déclarée au conseil de guerre. On devait être fusillés. Mais quand le bataillon a su qu'on allait passer au conseil de guerre, il a protesté en disant qu'on avait raison, qu'on n'avait pas besoin de se battre pour rien. (...) Ils ne nous ont pas passé au conseil de guerre mais ils nous ont envoyés dans un autre endroit où il y avait une compagnie d'élite autrichienne. Et là, ils (les soldats italiens de sa compagnie, NDLR) sont tous morts" (2).

Ce témoignage vivant se rattache à des centaines d'épisodes semblables qui se sont déroulés sur tous les fronts et dans toutes les armées à l'époque. Il s'agissait là du prélude à une vague révolutionnaire et à la révolution prolétarienne en Allemagne qui a débuté par la mutinerie des marins de Kiel, en novembre 1918, obligeant la bourgeoisie des deux camps à s'unir pour faire front contre les ouvriers encore en uniforme. C'est cet événement, fortement réprimé dans le sang, qui a mis fin à la première boucherie mondiale et non les "valeurs" des politiciens !

L'hommage rendu par la bourgeoisie au dernier des "poilus" montre tout le cynisme dont cette classe de crapules est capable. Ce genre de cérémonie revient à cracher sur les tombes de tous ces prolétaires français, allemands, italiens, anglais... morts pour la cause du capital. Aujourd'hui, alors que le capitalisme en crise exprime sa faillite, la bourgeoisie cherche désespérément à brouiller les consciences avec son patriotisme et son esprit de concurrence. Face à cela, le prolétariat doit rejeter la logique et l'idéologie nationaliste de la bourgeoisie. Il doit développer ses luttes, sa solidarité de classe et en même temps dénoncer le "bourrage de crâne" déjà combattu par ses aïeux.


WH (19 mars)

 

1) On imagine les très fortes pressions qui ont pu être exercées. Il faut se souvenir par exemple qu'un précédent "poilu" avait refusé la Légion d'honneur en disant à son fils : "Tu peux te la mettre où je pense". Il avait fini, lassé, par "l'accepter" (révolté par l'attitude de l'Etat qui avait refusé de lui reverser la pension de retraite de sa femme). Lazare Ponticelli a malgré tout maintenu fermement son refus d'être enterré au Panthéon.

2) Retranscription d'un témoignage oral datant de 2005 rapporté à la journaliste Johanna Sabroux pour Libération.


Evènements historiques: 

  • Première guerre mondiale [54]

Espagne : la maturation de la lutte ouvrière

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En Catalogne, début 2008, une série de grèves a marqué tout le secteur de l'enseignement. Ce qui frappe au premier coup d'œil, c'est la similitude des attaques portées en France et en Espagne contre les travailleurs de ce secteur : les mêmes restrictions budgétaires, les mêmes diminutions d'effectifs, la même dégradation des conditions de travail avec des classes surchargées et des élèves de plus en plus difficiles à gérer... et surtout le même enrobage idéologique parlant de la nécessaire "modernisation" de l'école.

Qu'elle porte les couleurs de la droite "dure", avec Sarkozy, ou de la gauche socialiste, avec Zapatero, la bourgeoisie mène partout les mêmes attaques contre la classe ouvrière.

Face à l'annonce d'une énième "loi de l'éducation" en Catalogne, tout le secteur de l'enseignement s'est mobilisé. Les instituteurs des écoles maternelles et primaires, les professeurs des collèges, des lycées et des universités, le personnel administratif et des services..., tous sont entrés en grève pour exprimer leur indignation et leur refus de voir une nouvelle fois leurs conditions de travail se dégrader. Cette loi signifie en effet une "restructuration" profonde du secteur, synonyme de réduction drastique des budgets de l'éducation :

- coupes claires dans les sommes que l'État octroie directement aux établissements en les faisant dépendre des "rendements" obtenus (entendre le taux de réussite des élèves aux examens) ;

- création de centres de première, deuxième et troisième catégorie qui fonctionneront selon une gestion particulière, selon le statut de l'établissement, le tout défini par un "projet éducatif" présenté par "l'équipe dirigeante de l'établissement". En clair, tout ce verbiage signifie sur le terrain l'accentuation des différences entre les quelques écoles d'élite et l'immense masse des écoles poubelles ;

- incitation, donc, à la concurrence entre les établissements et accentuation des différences salariales entre les professeurs selon leurs "résultats" ;

- multiplication d'emplois précaires ou en sous-traitance dans ce secteur.

Pour couronner le tout, cette attaque est accompagnée d'un discours nauséabond cherchant à culpabiliser les enseignants en leur faisant porter la responsabilité du taux élevé d'échec scolaire. Il est vrai que ces travailleurs sont habitués à ce genre de propagande crapuleuse, eux à qui on ne cesse de répéter qu'enseigner est une "vocation", qu'ils leur faut donc faire preuve de "bonne volonté" dans l'intérêt et pour la réussite scolaire de "leurs élèves". Résultat : toujours plus d'heures de travail dans des conditions toujours moins supportables.

Ainsi, si de multiples grèves ont éclaté en janvier et février, ce n'est pas simplement en réaction à cette nouvelle attaque inique. Ce fut en réalité la goutte d'eau qui fit déborder le vase. Par exemple, en 2006, la fameuse "sixième heure" a été mise en place (c'est-à-dire une heure supplémentaire de cours par jour pour les élèves), ce qui a chamboulé tout l'horaire de travail des instituteurs en le rendant complètement dément et surréaliste. Les élèves restent maintenant une heure de plus à l'école, sans activité précise et les enseignants doivent adapter leur travail, leurs horaires et leur vie quotidienne et familiale à cette nouvelle exigence.

À cela s'ajoute l'augmentation constante du nombre d'élèves avec des besoins éducatifs spécifiques et le manque de moyens techniques et humains pour s'en occuper vraiment. Sans parler de la dévalorisation des salaires des enseignants d'au moins 20 % ces dix dernières années ! Mais le plus pesant est peut être cette dégradation du climat social avec la multiplication des agressions tous azimuts entre élèves et contre des professeurs (parfois filmées avec des portables et mises sur Internet), des élèves perdus, souvent issus de familles déstructurées et frappées de plein fouet par le chômage et la précarité.

Bref, ces luttes ont éclaté contre une pluie d'attaques tombée sur un sol déjà bien détrempé. Face à ce mécontentement grandissant, les syndicats étaient donc contraints d'appeler à la grève, afin de garder le contrôle de la situation et de "lâcher la vapeur" pour faire retomber la pression (1). Et pourtant, ils ont tout de même été surpris par la riposte claire et déterminée des travailleurs : la plupart des écoles sont restées sans instituteurs et pratiquement sans élèves malgré l'obligation du service minimum. Il y a eu de nombreuses manifestations dans les grandes villes ; rien qu'à Barcelone, il y a eu autour de 50 000 manifestants. Lors de la grande manifestation du 14 février, certaines pancartes brandies exprimaient une grande lucidité. On pouvait par exemple y lire : "Il est impensable qu'il puisse exister une école comme il faut pour les élèves et pour les enseignants sous la logique capitaliste" et une autre proclamait : "Nous sommes dans la manif, mais nous ne marchons pas derrière les syndicats".

C'est des syndicats qu'est partie officiellement la convocation de ces mobilisations et ils ont constamment gardé le contrôle de la situation. Cependant, la colère et la combativité des travailleurs s'expriment en profondeur. Mais ceux-ci doivent transformer collectivement cette dynamique en prenant l'initiative et le contrôle de leur propre lutte, en l'arrachant aux syndicats, parce que tant que ceux-ci auront ces luttes entre leurs mains, ils ne feront que les saboter, les freiner et les isoler. Le ras-le-bol, la solidarité, l'initiative, doivent se concrétiser en développant la lutte autonome des travailleurs, à travers des assemblées générales, des manifestations massives où peut s'exprimer le caractère unitaire de leur combat de classe, où se forge la conscience commune et le contrôle collectif de la lutte.

Il ne s'agit pas là d'un vœux pieux mais d'une possibilité réelle. Les sentiments de colère et de combativité ne sont pas particuliers au secteur de l'enseignement, ils sont aussi palpables dans de nombreuses autres branches comme la santé, les transports publics, la justice, etc. Dans toute l'Espagne, il y a d'ailleurs eu ces derniers mois des manifestations du personnel de la santé (médecins et infirmières), des chauffeurs d'autobus, des ouvriers de chez Nissan...

Solidarité avec tous les travailleurs en lutte !

D'après Acción proletaria,
organe de presse du CCI en Espagne, 27 février 2008.

 

1) Le comble, c'est qu'une nouvelle fois, ces attaques avaient été négociées avec l'administration catalane par ces mêmes syndicats qui, maintenant, appellent à la lutte. Ils avaient mené ces négociations, ce qui est habituel, sans la moindre possibilité de débat entre les travailleurs. Un exemple : le PNE (Pacte national d'éducation).


Géographique: 

  • Espagne [29]

Récent et en cours: 

  • Luttes de classe [18]

Luttes en Allemagne : une montée de la combativité ouvrière

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Les cinq dernières années ont témoigné d'un développement international de la lutte de classe. Ces luttes se sont développées en réponse à la brutalité de la crise capitaliste et à l'aggravation dramatique des conditions de vie et de travail à travers le monde.

Et en ce moment même en Allemagne, nous sommes les témoins du début d'une nouvelle étape de cette dynamique. Dans ce principal pays industriel de l'Europe, de nombreuses grèves se développent dans les secteurs les plus importants de l'économie allemande. Licenciements massifs, baisses brutales des salaires et aggravations drastiques des conditions de travail sont le ferment du développement de ces luttes dans un pays où la classe ouvrière était réputée, il y a quelques années encore, pour avoir un des niveaux de vie les plus élevés d'Europe.

Une nouvelle année de mécontentement

L'année 2008 avait commencé avec l'obligation de la compagnie de chemin de fer Deutsche Bahn (DB) de garantir dès fin janvier une augmentation de salaire de 11 % et une heure de réduction de la semaine de travail pour les conducteurs de train. Cela avait été le résultat de 10 mois d'un conflit que ni la mise hors-la-loi des grèves au niveau national ni la division au sein des travailleurs de DB par les syndicats n'avaient pu éroder.

Cette grève avait été suivie par une forte mobilisation dans la région de la Ruhr au sujet de l'arrêt de la production de téléphones mobiles chez Nokia. Une journée d'action en solidarité avec les employés de Nokia à Bochum a vu par exemple la mobilisation dans les rues d'ouvriers de différents secteurs et l'envoi de délégations de différentes parties de l'Allemagne. En particulier, les ouvriers des usines automobiles Opel de Bochum se sont mis en grève en soutien aux "Nokianers" ce jour-là. Le rôle de l'usine automobile Opel à Bochum est loin d'être négligeable car il est vrai que les employés de Nokia se sont sentis démoralisés et intimidés par la brutalité provocatrice avec laquelle la fermeture de l'usine avait été annoncée. Et ce fut dans une large mesure l'intervention massive des ouvriers d'Opel à Nokia, appelant à la lutte et leur promettant de se joindre à eux dans une grève éventuelle, qui a rendu possible la mobilisation qu'on a pu voir.

Mais c'est l'ouverture des négociations salariales annuelles qui a déclenché dès mi-février de nombreuses expressions de combativité ouvrière brisant le mythe du "modèle de consensus social allemand" cher à la bourgeoisie. Les grèves tournantes des ouvriers de la métallurgie ont été suivies d'arrêts de travail de dizaines de milliers d'ouvriers du secteur public partout dans le pays. Depuis janvier, la tension ne cesse de monter. Aussi, le 5 mars, le syndicat Verdi appelait les employés des hôpitaux, y compris les médecins, les ouvriers des lignes des trains et de transports régionaux (non gérés par DB), ceux des crèches, des caisses d'épargne et de nombreuses administrations publiques, des aéroports, pilotes inclus, à se mettre en grève et à manifester, exigeant une augmentation de salaire de 12 %. Or le gouvernement ne propose d'accorder qu'une augmentation de 4 %, alors que les salaires réels ont officiellement baissé de 3,5 %, assortie d'une augmentation de la durée de travail hebdomadaire de deux heures !

Verdi était initialement prêt à faire passer la pilule de cet accord aux salariés, mais la force de l'hostilité envers l'accord et les risques très réels de débordements des syndicats ont été tels qu'il a été contraint de faire marche arrière et de s'efforcer de prendre la tête du mécontentement en appelant à faire grève, mais région par région.

La grève des transports locaux à Berlin

Mais c'est surtout la grève totale illimitée des ouvriers des transports locaux de Berlin qui, depuis la fin de la première semaine de mars, a démontré que, cette année, les "rounds" de négociations salariales mettent directement en cause l'offensive capitaliste contre la classe ouvrière. Cette grève de 10 000 ouvriers - déjà la plus massive et la plus longue de ce secteur de l'histoire allemande de l'après-guerre - a manifesté une combativité et une détermination qui ont tout de suite pris la bourgeoisie par surprise. Ce conflit a surgi à un moment où les chemins de fer allemands faisaient une dernière tentative pour rejeter les concessions qu'ils avaient été contraints de faire envers les conducteurs de DB qui menaçaient alors de se mettre à nouveau en grève, et à un moment où les négociations dans le secteur public étaient sur le point de capoter. Cette grève des transports municipaux, excepté les trains de banlieue (S-Bahn, qui appartient à la DB), a été soigneusement isolée du reste des grèves qui se développaient sur l'ensemble du pays et des autres secteurs à Berlin même. Dans le contexte de luttes simultanées qui se déroulaient dans l'ensemble de l'Allemagne sur les mêmes revendications salariales, et après les fortes expressions de solidarité existant dans la classe ouvrière comme on l'a vu autour de la fermeture de Nokia, patrons et syndicats ont dû tirer le signal d'alarme. Pour faire diversion, Verdi planifiait une journée d'action un samedi vers la fin février pour tenter de faire passer l'accord passé entre lui et BVG, patron des employés des transports locaux, accord prévoyant que les salaires seraient gelés jusqu'en 2007, avec des augmentations uniquement pour ceux qui avaient été embauchés depuis 2005. Mais la colère des ouvriers était telle qu'ils se mirent en grève 24 heures avant la date prévue, sans attendre aucune "permission" des syndicats. L'indignation fut si forte, non seulement sur les salaires, mais aussi sur la tentative évidente de diviser les ouvriers entre "jeunes" et "vieux", que Verdi a abandonné sa requête d'un "accord négocié et cordial" et a retourné sa veste en un clin d'œil en appelant dans de grands discours radicaux à faire grève... mais tout en s'efforçant, en réalité, d'enfermer les ouvriers dans "leur" lutte et de les isoler de leurs frères de classe. Ainsi, alors que le mouvement de grève dans les aéroports touchaient massivement Stuttgart, Cologne, Bonn, Hambourg ou Hanovre, Verdi, sous prétexte de ne pas "saboter" le salon allemand du tourisme, faisait en sorte que l'aéroport de Berlin ne connaisse ni grève ni débrayages. De la même façon, devant le développement d'un tel contexte, DB faisait rapidement marche arrière quelques heures avant la reprise d'une grève générale des conducteurs de trains qui traversent Berlin, grève qui menaçait du fait des tentatives de la direction de remettre en cause les accords sur les 11% et la diminution du travail promise fin janvier. Cette grève a montré un début de remise en question des syndicats et a conduit à une confrontation ouverte avec la coalition qui dirige Berlin entre l'aile gauche de la social-démocratie et le "Linkspartei". Ce dernier, qui est sorti du parti stalinien SED, anciennement à la tête de l'Allemagne de l'Est et gagnant à présent du terrain dans l'ex-Allemagne de l'Ouest avec l'aide de l'ancien leader du SPD, Oskar Lafontaine, a dénoncé la grève comme une expression de la "mentalité privilégiée" des Berlinois de l'Ouest "dorlotés" !

Signe de cette évolution, de nombreux blogs sur Internet sont apparus, dans lesquels les ouvriers du rail ou encore des pilotes et des personnels hospitaliers exprimaient leur admiration et leur solidarité avec la grève de BVG. Cela est très important car dans ces secteurs, où le poids du corporatisme est particulièrement fort et puissamment alimenté par les syndicats, ils expriment par-là clairement une profonde tendance vers l'unité et la solidarité dans la période qui vient.

Wilma (21 mars)

 

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Mexique : le capitalisme est le vrai coupable de la "crise de l'eau"

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La question de l'eau est un des aspects qui met en évidence le danger auquel le capitalisme expose l'humanité, à tel point que l'ONU elle-même reconnaît que plus d'un million d'êtres humains ne peuvent jouir d'approvisionnement en eau potable. Rien qu'au Mexique, les chiffres officiels indiquent que 11 millions de personnes n'ont pas accès à cet élément naturel indispensable à la vie sur terre. Ce problème ne concerne pas seulement des zones rurales éloignées des services de distribution ; il y a dans le district urbain de Mexico des zones (comme Iztapalapa) qui vivent pratiquement sans service d'eau potable, et c'est la même chose à Tijuana (près de la frontière américaine) ou à Juarez. Il est devenu évident que la question de l'eau est devenue un problème crucial, ce qui donne une opportunité au gouvernement, aux groupes gauchistes, aux écologistes, aux ONG et à toute une faune de prétendus "intellectuels", pour monter au créneau et exposer de fausses explications ou proposer de fausses solutions. Mais autant celles-ci que celles-là s'efforcent toujours de cacher qu'il faut chercher la véritable origine du problème dans le système capitaliste lui-même. Non seulement ce dernier ne peut vivre que par l'exploitation du travail salarié, mais son existence le pousse aussi à détruire de plus en plus notre environnement naturel, au point que, non seulement il pollue l'eau, la terre et l'air mais qu'en outre, il ruine, dépouille et concentre le système hydrologique en l'intégrant dans sa logique concurrentielle consistant à faire du "chiffre" et des profits.

 

La classe dominante n'a pas de solution au problème de l'eau

A travers ses appareils de gauche comme de droite, la bourgeoisie tente de faire croire que le problème de l'eau est lié à un accroissement de la population et à la consommation démesurée qu'en ferait l'humanité ; en d'autres termes, ce que nous vivons à ce niveau plongerait pour une grande partie ses racines tant dans des aspects "naturels" que dans un manque de "culture d'économie de l'eau". Les solutions qui en découlent seraient donc d'une part que les "citoyens responsables" fassent individuellement attention en utilisant rationnellement l'eau et, d'autre part, qu'au niveau de la production soient appliquées des technologies avancées pour son extraction, son traitement et sa distribution, jusqu'à ce que l'on parvienne à la réalisation d'une prétendue "démocratisation" de la distribution et du contrôle de l'eau potable. Toutes ces propositions ont comme toile de fond la volonté de faire croire que le capitalisme est capable de modifier sa nature prédatrice et irrationnelle. Aux dires de nos dirigeants, il suffirait d'appliquer correctement la technologie en développant une "culture de protection des ressources" -, et surtout d'imposer, comme solution, des coûts élevés pour l'usage et l'accès à l'eau. Ces idées "géniales" sont inévitablement bien sûr complétées par le chœur de ceux qui prétendent trouver une solution à "la crise de l'eau" en invoquant la démocratie. C'est ainsi que la bourgeoisie parvient à faire croire que le capitalisme pourrait être "humain et rationnel" et pourrait trouver une solution à la destruction de l'environnement tout en permettant que les besoins en eau potable soient satisfaits.

Il est évident que la bourgeoisie, comme le reste de l'humanité, est préoccupée par les problèmes liés à l'eau potable, mais sa préoccupation fondamentale réside surtout dans la question : comment se l'approprier et comment faire du commerce avec l'eau potable ? Ses invocations d'accords internationaux impulsés par l'ONU, les "droits constitutionnels" ou les déclarations des gouvernements pour créer des accords de protection ne sont que l'emballage cachant leurs véritables intentions : s'approprier l'eau à tout prix. La déclaration honteuse du conseiller du Pentagone, Andrew Marshall, affirmant que les Etats-Unis devaient se préparer à aller chercher l'eau "là où elle se trouve et quand ce sera nécessaire" (1) met en évidence que pour le capital, l'eau est maintenant devenue un nécessité "stratégique" (comme le pétrole). C'est bien pour cela que tous les Etats nationaux (en tant que représentation et expression sociale du capital national) partagent ce projet de la bourgeoisie américaine, même si les forces dont ils disposent sur l'échiquier impérialiste ne leur permettent ni d'être aussi éhontés dans leurs déclarations, ni de mener concrètement à terme cet objectif impérialiste. La crise de l'eau n'est pas seulement le fait de quelques Etats ou de quelques entreprises (Nestlé, Lala, Coca-Cola...), c'est le système capitaliste dans son ensemble qui engendre cette dégradation, qui met en danger l'humanité et rend donc de plus en plus évidente la nécessité de sa destruction.

Le capitalisme a transformé l'eau en marchandise

Pour bien mettre en évidence son inquiétude et son engagement en ce qui concerne la question de la crise de l'eau, la classe dominante organise des forums (Forum mondial de l'eau et autres forums "alternatifs"...) visant à répandre, par de belles résolutions et proclamations (tant officielles qu'"alternatives"), une véritable campagne de confusion dans la population et dans la classe ouvrière; cette campagne cherche à dédouaner le système capitaliste de sa responsabilité en masquant que c'est lui qui est le véritable responsable de la crise de l'eau. Gauchistes et altermondialistes en ont fait un axe de leur activité, clamant haut et fort que "L'eau n'est pas une marchandise". Ce slogan, devenu un cliché privilégié, leur permet de renforcer leur image d'opposition à la dynamique du capital pour s'approprier toute l'eau et en faire le commerce, mais ne peut que semer davantage de confusion et de pièges.

Les arguments les plus utilisés pour "démontrer" que "l'eau n'est pas une marchandise" se basent sur le fait que l'eau fait partie de l'environnement, qu'elle est source et essence de vie, ressource naturelle non renouvelable. Nous pourrions jusque-là être d'accord. Mais cet argument est aussitôt utilisé pour conclure que l'eau est un "droit fondamental de l'homme" et qu'il faut se mobiliser pour qu'il soit reconnu comme tel. Ainsi, nous devrions croire que ces "droits de l'homme", pour lesquels il faudrait lutter, donneraient des "garanties légales" dont chaque être humain pourrait bénéficier. Ce précepte est précisément celui qui est déjà défini depuis 1948 par l'ONU (qui succéda à la fameuse Société des Nations que Lénine appelait justement "un repaire de brigands") et soutenu par les Constitutions de la plupart des divers Etats-nations (à côté, soit dit en passant, du "droit à la propriété"). En fin de compte, ils ne font que semer l'illusion que les institutions du capital pourraient résoudre les problèmes créés par ce même capital, pour que "la gestion et le contrôle de l'eau soient maintenus dans le domaine public" (Forum alternatif au Ive Forum mondial de l'eau, Mexico, 2006). Ils n'hésitent pas à avancer que "ce serait une obligation pour les institutions publiques (...) de garantir ces conditions". Sous couvert de radicalisme verbal, ils ne font en fin de compte que soutenir les actions étatiques, demandant seulement que ce soit précisément l'Etat, l'Etat capitaliste, qui assure le contrôle de l'eau.

Dans le même sens, en voulant montrer une attitude radicale d'opposition au processus de privatisation de l'eau, la Coalition des organisations pour le droit à l'eau affirme : "L'accès à l'eau potable ne s'obtiendra pas par la privatisation, mais par le respect de la responsabilité sociale de l'État". Nous pouvons constater dans ces deux exemples que l'Etat est présenté comme étant un organisme "neutre" dans la société, ce qui est absolument faux ! L'Etat et ses "institutions publiques" répondent aux besoins du capital, c'est pourquoi tous les discours soi-disant "alternatifs" finissent par insister sur la possibilité pour le capitalisme de devenir plus "humain", moins prédateur, s'il utilisait une "meilleure politique".

Les proclamations basées sur un langage marxiste lancées par des "intellectuels" ne sont pas moins dangereuses. Pour s'en convaincre, il suffit de lire Economie et politique de l'eau, de J. Veraza. Ce livre commence par exposer une approche marxiste du processus par lequel l'eau, même quand elle n'a pas de valeur (puisqu'elle n'est pas le produit du travail humain), est amenée, par une imposition du prix, à devenir une marchandise, pour finir par l'éternelle ritournelle altermondialiste. On trouve dans son explication l'ébauche d'une explication correcte quand il observe que "l'eau est un patrimoine de l'humanité", mais il reste à mi-chemin et oublie que l'humanité est soumise au capital, et pas uniquement à cause des multinationales qui ne sont qu'une partie de ce système d'exploitation et dont la limitation des pouvoirs ne favoriserait en rien l'émancipation de l'humanité. Cet "oubli" lui permet, quand il critique la privatisation comme "solution" à la question de l'eau, d'avancer que la "solution politique ne passe pas, loin s'en faut, par la destruction du capitalisme" mais se base sur l'espoir (ou la prière ?) que " le capital national et mondial peuvent agir et prendre conscience pour s'opposer aux abus hydrauliques des capitaux privés et transnationaux de l'eau". En d'autres termes, la solution serait l'adoption par le système capitaliste d'une démarche rationnelle et consciente qui affaiblisse les politiques néolibérales et limite la voracité des multinationales. Ce serait l'avènement du "capitalisme à visage humain" !

L'humanité comme un tout est menacée par le capitalisme ! Proclamer que ce système pourrait s'améliorer sur la base de réglementations internationales ou nationales, ou par une attitude généreuse et rationnelle de la classe dominante, c'est pousser les travailleurs à se détourner de la nécessité de l'action révolutionnaire. Aujourd'hui, l'avertissement d'Engels sur l'alternative qui s'offrirait à l'humanité, socialisme ou barbarie, est plus "prophétique" que jamais. Soit le prolétariat en finit avec ce système dégénéré pourrissant, soit l'humanité se verra aspirée dans une spirale toujours plus destructrice de barbarie.

Rojo (octobre 2007)

 

1) Déclaration publiée par The Guardian, citée par Gian Carlo Delgado dans Agua, éd. La Jornada, 2006, p. 189.


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  • Mexique [23]

tract d'EKS contre l'opération de l'armée turque

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Le tract publié ci-dessous a été distribué en Turquie par le groupe révolutionnaire EKS (1) contre l'actuelle opération de l'armée turque au Kurdistan. Nous saluons fortement cette initiative internationaliste de ces camarades, initiative d'autant plus courageuse qu'elle a lieu dans un pays soumis à la répression permanente et sanglante.

Nous ne pouvons qu'appuyer vivement l'appel fort et clair du tract à la solidarité de tous les ouvriers, au-delà des critères de races ou d'ethnies, pour développer la lutte ouvrière et combattre côte à côte leurs exploiteurs, ainsi que la dénonciation de la propagande bourgeoise qui cherche à entraîner les ouvriers dans des combats sanglants qui ne sont pas les leurs.

L'armée turque a lancé une opération militaire pour éradiquer le PKK, c'est-à-dire, en d'autres termes, une nouvelle guerre. On voit une nouvelle fois se répéter ce cycle sanglant depuis que la Turquie est intervenue en Irak pour la première fois en 1983.

Pourquoi cette guerre ?

Le discours qui consiste à dire que cette guerre est destinée à arrêter la "terreur" n'est qu'un mensonge. Si cela était vrai, les différentes interventions militaires depuis 1983 auraient réglé la question. Aussi, l'Etat turc a agi comme si ce problème n'avait pas existé ces dernières années lorsque le PKK (2) était faible, et Tayyip Erdogan (3) avait dit lui-même à la télévision que la terreur était sur le point s'être éradiquée. De plus, Talabani (4) et Barzani (5), qui sont à présent des ennemis déclarés, ont coopéré militairement et ont été des alliés de la Turquie de longue date. La Turquie a mené des actions militaires avec ces derniers et continue à le faire sans problème. La vraie raison de cette guerre n'est autre que la tentative d'établir un nouveau contrôle au Moyen-Orient selon la nouvelle alliance formée par l'impérialisme turc et les Etats-Unis. Ce que cette alliance, conduite par le MPH (6) entre la haute bureaucratie "séculaire" et le démocratique AKP (7), exprime sous le "voile" est que la Turquie a choisi son camp dans l'arène impérialiste. C'est celui des Etats-Unis qui cherchent à mettre les alliés indisciplinés de Washington au pas et essayent de maintenir leur contrôle du pétrole contre les Etats impérialistes rivaux comme la Chine, la Russie et l'Iran. L'AKP, qui est resté longtemps hésitant, a finalement déclaré que c'était le choix qu'il faisait en poussant dans le parlement à l'autorisation de lancer la guerre. Aussi, ce conflit est simplement le premier pas des préparatifs de l'impérialisme turc pour la prochaine guerre et la polarisation pour cette guerre.

C'est le résultat du cycle de guerres dans lequel se trouve le capitalisme. L'Etat capitaliste a créé cette guerre non pas en-dehors de son propre choix mais à cause de l'impasse désespérée dans laquelle il est entré. Depuis la Première Guerre mondiale, le capitalisme n'a fait que créer des guerres dans le monde entier. Toutes les "guerres de libération nationale", chaque guerre entre pays qui a lieu pour telle ou telle raison est menée pour détruire le capital accumulé et bien sûr la population ouvrière du pays ennemi (8)

Les prétendus défenseurs de la "paix"

Les appels hypocrites à la paix faits par le DTP (9) et les libéraux de gauche depuis leurs confortables sièges de députés ne serviront en rien à arrêter la guerre. Parce que la guerre n'est pas due au manque d'application de la "solution démocratique" ou aux mauvaises intentions de la bureaucratie mais au désespoir du capitalisme. Ce qui est pire, c'est que les appels à la démocratie faits par ces cercles ne servent qu'à affaiblir une possible opposition de la classe ouvrière face à la guerre, en attirant les ouvriers qui s'opposent à celle-ci vers le terrain du combat pour les Etats impérialistes qui sont présentés comme plus "démocratiques", "de bon cœur" et "pacifiques", contre les autres "diaboliques", "bureaucratiques" et "agressifs". Tous ces rêves capitalistes "démocratiques" ne servent pas à arrêter la guerre mais à tirer les ouvriers du côté de ceux qui ont "raison".

La guerre de classe est la seule solution

Cette guerre n'est pas la guerre de ceux qui cherchent à survivre en travaillant. Cette guerre n'est pas la guerre de ceux dont le niveau de vie a plongé avec la crise économique, de ceux qui sont frappés par le chômage, de ceux qui travaillent jusqu'à la mort dans les chantiers navals et sur les échafaudages, de ceux qui attendent de rentrer chez eux entre 9 heures du soir et 6 heures du matin ou de ceux qui luttent désespérément pour vivre dans les taudis des villes où ils ont été traînés depuis leurs villages. Cette guerre n'est ni la guerre des ouvriers, des sans-travail, des ménagères et des étudiants qui sont soit des futurs ouvriers ou des futurs chômeurs, ni celle des soldats qui meurent au front. Tout au contraire, la guerre aggrave la misère, le chômage, la pauvreté et la décomposition sociale créée par les crises du capitalisme. L'effet de cette "opération" va se trouver dans les villages bombardés, chez les soldats mourant au front ou dans les attentats à venir au sein des villes, et se montrera dans l'aggravation de la misère au nom du nationalisme et dans celle de la décomposition sociale.

Ce qui arrêtera la guerre, c'est la solidarité des ouvriers turques et kurdes qui sont trompés, pour les intérêts de leurs patrons et du capital, depuis 25 ans. Ce qui a mit fin à la Première Guerre mondiale, c'est la vague révolutionnaire mondiale, les soldats au front et les ouvriers à l'arrière se levant contre leurs propres exploiteurs et non pas contre leurs frères et leurs sœurs de classe des autres pays. Ce qui a empêché une troisième guerre mondiale dans les années 1960 a été, de la même façon, la détermination et l'esprit de lutte de la classe ouvrière du monde entier. Aujourd'hui encore, la classe ouvrière ne peut rester silencieuse face à la barbarie capitaliste qui se développe contre elle !


Contre tous les exploiteurs
qui soutiennent la "paix",

Vive la solidarité de classe !

Vive la solidarité internationale
des ouvriers !

 

1) EKS - Enternasyonalist Komünist Sol (Gauche communiste internationaliste) - est un jeune groupe prolétarien en Turquie. Pour contacter EKS, écrire à [email protected] [55]

2) PKK (Parti "ouvrier" du Kurdistan), principal groupe nationaliste kurde armé, agissant en Turquie.

3) Actuel Premier ministre et dirigeant de l'AKP.

4) Jalal Talabani est le fondateur de l'Union patriotique du Kurdistan, l'un des deux principaux partis politiques kurdes, mais également le président actuel de l'Irak et proche allié des Etats-Unis dans leur opération militaire en Irak.

5) Barzani est le président du gouvernement autonome kurde en Irak et le chef du Parti démocratique du Kurdistan depuis 1979.

6) MHP (parti du mouvement nationaliste), parti fasciste qui a obtenu 14% aux dernières élections, connu également sous le nom des "Loups gris".

7) AKP (Parti pour la justice et le développement), parti dirigeant de centre-droit en Turquie, qui a ses racines dans un parti islamique parlementaire marginalisé.

8) Note de la rédaction : Nous signalons que nous ne partageons pas cette formulation. Pour nous, la raison fondamentale de cette invasion militaire du Kurdistan irakien est principalement stratégique. Il s'agit d'une opération de basse police impérialiste, son but essentiel étant de mettre au pas un nationalisme kurde qui dérange et de profiter de la situation de chaos actuel au nord de l'Irak pour avancer ses pions en direction de l'Irak, du sud du Caucase et également de l'Iran.

9) DTP (Parti démocratique de la société), vitrine politique légale et parlementaire du PKK sur le même modèle que le Sinn Fein par rapport à l'IRA en Irlande du Nord.


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  • Turquie [56]

Courants politiques: 

  • Influencé par la Gauche Communiste [57]

Révolution Internationale n° 390 - mai 2008

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La classe ouvrière multiplie ses combats dans le monde entier

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La paupérisation, la misère, la précarité, la hausse des prix alimentaires de première nécessité sont devenues des sujets de préoccupation universels. La bourgeoisie elle-même s'inquiète de l'ampleur et de l'accélération mondiale que prennent ces phénomènes.

Déjà aujourd'hui, ce sont chaque jour 100  000 personnes qui meurent de faim dans le monde. L'ensemble des produits alimentaires a bondi de 83  % au cours de ces trois dernières années. Pour le blé, la hausse atteint 181  %. Les Etats-Unis eux-mêmes ont décidé d'instaurer des cartes de rationnement pour le riz. Déjà, lors des grandes famines qui terrassèrent sur place les populations au Sahel, en Ethiopie ou au Darfour au cours des vingt dernières années et que les médias ont présentées comme une fatalité ou une "catastrophe naturelle", la responsabilité du système capitaliste était évidente. Maintenant, le prix des aliments de base les rendent inabordables pour une partie croissante de la population mondiale  ! La banque mondiale considère que ce sont les populations de 33 pays dans le monde qui sont touchées par ce désastre. "On va vers une très longue période d'émeutes, de conflits, des vagues de déstabilisation régionale incontrôlable", déclare Jean Ziegler, rapporteur spécial des Nations Unies pour le droit à l'alimentation, dans un entretien à Libération (le 14/04/08). Il dit aussi que "Avant la flambée des prix déjà (...) 854 millions de personnes étaient gravement sous alimentées. C'est une hécatombe annoncée." La Banque mondiale avertit d'ailleurs que "L'inflation alimentaire n'est pas un phénomène temporaire et que les cours devraient rester supérieurs à ceux de 2004 jusqu'en 2015". Une grande partie de la population mondiale est menacée de mourir de faim dans les mois à venir et tout cela pourquoi  ? Non plus seulement à cause d'une famine endémique mais parce que le système capitaliste s'enfonce dans sa crise économique inexorablement, facteur d'inflation donc d'augmentation des prix. De plus, ne pouvant plus spéculer sur l'immobilier, c'est au tour des matières premières et plus particulièrement des produits alimentaires de flamber entraînant toujours plus de personnes dans la famine.

 

Les émeutes de la faim (1)

La première manifestation de cette aggravation de la crise, c'est la multiplication sur la planète des émeutes de la faim. La révolte a éclaté dans de nombreux pays où la population est réduite à mourir de faim. En disant non à une misère déjà présente ou qui se rapproche à grands pas, la plus grande partie de l'humanité se défend contre cette société, le capitalisme qui impose à tous les exploités du monde une existence de plus en plus précaire (2). Ces émeutes de la faim se multiplient particulièrement en Afrique : Burkina Faso, Cameroun, Egypte, Mauritanie, Ethiopie, Sénégal. Mais aussi un peu partout dans le monde : en Haïti, aux Philippines, en Indonésie, en Thaïlande, au Bangladesh...

A Haïti, les manifestants ont exprimé leur rage et leur colère parce que, entre autres prix en hausse, le sac de 120 livres de riz est passé de 35 à 70 dollars en un an. Le chef de l'Etat René Préval déclarait cyniquement : "Les manifestations et les destructions ne vont pas payer les prix ni résoudre les problèmes du pays. Au contraire, cela peut faire augmenter la misère et empêcher les investissements dans le pays". Et tout cela, ce n'est pas parce qu'il n'y a plus de nourriture, mais parce qu'elle est devenue trop chère en quelques semaines pour leur revenu misérable. 80  % de la population d'Haï­ti vit avec moins de deux dollars par jour, bien en dessous du seuil de pauvreté devenu aujourd'hui seuil de mortalité assurée.

Là, comme dans les autres pays où il y a des émeutes, la bourgeoisie n'a qu'une seule réponse pour ceux qui crient leur faim : le feu "nourri" des balles  ! 200 morts lors de la répression des émeutes au Burkina Faso en février, 100 morts au Cameroun, 5 morts en Haïti et en Egypte, ce sont deux jeunes de 9 et 20 ans qui ont succombé aux tirs des forces anti-émeutes. Le capitalisme n'a rien d'autre à leur distribuer. C'est une des preuves de la faillite de ce système et de l'impasse où il mène l'humanité.

Cependant, non seulement la révolte d'une masse grandissante des miséreux dans le monde démontre qu'elle ne débouche nullement sur la résignation mais, surtout, elle n'est pas isolée. La même combativité et la même colère montent et s'affirment partout dans les rangs ouvriers du monde entier face à la flambée des prix des produits de première nécessité, face à des salaires de misère, face à des conditions d'exploitation de plus en plus inhumaines. Les grèves et les manifestations se multiplient dans de nombreux pays, dans les pays développés mais aussi dans les immenses bagnes industriels des pays plus pauvres (3). Très souvent, la propagande de la bourgeoisie consiste à opposer les habitants du Nord et du Sud de la planète comme si les premiers étaient des "privilégiés" ou des profiteurs et les seconds des incapables. C'est une de leur façon de nous rendre tous responsables et coupables des ravages pourtant liés à leur propre système économique en crise. Cette tactique est en train de se fissurer sérieusement. Les entreprises sont parties vers des pays où elles pouvaient payer les ouvriers moins chers, c'est à dire presque rien. Leur Eldorado est en train de partir en fumée. De plus en plus d'ouvriers commencent à refuser cette exploitation forcenée. Ils sont en train de développer leur propre expérience de la lutte. Dans un monde rongé par le développement de la concurrence entre les Etats, les entreprises, les exploiteurs de tout acabit, on veut nous faire croire que la classe ouvrière elle-même est gagnée par l'individualisme et le chacun pour soi. On veut nous faire croire que la gangrène de cette société en perdition ronge aussi tous les exploités et les travailleurs. Eh bien, NON  ! Dans la plupart de ces luttes s'est exprimé un puissant sentiment de solidarité entre les ouvriers.

Une seule réponse à la faillite du capitalisme mondial : développement d'un combat uni et solidaire

En effet, lors de ces dernières années, des luttes ouvrières importantes se sont développées partout dans le monde. Elles s'affirment désormais dans les pays les plus pauvres de la périphérie comme au cœur du système capitaliste, notamment en Europe occidentale.

Depuis plus de deux ans, de nombreux conflits ont eu lieu en Egypte, notamment à partir de l'usine textile de Ghazl al-Mahalla au nord du Caire (4), fer-de-lance de la colère ouvrière où la police a attaqué un groupe d'ouvriers en procédant à plus de 300 arrestations. Là, la faiblesse de l'encadrement syndical est un facteur qui favorise la massivité de la lutte et la radicalité des revendications ouvrières. Les syndicats apparaissent clairement pour ce qu'ils sont, des parties intégrantes de l'Etat, il n'y a aucune illusion sur leur nature anti-ouvrière. C'est un des aspects qui permet à la lutte ouvrière de s'étendre plus facilement entre les différents secteurs et de la faire vivre. L'esprit de solidarité des luttes en Egypte s'est encore exprimé ces derniers mois à travers le fait que d'autres secteurs industriels ou d'autres prolétaires comme les cheminots, les fonctionnaires des impôts, les employés des postes ou encore les professeurs d'université au Caire, à Alexandrie, à Mansoura, en grève le 23 mars, ont rejoint la lutte. Toutes ces grèves ont exprimé des revendications semblables pour l'essentiel : contre le coût de la vie, protestation contre des salaires humiliants et insuffisants pour nourrir leur famille, des logements trop chers et insalubres, etc.

En Iran, une puissante vague de grèves secoue le pays : en janvier, les chauffeurs de bus de Téhéran étaient en grève. Une centaine d'ouvriers avaient été arrêtés et 2 des leaders du mouvement sont toujours emprisonnés. Le 18 février à Chouch (au sud du pays), les ouvriers d'une usine de canne à sucre ont manifesté pour obtenir des salaires impayés en janvier et février. Ils s'étaient déjà mis en grève en septembre 2007 pour le même motif. Ils n'étaient pas en mesure d'assurer les fêtes de fin d'année pour leur famille et leurs enfants (la nouvelle année débute fin mars dans le pays). Les salaires impayés ont été la cause de la plupart des nombreux débrayages ou manifestations qui se sont multipliés dans le pays, notamment les employés de l'usine Pachmineh Baft de la ville de Ghazvine (ouest), ceux de l'usine de textile Mehrpouya à Ispahan (centre), de l'entreprise Navard à Karadj (ouest), les employés des télécommunications et de l'entreprise Sandough Nasouz à Téhéran. Dans le nord du pays dans la région de Rasht, les ouvriers (en particulier dans le textile), dont le salaire n'avait pas été versé depuis des mois, ont bloqué les rues de la ville et sont allés manifester devant les bâtiments officiels en brandissant des pancartes "Nous avons faim". Dans la province voisine de Gilan, des ouvriers ne sont plus payés depuis 13 mois. Des manifestations et des grèves semblables se sont produites à Elam à l'ouest du pays, comme dans une usine de produit pharmaceutique de Téhéran. Chaque fois, le gouvernement a répliqué par une dure répression. Le 21 février, dans le sud à Masjed Soleiman, les 800 ouvriers grévistes du barrage d'Abbaspour ont été violemment chargés par les forces de sécurité de l'Etat et la police secrète (VEVAK). Le 14 avril, après 3 jours de grève, la police a attaqué à coups de bulldozer une usine occupée de fabrication de pneus de la région d'Alborz au nord du pays, pour déloger les grévistes qui avaient brûlé des pneus dans l'enceinte de l'usine pour manifester leur colère (toujours pour non-paiement des salaires). Un millier d'entre eux ont été arrêtés après des heurts violents avec les forces de sécurité.

Depuis le début de l'année, au Vietnam, il y a eu 150 grèves dans les entreprises du pays. Dernièrement 17  000 ouvrières d'une usine de chaussures Nike au sud du Vietnam se sont mises en grève pour une hausse de salaire, réclamant une hausse de 200  000 dôngs (8 euros), face à la flambée des prix à la consommation. Elles n'ont obtenu que la moitié de ce qu'elles réclamaient mais, lors de la reprise du travail, des affrontements ont eu lieu et l'usine a dû fermer pour 3 jours. Dix mille ouvriers qui fabriquent des jouets à Danang se sont aussi mis en grève pour réclamer des hausses de leurs primes et l'allongement de la période de congés pour les fêtes du Têt.

En Roumanie, les ouvriers de l'usine Dacia-Renault arrachent une hausse de salaire de 100 euros (soit une augmentation de 40  % de leur salaire) après une grève de plusieurs semaines. Et ce sont 4000 ouvriers d'Arcelor Mittal à Galati, à l'est du pays, qui se sont mis en grève illimitée. Ils réclament un salaire net multiplié par deux, une augmentation des primes pour le travail le week-end et une hausse des aides apportées aux familles de sidérurgistes accidentés ou décédés. La direction a cédé immédiatement une hausse de 12  %. Mais la grève est suspendue par le tribunal pour "raison de sécurité et risque d'explosion du site du fait de fonctionnement à minima de certains hauts fourneaux de la cokerie". Ces luttes à Dacia-Renault et à Arcelor Mittal viennent se porter en faux contre tous les chantages à la délocalisation et toutes les tentatives de la bourgeoisie de diviser la classe ouvrière suivant les frontières nationales. Elles rappellent cette vérité toute simple que dans tous les pays, la classe ouvrière subit la même exploitation et a donc le même combat à mener. Sur toute la planète, il n'y a qu'une seule et même classe ouvrière qui doit être unie et solidaire  !

En Pologne, en janvier et février de cette année, les ouvriers de la mine de charbon Budryk à Ornontowice en Silésie ont mené une grève de 46 jours pour réclamer l'alignement de leurs salaires sur les autres mines du pays (toutes les mines du pays sont repassées sous le contrôle de l'Etat). C'est la plus grande grève connue par ce secteur depuis 1989 avec occupations de puits. Cette grève a été soutenue par 2/3 de la population. La grande grève de 1980 avait été freinée puis combattue par la création du syndicat Solidarnosc, applaudie par toute la bourgeoisie des pays occidentaux. Et justement, c'est ce même syndicat Solidarnosc et la centrale syndicale ZZG, main dans la main avec la direction, qui ont traité les grévistes de "racailles". Les femmes de mineurs sont allées manifester à Varsovie pour défendre leur combat. Une semaine après la reprise et devant le faible empressement de la direction à augmenter les salaires et à s'aligner sur les statuts des autres mines, 900 ouvriers ont menacé de repartir en grève.

Mais la résistance des ouvriers s'affirme aussi dans les pays centraux au cœur même du capitalisme.

En Grande-Bretagne, la journée du 24 avril a vu la mobilisation de plus de 400  000 salariés du secteur public face à la détérioration du pouvoir d'achat et aux attaques du gouvernement "travailliste" de Gordon Brown, avec en tête la première grève nationale des enseignants depuis 21 ans qui a rassemblé plus de 200  000 d'entre eux pour réclamer l'augmentation des salaires face à la hausse des prix. Ils ont été rejoints par beaucoup d'autres salariés du secteur public, allant des 900 garde-côtes maritimes et sauveteurs en mer qui en étaient à leur troisième grève de 24 heures depuis le 7 mars (pour la première fois dans l'histoire du pays concernant cette profession) jusqu'aux éducateurs, aux fonctionnaires des différents ministères et aux employés municipaux (20  000 à Birmingham), en passant par les douaniers et les inspecteurs du permis de conduire. Les ouvriers des employés de la raffinerie de Grangemouth en Ecosse devaient également se mettre en grève en raison d'un conflit sur leur régime de retraite. Dans le métro londonien, la menace de 3 jours de grève entre le 6 et le 8 avril de 7000 conducteurs a fait reculer l'attaque de la direction qui projetait un plan de remise en cause des normes de sécurité pour faire des économies.

En Allemagne, après la mobilisation des ouvriers de la région de Bochum (et notamment d'Opel) pour soutenir les ouvriers de Nokia menacés de perdre leur emploi  (5), il y a eu une série de débrayages en février dans la sidérurgie avec 5,4  % d'augmentation de salaire pour les 93  000 salariés du secteur accepté par le syndicat IG-Metall. Depuis, le pays a traversé une vague de grèves "dures", en particulier dans le secteur public et chez les fonctionnaires, dans la semaine du 3 au 7 mars. Les syndicats ont été contraints de lancer une "grève d'avertissement" dans les transports publics (bus et trains régionaux restés au dépôt, en particulier à Berlin où 12  % d'augmentation de salaires sont réclamés), dans les hôpitaux, les caisses d'épargne, les crèches et la plupart des aéroports (Francfort, Munich, Düsseldorf, Hambourg, Stuttgart, Hanovre) et diverses administrations publiques sont restées fermées. Sous la pression des ouvriers, le syndicat Verdi menaçait de grève massive et illimitée fin mars ou début avril pour 8  % de salaire en plus (jusqu'à 200 euros mensuels) alors que la direction ne proposait que la moitié  ; de la même façon, il a été prévu de lancer une grève illimitée à partir du 2 mai prochain, dans les postes (à la Deutsche Post) en réclamant à la fois 7  % d'augmentation de salaire, une garantie d'emploi jusqu'en 2011 et un abandon du projet d'augmentation du temps de travail (une demi-heure par semaine) alors que pour ce temps de travail supplémentaire, la direction ne propose qu'une hausse de 5,5  % de salaire en plus et une vague promesse sur les non-licenciements. A Berlin, Verdi a aussi lancé un appel à la grève à partir du 20 avril dans les usines de bus, métros et tramways ainsi que dans les services de ravitaillement en essence et de nettoyage de la compagnie berlinoise des transports publics. L'entrée en scène du prolétariat en Allemagne, lui qui a subi de plein fouet une contre-révolution sanglante dans les années 1920 (en particulier lors de l'écrasement des insurrections de 1919 et 1923) et qui a une si grande expérience, est un facteur particulièrement encourageant pour l'avenir de la lutte de classe.

Vers l'unification des luttes

Le plus marquant, à travers tous ces exemples de luttes de par le monde, est la similitude des raisons de la colère ouvrière. D'abord et avant tout, l'augmentation généralisée des prix et la faiblesse des salaires rendent de plus en plus difficile la vie, voire la survie. A cela, il faut ajouter partout les conditions de travail insupportables, une retraite toujours plus lointaine, misérable, et dans certains pays inexistante, des soins médicaux de plus en plus inaccessibles, etc. Certains sont réduits à la famine, les autres sont toujours plus paupérisés, précarisés. Il faut mesurer le chemin que la classe ouvrière est en train de parcourir depuis quelques années. Elle a non seulement repris le chemin des luttes, mais ses luttes acquièrent peu à peu une dimension inédite à la fois par leur quasi-simultanées et par leurs étendues  (6). Il y a un lien profond entre ces luttes des ouvriers des pays de la périphérie et ceux du cœur du capitalisme. Elle ouvre, pour le futur, des perspectives nouvelles au développement des luttes ouvrières.

En même temps que cette combativité s'exprime avec une ampleur et une massivité inédite à la périphérie, les mêmes caractéristiques se développent dans des pays centraux comme en France, en Grande-Bretagne et en Allemagne, avec toute leur expérience historique des luttes et des pièges que va tendre inévitablement la bourgeoisie. C'est parce que cette expérience est indispensable et irremplaçable que ces derniers conservent plus que jamais leur importance centrale et déterminante pour le développement de l'internationalisation et la généralisation des luttes dans l'avenir.

Mais en même temps, l'énorme combativité dans les pays de la périphérie du capitalisme constitue un encouragement à entrer en lutte pour les ouvriers des pays centraux en démontrant l'ampleur du développement international des luttes ouvrières. Surtout, elle démontre la force de la classe ouvrière : même dans des conditions extrêmement difficiles, en vivant dans la misère et en subissant une répression féroce et sanglante, notre classe est capable de se battre, de redresser la tête, de refuser la résignation. Le sentiment de dignité est une des valeurs morales profondes de la classe ouvrière, voilà qui doit nous donner confiance en nous et en notre force  !

Map (25 avril)

 

1) Un article plus détaillé sur ces émeutes de la faim sera publié très prochainement sur notre site Web.

2) Pour les centaines de milliers de personnes qui sont déjà condamnées à mort parce qu'elles ne peuvent plus acheter à manger, la bourgeoisie va essayer de nous culpabiliser et nous entraîner dans des collectes stériles alors que c'est son système politique et économique qui est le vrai responsable de ce drame.

3) Sur les conditions de travail qui sévissent dans ces bagnes industriels, voir ici [58] .

4) Voir notamment "Luttes en Egypte : Une expression de la combativité et de la solidarité ouvrières [59]" et "Bilan du blocage des raffineries (I) [60]".

5) Lire l'article "Allemagne : la combativité montante de la classe ouvrière au niveau mondial [61] " (RI no 387, février 2008).

6) Pour en donner une idée, nous dressons dans ce numéro une liste [62], très loin d'être exhaustive, des principales luttes ouvrières dans le monde rien que depuis le début de l'année 2008.

 

Récent et en cours: 

  • Luttes de classe [18]

Manifestations de lycéens : la nouvelle génération inquiète pour son avenir

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Depuis plus d'un mois, les lycéens manifestent contre la suppression de 11  200 postes dans l'éducation nationale à la rentrée 2008 (et 80  000 d'ici 2012). Le gouvernement a d'ailleurs accumulé les "fautes de com" en disant par la voix de Darcos : "Il n'est pas possible de se désintéresser de ce que coûte l'éducation à la nation et de ce qu'elle obtient en contrepartie des dépenses auxquelles elle consent." C'est vrai, les prolos, ça coûte cher et ça rapporte de moins en moins.

Ce mouvement est significatif et important à de nombreux égards. Il exprime en premier lieu l'inquiétude de toute une génération pour son avenir et pour ses futures conditions de vie et de travail. Car parallèlement aux suppressions de postes d'enseignants, avec des classes surchargées, des enseignants ne sachant plus où donner de la tête et prodiguant inévitablement un enseignement toujours plus médiocre, il y a aussi la création de lycées d'élite et de lycées poubelles. Le mouvement lycéen de cette année est dans la continuité des différents mouvements lycéens des années 1990 et 2000 et du mouvement étudiant contre le CPE en 2006. Il exprime en particulier un profond sentiment et un besoin de solidarité qui dépasse les "frontières" des générations. Il ne s'agit en rien d'un mouvement de lycéens qui font grève, comme on a pu l'entendre, pour ne pas aller en cours, mais du mouvement d'une génération qui a de plus en plus conscience de l'avenir pourri que lui réserve cette société capitaliste.

Les médias ont mis à plusieurs reprises en exergue, afin de mieux introduire la confusion, "l'opposition" prétendue entre les slogans étudiants de 1968 (mode oblige) comme "A bas les profs" et ceux des lycéens d'aujourd'hui qui "veulent plus de profs" et "plus d'autorité". Il y a évidemment des différences mais il existe un lien indéfectible, celui d'une génération qui a initié les vagues de luttes internationales qui ont jalonnées les années 1970 et 1980 avec une génération qui s'inscrit d'ores et déjà dans le développement actuel de luttes ouvrières au niveau international.

C'est la peur de cette jeune génération qui fait que les lycéens ont été isolés soigneusement par les syndicats lycéens et que les syndicats enseignants ont créé la confusion, appelant seulement à certaines manifestations et laissant aux enseignants l'initiative individuelle de soutenir la grève ou pas. Cela est un signe indubitable de la peur de la bourgeoisie de voir le mouvements s'élargir. En effet, la manifestation du 15 avril, à laquelle les syndicats enseignants avaient appelé, a montré une colère très forte de la part de ces derniers, en particulier dans le primaire, et les manifestations qui ont suivi ont également été des moments où ce ne sont plus que les revendications "lycéennes" qui sont mises en avant mais, chaque fois plus, des revendications sur un terrain ouvrier.

C'est bien pour ces raisons que la FIDL (Fédération Indépendante et Démocratique Lycéenne) et l'UNL (Union Nationale Lycéenne) se sont efforcées d'enfermer le mouvement dans une logique "lycéenne" avec des actions démoralisantes, telles que le blocage de certaines voies routières, ou encore le blocage des lycées, mais sans aucune perspective d'ouvrir la discussion ou des assemblées générales à tous, lycéens, étudiants et salariés, etc.

Cependant, devant la détermination et la combativité des lycéens, il revient aux syndicats de l'enseignement de les reprendre à leur compte en s'efforçant de mettre un terme à ce mouvement. Aussi, FSU, Unsa-Education, Sgen-CFDT, Ferc-CGT et SUD-Education ont décidé de deux journées d'action nationale les 15 et 21 mai pour demander la mise en oeuvre d'une "autre politique éducative visant la réussite de tous les élèves". Tout cela n'est que de la poudre aux yeux pour enrayer un mouvement qui se développe en profondeur au sein de la classe ouvrière et de leurs jeunes générations. Ce mouvement n'est pas que l'expression d'une lutte actuelle de lycéens en colère mais celle d'une tendance toujours plus claire chez les jeunes générations à ne pas se soumettre passivement aux conditions de travail lamentables qui sont de plus en plus celles de leurs aînés et à les entraîner dans la lutte avec eux.

Mulan (24 avril)

 

Géographique: 

  • France [35]

Situations territoriales: 

  • Lutte de classe en France [63]

En France, gouvernement et syndicats main dans la main contre la classe ouvrière

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Depuis les élections municipales, le gouvernement annonce une nouvelle attaque chaque jour ou presque :

  • projet de suppression de la carte de réduction pour les familles nombreuses pour les voyages en train (sur lequel le gouvernement a momentanément reculé devant le tollé suscité)  ;
  • confirmation de la validité (et l'entrée en fonction officielle) de la loi sur les nouveaux contrats de travail qui permettent de légaliser la généralisation de la "flexibilité" et la précarité de l'emploi dans tout le secteur privé  ;
  • abaissement de 10  % du plafond des minima pour postuler à un logement social qui va priver de nouvelles dizaines de milliers de foyers comme de personnes isolées en situation difficile de ce recours  ;
  • mise en avant par la ministre de la Santé de la perspective de désengagement total de la Sécurité sociale pour le remboursement des lunettes (et à terme des frais de prothèse dentaire) : face à un concert de protestations, le gouvernement déclare que la mesure n'est pas à l'ordre du jour dans l'immédiat mais nul doute que l'annonce du creusement du déficit de la Sécurité sociale ne tardera pas à la faire ressortir, probablement dès l'été prochain  ;
  • annonce du renforcement des sanctions appliqués aux chômeurs contraints d'accepter au bout de 6 mois "toute proposition d'emploi dans la limite de 2 heures quotidiennes de transports du domicile et rémunérée au moins à 70  % de son salaire antérieur"  ;
  • réduction du montant des allocations familiales majorées perçues entre 11 et 14 ans à partir du 2e enfant mineur, soit 600 euros par famille  ;
  • publication d'un Livre blanc de la fonction publique cautionnant l'essentiel des mesures déjà en cours sur la "mobilité" et les suppressions de postes mais avec en prime l'introduction d'un "salaire au mérite" pour les fonctionnaires  ;
  • mise en place d'une "réforme hospitalière" basée sur des "structures régionalisées" qui devrait aboutir à la disparition de 235 hôpitaux représentant des dizaines de milliers d'emplois et de lits  ;
  • annonce que les chômeurs de plus de 57 ans et demi devront désormais justifier d'une recherche assidue d'un emploi auprès des Assedic au prétexte de "favoriser l'emploi des seniors" jusqu'à 61 ans au moins, en vue de les intégrer dans l'attaque globale contre les chômeurs (suppression d'indemnisation au bout de 6 mois). Ce battage sur l'emploi des seniors prépare les personnes âgées à accepter de toucher des retraites de misère et les conditionne (ils n'auront de toute façon pas vraiment le choix) à retrouver d'hypothétiques petits boulots pour survivre ;
  • projet scandaleux d'instaurer une taxe à payer par les retraités eux-mêmes pour permettre... de continuer à leur verser une retraite !

 

Cette pluie d'attaques...

Derrière tout cela, le gouvernement tente de mettre les bouchées doubles pour accélérer le démantèlement complet de l'Etat-providence. Comme l'a réaffirmé Sarkosy devant un panel de journalistes : le cap des "réformes" sera maintenu coûte que coûte et à la trappe tous ceux qui ne voudront pas s'y plier  !

Dans le contexte actuel de chute du pouvoir d'achat, de généralisation de la précarité, de plans de licenciements qui pleuvent les uns derrière les autres, de hausses de loyers prohibitives, d'escalade ininterrompue des prix alimentaires ou de produits de première nécessité, de nouvelles franchises médicales qui sont autant de coups plus douloureux les uns que les autres qui s'abattent sur l'échine des prolétaires, cela signifie une accélération insupportable de la paupérisation de la classe ouvrière et une détérioration considérables de ses conditions de vie et de travail. Une partie de plus en glus grande des travailleurs en est réduite à quémander ou ramasser des produits invendables à la fin des marchés, à subir l'humiliation de faire la queue auprès des associations caritatives pour obtenir des paniers repas pour eux et leurs familles aux portions de plus en plus réduites (vu la hausse des produits alimentaires de base), à s'entasser dans des logements de fortune ou des taudis insalubres, à renoncer aux soins coûteux en cas de maladie.

Ces conditions de survie de plus en plus inhumaines frappent en particulier les travailleurs "sans papiers" qui, en plus de leurs salaires de misère, en plus d'être soumis à un chantage et à une pression permanente d'une majorité de leurs patrons, sont contraints de vivre dans l'angoisse et la terreur permanente des contrôles et sous la menace d'une expulsion manu militari. Le courage de certains d'entre eux qui ont pris le risque de se mettre en grève pour tenter de sortir de cette impasse mérite le respect et l'entière solidarité de tous les prolétaires. Mais le cynisme de la bourgeoisie est sans bornes : le succès de la grève d'une dizaine de travailleurs sans-papiers de la restauration à Neuilly (fief de Sarkozy) aura servi d'appât pour attirer un maximum de travailleurs clandestins dans un véritable piège. Encouragés aussi bien par la publicité médiatique autour de cette grève que par certains patrons et par les associations liées au PS et surtout par le syndicat CGT qui s'est attelé à chaperonner la plupart d'entre eux, des milliers de sans-papiers sont poussés à présenter leur dossier dans les préfectures dans l'espoir de se faire régulariser. Cette illusion sera vite déçue. Comme l'ont réaffirmé brutalement Hortefeux et Sarkozy, cette régularisation se "fera au cas par cas", c'est-à-dire au compte-goutte. Comme il y a quelques années, les associations de gauche et la CGT, qui se donnent un grand coup de publicité en se prétendant les champions de la défense des travailleurs clandestins, en sont les pires ennemis. Ils se font les plus précieux rabatteurs d'Hortefeux pour débusquer les ouvriers clandestins, ce qui permettra peut-être au ministre de l'Immigration et de l'Identité nationale d'atteindre cette année le chiffre de 27  000 expulsions promis pour 2008.

... que les syndicats aident à faire passer

D'ailleurs, la CGT et les autres syndicats sont partout à la manœuvre pour saboter toute riposte ouvrière. Ainsi, ils pourrissent le terrain de la lutte comme chez Airbus. Dès l'annonce de la confirmation de fermeture prochaine des sites de Méaulte en Picardie et de Saint-Nazaire découlant du fameux plan "Power 8", ils ont organisé de prétendus "débrayages de solidarité" sur les autres sites à Toulouse et à Nantes où l'essentiel de leur propagande a consisté à mettre les ouvriers français en concurrence avec leurs frères de classe allemands qui seraient injustement "épargnés par la restructuration" et à les dresser contre eux . On se souvient qu'avant les élections municipales, comme d'ailleurs avant les législatives il y un an, les syndicats avaient été à tour de rôle les premiers reçus à l'Elysée. Le gouvernement a pris soin de s'assurer de leur collaboration totale indispensable pour faire passer les attaques. C'est pourquoi les syndicats s'emploient à défouler, à cloisonner les réactions ouvrières et à les émietter à travers de petites luttes pour empêcher ou du moins désamorcer une cristallisation du mécontentement grandissant, bref pour éviter le surgissement de grosses vagues incontrôlables.

Cependant, la pression de la combativité ouvrière reste intacte, comme le démontre la grève des grutiers et des "portiqueurs" dans les ports, notamment à Marseille et au Havre contre les menaces de suppressions d'emploi, même si les syndicats font tout pour enfermer cette luttes dans un cadre totalement catégoriel et corporatiste. Et la plupart des grèves actuelles sont, malgré le travail de morcellement syndical, porteuses des mêmes revendications de hausse salariales face à la flambée des prix aussi bien chez les travailleurs de La Redoute à Wattrelos près de Roubaix, chez les employés de Coca-Cola à Grigny en région parisienne, comme chez les salariés de la compagnie d'assurance Mondial Assistance à Paris, Bagnolet et Le Mans. Plus que jamais résonne l'actualité d'un des slogans de Mai 68 : "Ce n'est qu'un début, continuons le combat  !"

W (26 avril)

 

Situations territoriales: 

  • Lutte de classe en France [63]

Récent et en cours: 

  • Luttes de classe [18]

Une seule classe, un seul combat !

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Jamais autant de pays n'ont été simultanément touchés par des luttes, ce qui témoigne de la force et de la combativité ouvrière à l'échelle internationale. Face au black-out des médias de la bourgeoisie, en voici quelques exemples qui ne concernent que ce début d'année 2008.

En Europe

• Belgique : en mars, grèves chez Ford à Genk, à La Poste à Mortsel contre les contrats temporaires, grève des transports publics à Bruxelles et "grèves sauvages" dans un groupe pétrochimique BP et dans l'entreprise logistique Ceva contre des licenciements.

• Grèce : 3 journées de grève générale de 24 heures depuis le début de l'année contre la réforme des retraites  (1) (réduction des pensions de 30 à 40  %, incitation à travailler au-delà de 65 ans pour les hommes et de 60 ans pour les femmes, suppression des départs anticipés à la retraite) et contre la réforme de la sécurité sociale (fusion des fonds, réduction du nombre de caisses de sécu avec suppression des avantages en faveur des travailleurs dont le métier est pénible). Ces grèves ont paralysé les principales activités du pays : transports, banques, postes, télécoms, cheminots, etc. La dernière, le 19 mars, a rassemblé des millions de personnes dans les rues.

• Irlande : grève de 40  000 infirmières pendant plus de 15 jours depuis début avril pour revendiquer plus de 10  % d'augmentation et une réduction du temps de travail à 35 heures tandis que les pilotes d'Aer Lingus luttent contre leurs futures conditions de travail avec l'ouverture d'un nouveau terminal à Belfast. Grève sauvage contre l'avis du syndicat, le 4 avril, de 25 chauffeurs de bus à Limerick pour réclamer un nouveau contrat salarial.

• Italie : dans la région de Naples, l'usine Fiat de Pomigliano est en grève depuis le 10 avril pour protester contre "l'externalisation" de 316 emplois (phénomène que les ouvriers craignent de voir se généraliser).

• Russie : des mines de bauxite ont été occupées par 3000 ouvriers pendant plus d'une semaine. Ils réclamaient une augmentation de 50  % de leur salaire et le rétablissement de droits sociaux précédemment supprimés. Ce mouvement a suscité une vive sympathie dans le pays et le soutien de la population locale. La direction a cédé 20  % d'augmentation de salaire et rétabli une partie des droits sociaux.

• Suisse : à Bellinzone (Tessin), un mois de grève de 430 ouvriers des ateliers mécaniques contre la suppression de 126 emplois de CFF Cargo qui s'est terminé le 9 avril avec le retrait du plan de restructuration (après manifestation le 7, à Berne, où s'est manifestée la solidarité d'autres ouvriers).

• Turquie : la guerre au Kurdistan n'a pas empêché une grève massive dans les chantiers navals de Tuzla sur la mer de Marmara parmi les 43 000 ouvriers. Suite à une manifestation, le 28 février, réprimée par la police, plusieurs milliers d'ouvriers ont fait grève pendant 2 jours et le "sit-in" devant le chantier a été une fois de plus chargé par la police (passage à tabac et 75 arrestations). "Nos vies ont moins de valeur que leurs chiens" criaient de colère les grévistes, démontrant leur volonté de se battre pour leur dignité  ! Les ouvriers n'ont repris le travail qu'après la libération des grévistes arrêtés et avoir obtenu quelques promesses de la direction d'accepter certaines revendications (amélioration des conditions d'hygiène et de sécurité, garantie sur cotisations sociales et salaires, limitation du travail à 7 heures 30 par jour...).

