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“l’HUMOUR et la PATIENCE sont les principales qualités des révolutionnaires.” (Lénine)
Mai 68 a brisé le monopole politique des "idées-reçues" de la contre-révolution ; il a balayé le mythe de la disparition de la classe ouvrière. Ce formidable réveil de la lutte de classe s'est exprimé dans le surgissement de tout un nouveau milieu politisé. Mais 1'esprit critique, ce souffle de vie resurgi à partir de 1968, faut-il l'exercer dans le vide en pensant que l'histoire recommence à zéro ou ne faut-il pas plutôt l'utiliser pour renouer avec le cadre des acquis de la IIIème Internationale et de la Gauche Communiste ? Faut-il s'organiser comme révolutionnaires ? Le marxisme est-il valable aujourd'hui ? A quoi sert-on ? "To be or not to be !" ,Cette préoccupation a marqué toutes les conférences internationales de cette époque depuis la conférence de Bruxelles en 1969 convoquée par "Informations et Correspondances Ouvrières" (aujourd'hui dissout ), conférence à laquelle assistaient aussi bien Cohn-Bendit, que Paul Mattick, jusqu'à celles de Liverpool en 1973 et de Paris en 1974 et 1975. Entre ceux qui se sont donnés la tâche de définir une plateforme de principes politiques et de retrouver une continuité historique, et ceux qui prétendaient réinventer le monde, les libertaires anarchisants, les modernistes, et d'autres qui, soit rejettent la classe ouvrière comme le sujet de l'histoire, soit rejettent la continuité historique, une séparation nette s'est faite. Cette décantation a été d'autant plus difficile et douloureuse que les groupes qui avaient une continuité propre (essentiellement la gamme des groupes bordiguistes, PCI -Programme en tête) ont largement «ignoré" l'impulsion et même la réalité de 68, du haut d'une défense jalouse de leurs versions particulières de la Gauche Italienne contre les "bâtards".
Mais généralement les groupes modernistes anarchisants, les groupes "anti-groupes", ou les groupes "non-groupes" ne durent que le temps d'un soupir et dès le milieu des années 70 la préoccupation des discussions internationales entres révolutionnaires commencent à changer.
Le nouveau cycle de rencontres initié par le PCI Battaglia Comunista (Italie) et auquel participe le CCI, la CWO (G.B), le NCI (Italie), Il Léninista (Italie) et d'autres groupes -voir les brochures de la 1ère et 2ème conférences internationales publiées par le "Comité Technique"- se conçoit comme discussions entre groupes politiques qui savent déjà pourquoi ils existent et ce qu'ils défendent.
La participation est fixée par des critères politiques et les ordres du jour ont été axés sur l'évaluation de la période actuelle : les perspectives de la crise, les apports de la lutte de classe, l'intervention des révolutionnaires. Il y a un débat de fond sur les positions politiques mais cela ne se situe plus dans l'abstrait mais dans le cadre d'une actualisation du marxisme. Enfin ... c'est l'intention.
Mais si les groupes les plus sérieux durent (généralement !) plus longtemps, après une lecture des brochures de ces conférences il faut constater qu'ils subissent aussi le poids de la "tradition". Si par le passé, il fallait mettre l'accent sur le fait qu'il y a une continuité avec le passé du mouvement ouvrier dans le resurgissement du prolétariat dans la fin des années 60 , aujourd'hui il ne faut pas pour autant perdre de vue la rupture dans cette continuité historique et organisationnelle.
Beaucoup de groupes restent enfermés dans une "orthodoxie" qu’on peut appeler léniniste sur la question du parti (le parti comme unique détenteur ' de la conscience de classe, .appelé à prendre le pouvoir au nom du prolétariat) et même sur la question nationale. Ceci ne fait que traduire la pression de l'idéologie bourgeoise, le poids des générations mortes qui pèse sur le cerveau des vivants.
Cette fausse alternative entre "tout innover" et "ne jamais toucher au passé sacré", entre le modernisme et "l'orthodoxie", est illustrée de façon un peu caricaturale par l'évolution du PIC[1] (Jeune Taupe) et du CGI (Le Communiste).
Comme nous tous, le PIC ressent le besoin de rencontres internationales pour clarifier l'orientation de l'intervention révolutionnaire. Mais il ne se joint pas aux autres[2]... Il organise sa propre conférence car il ne veut pas se salir les mains à discuter avec des "léninistes" sur la question du parti.
On pourrait rétorquer que par ailleurs de son propre aveu (dans le n° 1 du bulletin de discussions internationales de Jeune Taupe) le PIC "participe en tant que PIC à la revue Spartacus avec des courants très hétérogènes dont certains très éloignés de l'autonomie ouvrière (défense des syndicats, participation aux élections ...)"(p.6) mais il y a certainement là une nuance qui nous échappe.
Pour le PIC, le CCI est à mettre dans le même panier que les "léninistes". Mais sa définition de ce terme reste très vague : soit il s'agit d'une querelle de mots entre les termes "organisation des révolutionnaires" et "parti" (cf. page 18), soit il s'agit d'une évolution dans le groupe jusqu'à considérer que c'est seulement en rejetant et la révolution russe et la IIIème Internationale qu'on peut se libérer des tares léninistes.
Dans ce dernier cas, le PIC s'engage sur une pente glissante vers le modernisme et seule la discussion pourrait clarifier ce point.
À cause de cette fixation sur le côté "anti-parti" de l'autonomie ouvrière, le seul critère politique à l'invitation des groupes à leurs conférences, c'est la formule ambiguë : "ne pas être un constructeur du parti". De ce point de vue, il n'y a pas à avoir peur. Certains des groupes sont si peu "constructeurs" qu'ils ont disparu avant de pouvoir venir (Arbetarmakt, Suède ; Àrbeiderkamp, Norvège ; World To Win, USA ; Teoria et Practica qui devient ex-Teoria et Practica, Espagne). D'autres sont d'accord mais n'ont pas les moyens collectifs matériels en tant que groupe pour pouvoir venir (Kronstadt Kids, G.B. ; Root and Branch[3] (USA);ou sont des individus isolés comme
B.K, Suède. Le Collegamenti devait ramasser ses tentacules fédéralistes entre Naples, Milan et Florence avant de répondre qu'il ne pouvait rien promettre. Le Collectif pour A.O. (Espagne) pour sa part est pour 1'autonomie ouvrière si .par "ouvrier" on entend les étudiants, les ménagères, les prisonniers, les "psychiatrisés", et les professionnels (pages 14-16) !
Bref le manque de critères politiques fait de cette "anti-conférence" un triste exploit dont on reparlera prochainement du compte-rendu.
De l'autre côté du glissement vers le flou politique se situe le GCI[4] (une scission du CCI plus récente que le PIC), qui est aujourd'hui le énième petit groupe à se mettre dans la machine à remonter le temps pour devenir Bordiga. Le GCI, cependant, "après discussion avec B.C. et la CWO" (page 36, Le Communiste n° 4) veut bien participer aux conférences internationales, mais il considère "vides et stériles des réunions qui ont pour fonction de communiquer des positions générales de groupe à groupe". Que faire alors ? Il faut se séparer des "centristes". Il faut deviner qui sont ces "centristes" puisque dans le texte publié dans leur revue ne figure pas une note n° 2 qui parait par contre dans la lettre du GCI au comité technique de la conférence (datée du 7.1.80). "Le centrisme se caractérise par le rejet des acquis du marxisme tels que l'anti-frontisme, 1'anti-nationalisme, l'abstention électorale, le défaitisme révolutionnaire, la dictature du prolétariat (jusque-là, ça va encore, mais...) ...la terreur révolutionnaire, la nécessité d'un État ouvrier, et le rôle dirigeant du parti". On a beau refaire le calcul, le CCI est bien le seul groupe qui rejette effectivement les 3 derniers points.
Si le PIC n'a pas de critères clairs pour ses conférences internationales et reste très "large", le GCI veut quant â lui déjà tirer des conséquences organisationnelles, limiter la participation et se débarrasser des troubles fêtes. Le GCI n'est qu'une caricature de la méfiance de ceux qui s'accrochent aux schémas bordiguisants du passé.
Pour le CCI au contraire, la conférence doit s'élargir ; le comité technique a invité plusieurs groupes (Autriche, Grande-Bretagne, Colombie, Suède, USA) à venir à la 3ème conférence en tant qu'observateurs. Le grand (et seul ? ) mérite de ces conférences est de rompre l'isolement, de montrer la nécessité et l'intention de poursuivre une confrontation de positions.
Il est beaucoup trop tôt pour tirer des conclusions organisationnelles quelconques. Une lecture des deux bulletins de préparation à la 3ème conférence montre plutôt l'incapacité de synthétiser des résultats, la difficulté à écrire sur un ordre du jour sans tomber dans les "dadas" de chacun ; les accusations et suspicions gratuites pleuvent. On a beau jeu de vouloir reprocher aux ouvriers de ne pas être à la hauteur de tel ou tel schéma abstrait du parti. Mais il faut constater que la discussion entre révolutionnaires a du mal à être à la hauteur des discussions qui ont lieu entre les ouvriers comme pendant les luttes de Longwy, Rotterdam, Fiat, British Steel et autres !
Quel sera le bilan de cette 3ème conférence ? Cela dépend en premier lieu du développement de la lutte de classe et ensuite d'une rupture réelle de la part des groupes qui se veulent communistes avec l'esprit "large" ou "étroit" et finalement toujours borné.
J.A.
[1] PIC : Pour une Intervention Communiste (France)
[2] Cf. "nos censeurs" dans la Revue Internationale n° 20
[3] Quand Internationalism (USA) a demandé à Root and Branch une rencontre pour discuter publiquement de la situation politique, ils nous ont proposé une bière au bar, refusant un "dialogue de sourd"... Ceci montre que si Paris vaut bien une messe, Boston ne vaut qu'une bière.
[4] GCI : Groupe Communiste Internationaliste (Belgique), voir une critique de ce groupe dans Internationalisme n° 40 sur la question des luttes revendicatives.
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Que va-t-il se passer ? Que peut-on faire ? Telles sont des questions qui se posent aujourd'hui au prolétariat dans une situation de convulsions économiques et sociales, politiques et militaires, qui secouent le monde actuel de l'est à l'ouest.
Dans le n° 307 de son journal, "Le Prolétaire", le Parti Communiste International critique la perspective défendue par le C.C.I. ("Le C.C.I. et les bruits de guerre") de la possibilité et de la nécessité pour la classe ouvrière d'imposer à la bourgeoisie des affrontements de classe avant que celle-ci ne mène le monde à la guerre impérialiste généralisée, Le PCI met pour sa part en avant une double perspective : "la révolution contre la guerre ou, si la guerre éclate, le défaitisme révolutionnaire et la transformation de la guerre impérialiste en guerre civile". Cette perspective est juste en général, mais la question posée aujourd'hui est celle de la capacité ou non du prolétariat d'enrayer la marche vers la guerre généralisée. Pour le PCI, peu importe :
"Ce qui poussera les prolétaires à la révolution, ce ne sera nullement leur "conscience” révolutionnaire, généralisée ou non, mais des déterminations matérielles, parmi lesquelles les ébranlements de la guerre pourront eux aussi jouer un rôle déterminant...". C'est vrai que ce sont les déterminations matérielles qui poussent les prolétaires à la révolution ; mais celles-ci ne sont pas les mêmes selon que le prolétariat se soulève avant ou après que la bourgeoisie ait imposé la guerre généralisée. Qui plus est, la conscience révolutionnaire-la compréhension des moyens et des buts généraux de la lutte- est une des conditions fondamentales de la victoire du prolétariat, étroitement liée aux déterminations matérielles. Le PCI ne dit pas quelles sont les "déterminations matérielles" : l'issue révolutionnaire, pour lui, ne dépend que de la capacité des révolutionnaires de "préparer (le prolétariat) par la propagande générale comme par le "travail révolutionnaire quotidien", à imposer un jour SA solution contre celle de la bourgeoisie", quelles que soient finalement les conditions objectives du développement de la lutte de classe.
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"Si la lutte de classe est suffisamment forte, l’aboutissement dans la guerre généralisée n'est pas possible ; si la lutte s'affaiblit à travers la défaite physique ou idéologique du prolétariat, alors la voie est ouverte à l’expression de la tendance inhérente au capitalisme décadent : la guerre mondiale. Par la suite, ce n'est qu’au cours même de la guerre, comme réponse aux conditions de vie insoutenables, que le prolétariat peut reprendre le chemin de sa conscience et ressurgir dans la lutte. Il ne faut pas se leurrer : on ne peut pas prétendre faire 'La révolution contre la guerre, faire la grève générale au "jour-J", face à l'ordre de mobilisation. Si la guerre est sur le point d'éclater, c'est justement parce que la lutte de classe a été trop faible pour freiner la bourgeoisie et alors il ne s'agit pas de bercer le prolétariat d’illusions" (Revue Internationale n° 15, p. 2)
Dans cette perspective, le PCI trouve, en vrac, "un appel à la résignation au cas où la guerre éclaterait", du "défaitisme", "la petite bourgeoisie effrayée", et, Ô péché suprême, l "anarchisme"... Pourquoi une telle avalanche de qualificatifs peu flatteurs ? Parce que le PCI ne voit qu'une chose : le CCI a dit :
"Il ne faut pas se leurrer, on ne peut pas prétendre faire la révolution contre la guerre". En effet, si c'était le cas, une telle position serait une absurdité : il faudrait de la peau de saucisson sur les yeux et du plâtre dans les oreilles pour ne pas connaître cette leçon de l'histoire de la lutte ouvrière : le prolétariat peut faire la révolution contre la guerre.
Il l'a prouvé lors de la Commune de Paris en 1870 et plus près de nous en mettant un terme à la 1ère guerre mondiale, avec la vague révolutionnaire des années 17-23, la révolution d'octobre 17 en Russie. Le PCI n'a pas dû lire la phrase qui précède celle qu'il cite, ni la fin de celle -ci :
"On ne peut pas prétendre faire la révolution contre la guerre, faire la grève générale au jour "J", face à l'ordre de mobilisation". Car telle est aussi une des leçons de l'expérience du mouvement ouvrier : à l'heure de la mobilisation du prolétariat dans la guerre, c'est la défaite et la déroute, la dispersion des révolutionnaires, le massacre, l'emprise idéologique et physique de la bourgeoisie sur les prolétaires. Si celui-ci, au cours de la 1ère guerre mondiale, a pu reconstituer sa force de classe , contre les souffrances et les massacres impérialistes, la 2ème guerre mondiale a montré au cours de ce siècle que cette reconstitution n'était pas automatique. La bourgeoisie a tiré elle aussi des leçons de la 1ère guerre mondiale : à la fin de la 2ëme guerre mondiale c'est une féroce occupation militaire partout ; toutes les forces nationalistes, alliés occidentaux et orientaux, partisans et résistants, tous concourent à maintenir la classe ouvrière épuisée par la guerre dans les mailles du capitalisme : toute velléité de lutte est sévèrement réprimée.
C'est une légèreté que d'affirmer que la guerre-est pour le prolétariat une "occasion à saisir", placée quasiment sur le même plan que "l'approche de la guerre" :
"Au lieu de montrer dans l'approche de la guerre -et dans la guerre elle- même- des signes de l'instabilité croissante du capitalisme et donc des occasions à saisir par le prolétariat pour sa lutte (...), au lieu de le préparer par ta propagande générale came par le "travail révolutionnaire quotidien", à imposer un jour SA solution contre celle de la bourgeoisie -la révolution contre la guerre ou, si la guerre éclate, le défaitisme révolutionnaire et la transformation de la guerre impérialiste en guerre civile-, ces messieurs du CCI bercent leurs lecteurs et se bercent eux-mêmes dans la vision de tout un processus graduel et automatique."
Dans la période actuelle, cette sorte d'"advienne que pourra, la révolution viendra pourvu que le parti soit là" revient à se boucher les yeux. Si le prolétariat est entraîné dans une nouvelle boucherie généralisée, les conditions d'un sursaut prolétarien ne seront certainement pas les mêmes qu'au cours de la guerre de 14- 18. "Ce qui était encore faisable dans les conditions de la guerre de 14, où les soldats des deux camps pouvaient communiquer entre eux, de tranchée à tranchée, n'est plus envisageable aujourd'hui avec la guerre des avions, des missiles, des chars et des armes à longue portée, sur des fronts de guerre couvrant des continents". (R.I. n° 71, "C'est la classe ouvrière qui doit s'insoumettre") La fraternisation, retourner les armes contre les officiers, sera tâche beaucoup plus difficile et de par les aspects techniques de la guerre actuelle et de par l'expérience acquise par la bourgeoisie utilisée à tout mettre en œuvre pour contrer toute agitation sociale dans de telles conditions. Il ne s'agit ni de "défaitisme", ni d'un "appel à la résignation au cas où la guerre éclaterait" mais de ne pas bercer le prolétariat d'illusions dans l'hypothèse où la bourgeoisie parviendrait à imposer aux masses exploitées l'embrigadement dans la guerre impérialiste généralisée.
La "propagande générale" et le "travail révolutionnaire quotidien" ne sont pas des abstractions et se situent dans une réalité. Quant au contenu de la propagande, il faut savoir quoi mettre en avant : soit une situation de force potentielle de la classe ouvrière capable d'entraver la marche vers la guerre, soit une situation de défaite et de dispersion qui rejette après le déclenchement d'une guerre mondiale une possibilité de resurgissement du prolétariat. Pour le CCI, la première situation est celle sur laquelle le prolétariat peut et doit miser dans les conditions actuelles de la lutte de classe. Quant au travail révolutionnaire, il dépend fondamentalement de cette situation : il faut savoir si les révolutionnaires se préparent et œuvrent avec le prolétariat à étendre les luttes, à se regrouper, à ouvrir les débats partout où ils le peuvent parce que les conditions le permettent ou s'ils se préparent à conserver les acquis du passé, à résister à une gigantesque vague de chauvinisme et de nationalisme qui fait perdre ces acquis dans les grandes masses et qui emporte l'adhésion du prolétariat derrière sa bourgeoisie nationale dans la guerre. Pour le CCI, c'est cette première perspective pour le travail révolutionnaire qui est permise et nécessaire par les conditions actuelles de la remontée de la lutte ouvrière depuis maintenant plus de dix ans.
Toute "propagande générale" qui se veut marxiste doit comprendre et expliquer "ce qui se déroule sous nos yeux". Une conception qui se résume en quelque sorte à "il faut être prêt à tout, à tout moment", est louable mais oublie quelque peu que le "travail révolutionnaire quotidien" consiste à défendre une volonté d'action vers la perspective communiste certes, mais fondée sur la possibilité ou l'impossibilité concrète de sa réalisation dans une période donnée.
Tant que l'humanité n'est pas détruite, cette possibilité existe "toujours" à un niveau historique, mais cela ne signifie pas qu'elle existe à tout moment et une des tâches des révolutionnaires est de déterminer dans quel moment ils Interviennent.
Un proverbe dit : "Lorsqu'on veut tuer son chien, on dit qu'il a la rage". Le PCI, après avoir pendant longtemps ignoré le CCI, est aujourd'hui contraint de réfuter nos argumentations. Il s'essaie pour ce faire à toutes sortes d'amalgames de nos positions avec l'"anarchisme", la "petite bourgeoisie effrayée" et autres incantations destinées probablement à provoquer sur le lecteur un état de grâce lui permettant de rejeter nos diaboliques déviations petites-bourgeoises et d'être réceptif au Saint- Esprit du "parti compact et puissant de demain". Cette pierre philosophale résout toutes les contradictions et permet de boucher tous les trous de l'analyse sommaire du PCI de l'évolution actuelle du capitalisme. Cette analyse élude l'examen des conditions objectives de cette évolution pour ne porter l'accent que sur les conditions subjectives de l'adhésion du prolétariat au parti..."de demain". Mais en attendant que "le parti compact et puissant de demain" existe, dans les conditions subjectives actuelles de faiblesse de l'adhésion de la classe ouvrière au programme communiste, quel est le sens de l'évolution des conditions objectives de la lutte de classe ? Guerre ou révolution ? Pour le PCI, peu importe. Que la révolution ait lieu avant que la guerre ne soit généralisée ou qu'elle ait à surgir dans et contre la guerre généralisée, revient au même : l'important, ce sont les tâches des communistes. La boucle est bouclée.
Le PCI fanfaronne sur la transformation d'une éventuelle guerre impérialiste mondiale en guerre civile révolutionnaire sans montrer que cette probabilité est la plus défavorable pour l'action internationale du prolétariat. Dans le milieu révolutionnaire, le PCI parle bien fort du défaitisme révolutionnaire pour... "demain", mais il montre bien peu d'empressement à se prononcer sur la nature impérialiste des soi-disant guerres "nationales" bien réelles où les prolétaires se font trouer la peau pour des intérêts qui ne sont pas les leurs ! Le PCI parle bien haut de la nécessité de l'antimilitarisme "prolétarien" pour... demain ; il le prépare probablement en faisant du travail "antimilitariste" bras-dessus bras-dessous avec... les trotskystes de la L.C.R., soutiens de l'impérialisme russe!
Le PCI voit la guerre mais est incapable de voir la force de classe, engoncé dans des préjugés dogmatiques, faisant de la force du parti le seul indice de l'activité prolétarienne "authentique"! Paradoxalement, il attend de la guerre l'impulsion révolutionnaire. Le PCI ergote ensuite sur le rôle "fécondateur" du parti qui aura su (quand-même) s'implanter dans la classe avant la situation révolutionnaire; cela devient grotesque!
Pour le PCI nous exagérerions la "capacité actuelle de résistance du prolétariat", mais si celle-ci est si faible malgré le "danger" de guerre, d'où viendra la fameuse influence du "parti de classe compact et puissant"? De l'impuissance du prolétariat, peut- être ?
Non seulement le PCI n'est pas capable d'expliquer pourquoi la guerre mondiale n'a pas encore éclaté (sauf en minimisant la crise économique depuis des années) mais en plus il pense que le prolétariat n'a même pas encore commencé à affronter véritablement l'austérité. Comme si, en temps de crise économique, la lutte prolétarienne (ou son absence) n'avait aucune incidence sur le danger de guerre, comme si la lutte des classes ne devenait pas, à ce moment-là, le facteur déterminant du sort de la société, comme si la solution prolétarienne à la crise du capital (la révolution) et la solution bourgeoise (la guerre généralisée) ne s'excluaient pas mutuellement ! Qui sont les attentistes, sinon ceux qui attendent du renforcement du parti la solution à tous 1es problèmes et qui font dépendre le sort de l'humanité de leur petit volontarisme d'organisation!
Que le PCI tronque et déforme nos positions, c'est polémique, qu'il les déforme, c’est normal, il ne les comprend pas, mais lorsqu'il dit que pour le CCI "aujourd’hui il n'est pas nécessaire de lutter davantage ; et demain (quand le prolétariat sera armé) ce sera...impossible" , c'est de la rigolade et fait partie des grossières manœuvres pour éviter de se poser quelques questions embarrassantes qui touchent aux principes et à l'activité du Saint-Parti.
Dans le numéro 30 de "Jeune Taupe”, le PIC consacre une demi-page au CCI.
On aurait pu s'attendre à un texte de polémique cherchant à faire comprendre au lecteur les désaccords entre les deux groupés, à argumenter pour convaincre de la validité de ses propres positions et de l'erreur des autres. On ne trouve rien de cela. Le titre donne déjà le ton : "l'art de la falsification ou Brejnev-Marchais-CCI : même combat".
Et l'article lui-même n'est qu'une série d'accusations d'après lesquelles nous procéderions à une "manipulation proprement stalinienne de textes" visant à "faire disparaître tout tentative d'une analyse révolutionnaire soulignant les insuffisances du mouvement actuel à l'échelle mondiale, ceci pour imposer nos schémas d'ultra-gauche du capital
Le lecteur pourra constater en comparant les deux traductions (celle de Jeune Taupe n°30 et celle de la Revue Internationale n°20) relatant les explosions ouvrières au Venezuela et en relevant les parties que nous avons supprimées , la totale absurdité des accusations du PIC.
D'ailleurs, la stupidité du PIC éclate quand il nous reproche d'avoir traduit "fetraragu?" par "chambre de commerce -et d'industrie" au lieu de “Fédération syndicale", ce qui est le terme français pour désigner ce type d'organisme patronal. Heureusement que le ridicule ne tue pas!
Le PIC s'émeut que nous présentions ce texte comme une "correspondance reçue d'un contact de la ville où se sont produits les événements ; en sous-entendant que cela montrerait l'inexistence de notre section au Venezuela. Nos colonnes ne sont pas ouvertes qu'à nos seuls militants, et nous continuerons à publier toute contribution à l'analyse révolutionnaire, même si cela conduit le PIC à mettre en question l'existence de toutes nos sections.