En Afrique

• Algérie : 3 jours de grève "illégale" dans la fonction publique à partir du 13 avril (1,5 million de salariés) pour une augmentation du salaire de base et en refus de la nouvelle grille des salaires  ; grève de 207 manutentionnaires d'une cimenterie de Hammam Dalaâ dans la région de M'sila avec cahier de 17 revendications contre leurs conditions de travail le 10 avril.

• Cameroun : plusieurs grèves à répétition entre novembre 2007 et mars 2008 contre les conditions de travail inhumaines dans les palmeraies de la Socapalm liée à un groupe belge et au français Bolloré .

• Swaziland : fin mars, menace de 16  000 ouvriers du textile de se mettre en grève pour obtenir de meilleurs salaires et des primes dans cet ancien "bantoustan" de l'Afrique du Sud.

• Tunisie : les 6 et 7 avril, 30 ans après la grève générale et l'explosion de colère de janvier 1978 dans la même région durement réprimée (plus de 300 morts), nouvelle répression et vague d'arrestations dans la zone minière du bassin de Gafsa contre des ouvriers mobilisés depuis janvier contre les mises au chômage dans la région  ; grève contre les conditions de travail le 10 mars dans la société de télémarketing Teleperformance qui emploie 4000 personnes.

En Amérique

• Canada : grève sauvage à Olymel (Vallée Jonction). Moins d'un an après la ratification par les syndicats d'une convention qui acceptait une amputation de 30  % des salaires et leur blocage sur 7 ans en échange d'une promesse de garder l'emploi, débrayage spontané de 320 ouvriers d'un atelier de découpage suite à une sanction à l'encontre d'un ouvrier prenant son poste en retard. La direction fait intervenir le syndicat pour demander la reprise du travail et le non-ralentissement de la production  ; sitôt après, 70  % des ouvriers décident en AG d'une grève sauvage illimitée à compter du 20 avril.

• Etats-Unis : grève des scénaristes de Hollywood et de 5000 travailleurs de la chaîne de télévision MTV  ; grève à Detroit (Michigan) et à Buffalo (Etat de New York) de 3650 ouvriers à partir du 26 février chez Axle & Manufacturing Holding (équipementier de General Motors et Chrysler) à l'appel du syndicat UAW contre une réduction des salaires et des avantages sociaux  ; arrêts de travail contre la poursuite de la guerre en Irak et en Afghanistan annoncé le 1er mai par les dockers de la côte Ouest.

• Mexique : le 11 janvier, grève dans la plus grande mine de cuivre du pays à Cananea (province de Sonora au nord du pays) pour l'amélioration des salaires ainsi que de leurs conditions de santé et de sécurité. Cette grève est déclarée illégale et une violente répression de la police et des forces spéciales de sécurité du gouvernement s'abat (entre 20 et 40 blessés, plusieurs arrestations). Le tribunal ayant finalement reconnu la légalité de la grève, une nouvelle grève le 21 janvier est suivie par 270  000 mineurs.

• Venezuela : la grève massive des sidérurgistes (2e activité industrielle du pays dans la province de Guyana sur l'Orénoque) est durement réprimée par le prétendu "champion du socialisme du xxie siècle" Chavez  (2).

En Asie

• Chine : le 17 janvier, révolte des ouvriers de Maersk dans le port de Machong. Dans la seule même région (du Delta de la Rivière des Perles au sud-est du pays dans un périmètre très industrialisé -  100  000 entreprises, 10 millions d'ouvriers  - compris entre Canton, Shenzhen et Hong-kong ), il y a au moins une grève par jour de plus de 1000 ouvriers depuis le début de l'année  !

• Emirats : Après avoir cédé à une partie des revendications de la révolte massive des ouvriers du bâtiment immigrés de Dubaï  (3), une répression devant servir "d'exemple" s'est abattue sur eux : condamnation à 6 mois de prison ferme et expulsion après coup de 45 ouvriers pour "incitation à la grève". Mais cette lutte n'a pas été sans effets : 1300 ouvriers du bâtiment de l'Emirat voisin, au Bahrein, subissant les mêmes conditions d'exploitation proche de l'esclavage se sont mis en grève pendant une semaine début avril. Ils ont rapidement obtenu une augmentation de salaire tellement le risque de contagion dans la région était grand. La main d'œuvre étrangère représente plus de 13 millions de personnes dans les six émirats du Golfe.

• Israël : grève sauvage des bagagistes de la compagnie El Al en mars  ; grève des employés à la Bourse de Tel-Aviv qui, depuis février dernier, perturbe quotidiennement les marchés financiers pour les salaires, contre les heures supplémentaires et la précarité.

 

1) Il faut dire que le gouvernement conservateur avait été réélu en septembre 2007 avec la promesse de ne pas toucher aux régimes de retraite.

2) Nous reviendrons prochainement sur le déroulement de cette grève.

3) Voir "Luttes ouvrières à Dubaï : un exemple de la montée de la combativité ouvrière à l'échelle internationale [64] ".


Récent et en cours: 

  • Luttes de classe [18]

Répression au Tibet : la baudruche des "Droits de l'homme"

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Avec l'apparition le 10 mars d'une des vagues les plus importantes de manifestations pro-tibétaines depuis 1957, la population du Tibet subit une violente répression. Malgré le total black-out opéré par Pékin, les morts (13 selon la presse chinoise) peuvent très certainement se compter par centaines, tandis que les arrestations (officiellement plus d'un millier) vont bon train, avec tortures et déportations dans des camps de travail  ! Si le Parti "communiste" chinois, un des plus prodigues héritiers du stalinisme, manie le mensonge le plus éhonté sans aucune vergogne, il use aussi de la pire brutalité. Rappelons qu'en 1989, à Lhassa, lors d'une des nombreuses manifestations pour l'indépendance du Tibet, la police avait tué pas moins de 450 personnes.

Face à cette violence sanglante, tous nos dignes représentants de la démocratie, fervents défenseurs des Droits de l'homme, ont fait mine de s'indigner en se contorsionnant avec force gesticulations et autres complaintes diplomatiques. Tous, d'une voix unanime, ont immédiatement brandi à l'encontre de la Chine la suprême menace de "boycotter" la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques, voire les JO eux-mêmes. Cependant, après réflexion, le soufflé, et avec lui les menaces en peau de lapin, est retombé. La France s'est particulièrement distinguée dans cet effet d'annonces hypocrites. Après l'exigence de l'ouverture de pourparlers entre le gouvernement chinois et le dalaï-lama, Paris suivant Washington dans ses appels envers Pékin à "plus de retenue", le gouvernement français a rapidement envoyé Raffarin et Poncelet jouer les carpettes à Pékin, afin d'assurer cette dernière de la "volonté de la France de maintenir et d'approfondir le partenariat stratégique" entre les deux pays. D'ailleurs, mettant en pratique tous les beaux et grands discours récurrents des politiciens français s'enorgueillissant d'être LA patrie des Droits de l'homme, la police française s'est appliquée, lors du passage de la flamme olympique à Paris, à... taper sur la tête des manifestants pro-tibétains. Sur cette répression là, Michèle Alliot-Marie n'a fait qu'une seule critique : celle que les flics n'avaient pas ordre d'arracher les drapeaux tibétains. L'arrachage de drapeau, non  ! les coups de matraques, oui  !

Tout le cirque médiatique autour de la flamme olympique a peu à peu, pays après pays, viré du ridicule au grand-guignol, du grand-guignol au pathétique. Tous les feux de l'actualité ont été braqués sur cette flamme, symbole des "droits de l'homme" et du "rapprochement entre les peuples"  ! La lutte entre les divers tenants de l'extinction du brandon planétaire, afin de mieux protester énergiquement contre l'Etat chinois, et ceux qui la défendent pour ne pas "priver les Chinois des Jeux olympiques" a fait rage. Aussi, à défaut d'être renseignés sur les exactions de Pékin au Tibet, nous avons été littéralement abreuvés des péripéties du fameux flambeau : elle est passée par ici, elle repassera par là... Surtout, les médias et la clique politique nous ont invité à choisir un camp : pour ou contre l'indépendance du Tibet, pour ou contre le boycott des Jeux olympiques  ? La bourgeoisie manie depuis longtemps l'art de poser de fausses questions. Faut-il vraiment "choisir un camp" entre Tibet et Chine  ? Et que se cache-t-il réellement derrière tout ce cirque politico-médiatique et ces courbettes diplomatiques  ?

On a aussi beaucoup fait appel à l'actuel 14e dalaï-lama, "chef spirituel" mais aussi membre à part entière de l'Etat dans la tradition tibétaine, prix Nobel de la Paix en 1992. Il est honteusement encensé par les médias occidentaux comme le porteur de la véritable culture tibétaine et l'héritier d'une nation séculairement "heureuse". En réalité, il est le digne représentant d'un système social où la masse de la population vit courbée devant des bonzes détenteurs de la "connaissance" divine et est maintenue depuis des siècles dans une arriération extraordinairement profonde, avec un système de servage peut-être d'un niveau encore inférieur et plus brutal que celui que nous avons pu connaître en Europe au Moyen-Âge. Et c'est d'ailleurs un des aspects de l'histoire du Tibet qui a permis de justifier l'invasion de l'armée rouge maoïste afin d'abolir le servage et de permettre une prétendue ouverture à "l'école pour tous", en fait le dressage par les coups à l'idéologie de la "Révolution culturelle". Il n'y a nul choix à faire entre l'un ou l'autre : même si le dalaï-lama apparaît comme le "gentil", face à une "méchante" bourgeoisie chinoise, responsable de la mort directe de plus d'un million de Tibétains entre 1960 et 1990, il n'en reste pas moins l'agent de l'obscurantisme et de l'oppression idéologique les plus crasses.

De nombreux "commentateurs" se sont penchés sur le poids économique de la Chine qui expliquerait la passivité de la "communauté internationale", mais c'est loin d'être la raison principale. Il faut rappeler que ce sont les grandes puissances elles-mêmes qui sont à l'origine de la situation qui prévaut de nos jours au Tibet, bien avant déjà que Pékin ne connaisse l'expansion économique actuelle. Il ne s'agit en effet pas seulement d'une question de pressions économiques, mais surtout et avant tout du résultat de la compétition impérialiste. Lorsque Mao Zedong envahit le Tibet en 1950, avec une armée de "libération nationale", c'est pour affirmer sa volonté d'hégémonie en Asie et pour agrandir de presque un quart le territoire de la Chine. Si Mao osa entreprendre cette offensive, c'est parce qu'il savait qu'il avait non seulement la bénédiction mais également le soutien actif de la Grande-Bretagne qui voyait dans cette invasion la création d'une limite aux velléités impérialistes de l'Inde nouvellement indépendante.

Plus tard, à la fin des années 1950 et avec la naissance de la Guerre froide, et à une époque où Pékin et Moscou étaient alliés militairement, c'est Washington qui va pousser à l'exacerbation du séparatisme tibétain. Nulle intention de leur part de "sauver" les centaines de milliers, voire les millions, de Tibétains qui disparaissaient par vagues successives du fait des répressions ou de la famine, de la politique de discrimination en faveur des ressortissants chinois. Au contraire  ! Il s'agissait pour les Etats-Unis de créer une zone de perturbation permanente face à la Chine.

De nos jours, la situation est différente mais le résultat est identique. Les grandes puissances veulent à tout prix éviter que le Tibet ne devienne un nouveau foyer d'instabilité. Non pas par un souci quelconque "d'humanisme", mais pour couper la route en particulier à une éventuelle vague islamiste, que ce soit sur les frontières avec le Pakistan et l'Inde mais aussi en Chine elle-même. C'est pourquoi elles laissent l'Etat chinois donner libre cours à sa violence.

Bref, les raisons géostratégiques varient, mais la guerre est permanente.Aussi, avant même que les JO n'ait commencé, le parcours de sa flamme a contribué à mettre encore un peu plus en lumière ce que l'organisation de cet évènement sportif a de caractéristique des mensonges du monde bourgeois prétendument désireux de contribuer au "bonheur des peuples". Et la bourgeoisie du monde entier a pu elle aussi montrer les trésors d'hypocrisie qu'elle est capable de déployer, au nom des "Droits de l'homme", alors qu'elle conduit directement l'humanité vers la pire des barbaries.

Wilma (20 avril)

 

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  • Chine [65]

Récent et en cours: 

  • Tibet [66]

Irak, Afghanistan, Kosovo : sur les ravages des armes à l'uranium appauvri

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L'armement à base d'uranium appauvri est certainement parmi les manifestations les plus illustratrices du cynisme machiavélique de la bourgeoisie. L'uranium appauvri est un métal lourd et dense, des caractéristiques qui lui confèrent une solidité exceptionnelle, capable de transpercer des blindages ou de pénétrer des bunkers souterrains. Ce métal est, à ce niveau, proche du tungstène, à ceci près que le tungstène est cher, en très grande partie produit par la Chine et ininflammable, alors que l'uranium appauvri est gratuit, disponible partout où une activité de fission nucléaire existe et qu'en plus il brûle et explose  ! Il s'agit d'un sous-produit de l'activité nucléaire. Un déchet, en quelque sorte, que le "génie" capitaliste reconvertit de diverses façons, notamment pour des utilisations civiles mais, dans les faits, quasi-exclusivement pour équiper des missiles et obus perforants. Un missile de ce type peut ainsi pénétrer dans un centre de commande souterrain et exploser à l'intérieur, tuant et détruisant tout ce qui s'y trouve.

Mais, comble de l'horreur, ce déchet est extrêmement nocif du point de vue de la radioactivité. Les poussières dégagées par sa combustion et son explosion sont très volatiles et peuvent donc être facilement inhalées. La polémique sur l'incidence de l'uranium appauvri concernant le "syndrome de la guerre du Golfe" (1), les études "cachées" sur la situation au Kosovo ou en Afghanistan, tous ces éléments n'ont abouti qu'à cette conclusion officielle : personne ne peut dire avec certitude que l'uranium appauvri n'a pas d'activité radioactive nocive pour l'organisme humain. Et alors  ? Quelles conséquences en tire la bourgeoisie  ? Forte de cette grandiose ignorance, la bourgeoisie répand ces débris et ces poussières sur tous les théâtres d'affrontements impérialistes. Au diable les conséquences à long terme  ! Peu importe si pendant des décennies, voire des siècles, des enfants naissent malformés ou meurent de leucémies inexpliquées, on ne pourra accuser personne puisque "personne ne savait"  (2). Responsables, mais pas coupables  !

Par ailleurs, en tant que déchet nucléaire, il ne peut être exclu que l'uranium appauvri soit totalement dépourvu d'autres substances rencontrées dans le processus de fission atomique. Comme par exemple du plutonium, dont on connaît en revanche parfaitement l'extrême nocivité  ! (3)

Il est bien sûr évident que la bourgeoisie n'a pas besoin d'uranium appauvri pour répandre la mort, la maladie et la misère sur la planète. Comme cause première des famines dans le monde, la guerre est déjà assez meurtrière comme ça  ! Et on pourrait ajouter les armes chimiques comme le gaz moutarde largement utilisé par le pouvoir irakien. Ce qui distingue l'uranium appauvri, c'est surtout sa capacité potentielle à polluer radio-activement pour plusieurs siècles des zones importantes de la planète et à modifier le patrimoine génétique des populations touchées pour de nombreuses générations. Certaines études considèrent cette pollution comme plus mortelle que les bombardements d'Hiroshima et Nagasaki en 1945 qui emportaient pourtant déjà une charge radioactive importante.

Ce lourd héritage est légué avec un cynisme insupportable et révoltant par une bourgeoisie qui ne peut que balayer la question d'un "a priori ce n'est pas nocif" qui tranche avec sa prétendue préoccupation pour l'avenir de notre écosystème. Derrière les beaux discours de la classe dominante sur le "développement durable", la réalité est profondément alarmante : plus le capitalisme s'enfonce dans la crise et la barbarie, plus l'état de la planète qu'il laisse à l'humanité du futur est délabré, appauvri, modifié, pollué... et pour longtemps  ! Cela souligne avec force l'urgence du développement international de la lutte de classe, seul moyen pour stopper cette infernale destruction.

GD (20 avril)

 

1) On nomme ainsi les augmentations inexpliquées de leucémies, malformations et autres maladies graves parmi les Irakiens et vétérans américains de la guerre du Golfe. Les statistiques fiables sont dures à trouver. D'après des interviews auprès du personnel du département des Affaires des vétérans américains réalisés par l'American Free Press, le nombre "de vétérans de l'Ère du Golfe" maintenant en invalidité depuis 1991 se monte à 518  739 alors que "seulement" 7035 ont été annoncés blessés en Irak. De même, un rapport écrit par un ingénieur pétrochimique irlandais fait état d'une multiplication par 4 des cas de leucémies dans les régions où des projectiles contenant de l'uranium appauvri ont été utilisés  !

2) Cela dit, même "sans savoir", la prudence reste de mise dans les pays occidentaux : le champ de tir du Pentagone dans l'Indiana (80 hectares), où des obus à l'uranium appauvri ont été testés, sera certainement transformée en "zone nationale de sacrifice" et sanctuarisé pour l'éternité  !

3) 1,6 kg de plutonium peuvent provoquer la mort de huit milliards d'individus  !


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  • Irak [67]
  • Afghanistan [68]

Récent et en cours: 

  • Guerre en Irak [69]
  • Afghanistan [70]

Inde, Turquie, Bangladesh : l'horreur des bagnes industriels

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En 1984, c'est avec horreur que nous avions découvert le terrible bilan humain de l'explosion de l'usine Union Carbide à Bhopal, en Inde. En l'espace de trois jours, 8000 ouvriers moururent  ! 350  000 dans les semaines et mois suivants, suite aux blessures ou aux effets de la pollution chimique  ! Les conditions d'exploitation effroyables régnant dans ce véritable "bagne industriel" furent la première cause de cette hécatombe. La déflagration eut lieu la nuit alors que les ouvriers et leurs familles dormaient le long de l'usine, dans un immense bidonville. Déjà, à l'époque, la peau d'un ouvrier ne valait donc pas grand-chose mais depuis lors, ces bagnes industriels n'ont fait que proliférer aux quatre coins du monde, en Asie, au Moyen-Orient ou encore en Afrique.

Aujourd'hui, en Inde, au Bangladesh et en Turquie, des dizaines de milliers d'ouvriers travaillent sans relâche dans de gigantesques chantiers navals, rebaptisés "chantiers de la mort". La technique est simple et identique sur chacun de ces sites. Les paquebots à détruire sont lancés à pleine vitesse vers la plage ! Une fois ces géants de la mer échoués, des centaines d'ouvriers s'attellent à les démanteler avec... leurs mains et parfois un chalumeau. Aucune protection, aucune mesure de sécurité. Ces carcasses sont pourtant bourrées de produits chimiques dangereux, voire mortels, chargés le plus souvent d'amiante. Mais si toutes les nations du monde envoient leur flotte y mourir, c'est justement parce que ces conditions d'exploitations inhumaines assurent des "prix imbattables". C'est d'ailleurs dans ce genre de "chantiers de la mort" qu'a faillit finir le porte-avion le Clemenceau et qu'un des fleurons de la marine marchande française, le France, est en train d'y finir ses jours. Dans un rapport daté de 1995 sur le plus grand cimetière de bateaux au monde, le chantier d'Alang en Inde, l'ingénieur Maresh Panda décrivait déjà ainsi les conditions de vie et de travail des ouvriers : "Ils avaient des problèmes de peau dus au contact de matières toxiques, des problèmes respiratoires. Les cales peuvent contenir des gaz et les découpeurs les percent au chalumeau au risque d'explosions. Le sol est saturé de produits toxiques. Or, la plupart des travailleurs sont nu-pieds et peuvent se blesser. (...) Ils étaient à 20 ou 30 dans une même baraque, dormant sur des couchettes superposées. Ils pouvaient travailler vingt heures par jour." Dans une émission d'Envoyé spécial intitulée "Les fossoyeurs d'épaves"  (1), un ouvrier témoigne de l'horreur qu'il vit au quotidien : les explosions en tout genre, les copains tués ou mutilés, la survie dans les cabanes de taules et les maigres repas, etc. Et pourtant, des familles entières font parfois des milliers de kilomètres pour pouvoir travailler ici, ce qui en dit long sur la misère de pans entiers de populations de la planète  !

Aux Emirats Arabes Unis, à Dubaï, des millions d'ouvriers vivent la même horreur en construisant des gratte-ciels à perte de vue  (2). La Chine, comme la Corée en son temps, déporte des millions de travailleurs vers les grands centres industriels. Au total, dans le monde, 2,2 millions d'ouvriers meurent chaque année au travail. Et encore, ce chiffre officiel donné par l'Organisation internationale du travail minimise de beaucoup et volontairement la réalité.

Voici le secret du "miracle économique" des "pays émergents". Dans les années 1980 et 1990, les bourgeoisies occidentales tentaient de bercer d'illusions la classe ouvrière en lui faisant miroiter les miracles allemand, japonais ou même taïwanais. Pour retrouver une bonne santé économique, il fallait les copier : rigueur et sérieux au travail, abnégation pour l'entreprise... Aujourd'hui, les seuls "modèles" qui restent à suivre, ce sont ces bagnes industriels.

Jeanneton (25 avril)

 

1) Cette vidéo est publiée sur Dalymotion.

2) Lire nos articles "Dubaï, Bangladesh : La classe ouvrière se révolte contre l'exploitation capitaliste [71]" et "Luttes ouvrières à Dubaï : un exemple de la montée de la combativité ouvrière au niveau international [64]".


Géographique: 

  • Turquie [56]
  • Asie [72]

Récent et en cours: 

  • Crise économique [34]

Salut au "Comité Communiste de Réflexion" de Toulouse

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Comme nous l'avons mentionné au sein de précédentes publications, dans un certain nombre de villes ou de régions du monde 1, des éléments, souvent jeunes, indignés par les conditions actuelles et à venir d'existence de l'humanité, se retrouvent pour échanger leurs réflexions et forment ainsi des cercles de discussion. Certaines fois, il s'agit pour les éléments qui créent de tels cercles de comprendre comment et pourquoi la société actuelle s'enfonce dans la barbarie guerrière et plonge une part toujours croissante de l'humanité dans la misère. D'autres fois, de tels cercles se créent pour tirer les leçons des luttes qui ont été menées, pour comprendre ce qui les a limitées ou carrément faites échouer. Le but est alors de défendre et promouvoir, dans les prochaines luttes, les moyens de leur développement.

C'est en suivant cette seconde voie qu'une poignée d'étudiants de la faculté du Mirail, à Toulouse, a formé un cercle de discussion sous le nom de Comité de réflexion communiste. En effet, une partie de ces étudiants avait été partie prenante des luttes qui s'étaient menées en France en novembre 2007 .  Marqués par cet esprit combatif, ils se réunirent d'abord en pensant qu'il était possible que la lutte ne soit pas finie et qu'il fallait examiner les moyens qui pouvaient éventuellement être employés pour la relancer. Mais rapidement, il est apparu évident que le redémarrage de la lutte n'était pour l'instant pas possible et que le but des discussions du Comité était donc, surtout, de faire le bilan de cette lutte de novembre pour préparer l'avenir.

Les questions soulevées par le Comité de réflexion communiste

Dans toute cette phase de la vie de ce cercle, toute une série de questions ont été posées et discutées. Il était évident pour tous -  mais encore fallait-il faire la narration des événements pour que tout le monde prenne connaissance de la réalité des faits  - que les syndicats étaient les principaux responsables du fait que la lutte n'avait pas pu se développer. Ainsi, le comité s'est posé la question de savoir pourquoi le Comité de lutte des étudiants de l'université était devenu le champ clos des batailles des différents syndicats qui sont animés par des groupes politiques différents, ce qui avait écœuré les étudiants qui n'appartenaient pas à telle ou telle organisation ou à un syndicat et qui, de ce fait, désertaient le Comité de lutte (et parfois la lutte elle-même). De même, pourquoi les syndicats ont-ils saboté la jonction entre les étudiants et les cheminots en lutte  (2) de la même manière qu'ils ont clairement empêché celle des cheminots et des gaziers et électriciens ? Les syndicats en sont même arrivés à stigmatiser les étudiants (qui font partie du comité) qui étaient allés intervenir dans les assemblées générales de cheminots sous le prétexte qu'ils n'avaient pas été mandatés ! Ces événements ont été le point de départ d'une des premières questions que s'est posée le Comité : pourquoi les syndicats mènent-ils une telle politique ? Seraient-ils incompétents pour mener la lutte ? Est-ce que cela viendrait de l'orientation des organisations politiques qui les noyautent (le PS pour l'UNEF, le PC pour la FSE et la LCR pour SUD) ? Enfin, une telle politique ne viendrait-elle pas du fait que la forme syndicale est définitivement inadaptée dans la période actuelle comme arme de combat de la classe ouvrière ?

Cette discussion a mené à un questionnement sur les manifs organisées par les syndicats : faut-il participer à ces manifestations que beaucoup de membres du Comité ressentaient comme des processions défouloirs, organisées par les syndicats, n'ayant aucun moyen de faire reculer l'Etat  ? Pour d'autres membres du Comité, ces manifestations sont appelées par les syndicats parce qu'ils ne peuvent pas faire autrement et pour empêcher que la colère n'explose dans des dimensions qu'ils ne pourraient plus contrôler ; ces manifestations sont donc des moments pendant lesquels les ouvriers en lutte peuvent se retrouver et exprimer leur solidarité -  y compris contre les syndicats qui voudraient que, à la fin des manifestations, tout le monde rentre chez soi avec l'idée que l'on a fait tout ce que l'on pu et qu'il ne reste plus maintenant qu'à les laisser négocier.

Le Comité a aussi tenté de répondre aux questions qui s'étaient posées dans la lutte en prenant le problème par un tout autre bout : si les sections syndicales des différentes corporations n'ont pas rejoint les étudiants, n'est-ce pas parce que la situation des membres de ces corporations est en fait assez confortables ? La lutte des cheminots, celle des enseignants... n'étaient-elles pas celles de catégories socio-économiques voulant garder leurs acquis et non des expressions de la lutte de la classe ouvrière ? En d'autres termes le Comité s'est posé la question de savoir si l'on ne devait pas comprendre la classe ouvrière comme seulement composée des précaires, des chômeurs et des habitants des banlieues. La discussion qui a eu lieu sur ce thème a permis de conclure que l'appellation "classes moyennes" était en fait une astuce idéologique de la classe dominante pour qu'une grande partie des prolétaires ne se considèrent pas comme ouvriers. Et pourtant, quels que soient les secteurs, dans le privé comme dans le public, dans les ateliers ou dans les bureaux, au chômage ou à la retraite, c'est bien la même classe, la classe ouvrière, qui est exploitée et attaquée, c'est bien la même classe qui est de plus en plus précarisée et qui a de plus en plus de difficultés à "joindre les deux bouts". De même, le Comité a pu affirmer clairement que ce n'est pas le très bas niveau de salaire ou le fait de ne pas être propriétaire de son logement qui permet de qualifier tel ou tel être humain de prolétaire, mais le fait qu'il n'a que sa force de travail (manuelle ou intellectuelle) à vendre. Sur cette base, la discussion nous a permis d'établir que les habitants des banlieues, que le capitalisme a marginalisés, sont des prolétaires tout autant que la plupart des membres des prétendues "classes moyennes". Que l'atroce misère et la marginalisation dans laquelle les a poussés le capitalisme les amène à se lancer dans des révoltes isolées -  et malheureusement suicidaires  - ne change rien à cette réalité et cela signifie que l'avenir de leur lutte ne passe pas par ces émeutes mais par la lutte solidaire avec les autres prolétaires.

Le rôle des syndicats comme frein ou saboteurs du développement de la lutte a amené le Comité à se demander pourquoi l'assemblée générale n'avait pas su s'opposer à leur politique. Plusieurs sortes de réponses ont été apportées par les membres du Comité : pour certains, il est nécessaire qu'une minorité dirige l'assemblée générale pour que cette dernière puisse se donner les moyens de développer la lutte ; pour d'autres, la prise de décisions par une minorité à la place de l'assemblée générale ne peut en aucun cas aboutir à renforcer la lutte. Comme pour toute lutte ouvrière, ce sont les ouvriers eux-mêmes et eux seuls qui peuvent développer la lutte et donc le décider  ; dans un tel cadre, les minorités qui ont une meilleure compréhension des moyens de développer la lutte doivent tout faire pour convaincre l'ensemble des ouvriers réunis en assemblée générale de l'orientation qui permettra de développer la lutte. Cette discussion a permis de débattre sur la manière dont évoluait la conscience des ouvriers et des étudiants individuellement et collectivement.

Un outils de réflexion communiste

Toutes ces questions étant à la base de différences d'appréciation réelles entre les membres du Comité, il a été décidé de lire et discuter un certain nombre de textes anciens du mouvement ouvrier qui donnent un éclairage important. C'est donc en cherchant à répondre aux questions posées par la lutte que le Comité a été amené à discuter le livre de Rosa Luxembourg Grève de masse, parti et syndicats qui permet non seulement de comprendre l'évolution des syndicats, mais aussi de voir quel est le rôle des communistes dans la lutte. Suite à la discussion de ce premier livre, le Comité discute en ce moment celui de Léon Trotski Bilan et perspectives.

Enfin, le Comité a décidé à ne pas se limiter à ces questions et a décidé de discuter d'autres questions qui touchent à ce que nous savons tous comme nécessaire : la nécessité du changement de la société. C'est en ce sens, par exemple, que le Comité a décidé d'examiner la réalité et les conséquences de la politique menée par H. Chavez au Venezuela.

Comme nous l'avons dit précédemment, ce Comité n'est pas isolé, dans bien d'autres pays, des ouvriers et des étudiants élaborent de telles discussions. Bien sûr, comme on peut le voir dans ce qui précède, tous ces débats ne se terminent pas par un accord au sein du Comité, mais le CCI salue et encourage la création et le développement de tels regroupements parce que c'est par de telles discussions que des questions essentielles sur les causes de l'état catastrophique du monde actuel, sur les moyens qu'il faut utiliser pour le développement de la lutte et sur la perspective de l'avènement du communisme se clarifient. C'est pour cela et avec cet état d'esprit que le CCI participe chaque fois qu'il le peut à ce type de débat.

Ces regroupements participent du fait que la classe ouvrière se forge les armes pour les inévitables combats qui sont à venir.

Paul (28 mars)

 

1) ) Lire notamment nos articles sur des cercles de discussion aux Midlands et à Bruxelles ("Groupe de discussion des Midlands en Grande-Bretagne : un lieu de clarification de la conscience de classe [73]" et "Discussion : entre le rêve et les faits, sur l'identité et l'Etat [74]").

2) Les membres de ce cercle de discussion de Toulouse avaient d'ailleurs dénoncé par écrit, dans le feu de la lutte, ce sabotage de l'unité par les syndicats étudiants et cheminots, témoignages que nous avons publiés, sur notre site web, sous le titre : "Comment les syndicats ouvriers et étudiants pourrissent la lutte et la réflexion (témoignages dans la lutte) [75]".


Courants politiques: 

  • Influencé par la Gauche Communiste [57]

Existe-t-il une issue à la crise économique ? (1ère partie)

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Depuis août 2007, avec l'effondrement des prêts hypothécaires appelés "subprimes", on assiste à un nouvel épisode des convulsions qui affectent l'ensemble du capitalisme mondial. Les mauvaises nouvelles se succèdent : les taux d'inflation s'emballent (aux Etats-Unis, l'année 2007 a été la plus mauvaise depuis 1990), le chômage remonte, les banques annoncent des pertes par milliards, les Bourses vont de chute en chute, les indicateurs de croissance pour 2008 sont sans cesse révisés à la baisse... Ces données négatives se traduisent concrètement dans la vie quotidienne des travailleurs en tragédies comme celles de se retrouver sans emploi ou expulsé parce qu'on ne peut plus payer les crédits, par des pressions et des menaces à répétition dans le travail, des pensions de retraite qui se dévalorisent et font de la vieillesse une souffrance plus forte avec la misère... Des millions d'êtres humains anonymes dont les sentiments, les préoccupations et les angoisses ne font pas de la matière pour l'info journalistique, sont durement affectés.

 

À quelle étape sommes-nous dans l'évolution historique du capitalisme  ?

Face à la nouvelle éruption de la crise, que nous disent les personnalités et les institutions considérées comme "expertes"  ? Il y en a pour tous les goûts : il y a les catastrophistes qui prédisent une débâcle apocalyptique au coin de la rue  ; il y a les optimistes qui disent que tout est dû à la spéculation, mais que l'économie réelle va bien... Cependant, l'explication la plus courante, c'est que nous serions face à une "crise cyclique" comme beaucoup d'autres que le capitalisme a connues dans le passé tout le long de son histoire. Par conséquent, nous conseillent-ils, nous devons rester tranquilles, courber l'échine contre la tempête jusqu'à ce que reviennent les périodes de vaches grasses d'une nouvelle prospérité...

Cette "explication" prend comme modèle une photo jaunie, en la déformant, de ce qui arrivait au xixe siècle et au début du xxe, mais qui est inapplicable à la réalité et aux conditions du capitalisme de la plus grande partie du xxe siècle et du xxie.

Le xixe siècle fut l'époque d'ex­pansion et de croissance du capitalisme, qui s'étend comme une tache d'huile par le monde entier. Cependant, périodiquement, il était secoué par la crise, comme le Manifeste communiste le mit en évidence : "Chaque crise détruit régulièrement non seulement une masse de produits déjà créés, mais encore une grande partie des forces productives déjà existantes elles-mêmes. Une épidémie qui, à toute autre époque, eût semblé une absurdité, s'abat sur la société, l'épidémie de la surproduction. La société se trouve subitement ramenée à un état de barbarie momentanée  ; on dirait qu'une famine, une guerre d'extermination lui ont coupé tous ses moyens de subsistance  ; l'industrie et le commerce semblent anéantis. Et pourquoi  ? Parce que la société a trop de civilisation, trop de moyens de subsistance, trop d'industrie, trop de commerce. Les forces productives dont elle dispose ne favorisent plus le régime de la propriété bourgeoise  ; au contraire, elles sont devenues trop puissantes pour ce régime qui alors leur fait obstacle; et toutes les fois que les forces productives sociales triomphent de cet obstacle, elles précipitent dans le désordre la société bourgeoise tout entière et menacent l'existence de la propriété bourgeoise. Le système bourgeois est devenu trop étroit pour contenir les richesses créées dans son sein». Cette entrée périodique de la société capitaliste dans des phases d'effondrement avait deux causes principales qui sont toujours présentes aujourd'hui. Premièrement, la tendance à la surproduction -  telle que le Manifeste la décrit  - qui entraîne la faim, le chômage et la misère, non pas parce qu'il y aurait une pénurie de biens (comme c'était le cas dans les sociétés antérieures), mais à cause du contraire, par excès de production (!), parce qu'il y a trop d'industries, trop de commerce, trop de ressources  ! Deuxièmement, parce que le capitalisme fonctionne d'une façon anarchique à travers une concurrence féroce qui jette les uns contre les autres. Ceci provoque une répétition des moments de désordre incontrôlé. Cependant, parce qu'il y avait des nouveaux territoires à conquérir pour le travail salarié et la production marchande, on finissait, tôt ou tard, par dépasser ces moments grâce à une nouvelle expansion de la production qui étendait et approfondissait les rapports capitalistes, particulièrement dans les pays centraux d'Europe et d'Amérique du Nord. A cette époque, les moments de crise étaient comme les battements d'un cœur sain et les vaches maigres laissaient la place à une nouvelle étape de prospérité. Mais déjà à ce moment là, Marx percevait dans ces crises périodiques quelque chose de plus qu'un simple cycle éternel qui déboucherait toujours sur la prospérité. Il y voyait les expressions des contradictions profondes qui minent le capitalisme jusque dans ses propres racines en le précipitant vers sa ruine.

Au début du xxe siècle, le capi-talisme atteint son apogée, il s'est étendu sur toute la planète, la plus grande partie du globe se trouve sous la domination du travail salarié et de l'échange marchand. C'est ainsi qu'il est entré dans sa période de décadence. "A l'origine de cette décadence, comme pour celle des autres systèmes économiques, se trouve l'inadéquation croissante entre le développement des forces productives et les rapports de production. Concrètement, dans le cas du capitalisme, dont le développement est conditionné par la conquête de marchés extra capitalistes, la Première Guerre mondiale constitue la première manifestation significative de sa décadence. En effet, avec la fin de la conquête coloniale et économique du monde par les métropoles capitalistes, celles-ci sont conduites à s'affronter entre elles pour se disputer leurs marchés respectifs. Dès lors, le capitalisme est entré dans une nouvelle période de son histoire qualifiée par l'Internationale communiste en 1919 comme celle des guerres et des révolutions"  (1). Les traits essentiels de cette période sont, d'un côté, l'explosion des guerres impérialistes, expression de la lutte à mort entre les différents États capitalistes pour étendre leur influence aux dépens des autres et de la lutte pour le contrôle d'un marché mondial devenu de plus en plus étroit, qui ne peut plus assurer un débouché suffisant pour une telle abondance de rivaux  ; d'un autre côté, il y a une tendance pratiquement chronique à la surproduction, de sorte que les convulsions et les catastrophes économiques se multiplient. Autrement dit, ce qui caractérise globalement le xxe et le xxie siècles, c'est la tendance à la surproduction -  temporaire au xixe et pouvant être dépassée facilement  - qui devient chronique, soumettant ainsi l'économie mondiale à un risque quasi-permanent d'instabilité et de destruction. D'un autre côté, la concurrence -  trait congénital du capitalisme  - devient extrême et, en se heurtant à un marché mondial qui tend constamment vers sa saturation, elle perd son caractère de stimulation de l'expansion pour ne développer que son caractère négatif et destructeur de chaos et d'affrontement. La Guerre mondiale de 1914-18 et la grande Dépression de 1929 constituent les deux expressions les plus spectaculaires de la nouvelle époque. La première fit plus de 20 millions de morts, causa des souffrances horribles et provoqua un traumatisme moral et psychologique qui a marqué des générations entières. La deuxième fut un effondrement brutal avec des taux de chômage de 20-30  % et une misère atroce qui frappa les masses travailleuses des pays dits "riches", les Etats-Unis en tête. La nouvelle situation du capitalisme sur le terrain économique et impérialiste entraîna des changements importants sur le terrain politique. Pour assurer la cohésion d'une société frappée par la tendance chronique à la surproduction et à de violents conflits impérialistes, l'État, bastion ultime du système, intervient massivement dans tous les aspects de la vie sociale et, surtout, les plus sensibles : l'économie, la guerre et la lutte de classe. Tous les pays s'orientent vers un capitalisme d'Etat qui prend deux formes : celle qu'on appelle mensongèrement "socialiste" (une étatisation plus ou moins complète de l'économie) et celle appelée "libérale", dont la base est l'assemblage plus ou moins ouvert entre la bourgeoise privée classique et la bureaucratie d'État.

Ce rappel bref et schématique des caractéristiques générales de l'époque historique actuelle du capitalisme doit nous servir pour situer la crise présente, en l'analysant d'une façon réfléchie, éloignée autant du catastrophisme alarmiste et immédiatiste que, et surtout, de la démagogie optimiste de la "crise cyclique" (2).

40 ans de crise

Après la Seconde Guerre mondiale, le capitalisme, du moins dans les grandes métropoles, réussit à vivre une période plus ou moins longue de prospérité. Le but de cet article n'est pas d'en analyser les causes  (3), mais ce qui est certain, c'est que cette phase (contrairement à tous les sermons des gouvernants, des syndicalistes, des économistes et même de certains qui se disaient "marxistes" qui nous racontaient que le capitalisme avait dépassé définitivement les crises) a commencé à se terminer à partir de 1967. D'abord avec la dévaluation de la livre sterling, après avec la crise du dollar en 1971 et la première crise dite "du pétrole" en 1973. A partir de la récession de 1974-75, une nouvelle étape s'ouvre où les convulsions se multiplient. Faisant un rapide résumé, on peut citer : la crise inflationniste de 1979 qui toucha les principaux pays industrialisés, la crise de la dette en 1982, l'effondrement boursier de Wall Street en 1987 suivi de la récession de 1989, la nouvelle récession de 1992-93 qui entraîne la débandade de toutes les monnaies européennes, la crise des "tigres" et des "dragons" asiatiques de 1997 et la crise de la "nouvelle économie" de 2000-2001. Pourrait-on expliquer cette succession d'épisodes convulsifs en utilisant au forceps le schéma des "crises cycliques"  ? Non et mille fois non  ! La maladie incurable du capitalisme, c'est la rareté dramatique des marchés solvables, un problème qui n'a cessé de s'aggraver tout au long du xxe siècle et qui est réapparu violemment à partir de 1967. Mais contrairement à 1929, le capitalisme d'aujourd'hui a affronté la situation armé du mécanisme de l'intervention massive de l'État, qui essaya d'accompagner la crise pour éviter un effondrement incontrôlé.

Quel est l'outil principal que l'État utilise pour essayer de brider le cheval emballé de la crise qui l'entraîne et le piétine, pour essayer de l'adoucir, de la repousser, d'éviter -  du moins dans les pays centraux  - ses effets les plus catastrophiques  ? L'expérience nous a montré que cet outil a été le recours systématique au crédit. Grâce à un endettement qui, au bout de quelques années, est devenu abyssal, les Etats capitalistes ont créé un marché artificiel qui offrait plus ou moins un débouché à une surproduction qui ne cessait d'augmenter. Pendant 40 ans, l'économie mondiale est parvenue à éviter un effondrement fracassant en recourant à des doses de plus en plus massives d'endettement. L'endettement est au capitalisme ce que l'héroïne est au drogué. La drogue de l'endettement fait que le capitalisme tient encore debout, en s'appuyant sur le bras du monstre étatique -  qu'il soit "libéral" ou "socialiste". Avec la drogue, il atteint des moments d'euphorie où on a l'impression d'être dans les meilleur des mondes possibles  (4) mais, de plus en plus fréquemment, apparaissent des périodes contraires, des périodes de convulsion et de crise, comme celle que nous vivons depuis l'été 2007. Au fur et à mesure que l'on augmente les doses, la drogue a un effet moindre sur le drogué. Il faut une dose plus grande pour atteindre une stimulation de plus en plus petite. Voilà ce qui arrive au capitalisme actuel  ! Après 40 ans d'injections de la drogue "crédit" sur un corps troué de piqûres, l'économie capitaliste mondiale a de plus en plus de difficultés pour réagir et pour atteindre une nouvelle période d'euphorie.

Voilà ce qui est en train de se passer à l'heure actuelle. En août dernier, on nous a dit que tout était revenu à la normale grâce aux prêts injectés par les banques centrales aux organismes financiers. Depuis lors, on a injecté rien de moins que cinq cents milliards d'euros en trois mois sans qu'on n'ait ressenti le moindre effet. L'inefficacité de ces mesures a fini par semer la panique et le mois de janvier 2008 a commencé par une chute générale des Bourses mondiales (5). Pour juguler l'hémorragie, aux Etats-Unis, le gouvernement et l'opposition, main dans la main avec la Réserve fédérale (FED) annoncent le 17 janvier le "remède miracle" de donner à tous les foyers un chèque de 800 $. Cependant, une telle mesure, qui en 1991 fut très efficace, provoque le lundi 21 janvier une rechute des Bourses mondiales aussi grave que la débâcle de 1987. Le même jour, en urgence et dans la précipitation, la FED réduit de trois quarts de point les taux d'intérêt en réalisant ainsi la plus forte réduction de ce taux depuis 1984. Mais le 23 janvier -  au moment où nous écrivons cet article  - les Bourses du monde, sauf Wall Street, souffrent d'un nouvel effondrement. Quelle est la cause de cette poursuite des convulsions, malgré l'énorme effort de crédit réalisé par les États centraux qui ont mobilisé tous les instruments à leur disposition : les prêts aux banques entre les mois d'août et novembre, les réductions des taux d'intérêt, les réductions fiscales  ? Les banques, utilisées massivement par les États comme appâts pour engager les entreprises et les ménages dans une spirale de dettes, se retrouvent dans un état pitoyable, les unes après les autres, à commencer par les plus grandes (comme la Citigroup) en annonçant des pertes gigantesques. On parle d'un phénomène qui pourrait aggraver encore plus la situation : une série d'organismes d'assurances, dont la spécialité est de rembourser aux banques leurs "mauvaises" créances en lien avec les subprimes ont, semble-t-il, d'énormes difficultés pour le faire. Mais il y a encore un problème bien plus inquiétant qui parcourt, tel un tsunami, l'économie mondiale : le réveil de l'inflation. Pendant les années 1970, l'inflation frappa durement les foyers modestes, et elle revient aujourd'hui avec virulence. En réalité, les pièges du crédit, les mesures de capitalisme d'Etat, ne l'avaient pas éliminée, mais tout simplement retardée. Tout le monde craint maintenant qu'elle ne s'emballe et que les prêts gigantesques des banques centrales, les réductions fiscales ou celles des taux d'intérêt, n'arrivent qu'à emballer encore plus le moteur sans réussir à relancer la production. La crainte généralisée est que l'économie mondiale n'entre dans une phase dite de "stagflation", autrement dit, d'une dangereuse combinaison de récession et d'inflation, ce qui, pour la classe ouvrière et la majorité de la population, signifie une nouvelle plongée dans le chômage et la misère associée à la montée en flèche des prix pour tous les produits de base. À ce drame s'ajoute, et ce n'est qu'un exemple, celui de plus de 2 millions de foyers américains réduits à l'insolvabilité.

Comme la drogue, le recours désespéré au crédit mine et détruit peu à peu les fondements de l'économie, en la rendant plus fragile, en provoquant en son sein des processus de pourrissement et de décomposition chaque fois plus exacerbés. On peut déduire, de cette brève analyse de la situation de ces derniers mois, que nous nous trouvons face à la pire et à la plus longue convulsion du capitalisme de ces 40 dernières années. Tout cela peut se vérifier si on analyse les 4 derniers mois, non pas en eux-mêmes -  tel que le font les "experts", incapables de voir plus loin que le bout de leur nez  - mais en tenant compte des 40 dernières années. C'est ce que nous verrons plus en détail le mois prochain, dans la seconde partie de cet article. Nous montrerons aussi à quel point la bourgeoisie reporte de façon toujours plus brutale les effets de sa crise sur le dos des travailleurs et nous tenterons enfin de répondre à la question initiale : Existe-t-il une issue à la crise  ?

Traduit d'Acción proletaria nº 199, publication du CCI en Espagne

 

1) 17e Congrès du CCI, 2007. "Résolution sur la situation internationale [76]».

2) Dans cette campagne électorale que nous subissons ces jours-ci en Espagne (il s'agit des élections législatives d'avril 2008), les deux grands adversaires rivalisent en jouant chacun une partition différente : d'un coté le Parti populaire (droite) brandit l'étendard du catastrophisme, tandis que, de son coté, le Parti socialiste (PSOE) chante le refrain "Du calme, rien à signaler". Les deux mentent et peut-être bien que l'un et l'autre ne savent pas très bien où ils vont.

3) Voir la "Résolution sur la situation internationale [76]" citée ci-dessus.

4) Cette sensation d'euphorie est bien amplifiée par tous les défenseurs du capitalisme, pas seulement les politiciens, les patrons et les syndicats, mais tout particulièrement par ceux qu'on appelle les "faiseurs d'opinion", autrement dit, les medias. On rehausse et on souligne les aspects positifs et on sous-estime ou l'on met de coté les négatifs, ce qui contribue évidemment à propager ce sentiment d'euphorie.

5) Pour se faire une idée, en Espagne, selon les données de l'IESE, 89 milliards d'euros en 20 jours. On estime que la chute des bourses mondiales pendant le mois de janvier est de 15  % selon les chiffres le plus optimistes.


Récent et en cours: 

  • Crise économique [34]

Questions théoriques: 

  • L'économie [77]

Révolution Internationale n° 391 - juin 2008

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Pour qui travaillent les syndicats ?

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Le mois de mai a été émaillé de grèves et de manifestations et le mois de juin s'annonce lui aussi mouvementé. Il faut dire que la colère est forte dans les rangs ouvriers. Qu'elle soit au travail, au chômage ou à la retraite, toute la classe ouvrière ressent un profond ras-le-bol. Les prix flambent, les soins médicaux deviennent inaccessibles, les allocations s'effondrent... Mais plus encore que la situation immédiate, c'est la noirceur de l'avenir qui inquiète. Même les médias ne peuvent cacher ce mécontentement grandissant, simplement ils en parlent avec des mots bien choisis et bien à eux : "Le moral des ménages français au plus bas depuis 1987"  (1). Ce qu'ils oublient volontairement d'écrire, c'est que derrière cette baisse du "moral des ménages", il y a surtout une montée de la combativité des familles ouvrières ! Un seul exemple : pour protester contre les 18 000 suppressions de postes frappant les établissements scolaires à la rentrée prochaine, 40 000 enseignants et élèves se sont retrouvés dans les rues de Paris le dimanche 18 mai !

Pourtant, ce mécontentement généralisé n'a enfanté, pour l'instant, aucune lutte d'ampleur. Pourquoi ?

Les syndicats sont-ils incompétents ou malveillants ?

En apparence, les syndicats ont tout fait pour mobiliser. Tout au long du mois de mai, les manifestations se sont enchaînées à un rythme effréné : le 15, le 18, le 22, le 24... Chaque fois, ces journées d'actions ont rassemblé des dizaines de milliers d'ouvriers. Mais en fait, derrière leurs appels bidons à la lutte, les syndicats se sont attelés à un véritable travail de sape.

Le 15 mai, un appel à la grève de toute la fonction publique est lancé contre les suppressions de postes. Trois jours après, sur cette même question, la journée d'actions ne concernait plus que les seuls enseignants. Pourquoi cette réduction au secteur de l'enseignement ? En 2003 déjà, lors de la lutte contre la réforme des retraites, les enseignants avaient essuyé une cuisante défaite et payé cher (plusieurs mois de salaires pour certains) leur isolement. Les syndicats leur refont ici le même coup, à plus petite échelle. Cette cible n'est d'ailleurs pas choisie au hasard car la colère y est particulièrement grande. Depuis plusieurs années maintenant, les coupes claires se succèdent et les conditions de travail se détériorent à toute vitesse. Il y a un "risque" pour le gouvernement et les syndicats de voir ce secteur partir en lutte et entraîner derrière lui d'autres parties de la classe ouvrière, d'autant plus que la jeunesse lycéenne a déjà commencé à se porter aux côtés de leurs enseignants (et la bourgeoisie sait à quel point cette jeunesse, qui s'est mobilisée en 2006 contre le CPE et en 2007 contre la loi LRU, porte en elle l'élan de la solidarité). La classe dominante s'applique donc à isoler ce secteur et à saucissonner ses luttes. En mars et avril, les syndicats ont ainsi fait défiler les lycées les uns après les autres devant les différentes préfectures de France. Le spectacle était surréaliste. Il faut imaginer jour après jour, une centaine d'élèves et de professeurs du lycée Malraux, ou Jaurès, ou Blum, venir se planter une heure devant la préfecture, sono syndicale à fond, puis repartir comme ils étaient venus, sans même parfois savoir qu'un autre lycée était là la veille, au même endroit et pour les mêmes raisons ! Les manifestations enseignantes des 18 et 24 mai furent la suite logique de cet épandage, par les syndicats, du poison de l'isolement et de la dispersion.

Décidément, plus on y regarde de près, plus le sabotage apparaît évident, voire caricatural. Même les manifestations des 15 et 22 mai n'avaient "d'unitaires" que le nom. Le 15, sur la question des suppressions de poste, l'appel ne concernait que la fonction publique comme si le privé n'était pas touché par ce problème ! La mobilisation du 22, qui devait enfin rassembler public et privé sur la question commune des retraites, est venue volontairement trop tard, les enseignants et les lycéens ne pouvant se mobiliser ainsi tous les trois jours et devant privilégier, sous les consignes syndicales, "leurs" manifestations. Cerise sur le gâteau, pour être bien sûrs qu'il n'y aurait pas trop de monde, les syndicats ont pris même soin de lancer un appel à la grève pour la SNCF et la RATP, faisant craindre à beaucoup les perturbations d'un déplacement ! Ainsi, amputée du secteur le plus combatif et de la jeunesse lycéenne, cette dernière manifestation de mai ne fut qu'un morne défilé, sans vie ni entrain. Il est évident qu'au lieu de ces multiples journées d'action, une seule et même manifestation, appelant tous les secteurs à se battre contre les suppressions de postes et pour la retraite, aurait eu un tout autre impact !

Mais tout ce travail de sabotage systématique des mobilisations est de plus en plus apparent aux yeux de la classe ouvrière. Lors d'une réunion de coordination dans un lycée de la région de Tours, et suite aux interventions de militants du CCI, une enseignante est venue nous demander inquiète : "Les syndicats sont-ils incompétents ou malveillants ?". Non, il ne s'agit pas là d'incompétence ou d'erreurs malheureuses, mais d'une politique délibérée et consciente.

Les syndicats tentent de redorer leur image

Les syndicats se rendent parfaitement compte que leur crédit aux yeux des ouvriers est en train de fondre à mesure des attaques gouvernementales. Cet automne, lors de la lutte contre l'abrogation des régimes spéciaux, la collusion entre syndicats et gouvernement fut si flagrante qu'elle en ébranla même les troupes cégétistes et cédétistes. On se souvient de Thibault hué par les cheminots et de Chérèque contraint de quitter honteux le cortège de la manifestation du 20 novembre ! Les organisations syndicales doivent donc tenter d'apparaître comme combatives pour ne pas se discréditer totalement alors que les attaques massives pleuvent à coups redoublés sur l'échine de tous les ouvriers. C'est pourquoi, en cette fin mai, ils sont contraints de jouer la carte de l'omniprésence sur tous les fronts sociaux.

Il existe partout, et depuis des mois, quantité de petites grèves. Et partout, les syndicats ont eu la même attitude : calmer les ardeurs et focaliser l'attention sur des aspects spécifiques des attaques au secteur concerné. Pendant des mois, le black-out des médias sur ces luttes et l'organisation de leur dispersion par les syndicats ont été l'arme du gouvernement pour masquer la colère ouvrière. En revanche, lorsque les syndicats bombent le torse et "durcissent" un mouvement, comme c'est le cas dans les services des impôts, les médias rompent le silence en leur faisant même un peu de publicité. Ainsi, fin mai, la perturbation d'une dizaine de centres des impôts a eu, elle, l'honneur des médias. Dans tous ces centres, le scénario est presque identique : vote de grèves reconductibles par une poignée de syndicalistes dans des parodies d'AG, blocage des centres aux "usagers" (en pleine période de remise de déclaration annuelle d'impôt sur le revenu) et appel de la police par la direction qui intervient en surnombre (leur déploiement est plus important que le nombre de grévistes) pour permettre, parfois au prix de petites bousculades, la réouverture des centres administratifs. Puis les syndicats, ces organes de l'appareil d'Etat qui ne cessent depuis des mois de travailler, en catimini, main dans la main avec le gouvernement pour faire passer les attaques à répétition, tentent ainsi de se présenter, CGT en tête, comme les cibles et les victimes de la répression policière ! Ce radicalisme de façade correspond à un triple objectif. D'abord, "lâcher de la vapeur" et faire en sorte que les éléments les plus combatifs puissent se défouler dans une "lutte" totalement quadrillée par les syndicats et qui n'a donc aucune possibilité de s'étendre. Ensuite, parce que la majorité des ouvriers ne se reconnaissent pas dans ce genre d'action "radicale" minoritaire, inhibante et stérile, les syndicats peuvent en profiter pour faire passer à leurs troupes le message frauduleux suivant : "si vous n'avez pas été suivis, c'est parce que la classe ouvrière n'est aujourd'hui pas assez combative". Tous les syndiqués ayant participé de bonne foi à ce genre d'actions, en ressortent déboussolés et démoralisés !

Enfin, les blocages, voire les affrontements avec les forces de l'ordre, organisés sous les projecteurs médiatiques, permettent de créer l'illusion de la combativité syndicale (2).

Ce mouvement aux impôts est significatif du type de manœuvres qui vont se multiplier dans les prochains mois. D'ailleurs, sur le terrain de la fausse radicalité, toutes les confédérations viennent de pousser de hauts cris, dont les médias se sont faits évidemment l'écho, contre le nouveau projet de loi sur le temps de travail : "A la hâte, la CGT et la CFDT déterrent la hache de guerre", "La CGT et la CFDT vent debout contre la réforme des 35 heures" (3)... Une manifestation est prévue le 17 juin (4). Mais d'ores et déjà, tous ces cris d'orfraie apparaissent pour ce qu'ils sont : des gesticulations hypocrites. Les syndicats organisent d'ailleurs déjà la division : une autre manifestation, contre la mobilité des fonctionnaires, est prévue le 10 juin. Pourquoi un sabotage aussi évident ? Tout simplement parce que le climat actuel ne leur permet pas de mener un mouvement syndical d'ampleur sans risquer d'en perdre le contrôle. Ils ne peuvent pas se permettre de rassembler en un même endroit trop de secteurs différents de la classe ouvrière !

Face aux attaques incessantes du capital, la combativité va continuer de se développer et le sabotage syndical sera de plus en plus criant, alimentant la réflexion sur la nature réelle de ces officines. Restera alors le pas le plus difficile à franchir : oser se passer des "spécialistes officiels de la lutte" pour organiser nous-même les assemblées générales, aller chercher la solidarité et étendre le combat par l'envoi de délégations massives aux usines, aux écoles, aux administrations, aux hôpitaux voisins,... bref, oser prendre en mains nos luttes ! La classe ouvrière peut et doit acquérir cette confiance en sa force collective !

Pawel (31 mai)

 

1) Le Nouvel Observateur et Le Monde du 28 mai.

2) Un autre mouvement, et de façon bien plus importante encore, a eu les honneurs de la presse : la "lutte" des marins-pêcheurs. Ce simple fait doit attirer l'attention et la méfiance. Pourquoi une telle publicité ? Mieux encore, alors qu'il y a un véritable black-out sur les luttes ouvrières internationales (lire, par exemple, les trois articles de ce journal aux Etats-Unis [78], au Venezuela [79] et en Grande-Bretagne [80]), les actions des marins-pêcheurs de toute l'Europe sont détaillées en large et en travers aux journaux télévisés de 20 h. La raison en est simple : les marins-pêcheurs sont soit des petits patrons (propriétaires de leurs bateaux), soit des ouvriers dont le rêve premier est de devenir petit patron. Ainsi, même s'il est vrai que leur condition de vie et de travail sont pour tous très rudes, voire inhumaines, il n'en reste pas moins qu'ils se battent souvent pour leur intérêt particulier et corporatiste. La bourgeoisie fait toujours une large publicité à leur mouvement car elle veut promouvoir l'idée que pour obtenir quelque chose il faut se battre dans son coin, pour soi et non pour les autres.

3) Libération et la Tribune du 30 mai.

4) Il est bon de se rappeler en passant que les syndicats avaient en 2002 "négocié" avec les 35h, le gel des salaires, la flexibilité et, souvent, l'annualisation du temps de travail !

Récent et en cours: 

  • Luttes de classe [18]

Mouvement des travailleurs sans papiers : pour expulser, le gouvernement peut compter sur les syndicats et la gauche

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Le 15 avril dernier, des travailleurs sans papiers, pour la plupart embauchés dans les fameux "secteurs en tension" (1), se mettaient en grève. En plus de subir les pires conditions de travail, ces prolétaires sont traités comme des délinquants, contraints de vivre dans la clandestinité permanente, l'angoisse quotidienne et la terreur du contrôle et de l'expulsion (2). Ceux qui ont pris le risque de tout perdre en faisant grève au grand jour pour faire cesser une situation insupportable font preuve d'un grand courage. Mais en se mettant sous les banderoles de la CGT, ils sont en réalité tombés dans un piège !

Cette grève avait de fait été préparée de longue date, plusieurs mois à l'avance. La CGT avait organisé un appel à la syndicalisation massive de ces ouvriers, avec pour objectif affiché de mettre en oeuvre une action de masse et médiatisée pour... se faire de la pub, comme une vulgaire opération de marketing. Pour être médiatisée, elle le fut en effet. Au sein du cortège syndical parisien du 1er mai, on ne voyait qu'eux. La presse écrite et télévisée en a parlé tous les jours, galvanisant les troupes qu'une CGT en mal de publicité et de crédibilité voulait voir s'agréger autour d'elle, suscitant d'immenses faux espoirs. Ainsi, des milliers de travailleurs "clandestins" se sont engouffrés dans le mouvement, espérant la fin de leurs cauchemars : pouvoir vivre et dormir sans avoir à se cacher et sans craindre les rafles policières. Mais, au bout du compte, ce sont à peine plus de 800 dossiers qui seront déposés. Pourquoi seulement 800 et pas plusieurs milliers, comme avait pu le laisser entendre la CGT avec sa prétendue "action de soutien de masse" ? Parce que la centrale syndicale avait auparavant déjà négocié en secret avec le gouvernement pour précisément et uniquement 800 dossiers de "régularisation", point final ! Pour tous les autres, cette manœuvre n'a pas simplement suscité une immense déception, elle a surtout permis leur fichage par les préfectures !

Ceux qui ont osé poser des questions sur cette magouille de la CGT avec le gouvernement de Sarkozy se sont vus renvoyer dans les cordes par un "laissez-nous faire !" hautain, méprisant, voire menaçant (3). Refusant de se laisser traiter ainsi, tous ceux qui dans l'affaire se sont sentis floués et trahis, ont envahi et occupé, début mai, les locaux de la CGT de la Bourse du travail de Paris. Les explications se sont multipliées sur cet épisode faisant tâche dans les médias et on a même parlé d'un manque de courage de la CGT devant le gouvernement. La CGT n'a en réalité pas "manqué de courage", elle a fait son habituel sale boulot de saboteur de la lutte ouvrière, comme elle le fait dans toutes les entreprises et contre TOUTE la classe ouvrière. Elle a travaillé main dans la main avec le gouvernement pour aider à remplir les fichiers de la préfecture de police qui conduiront aux nouvelles charrettes d'expulsions de demain ! Rien de nouveau sous le ciel capitaliste ! En 2006, toute la gauche politique, syndicale et associative avait incité les sans papiers ayant des enfants scolarisés à se déclarer massivement auprès de leur préfecture. Au final, seulement un millier de dossiers avaient débouché sur une régularisation, et de l'aveu même des organismes d'immigration, il ne pouvait en être autrement, ce que les associations savaient depuis le début (4). Et tous les autres ont été expulsés manu militari par charters entiers. A l'époque, cette opération avait permis de roder le système ELOI (5) qui se mettait en place. En 2006, c'était "Droits devant !" qui était à l'initiative de cette cynique opération (6). Aujourd'hui, la bourgeoisie plante le même poignard dans le dos des travailleurs immigrés. Et si cette fois-ci, c'est à la CGT qu'est revenue la charge principale de cette basse besogne, c'est pour viser spécifiquement ceux qui ont un travail régulier, du fait de son implantation dans les entreprises.

Aussi longtemps qu'ils s'en remettront aux syndicats ou aux associations de gauche, les sans papiers se verront livrés pieds et poings liés à la police. Leurs luttes, aussi combatives et courageuses soient-elles, resteront sans issue car isolées et marginalisées du combat unitaire du prolétariat. Tel fut encore une fois le cas : en s'emparant du rôle de "défenseur exclusif" et de "porte-parole" du mouvement, la CGT a étouffé dans l'œuf tout élan de solidarité que cette grève aurait pu soulever chez tous les ouvriers.

Le seul souffle d'espoir réel, la seule perspective qui s'offrent aux travailleurs sans papiers, c'est de chercher la solidarité de leurs frères de classe. Comme pour tous les ouvriers, ils ne pourront sortir du piège de l'isolement qu'en étant capables de relier leur lutte aux combats de toute la classe ouvrière.

GD (23 mai)

 

1) Il s'agit de secteurs les plus pénibles, les plus précaires ou les plus mal payés en "pénurie de main-d'oeuvre" comme l'hôtellerie, la restauration ou les travaux publics, secteurs où les conditions d'exploitation et l'insécurité de l'emploi sont à leur niveau maximal.

2) Rappelons qu'il y a eu plusieurs cas de mort "accidentelle" ces derniers mois face au durcissement des lois Hortefeux, certains travailleurs clandestins cédant à la panique pour tenter d'échapper aux perquisitions ou aux contrôles de police.

3) Ce mépris, les ouvriers, qu'ils soient d'ici ou d'ailleurs, ne le connaissent que trop bien. D'autres sans papiers en avaient d'ailleurs fait l'amère expérience, l'an dernier, en se faisant mettre dehors par les syndicats de la Bourse du travail qu'ils occupaient. Voir "Quand les syndicats expulsent les sans-papiers [81]", RI n° 379, mai 2007.

4) Voir "Expulsions de sans-papiers, quand la gauche prête main forte à la droite [82]", RI n° 371, septembre 2006.

5) Base de données informatiques sur les immigrés en situation irrégulière, dont la précision dans le fichage avait fait pousser des cris d'orfraie à ceux-là mêmes qui aidaient à l'alimenter.

6) Ainsi, les "désaccords" actuels entre la CGT et "Droits devant !" (fondée à l'origine par la CGT) apparaissent pour ce qu'elles sont : des querelles de chapelle. Ce que reproche vraiment "Droits devant !" à la CGT, c'est en fait d'avoir par trop tiré la couverture à elle en s'accaparant la publicité exclusive de ces 800 dossiers. Rien de plus.

Récent et en cours: 

  • Immigration [83]

Besancenot chez Drucker : la bourgeoisie fait un coup de pub à la LCR

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L'émission de Michel Drucker "Vivement dimanche" du 11 mai 2008 a fait couler beaucoup d'encre et de salive. Et pour cause ! Ce divertissement est une véritable institution médiatique habituée à accueillir les "grands de ce monde", comme madame Chirac, Bertrand Delanoë, Valéry Giscard-d'Estaing, Edouard Balladur, en passant par Nicolas Sarkozy, Bernard Kouchner, François Bayrou, Martine Aubry ou les "citoyens d'honneur" et autres "fiertés nationales" comme David Douillet ou Bernard-Henri Lévy, etc. Eh bien, cette fois, l'invité de ce monument médiatique n'était autre... qu'Olivier Besancenot. Toute une après-midi dominicale consacrée au "contestataire révolutionnaire" le plus en vogue ; de quoi faire frémir "la ménagère de plus de 50 ans", cible principale de l'émission... et certains trotskistes ! Cette très people "spéciale Besancenot" a en effet été contestée par le chef de file de la tendance minoritaire de la LCR, Christian Picquet, qui déclarait dans les colonnes du  Parisien  (media pourtant lui aussi "bourgeois" et "people", patronné par le groupe Hachette-Lagardère) : "Ce type d'émission ne contribue pas à la différence d'idées, mais, au contraire, dépolitise l'espace public". Mais immédiatement, arrivant à la rescousse, le mentor de Besancenot, Alain Krivine, autre ex-candidat à la présidence, est venu plaider la participation de son poulain : "Boycotter la presse bourgeoise ? Si on fait ça, notre message ne passe nulle part". Quant à notre pétulant facteur et récent candidat à la présidentielle à la jeune bouille si sympathique et télégénique, il proclamait : "Je n'ai pas hésité une seconde à venir. C'est l'occasion de présenter un certain nombre d'engagements, de causes et de donner la parole à d'autres, de s'adresser à des millions de personnes, donc de s'adresser au peuple, quand on est une organisation populaire". Cette "tempête dans un verre d'eau" (dixit Besancenot lui-même) (1) a pourtant été relayée et gonflée par toute la bourgeoisie. Il n'y a qu'à se reporter aux manchettes de tous les médias de ce joli mois de mai. Besancenot est partout : à la une de Libération (du 12 mai) ou du Nouvel observateur (du 8 mai) qui titrait son grand article par un très accrocheur "Enquête sur le mystère Besancenot" en passant par l'Express, le Point, Gala, etc. (2).

Evidemment, y aller ou pas, le problème ne se pose pas du tout ainsi. La vraie question qui est soulevée par cette invitation est celle-ci : pourquoi les médias bourgeois non seulement inviteraient Besancenot mais lui offriraient-ils aussi un tel coup de pub s'il était bien le "grand révolutionnaire" qu'il prétend être ? Si la LCR mettait vraiment ce système en danger, pourquoi la bourgeoisie offrirait-elle au postier le plus célèbre du pays sa rampe de lancement médiatique la plus populaire ? La réponse est évidente : la prétendue "politique anticapitaliste" attrape-tout de la bande à Besancenot n'a rien de révolutionnaire et ne constitue nullement une menace pour le système capitaliste (3), car il est impossible de croire la bourgeoisie convertie à la révolution par la seule grâce de la LCR et de son rameau printanier d'Olivier. Cette invitation et  le grand barouf fait autour d'elle relèvent au contraire d'une véritable opération de marketing supplémentaire au moment même où, en pleine période de commémoration de Mai 68, Besancenot et la LCR annoncent d'ici la fin de l'année la construction d'un "futur nouveau parti anticapitaliste" à la gauche du PS. Il n'y a pas le moindre "mystère Besancenot" : il n'est qu'un pur produit de l'idéologie bourgeoisie et ne fait que travailler à alimenter une mystification de plus. La mise en avant de Besancenot n'est qu'une opération de marketing montée de toutes pièces par la bourgeoisie, à l'heure où le PS a tant de mal à se faire passer pour un parti d'opposition crédible afin de canaliser et stériliser la montée de la combativité et de la colère ouvrières. Par la même occasion, il s'agit pour l'opération médiatique Besancenot de permettre que puisse être diffusé le poison du nationalisme, sur tous les tons et en chansons, émission de "variétés" oblige ! (4) D'ailleurs, le Monde célébrait le lendemain comme il se doit la réussite de l'émission qui avait fait plus d'audience que lors du passage de Ségolène Royal et même de l'acteur Dany Boon, grâce à ce "jeune homme plein de générosité", riche de messages d'unité et de solidarité... essentiellement nationales et nationalistes. Sarkozy a paraît-il promis de supprimer la pub des chaînes publiques ! En tout cas sûrement pas pour tous ceux qui trompent la classe ouvrière et s'efforcent de lui servir des discours soi-disant "révolutionnaires" pour mieux l'asservir aux forces du capital, comme le font Besancenot et la LCR. Car ils sont bien trop utiles à la classe dominante (5) !

W (12 mai)

 

1)  En effet, Besancenot a déjà une longue expérience des shows "peopolisants". Au nom de la "popularisation de la révolution", il s'est retrouvé sur France-Inter aux côtés de Christine Bravo et Laurent Ruquier, en compagnie de Patrick Sébastien et Daniela Lumbroso, chez Ardisson ou Karl Zéro, ou encore interviewé sur Canal+ par Laurence Ferrari, sans oublier les Grosses têtes de Philippe Bouvard sur RTL, comme il n'avait pas hésité à poser auprès du "jet-seter" Massimo Gargia pour le magazine VSD en 2002.

2) Il n'y a pas si longtemps, c'était la consœur trotskiste concurrente de la LCR, LO et son égérie Arlette Laguiller qui bénéficiaient de ce traitement de faveur médiatique. Ainsi, "Arlette" a elle aussi joué les "vedettes" d'une émission de variétés de Drucker en 1993 et a même été en 1998 la première invitée politique du même show "Vivement dimanche". En particulier, la persévérance de la plus assidue candidate (six fois) à l'élection présidentielle, qui n'aura jamais cessé d'appeler les ouvriers à tomber dans le piège électoral, y avait été chaleureusement saluée ! La bourgeoisie n'a jamais manqué de reconnaître les mérites des organisations trotskistes à son service en leur offrant la vedette sur les plateaux de télé.

3) Il est d'ailleurs significatif que lors du "débat" chez Drucker, la députée "invitée" Christiane Taubira, du Parti des Radicaux de Gauche, parti fort peu suspect de sympathie avec "la révolution", a encouragé ainsi Besancenot qui, en toute fausse modestie, émettait des réserves sur la continuité de sa fonction de porte-parole pour l'avenir : "S'il te plaît, continue à parler !"

4) Le véritable fil rouge (ou plutôt tricolore) de l'émission a été tricoté en se vautrant dans ce nationalisme puant, alliant la pire tradition ultra-chauvine du stalinisme (l'hymne écœurant à Ma France entonné par Jean Ferrat) à sa version plus moderne et plus rap avec le groupe Zebda interprétant le morceau Carte de résidence dont le refrain martelait "Sachez bien que nos aïeux ont combattu pour la France", bien dans le style de ces co-fondateurs des "indigènes de la République". Autrement dit,  travailleurs immigrés sans-papiers, mettez vous bien dans le crâne que pour mériter d'être citoyen français, il faut servir de chair à canon à la France !

5) Dans les mois à venir, nous reviendrons sur l'histoire de la LCR pour comprendre sa vraie nature.

Courants politiques: 

  • Trotskysme [48]

Grèves à MTV, Acces-a-Ride... : aux Etats-Unis aussi, les ouvriers entrent en lutte

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Les larges extraits de cet article publié en janvier 2008 par Internationalism, section du CCI aux Etats-Unis, mettent en lumière la similitude des préoccupations des familles ouvrières de part et d'autre de l'Atlantique. Partout, la classe ouvrière se bat contre les mêmes maux : contre la précarité et le chômage, contre la dégradation des conditions de retraites et d'accès aux soins. Partout, elle est animée des mêmes sentiments de colère, d'indignation et de solidarité. Partout, la combativité de la classe ouvrière se développe peu à peu.

Ces derniers mois, les grèves se sont succédées aux Etats-Unis. Une telle vague de luttes n'avait pas été vue depuis longtemps : grève des conducteurs d'Access-A-Ride à New-York, chargés du transport de personnes handicapées, des machinistes du théâtre de Broadway, des scénaristes de cinéma et de télévision qui ont paralysé la production de nouveaux films et de nouveaux programmes (...)

Il s'agit là d'exemple de grèves syndicales "officielles", les syndicats étant bien obligés, face au mécontentement grandissant, de lâcher un peu de vapeur sous peine de trop se décrédibiliser et de voir se développer un mouvement hors de leur contrôle. Et justement, la lutte la plus importante a été la grève sauvage des intermittents de la chaîne de télévision MTV à New York. Ces ouvriers, dont la plupart ont entre vingt et trente ans, mènent une existence précaire, pratiquement sans couverture médicale, et soumis à de relativement bas salaires "en échange" du côté "glamour" du travail pour MTV. Les dirigeants aiment les appeler free-lancers pour justifier le fait qu'ils n'aient pas accès aux statuts légaux de l'entreprise et qu'ils soient traités comme des contractuels indépendants. MTV emploie presque 5000 de ces travailleurs qui préfèrent s'appeler eux-mêmes permalancers puisque beaucoup d'entre eux travaillent pour MTV depuis des années : en fait "d'intermittents", ils sont des précaires permanents. Le 11 décembre 2007, lorsque la compagnie a annoncé unilatéralement un plan pour réduire encore un peu plus leurs "avantages" médicaux et leurs droits à la retraite, ces jeunes travailleurs ont réagi spontanément en manifestant leur colère dans la rue. Fait remarquable, ils étaient fortement conscients de leur statut de prolétaires. Ils savaient qu'ils avaient les mêmes besoins et subissaient les mêmes conditions d'exploitation que n'importe quel ouvrier, quel que soit son secteur d'activité. C'est pourquoi ils se sont adressés directement aux autres ouvriers, de MTV ou d'ailleurs, pour les informer de leur lutte, de leurs conditions de travail et des attaques qu'ils subissaient. Ils ont ainsi inscrit sur leurs banderoles : "Il y a beaucoup trop d'entre vous qui ne savent pas." Et, lors de la grève sauvage du 14 décembre, ils ont fait circuler une liste avec l'adresse mail du personnel : "Nous pouvons organiser un site Internet pour que les gens puissent retrouver les informations." Ils ont également élu un groupe de délégués pour rencontrer les scénaristes de films et de télévision, qui étaient en grève au même moment. Cette ouverture, cette recherche de la solidarité ouvrière et cette volonté d'étendre le mouvement aux autres secteurs sont très précieux pour la classe ouvrière. Une grève puise sa force dans l'unité des travailleurs en lutte.

Ce n'est pas un hasard si MTV a dû finalement momentanément reculer et concéder des avantages médicaux pour les free-lancers qui ont travaillé régulièrement. Evidemment, sur le plan matériel, il ne s'agit là que d'un détail, d'une toute petite victoire très ponctuelle  ; d'ailleurs, les attaques sur les conditions d'accès aux soins sont maintenues (franchises plus élevées et plafond de 2000 $ sur les frais d'hospitalisation chaque année). Mais la vraie victoire se situe dans la lutte elle-même. Il est clair que les dirigeants ont voulu éviter une épreuve de force. Ainsi, le mouvement de ces jeunes ouvriers a montré la capacité des travailleurs à prendre leur lutte en main, à s'organiser de manière autonome et à comprendre qu'il est possible de chercher l'unité avec les autres travailleurs dans le combat  !

Mais si ce sentiment d'appartenir à une classe et cette volonté d'étendre la lutte ont pu émerger chez les free-lancers, c'est parce que la colère et la combativité se répandent peu à peu depuis plusieurs années de façon diffuse dans l'ensemble de la classe ouvrière. Pour preuve, en même temps que cette grève à MTV, le personnel d'entretien des immeubles, les portiers et les conducteurs d'ascenseur, ont fait grève de façon massive à Manhattan. Devant leur menace de faire grève aussi le Jour de l'An à New York, les dirigeants ont là-aussi reculé en trouvant un accord de dernière minute - qui doit encore être ratifié - incluant une augmentation de 20 % d'indemnisation pour les dépenses de santé et de 40 % sur toutes les pensions de retraites perdues. Au total, les salaires devraient donc augmenter de 4,18 % par an pour les quatre années à venir. Beaucoup d'emplois ont été transformés de temps partiel en temps plein et de nombreux gardiens ont reçu une couverture médicale familiale.

Dans les grèves des scénaristes de cinéma et de télévision, les syndicats ont rempli leurs fonctions habituelles de saboteurs des luttes. Les revendications des travailleurs pour revendiquer leur part sur les revenus des ventes de DVD et de téléchargement Internet des émissions qu'ils ont écrites ont eu un large soutien dans cette industrie particulière. Beaucoup d'acteurs qui sympathisaient avec la grève des scénaristes ont refusé de traverser les piquets de grèves. Par contre, la douzaine de syndicats de l'industrie du divertissement et des émissions télévisées (il y a des syndicats distincts pour les acteurs, les rédacteurs, les journalistes, les charpentiers, les électriciens et les machinistes) ont maintenu leurs bonnes vieilles traditions corporatistes, instaurant "leur" piquet tout en traversant sans vergogne les piquets des "autres" et, surtout, en ne demandant jamais, au grand jamais, aux travailleurs des "autres corporations" de se joindre à "leur" lutte  ! Néanmoins, malgré leurs salaires relativement élevés et leurs emplois "glamour", les scénaristes sont de plus en plus conscients de leur condition de prolétaires, comme l'illustrait les propos de l'un d'entre eux à un meeting de la Writers Guild of America (syndicat des scénaristes), juste avant que la grève ne commence : "Cette question [les paiements d'un quota sur les DVD et les téléchargements] est si énorme que si les patrons voient que nous nous laissons faire sans nous battre, d'ici trois ans, ils reviendront à la charge pour autre chose [...], ce sera ‘nous voulons revoir tout le système des quotas', puis trois ans plus tard, ce sera ‘vous savez quoi, nous ne voulons plus financer vos assurances santé comme avant'. Puis ce sera les retraites [...]. Et puis, on en arrivera bien au point où tout le monde devra se rendre compte qu'il faut vraiment qu'on tienne bon dès maintenant."

Toutes ces luttes confirment ce que nous écrivions dans Internationalism no 143 : les grèves des ouvriers du transport de New York en décembre 2005 ont marqué aux Etats-Unis l'entrée dans une "période où la lutte de classe sera encore une fois au centre de la scène de la situation sociale, tandis que les politiques d'austérité et de guerre seront de plus en plus contestées"  (1). Cette nouvelle période n'en est encore qu'à son tout début. Tout cela mûrit progressivement. Il s'agit d'un développement international de mobilisation auquel les travailleurs des Etats-Unis participent pleinement. Aujourd'hui, les luttes des ouvriers démystifient la campagne de la bourgeoisie sur la supériorité du capitalisme à l'américaine et sur la manière dont celui-ci attaque le niveau de vie des ouvriers. C'est une avancée qui va au-delà d'une victoire défensive immédiate, car elle apprend aux ouvriers que les luttes présentes ne sont qu'une préparation pour une bien plus grande lutte contre ce système agonisant. La classe ouvrière est en train de vivre un moment extraordinaire de prise de conscience et de réflexion. Le dynamisme de ces luttes démontre une maturation grandissante dans la compréhension de la nécessité de la solidarité et de l'impasse que représente le capitalisme. C'est une nouvelle période qui s'ouvre à travers d'importantes confrontations entre les deux principales classes aux intérêts antagoniques de notre société.

D'après Internationalism n°  145

 

1) Pour connaître plus en détail cette lutte qui est l'un des épisodes les plus importants des luttes de ces dernières années (en particulier sur cette question de la solidarité ouvrière), lire "Grèves dans les transports à New York : aux Etats-Unis aussi, la classe ouvrière réagit" [84]. En quelques mots, en 2005, les travailleurs du métro de New-York étaient entrés en lutte illégalement, tout en sachant que cela impliquerait pour eux et leurs familles des amendes exorbitantes, pour protester contre le projet d'un nouveau contrat d'embauche qui ne les concernait pas directement eux-mêmes mais était destiné aux nouvelles générations. Il s'agissait là d'une démonstration vivante de ce qu'est la solidarité ouvrière  !

Géographique: 

  • Etats-Unis [19]

Récent et en cours: 

  • Luttes de classe [18]

Luttes au Venezuela : Chavez réprime les travailleurs de la sidérurgie en grève

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Voici la traduction de larges extraits d'un tract 1 diffusé par nos camarades d'Internacionalismo, section du CCI au Venezuela. Nous voulons apporter tout notre soutien aux travailleurs de la "Zone du Fer" 2 et envers nos camarades qui luttent tous dans les conditions difficiles de l'oppression et du chantage chavistes. La répression déchaînée par le gouvernement vénézuélien contre les ouvriers de la sidérurgie, révèle la vraie nature du "socialisme du xxie siècle", si cher à M. Chavez. D'ailleurs, au moment où nous traduisions ce tract, le gouvernement Chavez venait de décider la nationalisation de SIDOR. En fait, cette nationalisation était déjà prévue par le chavisme depuis l'an dernier, faisant partie du programme capitaliste d'Etat à la sauce Chavez. Mais face à l'intransigeance et à la combativité des travailleurs, le gouvernement avait pris la décision de la nationaliser de suite pour essayer d'arrêter le mouvement qui risquait de se radicaliser et de s'étendre à d'autres travailleurs de la zone [...]. Puis le gouvernement a déclaré que les revendications allaient être gelées jusqu'à ce que les négociations sur la nationalisation soient terminées et a commencé à menacer les travailleurs en les culpabilisant sur le "sabotage" de la production. Cela dit, la lutte n'a pas encore dit son dernier mot puisque, dans le même temps, des groupes de travailleurs ont exigé que l'on donne une suite immédiate à leurs revendications.

Après plus de 13 mois de discussion sur les conventions collectives, les ouvriers de l'entreprise sidérurgique Ternium-SIDOR ont manifesté, par des arrêts de travail, leur indignation face à leurs conditions de vie : salaires de misère [...] et conditions de travail effroyables ayant entraîné la mort et la maladie de dizaines d'ouvriers en quelques années. L'entreprise [...] s'est alors présentée en "victime" au travers d'une grande campagne de désinformation, prétendant que les augmentations demandées par les ouvriers dépassaient les bénéfices de l'année, campagne aussitôt relayée par tous les médias, qu'ils soient chavistes ou d'opposition. Ces mensonges font partie du black-out médiatique sur les véritables causes de la lutte des travailleurs de la sidérurgie qui, depuis les années 1990, [...] ont dû subir des réductions de salaire et de prétendus "avantages" sociaux [...].

La lutte des sidérurgistes est une lutte pour la dignité

Ils savent que s'ils acceptent les conditions du contrat que l'entreprise leur propose (3), on leur imposera pendant deux ans des augmentations misérables, alors que les prix de l'alimentation et le coût de la vie en général s'accroissent de 30 % par an (4) ! Une autre revendication importante de cette "réforme" est de transformer les travailleurs précaires (75 % des 16 000 ouvriers sont des CDD !) en travailleurs "fixes" [...]. Les sidérurgistes ont aussi dénoncé tous ces "planqués" et ces "lèche-bottes", que sont les représentants de l'entreprise, du gouvernement et des syndicats, qui ont fini par rabaisser progressivement les revendications initiales du mouvement (les syndicats "exigent" aujourd'hui 50 bolivars par jour, après en avoir réclamé 80 au début des négociations). Après avoir fait traîner pour remplir toutes les formalités légales pour se mettre en grève, les syndicats ont sorti de leur manche qu'il fallait constituer une commission d'arbitrage composée de ce trio infernal ! Tandis qu'ils débattaient à huis clos dans le dos des travailleurs, ceux-ci, dans une assemblée à l'entrée de l'aciérie, ont décidé des arrêts de travail [...]. La riposte de l'entreprise et de l'Etat ne s'est pas fait attendre : le 14 mars, ils déclenchaient une répression brutale avec la Garde nationale et la police. Bilan : 15 ouvriers blessés et 53 arrestations. Cette répression du gouvernement Chavez l'a démasqué aux yeux des travailleurs : il a enlevé son masque ouvriériste pour mettre son véritable uniforme, celui de défenseur des intérêts du capital national. Ce n'est pas la première fois que cet Etat "ouvrier et socialiste" s'attaque aux travailleurs en lutte [...] : il suffit de se rappeler de la répression subie l'an dernier par les travailleurs du pétrole (5). Le syndicat SUTISS (6) est tout aussi responsable de la répression contre les travailleurs (indépendamment du fait que certains responsables syndicaux ont été aussi réprimés), car il n'a cessé de jouer les pompiers pour éteindre le mouvement. Ce syndicat a en effet essayé de se mettre à la tête du mouvement au moment même où il négociait avec l'entreprise et l'État la révision à la baisse des exigences salariales, en espérant ainsi juguler le mouvement.

Référendum et nationalisation : de nouveaux pièges contre le mouvement

Face à l'intransigeance des ouvriers, l'Etat vient de sortir de sa manche une nouvelle carte : la réalisation d'un vote pour consulter chaque ouvrier sur la proposition de la direction de l'entreprise. Cette trouvaille est proposée par le ministre chaviste du travail, à laquelle le syndicat SUTISS a apporté sa bénédiction ! [...] Leur instinct de classe a poussé certains ouvriers à rejeter un tel piège avec lequel on essaie de contourner les décisions des assemblées générales, là où s'exprime la véritable force de la classe ouvrière. Avec ce référendum, on traite chaque ouvrier comme un "citoyen" qui sera confronté individuellement à son entreprise et à l'État atomisé face aux urnes ! Les travailleurs, devant de tels agissements, doivent réaffirmer le rôle de leurs assemblées souveraines.

Un autre piège encore tendu par les syndicats et les secteurs "radicaux" du chavisme est de re-nationaliser SIDOR, tenu majoritairement par du capital privé argentin et dont l'État vénézuélien ne possède que 20 %. Le seul but de cette campagne est de dévoyer la lutte des travailleurs, car la seule lutte possible est l'affrontement aux capitalistes de l'entreprise, qu'ils soient patrons argentins ou bureaucrates de l'État vénézuélien. La nationalisation des entreprises ne veut pas du tout dire disparition des conditions de l'exploitation : l'État-patron, même déguisé en "Etat ouvrier", n'a pas d'autre choix que de s'attaquer en permanence aux salaires et aux conditions de vie des travailleurs. Les gauchistes et la gauche du capital qui voient dans la concentration des entreprises aux mains de l'État une main tendue au "socialisme", occultent une des leçons de base du marxisme : l'État est le grand représentant des intérêts de chaque bourgeoisie nationale et par conséquent l'ennemi du prolétariat [...]. Ces "révolutionnaires bolivariens" essaient d'effacer de la mémoire des travailleurs que SIDOR fut pendant des années une entreprise d'Etat. Les ouvriers ont dû s'y battre à plusieurs reprises pour leurs revendications contre les hauts bureaucrates de l'Etat [...] mais aussi contre les syndicats (alliés du capital à l'intérieur des usines) allant même, au début des années 1970, lors du premier gouvernement de Caldera, à mettre le feu aux bâtiments de la CTV à Caracas à cause des actions anti-ouvrières de ce syndicat. L'État, aux mains des chavistes depuis 1999, n'a pas perdu par un tour de magie sa nature capitaliste. Il y a eu un simple changement de présentation, enrobé aujourd'hui d'un verbiage "socialiste", mais sa condition d'organe fondamental de défense des intérêts du capital contre le travail est toujours la même. [...] Nous ne devons jamais nous laisser berner sur la nature de classe du gouvernement chaviste, qui a été installé par les capitalistes pour défendre leur système d'exploitation [...]. Nous, travailleurs, ne pouvons pas être aussi naïfs que ces "révolutionnaires d'opérette" le pensent quand ils nous proposent la panacée de la "re-nationalisation", eux qui vivent en bourgeois qu'ils sont, avec des salaires 30 fois plus élevés que le salaire minimum officiel !

La seule possibilité de succès : la véritable solidarité ouvrière

La possibilité de succès du mouvement se trouve dans la recherche de solidarité. Concernant les "sidéristes" précaires, le fait que le mouvement revendique leur intégration en tant qu'ouvriers de l'effectif (en CDI) a été une forte expression de cette solidarité. Il faut rechercher la solidarité des travailleurs des autres branches industrielles [...], puisque nous sommes tous frappés de la même manière par la crise économique [...]. Il faut aussi rechercher la solidarité de la population de la région, également très affectée par les attaques salariales, le chômage, la hausse du coût de la vie [...]. La bourgeoisie nationale sait que la situation en Guyane vénézuélienne est un danger latent pour ses intérêts. La concentration ouvrière qui existe dans cette région, l'expérience des luttes passées, l'accumulation du malaise social et les années d'attaques contre l'emploi et le niveau de vie rendent la situation hautement explosive. Mais cette solidarité ne doit pas être organisée par les syndicats, ces organes dont la fonction principale est le contrôle des luttes en divisant par branches et par secteurs [...]. La solidarité doit être "gérée" par les ouvriers eux-mêmes, à travers les assemblées ouvertes à tous les travailleurs.

La lutte des sidérurgistes est la nôtre : c'est le prolétariat tout entier qui tire avantage de toute lutte pour essayer d'avoir une vie plus digne. Mais l'avantage principal, au-delà de l'amélioration immédiate, est la prise de conscience de la force que le prolétariat a entre ses mains [...]. En ce sens, cette "Zone du fer" contient tout un potentiel pour devenir la référence des luttes ouvrières dans le pays, comme dans les années 1960-70. Les travailleurs de SIDOR ont emprunté le seul chemin possible pour affronter les attaques du capital : le chemin de la lutte de classe. Son extension à d'autres branches de la production régionale et nationale, ainsi que la recherche de la solidarité [...], ouvrira la voie au prolétariat vénézuélien pour rejoindre dans le futur la lutte mondiale pour le renversement du capital et la mise en place des fondements d'une véritable société socialiste.

Internacionalismo,
organe du CCI au Venezuela
(25 mars)

 

1) L'intégralité de ce tract est disponible en espagnol ici [85].

2) Cette "zone" se trouve à l'Est du pays, dans la Guyane vénézuélienne, sur le fleuve Orénoque. La sidérurgie est, après le pétrole, la deuxième industrie du pays.

3) Soit 44 bolivars ainsi repartis : 20 à la signature du contrat, 10 en 2009 et 10 en 2010 ; et 1,5  % d'augmentation annuelle au mérite.

4) Données, pas très dignes de foi par ailleurs, de la Banque du Venezuela.

5) Voir l'article : "Les travailleurs du pétrole s'opposent aux attaques du chavisme" [86] (RI n° 387, février 2008).

6) Syndicat unique des travailleurs de la sidérurgie.

Géographique: 

  • Vénézuela [22]

Récent et en cours: 

  • Luttes de classe [18]

Grèves en Grande Bretagne : pour l'unité dans la lutte, contre toutes les divisions

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Nous publions ci-dessous de larges extraits d'un tract 1 que la section du CCI en Grande-Bretagne a diffusé à l'occasion de la grève générale des enseignants le 24 avril dernier.

Le 24 avril, 250 000 enseignants lanceront une grève d'un jour contre les dernières propositions salariales du gouvernement. Ils seront rejoints par des éducateurs, des travailleurs des services publics et des employés communaux. Des manifestations [...] seront organisées dans de nombreuses villes. Il y a effectivement toute une série de raisons pour se mobiliser, pas seulement d'ailleurs dans ces secteurs mais aussi dans l'ensemble de la classe ouvrière : des hausses salariales en dessous de l'inflation ; la hausse des prix des produits de première nécessité [...] ; la montée du chômage, songeons par exemple aux 6500 emplois menacés à la banque Northern Rock fraîchement nationalisée ; les attaques contre les pensions et d'autres allocations ; le démembrement des services sociaux, tels que la santé ou l'éducation.

Toutes ces attaques contre le niveau de vie [...] ne sont pas décidées et imposées par des patrons individuels mais par l'Etat [...]. Confronté au développement de la crise économique [...], l'Etat national apparaît de plus en plus comme la seule force capable d'organiser la réponse requise par le système capitaliste : réduire le coût du travail afin de pouvoir être concurrentiel sur le marché mondial [...].

Confrontés à ces attaques [...], les travailleurs ont partout les mêmes intérêts : résister aux pertes d'emplois et aux réductions des salaires, réagir aux attaques [...]. Mais ceci n'est pas possible en se battant séparément, secteur par secteur, entreprise par entreprise. Face à la force de l'Etat capitaliste, ils doivent de leur côté constituer leur propre force, basée sur leur unité et leur solidarité [...]. Après des années de dispersion et de désarroi, les travailleurs commencent tout juste à redécouvrir ce que l'unité et la solidarité signifient. [...]. Si les syndicats appellent à des grèves et des manifestations autour de questions qui les concernent directement, comme c'est le cas le 24 avril, les travailleurs doivent répondre aussi massivement que possible : Allez aux rassemblements de masse, rejoignez les manifestations, participez aux piquets de grève, discutez et échangez des idées avec des travailleurs d'autres secteurs ou entreprises.

[...] Les syndicats, qui se présentent comme les représentants des travailleurs, servent en réalité à faire en sorte que nous restions divisés. Ceci n'est nulle part plus évident que dans le secteur de l'éducation. La grève du 24 avril implique les membres du NUT dans l'enseignement primaire et secondaire. Elle n'implique pas les enseignants de la sixième dans les lycées qui ont des employeurs "différents". Elle n'implique pas non plus les enseignants d'autres syndicats, comme ceux du NAS/ UWT, qui affirment que le problème n'est pas le salaire mais la charge de travail. Elle n'implique pas non plus des milliers de travailleurs de l'éducation qui ne sont pas des enseignants, comme les assistants pédagogiques, le personnel administratif, de nettoyage ou de restauration, etc., même si ceux-ci ont de nombreuses revendications à faire valoir. Et si le NUT aujourd'hui développe un discours radical, en 2006, lorsqu'un grand nombre de ces travailleurs sont partis en grève, ce même NUT a appelé ses membres à franchir les piquets de grève. [...] Depuis longtemps, l'Etat britannique a rendu toute grève de solidarité illégale pour des ouvriers travaillant pour des employeurs différents. En maintenant les travailleurs dans le carcan de ces lois, les syndicats font le travail de l'Etat dans l'usine. [...] Par conséquent, si nous voulons développer une réelle force, nous devons commencer à prendre en charge notre lutte et ne pas la laisser aux mains de "spécialistes" comme les syndicats. Les employés municipaux de Birmingham ont voté en assemblées générales leur participation aux grèves du 24 avril. C'est un bon exemple à suivre : nous devons tenir des assemblées partout sur les lieux de travail, là où tous les travailleurs, de tous les syndicats ainsi que les non-syndiqués, peuvent être présents et participer à la prise de décision. Et nous devons insister pour que les décisions prises en assemblée générale soient souveraines et pas dépendantes de votes syndicaux ou des réunions privées de délégués syndicaux.

L'unité sur le lieu de travail est inséparable du développement de l'unité avec des travailleurs d'autres entreprises et d'autres secteurs, que ce soit par l'envoi de délégations à leurs assemblées, en rejoignant leurs piquets de grève ou en se retrouvant lors de meetings ou de manifestations.

Appeler tous les travailleurs à se rassembler, à faire grève et à manifester ensemble pour des revendications communes est évidemment "illégal" pour un Etat qui veut mettre hors-la-loi la véritable solidarité de classe. L'objectif peut donc sembler à première vue effrayant, un pas trop important à franchir. Mais c'est dans l'action même, en prenant les luttes en main et cherchant l'unité avec d'autres travailleurs que nous développerons la confiance et le courage nécessaires à la poursuite du combat. Et étant donné les sombres perspectives proposées par le système capitaliste mondial - un futur de crise, de guerre et de désastre écologique - il ne fait guère de doute que la lutte devra aller plus loin [...].

World Revolution,
organe du CCI en Grande Bretagne
(5 avril)

 

1) La traduction de l'intégralité de ce tract a été publiée dans notre presse en Belgique (Internationalisme) et est disponible ici [87].

Géographique: 

  • Grande-Bretagne [21]

Récent et en cours: 

  • Luttes de classe [18]

Existe-t-il une issue à la crise économique ? (2ème partie)

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Dans la première partie de cet article[1], nous avions tenté de comprendre ce que représentait la crise économique actuelle. Nous avions vu qu'elle n'était qu'un nouvel épisode particulièrement grave de la lente agonie du capitalisme décadent. Notamment, nous avions montré que pour survivre, le capitalisme avait recours à une sorte de drogue : l'endettement. "L'endettement est au capitalisme ce que l'héroïne est au drogué. La drogue de l'endettement fait que le capitalisme tient encore debout [...]. Avec la drogue, il atteint des moments d'euphorie [...] mais, de plus en plus fréquemment, apparaissent [...] des périodes de convulsions et de crise, comme celle que nous vivons depuis l'été 2007. Au fur et à mesure que l'on augmente les doses, la drogue a un effet moindre sur le drogué. Il faut une dose plus grande pour atteindre une stimulation de plus en plus petite. Voilà ce qui arrive au capitalisme actuel !" Mais deux questions restaient encore en suspens : comment, concrètement, l'endettement soutient depuis 40 ans l'économie tout en préparant chaque fois de nouvelles crises plus violentes ? Et surtout, existe-t-il une issue à la crise ?

Dans les années 1970, l'endettement a ravagé les pays du "tiers-monde" auxquels on avait prêté de l'argent à profusion afin qu'ils deviennent des débouchés solvables pour les marchandises des principaux pays industrialisés. Le rêve n'a pas duré longtemps : en 1982, le Mexique puis l'Argentine, par exemple, se sont retrouvés proches de la faillite. Une voie se fermait pour le capitalisme. Quelle fut alors la nouvelle fuite en avant ? L'endettement des Etats-Unis ! A partir de 1985, ce pays, après avoir été le créancier du monde, en est devenu peu à peu le plus grand débiteur. Avec une telle manœuvre, le capitalisme est arrivé à assurer sa survie, mais en minant les bases économiques de la principale puissance de la planète. Cette stratégie s'est révélée insoutenable lors des convulsions qui se sont succédées entre 1987 et 1991. Depuis, l'économie mondiale s'est orientée vers ce qu'on appelle la "délocalisation" : pour soulager les coûts de productions élevés qui étouffaient les économies principales, on a déplacé des pans entiers de la production vers les fameux « tigres et dragons » asiatiques. Mais, à nouveau, les fortes convulsions de 1997-98, la fameuse "crise asiatique", se sont soldées par l'effondrement de tous ces pays que l'on nous présentait comme la preuve même de la prospérité capitaliste. Seule la Chine réussit alors à sauver les meubles grâce, en grande partie, à ses salaires de misère. Elle est même devenue aujourd'hui un concurrent direct des principaux pays capitalistes. Cette course fulgurante de la Chine a paru "résoudre" une contradiction flagrante de l'économie mondiale - le poids des coûts de production qui était devenu insupportable - mais elle a aussi fait grimper la concurrence à des niveaux bien plus insupportables encore.

Ces dernières années, le capitalisme est parvenu à se donner un semblant de "prospérité" grâce à une gigantesque spéculation immobilière qui a touché les Etats-Unis, le Royaume-Uni, l'Espagne et une quarantaine d'autres pays. Le "boom de la pierre" est une expression criante du degré d'aberration que le système est en train d'atteindre. Le but de la construction de maisons n'était nullement de donner un logement aux gens... le nombre des "sans-abri" n'a cessé d'augmenter ces dernières années, en particulier aux Etats-Unis ! L'objectif n'était rien d'autre que la spéculation immobilière. À Dubaï, le désert s'est parsemé de gratte-ciel, sans autre vocation que celle d'assouvir la soif des investisseurs internationaux, avides d'obtenir de grands bénéfices en achetant des logements pour les revendre trois mois plus tard. En Espagne, les régions côtières qui n'étaient pas encore trop surpeuplées, se sont couvertes de lotissements, de gratte-ciel et de terrains de golf. Tout cela a pu remplir les poches d'une minorité mais, par contre, la plupart de ces constructions restent dramatiquement vides. Une des conséquences de cette folie spéculative, c'est que le logement est devenu inaccessible pour la plupart des familles ouvrières. Des millions d'êtres humains ont dû contracter des prêts hypothécaires pouvant s'étendre jusqu'à 50 ans (!) ou bien jeter des quantités énormes d'argent dans "le puits sans fond des loyers". Des centaines de milliers de jeunes couples sont obligés de vivre en sous-location dans des taudis ou entassés chez leurs parents. Aujourd'hui, la bulle a éclaté et une économie fragilisée où tout était tenu avec les agrafes de la spéculation, des fraudes comptables, des paiements ajournés sine die pour un fantomatique "marché d'avenir", s'effondre dans de violentes convulsions.

La seule réponse possible du capitalisme : reporter les effets de sa crise sur le dos des travailleurs

Il y a dix ans, dans un article intitulé "Trente ans de crise ouverte du capitalisme" [2], nous tracions un bilan de cette fuite en avant continue dans le crédit : "Cette intervention de l'Etat pour accompagner la crise, s'adapter à elle pour la ralentir et si possible en retarder les effets, a permis aux grandes puissances industrielles d'éviter un effondrement brutal, une débâcle générale de l'appareil économique. Elle n'est cependant parvenue ni à trouver une solution à la crise, ni à résoudre ne serait-ce que quelques-unes de ses expressions les plus aiguës comme le chômage et l'inflation. Trente années de ces politiques de palliatifs à la crise n'ont permis qu'une espèce de descente accompagnée au fond de l'abîme, comme une chute planifiée dont l'unique résultat réel est de prolonger la domination de son système avec son cortège de souffrances, d'incertitude et de désespoir pour la classe ouvrière et pour l'immense majorité de la population mondiale. Pour sa part, la classe ouvrière des grands centres industriels a été soumise à une politique systématique d'attaques graduelles et successives contre son pouvoir d'achat, ses conditions de vie, ses salaires, ses emplois, sa survie même. Quant à la grande majorité de la population mondiale, celle qui survit misérablement et agonise dans l'énorme périphérie qui entoure les centres vitaux du capitalisme, elle n'a connu, pour l'essentiel, que la barbarie croissante, la famine et la mort, à un niveau tel qu'on peut aujourd'hui parler du plus gigantesque génocide que l'humanité ait jamais connu".

Et en effet, le bilan de ces quarante dernières années est terrifiant. Dans les années 1960, la plupart des travailleurs, même ceux des pays les moins riches, avaient un poste de travail plus ou moins fixe ; aujourd'hui la précarité est partout la tendance dominante. Depuis plus de 20 ans, le salaire réel des travailleurs des pays les plus riches n'a cessé de décroître. Et dans les pays plus pauvres, le salaire moyen atteint aujourd'hui difficilement les 100 $ ! [3] Le chômage est devenu chronique. Le mieux que les États soient arrivés à faire, c'est de le rendre moins visible socialement. La bourgeoisie a réussi à ce que les chômeurs vivent leur situation comme un stigmate honteux ; le discours officiel, c'est qu'ils ne sont que des paresseux, des inutiles, des "perdants", incapables de bénéficier des "merveilleuses possibilités d'emploi" qui, selon cette propagande, leur seraient offertes. Et que dire des pensions de retraite ? La plus ancienne génération actuelle au travail (les 50-60 ans) voit ses pensions de retraite potentielle fondre comme neige au soleil, des pensions qui seront encore plus réduites que celle de ses parents, et une part très importante de ces futurs retraités comprend qu'elle sera en réalité obligée de continuer un petit boulot après 60 ou 65 ans pour survivre. Et il est certain que les jeunes d'aujourd'hui ne toucheront jamais la moindre retraite.

Pour que l'humanité puisse vivre, il faut que le capitalisme meure

Ces perspectives catastrophiques sont présentes depuis 40 ans. Mais le capitalisme a eu cette extraordinaire capacité à semer des illusions et à faire croire que le fameux cycle "crise-prospérité" est éternel. Or, aujourd'hui, la capacité de l'État capitaliste à "accompagner" la crise à coups de palliatifs s'est affaiblie. La nouvelle chute qui s'annonce sera, par conséquent, encore plus brutale et plus abrupte que les précédentes. Les attaques contre le prolétariat et l'humanité toute entière vont donc être encore plus cruelles et destructrices : prolifération des guerres impérialistes, attaques sur les salaires, hausse du chômage et de la précarité, redoublement de la misère. Dans tous les pays, les gouvernants appellent au calme et prétendent avoir des solutions pour remettre le moteur économique en marche. Et partout, l'opposition participe à la tromperie, en attribuant la catastrophe, bien entendu, à la mauvaise gestion du parti au pouvoir et en promettant une "nouvelle politique".

Ne nous laissons pas abuser ! L'expérience de ces derniers mois est très instructive : les gouvernants de ce monde, de tous les bords et de toutes les couleurs, armés de leurs cohortes "d'experts" et de gourous de la finance - ont essayé tout l'éventail de formules pour "sortir de la crise". Nous pouvons affirmer que leurs tripatouillages sont tous inévitablement voués à l'échec. Le prolétariat, les travailleurs du monde entier, ne peuvent pas leur faire confiance. Nous ne pouvons avoir confiance qu'en nos propres forces ! Nous devons développer notre expérience de lutte, de solidarité, de débat, développer notre conscience pour acquérir - après un effort qui ne pourra être que dur et difficile - la capacité pour détruire le capitalisme qui est devenu un obstacle pour la survie de l'humanité. La devise de l'Internationale communiste de 1919 "Pour que l'humanité puisse survivre, le capitalisme doit périr !" est plus que jamais d'actualité.

Acción proletaria, 23 janvier 2008
organe du CCI en Espagne

1. Cet article est une traduction tirée d'Acción proletaria n° 199 (janvier 2008), publication du CCI en Espagne. La première partie de cet article [88] a été publié dans Révolution internationale n° 390 (mai 2008).

2. Article disponible ici [89].

3. Il faut inclure ici la situation de l'immense majorité des ouvriers soi-disant "bénéficiaires" du "miracle chinois".

Récent et en cours: 

  • Crise économique [34]

Questions théoriques: 

  • L'économie [77]

Révolution Internationale n° 392 - juillet-août 2008

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contre la paupérisation, développons notre solidarité dans la lutte

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Il n'y a aucun doute à avoir. Cet été, la bourgeoisie va asséner de rudes coups sur la tête de la classe ouvrière. Elle profite toujours de la période estivale et de la dispersion des travailleurs pour passer en catimini ses mesures d'austérité. Et cette année, les attaques s'annoncent particulièrement brutales.

Un train de mesures et d'attaques

Voici ce qui nous attend d'ici la rentrée de septembre :

• La réforme du code du travail va impliquer encore plus de flexibilité et d'insécurité. En particulier, la durée du temps de travail sera bientôt fixée "entreprise par entreprise". Il s'agira donc de "Travailler plus pour mourir plus vite" (1) !

• La durée de cotisations va une nouvelle fois s'allonger (de 40 à 41 annuités). Tous ceux qui partent à la retraite constatent avec amertume la maigreur de leurs pensions. Les petits contrats précaires, la mise au chômage prématurée des "seniors", la faiblesse des salaires... tout cela induit des pensions minables (souvent proches des 800 euros). Dans l'impossibilité de vivre avec si peu, et avec l'augmentation drastique du coût de la vie, de plus en plus nombreux sont les retraités qui reprennent un travail... à 65 ou 70 ans  ! Car l'allongement de la durée de cotisation ne va pouvoir encore qu'aggraver la paupérisation des retraités.

• Dans le public, une pluie de suppressions de postes va s'abattre dès la rentrée sur les agents hospitaliers et des impôts, sur les enseignants et le personnel éducatif, etc. Dans le privé, les plans de licenciements s'amoncellent comme de gros nuages noirs. Chez Altadis, 2440 emplois sont d'ores et déjà menacés en Europe (dont 1060 en France) et plusieurs sites vont probablement fermer. Les ouvriers des secteurs de l'automobile et des banques risquent d'être particulièrement touchés par les conséquences de la crise économique mondiale qui ne cesse de s'aggraver. Bref, quoi qu'en disent les statistiques gouvernementales (2), le chômage va atteindre de nouveaux sommets.

• La bourgeoisie se prépare à durcir encore un peu plus le "droit des chômeurs". Les chômeurs seront bientôt contraints d'accepter une "offre" d'emploi "raisonnable" ; étant jugé "raisonnable" tout travail situé dans un rayon de 60 km ou à 2 heures de transport du domicile. L'ouvrier aura donc le choix entre perdre toute allocation ou dépenser la maigre paye de son nouveau boulot en transport. Ce véritable chantage s'appuie, de surcroît, sur une propagande idéologique absolument répugnante considérant les chômeurs comme des fainéants, des assistés ou des parasites.

• L'accès aux soins va lui aussi continuer de se dégrader. Fin juin, le directeur de la Sécurité sociale a proposé de diminuer la part de remboursement de 100 à 35 % pour les médicaments dits "de confort" (sic !) (3) pour les 8 millions de malades atteints d'affections graves de longue durée (ALD). Momentanément, le gouvernement a désavoué ce directeur, mais cela indique clairement de quel tonneau frelaté vont sortir les mesures prévues vers le 15 juillet.

• Le gouvernement ose aujourd'hui faire passer sans vergogne à la télévision des publicités ayant comme slogan : "C'est mois après mois que nous gagnons la bataille du pouvoir d'achat." Un site a même été tout spécialement conçu : www.mesurespouvoirdachat.gouv.fr [90]. Il est vrai que depuis longtemps, la bourgeoisie a fait sienne la maxime du chef de la propagande nazie Joseph Goebbels, "Plus le mensonge est gros, mieux il passe", mais tout de même ! Quand la réalité vient démentir à chaque instant la propagande, certaines tromperies laissent un goût toujours plus amer en bouche. Entre mille exemples, les tarifs de la SNCF vont augmenter d'environ 15 %, ceux de la RATP de 3 %, et ceux du gaz de 9 % (après celle de 4 % en janvier et de 5,5 % en avril). Et les prix du pétrole et des produits alimentaires vont continuer de flamber inexorablement !

Face à la crise, vive la lutte !

Ces attaques peuvent être ressenties comme un coup de massue. Mais, pour reprendre Karl Marx, il ne faut pas voir "dans la misère que la misère". Au contraire ! Aujourd'hui, toutes les conditions sont réunies pour que la lutte se développe. Il ne s'agit pas là d'un vœu pieux mais d'une possibilité réelle. Partout dans le monde, la colère et la combativité de notre classe grandissent. A Dubaï, au Bengladesh, en Egypte, au Vietnam, en Roumanie, en Allemagne, aux Etats-Unis, etc. partout des grèves éclatent, partout les ouvriers se battent pour leur dignité (4). Dans ce journal, nous rendons compte d'une lutte à Turk Telekom, la plus importante en Turquie depuis 20 ans (lire page 5). Et cette dynamique est également vraie en France. En 2003, la lutte des enseignants contre la réforme des retraites annonçait le retour de la combativité ouvrière à l'échelle internationale. En 2006, en refusant un énième nouveau contrat précaire (le désormais célèbre CPE), les nouvelles générations étaient rejoints dans leurs manifestations par une large partie de la classe ouvrière et diffusaient en son sein un profond sentiment de solidarité. Elles indiquaient par-là même une méthode de lutte authentiquement ouvrière et porteuse d'unité : les assemblées générales souveraines ! Cette lutte est aujourd'hui encore un point de référence pour les ouvriers en lutte aux quatre coins du globe (5). En 2007, les lycéens s'appuyaient sur cette expérience pour s'organiser contre la loi LRU. Ils tentèrent en particulier de créer des passerelles en direction des cheminots, en lutte au même moment. Enfin, même si cette année 2008 n'a pas encore été marquée par une lutte d'ampleur, elle a connu une véritable effervescence sociale avec des grèves un peu partout et de multiples manifestations, confirmant ainsi le raz-le-bol généralisé dans les rangs ouvriers.

Ne laissons pas les syndicats saboter nos luttes !

Aujourd'hui, la conscience de la nécessité de se battre tous ensemble grandit peu à peu. Il s'agit là d'un élément important, voire vital, pour la classe ouvrière. Il est de plus en plus évident que tous les secteurs et toutes les générations sont touchés. Se battre chacun dans son coin apparaît donc stérile, absurde et égoïste. Mais pour que ce sentiment de solidarité se concrétise dans la lutte, une chose est sûre, il ne va pas falloir compter sur les syndicats. Eux qui se présentent comme "les spécialistes de la lutte" ne sont rien d'autre, en réalité, que les chiens de garde du capital. Ils n'ont de cesse de nous diviser pour que leur maître règne. Le simple bilan de ces douze derniers mois en constitue une preuve édifiante.

A l'automne dernier, la connivence entre la CGT, la CFDT et Sarkozy fut si évidente qu'elle en ébranla même les troupes syndicales des cheminots qui huèrent copieusement Chérèque et Thibault lors de la manifestation du 20 novembre. Alors que la colère ouvrière était immense (chez les cheminots, mais aussi chez les enseignants, les infirmiers, les lycéens...), les syndicats ont freiné des quatre fers et ont fini par signer à la hâte des "accords" et à appeler à la reprise du travail. Le salut de Sarkozy aux organisations syndicales, lors de ses vœux de fin d'année, pour leur sens des responsabilités, en disait suffisamment long sur leur travail de sape des luttes ouvrières ! Ainsi, au printemps 2008, les syndicats ont divisé tant qu'ils ont pu en lançant tous azimuts des appels à diverses journées d'actions. Les secteurs ont été mobilisés les uns après les autres, le plus souvent chacun dans leur coin : les lycéens d'abord, puis les enseignants, puis les agents des impôts, etc. Les syndicats n'avaient qu'une seule peur : que les ouvriers se retrouvent ensemble dans la rue avec des revendications communes. Ils ont donc tout fait pour que cela n'arrive pas (6). Les manifestions du 10 et 17 juin sont venues clôturer cette longue série de mobilisations stériles en ne rassemblant que très peu d'ouvriers. Cette fin de mouvement atone et en ordre dispersé avait pour but d'écœurer et de décourager, en laissant traîner un sentiment d'impuissance et de résignation. Il ne s'agit pas là d'erreurs de stratégie mais d'une volonté claire et consciente. Ce sabotage systématique correspond à la nature profonde du syndicalisme. Les syndicats sont intégrés corps et âme au camp du capital depuis près d'un siècle ! C'est pourquoi la CGT peut bien annoncer, torse bombé, vouloir s'inscrire déjà "dans la mobilisation internationale du 7 octobre prochain pour porter toutes les revendications des salariés autour du thème du travail décent", nous pouvons être sûrs qu'à la rentrée, les syndicats vont continuer à nous poignarder dans le dos. Pour résister aux attaques, non seulement il ne faudra leur accorder aucune confiance, mais il faudra aussi oser prendre en main nos luttes, oser organiser nous-mêmes les assemblées générales, oser former des délégations pour aller à la rencontre de nos frères de classe dans les usines, les établissements scolaires, les administrations, les hôpitaux voisins.

Face aux attaques du capital,
prenons nos luttes en main.

Vive la lutte !

Vive la solidarité ouvrière !

Pawel (4 juillet)

 

1) Comme l'avaient déjà si bien dit, en juin 2007, les ouvriers en grève de l'usine Kronenbourg à Obernai, en réponse au fameux slogan de la campagne électorale de Sarkozy : "Travailler plus pour gagner plus" !

2) Comme le disait Mark Twain, l'écrivain et humoriste américain : "Il y a trois sortes de mensonges : les mensonges, les sacrés mensonges et les statistiques".

3) Il s'agit, par exemple, des anti-nauséeux ou des anti-douleurs pour les cancers.

4) Lire sur notre site web (www.internationalism.org [33]) les articles "La classe ouvrière multiplie ses combats dans le monde entier" [91] et "Une seule classe, un seul combat !" [62].

5) Tout récemment encore, par exemple, des étudiants en lutte au Maroc nous ont écrit pour savoir plus précisément et concrètement comment les étudiants en France s'étaient organisés au printemps 2006.

6) Pour connaître de façon plus détaillée les manœuvres syndicales de ce printemps, lire l'éditorial du journal de juin "Pour qui travaillent les syndicats ?" [92].


Récent et en cours: 

  • Luttes de classe [18]

Incendie d'un centre de rétention à Vincennes : avec ou sans papiers, une même classe, une même persécution

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Le 21 juin dernier, un détenu est retrouvé décédé d'une crise cardiaque dans l'enceinte du centre de rétention administrative (CRA) de Vincennes. A l'intérieur, la colère monte chez les sans-papiers en instance d'expulsion. L'ambiance dégénère et le 22 juin un incendie se déclare, et finit par ravager le centre. Rapidement, les associations et comités de soutien aux sans-papiers, dont certains soupçonnent l'utilisation de fusils Taser (pistolets électriques) par la police pour maintenir l'ordre dans le centre, se mobilisent devant le bâtiment. Les forces de l'ordre tentent de maintenir les personnes "retenues" sous contrôle et de récupérer les fuyards. Une répression policière brutale s'abat alors sur les sans-papiers.

Les CRA sont des installations spécifiques de "rétention" de toute personne dont la situation ne permet pas, ou plus, de résider sur le territoire. Aujourd'hui, la quasi-totalité de leurs occupants sont des personnes sans-papiers arrêtés par la police et en attente de jugement sur leur éventuelle reconduite à la frontière. La durée de leur rétention ne doit pas excéder 32 jours (alors qu'elle est de 18 mois sur l'ensemble de l'Europe), mais la durée moyenne de séjour est d'à peu près dix jours, ce qui ne laisse le plus souvent pas de temps aux "sans-papiers" pour organiser des recours. Le CRA de Vincennes était réputé parmi les plus "accueillants" du pays, autrement dit celui dont les conditions d'hygiène et de promiscuité étaient qualifiés "d'acceptables". Pour autant, cet environnement "acceptable" ne peut cacher les conditions inhumaines dans lesquelles vivent ceux que l'on qualifie de "migrants illégaux". En effet, ce n'est pas seulement sur le plan matériel que ces prolétaires souffrent, mais bien plus encore sur le plan moral. Vivant en permanence traqués, leur persécution ne s'arrête pas avec leur arrestation.

Parqués comme du bétail, les "retenus" dans ces centres sont non seulement considérés comme des "détenus", mais comme des délinquants ou des criminels alors que leur seul "crime" est d'avoir voulu fuir la misère et la mort dans leur pays d'origine. Ils doivent attendre leur sort, la plupart du temps loin de leur famille, de leurs enfants, sans savoir ce qu'il est advenu d'eux. Les visites sont acceptées au compte-goutte, les laissant sans nouvelles et sans même savoir si, au cas où la justice leur permettrait de rester en France, ils pourraient les retrouver et vivre à nouveau avec eux. La situation qu'ils ont fui les attend à leur retour, s'ils ont la "chance" d'être acceptés par leur pays d'origine (1). Et ce, toujours sans savoir s'ils reverront un jour leur conjoint et leurs enfants, sans savoir quel sera le traitement qui leur sera réservé. Et quand la sentence tombe, quand l'expulsion se dessine, c'est vers une mort probable qu'ils sont renvoyés.

Droite et gauche sont tout autant responsables

Si la droite a surfé sur les événements de Vincennes pour développer à satiété un discours raciste et nauséabond, ces derniers ont été aussi l'occasion pour les ténors de la gauche de "dénoncer" la politique d'expulsion des sans-papiers menée par Sarkozy et consorts, en se posant en véritables défenseurs des immigrés. Il est vrai que les conditions actuelles sont particulièrement écœurantes et intolérables. Les mesures mises en place et la notion même de quota (26 000 expulsions programmées pour 2008) expriment tout le mépris de la bourgeoisie envers la vie humaine. Cette "politique du chiffre" et ces centres de rétention, qui sont au fond des camps de concentration où sont retenus prisonniers des êtres humains fautifs de ne pas être nés Européens, font penser de plus en plus à ceux des nazis (et à leur quota planifié de morts) et des staliniens. A la différence que si les nazis gazaient les non-Aryens et que les staliniens faisaient crever de faim et de maladie les dissidents au régime, la bourgeoisie française (à l'instar de ses consœurs européennes (2)) les renvoie à la mort qu'ils tentent de fuir. Mais la droite actuelle est loin d'être seule à avoir utilisé cette pratique. Car si la notion de "rétention administrative" pour les immigrés date de 1980 (avec les lois Bonnet et Peyrefitte), c'est à partir de 1981 et surtout de 1984, à l'époque où Pierre Joxe était ministre de l'Intérieur, que la création des CRA fut effective et connut une impulsion sans précédent. Aussi, Sarkozy peut-il dire merci à la gauche. Une gauche dont les discours de l'époque n'ont pas grand-chose à envier à la droite actuelle. Ainsi, Defferre en 1982, alors ministre de l'Intérieur, déclarait que "les grands principes, c'est bien joli, mais le développement de l'immigration clandestine pose de graves problèmes dans les grandes villes. Les municipales approchent et il faut y prendre garde." Mitterrand en 1989 avertissait que : "le seuil de tolérance est dépassé" Et Rocard en 1990, alors Premier ministre, prévenait : "nous sommes également à la veille, si nous n'y prenons pas garde, d'une nouvelle vague massive, venant du Sud plus lointain, d'un Est plus incertain. Et je le dis clairement, cette vague doit être endiguée." Ces discours préparaient et accompagnaient les actes d'une gauche qui, au gouvernement, a pleinement participé à la mise en place du cadre "légal" des mesures contre l'immigration clandestine depuis les années 1980. A travers les lois Pasqua lors de la première cohabitation (1986-1988) et les lois Joxe après 1988, c'est dans une même dynamique que la répression se développe. La gauche a beau jeu aujourd'hui de crier au scandale face à Sarkozy et son ministre-"aide de camp" Hortefeux, ces deux-là ne font que rajouter leurs pierres, à un mur dont on compte beaucoup de "briques socialistes".

La nécessaire véritable solidarité de classe

Contre la propagande de la droite qui justifie sa politique en prétendant que ces "migrants illégaux volent le travail des ouvriers", contre celle de la gauche qui, derrière ses larmes de crocodile, les renvoient hypocritement à leur condition de Noir ou d'Arabe, rappelons qu'il s'agit avant tout de prolétaires, d'ouvriers qui, pour beaucoup, avaient un emploi avant leur arrestation. Si un patron leur a donné cet emploi, c'est bien qu'il y trouvait un intérêt. Cet intérêt, c'est celui de disposer d'une main-d'œuvre à bon marché principalement dans des secteurs où la concurrence est forte (le bâtiment, les travaux publics, etc.). Ces ouvriers ne volent l'emploi de personne, ils ne sont en position que d'accepter ce qu'on leur donne, et en aucun cas de voler quoi que ce soit à quiconque. Ils répondent à une réalité économique, celle de secteurs où l'emploi non qualifié manque et où le recours à l'emploi clandestin permet de baisser les coûts de production et de répondre ainsi aux appels d'offre de façon concurrentielle. Victimes de la misère et souvent de la répression de leur pays d'origine, ces prolétaires atterrissent loin de chez eux pour y trouver l'exploitation sans fin dans un climat de peur permanente. Ils restent ici les victimes qu'ils étaient chez eux, et certainement pas les profiteurs que la bourgeoisie nous dépeint.

De telles conditions d'existence soulèvent l'indignation et, naturellement, des gestes de solidarité se développent. Il est de plus en plus fréquent de voir des voisins faire barrage aux forces de l'ordre dans un immeuble, des parents d'élèves cacher et garder des enfants clandestins, des collègues débrayer à l'issue d'une rafle policière sur un chantier, des voyageurs refuser d'embarquer sur un vol charter emportant des immigrés menottés. Ces gestes expriment la solidarité propre à la classe ouvrière, qui voit en ces hommes traqués et persécutés leurs frères de classe, dont les conditions de vie renvoient à leur propre condition dans le monde capitaliste en crise, une condition de bêtes de somme corvéables à merci et dont on se débarrasse quand on ne peut plus rien en tirer.

Et c'est cette condition commune qui pousse et poussera toujours plus les ouvriers du monde entier à lutter de façon solidaire, unie, au-delà des questions de races, de religion ou de nationalités, contre les conditions de misère et d'horreur que leur font subir le capitalisme en crise et sa bourgeoisie.

GD (2 juillet)

 

1) De plus en plus de pays n'acceptent pas le retour des émigrants suite à une expulsion du pays d'accueil.

2) Voir sur www.monde-diplomatique.fr/cartes/atlas-sanctuaire [93] l'explosion du nombre de centres de rétention avant expulsion pour immigrés dans l'espace Schengen comme dans l'ensemble des pays membres de l'Union européenne.

 

Récent et en cours: 

  • Immigration [83]

Luttes contre les mesures Darcos à Nantes : solidarité contre la répression policière !

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Nous publions ci-dessous un courrier de lecteur envoyé par un témoin direct de la répression qui s'est abattue il y a quelques jours sur des enseignants en lutte à Nantes. Ce camarade y dénonce la violence dont peut faire preuve la bourgeoisie envers les travailleurs qui osent se battre pour défendre leur condition de travail. De plus, en saluant le réflexe des agents des impôts qui sont venus spontanément aux côtés des enseignants matraqués, il met en lumière l'importance de la solidarité ouvrière, seule arme contre la répression de l'Etat policier.


Le mercredi 11 juin, des enseignants du premier degré manifestent devant l'inspection académique à Nantes. Ils protestent contre les attaques que constituent les mesures Darcos. Alors qu'une partie des manifestants reste devant le bâtiment avec les enfants, les autres envahissent pacifiquement les couloirs et les escaliers en demandant à rencontrer Gérard Prodhomme, l'inspecteur d'Académie, pour lui présenter leurs doléances. La réponse de ce haut fonctionnaire de l'État ne se fait pas attendre, il appelle la police.

Très vite les forces de l'ordre apparaissent aux portes des escaliers dans lesquels sont stationnés les manifestants. Sans aucune sommation, les policiers se jettent sur eux pour les obliger à rebrousser chemin vers la sortie. Ces policiers n'ont pas de protection individuelle parce que les enseignants ne sont pas assez nombreux pour nécessiter une intervention lourde. Mais ce sont des fonctionnaires de la sécurité publique, l'une des unités les plus violentes et parfaitement préparée à ce genre d'intervention.

La vidéo qui a circulé sur Internet montre bien la violence du choc (retrait-mesures-darcos.over-blog.com/article-20393355.html [94] (1)). L'objectif est clair : il faut couper le souffle des manifestants, leur faire mal, les impressionner. Sans ménagement, hommes et femmes sont poussés dans les escaliers, il y a des habits déchirés, certains tombent les uns sur les autres au milieu des cris et des pleurs. Ceux qui s'accrochent à la rampe sont pris à la gorge, on leur tord les doigts pour qu'ils lâchent prise. Telle est la violence déterminée de la classe dominante lorsqu'elle défend ses privilèges, cette classe qui, sous les uniformes bien coupés de la gauche ou de la droite, parade au sénat, au parlement et autres institutions de l'État avec ses bonnes manières et son langage châtié. C'est pourtant cette classe qui, par l'intermédiaire de ses sbires, matraque sans merci les travailleurs qui cherchent à se défendre contre des attaques injustes et répétées.

Après la violence viennent les mensonges. La presse publie un communiqué de la Préfecture annonçant qu'il y aurait eu trois blessés parmi les policiers dont l'un s'est vu attribuer vingt et un jours d'incapacité. Il faudrait leur conseiller de ne pas taper si fort, les pauvres, ça leur fait mal. Mais l'objectif n'est pas difficile à deviner : il faut préparer le terrain pour des poursuites judiciaires, complément indispensable des violences policières afin d'imposer l'ordre et la soumission, la crainte et la démoralisation.

L'un des enseignants placé au premier plan et qui, comme les autres, essaie de se protéger des coups reçus, se fait attraper par les policiers qui le tirent en arrière, l'immobilisent au sol, genou sur le visage et sur la poitrine, avant de le menotter. Il est placé en garde à vue. Les manifestants se portent alors vers le commissariat central aux cris de "Libérez Samy !" Notre collègue est libéré dans la soirée mais il est convoqué pour interrogatoire le vendredi à 9 heures. Par téléphone et par mail, ceux qui étaient présents informent les écoles et appellent à un rassemblement devant ce commissariat. Le jour dit, les enseignants sont 200 devant la porte, la colère et le sentiment de solidarité grandissent d'heure en heure. Ils sont bientôt 300 et 600 l'après-midi. Pour montrer à leur collègue qu'ils sont là et qu'ils le soutiennent, ils frappent dans leurs mains, crient des slogans et tapent pendant de longues heures avec des bouts de bois contre une palissade métallique d'un chantier voisin. Dans les écoles, les enseignants se relaient par trois ou quatre pour garder les élèves dans la cour pendant que les autres se précipitent au rassemblement.

Les agents des impôts qui travaillent dans le bâtiment d'à côté décident de débrayer pour venir apporter leur solidarité aux enseignants. L'un d'eux intervient au mégaphone pour expliquer que, eux aussi, ont subi une violence extrême de la part de la police lors des dernières manifestations. Une clameur et des applaudissements s'élèvent pour saluer cette intervention.

Au bout de six heures d'interrogatoire, Samy sort du commissariat, il est à bout. Depuis longtemps, les policiers français utilisent les mêmes méthodes inhumaines que la Stasi dont on voit les exactions dans le film La vie des autres. La pression psychologique est énorme, les policiers doivent lui faire avouer à tout prix qu'il a bien résisté aux forces de l'ordre. Ils lui passent et repassent la vidéo qui, si on la regarde objectivement, prouve non pas la culpabilité de notre collègue mais bien l'agressivité des policiers. Mais il craque. Le magistrat décide alors de le faire passer en correctionnelle pour violence envers les forces de l'ordre, le procès est prévu pour le 23 février 2009. S'il est condamné, il sera alors révoqué de l'Education nationale. La violence, les mensonges et la justice, voilà les piliers d'un ordre fondé sur le profit et l'exploitation, un ordre qui, toujours plus explicitement, tourne le dos à toute forme d'humanité.

Tous les témoignages concordent : les accusations envers Samy sont toutes fausses et nous montrent le vrai visage de la démocratie bourgeoise. Sans scrupule, elle ment, elle brutalise, pour elle tous les moyens sont bons. Il est clair que l'isolement est une faiblesse qui nous livre sans défense aux coups de la répression. Comme les enseignants, les travailleurs des impôts et du CHU luttent en ce moment chacun dans leur coin alors que s'ils étaient tous unis, ils représenteraient une force énorme. La seule façon de se défendre efficacement a été montrée par l'attitude de solidarité des enseignants et des agents des impôts pendant l'interrogatoire de Samy. Mais cette solidarité ne doit pas être ponctuelle. C'est par l'unité dans la lutte commune dès le début, en se serrant les coudes entre les différents secteurs qui sont tous confrontés aux mêmes attaques, en présentant des revendications unitaires avec des négociations au grand jour, contrôlées par les assemblées générales, que nous pourront faire reculer la bourgeoisie et nous protéger de la répression.

A. E.

1) Ce site reprend le journal télévisé diffusé par la chaîne locale Nantes7 le 11 juin au soir (la lutte des enseignants est le deuxième sujet traité par ce JT, il faut donc patienter quelques minutes pour apercevoir les images de la répression policière).

 

Récent et en cours: 

  • Luttes de classe [18]

Afrique du Sud, Zimbabwe : la même main criminelle de l'Etat capitaliste

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Entre mai et juin 2008, près d'une centaine de travailleurs immigrés sont morts, victimes de pogroms perpétrés par des bandes armées dans les bidonvilles de Johannesburg. Des groupes munis de couteaux et d'armes à feu s'introduisent à la nuit tombée dans les quartiers délabrés à la recherche de "l'étranger" et se mettent à frapper, à tuer, même à brûler vifs des occupants et à chasser des milliers d'autres.

Les premiers massacres ont eu lieu à Alexandra, dans un immense bidonville (township) se situant au pied du quartier d'affaires de Johannesburg, capitale financière de l'Afrique du Sud, avec ses buildings de luxe tapageur. Les attaques xénophobes se sont étendues progressivement dans les autres localités sinistrées de cette région dans l'indifférence totale des autorités du pays. En effet, il a fallu 15 jours de tueries pour que le gouvernement du président Thabo Mbeki se décide à réagir mollement (cyniquement en fait) en envoyant les forces de l'ordre s'interposer dans certaines localités tout en laissant les massacres se poursuivre ailleurs. La plupart des victimes sont originaires des pays de la région (Zimbabwe, Mozambique, Congo, etc.), pauvres hères qui viennent tenter leur chance en Afrique du Sud, première puissance économique du continent dont le développement repose largement sur l'exploitation de la main-d'œuvre immigrée.

Ils sont près de 8 millions dont 5 millions de Zimbabwéens qui sont poussés à fuir leur pays d'origine, comme le montrent des témoignages rapportés par Courrier international du 29 mai 2008 : "Nous mourons de faim et nos voisins sont notre seul espoir. (...) S'ils ne peuvent rien faire pour améliorer notre situation politique, nous ne pensons pas que ce soit trop leur demander de nous laisser acheter de la nourriture chez eux" ; "Cela ne sert à rien de travailler au Zimbabwe. On n'y gagne même pas assez pour se loger dans les pires banlieues de Harare (la capitale du Zimbabwe). Nous sommes prêts à prendre des risques en Afrique du Sud" ; "C'est notre vie à présent. Nous passons beaucoup de temps sur la route qui mène en Afrique du Sud. Voyager dans ces cars est risqué. Mais si nous ne le faisons pas, nous mourrons quand même." ; "Le pain coûte aujourd'hui 400 millions de dollars zimbabwéens (0,44 euro) et un kilo de viande 2 milliards (2,21 euros). Il n'y a plus de bouillie de maïs dans les magasins, et les gens qui travaillent ne peuvent plus vivre de leur salaire". Voilà l'enfer dans lequel les responsables politiques de cette région ont plongé la population. La seule politique du gouvernement de Pretoria envers les immigrés illégaux, notamment du Zimbabwe, consiste à les arrêter massivement puis à les reconduire à la frontière manu militari en les livrant ainsi à la famine et à la répression.

De surcroît, quand ils ne sont pas expulsés, les immigrés sont harcelés tous les jours par la propre police de Mbeki qui profite de leur extrême précarité pour les racketter tout en les tabassant systématiquement. Mugabe s'est comporté en parfait complice de son "camarade" sud-africain en se contentant d'annoncer l'envoi de quelques véhicules pour rapatrier les Zimbabwéens blessés lors des pogroms. D'où les réactions indignées de la population qu'exprime ce ressortissant zimbabwéen : "Nous sommes choqués que le gouvernement ne reconnaisse pas qu'il a contraint une partie de sa population à devenir des réfugiés au risque de leur vie. D'autres Zimbabwéens vont sacrifier leur vie en recherchant en Afrique du Sud ce qui leur est refusé chez eux : le droit de vivre."