Sur le fond du problème, le PIC montre qu'il est aujourd'hui surtout préoccupé de souligner : “les insuffisances du mouvement réel actuel". Curieuse évolution de ce groupe, qui fut fondé par des camarades ayant quitté notre organisation en 1973, parce qu'ils estimaient qu'elle n'intervenait pas assez, et qu'elle sous-estimait le niveau de la lutte de classes ! À cette époque, nous nous trouvions au début d'une période de creux des luttes pendant laquelle le PIC, montant en épingle le moindre mouvement, s'est agité à travers toutes sortes de "campagnes" plus stériles les unes que les autres. Aujourd’hui, déçus semble-t-il de la classe, ils commencent à faire la fine bouche alors que celle-ci a justement repris le chemin du combat. Face aux luttes contre les licenciements et le chômage, il fait la moue : "ce qu'il faut, dit-il, c'est engager une campagne pour l'abolition du salariat."
Et d’éditer une affiche journal sur ce thème. Et de publier, dans Jeune Taupe, divers documents dont l'un, intéressant au demeurant, décrit la société communiste, mais dont l'autre dénonce: "la consommation comme ultime consolation", et salue "les pillages à New- York" ou la "fauche" dans un magasin, suite à la grève des caissières, comme autant de moments où : "le rapport de forces est momentanément inversé" (tract du groupe ouvrier Ericson).
Ce qui a toujours distingué les révolutionnaires des réformistes, c'est que les seconds ne donnent aucune perspective générale aux luttes de la classe et leur donnent pour seul objectif la satisfaction de leurs revendications immédiates, alors que les premiers conçoivent ces luttes comme autant de préparatifs en vue de l'affrontement général pour la destruction du capitalisme. Ce faisant, ils ne rejettent nullement ces luttes. Ils en soulignent au contraire le caractère absolument INDISPENSABLE. Face aux slogans réformistes : "le but n'est rien, le mouvement est tout", ils se gardent bien de rétorquer : "le but est tout, le mouvement n'est rien.", comme l'ont fait en leur temps les proudhoniens, certains anarchistes, et ces dernières années, les modernistes à la "Mouvement Communiste".
Aujourd'hui, face aux luttes de la classe qui tendent à se développer, les révolutionnaires doivent mettre en évidence l'importance de ces luttes (même lorsque syndicats et forces de gauche tentent de les récupérer), tant comme moyen pour résister contre une attaque de plus en plus violente du capital, que comme unique obstacle à la course vers une troisième guerre mondiale, que comme préparatifs pour la révolution. Notre propagande ne dit pas autre chose, mais c'est bien plus simple pour le PIC de nous faire dire n'importe quoi, afin, de son côté, de pouvoir dire vraiment n'importe quoi, de tenir les propos les plus aptes, non â convaincre les ouvriers d'aller plus loin dans leurs luttes, mais à les décourager. Après nous avoir joué les docteurs "tant-mieux", pendant des années, après avoir "levé le pied quand l'escalier descendait", le PIC, blasé, joue aujourd'hui les docteurs "tant pis", "baisse le pied alors que 1'escalier monte". Après la dégringolade de ses "campagnes" bidons, il se prépare d'autres chutes.
Et pour se garder des dangers de la Critique, pour esquiver le débat indispensable entre révolutionnaires, pour se refuser à répondre sur le fond et notamment aux arguments donnés dans notre article sur "nos censeurs" (Revue internationale n°20 [10]), le PIC se laisse aller à sa paranoïa et tente de prouver avec des ficelles plus grosses que lui que nous sommes des faussaires.
Tout cela n'est pas très sérieux.
Pour notre part, nous concevons le débat révolutionnaire à un autre niveau.
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Nos lecteurs savent, qu'à égal écart du triomphalisme et du pessimisme, nous regardons sans complaisance l'état de force réel du mouvement révolutionnaire, à l'heure où la situation capitaliste requiert de sa part une intervention qualitativement accrue dans la classe ouvrière.
Dans cet examen des forces et faiblesses réelles, le moins préoccupant n'est pas de constater, parmi nos rangs, sinon de nous-mêmes, CCI, l'existence d'aberrations plus graves encore que le sectarisme et qui ne se jugent même pas d'abord au plan politique, mais à celui de l'infantilisme de groupe et de la pathologie collective.
Telles sont, par exemple, la mythomanie et le bluff érigés en pratiques militantes d'un groupe comme le GCI -groupuscule à la puissance deux au sein d'un mouvement révolutionnaire lui-même tout petit- qui croit sans doute pouvoir relativiser le poids de ses responsabilités propres du fait de 1'état des choses.
De quoi parlons-nous concrètement ?
Le 10 mai courant, à l'occasion de la manifestation de la CFDT et de certains gauchistes "contre" la Loi Bonnet-Stoléru, un collectif émettait à Paris un tract intitulé : "Egalité des droits ou unité de classe". Ce tract dénonçait la mystification des "droits démocratiques" et accusait la manœuvre de dévoiement syndicalo-gauchiste; il appelait enfin à l'unité de classe véritable entre travailleurs français, immigrés, chômeurs et actifs.
Des travailleurs, réfléchissant à ces questions, ont pu, touchés par les distributeurs du tract, l'estimer extrêmement intéressant et indéniablement révolutionnaire, par son contenu autant que par 1'intention d'intervention même qui l'a motivé. Certains d'eux, peut-être, ont pu même par la suite éprouver le besoin d'entrer en contact avec ses responsables, dont les noms, très officiels d’apparence, clinquants en plus, s'étagent au bas du tract : Unité Prolétarienne, Comité des Hospitaliers en lutte, Comité d’intérim, GCI et Groupe Karl Liebknecht. Or, à part celle du Comité d'intérim, aucune adresse de contact !
Simple oubli des signataires, manque de réflexe militant, étourderie de second plan ? A la vérité, les quelques personnes qui auront pu, au-delà du handicap de départ, s'entêter à poursuivre leur idée de contact, seront, le cas du Comité d'intérim mis à part, peut-être, tombés sur du vent : les groupes "Karl Liebknecht" et "Unité Prolétarienne", inédits le 9 mai se sont évanouis le 11 dans la nature. Ou plutôt : derrière eux (et même les deux comités), ces personnes supposées -des membres du CCI par exemple- ont pu avoir la surprise de retrouver sous des casquettes différentes, les mêmes quelques militants du GCI en France.
Qu'est-ce que signifie ce tour de passe-passe, ce jeu de travestissement et d'escamotage de la réalité?
A quelle idée politique douteuse correspond-il ? C'est assurément au GCI qu'il faut le demander d'abord.
Pour notre part, nous avons été amenés à connaître d'assez près les méthodes du GCI, dans le cadre hospitalier, à travers ses membres ou ses sympathisants directs. Sous le prétexte d'opérer l’"alliance de la théorie et de la pratique" dans le creuset de la lutte vive, les militants du GCI et affiliés, fixent autour d'eux quelques éléments ouvriers plus combatifs peut-être, de leur propre milieu professionnel, et, suivant qu'on parle des nécessités de la lutte immédiate ou qu'on discute de la question syndicale à un niveau plus politique et général, on s’organise" occasionnellement avec ces éléments pour faire ici : un "comité de lutte", là un "groupe Karl-Liebknecht" (noyau politique ou cercle de discussion, on ne sait trop, ni le GCI sans doute !).
Et voilà comment, à notre avis, le GCI à partir de trois ou quatre personnes, parvient à faire cinq groupes. Ni vu, ni connu, je t'embrouille, et conseil pratique aux autres candidats mégalomanes ! La classe ouvrière là-dedans, quelle importance !
Nous faisons confiance au GCI pour argumenter politiquement ses attitudes, lui dont les membres ont quitté le CCI, il y a deux ans, entre autres raisons à propos de cela. Ils le feront, peut-être, et nous aurons alors l'occasion de discuter plus sur le fond. Mais soyons sérieux, dans cette affaire de groupe "Karl-Liebknecht" et autres, il ne s'agit pas de politique en premier lieu. Les révolutionnaires ne sont pas en accord mais ils peuvent -et doivent- discuter sur : comment intervenir auprès de la classe ouvrière; sur le fait de savoir qu'un militant politique est aussi, en tant que travailleur, élément direct de la lutte ouvrière; sur la question de la réalité de "noyaux ouvriers", qui peuvent en effet surgir spontanément de la lutte et se faire d'eux-mêmes et de leur rôle une idée plus ou moins fausse ou vraie. Nous pouvons discuter là-dessus, outre avec ces "noyaux" eux-mêmes quand ils existent vraiment, avec le GCI aussi bien qu'avec le PIC ou Battaglia Comunista, ces derniers, malgré toutes leurs confusions, montrant, à la limite, un plus grand sérieux que le GCI.
Mais là, en faisant exister des groupes sur le seul papier à tract, on pourrait taxer le GCI d'esbroufe, voir d'escroquerie politique. A ce niveau de quoi discuter...? Mais peut-être ne s'est-il agi pour le GCI que de se soulager de cette angoisse que parfois éprouvent les révolutionnaires devant leur isolement prolongé face à l'ensemble de la classe ouvrière ? Le GCI aurait voulu se sentir moins seul. L'essentiel est de dire que, si les révolutionnaires peuvent se bluffer eux-mêmes, leur propre fantasme peut contribuer à semer les illusions et les mystifications en dehors d'eux. L'exemple du tract démontre que les révolutionnaires peuvent avoir des positions ponctuellement justes à côté d'attitudes inconséquentes.
Ramenons toutefois les choses à leurs justes proportions. Aujourd'hui, l'impact des révolutionnaires dans leur classe est encore trop infime pour que des aberrations comme celles du GCI aient des conséquences profondes, sinon à dégoûter les quelques ouvriers qu'ils touchent. Mais dans une perspective qui va conduire les révolutionnaires à développer leur rôle politique, il n’est pas possible que ceux-ci ne cherchent à se décharger des lourdes tares infantiles que la longue période de contre-révolution continue à faire peser sur eux, et qui auraient demain des incidences catastrophiques.
Il importe, en tout cas, qu'un tel fantasme volontariste, n'entrave pas le chemin réel du développement de la lutte et de la conscience de classe. Il revient en toute première instance à la classe ouvrière elle-même, par le cours pratique de sa lutte et en fonction de ses vrais besoins politiques de condamner impitoyablement les bluffs "révolutionnaires"; de rejeter sur la touche ceux des communistes qui, tout en offrant leurs services de direction, sont inaptes, ainsi que le GCI l'a montré lors de la Troisième Conférence Internationale, à comprendre, un tant soit peu, ce que sont les responsabilités de militants de la classe ouvrière. Qui plus est à l'heure, répétons-le : très grave, où la situation capitaliste les commande impérativement aux révolutionnaires.
Depuis le 1er juillet, une vague de luttes ouvrières ébranle pour la troisième fois en 10 ans l'Etat polonais. C'est là un fait hautement significatif du courage exemplaire et de la volonté combative d'un prolétariat à qui l'on impose encore plus nettement qu’ailleurs en Europe les ravages de la crise, la formidable pression de l'économie de guerre, le militarisme et les rigueurs de la répression.
Ce mouvement éclate -comme en 70 et en 76- à l'annonce d'une hausse des prix de produits alimentaires : les tarifs de la viande de second choix disponible directement sur les lieux de travail sont relevés de 60 % (elle était jusque-là à environ moitié prix par rapport à la "viande en magasins" qui venait de subir une série de hausses successives). Ce système particulier de double vente a une fonction précise : "les ventes directes en usine permettent aux autorités d'assurer un ravitaillement minimum et contrôlé dans les concentrations industrielles jugées sensibles" (‘le Monde’ du 4 juillet) dans le cadre d'une pénurie chronique des produits alimentaires... Une telle hausse intervient au moment où la plupart des entreprises exigent des quotas de rendement supérieurs en vue "d'un accroissement sensible" de la productivité.
Spontanément et de façon quasiment simultanée, dans des dizaines d'entreprises, les ouvriers se mettent en grève à travers tout le pays -notamment à l'usine de tracteurs d'Ursus qui s'était déjà trouvée au cœur de la confrontation avec le pouvoir en juin 1976 et dans une usine de boîtes de vitesses à Tczew à proximité de Gdansk et de la Baltique. Le mouvement de grèves s'étend très rapidement à d'importants centres industriels : à Varsovie, la capitale (usine de matériel électrique, ouvriers de l'imprimerie, livreurs de journaux...), à l'usine d'aviation de Swidnick, à Lodz, à Gdansk... Un peu partout, les ouvriers forment des comités de grève.
Le gouvernement s'empresse, cette fois, de faire ouvrir des négociations, usine par usine.
A Ursus, par exemple, une bonne partie des revendications ouvrières est immédiatement accordée : 10% d'augmentation des salaires, hausse des indemnités pour les travaux les plus nocifs et ... majoration de la prime de production. Ces concessions gouvernementales, destinées à éteindre les foyers d'agitation ont au contraire pour effet d'encourager d'autres secteurs à entrer en lutte. Le mouvement s'étend à d'autres villes. A Lublin où 17 usines sont en grève ainsi que les cheminots, c'est toute la population qui manifeste sa solidarité avec les grévistes.
Tandis que les négociations se poursuivent au coup par coup, les autorités cédant en moyenne près de 50% des hausses de salaire revendiquées, d'autres centres sont tour à tour touchés par des grèves : Zeran, Krasnik, l'aciérie Skolowa Wola, la ville de Chelm (proche de la frontière russe), Wroclaw notamment.
A l'heure actuelle, il serait prématuré de vouloir tirer un bilan exhaustif de ce mouvement. Cependant, par rapport aux vagues précédentes de l'hiver 70/71 et de l'été 76, apparaissent des différences nettes au moins sur deux points :
1) c'est l'ensemble des pays et des centres industriels parmi les plus importants (et pour la première fois la capitale) que le mouvement a touché, tandis que les événements de 70/71, malgré leur radicalité et leur degré d'organisation sont restés géographiquement limités aux ports de la Baltique (Gdansk, Gdynia, Szczecin ). Même la grève dans le textile à Lodz en février 71 qui se situait dans leur prolongement a été marquée par l'isolement. En juin 76, les foyers d'agitation de Radom et d'Ursus sont restés pratiquement complètement isolés (malgré la proximité de Varsovie).
En dépit d'un manque flagrant de coordination réelle entre les différents secteurs, villes, régions, la rapidité avec laquelle le mouvement de grève s'est propagé dans toute la Pologne représente une incontestable maturation de la situation.
2) La seconde particularité, la plus marquante, est que, les luttes ayant jusqu'ici été dominées par leur caractère insurrectionnel, cette caractéristique n'est pas apparue lors des dernières grèves. L'affrontement direct et violent avec l'appareil d'Etat dont l'expression la plus claire fut l'incendie du siège local du parti, c'est à dire du pouvoir d'Etat, par les ouvriers de Szczecin en 70 et de Radom en 76 a été étouffé. Ce n'est pas la détermination de résistance des ouvriers qui a varié, mais l'attitude du gouvernement. Depuis dix ans, les dirigeants polonais vivent dans la hantise de nouvelles insurrections, et les événements de 76 ont confirmé le bien-fondé de cette crainte dans le passé récent.
Ils ont acquis l'expérience que la plus féroce répression ne suffit pas pour enrayer la colère ouvrière. Chaque fois, ils ont dû renoncer à appliquer "le réajustement normal" des prix. Comme substitut, le gouvernement a tenté -notamment depuis 76- de développer ses échanges commerciaux avec l'ouest ; le résultat a été catastrophique : la dette extérieure de l'Etat polonais envers les pays occidentaux et de 1'OPEP s'est portée à plus de 20 milliards de dollars (représentant à elle seule le tiers de la dette globale des pays de l'Est). En même temps, l'Etat d'anarchie de l'agriculture, la situation de crise mondiale aiguë d'un secteur clef du pays comme les chantiers navals et surtout la pression renforcée de l'économie de guerre pour alimenter l'offensive russe en Afghanistan et le maintien des positions stratégiques du bloc dans le monde, conjugués aux difficultés habituelles des pays de l'Est (pénurie de biens de consommation, mauvaise qualité des produits, faible productivité...) ont fait de ce pays une des économies les plus délabrées dans le glacis de 1'Est.
A la mi-juin, lors de la session du Comecon, les dirigeants polonais faisaient valoir comme leurs acolytes hongrois en particulier, leurs efforts pour opérer ce qu'ils appellent pudiquement "un assainissement économique" du pays et pour rétablir "la vérité des prix". Et d'énumérer la campagne de presse officielle pour la suppression des subventions d'Etat à la consommation, la réduction du budget de l'administration, les hausses importantes sur des produits dits "de luxe", comme le matériel électro-ménager ou les cigarettes, tout en insistant fortement sur "la prudence" qu'il leur fallait manifester dans la mise en application de telles mesures.
Cette prudence ne s'est pas démentie tout au long des grèves : pas de répression frontale, ce qui contraste avec les massacres perpétrés lors des affrontements dans les ports Baltes et des événements de Radom, une politique de négociations systématiques. Mais elle n'est pas nouvelle : les lourdes peines prononcées après les événements de 76 ont été peu à peu largement commuées, la censure sur la presse a été relâchée, permettant l'expression de revues culturelles comme "Nowa", non-alignées sur les critères de propagande officielle. Toutefois cela s'est surtout marqué en ce que le gouvernement a laissé se développer les activités "oppositionnelles" du KSS-KOR (Comité de défense des ouvriers de Pologne et d'auto-défense sociale) qui a pu s'implanter dans les principaux centres industriels du pays, diffuser (jusqu'en occident) des brochures de propagande contenant nom, adresse et numéro de téléphone de ses animateurs.
De son propre aveu, le KOR entend agir "dans un cadre légal et non-clandestin" pour “le respect des droits des travailleurs définis par la constitution polonaise", dans le souci "d'améliorer la situation économique du pays par des réformes à petits pas" dont le but avoué est "l'indépendance nationale et la démocratie".
Dans cet esprit, ils préconisent le développement de "syndicats libres" dont le modèle serait les "commissions ouvrières" en Espagne (qui sont, on le sait, dominées par l'influence du PC).
Le KOR semble avoir disposé de toute latitude pour apparaître en première ligne aujourd'hui -notamment pour jouer un rôle important d'agence de presse dans les récentes grèves alors que le gouvernement gardait le silence sur elles. Ce serait un leurre terrible de croire à la possibilité réelle d'assouplissement du capitalisme d'Etat ; au contraire le développement de la crise du capitalisme laisse à la bourgeoisie de l'Est une marge de manœuvre de plus en plus réduite ne pouvant préfigurer qu'une oppression et une exploitation grandissantes de la classe ouvrière, ainsi qu'une répression de plus en plus sanglante. Le KOR, contrairement â ce qu'il laisse croire ne représente pas une quelconque relève "démocratique" mais a pour seule fonction d'insuffler des mystifications au sein de la classe ouvrière que le gouvernement s'avère incapable de faire accréditer. En premier lieu, l'amélioration du sort des ouvriers, la possibilité de réforme du système pour tenter de conjurer un affrontement inévitable. Mais la nature bourgeoise du KOR est identifiable le plus sûrement à l'un des traits dominants de sa propagande : le NATIONALISME.
Le KOR ne manque pas d'évoquer que la Pologne a toujours été -même sous les tsars- "le pays des insurrections contre la domination russe". Selon lui, plus il y aura des tentatives d'imposer des réformes au pouvoir d'Etat et de manifestations de volonté d'indépendance nationale, plus les autorités russes auront peur d'intervenir avec leurs chars.
Les événements de 56 en Pologne même et en Hongrie, de 68 en Tchécoslovaquie se sont chargés de démontrer exactement le contraire, et le PCP a pu rappeler en demi-teintes que les grèves étaient de nature à éveiller l'inquiétude des amis du pays?
Non ! La défense des ouvriers polonais contre la menace réelle des chars russes ne se trouve pas dans le cadre national.
A l'inverse, la question du lien entre les luttes des ouvriers polonais et le prolétariat soviétique est fondamentale.
Début mai, la plus grande usine de fabrication d'automobiles d'URSS à Togliattigrad sur la Volga, assurant à elle seule 55 % de la production du pays (700 000 voitures par an) était paralysée pendant 48 heures par la grève d'au moins 70 000 ouvriers et lancée
à l'initiative des chauffeurs d'autobus urbains qui voyaient leur charges de travail alourdies, pour protester contre les insuffisances chroniques de produits laitiers et de viande dans le pays. A la même période, dans une autre importante usine de fabrication de voitures et de camions, à Gorki (200 000 ouvriers), une grève éclatait pour des raisons similaires, 2 000 tracts manuscrits ont été distribués dans la ville et ont circulé de mains en mains.
En juin, c'est à son tour, une usine de fabrication de poids lourds, à Kama, dans la région de la Volga où des arrêts de travail ont eu lieu. De telles grèves, selon les déclarations du dissident Borissov ne constituant pas des faits exceptionnels, elles seraient même de plus en plus fréquentes mais ce sont des informations difficiles â obtenir et à contrôler.
Ainsi, pour la première fois, les luttes ouvrières se sont généralisées en Pologne â l'ensemble du pays, et pour la première fois, avec des grèves qui se manifestent en URSS, elles n'apparaissent pas comme un phénomène isolé dans l'ensemble des pays de l'Est.
Cette tendance affirmée à la généralisation des luttes dans les pays de l'Est représente une des caractéristiques essentielles des luttes actuelles par rapport aux luttes du passé. Même si les luttes comme en 70/71 en Pologne développaient un aspect plus radical que les luttes à l'heure actuelle, le seul fait que celles-ci vont dans le sens d'une généralisation A L'INTERIEUR ET A L'EXTERIEUR DES FRONTIERES représente un pas qualitatif autrement important pour le mouvement ouvrier.
Plus immédiatement encore qu'ailleurs, la question de l'internationalisation de la lutte, promesse ouverte par la multiplication des luttes ouvrières non seulement en Europe de l'Est mais dans tous les pays du monde, se pose de manière aiguë.
C'est non seulement la seule voie qui se dessine, 1'unique possibilité des ouvriers polonais, russes ou de n'importe quelle autre nationalité de sortir du cadre capitaliste et de l'enfer de 1'exploitation, mais aussi de rompre en même temps avec la logique belliciste de la bourgeoisie et son issue meurtrière.
Si à l'Est, des manifestations de l'opposition â la guerre s'expriment (ainsi deux femmes animant une revue féministe qui ont été expulsées d'URSS pour avoir publié un article contre la guerre en Afghanistan), c'est l'internationalisation de la lutte de classe qui représente le plus sûr barrage contre la guerre.
La généralisation des luttes dans tous les pays de l'Est ne peut que saper les bases de la mystification nationaliste, mai s elle est aussi un facteur de première importance à l'Ouest où ces luttes alimentent la prise de conscience du caractère identique de l'exploitation dans les deux blocs constituant une des meilleures cuirasses contre les tentatives de propagande guerrière des bourgeoisies occidentales.
Derrière cette propagande faite au nom de la défense des libertés et des droits de l'homme, contre qui essaie- -t-on d'entraîner les ouvriers d'Occident à aller se battre ? Contre d'autres prolétaires qui, sous nos yeux montrent à l'évidence que leur véritable guerre est dirigée, comme à l'Ouest, aujourd'hui, contre leurs exploiteurs et leur condition d'exploités.
Y.D
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Le grand mensonge copieusement et unanimement défendu par toutes les bourgeoisies du monde, à l’Est et à l'Ouest, parce qu'il les sert toutes, le mensonge de la nature "communiste" des rapports sociaux dans les pays de l'Est est aujourd'hui dénoncé et mis en pièces par la lutte des ouvriers en Pologne.
Ce que le monde entier peut aujourd'hui contempler dans la situation sociale en Pologne, ce n'est pas "l'échec du socialisme", mais la fin de ce mensonge et la réalité du capitalisme d’Etat et de la lutte de classe exposée au grand jour.
Le premier mérite du prolétariat en Pologne et son apport essentiel à la lutte de classe internationale de la classe ouvrière, c'est de montrer qu'il existe une autre alternative.
Naturellement divisée, déchirée, toujours prête à s'entre-égorger, une seule chose peut pousser la bourgeoisie à s'unifier : la lutte des ouvriers. Cette réalité, mille fois vérifiée par l'histoire aux dépens de la classe ouvrière, se confirme encore aujourd'hui : la lutte du prolétariat en Pologne a un tel impact et représente un tel pas en avant pour le mouvement ouvrier international, une telle menace pour la bourgeoisie mondiale que toutes les bourgeoisies du monde retrouvent, face à lui, une touchante unité.
II y a quelques semaines encore, les tensions entre les deux blocs impérialistes (URSS/USA) ne cessaient de s'aiguiser, leurs rapports, face à la crise économique mondiale, de s'envenimer. L'éventualité d'une troisième guerre mondiale était calmement envisagée, et l'invasion de l'Afghanistan par les troupes russes venait sombrement illustrer cette possibilité.
Aujourd'hui, comme par enchantement, de Washington à Moscou, de Bonn à Varsovie, c'est un seul cri qui s'échappe : "Ouvriers polonais, n'allez pas trop loin ! Il faut être réaliste !"
Quand, après deux à trois semaines, les luttes semblent gagner un second souffle et s'étendre sur tout le territoire polonais, les appels internationaux au calme sont redoublés. La bourgeoisie occidentale, Allemagne et USA en tête, offrent leurs services et leur argent pour "aider la Pologne à faire face à sa crise sociale", et ce n'est certainement pas dans l'espoir de voir la Pologne changer d'alliance, ce qui dans la situation internationale actuelle s'avère impossible.