Les régimes sud-africain et zimbabwéen sont responsables de la misère et des pogroms

Il est clair que derrière les massacres à caractère xénophobe se cache la misère extrême dans laquelle s'enfoncent des millions de miséreux sud-africains dont nombre d'entre eux ont participé directement aux pogroms en accusant les travailleurs étrangers de leur "voler" leurs emplois. En effet, comme le reconnaissent d'ailleurs certains médias bourgeois, c'est bien la misère produite par la crise capitaliste qui est à l'origine de la chasse à l'étranger : "On aurait tort de penser que cette explosion de xénophobie est une simple réaction face à une immigration incontrôlée. C'est aussi la conséquence de l'envol des prix des produits alimentaires, de la chute du niveau de vie, d'un taux de chômage dépassant 30 % et d'un gouvernement qui paraît aveugle à la situation des plus pauvres" (Jeune Afrique du 25 mai 2008). Voilà la réalité, une société qui, frappée de plein fouet par la crise économique mondiale, n'a rien à offrir à la population que misère et détresse. En effet, comme partout dans le monde, les entreprises licencient massivement pendant que le gouvernement, lui, laisse augmenter les prix tout en se chargeant de prélever impôts et taxes. C'est bien cette même crise qui a poussé au désespoir un grand nombre de sans-travail et autres précaires, ce sont eux les premières victimes de la décomposition sociale du système capitaliste. Dès lors, il n'est pas étonnant de voir certains d'entre eux rejoindre les rangs des gangs qui sèment la terreur dans les quartiers misérables. Il y a bien un lien direct entre les violences xénophobes et la misère économique qui frappe aussi bien les victimes des pogroms que ceux qui les commettent ; les premiers vrais responsables sont précisément les dirigeants capitalistes des deux pays, Mugabe et Mbeki.

En Afrique du Sud, la pauvreté touche plus de la moitié de la population et le sida frappe plus de 5 millions de personnes, ce qui se traduit par un fort recul de l'espérance de vie, passant de 48 ans en 2000 à 44 ans en 2008. Le gouvernement, se comportant en parfait criminel, a longtemps nié l'importance de ce phénomène en empêchant même la mise en place d'une politique sanitaire (1) ! Au Zimbabwe, pays en total délabrement économique qui a connu une inflation atteignant (selon le FMI) 150 000 % en janvier 2008 (record mondial), le taux de chômage frappe 80 % de la population active (un autre record). C'est l'horreur absolue pour la population et la classe ouvrière et le gouvernement lui-même est bien obligé de reconnaître l'existence de 3 millions d'affamés. Du côté sanitaire, des sources avancent le chiffre de 2 millions de séropositifs, tandis que l'espérance de vie se situe autour de 40 ans. Face à la misère extrême que subit la quasi-totalité de la population, Mugabe, quant à lui, a choisi carrément la fuite en avant dans la guerre, la corruption et la répression la plus féroce pour se maintenir coûte que coûte au pouvoir.

Mascarades électorales sous tensions impérialistes

Loin de se soucier du sort de leurs populations en détresse, les gouvernements sud-africain et zimbabwéen rivalisent avec les puissances impérialistes qui cherchent à contrôler les régions d'Afrique australe et des Grands Lacs, en s'auto-proclamant "gendarmes locaux". Ainsi, tous les deux se sont massivement impliqués dans les guerres qui ont ravagé cette zone dans les années 1990/2000 et qui ont engendré plus de 8 millions de morts. C'est dans cette optique que le régime de Robert Mugabe s'est lancé dans la guerre en RDC (ex-Zaïre) en y expédiant quelques 15 000 hommes, avec un coût économique exorbitant évalué à 1 million de dollars par jour (soit 5,5 % de son PIB), cela durant plusieurs années. Cette aventure militaire désastreuse n'a pu que constituer un facteur accélérateur de la ruine totale de son économie, alors que le Zimbabwe était considéré jadis comme le "grenier" de l'Afrique australe, jusque dans les années 1990 où il était encore exportateur net de céréales.

Les médias de la bourgeoisie mondiale ont déclenché une gigantesque campagne idéologique anti-Mugabe pour présenter les élections au Zimbabwe comme un enjeu entre la "démocratie" et la "dictature"  ; il s'agit en réalité d'une mascarade derrière laquelle se cachent essentiellement des luttes d'influence impérialiste. D'un côté, Mugabe, soutenu sur tous les plans (notamment militaire) par la Chine, a programmé sa victoire quoi qu'il arrive tout en disant à la population : "Votez pour moi sinon vous êtes complices des impérialistes qui nous affament" (ceux qui lui ont imposé un embargo total). De l'autre côté, les puissances impérialistes "démocratiques" (Etats-Unis et Grande-Bretagne en tête) disent aux Zimbabwéens : "Votez contre le dictateur qui vous gouverne, sinon on vous laisse crever de faim." Quelle hypocrisie car si Mugabe bâillonne, emprisonne et tue ses opposants, il a été soutenu dans cette entreprise par tous ceux qui le condamnant aujourd'hui !2 En clair, la population est prise en otage par Mugabe, ses opposants et leurs soutiens impérialistes respectifs, avec le risque que le processus électoral ne débouche sur un scénario où les électeurs vont être poussés à s'entretuer pour le compte des cliques politiciennes criminelles qui se disputent le pouvoir.

En définitive, "démocrate" ou "autocrate", "chouchou" ou "bête noire" des grandes démocraties occidentales, les dirigeants de l'Afrique du Sud et du Zimbabwe ne se comportent ni plus ni moins qu'en criminels bourgeois, agents du capitalisme qui exploitent et oppriment la classe ouvrière et les populations, avec la complicité active des grandes puissances.

Amina (18 juin)

 

1) Ainsi, son ministre de la Santé a pu se permettre de se moquer cyniquement des malades en préconisant pour eux "la saine nourriture, y compris la pomme de terre africaine", plutôt que ceux des médicaments anti-rétroviraux, dont bénéficie aujourd'hui une infime minorité des malades.

2) On a encore vu les pays de l'Union Africaine réunis à Charm El-Cheikh (Egypte) l'accueillir en chef d'Etat dès le lendemain du simulacre électoral qu'il avait organisé malgré sa défaite au premier tour.

Géographique: 

  • Afrique [42]

Tensions au Kurdistan : une position internationaliste venant de Turquie

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Nous publions ci-dessous de très larges extraits d'un article du groupe turc Enternasyonalist Komünist Sol (EKS) qui analyse les rivalités impérialistes sous-jacentes aux récentes incursions de l'armée turque dans le Nord de l'Irak. Nous voulons souligner son importance à plusieurs titres. Avant tout, son analyse se situe d'un point de vue clairement prolétarien et internationaliste. EKS se prononce contre tout nationalisme turc ou kurde dans une région du monde où toutes les fractions bourgeoises font leur possible pour exciter les haines nationalistes à seule fin d'utiliser les ouvriers comme chair à canon. Cet article exprime aussi les profonds sentiments d'indignation et de révolte des ouvriers de Turquie envoyés au front et répond aux mensonges de la bourgeoisie qui répand, en Turquie comme ailleurs, le poison de sa propagande "d'union sacrée" pour la guerre.

La dernière aventure de l'impérialisme turc dans le Nord de l'Irak 1

Le 21 février, 10 000 soldats ont traversé la frontière du Nord de l'Irak. Lors de cette incursion, des combats sanglants ont eu lieu le long des régions frontalières avec la Turquie. Le bilan des victimes de l'opération qui s'est achevée au bout de 8 jours est controversé. Les forces armées turques ont déclaré 21 morts côté turc et 237 côté PKK (2). Le PKK prétend avoir perdu 9 de ses hommes et assure qu'une centaine de soldats des forces armées turques sont morts. Une chose est par contre certaine, des centaines d'enfants d'ouvriers ont été poussés à s'entre-tuer durant ces huit jours !

Ce n'est pas la première opération conduite par l'armée turque en Irak. Pour les besoins de la guerre qu'elle mène contre le PKK, la Turquie est entrée en Irak 24 fois, avec notamment une incursion de 7000 hommes en 1983, de 15 000 en 1990, de 35 000 en 1995 et 1997, de 10 000 en 1998. Cependant, il y a une différence entre ces incursions et le dernier conflit. Auparavant, l'impérialisme turc opérait librement en Irak et sans la moindre réaction négative du régime de Saddam Hussein. Mais cette fois, en lançant cette dernière opération militaire, l'impérialisme turc a pris le risque réel d'une guerre plus sérieuse et totale avec les autorités locales. Massoud Barzani (3) a déclaré que "si l'armée turque visait des civils kurdes ou des structures civiles, nous ordonnerons une résistance large et générale" et le parlement irakien a voté pour la fermeture des bases des forces armées turques dans le Nord de l'Irak qui abritent 2000 soldats. Si la Turquie était restée plus longtemps en Irak, un conflit bien plus explosif aurait surgi. La véritable raison de l'invasion de l'impérialisme turc n'était pas l'attaque contre le PKK. Le prétexte "d'éradiquer le terrorisme" invoqué pour justifier cette guerre n'est qu'un mensonge. Alors pourquoi la Turquie est-elle entrée en Irak cette fois-ci ? Le porte-parole du gouvernement, Cemil Cicek, avait déclaré que "l'opération" durerait jusqu'à la destruction du PKK, tandis que le gouvernement désignait comme cible les Monts Kandil (4), ajoutant que l'armée ne partirait pas avant que le "boulot ne soit fait". Pourquoi l'impérialisme turc a-t-il subitement fait marche arrière alors qu'il se vantait que personne ne pouvait s'opposer à son intervention en Irak ?

Afin de répondre à ces questions, il faut remettre la dernière offensive de la Turquie en Irak dans le contexte des rapports impérialistes à l'échelle mondiale. Les relations entre le gouvernement turc et les Etats-Unis étaient très tendues avant l'opération (Washington soutient l'aile iranienne du PKK, le PJAK, contre le régime iranien et parle de reconnaître éventuellement le génocide arménien). Avec cette offensive turque, les relations ont encore empiré, l'Amérique voyant d'un très mauvais œil ce risque de déstabilisation du Kurdistan alors que le bourbier irakien est déjà totalement instable. C'est pourquoi les Etats-Unis ont constamment répété que la Turquie devrait quitter l'Irak dans les plus brefs délais. La Turquie a d'ailleurs immédiatement arrêté l'opération dès le lendemain de la réunion entre le chef d'état-major de l'armée turque, le général Buyukanit, et le gouvernement américain. Quoi qu'il en soit, le gouvernement kurde en Irak a accusé, à juste titre, les Américains d'avoir autorisé l'invasion turque. Le problème principal de la bourgeoisie américaine dans cette région est l'Iran. Toutes les forces impliquées, l'armée turque comme le PKK, sont des alliés potentiels des Etats-Unis, au moins localement contre l'Iran et globalement contre la Russie. Les Etats-Unis ne veulent pas que la dernière "pièce" stable du territoire irakien, le Kurdistan, soit déstabilisée ; ils ne veulent pas que ces forces soient impliquées dans une guerre ouverte et soient amenées à s'entre-détruire, comme ils ne veulent pas qu'elles leur tournent le dos à cause de leurs conflits entre elles. L'activité du PKK dans le Nord de l'Irak a créé des tensions entre la Turquie et le gouvernement autonome kurde, dont les intérêts sont déjà incompatibles, et a créé des conditions de rapprochement entre la Turquie et l'Iran du fait de leur combat commun contre le PKK. Si on examine les localisations géographiques des camps du PKK au Nord de l'Irak, on peut voir que le camp Zap était très proche des frontières turques et de la ville d'Hakkari, donc très facile à investir. Cependant, les Monts Kandil, cible officielle du gouvernement turc, sont proches de la frontière iranienne. Le fait que les forces armées turques se soient dirigées immédiatement sur Zap indique que leur objectif réel était de pousser le PKK à se replier vers Kandil, c'est-à-dire vers l'Iran. Il est certain que l'impérialisme turc a envahi l'Irak avec la permission de l'Amérique et il est probable que non seulement la fin mais la conduite d'ensemble de l'attaque s'est effectuée selon les vœux des Etats-Unis (5).

La réaction des ouvriers contre la guerre

La 25e aventure de l'impérialisme turc dans le Nord de l'Irak a pris fin, amenant des centaines de cadavres en seulement huit jours. Cependant, la guerre entre le PKK et l'armée turque continue à forcer des ouvriers à se massacrer entre eux. L'invasion de l'Irak et la guerre qui perdure en Turquie sont des conflits internes à la bourgeoisie. Les victimes de ces conflits sanglants et barbares sont des ouvriers turcs et kurdes qui sont poussés à s'entre-tuer, à mourir et perdre ceux qu'ils aiment alors que leurs intérêts sont communs. La seule force sociale qui puisse arrêter cette guerre, tout comme la seule force qui puisse arrêter toutes les guerres impérialistes du monde, c'est la classe ouvrière. Ni le pacifisme, ni la lutte démocratique, ni les appels à la clémence de la bourgeoisie ne peuvent arrêter les guerres. Celles-ci sont partie intégrante du capitalisme et ne finiront que lorsque les ouvriers "transformeront la guerre impérialiste en guerre révolutionnaire civile" comme ils l'ont fait en mettant fin à la Première Guerre mondiale. Il est donc nécessaire de connaître les réactions de la classe ouvrière à cette guerre, en particulier parmi les ouvriers qui ont le plus souffert : ceux qui ont été contraints d'aller au front et les familles de ceux qui en sont morts.

Le grand-père du soldat Bayram Guzel, mort en novembre 2007 : "Ce sont toujours les enfants des pauvres qui meurent. [...] Pourquoi ce ne sont pas les enfants des patrons et des généraux les 'martyrs' ?" La mère de Burak Okay, mort en septembre 2006 : "Mon fils ne pouvait même pas tuer une mouche et ils l'ont envoyé dans les montagnes pour tuer des êtres humains. Mon fils n'est pas un martyr et il est mort pour rien. Je n'accepte pas que mon fils ait été sacrifié." Le père de Cengiz Evranos, décédé le même mois : "Je ne dis pas ‘Tout pour le bien du pays' (6). Je dis aux politiciens : envoyez vos enfants à Darbogaz aussi." La mère de Sahin Abanoz, mort en avril 2006 : "Il y a une différence entre les riches et les pauvres. Y-a-t-il un seul enfant de député [sur le champ de bataille] ? Y a-t-il un seul enfant de président ? Ils envoient les enfants des pauvres, les enfants des infortunés." Le fils d'un soldat qui a été une des premières victimes de la guerre entre le PKK et l'armée turque en 1980 : "Mes voisins me regardent d'un mauvais œil parce que je ne mets pas de drapeau sur mon balcon. Ils ne savent pas que le drapeau turc dans la maison n'a pas été acheté dans un magasin ou remis en promotion publicitaire d'un journal : on me l'a donné accroché au cercueil de mon père. Comment pourrais-je brandir ce drapeau ? Et combien de mètres carrés de drapeaux, de défilés militaires ou de discours chauvins pourraient apaiser ma peine ? Non, je n'ai pas mis de drapeau et je n'en mettrais pas. Peut-être que ces martyrs ne sont pas morts par millions, mais nombre d'entre nous y ont perdu pères, fils et frères. Et ils meurent d'une telle façon que notre chagrin sera sans fin. Je ne sais pas comment les autres familles réagissent, mais si j'avais un autre père, je ne voudrais jamais qu'il se sacrifie pour ce pays." Un soldat, dont le "service" s'est achevé en 1998, déclare dans une interview anonyme : "Tous les régimes qui sont responsables de la continuation de la guerre devraient être brisés. Le capitalisme lui-même si c'est ce qu'il fait." Quelqu'un qui a été soldat à Van en 1997 explique aux soldats ses sentiments ainsi : "Si je dois être à nouveau soldat, [...] je ficherais le camp. Je rendrais définitivement cet uniforme vert et je serais emprisonné [...] Je hais ceux qui nous ont menés à cette guerre et ceux qui en tirent profit." Un ancien soldat de 1996 à Bingol déclare encore : "Le PKK est détesté des gens qui ont été au front autant que l'armée turque, l'Etat, les autres forces ou la police." Un ancien soldat de 1995 à Siirt raconte : "Je voulais savoir qui était mon ennemi avant d'aller là-bas. A présent, je ne me pose plus la question. La classe dominante bien sûr, qui d'autre cela peut-il être ?" Un soldat de 1992 à Mardin explique : "Je n'ai jamais vu d'enfant de riche là-bas, ils n'envoient que les enfants des pauvres. Beaucoup se révoltaient alors, demandant pourquoi ils ne voyaient pas les enfants des riches, je pense que ceux qui se révoltaient avaient raison."

La bourgeoisie craint cette réaction des soldats qui sont envoyés à la mort ou des familles auxquelles on demande de clamer "Tout pour le bien du pays" alors que leurs enfants sont morts. Et elle essaie de cacher cette réaction, de la condamner à tout prix et d'intimider ceux qui s'expriment. Chaque jour, la bourgeoisie cherche à cacher aussi les luttes ouvrières. Cependant, ces tentatives de la bourgeoisie ne peuvent masquer le fait que la lutte de classe se développe en Turquie comme dans l'ensemble du monde. Elles ne peuvent anéantir la volonté de la classe ouvrière de s'opposer aux obstacles que ses exploiteurs mettent en travers de sa route. Cette potentialité est suffisante pour égratigner sérieusement le pouvoir idéologique de la classe dominante, comme lorsque les enfants d'ouvriers, envoyés à la mort par les dirigeants des Forces armées turques ou du PKK, comprennent que l'ennemi n'est pas le prolétaire qu'ils ont en face d'eux mais ceux qui donnent les ordres. Lorsque la classe ouvrière commencera à agir et à lutter de façon unie, sur son propre terrain de classe et internationalement, la bourgeoisie sera balayée.

Enternasyonalist Komünist Sol

 

1) L'intégralité de cet article est disponible en anglais ici [95].

2) Le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK - en kurde : Partiya Karkerên Kurdistan), formé en 1978 par Abdullah Öcalan, est une organisation armée se présentant comme un mouvement de guérilla. Le PKK est actif surtout en Turquie et, plus épisodiquement, en Irak, Iran et Syrie.

3) Actuel président du gouvernement autonome kurde en Irak et chef du Parti démocratique du Kurdistan depuis 1979.

4) Située à une centaine de kilomètres en territoire irakien, cette région est aujourd'hui considérée comme "le quartier général" du PKK.

5) NDLR : En résumé, les États-Unis, ont encouragé cette intervention turque pour tenter de nuire à l'Iran en poussant vers lui le PKK. Il fallait néanmoins que cette opération soit de courte durée pour ne pas risquer de déstabiliser l'ensemble du Kurdistan, d'où l'insistance américaine pour l'arrêt rapide de l'offensive turque.

6) "Tout pour le bien du pays" est un slogan nationaliste courant que l'Etat voulait entendre de la part des familles de soldats tués.


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Grève à Türk Telekom en Turquie

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Nation ou classe ? Telle est la question posée par ce capitalisme agonisant. D'un côté, une bourgeoisie enfermée dans ses frontières, prête à défendre ses intérêts nationaux en déchaînant l'enfer de la guerre. De l'autre, un prolétariat qui n'a pas de patrie, qui doit mener une lutte pour défendre ses conditions de vie et qui porte en lui ce sentiment profondément humain de la solidarité. Il ne s'agit pas là de belles grandes phrases théoriques et creuses mais d'une réalité concrète vécue depuis plus d'un siècle, dans leurs chairs, par des millions d'ouvriers.

Tout récemment, en Turquie, le prolétariat en a fait une nouvelle fois l'expérience. La bourgeoisie turque, afin de mener son offensive dans le nord irakien (lire l'article ci-dessus "Une position internationaliste venant de Turquie"), a déversé à grands flots son poison nationaliste. Et pourtant, au milieu de cette hystérie chauvine, des ouvriers ont osé se battre pour réclamer un salaire décent. Comme l'écrivent nos camarades d'EKS, "les ouvriers sont restés en grève en dépit du fait que les médias et divers membres de la classe politique leur répétaient qu'ils agissaient contre les intérêts nationaux". Et quelle grève ! Fin 2007, 26 000 ouvriers de Türk Telekom entraient en lutte. Ils se battront durant 44 jours. Cette perte de 1 100 000 journées de travail en fait la plus grande grève de l'histoire de la Turquie depuis la grève des mineurs de 1991 ! Au final, les grévistes ont obtenu une augmentation de 10 % cette année (un peu plus que le taux officiel d'inflation) et la promesse de 6,5 % (au-dessus de l'inflation) pour l'an prochain alors même que le PDG de Türk Telekom, Paul Doany, affirmait fermement quelques jours auparavant encore : "Aucun employé ne doit compter sur une augmentation au-dessus du taux d'inflation." Pour nos camarades d'EKS : "Arrivant peu de temps après que les travailleurs de THY [compagnie aérienne turque] aient obtenu [eux aussi] une augmentation de 10 %, cela envoie un message clair à tous les travailleurs de Turquie. L'unité et l'action collective sont les seuls moyens de protéger les salaires de l'inflation." Et nous pourrions rajouter, plus largement, que "cela envoie un message clair à tous les travailleurs" du monde entier !

Tous les ouvriers, aux quatre coins du globe, sont touchés aujourd'hui par l'inflation galopante. Partout, une vague de paupérisation est en train de s'abattre. Nos frères de classe de Turquie nous montrent qu'il est possible de se battre même dans des conditions extrêmement difficiles. Ils révèlent par-là même la force de notre classe. Pour la majorité des travailleurs des grands centres industriels à travers le monde, la guerre impérialiste sert de toile de fond tendue en permanence sur le théâtre de nos vies, mais elle n'est pas un enjeu immédiat dans notre quotidien. Par contre, pour les travailleurs de Turquie, la guerre est une réalité immédiate et brûlante. Ces lignes d'EKS en témoignent avec force : "Pour nous, il est tout à fait évident que la classe ouvrière de ce pays a placé les intérêts de la nation avant les siens propres depuis bien trop longtemps. La classe ouvrière a payé la guerre nationale du Sud-Est [de la Turquie] non seulement par des années d'inflation et d'austérité, mais aussi par le sang et la vie de ses enfants. Le temps est venu, en tant qu'ouvriers, de placer nos intérêts en premier."

Le courage dont ont fait preuve les ouvriers de Türk Telekom indique la direction à suivre pour les ouvriers du monde entier. A ce titre, nous encourageons fortement nos lecteurs à lire le débat qui a eu lieu au sein d'EKS sur cette grève, débat publié sous la forme d'une série de quatre articles traduits du turc par les camarades d'EKS et publiés sur notre site [96]  (1).

Françoise (3 juillet)

1) Toutes les citations d'EKS qui précédent sont tirées de ce débat.


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  • Turquie [56]

Récent et en cours: 

  • Luttes de classe [18]

La crise écologique : vraie menace ou mythe ? (courrier de lecteur)

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Nous avons reçu, en Espagne, un courrier d'un camarade qui s'interroge sur la réalité de la crise écologique : "Quelle est la part de vérité dans tout cette mise en scène mondiale à propos du changement climatique ? N'y aurait-il pas des intérêts cachés ? [...] Etant donné la situation réelle de destruction du monde (Quelle est-elle ? Le savons-nous précisément ?), peut-on et doit-on continuer avec le niveau de consommation atteint par les masses ? Le système peut-il changer son modèle de production et de consommation ? Qui est, du prolétariat ou de la bourgeoisie, la classe la plus touchée par les catastrophes climatiques qui s'annoncent ? Sont-elles imminentes ?". Le camarade se demande si nous sommes face à un grave problème écologique ou si, au contraire, ce ne serait qu'une propagande de plus pour nous faire accepter les mesures d'austérité sous prétexte de "sauver la planète".

Qu'y a-t-il de vrai dans la "crise écologique" ?

Il est tout à fait vrai que le capitalisme n'hésite pas à s'habiller en vert pour en tirer des bénéfices. Les entreprises exhibent aujourd'hui partout leur publicité "verte". Le cynisme de cette esbroufe peut d'ailleurs se vérifier par un exemple entre mille : l'entreprise espagnole d'électricité Endesa qui, dans ses publicités, se montre extrêmement respectueuse de la nature, vient d'engager au Chili un vaste plan de centrales hydroélectriques qui menace de détruire irrémédiablement les forêts, les fleuves, les lacs et les glaciers de la Patagonie chilienne (le Monde diplomatique, édition espagnole, février 2008) ! Il est aussi particulièrement répugnant de voir les tentatives que font tous les gouvernements pour nous culpabiliser. On en vient à croire que la mauvaise habitude d'aller travailler en voiture, de se doucher régulièrement, de produire des ordures, etc., serait la cause des maux environnementaux.

Mais sous cet amoncellement de propagandes ignobles, un problème réel très grave demeure tout de même : le capitalisme est en train de détruire irréversiblement la planète. Dans notre article de la Revue internationale no 104, intitulé "Seule la révolution prolétarienne sauvera l'espèce humaine", nous constations déjà que : "Tout au long des années 1990, le saccage de la planète s'est poursuivi à un rythme effréné : déforestation, érosion des sols, pollution toxique de l'air, des nappes phréatiques ou des océans, pillage des ressources naturelles fossiles, disséminations de substances chimiques ou nucléaires, destruction d'espèces animales et végétales, explosion des maladies infectieuses, enfin augmentation continue de la température moyenne à la surface du globe (7 des années les plus chaudes du millénaire se sont produites dans les années 1990)". Nous citions dans ce même article l'analyse d'un rapport de l'IPCC sur le changement climatique : "De nouvelles analyses indiquent que le xxe siècle a probablement connu le réchauffement le plus important de tous les siècles depuis mille ans dans l'hémisphère nord [...] diminution de l'épaisseur de la glace de 40  % en Arctique [...] le niveau moyen des mers s'est élevé de 10 cm à 20 cm pendant le xxe siècle [...] le rythme d'élévation des mers pendant le xxe siècle a été environ dix fois plus important que pendant les derniers trois mille ans." Notre article citait aussi la revue Manière de voir : "La capacité reproductrice et infectieuse de nombre d'insectes et rongeurs, vecteurs de parasites ou de virus, est fonction de la température et de l'humidité du milieu. Autrement dit, une hausse de la température, même modeste, donne le feu vert à l'expansion de nombreux agents pathogènes pour l'homme et l'animal. C'est ainsi que des maladies parasitaires - telles que le paludisme, les schistosomiases et la maladie du sommeil - ou des infections virales - comme la dengue, certaines encéphalites et fièvres hémorragiques - ont gagné du terrain ces dernières années. Soit elles ont fait leur réapparition dans des secteurs où elles avaient disparu, soit elles touchent à présent des régions jusque là épargnées. [...] Les projections pour l'an 2050 montrent que le paludisme menacera 3 milliards d'êtres humains. [...] Pratiquement disparu d'Amérique latine à partir de 1960, le choléra a fait 1 368 053 victimes entre 1991 et 1996".

Nous pensons donc qu'il faut répondre affirmativement aux questions que se pose le camarade sur les dangers du changement climatique. On peut aussi affirmer que les travailleurs et les masses laborieuses seront les plus affectés, mais la question est plus globale et profonde : il s'agit d'une menace de destruction pure et simple du milieu naturel dans lequel nous vivons !

Le rapport entre l'homme et la nature sous le capitalisme

Une question élémentaire se pose : quel est le rapport entre l'homme et la nature ? Dans la Dialectique de la nature, Engels précise que "l'animal utilise seulement la nature extérieure et provoque en elle des modi­fi­cations par sa seule présence ; par les changements qu'il y apporte, l'homme l'amène à servir à ses fins, il la domine. Et c'est en cela que consiste la dernière différence essentielle entre l'homme et le reste des animaux" (1). Les sociétés humaines tentent d'adapter le milieu naturel à leurs besoins et d'exploiter au maximum ses richesses. Un double rapport s'est donc établi tout au long de l'histoire entre l'humanité et la nature : transformation mais aussi déprédation (c'est-à-dire un pillage entraînant la destruction). Sous les modes de production qui ont précédé le capitalisme (le communisme primitif, l'esclavagisme et le féodalisme), la nature exerçait une domination écrasante sur l'homme et la capacité de ce dernier à la modifier était très limitée. Ce rapport s'inverse radicalement avec le capitalisme. En premier lieu, les forces productives (machines, moyens de transport, les évolutions industrielles et agricoles) ont atteint une importance inédite. En second lieu, le capitalisme se répand dans le monde entier, soumettant tous les pays au pouvoir de son mode de production. Enfin, l'exploitation des recours naturels (agriculture, pêche, minerai, bétail...) devient systématique et extensive, altérant profondément les cycles et processus naturels (climat, régénération des terres cultivées, forêts, cours d'eau...). Pour la première fois, l'homme développe ainsi des forces productives qui épuisent les ressources naturelles existantes et les transforment irrémédiablement.

Cette capacité de la société humaine à transformer son milieu naturel constitue un progrès historique très important. Mais le capitalisme fait que ce progrès se manifeste fondamentalement par son côté négatif et destructeur. Les transformations réalisées par le capitalisme s'opèrent de façon chaotique et anarchique, oeuvrant dans le court terme, sans prendre en compte les conséquences à plus long terme. De plus, le capitalisme a développé les forces productives dans un carcan monstrueux : la division en classes et la concurrence féroce entre nations et entre entreprises. Il ne peut donc qu'engendrer, par nature, des dégâts sur le système écologique mondial dont les résultats catastrophiques commencent à être évidents et annoncent une perspective encore plus dramatique.

En tant que produit d'une longue évolution historique, les forces productives ont certes atteint un développement fantastique avec le capitalisme mais ce système reste profondément destructeur. Engels rappelle, dans l'œuvre précédemment citée, que "nous avons dompté les forces de la nature et les avons contraintes au service des hommes ; nous avons ainsi multiplié la production à l'infini, si bien qu'actuellement un enfant produit plus qu'autrefois cent adultes. Et quelle en est la conséquence ? Surtravail toujours croissant et misère de plus en plus grande des masses, avec, tous les dix ans, une grande débâcle". Le corps et l'esprit des travailleurs souffrent des ravages du capitalisme : destruction physique et psychologique, misère morale et matérielle, concurrence farouche, atomisation, parcellarisation extrême des capacités humaines, monstrueusement développées dans certains cas et castrées non moins monstrueusement dans d'autres. On arrive à un paradoxe terrible : "A mesure que l'humanité maîtrise la nature, l'homme semble devenir l'esclave de ses pareils ou de sa propre infamie. Même la pure lumière de la science semble ne pouvoir luire autrement que sur le fond obscur de l'ignorance. Toutes nos découvertes et tous nos progrès semblent avoir pour résultat de doter de vie intellectuelle les forces matérielles et de dégrader la vie humaine à une force matérielle" (2).

Le camarade qui nous écrit s'interroge sur la capacité du capitalisme à empêcher à temps la catastrophe qu'il a provoquée. Nous pensons que les lois et les contradictions internes du système non seulement l'empêchent d'y mettre un terme mais qu'il ne peut que l'aggraver, encore et encore. Le besoin de produire pour produire, d'accumuler pour accumuler, pousse le capitalisme à s'embourber dans des contradictions insolubles : "Aiguillonné par la compéti­tion, par la rivalité anarchique des unités capitalistes luttant pour le contrôle des marchés, il obéit à une force interne pour s'étendre aux limites les plus lointaines possibles, et dans sa marche sans trêve vers son auto-expansion, il ne peut pas s'arrêter pour prendre en considération la santé ou le bien-être de ses producteurs, ou les conséquences écologiques de ce qu'il produit et comment il le produit" (3).

La décadence du capitalisme et la destruction de l'environnement

Tous ces phénomènes se retrouvent dès la naissance du capitalisme, mais ils atteignent un paroxysme durant sa période de décadence. Quand la majeure partie de la planète est incorporée au marché mondial, au début du XXe siècle, la décadence du capitalisme commence et alors "la destruction impitoyable de l'environnement par le capital prend une autre dimension et une autre qualité [...]. C'est l'époque dans laquelle toutes les nations capitalistes sont obligées de se concurrencer dans un marché mondial sursaturé ; une époque, par conséquent, d'économie de guerre permanente, avec une croissance disproportionnée de l'industrie lourde ; une époque caractérisée par l'irrationnel, le dédoublement inutile de complexes indus­triels dans chaque unité nationale, le pillage désespéré des ressources naturelles par chaque nation" (Revue internationale no 63).

Déjà, durant la période ascendante du capitalisme, au xixe siècle, Marx et Engels avaient, en de nom­breuses occasions, dénoncé la façon dont la soif de profit de ce système empoisonnait les conditions de travail et d'existence de la classe ouvrière. Ils considéraient même que les grandes cités industrielles étaient dès cette époque devenues trop grandes pour fournir des bases de commu­nautés humaines viables et ils considéraient "l'abolition de la séparation entre les villes et la campagne" comme une composante à part entière du programme communiste. Ce problème s'est dramatiquement aggravé pendant la décadence, période pendant laquelle nous avons vu la prolifération de mégapoles de 10 ou 20 millions d'êtres humains, qui entraînent de gigan­tesques problèmes de pollution, d'approvisionnement en eau, d'élimination des ordures, d'épuration des eaux résiduelles, etc., ce qui donne naissance à de nouvelles sources de destruction de l'équilibre écologique, de maladies, de malformations, etc. Mais la décadence du capitalisme ajoute aussi un autre phénomène qualitativement nouveau. Durant des siècles, l'humanité a souffert des stigmates de la guerre, mais les guerres du passé ne peuvent en rien se comparer aux guerres des xxe et xxie siècles, que les marxistes qualifient d'un terme qui reflète leur nouveauté historique : la guerre impérialiste. Ne pouvant ici approfondir ce thème (4), nous nous limiterons à signaler que ses effets sur l'environnement sont dévastateurs : destructions nucléaires, développement d'agents pathogènes à travers l'utilisation d'armes bactériologiques et chimiques, altération brutale de l'équilibre écologique par l'usage massif de combustibles fossiles et d'armements nucléaires, etc. Le solde de plus d'un siècle de guerres impérialistes sur l'environnement reste à évaluer, puisqu'il est pour l'instant nié ou radicalement sous-estimé par la bourgeoisie (5).

La révolution prolétarienne ouvre la perspective d'une transformation radicale du rapport entre l'homme et la nature

Les problèmes écologiques globaux demandent une solution globale. Mais en dépit de toutes les conférences internationales, en dépit de tous les vœux pieux sur la coopération internationale, le capitalisme est irréductiblement fondé sur la compétition entre des économies nationales. Nous ne pouvons rien attendre du capitalisme. Il est significatif que le livre de l'ancien vice-président des Etats-Unis, pays le plus pollueur de la planète, Al Gore, ne propose essentiellement, sous un titre apparemment "audacieux" (Une vérité qui dérange), que des mesures aussi grotesques que de manger moins de viande, laver la vaisselle à la main, d'utiliser des étendoirs pour sécher le linge ou de travailler depuis chez soi !

Face à un problème aux dimensions planétaires qui dérive, comme nous l'avons vu, du rapport entre l'organisation sociale et l'organisation de la nature, ce Monsieur ne fait que révéler l'impuissance des représentants du capital qui sont incapables de proposer autre chose qu'un catalogue de "bonnes mœurs citoyennes" aussi ridicules qu'inutiles. Al Gore nous propose "d'adopter une conduite verte irréprochable" et, en rejetant la responsabilité du désastre écologique sur le "citoyen", tente de nous rendre responsables de tous les maux de la terre pour, en fin de compte, innocenter le véritable coupable des désastres qui nous menacent.

Nous devons crier bien haut, à l'encontre d'Al Gore et autres propagandistes de la pensée "verte", cette vérité dérangeante pour le capitalisme : "Dans la phase actuelle de décomposition avancée, la classe dominante perd de plus en plus le contrôle de son système social. L'humanité ne peut plus se permettre de laisser le sort de la planète entre les mains des bourgeois. La "crise écologique" est une preuve de plus que le capitalisme doit être détruit avant qu'il n'entraîne l'ensemble du monde dans l'abîme" (Revue internationale no 63).

La révolution prolétarienne doit supprimer les Etats et les frontières nationales, éliminer la division de la société en classes, en finir avec la production marchande et l'exploitation de l'homme par l'homme, détruire le système qui conduit tant à l'anéantissement du genre humain qu'à celle de l'environnement écologique de la planète. La société à laquelle aspire le prolétariat se base sur la communauté humaine mondiale, qui planifie consciemment la production sociale et qui porte en elle un rapport harmonieux avec le milieu naturel. Les rapports de fraternité et de solidarité, de conscience collective, que contient la communauté humaine mondiale, s'étendent naturellement aux rapports avec l'environnement.

CCI (24 février 2008)

 

1) Engels précise aussi dans cet ouvrage que l'humanité fait partie intégrante du milieu naturel et n'est en aucun cas un élément extérieur : "Et ainsi les faits nous rappellent à chaque pas que nous ne régnons nullement sur la nature comme un conquérant règne sur un peuple étranger, comme quelqu'un qui serait en dehors de la nature, mais que nous lui appartenons avec notre chair, notre sang, notre cerveau, que nous sommes dans son sein et que toute notre domination sur elle réside dans l'avantage que nous avons sur l'ensemble des autres créatures de connaître ses lois et de pouvoir nous en servir judicieusement".

2) Marx, Discours lors de l'anniversaire du People's Paper, 1856.

3) Revue internationale no 63, "C'est le capitalisme qui pollue la planète" [97].

4) Lire "Qu'est-ce que l'impérialisme ?" [98] .

5) Lire par exemple "Irak, Afghanistan, Kosovo : sur les ravages des armes à l'uranium appauvri". [99]

 

Récent et en cours: 

  • Crise économique [34]

Crise alimentaire : le capitalisme va nous faire mourir de faim

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L'article publié ici nous a été envoyé par les camarades du groupe Internasyonalismo des Philippines. Il nous montre ce que valent vraiment les larmes de crocodile que verse la classe dominante philippine, aussi bien au pouvoir que dans l'opposition, sur les souffrances de la population dues à la crise alimentaire. Cette crise est le résultat, non pas de mauvaises récoltes, mais de la soif insatiable de profit de l'économie capitaliste. Les premières victimes sont la classe ouvrière et les masses déshéritées, frappées de plein fouet par l'augmentation massive des prix des denrées alimentaires. Et ce fléau n'est pas prêt de s'arrêter puisque l'irresponsabilité cynique de la classe capitaliste détruit progressivement le système écologique dont dépend la production de nourriture de l'humanité.

L'analyse de l'article se concentre sur le rôle de la production de biocarburants et la dégradation des zones productrices de riz par la surexploitation agricole. A notre avis, un point devrait être ajouté : le rôle joué par le détournement de capitaux spéculatifs du marché immobilier aux Etats-Unis et en Europe, vers les marchés de biens de consommation - et, en particulier, les futurs marchés de denrées alimentaires. Selon Jean Ziegler, rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à l'alimentation, 30 % de l'augmentation peuvent être directement attribués à la spéculation.

La crise alimentaire mondiale

n'a attiré que très récemment l'attention des médias, mais c'est un phénomène qui s'est développé régulièrement depuis des décennies. Les émeutes de la faim de Haïti au Bengladesh, du Pakistan à l'Egypte, peuvent avoir amené au premier plan de l'attention mondiale l'élévation vertigineuse des prix des matières premières, mais le fait reste que c'est le résultat direct de décennies de ravages du capitalisme. Pendant un temps, les gouvernements nationaux, comme celui d'Arroyo, ont essayé d'ignorer les signes de la crise en gestation, même quand les prix du riz sur le marché public grimpaient de façon vertigineuse (jusqu'à 34 % d'augmentation par an aux Philippines).1La présidente des Philippines a même ironisé sur le fait qu'il n'y avait rien qui ne ressemblait à une pénurie de riz puisque "c'est un phénomène physique dans lequel les gens font la queue dans les rues pour acheter du riz. Voyez-vous des queues aujourd'hui ?" (2). Le monde connaît actuellement une inflation des prix des denrées alimentaires sans précédent à l'échelle mondiale, affectant en particulier les produits de base les plus importants comme le maïs, le riz et le blé. Selon la FAO (Food and Agricultural Organization des Nations-Unies), entre mars 2007 et mars 2008, les prix ont augmenté de 88 % pour les céréales, de 106 % pour les huiles et les graisses et de 48 % pour les produits laitiers. Un rapport de la Banque Mondiale souligne par ailleurs que dans les 36 mois précédant la fin février 2008, le prix global des denrées alimentaires avait augmenté de 83 % et s'attend à ce que la plupart des prix de ces denrées reste jusqu'à 2015 bien au dessus des niveaux de 2004 (3). En Thaïlande, la variété de riz la plus populaire, qui se vendait 198 dollars la tonne il y a 5 ans, a atteint un record avec plus de 1000 dollars la tonne le 24 avril 2008 (4). Le même phénomène se répète dans le monde entier. Rien qu'aux Philippines, le prix au détail du riz est passé de 60 centimes de dollar par kilo il y a un an à 72 cents le kilo aujourd'hui. Dans un pays où 68 millions de ses 98 millions d'habitants vivent avec 2 dollars par jour ou moins (5), c'est devenu un horrible cauchemar.

La crise alimentaire est le résultat inévitable de la crise permanente du capitalisme depuis la fin des années 1960. Les différentes économies nationales se battent pour rester à flot dans un monde où la concurrence est intense sur un marché mondial déjà saturé. En conséquence, les gouvernements adoptent des politiques destinées à favoriser la croissance des industries qui vont injecter plus de dollars dans leur économie plutôt que de couvrir les besoins de leur population. Avec la combinaison de l'utilisation sans limite des ressources naturelles et de la carte de la production industrielle pour le profit, qui augmente les niveaux de pollution et l'émission de gaz à effet de serre à l'échelle mondiale, la recette capitaliste fournit à l'humanité les ingrédients de sa propre destruction. Dans le domaine de la production agricole, l'utilisation de produits azotés et la surexploitation des sols pour doper les productions agricoles ont détruit la productivité des centres autrefois fertiles. S'il est vrai que l'application de méthodes de culture plus élaborées au début des révolutions vertes a conduit dans le monde entier à des accroissements de productivité, nous avons vu aussi des chutes graduelles de la production agricole dans beaucoup de parties du monde. Selon un rapport de l'Institut des sciences dans la société, basée à Londres : "En Inde, le rendement en céréales par unité d'engrais utilisé a diminué des deux tiers pendant les années de la Révolution Verte. La même chose se produit partout. Entre 1970 et 2000, l'augmentation annuelle de l'emploi d'engrais pour le riz a dépassé de 3 à 40 fois l'augmentation du rendement en riz. [...] Cependant, c'est la chute absolue des rendements malgré les injections massives d'engrais qui a finalement fait éclater la bulle de la Révolution Verte. Dans les années 1990, après des augmentations spectaculaires dans les premiers temps de la Révolution Verte, les rendements ont commencé à baisser. Dans le Luzon Central (Philippines), les rendements du riz ont régulièrement augmenté pendant les années 1970, plafonné au début des années 1980 et ne font que décroître depuis. Des schémas similaires sont observés dans les systèmes de culture de riz et de blé en Inde et au Népal. [...] Depuis 2000, les rendements ont encore diminué à tel point que sur 6 des 7 dernières années, la production de blé est tombée en dessous du niveau de la consommation" (6).

La quête du profit dans un système décadent pris dans son propre réseau de contradictions a entraîné la destruction de la fertilité naturelle des sols. Ils sont épuisés. S'il est vrai que l'économie mondiale produit encore plus de nourriture que ce dont le monde a besoin, une bonne quantité de ce qui est produit et distribué par le commerce capitaliste mondial est détérioré avant d'arriver sur le marché, et quand elle arrive, des millions de gens n'ont pas de quoi l'acheter. En dernière analyse, le point final de cette crise est la paupérisation de la classe ouvrière et la chute de la majeure partie de l'humanité dans la pauvreté abjecte et dans le dénuement. Mais après tout, le souci premier du capitalisme a toujours été d'accumuler de la plus-value, jamais de satisfaire les besoins de la société.

La "crise du riz" aux Philippines

Selon Arturo Yap, secrétaire du Département d'Agriculture des Philippines, "nous n'avons pas une crise alimentaire mais plutôt une crise du prix du riz. Tous, nous cherchons des solutions innovatrices dans notre pays - comment résoudre non seulement la question de l'approvisionnement mais aussi celle du prix, comment arriver à ce que les familles pauvres puissent manger". Il dit qu'il y a cinq problèmes essentiels à la "crise du riz" actuelle aux Philippines que le gouvernement doit essayer de résoudre : premièrement, une demande accrue du fait de l'augmentation de la population ; deuxièmement, les effets des changements climatiques ; troisièmement, la demande de biocarburants qui a explosé ; quatrièmement, la conversion continuelle de terres agricoles en terres pour d'autres usages ; enfin, le mauvais entretien des systèmes d'irrigation. A première vue, on peut trouver valables en tant que telles les prétendues causes de "la crise du riz" aux Philippines. Mais le fait est que, derrière tout cela, il y a une vérité indéniable : le cadre réel dans lequel sont apparues toutes les raisons énumérées qui est, en dernière analyse, leur cause fondamentale - c'est bien le système capitaliste mondial de production. Premièrement, la "demande accrue du fait de l'augmentation de population" n'est rien d'autre qu'une excuse pour cacher que ce qui est produit par l'économie capitaliste mondiale est plus axé sur la production de plus-value que sur la satisfaction des besoins de l'humanité. Deuxièmement, les effets des changements climatiques sur la production agricole sont aussi le résultat direct du système de production capitaliste. Par exemple, ce n'est pas l'industrialisation en elle-même qui est responsable des changements climatiques, mais "la recherche d'un profit maximal et l'indifférence qui en découle vis-à-vis des besoins écologiques et humains" (7). Tous les Etats, y compris celui des Philippines qui reconnaît que la dégradation de l'environnement pèse lourd, sabotent la recherche de sources d'énergies alternatives, plus favorables pour l'environnement. Troisièmement, la demande croissante en biocarburants sur la production agricole est en elle-même une conséquence de la politique de tous les Etats, y compris celle du gouvernement Arroyo, qui recherche des énergies alternatives pour soulager le poids de la dépendance de leur production industrielle vis-à-vis de l'approvisionnement extérieur en pétrole. Par-dessus le marché, abaisser les dépenses en pétrole pour des "motifs sociaux" augmente aussi la capacité de chaque Etat de dépenser plus pour la production militaire et pour la guerre. Ce n'est pas tant une préoccupation pour l'environnement qui mène à la politique de développement des biocarburants, mais le besoin de chaque capital national de se rendre indépendant vis-à-vis du pétrole. Il est intéressant de noter que dès la Seconde Guerre mondiale, les biocarburants avaient déjà été utilisés dans les efforts de guerre autant par les puissances alliées que par celles de l'Axe, comme les Etats-Unis ou l'Allemagne nazie. Aux Philippines, la transformation de la production agricole selon les besoins de l'industrie des biocarburants correspond aux efforts du gouvernement philippin de produire des récoltes à plus haute valeur afin de rechercher des sources supplémentaires de revenus en dollars. Quatrièmement, la transformation continuelle de terres cultivables en parcelles, terrains de golf, complexes industriels, est aussi le résultat direct de la politique gouvernementale en matière d'agriculture, en particulier aux Philippines. Les décennies du vieux CARP (Comprehensive Agrarian Reform Program) ont été à la fois un échec et un désastre. A l'époque où l'intense concurrence capitaliste sur le marché mondial détruit la petite production agricole à cause du coût élevé des cultures et de l'endettement croissant, les fermiers sont obligés soit d'abandonner leurs terres, soit de se soumettre à des arrangements précaires en tant que cultivateurs sous contrat avec de gros consortiums, une pratique qui est celle qui prévaut dans la région de Mindanao aux Philippines (8). En ce qui concerne le problème récurrent de la négligence absolue au niveau du système d'irrigation aux Philippines, la mauvaise gestion et la corruption, du gouvernement sont une expression de la décomposition des formes idéologiques dans la décadence capitaliste, dans laquelle le "chacun pour soi" règne en maître.

Comme on pouvait s'y attendre de la part d'un Etat bourgeois confronté à une crise de grande ampleur au sein de la décadence capitaliste, l'Etat philippin, avec le régime Arroyo, a répondu au problème sous la forme d'une intervention active de l'Etat - un changement qui est soutenu et fortement mis en avant par toutes les formations gauchistes aux Philippines. La gauche et la droite du capital sont unies pour brandir le slogan selon lequel il n'y a plus que l'Etat qui puisse sauver les ouvriers et les plus pauvres parmi les pauvres des affres de la faim et du dénuement. Elles passent complètement sous silence le fait que l'Etat, qu'elles encouragent à plus intervenir, est le véritable organe qui impose la dictature bourgeoise, qui protège la source même de l'esclavage et des souffrances - le capitalisme. En essayant d'être plus "radicaux", en parole et en contenu, les différents courants gauchistes font pression pour que le contrôle de l'Etat sur la société soit absolu et agressif. La "critique" gauchiste selon laquelle ce que ferait l'Etat ne serait pas "suffisant" - "relever" le budget pour l'agriculture, donner des "subsides pour le riz" aux "plus pauvres des pauvres", concurrencer les commerçants privés en achetant et en vendant du riz - et qu'il manque une "volonté politique", tout cela montre clairement que les gauchistes veulent un contrôle absolu de l'Etat. Ils en arrivent même à brandir le vieux dogme de la dictature du parti et du totalitarisme - le contrôle complet, englobant toute la vie, de l'Etat comme dans les pays dits "socialistes" qu'ils soutiennent comme étant des "vestiges" de la Révolution d'Octobre.

Il n'y a pas de solution à la crise dans le système capitaliste

La gauche et la droite du capital sont unies pour mettre en avant des programmes mystificateurs qui cachent le fait qu'il n'y a pas de solution à la crise dans le cadre de ce système. Les contradictions entre les forces et les rapports de production sont déjà à leur summum. Il n'y a pas d'intervention réformiste et temporaire de l'Etat pouvant changer le fait que, quelle que soit la solution qui puisse être avancée dans le cadre du capitalisme, elle ne fera que conduire à une crise et à une destruction plus intense de l'environnement. Toute solution effective que l'Etat peut avancer ne représentera qu'un fardeau encore plus lourd pour la classe ouvrière et les masses travailleuses. Même si l'Etat exerçait un contrôle absolu sur la vie économique de la société, la crise continuerait à s'intensifier, du fait de la saturation du marché mondial et de l'incapacité de la population à absorber toute la production de biens de consommation en excès dans un système qui ne vit que de la concurrence et du profit. L'histoire a déjà prouvé que le capitalisme d'Etat et le totalitarisme sont de vaines réponses du capital confronté à une crise permanente qui s'intensifie. La chute de l'URSS et de l'Europe de l'Est dans les années 1990 en est un témoignage irréfutable.

La solution de la crise ne se trouve pas dans un système agonisant, mais en-dehors de lui. Elle est dans les mains de la seule classe révolutionnaire qui détient les germes de la future société communiste, la classe ouvrière. La solution n'est pas sur la voie du capitalisme, ni dans la voie des réformes et de la transformation pacifique du capitalisme en socialisme. La solution ne se trouve pas dans le contrôle absolu de l'Etat sur la vie économique de la société, mais dans la destruction du capitalisme lui-même et de l'Etat bourgeois qui lui sert d'appareil de domination. En d'autres termes, la solution à la crise alimentaire, c'est de détruire le système de production basé sur le profit et d'établir un système dont la production toute entière sera réalisée pour les besoins de l'humanité. La première étape dans cette direction et vers la transformation révolutionnaire de la société n'est pas la démarche réformiste des différentes organisations gauchistes, pas plus qu'elle n'est représentée par l'intervention absolutiste de l'Etat. Elle n'est pas sur la route pacifique et "légaliste" des "lakbayan" (marches de protestation) popularisées par les formations gauchistes aux Philippines. Elle n'est pas sur la route du syndicalisme non plus. Elle se trouve entre les mains de la classe ouvrière elle-même (9), qui se confronte aux attaques du capital sur son propre terrain, avec ses propres organes unitaires de lutte - les assemblées ouvrières, la préfiguration des conseils ouvriers.

Travailleurs du monde entier, unissez vous ! Ce n'est que sur ce chemin de l'unité de la classe que pourra se produire le plus haut moment inévitable du mouvement prolétarien : la révolution prolétarienne mondiale.

Internasyonalismo (7 mai 2008)

 

1) Voir Environment News Service pour un rapport en anglais ou le site des Nations-Unies pour un rapport en français

2) Gil C. Cabacungan Jr., Mise en garde d'Arroyo sur la crise du riz, Philippine Daily Inquirer, 24 mars 2008.

3) Rising Food Prices : Options Politiques et Réponse de la Banque Mondiale, page 2, (souligné par nous).

4) "Bangkok, 24 avril - les prix du riz thaï benchmark ont fait un bond de plus de 5 % avec un record à plus de 1000 dollars la tonne jeudi, et les traders chez les principaux exportateurs du monde espéraient de meilleurs gains encore si les acheteurs d'Iran et d'Indonésie viennent sur le marché" (dépêche de l'agence Reuters citée dans Flex News)

5) Office national des statistiques, Le revenu familial et les dépenses en 2006, publié le 11 janvier 2008.

6) Beware the News "Doubly Green Revolution", ISIS Press Release, 14/01/08.

7) "Chaos impérialiste, désastre écologique, le capitalisme en perdition", Revue internationale no 129.

8) "L'association Soyapa Farms Gro­wers emploie 360 ouvriers contractuels, des adultes et des enfants. L'association s'est formée à l'initiative de Stanfilco il y a six ans, quand elle a convaincu ses membres de faire pousser des bananes. Ce n'est pas une coopérative - chaque éleveur garde la propriété de son lopin individuel et chacun a un contrat individuel pour vendre ses bananes à Dole" ("La guerre de la banane aux Philippines", 8 juillet 1998, Melissa Moore sur www.foodfirst.org [100]).

9) "L'émancipation de la classe ouvrière sera l'œuvre de la classe ouvrière elle-même, la lutte pour l'émancipation des classes travailleuses ne signifie pas lutter pour des privilèges de classe et de monopoles, mais pour l'égalité des droits et des devoirs et l'abolition de toute domination de classe", Association Internationale des Travailleurs, Règles générales, octobre 1864, souligné par nous.


Récent et en cours: 

  • Crise économique [34]

Révolution Internationale n° 393 - septembre 2008

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La bourgeoisie ne peut pas éviter la faillite du capitalisme

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Il y a un peu plus d'un an maintenant, la crise de l'immobilier qui s'ouvrait aux Etats-Unis (la désormais célèbre "crise des subprimes") donnait le coup d'envoi à une brutale accélération de la crise économique mondiale. Depuis lors, l'humanité est touchée de plein fouet par une véritable vague de paupérisation. Subissant les affres de l'inflation (en quelques mois, les denrées alimentaires de base ont plus que doublé dans de nombreuses régions du monde), les couches de la population les plus démunies ont été confrontées à l'horreur de la famine. Les émeutes de la faim qui ont explosé du Mexique au Bengladesh, en passant par Haïti et l'Egypte, ont représenté une tentative désespérée de faire face à cette situation insoutenable. Au cœur même des pays les plus industrialisés, les conditions de vie de toute la classe ouvrière se sont profondément dégradées. Un seul exemple : plus de deux millions d'Américains, dans l'incapacité de rembourser leurs emprunts, ont été expulsés de leur maison. Et un million de personnes encore sont menacées de se retrouver à la rue d'ici 2009.

Cette dure réalité ressentie dans leur chair par les ouvriers et toutes les couches non-exploiteuses du monde ne peut plus être niée par la bourgeoisie. Les déclarations des responsables des institutions économiques comme celles des analystes financiers ne peuvent même plus aujourd'hui dissimuler leur inquiétude :

• "Nous sommes confrontés à l'un des environnements économiques et de politique monétaire les plus difficiles jamais vu" (d'après le président de la Réserve fédérale américaine, la FED, le 22 août).

• La "conjoncture" actuelle est "la plus difficile depuis plusieurs décennies" (d'après HSBC, la "plus grande banque du monde", citée par Libération le 5 août 2008).

• Il s'agit d'un "interminable krach" (titre du Point daté du 24 juillet).

• "Pour l'économie, la crise est un tsunami qui approche" (J.Attali, économiste et homme politique français, dans le Monde du 8 août 2008).

Les rayons "Economie" des librairies se remplissent de livres aux titres qui proclament eux-aussi le caractère catastrophique de la situation. De La grande crise monétaire du XXIe siècle a commencé de P. Leconte à L'implosion, la finance contre l'économie de P. Jorion, ces ouvrages nous annoncent tous un avenir carrément cataclysmique.

La crise économique mondiale actuelle est donc particulièrement grave mais cela, la classe ouvrière le savait déjà, elle qui en subit la première ses brutales conséquences. La vraie question est de savoir s'il s'agit d'un simple mauvais passage, d'une sorte de "trou d'air" ou, mieux, d'une "purge salvatrice" permettant aujourd'hui à l'économie mondiale de punir les excès de la finance pour, demain, repartir de plus belle. A en croire tous les plumitifs de la classe dominante, il ne peut en être autrement. "Je suis convaincu que 2010 devrait être une année de fort retour à la croissance" affirme ainsi J.Attali dans le même journal, et la bourgeoisie de reprendre en cœur "oh oui, nous en sommes convaincus". Mais est-ce la réalité ? L'accélération actuelle de la crise ne démontre-t-elle pas quelque chose de beaucoup plus profond : la faillite historique du capitalisme ?

1967-2007 : quarante ans de crise

En fait, la crise n'a pas commencé en 2007 mais à la fin des années 1960. A partir de 1967 en effet, de graves troubles monétaires s'accumulent et les grandes économies nationales voient peu à peu leurs taux de croissance diminuer. C'est la fin de la période de "prospérité" des années 1950 et 1960, ce que la bourgeoisie appela "les Trente Glorieuses" (1). Cela dit, en 1967, cette crise n'éclate pas avec la violence et l'aspect spectaculaire du krach de 1929. La raison en est simple. Les Etats avaient tiré les leçons de la période noire de l'entre-deux-guerres. Pour empêcher que l'économie ne soit à nouveau submergée par la surproduction et ne se bloque, ils ont eu recours à un artifice : l'endettement systématique et généralisé. Par cet endettement des Etats, des entreprises et des particuliers, "la demande" s'est maintenue à peu près au niveau de "l'offre" ; autrement dit, les marchandises se sont écoulées à coup d'emprunts.

Mais l'endettement n'est qu'un palliatif, il ne guérit pas le capitalisme de la maladie de la surproduction. Incapable de se "soigner" réellement, ce système d'exploitation doit avoir recours sans cesse et de manière croissante à cet artifice. En 1980, le montant de l'endettement aux Etats-Unis était à peu près égal à la production nationale. En 2006, la dette était 3,6 fois plus grande (soit 48  300 milliards de dollars) ! Il s'agit d'une véritable fuite en avant. Le capitalisme vit sur une montagne de dette, c'est un fait indéniable ; mais les spécialistes bourgeois nous rétorquent que peu importe puisque cela fonctionne. La réalité est toute autre. L'endettement n'est pas une solution magique, le capital ne peut pas indéfiniment sortir de l'argent de son chapeau. C'est le b-a-ba du commerce : tout endettement doit un jour être remboursé sous peine d'engendrer, pour le prêteur, de sérieuses difficultés pouvant aller jusqu'à la faillite. Nous revenons donc en quelque sorte à la case départ, le capital n'a fait que gagner du temps face à sa crise historique. Pire ! En reportant ainsi les effets de sa crise au lendemain, il a préparé en réalité des convulsions économiques plus violentes encore. La bourrasque de la crise asiatique de 1997, son aspect fulgurant et dévastateur en avait constitué une démonstration vivante. A l'époque, les fameux tigres et dragons asiatiques connaissaient une croissance record grâce à un endettement massif. Mais le jour où il fallut rembourser, tout s'écroula comme un château de carte. En quelques semaines, cette région fut tout simplement exsangue (un millions de chômeurs supplémentaires en quelques semaines en Corée, par exemple). Et la bourgeoisie n'eut alors d'autre choix, pour éviter que cette tempête ne se propage à l'économie mondiale, que de recourir à de nouveaux prêts, à coups de centaines de millions de dollars. Il s'agit d'une spirale infernale... et qui s'accélère ! Peu à peu, le "remède" devient de moins en moins efficace et le malade doit, pour survivre, sans cesse augmenter les doses. Cette fois les effets de la perfusion de 1997 ne durèrent que quatre ans. En 2001, en effet, la bulle Internet éclate. Devinez quelle fut la "solution" de la bourgeoisie ? Une augmentation spectaculaire de l'endettement ! Les autorités économiques américaines, conscientes de l'état réel de leur économie et de sa dépendance à la perfusion de crédits, ont à ce point fait tourner la machine de l'endettement qu'un analyste de la banque ABN-AMRO surnomma le directeur de la FED de l'époque, A.Greenspan, "d'Hercule de la planche à billets" !

Le rythme de la crise s'accélère brutalement

1967-2007 est donc une longue période de crise avec ses phases d'accalmie puis de récession plus ou moins profondes. Mais depuis une décennie, l'histoire semble accélérer et le nouvel épisode actuel apparaît comme une bourrasque particulièrement violente. La montagne de dettes accumulées durant quatre décennies s'est transformée en véritable Everest suite aux crises de 1997 et 2001 et le capital en dévale aujourd'hui la pente.

Pendant une décennie, la bourgeoisie américaine a facilité à l'extrême l'accès au crédit immobilier aux couches les plus défavorisées de la classe ouvrière. Mais en même temps, à cause de la crise, elle l'a appauvrie en licenciant, en précarisant, en baissant les salaires, en détruisant l'accès aux soins, etc. Le résultat était inévitable : une bonne partie de ceux que les banques ont poussé à s'endetter pour acheter une maison (ou à hypothéquer leur logement pour acheter tout simplement de la nourriture, des vêtements...) n'ont plus été en situation de pouvoir rembourser. Ne voyant pas "leur" argent revenir, les banques ont accumulé les pertes, des pertes tellement importantes que de plus en plus d'établissements financiers sont en faillite ou menacés de faillite. Or, par le biais de la "titrisation" (c'est-à-dire de la transformation des créances en valeurs mobilières échangeables sur le marché mondial comme les autres actions et obligations), les organismes prêteurs sont parvenus à revendre leurs créances à des banques dans tous les pays. C'est pourquoi la crise des "subprimes" a touché le système bancaire dans le monde entier. Aux Etats-Unis, la faillite de la banque Indymac est la plus importante depuis 1982. Sans l'aide des banques centrales, la banque suisse UBS, qui est l'une des plus grandes banques du monde, aurait fait banqueroute elle aussi. Et puisque c'est toujours la classe ouvrière qui paie les pots cassés, les banques ont supprimé 83  000 emplois dans le monde depuis début 2007 et ce chiffre pourrait doubler dans les mois qui viennent (les Echos, 24 juin 2008).

La banque est le cœur de l'éco­nomie, c'est elle qui concentre tout l'argent disponible : si elle n'est plus là, les entreprises s'arrêtent parce qu'elles ne peuvent plus payer les salaires, ni acheter les matières premières et les machines ; surtout, elles ne peuvent plus contracter de nouveaux prêts. Or, même les banques qui ne sont pas en faillite sont de plus en plus frileuses pour accorder un prêt de peur de ne pas être remboursées dans le climat économique actuel.

La conséquence est inexorable : l'activité économique ralentit aujourd'hui brutalement. Dans la zone euro, le PIB a baissé de 0,2 % au deuxième trimestre 2008. Dans l'industrie, c'est par milliers que Peugeot, Altadis, Unilever, Infineon suppriment des emplois. General Motors est menacé purement et simplement de faillite et annonce comme possible la suppression de 73  000 emplois (le Figaro, 10 mars 2008). Lorsque la direction de Renault affirme, au moment où elle annonce 5000 suppressions d'emplois, "Il vaut mieux le faire quand vous commencez à voir le vent tourner plutôt que quand la tempête est là" (le Monde, 25 juillet 2008), il faut entendre qu'il y a vraiment le feu à la maison et que le pire est à venir pour la classe ouvrière !

L'économie capitaliste peut-elle sortir du tunnel ?

Mais une question vient immédiatement à l'esprit : pourquoi ne pas continuer à accroître l'endettement comme après l'éclatement de la bulle Internet ? N'y aurait-il plus "d'Hercule de la planche à billets" à la Réserve Fédérale des Etats-Unis ou ailleurs ?

En fait, le fort retour actuel de l'inflation montre que l'endettement a atteint des limites qui ne peuvent pas être dépassées, pour le moment, sans quoi le remède serait pire que le mal. L'endettement signifie la création de quantités d'argent toujours plus considérables. D'après l'économiste P. Artus, "les liquidités augmentent de 20 % l'an depuis 2002". La création de telles masses d'argent ne peut engendrer que de fortes poussées inflationnistes  (2). De plus, les spéculateurs de la planète ont accentué cette tendance inflationniste en misant massivement sur le pétrole et les denrées alimentaires de base. Ne pouvant miser de façon classique en bourse sur les entreprises (compte-tenu de la crise), ni dans la nouvelle économie (qui a fait "flop" en 2001), ni dans l'immobilier (en train de s'écrouler), les spéculateurs se sont en effet tous rabattus sur ce que les gens sont obligés d'acheter, le pétrole et la nourriture, quitte à plonger dans la famine une partie de l'humanité ! (3)

Le danger est grand pour l'économie capitaliste. L'inflation est un véritable poison, elle peut entraîner l'effondrement des monnaies et le dérèglement du système monétaire mondial. L'affaiblissement du dollar en prend actuellement le chemin. Si un tel événement se produisait, cela entraînerait un blocage du commerce mondial puisque la monnaie américaine constitue la référence internationale. Il est d'ailleurs tout à fait significatif que les directeurs des grandes banques centrales (la FED, la BCE...) dans toutes leurs interventions nous disent toujours deux choses contradictoires. D'une part, pour éviter la récession, ils disent qu'il faut lâcher encore un peu plus la bride au crédit, qu'il faut baisser les taux d'intérêt pour développer la demande. D'autre part, ces mêmes directeurs veulent combattre l'inflation ce qui veut dire... augmenter les taux d'intérêt pour freiner l'endettement ! Ces grands bourgeois ne sont pas schizophrènes, ils expriment ici simplement la contradiction réelle dans laquelle est enferré le capitalisme. Ce système est maintenant pris entre l'enclume de la récession et le marteau de l'inflation. En d'autres termes, la bourgeoisie va devoir dorénavant naviguer entre deux eaux : freiner l'endettement pour limiter l'inflation, tout en ne coupant pas trop les robinets du crédit afin de ne pas bloquer l'économie comme cela s'est passé en 1929. Bref, ils sont réellement dans une impasse.

Le capitalisme est dans l'impasse, l'avenir appartient au prolétariat

La récession actuelle est un nouvel épisode de la faillite historique du capitalisme particulièrement grave et violent. Cette crise qui dure depuis quarante ans vient de changer de rythme, elle marque une véritable accélération même s'il ne faut pas croire, qu'emporté par une sorte de "crise ultime", le capitalisme va se bloquer définitivement et "disparaître de lui-même. Ce qui est important, c'est que cette situation, jamais vue depuis 1929, va avoir des implications considérables sur les conditions de vie de la classe ouvrière comme sur le développement de ses luttes. La bourgeoisie va abattre ses foudres sur le prolétariat ; comme toujours, elle va lui faire payer sa crise. Et ici, une chose est certaine : aucunes des politiques économiques que nous proposent les différents partis (de l'extrême droite à l'extrême gauche), dans quelque pays que ce soit, ne peut améliorer la situation. C'est seulement la lutte de la classe ouvrière qui peut empêcher la bourgeoisie de prendre ses mesures drastiques. Or, l'inflation qui se développe, parce qu'elle touche tous les ouvriers, crée un terrain favorable à la lutte unie et solidaire. Le développement de la lutte de la classe ouvrière est non seulement le seul moyen qui peut empêcher la bourgeoisie de porter ses coups, mais c'est aussi le seul moyen réaliste d'ouvrir la voie à la destruction du capitalisme et à l'avènement d'une société -le communisme -dans laquelle les crises n'existeront plus parce qu'enfin on ne produira plus pour le profit mais pour satisfaire les besoins humains.