Alors que la crise mondiale du capitalisme, à l'Est comme à l'Ouest, plonge la planète dans un désordre de plus en plus grand et menace de précipiter l'humanité dans une troisième guerre mondiale, les appels au calme que la bourgeoisie internationale lance au prolétariat le sont au nom de "l'ordre" et de la “paix" mondiale...
Pape, chrétiens, gauchistes, "socialistes", "communistes", nationalistes, humanistes, toute la bourgeoisie "comprend" ou "appuie" ou "soutient" le mouvement des ouvriers en Pologne. Rarement une lutte ouvrière d'une telle ampleur n'aura reçu une telle sollicitude-
C'est un véritable chantage qui est fait au prolétariat en Pologne, le chantage à l'intervention russe. Le contenu de ce chantage, inauguré, il faut le noter, dès le début du mouvement par la bourgeoisie d'Etat polonaise elle-même, est tout aussi simple que mensonger : "Si vous allez trop loin, la Russie sera contrainte d'intervenir, et une intervention russe en Pologne constituerait une menace pour la paix mondiale".
Pourtant, ce n'est pas la répression des luttes en Pologne de 1970-71 , menée conjointement par l'Etat russe et l'Etat polonais qui a depuis aiguisé les antagonismes entre les blocs, pas plus d'ailleurs que ne l'a fait l'écrasement des émeutes en Corée du Sud par l'armée sud-coréenne, sous commandement américain, et pas plus, d'ailleurs que ne 1' aurait fait une intervention des USA en Iran.
Contrairement à ce que laisse entendre le chantage de la bourgeoisie mondiale : "La lutte de classe peut entraîner la guerre mondiale”, les luttes en Pologne montrent que seule la lutte de classe peut empêcher la guerre. Chaque pas en avant du mouvement ouvrier nous démontre cette réalité et l'illustre chaque fois mieux. Il en est ainsi des luttes ouvrières aujourd'hui en Pologne, qui démontrent de façon éclatante que :
Après la dénonciation pratique et directe du mensonge sur la nature communiste des pays de l'Est, la démonstration claire, dans la pratique là aussi, que seule la lutte de classe peut empêcher la guerre est le deuxième aspect de la contribution du prolétariat en Pologne au mouvement ouvrier international : du fait de l'existence internationale de cette lutte, la perspective actuelle est révolutionnaire et non pas guerrière ; le fait d'avoir repoussé d'autant la perspective d'une troisième guerre mondiale a fait avancer d'un pas la lutte du prolétariat international face à la crise du capitalisme.
En 1970-71, l'isolement de la révolte à Gdansk et à Szczecin a été fatal. Sans avoir à craindre que la répression ne provoque un soulèvement général, la bourgeoisie polonaise, appuyée par la Russie, avait pu réprimer sauvagement et écraser dans le sang les révoltes ouvrières.
Aujourd'hui, la situation et les conditions ont changé, ou plutôt se sont développées. Le mouvement en Pologne même n'a cessé de s'étendre, soudé par un très fort sentiment de solidarité. Au niveau international, partout les ouvriers ont à faire face à la même crise qui s'approfondit et ont engagé des combats ; ils se sentent donc plus spontanément solidaires des ouvriers polonais.
Ajoutées à la force du mouvement lui-même, la situation et les conditions dans lesquelles il se déroule, lui confèrent un impact et une importance d'un autre niveau que celui de 1970-71.
C'est pour ces raisons que fondamentalement, les réactions de la bourgeoisie internationale contre la lutte en Pologne sont une tentative d'isoler le mouvement, en ne cessant de marteler que c'est "une affaire strictement polonaise", spécifique à la Pologne, une réaction à une crise économique “polonaise", sans rapport aucun avec la crise générale qui signifie la faillite du capitalisme mondial. De ce point de vue, le poison le plus dangereux que la bourgeoisie tente d'administrer à la classe ouvrière, c'est le nationalisme.
Ne céder ni au chantage, ni à la provocation, imposer et maintenir un rapport de force, et, sans se précipiter, aller le plus loin possible : telles sont l'attitude et la conduite exemplaires de la classe ouvrière en Pologne. Sa force, elle la tient d'elle seule, de son unité, de sa conscience et de son expérience ; cette force, elle la rend effective, efficace, par son organisation autonome où c'est l'assemblée générale et souveraine de tous les ouvriers qui décide.
La lutte des ouvriers polonais a le mérite de commencer à répondre, par l'exemple, aux questions essentielles qui se sont posées dans toutes les luttes que les ouvriers du monde entier ont menées ces derniers mois, et c'est également un pas en avant pour tout le mouvement ouvrier international.
En premier lieu, les ouvriers polonais ont démontré, de manière éclatante que la classe ouvrière peut faire reculer l'Etat, même un Etat stalinien et sous la menace constante des chars qu'on n’a cessé de leur brandir, même dans une situation économique catastrophique.
En deuxième lieu, les ouvriers polonais ont montré comment imposer, entretenir et renforcer le rapport de forces :
D'ailleurs, il suffit de considérer la "tactique" de l'Etat vis-à-vis des ouvriers pour comprendre oû est la force du mouvement. Les négociations entre le pouvoir et les ouvriers ne sont jamais une conciliation, comme voudraient le faire croire les démocrates, mais font partie du combat où le plus fort impose son point de vue. Dans ce combat, les "autorités" polonaises ont justement tout fait pour briser cette force, en voulant négocier usine par usine, en voulant isoler les centres de lutte les uns des autres (blocage des communications radio, téléphoniques, etc...) et surtout en faisant pression sur le comité central de grève (M.K.S.) pour le couper de l'assemblée générale des ouvriers. Sur tous ces aspects du combat l'attitude des grévistes a toujours été exemplaire : le rétablissement des liens entre les différents centres de lutte a été posé comme préalable aux négociations et, en gardant un contrôle constant sur le comité central de grève, l'assemblée générale des grévistes a pu, à plusieurs reprises, contrecarrer l'influence des pressions de l'Etat qui s'y faisait jour.
Le haut niveau de conscience que les ouvriers polonais ont manifesté dans la lutte est lui aussi exemplaire :
Depuis dix ans que la crise économique ne fait que s'approfondir, il devient de plus en plus évident qu'une réaction à une situation immédiate est nécessaire mais pas suffisante. Ainsi, derrière l'unité établie par les grévistes entre revendications économiques et politiques ressort la nécessité de dégager une perspective tout en réagissant à une situation immédiate.
Vouloir dégager cette perspective et la défendre au travers de "syndicats", même "libres", est une illusion; aucune organisation qui ne soit celle de la 1utte elle-même, n'aurait la force de s’opposer et d'imposer quoi que ce soit à l'Etat (comme dans les pays occidentaux) et se donnerait pour tâche d'imposer une vision "réaliste" aux ouvriers.
Ce qu'il est important de voir c'est ce qui se cache et s'exprime maladroitement dans la revendication du "syndicalisme libre" : la nécessité de dégager une perspective ouvrière face à la crise économique et pouvoir l'imposer.
Quoiqu'il arrive, quoiqu'il se passe maintenant en Pologne, répression brutale ou enterrement "national et démocratique" du mouvement derrière les apprentis bureaucrates nommés "dissidents", ou tout simplement que la lutte ouvrière, ayant épuisé les possibilités du moment s'arrête d'elle-même, dans tous les cas, ce que la classe ouvrière en Pologne a déjà fait, représente un immense pas en avant pour l'ensemble du mouvement ouvrier international. Quoique la bourgeoisie fasse ou dise maintenant, elle ne pourra plus effacer cet acquis de la conscience du prolétariat mondial, comme elle n'a pas pu effacer les acquis et l'expérience des luttes de 1970-71 et de 1976 en Pologne dont la classe ouvrière, dans les luttes d'aujourd'hui, tire le maximum de profit.
le 30.08.80
H. Prenat
Une des meilleures armes de la bourgeoisie contre la classe ouvrière consiste à faire passer ses luttes pour autre chose que ce qu'elles sont, et en particulier à les désigner du nom de ces fractions bourgeoises dont la fonction est justement de saboter la lutte ouvrière tout en prétendant la représenter. Dans nos régions dites "démocratiques", nous avons l'habitude de voir les mass-médias faire tout leur possible pour présenter toute grève ouvrière comme étant celle de telle ou telle officine syndicale. S'il n'y a pas de "pluralisme syndical" en Pologne, les mouvements d'"opposition démocratique", et le KDR en particulier, font parfaitement l'affaire! L'ensemble de la presse a voulu faire passer ce dernier pour le "meilleur soutien", 1'"expression politique", ou encore 1'"inspirateur" des grèves.
Cette volonté de camouflage du véritable antagonisme social veut nous faire prendre des vessies pour des lanternes : d'un côté la détermination de ceux qui n'ont à perdre que leurs chaînes, de l'autre, 1'"opposition" qui, le jour même de l'entrée en grève des chantiers de Gdansk, appelle à une manifestation à Varsovie sur le thème de la défense de la patrie polonaise; d'un côté la mise en pratique par les ouvriers de la solidarité prolétarienne avec le développement de son organisation autonome et centralisée, de l'autre, l'appel du KOR à la solidarité internationale... des "dirigeants occidentaux", des "dirigeants des grandes banques et institutions financières internationales", pour qu'ils apportent "leur soutien moral et éventuellement économique" pour sauver la Pologne !
Le KOR nous désigne bien là quelle est la classe qu'il soutient, exprime et prétend inspirer. A 1'instar de tous les mouvements de "contestation", de "dissidence" qui fleurissent dans quasiment tous les pays de l'Est, il ne se présente lui-même que comme une opposition très responsable, respectrice "du cadre légal" et parfaitement consciente des impératifs nationaux imposés tant par la dégradation de la situation économique que par les conditions de l'appartenance au bloc de l'Est. "J'essaie de me placer du point de vue du pouvoir", disait J. Kuron en 77, tout en suggérant à ce dernier "le redressement de la situation économique du pays par des réformes à petits pas avec l'assentiment des travailleurs", et surtout -et c'est bien là que le KOR se montre la plus responsable des oppositions- en tirant la sonnette d'alarme, au lendemain des émeutes de 76, sur la trop grande vulnérabilité de l'Etat polonais face aux assauts de la classe ouvrière :
"Les événements ont montré que, dans le système actuel, les citoyens n'ont qu'un seul moyen pour exprimer leur position: celui de manifester pour traduire leur mécontentement. Il faut élargir les libertés démocratiques pour éviter de nouvelles explosions populaires". (Lettre des onze au Parlement en juin 76, signée par les co-fondateurs du KOR, dont J. Kuron).
Depuis sa fondation en 76, le KOR développe sa propagande autour des moyens d'obtenir cet "assentiment des travailleurs" et d'éviter les explosions de la lutte de classe, avec en première place la "création de syndicats libres", sur le modèle des commissions ouvrières espagnoles, qui ont fait la preuve de leur efficacité dans ce domaine comme le décrit si bien le journal du KOR "Robotnik":
Ces pourfendeurs de l'"Etat totalitaire", ces "défenseurs des ouvriers" se montrent les conseillers attentifs des bureaucrates, qu'en bourgeois cohérents, ils aspirent à devenir eux-mêmes. Selon la formule du sinistre Kuron: "Je suis moi-même un apparatchik", mais un apparatchik qui sort de son chapeau la recette pour "obtenir quelque chose des ouvriers", ce à quoi a échoué le gouvernement actuel.
En opposant à l'Etat polonais son programme "à coloration ouvrière", J. Kuron avouait lui-même "ne se faire aucune illusion sur la possibilité de ces réformes". L'opposition polonaise est suffisamment consciente des impératifs nationaux pour savoir que, plus que jamais, avec l'aggravation de la crise économique l'Etat ne peut que durcir encore plus son contrôle sur la société et renforcer l'attaque contre la classe ouvrière. Cependant, si la bourgeoisie ne s'illusionne guère sur la marge de manœuvre de son propre système, et si l'opposition se sait finalement condamnée à rester... dans l'opposition, celle-ci ne s'est développée jusqu'à présent que pour redonner quelque crédit à des illusions qui s'écroulent par pans entiers sous les effets de la crise et que le gouvernement ne parvient de toutes façons plus à entretenir. Les "lendemains qui chantent" du socialisme sont repeints à la sauce démocratique sous les traits d'un "débat national" retrouvé. Il s'agit surtout de convaincre les ouvriers que la confrontation directe avec l'Etat peut être évitée, que l'amélioration de leur sort ne peut passer que par l'union de la nation pour l'obtention de ces fameux "droits démocratiques".
Aujourd'hui, décrivant -dans un article paru dans "Le Monde" du 20 août- 1'enjeu de la situation ouverte par les grèves et leur extension, Kuron explicite clairement l'attitude du KOR :
C'est pourquoi explique-t-il: "la tâche principale de l'opposition démocratique consiste à transformer les revendications économiques en revendications politiques".
Alors que le gouvernement, tant qu'il a pu le faire n'a cessé de développer l'argument: "Nous pouvons discuter des problèmes économiques. Mais ne touchez pas aux problèmes politiques", la propagande du KOR s'articule autour de 1' l'idée qu'il faut que les ouvriers abandonnent le terrain économique pour le terrain politique, car "s'élever contre la hausse des prix porterait un coup au fonctionnement de l'économie". En un mot, le mouvement actuel doit cesser "de ne parler qu'au nom des ouvriers" pour comprendre que "seul un immense effort de tous, accompagné d'une profonde réforme, peut sauver l'économie du pays."
Tel est l'objectif que propose 1"opposition", au moment où la classe ouvrière en Pologne, en refusant d'opposer revendications politiques et revendications économiques, en imposant toute la pression de son auto-organisation, affirme plus que jamais son autonomie de classe face à l'ensemble de la société.
Devant une détermination ouvrière bien plus puissante que celle qu'elle avait réprimée dans le sang en 70 et 76,1a bourgeoisie fait la démonstration qu'elle sait aussi tirer les leçons de l'histoire. Non seulement tout est fait pour éviter le risque que constituerait l'utilisation de la répression directe, mais le capital polonais a su produire ses propres anti-corps à la lutte de classe.
De l'église à l'opposition, en passant par les différentes tendances du POUP, la bourgeoisie fait tout son possible pour offrir aux yeux de la classe ouvrière de multiples facettes qui, à quelques nuances de langage près, se rejoignent pour appeler la classe ouvrière à modérer son élan revendicatif.
N'est-ce pas le KOR lui-même qui, au moment de l'établissement par le comité inter-entreprises de Gdansk de la liste des revendications, met en garde les ouvriers contre "des revendications qui, soit acculent le pouvoir à la violence, soit entraînent sa décomposition. Il faut leur laisser une porte de sortie",
Le libre cours laissé au développement du KOR depuis 76 -qui lui permet aujourd'hui de se réclamer d'une implantation directe dans les grands centres industriels et de publier sa presse au grand jour- lui donne les moyens d’assumer la fonction pour laquelle il est né : celle, tout en cherchant à récupérer pour son propre compte les formes prises par la vague de luttes actuelle, d'essayer d'entraîner les grèves ouvrières sur le faux terrain de la défense de la démocratie, celle d'appeler les ouvriers à resserrer les rangs derrière "leur" Etat national. C’est dans ce sens que, dans la situation de quasi-blocage où se trouve le capital polonais, le KOR peut prétendre constituer aujourd’hui son serviteur le plus zélé.
La fin de non-recevoir qui accueille de tels arguments, et qui se résume dans la réponse d'un ouvrier : "on leur laisse une porte de sortie, puisqu'on les laisse gouverner", traduit bien tout le clivage entre la volonté ouvrière et l'orientation "responsable" que le KOR voudrait bien parvenir à donner au mouvement.
La vague d’arrestations opérées le 20 août ne doit pas faire illusion. Celles-ci ont eu lieu au moment même où le gouvernement, mesurant toute la force du mouvement, se décidait à assouplir sa politique et à entamer des négociations. En arrêtant les dirigeants du KOR, le gouvernement pouvait espérer orienter la négociation autour de leur libération, ou du moins redonner à celui-ci une image de marque plus oppositionnelle capable d'en faire des "interlocuteurs valables", c'est à dire valables aux yeux des ouvriers, capables de récupérer toute leur confiance. Dans l'ensemble, la manœuvre a relativement échoué pour le moment, et, même dans la négociation -terrain sur lequel la bourgeoisie se sent généralement la plus à l'aise, parce qu'il lui est plus facile d'y opérer des manœuvres de division- la détermination ouvrière ne s'est pas épuisée.
Pour que le rapport de forces imposé par la classe ouvrière puisse se maintenir et ne laisse aucune prise à de telles tentatives, les ouvriers doivent poursuivre dans la voie dans laquelle ils se sont engagés : développer et renforcer le contrôle des assemblées générales sur les organes dont ils se sont dotés.
Tout en cherchant à éviter pour le moment l'emploi de la répression directe contre les ouvriers, la bourgeoisie mobilise toutes ses forces pour tenter de diviser, enfermer, dévoyer le mouvement vers un terrain qui n'est pas le sien. Dans ce cadre , 1'"opposition démocratique", incapable d'apparaître comme une relève cohérente à la bureaucratie en place, peut peut-être espérer de la situation actuelle eue ses bons et loyaux services sauront être payée d'une reconnaissance "légale" de la société bourgeoise, du droit ou non de former une officine syndicale à son image. Mais, avant tout, elle n'a de raison d'exister au sein de la classe dominante en Pologne que si elle parvient à se faire ce flanc-garde dont a tant besoin aujourd'hui l'Etat capitaliste polonais.
Le 30-08-80
J.U.
"Vive la Pologne", "Bravo aux grévistes de Gdansk", "Salut à la remarquable maîtrise des ouvriers", "Solidarité a- vec le peuple polonais", rarement une lutte prolétarienne comme celle qui se déroule en Pologne n'aura reçu de gens comme Giscard, Schmidt, Jean-Paul II, Carter, "libéraux", "socialistes", "communistes", syndicalistes, gauchistes, une telle sol 1icitude.
Les ouvriers ne doivent pas se faire d'illusions : le mouvement de masse des travailleurs polonais n'a acquis â la cause des ouvriers tout ce beau monde qu'en apparence, fondamentalement pour leur prêcher la sagesse. Car les mobiles qui animent toutes les voix de ce chœur unanime son+, comme ils l'ont toujours été, totalement étrangers aux intérêts des ouvriers. Et cette "solidarité" ne fait qu'obscurcir les perspectives d'une réelle solidarité dans et par la lutte autonome du prolétariat dans tous les pays, en l'ensevelissant sous une avalanche de bénédictions de curés, de sollicitudes de bureaucrates, de conseils de "démocrates". Si les uns et les autres divergent souvent profondément quant aux motivations de leur "appui" ou de leur "compréhension", tous concourent à cacher les causes, les moyens et l'enjeu réel de la lutte des ouvriers de Pologne :
Sans parler de la droite qui appuie bien haut la "renaissance nationale" en Pologne, parce qu'elle voit dans T événement un affaiblissement de l'ennemi de l'Est, et rien de plus, la gauche quant à elle développe à son habitude une prétendue "défense des intérêts des ouvriers".
Il n'est pas besoin de chercher bien loin les raisons de l'appui du PC aux "revendications démocratiques" des ouvriers polonais. Face à un mouvement trop puissant pour être ouvertement dénoncé comme "réactionnaire", le PC manœuvre, comme il le fait toujours en pareille occasion, pour contrer le plus efficacement possible toute velléité d'autonomie de la classe ouvrière. Ici, le PC fixe pour but au prolétariat l'expropriation des patrons privés, pour défendre ce qui n'est, en fait, ni du socialisme, ni du communisme mais du capitalisme d'Etat. Aujourd'hui, avec une mobilisation massive d'ouvriers qui dévoile cette vérité, dans un pays où cet objectif est réalisé, le PC brouille les pistes en prétendant approuver les ouvriers polonais. Le PC rassure ceux qui douteraient des bienfaits de ce "socialisme" en montrant leur "droit" de se défendre "démocratiquement"...
En tait, cette acrobatie de propagande pour ne pas perdre le crédit du plus énorme mensonge de l'histoire du mouvement ouvrier - l'existence du "socialisme en un seul pays"-, ne saurait effacer les expériences tragiques répétées de ce qu'est la vraie nature de la politique "ouvrière" du PC : Chine 1927, Espagne 37, Allemagne de l'Est 53, Pologne 53-56-70, Hongrie 56, la liste est longue des massacres perpétrés directement contre les ouvriers soulevés contre l'exploitation par ces sinistres agents du capitalisme déguisés en "communistes" et authentiques fils de Staline, le boucher de plusieurs dizaines de millions de personnes en URSS.
Pour le PCF plus précisément, que les ouvriers se souviennent des bombardements de Sétif en Algérie après la guerre, qui firent plusieurs milliers de morts, sous un ministère PC, de l'appui aux "libérateurs" de 1'Armée Rouge en Hongrie 56, du soutien réservé ou du silence autour des répressions de Tchécoslovaquie 68, Pologne 70 et 76.
Non moins significative, et tout près de nous, la collaboration étroite de la CGT avec les forces de police au cours de la manifestation des sidérurgistes du 23 mars 1979 font aussi partie de ces épisodes qui doivent se graver dans la conscience des ouvriers, comme autant de preuves répétées de la nature totalement anti-ouvrière et bourgeoise de ce parti.
Les ouvriers doivent savoir qu'à 1' heure où la répression s'abattrait en Pologne, le PC sera là pour la justifier, ouvertement ou en la critiquant, cela selon les besoins de sa politique nationale du moment.
La gauche non stalinienne, quant à elle, lance de vibrants: "Vive la Pologne", trop heureuse de prouver la validité du rejet "du totalitarisme", de redorer le blason de la "démocratie", des "droits de l'homme", de l'"autogestion".
Les "revendications démocratiques" des ouvriers polonais sont présentées comme ces acquis de l'Ouest -"droit de grève", "syndicats libres"- la voie à suivre pour l'amélioration du sort de la classe ouvrière, là-bas à conquérir, ici à améliorer par le moyen syndical et parlementaire.
Mais que sont ces acquis pour le prolétariat : n'est-ce pas en Suède, "modèle socialiste", que l'ouvrier paie une amende de deux jours de salaire pour un jour de grève, lorsque la grève n'est pas la grève officielle du "syndicat socialiste" ? N'est-ce pas en Belgique, où le taux de chômage est un des plus élevés d'Europe que le syndicat "socialiste" embauche et licencie les ouvriers ? Les exemples sont multiples. Au fur et à mesure que la crise s'approfondit, la "démocratie" à la "socialiste" se révèle pour ce qu'elle est : un "luxe" des pays développés qui n'est qu'un paravent idéologique d'une réalité toujours plus rude pour les ouvriers. C'est dans cette impasse que la gauche "socialiste" voudrait voir se fourvoyer les ouvriers polonais.
Les attaques "socialistes" contre les régimes politiques de 1’Est n'ont rien à voir avec la lutte ouvrière : elles ne font qu'exprimer la défense du camp impérialiste occidental contre le camp impérialiste adverse.
En France, le gauchiste reconverti en présidentiable qu'est Rocard a dévoilé la signification profonde de la solidarité ouvrière à la sauce "socialiste" : se préparer à envoyer des navires au
large des côtes polonaises pour recueillir les "réfugiés" en cas d'intervention militaire russe... La solidarité, le soutien... par les "boat people" le rêve d'un alibi renforcé pour une mobilisation guerrière au nom de la "liberté", tous unis bourgeois et prolétaires, contre le bloc "totalitaire".
Cette racaille "socialiste" ou "sociale- démocrate" est empressée de trouver dans 1"opposition" ou la "dissidence" des pays de l'Est, ses pairs en ravalement de la façade démocratique du capitalisme décadent en crise ouverte. De ces gens-là, les ouvriers ne peuvent attendre que des mots creux et de la mitraille.
Chez ceux qui se présentent "révolutionnaires", les "vrais comme des défenseurs" des ouvriers, les trotskystes, le soutien aux ouvriers polonais les plus "radical" : dénonciation du régime polonais, appui à toutes les revendications, aux comités de grève, aux "Conseils Ouvriers", solidarité de classe, etc.
La LCR commence par rappeler la légende du trotskysme, soi-disant la seule véritable opposition de toujours au stalinisme, avec pour "preuve" ...l'assassinat de Trotsky par des agents de Staline. Ce rappel de ces "médailles" en quelque sorte, ne vient que pour mieux faire passer, par ailleurs, l'idée que la Pologne est un pays "où le capital ne fait plus la loi" (Rouge), où donc finalement un simple changement du personnel politique suffirait pour que les ouvriers polonais bénéficient d'un "vrai socialisme".
L’OCI a d'ailleurs déjà trouvé cette relève dans le KOR, cette opposition bourgeoise et nationaliste à la bureaucratie en place.
LO est moins explicite, mais vient tout autant se ranger aux côtés de ses amis concurrents, sinon par ce qu'elle dit, du moins par ce qu'elle ne dit pas : des tartines sur l'organisation de la grève, pas une ligne sur la nature de classe du régime polonais contre lequel le prolétariat est en grève.
Quel que soit le verbiage "radical" de solidarité avec les ouvriers en Pologne, pour tous ces groupes, il y a quelque chose à défendre, des "acquis" pour les ouvriers dans les pays de 1' Est, une différence de nature avec ceux de l'Ouest.
Mais s'il existe des différences, il est vital pour les ouvriers de comprendre qu'elles résident dans le degré de développement, les modalités de nationalisation des entreprises capitalistes, le droit constitutionnel bourgeois, la répartition des zones d'influence des blocs impérialistes ; en rien au niveau de l'exploitation de la classe ouvrière, de la crise du système capitaliste, des nécessités, des moyens et des buts de la lutte.
Passés dans le camp de la contre-révolution avec leur participation â la 2è guerre mondiale dans l'un des camps impérialistes, abandonnant ainsi définitivement le terrain prolétarien, les trotskystes ne sont que des fractions plus “radicales" de la bourgeoisie de gauche ; ils en font une fois encore la preuve, s'il en était besoin, dans leur action et leur prise de position dans le mouvement des ouvriers polonais
Les ouvriers ne doivent jamais oublier que ces "socialistes" sont les petit-fils des Noske et Scheidemann, les massacreurs des ouvriers allemands en 1919-23, qui inaugurèrent une des plus sanglantes contre-révolutions de l'histoire ; les fils des Blum et autres embrigadeurs des ouvriers derrière leur bourgeoisie nationale pour aller s'entretuer contre leurs frères de classe dans la boucherie impérialiste ; qu' ils ont déjà été eux-mêmes les pourvoyeurs de chair à canon pour l'Indochine et l'Algérie.
Tout ce verbiage vient s'ajouter à l’inflation journalistique sur les événements de Pologne qui ne fait que noyer les véritables questions posées par les grèves ouvrières de Pologne et auxquelles le mouvement tente de répondre par lui-même, en pratique.
Au stade où elle en est, la lutte des ouvriers en Pologne a déjà constitué un jalon efficace de la lutte générale du prolétariat mondial, au plan de l'organisation autonome des ouvriers comme au plan de la conscience de l'enjeu du mouvement. La classe ouvrière doit prendre garde à tous ces faux amis qui conjuguent leurs efforts pour la maintenir sur le terrain de sa "spécificité" polonaise, de la défense de "sa" nation, du capital et de 1'exploitation.
M.G.
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LA VICTOIRE DES OUVRIERS POLONAIS, CE N'EST PAS LE SYNDICAT LIBRE. LOIN DE CONSITUER UN PROLONGEMENT DE LA FORMIDABLE LUTTE QUE LA CLASSE OUVRIERE A IMPOSE AU MONDE BOURGEOIS, LE SYNDICAT LIBRE, COMME TOUS LES SYNDICATS, CONSTITUE LA NEGATION DE TOUT CE QUI A FAIT LA FORCE DU MOUVEMENT.
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"Croyez-moi, on a obtenu aujourd'hui tout ce qui était possible, pour nous et pour tout le pays. Le reste, on l'aura avec notre syndicat." (Walesa, discours consécutif aux accords de Gdansk)
C'est ainsi que s'exprimait le "leader" de Gdansk à des ouvriers sceptiques (1/3 environ étaient contre la reprise du travail), réduisant la formidable lame de fond qui a ébranlé la Pologne â cette fin, à cet "acquis" : le syndicat libre.
Pourtant, quand les grèves entamées depuis juillet ont culminé le 14 août avec l'entrée en grève des chantiers de Gdansk, les syndicats libres ne tenaient pas le haut du pavé : les revendications d'alors étaient : augmentation de salaires de 50%, dissolution des syndicats, suppression des privilèges, retransmission des informations sur les luttes. La rapidité de la généralisation du mouvement, la fermeté de son organisation ont imposé la force ouvrière.
Mais, en Pologne, c'est la 3ème fois depuis 10 ans que le problème se pose de façon cruciale. Les deux dernières fois, le gouvernement avait reculé... pour mieux sauter. Les mesures d'austérité "annulées" devant la force du mouvement ouvrier avaient été réintroduites par d'autres biais, sous la pression inexorable des lois d'une économie capitaliste qui s'effondre. '
C'est dans la réalité quotidienne depuis plus de 10 ans que la conscience s'est fait jour chez les ouvriers que gagner aujourd'hui ne suffit pas, et qu'il faut "autre chose". Cette autre chose, les ouvriers l'ont vu dans la possibilité de veiller en permanence à ce que le les promesses soient tenues, en rendant permanents leurs comités de grève. A partir de là, les "syndicats libres" sont entrés en scène,
se présentant comme LA solution, la panacée permettant la défense des intérêts ouvriers.
Mais quand on compare les buts et les moyens du "syndicat libre et autogéré" avec ce qui a fait la force et la conscience des ouvriers en Pologne, en 70 comme en 80, il apparaît clairement que ces institutions s'opposent en tous points à ce qui avait permis aux ouvriers en Pologne de s'imposer. Loin d'être une continuation de la dynamique du mouvement, elles en sont la négation sur tous les plans.
Etait-ce le sens des grèves de masses que de se préoccuper de la santé de la patrie? Quand les ouvriers réclamaient une augmentation de salaire "énorme", tout en sachant très bien que la Pologne était en plein marasme économique, ils opposaient consciemment LEURS intérêts à ceux de la "nation", c'est â dire â ceux du capital polonais.
C'est le même chemin qu'ont déjà pris les syndicats libres, en acceptant dans les accords de Gdansk un accroissement de la productivité "pour réparer le mal causé par la grève". Pendant que la discussion se centrait sur le syndicalisme "libre", le gouvernement en a profité pour instaurer de nouvelles restrictions sur la consommation de charbon, et une nouvelle réduction des dépenses publiques (écoles, santé, etc.).
C'est le même chemin qu'ont pris ces nouveaux syndicats en acceptant de se soumettre à l'Etat et au parti. Quand les ouvriers ont demandé l'abolition des privilèges, quand ils se sont préparés à affronter la répression de l'Etat, ils allaient dans le sens d'une remise en question de l'ordre établi. Les syndicats libres, au nom du "réalisme" ont signé la soumission.
C'est la logique à laquelle est nécessairement ramené tout organe qui se propose de "concilier" des intérêts inconciliables : le "bien-être" ouvrier n'est pas en accord avec le bien-être d'une économie capitaliste, surtout lorsque celle-ci est en crise et doit en conséquence chercher la plus grande compétitivité, c'est à dire exploiter toujours plus les masses salariées. La base au capitalisme est un vol, le vol du travail de l'ouvrier pour les besoins d'une économie de profit au profit de quelques-uns. Et quand la crise dicte de voler encore plus, il n'est pas question de voir si on peut arranger voleur et volé en même temps. C'est la méfiance qu'exprimait un des délégués lors de la discussion des statuts lorsqu'il disait : "les anciens syndicats se mêlaient eux aussi de production, on a vu ce que ça a donné." (cité par "Rouge").
Si les revendications économiques n'arrêtent pas l'aggravation des conditions de vie ouvrières, ce n'est pas une question de "mauvais syndicats" ou "d'erreurs de gestion',' mais le fait d'une situation mondiale : c'est de plus en plus vite que les parties du monde qui ne connaissent pas encore un degré aigu de dégradation y courent, unissant le monde capitaliste entier, avec ses syndicats et ses gestionnaires, dans une même banqueroute.
Dans l'illusion sur le syndicalisme libre, il n'y a pas qu'une question de forme d'organisation : il y a encore l'illusion d'une vie meilleure dans le système en place, un manque de vision de l'ampleur du néant vers lequel il court, l'idée qu'il suffit de supprimer les aberrations les plus criantes (et il n'en manque pas dans le capitalisme d'Etat polonais). Mais ce qui est dans la continuité du début de prise de conscience des ouvriers polonais, ce n'est pas une vision de gestionnaire. Les ouvriers ont commencé à comprendre qu'il n'y avait pas d'améliorations DURABLES, même à moyen terme du capitalisme, au contraire. Cela contredit la base même du syndicalisme soucieux de l'entreprise, de la patrie et de l'Etat. En posant la question de la force ouvrière dans ce contexte, ils ont posé une question POLITIQUE, un début de remise en question de l'Etat lui-même, du parti et de la patrie. Or c'est justement cela qu'ont refusé les "syndicats libres" qui se sont "engagés à ne pas faire de politique."
Ce que la classe ouvrière en Pologne a montré une fois de plus, c'est que l'Etat ne cède à la pression ouvrière que lorsqu'elle menace sa loi, son ordre. "Collaborer" avec l'Etat n'a pas de sens dans la réalité du rapport de forces qui doit se mener pour la défense des intérêts ouvriers. L'expérience l'a montré mille fois : l'Etat n'est pas tendre avec les ouvriers lorsque ceux-ci décident de "collaborer avec lui".
Il ne relâche sa poigne de fer que sous la pression la plus violente et ferme des ouvriers. Il est prévu que le gouvernement dissoudra les syndicats si leurs "activités et leurs structures ne sont pas conformes à la loi." Une grève générale organisée centralement au niveau du pays pendant plusieurs semaines sera-t-elle jamais dans le cadre de la loi capitaliste?
Le ré-enfermement dans la légalité étatique que constituent les syndicats "indépendants" est la négation de la possibilité de pousser plus avant la lutte ouvrière.
Négocier avec l'Etat, sans la vigilance active d'ouvriers déterminés à se battre, ne peut forcément amener qu'à composer. La raison du plus fort est toujours la meilleure. Et les ouvriers ne sont jamais forts dans le cadre des lois inventées et défendues par et pour l'Etat, contre eux.
Dans ses structures mêmes, le syndicat autogéré va à l'encontre de tout ce qui a fait la force de la classe, son unité, son organisation.
Quand le comité de grève de Gdansk penchait pour la reprise du travail et que I'AG en a décidé autrement, elle a révoqué son comité de grève, sans délai. La révocabilité, avec le syndicat libre, va se trouver enfermée dans un cadre rigide, de rythmes d'élections. Déjà, à la fin des négociations, les haut-parleurs "ne marchaient plus très bien" : il a fallu les protestations de l'AG pour qu'ils se remettent soudain à fonctionner et que la négociation qui atteignait des points critiques ne soit pas réglée "entre experts responsables et réalistes". Depuis, de plus en plus, les délégués reprennent l'image du permanent affairé qui n'a plus de "contact avec la base", et les discussions se déplacent de l'AG vers les bureaux tout neufs des nouveaux syndicats, pendant qu'à l'usine on cherche à faire que le travail reprenne à une cadence accrue, accaparant l'énergie et les préoccupations ouvrières.
L'illusion sur laquelle s'est renforcé le syndicat libre, qui avant la grève se réduisait à une poignée de "dissidents", c'est celle de la possibilité de maintenir le rapport de forces par une organisation unitaire permanente en dehors d’une lutte acharnée de l'ensemble des ouvriers.
Malgré la volonté des ouvriers de garder le contrôle de tout prétend "les représenter", ce qui la structure syndicale, avec son corporatisme, sa tendance au "dialogue" avec l'Etat, contient en elle-même la séparation entre une base et un sommet : entre d'une part une masse de plus en plus contrainte, pour survivre, de mettre en question les fondements mêmes de l’ordre existant, et d'autre part, une structure qui s'est donné pour fonction de "concilier" : en installant un syndicat, malgré leur volonté de rester en alerte, les ouvriers délèguent leur pouvoir â une "minorité agissante", à des "permanents" voués à la "défense des intérêts ouvriers" pendant que les autres travaillent.
Privé de la force que constitue la classe en action, tout organe de négociation ne peut que se soumettre aux diktats de l'Etat et être happé par lui : "Au 20ème siècle, seules la vigilance, la mobilisation ouvrière peuvent faire avancer les intérêts ouvriers. C'est une vérité amère et difficile que de réaliser que tout organe permanent sera inévitablement happé dans l'engrenage de l'Etat à l'Est comme à l'Ouest." (voir “Pologne 80, une brèche s'est ouverte", Revue Internationale n°23).
Il est possible que, malgré le service qu'elle lui rend, l'Etat polonais ne parvienne pas à digérer cette nouvelle structure syndicale : la bourgeoisie a une telle faiblesse à l'Est qu'elle tolère mal la moindre divergence dans la structure rigide qui lui permet de se maintenir. C'est d’ailleurs pour ça qu'elle tente de transformer ses anciens syndicats en nouveaux, noyautant les syndicats libres pour recréer une structure unique dont elle ait le contrôle absolu.
Mais fondamentalement, le syndicat libre est une expression de son intérêt profond et non de celui des ouvriers. Quand les anciennes structures syndicales ne parviennent plus à tromper les travailleurs, il faut bien en trouver d'autres pour pallier à ce vide. En Occident, on fait grand tapage autour du "syndicalisme de base" qui doit "redonner vie aux syndicats" : la fonction qu'ils remplissent est la même : transformer la conscience croissante chez les ouvriers de la nécessité d'une lutte permanente en une soumission à des structures permanentes et institutionnalisées.
Pour des ouvriers qui, comme à l'est, n'ont pas connu les syndicats "libres" à l'occidentale, le syndicalisme "libre" semble ouvrir un autre monde. Mais cet autre monde n'est pas celui de l'activité consciente des masses : il est celui des bureaucrates "libres" à la Séguy, Maire et Bergeron.
Ce qui rendra la tâche difficile aux dirigeants polonais, ce ne sont pas les syndicats libres, même s'ils ne correspondent pas à ses possibilités, mais la pression ouvrière, si elle continue à se maintenir, et ce que seront ses prochaines réactions à la réalité inévitable du capital : la continuation des restrictions, que le syndicat autogéré n'empêchera pas, reposera la question â une classe qui a appris à réfléchir : OU EST LA FORCE DES OUVRIERS?
D.N.
Innombrables sont les luttes ouvrières qui, ces dernières années, malgré leur élan initial, se sont trouvées impuissantes à faire céder l'Etat capitaliste. Que 1'on prenne les exemples des luttes pourtant très combatives de Longwy-Denain, celles de la sidérurgie en Grande-Bretagne qui ont mobilisé pendant plusieurs mois des centaines de milliers d'ouvriers ou celle du port de Rotterdam qui s'était pourtant dotée d'un comité de grève non-syndical, et beaucoup d'autres encore, les luttes ont été victimes soit d'un manque d’unité entre les différents secteurs de la classe, soit de l'isolement, soit de l'absence d'une auto-organisation des travailleurs, soit de plusieurs de ces facteurs.
Les défaites subies en ces différentes occasions montraient de façon négative combien ces carences sont fatales pour le combat de la classe.
Aujourd'hui, c'est de façon positive que l'expérience des ouvriers de Pologne vient confirmer quelle force la classe peut avoir -même si sa victoire contre l'Etat capitaliste ne peut être qu’éphémère tant qu'elle ne l'aura pas renversé- lorsqu'elle se dote de ces trois éléments essentiels de sa lutte: l’unité, l'auto-organisation et l'extension massive du mouvement.
• Les divisions en catégories professionnelles, en régions, par usines, ayant soi-disant leurs "problèmes propres", les ouvriers polonais les ont déjouées. En effet, la grève s'est étendue géographiquement, et non par branches d'industrie :
Le manque de solidarité qui souvent brise la lutte et sur lequel compte la bourgeoisie, les ouvriers polonais l'ont rejeté.
Le ciment de l'unité, cette volonté unique de toute une classe, c'est la solidarité : les usines qui, comme à Ursus, Elblag, Poznan avaient repris le travail, une fois les augmentations de salaires accordées, se sont sans hésiter remises en grève, lorsque la région de Gdansk est entrée en lutte le 14 août. A Gdynia, les ouvriers, malgré l'obtention de TOUTES leurs revendications, ont refusé de reprendre le travail, parce que "c‘est tous ensemble qu'il faut gagner" et ont même été convaincre les chantiers de Gdansk de ne pas reprendre. La prétendue "aristocratie ouvrière" des mineurs de Silésie, mieux payée pourtant que la moyenne des ouvriers, par solidarité elle aussi, a rejoint le mouvement, fin août. Et c'est justement cet événement qui a contraint l'Etat à céder rapidement, alors qu'il avait tergiversé pendant des semaines.
La diversité des conditions d'exploitation, qui entraîne souvent des revendications économiques éparses, spécifiques, les ouvriers polonais l'ont dépassée.
Les ouvriers ont vite compris qu'il fallait opposer contre la division, l'unité des revendications. C'est pourquoi les revendications économiques sont rapidement devenues politiques, avec les 21 points du MKS de Gdansk, le 16 août.
L'unité du mouvement, c'est sa politisation, contrairement aux affirmations de tous les Walesa, qui demandent qu'on ne fasse "pas de politique". Exiger que l'Etat mette fin au blocus du téléphone, que les médias retransmettent les revendications ouvrières, que l'Etat reconnaisse le droit de grève et d'organisation pour tous les ouvriers, c'est "faire de la politique".
Ainsi, à l'anarchie apparente des revendications locales, par usine, s'est substituée la simplicité des revendications tant économiques que politiques touchant toute la classe ouvrière : toute une classe s'est dressée contre l'ensemble de la classe capitaliste concentrée dans l'Etat.
L'hésitation à prendre en main sa propre lutte, en la confiant à des professionnels de la négociation autour du tapis vert, entre "gens bien", le prolétariat polonais - au début du moins- l'a très résolument balayée. Le remède radical à cette hésitation, c'est la volonté d'auto-organisation.
La tendance vers l'unité est un effort à la fois spontané et conscient qui se parachève dans l'auto-organisation. Face à l'Etat totalitaire, à tout son arsenal de répression, la spontanéité et la rapidité de la réaction ouvrière sont une question de vie ou de mort pour l'issue du mouvement de grèves. En quelques jours, parfois en quelques heures, les ouvriers polonais ont été capables de réagir comme un seul homme.
En affirmant dès le début : "NOUS SOMMES TOUS NOS REPRESENTANTS", ou bien "NOUS N'AVONS CONFIANCE QU'EN NOUS-MEMES", les ouvriers ont manifesté une conscience de classe aiguë’. C'est pourquoi ils ont été capables de se doter d'organisations propres :
La rédaction d'un quotidien de la grève ("Solidarité"), le va-et-vient incessant des délégués mandatés par les assemblées, venant souvent de très loin (comme ces mineurs silésiens envoyés à Gdansk) donnent une idée d'une vraie lutte ouvrière, lorsqu'elle jaillit de masses prolétariennes organisées et militantes.
Tous ces faits montrent admirablement les réserves infinies de créativité spontanée, lorsque c'est toute une classe qui lutte. Cette spontanéité, cette maturité, cette conscience sont le plus puissant démenti aux affirmations arrogantes de ceux qui prétendent que par elle-même, la classe ouvrière est incapable de s'organiser, ou est spontanément "trade-unioniste" Que tous les stratèges en chambre, " "chefs d'États-majors" auto-proclamés de la classe, regardent bien la lutte de classe en Pologne. Qu'y a-t-il de plus organisé, de plus discipliné que ces milliers de prolétaires qui mettent en place des piquets de grève? Est-ce 1'"anarchie", anathème lancé par tous ces fins "stratèges", lorsque le comité ouvrier élu met en place dans le plus grand ordre, service de ravitaillement et milice ouvrière, pour empêcher toute provocation de 1'Etat?
Pour parvenir à cette unité et à cette conscience, la lutte de classes ne suit pas une voie droite, tracée d'avance. La généralisation de la grève, après plusieurs semaines, se fait par des avancées et des reculs momentanés de la grève : débrayages, reprise du travail, grève générale locale, reprise du travail, puis de nouveau le mouvement bondit en avant, plus puissant, en se généralisant région par région, pour tendre à devenir national. La grève de masse en Pologne est "un océan de phénomènes éternellement nouveaux et fluctuants", où "tantôt elle se divise en un réseau infini de minces ruisseaux ; tantôt elle jaillit du sol comme une source vive, tantôt elle se perd dans la terre". Ces phrases de R. Luxembourg sur la grève de masse en 1905 en Russie et en Pologne peuvent s'appliquer à la Pologne de 1980.
Malgré ses méandres, ses fluctuations en apparence "capricieuses", la grève de masse est le contraire du modèle de la grève générale préconisé par les anarchistes au début du siècle et aujourd'hui encore. La grève de masse n'est pas la grève des bras croisés, où chacun rentre chez soi en attendant que "ça se passe". Elle ne fait pas suite au décret de quelque état-major qui manipulerait savamment les pions sur l'échiquier de la lutte de classes. Elle n'est pas un simple phénomène quantitatif, où tout le monde miraculeusement, au même moment, fait grève, mais un phénomène profondément qualitatif. Elle est la dynamique d'un mouvement qui se cherche et se trouve finalement sans schéma préétabli. Elle ne peut être statique, puisqu'elle incorpore des forces toujours nouvelles. Elle ne se décrète pas, mais se réalise progressivement, se calquant sur la lente mais sûre explosion de la conscience de classe.
Rien ne serait plus absurde que de voir dans le phénomène de la grève de masse que le simple mot "grève". La participation au MKS d'usines qui n'étaient pas en grève, la reprise du travail dans des usines vitales pour la bonne marche de tout le mouvement, s'inscrivent en faux contre tout schématisme. Dans la grève de masse, la volonté de tous -toute la classe- prédomine sur celle de quelques-uns :
En fait, la grève de masses c'est l'autorégulation d'un mouvement qui, dans sa diversité tend à battre au même rythme. Derrière l'anarchie apparente des revendications, des moles d'action (occupations d'usines, débrayages) la grève de masse tend vers une unité consciente : l’auto-organisat|ion.
Les grèves de masse de juillet et août en Pologne, sont une magnifique leçon de choses pour le prolétariat de tous les pays, à 1'Est comme à l'Ouest. Elles sont une véritable réponse à toute une série de questions que confusément se posent les ouvriers, de Longwy-De-nain à la Grande-Bretagne, du Brésil aux USA : comment éviter l'amertume de la défaite, et marcher de façon assurée sur une route qui mène vers la victoire ?
Malgré ses faiblesses (cf. V article sur les syndicats libres dans ce numéro), malgré la reprise du travail, malgré toutes les manœuvres de la bourgeoisie, malgré toutes les menaces lancées par l'URSS, les ouvriers polonais ne sont pas isolés. Leur lutte contribuera, même si cela n'est pas immédiatement perceptible, à agrandir la brèche creusée par la crise du bloc russe. La référence aux luttes de Pologne que faisaient il y a peu les ouvriers de Fiat menacés par les licenciements montre que la leçon donnée par les ouvriers polonais ne sera pas perdue, à l'Ouest non plus.
Le prolétariat polonais a posé des questions qui ne peuvent être résolues qu'à l'échelle internationale ; il a donné des réponses encore partielles qui ne pourront être assimilées et pleinement enrichies qu'à l'échelle mondiale.
Chardin
1. Comme cela a déjà été noté au cours de l'histoire, la situation actuelle en France exprime de façon très nette et typique un nombre important de grandes tendances de la société mondiale. Cela se manifeste aujourd'hui tant sur le plan de la situation économique, que de la vie politique de la bourgeoisie et que de la lutte de classe.
2. Sur le plan économique, cette caractéristique d'exemplarité s'est exprimée par la situation médiane du capital français :
Les potions administrées énergiquement par le professeur Barre, et en particulier dans le domaine de la modernisation de l'appareil productif et de l'amélioration de la trésorerie des entreprises viables, ont redonné au capitalisme français un dynamisme qui l'a placé en 79 au 3ème rang des exportateurs mondiaux.
3. Cependant, ces résultats relativement consolants pour le capital français et qui lui permettent de bénéficier d'un certain sursis par rapport a la récession qui se développe actuellement, ne peuvent masquer le fait que, à l'image de tous les autres, ce capital ne saurait échapper longtemps à l'aggravation de la crise mondiale. D'ores et déjà, cette aggravation s'est traduite pour l'économie française par l'apparition d'un déficit commercial très important qui se monte à 1,5 milliards de dollars en 1979 et s'élèvera à 4,7 en 1980.
L'aggravation de l'exploitation qui s'est déjà abattue sur la classe ouvrière ces dernières années, notamment en 1979 où les chiffres officiels eux-mêmes rendent compte d'une baisse de son niveau de vie, est donc appelée à s'intensifier dans la période qui vient, notamment avec une nouvelle augmentation du chômage et des cadences ce travai1.
4. L'impact de l'aggravation de la crise sur le pian des tensions impérialistes se manifeste également de façon très nette en France et ceci dans les différents domaines où il s'exprime à l'échelle internationale :
5. De même que la contre-offensive bourgeoise des années 70, basée sur "l'alternative de gauche", avait connu en France avec le "Programme Commun", une de ses formes les plus typiques, l'orientation présenta de la bourgeoisie occidentale s'exprime dans ce pays de façon particulièrement nette. Dès avant les élections de 1578, une partie des secteurs de gauche de la bourgeoisie, ceux ayant l'impact le plus grand dans la classe ouvrière (PC et CGT), ont amorcé leur reconversion en forces d'opposition et une radicalisation de leur langage face à un épuisement de la carte du "gouvernement de gauche" et la reprise de la combativité ouvrière qui en résultait. Après les élections, cette tendance à la radicalisation du langage de la gauche, son installation dans l'opposition, s'est étendue au parti socialiste qui s'est donné une direction plus "à gauche" (éviction de Rocard-Mauroy, intégration de Chevènement).