Vitaz (30 août)


1) Expression consacrée par l'ouvrage de référence de J. Fourastié : "Les Trente Glorieuses, ou la révolution invisible de 1946 à 1975", Paris, Fayard, 1979. Un débat a aujourd'hui lieu dans le CCI pour mieux comprendre les ressorts de cette période faste de l'économie capitaliste, débat que nous avons commencé à publier dans notre presse (lire "Débat interne au CCI : Les causes de la période de prospérité consécutive à la Seconde Guerre mondiale" [101] in Revue internationale n° 133, 2e trimestre 2008). Nous encourageons vivement tous nos lecteurs à participer à cette discussion lors de nos réunions (permanences, réunions publiques) par courrier [102] ou par mail [103] .

2) Nous ne pouvons pas, dans le cadre de cet article, développer et expliquer le lien entre la masse d'argent disponible et sa valeur. Simplement, chaque fois que la planche à billets tourne à plein régime, que de l'argent est créé et jeté sur le marché massivement, ce même argent perd de la valeur ce qui se traduit par une poussée d'inflation, c'est-à-dire, concrètement, une hausse généralisée des prix.

3) En passant, notons que la gauche de la gauche et les altermondialistes ne cessent de demander aux Etats de reprendre toutes les masses financières de la spéculation pour les réinjecter dans l'économie sous la forme de grands travaux par exemple. On voit ici la supercherie de cette proposition. Cela aurait pour effet essentiel d'aggraver l'inflation. En d'autres termes, ils nous proposent d'éteindre l'incendie avec de l'essence !

 

Récent et en cours: 

  • Crise économique [34]

Des sans-papiers embauchés... pour construire leur propre prison !

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L'Etat français est aussi un patron, et même le pire des patrons. Pour réaliser ses travaux au coût le plus bas, il fait toujours appel aux entreprises les plus compétitives, c'est-à-dire celles qui exploitent la main d'œuvre la moins chère et la plus corvéable. Et dans le bâtiment c'est bien connu, quoi de plus rentable qu'un sans-papier menacé d'expulsion.

C'est ainsi que cet été, des "clandestins" (terme utilisé par le Parisien du 9 août) ont été embauchés par un sous-traitant pour agrandir à Mesnil-Amelot (Seine-et-Marne) un centre de rétention administrative (CRA) ou, autrement dit, une prison pour sans-papiers !

Mais l'histoire, déjà assez cynique, n'est pas finie. Une entreprise de gardiennage, sans doute un peu zélée et convaincue par le ferme discours anti-immigré du gouvernement, repère ces sans-papiers et les signale, en "bon citoyen", aux forces de l'ordre. Catastrophe et embarras ! Embaucher des sans-papiers à bas-coût, oui, mais il ne faut pas que cela se sache. La réaction de l'Etat est immédiate : ordre est donné à la police nationale d'aller les chercher. Au final, trois immigrés furent arrêtés. Rapidement, la police en relâcha un mais avec un arrêt de reconduite à la frontière. Cette véritable épée de Damoclès signifie pour cet homme vivre dorénavant caché, la peur au ventre en permanence. Quant aux deux autres, comble de l'ironie, ils sont placés en rétention au centre de... Mesnil-Amelot, celui-là même sur lequel ils travaillaient !

Des immigrés construisant leur propre prison ? Toute la bourgeoise en rêvait, B. Hortefeux, ministre de l'Immigration, l'a fait !

Pawel (30 août)

 

Récent et en cours: 

  • sans-papiers [104]

Goodyear : un test pour intensifier l'exploitation de la classe ouvrière

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Fin juillet, la mesure, programmée déjà depuis plusieurs mois, tombe : Goodyear supprime 402 postes sur 1400 dans son usine de fabrication de pneus à Amiens-Nord dès le mois de septembre. La raison officielle invoquée ? La CGT et Sud, principaux syndicats de l'entreprise, ont imposé leur veto pour le passage aux 4x8. En fait, la direction a mis en place un véritable chantage : soit le passage aux 4x8 pour sauver l'entreprise, soit des suppressions de postes. Pourtant à quelques mètres de là, à l'usine de Dunlop, filiale de Goodyear, employant plus de 1000 ouvriers, la CGT a accepté la nouvelle réorganisation du travail. Ni une ni deux, la direction syndicale décide d'exclure cette section locale, événement exceptionnel dans l'histoire de la CGT. Pendant ce temps à Goodyear, CGT et patronat se renvoient la balle, le second accusant le premier d'être responsable des licenciements tandis que le syndicat parle de mauvaise gestion, d'agressivité patronale pour recentrer la production vers des secteurs plus rentables et délocaliser le reste, ce qui veut dire "casser l'outil industriel national". Mais qu'en est-il réellement pour la classe ouvrière ?

Les 4  x  8, un rythme infernal et destructeur

Il est une réalité que tout le monde essaie d'occulter dans cette affaire, c'est l'aggravation de la crise économique qui touche aujourd'hui un des secteurs clefs de l'économie capitaliste, à savoir le secteur de l'automobile. Toutes les grandes entreprises connaissent des situations très difficiles : aux Etats-Unis, Général Motors est en faillite, sans parler des deux autres grandes marques que sont Ford et Chrysler ; en France, Peugeot et Renault connaissent aussi de grandes turbulences (dernière mesure en date : Renault va supprimer 6000 postes dans le monde, dont 1000 sur le territoire national). Le marché automobile est arrivé à saturation, la concurrence est exacerbée, aggravée par l'arrivée de voitures chinoises, voire hindoues qui sont déjà vendues à des prix très bas sur le marché asiatique. Tout ce qui est lié à l'industrie automobile est touché à son tour, ce qui est le cas du pneumatique. S'ouvre alors une guerre ouverte entre les grandes marques, Michelin, Continental, Bridgestone et Goodyear, une guerre impitoyable qui nécessite, pour rester dans la compétition, une réduction des coûts de production. Ce qui veut dire, fermer des sites de production en faisant travailler plus ceux qui n'ont pas été licenciés et, pour réduire encore plus la masse salariale, délocaliser pour aller chercher une main d'œuvre encore moins chère. Ainsi, alors que Goodyear licencie et ferme des sites aux Etats-Unis et au Canada (ce qui a entraîné une lutte dans ces pays avec 15  000 grévistes fin 2006), un projet d'ouverture d'une grande usine en Chine est décidé.

C'est dans ce contexte qu'une nouvelle organisation du travail est envisagée dans les sites de production d'Amiens. Le passage des 5 x 8 aux 4 x 8 est un véritable bouleversement dans la vie de milliers d'ouvriers. Qu'est ce que cela veut dire concrètement ? De 3 équipes en semaine et 2 en week-end qui respectivement faisaient 35 h et 28 h, la direction envisage de passer en 2 équipes en semaine et d'augmenter le temps de travail le week-end, soit 35 h pour les 2 équipes restantes. Cette réorganisation s'accompagne d'un volet salarial avec une augmentation de 160 à 190 euros par mois et une prime au changement de 3500 euros. Le plan prévoit également un investissement de 52 millions d'euros afin de "moderniser l'outil de production" et une suppression de 450 emplois sur 3 ans, sous forme de départs volontaires. Pour Goodyear, l'enjeu est de diminuer la masse salariale et de faire fonctionner les usines 350 jours par an contre 328 actuellement. En clair, cela veut dire que les ouvriers travailleraient 7 jours sur 7 en 4 équipes avec une rotation : 2 jours de suite en équipe du matin, 2 en équipe d'après-midi, 2 en équipe de nuit puis 2 de repos. Ce rythme infernal fait, en plus, sauter 30 week-ends ! On peut imaginer les conséquences sur la vie de famille et sur la santé de milliers de travailleurs. Ce n'est plus "travailler plus pour gagner plus" mais travailler plus pour... mourir plus vite ! Et on peut mesurer le cynisme du patronat qui dans son plan prévoyait de toutes façons de licencier, bien sûr pas dès septembre... mais dans les prochains mois. En fait, il s'agissait de culpabiliser les ouvriers pour qu'ils acceptent de se faire plus exploiter dans l'immédiat en attendant... de se faire licencier plus tard. Une telle attaque ne s'adresse pas seulement aux ouvriers de Goodyear et de Dunlop, mais à toute la classe ouvrière qui va faire les frais d'une crise économique qui va connaître une forte aggravation.

Syndicats et patronat, unis pour faire passer l'attaque

Dans la course au cynisme, le patronat a trouvé un rival de taille : les syndicats et en particulier la CGT. Pour éviter une réaction ouvrière contre la violence de ces mesures, les syndicats et le patronat ont joué sur plusieurs tableaux. Dès l'annonce du plan en octobre 2007, au lieu d'appeler à la grève, les syndicats main dans la main avec la direction proposent une consultation démocratique pour que les ouvriers se prononcent en "toute conscience". Une belle démonstration de l'utilisation de la démocratie bourgeoise contre la lutte ouvrière : l'atomisation des ouvriers par le vote à bulletin secret dans l'isoloir pour éviter les débats en assemblées générales où les prolétaires peuvent décider collectivement et de manière solidaire les actions à mener. Refuser une attaque en utilisant l'arme de la lutte n'a pas la même valeur que de le faire par le biais d'un vote à bulletin secret car cela laisse au patronat et aux syndicats la possibilité de manoeuvrer dans le dos des ouvriers.

Le deuxième acte de ce drame social va se jouer entre la CGT et la direction avec comme objectif de diviser et de dégoûter les ouvriers d'entrer en lutte. Tout d'abord, ce sont des syndicats minoritaires qui vont signer sous la "pression" du chantage patronal, mais ce qui va enfoncer le clou, c'est l'attitude de la CGT de Dunlop qui, en mars 2008, passera au-dessus du vote démocratique pour aller signer le plan. Alors que l'unité entre les 2 sites, séparés juste par une rue, était nécessaire pour repousser les mesures du patronat, la CGT organise la division dans les rangs ouvriers : elle se scinde en deux, les traîtres de Dunlop et les durs et radicaux de Goodyear.

Comment, dans une telle ambiance, où la vulgarité et les insultes rivalisent avec la violence des actions "coups de poing" contre les traîtres de l'autre usine, une lutte unie et solidaire peut-elle exister ? Ceci dit, cette pseudo-guerre fratricide nous montre le comportement maffieux des syndicats, et en particulier de la CGT, plus préoccupés du sort de l'entreprise et qui n'hésitent pas à se mener une petite guerre dont les principales victimes sont les ouvriers. Un simulacre de conflit entre véritables défenseurs du système capitaliste, tentant d'entraîner les travailleurs dans leur sillage. Car ne nous y trompons pas, les soit disants durs et radicaux de Goodyear, soutenus d'ailleurs par l'ensemble des forces de gauche et gauchistes, n'ont pas pour but de défendre les intérêts des travailleurs, mais de sauver "l'outil industriel français" contre l'agressivité patronale qui veut le démanteler au profit de l'étranger, en l'occurrence ici la Chine. Plus nationaliste que la CGT, tu meurs ! Et les voilà en pleine préparation d'une journée d'action nationale le 16 septembre à Amiens pour la défense des intérêts du capital national aux côtés des staliniens du PC, du PS et autres trotskistes, LO et LCR. Leur combat n'est pas contre l'exploitation capitaliste mais pour "la défense de l'industrie en France et celle du droit du travail" comme le déclare le PCF, et Besancenot de renchérir "ce conflit porte en lui toutes les problématiques nationales : remise en cause du temps de travail, préservation des emplois, amélioration des salaires...".

Les prochains mois risquent d'être difficiles. En France comme partout dans le monde, la bourgeoisie n'a plus le choix, sous la pression de la crise, elle sera amenée à attaquer très violemment les conditions de vie et de travail de l'ensemble de la classe ouvrière. Les travailleurs eux aussi n'ont plus le choix, la lutte s'impose contre l'ignoble exploitation capitaliste et contre ceux qui, sous couvert de les défendre, veulent, en fait, les entraîner à se soumettre aux lois de ce système moribond. Une lutte solidaire, organisée en assemblées générales où les travailleurs décideront collectivement des actions à mener : voilà ce qui hante tous ces défenseurs zélés du capitalisme !

Antoine (22 août)


Récent et en cours: 

  • Luttes de classe [18]

Guerre en Géorgie : toutes les puissances sont des fauteurs de guerre !

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Une fois de plus, le Caucase a été mis à feu et à sang. Au moment même où Bush et Poutine dégustaient des petits gâteaux à Pékin et assistaient pratiquement côte à côte à la cérémonie d'ouverture des Jeux Olympiques, prétendu symbole de paix et de réconciliation entre les peuples, le président géorgien Saakachvili, protégé de la Maison Blanche, et la bourgeoisie russe envoyaient leurs soldats se livrer à un effroyable massacre de populations. Cette guerre a donné lieu à une nouvelle quasi-"épuration ethnique" de chaque côté dont il est impossible d'évaluer exactement le nombre de victimes (plusieurs milliers de morts) dont une bonne partie dans la population civile.

Chaque camp accuse l'autre d'être le fauteur de guerre ou se justifie d'avoir agi en étant placé dos au mur. La population locale, qu'elle soit d'origine russe, ossète, abkhaze ou géorgienne, dont les villes, les villages et les habitations ont été bombardés, brûlés, pillés, détruits, a été prise en otage par toutes ces fractions nationalistes bourgeoises et a été exposée aux mêmes massacres, aux mêmes exactions, aux mêmes atrocités. Les prolétaires n'ont aucun camp à défendre. Ils n'ont pas à choisir entre leurs exploiteurs. Ils doivent continuer à se mobiliser contre eux sur leur terrain de classe et rejeter les slogans nationalistes et guerriers de tous bords, allant de "Défendons le peuple qui a confiance en l'aide de la Russie !" à "Que Dieu sauve l'intégrité territoriale de la Géorgie !" ; tous ces mots d'ordre sont au service de l'une ou de l'autre bande de ces capitalistes cherchant à les réduire à de la chair à canon.

Une nouvelle démonstration de la barbarie guerrière du capitalisme

C'est en réponse à une série de provocations de la bourgeoisie russe et de ses fractions séparatistes en Ossétie, que le président géorgien Saakachvili a cru pouvoir déclencher impunément l'invasion brutale de la minuscule province de l'Ossétie du Sud dans la nuit du 7 au 8 août par ses troupes appuyées par l'aviation. En un clin d'œil, il a réduit en cendres la ville de Tshinkvali, "capitale" de la province séparatiste pro-russe.

Pendant que Moscou faisait entrer en scène des milices à ses ordres dans l'autre foyer séparatiste en Géorgie, l'Abkhazie, qui ont investi la vallée de Kodori, les forces russes ont directement répliqué de manière aussi féroce et barbare en bombardant intensivement plusieurs villes géorgiennes (dont le port de Poti sur la mer Noire entièrement détruit et pillé, ainsi que sa base navale, et surtout Gori, dont la plupart des habitants ont dû fuir sous un pilonnage intensif). En un éclair, les chars russes ont occupé le tiers du territoire géorgien, menaçant même la capitale, les blindés s'avançant et paradant plusieurs jours après le cessez-le-feu à quelques dizaines de kilomètres de Tbilissi. Des deux côtés se sont reproduites les mêmes scènes d'horreur et de tueries. La quasi-totalité de la population de Tsinkhvali et de ses alentours (30 000 réfugiés) a été contrainte de fuir la zone de combats. Dans l'ensemble du pays, le nombre de réfugiés, démunis de tout, s'est élevé en une semaine à 115 000 personnes selon le porte-parole du Haut Commissariat aux Réfugiés.

Le conflit couvait depuis longtemps. Le président géorgien, partisan inconditionnel de Washington, héritait d'ailleurs d'un Etat entièrement porté à bout de bras dès sa création en 1991 par les Etats-Unis comme tête de pont du "nouvel ordre mondial" annoncé par Bush père. Cela l'a probablement conduit à surestimer le soutien que pourraient lui apporter les puissances occidentales dans son entreprise, à commencer par celui des Etats-Unis. Si la Russie de Poutine, en tendant un piège à Saakachvili, dans lequel ce dernier est tombé, a saisi une formidable occasion de montrer ses muscles et de restaurer son autorité dans le Caucase, c'est en réponse à l'encerclement déjà effectif depuis 1991 de la Russie par les forces de l'OTAN. Cet encerclement a atteint un niveau inadmissible pour la Russie avec la récente demande appuyée par les Etats-Unis de la Géorgie et de l'Ukraine de rejoindre l'OTAN. De même et surtout, la Russie ne peut tolérer le programme de déploiement de bouclier anti-missiles notamment prévu en Pologne et en République tchèque qu'elle estime, non sans raisons, en réalité dirigée non contre l'Iran mais contre elle. La Russie a profité du fait que la Maison Blanche, dont les forces militaires se retrouvent enlisées dans un bourbier en Irak et en Afghanistan, ait les mains liées, pour lancer une contre-offensive militaire dans le Caucase, quelque temps après avoir rétabli à grand-peine son autorité dans des guerres atrocement meurtrières en Tchétchénie.

Mais la responsabilité de cette guerre et de ces tueries ne se limite pas à ses protagonistes les plus directs. Les puissances impérialistes qui jouent aujourd'hui hypocritement les pleureuses sur le sort de la Géorgie ont toutes trempé les mains dans le sang des pires atrocités, qu'il s'agisse des Etats-Unis vis-à-vis de l'Irak dans les deux guerres du Golfe, ou de la part prise par la France dans le génocide au Rwanda en 1994 ou encore de celle de l'Allemagne qui a poussé résolument au déclenchement de la terrible guerre en ex-Yougoslavie en 1992.

De toute évidence, la fin de la guerre froide et de la politique de blocs n'a pas vu la moindre "ère de paix et de stabilité" dans le monde, de l'Afrique au Moyen-Orient, en passant par les Balkans et maintenant par le Caucase. Le démantèlement de l'ex-empire du bloc stalinien n'a débouché que sur le déchaînement de nouveaux appétits impérialistes et sur un chaos guerrier grandissant. La Géorgie a d'ailleurs constitué un enjeu stratégique majeur qui en a conduit beaucoup à la courtiser de façon intéressée au cours de ces dernières années avec le transit du pétrole.

Vers une nouvelle guerre froide ?

De façon provocatrice, la Russie a déclaré que la perspective d'une nouvelle "guerre froide" ne l'effrayait pas et s'est empressée de reconnaître "l'indépendance" de l'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud, présentant cela comme une juste revanche sur la proclamation "unilatérale" du Kososvo indépendant par les Etats-Unis et l'Europe début 2008. Les deux ex-têtes de bloc, la Russie et les Etats-Unis, se retrouvent à nouveau ainsi dangereusement face à face aujourd'hui (les destroyers américains venus "ravitailler" la Géorgie mouillent désormais à quelques encablures de la base navale russe de Gudauta en Abkhazie comme du port de Poti occupés par les chars russes) mais dans un cadre de relations interimpérialistes tout à fait différentes de la période de la guerre froide où la discipline de bloc était sans faille. A l'époque, on nous a longtemps fait croire que le conflit entre les deux blocs rivaux était avant tout l'expression d'une lutte idéologique : la lutte des forces de la liberté et de la démocratie contre le totalitarisme, assimilé au communisme Aujourd'hui, on voit combien ceux qui nous avaient promis "une nouvelle ère de paix et de stabilité" nous ont trompés, et que leur confrontation ne recouvre qu'une concurrence bestiale et meurtrière pour de sordides et mesquins intérêts impérialistes qui ressort sans le moindre fard.

Aujourd'hui, les rapports entre nations sont dominés par le chacun-pour-soi. En effet, le "cessez-le-feu" en Géorgie ne fait qu'entériner le triomphe des maîtres du Kremlin et la supériorité de la Russie sur le terrain militaire, entraînant une quasi-capitulation humiliante pour la Géorgie aux conditions dictées par Moscou. La Russie a d'ailleurs profité de son avantage militaire pour se réinstaller dans la région avec ses troupes déployées sur presque tout le territoire géorgien au grand dam de "la communauté internationale".

C'est aussi un nouveau revers retentissant que vient d'essuyer le "parrain" de la Géorgie, la bourgeoisie américaine. Alors que ce pays a payé un lourd tribut (un contingent fort de 2000 hommes envoyés en Irak et en Afghanistan) pour son allégeance aux Etats-Unis, en retour l'Oncle Sam n'a pas su servir autre chose à son allié qu'un soutien moral et prodiguer de vaines condamnations verbales envers la Russie, sans pouvoir lever le petit doigt pour le défendre. L'aspect le plus significatif de cet affaiblissement, c'est que la Maison Blanche n'a pas d'autre plan de rechange à proposer à la place de cet accord bancal de "cessez-le-feu" fait de bric et de broc et qu'elle est contrainte d'avaliser le "plan européen" et, pire encore, un plan dont les conditions sont dictées par les Russes eux-mêmes. Cette nouvelle étape dans l'expression de son affaiblissement ne peut que contribuer à la discréditer davantage aux yeux du monde et inquiéter les Etats contraints de miser sur son appui comme la Pologne ou l'Ukraine.

Si les Etats-Unis étalent leur impuissance, l'Europe illustre à l'occasion de ce conflit le niveau atteint par le chacun-pour-soi. Ainsi, face à la paralysie américaine, c'est la "diplomatie européenne" qui est entrée en action. Mais il est significatif que c'est le président français Sarkozy qui en a été le porte-parole en tant que président en exercice de l'Union européenne, alors qu'il ne représente souvent que lui-même dans ses prestations de m'as-tu-vu, dénuées de toute cohérence et champion de la navigation à courte vue sur la scène internationale. Une fois de plus, Sarkozy s'est empressé de mettre son grain de sel dans le conflit, surtout afin d'en tirer gloriole. Mais le fameux "plan de paix français" (il n'a pu maintenir longtemps l'illusion de le faire passer pour un grand succès diplomatique national ou européen) n'est qu'un ridicule simulacre qui masque mal que ses conditions sont purement et simplement imposées par les Russes.

Quant à l'Europe, comment en tirerait-elle profit alors qu'elle abrite les positions et les intérêts les plus diamétralement opposées ? Comment pourrait-il y avoir une once d'unité dans ses rangs avec la Pologne et les Etats baltes fervents défenseurs de la Géorgie par conditionnement viscéral anti-russe d'un côté et l'Allemagne de l'autre qui, par opposition à la volonté de mainmise américaine dans la région, était parmi les opposants les plus résolus à l'intégration de la Géorgie et de l'Ukraine dans l'OTAN ? Si, récemment, Angela Merkel a fait spectaculairement volte-face en allant assurer le président géorgien de son soutien à cette candidature, c'est parce qu'elle y a été contrainte par l'impopularité croissante de la Russie se comportant avec morgue dans toute la Géorgie comme en territoire conquis, désormais livrée à la réprobation générale de la "communauté internationale". Il n'en demeure pas moins que l'Europe fait penser à un panier de crabes.

Quant au bénéfice qu'en tire la Russie elle-même, il reste très limité. Certes, celle-ci renforce à court terme sa position impérialiste non seulement dans le Caucase et se fait craindre à nouveau sur la scène mondiale. Mais cette victoire militaire est insuffisante pour dissuader les Etats-Unis de leur projet de bouclier anti-missiles sur le sol européen : au contraire, elle ne fait que pousser la Maison Blanche à en accélérer le déploiement comme le prouve l'accord qui vient d'être signé avec la Pologne pour son implantation sur le sol polonais. D'ailleurs, en représailles, le chef-adjoint d'état-major russe a menacé la Pologne en la désignant comme cible prioritaire de son arsenal nucléaire.

Sur le fond, son agressivité belliqueuse et l'énormité des moyens militaires qu'elle a mis en œuvre en Géorgie réveillent les vieilles peurs qu'elle inspirait à ses rivaux impérialistes et elle se retrouve plus isolée diplomatiquement que jamais pour rompre son encerclement.

Aucune puissance ne peut prétendre pouvoir se rendre maître ou même contrôler la situation comme le prouve tous les flottements ou les revirements d'alliances.

Il n'y a pas de paix possible dans le capitalisme

Avec le pétrole et le gaz de la mer Caspienne ou des pays d'Asie centrale souvent turcophones, les intérêts vitaux de la Turquie et de l'Iran sont engagés dans cette région mais le monde entier est partie prenante dans le conflit. On peut d'autant plus facilement se servir des hommes comme chair à canon dans le Caucase que cette région est une mosaïque d'enchevêtrements multiethniques. Il est facile d'attiser le feu guerrier du nationalisme avec un tel morcellement. Le passé dominateur de la Russie pèse aussi fortement. Cela préfigure d'autres tensions impérialistes plus graves et plus larges encore dans le futur : on a vu l'inquiétude et la mobilisation des Etats baltes et surtout de l'Ukraine, puissance militaire avec son arsenal nucléaire d'une toute autre envergure que celui de la Géorgie.

Cette guerre accroît le risque d'embrasement de déstabilisation non seulement à l'échelle régionale mais aura des conséquences inévitables au niveau mondial sur l'équilibre des forces impérialistes pour l'avenir. Le "plan de paix" est de la poudre aux yeux qui concentre en fait tous les ingrédients d'une nouvelle et dangereuse escalade guerrière pour l'avenir, menaçant ainsi d'ouvrir toute une chaîne continue de foyers d'embrasement du Caucase au Moyen-Orient.

On assiste à une accumulation de risques explosifs dans plusieurs zones très peuplées de la planète : Caucase, Kurdistan, Pakistan, Moyen-Orient, etc. Non seulement, les puissances impérialistes y démontrent une fois de plus leur incapacité à régler les problèmes et attisent au contraire les foyers guerriers mais chaque conflit ouvert marque une dimension supérieure des enjeux et des affrontements. Cela vient démontrer une fois de plus que le capitalisme n'a rien d'autre à offrir que le déchaînement de la barbarie guerrière et des tueries dont des fractions de plus en plus larges de la population sont les otages et les victimes. Le ballet de charognards autour de la Géorgie n'est qu'un maillon dans la chaîne du sanglant et monstrueux sabbat guerrier que le capitalisme ne cesse de danser dans le monde. Ce n'est pas en réclamant plus de démocratie, le respect des droits de l'homme ou en s'en remettant à la croyance dans des accords entre brigands impérialistes ou à leurs conventions internationales, que cette situation pourra prendre fin. Le seul moyen de mettre fin à la guerre est de mettre fin au capitalisme. Et c'est le combat du prolétariat. Les seuls alliés que possèdent les prolétaires sont les autres prolétaires, par delà les frontières, les peuples et les fronts nationalistes. La seule façon pour les prolétaires du monde entier de témoigner de leur solidarité envers leurs frères de classe qu'ils soient russes, géorgiens, ossètes ou abkhazes ou envers les victimes des guerres et des massacres qui pullulent partout, c'est en unissant leurs forces, en développant leurs luttes pour le renversement de ce système.

CCI (17 août)


Récent et en cours: 

  • Guerre en Géorgie [105]

JO de Pekin : le cirque des jeux... sans le pain

  • 2038 reads

Le temps de la grande messe des Jeux Olympiques, tous les médias du monde ont braqué leurs projecteurs sur Pékin.

Dès la cérémonie d'ouverture, les superlatifs n'ont cessé de pleuvoir : "spectaculaire", "grandiose", "du jamais vu"... Il faut dire qu'effectivement les moyens furent déployés pour "faire rêver". Des feux d'artifices monumentaux, des figurants par milliers, rien n'a manqué. Et dans tous les pays, les journalistes ont tenu le même rôle, ont joué la même farce : focaliser toutes les attentions sur ces joutes sportives, faire comme s'il s'agissait d'un événement historique et surtout, en passant, distiller le poison nationaliste. Il est presque comique d'entendre, parfois dans la même phrase, un présentateur vanter les valeurs de l'olympisme ("L'important, c'est de participer", "La fraternité des peuples", etc.) pour littéralement s'enflammer la seconde suivante pour la victoire "grandiose" de son compatriote et donc de son pays. Les Olympiades sont toujours un moment d'intense propagande chauvine. La vraie valeur de l'olympisme, c'est la guerre des médailles, nation contre nation. Il fallait d'ailleurs voir avec quel plaisir toutes les presses de la planète (à l'exception, évidemment, de la presse "made in US") annonçaient jour après jour le total des médailles par pays, se délectant de la défaite de l'Oncle Sam face à l'Empire du milieu.

Bref, le show sportif, médiatique et nationaliste fut total. Hier, au temps de l'empire romain, les Césars promettaient au peuple du pain et les jeux du cirque (Panem et circense). Aujourd'hui, rien a changé donc... ou presque. Le capitalisme a dû revisiter quelque peu ce vieux proverbe latin : cet été, ce fut le cirque des jeux mais sans le pain ! La Chine finit première au tableau de chasse des médailles d'or mais on y meurt de faim, dans les campagnes et dans les bagnes industriels. La crise alimentaire y fait rage comme en Egypte, au Bengladesh, en Haïti, en Mauritanie, en Indonésie, au Cameroun, en Côte d'Ivoire, au Burkina Faso, au Sénégal, au Mexique, au Pakistan..., la liste est interminable (1). Les Etats-Unis en sortent deuxième mais il faut remonter à la crise de 1929 pour retrouver des files d'attente aussi longues devant la soupe populaire. Vingt-huit millions d'Américains ne pourraient tout simplement pas survivre sans les programmes de distribution de nourriture des municipalités et des Etats fédéraux !

C'est un signe des temps. Si la bourgeoisie déploie autant d'énergie pour ses cirques sportifs, c'est qu'il manque de plus en plus cruellement de pain. Mais tous ces artifices, tous ces jeux olympiques et autres coupes du monde ne peuvent plus le cacher, ce système est agonisant et il n'est plus capable de subvenir aux besoins de l'humanité.

GD (26 août)

 

1) Lire sur notre site web : "Les émeutes de la faim montrent la nécessité de renverser le capitalisme" [106] et "Le capitalisme va nous faire mourir de faim" [107] écrit par nos camarades des Philippines.

 

Récent et en cours: 

  • JO [108]

Afghanistan : la barbarie guerrière de l'impérialisme français

  • 1986 reads

Le 18 août dernier en Afghanistan, 10 soldats français trouvaient la mort et 21 étaient blessés lors d'une embuscade tendue par les talibans. Ces soldats étaient des jeunes gens, pas de vieux baroudeurs aguerris aux pires exactions, avec tout juste six mois de "formation", avant d'aller se faire canarder sur un terrain d'affrontements militaires particulièrement dangereux. Ces gamins sont morts, pas forcément parce qu'ils avaient la fibre patriotique dans l'âme mais parce qu'il faut bien manger, parce que plus de 20  % de jeunes de moins de 25 ans sont officiellement au chômage et que plus de 25  % des SDF proviennent de cette tranche d'âge. Et aussi parce que la plupart ont été appâtés par des publicités du genre de celle diffusé par l'armée de terre à la télévision sur le thème "Engagez-vous", où la guerre leur est présentée comme un gigantesque jeu-vidéo très éloigné de l'enfer auquel ils sont confrontés dans la réalité.

Le président Sarkozy a "salué" ces jeunes gens morts, envoyés au casse-pipe pour la gloire de l'Etat français à Kaboul, puis aux Invalides à Paris, entonnant les vieilles antiennes nationalistes et chauvines dignes des pires époques guerrières. "Nous n'avons pas le droit de perdre là-bas. Nous n'avons pas le droit de renoncer à défendre nos valeurs. Nous n'avons pas le droit de laisser les barbares triompher", a-t-il déclaré. On croirait entendre George Bush exhortant les troupes américaines à foncer sur l'Irak et sur l'Afghanistan au nom de la civilisation et de la démocratie.

La politique impérialiste de la France implique une présence militaire en Afghanistan, avec tous les dangers qu'elle représente. Aussi, malgré les 24 militaires français tombés au combat depuis 2001 sur un contingent de 3300 soldats, la bourgeoisie française persiste et est bien décidée à accentuer sa présence (pas seulement Sarkozy, mais le PS qui a été le premier sous le gouvernement Jospin à expédier des troupes en Afghanistan en 2002 et qui vient de réaffirmer la nécessité de l'armée là-bas lors de son Université d'été à La Rochelle). Très concrètement, le gouvernement va envoyer de Castres, dès septembre, une nouvelle section de 30 jeunes soldats qui auront "bénéficié" de 10 mois de formation. On voit ici quelle valeur à la vie d'un gamin de 20 ans pour cette classe dominante, on voit ce que valent ses larmes de crocodiles sur "ses" dix soldats tombés au front aujourd'hui ! Doté d'un cynisme sans bornes, son plus haut représentant, le président Sarkozy, a ainsi déclaré lors de "l'éloge funèbre de la nation" : "Soldats, vous avez accompli votre devoir. C'est votre honneur. [...] Un mot qui peut paraître bien dérisoire devant le corps d'un homme de 20 ans. Et pourtant, donner sa vie avec honneur, c'est réussir sa vie". Autrement dit, mourir à vingt ans, partir à l'aube de sa vie dans une tombe, c'est une belle réussite si c'est pour la patrie ! Voilà l'avenir que les Sarkozy du monde entier souhaitent et revendiquent pour les jeunes générations : mourir sous les balles pour "défendre" les barbares démocratiques et humanitaires face aux "barbares" islamistes. On croirait entendre se répéter les pires insanités et les discours va-t-en-guerre et chauvins de la Première et de la Seconde Guerre mondiale, de Mussolini ou d'Hitler ou de Churchill.

Comme le dénonçait déjà Rosa Luxemburg dans sa Brochure de Junius publiée en 1916, en plein cœur de la Première Guerre mondiale : "Souillée, déshonorée, pataugeant dans le sang, couverte de crasse ; voilà comment se présente la société bourgeoise, voilà ce qu'elle est. Ce n'est pas lorsque, bien léchée et bien honnête, elle se donne les dehors de la culture et de la philosophie, de la morale et de l'ordre, de la paix et du droit, c'est quand elle ressemble à une bête fauve, quand elle danse le sabbat de l'anarchie, quand elle souffle la peste sur la civilisation et l'humanité qu'elle se montre toute nue, telle qu'elle est vraiment".

Sous leurs conventions de bienséance et leurs efforts pour présenter les guerres comme des causes "nobles" et "nécessaires", les Sarkozy et autres dignes représentants de la bourgeoisie nationale qui n'hésitent pas une seconde à envoyer des gamins au casse-pipe sont de vulgaires assassins de la pire espèce. Ainsi, Kouchner, auto-proclamé prince de l'humanitaire international, répond à la question posée par le quotidien 20 minutes sur le temps où vont rester les soldats français avec détermination : "Personne ne peut répondre à cette question. On restera le temps nécessaire

Il est clair que l'embuscade du 18 août, à l'issue de laquelle les dix jeunes soldats français ont trouvé la mort, a été permise par l'inefficacité du commandement militaire mais surtout par la pression que lui met l'Etat français pour montrer qu'il veut jouer dans la cour des grands. La présence française en Afghanistan participe du plus pur esprit aventuriste de la bourgeoisie mondiale actuelle, sans perspective, sans logique autre que de rouler des mécaniques sur la scène impérialiste internationale.

Au nom du combat contre le terrorisme, l'armée française est partie "bouffer" du taliban en Afghanistan, dans la droite ligne de Bush et consorts. L'Etat français n'est sûr que d'y rencontrer échecs sur échecs et de s'y enliser, à l'instar de la première puissance mondiale, en s'enfonçant dans le bourbier afghan. Et cet engagement de la France en Afghanistan est significatif de cette fuite en avant de plus en plus irraisonnée des grandes puissances, dont la logique guerrière ne fait qu'attiser et exciter toujours plus les tensions impérialistes de par le monde.

Mulan (25 août)

 

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Recrudescence d'attentats dans le monde : la folie meurtrière du capitalisme

  • 1873 reads

Cet été fut particulièrement sanglant. Les attentats se sont enchaînés, jour après jour, au rythme effréné d'une danse macabre :

• Le 6 juillet, 11 tués à Islamabad (au Pakistan) et 22 tués à Nangarhar (en Afghanistan).

• Le 7 juillet, 41 tués et 150 blessés à Kaboul (en Afghanistan).

• Le 9 juillet, 3 tués à Istanbul (en Turquie).

• Le 13 juillet, 18 tués et 35 blessés en Afghanistan.

• Le 21 juillet, 2 morts et 14 blessés suite à des explosions quasi-simultanées dans deux bus à Kunming, capitale de la province chinoise du Yunnan.

• Le 26 juillet, 17 explosions ( !) font 49 morts et 160 blessés à Ahmedabad (en Inde).

• Le 27 juillet, 2 explosions successives à Istanbul (en Turquie) tuent 17 personnes et en blessent 154.

• Le 28 juillet, 39 tués et 146 blessés dans des attentats presque simultanés à Bagdad et Kirkouk, (en Irak).

• Le 3 août, 25 blessés à Tizi Ouzou (en Algérie).

• Le 5 août, 16 tués dans la province de Xinjiang (en Chine).

• Le 10 août, 8 morts et 17 blessés à Zemmouri (en Algérie).

• Le 13 août, 14 tués et 40 blessés à Tripoli (au Liban).

• Le 17 août, 8 tués à Skikda (en Algérie).

• Le 18 août, 9 tués et 13 blessés dans la province de Khost (en Afghanistan).

• Le 19 août, 43 tués et 45 blessés à Issers (en Algérie).

• Le 20 août, 11 tués et 31 blessés à Bouissa (en Algérie).

Les cibles de ces actes barbares sont en premier lieu les populations civiles. Ces attentats frappent les lieux les plus peuplés comme les marchés ou les écoles. En Algérie, à Zemmouri, le 9 août, un kamikaze s'est fait sauter au volant de son véhicule tuant 8 jeunes de moins de 25 ans puis, comble de l'horreur, un groupe armé a tiré sur les ambulances pour retarder l'arrivée des secours ! Le 20 août, dans la ville de Dera Ismaïl Khan, toujours en Algérie, un attentat à la bombe a eu lieu devant... la porte des urgences d'un hôpital ! Le bilan fut de 23 morts et 15 blessés.

Le responsable de toutes ces tueries n'est autre que le capitalisme. Le terrorisme est le fruit de l'affrontement entre cliques bourgeoises. Il est l'arme par laquelle les bourgeoisies les plus faibles tentent de défendre leurs sordides petits intérêts locaux (comme aujourd'hui le font les "seigneurs de la guerre" en Afghanistan ou en Irak). Quant aux grandes puissances, en tirant les ficelles en coulisses, elles n'hésitent pas à utiliser dès qu'elles le peuvent cette violence aveugle pour déstabiliser leurs rivaux (comme, par exemple, le font actuellement les Etats-Unis en Algérie en soutenant l'Al-Qaïda local contre la France).

Mais la situation actuelle révèle encore bien plus que la nature guerrière et sanguinaire de la bourgeoisie. La multiplication des attentats et leur extension géographique montrent clairement la dynamique de ce système : le capitalisme plonge dans l'abîme et risque d'entraîner avec lui toute l'humanité. Plus que jamais, la seule alternative est "socialisme ou barbarie" !

Map (21 août)

 

Récent et en cours: 

  • Attentats [110]

Procès Karadzic : l'hypocrisie de la bourgeoisie française

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"C'est une arrestation historique, qui marquera l'histoire de la justice pénale internationale dans cette partie du monde. Il n'y a donc pas d'échappatoire, de fuite possible pour un criminel de guerre. C'est le message adressé aux assassins et aux auteurs de génocides." Bernard Kouchner s'est félicité en ces termes le 22 juillet sur France Info de l'arrestation de Radovan Karadzic. Pour bien enfoncer le clou, il ajoutait en substance : "C'est également une arrestation pour l'avenir parce que désormais on peut à nouveau croire à la responsabilité de protéger, ce que nous avions appelé le droit d'ingérence." En effet, l'histoire de la guerre dans l'ex-Yougoslavie à laquelle renvoie celle du boucher Karadzic a été un des épisodes les plus marquants de cette "ingérence" prônée par Mitterrand en particulier, l'ancien mentor de Kouchner. Ce dernier, toujours prompt à saisir un sac de riz sous l'œil des caméras ou à lécher à présent les bottes de Sarkozy, n'en rate jamais une pour se distinguer. Car, si Karadzic est bien le responsable avec Radko Mladic du massacre de 8000 hommes à Srebrenica en deux jours, c'est avec la complicité active de Paris et de Londres qu'il a pu accomplir cet immonde forfait, monstrueux épisode de la lutte entre les Etats-Unis et l'Allemagne d'un côté, la France et la Grande-Bretagne de l'autre, pour le contrôle de l'ex-Yougoslavie. Rappelons brièvement quelques faits saillants  (1). 1995 est l'année d'une accélération brutale de la guerre et des affrontements entre Serbes et Bosniaques (alliés à ce moment à la Croatie). Les atrocités, purifications ethniques, tirs de snipers, etc., font rage dans les deux camps. Prétendument afin de "calmer le jeu", certaines enclaves bosniaques en territoire serbe, dont Srebrenica, sont déclarées "neutres" et leurs habitants désarmés, leur protection étant censément assurée par les soldats britanniques et français de la Forpronu. En réalité, la présence de ces derniers n'est là que pour gêner et empêcher les tirs américains de l'OTAN sur les troupes serbes et donc protéger ces dernières. Lors de l'offensive serbe, on verra donc les militaires français de la Forpronu, sous l'ordre de l'état-major de garder leur "neutralité" devant ce massacre, se laisser purement et simplement "prendre en otages" volontairement par les hommes de Karadzic !

Notre ancien administrateur du Kosovo en rajoute sur RTL le même jour : "C'est une nouvelle extraordinaire. (...) Il (Karadzic) était cependant très bien caché puisqu'on a cru pendant très longtemps qu'il était hors de Serbie." Que voudrait nous faire croire le pantin Kouchner, qui se félicite dans le même temps de l'appui de la France au nouveau gouvernement serbe pro-européen, qui a vendu Karadzic contre son adhésion à l'Europe ? Qu'il n'était pas au courant des magouilles entre Richard Holbrooke, négociateur américain des accords de Dayton de 1996, et Karadzic, soutenu dans un deuxième temps par Washington, promettant à celui-ci, malgré les accusations dont il était déjà l'objet, qu'il ne serait pas inquiété s'il quittait la scène politique.

La prétendue ignorance de ce "secret de polichinelle" ne fait que souligner l'hypocrisie de celui qui fanfaronne aujourd'hui en essayant de faire oublier sa propre responsabilité et la politique criminelle de l'Etat français à cette époque.

Wilma (21 août)

1) Pour de plus amples informations et un rappel précis des évènements, lire nos Revue internationale numéros 82 [111] et 83 [112], 3e et 4e trimestres 1995.

 

Géographique: 

  • Europe [113]

Personnages: 

  • karadzic [114]

XVIIIe Congrès de RI : 40 ans de renforcement de la perspective révolutionnaire

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Au printemps dernier s'est tenu le 18e congrès de la section en France du Courant communiste international. Ce congrès s'est déroulé à un moment très particulier de l'histoire de la lutte de classe mondiale, hautement symbolique et important politiquement pour la lutte ouvrière d'aujourd'hui. En effet, ce congrès coïncidait avec le 40e anniversaire des "événements de Mai 68" (suivant le terme employé dans les médias), en fait la plus grande grève de l'histoire du mouvement ouvrier international, un mouvement qui inaugurait une reprise historique du combat prolétarien à l'échelle internationale après quatre décennies de contre-révolution. Par ailleurs, notre section en France célébrait aussi le 40e anniversaire de sa fondation, puisque c'est à la suite de ce mouvement, alors que le travail n'avait pas encore repris partout, que s'est constitué le petit groupe Révolution Internationale qui allait former, en compagnie de 5 autres groupes, le Courant communiste international en janvier 1975. La constitution de notre organisation internationale n'était évidemment pas un fait du hasard : elle cristallisait toute une réflexion qui s'était réveillée dans le prolétariat en même temps qu'il reprenait le chemin des luttes massives  (1).

Qu'en est-il aujourd'hui des espoirs fondés par Mai 68 et de cette perspective ainsi ouverte ? Comment ont évolué la société capitaliste, les luttes du prolétariat, les forces révolutionnaires ? Le XVIIIe congrès de Révolution internationale se devait de répondre à ces questions et de faire part de ses réflexions et de ses analyses à l'ensemble de la classe ouvrière et du milieu politique prolétarien. Tel est le souci et l'objet de cet article.1

De 1968 à nos jours, quelle évolution des conditions de viede la classe ouvrière ?

Comme nous l'écrivions dans notre journal n° 391, dans l'article "Mai 68 : la signification internationale de la grève générale en France" : "Si l'ensemble de la classe ouvrière de ce pays s'est lancée dans une grève quasi générale, c'est que tous ses secteurs commençaient à être touchée par la crise économique qui, en 1968 n'en était qu'à son tout début, une crise non pas ‘française' mais de l'ensemble du capitalisme mondial." Les attaques que commençaient à subir les ouvriers en France sur les questions de salaire, de chômage ou de remboursement des soins de santé, ne manifestaient que ce qui se déroulait également ailleurs dans les principaux pays capitalistes du monde. La crise économique mondiale revenait ainsi sur le devant de la scène après plusieurs décennies de répit. La période qualifiée de "miracle économique" ou des "trente glorieuses" par la bourgeoisie et commencée à la fin de la dernière guerre mondiale était ainsi définitivement close. Cependant, à cette époque, la bourgeoisie était encore très loin d'avoir utilisé et usé tous les moyens dont elle disposait pour tenter de faire face ou, en tout cas, de ralentir l'aggravation de la crise mortelle de sa propre économie. En effet, cela fait plus de quarante ans maintenant que cette crise évolue et que le monde capitaliste s'enfonce inexorablement dans sa crise et la barbarie. A la fin des années 1920 et au cours des années 1930, la société capitaliste avait également connu une manifestation majeure de sa crise économique. Depuis cette époque, la bourgeoisie a bien appris et notamment elle s'est donnée des moyens pour en atténuer et repousser autant que possible les effets les plus dévastateurs. Mais cela ne veut pas dire pour autant qu'elle possède les moyens de résoudre les contradictions contenues dans son propre système et qui sont à l'œuvre au plus profond de cette société. C'est pour cela que les discussions dans ce congrès ont mis en évidence que, si au moment de Mai 68, la bourgeoisie avait les moyens de faire face aux premières nouvelles manifestations de sa crise, il en est bien différemment aujourd'hui. Tous ces moyens et autre palliatifs sont très largement usés (voir l'article sur la crise économique dans ce numéro du journal). Il est ressorti clairement de nos discussions que la crise économique mondiale entrait dans une nouvelle phase, dans de nouvelles et profondes convulsions autrement plus importantes que toutes celles qui se sont succédées depuis 1968. Si, à la fin des années 1960, beaucoup de secteurs de la classe ouvrières subissaient les premières attaques sérieuses de leurs conditions de vie, amenant ainsi une première grande vague de mécontentement dans de nombreux pays, la situation autrement plus grave au niveau économique entraîne dans la période actuelle des attaques d'une toute autre ampleur et profondeur qu'à cette époque. (Voir l'éditorial dans ce même journal.) Mais surtout, depuis l'époque de la lutte de Mai 1968, les attaques se sont généralisées à l'échelle de toute la planète. Plus aucun pays n'y échappe, plus aucun secteur de la classe ouvrière. Ainsi se développent les conditions d'un mécontentement et d'une combativité autrement plus puissants et généralisés qu'à cette époque.

Depuis 1968, un long et difficile développement de la lutte de classe

Après 1968 et tout au long des années 1970 et 1980, à travers des vagues de luttes successives, l'espoir et la perspective levés par la lutte massive en France de la fin des années 1960 se sont confirmés et renforcés. Mais ce cheminement de la classe ouvrière a été en permanence confronté à tous les pièges et manoeuvres déployés par une bourgeoisie mondiale unie face à la lutte de classe, malgré ses rivalités commerciales et impérialistes, et qui s'était remise de sa surprise de 1968. Le coup le plus rude reçu par le prolétariat a consisté en la campagne idéologique massive et internationale menée par la bourgeoisie sur le thème de "la mort du communisme" suite à l'effondrement du mur de Berlin et du bloc soviétique en 1989. Selon la bourgeoisie, le communisme avait ainsi échoué lamentablement et le capitalisme, malgré ses insuffisances, avait montré son écrasante supériorité. Toute idée de révolution communiste possible, et même de la capacité de la classe ouvrière de jouer un rôle dans la société, allait donc ainsi être ensevelie sous une avalanche de mensonges. Plus de dix années de recul profond de la combativité et de la conscience de classe allaient en découler, rendant la vie de la classe ouvrière et de ses organisations révolutionnaires d'autant plus difficile. L'espoir et la perspective levés par Mai 1968 semblaient donc avoir eux-mêmes disparu. Mais le 18e Congrès de Révolution Internationale qui vient de se tenir, de même que les Congrès internationaux et territoriaux qui se sont tenus depuis au moins 2003, ont pu réaffirmer dans leurs discussions et résolutions sur l'évolution de la situation internationale et la lutte de classe que tel n'était absolument pas le cas. C'est en effet au début des années 2000 que le poids de la défaite subie pendant les années 1990 par la classe ouvrière allait progressivement s'estomper et le fil de la lutte se renouer avec son passé. Depuis, même si c'est de façon beaucoup moins spectaculaire qu'en 1968, la lutte s'est développée simultanément de plus en plus sur tous les continents. En Asie, en Chine par exemple, où les ouvriers de l'industrie sont aujourd'hui les plus nombreux au monde, les luttes se sont succédées tout au long de ces dernières années. Nous avons relaté et analysé dans notre presse l'ensemble des luttes qui se sont développées dans le monde au cours de cette période. Le congrès a mis en évidence l'importance toute particulière des dernières luttes qui se sont déroulées tout récemment en Allemagne après celles contre le CPE en France, il y a maintenant deux ans. L'Allemagne est le pays où se concentre une des parties de la classe ouvrière la plus expérimentée du monde, celle qui a effectué la révolution de 1918-19 dans la continuité de la révolution de 1917 en Russie. C'est aussi cette classe ouvrière qui a subi une défaite écrasante orchestrée par toute sa bourgeoisie nationale (avec à sa tête le parti socialiste) au moment de la révolution et qui pourra en tirer le mieux toutes les leçons pour les nouvelles générations ouvrières. Le fait que des luttes se développent maintenant au cœur du capitalisme mondial, au moment même où tous les continents connaissent également des grèves et des luttes, démontre concrètement que la perspective historique ouverte en 1968 est en train de se confirmer. La discussion du congrès a mis en évidence les difficultés que rencontrent ces luttes dans leur développement, et qu'il ne s'agit pas pour la classe ouvrière et pour ses minorités de révolutionnaires de sous-estimer. Contrairement à l'époque de Mai 1968, la classe ouvrière ne se fait plus beaucoup d'illusions aujourd'hui sur l'avenir que peut lui offrir à elle-même et à ses enfants ce capitalisme englué de plus en plus profondément depuis quarante ans dans sa crise généralisée et dans une décomposition de plus en plus visible et avancée. Mais la question de la perspective de la lutte de classe, la nécessité de la révolution communiste reste encore aujourd'hui en dehors de la conscience qui existe dans la très grande majorité de la classe ouvrière. Cette difficulté est sans aucun doute une des caractéristiques majeures de la nouvelle vague mondiale de la lutte de classe. Cependant, nous avons pu analyser dans le congrès comment les attaques de plus en plus simultanées, la dégradation de plus en plus uniformes des conditions de la vie ouvrière conduisaient les prolétaires à développer de plus en plus fréquemment la solidarité active dans leurs luttes. Cette solidarité indispensable au développement de l'extension et de l'unité de son combat. Un autre aspect de la lutte de classe discuté au congrès et qui n'était pratiquement pas présent au moment de Mai 1968, est celui des réactions de plus en plus fréquentes de la classe ouvrière au problème de la faim. Se nourrir devient une question de plus en plus pressante pour une partie croissante de la classe ouvrière. Au cours de la dernière période, des émeutes de la faim ont ainsi éclaté dans de nombreux pays, comme en Égypte encore tout récemment. La classe ouvrière dans son ensemble va devoir intégrer dans sa lutte générale contre le capitalisme, cet aspect maintenant incontournable de la lutte de classe. Contrairement à 1968, l'état du capitalisme mondial est aujourd'hui autrement plus grave et décomposé et la lutte de classe autrement plus indispensable et vitale encore. Mais cette situation pose de fait à la lutte ouvrière des questions autrement plus complexes encore à résoudre qu'au moment de Mai 1968. Ce sont les luttes à venir qui devront dans leur pratique se confronter et résoudre l'ensemble de ces questions.

La discussion sur la lutte de classe en France

Le congrès a analysé de manière approfondie la situation en France et a mis en évidence qu'elle illustrait de façon significative l'évolution de la lutte de classe au niveau mondial. Ainsi, en 2003, c'est la classe ouvrière en France, en même temps que celle d'Autriche, qui a montré le renouveau de la lutte de classe plus de dix ans après le coup reçu avec la chute du Mur de Berlin. Cette dynamique s'est confirmée avec la lutte contre le CPE au printemps 2006 et les luttes de novembre 2007 : celle des étudiants contre la trop fameuse loi dite LRU et celles des cheminots, des gaziers et des électriciens contre les attaques sur les retraites. Toutes ces luttes ont illustré la profondeur de la reprise des combats de classe par la place qu'y ont jouée les jeunes générations et par les formes de lutte qui renouaient avec celles que l'on avait vu en mai 68. En même temps, la sophistication des manœuvres de l'ensemble des forces politiques et syndicales de la bourgeoisie qu'on a vues en oeuvre en novembre 2007 (2) constitue une illustration de ce dont est capable la classe dominante au niveau international pour faire passer ses attaques et retarder le plus possible les surgissements massifs du prolétariat.

Quarante ans après 1968, une nouvelle montée de l'intérêt pour les positions de la Gauche Communiste

Après le XVIIe congrès du CCI, qui s'est tenu en 2007 et celui de notre section en France en 2006, c'était la troisième fois que des groupes du milieu politique prolétarien étaient présents et ont participé activement aux travaux d'un congrès de notre organisation. Une délégation du groupe OPOP du Brésil était déjà présente au congrès de Révolution internationale en 2006 (et avait pu être témoin des manifestations de la lutte contre le CPE). Au congrès international de 2007 étaient présentes des délégations d'OPOP, d'EKS de Turquie et du SPA de Corée du Sud (le groupe Internasyonalismo des Philippines, qui avait accepté notre invitation, n'avait pu venir mais avait envoyé un salut au congrès et des prises de position sur tous les points à l'ordre du jour) Au dernier congrès de la section en France étaient de nouveau présentes des délégations d'OPOP et d'EKS (Internasyonalismo avait de nouveau envoyé des prises de position, étant encore empêché de venir tout comme plusieurs groupes d'Amérique latine qui avaient accepté notre invitation). Cette participation active des groupes internationalistes est ainsi devenue maintenant un acquis dans le camp de la Gauche Communiste. Elle manifeste, après les regroupements effectués dans la suite de Mai 1968, un nouveau regain pour les positions révolutionnaires. Elle traduit le développement de la maturation de la conscience qui commence à se développer dans l'ensemble de la classe ouvrière et qui s'exprime aujourd'hui dans l'émergence de petites minorités organisées ou non. Difficilement certes, mais de manière maintenant visible, la classe ouvrière est amenée nécessairement à se poser de nouveau avec beaucoup plus de profondeur, les questions esquissées en 1968. Il est indéniable que plus encore qu'à la fin des années 1960, début des années 1970, ce regain d'intérêt se concrétise à un niveau jamais atteint depuis lors sur le plan international. Notre congrès a montré à quel point était vitale la capacité de notre organisation et des anciennes générations de militants ayant vécu notamment Mai 1968 de transmettre à leur tour aux jeunes éléments en voie de politisation toute l'expérience accumulée depuis quarante ans. Sans cette capacité, il est évident que la construction du futur Parti communiste mondial ne pourrait se faire. Le regain d'intérêt pour les positions de la Gauche Communiste que nous connaissons actuellement sont sans aucun doute les premiers pas effectués dans ce sens.

La culture du débat, une question vitale pour la lutte de classe

Tous les ouvriers ou militants qui ont vécu Mai 1968 ont eu un avant-goût de ce que débattre de manière prolétarienne veut dire. La bourgeoisie veut toujours nous présenter les luttes de 1968 comme de simples affrontements violents entre les étudiants et les forces de police. Rien n'est plus faux ! Dans les luttes massives de la classe ouvrière à cette époque et malgré toutes les difficultés liées au sabotage des forces de gauche et des syndicats, les ouvriers en lutte, dans les assemblées générales et les manifestation de rue ont commencé à développer des discussions collectives sur le sens et les objectifs de leur lutte. De la même manière sans l'envie de débattre, il n'y aurait pas eu de regroupement des forces révolutionnaires à cette époque et sans aucun doute pas de CCI. Le renouveau de la lutte de classe internationale a nécessairement poussé tous ceux qui ressentaient réellement les exigences posées par le combat de classe et ses perspectives vers le développement le plus large et le plus ouvert des discussions. Depuis lors, cette condition même de la lutte ouvrière et du regroupement des révolutionnaires s'est imposée beaucoup plus clairement et consciemment à notre organisation. Cela fait maintenant plusieurs années que le CCI a placé la question de la culture du débat dans le mouvement ouvrier au coeur de ses préoccupations, tant théoriques que pratiques. Ce XVIIIe congrès de Révolution internationale a poursuivi en profondeur ce travail. Mais plus encore, c'est dans la tenue de ses débats : ouverts, fraternels, faits d'écoute attentive et réciproque, que s'est manifestée le mieux toute notre maturation dans ce domaine. Mais cette nécessité, cette condition du regroupement des forces internationalistes et du combat de classe, s'est également manifestée dans la manière dont les groupes présents ont participé eux-mêmes aux discussions du congrès, reprenant entièrement à leur compte cette manière de débattre et la réflexion du CCI sur cette question.

Malgré toutes les difficultés, les défaites partielles subies par la classe ouvrière depuis quarante ans, il est une réalité qui s'est dégagée avec force dans les travaux du congrès et qui doit rester claire aux yeux de la classe ouvrière et de ses minorités : l'espoir et les promesses ouvertes par Mai 1968 ne sont pas mortes et enterrées. Bien au contraire, la perspective historique ouverte à cette époque se trouve confirmée jour après jour. Mai 1968 en France et toutes les luttes qui se sont développées à cette époque dans de nombreux pays font partie intégrante de l'expérience et de l'histoire de la classe ouvrière. L'énorme intérêt suscité par Mai 68 lors de son 40e anniversaire, non seulement en France mais aussi dans beaucoup d'autres pays, notamment auprès des nouvelles générations, est le signe que, dès à présent, les éléments les plus avancés du prolétariat mondial ont pris le chemin de la réappropriation de cette expérience et de cette histoire afin d'en féconder les combats de demain.

CCI


1) Sur la signification internationale de Mai 68 et ses implications sur le renouveau des forces révolutionnaires, voir notre série d'articles sur "Mai 68 et la perspective révolutionnaire" publiée dans les numéros 388 à 392 [115] de notre journal. 

2) Voir à ce propos notre article "Lutte des cheminots, mouvement des étudiants : gouvernement et syndicats main dans la main contre la classe ouvrière" [116] dans Révolution internationale n° 385.

 

Vie du CCI: 

  • Résolutions de Congrès [117]

Renforcement du flicage : la bourgeoisie se prépare à affronter la classe ouvrière

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Pendant la période estivale, l'Etat et ses dirigeants préparent toujours de mauvais coups. Profitant de la période des vacances, la classe dominante a pu de nouveau perfectionner en catimini son arsenal destiné à fliquer la population et en particulier la classe ouvrière. A l'échelle de tous les pays, notamment là où les prolétaires sont les plus nombreux et concentrés, les moyens et dispositifs de surveillance se sont accrus brutalement, toujours accompagnés des technologies dernier cri.

Une des priorités mises en avant, c'est la surveillance des rues et lieux publics. Cette question semble particulièrement brûlante en France puisque cette dernière a accusé un retard relatif eu égard aux mesures prises par ses voisins anglo-saxons.

Surveillance accrue et fichage renforcé

Aussi, le projet de multiplier par trois les caméras de vidéosurveillance a donc été relancé, permettant d'ici à 2009 de passer de 340 000 à 1 million de caméras dans tous les lieux publics. En la matière, c'est la Grande-Bretagne qui détient officiellement le record avec, rien qu'à Londres, plus de 400  000 caméras  ! Cette dernière envisage maintenant de moderniser son parc en équipant un certain nombre de sites de "caméras intelligentes". Ces caméras, capables d'un zoom à plus d'un kilomètre de distance d'intensifier la lumière et équipées d'infrarouges, sont censées maintenant déceler et analyser des situations "troublant l'ordre public". Elles font de plus en plus appel à des données biométriques. Le dispositif "person tracking unit" d'IBM existant permet déjà de scanner des étiquettes sur les éléments d'une foule afin de suivre ses mouvements dans les lieux publics. Des véhicules mobiles de police sont déjà dotés d'équipements hautes technologies (Automatic Number Plate Recognition) qui permettent simultanément sur un lieu de lire toutes les plaques d'immatriculation, les photographier, les localiser par GPS et envoyer toutes les coordonnées à un fichier informatique centralisé pour renseignements (1). Outre le suivi à la trace, on peut avoir en prime la localisation de celui qui n'a pas encore payé son assurance, qui a son contrôle technique en retard, etc. En matière de téléphonie mobile, le Danemark et la Suède viennent de commercialiser un mobile GPS qui permet "d'espionner ses amis"  ! En Australie, le "telecommunication act", texte gouvernemental, autorise les agences de sécurité à surveiller les communications des employés. Certaines entreprises ne se gênent même plus pour contrôler les mails de leurs salariés et les scruter au travail. Il existe donc toute une stratégie industrielle et étatique permettant de façon insidieuse de faire accepter cette logique totalitaire de surveillance aux populations, en commençant dès le plus jeune âge (2). C'est pour cela par exemple que commencent à fleurir dans les écoles et lycées des dispositifs faisant appel à des données biométriques (dans les cantines, etc.) ou des fichiers  (3) permettant de traquer les sans-papiers ou "délinquants".

On assiste parallèlement à un développement croissant du fichage, au croisement des fichiers et à la coopération européenne et euro- atlantique pour le partage des données contenant des informations sensibles sur la vie privée des personnes.

C'est dans cette optique que la France envisage d'ouvrir un nouveau fichier, répondant au doux prénom d'Edvige. Ce nouveau fichier, né d'un décret et paru au journal officiel le premier juillet, correspond à la volonté de mêler les fichiers des RG et de la DST. Il permet de "centraliser et d'analyser les informations relatives aux individus, groupes, organisations et personnes morales qui en raison de leur activité individuelle ou collective, sont susceptibles de porter atteinte à l'ordre public". Les personnes visées le sont désormais à partir de l'âge de 13 ans  ! En fait, ce fichier ne fait qu'officialiser une pratique déjà rôdée recoupant le fichier Christina (centralisation du renseignement intérieur pour la sécurité du territoire et les intérêts nationaux), classé "secret défense", véritable centre de données sur les personnes fichées englobant leurs proches et relations (4). Tout cela montre qu'un véritable observatoire en vu de réprimer les militants et les organisations du prolétariat est déjà largement en place. Le nouveau fichier Edvige ne fait que l'officialiser en le renforçant  !

Il existe en fait officiellement 37 fichiers dont celui sur les empruntes génétiques FNAEG (5). Créé en 1998 pour réprimer les infractions sexuelles, ce dernier fichier a glissé à partir de 2003 pour s'ouvrir sur "l'identification criminelle". Un fichier qu'on a voulu étendre aux immigrés pour "faciliter le rapprochement familial"  !

Ce qu'on peut dire, c'est qu'une telle volonté de contrôle absolu et une telle paranoïa exprime la réalité d'une société en déclin, menacée de toutes parts par les convulsions de sa propre crise avec les tensions sociales qui l'accompagnent. C'est cette tendance au capitalisme d'Etat, devenue universelle pratiquement depuis un siècle, qui fait que l'Etat a aspiré toute la vie sociale en se donnant des moyens qui font froid dans le dos pour "tout voir et tout savoir". (dixit Sarkozy, ex-premier flic de France)

Une menace directe contre la classe ouvrière

C'est bien entendu au nom de la "menace terroriste" et de la "protection du citoyen" que ces dernières années, notamment depuis l'attentat du 11 septembre 2001 à New York, les Etats ont pris des mesures de flicage d'une ampleur sans précédent, dépassant de loin la fiction 1984 de G. Orwell. Exploitant jusqu'à la nausée le choc brutal de l'attentat, la bourgeoisie et ses médias ont su exploiter habilement l'émotion et l'indignation légitimes des populations pour muscler tout un arsenal répressif avec des "lois liberticides". Cependant, la mise en évidence des mensonges de la clique Bush et l'échec patent des Etats-Unis en Irak rendent de plus en plus difficile la justification des mesures de flicage qui suscitent questionnement et inquiétudes. Bas les masques  ! Il apparaît de plus en plus évident que ce qui obsède la bourgeoisie, c'est en fin de compte la défense de "l'ordre public", c'est-à-dire le maintien de la dictature du capital face aux mouvements sociaux. Cette crainte du prolétariat, des "classes dangereuses", n'est pas nouvelle et remonte aux origines des confrontations entre prolétaires et bourgeois. Dès 1803, Napoléon a été le premier à imposer le "livret ouvrier" pour contrôler les déplacements et surveiller les prolétaires combatifs. Comme par le passé, mais avec des moyens plus modernes, la bourgeoisie se prépare centralement à réprimer aujourd'hui les luttes ouvrières. Depuis 2003 en effet, avec le développement de la lutte de classe à un niveau international, la bourgeoisie est sur le qui-vive. Aujourd'hui, alors que la récession mondiale est en train de s'installer et que la crise économique s'approfondit, elle sait que les attaques massives et brutales qu'elle va encore devoir porter ne peuvent que pousser les ouvriers à réagir. C'est d'ailleurs pour cela que déjà lors des grèves étudiantes contre le CPE en 2006 et lors de la grève des étudiants et cheminots de l'automne dernier, les médias ont diabolisé les grévistes et les forces de l'ordre n'ont cessé de multiplier les intimidations en usant de brutalité. Tout ceci, afin de dissuader et de dégoûter de la lutte. Dans la même logique, les étudiants grévistes arrêtés et jugés ont fait l'objet de propos extrêmement violents de la part du procureur de la république accusant ces jeunes de "criminels". Un président d'université les avait, il est vrai, accusé de "khmers rouges"  ! Quant aux cheminots en lutte, combien de fois avons-nous entendu qu'ils étaient des "preneurs d'otages"  ? Bref, en quelque sorte, des "terroristes"  !

Il n'est pas étonnant d'entendre cet été le ministre de l'Immigration, B. Hortefeux, évoquer la réaction des sans papiers parqués dans les prisons infâmes que sont les centres de rétention administratif (CRA) en termes "d'agissements" perpétrés par des "agitateurs" et des "provocateurs". Cherchant des boucs émissaires en traquant les militants et les éléments combatifs, ce monsieur "a demandé aux forces de sécurité d'être extrêmement vigilantes" (6). Tout ce climat sécuritaire renforcé à l'extrême depuis longue date, entretenu par la droite, la gauche et les médias, vise centralement les banlieues ouvrières. La militarisation et le contrôle des quartiers populaires sont d'ailleurs ouvertement prônés par le "livre blanc" de la défense nationale. On sait que la bourgeoisie a une expérience d'infiltration policière dans les manifestations, qu'elle observe les militants et surveille les organisations en permanence. Elle peut maintenant parfaire cet exercice en croisant les caméras urbaines et des engins tels que les drones. Ces derniers sont des engins légers pour une surveillance aérienne des manifestants. Silencieux et indétectables, munis de caméras, ils sont capables de zoomer sur des groupes de personnes ou des individus. L'expérimentation a déjà eu lieu à Saint-Denis, autour du stade de France, donnant entière satisfaction aux sbires du capital. Un engin tel que le drone prénommé ELSA est amené, n'en doutons pas, a faire de nombreuses sorties lors des prochaines manifestations de rue. Il ne faut pas se tromper, c'est ouvertement face à la contestation et aux menaces de grèves massives que la bourgeoisie aiguise ses armes  !