6. Les caractéristiques du renouvellement par la bourgeoisie de son arsenal anti-ouvrier face au mouvement général de reprise prolétarienne (qui s'est exprimé notamment aux U.S.A, dès 1977 et par la suite en Grande-Bretagne, aux Pays-Bas, au Brésil, etc.), se manifestent actuellement en France de façon très nette.
D'une part, cette carte de la "gauche dans l'opposition" ne doit pas être comprise comme un renforcement de la bourgeoisie mais bien comme un moyen de pallier à des faiblesses croissantes résultant de la détérioration de l'infrastructure économique de la société. La nouvelle orientation de la vie politique française ne se fait pas sans aggravation des contradictions internes au sein de l'appareil politique. En particulier, en ne permettant pas la mise en œuvre de la carte de "centre-gauche" à laquelle aspirent des forces non négligeables de la bourgeoisie (notamment le secteur "centriste"),elle crée des difficultés tant dans le secteur gouvernemental qui ne peut s'appuyer que sur des forces qui restent divisées, qu'au sein du parti Socialiste tiraillé entre l'orientation favorable à une accession au gouvernement (Rocard, Mauroy) et l'orientation dominante de maintien dans l'opposition.
D'autre part, 1'exemple de la situation en France illustre très bien les moyens et l'efficacité de cette carte de "la gauche dans l'opposition". Parmi ces moyens, il est nécessaire de souligner :
L'efficacité de la carte de "la gauche dans l'opposition" s'est également manifestée avec beaucoup de clarté. C'est lorsque cette carte n'était pas encore jouée à fond en 78 et début 79 que la classe ouvrière a mené en France ses luttes les plus déterminées et débordant le plus le cadre syndical, notamment dans la sidérurgie. Par contre, la radicalisation de la gauche aù printemps 79 (qui traduit bien la capacité et la volonté d'adaptation de ce secteur politique) est l'élément déterminant qui permet d'expliquer la reprise en main syndicale, et dont la grève, d’Alsthom à l'automne 79, est une des premières étapes.
Ainsi, s'il est nécessaire de savoir que la carte de la "gauche dans l'opposition" n'est pas le signe d'une amélioration d'ensemble de la situation de la bourgeoisie, il est indispensable d'être conscient tant de la capacité d' adaptation de ces forces politiques que de l'impact que leurs manœuvres peuvent avoir sur la combativité et la conscience de la classe ouvrière.
7. L'aggravation considérable des conditions de vie de la classe ouvrière qui s'annonce, l'épuisement de toute une série de mystifications basées sur l'idée qu'on pouvait "sortir du tunnel" de la crise, créent les conditions de surgissements importants de la lutte de classe en France comme dans l'ensemble des autres pays. De tels surgissements devront surmonter l'obstacle de la radicalisation de la gauche, de toutes les tentatives de celle-ci de s'opposer â l'autonomie de la classe et à la généralisation des luttes, de séparer deux composantes indissociables du combat de classe. Il revient aux révolutionnaires de participer activement à cette reprise des combats en dénonçant de façon efficace et non schématique, de l'intérieur de la lutte, même si elle est lancée par les syndicats, les multiples et multiformes manœuvres de ces organismes, de relier les revendications mises en avant par les travailleurs aux enjeux généraux de leur classe et notamment au problème de la guerre, de se tenir prêt à des explosions soudaines et massives du mécontentement ouvrier, puisque c'est de cette façon que s'exprime, dans la période présente, le surgissement de la classe, la généralisation de ses luttes.
L'ouverture depuis 1968 d'un cours historique aux affrontements de classe généralisés, la remontée des luttes, la gravité de la situation actuelle, de par l'approfondissement des tensions inter-impérialistes, nécessitent plus que jamais le regroupement des maigres forces révolutionnaires afin d'œuvrer de concert pour assumer les tâches immenses qui d'ores et déjà leur incombent.
L'échec et le sabotage des conférences internationales, comme ce fut le cas lors de la troisième conférence des groupes de la gauche communiste, n'entament nullement notre conviction dans la nécessité de celles-ci. Cette situation montre que le sectarisme prévaut encore largement dans le milieu révolutionnaire et a été plus fort que la pression de la lutte de classe. C'est la démonstration du manque de maturité de l'ensemble du milieu révolutionnaire, immaturité qui est le reflet du développement encore faible de la lutte de classe elle-même et le produit de la coupure organique entre les groupes d'aujourd'hui et les fractions du passé.
Au vu de la période actuelle, compte-tenu de l'importance des groupes participants, de la teneur des contributions et des discussions, de l'énergie déployée au niveau international et du rôle attractif qu'elles constituaient pour l'ensemble du milieu révolutionnaire, il faut reconnaître l'échec et le préjudice réel que représente ce sabotage, échec et préjudice qui accentueront d'autant plus le retard présent des révolutionnaires par rapport aux exigences de la lutte de classe.
Nous devons également regretter et condamner la part d'irresponsabilité qu'ont eue certaines organisations participantes ; irresponsabilité qui va de la dénonciation pure et simples des conférences comme "entreprises mystificatrices" (GCI), jusqu'à la volonté de constituer un parti par l'élimination pure et simple des groupes en désaccord... Toutes ces propositions démontrent l'incompréhension même du processus de regroupement des révolutionnaires. En ce qui nous concerne, nous restons fermement convaincus de l'utilité de mettre en place un cadre de discussions au niveau international dont les deux seuls objectifs réalistes dans la période actuelle sont la clarification des positions et analyses entre groupes révolutionnaires et la constitution d'un pôle de discussions et de regroupement.
Si, avec la rupture de ce cycle de conférences, il faut constater l'état de dispersion dans lequel se retrouve le mouvement révolutionnaire, pour notre part, il faut en nuancer le bilan : les conférences ont pu dégager certains points positifs :
a) elles ont permis au Nucléo Communista Internazionalista de se dégager des aberrations du PCI (Programma Comunista) sur la question du regroupement et d'apporter une contribution très positive à la discussion entre révolutionnaires.
b) elles ont été un catalyseur dans l'évolution de certains groupes (Travailleurs Immigrés en Lutte, Il Léninista). Même Battaglia Comunista et la Communist Workers Organisation ont été contraints d'évoluer et de préciser leurs positions.
c) elles ont permis que se dégagent les meilleurs éléments révolutionnaires du bourbier constitué par le milieu politique Scandinave.
d) elles ont permis la polarisation d'un milieu révolutionnaire au niveau international et ont forcé la clarification et la démarcation par rapport au problème de la discussion entre révolutionnaires (PCI, Spartacusbond, PIC)
e) elles ont été et seront un point de référence pour le travail de l'ensemble des courants révolutionnaires.
Tout cela doit nous faire comprendre que, malgré les échecs, nous ne devons pas tomber dans le découragement, qu'il faut réagir avec énergie pour poursuivre la dynamique de discussion au niveau international.
Dans cette perspective, le Congrès de la section du CCI en France appelle l'ensemble de la section territoriale à redoubler d'efforts dans le suivi et la discussion avec le milieu politique.
Nous ne devons pas sous-estimer notre capacité à influencer l'évolution de ce milieu en France malgré sa confusion présente. Tel est le souci de cette résolution.
IL Y A 60 ANS, EN 1920, LES DELEGUES QUI ASSISTAIENT AU SECOND CONGRES DE LA TROISIEME INTERNATIONALE REÇURENT CHACUN LA COPIE D'UNE BROCHURE ECRITE PAR LENINE : " LE COMMUNISME DE GAUCHE, UNE MALADIE INFANTILE". DANS CETTE BROCHURE, LENINE CRITIQUAIT AVEC VIRULENCE LES ORGANISATIONS QUI SE NOMMAIENT "COMMUNISTES DE GAUCHE". AUJOURD'HUI, CES CRITIQUES SONT COURAMMENT REPRISES PAR LES GAUCHISTES QUI VOIENT DANS LE TEXTE DE LENINE UN CLASSIQUE DE LA DIALECTIQUE ET DE LA TACTIQUE MARXISTE.
QUI ETAIENT CES COMMUNISTES DE GAUCHE OU "ULTRA-GAUCHE"?
Il y a 60 ans le courant des "communistes de gauche" du mouvement révolutionnaire marxiste représentait l'expression la plus avancée de la grande vague de lutte de classe qui secoua le monde à la fin de la guerre. Contre les distorsions de Lénine même et les mensonges grossiers des trotskystes aujourd'hui, nous devons affirmer :
C'est précisément PARCE QUE les communistes de gauche défendaient les principes de base du bolchevisme et de la troisième internationale qu'ils ont été conduits à s'opposer aux premières manifestations de dégénérescence qui surgissent dès 1920.
La brochure de Lénine elle-même, expression d'une rupture incomplète avec la social-démocratie, fut un signe de cette dégénérescence précoce.
C'est parce que les communistes de gauche étaient marxistes qu'ils furent capables de voir les implications de la nouvelle époque ouverte par la guerre, celle de la décadence du capitalisme et en particulier de comprendre l'importance historique des soviets ou CONSEILS OUVRIERS qui avaient joué un rôle primordial dans la révolution d'octobre.
Le groupe le plus important des communistes de gauche à cette époque était le KAPD (Parti Communiste Ouvrier d'Allemagne) qui s'était formé au début de 1920 à partir de la majorité expulsée du KPD en 1919 pour avoir refusé d'assumer une activité parlementaire.
En Italie, les communistes de gauche étaient représentés par la fraction communiste abstentionniste du Parti Socialiste Italien, regroupée autour d'Amadeo Bordiga, qui défendait la ligne marxiste intransigeante contre le marais social-démocrate du PSI. C'est l'aile gauche "bordiguiste" qui a constitué le noyau de base et la tête du Parti Communiste Italien (PCI) en 1921.
Les communistes de gauche avaient compris, avec justesse, l'impossibilité de continuer à utiliser de telles institutions bourgeoises qui étaient devenues le principal point de ralliement des forces contre-révolutionnaires et qui ne pouvaient désormais qu'œuvrer à détruire les propres organes du pouvoir ouvrier : les conseils.
Ce faisant, les communistes de gauche étaient dans la lignée directe de la 3ème internationale lorsqu'elle annonçait l'entrée du capitalisme dans "l'ère des guerres et des révolutions" et la mort de la démocratie bourgeoise. Les combattants de la classe ouvrière, comme le KAPD, avaient compris la nécessité des conseils ouvriers comme la "forme enfin trouvée de la dictature du prolétariat" à l'encontre de tous les mensonges sur la "voie" ou la "tribune" parlementaire.
Contrairement à ce que pensent les trotskystes, les communistes de gauche ne furent pas frappés de mutisme, ensorcelés par la rhétorique et la logique de la brochure de Lénine. Ils défendirent leurs positions au 2ème et 3ème Congrès de 1'IC avant d'être finalement expulsés.
Après le fiasco de 1'"action de mars" en Allemagne en 1921, l'Etat bolchevik, (et le mouvement révolutionnaire comme un tout!) a commencé à se résigner à une période d'isolement. On pouvait constater de plus en plus l'effet de l'isolement dans le retournement d'attitude de 1'IC en faveur de l'aile gauche de la social-démocratie, c'est à dire les indépendants allemands -USPD- et les centristes du PSI conduits par Serrati, derrière lesquels s'abritait en fait l'aile droite du PSI conduite par Turati.
Le revirement était déjà clair au 2ème Congrès. La demande du PSI à être membre de 1'IC et leur acceptation immédiate des fameuses "21 conditions" fut attaquée par les communistes de gauche, qui connaissaient la social-démocratie et savaient que ses chiens n'hésiteraient pas à mordre sauvagement le moment venu. Les gauches soulignaient le danger de rechercher l'alliance des faussement séduisants partis de masses comme le PSI et dénonçaient cette politique de la direction de l'IC comme une trahison de ses anciennes positions sur la social-démocratie.
Les gauches allemande, hollandaise, considéraient que la façon la plus concrète d'aller de l'avant était de développer à l'extrême la conscience révolutionnaire dans le prolétariat en particulier sur les questions parlementaire et syndicale.
Ce rejet de tout compromis avec la social-démocratie allait conduire par la suite les gauches à leur exclusion de l'internationale tandis que l'aile droite devenait la force dominante.
Contre ce cours opportuniste, Gorter et le KAPD affirmaient que la social-démocratie était partout exclusivement bourgeoise :
Dans sa réponse au camarade Lénine, Gorter démontre que Lénine et le parti bolchevik n'ont pas pleinement compris la nature de classe de la social-démocratie et des syndicats -spécialement en ce qui concerne la nature des syndicats que le KAPD, lui, confronté à un des plus puissants syndicats du monde, était bien placé pour comprendre:
Gorter avait ainsi discerné quelque chose qui manque complètement dans l'analyse de Lénine.
Pour Lénine, et plus tard pour l'IC, le seul problème était réellement de trouver la bonne direction révolutionnaire pour les ouvriers à l'inférieur des syndicats existants.
Pour la gauche allemande, les syndicats ne pouvaient pas être les instruments du renversement du capitalisme puisqu'ils s'étaient INTEGRES A L'APPAREIL D'ETAT aux côtés des partis sociaux-démocrates. Les syndicats, tout comme la social-démocratie, devaient être DETRUITS.
C'est cette idée que Gorter et le KAPD martelèrent constamment.
En essayant de tirer les leçons de la lutte de classe, Gorter et le KAPD ont suivi les traces de Rosa Luxembourg qui dans "Grèves de masses" discerne les changements en train de se produire dans le mouvement historique : le caractère de masse des luttes ouvrières, leur signification de plus en plus politique et l'inadéquation des vieilles formes organisationnelles. Le KAPD resituera cette analyse dans le contexte des nouvelles conditions du capitalisme décadent après que là social-démocratie ait définitivement trahi la classe ouvrière. Si leur travail comporte inévitablement des faiblesses, ils ont eu le mérite de saisir des vérités fondamentales.
Ils n’ont pas jeté aux orties le rôle du parti, au contraire de ce qu'a affirmé Lénine mais étaient en fait pour une discipline et un centralisme rigoureux à l'intérieur du parti. Ils ont cependant analysé le rôle du parti sous le nouvel éclairage du changement de période, spécialement avec le surgissement des soviets, qui étaient pour le KAPD l'arme de la destruction du capitalisme, le moyen pour le prolétariat d’exercer son pouvoir et d'engager l'humanité dans la voie du communisme.
Le rôle du parti, comme le KAPD le comprenait en 1921, était de rassembler les "combattants les plus conscients et les plus mûrs" :
Pour le KAPD, le compromis de 1'IC avec la social-démocratie au 2ème Congrès était précisément une "déviation réformiste" et une "trahison de la révolution".
Dans les dernières 50 années, la classe ouvrière a chèrement payé ces confusions, ces premiers compromis de TIC : des années d'illusion sur la nature de classe des syndicats et des partis sociaux-démocrates. La polémique de Lénine contre les communistes de gauche sert aujourd'hui aux gauchistes -trotskystes, maoïstes, etc., pour justifier leurs intérêts profonds à défendre de tels corps et attaquer les révolutionnaires qui soutiennent et renforcent la compréhension grandissante de des ouvriers de la nécessité de se battre contre la gauche du capital.
Les positions de la gauche communiste, malgré toutes leurs confusions et leur caractère inachevé, sont devenues aujourd'hui des fondations essentielles pour la défense des positions de classe. Pour nous, ces organisations "infantiles" ont jeté des bases pour la prochaine vague révolutionnaire. Ce n'est pas par hasard que leur travail a été enterré et délibérément déformé. Mais aujourd'hui, leur combat est notre combat, leurs leçons sont les nôtres, doublement enrichies aujourd'hui. La gauche communiste a disparu dans la contre-révolution bourgeoise, mais leur travail n'est pas perdu, et sera repris par le les nouvelles générations qui remettront à l'ordre du jour le cri de guerre du KAPD : "la révolution est prolétarienne ou elle n'est rien!"
D'après "World Revolution" N°32
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LE SOULEVEMENT DES OUVRIERS EN POLOGNE A FAIT TREMBLER LA SOCIETE SUR SES BASES. CELA FAIT PEUR EN POLOGNE, MAIS PAS SEULEMENT EN POLOGNE. LES FAITS SONT TROP PARLANTS, ET LA BOURGEOISIE OCCIDENTALE NE TIENT PAS A CE QUE LE MYTHE DU SOCIALISME A L'EST S'ECROULE. TOUTE SON INSISTANCE PORTE SUR LE CARACTERE PROFONDEMENT "REFORMATEUR ET DEMOCRATIQUE" D’UN MOUVEMENT QUI POSE EN FAIT DES QUESTIONS PROFONDEMENTS REVOLUTIONNAIRES.
EN SON SEIN, LES TROTSKYSTES, TOUT EN CRITIQUANT LES "EXCES" DU SYSTEME, SE FONT SES DEFENSEURS EN POSANT TOUT EN TERMES DE "REVOLUTION DEMOCRATIQUE CONSERVANT LES BASES DU SYSTEME SOCIALISTE". LES OUVRIERS N'AURAIENT, SELON EUX, AUCUNEMENT REMIS EN QUESTION L'ORGANISATION SOCIALE, MAIS SEULEMENT DEMANDF "D'INTERVENIR PLUS DANS SA GESTION". C'EST CELA? POUR EUX, LA "NOUVELLE REVOLUTION" A FAIRE A L'EST!
il n'est pire sourd que celui qui ne veut entendre. Pour les trotskystes, les derniers évènements en Pologne sont la confirmation éclatante de leurs thèses sur les "Etats ouvriers dégénérés". D'après cette théorie, inventée par Trotsky dans l'entre-deux guerres, pour expliquer la nature de classe de la Russie stalinienne, dans un "Etat ouvrier dégénéré" les ouvriers devraient, pour s'émanciper, faire une révolution, mais une révolution "partielle": l'économie y serait déjà socialiste, et les ouvriers n'auraient donc qu'une révolution "politique et démocratique" à faire.
Comme les staliniens, les trotskystes affirment que l'oppression que subissent les ouvriers en Pologne n'est pas capitaliste. Que contrairement â leurs pareils en occident, ce n'est pas contre l'ordre capitaliste que les ouvriers se battent à l'est. Pour eux, les travailleurs des pays de l'est ne devraient accomplir que des changements de forme, puisque les bases sociales sont largement socialistes. Planification, nationalisation, telles sont pour eux les mamelles du communisme. C'est avec ce genre de boniments que les trotskystes contribuent S brouiller les cartes en dénaturant la perspective même du communisme : si le communisme, c'est de l'URSS plus un peu de démocratie, Marchais plus un peu de Mitterrand non merci.
Pour qui ne se fie qu'aux apparences, et surtout aux travestissements de la presse bourgeoise, à l'est comme à l'ouest, le mouvement de grève de masse en Pologne peut sembler avant tout un mouvement pour une "démocratisation du système", les ouvriers essayant d'imposer des organes syndicaux, la liberté de presse, de réunion, etc. Mais pour qui a une vision claire de l'exploitation, la lutte des ouvriers en Pologne est avant tout la preuve que les ouvriers se battent fondamentalement contre la même oppression dans le monde, en s'opposant â la logique d'un système qui domine la terre entière.
Une des confusions essentielles sur laquelle se basent aujourd'hui ceux qui défendent le capitalisme d'Etat, c'est de confondre rapports de propriété et rapports de production.
Trotsky considérait la forme INDIVIDUELLE de la propriété privée comme une des caractéristiques essentielles du capitalisme. Or, ce qui est la caractéristique essentielle du capitalisme, c'est que la propriété des moyens de production est privée à ceux qui produisent. Que ce soit l'Etat ou un patron individuel qui soit propriétaire de ces moyens de production ne change rien au fait que l'ouvrier est totalement séparé de ce qu'il produit,
que les moyens de production, au lieu d' être des instruments au service de son bien-être, sont utilisés contre lui, comme des machines qui le pressurent pour lui extorquer toujours plus. Est-ce que pour un OS il y a une différence essentielle entre Renault et Michelin?
La panacée trotskyste de la nationalisation est appliquée à grande échelle à l'Est. Est-ce que les ouvriers en cessent pour autant d' être exploités? Est-ce que les. usines, les marchandises, tout ce qui est produit est fait en fonction de leurs intérêts? Les ouvriers polonais ne se sont-ils pas révoltés contre la situation qui leur est faite, tout comme à l'ouest : celle de marchandise qu'on entretient au plus bas coût possible, en augmentant sans trêve la productivité et les cadences et en leur accordant le strict minimum de ce qui est nécessaire pour qu'ils "entretiennent leur force de travail" comme on entretient une machine.
La bourgeoisie privée a été expropriée â l'Est. Mais l'Etat, propriétaire, exploite tout autant les ouvriers. Et cette exploitation se fait suivant les règles fondamentales du capitalisme : salariat, accumulation du capital, orientation de la production en fonction de la rentabilité et de la compétitivité du capital national sur le plan du commerce mondial.
L'Etat à l'est comme à l'ouest est un Etat capitaliste. La révolution ouvrière, qui consiste en premier lieu dans la DESTRUCTION de l'appareil d'Etat bourgeois est, de ce fait rnême, destruction des fondements de l'économie gérée par cet Etat.
Ce n'est pas uniquement contre les POLITICIENS au pouvoir que les ouvriers polonais se battent, mais AUSSI contre les lois économiques qui font d'eux des exploités et de l'Etat, et de ses membres, des exploiteurs capitalistes.
Il n'y a pas plus de choses à sauvegarder de l'actuelle société à l'Est qu'à l'Ouest.
Mais, insistent les trotskystes, la preuve que c'est SEULEMENT une question "politique" de démocratie et de participation, c'est que tout est fait en Pologne et à l'est en général pour que l'économie ne fonctionne plus selon les lois aveugles du capitalisme, mais selon des décisions conscientes.
LE PLAN, voilà ce qui suivant les trotskystes faciliterait grandement la tâche dû prolétariat. Il suffirait d'en changer la "direction consciente" pour que par miracle exploitation et oppression disparaissent. C'est le même écho qu'on retrouve chez Walesa quand il clame : "seule une participation ouvrière aux décisions du plan peut sortir le pays de la crise". Il en faudra plus pour que la Pologne réorganise entièrement la société selon une autre logique, que production, distribution, circulation de marchandises soient dictées par les besoins humains.
A l'Ouest aussi, il y a des plans, et l'Etat tente de les respecter avec d'ailleurs plus de succès qu'à l'Est. Cela ne prouve en rien un quelconque changement dans le caractère "conscient" de l'orientation de la production. Pourquoi ces plans seraient-ils si différents à l'Est? Qu'est-ce qui les dicte, en fonction de quoi sont-ils établis? Qu'est-ce qu'ils planifient?
Est-ce en fonction d'une "décision consciente" que la Pologne exporte son charbon pendant que ses habitants se gèlent ou en fonction des lois aveugles et impitoyables de l'échange capitaliste suivant lesquelles il faut vendre pour produire et produire pour vendre? Est-ce en fonction d'une "décision consciente" de quelques bureaucrates agressifs qu'au moins 20% (12 officiellement) de la production est destinée à la guerre, ou en fonction des lois capitalistes de la concurrence inter-impérialiste mondiale? Est- ce en fonction d'une "décision consciente" que l'économie nationale sombre dans la faillite, ou en fonction de la loi implacable de la crise mondiale du système capitaliste dans son entier qui s'enraye à ne plus pouvoir vendre?
La gestion de l'activité productive ne pourra devenir une activité réellement CONSCIENTE au sens vrai du terme, que lorsque les lois capitalistes auront-elles- mêmes disparues. Quand la production humaine sera orientée par l'ensemble des membres de la société vers la satisfaction de leurs besoins quels qu'ils soient. Quand l'abondance succédera à la pénurie, quand les forces productives ne seront plus entravées par les aberrations des lois économiques du capitalisme, de la rentabilité à courte vue. Alors et alors seulement la planification sera un outil conscient pour le bien- être des hommes. En attendant, dans le cadre des lois capitalistes la planification aveugle et empirique de l'exploitation et de l'absurdité du système est la seule possible, avec ou sans "contrôle ouvrier".
Les revendications "sociales" des ouvriers en Pologne, salaires, conditions de vie, santé transports, etc., (dont les trotskystes parlent le moins possible) ne sont pas seulement incompatibles avec le "plan" mal établi par des bureaucrates pervertis. Elles sont incompatibles avec le système capitaliste qui règne en Pologne, comme ailleurs, et dont la crise dicte une aggravation des conditions de vie de la classe ouvrière.
Autre agrément des pays de 1'Est pour les trotskystes : il n'y a plus de classe dominante. Certes, les ouvriers ont devant eux un Etat, mais la couche qui le dirige, disent-ils, N'EST PAS UNE CLASSE, simplement une couche parasitaire sans force., sans assise économique :
En d'autres termes, le pouvoir, c'est les ouvriers qui l'ont, seulement ils l'ont délégué à une bureaucratie qui ne s'en sert pas bien. Aussi dès que les ouvriers lèvent la voix, la bureaucratie se soumet immédiatement à son maître .Seuls les cerveaux de petits aspirants bureaucrates peu vent concevoir une telle vision. La réalité est tout autre, et les ouvriers le savent eux, qui ont toujours vu les "capitulations" apparentes de l'Etat être suivies de sa victoire : en 70, après une répression féroce, des revendications ont été accordées, et effacées par l'inflation en quelques mois. 6 ans plus tard, une nouvelle hausse des prix provoquait un nouveau soulèvement. Le gouvernement a "cédé", mais ce sont les mêmes problèmes qui se posent en 80. La "capitulation" immédiate a certes une racine dans la force de la classe en comparaison de la force de la bureaucratie assise sur un système pourri. Mais ce sont justement les lois implacables de l'économie capitaliste nationale qui reprennent le dessus dès que la force de la classe ouvrière marque le pas.
C'est "le capital qui produit le capitaliste et non le capitaliste qui produit le capital" (Marx). Les gestionnaires du capital, ceux qui décident quelle part de la production sera réinvestie, quelle sera pour eux et quelle ira aux ouvriers, sont des capitalistes. Ils constituent une classe qui gère l'exploitation ouvrière et en tire profit : la bourgeoisie. Qu'ils soient "salariés" ou non ne change rien à l'affaire. A elle seule, l'existence de l'Etat suffit à prouver l'existence de classes opposées, exploiteuses et exploitées : "L'Etat est le produit et la manifestation de ce fait que les contradictions de classes sont inconciliables" (Lénine).
Ce que la LCR trouve "révolutionnaire" dans les revendications des ouvriers polonais est justement ce qui véhicule les pires confusions, diffusées en particulier par le KOR : par exemple la revendication selon laquelle il faut désigner les directeurs "selon leur qualification et non en fonction de leur appartenance au parti ", et d'ajouter : "dans quel pays capitaliste verrait-on un ancien dirigeant gréviste devenir patron? (Dossier Rouge)" Comme le disait L.0. lors d'une campagne électorale : "ce n'est pas juste que ce soit toujours les mêmes qui soient présidents." Voilà bien le piètre communisme que nous offre les trotskystes : le communisme, c'est d'avoir de bons contremaîtres!
Comprendre que la bureaucratie est une classe, la bourgeoisie, dans un système décadent et totalitaire, c'est comprendre la vraie dimension du combat contre elle : le combat du prolétariat mondial contre le système de la bourgeoise mondiale.
Trotsky le reconnaissait : si ces rapports (Etat-bureaucratie-classe ouvrière) se stabilisaient, ils finiraient par la liquidation complète des acquis de la révolution prolétarienne. " (La révolution trahie).
Depuis plus de 50 ans qu'ils se stabilisent, les trotskystes n'ont pas encore compris ce que signifiait le capitalisme d'Etat, et en sont venus à colporter les pires des mystifications nationalistes bourgeoises cherchant des replâtrages du système. Les ouvriers polonais, eux, comprennent de plus en plus clairement de quelle nature est l'oppression qu'ils subissent. Quand ils comprendront qu'elle est de même nature que celle que subissent leurs pareils dans le monde entier, mensonges trotskystes et trotskisants qui entravent encore à certains moments leurs combats seront balayés avec tout le fatras qui soutient le système d'exploitation. La révolution de la classe ouvrière mondiale est partout sociale, économique ET politique. Partout les tâches qui l'attendent sont :
D.N.
Iran, Brésil, Pologne, autant de pays où les contradictions inextricables dans lesquelles s'enfonce le capitalisme décadent ont donné lieu au développement de l'agitation sociale et en particulier à des explosions ouvrières parmi les plus importantes de la période actuelle. Autant de pays aussi où le rôle de l'Eglise semble être -ou avoir été à un moment donné- sur le devant de la scène, offrant ainsi l'occasion aux médias de recouvrir du voile pudique de la "question religieuse" la trop présente réalité sociale. Au-delà de ce camouflage dont se satisfait certes l'explication bourgeoise du monde, le poids que conservent les fractions religieuses dans ces pays, et le rôle qu'elles sont appelées à y jouer n'est pas complètement étranger à la situation sociale qui s'y développe. La contribution de la religion dans une telle situation se résumé à la capacité de cette subsistance féodale à constituer, pour une bourgeoisie moribonde, un rempart à la lutte de classe.
Avant même qu'on ait entendu parler de l'existence d'une "opposition démocratique" en Pologne, quelle autre fraction que l'Eglise pouvait prétendre être suffisamment implantée dans la classe ouvrière pour, sinon l'endormir, du moins la contrôler du mieux possible ? Parés de l'auréole des opprimés du stalinisme, les évêques se sont fait les premiers -dès 1956- les porteurs de la contestation démocratique vis-à-vis de l'Etat totalitaire et du parti unique. Dans le mouvement de grèves de 80, on les voit se présenter comme le soutien moral des grévistes, protester le plus énergiquement contre les conditions de vie ouvrière, pour mieux lancer des appels "au calme, à l'esprit mutuel, à la prudence, à la responsabilité et à l'esprit de vérité" , pour mieux rappeler que "l'abandon prolongé du travail, d'éventuelles émeutes ou des effusions de sang sont contraires à l'intérêt de la nation". Au sein des organes chargés des négociations, les intellectuels catholiques, aux côtés de ceux du KOR et autres oppositionnels se font les colporteurs des illusions démocratiques, syndicalistes et nationalistes.
Au Brésil, le Pape débarque en personne dans les bidonvilles pour apporter son soutien à l'opposition syndicale et pour déclarer, au nom de “l’Eglise des pauvres", que "la société sans classe est une utopie basée sur la haine et la destruction". Plus radicaux, les "curés progressistes" ouvrent grand leurs églises à la lutte de classe pour mieux l'y enfermer, transforment en messes les assemblées ouvrières, se partagent avec les leaders syndicaux, tel le fameux "Lula", le contrôle des luttes ouvrières et la tâche d'enfermer celles-ci dans les illusoires réformes sociales et démocratiques.
En Iran, ce sont encore les religieux qui se chargent de canaliser une révolte qui mettait en mouvement pratiquement l'ensemble de la population. L'absence ou l'extrême faiblesse d'une opposition politique de gauche laissait les fractions religieuses comme seule capables d'offrir à l'agitation sociale l'illusion d'une alternative nationale à la dictature du Shah contre l'impérialisme américain.
La force de la religion dans tous ces pays traduit la situation qui prévaut dans les pays les moins développés du globe, là où les subsistances précapitalistes se mêlent aux caractéristiques les plus poussées du capitalisme décadent. Le poids des couches paysannes, terrain même de développement de la religion, y imprègne l'ensemble de la vie sociale, en même temps que la survie de la nation impose le développement à outrance du totalitarisme de l'Etat.
Dans ce cadre, ce n'est pas un hasard si le développement des fractions religieuses se fait, parmi tous ces pays, dans ceux où la poussée de la lutte de classe impose à la bourgeoisie de chercher à occuper tout le terrain social, alors que l'Etat totalitaire ne peut aucunement semer l'illusion d'un possible partage du pouvoir. L'Iran impérial, comme le Brésil militaire ou la Pologne stalinienne n'échappent pas à la règle qui prévaut pour toutes les bourgeoisies du monde face à la reprise internationale de la lutte de classes : le besoin impérieux de sécréter, dans l'opposition, des forces capables de contrôler l'ensemble de la société et la classe ouvrière en particulier. Tel est le sens du rejet dans une opposition plus "radicale" des fractions de gauche et syndicales de la bourgeoisie dans les pays développés à tradition "démocratique". Qu'ailleurs ce soit à la religion que ce rôle soit dévolu n'exprime pas tant la force de la mystification religieuse que la faiblesse d'une bourgeoisie incapable de développer réellement en son sein une "gauche" qui puisse apparaître comme la représentante historique de la lutte ouvrière, à l'image des partis et syndicats sociaux-démocrates ou staliniens.
Le moins qu'on puisse dire est que les limites de l'encadrement religieux se font rapidement sentir dès que le mécontentement social tend à prendre la forme de véritables explosions ouvrières. A ceux qui n'ont voulu voir dans les grèves en Pologne que des ouvriers à genoux, il suffit de rappeler que les appels au calme répétés de l'Eglise se sont heurtés à l'indifférence croissante d’un mouvement qui prenait conscience de sa propre force et pour qui la religion était peut-être beaucoup, mais certainement pas une voie pour la lutte.
Avant cela, l'exemple de l'Iran a montré que si les ayatollahs pouvaient s'appuyer sur la colère populaire, ils étaient par contre largement débordés par la combativité ouvrière que l'arrivée au pouvoir de Khomeiny ne parvint pas à enrayer. Aujourd'hui, la situation intérieure iranienne, même marquée par un recul des luttes ouvrières, est bien la preuve des limites du rôle politique que peut jouer la religion : sur le terrain de 1'encadrement de la classe ouvrière, elle a dû laisser la place à une opposition stalinienne, plus capable aujourd'hui d'entraîner les ouvriers derrière la défense de la nation dans la guerre avec l'Irak.
En tant que fraction de gouvernement, les ayatollahs ne sont guère plus reluisants, et la pression américaine, entre autres, est là pour imposer leur remplacement à la tête de l'Etat par des fractions plus cohérentes de la bourgeoisie autour de Bani Sadr.
Quant au Brésil, si l‘Eglise semble parvenir à réaliser un encadrement relativement efficace, vu le caractère explosif de la situation sociale, cela est dû essentiellement à la collusion étroite qui se fait dans ce pays entre l'Eglise et les syndicats : c'est bien plus comme promoteurs du syndicalisme que de la parole de Dieu, que les "curés de base" parviennent à assurer tant bien que mal le contrôle sur la combativité ouvrière.
"La misère religieuse est en même temps l'expression de la misère réelle et la protestation contre la misère réelle. La religion est le soupir de la créature opprimée, le cœur d'un monde sans cœur, de même qu’elle est l'esprit d'un monde sans esprit. Elle est l'opium du peuple." disait Marx, décrivant clairement la fonction de la religion : une protestation contre la réalité, opposant à celle-ci la "consolation" que peut donner l'idée qu'il n'existe aucune alternative, sinon en dehors de cette réalité.
Aujourd'hui que la réalité de la misère se fait de plus en plus sombre, la bourgeoisie ne manque pas de continuer de faire appel à cette fonction séculaire de la religion. Ne choisit-on pas un Pape polonais, élevé au rang de star internationale, pour porter devant les peuples la bonne parole cartésienne : celle de la campagne pour les "droits de l'homme" et pour la guerre.
Mais l'effondrement du capitalisme, avec son cortège de misère, porte aussi avec lui celui de toutes les idéologies sur lesquelles peut s'appuyer la bourgeoisie; la consolation du ciel, si profondément implantée soit-elle dans la conscience des exploités, est bien impuissante à barrer la route au réveil d'une classe entière qui se dresse contre l'exploitation. On l'a vu, la religion doit, elle aussi, radicaliser son langage, "reconnaître la lutte de classes", si elle veut continuer d'être cet opium du peuple. Mais, là encore, le "radicalisme" qu'il soit syndical, politique ou religieux traduit le recul des places fortes idéologiques de la bourgeoisie devant la montée de l'alternative unique qui se dessine de plus en plus clairement aux yeux du monde: la révolution prolétarienne. Il ne s'agit pas pour nous de nier le poids encore très lourd des sentiments religieux dans la conscience de ceux qui subissent tout le poids de l'exploitation, mais les illusions qui ont servi depuis des siècles à perpétuer la dictature des classes dominantes ne cesseront totalement d'encombrer la conscience des vivants que dans la société sans classe.
Rappelons-nous seulement que les milliers d'ouvriers qui en 1905 s'étaient mis en marche derrière un pope, partaient trois mois plus tard à l'assaut du ciel, répandant partout les Conseils ouvriers.
JU.
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Si la classe ouvrière en Pologne n'a pas fait de nouvelles avancées et si aujourd'hui elle marque le pas, on ne peut pas dire qu'elle ait reculé. Aujourd'hui, comme hier, elle ne plie ni aux diktats de l'Etat ni ne cède au chantage "à la catastrophe" des nouveaux bureaucrates du syndicat dit " libre".
Malgré la pression de la bourgeoisie mondiale, malgré le barrage des "nouveaux" syndicats, par sa combativité et sa mobilisation générale la classe ouvrière en Pologne conserve les positions gagnées dans la lutte.
Depuis bientôt maintenant cinq mois l'Etat polonais assisté et financé par la bourgeoisie mondiale ne parvient plus à imposer l'ordre ; l'ordre de la pénurie, de la crise, de la misère et du sacrifice, "l'ordre national" de la police et de l'armée.
Dans la situation mondiale actuelle, un mouvement de l'ampleur de celui qu'a mené la classe ouvrière en Pologne ne recule pas comme ça.
Pour que la classe ouvrière recule il faudrait, soit que l'Etat l'écrase militairement, lui impose son point de vue par la force des fusils et des chars, soit qu'elle suive docilement l'orientation de "reconstruction nationale" des syndicats qui n'ont finalement fait que remplacer l'ancien syndicat officiel.
Chaque jour qui passe apporte avec les événements autant de nouvelles preuves de l'intégration de plus en plus effective des syndicats dans l'Etat polonais. Négociations secrètes de Walesa et Kanya, appels quotidiens à l'ordre et à la reconstruction nationale.
Mais si il est évident que les "nouveaux" syndicats ont réussi â constituer un BARRAGE à la lutte.il est tout aussi évident qu'ils n'ont par contre pas réussi à persuader les ouvriers de se sacrifier à nouveau pour la patrie, de laisser de côté revendications économiques et politiques, d'abandonner 1eur mobilisation générale. Pour i1ustrer cette situation et ne prendre qu'un exemple parmi les plus récents, on peut se référer aux événements que relate "Le Monde" du 22-11-80 :
La première victoire de la classe ouvrière en Pologne a été de faire reculer l'Etat et sans se presser d'aller le plus loin possible, sa seconde victoire consiste à ne pas lâcher prise.
Cela dit si la classe ouvrière conserve aujourd'hui encore ses positions acquises dans sa lutte face à l'Etat et que celui n'arrive pas à reprendre l'initiative, malgré l'aide précieuse de ses syndicats l'avenir de la lutte ne dépend pas de la classe ouvrière en Pologne mais de la classe ouvrière mondiale.
Ce que craint fondamentalement la bourgeoisie, c'est une extension internationale de la lutte de classe, elle craint par-dessus tout que l'exemple des ouvriers polonais refusant fermement les conséquences de la crise économique, ne pouvant et ne voulant plus vivre comme auparavant ne fasse tâche d'huile.
C'EST POUR CELA QUE LA CAPACITE DE LA BOURGEOISIE A COMBATTRE LA LUTTE DES OUVRIERS POLONAIS PASSE AVANT TOUT PAR SA CAPACITE A LA MAINTENIR DANS LE CADRE DES FRONTIERES POLONAISES.
Ce qui retient le bras armé de la bourgeoisie, ce qui l'empêche d'écraser dans le sang la révolte des ouvriers polonais, c'est bien sûr la puissance du mouvement ouvrier en Pologne mais c'est surtout la lutte de classe internationale, la peur qu'une telle répression ne provoque des mouvements ouvriers de solidarité dans les pays de l'Est comme dans les pays
occidentaux.. Ce n'est sûrement pas la volonté de régler "démocratiquement" les conflits sociaux comme l'affirme le pseudo parti communiste français. Comme les gigantesques crédits alloués à l'Etat polonais par tous les pays occidentaux, ne sont pas le fruit de leur sympathie pour les Etats du bloc russe, encore moins pour la classe ouvrière.
Cette situation est la preuve formelle que le rapport de forces entre prolétariat et bourgeoisie est un rapport de forces international. Si ce rapport de forces international a permis à la classe ouvrière polonaise d'aller jusqu'où elle est allée, sans se faire stopper par les chars, ils faut aussi noter que la classe ouvrière en Pologne ne peut aller beaucoup plus loin dans sa lutte sans se confronter aux limites du cadre national. Aujourd'hui, ce n'est pas un hasard si la défense de la "patrie" et de "l'économie nationale" est le principal thème et recours des syndicats "libres" et qu'en même temps ils constituent le barrage le plus efficace à la lutte de classe.
Aujourd'hui, dans sa pratique, le prolétariat polonais pose la question de l'internationalisation de la lutte de classes, mais ce n'est pas lui qui peut y répondre : seule la classe ouvrière mondiale au travers du développement de sa lutte.au delà et contre les frontières nationales résoudra la question.
M. Prénat
LES LUTTES OUVRIERES EN POLOGNE 70 SONT ENCORE VIVANTES. AUJOURD'HUI, LES OUVRIERS EN POLOGNE ONT SU TIRER, DANS LEURS LUTTES, LES LEÇONS DE LA LUTTE QUI LES AVAIT OPPOSE A L'ETAT DANS L'HIVER 70-71.
DANS UN CONTEXTE INTERNATIONAL BEAUCOUP PLUS FAVORABLE, LES OUVRIERS NOUS MONTRENT COMMENT LA CLASSE AVANCE DANS SA PREPARATION AUX AFFRONTEMENTS DECISIFS DE DEMAIN.
Dans la grève de 1980, une chose est certaine : la position de force des ouvriers, la masse, la cohésion, la détermination de leur mouvement, MALGRE 1'Eglise, MALGRE les "syndicats libres", MALGRE le KOR.
A première vue, certaines faiblesses sont apparues plus clairement qu'en 70 : les illusions sur la "démocratie" et le nationalisme en particulier.
En 70, les ouvriers en Pologne ont ATTAQUE les centres de l'Etat, en réponse à la répression, force contre force. En s'attaquant aux syndicats, la police, au parti, ils mettaient au clair la nature de l'affrontement entre la classe ouvrière et l'Etat : deux intérêts antagoniques qui ne peuvent plus se faire de concessions. En 80, les syndicats libres paraissent avoir occulté un temps le vrai problème en le posant en termes de conciliation dans le cadre de la patrie commune.
Il y a 10 ans, les ouvriers ne chantaient pas l'hymne national, et quand le drapeau polonais apparaissait dans une manifestation, c'était trempé dans le sang des ouvriers tués lors des affrontements. Cet été, certains chantaient l'hymne national, et les drapeaux polonais flottaient sur des autobus en grève.
Mais les apparences ne suffisent pas. Profondément, les illusions ne pèsent pas plus sur le mouvement qu'elles ne pesaient en 70, et les mouvements actuels marquent une plus grande force, une plus grande maturité que ceux de l'hiver 70-71, y compris sur la question de l'affrontement avec l'Etat. Les évènements actuels sont UNE CONTINUATION de 70, un pas en avant dû à 1'expérience.
Les ouvriers aujourd'hui n'ont pas encore incendié de local du parti, pas pendu de bureaucrates. Pourtant, ils n'ont pas plus d'illusions sur ceux qui les gouvernent. Ils savent qu'il faudra les affronter.
Les ouvriers en Pologne n'ont guère d'illusions sur le "coude à coude" avec la classe dirigeante. Nous sommes loin de la liesse avec laquelle avait été accueilli Gomulka en arrivant au pouvoir en 56, arrivée ressentie comme la victoire d'une tendance "ouvrière" dans 1'Etat.
En 70, la rupture était déjà nette : la répression, ils ne l'attendaient pas non plus de Gomulka, et ils l'ont eue... Bien que les concessions de Gierek soient soi-disant "sans précédent" (discuter avec des comités de grève, promettre qu'aucune répression ne sera exercée), c'est avec méfiance que les ouvriers ont accueilli ses promesses et ses tirades quand il déclarait à Szczecin : "Nous sommes de la même pâte et nous avons le même but." D'autant que, lorsqu'il s'est rendu aux chantiers de Szczecin pour "négocier", l'armée encerclait les chantiers, des renforts étaient, mobilisés dans tout le pays, l'eau et les vivres étaient coupées. L'épreuve de force était claire.
Aujourd'hui, cette rupture n'a fait que se renforcer. Gierek, le "mineur de Silésie" avait promis l'augmentation du niveau de vie... les ouvriers ont eu le travail du dimanche, les cadences renforcées, pour en arriver à la situation d'aujourd'hui : plus de viande, plus de lait, plus de beurre, plus de chauffage; Gierek avait promis de ne pas réprimer, et les ouvriers grévistes ont été pourchassés un par un, traqués comme des lapins. La classe ouvrière ne croit plus aux promesses de la bourgeoisie. Kanya a remplacé Gierek dans l'indifférence la plus totale.
Les ouvriers ne provoquent pas un affrontement sans se sentir assez forts pour le faire. En 1970, ils ne l'ont pas PROVOQUE. Ce fut une réponse à la répression, la seule : force contre force. Pourtant, le mouvement n'était pas prêt au départ à une telle épreuve de force. A Szczecin sûrs du caractère pacifique de leur manifestation, les manifestants avaient placé en tête femmes et enfants. La police était là, elle a tiré. A Slupsk, c'est sur une manifestation pacifique aux cris de “nous voulons du pain", que la police a tiré. La rapidité de réaction de la classe n'en a été que plus impressionnante.
Aujourd'hui, aucune délégation n'a été arrêtée, aucun coup de feu n'a été tiré, comme ce fut le cas en 70. Les ouvriers, au mois d’août, y étaient prêts : par mesure de précaution, les délégations ne sortaient pas de l'usine, et des milices avaient été organisées. Mais sans répression la classe ouvrière a choisi de se RENFORCER, de préparer sa cohésion : géant auquel les syndicats libres tâchent d'attacher des menottes trop petites.
Aujourd'hui, les ouvriers ont tiré les leçons de 70 : on n'affronte pas l'Etat en ordre dispersé. En 70, pendant la répression, il n'y avait aucun lien entre les villes, tout juste entre les usines. Ce n'est qu'à la fin de la grève que ces liaisons ont commencé à apparaître. A Szczecin, en 70, le rétablissement des liaisons entre les villes venait en 18ème condition de "revendications non reconnues par le gouvernement". En août, ce fut le PREALABLE imposé par les ouvriers : d'abord, l'extérieur, la circulation des informations, permettre une organisation la plus large de la force ouvrière.
En 70, des pas énormes, y compris dans l'organisation de la lutte, ont été faits. Il est manifeste que la rapidité d'organisation de la classe cette fois-ci puise ses racines dans l'expérience antérieure. En 70, par exemple, il est clair que ce sont les comités de grève qui ont organisé les manifestations : en réponse à l'arrestation de leur délégation, les ouvriers partent en manifestation devant le parti, manifestation grossie par la population. La police est là, et lors des affrontements, les manifestants reculent... pour se diviser immédiatement en 3 chercher la solidarité : vers les chantiers encore au travail, vers les universités, vers la radio : le rendez-vous est le soir même une attaque du local du parti qui se terminera par un incendie. A Krakov, Varsovie, Wroclaw, et dans bien d'autres villes, les ouvriers agissent comme une force autonome et décidée. L'importance du noyau fort de l'usine est encore plus manifeste quand on voit l'exemple de Gdynia, où la bourgeoisie a pu faire une répression sans précédents : alors que dans les autres villes, l'armée, même après avoir reconquis la rue, ne put pas rentrer dans les usines, à Gdynia, elle a commencé par investir les usines AVANT que les évènements ne prennent un tour violent. Après, elle a PROVOQUE un affrontement en tirant sur des ouvriers isolés se rendant à l'usine le matin. La bataille qui s'en suivit fut la plus meurtrière de toute la Pologne : aveuglées de colère, des masses inorganisées et sans cohérence se battaient dispersées, dans les rues, les gares. Ce fut plus un massacre qu'un affrontement. En 80, les ouvriers ne l'ont pas oublié : la fermeture des usines correspondait aussi à l'affirmation de la classe ouvrière en tant que telle.
Par la suite, en 70, l'organisation des ouvriers se développa. A Szczecin, en janvier 71, la force ouvrière était telle que "la ville s'est transformée en une véritable république ouvrière, où tous les pouvoirs étaient exercés par le comité de grève... la grève ne prit fin que lorsque le comité de grève reçut l'assurance de l'immunité complète pour tous." A ce stade-là, des liaisons existent un peu partout, entre la Baltique, Poznan, Ursus, Varsovie...
Cette conscience de la nécessité de se renforcer face au pouvoir en étendant la lutte, les ouvriers aujourd'hui ne l'ont pas oublié : d'emblée, ils se sont affirmés en dehors des secteurs d'industrie, et se sont organisés en 4 organisations régionales ayant pour base les délégués d'assemblées générales.
L'étendue de la force qu'ils peuvent avoir sur la société, ils ne l'ont pas oublié non plus : c'est au siège du comité de grève central, devant le chantier Lénine, que la population s'est massée, c'était là le cœur de l'action. La façon dont les ouvriers ont su organiser transports, hôpitaux, ravitaillement, n'expriment pas une tentative d'autogestion, mais la conscience de la nécessité de maintenir certaines fonctions vitales aux ouvriers et à la grève même : le début d'une concrétisation de la possibilité qu'a la classe ouvrière de prendre la direction de la société.
En 70, les ouvriers avaient conscience qu'il leur restait des pas à faire : "Nous reprenons le travail. C'est au moins ce que nous savons faire de mieux, car nous ne savons pas encore faire grève." (président du comité de grève de Szczecin ). En 80, les ouvriers ont su organiser une grève de masse à l'échelle du pays. Ils ont mis en action la conscience tirée de 70 qu'une organisation plus étendue de la classe ouvrière était nécessaire pour lutter contre l'Etat.