Face à cette préparation intensive de la bourgeoisie, le prolétariat doit prendre conscience qu'il ne peut compter que sur sa force collective et sa lutte. Il faut prendre conscience que si, individuellement, tout un chacun semble très vulnérable devant un arsenal monstrueux de technologie, cette dernière devient impuissante devant une riposte massive et consciente de la classe ouvrière. Ne nous laissons pas intimider  ! Encore une fois, "Big Brother" n'est que le visage hideux d'une classe sociale agonisante, paranoïaque parce que totalement impuissante devant les contradictions qui minent son système économique barbare.

WH (14 août)

 

1) https://libertesinternets.wordpress.com [118].

2) Un courrier du groupement des industries de l'interconnexion des composants et des sous-ensembles électroniques (GIXEL) définit dans son "livre bleu" qu'il faut "conditionner les populations à la biométrie et au fichage en commençant dès le plus jeune âge".

3) Outre la mise en place du fichier "base élève", il faut dénoncer une "opération expérimentale" menée dernièrement à l'école primaire de Monein qui a fait réagir les enseignants. Comme questions hautement pédagogiques l'enfant de CM2 pouvait lire : "es-tu né en France  ? Ta mère est-elle née en France  ? Ton père est-il né en France  ? Quelle langue parles tu à la maison  ? D'habitude, qui vit avec toi à la maison  ?")

4) Voir le site lemonde.fr [119]

5) www.agoravox.fr [120]

6) www.liberation.fr [121] le 9 août 2008.

 

Récent et en cours: 

  • Luttes de classe [18]

Révolution Internationale n° 394 - octobre 2008

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Va-t-on revivre un krach comme en 1929 ?

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Le 24 septembre 2008, le président des États-Unis, George W. Bush, a tenu, d'après les commentateurs et journalistes du monde entier, un discours "inhabituel". Son allocution télévisée a en effet annoncé sans détour quels tourments allaient s'abattre sur "le peuple américain" : "Il s'agit d'une période extraordinaire pour l'économie des États-Unis. Depuis quelques semaines, de nombreux Américains éprouvent de l'anxiété au sujet de leur situation financière et de leur avenir. [...] Nous avons observé de grandes fluctuations à la Bourse. De grands établissements financiers sont au bord de l'effondrement, et certains ont fait faillite. Alors que l'incertitude s'accroît, de nombreuses banques ont procédé à un resserrement du crédit. Le marché du crédit est bloqué. Les familles et les entreprises ont plus de difficulté à emprunter de l'argent. Nous sommes au milieu d'une crise financière grave [...] toute notre économie est en danger. [...] Des secteurs clés du système financier des États-Unis risquent de s'effondrer. [...] l'Amérique pourrait sombrer dans la panique financière, et nous assisterions à un scénario désolant. De nouvelles banques feraient faillite, dont certaines dans votre communauté. Le marché boursier s'effondrerait encore plus, ce qui réduirait la valeur de votre compte de retraite. La valeur de votre maison chuterait. Les saisies se multiplieraient. [...] De nombreuses entreprises devraient mettre la clé sous la porte, et des millions d'Américains perdraient leur emploi. Même avec un bon bilan créancier, il vous serait plus difficile d'obtenir les prêts dont vous auriez besoin pour acheter une voiture ou envoyer vos enfants à l'université. Au bout du compte, notre pays pourrait sombrer dans une longue et douloureuse récession".

L'économie mondiale touchée par un séisme financier

En réalité, ce n'est pas seulement l'économie américaine qui menace de "sombrer dans une longue et douloureuse récession" mais l'ensemble de l'économie mondiale. Les États-Unis, locomotive de la croissance depuis soixante ans, entraînent cette fois-ci l'économie mondiale vers l'abîme  !

La liste des organismes financiers en très grande difficulté s'allonge ainsi chaque jour :

- En février, la huitième banque anglaise, Northern Rock, a dû être nationalisée sous peine de disparition.

- En mars, Bear Stearns, la cinquième banque de Wall Street, est "sauvée" en étant rachetée par JP Mogan, la troisième banque américaine, via des fonds de la Banque fédérale américaine (la FED).

- En juillet, Indymac, l'un des plus gros prêteurs hypothécaires américains, est mis sous tutelle des autorités fédérales. Il est alors le plus important établissement bancaire à faire faillite aux États-Unis depuis vingt-quatre ans  ! Mais son record ne tiendra pas longtemps.

- Début septembre, le jeu de massacre se poursuit. Freddie Mac et Fannie Mae, deux organismes de refinancement hypothécaire pesant près de 850 milliards de dollars à eux deux, évitent la faillite de justesse par un nouveau renflouement de la FED.

- Quelques jours plus tard seulement, Lehman Brothers, la quatrième banque américaine, se déclare en faillite et cette fois-ci la FED ne la sauvera pas. Le total des dettes de Lehman Brothers s'élevait à 613 milliards de dollars au 31 mai. Record battu  ! La plus grosse faillite d'une banque américaine à ce jour, celle de Continental Illinois en 1984, mettait en jeu une somme seize fois plus modeste (soit 40 milliards de dollars)  ! C'est dire la gravité de la situation.

- Pour éviter d'être frappée du même sort, Merrill Lynch, autre fleuron américain, a dû accepter son rachat en urgence par Bank of America.

- Il en a été de même pour HBOS rachetée par sa compatriote et rivale Lloyds TSB (réciproquement deuxième et première banques d'Écosse).

- AIG (American International Group, l'un des plus grands assureurs mondiaux) a été renfloué de justesse par la Banque centrale américaine. En fait, les finances de l'État américain sont, elles aussi, au plus mal  ; c'est pourquoi la FED avait décidé de ne pas porter secours à Lehman Brothers. Si elle l'a tout de même fait pour AIG, c'est qu'en cas de faillite de cet organisme, la situation devenait totalement incontrôlable.

- Nouveau record  ! Deux semaines seulement après Lehman Brothers, c'est au tour de Washington Mutual (WaMu), la plus importante caisse d'épargne aux États-Unis, de mettre la clef sous la porte  ! 1

Inévitablement, les Bourses sont aussi dans la tourmente. Régulièrement, elles s'effondrent de 3, 4 ou 5  %, au fil des faillites. La Bourse de Moscou a même dû fermer ses portes pendant plusieurs jours, mi-septembre, suite à des chutes successives dépassant les 10  %  !

Vers un nouveau 1929  ?

Face à cette cascade de mauvaises nouvelles, même les plus grands spécialistes de l'économie s'affolent. Alan Greenspan, l'ancien président de la FED (considéré comme un président "mythique" par ses pairs) a ainsi déclaré sur la chaîne de télévision ABC, le 15 septembre 2008 : "On doit reconnaître qu'il s'agit d'un événement qui se produit une fois tous les cinquante ans, probablement une fois par siècle [...] Il n'y a aucun doute, je n'ai rien vu de pareil et ce n'est pas encore fini et cela prendra encore du temps." Plus significative encore fut la déclaration du prix Nobel d'économie, Joseph Stiglitz qui, voulant "calmer les esprits", a affirmé très maladroitement que la crise financière actuelle devrait être moins grave que celle de 1929, même s'il fallait se garder d'un "excès de confiance" : "On peut bien sûr se tromper mais le point de vue général est que nous disposons aujourd'hui d'outils [...] pour éviter une autre Grande dépression 2"  ! Loin de rassurer, cet éminent spécialiste de l'économie, mais pas fin psychologue, a évidemment provoqué l'affolement général. En fait, involontairement, il a dit tout haut ce que tout le monde pense tout bas : allons-nous vers un nouveau 29, vers une nouvelle "dépression"  ?

Depuis lors, pour nous rassurer, les économistes se succèdent sur les plateaux télé pour expliquer que si, oui, la crise actuelle et très grave, elle n'a rien à voir avec le krach de 1929 et que, de toute façon, ça finira par repartir. Tous ceux-là n'ont qu'à moitié raison. Lors de la Grande dépression, aux États-Unis, des milliers de banques ont fait faillite, des millions de gens ont perdu leurs économies, le taux de chômage a atteint 25  % et la production industrielle a chuté de près de 60  %. Bref, l'économie s'est comme arrêtée. En fait, à l'époque, les dirigeants des États n'avaient réagit que très tardivement. Pendant de longs mois, ils avaient laissé les marchés livrés à eux-mêmes. Pire, leur seule mesure fut de fermer les frontières aux marchandises étrangères (par le protectionnisme) ce qui avait fini de bloquer le système. Aujourd'hui, le contexte est très différent. La bourgeoisie a appris de ce désastre économique, elle s'est dotée d'organismes internationaux et surveille la crise comme le lait sur le feu. Depuis l'été 2007, les différentes banques centrales (principalement la FED et la Banque centrale européenne - la BCE) ont injecté près de 2000 milliards de dollars pour sauver les établissements en difficulté. Elles sont ainsi parvenues à éviter l'effondrement net et brutal du système financier. L'économie est en train de décélérer très très vite mais ne se bloque pas. Par exemple, en Allemagne, la croissance pour 2009 ne devrait être que de 0,5  % (d'après l'hebdomadaire allemand Der Spiegel du 20 septembre). Mais contrairement à ce que disent tous ces spécialistes et autres docteurs ès-science, la crise actuelle est beaucoup plus grave qu'en 1929. Le marché mondial est totalement saturé. La croissance de ces dernières décennies n'a été possible que par un endettement massif. Le capitalisme croule aujourd'hui sous cette montagne de dettes  ! 3

Certains politiciens ou hauts responsables de l'économie mondiale nous racontent aujourd'hui qu'il faut "moraliser" le monde de la finance afin de l'empêcher de commettre les excès qui ont provoqué la crise actuelle et de permettre le retour à un "capitalisme sain". Mais ils se gardent de dire (ou ils n'ont pas envie de le voir) que la "croissance" des années passées a justement été permise par ces "excès", c'est-à-dire la fuite en avant du capitalisme dans l'endettement généralisé 4. Ce ne sont pas les "excès des financiers" qui sont les véritables responsables de la crise actuelle  ; ces excès et cette crise de la finance ne font qu'exprimer la crise sans issue, l'impasse historique dans lesquelles se trouve le système capitaliste comme un tout. C'est pour cela qu'il n'y aura pas de véritable "sortie du tunnel". Le capitalisme va continuer de s'enfoncer inexorablement. Le Plan Bush de 700 milliards de dollars, censé "assainir le système financier", sera forcément un échec. Si ce plan est accepté 5, le gouvernement américain va récupérer les créances douteuses pour apurer les comptes des banques et relancer le crédit. A l'annonce de ce plan, soulagées, les Bourses ont battu des records de hausse en une seule journée (9,5  % pour la Bourse de Paris, par exemple). Mais depuis, elles font du yo-yo car, au fond, rien n'est vraiment réglé. Les causes profondes de la crise sont toujours là : le marché est toujours saturé de marchandises invendables et les établissements financiers, les entreprises, les États, les particuliers... croulent toujours sous le poids de leurs dettes.

Les milliers de milliards de dollars jetés sur les marchés financiers par les différentes banques centrales de la planète n'y changeront rien. Pire, ces injections massives de liquidités signifient un nouvel accroissement des dettes publiques et bancaires. La bourgeoisie est dans l'impasse, elle n'a que des mauvaises solutions à offrir. C'est pourquoi la bourgeoisie américaine hésite tellement à lancer le "plan Bush"  ; elle sait que si dans l'immédiat cela évite la panique, cela revient surtout à préparer de nouveaux soubresauts d'une extrême violence pour demain. Pour George Soros (l'un des financiers les plus célèbres et respectés de la planète), la "possibilité d'un éclatement du système financier existe".

Une vague de paupérisation sans précédent depuis les années 1930

Les conditions de vie de la classe ouvrière et de la majorité de la population mondiale vont se dégrader brutalement. Une vague de licenciements va frapper simultanément tous les coins de la planète. Des milliers d'usines vont fermer. D'ici la fin 2008, pour le seul secteur de la finance, 260 000 emplois devraient être supprimés aux États-Unis et en Grande-Bretagne (d'après le quotidien français les Échos, du 26 septembre). Or, un emploi dans la finance génère en moyenne quatre emplois directs  ! L'effondrement des organismes financiers signifie donc le chômage pour des centaines de milliers de familles ouvrières. Les saisies immobilières vont encore augmenter. 2,2 millions d'Américains ont déjà été expulsés de chez eux depuis l'été 2007, 1 million encore devraient se retrouver à la rue d'ici Noël. Et ce phénomène commence à toucher l'Europe, en particulier l'Espagne et la Grande-Bretagne.

En Angleterre, le nombre de saisies immobilières a augmenté de 48  % au 1er semestre 2008. Depuis un peu plus d'un an, l'inflation a fait son grand retour sur le devant de la scène. Le prix des matières premières et des denrées alimentaires a explosé, ce qui a provoqué des famines et des émeutes dans de très nombreux pays 6. Les centaines de milliards de dollars injectés par la FED et la BCE vont encore accroître ce phénomène. Cela signifie une paupérisation de toute la classe ouvrière : se loger, se nourrir, se déplacer va devenir de plus en plus difficile pour des millions de prolétaires  !

La bourgeoisie ne manquera pas de présenter la note de sa crise à la classe ouvrière. Au programme : diminution des salaires réels, des aides et des allocations (pour le chômage, la santé...), allongement de l'âge de la retraite, hausse des impôts et multiplication des taxes. D'ailleurs, Georges W. Bush a déjà prévenu : son plan de 700 milliards de dollars sera financé par les "contribuables". Les familles ouvrières devront débourser plusieurs milliers de dollars chacune pour renflouer les banques au moment même où une grande partie d'entre elles n'arrive même plus à se loger  !

Si la crise actuelle n'a pas l'aspect soudain du krach de 1929, elle va faire subir les mêmes tourments aux exploités du monde entier. La vraie différence avec 1929 ne se situe pas du côté de l'économie capitaliste mais du côté de la combativité et de la conscience de la classe ouvrière. A l'époque, alors qu'il venait de subir l'échec de la Révolution russe de 1917, l'écrasement des révolutions en Allemagne entre 1919 et 1923 et les affres de la contre-révolution stalinienne, le prolétariat mondial était totalement abattu et résigné. Les coups de boutoirs de la crise avaient bien déclenché des mouvements de chômeurs importants aux États-Unis, mais cela n'avait pas été plus loin et le capitalisme avait entraîné l'humanité vers la Seconde Guerre mondiale. Aujourd'hui, c'est totalement différent. Depuis 1968, la classe ouvrière a soulevé la chape de plomb de la contre-révolution et si les campagnes de 1989 sur la "fin du communisme" lui avaient porté un coup violent, depuis 2003, elle développe sa lutte et sa conscience. La crise économique peut être le terreau fertile sur lequel vont germer la solidarité et la combativité ouvrières  !

Françoise (27 septembre)

1) A l'annonce de toutes ces faillites en chaîne, on ne peut qu'être indigné en pensant aux sommes faramineuses empochées ces dernières années par les responsables de ces différents organismes. Par exemple, les dirigeants des cinq premières banques de Wall Street ont touché 3,1 milliards de dollars en 5 ans (Bloomberg). Et aujourd'hui, c'est la classe ouvrière qui subit les conséquences de leur politique. Même si la démesure de leur salaire n'explique pas la crise, elle révèle ce qu'est la bourgeoisie : une classe de gangsters qui a le plus grand mépris pour les ouvriers, les "petites gens"  !

22) La "Grande dépression" correspond à la crise des années 1930.

3) Les "créances douteuses" (c'est-à-dire risquant fortement de ne pas être remboursées) se situent aujourd'hui, au niveau mondial, entre 3000 et 40 000 milliards de dollars, suivant les évaluations. L'imprécision de cette fourchette provient du fait que les banques se sont vendus mutuellement ces prêts à risques, à ce point qu'elles ne parviennent plus aujourd'hui à les évaluer réellement  !

4) Comme l'a dit un journaliste sur le plateau d'une émission de "C dans l'air" sur France 5 : "Les États-Unis ont joué les prolongations grâce au crédit" .

5) A l'heure où nous mettons sous presse, les discussions entre le gouvernement et le congrès sont toujours en cours.

6) Lire "Crise alimentaire : les émeutes de la faim montrent la nécessité de renverser le capitalisme [106]".

 

Récent et en cours: 

  • Crise économique [34]

La contribution de l'État français à la barbarie guerrière

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Sarkozy n'a pas d'un jockey que la taille mais il en a aussi l'ambition, celle d'être dans chaque course le premier arrivé au poteau. Cette caractéristique de celui que le Canard enchaîné nomme "l'omniprésident" concerne tous les aspects de son activité présidentielle, confinant fréquemment au ridicule le plus achevé. De l'Afrique au conflit en Géorgie avec la Russie, en passant par l'Europe, on voit donc s'enchaîner de sa part les promesses non tenues et les grands effets d'annonce suivis des conséquences les plus nulles, voire contraires à ce qui était attendu. Mais au-delà de la caricature et des nombreux commentaires satiriques qu'il inspire, parfois autant sinon plus dans ses propres rangs que dans ceux de l'opposition, Nicolas Sarkozy est le véritable reflet de la décomposition capitaliste et son incarnation au sein d'une bourgeoisie française déliquescente. La politique impérialiste que le chef de l'État français mène depuis son accession à l'investiture suprême en est une des expressions les plus évidentes en terme d'aventurisme, d'inconsistance et de manque total de vision à long ou moyen terme. La politique internationale française est la copie conforme, made in France, de la politique que Bush et son équipe mènent, à la tête de l'appareil d'État américain, depuis bientôt huit ans.

Comme nous le disions dans notre Revue internationale no 108 [122] : "Le trait le plus caractéristique de cette phase ultime du capitalisme se manifeste par le gigantesque désordre régnant tant dans les rapports entre États que dans la forme que prennent leurs affrontements impérialistes. Chaque État national tire la couverture à lui sans accepter la moindre discipline. C'est ce que nous avons caractérisé comme ‘le chacun pour soi', qui exprime et à son tour aggrave un état général de chaos impérialiste mondial, tel que nous l'avions prévu il y a plus de dix ans lors de l'effondrement de l'ancien bloc soviétique : "... le monde se présente comme une immense foire d'empoigne où jouera à fond la tendance au ‘chacun pour soi', où les alliances entre États n'auront pas, loin de là, le caractère de stabilité qui caractérisait les blocs, mais seront dictées par les nécessités du moment. Un monde de désordre meurtrier, de chaos sanglant..." (Revue internationale no 108, 2e trimestre 2002, "La guerre anti-terroriste sème terreur et barbarie [122]").

Une politique africaine de plus en plus erratique

Après avoir affirmé la fin de la "Françafrique" et d'une "politique clientéliste", "des réseaux d'un autre temps et des émissaires officieux" pendant la campagne électorale ainsi que le début d'une "nouvelle politique africaine" dès le début de son mandat, après avoir réaffirmé au printemps dernier "Nous voulons soutenir les régimes démocratiques" sur le continent noir, qu'en est-il vraiment de la politique menée par Sarkozy et la bourgeoisie française en Afrique  ? Ni plus ni moins que la continuation de la même politique impérialiste soutenant des régimes aux ordres de potentats sanguinaires répondant aux nécessités économiques et militaires de la France. C'est d'ailleurs une vieille antienne de l'impérialisme français en Afrique, de droite comme de gauche, pour faire passer la pilule de sa présence et de ses multiples coups de force militaires en les justifiant par des discours lénifiants. Ainsi, en 1990, au fameux discours de La Baule, Mitterrand, chantre de la démocratie africaine, avait lancé : "Notre rôle à nous, pays étranger, fut-il ami, n'est pas d'intervenir dans les conflits intérieurs. La France n'entend pas arbitrer les conflits." Belle hypocrisie dont le massacre de près d'un million de Tutsis au Rwanda en 1994, organisé à l'instigation des forces françaises, fut une concrétisation des plus éclatantes. Aujourd'hui, rien n'a changé, au contraire. La France est le seul pays au monde, outre la présence américaine récente et discrète à Djibouti, à maintenir une présence militaire, de 10 000 soldats en Afrique. Aussi, le départ des troupes françaises est loin d'être à l'ordre du jour, et la "Françafrique", avec ses magouilles immondes et son clientélisme sordide, a de beaux jours devant elle, car il en va de la défense des intérêts et du statut impérialiste mondial de la France. C'est bien pour cela que Sarkozy, après avoir déclaré en Afrique du Sud en mars 2008 que "La France n'a pas vocation à maintenir ses forces armées en Afrique", rappelait la seconde suivante aux chefs d'Etat africains dont la survie dépend de la présence française : "Si vous y tenez vraiment, on restera"  ! En attendant, Sarkozy ne peut s'empêcher d'émailler ces belles déclarations pro-démocratiques et humanistes de discours comme celui de Dakar fin juillet 2007 où transpire à grosses gouttes le plus grand mépris pour "l'homme africain" "sans histoire" et pour les populations africaines et arabes.

Europe et "Union pour la Méditerranée"

La politique que mène Sarkozy en Europe au nom de l'État français est aussi peu lisible et tout aussi désastreuse. Ainsi, après le "non" irlandais à l'Europe, le président français, président de l'Europe, a affirmé, sans autre forme diplomatique et sans demander son avis au Conseil européen, la nécessité de refaire voter les Irlandais, afin que son projet de Traité constitutionnel européen de Lisbonne puisse voir le jour, pour se rétracter immédiatement après devant le tollé général que son intervention avait fait naître au sein de l'Europe. Ceci n'a eu pour conséquence que d'irriter un peu plus à la fois la Grande-Bretagne et une Allemagne déjà peu encline à soutenir l'action désordonnée de la France. Une action que le projet d'Union pour la Méditerranée (UPM) est venu décrédibiliser un peu plus encore. Cet avatar des prétentions françaises à mettre sur pied cette resucée d'un vieux projet européen (Processus de Barcelone ou Euromed), datant de 1995 et abandonné de tous, prétend avoir pour objectif de "combler le fossé entre un Nord plutôt riche et un bassin méditerranéen beaucoup plus pauvre", "d'améliorer le dialogue entre les deux rives", mais aussi et surtout de servir de tremplin à une réintroduction de la France dans le jeu des grandes puissances, en particulier au Moyen-Orient. Las, cette UPM est destinée à une vie aussi éphémère que la présidence française européenne et n'aura servi qu'à attiser les dissensions entre la France et les autres pays européens, totalement laissés pour compte dans l'affaire. D'ailleurs, la politique consistant à caresser dans le sens du poil et de façon précipitée les pays arabes "durs en affaires" a montré cet hiver ce qu'elle pouvait donner comme brillants résultats avec Khadafi, "grand ami" de la France au point que son bivouac de bédouin a occupé les jardins de l'Elysée une semaine durant... pour mieux claquer la porte au nez de son hôte en qualifiant de "scandale" la création de l'UPM.

Géorgie, Afghanistan, intégration dans l'OTAN

Evidemment, tout ce cirque fait bien rire les médias. Mais derrière la stupidité de la politique française actuelle, il y a des êtres humains qui en souffrent et en meurent. Qu'a fait la France en Géorgie  ? Rien, ou plutôt défendre la chèvre et le chou pour préserver à la fois son rôle de pays de l'Union européenne et ayant des intérêts comme tels à défendre, mais aussi ses relations privilégiées avec la Russie de Poutine. Car, au-delà des rodomontades dont a parlé la presse pour redorer le blason du caractériel de l'Élysée et faire croire à sa dimension internationale, dans un premier temps, Sarkozy a obtenu un cessez-le-feu de Moscou... aux conditions décidées par la Russie, puis, malgré ses menaces inconditionnelles médiatiques, n'a même pas pu gagner la reconnaissance de la souveraineté géorgienne par Medvedev, pour enfin, avec l'Union européenne, s'écraser mollement sans maintenir aucune "sanction" contre la Russie, et sans même souffler mot contre la reconnaissance de l'indépendance de l'Abkazie et de l'Ossétie du Sud par la même bourgeoisie russe.

Pour ce qui concerne l'engagement français en Afghanistan, on se trouve devant la même inconséquence. Alors que le président français s'était très formellement engagé à sortir la France du bourbier afghan avant son élection, il s'engage plus que jamais dans ce qui est une défaite annoncée. Cette guerre, dite de quatrième génération (G4G) par les spécialistes militaires, est considérée comme un conflit où la puissance attaquante, bien que supérieure, est "fixée" par l'ennemi et destinée à une guérilla sans fin. Ce qui veut dire que le marasme est bien pire chaque jour. Alors pourquoi un tel engagement de la France, avec les morts et le discrédit grandissant et justifié dans la population  ? Une fois encore la logique est difficile à cerner. Car cette intégration à l'OTAN que développe Sarkozy ne correspond à aucune nécessité de l'impérialisme français 1, sinon de montrer ses petits muscles jusqu'en Asie, sans espérer ni gagner quoi que ce soit de l'alliance avec les États-Unis, qui exigent de plus en plus de forces de l'État français, ni espérer leur faire la pige au Pakistan et y gagner une quelconque zone d'influence consistante. Le retour prôné par Sarkozy de la France au sein de l'OTAN est d'autant plus catastrophique que l'OTAN elle-même connaît un effondrement aggravé et une décomposition accélérée du fait de la perte de sa première justification avec la fin de la guerre froide. Dès lors, l'OTAN ne sert plus qu'aux desseins propres de l'impérialisme américain.

Ce n'est pas un hasard si des hommes politiques bourgeois aussi rétrogrades que Bush aux États-Unis, Berlusconi en Italie ou encore Sarkozy en France se retrouvent au pouvoir dans de grandes puissances impérialistes. C'est même cette tendance qui va se développer dans l'avenir. La faillite économique du capitalisme, son enfoncement dans la décomposition et la barbarie, ne contient plus une once de rationalité et de perspective pour la société. Un système de plus en plus condamné à l'incohérence ne peut ainsi que produire des hommes politiques de plus en plus incohérents eux mêmes. Sarkozy comme toute sa classe sont condamnés à être les chefs d'orchestre d'une barbarie et d'un chaos croissant.

Wilma (25 septembre)

 

1) Après avoir affirmé l'évidence, à savoir que cette guerre ne pouvait que s'enliser toujours plus, voilà ce que déclaraient eux-mêmes certains membres du gouvernement : "Nous nous opposons, en second lieu, à cette décision présidentielle parce qu'elle a peu à voir avec l'Afghanistan et beaucoup avec l'obsession atlantiste du Président de la République et son projet de réintégrer la France dans le commandement de l'OTAN. En abdiquant son autonomie de décision militaire et stratégique dont tous les présidents de la Ve République ont été les gardiens, en abandonnant son combat pour le multilatéralisme, en oubliant ses ambitions d'un pilier européen de la défense, la France perdrait sa liberté de choix dans le monde." On ne peut pas être plus explicite.


Géographique: 

  • France [35]

Récent et en cours: 

  • Guerre [109]

Quelle différence entre les émeutes de la faim et les émeutes des banlieues ?

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Depuis le début de l'année, la crise économique mondiale, qui révèle l'impasse dans laquelle se trouve le système capitaliste, a provoqué dans de nombreux pays des émeutes de la faim, en même temps que se déroulaient des luttes ouvrières pour des augmentations de salaires, notamment face à la flambée des prix. Le dénominateur commun des émeutes de la faim qui ont explosé depuis ce début d'année un peu partout, en Haïti, au Mexique, aux Philippines, en Égypte, est la flambée du prix des denrées alimentaires ou leur pénurie criante qui ont frappé brutalement les populations pauvres et ouvrières de ces pays.

Les pillages de magasins sont une réaction tout à fait compréhensible face à une situation insupportable, de survie, pour les acteurs de tels actes et leur famille. En ce sens, les émeutes de la faim, même lorsqu'elles provoquent des destructions et des violences, ne sont pas à mettre sur le même plan et n'ont pas la même signification que les émeutes urbaines (comme celles de Brixton en Grande-Bretagne en 1981 et celles des banlieues françaises en 2005) ou les émeutes raciales (comme celles de Los Angeles en 1992)  1.

Bien qu'elles troublent "l'ordre public" et provoquent des dégâts matériels, ces dernières ne servent en fin de compte que les intérêts de la bourgeoisie qui est tout à fait capable de les retourner non seulement contre les émeutiers eux-mêmes, mais aussi contre l'ensemble de la classe ouvrière. En particulier, ces manifestations de violence désespérées (et dans lesquelles sont souvent impliqués des éléments du lumpenproletariat) offrent toujours une occasion à la classe dominante de renforcer son appareil de répression. Ce type d'émeutes est un pur produit de la décomposition du système capitaliste. Elles sont une expression du désespoir et du "no future" qu'il engendre et qui se manifeste par leur caractère totalement absurde. Il en est ainsi par exemple des émeutes qui ont embrasé les banlieues en France en novembre 2005 où ce ne sont nullement dans les quartiers riches habités par les exploiteurs que les jeunes ont déchaîné leurs actions violentes mais dans leurs propres quartiers qui sont devenus encore plus sinistrés et invivables qu'auparavant. De plus, le fait que ce soit leur propre famille, leurs voisins ou leurs proches qui aient été les principales victimes des déprédations révèle le caractère totalement aveugle, désespéré et suicidaire de ce type d'émeutes. Ce sont en effet les voitures des ouvriers vivant dans ces quartiers qui ont été incendiées, des écoles ou des gymnases fréquentés par leurs frères, leurs sœurs ou les enfants de leurs voisins qui ont été détruits. Et c'est justement du fait de l'absurdité de ces émeutes que la bourgeoisie a pu les utiliser et les retourner contre la classe ouvrière. C'est ainsi que leur médiatisation à outrance a permis à la classe dominante de pousser un maximum d'ouvriers des quartiers populaires à considérer les jeunes émeutiers non pas comme des victimes du capitalisme en crise, mais comme des "voyous". Elles ne pouvaient que venir saper toute réaction de solidarité de la classe ouvrière envers ces jeunes.

Pour leur part, les émeutes de la faim sont d'abord et avant tout une expression de la faillite de l'économie capitaliste et de l'irrationalité de sa production. Celle-ci se traduit aujourd'hui par une crise alimentaire qui frappe non seulement les couches les plus défavorisées des pays "pauvres" mais de plus en plus d'ouvriers salariés, y compris dans les pays dits "développés". Ce n'est pas un hasard si la grande majorité des luttes ouvrières qui se développent aujourd'hui aux quatre coins de la planète ont comme revendication essentielle des augmentations de salaires. L'inflation galopante, la flambée des prix des produits de première nécessité conjuguées à la baisse des salaires réels et des pensions de retraite rognés par l'inflation, à la précarité de l'emploi et aux vagues de licenciements sont des manifestations de la crise qui contiennent tous les ingrédients pour que la question de la faim, de la lutte pour la survie, commence à se poser au sein de la classe ouvrière. Et c'est justement parce que la question de la crise alimentaire frappe déjà les ouvriers des pays "pauvres" (et va toucher de plus en plus ceux des pays centraux du capitalisme) que la bourgeoisie aura les plus grandes difficultés à exploiter les émeutes de la faim contre la lutte de classe du prolétariat.

Évidemment, ces émeutes sont, elles aussi, des réactions de désespoir des masses les plus paupérisées des pays "pauvres" et ne portent en elles-mêmes aucune perspective de renversement du capitalisme. Mais, contrairement aux émeutes urbaines ou raciales, les émeutes de la faim constituent un concentré de la misère absolue dans laquelle le capitalisme plonge des pans toujours plus grands de l'humanité.

En ce sens, elles contribuent à la prise de conscience du prolétariat de la faillite irrémédiable de l'économie capitaliste. Enfin, elles montrent avec quel cynisme et quelle férocité la classe dominante répond aux explosions de colère de ceux qui se livrent aux pillages de magasins pour ne pas crever de faim : la répression, les gaz lacrymogènes, les matraques et la mitraille.

Par ailleurs, contrairement aux émeutes des banlieues, ces émeutes de la faim ne sont pas un facteur de division de la classe ouvrière. Au contraire, malgré les violences et les destructions qu'elles peuvent occasionner, les émeutes de la faim tendent spontanément à susciter un sentiment de solidarité de la part des ouvriers dans la mesure où ces derniers sont aussi parmi les principales victimes de la crise alimentaire et ont de plus en plus de difficulté à nourrir leur famille. En ce sens, les émeutes de la faim sont beaucoup plus difficiles à exploiter par la bourgeoisie pour monter les ouvriers les uns contre les autres ou pour créer des clivages dans les quartiers populaires.

Avec l'aggravation de la crise, les émeutes de la faim et les luttes ouvrières vont sans doute se multiplier de façon de plus en plus généralisée et simultanée. Elles ne contiennent cependant pas le même potentiel. En effet, seul le combat du prolétariat, sur son propre terrain de classe, peut mettre un terme à la misère, à la famine généralisée en renversant le capitalisme et en créant une nouvelle société sans misère, sans famine et sans guerres.

LE

 

1) Concernant les émeutes raciales de Los Angeles, voir notre article "Face au chaos et aux massacres, seule la classe ouvrière peut apporter une réponse [123]" dans la Revue internationale no 70. Sur les émeutes dans les banlieues françaises de l'automne 2005, lire "Emeutes sociales : Argentine 2001, France 2005... Seule la lutte de classe du prolétariat est porteuse d'avenir [124]" (Revue internationale no 124) et "Thèses sur le mouvement des étudiants du printemps 2006 en France [125]" (Revue internationale no 125).


Récent et en cours: 

  • Crise économique [34]
  • Banlieues [126]

Pendant que l'État cogne, les syndicats nous divisent

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Même Sarkozy a été obligé de le reconnaître dans sa conférence du 25 septembre : "Une crise de confiance sans précédent ébranle l'économie mondiale. Des millions de petits épargnants dans le monde voient fondre leur patrimoine, des millions de retraités craignent pour leur retraite, ces millions de foyers modestes sont mis en difficulté. Les Français ont peur, pour leurs éco­nomies, pour leur emploi, pour leur pouvoir d'achat (...) Dire la vérité aux Français, c'est leur dire que la crise n'est pas finie, que ses conséquences seront durables, que la France est trop engagée dans l'économie mondiale pour être abritée. La crise actuelle aura des conséquences sur la croissance, sur le chômage, sur le pouvoir d'achat." En effet, ce sont de nouvelles dizaines de milliers de suppressions d'emplois qui vont déferler dans les prochains mois, en particulier dans les banques, les assurances, l'immobilier et la construction. Dans le secteur financier, les plans de licenciements ont déjà commencé au Crédit agricole, chez Natixis, Calyon, Kaufman & Broad, etc.

Pour tous les prolétaires, les attaques s'intensifient et la paupérisation s'accentue

Pour le seul mois d'août, il y a eu en France entre 30 000 et 40 000 chômeurs de plus 1  ! C'est le plus mauvais chiffre pour l'emploi depuis 1993 alors même que l'Etat déploie toute son énergie à rayer des listes de l'ANPE un nombre toujours croissant d'ouvriers sans travail. La situation se dégrade chaque jour un peu plus. Et dans les mois qui viennent, les coups sur le prolétariat vont redoubler et le chômage exploser. Des attaques en tous genres sont en effet déjà programmées et annoncées à commencer par les licenciements dans les secteurs productifs "de pointe" comme l'automobile ou la micro-informatique. Ainsi, la suppression de 6000 emplois sur la base d'un prétendu "départ volontaire" (le Monde du 9 septembre) chez Renault dont un millier à Sandouville dans la région du Havre (visant en particulier la moitié des ouvriers dans les ateliers de production de la Laguna) est suivie 15 jours plus tard de l'annonce de 2000 pertes d'emplois supplémentaires, dont 900 en France, avec notamment la fermeture probable à terme des usines de Maubeuge dans le Nord et de Batilly en Lorraine. General Motors se prépare à liquider son usine strasbourgeoise qui représente 1260 emplois. Hewlett-Packard a annoncé le sacrifice de 24 600 emplois dans le monde (dont 9300 en Europe). Ce sont en même temps des centaines d'entreprises sous-traitantes qui vont devoir fermer leurs portes. Il faut y ajouter encore la suppression de 509 postes de travail à la CAMIF (plus d'un tiers des effectifs), la liquidation des salariés chez le volailler Doux, les licenciements annoncés chez l'équipementier Continental, la menace de fermeture de l'usine Sony de Dax...

De même, les "reformes" dans la Fonction publique vont se traduire par 30 600 suppressions de postes en 2009. Officiellement, un fonctionnaire sur deux partant à la retraite ne sera pas remplacé, ce qui est encore bien loin de la réalité puisque tous les non-remplacements des contractuels, emplois-aidés et autres emplois précaires et sous-payés dont l'État s'est fait une spécialité, ne rentrent pas dans ces "statistiques". L'Éducation nationale sera une nouvelle fois particulièrement touchée avec 13 500 suppressions de postes programmées. En même temps, le gouvernement se prépare à lancer un nouveau programme pour réduire le déficit du système de santé avec un renforcement des contrôles sur les actes médicaux, les ordonnances et les arrêts maladie contre les "abus et les fraudes" à la Sécurité sociale, une possible hausse de 1 euro des honoraires médicaux et la poursuite de la saignée dans les hôpitaux (250 établissements supprimés d'ici 2010). Le projet de privatisation prochaine de La Poste va entraîner la fermeture de centaines de bureaux, notamment dans les villages et les zones rurales. La durée de cotisation pour avoir le "droit" de partir en retraite avec une pension de misère est en passe de s'allonger démesurément pour les nouvelles générations de prolétaires tandis que la dégradation accélérée des conditions de vie et de travail contribue à la paupérisation croissante de toute la classe ouvrière (perte du pouvoir d'achat avec la hausse des prix de tous les produits alimentaires de base, des loyers, du gaz, des transports publics, de l'essence - en six mois la consommation de carburant a baissé de 15  %, ce qui n'était jamais arrivé). La loi sur la mobilité des fonctionnaires dans le cadre de la restructuration de l'administration va prochainement autoriser la mise en disponibilité sans salaire d'un fonctionnaire (ce qui est un licenciement déguisé pur et simple  !) en cas de refus de 3 propositions de mutation d'office suite à une suppression de poste.

Le fameux Revenu de solidarité active (RSA) présenté et salué comme "un zeste de mesure enfin sociale du gouvernement" constitue en fait une attaque supplémentaire. Ce nouveau dispositif va entraîner une nouvelle multiplication des "petits boulots" à temps partiel et sous-payés puisque "subventionnés" par cette "aide sociale". Elle ouvre tout grand la voie à la généralisation de la précarité des contrats de travail. Non seulement cette allocation demeure trop faible pour pouvoir sortir les "bénéficiaires" du RSA de la grande pauvreté mais ils vont perdre une série de "droits" liés à la perception du RMI ("prime de Noël", droit aux transports gratuits, perte d'accès automatique à une couverture sociale complémentaire, ainsi que la prime du retour à l'emploi et diverses exonérations comme de la taxe d'habitation ou de la taxe de redevance audiovisuelle). Ils vont en outre subir des contrôles renforcés et plus fréquents de la Caisse d'allocations familiales ou de l'Assurance maladie. Cela signifie surtout pour l'avenir, comme le reconnaissent des experts comme ceux d'Alternatives économiques, "une accentuation énorme des pressions sur les demandeurs d'emploi pour qu'ils acceptent ces ‘emplois indignes'." Pour les chômeurs, la perte des allocations est désormais subordonnée au refus de toute offre d'emploi à moins d'une heure de transport et dans un rayon de 30 km à partir du domicile, tandis que la fusion imminente de l'ANPE et de l'Unedic est destinée à augmenter l'efficacité des contrôles et les radiations.

La combativité ouvrière se heurte au sabotage de la lutte par les syndicats

Dans cette situation de plus en plus dramatique, les syndicats font tout pour ne pas faire de vagues face à un ras-le-bol grandissant. Ils cherchent avant tout à éviter une mobilisation massive en éparpillant et en diluant ce sentiment de colère. Le décalage entre l'ampleur, la dureté, la simultanéité des attaques et la faiblesse de la "riposte" syndicale est flagrant.

• Durant tout l'été, les syndicats ont agité la promesse d'une large riposte des enseignants. Résultat : les syndicats de l'Éducation nationale ont appelé le 11 septembre à des rassemblements locaux devant les inspections d'académie sans proposer la moindre heure de grève.

• Le 23 septembre, ils ont lancé une journée de grève et de mobilisation contre "la privatisation de La Poste" totalement cloisonnée à ce secteur et qui a été seulement suivie par 30 à 40  % des effectifs. De plus, la CGT a soutenu la proposition de la gauche (du PS au NPA de Besancenot en passant par le PCF) de lancer un grand battage pour l'organisation d'un "référendum populaire sur l'avenir de La Poste", en faisant circuler une pétition dans ce sens auprès des usagers. Il s'agit de faire croire qu'il suffit qu'une entreprise reste aux mains de l'État pour garantir "un service public de qualité" au moment où ce même État promulgue toutes sortes de lois et d'attaques anti-ouvrières  !

• Quant à la "grande journée d'action" lancée par la CGT pour le 7 octobre sur le vague thème "contre la politique patronale et gouvernementale" (et à laquelle FO a d'emblée refusé de s'associer... histoire de diviser encore un peu plus), elle s'est rapidement transformée en une évasive "journée internationale de mobilisation des syndicats pour un travail décent".

• Après une semaine de mise au chômage technique et l'annonce du plan de licenciements, les syndicats de Renault à Sandouville ont organisé à plusieurs reprises des "barrages filtrants" et des occupations dans la zone industrielle du Havre pour défouler une grogne très forte. Cependant, lors de manifestations au Havre, des délégations de Flins sont venues soutenir leurs camarades et un syndicaliste déclarait en substance devant les caméras de télévision le 23 janvier : "Il y a une grosse colère contre le mépris du patron. Mais si ça continue, on ne pourra plus les canaliser...". Les syndicats doivent aujourd'hui marcher sur des œufs...

• De même, lors de la grève des conducteurs dans le RER B, ils sont parvenus à isoler les agents de la SNCF et de la RATP, non seulement vis-à-vis des "usagers", c'est-à-dire la masse de prolétaires utilisant cette ligne pour se rendre à leur travail, mais aussi entre eux, les convoquant à des AG séparément ou les appelant à des actions différentes, alors même qu'ils sont confrontés à la même attaque. En effet, alors que jusqu'ici la ligne était gérée par la RATP au sud et par la SNCF au nord, d'ici l'été 2009, chaque agent du RER B conduira un train d'un bout à l'autre de la ligne et devra avoir été formé à la réglementation du tronçon sur lequel il n'opérait pas jusque-là. Ce qui va entraîner bien entendu des suppressions de postes au sein des deux sociétés et une augmentation considérable de la charge de travail. Mais au lieu de cibler sur cette attaque, les syndicats ont cherché à polariser la lutte contre le "projet de fusion" en proclamant que les employés de la SNCF et ceux de la RATP n'avaient pas le même statut ni les mêmes conditions de salaire et de travail  ! Ainsi, sur la partie SNCF, la grève reconductible a débuté dès lundi 22 septembre, à l'appel de quatre syndicats (Sud Rail, FO, Unsa, Fgaac) tandis que sur la partie RATP, seuls la CGT et Sud ont appelé à la grève et seulement pour 24 heures. Malgré ces manœuvres de division, le trafic a tout de même été quasiment paralysé le 23 septembre sur toute la ligne B du RER, preuve de l'ampleur de la colère dans les rangs ouvriers des deux entreprises  ! Par ailleurs, un autre mouvement isolé, visant à protester contre une "augmentation" des charges de travail, à l'appel de la CGT, de la CFDT, de la Fgaac, a touché également, depuis le 22, le TER Picardie (Paris-Beauvais-Le Tréport et Creil-Beauvais), déjà théâtre d'une grève du 2 au 6 septembre.

Abandonner la conduite de la lutte aux mains des syndicats ou subir leur influence pernicieuse revient à s'exposer à coup sûr, pieds et poings liés, aux pires attaques, à se laisser atomiser, démoraliser. La seule possibilité pour la classe ouvrière de résister aux coups de la bourgeoisie et de prendre confiance en ses propres capacités d'ouvrir une perspective vers l'avenir, c'est de prendre en mains ses luttes, en exprimant son unité et sa solidarité de classe.

Wim (27 septembre)

 

1) A l'heure où nous mettons sous presse, les chiffres définitifs ne sont pas encore connus.

 

Situations territoriales: 

  • Situation sociale en France [25]

Récent et en cours: 

  • Luttes de classe [18]

Fichier Edvige : la grande hypocrisie de la gauche !

  • 1993 reads

Depuis le décret publié en juillet destiné à officialiser le fichier de police Edvige, on a assisté à une sorte de fièvre médiatique propulsant les cris d'orfraie à gauche. A coup de déclarations et de pétitions, les leaders de gauche, PS en tête, sont en effet montés au créneau pour s'offusquer publiquement et s'indigner de l'existence d'un tel fichier : Bertrand Delanoé a vu une "faute contre les libertés", François Hollande "des raisons très sérieuses de s'inquiéter"... Bref, tous à la parade  !

En réalité, derrière ces envolées lyriques d'opérette se cache, outre la volonté de se refaire une virginité à bon compte après des années de politique répressive et de flicage lorsque la gauche était au pouvoir, une hypocrisie des plus crasses. Une personnalité comme Emmanuel Walls, par exemple, accepte volontiers de "recenser les activités" qui "portent atteinte à l'ordre public". Cela revient à dire que, sur l'essentiel, c'est-à-dire "la défense de l'ordre public", il y a "union sacrée"  ! La jeunesse révoltée par la misère capitaliste et toute la classe ouvrière sont visées ici, assimilées facilement à des "terroristes" lorsque, pour défendre leurs conditions de vie, ils "troublent l'ordre public" par la lutte de classe.

Profitant de l'inquiétude que le fichier Edvige suscite dans la population, ces "grands humanistes" de gauche voudraient nous faire oublier qu'ils sont eux-mêmes à l'origine du fichier incriminé. C'est d'ailleurs avec cet argument que des dirigeants de l'UMP ont parfois renvoyé leurs interlocuteurs du PS dans les cordes. Le fichier Edvige, en effet, ne fait qu'exposer des règles jusqu'ici en vigueur au sein des RG (Renseignements généraux) fixées depuis 1991 par Philippe Marchand, ministre de l'intérieur de la socialiste Edith Cresson. C'est grâce à ce fichier, complété sur le terrain par des équipes de flics "ilotiers" sillonnant tous azimuts les banlieues, que les socialistes et staliniens, à l'époque, ont pu traquer les immigrés afin de les reconduire massivement aux frontières, par charters entiers. "Faire du chiffre", au parti socialiste comme chez Hortefeux, on s'y connaît  !

D'après les propos d'un ancien officier des RG réaffecté à la SDIG (nouvelle Sous-direction de l'Information générale) qui s'exprime sur le fichier Edvige : "Tout cela existait depuis longtemps, seulement, comme le décret de 1991 était rédigé de façon volontairement floue, les naïfs l'ignoraient totalement" 1. Les responsables de l'époque étaient justes "plus malins que l'équipe Sarkozy".

N'oublions pas que sous Rocard, alors que Pierre Joxe était ministre de l'intérieur, des bases de données sur les personnalités étaient recueillies sans la moindre gêne. Pierre Joxe, ex-spécialiste de l'information militaire en Afrique du Nord, avait au passage mis en place un autre fichier qui existe toujours : le fichier STIC (Système des infractions constatées) qui incorpore des données sur les victimes elles-mêmes. Il a été légalisé en 2001, sous Jospin  ! Sans développer sur les célèbres "écoutes téléphoniques de l'Elysée" ou encore la restauration d'un "cabinet noir" sous l'ère Mitterrand, soulignons juste au passage une déclaration à ne pas oublier et à méditer : "On ne peut pas concilier efficacité policière et respect des droits de l'homme." Ce n'est pas là un aphorisme de Sarkozy mais une bonne vérité du socialiste Pierre Joxe lors du procès des écoutes en décembre 2004  !

On sait encore que Jospin avait signé les "accords de Schengen" renforçant la surveillance et le flicage, qu'il avait aussi signé "le bouclier européen contre l'immigration clandestine" qui fait le lit de la répression anti-immigrés actuelle et des lois Hortefeux. Aussi, quand Martine Aubry nous affirme, offusquée et la main sur le cœur, qu'elle "voit les dérives possibles" du fichier Edvige, sans doute faut-il comprendre qu'elle a des idées "géniales" à proposer pour la police du futur  !

Ne nous laissons pas duper par tous ces politiciens qui prétendent nous protéger et "défendre les ouvriers". Ceux-là n'hésiteront jamais à réprimer brutalement pour défendre leur sacro-saint "ordre public" : "l'ordre" capitaliste  !

WH (17 septembre)

 

1 backchich.info.


Situations territoriales: 

  • Situation sociale en France [25]

Géorgie : l'humanitaire au service de la guerre

  • 1973 reads

Après les affrontements meurtriers du mois d'août en Géorgie 1, la propagande bourgeoise, notamment en Europe, nous assure que nos gouvernements font tout leur possible pour qu'une solution de paix soit trouvée dans le Caucase. Pour preuve de leur bonne foi, les opérations humanitaires en cours, où des navires de guerre américains et de l'OTAN livrent des vivres et des médicaments à la population géorgienne. Face au questionnement que suscite cette "aide humanitaire" transportée par des militaires au lieu de navires marchands, nos démocrates, pétris de bons sentiments, invoquent la présence maléfique de la marine russe qui occupe le littoral géorgien. Certes, les Russes sont prêts à défendre les territoires conquis, mais on peut avoir beaucoup de doutes sur la sincérité de nos "humanistes de service" quand on voit que c'est une véritable armada que l'État américain et ses alliés de l'OTAN ont envoyé dans les eaux de la mer Noire.

Ce n'est pas moins de sept navires de l'Alliance (trois américains, un espagnol, un allemand, un polonais et un navire battant pavillon de l'OTAN) qui sont déployés dans tous les points clés de la mer Noire, dont le navire hydrographique américain USNS Pathfinder capable de détecter les sous-marins à une distance de plus de 100 km, le contre-torpilleur lance-missiles McFaul équipé de missiles de croisière Tomahawk qui peuvent transporter des missiles conventionnels ou nucléaires (dont la puissance de feu avait fait des tueries épouvantables lors de la première guerre du Golfe en 1991) et le vaisseau-amiral Mount Whitney de la 6e flotte américaine, le bateau de guerre doté du système de communication et surveillance le plus sophistiqué au monde, véritable chef d'orchestre de cette opération soi-disant pacifique et humanitaire  ! Un tel déploiement de forces militaires n'a évidemment rien de philanthropique, ni d'altruiste. Son véritable objectif est de "faire une évaluation de l'état des forces armées géorgiennes" et, comme le souligne la mission sénatoriale américaine présente en Géorgie, "les Etats-Unis doivent fournir une assistance aux forces armées géorgiennes, en les dotant des plus modernes armes anti-aériennes et anti-chars, et en continuant l'entraînement des troupes"  2.

En clair, "l'aide humanitaire" sert de paravent à la livraison d'armes meurtrières et au renforcement de l'armée géorgienne. Tout ceci préfigure la réponse américaine au revers qu'elle vient de subir suite à l'invasion de son allié géorgien par l'armée russe en août dernier et à la reconnaissance par cette dernière de l'indépendance de l'Ossétie du Sud et de l'Abkhazie. Cette soi-disant opération humanitaire concentre en fait tous les ingrédients d'une nouvelle et dangereuse escalade guerrière pour l'avenir dont l'enjeu est toujours l'Asie centrale ex-soviétique, zone d'immense importance, que ce soit pour ses réserves énergétiques de la Caspienne comme pour sa position géostratégique par rapport à la Russie, la Chine et l'Inde.

Les populations, victimes des exac­tions militaires, n'ont donc rien à attendre de la prétendue aide humanitaire militarisée en cours. Comme dans les "interventions pour la paix" précédentes (Somalie en 1992, Bosnie en 1993, Rwanda en 1994, et tant d'autres, Kosovo, Darfour, Congo, Palestine...) les aides humanitaires sont des alibis cyniques au service de la guerre, compléments indispensables aux "discours de paix" que nous servent tous les États impérialistes, petits ou grands, pour défendre leurs intérêts.

Daniel (26 septembre)

 

1) Lire notre article "Guerre en Géorgie, toutes les puissances sont des fauteurs de guerre  ! [127]" dans RI no 393, septembre 2008.

2) http ://www.ilmanifesto.it/quotidian [128].


Récent et en cours: 

  • Guerre en Géorgie [105]

Cyclone meurtrier en Haïti : le coupable, c'est le capitalisme

  • 2558 reads

Nous publions ci-dessous la prise de position d'un de nos contacts en République dominicaine après les ouragans qui ont dévasté l'État d'Haïti voisin, faisant plusieurs milliers de victimes. Il y dénonce très justement la responsabilité première du capitalisme dans le lourd bilan de ces catastrophes qui n'ont aujourd'hui plus rien de "naturelles".

Fin août début septembre, Haïti, le pays le plus appauvri des Amériques, et non pas le plus pauvre comme on a voulu trop souvent nous le faire croire, a été affecté par les ouragans Gustav et Hanna, provoquant plus de mille morts et des milliers de disparus, de blessés et de sans-abris. Cette tragédie est, comme d'habitude, utilisée par les classes dominantes pour appeler à la conciliation des classes et à l'aide "humanitaire".

On a beau dire tout ce qu'on veut, mais le seul coupable de ces morts, c'est le capitalisme, en premier lieu en tant qu'auteur matériel et intellectuel parce qu'il est responsable de la crise environnementale (cf. "Crise écologique : vraie menace ou mythe  ? [129]" 1) et, dans le cas concret de Haïti, parce que ce pays a été victime de la mise à sac par les grandes puissances capitalistes. Ils ont provoqué la déforestation de cette partie de l'île Hispaniola 2, séchant les rivières et transformant leurs anciens lits en terrains vagues, où une population désemparée d'ouvriers, de chômeurs et de paysans pauvres, a construit des cabanes et des baraques qui sont entraînées, avec tout le reste, lorsque ces vieux lits redeviennent des rivières gonflées par les pluies torrentielles.

Le capitalisme décadent en Haïti s'y est concrétisé d'une façon si grave que les autres nations ont dû définir ce pays comme un État en faillite, un pays où les masses de gens n'ont pas eu d'autre choix que de se jeter à la mer vers l'Amérique du Nord ou vers ce coté-ci de l'île [c'est-à-dire la République dominicaine, ndt] pour vendre leur force de travail. Il arrive même que ce prolétariat soit utilisé par la bourgeoisie comme un esclave victime de la xénophobie nationaliste et chauvine, et que les bourgeois ne se contentent pas de lui voler une grande partie de son travail, mais qu'il lui vole le tout, en appelant les autorités pour qu'il devienne une victime des lois de l'immigration et soit jeté hors du pays.

Comment est-il possible qu'on investisse autant de ressources pour favoriser des coups d'État, des guérillas, des invasions armées comme celle de la minustab 3, où il y a des troupes de différents pays (Pérou, Chili, Nicaragua, Brésil, certains d'entre eux se disant même "socialistes"), et qu'on n'utilise pas ces ressources financières, ces millions, pour éviter des tragédies comme celles provoquées par les tempêtes Gustav et Hanna  ? Seule une action collective du prolétariat de tous les pays et, dans le cas présent et pour commencer, celui de l'île Hispaniola toute entière, pourra faire face au capitalisme qui, depuis des années, n'offre que des crises et des guerres auxquelles s'ajoute maintenant la catastrophe climatique.

Prolétaires de tous les pays, unissez-vous  !

Vl
(Noyau de discussion internationaliste en République dominicaine)

 

1) Ndlr : cet article est également disponible en espagnol.

2) Ndlr : "Hispaniola" est le nom ancien de l'époque coloniale espagnole, de l'île entière, aujourd'hui partagée entre Haïti, ancienne colonie française et la République dominicaine, ancienne colonie espagnole (note du traducteur).

3) C'est le nom de la mission "stabilisatrice" des troupes de l'ONU en Haïti.


Récent et en cours: 

  • Catastrophes [130]

Courants politiques: 

  • Influencé par la Gauche Communiste [57]

"on me fait crever si je ne travaille pas et si je travaille, on me crève"

  • 2168 reads

Voici un article repris d'Acción proletaria (organe du CCI en Espagne) qui montre, à travers un "accident" meurtrier sur un chantier en Espagne, que la vie des ouvriers ne vaut pas grand chose aux yeux de nos exploiteurs.

Le 26 mai dernier, un échafaudage du chantier du nouveau stade de football de Valence se décrochait, entraînant deux ouvriers dans la mort. L'horreur ne s'est pas arrêtée là : la chute de l'échafaudage a entraîné celle d'un énorme coffrage de 3 tonnes qui est tombé sur deux autres ouvriers. Et leurs camarades, en plus de l'horreur de ce qu'ils voyaient, ont été submergés par un terrible sentiment d'impuissance à cause de l'impossibilité de secourir ces deux camarades gravement blessés qui, après avoir été dégagés par les pompiers, sont décédés quelques heures plus tard.

Très vite, les différentes instances de la classe exploiteuse se sont succédées sur les lieux du drame pour exprimer, avec le plus répugnant des cynismes, le couplet bien connu de la "solidarité avec les victimes". D'abord, le patron du chantier est arrivé, lui qui ne cesse de faire pression pour que s'accélère le rythme des travaux, voulant être le premier à présenter ses "condoléances" aux familles des victimes. Ensuite, c'est le maître d'œuvre qui s'est pointé, lui qui n'hésitait pas à réduire les coûts en sous-traitant (80  % de la main d'œuvre dans le cas présent) en se vantant de respecter les lois et d'avoir pas moins de... 22 techniciens de sécurité  ! Les autorités municipales se sont présentées à leur tour, n'hésitant pas à promettre des "enquêtes" et des "sanctions" exemplaires, alors qu'en réalité les gens du quartier n'ont cessé de dénoncer, par exemple, le prolongement "illégal" du travail jusqu'à l'aube, sans que personne ne vienne l'empêcher. Pour couronner ce défilé d'hypocrites, les syndicats se sont eux aussi déplacés, eux qui prétendent défendre les ouvriers face au patron et face à l'État, alors que leur véritable fonction est de leur servir de larbins. On ne sait pas ce qui est le plus à vomir, de leurs pathétiques justifications hypocrites et pleurnichardes du genre : "Nous étions au courant en ce qui concerne les abus de la sous-traitance et des journées de travail de plus de 16 heures, mais nous ne pouvions rien faire parce qu'il ne s'agit pas d'un chantier public et nous ne sommes donc pas représentés au sein du Comité de sécurité du travail", ou de leurs répugnantes "mobilisations" : cinq minutes de silence au lendemain de l'accident et une concentration de délégués devant le chantier sept jours après la mort des ouvriers ( !), pseudo-actions destinées à semer un sentiment d'impuissance et de résignation.

Quelles que soient les causes ou les circonstances particulières de cet accident de travail, ce qui est sûr c'est qu'année après année, les conditions de travail de la grande majorité des travailleurs sont régies de plus en plus explicitement par le chantage criminel décrit dans le poème de Nicolas Guillén chanté par Daniel Viglietti et que nous avons pris pour titre de cet article : "On me fait crever si je ne travaille pas et si je travaille, on me crève" ("Me matan si no trabajo... y si trabajo me matan"). Cet accident de Valence n'est, en effet, qu'un maillon supplémentaire de cette chaîne qui devient de plus en plus insupportable, celle de la dégradation violente des conditions de vie et de travail des prolétaires. Concernant les accidents de travail, il faut dire que le capitalisme espagnol gagne haut la main la médaille d'or sur ses concurrents européens dans cette sinistre compétition des "crimes de travail", pour les appeler par leur vrai nom. Tout au long de ces dernières années, il y a eu en Espagne entre 1000 et 1200 morts par accident de travail, 20  % du total de toute l'Union européenne. Au cours des deux premiers mois de cette année 2008, il y a déjà eu 178 accidents mortels. Dans les chantiers de construction, les facteurs de risque, journées de travail exténuantes ou temps de repos insuffisants, ne font qu'augmenter. Et ces pratiques habituelles dans le bâtiment (sous-traitance du personnel sans qualification aucune) se sont étendues à d'autres secteurs y compris les services (le transport en particulier). Les gouvernements ont beau occulter par des tours de passe-passe l'escalade des accidents et les maladies de travail, en excluant des statistiques, par exemple, les accidents in itinere (ceux qui se produisent lors des trajets entre le domicile et le travail) ou ceux attribués à "l'imprudence" de l'ouvrier, le fait est que le travail est de plus en plus mortifère. Une étude récente de l'Observatoire de risques psychosociaux du syndicat UGT (citée dans l'édition informatique d'El País du 2 juin 2008) a mis en avant que près de 75  % des travailleurs souffrent de stress du travail et que les trois-quarts d'entre eux en subissent les conséquences par rapport à leur santé (fatigue, douleurs au cou et à la tête, irritabilité, sensation d'oppression, insomnies, problèmes oculaires, etc.). On ne peut manquer de citer la conclusion, une lapalissade cynique, de cette si "profonde" étude du syndicat "socialiste" : "Le problème de fond, c'est que les entreprises continuent à privilégier leurs intérêts économiques au détriment de la satisfaction ou du bien-être des travailleurs". Bon sang, mais c'est bien sûr  !

Marx et Engels dénonçaient déjà dans le Manifeste communiste le caractère hypocrite, réactionnaire et mystificateur de ceux qui prétendent qu'il pourrait exister un capitalisme à l'avantage des ouvriers  ! Parce que, pour tous les prolétaires, travail salarié est synonyme de sacrifice de sa propre existence. Ce qui définit le prolétariat, c'est justement qu'il est obligé de vendre sa force de travail, devenue une marchandise dont le "prix" est le salaire, seul moyen de survivre pour lui et les siens. Le prolétariat est la première classe exploitée de l'histoire qui est "libre". Elle est "libre" parce que rien ne "l'oblige" à rester attachée au maître esclavagiste ou à la terre du seigneur féodal. En principe, en effet, les capitalistes ne viennent pas coller un fusil sur la poitrine ou dans le dos du prolétaire pour qu'il travaille. Il est "libre" de le faire ou de ne pas le faire. Mais s'il renonce "librement" à travailler, les conséquences sur son existence seront la pénurie et la faim. Le capitalisme est le premier et seul système dans l'histoire où l'exploité doit aller à la recherche de son exploiteur et en subir "librement" la loi. Voilà pourquoi il est aussi exact d'ajouter "... et si je travaille on me crève" que de dire "On me fait crever si je ne travaille pas...".

Contre les horreurs de l'esclavagisme salarié, il n'y a qu'une seule voie : éradiquer le capitalisme de la surface de la terre, parvenir à affranchir l'humanité des lois inhumaines de l'accumulation et de l'appropriation privée de ce qui est produit socialement. Pour que l'humanité puisse non seulement survivre, mais aussi donner son sens au mot "vivre", ce système d'exploitation de l'homme par l'homme doit être détruit.

Etsoem (2 juin)

 

Géographique: 

  • Espagne [29]

160 ans après le Manifeste, Marx fait toujours trembler la bourgeoisie

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L'été dernier, Courrier international a publié une série de recueil d'articles de presse consacrés à Karl Marx (nos 924, 925, 926 du 17 juillet au 20 août) sur le thème "Marx : le retour" à l'occasion du 190e anniversaire de sa naissance et du 125e de sa mort et aussi du 160e anniversaire du Manifeste communiste. Déjà, en octobre 2003, le Nouvel observateur avait publié un numéro spécial intitulé "Marx, le penseur du troisième millénaire  ?" et Jacques Attali, fidèle conseiller de la bourgeoisie depuis l'ère Mitterrand, avait publié en 2005 une biographie de Marx dans laquelle, à coups de citations tronquées, il s'efforçait de présenter Marx comme un grand défenseur et un profond admirateur de la "démocratie bourgeoise" 1.

La bourgeoisie et sa presse aux ordres s'inquiètent "du retour de la pensée marxiste" ou de "l'actualité de Marx et du marxisme" moins de vingt ans après avoir proclamé triomphalement "la mort du marxisme et du communisme" et avoir cherché à les enterrer en grandes pompes après l'effondrement du bloc de l'Est et des régimes staliniens. Qu'ils tremblent à nouveau n'a rien d'étonnant à l'heure où, face au déchaînement de la crise et aux horreurs monstrueuses perpétrées par ce système pourrissant, la remontée internationale des luttes ouvrières pousse les prolétaires vers la prise de conscience qu'il existe une perspective pour sortir l'humanité de l'impasse où la plonge le capitalisme.

Certains crachent leur venin en proclamant ouvertement leur terreur ancestrale et leur aversion phobique envers Marx et les révolutionnaires et en continuant à les recouvrir de boue et des pires calomnies. Ils remettent au goût du jour le plus grand mensonge de l'histoire propagé tout au long du xxe siècle : l'identification de Marx, du marxisme, du communisme et de la classe ouvrière, à une des pires formes de la contre-révolution, la terreur stalinienne. Tels des serpents à sonnette, ils continuent à agiter frénétiquement leurs appendices idéologiques et s'émeuvent du "retour dangereux de l'idéologie totalitaire", corollaire, selon eux, des "excès du libéralisme" et de l'accroissement manifeste des inégalités sociales. Et c'est au fond la même peur de la révolution prolétarienne qui anime aujourd'hui tous ceux qui se mettent à encenser Marx pour l'exorciser en tentant de le récupérer. Ainsi, on voit de plus en plus de journalistes ou d'universitaires qui n'hésitent pas à l'encenser pour en faire l'ancêtre et le père prophétique tutélaire des "altermondialistes", ou encore le précurseur de l'écologie. Ceux-là viennent illustrer une fois de plus la mise en garde que Lénine énonçait avec lucidité :

"Du vivant des grands révolutionnaires, les classes d'oppresseurs les récompensent par d'incessantes persécutions  ; elles accueillent leur doctrine par la fureur la plus sauvage, par la haine la plus farouche, par les campagnes les plus forcenées de mensonges et de calomnies. Après leur mort, on essaie d'en faire des icônes inoffensives, de les canoniser pour ainsi dire, d'entourer leur nom d'une certaine auréole afin de "consoler" les classes opprimées et de les mystifier  ; ce faisant, on vide leur doctrine révolutionnaire de son contenu, on l'avilit et on en émousse le tranchant révolutionnaire" (L'État et la révolution, chap. 1).

Cette citation quasi-prophétique s'est révélée avec toute sa pertinence dans le mensonge permanent que tous les régimes staliniens de la planète qui ont sévi pendant cinquante ans ont utilisé pour justifier l'exploitation féroce des prolétaires en tressant des louanges aux grands révolutionnaires. En se servant de Marx et d'Engels, en les momifiant comme Staline le fit de Lénine, en leur édifiant des statues, ils s'attachèrent systématiquement à émousser, à vider ou à déformer le contenu révolutionnaire de leurs idées et de leurs actions, avec l'aide active des bourgeoisies "démocratiques" venant en renfort pour faire une publicité ouverte et maximum de l'absolutisme et de la répression "marxistes" des pays stalinisés.

Et si la bourgeoisie cherche encore aujourd'hui à faire de Marx une "icône inoffensive", c'est parce que celui-ci était bien un authentique révolutionnaire qui a livré tout au long de sa vie le combat le plus acharné contre le capitalisme au point que son œuvre, et sa méthode, s'avèrent d'une telle puissance révolutionnaire qu'elles s'affirment encore aujourd'hui comme l'arme la plus essentielle pour le combat des prolétaires en vue du renversement du capitalisme. Pour toute la bourgeoisie, plus que jamais, comme le proclamait déjà la première phrase du Manifeste, "Un spectre hante l'Europe (et aujourd'hui le monde entier) : c'est le spectre du communisme."

W (20 septembre)

 

1) Voir RI n° 366, mars 2006 : "A propos du livre d'Attali : Karl Marx était-il un démocrate ou un révolutionnaire  ? [131]".


Heritage de la Gauche Communiste: 

  • Le Marxisme : la theorie de la révolution [132]

Un témoignage du travail de sape des syndicats à l'Éducation nationale

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Nous publions ci-dessous le courrier d'une lectrice qui, en tant qu'institutrice, témoigne des attaques qui ont frappé les professeurs du primaire lors de cette nouvelle rentrée scolaire. Comme pour tous les ouvriers, l'exploitation s'intensifie, les charges de travail augmentent. En décrivant tout simplement ce qu'elle a vu, la camarade dénonce aussi le travail de sape des syndicats : assemblées générales (AG) bidon, culpabilisation des enseignants pour leur prétendu "manque de combativité" et donc démoralisation et fatalisme, propositions d'actions stériles..., toute la panoplie syndicale est passée en revue à travers ces quelques lignes.

Petit topo d'une "instit" en pleine rentrée des classes

Le gouvernement a pris une série de mesures visant à réorganiser l'école. Ainsi, nous sommes désormais tenus de faire 24 heures par semaine d'enseignement contre 26 heures les années passées. Les deux heures d'enseignement hebdomadaires en moins (soit 60 heures annuelles) sont destinées aux élèves en difficulté à qui l'on doit deux heures de soutien par semaine sur 25 semaines (soit 50 heures). Les 10 heures restantes sont destinées à la préparation de ce soutien. Mais en plus, nous sommes tenus de faire chaque année : 24 heures de concertations plus 18 heures "d'animation pédagogique" plus 6 heures de conseil d'école. Nous accomplissions déjà une partie de ces tâches évidemment, mais aujourd'hui elles nous sont imposées dans un cadre horaire strict et surveillé. Surtout, elles sont concentrées non-plus sur 6 mais 5 jours, ce qui signifie un rythme de travail beaucoup plus intense et usant. Tout comme nos élèves, nous faisons des journées beaucoup plus longues. Concrètement, nous allons travailler le midi (probablement... ce qui signifie une journée non-stop de travail  !), une dizaine de samedis (quand même) et souvent les mercredis et les soirs (pour les conseils et les réunions)  ! De plus, certains enseignants (de plus en plus nombreux) doivent faire des heures supplémentaires. Eux travailleront tous les midis et tous les soirs  ! Bref, nous allons "travailler plus" 1.

Le plus cynique dans l'histoire c'est que c'est à nous, en plus, de tout ré-organiser en fonction de ces directives ministérielles  ! Je tiens par exemple à préciser que pour organiser tout cela, nous avons eu six réunions en deux semaines en plus de nos préparations, des rencontres avec les parents, etc. En fait, l'État nous oblige ni plus ni moins à organiser et gérer nos propres conditions d'exploitation et la dégradation de nos conditions de travail  !

Face à cette augmentation de la charge de travail, quelle a été la réaction syndicale  ?

Lors d'une AG organisée par une intersyndicale (SNUIPP, FO et SUD) le 15 septembre, le discours des syndicats s'est résumé :

- à dénoncer... les écoles qui ont déjà rendu tous les documents nécessaires pour la mise en place du soutien alors qu'il fallait d'après eux boycotter cette tache  ;

- critiquer... les enseignants pour leur manque de combativité  ;

- et affirmer haut et fort que les moyens d'action et de riposte étaient... limités  !

Au final, leur seule proposition fut d'appeler à une réunion publique pour informer les parents. Je suis alors intervenue en disant (en gros) : "Nous sommes bien contents de savoir que nous pouvons boycotter le remplissage des formulaires, mais nous n'avons toujours pas parlé de ce que nous pouvons faire pour faire reculer le gouvernement sur ces mesures qui sont des véritables attaques contre nos conditions de travail, et qui vont à l'encontre du bien-être des enfants. Je pense donc qu'il faut discuter sur ce qu'on peut faire pour que le gouvernement retire ces mesures."

Certains de mes collègues ont alors scandé "révolution", ce qui n'est absolument pas habituel chez eux. Les délégués ont alors acquiescé d'un "on est d'accord", sans manquer d'ajouter aussitôt "mais là il faudrait un gros réveil des consciences". Alors qu'on a passé une heure et demie sur les histoires de statuts et de législation administrative pour savoir ce que l'on risquait si on ne remplissait pas les formulaires, ils ont évincé très vite la réponse à ma question. Finalement, mes collègues sont revenus sur le sujet en exprimant le fait que, eux, ils sentaient un fort mécontentement chez les enseignants et qu'en face les syndicats étaient peu réactifs, notamment concernant la manifestation prévue le 19 octobre qu'ils jugent trop tardive. Le présidium a alors déclaré : "On sait bien mais si les syndicats majoritaires ne veulent rien lancer, nous on ne peut rien faire."

Et quand nous nous sommes prononcés contre la date de la réunion publique prévue le 18 octobre car nous la jugions, elle-aussi, trop tardive, ils ont tout simplement fait mine de ne pas entendre  ! A la sortie, les collègues qui assistaient pour la première fois à une AG syndicale, trouvaient cela trop "plan-plan", jugeant même les militants syndicaux "anéantis". L'une d'elles m'a d'ailleurs dit : "Il ne faut plus rien attendre des syndicats. S'ils ne veulent pas appeler à la grève, il faut trouver un autre moyen de se battre : il faut les dépasser  !" Évidemment, ces propos ne concernent que ma localité, mais je tenais à vous informer de ce qu'il en était.

N (22 septembre)

 

1) Ndlr : la camarade fait ici allusion au "travailler plus pour gagner plus" du candidat Sarkozy. Il a tenu, en tant que président, la première moitié de sa promesse  !


Vie du CCI: 

  • Courrier des lecteurs [37]

Situations territoriales: 

  • Situation sociale en France [25]

Récent et en cours: 

  • Luttes de classe [18]

Dans quel camp sont les syndicats ? (2008)

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Sous les coups de boutoirs de la crise économique, les conditions de vie de la classe ouvrière sont en train de se dégrader à toute vitesse. Nous sommes tous touchés de plein fouet, travailleurs du privé et du public, chômeurs et RMIstes, retraités et futurs travailleurs. Pour faire face à ces attaques de plus en plus violentes, il n'y a qu'une seule solution : lutter en développant notre unité et notre solidarité. Cela apparaît aujourd'hui comme une évidence. Si nous nous battons chacun dans notre coin, inévitablement, nous perdrons tous, les uns après les autres.

Légalement, c'est aux syndicats qu'incombe la tâche officielle d'organiser ces luttes et la riposte à toutes ces attaques. Ils devraient donc être actuellement à pied d'œuvre pour tisser des liens dans les rangs ouvriers. Or, que font-ils depuis des mois  ? Tout le contraire  ! Ces "spécialistes de la lutte" n'ont de cesse d'organiser... la dispersion et la division  ! Une journée de grève pour telle usine par-ci, une journée d'action pour tel secteur du public par-là... La riposte orchestrée par les syndicats n'est pas simplement "molle", elle est surtout morcelée, saucissonnée, imprégnée du poison corporatiste. Il n'y a pas meilleur moyen pour emmener la classe ouvrière à la défaite.

Alors, pourquoi cette politique syndicale  ? S'agit-il simplement d'une erreur de tactique de leur part ou, au contraire, les syndicats poignardent-ils volontairement la classe ouvrière dans le dos  ? Dans quel camp les syndicats sont-ils vraiment  ?

xixe siècle : les syndicats, instruments pour la lutte et la solidarité ouvrières

Pour comprendre ce qu'est devenu le syndicalisme aujourd'hui, il nous faut inévitablement nous pencher sur son passé. Le syndicalisme s'est en effet développé dans une situation historique particulière, à l'époque la plus dynamique et florissante du capitalisme : le xixe siècle. Ce système est alors en pleine expansion. Les marchandises anglaises, allemandes, françaises envahissent irrésistiblement tous les continents. Compte-tenu de cette très bonne santé économique, le capitalisme est en mesure d'apporter d'importantes améliorations aux conditions de vie de nombreuses catégories de la classe ouvrière. Ainsi, quand il lutte, le prolétariat parvient à arracher des réformes réelles et durables à la bourgeoisie. En 1848, par exemple, la classe ouvrière obtient en Angleterre une réduction du temps de travail de douze à dix heures par jour 1. C'est pour mener à bien ces luttes que les ouvriers s'organisent en syndicats.

Au xixe siècle, chaque patron affronte directement et isolément les ouvriers qu'il exploite. Il n'y a pas d'unité patronale organisée (ce n'est que dans le troisième tiers du siècle que se développent des syndicats patronaux). Mieux encore, dans ces conflits, il n'est pas rare de voir des capitalistes profiter des difficultés d'une usine concurrente en grève pour s'approprier sa clientèle. Quant à l'État, en général, il se tient en dehors de ces conflits, n'intervenant en dernier ressort que lorsque cela risque de troubler "l'ordre public". La forme de la lutte ouvrière correspond évidemment à ces caractéristiques du capital. Les grèves sont en général de longue durée. C'est là une des conditions de leur efficacité pour faire plier, par la pression économique, le patron menacé de banqueroute. Ces luttes mettant les ouvriers à l'épreuve de la famine, il est nécessaire de préparer à l'avance des fonds de soutien (des "caisses de résistance") et d'avoir recours à la solidarité financière des autres ouvriers, d'une corporation à l'autre et même d'un pays à l'autre.

La forme que prend le syndicalisme est évidemment adaptée à ces types de luttes. Les syndicats sont des organisations unitaires (capables de regrouper l'ensemble des travailleurs, généralement d'une même corporation) et permanentes (existant aussi en-dehors des périodes de grève afin de les préparer). Autrement dit, la lutte systématique pour des réformes est une tâche permanente qui unit les ouvriers. Concrètement, les ouvriers vivent au sein du syndicat. Jour après jour, ils s'y regroupent, y discutent, s'y organisent et y préparent les luttes futures. Les syndicats sont alors de véritables foyers de vie de la classe  ; ils constituent des écoles de la solidarité où les ouvriers comprennent leur appartenance à une même classe.

Marx et Engels soulignent ainsi ce rôle inestimable des syndicats : "Les syndicats et les grèves qu'ils entreprennent ont une importance fondamentale parce qu'ils sont la première tentative faite par leurs ouvriers pour supprimer la concurrence. Ils impliquent en effet la conscience que la domination de la bourgeoisie repose nécessairement sur la concurrence des ouvriers entre eux, c'est-à-dire sur la division du prolétariat et sur l'opposition entre groupes individualisés d'ouvriers" (Recueil de textes sur "Le syndicalisme" aux Editions Maspéro) ou encore : "La grande industrie agglomère dans un endroit une foule de gens inconnus les uns aux autres. La concurrence les divise d'intérêts. Mais le maintien du salaire, cet intérêt commun qu'ils ont contre leur maître, les réunit dans une même pensée de résistance coalition. Ainsi la coalition a toujours un double but, celui de faire cesser entre eux la concurrence pour pouvoir faire une concurrence générale au capitaliste. Si le premier but de la résistance n'a été que le maintien des salaires, à mesure que les capitalistes à leur tour se réunissent dans une pensée de répression, les coalitions, d'abord isolées, se forment en groupes, et en face du capital toujours réuni, le maintien de l'association devient plus important pour eux que celui du salaire. Cela est tellement vrai, que les économistes anglais sont tout étonnés de voir les ouvriers sacrifier une bonne partie de leur salaire en faveur des associations qui, aux yeux de ces économistes, ne sont établies qu'en faveur du salaire" (Marx, Misère de la Philosophie).

xxe et xxie siècles : les syndicats, instruments de la division et du sabotage des luttes

Au début du xxe siècle, les conditions qui avaient permis l'extraordinaire épanouissement du capitalisme commencent à disparaître. La constitution du marché mondial s'achève et, avec elle, s'exacerbent les antagonismes entre puissances capitalistes pour la domination des marchés. Le déchaînement de la première boucherie mondiale en 1914 signe l'entrée du capitalisme dans sa phase de décadence 2. La vie économique et sociale de chaque nation, mais surtout la vie et la lutte du prolétariat, s'en trouvent profondément bouleversées. Le système capitaliste a cessé d'être progressiste. Dès lors, la guerre économique impitoyable à laquelle se livrent toutes les nations pour le repartage des marchés se traduit par une lutte acharnée de chaque capital national contre toute amélioration durable des conditions d'existence de "sa" classe ouvrière. Aucun capital national ne peut plus accorder de concessions à "son" prolétariat sans prendre le risque de reculer sur l'arène internationale vis-à-vis de ses rivaux. C'est pourquoi les bases de l'activité prolétarienne autour de la conquête de réformes deviennent caduques. Dorénavant, face à la classe ouvrière, il existe une unité et une solidarité bien plus grandes entre les capitalistes d'une même nation. Ceux-ci créent des organisations spécifiques afin de ne plus affronter individuellement la classe ouvrière. Et surtout, l'État, qui exerce un contrôle de plus en plus puissant, omniprésent et systématique sur tous les aspects de la vie sociale, intervient lui-même directement dans les conflits sociaux en se dressant tout entier, en tant que représentant des intérêts de la bourgeoisie dans son ensemble, contre le prolétariat. Par conséquent, la grève longue dans une seule usine n'est plus une arme efficace. Au contraire, ce sont les ouvriers qui finissent par s'épuiser et reprendre le travail, démoralisés. Le succès des grèves ne dépend plus des fonds financiers recueillis par les ouvriers mais bien fondamentalement de leur capacité à entraîner une partie croissante de leurs frères de classe face à l'ensemble du capital national dont l'État est l'incarnation. Autrement dit, la solidarité à l'égard des travailleurs en lutte ne réside plus dans le seul soutien financier mais dans l'action de se joindre à la lutte. Une telle dynamique d'extension de la lutte, propre à la période de décadence, ne peut se planifier d'avance. Au contraire, les grèves explosent spontanément. Le syndicat, cet organe spécialiste au xixe siècle de la planification et du financement des luttes par corporation, de ces bras de fer entre un patron et "ses" ouvriers, devient de ce fait non seulement inadapté mais un frein au développement de la lutte. Aussi, si les syndicats ouvriers pouvaient être au xixe siècle des organisations permanentes et unitaires de la classe ouvrière car la lutte systématique pour des réformes pouvait se traduire par des réformes durables et des résultats concrets, avec l'entrée en décadence du capitalisme, il ne peut plus y avoir de regroupement général et permanent du prolétariat. Celui-ci ne peut pas s'organiser longtemps et massivement autour d'une activité sans avoir une efficacité immédiate. L'expérience des luttes ouvrières depuis le début du xxe siècle a largement prouvé qu'il n'est pas possible de maintenir un rapport de forces contre la bourgeoisie et son État en-dehors des phases de luttes ouvertes. Car en particulier, immédiatement après la lutte, l'État fait à nouveau peser de tout son poids les nécessités du capitalisme en crise sur la classe ouvrière et redouble d'ardeur pour imposer de nouvelles attaques. Sous la plume de Rosa Luxemburg, quelques lignes suffisent à faire vivre tout ce profond bouleversement pour la lutte du prolétariat. En décrivant la grande grève qui anima les ouvriers en Belgique en 1912, une grève qui avait "le caractère méthodique, strictement limité, d'une grève syndicale ordinaire" 3, Rosa Luxemburg démontre magistralement que les méthodes syndicales sont devenues obsolètes et nocives, et affirme avec force l'importance accrue de la spontanéité et de la prise en main des luttes par les ouvriers eux-mêmes : "Spontanément, comme un ouragan, le prolétariat belge se dressa à nouveau après les élections de juin 1912, [...]. Comme il était impossible de dompter autrement la volonté populaire impétueuse, on proposa aux ouvriers de désarmer la grève de masse déjà commencée et de préparer de façon tout à fait systématique une grève de masse. [...] La préparation de longue main de la grève de masse apparaissait cette fois comme un moyen de calmer les masses ouvrières, d'éteindre leur enthousiasme combatif et de leur faire abandonner provisoirement l'arène. [...] C'est ainsi que se réalisa finalement la grève d'avril, après neuf mois de préparation et des tentatives répétées pour l'empêcher et l'ajourner. Du point de vue matériel, elle fut certes préparée comme ne l'avait encore jamais été aucune grève de masse au monde. Si des caisses de secours bien garnies et la répartition bien organisée des vivres décidaient de l'issue d'un mouvement de masses, la grève générale belge d'avril aurait dû faire des miracles. Mais le mouvement révolutionnaire de masse n'est malheureusement pas un simple calcul que l'on peut résoudre avec les livres de caisse ou les dépôts de vivres des coopératives. Le facteur décisif dans tout mouvement de masse, c'est l'énergie révolutionnaire des masses, l'esprit de résolution des chefs et leur vue nette du but à atteindre. Ces deux facteurs réunis peuvent, le cas échéant, rendre la classe ouvrière insensible aux privations matérielles les plus dures et lui faire accomplir, en dépit de ces privations, les plus grands exploits. Ils ne sauraient par contre être remplacés par des caisses de secours bien garnies" 4. Déjà, Rosa Luxemburg percevait le rôle grandissant de l'État contre la classe ouvrière et ses répercussions sur la lutte : "Il est clair, en tout cas -  et c'est ce que confirme l'histoire des grèves de masses dans les différents pays  - que plus tôt une grève politique tombe rapidement et inopinément sur la tête des classes dirigeantes, plus l'effet en est grand et les chances de victoire considérables. Lorsque le Parti ouvrier annonce, trois trimestres à l'avance, son intention de déclencher une grève politique, ce n'est pas seulement lui, mais aussi la bourgeoisie et l'État qui gagnent tout le temps nécessaire pour se préparer matériellement et psychologiquement à cet événement" 5.

Si les syndicats sont le produit de la possibilité de la lutte pour des réformes dans le capitalisme ascendant du xixe siècle, cela signifie aussi qu'ils sont marqués du sceau de cette période historique particulière. L'arme syndicale fut forgée et aiguisée par le prolétariat pour mener à bien les batailles pour les réformes, pas pour détruire le capitalisme et le salariat. Ainsi, quand le capitalisme cessa d'être progressiste, qu'il devint un système décadent et que "l'ère des réformes" laissa sa place à "l'ère des guerres et des révolutions", les syndicats ont cessé d'être un instrument de la classe ouvrière pour devenir au contraire le bras armé de la bourgeoisie contre les intérêts de la classe ouvrière. Au cours de la Première Guerre mondiale, on put ainsi voir les syndicats s'intégrer définitivement à l'État totalitaire et participer activement à la mobilisation des ouvriers dans la boucherie impérialiste, aux côtés des partis sociaux-démocrates. Dans la vague révolutionnaire internationale qui suivit, ils feront tout pour entraver les élans du prolétariat. Depuis lors, les syndicats appartiennent à la bourgeoisie et ont intégré définitivement l'État. Ils se dressent à ses côtés face à la classe ouvrière. D'ailleurs, même financièrement, les syndicats sont maintenus en vie, non par les ouvriers, mais bel et bien par l'État 6. Ils constituent un des rouages essentiels de l'appareil d'État. Toute leur activité est tournée vers le soutien de la bourgeoisie et le sabotage de "l'intérieur" des luttes ouvrières. Ils participent activement à la réglementation du travail permettant l'intensification de l'exploitation. Ils déploient un grand zèle à faire respecter "le droit du travail", c'est-à-dire le droit bourgeois qui codifie l'exploitation. Ils font de la négociation un but en soi, dans le secret des bureaux patronaux ou ministériels, en demandant aux ouvriers de s'en remettre à eux, de leur déléguer le pouvoir, afin de mieux contrôler leurs luttes. Leur fonction est non seulement d'encadrer la classe ouvrière et ses luttes, mais d'assurer en permanence la police dans les usines, les bureaux, les entreprises. Ils divisent et isolent les ouvriers en se servant du corporatisme dans le but d'empêcher l'unification des luttes et leur nécessaire généralisation. Bref, depuis plus d'un siècle maintenant, les syndicats sont les chiens de garde du capital  !

Comment lutter et développer la solidarité ouvrière  ?

Comment se battre sans les syndicats  ? 7 Comment se passer de ces "spécialistes officiels de la lutte"  ? La principale faiblesse de toute classe exploitée est le manque de confiance en elle-même. Tout est bâti dans les sociétés de classe pour inculquer dans l'esprit des exploités l'idée du caractère inévitable de leur situation et de leur impuissance à bouleverser l'ordre des choses, sentiment que "les professionnels de la grève", ces permanents syndicaux payés par l'État, entretiennent allègrement. Or, la classe ouvrière est capable de se battre massivement et de prendre entre ses propres mains, directement, l'organisation de la lutte.

Depuis plus de 100 ans, les seules grandes luttes ont été des grèves sauvages, spontanées et de masse. Et toutes ces luttes se sont données comme base d'organisation, non pas la forme syndicale, mais celle des assemblées générales, où tous les ouvriers débattent de leur propre lutte et des problèmes à résoudre, avec des comités élus et révocables pour centraliser la lutte. La grande grève de Mai 1968 en France est déclenchée malgré les syndicats. En Italie, au cours des grèves de l'Automne chaud de 1969, les travailleurs chassent les représentants syndicaux des assemblées de grévistes. En 1973, les dockers d'Anvers en grève s'attaquent au local des syndicats. Dans les années 1970, en Angleterre, les ouvriers malmènent souvent les syndicats tout comme ceux de Longwy, Denain, Dunkerque en France, lors de la grève de 1979. En août 1980, en Pologne, les ouvriers rejettent les syndicats qui sont ouvertement des rouages de l'État et organisent la grève de masse sur la base des assemblées générales et des comités élus et révocables (les MKS). Les micros sont utilisés pendant les négociations, pour que tous les ouvriers puissent suivre, intervenir et contrôler les délégués. Et il faut se souvenir en particulier de comment cette lutte s'est terminée : par l'illusion d'un nouveau syndicat, libre, autonome et combatif, à qui la classe ouvrière pouvait confier les rênes de la lutte. Le résultat fut immédiat. Ce nouveau syndicat, "tout beau, tout neuf", nommé Solidarnosc, coupa les micros pour tracter en secret et orchestra, de concert avec l'État polonais, la dispersion, la division et, finalement, la défaite violente de la classe ouvrière  ! 8 Les exemples sont légion de ces manœuvres de sabotage permanent des luttes ouvrières et de cette nécessité de ne compter que sur nous-mêmes. Plus récemment, en 2006, en France, lors de la lutte contre le CPE, des dizaines de milliers d'étudiants ont eux aussi montré la capacité de la classe ouvrière à prendre en main ses luttes, à s'organiser et à débattre collectivement au sein d'assemblées générales souveraines et ouvertes à tous les travailleurs, chômeurs et retraités.

De tous ces moments de lutte, deux leçons essentielles peuvent être tirées :

1) C'est aux assemblées générales de décider et d'organiser l'extension et la coordination de la lutte. Ce sont elles qui se déplacent, qui envoient des délégations massives ou des délégués, pour appeler à la grève dans les autres usines. Ce sont elles qui nomment et révoquent à tout moment, si besoin est, les délégués. Ces assemblées générales doivent être coordonnées entre elles par des comités constitués eux-aussi par des délégués élus, responsables en permanence devant elles et donc révocables. Telle est la première condition d'une réelle extension des luttes et d'un réel contrôle de celles-ci par les travailleurs et leurs assemblées.

2) Lorsque les travailleurs d'une usine partent en lutte, ils doivent rechercher la solidarité et l'extension du mouvement vers les centres ouvriers (usines, administrations, hôpitaux...) les plus proches géographiquement et les plus combatifs.

Voici, pour les prolétaires de tous les pays, la seule route à suivre pour endiguer le développement des attaques et de la misère. La perspective de la lutte ouvrière est d'assumer de plus en plus son véritable contenu anti-capitaliste, en affirmant son caractère de classe et donc son unité, en brisant toutes les barrières corporatistes, sectorielles, raciales, nationales... syndicales  ! Comme l'affirmait Marx dans le Manifeste de 1848 : "De temps à autre, les travailleurs sont victorieux mais leur triomphe est éphémère. Le vrai résultat de leurs luttes, ce n'est pas le succès immédiat, mais l'union de plus en plus étendue des travailleurs."

Pawel (24 septembre)

 

1) Ces réformes étaient "réelles et durables" dans ce sens où elles n'étaient pas annulées dès le lendemain de leur promulgation par une obligation de faire des heures supplémentaires ou une augmentation immédiate des cadences contrairement, par exemple, à la loi socialiste sur les "35 heures" (par semaine) qui a permis d'imposer flexibilité, annualisation, augmentation des charges de travail et gel des salaires  !

2) Lire "La décadence du capitalisme [133]".

3) Leipziger Volkszeitung (quotidien de la social-démocratie allemande de 1894 à 1933), 19 mai 1913.

4) Leipziger Volkszeitung, 16 mai 1913.

5) Leipziger Volkszeitung, 19 mai 1913.

6) L'affaire récente, en France, des financements occultes des syndicats par l'UIMM en est une énième preuve éclatante.

7) Un article récent consacré entièrement a cette question est disponible sur notre site Internet sous le titre "Comment peut-on lutter  ? [134]".

8) Pour mieux connaître cet évènement, lire notre brochure Pologne 1980.

 

Récent et en cours: 

  • Luttes de classe [18]

Heritage de la Gauche Communiste: 

  • La question syndicale [20]

Révolution Internationale n° 395 - novembre 2008

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Les syndicats, meilleurs défenseurs de l'ordre capitaliste

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Commeaux Etats-Unis, dans le reste de l’Europe et partout dans le monde,les prolétaires en France subissent de plein fouet les ravages dudéchaînement de la crise et sont les premières victimes duplongeon dans la récession de “l’économie réelle”. 

Derrièrel’accélération de la crise, les attaques anti-ouvrières 

Ladéferlante a déjà commencé : ralentissement de la productiondans tous les secteurs, avalanche de faillites dans les PME,fermetures d’usines dans tous les secteurs et chez tous les grandsgroupes, pas un jour ne se passe sans l’annonce de nouveaux plansde licenciements. Le secteur du bâtiment accuse en priorité le coupde la crise : avec plus de suppressions d’emplois en 4 moisqu’en 4 ans, déjà des charrettes de licenciements sont annoncéeschez deux des plus importants promoteurs, Nexity et Kaufman&Broad,tandis que 180 000 salariés sont menacés de chômage dans lesecteur du bâtiment et des travaux publics en raison de la baisse dela construction de logements neufs : en 2008, les mises enchantier pourraient être inférieures de 90 000 à celles de 2007.En Ile-de-France, les investissements immobiliers ont chuté de 64  %au cours des 9 premiers mois par rapport à la même période en2007. Les banques et les assurances sont évidemment également enpremière ligne avec des dizaines de milliers de suppressionsd’emplois en perspective. Mais cela ne s’arrête pas là. C’estmaintenant le secteur de l’automobile qui se trouve au cœur de latourmente : tous les constructeurs ont annoncé une baisse de 20à 30  % de leur production, Renault, PSA Citroën, Ford ontannoncé la mise au chômage technique de leurs salariés pourplusieurs semaines, voire plusieurs mois (alors que leur salairen’est plus versé qu’à 70  %) et certaines usines comme Fordà Blanquefort en Gironde pourraient ne jamais réouvrir. Toutes lesentreprises sous-traitantes sont menacées de délocalisation commel’équipementier Tyco Electronics à Pontoise. Et tous les nombreuxintérimaires utilisés dans la métallurgie sont mis à la porte dujour au lendemain. 9000 suppressions d’emploi ont été d’ores etdéjà annoncées en France d’ici la fin de l’année dans lesecteur automobile. Le même marasme frappe ce qui reste de lasidérurgie dans toute l’Europe : à Dunkerque, Arcelor vientd’annoncer la fermeture provisoire de ses hauts-fourneaux.Saint-Gobain a annoncé l’été dernier la suppression de 4000emplois en 2008 dans le monde, Hewlett Packard 6000. Dim ferme sadernière usine en France, à Autun, pour concentrer sa production enRoumanie. Yahoo se prépare à supprimer 1300 emplois (10  % deses effectifs). L’agence de voyage Wasteels vient d’êtredéclarée en cessation de paiement. La CAMIF vient de déposer sonbilan, laissant un millier de salariés sur le carreau, 672suppressions d’emplois (avec fermeture de 81 magasins) sont prévuesà la Redoute, et d’autres sociétés de ventes par correspondancedevraient suivre. Les prochains chiffres du chômage devraientpulvériser l’annonce des 41 300 chômeurs supplémentaires dumois d’août. Et ce n’est qu’un début !

Parallèlement,l’Etat poursuit et intensifie ses attaques tous azimuts dans lesecteur public : de la réforme de l’Education nationale parle ministre Darcos à celle du secteur hospitalier par RoselyneBachelot en passant par la loi sur la mobilité des fonctionnaires duministre Woerth, la privatisation de la Poste ou la réforme destribunaux par Rachida Dati, les coups et les suppressions d’emploispleuvent. 

Lesale boulot des syndicats 

Danscette situation, la bourgeoisie mise sur ses auxiliaires les plusprécieux, les syndicats, pour étouffer et stériliser le ras-le-bolet la colère croissante des salariés. Ils se partagent le travailpour diviser et saboter toute velléité de mobilisation massive :tous les syndicats déploient de plus belle une stratégied’éparpillement des luttes pour pousser les ouvriers vers desimpasses et finalement dans la démoralisation la plus totale.

Cettestratégie de dispersion se traduit par une multiplication demobilisations syndicales isolées les unes des autres par entreprise,par branches, par secteur.

Le2 octobre : l’intersyndicale de la branche hospitalière aappelé à une manifestation rassemblant 300 travailleurs deshôpitaux parisiens (sans appel à la grève) devant le siège del’AP-HP face au projet de loi pour résorber les déficit deshôpitaux publics et a réitéré une action du même style le 24octobre.

Le7 octobre : l’initiative d’une journée d’actioninterprofessionnelle lancée par la CGT est très vite transforméeen une mobilisation pour une vague “journée d’action syndicalemondiale pour le travail décent” appelée par la CSI à laquellese sont associées CFDT, CFE-CGC, FSU, Solidaires et UNSA, et lemouvement est peu suivi. FO, qui ne s’était pas associée à cettejournée, a continué à jouer cavalier seul en regroupant 6000personnes à Paris le 23 octobre dans une grève nationale desfonctionnaires.

Unegrève de 55 minutes contre la dégradation des conditions de travaila été simultanément organisée les 9, 10 et 13 octobre dans lesCaisses d’allocations familiales sur 3 sites différents dans leseul département du Val-de-Marne.

Lessalariés du Centre national de la météo à Toulouse se sont mis engrève le 13 octobre contre un plan qui prévoit 131 suppressions depostes en 3 ans et à plus long terme prévoit la fermeture de 70sites sur 115 en 2017, 500 suppressions d’emplois et la mutation dupersonnel lors de la fermeture progressive des différents sites.Dans le nuit du 14 au 15 octobre, les CRS investissaient les locaux àla demande de la direction pour favoriser l’entrée des personnesappelées “les notifiées”, c’est-à-dire les équipesd’astreinte assurant le service minimum de la météo, etchargeaient les grévistes, faisant 3 blessés.

Le16, dans une AG rassemblant de 300 à 400 personnes, à l’ambiancetendue après la violence des CRS, l’intersyndicale polarisait ladiscussion sur la question d’un blocage total ou partiel du site.Elle poussait d’autant plus les salariés dans un sentimentd’impuissance que d’un côté de la grille se tenaient unecinquantaine de personnes qui formaient le piquet de grève et del’autre côté, à l’extérieur, la majorité des participants del’AG, grévistes et non grévistes, attendaient le résultat desnégociations de la direction et de l’intersyndicale tandis qu’à500 mètres du site, 6 fourgons de CRS se tenaient prêts àintervenir, prenant les ouvriers dans la nasse de l’isolement etd’un lent pourrissement de la lutte.

Ceclimat d’isolement et de démoralisation répandu par le contrôlecadenassé des luttes favorise le développement d’actes désespéréscomme celui mis en avant le mois dernier par des ouvriers de lafonderie Helvicast aux Ponts-de-Cé près d’Angers, sous-traitantede PSA. Après plusieurs plans de licenciements au cours de cesdernières années (6 rachats de l’entreprise en 10 ans !) et unenouvelle annonce de licenciements concernant 18 d’entre eux,et après 12 jours de grève, une cinquantaine de salariésretranchés dans l’usine, exaspérés et “déterminés à allerjusqu’au bout” ont mis le feu à leur usine le 23 septembredernier, tout en menaçant de la faire sauter en entassant devantcelle-ci une pyramide de pièces en aluminium dont la base étaitfaite de bouteilles de gaz et de bidons d’essence. L’incendie apu toutefois être maîtrisé sans se propager à d’autres produitsinflammables ni faire de victimes corporelles. Après cette actiond’éclat tout aussi dangereuse que stérile, la reprise du travaila été votée et le black-out est retombé sur le sort de cesouvriers.

Malgrécela, le ras-le-bol et la combativité s’affirment partout.

L’appelà la grève dans les écoles primaires parisiennes a ainsi étélargement suivi (à 35  %, selon le rectorat) le jeudi 16octobre.

Lemême jour, les retraités ont défilé nombreux à Paris pourexprimer leur colère et réclamer une revalorisation de leurspensions.

Le17 octobre, une grève et un rassemblement ont regroupé un millierde salariés devant les grands magasins parisiens aux GaleriesLafayette (GL) contre l’allongement des horaires de travail et lafermeture à 21 heures au lieu de 20 heures entre le 8 octobre au 23décembre, la multiplication des nocturnes jusqu’à 22 heures et unprojet de travail le dimanche et au Printemps voisin où des mesuressimilaires sont imposées. Au Printemps, les syndicats avaient tentéde limiter la protestation à défiler dans les rayons du magasin etnon à l’extérieur pour mieux les isoler. Et s’ils ont reconduitla grève le 22 octobre, c’était cette fois à des heuresdifférentes, à 10 heures devant le Printemps et à 12 heuresdevant les GL.

Lessyndicats, CGT en tête, multiplient les actions, tantôt baladantles ouvriers dans des zones d’activités industrielles excentréescomme à Sandouville, tantôt les entraînant dans des actionsspectaculaires sans lendemain. Ainsi, des travailleurs del’automobile de Ford, Renault-Sandouville, de GeneralMotors-Strasbourg, de Renault-Lardy, sont venus défouler leur colèreau salon mondial de l’automobile en 2 vagues le 4 puis 10 octobre.

Le19 octobre, environ 80 000 personnes (enseignants, RASED-Réseauxd’aides spécialisées pour les élèves en difficulté dont 3000postes sont supprimés sur 9000, parents d’élèves, étudiants,lycéens) ont participé à la manifestation nationale à Paris faceaux coupes budgétaires dans l’Education nationale, entraînant lasuppression de 13 500 postes à la rentrée 2009 contre 11 200 en2008 ainsi que la “réforme de l’Education nationale”. Unenouvelle grève syndicale est envisagée le 20 novembre.

Ala Poste, des grèves sporadiques et isolées se poursuiventlocalement après la journée de “mobilisation” du 23 septembre.

Letravail de sape et de division des syndicats est complété par unpartage du travail : le secrétaire national de la CFDT,Chérèque, est venu déclarer sur Canal +, en pleine tempêteboursière, que ce n’était pas le moment de faire grève et qu’ilfallait réaliser “une union nationale” derrière Sarkozy face àla crise, tandis que la CGT multiplie les actions chacun dans soncoin, dans son atelier, son entreprise, son secteur en martelant lediscours suivant : “On lance des appels à la lutte mais onn’est pas suivis, la classe ouvrière ne veut pas se battre”.

Deplus, les syndicats ont entrepris de mener une vaste campagneidéologique qui se trouvait déjà au cœur de la manifestation del’Education nationale du 19 octobre : “Des sous il y en apuisqu’on balance des milliards pour sauver les banques quispéculent alors qu’il n’y a rien pour les salariés et qu’onréduit le budget, notamment pour l’Education nationale”. Enfait, les syndicats tentent de masquer et de nier la réalité et laprofondeur de la crise capitaliste mondiale en cherchant à faireprendre pour argent comptant aux yeux des prolétaires les effetsd’annonce du gouvernement alors que, sur les deux milliards d’eurospromis par l’Etat, la plupart sont une simple garantie, censéedissuader les banques d’étaler leurs faiblesses et de créer ainsiun nouveau vent de panique. L’avenir promis aux prolétaires esttout autre : flambée du chômage, nouvelles attaques surl’indemnisation du chômage, sur les pensions de retraite et ce quireste de couverture sociale est menacé partout, nouvelle baisse desindemnités du chômage, pression accrue sur tous les salaires,paupérisation croissante, généralisation de la précarité,pression fiscale accrue sur les ménages, etc.

L’associationEntreprises & Personnel qui regroupe plus de 150 directeursdes ressources humaines et “experts sociaux” vient de publier sonrapport annuel intitulé “La déchirure”, où tout ce beau mondetire la sonnette d’alarme sur la détérioration du “climatsocial”, comme le rapporte le journal financier les Echos du7 octobre 2008 : ils estiment que, dans les prochains mois,“toutes les composantes d’une crise sociale risquent d’êtreprésentes”, notamment “la faible adhésion de l’opinionau pouvoir en place et l’absence d’alternative politiquecrédible, la multiplication des situations personnelles difficiles,la montée de la conflictualité dans les entreprises contraintes àla rigueur et la contestation rampante dans le secteur publicaccompagné d’une crise mondiale qui va dramatiser le climat socialet restreindre les marges d’action du gouvernement”. Ilspréconisent que “l’exécutif doit renouer coûte que coûtela relation de confiance qui commençait à s’établir avec lessyndicats dont la coopération sera décisive en cas de crise ouverteaussi bien pour élaborer des réponses communes que pour canaliserla colère des salariés”. On ne saurait être plus clair.Enfin, ce même rapport signale que l’Etat et les employeursdoivent prendre au sérieux la remontée des conflits sociaux “tantl’exaspération est perceptible chez toutes les catégories desalariés que cette grogne n’entraîneront pas forcément unemultiplication des grèves mais pourront prendre la forme pluspernicieuse d’un désengagement silencieux, voire d’autres formesde grève froide”.

Pourque cette “grève froide” débouche sur un véritable rapport deforce entre les classes, les prolétaires ne peuvent compter que sureux-mêmes et prendre conscience que la défense commune et unitairede leurs intérêts ne passe nullement par les syndicats qui lespousseront toujours dans le piège de l’enfermement et ducloisonnement pour les décourager et les démoraliser. C’est parla solidarité qu’ils sont capables de mettre en œuvre à traversl’extension la plus large de leur lutte, qu’ils peuvent freinerles attaques de la bourgeoisie, comme ils l’ont prouvé notammentdans la lutte contre le CPE au printemps 2006.

W(25 octobre)


Situations territoriales: 

  • Lutte de classe en France [63]

Récent et en cours: 

  • Luttes de classe [18]

Pouvons-nous être solidaires sans être unis ? (forum de la CNT-AIT)

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Nous publions ci-après une intervention sur la question de l'unité et de la solidarité qui est apparue dans un forum de discussion de la CNT-AIT. Cette intervention est particulièrement importante car elle touche à des aspects essentiels et historiques de la lutte de la classe ouvrière.

 

Non à l'unité, oui à la solidarité !

 

Face à la violence du capitalisme, devant la répression tous azimuts organisée par le pouvoir, mais aussi pour soutenir des luttes qui seront inéluctablement de plus en plus dures et qui connaîtront tous les moments difficiles que l'on peut imaginer, la "question de l'unité" va se trouver posée, y compris dans nos propres rangs. Or, la soulever dans ces termes, c'est évidemment orienter la réponse, c'est l'enfermer dans une fausse évidence.

Une opposition possible et raisonnable

Déjà, sous la bannière de l'antisarkozysme, commencent à paraître des appels à l'unité. Même ceux qui sont issus d'un syndicalisme qui se voudrait apolitique ont un goût de déjà vu politicien et, en cela, ces textes sont les précurseurs des manœuvres à venir. Ainsi, dans l'appel du Comité national de "Solidaires" en date du 7 février 2008 ... peut-on lire qu'"il s'agit de construire au niveau national un mouvement d'ampleur contre la politique de Sarkozy et Fillon".
Elaborées par des états-majors proches de l'opposition politicienne, ces déclarations, malgré leur dureté de ton, sonnent comme une invitation à rejoindre une opposition possible et raisonnable. En suggérant, comme une autre fausse évidence, que d'abord et avant tout il faut en finir avec ce gouvernement et qu'ensuite et ensuite seulement on verra bien, ils participent finalement à la mystification générale qui depuis 2002 nous a conduit là où nous en sommes. Historiquement d'ailleurs, ce genre de discours a toujours été la voie royale de processus qui, constitués en réaction à une situation, font rentrer dans un moule toutes les volontés de contestation.

"Vous faites le jeu du pouvoir" 

Refuser de s'inscrire dans un manichéisme aussi simplet, refuser de se situer uniquement "pour" ou "contre" Sarko, refuser ce "tous ensemble" présenté comme "la" solution, c'est s'exposer à un rejet violent : "Vous faites le jeu du pouvoir", nous crache-t-on déjà à la figure. Vraiment ? Voyons ça de plus près.
Tout d'abord, Sarkozy n'est pas "le pouvoir", tout le pouvoir ; c'est simplement le quidam qui, en ce moment, dans un petit pays du monde, est l'incarnation du pouvoir politique. Que son agitation soit franchement nuisible et exécrable, point de doute. Mais que le véritable pouvoir soit ailleurs, point de doute non plus. Au fond, et tout le monde le sait, il est entre les mains de ceux qui détiennent, ici et ailleurs, le capital. Il est prêt à remplacer un petit président par un autre, plus respectable ou plus bouffon, selon ses intérêts.

Le prétexte éculé d'urgence 

Deuxièmement, si nous revendiquons le débat, la discussion, et bien sûr aussi la critique dans toute sa force, sa permanence et sa vivacité, ce qu'on nous oppose ici est d'un tout autre ordre et a un tout autre sens. Ce rejet injurieux de la différence est l'indice que ces appels à l'unité ne s'inscrivent pas seulement dans une perspective d'action unitaire mais bien dans une pensée unique. Il est l'aveu que toute divergence est conçue comme dangereuse. Or, faut-il rappeler qu'une communauté humaine qui ne tolère aucune différence, ça s'appelle une société autoritaire, quand ce n'est pas purement et simplement une dictature ? Faut-il rappeler que "demain" se prépare "aujourd'hui" ? Aussi, plutôt que de participer, sous le prétexte éculé "d'urgence", au énième replâtrage de la société actuelle, nous préférons quant à nous poser les prémices de l'humanité libre à laquelle nous aspirons.

Un peu de bio-diversité sociale 

Les périodes de tension comme celles que nous vivons sont porteuses de conflits dans les lieux de production, elles sont propices à un renouvellement des formes de lutte et, avec elles, des modes de pensée. Elles ouvrent potentiellement sur un réveil de "l'utopie" dans la classe exploitée, sur l'émergence de nouvelles perspectives.
Cette bio-diversité sociale émergente, les cartels institutionnels qui appellent à l'unité n'aspirent qu'à la stériliser. Ils ne perdent pas de vue que leur véritable fonction sera de ramener tout le monde au bercail de la routine capitaliste une fois les escarmouches finies. Car au fond, ce que les dirigeants de la pensée unitaire craignent sûrement plus que Sarkozy, c'est une révolution.
Or, face à l'oppression générale que nous vivons, tous ceux qui ont besoin de solidarité sont ou peuvent devenir des révolutionnaires, tous ceux qui sont solidaires des victimes de ce système, sont ou peuvent devenir des révolutionnaires. C'est pourquoi si l'unité participe de l'intégration au système, la solidarité appartient au processus révolutionnaire. Elle est en fait la véritable condition d'une démarche collective, un acte basique de l'existence que tout le monde peut pratiquer à son niveau et qui respecte l'autonomie de pensée et d'action de chacun, individu ou entité collective. Elle dépasse les organisations politiques et syndicales, c'est pourquoi celles-ci veulent toujours la scléroser dans des termes d'unité et de frontisme.
En conséquence, nous appelons, en ce qui nous concerne, non à l'unité mais à la solidarité. Nous appelons chacun à garder son autonomie de pensée, d'expression et d'action. Nous appelons à la solidarité avec ceux qui subissent la répression que nous partagions ou pas leur point de vue, que nous pensions ou pas que leur tactique est erronée. Qu'ils soient militants syndicaux passant à l'action directe, qu'ils soient citoyens pris en flagrant délit de protection d'enfants, qu'ils soient présentés par les médias de la mouvance anarcho-autonome comme "détenteurs de fumigènes", ils sont tous, à leur façon, des résistants. Résistants à l'esclavage salarié, résistants aux rafles, résistants à la résignation. En tant que tels, ils ont notre sympathie, c'est certain. Mais ce n'est pas pour autant que nous scellerons des alliances politiques, citoyennes ou syndicales avec leurs mouvements respectifs, ou que nous nous priverons de tirer des bilans critiques de telle ou telle position idéologique ou stratégie. Et cela parce que, bien au-delà de la problématique de la répression, ce qui est posé, de façon concrète, c'est la nécessité d'un autre futur."

 


 

Tout d'abord, nous saluons avec enthousiasme cet appel à la solidarité envers tous ceux qui sont les victimes de la violence du capitalisme, appel qui s'inscrit pleinement dans un contexte mondial de reprise des combats de classe où tend à s'exprimer à nouveau et de façon croissante ses composantes essentielles : la solidarité et l'unité de la classe ouvrière.

Les camarades qui ont écrit ce texte soulignent leur rejet de "l'unité" pour un "antisarkozisme" à tous crins, "unité" qui est devenue une sorte de condition sine qua non pour construire une opposition à la politique gouvernementale actuelle. Ils insistent avec raison sur le fait que cet "antisarkozisme" serait rassembleur de forces pour un changement, quelles que soient les options politiques en faveur de celui-ci, et que cela oblitère totalement le fait que Sarkozy n'est jamais que le pantin de la bourgeoisie dans son ensemble. Nous soutenons avec force cette position, car elle s'inscrit de façon claire contre toute la propagande qui tend à montrer Sarkozy en bouc émissaire ubuesque de la situation que connaît la classe ouvrière aujourd'hui. Comme le disent les camarades, le président en exercice de la "République française" est certes particulièrement "exécrable", il n'est cependant jamais que le "quidam qui (...) est l'incarnation du pouvoir politique".

En cela, il est vrai que les appels à "l'unité" contre sa politique font le lit de toutes les compromissions avec la gauche, les gauchistes et les syndicats, toutes forces politiques qui ont largement prouvé leur participation ouverte au sabotage des intérêts ouvriers.

Cependant, les camarades en viennent dans leur logique à opposer la question de l'unité de la classe ouvrière à celle de la solidarité. En ce qui nous concerne, il n'y a pas de dissociation entre les deux, ce sont deux aspects de la lutte ouvrière qui se posent dans le mouvement concret du prolétariat et dans sa nature de classe.

Ainsi, c'est en solidarité avec les grèves des ouvriers anglais qu'est née l'idée, puis la constitution, d'une organisation internationale ouvrière (qui prit jour avec la Première Internationale, Association internationale des travailleurs) dès la seconde moitié du xixe siècle. Cette solidarité internationale active ne pouvait pas prendre corps sans la conscience dans les rangs prolétariens d'une unité de ses intérêts, au-delà des corporations, et bien au-delà de leur appartenance "nationale". C'est pour cela que le mot d'ordre du Manifeste communiste de 1848, mot d'ordre qui n'a jamais cessé d'être d'actualité depuis 160 ans, reste et restera encore jusqu'à l'avènement du communisme : "Prolétaires de tous les pays, unissez-vous !"

Evidemment, les forces réactionnaires de la bourgeoisie, qu'elles soient de droite, de gauche, syndicalistes, avec un verbiage plus ou moins révolutionnaires, ne cessent de nous rebattre les oreilles "d'unité" mais aussi de "solidarité". Ainsi, le syndicat "Solidarité" a été le principal maître d'œuvre du sabotage et de l'isolement international des luttes ouvrières en Pologne en 1980, permettant de livrer les prolétaires pieds et poings liés à la répression menée par le général Jaruzelski en décembre 1981.

La bourgeoisie et ses médias salissent et dénaturent tout ce qui a trait aux principes de ce qui est humain. Et ils font encore mieux, avec le soutien des menteurs "de gauche" et gauchistes, pour ce qui est de "l'unité" et de la "solidarité" ouvrière, pour instiller en nous l'idée qu'être "solidaires" n'est qu'un acte passager, ou en-dehors de toute idée de classe, et qu'être "unis", c'est pour des intérêts particuliers et particularistes, opposés à la solidarité.

En ce qui nous concerne, nous combattons, comme les camarades le disent, "pour la nécessité d'un autre futur", mais la possibilité de cet autre futur ne peut être basée que sur la mise en œuvre d'un combat qui fait de la solidarité une arme pour la construction d'une unité de tous les prolétaires. La solidarité fait nécessairement naître une unité réelle dans la lutte et dans la défense de nos intérêts, solidarité et unité qui prendront corps, ensemble, dans la conscience de changer ce monde pourrissant pour en construire un autre : la société communiste mondiale.

E (25 octobre)

 

Vie du CCI: 

  • Correspondance avec d'autres groupes [135]

Courants politiques: 

  • L'anarchisme Internationaliste [136]

Crise du "néolibéralisme" ou crise du capitalisme ?

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Après avoir célébré la défaite du "communisme" lors de l'effondrement du bloc de l'Est au début des années 1990, la bourgeoisie, gauchistes en tête, célèbre aujourd'hui la défaite du libéralisme. "Place au capitalisme équitable !", semble nous dire la classe dominante : le capitalisme pour la prospérité, l'intervention de l'État pour la justice sociale. Mensonge ! L'État n'a jamais été absent de l'économie, bien au contraire ! Son intervention massive aujourd'hui n'est que la manifestation de la panique de la bourgeoisie face à la débâcle de son système. Ce qui attend la classe ouvrière, c'est encore plus d'attaques et de misère, plus de chômage et de coupes dans les budgets sociaux, au nom de la crise du capitalisme, qu'aucun sauvetage, aussi massif soit-il, ne pourra sortir de sa spirale mortelle. Ce n'est pas en confiant son sort à l'État que le prolétariat pourra répondre aux assauts de la crise, mais bien en développant ses luttes de façon la plus large possible. Il n'est pas d'autre réponse à l'accélération de la crise et à la gravité de la situation mondiale.

Sarkozy proclame aujourd'hui que "le capitalisme doit se refondre sur des bases éthiques". Madame Merkel insulte les spéculateurs. Zapatero pointe d'un doigt accusateur les "fondamentalistes du marché" qui prétendent que celui-ci se régule tout seul sans intervention de l'État. Tous nous disent que cette crise implique la mort du capitalisme "néolibéral" et que l'espoir aujourd'hui se tourne vers un "autre capitalisme", débarrassé des requins financiers et spéculateurs qui auraient poussé comme des champignons sous prétexte de "dérégulation", "d'inhibition de l'État", de primauté de l'intérêt privé sur "l'intérêt public", etc. À les entendre, ce n'est pas le capitalisme qui s'effondrerait, mais une forme particulière de capitalisme. Les groupes de la gauche du capital (staliniens, trotskistes, altermondialistes...) exultent en proclamant : "Les faits nous donnent raison. Les dérives néolibérales ont provoqué ces désastres !" Ils proclament que la solution passe par "le socialisme", un socialisme qui consisterait en ce que l'État remette à leur place "les capitalistes" au bénéfice du "peuple" et des "petites gens".

Ces explications sont-elles valables ? Un "autre capitalisme" est-il possible ? L'intervention bienfaitrice de l'État pourrait-elle porter remède au capitalisme en crise ? Nous allons tenter d'apporter des éléments de réponse à ces questions d'une actualité brûlante. Il faut cependant au préalable éclaircir une question fondamentale : le socialisme est-il l'État ?

Socialisme = État ?

Le socialisme véritable défendu par le marxisme et les révolutionnaires tout au long de l'histoire du mouvement ouvrier n'a rien à voir avec l'État. Le socialisme est même la négation de l'État. L'édification d'une société socialiste exige en premier lieu la destruction de l'État dans tous les pays.

L'intervention de l'État pour réguler l'économie, pour la mettre au "service des citoyens", etc., n'a donc rien à voir avec le socialisme. L'État ne sera jamais "au service de tous les citoyens". L'État est un organe de la classe dominante et est structuré, organisé et configuré pour défendre la, classe dominante et maintenir son système de production. L'État le "plus démocratique du monde" n'en sera pas moins un État au service de la bourgeoisie, qui défendra, bec et ongles, le système de production capitaliste. En outre, l'intervention spécifique de l'État sur le terrain économique n'a pas d'autre objectif que celui de préserver les intérêts généraux de la reproduction du capitalisme et de la classe capitaliste.

Tout au long du xxe siècle, avec l'entrée du capitalisme dans sa phase de décadence (1), l'État a été son principal rempart face à l'exacerbation de ses contradictions sociales, guerrières et économiques. Les xxe et xxie siècles se caractérisent par la tendance universelle au capitalisme d'État. Cette tendance existe dans tous les pays, quels que soient leurs régimes politiques. On trouve essentiellement deux voies de réalisation du capitalisme d'État :

- l'étatisation plus ou moins complète de l'économie (c'est celle qui existait en Russie et existe encore en Chine, à Cuba, en Corée du Nord...) ;

- la combinaison entre la bureaucratie étatique et la grande bourgeoisie privée (comme aux États-Unis ou en Espagne, par exemple).

Dans les deux cas, c'est toujours l'État qui contrôle l'économie. Le premier affiche ouvertement sa propriété d'une grande partie des moyens de production et services. Le second intervient dans l'économie à travers une série de mécanismes indirects : impôts, fiscalité, achats aux entreprises (2), fixation des taux d'intérêt interbancaires, régulation des prix, normes de comptabilité, agences étatiques de concertation, d'inspection, d'investissements (3), etc.

Le "néolibéralisme" a-t-il échoué ?

Après une relative période de prospérité de 1945 à 1967, le capitalisme mondial est retombé dans des crises récurrentes, les épisodes convulsifs se sont succédés comme des séismes qui mettaient l'économie mondiale au bord de l'abîme. Les différentes étapes de la crise qui se sont succédées tout au long des dernières quarante années sont le produit d'une surproduction chronique et de la concurrence exacerbée. Les États ont tenté de combattre ses effets en usant de palliatifs, le principal d'entre eux étant bien sûr l'endettement. Les États les plus forts ont aussi repoussé les conséquences les plus néfastes en "exportant" les pires effets sur les pays les plus faibles (4).

Il ne faut pas nous raconter d'histoires sur "l'initiative privée" qu'encouragerait le "néolibéralisme" : ses mécanismes ne sont pas nés spontanément du marché mais ont été le fruit et la conséquence d'une politique économique étatique dans le but de juguler l'inflation. Elle n'a fait que la reporter mais en payant le prix fort : par d'obscurs mécanismes financiers, les dettes se sont transformées en créances spéculatives à haut niveau d'intérêt, rapportant dans un premier temps de juteux bénéfices mais dont il fallait se débarrasser le plus tôt possible car, tôt ou tard, personne ne pourrait plus les payer...

... ou est-ce le capitalisme ?

La crise actuelle peut être assimilée à un gigantesque champ de mines. La première à exploser fut la crise des subprimes durant l'été 2007 et on aurait pu croire à première vue que les choses allaient rentrer dans l'ordre, moyennant le versement de quelques milliards. N'en avait-il pas toujours été ainsi ? Mais l'effondrement des institutions bancaires depuis fin décembre a été la nouvelle mine qui a fait exploser toutes ces illusions. L'été 2008 a été vertigineux avec une succession de faillites de banques aux États-Unis et en Grande- Bretagne. Nous en arrivons au mois d'octobre 2008 et une autre des illusions avec lesquelles les bourgeoisies comptaient apaiser nos préoccupations vient de partir en fumée : ils disaient que les problèmes étaient immenses aux États-Unis mais que l'économie européenne n'avait rien à craindre. Soit. Mais les mines commencent à présent à exploser aussi dans l'économie européenne en commençant par son État le plus puissant, l'Allemagne, qui contemple sans réagir l'effondrement de sa principale banque hypothécaire.

Le capitalisme s'en sortira-t-il "comme il s'en est toujours sorti" ?

Cet aphorisme est une fausse consolation. Les épisodes précédents de la crise avaient pu être "résolus" par les banques centrales en déboursant quelques milliards de dollars (une centaine lors de la crise des "Tigres" asiatiques en 1998). Les États ont aujourd'hui investi 3 000 milliards de dollars depuis un an et demi et ils ne voient toujours pas d'issue.

Par ailleurs, les pires effets de la crise avaient jusqu'ici été circonscrits à quelques pays (Sud-Est asiatique, Mexique et Argentine, Russie), alors qu'aujourd'hui l'épicentre où se concentrent les pires effets se trouve précisément dans les pays centraux : États-Unis, Grande-Bretagne, Allemagne... et irradient forcément le reste du monde.

Ensuite, les épisodes précédents, en général et à l'exception de celui de la fin des années 1970, étaient de courte durée et il suffisait de 6 mois à un an pour apercevoir le "bout du tunnel". Cela fait un an et demi que nous sommes dans cette crise et on n'aperçoit pas la moindre lueur. Au contraire, chaque jour, la crise est plus grave et la débâcle plus profonde !

Enfin, cette crise va laisser le système bancaire mondial très affaibli. Le mécanisme du crédit se retrouve paralysé à cause de la méfiance généralisée, personne ne sachant vraiment si les "actifs" présentés par les banques (et les entreprises) dans leurs bilans ne sont pas de l'esbroufe. Le capitalisme d'État "libéral" ne peut fonctionner s'il n'a pas des banques fortes et solides, l'économie capitaliste s'est à présent tellement accrochée à la drogue de l'endettement que si le système du crédit s'avère incapable d'apporter un flux d'argent abondant, la production sera paralysée. Le robinet du crédit est fermé malgré les sommes énormes allouées aux banques centrales par les gouvernements. Personne ne voit clairement comment va pouvoir se rétablir un système percé de toutes parts et qui perd ces organes vitaux - les banques - les uns après les autres. La course folle entre les États européens pour voir lequel pouvait donner le plus de garanties aux dépôts bancaires est une sinistre augure qui ne révèle que la recherche désespérée de fonds. Cette surenchère de "garanties" révèle précisément que rien n'est garanti !

Les choses sont donc claires : le capitalisme connaît aujourd'hui sa crise économique la plus grave. L'histoire vient de s'accélérer brutalement. Après 40 années d'un développement de la crise lent et heurté, ce système est en train de plonger dans une récession épouvantable et extrêmement profonde dont il ne se relèvera pas indemne. Mais surtout, dès maintenant, les conditions de vie de milliards de personnes se trouvent durement et durablement affectées. Le chômage frappe de nombreux foyers, 600 000 en moins d'un an en Espagne, 180 000 au mois d'août 2008 aux États-Unis. L'inflation frappe les produits alimentaires de base et la famine ravage les pays les plus pauvres à une vitesse vertigineuse depuis un an. Les coupes salariales, les arrêts partiels de production avec les attaques qui en découlent, les risques qui pèsent sur les pensions de retraite... Il ne fait pas le moindre doute que cette crise va avoir des répercussions d'une brutalité inouïe.

Seule la lutte du prolétariat peut permettre à l'humanité de sortir de l'impasse

Le capitalisme ne va pas jeter l'éponge. Jamais une classe exploiteuse n'a reconnu la réalité de son échec et n'a cédé son pouvoir de son plein gré. Mais nous constatons qu'après plus de cent ans de catastrophes et de convulsions, toutes les politiques économiques avec lesquelles l'État capitaliste a tenté de résoudre ses problèmes non seulement ont échoué, mais elles ont en plus aggravé les problèmes. Nous n'avons rien à attendre des prétendues "nouvelles solutions" que va trouver le capitalisme pour "sortir de la crise". Nous pouvons être certains qu'elles nous coûteront surtout toujours davantage de souffrances, de misère et nous devons nous préparer à connaître de nouvelles convulsions encore plus violentes.

C'est pourquoi il est utopique de se fier à ce qu'on nous présentera comme une "sortie" de la crise du capitalisme. Il n'y en a pas. Et c'est le système entier qui est incapable de masquer sa faillite. Être réaliste, c'est participer à ce que le prolétariat reprenne confiance en lui, reprenne confiance en la force que peut lui donner sa lutte comme classe et construise patiemment par ses luttes, par ses débats, par son effort d'auto-­organisation, la force sociale qui lui permettra de s'ériger en alternative révolutionnaire face à la société actuelle afin de renverser ce système pourrissant.

CCI (8 octobre)

 


 

Les interventions actuelles “anti-libérales” de Bush, de Sarkozy ou des autres dirigeants des grandes puissances économiques, notamment en Europe, qu’ils soient de droite ou de gauche, déclarent la guerre au “capitalisme sauvage” et vouloir “moraliser le capitalisme”. Ces déclarations semblent sortir tout droit d’un discours écrit par Besancenot, le porte-parole emblématique du tout “Nouveau Parti Anticapitaliste” (ex-candidat à la présidentielle et leader de la “Ligue Communiste Révolutionnaire” (LCR). Contrairement aux apparences, il n’y a là rien d’étonnant. Ce que proposent la LCR et tous les gauchistes coïncide parfaitement avec la forme particulière de capitalisme prônée par nos dirigeants où l’Etat ne manipule plus l’économie dans l’ombre (comme dans le ‘néo-libéralisme’) mais de façon directe et ouverte. Et c’est justement, pour la bourgeoisie, cette intervention plus directe de l’Etat dans l’économie qui est la mieux adaptée au moment présent de crise pour d’abord soutenir, et ensuite réglementer le capitalisme. Dans la bouche de Sarkozy, toutes ces recettes étatistes apparaissent directement pour ce qu’elles sont : des adaptations faites par la bourgeoisie pour la bourgeoisie. Mais ce sont les mêmes recettes qui sortent depuis des lustres des lèvres de Besancenot, Laguiller et autres dirigeants gauchistes. La seule différence, c’est qu’ils prétendent qu’elles seraient mises au service du peuple ou des prolétaires. Exproprier ou nationaliser les entreprises qui licencient alors qu’elles font du profit, comme le réclament les dirigeants du NPA ou de LO, procède de la même logique capitaliste que ceux qui à la tête de l’Etat prétendent vouloir mettre le système bancaire ou les entreprises sous la tutelle ouverte de l’Etat, quitte à déclarer vouloir mettre un terme aux agissements des “spéculateurs”, des “patrons-voyous” ou ceux qui s’approprient des “parachutes dorés” comme si tous les capitalistes, étatisés ou pas, n’agissaient pas selon les mêmes rouages de l’exploitation féroce des prolétaires et de la recherche effrénée du profit !

Cette réalité de la domination universelle d’un capitalisme d’Etat dirigiste qui sort aujourd’hui de l’ombre vient révéler d’autant plus fortement le caractère mensonger et manipulateur des recettes que défendent, sous couvert de “communisme”, “socialisme”, “révolution”, ou “anticapitalisme” tous les partis et organisations gauchistes dans le monde.

Cela démontre que “l’anticapitalisme” à la sauce Besancenot et consorts n’a rien de révolutionnaire mais, bien au contraire, relève d’une pure mystification qui s’inscrit parfaitement dans la défense du capital.

 


1) La Première Guerre mondiale (1914) met un point final au caractère progressiste du capitalisme et détermine sa transformation en système qui ne charrie plus que des guerres, des crises et la barbarie sans fin. Voir la Revue internationale no 134 [137].

2) Pour s'en faire une idée, aux États-Unis, présentés comme la Mecque du néolibéralisme, l'État est le principal client des entreprises et les entreprises d'informatique sont obligées d'envoyer au Pentagone une copie des programmes qu'elles créent et des composants de hardware qu'elles fabriquent.

3) C'est un conte de fées que de dire que l'économie américaine est dérégulée, que son État est inhibé, etc. : la Bourse est contrôlée par une agence fédérale spécifique, la banque est régulée par le SEC, la Réserve fédérale détermine la politique économique à travers des mécanismes comme les taux d'intérêt.

4) Dans la série d'articles "30 ans de crise capitaliste" publiée dans les nos 96 [89], 97 [138] et 98 [139] de la Revue internationale, nous analysons les techniques et méthodes avec lesquelles le capitalisme d'État a accompagné cette chute dans l'abîme pour la ralentir, parvenant à ce qu'elle évolue par paliers successifs.


 

Récent et en cours: 

  • Crise économique [34]

Forum social au Pérou : des internationalistes dénoncent le "socialisme bourgeois"

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Nous avons reçu du Pérou et nous publions ci-dessous une prise de position sur le "Sommet social alternatif" organisé par les syndicats, la gauche et quelques groupes libertaires, en réponse au Ve sommet UE-Amérique latine et Caraïbes du 16 mai à Lima.

Nous saluons ce texte qui dénonce, très justement, les "orgies mercantiles" que sont les sommets organisés par la bourgeoisie mondiale et qui ne sont que le théâtre des luttes impérialistes les plus sordides. Il met aussi à nu la nature bourgeoise des sommets alternatifs "de gauche" qui prétendent être une réponse aux plans des capitalistes. En réalité, cette fausse alternative au capitalisme, ce prétendu socialisme, ne prétend être, comme disent les camarades, qu'un capitalisme "à visage humain". C'est donc un faux socialisme, un "socialisme bourgeois", comme le dénonçait déjà le Manifeste communiste :

"Une partie de la bourgeoisie cherche à porter remède aux anomalies sociales, afin de consolider la société bourgeoise.

"Dans cette catégorie, se rangent les économistes, les philanthropes, les humanitaires, les gens qui s'occupent d'améliorer le sort de la classe ouvrière, d'organiser la bienfaisance, de protéger les animaux, de fonder des sociétés de tempérance, bref, les réformateurs en chambre de tout acabit...

"Les socialistes bourgeois veulent les conditions de vie de la société moderne sans les luttes et les dangers qui en découlent fatalement. Ils veulent la société actuelle, mais expurgée des éléments qui la révolutionnent et la dissolvent. Ils veulent la bourgeoisie sans le prolétariat...

"Une autre forme de socialisme, moins systématique, mais plus pratique, essaya de dégoûter les ouvriers de tout mouvement révolutionnaire, en leur démontrant que ce n'était pas telle ou telle transformation politique, mais seulement une transformation des conditions de la vie matérielle, des rapports économiques, qui pouvait leur profiter. Notez que, par transformation des conditions de la vie matérielle, ce socialisme n'entend aucunement l'abolition du régime de production bourgeois, laquelle n'est possible que par la révolution, mais uniquement la réalisation de réformes administratives sur la base même de la production bourgeoise, réformes qui, par conséquent, ne changent rien aux rapports du capital et du salariat et ne font, tout au plus, que diminuer pour la bourgeoisie les frais de sa domination et alléger le budget de l'Etat...

"Car le socialisme bourgeois tient tout entier dans cette affirmation que les bourgeois sont des bourgeois - dans l'intérêt de la classe ouvrière." (Marx-Engels, le Manifeste communiste)

(Courant communiste international)


Tous les sommets sont capitalistes

Une fois de plus, nous sommes les témoins d'une réunion des grands pontes du capitalisme latino-américain avec leurs pairs européens et asiatiques (ALCUE- APEC), et ce spectacle d'orgie mercantile entraîne aussi sa réponse alternative avec le "Sommet des peuples", faite par toute la gauche du capital (ONG, syndicats, fronts communs, partis politiques, libertaires, etc.), qui prétend être l'alternative populaire, la voix des exclus. Notre groupe dénonce tous ces bourgeois philanthropes, ces philistins, pour ce qu'ils ont toujours voulu représenter, c'est-à-dire le bon côté de la bourgeoisie à la recherche d'un capitalisme à visage humain, qui ne vise en rien à détruire ce système putréfié mais plutôt à l'améliorer ou le réformer afin de le rendre acceptable aux prolétaires. Voyons d'ailleurs point par point ce qui se dissimule derrière les thèmes de cette première réunion.