En 80, la classe ouvrière ne s'est pas jetée les mains nues contre les chars. Mais elle a étendu sa puissance jusqu'à faire trembler tous les remparts de la société bourgeoise. C'est de cette force là que la classe ouvrière a besoin contre l'Etat, contre l'armée. L'affrontement ne suffit pas. Il faut encore le gagner.
Dans les pays de l’Est, plus encore qu'à l'ouest, c'est une entrave énorme. Le sentiment viscéral anti-russe, vu le degré d'exploitation qu'impose sa mainmise sur la Pologne amène le prolétariat à penser en termes de "nation" à affirmer contre l'URSS... ce qui empêche de voir l'URSS en termes de classe ouvrière russe.
En 70, cet aspect était occulté par la violence de l'affrontement entre Etat national et classe ouvrière. Une bourgeoisie qui massacre les ouvriers peut difficilement faire appel au “patriotisme", avec ses allures "démocratiques" et "syndicalistes". Bien que l'opposition syndicaliste ait quand même fait un bon travail de barrage, en 80, travail rendu plus facile par l'absence de répression, cette conscience de la rupture entre l'Etat national et les ouvriers n'a pas disparu. L'expérience est là, et les ouvriers n'ont aucune raison concrète d'avoir confiance dans le langage des "efforts pour le bien national", même dans une nation "rénovée".
Mais pour que l'illusion d'une possibilité de changement dans le cadre national disparaisse, cela ne dépend pas que de la Pologne. Un mouvement de grève en Russie ferait plus avancer la question que 10 affrontements en Pologne.
Et, du point de vue international, les conditions ont évolué depuis 70. Ce qui avait pu être ignoré de la Pologne en 70, en Europe de l'ouest notamment (où la grande affaire d'alors était "Puig Anti ch", tentative antifasciste vite oubliée), n'est plus possible à cacher en 80. Les ouvriers polonais aujourd'hui SAVENT que le monde les regarde. Et les grèves en Tchécoslovaquie, en Hongrie, en Allemagne, plus directement encore que celles qui se sont développées de par le monde, sont autant de feux de reconnaissance de la classe ouvrière internationale.
Du point de vue international, les conditions vont dans le sens d'un dépassement du nationalisme. En Pologne même, il reste aux ouvriers à apprendre que, de la même façon qu'une grève ne peut prendre sa force que dans la généralisation à d'autres secteurs, une grève de masse doit chercher sa prochaine force dans la lutte de classe internationale. L'issue de la lutte, répression ou renforcement, dépend d'elle. Malgré un regain d'illusions dû au matraquage de "l'opposition" sur les réformes nationales, la classe ouvrière en Pologne a créé aujourd'hui un ébranlement de l'Etat pire que 70. Et ébranler l'Etat dans ses fondements, même en chantant l'hymne polonais, porte une dynamique qui dépasse même ceux qui la font.
D.N.
Quand, pour éclairer la route, nous avons une torche aussi flamboyante que celle du combat du prolétariat en Pologne, comment ne pas nourrir la plus grande assurance dans notre avenir ! Prolétaires, camarades, l'heure est à la confiance dans notre force. Lucidement, sans emballement aucun ni exagération, rendons-nous compte que le temps est en train de travailler en notre faveur. Sachons-nous en saisir.
Qu'est-ce que nous dit la formidable lutte que les ouvriers mènent en Pologne depuis 5 moisi Qu'il n'y avait aucun hasard à la succession des grands mouvements ouvriers de ces dernières années, des sidérurgistes de Longwy et Denain en 79 à leurs frères de Grande- Bretagne, en 80 ; des dockers de Rotterdam aux métallurgistes de Sao Paulo, au Brésil, en 79. Le magnifique combat de Pologne n'est donc que le couronnement et l'explication de tout un processus qui a nom : le développement généralisé de la lutte ouvrière dans le monde. A côté de ces grands mouvements cités, ce sont cent, mille autres exemples qui, a divers degrés, viennent certifier cette réalité. Parlons des grandes grèves dans l'automobile, en Espagne et en Italie, de la dure lutte des ouvriers du textile d'Izmir en Turquie, des mineurs aux USA. On pourrait allonger indéfiniment la liste des luttes, des secteurs de travail et des contrées touchées par elles : Suède,
Corée, Tunisie (Gafsa), Algérie (Tizi- Ouzou), Soudan, Liberia, Zimbabwe, Afrique du Sud, Pérou, Venezuela, Colombie, Inde, Portugal, Iran... entre 1977 et 1980. Voilà maintenant que la lutte allumée en Pologne commence à se répandre en Hongrie, en Roumanie, en Tchécoslovaquie, en RDA et en URSS même.
Oui, l'heure est au développement de la lutte ouvrière. Nous assistons déjà à une internalisation dans les faits de la lutte de classe. C'est que la crise capitaliste, en s'approfondissant, n'a pas manqué d'harmoniser le désillusionnement des ouvriers et de déterminer, partout, les mêmes nécessités de lutte, et les mêmes objectifs du combat ouvrier. C'est jusque dans les formes même de cette lutte, qu'on voit une tendance à l'unification. A la situation d'hier dans laquelle les ouvriers croyaient encore pouvoir s'en sortir chacun dans leur coin, donnant pièce aux grandes tromperies bourgeoises sur les spécificités et les particularismes nationaux, depuis les prétendus privilèges du prolétariat des pays d’Occident jusqu'à la voie spéciale de lutte des prolétariats du tiers-monde, commence à faire place un état de fait oû le mouvement ouvrier s'aperçoit comme une dynamique unique, cimentée par une réalité capitaliste identique. C'est cependant du sein même de ces pays que la mystification bourgeoise, à l'Est comme à l'Ouest, présente comme socialistes que la lutte des travailleurs en Pologne vient sans doute apporter la preuve la moins discutable de la profondeur du mouvement ouvrier actuel et du réalisme qui le porte.
Cette progression au réalisme et l'usure des mystifications bourgeoises qu'elle traduit, s'exprime généralement dans la société par une multiplication des explosions sociales de par le monde, de Bristol à Miami, Amsterdam et Zurich. Cela se manifeste encore par la perte de crédibilité des hommes politiques (voir les sondages), par l'abstentionnisme aux élections (voir l'exemple américain récent), la désyndicalisation ou même parce que la presse bourgeoise française nomme l'effet Coluche. Ce qui rend cependant ce contexte d'insoumission vraiment menaçant pour la bourgeoisie, c'est la question ouvrière, car le prolétariat est capable de donner à la révolte sociale une orientation révolutionnaire, anti-étatique.
"Gdansk, Turin, même combat", clamait récemment un ouvrier italien de la Fiat. Cela mieux que tout, traduit l'internationalisation de fait de la lutte ouvrière et l'homogénéisation mondiale de la conscience de classe. Cela annonce le pas prochain du prolétariat : le passage de l'internalisation factuelle à l'internationalisme prolétarien. La classe ouvrière, luttant simultanément aux quatre coins du monde, n'est pas encore au point, cependant, de poser le cadre international de chacune de ses luttes. Mais c'est à travers l'expérience répétée, simultanée de l'impasse de ses multiples combats encore localisés et parcellisés par la gauche dans l'opposition, que sont créées pour elle les conditions d'y parvenir. C'est l'obligation oû la pousse la crise capitaliste de devoir lutter sans rémission pour la satisfaction de ses exigences les plus vitales et, à travers cela, la prise de conscience de l'impossibilité pour la bourgeoisie de les satisfaire, même momentanément qui, faisant nécessairement sortir la classe ouvrière hors de tous les cadres de la conciliation avec le capitalisme : lois, nations, syndicats, pacifisme, qui, lui révélant ses amis et ses ennemis, ce qui aide sa lutte et ce qui l'entrave, qui, l'amenant à surmonter les divisions installées en son sein par la bourgeoisie (comme la division entre travailleurs immigrés et ouvriers du pays) conduiront le prolétariat à la proclamation de son grand mot d'ordre historique du combat révolutionnaire :
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EN AUCUN CAS, ON NE PEUT JUGER LES GENS D'APRES CE QU'ILS DISENT D'EUX- MÈMBS ET CE QU'ILS DISENT FAIRE, PAIR SUR CE QU'ILS FONT PRATIQUEMENT.
Mais le discours de “Solidarité", si crû soit-il aujourd'hui; ne serait plus opérant s'il ne parvenait pas à travestir encore la réalité. Et ce qu'il cache est ceci : une telle activité n'est pas une phase "momentanée" que traverserait le syndicat depuis "la mi-novembre". Cette activité n'est nullement "en partie contradictoire avec sa raison d'être". ELLE EST SA RAISON D’ETRE. Depuis ses débuts, l'attitude du syndicat n'a pas varié. Elle a toujours constitué un barrage directement élevé contre les luttes ouvrières.
Ainsi, c'est à travers son attitude dans le déroulement même des luttes ouvrières que Ton peut juger de l'activité du nouvel appareil syndical "Solidarité".
Rappelons les faits : dans ses luttes en juillet-août, â partir de revendications alimentaires face à la pénurie, la classe ouvrière a été rapidement amenée à s'organiser de manière autonome en assemblées générales souveraines, nommant et contrôlant de façon permanente, les membres révocables des comités de grève aux délibérations publiques par voie de hauts parleurs et organes exécutifs des décisions de l'assemblée.
Une des revendications majeures mises en avant dans les assemblées était la dissolution du carcan que constituaient les syndicats officiels, ces milices de l'Etat dans les usines, dont la tâche dominante était la surveillance des quotas de production des ouvriers.
A l'intérieur du mouvement et des MKS s'exprimaient des positions diverses comme celle des militants de l'opposition pro-occidentale du KOR et aussi celle des partisans d'un "syndicalisme libre". Cette dernière idée a connu un rapide succès d'audience dans les assemblées, car ce que voyaient les ouvriers dans le "syndicalisme libre" n'était pas une activité syndicale dont ils n'avaient que faire dans l'épanouissement de leur lutte, mais la proclamation de liberté â l'égard du pouvoir. C'est dans ces conditions que les Walesa et consorts sont parvenus à placer comme première revendication la constitution de "nouveaux syndicats libres et indépendants". Mais en acceptant le principe de nouveaux syndicats, les ouvriers laissaient se créer une brèche qui signifiait l'acceptation d'une délégation de pouvoir â une minorité agissante, la création d'une structure hiérarchisée qui les privait de leur force essentielle. De publique, la négociation entre le MKS et l'Etat qui aboutit aux accords de Gdansk de fin août devint secrète et échappa au contrôle de l’assemblée générale pour devenir une affaire de "spécialistes de la conciliation." Ces "spécialistes", â l'image de Wales., sont passés rapidement d'un langage combatif tant qu'existait la pression directe et le contrôle de l'assemblée générale â des discours de plus en plus "responsables".
Tandis que le syndicat "libre" se constituait et ouvrait les portes de son siège à 5km du Chantier Lénine de Gdansk, début septembre, il obtint la reprise du travail avec, à la clé, un accroissement de la productivité "pour réparer le mal causé par la grève",dans une ambiance houleuse et malgré l'hostilité manifestée par plus d'un tiers des ouvriers. L'appareil syndical se structure avec des permanents dont les appointements sont fixés environ â 1/3 au-dessus du salaire moyen des ouvriers, des "experts-conseillers" syndicaux s'implantent dans les usines. En 3 mois, "Solidarité" aura absorbé officiellement plus de 60% des cadres du parti et de l'effectif des structures syndicales traditionnelles.
Dès le mois de septembre, les nouveaux dirigeants syndicaux s'opposent directement aux grèves et â leur extension. Les discours définissent déjà clairement le rôle que ces syndicats entendent jouer. Un des experts-conseillers déclare dans un entretien au "Matin de Paris" :"Il va falloir que nous nous appliquions à redonner des forces à ce gouvernement sinon à lui fournir un programme pour éviter qu'il ne s'effondre."(19-09-30)
Ils se placent déjà résolument du point de vue de la défense de l'économie nationale et de la patrie, tandis que vis-à-vis des ouvriers, ils réclament la délégation de pouvoir : les structures syndicales arrachent peu à peu le contrôle aux assemblées générales, sans toutefois parvenir à les empêcher. Durant tout le mois de septembre, les grèves revendicatives se multiplient, s'étendent aux mines de Silésie, aux centres textiles de la région de Lodz, à Varsovie et sa région, à celle de Cracovie, se généralisant à tous les secteurs jusqu’aux employés des ministères et aux ouvriers agricoles.
Tandis que les nouveaux syndicats s'offrent comme organes négociateurs avec les autorités, usine par usine, secteur par secteur, ville par ville, et que, substituant au contenu matériel des revendications le problème de la reconnaissance locale du syndicat, ils parviennent tant bien que mal à faire reprendre le travail, une fois les luttes isolées, sous de vagues promesses d'augmentations salariales, les ouvriers se battent pour conserver leur pouvoir collectif et s'orientent de plus en plus résolument vers une remise en cause générale du pouvoir d'Etat : les cheminots de Varsovie, les postiers, les hospitaliers de Gdansk qui occupent la préfecture, les ouvriers des sucreries qui, en opposition directe avec la direction syndicale, occupent une maison de la culture près de Gdansk.
Des mines de Silésie à Radom, les dirigeants de "Solidarité" parcourent en tous sens le pays pour lancer des appels au calme, et souvent, conspués, parviennent difficilement à éteindre les conflits et à faire reprendre le travail. Comme le note l'envoyé spécial du "Monde", l'autorité morale de Walesa1 qui, de "prestigieux Robin des Bois, tend â devenir pompier volant" s'affaiblit notablement -tandis que les rencontres-surprise des chefs syndicaux avec le vice-premier ministre Jagielski ou avec le ministre de la Justice se multiplient "dans une ambiance de cordialité". L'adhésion au nouveau syndicat fait l'objet d'un battage intense. Syndicats et gouvernements tentent de polariser l'attention générale autour de l'enregistrement des statuts du syndicat et tentent de dévoyer les luttes sur le terrain légal et juridique. Mais pas plus la question légale que la constitution de l'appareil syndical ne sont le problème réel des ouvriers, eux dont la réponse aux appels du parti, de Gierek à Kania, était : "Leurs discours, on les connaît". Ce qu'ils refusent, c'est la soumission à l'autorité de l'Etat, c'est de reconnaître "le rôle dirigeant du parti sur l'ensemble de la vie sociale". Face aux compromis syndicaux, ils menacent même de repartir en grève à Gdansk, et de reconstituer un MKS. L'impression générale jamais démentie est:"le gouvernement se moque de nous." La question
des statuts est largement débordée et l'opposition à l'Etat, polarisée par exemple par l'arrestation d'un syndicaliste coupable de recel de documents confidentiels d'Etat sur les manœuvres répressives se traduit par toute une remise en question de ses organes institués : la justice, la police, l'armée, les cadres locaux du pouvoir comme à Czestochowa, à Bielsko-eiala, près de la frontière tchécoslovaque ou â Olsztyn. Devant cette menace de mobilisation générale, les syndicats s'affolent et multiplient les démarches secrètes auprès du gouvernement.
A plusieurs reprises (24 octobre, 10 novembre, 27 novembre) des compromis sont trouvés in extrémis. Les dirigeants de "Solidarité“ sont contraints d'intensifier leurs appels au calme au nom de "l'intérêt national et de la patrie" : "Nous sommes prêts à participer à l'alliance de la sagesse, de la pondération et de la responsabilité nationale.'1, "Il faut s'abstenir de nouvelles revendications tant que le gouvernement n'aura pas formulé un programme réaliste et cohérent. Cette attitude est motivée par la nécessité de permettre la stabilisation de l'économie." Derrière ce respect des limites économiques qu'ils mettent sans cesse en avant, il y a une des pires illusions : que les ouvriers auraient une part à prendre dans la gestion de l'économie nationale, où l'exploité lutterait sans remettre en cause son exploitation, ni la patrie, ni la religion, ni aucune institution alors que dans la réalité les ouvriers sont contraints de remettre en cause le fonctionnement global de l'Etat et de l'ensemble de la société.
Dès la fin du plénum du Comité Central , face à la menace d'une intervention russe, "Solidarité" prône ouvertement l'union nationale :
Aujourd'hui, la lutte des ouvriers polonais fait trembler la bourgeoisie russe elle-même, contrainte d'entreprendre un ravalement grossier de son appareil d'encadrement â travers une campagne "pour la moralisation des syndicats" face au risque de contagion; aujourd'hui où les ouvriers en Pologne sont devant la nécessité vitale de trouver une extension du mouvement au-delà de leurs frontières, ils trouvent devant eux un Walesa qui tente de leur masquer la portée internationale de leur lutte, qui leur parle de “sauver la nation” et leur déclare comme lors de l'inauguration du monument commémorant les massacres de la Baltique en décembre 70 : "on n'a pas le droit d'entreprendre quoi que ce soit pouvant nuire aux intérêts de la patrie".
La vie de la classe ouvrière, c'est le terrain international de ses luttes, et c'est le contrôle de ses organes de lutte. Il n'y a que deux points de vue possibles dans cette société : national ou international, celui du pouvoir d'Etat ou celui du pouvoir des ouvriers. Partout, quel que ce soit le degré d'illusions qu'il est capable de semer, l'appareil syndical est contraint d'exercer la même fonction aussi bien dans l'Etat que vis-à-vis du prolétariat. Quelle que soit l'image qu'ils puissent offrir -ce n'est pas parce que les dirigeants d'un syndicat "libre" comme le SMOT en URSS, aujourd'hui, sont pourchassés et persécutés, font figure de victimes que le "syndicalisme libre" pourrait prendre en URSS une orientation différente de celle de la Pologne, qu'il adopte un langage radical pour mieux contenir la pression ouvrière ou qu'il prône ouvertement "les sacrifices nécessaires pour les travailleurs face aux réalités de l'économie nationale", tout syndicat met en œuvre toujours et partout la même pratique qui s'oppose directement -en cela un Walesa n'est pas différent d'un Séguy ou d'un Maire- non seulement eux intérêts mais aux pratiques mêmes de la classe ouvrière en lutte.
A Test comme à l’ouest, toute forme syndicale ne peut jamais correspondre à l'expression du mouvement ouvrier, mais toujours au besoin de la classe bourgeoise de freiner ce mouvement qui la menace.
Y.D.
Les luttes ouvrières de Pologne, de par leur ampleur, leur dimension, leur unité, constituent l'événement le plus important depuis la vague révolutionnaire de 1917-23 et, par là même occasion, remettent à l'ordre du jour la question de la grève de masse et imposent aux révolutionnaire d'aborder à nouveau l'examen de cette arme fondamentale du prolétariat.
Avant d'aborder cette forme de lutte de la classe ouvrière, il est nécessaire de la différencier des conceptions des anarchistes ainsi que des syndicalistes et gauchistes.
Les anarchistes n'emploient pas les termes de grève de masse, mais plutôt de grève générale. La grève générale mise en avant dans le programme de Bakounine est le "levier" qui sert à déclencher la révolution sociale. Il suffit qu'à un jour "J", tous les ouvriers d'un pays ou du monde entier s'arrêtent de travailler, pour que le monde des oppresseurs chavire et qu'une société nouvelle se mette en place. Cette conception est totalement extérieure à la réalité. Il ne prend en compte aucun facteur matériel, aucune situation sociale déterminée. C'est une conception totalement abstraite, utopique, basée sur la bonne volonté des ouvriers, sans aucune lutte de la classe ouvrière.
La conception des syndicalistes en Allemagne, à l'époque où Rosa Luxembourg écrivait "Grève de masse, partis et syndicats", ou bien celle des gauchistes de nos jours, rejoignent d'une certaine façon la conception des anarchistes. Pour eux aussi la grève de masse est le déclencheur, est une arme qui permet de créer une situation. C'est davantage un facteur numérique, quantitatif qui entre en jeu, comme un débrayage massif pour donner du poids â une revendication, qu'un processus, un mouvement spontané au sein de la lutte de classe issu de conditions économique, politiques et sociales déterminées.
La révolution russe a mis fin pratiquement à cette conception et le mouvement en Pologne aujourd'hui est là pour nous le montrer après 50 années de contre-révolution. Comme l'écrit encore Rosa Luxembourg :
LES CONCEPTIONS DES ANARCHISTES SYNDICALISTES ET GAUCHISTES
La grève de masse est un phénomène mouvant et ne suivant pas un schéma rigide et vide. Elle n'est pas un moyen inventé pour renforcer l'effet de la lutte prolétarienne, mais elle est le mouvement même de la masse prolétarienne dans des conditions historiques déterminées. C'est un mouvement spontané qui, par son extension, son auto-organisation, ses avancées, ses reculs, connaîtra une évolution, prendra une ampleur.
Comme on peut le voir en Russie à partir de 1905 ou en Pologne aujourd'hui, la grève de masse n'est pas un acte unique mais toute une période de lutte.
Toutes ces caractéristiques se retrouvent en 1905 en Russie, mais aussi dans les événements de Pologne, où l'on peut voir un mouvement partir sur des revendications économiques -revendications qui peuvent paraître banales au départ, telles que des augmentations de salaires ou des luttes contre la pénurie de nourriture, mouvement parti d'une ville précise ou même d’une usine, faire tâche d'huile, s'étendre à toute la Pologne, déstabiliser un Etat aux allures et à la lourdeur d'un tank et mobiliser la bourgeoisie mondiale contre lui. Il connaîtra des arrêts, même des reculs face aux promesses de la bourgeoisie, mais il reprendra avec autant d'ampleur, de force, dans d'autres usines ou dans les mêmes, par solidarité avec d'autres ouvriers en grève, ou parce que la bourgeoisie n'a pas tenu ses promesses.
Une des caractéristiques de la grève de masse c'est l'enchevêtrement des revendications économiques et politiques. L'un n'exclut pas l'autre, le mouvement ne s'oriente pas uniquement dans un sens. On peut voir la lutte politique et économique se développer en même temps, l'un dynamisant l'autre et vice versa. Même si à un moment donné, l'élément politique a plus d'importance que l'économique, cela n'exclut pas qu'à un autre moment, des luttes dures pour des revendications économiques ne ressurgissent et posent avec de nouvelles forces la question politique, c'est à dire la question des perspectives, à un niveau supérieur.
Comme l'écrit Rosa Luxembourg :
Cet enchevêtrement de luttes politiques et économiques montre bien la vie du mouvement, sa force qui est loin de ressembler au schéma que nous laissent voir les sociaux-démocrates, anarchistes et gauchistes, et même les bordiguistes, schéma statique et vide de réalité.
Cette force se retrouve aussi dans l'auto-organisation de la classe. Au. sein de la lutte naissent des comités de grève, des comités inter-entreprises qui permettent d'éviter l'isolement des luttes, avec des délégués élus et révocables en assemblée générale.
Cette auto-organisation traduit la capacité qu’à la classe ouvrière â s’organiser lorsqu'elle lutte. La grève de masse est un mouvement qui tend vers une unité consciente de la classe ouvrière.
Ce processus, de par leur expérience de lutte des années passées, les ouvriers polonais ont su le voir. La force du mouvement est la participation même des ouvriers, qui ne se replient pas derrière les bonzes syndicaux, derrière les professionnels de la négociation, c'est la volonté d'auto-organisation ; cet aspect essentiel de la lutte, les révolutionnaires doivent particulièrement le mettre en avant dans leur intervention.
Qu'une classe exploitée, dominée économiquement et idéologiquement, brimée et humiliée quotidiennement, prenne son destin et sa lutte en mains, l'organise et la dirige collectivement, constitue justement le premier acte révolutionnaire de la classe ouvrière.
Toute cette expérience de prise en main des luttes, l'auto-organisation, les ouvriers sauront s’en resservir quand le moment sera venu de reprendre la lutte. Et ce n’est que plus fort, plus conscient que le mouvement reprendra, tout en évitant les pièges tendus par la bourgeoisie avec toutes ses mystifications.
En tant qu'"océan de phénomènes", la grève de masse met en avant à certains moments les faiblesses des ouvriers, tout comme l'océan dans la tempête fait remonter des profondeurs des épaves, des déchets, etc., la grève de masse fait que les ouvriers poussent à bout leurs illusions, par exemple en Pologne la religion, le nationalisme. Mais le cadre de la grève de masse permet de dépasser ces faiblesses. Toutes ces mystifications ne tombent pas sur la tête de prolétaires atomisés, divisés, indifférents, mais dans une classe en mouvement qui saura "railler impitoyablement ses faiblesses et ses erreurs".
Mettre en avant les avancées du mouvement pour éliminer ses faiblesses, c'est le rôle indispensable de l'organisation politique de la classe dans la grève de masse aujourd'hui.
E.V.
L'invasion de l'Afghanistan par les troupes russes n’avait pas pour but la répression des luttes ouvrières, mais la constitution d'une base stratégique et militaire face au bloc américain. Si les troupes russes intervenaient en Pologne, ce serait pour réprimer la classe ouvrière, et non pas un acte de guerre contre le bloc américain.
S'il s'agissait d'une question seulement militaire, une question qui relèverait de la guerre de positions que se livrent quotidiennement le bloc russe et le bloc occidental, l'intervention de la Russie en Pologne aurait déjà eu lieu.