1. Contre le "néo-libéralisme"

Comme si le capital avait quelque chose de nouveau (en ajoutant le terme néo) ! Ce que nous voyons aujourd'hui, c'est le capitalisme de toujours, le même système imposé il y a plus de 500 ans, assassin, exploiteur et barbare. Avec ces jeux sur les mots, les sommets sociaux (et toute la social-démocratie) veulent faire croire à un capitalisme à visage humain, sans mauvais côté. Ils dissimulent, ce faisant, que tout capital implique une exploitation de travailleurs, une plus-value, des profits et par conséquent la division de la société en deux classes antagoniques (bourgeoisie et prolétariat). Qu'il soit privé ou étatique, le capitalisme est un seul et même système qui utilise l'exploitation pour se reproduire.

2. Stratégie de compétitivité Amérique latine-UE

Ces messieurs les philanthropes ne cherchent pas à détruire ce système pourrissant. Ils veulent une Amérique latine transformée en bloc capitaliste capable d'être compétitif, qui puisse traiter d'égal à égal avec les autres. Le Sommet des peuples et tous ceux qui le soutiennent veulent que tous, des chefs d'entreprises aux travailleurs latino-américains, nous oublions les différences de classes pour entrer ensemble dans la concurrence impérialiste, pour conquérir des marchés et réaliser des profits, comme tout bloc bourgeois ; bien évidemment, tout ceci reste dans le cadre de notre exploitation, celle des prolétaires.

3. Intégration régionale et alternative

Ils cherchent à créer des organisations, et des mouvements alternatifs dont l'objectif serait de sauver cet ordre bourgeois qui s'effondre par pans entiers. Ils tentent pour cela d'embobiner notre classe avec des propositions du type "assemblées constituantes", totalement opposées à l'organisation du prolétariat en classe, pour nous conduire sur la voie réactionnaire de la défense de la démocratie et affaiblir la lutte révolutionnaire. Le "bolivarisme", la "pensée autochtone latino-américaine", "l'indigénisme" et autres pièges idéologiques utilisés par les marionnettes Chávez, Correa, Evo, Lugo, Humala, avec lesquels le capitalisme tente de procéder à un lifting sur sa vieille et horrible gueule, sont du même tonneau.

4. Les changements climatiques et leur impact sur les ressources naturelles

Les sociaux-démocrates, en bons charlatans, rejettent en mentant et falsifiant la responsabilité du désastre climatique sur quelques mauvaises entreprises transnationales, poussant le ridicule jusqu'à proposer de créer un Tribunal des peuples chargé de les juger. Ils dissimulent la vérité : le destructeur de l'environnement n'est autre que le mode de production capitaliste, c'est-à-dire le système basé sur la production de marchandises et la génération de profits. Tant qu'on ne détruira pas cette logique criminelle, le réchauffement de la planète se poursuivra, avec la hausse du prix des aliments, la destruction des écosystèmes, la famine mondiale, etc. Aucun stupide "procès", aucune "exploitation rationnelle", aucun "contrôle démocratique des peuples" ne peuvent arrêter la barbarie sauvage dans laquelle plonge chaque jour davantage le capital, qui se moque de tout type de règlement ou "d'appel à la conscience" du style Greenpeace ou Forum social mondial.

5. Les peuples indigènes, la souveraineté alimentaire, la terre

C'est la position philanthropique typique consistant à "défendre" l'Indien tout en niant sa condition d'exploité, sa classe. En ce sens, elle revendique le "droit à la terre" c'est-à-dire le droit à être propriétaire, chef d'entreprise. La défense des droits (économiques, culturels et sociaux) revendiquée par ces canailles est la défense de l'individu entravé dans les filets du capital, pulvérisé et séparé de ses frères exploités comme lui, atomisé comme unité marchande, nié comme classe et comme prolétaire ennemi du capital. La bourgeoisie essaie de calmer les contradictions et les intérêts antagoniques entre les classes pour freiner toute tentative de lutte révolutionnaire.

6. Travail, migration, logement, droits du travail et syndicaux

C'est-à-dire la défense de l'emploi, du travail salarié, de l'esclavage du prolétariat et du droit des capitalistes de nous exploiter dans ses entreprises. Ces capitalistes vont plus loin : ils proposent la création de travail comme moyen de contrôle des migrations vers les villes pour que celles-ci n'explosent pas à cause de la surpopulation de prolétaires insatisfaits qui peuvent se soulever et devenir incontrôlables. Le syndicalisme, en bon partenaire des capitalistes, est lui aussi revendiqué par le Sommet social, pour son rôle historique de médiateur au service du capital et d'éternel traître contre les luttes prolétariennes qui tentent de détruire le capitalisme.

7. Migration, discrimination ethnique, criminalisation de la protestation

Le but est de démontrer à l'Etat bourgeois que les mouvements sociaux sont démocratiques et pacifiques, respectueux de la paix sociale (c'est-à-dire qu'ils prônent la conciliation entre les exploités et les exploiteurs), qu'ils ne sont pas un danger pour le capitalisme et que par conséquent l'actuelle vague de répression menée par le gouvernement "apriste" (1) est injustifiée.

Les capitalistes d'ALC-UE et d'APEC peuvent faire confiance au Sommet social, car c'est l'aile gauche de la bourgeoisie mondiale. Tout leur spectacle populaire fait de débats sociaux, de drapeaux, d'affiches et de mobilisations n'exige et ne revendique rien d'autre que les mots d'ordre révisionnistes, opportunistes et sociaux-démocrates : un commerce équitable, davantage de citoyenneté, de l'écologisme, le respect des droits humains bourgeois, etc. Rien dans ce paquet philanthropique bourgeois ne nie le capitalisme, tout aspire au contraire à "l'améliorer" et à le maintenir en vie.

La seule issue pour notre classe est la destruction du mode de production capitaliste et l'instauration de la dictature prolétarienne, des nécessités humaines.

Aucun sommet ou anti-sommet n'est opposé au capitalisme !

Destruction
du mode de production capitaliste !

Le communisme
est notre objectif !

Des prolétaires internationalistes
[email protected] [140]

 

1) L'APRA (Alianza Popular Revolucionaria Americana) est le plus ancien parti politique péruvien fondé par Víctor Raúl Haya de la Torre en 1921 sur une base idéologique du nationalisme "anti-yankee" et partisan d'un Front commun américano-indien en Amérique latine. Il est l'actuel parti gouvernemental dirigé par le président Alan Garcia Perez déjà au pouvoir entre 1995 et 2000 et revenu à la tête de l'Etat depuis les élections de 2006. Ce parti est traditionnellement situé dans la mouvance social-démocrate. Il mène depuis des années une lutte farouche envers les groupes terroristes (comme les maoïstes du Sentier lumineux) ou gauchistes.

Vie du CCI: 

  • Correspondance avec d'autres groupes [135]

Récent et en cours: 

  • Forums Sociaux [141]

Réunion de contacts du CCI à Paris : l'expression du besoin du débat politique ouvert

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Nous publions ci-dessous des extraits du compte-rendu d’une réunion organisée par des contacts du CCI et qui s’est tenue à Paris le 23 mars à Paris. Ce compte-rendu a été réalisé par quelques-uns de ces contacts eux-mêmes. Deux questions ont été débattues, “La religion est-elle l’opium du peuple ?” et “Le capitalisme peut-il surmonter ses crises ?”. Mais, pour des raisons de place, ces extraits ne traiteront que de la première question en débat.

Sur une invitation du CCI, les contacts de l’organisation et les militants ont partagé une journée de réflexion autour de deux questions choisies par les participants dans une liste proposée.

Après avoir pris ensemble un bon petit déjeuner (…), les participants ont entamé la réflexion sur la première question : la religion est-elle l’opium du peuple ? Quelle attitude adopter face à elle ? Un participant a introduit le sujet par un court exposé. La discussion qui suivit fut très dynamique dans un climat très chaleureux et fraternel. Un camarade a souligné le fait que les interventions allaient toutes dans le même sens : la clarification, qu’il ne s’agissait nullement pour les participants de se faire valoir par des interventions pompeuses mais simplement de répondre aux questions soulevées par le débat. L’ensemble de la salle semblait enchantée par la discussion qui fut très instructive tant au niveau de la qualité du débat que sur le fond. (…)

La religion est-elle l’opium du peuple ? Quelle attitude adopter face à elle ?

Certains camarades plus anciens en politique (…) ont rappelé que ce thème ne faisait pas partie des discussions politiques auxquelles ils étaient accoutumés. Une camarade a même déclaré : “C’est la première fois depuis que je connais le CCI qu’on discute de la religion.” (…)

Nous avons dans un premier temps tenté de comprendre l’origine des croyances religieuses et les raisons de leur recrudescence aujourd’hui. La discussion a permis de mettre en évidence que l’homme a développé une pensée mystique afin de faire face à l’inconnu d’une vie et d’un environnement en mouvement constant. Les camarades ont également montré que la religion en tant que telle permet de cristalliser les peurs et les ambitions des hommes face aux sociétés de classes de plus en plus effrayantes dans leur période de décadence. “On assiste à une perte de perspective, donc les populations cherchent à se rassurer face à l’impasse dans laquelle elles se trouvent”. Une camarade a précisé à ce propos qu’“il ne faut pas oublier tout ce qui est ésotérique qui participe à ce sentiment de croyance à l’irrationnel. On ne sait plus où est le réel et où est le rêve. Certains enfants ne font plus de différence entre la télévision et la réalité. C’est une conséquence de la décomposition”.

Etant dans la phase de décomposition de la société capitaliste, nous voyons les religions vivre une seconde jeunesse. En effet, la discussion a mis en évidence un fait qui n’avait pas été soulevé dans l’exposé : “Comme aujourd’hui il n’y a plus de valeurs, on se réfugie dans la religion”. (…) Plusieurs interventions ont précisé que la situation n’est pas homogène partout dans le monde et à toute époque. “L’ascendance marque un recul de la religion ; la décadence du capitalisme montre une remontée de la religion”. C’est dans ce cadre que certains camarades ont montré le lien très important qui existe entre la religion, la morale, l’Etat et le mode de production. Un camarade a d’ailleurs montré qu’“il y a alors une sorte de recours à la religion [dans la période d’ascendance du capitalisme] avec l’idée de créer quelque chose d’idéal. On assiste à un retour du religieux vers 1830 en France, car la bourgeoisie en a besoin pour contrôler la classe ouvrière, mais aussi pour justifier son propre mode de domination et justifier la déchéance d’un mode de domination qui devait être parfait !”.

Ainsi la discussion a mis en évidence que la religion est non seulement un refuge pour les hommes mais qu’elle est également un outil que le capitalisme a finalement intégré pour maintenir son mode de domination par la division et la mystification. “Les antagonismes d’ordre politiques ou de classe ont de tout temps été recouverts du drap religieux (guerres de religions entre protestants et catholiques, etc.) Derrière, il y avait d’autres enjeux. La religion était l’habillage. Aujourd’hui : c’est pareil avec Bush.”

Alors face à la montée de l’influence de la religion, comment réagir ? La religion est-elle un frein à la lutte de classe ? Une camarade a rappelé l’épisode de 1905, où les manifestations ouvrières avaient à leur tête le pope Gapone, comme point de départ pour tenter de répondre à cette question : “Ces formes idéologiques qui ont un poids réel n’ont pas empêché la première vague révolutionnaire de l’histoire et la création des soviets. C’était un exemple pour montrer que, quel que soit le poids de ces religions, l’Homme pourra faire quand même la révolution et pourra aller au-delà de ça”.

Un camarade sceptique face à cet argument a montré que “… Par rapport à 1905, il faut faire attention, car il y a une évolution historique. Il y a une évolution des rapports ouvriers et des rapports de pouvoir (…), la situation n’est donc pas la même qu’en 1905. Aujourd’hui, on ne peut pas envisager un militantisme allant de pair avec la religion, même si c’était possible il y a cent ans”. Ce à quoi un autre camarade a répondu que “si aujourd’hui la bourgeoisie peut utiliser la religion pour dévoyer la classe ouvrière du combat de classe comme le pope devant les ouvriers en 1905, elle le fera à nouveau (elle le fait déjà avec le Hamas). Les camarades ont rappelé que dès le départ, les marxistes étaient très critiques à l’égard de la religion : Marx la considérant comme le soupir de la créature opprimée”.

Un camarade a d’ailleurs expliqué qu’il ne s’agit pas d’appliquer à l’égard de la religion “une tolérance aveugle” mais bien la méthode marxiste qui vise et à comprendre et à critiquer de manière à avancer. Plusieurs camarades ont ainsi dénoncé l’attitude d’anarchistes bouffeurs de curés qui s’acharnent à condamner la religion de façon abstraite comme le montre l’exemple donné par un camarade : “Bakounine qui critiquait Marx parce qu’il était juif, donc tout ce qu’il disait était empreint de juiverie.”

Ce qui s’oppose clairement à l’attitude des marxistes comme le montre une camarade en rappelant le témoignage “d’une Russe qui a appartenu au Parti bolchevique rendant compte d’une expérience, en 1912, en Italie du Sud. C’est une période très importante d’effervescence des associations ouvrières. A l’issue de ces meetings ouvriers, un maçon très croyant, non gréviste, non socialiste, s’est fait abattre par la milice. Quand des ouvriers meurent ainsi, il y a un petit discours en hommage au gréviste mort. Mais là, il y a eu une grève générale, avec aussi un grand office religieux. Fallait-il laisser le curé du village rendre un dernier hommage ? Sa réponse : oui (contrairement à l’avis de beaucoup de socialistes). Le lendemain, la presse a salué le respect des socialistes pour le culte”.

Ainsi un camarade explique que “ce qui ressort de la discussion : c’est l’Homme qui fait la religion, c’est l’Homme qui est aliéné et qui ne s’est pas trouvé. C’est pourquoi, le combat contre la religion s’inscrit dans une lutte plus globale contre la société. Donc on ne peut que rejeter la vision anarchiste (rejet total de la religion). Les anarchistes posent la question de la religion comme une question de la raison pure. Les marxistes, eux, posent la question sur le plan matérialiste.” Il a été montré que les révolutionnaires dès 1917 étaient très clairs sur cette question : attaquer la religion de front serait vain et irait à l’encontre des buts de ces derniers.

Grâce à de nombreux exemples donnés par les intervenants telles que celui des femmes ouvrières qui, pour pouvoir discuter avec des femmes musulmanes, acceptaient de porter le voile en Russie en 1917, il est apparu très clairement que réprimer les croyants ou les attaquer dans leur foi n’était en aucune manière une façon pertinente de régler cette question et de faire avancer la lutte de classe. C’est bien de l’inverse dont il s’agit : c’est grâce au développement de la lutte des classes que la réflexion peut se libérer de toute emprise mystique : “Il faut donner des réponses aux gens, donner de vraies perspectives plutôt que de démolir les fausses réponses”. C’est en changeant la société, en combattant les causes des croyances que la religion sera de moins en moins présente dans la vie et la pensée humaine.

En fin de discussion, nous sommes revenus sur la question de l’utilité de la religion dans le capitalisme. Une camarade explique qu’“il faut faire attention quand on parle de la religion. Parfois, certains camarades font des raccourcis en disant que la bourgeoisie maintient la religion pour mystifier la classe ouvrière. Mais la bourgeoisie a aussi besoin de se mystifier elle-même. Elle l’a intégrée et conservée, elle a besoin aussi de justifier l’écran de fumée qu’elle crée”.

(…)

A la fin de cette discussion restaient de nouvelles questions auxquelles nous n’avons pas eu le temps de répondre : “Est-ce que le renforcement de la religion n’est pas une réaction à la montée de la lutte de classe ?”, “la question des différences entre les religions. La question des différences entre extrémistes kamikazes et croyants. La question de : quelle attitude adopter face à cela.” (…)

Enfin pour conclure ce petit bilan, nous tenons à revenir sur la forme du débat choisie pour cette journée. Après les exposés, les participants ont choisi un présidium chargé de prendre les tours de parole et de faire attention à l’heure. Quelques jeunes peu habitués à débattre dans un cadre se sont questionnés quant à l’efficacité du tour de parole. Ils reconnaissent que parfois ils avaient envie d’intervenir pour répondre à l’intervention en cours mais comme il fallait attendre cela leur paraissait ne plus valoir la peine. (…) De manière générale, ils se sont sentis plus libres de s’exprimer que dans les réunions publiques (…).

Voici un extrait de la synthèse du dernier tour de table : “Ce tour de table a été très riche à l’image du débat : plein d’interventions qui ont soulevé beaucoup de questions qui partaient dans tous les sens au départ. (…) Pas de sentiment de jugement, de langue de bois. (…) Nous avons évoqué la nécessité de s’adapter à celui auquel on s’adresse. C’est une des qualités des révolutionnaires. On est parti de préoccupations concrètes. (…) Ce qui compte c’est l’unité. C’est un pas énorme pour la clarification de la conscience !” (…) L’ensemble des participants souhaitaient réitérer cette expérience fort enrichissante.

Des sympathisants du CCI.


Vie du CCI: 

  • Réunions publiques [14]

Révolution Internationale n° 396 - décembre 2008

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Obama, président des États-Unis : c'est toujours la bourgeoisie qui gagne les élections

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Lors de l'élection d'Obama comme 44e président des États-Unis, personne n'a pu échapper aux scènes de liesse à Chicago, à New York mais aussi en Afrique et dans toute l'Europe. Ces explosions de joie, reprises en boucle dans tous les médias à l'échelle planétaire, ne sont pas sans rappeler le spectacle de la foule dansant place de la Bastille à Paris au soir du 10 mai 1981 en France après l'élection de Mitterrand. Mais ce phénomène qualifié "d'obamania" dépasse largement un tel cadre. Ce couronnement d'un Noir à la Maison Blanche, que le monde entier applaudit, vient conclure en apothéose la superproduction "hollywoodienne" d'une campagne électorale américaine dont les médias nous ont gavés, à la télé, par internet, dans la presse écrite, etc., depuis deux ans et à tous les stades des élections primaires. Elle dévoile une énorme machinerie déjà propre à toute élection "à l'américaine" montée avec un maximum de moyens technologiques et financiers. La "belle histoire de l'Oncle Sam" de la nouvelle idole Obama et de son ascension irrésistible, avec saga familiale incorporée, incarnation du rêve américain et retrouvant l'esprit pionnier du "melting-pot" n'est que de la poudre aux yeux. C'est le pur produit d'une gigantesque opération de marketing basée sur le people star system. Cette campagne a coûté une véritable fortune, au moment où l'État américain plonge dans la crise et où la plupart des banques comme des grandes entreprises du pays sont au bord du gouffre. Obama nous est présenté comme un sauveur pas seulement pour les États-Unis mais pour le monde entier et pour le capitalisme... Dans quel but ?

Cela a permis avant tout de recrédibiliser le jeu électoral et le retour sur le devant de la scène de la mystification "démocratique" afin de masquer provisoirement la faillite du capitalisme, pour les États-Unis comme pour le monde entier. Cette élection ne s'appuie pas seulement sur le soutien unanime de toute la bourgeoisie (tous les chefs d'État sans exception se sont publiquement réjouis de cette élection et ont chaudement félicité "l'heureux élu") mais elle a amené vers les urnes des millions d'Américains déshérités, ainsi que des Noirs ou des membres de minorités immigrés qui n'avaient jamais pris part à un vote de leur vie. Cette élection est parvenue à soulever une énorme vague d'espoir de changement de leurs conditions de vie misérables pour des millions d'exploités et d'opprimés grâce à une gigantesque opération publicitaire vantant le mirage de "l'union nationale", si chère à la bourgeoisie. Cette dernière a mis le paquet et a préparé le terrain pour obtenir un tel résultat équivalent à un raz-de-marée : il fallait rehausser le prestige des États-Unis autour d'un candidat idéal, jeune, dynamique, rassembleur et noir par dessus le marché : Obama. Cette victoire ne concerne que la bourgeoisie et, contrairement à ce qu'on voudrait nous faire croire, elle n'est pas celle d'une quelconque "communauté noire" ni des couches les plus pauvres de la société, ni même des prétendues "classes moyennes" . Elle ne va rien changer au sort des dizaines de millions de prolétaires et d'exploités qui, plus que jamais, n'en récolteront que davantage "de sang, de sueur et de larmes", selon la vieille expression consacrée par Churchill. Elle ne va pas changer la monstruosité du monde capitaliste. Avec la victoire d'Obama, il fallait surtout "effacer" l'image catastrophique des États-Unis après les huit années-Bush (qualifié de pire président connu dans l'histoire des États-Unis) : faire croire au renouveau, au changement, remplacer l'équipe "de néo-cons républicains" dépassés par les événements et marqués par la faillite de leurs "doctrines ultra-libérales" usées jusqu'à la corde dont Bush s'était entouré. Le "camp démocrate" avait bien compris ce besoin de changement de look de l'impérialisme américain en se permettant lors des primaires organisées dans chaque "camp" d'évincer la candidature d'Hillary Clinton qui, bien que faisant miroiter une autre "première", une femme présidente des Etats-Unis, a trop misé sur son expérience de vieille routière de l'appareil et de la politique, étant incapable de susciter un élan susceptible de canaliser une aspiration profonde à un renouvellement du personnel politique. De même, en face, chez les "républicains", on a tout fait pour ne pas gagner avec le "ticket" Mc Cain-Palin, avec le choix d'un vieux tocard de 72 ans, "héros" du Vietnam, un homme du passé, pas de l'avenir, rapidement "plombé" d'une part par son appartenance au même "camp républicain" que Bush (malgré les distances prises avec ce dernier) et surtout confronté à ses propres limites (ses bourdes à répétition d'homme dépassé par rapport au krach financier et économique). Enfin, le choix d'une "colistière" ultra-réactionnaire, "créationniste", complètement non crédible, a constitué un vrai repoussoir. Les ralliements massifs et spectaculaires à Obama dans le propre camp des républicains (comme le plus fameux, celui de l'ex-responsable de la défense nationale lors de la guerre en Irak sous l'investiture de Bush père, Colin Powell) ont également été des éléments déterminants témoignant d'un changement de stratégie de la bourgeoisie américaine la plus consciente des enjeux de la période.

Ce ravalement de façade de l'Amérique souligne la capacité d'adaptation d'une grande puissance déclinante qui, pour préserver sa crédibilité et rompre son dangereux isolement dans sa domination impérialiste, doit cesser d'apparaître toujours dans le même rôle de grand méchant gendarme du monde. Et, surtout, elle n'a pas d'autre choix pour faire accepter de faire partager le fardeau de la crise à l'échelle mondiale. Dans le capitalisme, "il n'y a pas de sauveur suprême, ni Dieu, ni César, ni tribun, le monde doit changer de base...". La "folle espérance" suscitée par "l'effet Obama" ne peut mener qu'à une très rapide terrible désillusion. Avec l'effet boomerang des attaques, des faillites, du chômage, de la misère, de la poursuite de la politique guerrière, de la récession et de l'endettement qui frappent à la porte, le retour à la réalité sera rude. Cette tentative de faire "peau neuve" ne saurait à terme sauver la peau du capitalisme, ni empêcher les États-Unis d'être la première puissance à s'enfoncer dramatiquement dans la pire crise mondiale de ce système. Seul le développement international de la lutte de classes est porteur d'une véritable espérance pour l'avenir de l'humanité.

W (21 novembre)

 

Géographique: 

  • Etats-Unis [19]

Récent et en cours: 

  • élections aux États-Unis [142]

La retraite à 70 ans, encore une attaque contre nos conditions de vie

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Profitant du cirque médiatique autour des élections américaines, le gouvernement a fait passer en catimini lors du vote sur le budget de la Sécurité sociale, un amendement scélérat qui repousse pour les ouvriers du secteur privé, la mise à la retraite d'office de 65 à 70 ans. Autrement dit, au nom de la "liberté" de pouvoir vendre sa force de travail plus longtemps, l'Etat s'apprête à allonger le temps de travail pour prétendre à une pension de retraite. Les partis de gauche ont voté contre, soi-disant pour défendre la retraite à 60 ans, sans aucun doute, pour faire oublier leurs brillants états de service en matière d'attaques sur les retraites dans les gouvernements précédents. Les syndicats, eux, se sont offusqués, car ils n'ont pas été consultés, comme si leurs interminables négociations dans les salons feutrés de Matignon avaient déjà empêché des attaques contre nos conditions de vie. Comme en 1993, ce sont d'abord les ouvriers du privé qui sont visés par cet amendement, mais ensuite comme en 2003 et en 2007, cela sera le tour des ouvriers du public et des employés qui bénéficiaient des régimes spéciaux. Le gouvernement vient d'ailleurs d'ouvrir les hostilités en faisant voter la possibilité pour le personnel navigant des compagnies aériennes de travailler jusqu'à 65 ans en faisant également éclater le statut de leur retraite : si elle maintient pour le moment le régime actuel de retraites pour les pilotes, elle introduit un nouveau régime beaucoup moins favorables pour les hôtesses de l'air et les stewards, tentant ainsi de diviser le personnel.

Quelle hypocrisie que de parler de libre arbitre alors que le choix réel c'est de s'épuiser au travail jusqu'à 65 ans et plus dans le futur ou partir avec une retraite amputée parce qu'on n'aura pas les annuités nécessaires ! Comme le souligne la présidente de la Caisse nationale d'assurance vieillesse, "en agitant l'épouvantail des 70 ans, cela permet d'une certaine façon de préparer l'opinion publique à un relèvement de l'âge minimal de la retraite ; la pilule passera mieux si on annonce dans quelques années un relèvement à 62 ans ou 63 ans" (1). Mais les sacrifices ne vont pas s'arrêter là, car pour la majorité des ouvriers ce qui s'annonce est bien pire encore, "le vrai problème n'est pas là, mais plutôt de savoir s'ils auront le libre choix de pouvoir s'arrêter de travailler. Si on ne fait rien, les retraites vont baisser et ceux qui auront des petites retraites seront obligés de continuer à travailler pour pouvoir vivre" (2).

Vivre ou survivre, voilà l'enjeu des années à venir  ! En 1990, 19  % des ouvriers touchaient le minimum vieillesse, ils sont 40  % en 2007 (3). Avec les baisses des pensions complémentaires et la loi de 2003 qui allonge la durée de cotisation et change le mode de calcul des pensions, la pension d'un salarié moyen, calculée selon la réglementation actuelle, est inférieure de plus de 30  % à celle basée sur la législation de 1990 (idem). Étant donné l'accroissement du chômage et de la précarité du travail, de moins en moins de salariés vont pouvoir prétendre à une pension complète. Ils vont être obligés pour survivre de se mettre en quête d'éventuels petits boulots pour compléter leur maigre pension, comme c'est le cas déjà pour les ouvriers aux États-Unis, en Angleterre et dans la plupart des pays industriels.

Aujourd'hui, compte tenu de la profondeur de sa crise économique, le capitalisme n'a que faire de la santé de sa main d'œuvre. Tant pis si les ouvriers sexagénaires ne peuvent plus assumer leurs tâches, s'ils sont malades ou épuisés, où plutôt tant mieux, se dit la classe dominante. C'est de façon froide et toujours plus cynique qu'elle calcule notre devenir. Si nous ne sommes pas licenciés en cours de route, elle espère que nous serons contraints de laisser tomber notre emploi, résignés et au bout du rouleau, sans avoir obtenu les trimestres nécessaires. Que nous crevions à la tâche ou que nous partions avec une pension de misère, c'est le seul avenir que ce système peut nous offrir. Ne les laissons pas faire ! Ce n'est que par la lutte la plus unie et solidaire possible, ouvriers du privé, du public, des régimes spéciaux, chômeurs et retraités, tous ensemble, que nous pourrons faire reculer les attaques du gouvernement.

Daniel (21 novembre)

 

1) Le Monde du 17 novembre 2008.

2) Le personnel navigant a bien compris la manœuvre, d'où sa colère et les grèves menées pendant quatre jours à Air France, au grand dam des organisations syndicales qui étaient prêtes comme d'habitude (notamment le syndicat des pilotes) à négocier pour mieux faire passer la pilule.

3) Le Monde diplomatique, septembre 2008.


Situations territoriales: 

  • Situation sociale en France [25]

Récent et en cours: 

  • Crise économique [34]

Répression d'une grève au Brésil (tract)

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Nous publions ici le tract réalisé en commun par le CCI et le groupe Opposition ouvrière, distribué au Brésil le 20 octobre dans les assemblées générales de lutte des employés de banque.


La bourgeoisie brésilienne, confrontée à des mouvements échappant à son contrôle (en fait au contrôle des syndicats), utilise de manière grotesque son appareil répressif, la police, en vue d'intimider les travailleurs. C'est ainsi qu'à Porto Alegre (RS), dans le sud du Brésil, elle a réprimé violemment une manifestation d'employés de banque, le 16 octobre dernier, en faisant usage de gaz lacrymogènes, de balles en caoutchouc et blessant ainsi environ 10 personnes. Comme si la répression intervenue dans la matinée n'y suffisait pas, la "13e marche des Sans" (1) réunissant le même jour et dans la même ville, une dizaine de milliers de personnes fut, elle aussi, la cible de la répression policière dont il a résulté de nombreux blessés.

Avant cela, les dirigeants des banques et, parmi eux, le propre gouvernement, avaient déjà entrepris de prendre des mesures contre la grève actuelle des employés de banque en persécutant et licenciant des leaders, en vue de contenir le développement du mouvement.

La solidarité de classe :une nécessité

Il est nécessaire de souligner que la lutte des employés de banque va actuellement au delà des revendications économiques classiques puisque sa revendication essentielle est celle de l'homogénéisation du traitement des employés. Les banques, et surtout les banques fédérales, ont créé un abîme entre la situation des employés de longue date et celle de ceux qui ont été embauchés depuis 1998, lorsqu'ont été supprimés certains "avantages" qui avaient été arrachés à travers la lutte même. Bien plus que la revendication d'une simple compensation économique, il s'agit donc d'un geste important de solidarité entre travailleurs, car il n'est pas possible d'accepter que nous soyons traités différemment, comme si certains d'entre nous étaient inférieurs, alors que nous effectuons tous le même travail, dans le mêmes locaux, en étant soumis aux mêmes pressions.

Il est également nécessaire qu'il soit bien clair que, tous nos "avantages" étant le fruit de la lutte, si certains d'entre nous en bénéficient, alors tous doivent en bénéficier, quel que soit le moment où ils ont été embauchés. De la même manière, cette grève cherche à récupérer ce qui nous a été supprimé, à tous cette fois-ci, comme les primes annuelles, etc. Toutes ces conquêtes économiques ont été le produit de nos luttes de résistance mais elles ont été annulées par la suite par les patrons avec la complicité de leurs "partenaires syndicaux".

Nous voulons également de meilleures conditions de travail, la fin du harcèlement moral, la fin des objectifs de vente de produits et services imposées par les banques ; tout ceci a occasionné tellement de maladies parmi les travailleurs du secteur bancaire. Nous le répétons, nous ne voulons pas être traités différemment les uns des autres. Nous ne pouvons pas être d'accord avec l'amputation de nos "avantages" qui sont le produit de nos luttes et non pas des cadeaux de la part des patrons du secteur privé ou public.

La revendication des mêmes conditions de travail et rémunération pour ceux qui sont actuellement embauchés constitue un acte de solidarité entre les différentes générations de travailleurs de ce secteur. C'est cette même solidarité dont nous devons faire la preuve en actes avec ceux qui ont été victimes de la répression de l'État. Nous ne pouvons pas renoncer à nous joindre et nous solidariser avec tous ceux qui luttent pour ne pas se laisser écraser par les nécessités du capitalisme en crise, avec tous ceux que la bourgeoisie a réprimé ou va vouloir réprimer du fait de leur implication dans les luttes.

Ces luttes et la répression de l'État ne constituent pas une question qui ne concerne que les employés de banques, mais bien l'ensemble des travailleurs, avec ou sans travail.

 


1) Mouvement qui réunit différentes catégories d'exclus sociaux, le Mouvement des Sans terre, le Mouvement des Sans toit, le Mouvement des Sans travail. Comme son nom l'indique, ce dernier est essentiellement constitué de prolétaires sans travail. Le mouvement des Sans toit regroupe des éléments de différentes couches non exploiteuses de la société, qui s'organisent notamment pour occuper des squats. Le mouvement des Sans terre est constitué lui aussi de différentes couches non exploiteuses de la société en provenance de la ville, sans travail et qui sont organisés au sein de cette structure pour l'occupation de terres à la campagne en vue de les cultiver. Cette structure est solidement contrôlée par l'État, en particulier depuis le premier mandat de Lula à la tête de l'État.


Géographique: 

  • Amérique Centrale et du Sud [15]

Récent et en cours: 

  • Luttes de classe [18]

Manif des enseignants : le gouvernement cogne, les syndicats sabotent la lutte

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Le secteur de l'enseignement est l'un de ceux qui a dû essuyer le plus d'attaques successives d'envergure de façon quasiment ininterrompue au cours de ces dernières années, notamment une dégradation accélérée des conditions de travail et un flot de suppressions de postes, grandissant d'année en année. Les réformes en cours dans les écoles maternelles et primaires se traduisent ainsi par la suppression de 5500 postes alors qu'elles accueillent 20 000 enfants de plus. Dans le secondaire, la réforme en cours du bac professionnel et des programmes des lycées, avec suppression d'heures d'enseignement obligatoires à la clef, vont se traduire par de nouvelles dizaines de milliers de suppressions d'emploi. Ce sont également 3000 postes de RASED - Réseaux d'aides pour les élèves en difficulté, créés depuis une quarantaine d'années, soit le tiers des effectifs, qui sont supprimés - alors que ces RASED sont promis à la disparition pure et simple d'ici 3 ans. La colère et le ras-le-bol des enseignants s'expriment déjà depuis des mois. Il n'y a rien d'étonnant de constater que la journée de grève du 20 novembre dernier appelée par les syndicats de ce secteur ait été particulièrement suivie. Le taux de grévistes a oscillé entre 50 et 70 % et il a entraîné une forte mobilisation dans les rues des principales villes sur tout le territoire avec partout une participation importante des lycéens aux côtés des enseignants dans des manifestations qui, à l'échelle nationale, ont rassemblé autour de 200 000 personnes (dont 40 000 à Paris). L'ampleur de la mobilisation dans cette journée de grève a rendu quasiment inapplicable le service minimum dans les écoles à la charge de chaque municipalité récemment décrété par le gouvernement. Cependant, ces manifestations ont été également marquées par un très fort corporatisme favorisant leur isolement du reste de la classe ouvrière dans lesquels les syndicats et l'ensemble de la bourgeoisie cherchent à les enfermer. Non seulement aucun appel public n'a été lancé pour rejoindre ou participer à ces manifestations mais il est particulièrement frappant que, pour la manifestation parisienne, il était impossible de connaître à l'avance le parcours de cette manifestation. Cela ne pouvait que dissuader d'autres ouvriers touchés par des attaques similaires d'y participer ou de manifester leur solidarité. De plus, les slogans étaient tous dirigés et ciblés contre le ministre Darcos et dans les manifs elles-mêmes, les syndicats avaient organisé les défilés par établissements : chacun derrière la banderole de son école ou de son "bahut", chacun préoccupé à réclamer des postes ou des moyens supplémentaires pour défendre son propre établissement mais aussi classe par classe, incitant chacun à discuter avec ses collègues de travail de tous les jours des problèmes spécifiques dans son cours ou de tel ou tel élève... Alors que la classe ouvrière se retrouve attaquée de la même manière dans tous les secteurs sous les coups de boutoir de l'accélération de la crise et de la récession, les prolétaires se retrouvent ligotés dans des mobilisations syndicales émiettées et séparées de même qu'à travers une multitude de revendications spécifiques. Quelques exemples : le 22 novembre contre le projet de privatisation de La Poste, à la SNCF contre la réforme du fret (où 2 syndicats seulement avaient appelé à la grève le 18 tandis que seul Sud-Rail a maintenu sa consigne de grève pour le 23 au soir, après le retrait du préavis de grève par les deux autres principaux syndicats), dans le secteur automobile où des actions et manifestations sporadiques sont organisées séparément et quasi quotidiennement chez chaque constructeur et sur chaque site menacé par les licenciements, sans compter les dizaines de milliers d'emplois sup­primés avec la multiplication des fermetures d'entreprise pleuvant dans le privé.

Quel que soit le niveau de combativité des grévistes, se laisser entraîner derrière les manœuvres syndicales mettant sans cesse en avant des revendications catégorielles ou spécifiques, sur le terrain du cloisonnement localiste et corporatiste, ne peut déboucher que sur un sentiment démoralisant de stérilité et d'impuissance. Les prolétaires doivent prendre conscience du besoin grandissant d'unité et de solidarité de leurs luttes pour pouvoir s'opposer aux attaques de la bourgeoisie et au travail de division et d'éparpillement des syndicats.

Ava (22 novembre)

 

Situations territoriales: 

  • Lutte de classe en France [63]

Récent et en cours: 

  • Luttes de classe [18]

Au sommet du G20, l'impuissance de la bourgeoisie face à la crise économique

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Face à la crise économique qui est en train de ravager la planète, le 15 novembre s'est tenue la fameuse réunion internationale qui, telle qu'elle nous était présentée à l'origine, devait changer le monde et "bouleverser les règles de fonctionnement du capitalisme" : le G20. Ce sommet exceptionnel réunissant les membres du G8 (Allemagne, France, Etats-Unis, Japon, Canada, Italie, Royaume-Uni, Russie) plus l'Afrique du Sud, l'Arabie Saoudite, l'Argentine, l'Australie, le Brésil, la Chine, la Corée du Sud, l'Inde, l'Indonésie, le Mexique et la Turquie, devait en effet jeter les bases d'un nouveau capitalisme, non seulement plus sain mais aussi plus humain. Que l'on se souvienne ! En septembre, alors qu'un véritable vent de panique faisait rage sur les places boursières, tous les grands de ce monde, les Bush, Merkel et consorts, annonçaient en grande pompe la tenue d'une grande conférence internationale. Nicolas Sarkozy, le président de la République française et de l'Union Européenne, avait même tenu à l'occasion des discours "radicaux" comme le 23 septembre à la tribune de l'ONU où il avait plaidé pour "un capitalisme régulé" et "moralisé", n'hésitant pas à affirmer la nécessité de "refonder le capitalisme".

Cette réunion a bien eu lieu. Résultat ? Rien ou presque. Même la presse internationale a été obligée de reconnaître que "la montagne avait accouché d'une souris". Évidemment, personne ne s'attendait sérieusement à voir apparaître un "capitalisme plus humain". Cela n'existe pas et les dirigeants politiques du monde en parlent comme les parents parlent du Père Noël à leurs enfants. Le capitalisme est et sera toujours un système d'exploitation brutal et barbare. Mais même du point de vue de la lutte contre la crise éco­nomique, les résultats de ce sommet sont particulièrement maigres. En voici les conclusions dans un jargon d'initiés particulièrement incompréhensible :

- la limitation des "effets procycliques" (aggravants) des règles en vigueur sur les marchés financiers ;

- l'alignement des normes comptables au niveau mondial, en particulier "pour les produits financiers complexes" ;

- l'amélioration de la transparence des "marchés dérivés" pour réduire "les risques systémiques" ;

- l'amélioration des "pratiques de compensation" ;

- l'évaluation du mandat, du mode de gouvernance et des besoins en ressources des institutions financières internationales ;

- la définition du champ des institutions ayant une "importance systémique" - dont l'effondrement mena­cerait l'ensemble du système financier mondial et qui nécessiterait donc une action coordonnée pour éviter leur défaillance.

Bref, il s'agit de jouer au pompier de service en soutenant financièrement la finance et les secteurs stratégiques de l'économie. Rien de nouveau qui ne soit déjà fait.

La bourgeoisie ne répète pas les erreurs de 1929... mais est tout de même incapable de sortir de la crise

Il faut tout de même reconnaître une chose. Il est vrai qu'aujourd'hui, contrairement à 1929 (où les États, dans un premier temps, n'avaient pas réagi et avaient laissé s'écrouler des pans entiers de l'économie), toutes les bourgeoisies se sont très rapidement mobilisées. A coups de milliers de milliards de dollars, elles tentent de sauver les centres vitaux de leurs économies comme les banques, les grandes industries... Et pour ce faire, elles se rencontrent, tentent de colmater les brèches les plus béantes, agissent parfois de concert alors que là encore, en 1929, elles avaient fait tout le contraire (elles avaient tiré à hue et à dia, tombant dans un protectionnisme effréné, fermant leurs frontières aux marchandises étrangères et aggravant finalement la crise mondiale). C'est cette mobilisation internationale qui a permis d'éviter l'effondrement brutal du système financier et la faillite des plus grandes banques, tant redoutés par les économistes ces derniers mois.

Mais si la faillite de tout le secteur bancaire en particulier a été évitée, aucune réelle solution, aucune perspective de relance durable ne peuvent émerger de toutes ces discussions qui ont lieu depuis début septembre, ni du G7, ni du G8, ni du... G20 !

La bourgeoise est impuissante, elle ne peut pas régler la crise historique de son système car celui-ci est touché par une maladie mortelle : la surproduction. C'est pourquoi le capitalisme entré dans sa phase de décadence depuis près d'un siècle est traversé par des convulsions irrémédiables et qu'il fait subir à l'humanité une suite ininterrompue de guerres (les deux guerres mondiales en sont le symbole le plus fort) et de crises économiques. Le résultat du G20 est une démonstration visible de cette impuissance : alors que la crise fait rage, que la famine menace des pans entiers de l'humanité, que dans les pays les plus développés, le chômage et la pauvreté explosent, tout ce que peuvent faire les plus grandes sommités de la planète, c'est de voter des résolutions aussi vagues qu'abstraites "pour des règles plus strictes et un meilleur contrôle des spéculateurs et des banquiers". Plus ridicule encore, ces décisions du G20 ne sont même pas applicables tout de suite mais doivent être discutées par une commission d'experts dont les conclusions seront re-discutées le... 30 avril 2009 ! Il n'y a décidément rien à attendre de tous ces sommets.

Les économistes peuvent bien appeler de leurs vœux un nouveau New Deal ou un nouveau Bretton Woods, ils sont bien incapables de comprendre le sens réel de la situation actuelle. Un nouveau New Deal ? Mais l'endettement qui avait permis en 1933 et en 1938, sous l'impulsion de Roosevelt, de mener une politique de grands travaux et de relancer l'économie a déjà été réalisé au centuple au cours de ces dernières décennies. Les États, les entreprises, les ménages supportent déjà le poids d'une dette insoutenable et sans cesse croissante. Non, il n'y aura pas de nouveau New Deal ! Un nouveau Bretton Woods alors ? En 1944, l'organisation d'un système financier international basé sur le dollar avait permis de fluidifier et de stabiliser les échanges sur lequel la croissance économique avait pu s'appuyer. Mais aujourd'hui, il n'y a plus de superpuissance permettant de stabiliser les échanges mondiaux ; au contraire, nous assistons à la perte de crédit et de capacité des Etats-Unis à jouer leur rôle de locomotive de l'économie mondiale. D'ailleurs, au cours de ce G20, toutes les autres puissances ont contesté la mainmise américaine, à commencer par la France et son porte-parole, Nicolas Sarkozy. Et il n'y aucune nouvelle puissance émergente à l'horizon susceptible de jouer ce rôle, à commencer par la prétendue Union Européenne, traversée par la lutte pour la défense d'intérêts nationaux parfaitement contradictoires et opposés les uns aux autres. Non, il n'y aura pas de nouveau Bretton Woods. Tout au plus, répétons-le, des "mesurettes" seront prises afin de limiter les dégâts. Tout cela ne fera en fin de compte qu'étaler la crise dans le temps et préparer des lendemains plus sombres encore.

Vers une paupérisation brutale

Les mauvaises nouvelles économiques et les annonces de plans de licenciements qui pleuvent en ce moment laissent entrevoir de quoi demain sera vraiment fait. Toutes les instances internationales, les unes après les autres, prévoient la récession pour 2009. Selon l'OCDE, la zone euro devrait voir son activité reculer de 0,5 %. La Grande-Bretagne serait plus touchée encore avec des prévisions de - 1,3 % ! Le Japon est déjà en récession à hauteur de -  0,1 % et son économie devrait continuer de plonger l'année prochaine. Pour les États-Unis, la FED (la banque centrale américaine) envisage une croissance négative de - 0,2 %, mais Nouriel Roubini, l'économiste le plus écouté aujourd'hui à Wall Street suite à l'exactitude de toutes ses prévisions ces deux dernières années sur la détérioration de l'économie mondiale, pense quant à lui possible la réalisation d'un scenario cauchemar avec une contraction de l'activité de l'ordre de 5  % durant deux années consécutives, en 2009 et 2010 ! (1) Nous ne pouvons savoir si tel sera le cas, il est inutile de faire bouillir les marmites de l'avenir, mais le simple fait que l'un des économistes les plus réputés de la planète puisse envisager un tel scenario catastrophe révèle l'inquiétude de la bourgeoisie et la gravité réelle de la situation !

Côté licenciements, le secteur bancaire poursuit son jeu de massacre. Citigroup, l'une des plus grandes banques du monde, vient d'annoncer la suppression de 50 000 emplois alors qu'elle en a déjà détruit 23 000 depuis début 2008 ! A côté de ce cataclysme, les annonces de la suppression de 3200 postes de travail chez Goldman Sachs ou de 10  % des effectifs de Morgan Stanley sont du coup passées presque inaperçus. Rappelons que la sphère de la finance, sans compter ces dernières nouvelles, a déjà détruit plus de 150 000 emplois depuis janvier 2008.

Autre secteur particulièrement touché, celui de l'automobile. En France, Renault, premier constructeur du pays, a tout simplement arrêté sa production courant novembre ; plus aucune voiture ne sort de ses ateliers et cela alors que ses chaînes tournent déjà depuis des mois au ralenti, à 54  % de leurs capacités en Europe (2). PSA Peugeot-Citroën vient d'annoncer 3350 suppressions de postes et de nouvelles mesures de mise au chômage technique pour un mois. Mais, dans le secteur de l'automobile, c'est une nouvelle fois des États-Unis que les nouvelles les plus alarmantes parviennent : les fameux Big Three de Detroit (General Motors, Ford et Chrysler) sont au bord de la faillite. Si l'État américain ne les renfloue pas, c'est entre 2,3 et 3 millions d'emplois qui sont directement menacés (intérimaires et salariés de la sous-traitance étant les premiers touchés). Et dans un tel cas, les ouvriers licenciés ne perdraient pas seulement leur boulot mais aussi leur assurance maladie et leur retraite ! Même si, comme c'est le plus probable, l'État américain sort de sa poche un plan de financement, les restructurations vont être particulièrement violentes dans les mois à venir, les charrettes de licenciements se succéderont à un rythme infernal.

Le résultat attendu de toutes ces attaques est évidemment une explosion de la misère. En France, le Secours populaire et Emmaüs constatent déjà pour septembre une augmentation de près de 10  % des personnes survivant grâce à la soupe populaire, et les jeunes semblent particulièrement touchés.

L'avenir n'est pas à un capitalisme plus "humain" ou plus "moral" comme veulent nous le faire croire tous ces bonimenteurs réunis en G7, G8 ou G20, mais à un capitalisme toujours plus barbare, répandant les affres de la misère et de la faim.

Face à la crise et aux attaques du capitalisme, il n'y a qu'une seule issue : le développement des luttes de la classe ouvrière.

Pawel (21 novembre)

 

1) Source : www.contreinfo.info [143]

2) A travers cet exemple rejaillit toute l'absurdité de l'économie capitaliste. D'un côté, le développement de la misère, de l'autre des usines qui tournent à la moitié de leur capacité ! La raison en est simple : le capitalisme ne produit pas pour les besoins de l'humanité mais pour vendre et réaliser du profit. Si une partie de l'humanité n'a pas de quoi payer, elle peut bien crever, les capitalistes préféreront fermer leurs usines et détruire leurs marchandises invendues plutôt que de les donner !

 

Récent et en cours: 

  • Crise économique [34]

Election d'Obama : les habits neufs de l'État américain

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Cet article, dénonçant la propagande mensongère entourant l’élection d’Obama, est  repris d’Internationalism, section du CCI aux Etats-Unis.

La tempête propagandiste autour de la campagne électorale a enfin cessé au bout de presque deux ans. Les médias aux ordres de la classe dominante nous disent qu’il s’agit de l’élection la plus importante de l’histoire des États-Unis, démontrant une fois de plus la puissance et la supériorité de la “démocratie”. Cette propagande crie haut et fort que non seulement nous avons pour la première fois de l’histoire américaine un président afro-américain, mais aussi que, par-dessus tout, la victoire d’Obama porte avec elle un profond désir de changement. On nous dit encore que le “peuple a parlé”, et que “Washington a écouté”, grâce à l’œuvre miraculeuse des urnes. On nous dit même que l’Amérique a dès à présent dépassé le racisme et est devenue une véritable terre de fraternité.

Ainsi, aujourd’hui, Obama est devenu président. Mais qu’est-ce que cela signifie en réalité ? Obama a promis le changement, mais cette promesse n’est rien d’autre qu’une illusion. Toute cette campagne n’a été qu’un mensonge hypocrite, qui s’est servi des espoirs d’une population, et surtout d’une classe ouvrière terriblement épuisée par la misère et la guerre. Les véritables gagnants de ces élections ne sont pas plus “Joe le plombier”, symbole de “l’Américain moyen”, que les afro-américains qui font partie de la classe ouvrière américaine, mais bien plutôt la bourgeoisie américaine et ses représentants. Il est clair que les mêmes attaques incessantes vont continuer de s’abattre sur les ouvriers. La misère va ainsi continuer de s’aggraver inexorablement.

Obama n’a pas davantage été un candidat de la “paix”. Sa critique essentielle envers Bush porte sur l’enlisement en Irak et sur sa politique qui a laissé l’impérialisme américain incapable de répondre de façon appropriée aux défis posés à sa domination. Obama prévoit d’envoyer plus de troupes en Afghanistan et a clairement déclaré que les États-Unis devaient être prêts à répondre militairement à toute menace contre ses intérêts impérialistes. Il a été en outre très fortement critique par rapport à l’incapacité de l’administration Bush à répondre au niveau requis à l’invasion de la Géorgie par la Russie l’été dernier. Voilà quel champion de la paix il est !

Pendant les débats présidentiels, Obama a expliqué qu’il soutenait le renforcement de l’éducation aux États-Unis, parce qu’une force de travail bien éduquée était vitale pour une économie forte et qu’aucun pays ne peut rester une puissance dominante sans une économie forte. En d’autres mots, il voit les dépenses d’éducation comme une pré-condition à la domination impérialiste. Quel idéalisme !

Il n’y a donc rien à attendre pour la classe ouvrière de cette venue au pouvoir d’Obama. Pour la classe dominante, par contre, cette élection représente un succès presqu’au-delà de ses rêves les plus fous.

Elle a permis de ravaler la vieille façade de l’électoralisme et du mythe démocratique, qui avaient été mis à mal depuis 2000 et avaient conduit à un sentiment de désenchantement par rapport au “système” chez beaucoup de monde. L’euphorie post-électorale – comme les danses dans les rues pour saluer la victoire d’Obama – est un témoignage de l’étendue de la victoire politique de la bourgeoisie. L’impact de cette élection est comparable à la victoire idéologique qui est apparue immédiatement après le 11 septembre 2001. Tout de suite après, la bourgeoisie profitait d’une poussée d’hystérie nationaliste lançant la classe ouvrière dans les bras de l’État bourgeois. Aujourd’hui, l’espoir dans la démocratie et dans la magie du leader charismatique, fait plonger de larges secteurs de la population vers l’illusion de l’État protecteur. Au sein de la population noire, le poids de cette euphorie est particulièrement lourd ; il existe à présent une croyance largement répandue que la minorité opprimée a pris le pouvoir. Les médias bourgeois célèbrent même le dépassement par l’Amérique du racisme, ce qui est parfaitement faux et tout aussi ridicule. La population noire des États-Unis fait partie des secteurs les plus exploités et les plus désenchantés de la population.

Au niveau international, la bourgeoisie a bénéficié presque immédiatement d’une prise de distance de la nouvelle administration par rapport aux erreurs du régime de Bush sur la politique impérialiste et d’une ouverture opportune vers le rétablissement de l’autorité politique, de la crédibilité et du leadership de l’Amérique dans l’arène internationale.

Au niveau de la politique économique, les efforts de la nouvelle administration Obama pour mettre en oeuvre les nécessaires mesures capitalistes d’État afin de consolider le système d’oppression et d’exploitation vont se déployer à une échelle inégalée. Si dès aujourd’hui les gouverneurs de chaque État, comme de l’État fédéral, sont en train d’attaquer les services et les programmes sociaux à cause de la crise économique, Obama ne promet rien de mieux pour demain. Il est au contraire le premier avocat de la nécessité de soutenir ou renflouer... les plus grandes entreprises, les banques et les compagnies d’assurance, et de les faire financer par de plus grands sacrifices de... la classe ouvrière !

Malgré la griserie de son succès, consciente qu’elle ne pourra pas mettre en oeuvre les changements promis durant la campagne, la bourgeoisie développe déjà une campagne de façon à “tempérer l’enthousiasme”. On a ainsi pu entendre des propos soulignant que “Obama ne peut que remettre de l’ordre dans la politique catastrophique et malhonnête de Bush”, et qu’“il y a un héritage des erreurs du passé”, “le changement ne viendra pas immédiatement”, “les sacrifices seront nécessaires”...

Face à tout cela, nous devons rappeler les positions historiques de notre classe :

– la démocratie, c’est la dictature de la classe dominante ;

– la classe ouvrière doit se battre et s’organiser elle-même pour défendre ses propres intérêts ;

– seule la révolution communiste mondiale peut mettre fin à l’exploitation capitaliste et à son oppression.

L’euphorie actuelle ne peut être que de courte durée. Les programmes d’austérité que chaque État comme le gouvernement central vont devoir mettre en place appellent à un nécessaire développement de la lutte de classe. La faillite prévisible de l’administration Obama pour réaliser les “changements promis”, une amélioration des conditions de vie et un “programme plus social”, conduira inévitablement au désenchantement et à alimenter l’expression d’un mécontentement de classe plus fort.

Internationalism 
organe du CCI aux États-Unis 
(11 novembre 2008)

Géographique: 

  • Etats-Unis [19]

Personnages: 

  • Barack Obama [144]

Récent et en cours: 

  • élections aux États-Unis [142]

A propos d'un article de Négatif n°9 : la politisation de la lutte de classe

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[145]En février 2008 est paru le numéro 9 du Bulletin irrégulier Négatif. Comme nous l’avions fait dans RI 385 de décembre 2007, les camarades de Négatif s’efforcent dans un des différents articles de tirer les leçons des luttes ouvrières de l’automne 2007 à la SNCF et à la RATP contre les attaques sur les retraites, et de celles des étudiants contre la loi Pécresse. Dans le cadre de la réflexion et des discussions que suscite immanquablement toute lutte importante de la classe ouvrière, nous ne pouvons que saluer un tel effort.

Cet article consacré aux luttes de 2007 cherche d’abord à montrer à quelles difficultés se heurtent les mouvements de grève actuels, d’où son titre, “De quelques illusions et de leur avenir”. Cette tonalité du titre trouve sa justification dans le fait que, selon les camarades : “Les mouvements de grèves dans les transports, dans les universités et les lycées ont donné lieu à une série d’illusions. Illusion qu’il serait souhaitable de pouvoir compter avec les syndicats et les médias. Illusion encore quand on croit possible de développer des luttes politiques offensives à l’intérieur d’un espace pseudo-démocratique qui n’est jamais que l’expression de la violence légale de l’Etat et de ses appareils.”

Cependant, Négatif ne s’arrête pas à ce constat et s’efforce aussi de montrer la force de ces mouvements et tout ce qui a pu constituer un pas en avant dans l’évolution de la lutte de la classe ouvrière. 

Autonomie et auto-organisation de la lutte

En effet, à côté des faiblesses que le mouvement a pu exprimer, Négatif constate immédiatement : “Pourtant, en même temps, nous voyons émerger d’autres principes, les nôtres, qui sont comme des promesses : le désir d’autonomie et la nécessité d’une auto-organisation.”, ou encore : “La volonté d’auto-organisation et d’autonomie par rapport aux partis et aux syndicats s’est accompagnée d’une tentative de mettre fin à la séparation et au corporatisme.”

Ce désir d’autonomie, cette rupture, en tant que tendance, existe bel et bien dans la situation. Le sentiment de solidarité, la volonté d’extension de la lutte et la défense du principe de l’auto-organisation, sans pouvoir bien entendu se déployer pleinement tout de suite, ont bien représenté des caractéristiques majeures de ces mouvements. Et ce sont les promesses de l’avenir. Car, selon la théorie marxiste dont nous nous revendiquons, le terme d’autonomie ne se réfère pas au fédéralisme des anarchistes mais se comprend dans le sens d’une autonomie de classe, c’est-à-dire d’une rupture par rapport à l’idéologie et aux institutions de la classe dominante.

Comme l’analyse encore les camarades de Négatif : “En plusieurs endroits, nous avons vu des étudiants aller dans les assemblées générales des cheminots ou des travailleurs de la RATP, mais l’inverse a été vrai aussi, dans le but de faire converger les luttes ; dans certains cas, des actions communes comme le blocage des voies dans les gares ont eu lieu. Des pratiques vivantes et autonomes s’esquissent dans le brouillard ambiant, et la tentation d’auto-organisation face aux politiques de régression sociale, pour ne pas dire face à la réaction sociale, existe”. Ce qui était jusqu’alors l’exception, des assemblées générales vivantes, réellement contrôlées par les travailleurs eux-mêmes, sont apparues de façon significative dans le mouvement. Ces assemblées générales prétendent décider par elles-mêmes des revendications qui seront mises en avant et des actions pour les faire aboutir. Trop longtemps contenue dans le corset de fer syndical, la volonté de s’exprimer, de participer à toutes les décisions et à toutes les discussions, jaillit ici et là, parfois de façon spectaculaire. Si l’existence d’assemblées générales vivantes s’est développée plus largement et plus facilement chez les étudiants, comme lors du mouvement du printemps 2006 contre le CPE, il n’empêche : il s’agit-là d’une tendance de fond de la lutte de la classe ouvrière. Et comme le souligne Négatif, “par ailleurs, les étudiants ne sont plus seulement des étudiants, mais aussi déjà des travailleurs.” 

La confrontation aux syndicats

Cette volonté d’extension et d’auto-organisation de la lutte représente dans les mouvements actuels le germe du futur et, inévitablement, elle a trouvé les syndicats en travers de son chemin. Sur cet aspect central, nous sommes également d’accord avec les camarades de Négatif : “Cette volonté de participation directe à la grève en prenant part aux décisions quant à la conduite du mouvement et à ses modalités sont une remise en cause des pratiques syndicales qui étaient jusqu’à présent dominantes (…) Les syndicats, en tant que bureaucraties parties prenantes de l’ordre établi et de l’administration des hommes sous le régime capitaliste, étaient déjà contre la révolution et l’émancipation sociale et politique. Maintenant plus personne ne peut ignorer qu’ils sont aussi contre la grève, sauf à parler en termes de simulacre et de simulation, ce que sont toujours les grèves d’une journée sans perspective appelées par les directions syndicales et qui, de ce fait, renvoient à la routine et la dépossession plutôt qu’à l’autonomie.” Toute la tactique des syndicats consiste à diviser, à cloisonner, à disperser les luttes en les concentrant sur les problèmes spécifiques du secteur et en se présentant comme des spécialistes irremplaçables dans les négociations. Mais, malgré toute leur habileté et le poids de la tradition qui pèse sur les ouvriers, ils finissent par apparaître pour ce qu’ils sont, des ennemis de classe, lorsqu’on examine de près leurs manœuvres.

S’ils voient avec clarté le rôle de saboteurs des syndicats (“Ainsi a-t-on pu voir la CGT, main dans la main avec la CFDT, FO et consorts pour négocier avec le gouvernement sur des bases qui n’avaient rien à voir avec les revendications défendues dans les AG souveraines à la SNCF ou à la RATP”), les camarades de Négatif tendent encore à se fixer sur la forme syndicale et doivent aller plus loin dans leur critique du contenu de l’action syndicale. C’est le cas notamment lorsque l’article oppose la base à la direction syndicale ou à la bureaucratie syndicale. D’autres passages qui présentent le syndicat comme “un appareil bureaucratique d’État” nous semblent beaucoup plus proches de la réalité. Mais identifier une base face à un sommet qui se serait autonomisé, cela veut dire d’abord continuer à confondre la classe et les syndicats, et surtout présenter ceux-ci comme une émanation des travailleurs. Le mouvement de classe peut être plus ou moins bien organisé, plus ou moins combatif, plus ou moins conscient, plus ou moins avancé dans son processus d’unification, mais il n’est jamais constitué d’une base et d’un sommet, ce que les ouvriers expriment par la révocabilité permanente des délégués dans les comités de grève dès que le mouvement prend de l’ampleur. Il doit être clair que les syndicats sont bel et bien une émanation directe de l’État et pas du mouvement lui-même. Il ne s’agit donc pas seulement, bien que cela soit nécessaire, de dénoncer les pratiques de la “bureaucratie” ou les “directions” syndicales, mais de rejeter les syndicats eux-mêmes.

L’article de Négatif s’attaque par ailleurs avec raison aux médias qui “finissent toujours par désamorcer un mouvement radical par intégration et par détournement de son sens initial, bloquant toute possibilité de communication vraie et donc d’expériences sociales et politiques réelles ou “réalisantes”.” Il est vrai que l’appel aux médias pour populariser la lutte est une illusion dangereuse qui est encore profondément ancrée, y compris chez des travailleurs qui pressentent déjà le rôle tenu par les syndicats. L’illusion que l’on pourrait faire appel aux médias pour “populariser” la lutte représente en effet un affaiblissement, jamais un renforcement, car ces appels se substituent à la recherche de la solidarité active et de l’extension dans les rangs des travailleurs eux-mêmes. Il se traduit de plus par l’insistance sur ce qui constitue la spécificité du secteur concerné et des problèmes rencontrés. “Se demander comment il serait possible de séduire les médias ou d’attirer leur attention”, comme le critiquent les camarades, est d’ailleurs une tactique syndicale éprouvée afin de pousser à l’isolement de la lutte car il s’agit là de mettre en avant ce qui est spécifique à telle entreprise, d’appuyer sur ce qui est particulier, et non ce qui concerne le plus grand nombre, facteur d’unité. C’est l’attirail classique des syndicats et il fait apparaître le partage des tâches réel qui existe entre les syndicats et les médias bourgeois, toujours prompts à jouer leur rôle de valets de l’Etat, quelle que soit la coloration des gouvernements en place. 

Politique et économie

Les camarades de Négatif continuent leur réflexion en remarquant à juste titre : “Ces assemblées générales souveraines de lutte ne se sont d’ailleurs pas seulement contentées de discuter de la réforme des régimes de retraite puisque, par endroit, il y a été aussi question du travail lui-même. Les grévistes ont donc aussi, même aux marges du mouvement, fait directement de la politique en s’emparant de la question économique d’habitude dévolue aux spécialistes et aux technocrates : pourquoi travaille-t-on, dans quel but et pour quel coût humain et écologique ?” Et ils opposent cette poussée vers une politisation, même si elle a été marginale, à la forme syndicale de la lutte : “Parcellaire et corporatiste, la lutte syndicale s’en tient le plus souvent à une défense des intérêts économiques des travailleurs, sans se préoccuper de la vie quotidienne dans sa totalité ni de l’institution d’un espace politique où il serait possible de repenser les problèmes politiques essentiels : la production et la reproduction de la vie humaine et son organisation.” Ils en arrivent ainsi à définir l’action syndicale principalement comme une tentative de maintenir le mouvement sur un terrain strictement économique. C’est vrai que les syndicats sont là pour cloisonner les luttes et donc, en particulier, ils font tout pour empêcher que les travailleurs raisonnent en termes politiques généraux. Cela ne signifie par pour autant que le syndicat assure la “défense économique des travailleurs”. Tout au contraire, il sabote à la fois le côté politique et le côté économique d’une lutte de classe qui s’affirme en fait comme une unité dialectique. La grande force des syndicats c’est précisément leur capacité à détruire cette unité. Malgré les discours, ils sont bien contre les grèves, y compris dans leur aspect revendicatif immédiat.

L’article de Négatif contient en fait la réponse à ce problème lorsqu’il pose la nécessité de la politisation de la lutte. C’est en effet à travers ce processus de politisation qu’on peut apprécier les avancées du mouvement général de la classe. Bien entendu, c’est la confrontation avec la classe dominante, l’existence de minorités plus combatives et plus conscientes, qui permettront à la grande masse des ouvriers de gagner en expérience et de développer leur conscience. Mais dans le cours de ce processus, il y a un facteur déterminant, c’est la capacité à élargir la lutte. Élargir la lutte cela signifie dépasser les divisions sectorielles (extension), prendre en mains la lutte avec une participation active du plus grand nombre (auto-organisation), cela signifie surtout élargir la vision qu’on a de la lutte, comprendre qu’il ne s’agit pas d’un problème lié à une entreprise, à un métier, ou encore à un pays, qu’il s’agit d’un problème social et international, en un mot un problème politique. Dans le cours de cette dynamique, il ne s’agit aucunement de nier la question des revendications immédiates (économiques si on veut), mais de la replacer dans un contexte plus large, plus politique.

En fait, l’avenir du combat prolétarien dépend complètement du processus de politisation qui s’y mène, de son rythme, de sa capacité ou non à le mener jusqu’au bout. L’article formule cette question de la façon suivante : “La tâche la plus urgente est à l’élargissement et à la politisation de la lutte sur des bases radicales. Mais à la radicalité des formes d’organisation doit répondre une nécessaire radicalité dans les formes d’action et dans la conception de l’organisation sociale et politique. La volonté d’autonomie ou d’auto-organisation et la référence de plus en plus appuyée à l’idée de la convergence des luttes pour l’émancipation sociale ne doivent pas masquer l’essentiel : la définition d’un contenu politique articulé avec des luttes politiques radicales réelles”.

Il reste à définir ce “contenu politique”. Par rapport au but de l’émancipation sociale : une société sans classes ni frontières nationales, sans marchandise et sans État, il est légitime que les camarades de Négatif se demandent, à travers l’analyse des obstacles mais aussi des avancées observés dans les dernières luttes, à quelle étape nous sommes dans le processus de politisation, en particulier par rapport à l’illusion qu’on pourrait réformer le capitalisme au profit des exploités, ou, tout au moins, obtenir des garanties. “Tout se passe comme si après les échecs des luttes contre la réforme des régimes de retraite en 2003, plus rien n’était possible, écrivent-ils. Et effectivement, il se pourrait que plus rien ne soit possible d’un point de vue réformiste.” Ou encore : “Les temps sont à l’actualisation et au renouvellement de la lutte pour la liberté et l’égalité sociale. C’est-à-dire à l’hypothèse révolutionnaire.”

La réflexion qui se mène actuellement au sein de la classe ouvrière est quelque chose de palpable. Elle s’exprime par les débats passionnés qui agitent des minorités déjà politisées aux quatre coins du monde, mais elle s’élargit à des cercles de plus en plus larges : Quel monde voulons-nous ? Une société sans classes est-elle possible ? Telles sont les questions qui reviennent et qui reflètent la tendance à la généralisation de la conscience dans la classe. Les camarades ont raison lorsqu’ils affirment que : “Pratiques sociales et contenus politiques ne se réélaboreront sans doute que dans le cadre d’espaces oppositionnels inédits où idées, pratiques et expériences circuleront et s’accumuleront parce que nous vivons une époque de ruptures importantes.”

La multiplication des lieux de discussion est inscrite dans la situation. C’est l’indice d’une profonde maturation souterraine à l’œuvre aujourd’hui au sein du prolétariat.

Avrom E.

Situations territoriales: 

  • Lutte de classe en France [63]

Courants politiques: 

  • Influencé par la Gauche Communiste [57]

Source URL:https://fr.internationalism.org/en/content/revolution-internationale-2008-ndeg-386-a-396

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