En déclarant qu'une intervention des troupes russes signifierait la "fin de la détente", le bloc occidental entend faire croire que la guerre que se mènent le bloc occidental et le bloc russe a des causes "idéologiques", la démocratie contre le totalitarisme, alors que les causes réelles de l'antagonisme puisent leurs sources dans l'opposition de leurs Intérêts économiques, militaires et politiques. Cette manière de voir a 1'avantage de permettre à la bourgeoisie du bloc occidental d'affirmer que la lutte des ouvriers polonais est spécifique et particulière aux ouvriers polonais. C'est leur contribution à l'isolement de la lutte des ouvriers polonais.
Cela n'est pas tout. La bourgeoisie du bloc occidental entend aussi faire croire qu'en période de crise, la lutte de classe est un facteur de "déstabilisation internationale" et provoque des tensions guerrières, alors que les forces qui poussent à la guerre mondiale sont le produit direct de la crise du capitalisme mondial.
Bien au contraire, la lutte des ouvriers polonais montre aujourd'hui très concrètement comment le développement de la lutte de classe est un frein à l'issue de la crise dans une troisième guerre mondiale. Elle pose concrètement la nécessité et la possibilité d'une perspective révolutionnaire et internationaliste contre le nationalisme guerrier de la bourgeoisie.
La répression sanglante en 70/71 des luttes ouvrières en Pologne n'a jamais réussi à paralyser la classe ouvrière. Au contraire, le souvenir de cette répression, commémorée illicitement chaque année a constitué un fil entre tous les moments de la lutte et a largement contribué à les radicaliser.
Jamais oubliée, jamais cicatrisée, cette blessure n'a servi l'Etat en rien pour maintenir la classe ouvrière dans la docilité, l'acceptation passive d'une vie toujours plus dure et sombre. Durant ces dix dernières années, l'antagonisme et la rancœur vis à vis de l'Etat n'ont fait que se renforcer, se développer et après les poussées de 76 et 79, le mouvement de ces derniers mois n'en est ressurgi que plus fort, conscient et massif, fermement décidé à gagner.
Aujourd'hui, la question de la répression des luttes ouvrières en Pologne se pose à un autre niveau qu'en 70-71, parce que la lutte elle-même est à un autre niveau et surtout parce que la situation mondiale est différente.
En 70-71 l'armée et la police de l'Etat polonais suffiront â réprimer le mouvement, aujourd'hui l'Etat polonais déstabilisé et quelque peu en déroute ne pourrait plus compter sur ses seules forces pour mener la répression. Déjà en 70-71, pour s'assurer la "fidélité" de l'armée lors des massacres organisés à Gdynia, le gouvernement a envoyé l'armée investir les chantiers la nuit, en inventant le prétexte d'une "attaque d'espions ennemis venus par la mer" ! Aussi dégueulasse que grotesque.
Aujourd'hui, seule l'armée russe pourrait assurer la répression en Pologne. De fait la question de la répression, comme celle de l'avenir de la lutte en Pologne, est une question internationale qui ne peut avoir une réponse qu'internationale. De plus avant de pouvoir répondre à la question de savoir si la Russie va intervenir militairement en Pologne, il faut au minimum avoir répondu à la question : pourquoi ne l'ont-ils pas déjà fait ?
Pour ne parler que de la répression elle-même -l'entrée éventuelle des chars russes en Pologne :
Pour ce qui est des répercussions et des conséquences internationales d'une telle répression :
Ce qui inquiète aujourd'hui les bourgeoisies d'Etat du bloc de l'Est, c'est bien sûr qu'une de leurs positions mi1itaires et stratégiques soit affaiblie mais ce qui est dominant depuis le début de la lutte des ouvriers polonais, c'est que celle-ci, par son caractère exemplaire, annonce et joue un rôle d'amorce à des mouvements ouvriers similaires dans tous les pays de l'Est. Comme tous les correspondants de journaux des pays de l'Est le rapportent (même si c'est discrètement), tous les ouvriers qui le peuvent suivent de très près la lutte des ouvriers polonais malgré le black-out des informations par les autorités, en écoutant les radios occidentales.
Dans les pays occidentaux, après les premières vagues de luttes ouvrières dans le monde entre 68 et 70, contre les premiers effets de la crise économique mondiale, l'illusion que cette crise était passagère, l'illusion que les "programmes de relance" allaient l'enrayer et ouvrir une nouvelle perspectives était générale, et les yeux de la classe ouvrière internationale ne se tournèrent pas vers la Pologne, la répression sanglante des grèves ouvrières de 70-71 ne provoqua nulle part de mouvement de solidarité. Aujourd'hui, la situation est totalement différente, tous les yeux sont tournés vers la Pologne, car la lutte des ouvriers polonais est une réponse autre que la guerre à la crise que tout le monde vit, parce que les ouvriers polonais montrent que la classe ouvrière est une force sociale déterminante capable d’imposer son point de vue, parce que la lutte des ouvriers brise en mille morceaux le mensonge du "socialisme" dans les pays de l'Est et éveille leur pensée à une autre alternative que capitalisme d'Etat ou capitalisme privé, parce que ceux qu’on présente comme nos ennemis se battent pour la vie, comme partout.
Les crédits immenses que les pays occidentaux se sont empressés d'accorder à l'Etat polonais pour que celui-ci ne s'effondre pas prouvent que, comme pour les Etats du bloc de l'Est, la préoccupation fondamentale des Etats occidentaux n'est pas une question militaire et stratégique, mais bien que la lutte des ouvriers polonais ne s'étende pas internationalement.
Le dernier épisode marquant de la lutte des ouvriers polonais, la mobilisation générale pour faire libérer deux ouvriers de Solidarité de Varsovie et la remise en cause de la justice, de la police et de l'armée qui l'a accompagnée a montré que les ouvriers polonais étaient allés le plus loin possible dans le cadre des frontières polonaises. Aller plus loin à ce moment-là signifiait remettre totalement en cause le pouvoir d'Etat et pousser celui-ci à s'effondrer. Malgré toutes les conséquences internationales que cela provoquerait, la Russie ne peut se permettre de laisser l'Etat polonais s'effondrer et dans ce cas-là, serait contrainte d'intervenir militairement.
Que ce soit du point de vue de la lutte, comme du point de vue de la répression, toutes les questions se rejoignent dans la question internationale.
C'est de cette situation que la bourgeoisie mondiale tire profit pour mener une contre-offensive contre les ouvriers polonais, non parce que ceux-ci auraient reculé, mais parce que de leur propre force, ils ne peuvent aller plus loin et dégager une perspective internationaliste. Cette contre-offensive se résume à redonner quelque force à l'Etat polonais, à le forcer au moins à adopter une attitude homogène, à agiter très sérieusement la menace d'une intervention des troupes russes, et surtout à isoler les ouvriers polonais des ouvriers du reste du monde. Pour la mener, la bourgeoisie mondiale se partage le travail :
Aujourd'hui, les ouvriers polonais ne peuvent aller plus loin, ni recommencer ce qu'ils ont déjà fait. Même si la capacité de mobilisation reste toujours aussi grande, ils ne peuvent que conserver les positions gagnées contre l'Etat. Combien de temps ? Cela non plus ne dépend pas d'eux, mais là aussi de la classe ouvrière internationale.
Prênat
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En novembre, à la stupéfaction de l'appareil syndical "Solidarité", qui employait alors l'essentiel de son temps â stopper les grèves, les ouvriers polonais débordaient la revendication de la libération de deux membres de "Solidarité" en remettant en cause tout l'aspect répressif de l'Etat polonais, c'est à dire l'essentiel: armée, police, justice.
En fait, fin novembre, cette situation est l'aboutissement de toute une période où les luttes n'ont fait que s'étendre et se généraliser dans toute la Pologne, après les accords de Gdansk, fin août. Pourtant, après six mois de lutte, malgré une situation économique de plus en plus catastrophique, pas grand-chose â manger et pénurie de tout, pendant quelques semaines la Pologne "revenait à une situation sociale calme".
Pendant plusieurs jours, la seule image qui nous parvenait de Pologne n'était que l'image sinistre de milliers de chars massés aux frontières et prêts à intervenir.
Des luttes décidées et solidaires qui, pendant six mois avaient défié un des Etats les plus rigides et les plus caricaturalement militaire et policier du monde, "Solidarité" et Walesa en tête n'en donnaient plus que l'image : "Travail, famille, patrie", "prière et sacrifice". Enfin, rien de bien nouveau, encore moins de révolutionnaire.
Pour les ouvriers polonais, l'inauguration du monument à la mémoire des ouvriers fauchés par la répression en 70 donnait à "Solidarité", toujours Walesa en tête, l'occasion de développer un langage plus nationaliste, plus responsable, plus défenseur de la patrie et de l'économie nationale que jamais. Alors qu'ils avaient passé plusieurs mois â faire les "pompiers volants" et à faire barrage à la lutte, le silence des ouvriers polonais et la menace tant affirmée des chars russes, donnaient â "Solidarité" et Walesa l'occasion de dire tout haut ce qu'ils pensaient déjà tout bas.
Il y a une différence entre la réalité de la lutte des ouvriers polonais et l'image syndicale, nationaliste, religieuse et démocratique qu'en donnent les médias : journaux, radios et télévisions du monde entier. Même si les ouvriers polonais entretiennent encore beaucoup d'illusions nationalistes, religieuses et syndicales, toute leur pratique est en contradiction avec celles-ci et c'est cela qui est important. A aucun moment, ils n'ont cédé au chantage S la "catastrophe nationale" et "dieu sait si la crise économique est profonde en Pologne, à aucun moment il ils ne se sont rangés derrière les consignes démobilisatrices et les appels au calme du syndicat et de l'Eglise, pendant six mois, ils n'ont fait que les déborder1.
Aujourd'hui encore, après quelques semaines de calme et malgré :
Aujourd'hui des journaux titrent : "Epreuve de force entre "Solidarité" et l'Etat". Mais la véritable épreuve de force n'est pas entre "Solidarité" et l'Etat, mais entre la classe ouvrière qui ne veut pas reculer et l'Etat qui voudrait reconquérir le terrain perdu, et malgré les apparences, "Solidarité" n'est pas du côté de la classe ouvrière, mais du côté de l'Etat, de Tordre, de la patrie, de la famille et du sacrifice. Quelle est d'ailleurs l'image que Walesa, en voyage à Rome, a voulu donner de la lutte en Pologne, sinon celle-là ?
Si aujourd'hui il y a quelque chose qui a changé dans "Solidarité", ce n'est sûrement pas sa politique anti-ouvrière et bourgeoise mais sa façon de la faire passer. Si contrairement à son attitude directement anti-grève face aux luttes des mois de septembre, octobre, novembre, "Solidarité" ne s'est pas opposée directement aux grèves et à la mobilisation pour la semaine de cinq jours, c'est seulement parce qu'il a compris que s'opposer directement et frontalement à la lutte n'était pas le meilleur moyen de la briser. Ils ont compris que briser la lutte de l'intérieur, en demandant aux ouvriers de leur déléguer la direction et l'initiative de la lutte, en la planifiant vers des grèves de deux heures ou quatre, usine par usine, région par région, était le meilleur moyen de la désamorcer, le meilleur moyen de "mouiller la poudre". En cela, ils ne font pas mieux, ni autre chose que les syndicats traditionnels du bloc occidental, et Ton sait ce qu'il advient des luttes encadrées par les syndicats dans ce bloc.
Jusqu'à aujourd'hui, le tout neuf syndicat "Solidarité" n'avait aucune expérience, aucune homogénéité, aucune vision globale de ses tâches. Les grèves sans trêve d’août à décembre ne leur avaient pas laissé le temps de souffler, de se structurer, de définir une "stratégie, globale". D'autre part l'Etat polonais et tous les Etats du bloc de l'Est n'arrivaient pas à déterminer une attitude homogène par rapport à "Solidarité", parce qu'ils n'arrivaient pas à se mettre d'accord sur l'attitude à adopter par rapport à la lutte ouvrière : répression ou tentative de récupération. Aujourd’hui, la combativité ouvrière qui ne se relâche pas à contraint l'Etat polonais à compter en premier lieu sur "Solidarité", pour ramener la classe ouvrière au calme, à une "attitude responsable".
Pendant les quelques semaines de calme qui ont précédé les luttes actuelles, "Solidarité" n'a pas perdu son temps et Ta employé non seulement à se structurer mais surtout à aller chercher l'expérience qui lui manquait, là où elle existait déjà, chez les syndicalistes du bloc occidental. Tous les voyages des syndicalistes européens en Pologne n’avaient pas d’autre but' que l'enseignement de leur propre expérience anti-lutte à leur jeune confrère "Solidarité". De même, le voyage de Walesa en Europe et ses visites au Pape n’avaient pas d'autre but que d'al1er prendre des leçons chez ses confrères italiens et d’isoler la lutte des ouvriers polonais de celle des ouvriers du bloc occidental en la dénaturant et en déclarant sans cesse que c'était une lutte "nationale", une lutte des ouvriers polonais, qui ne concernait que les ouvriers polonais.
Après avoir vu l’unité financière et militaire de la bourgeoisie mondiale pour enfermer et briser la lutte des ouvriers polonais, nous voyons apparaître en force son unité syndicale pour mener à bien la même tâche.
Ainsi, si la combativité et la capacité de mobilisation des ouvriers polonais restent entières, l’isolement de la lutte en Pologne par contre se fait de plus en plus cruellement sentir ne serait-ce que parce que l’Etat polonais peut, lui, compter sur l'aide militaire, financière et syndicale que lui accorde le bloc de l'Est comme le bloc de l'Ouest et qu’il peut compter sur une "opposition" qui dénature la lutte et la détourne de ses propres objectifs.
Prénat.
L'Est est socialiste, la Pologne est un cas â part, tout peut se résoudre par une conciliation à l'intérieur de la nation, voilà ce que matraque la bourgeoisie, de l'Est à l'Ouest. Voilà ce que matraquent ses partis, se syndicats. Voilà ce que matraque la "ligne d'action" de "Solidarité".
La problématique de Walesa et des "experts" est fondée sur un faux choix : "OU se plier aux diktats de l'économie nationale, rester sages et laisser manœuvrer les syndicats, Ou prendre la responsabilité d'un affrontement avec les forces militaires du bloc russe."
C'est cette vision de l'avenir qu'il offre aux ouvriers en Pologne, pendant qu'il contribue à propager partout que la lutte est "spécifiquement polonaise".
C'est cet esprit nationaliste, cette vision qu'il s'agit d'analyser en détail l'économie capitaliste pour voir quel créneau peut se permettre la classe ouvrière, qui domine l'appareil de Solidarité. Cet appareil, la ligne qu'il affiche, ne sont pas remises en causes, ouvertement. Mais toute la pratique des ouvriers va à son encontre : encore dernièrement, c'est dans leurs assemblées générales que les ouvriers ont décidé la grève pour les samedis libres, contre l'avis de Walesa, contre l'avis des "experts", qui estimaient que l'économie nationale ne pouvait pas tolérer que les ouvriers se reposent deux jours par semaine.
La classe ouvrière sait qu'avec ou sans samedis libres, la situation empirera de toutes façons. Que les queues, les pénuries (contre lesquelles le rationnement, présenté comme solution par les "experts" est impuissant : il n'y a rien à rationner, souvent), les coups bas de l'Etat continueront. Elle sait que sans la pression qu'elle maintient depuis six mois, la situation serait encore plus catastrophique. Elle sait aussi, d'expérience, que dès que sa vigilance baissera, dès que son unité s'affaiblira. , elle subira une répression à la hauteur de la peur qu'a eue la bourgeoisie, bien pire qu'aux lendemains de 70, où les ouvriers étaient traqués un par un comme des lapins.
La conciliation entre classes dans l'intérêt national, les ouvriers l'envisagent avec plus que de la méfiance. Walesa, lui proteste : "Comment l'Etat peut-il se méfier de nous?" (interview publié dans l’"Alternative" N°8) et reproche aux autorités de "présenter le syndicat comme un mouvement irresponsable, indifférent aux difficultés économiques du pays et manquant de bonne volonté" ("Le Matin", 24-1-81). Après que le syndicat ait arrêté tant de mouvements, aidé à faire passer tant de mesures de restrictions depuis octobre, discuté avec le gouvernement de ce qu'il serait possible de faire miroiter aux ouvriers en échange d'une nouvelle augmentation des prix, matraqué tant qu'il pouvait que des sacrifices étaient nécessaires pour la survie de la nation, on comprend que le syndicat insiste sur 1'ingratitude de l'Etat. Ce qui le préoccupe, c'est bien comme le dit Kuron, la façon de faire passer la pilule que l’Etat réserve aux ouvriers.
l'Etat polonais : ".si nous voulons convaincre ces millions de nos compatriotes et leur faire accepter les restrictions que nous estimons nécessaires, nous devons leur dire clairement les raisons." ("Le Monde" 19-1-81).
Dès que la classe a marqué un temps d'hésitation, les syndicats ont enfoncé plus ouvertement le clou de la résignation. La pression de la classe les a brutalement réveillés et on voit aujourd'hui Walesa afficher sa "fermeté de voir respectés les accords de Gdansk", et on présente partout la lutte actuelle comme une "victoire de Walesa". Après s'être opposé au mouvement, l'appareil de ’Solidarité’ tente d'en prendre la tête, selon une méthode bien connue en Occident : il vaut mieux, quand la lutte est trop forte, feindre d'aller dans son sens pour mieux en tordre la direction première vers des objectifs "réalistes" : abandonnez les revendications économiques, ce qui est important, c'est "Solidarité", la reconnaissance du syndicat, en soi.
Les ouvriers résistent à cet embrigadement, au niveau de leur pratique immédiate, ils ne se plient pas aux "diktats du bien national", mais ils ne veulent pas non plus "prendre la responsabilité d'un affrontement militaire". Et ils ont raison. Il n'est pas besoin d'experts pour savoir que, s'ils s'attaquent directement à cet Etat qui s'oppose à leur volonté, ils auront devant eux les forces militaires du bloc russe, mais aussi tous les déploiements idéologiques de la bourgeoisie occidentale et toute l'aide qu'elle apportera à la répression. Quand les ouvriers ont passé le cap de mettre en question les bases de l'Etat, ils ont eu une idée de l'ampleur des forces qui se dressaient contre eux. Les ouvriers ne sont pas prêts â se battre les mains nues dans un affrontement désespéré. Leur attitude actuelle témoigne d'une grande maturité sur cette question : de la compréhension de la nécessité de se renforcer contre 1'Etat avant de pouvoir s'opposer à lui.
Mais, selon cette fausse alternative : reculer ou être écrasés, l'appareil de ‘Solidarité’ apparaît comme un paravent qui protège de la répression tout en permettant quand même la pression ouvrière. Il n'en est rien. Il est l'instrument qui la livrera pieds et poings liés à la première alternative : la défaite. "Solidarité" brise la force de la mobilisation ouvrière, son extension qui SEULE EST UN OBSTACLE A LA REPRESSION: "les autorités soviétiques craignent qu'une intervention de 1'armée est-allemande en Pologne provoque un mouvement généralisé de grèves en RDA." (Lettre de l’"Expansion" du 22-12-80).
"Solidarié", comme tous les syndicats du monde, s'oppose aux besoins les plus fondamentaux pour une perspective de renforcement de la classe ouvrière : le besoin de rester mobilisés et la nécessité d'une internationalisation.
En posant la question, en août, de l'impossibilité d'arrêter l'aggravation de leurs conditions de vie dans ce système, les ouvriers ont posé la question de l'impossibilité de concilier les intérêts de deux classes antagoniques : bourgeoisie et prolétariat. "Solidarité" noie le poisson dans un fatras de perspectives nationalistes d'un progrès à la “japonaise" perdu dans l'abstraction, au-dessus de la crise mondiale.
La question qu'ont posée les ouvriers polonais, c’est celle d'un affrontement irréconciliable entre deux classes, affirmant que seule la lutte était une réponse à la crise, ils posent la question d'un affrontement inévitable. Même s'ils n'y sont pas prêts, les ouvriers doivent envisager l'avenir comme une préparation à l'affrontement inévitable avec la bourgeoisie.
Cette préparation passe d'abord et avant tout par une chose : la compréhension de l’INTERNATIONALISATION comme SEUL CADRE POSSIBLE pour cet affrontement. Ce n'est que sur le développement d'explosions sociales comme celles de la Pologne que la classe ouvrière peut compter contre la force de son ennemi. Les conditions de telles explosions mûrissent en RDA, en Hongrie, en Russie, comme dans les pays occidentaux de plus en plus pressurés par la crise. Pour que ce processus se déroule avec le plus de clarté, de force, de cohésion, il faut se garder des visions immédiatistes. Pour les ouvriers polonais, il ne s'agit pas de rester passifs, mais de maintenir leur position de force en clarifiant les perspectives d'extension, sans hâte, dans l'attente du mouvement international.
D.N.
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C'EST DE PLUS EN PLUS SIMULTANEMENT QUE LES OUVRIERS REPONDENT, AUX QUATRE COINS DE LA PLANETE, AUX ATTAQUES DE PLUS EN PLUS GENERALES ET BRUTALES DE LA BOURGEOISIE. ENCORE RECEMMENT, EN BELGIQUE ET EN GRANDE-BRETAGNE, DES LUTTES ONT EXPRIME CETTE TENSION MONTANTE. DANS LES PAYS DU BLOC DE L 'EST, LES POTENTIALITES D'UNE EXPLOSION GENERALISEE SE RENFORCENT: LA BOURGEOISIE STALINIENNE, DE LA HONGRIE A L'URSS EN PASSANT PAR LA RDA, EST CONTRAINTE D'ACCORDER DES AUGMENTATIONS DE SALAIRES, DES REDUCTIONS DE TEMPS DE TRAVAIL, POUR QUE L'AUSTERITE QU’ELLE IMPOSE PUISSE PASSER SANS AFFRONTEMENT.
POUR TOUS LES PROLETAIRES, LES LUTTES DE POLOGNE SONT UN PHARE QUI ECLAIRE LEUR PRESENT ET LEUR AVENIR : DEPUIS PLUS DE 8 MOIS, LA CLASSE OUVRIERE Y AFFIRME SA FORCE UNIE, CONTRE LA LOGIQUE D'UN MONDE POURRISSANT. DANS SA LUTTE, ELLE AFFRONTE TOUTES LES ARMES QUE LA BOURGEOISIE DEPLOIE PARTOUT DANS LE MONDE : LA REPRESSION, LE PIEGE SYNDICAL, LES MYSTIFICATIONS NATIONALISTES...
La classe ouvrière, en Pologne, a réussi à maintenir l'initiative. La bourgeoisie ne parvient pas à "rétablir l'ordre" ; l'autorité du parti et de l'Etat continue d’être mise en question au point d'ébranler toute la structure politique de la classe au pouvoir. La récente vague de grèves commencée au lendemain même du nouvel an, après la "trêve de Noël" est la troisième vague depuis l'été. Et, comme les deux qui l'ont précédée, elle a abouti à faire céder partiellement les bureaucrates du Pacte de Varsovie. Mais cette fois-ci, pour g parvenir, les ouvriers ont du s'opposer plus ouvertement à l'appareil de Solidarité. La bourgeoisie ne peut plus gouverner comme bon lui semble. Elle est obligée de tenir compte de ce que font et menacent de faire les exploités.
"La fin de l'été polonais. La Pologne à l'ombre de l'armée", titrait, ce mois-ci, parmi d'autres, le "Quotidien de Paris". Non, l'été polonais, n'est pas fini. L'image d'un talon de fer sur une classe ouvrière soumise par un syndicat "bien dans le rang" n'est pas encore la réalité.
Le nouveau changement de gouvernement est présenté comme la "solution" qui, maniant habilement la carotte et le bâton, réussirait à calmer la situation et â arrêter les grèves, par un subtil dosage de promesses de liberté et de menaces de répression. Le gouvernement actuel est la manifestation de la difficulté de manœuvre de la bourgeoisie face à une classe qui depuis maintenant 8 mois n'a cessé de se battre, de réfléchir collectivement, de construire un rapport de forces capable de desserrer l'étau, stalinien et d'améliorer ses conditions d'existence. LE GOUVERNEMENT ACTUEL EST LE RESULTAT DE L’INTRANSIGEANCE OUVRIERE ET D'UN ECHEC DE L'INTRANSIGEANCE DES BUREAUCRATES.
Depuis les cérémonies d'inauguration à Gdansk en décembre du monument aux victimes de la répression des luttes de 1970, l'espoir d'une UNION NATIONALE, ce consensus social tant désiré par Walesa, a bien volé en éclats.
La réunion des responsables du Pacte de Varsovie en décembre avait abouti à mettre en première ligne de front gouvernemental les tendances les plus "fermes"(le général Moczar en tête) afin de remettre l'ordre dans le pays.
Enhardi par le calme de la "trêve de Noël",1e gouvernement s'est attaché pendant près de 2 mois â tenir le langage de la force face aux luttes sociales : refus d'appliquer les accords de Gdansk en ce qui concerne les samedis libres; intervention de la police pour évacuer les bâtiments gouvernementaux occupés par des paysans et des ouvriers; refus net de céder à toute pression revendicative (jusqu'au point de pousser des responsables locaux â reprendre les démissions qu'ils avaient déjà acceptées face à des grèves locales) menaces ouvertes du conseil des ministres de "prendre des mesures pour remettre les usines en grève au travail"; au début février, des rumeurs courent sur l'imminence de l'imposition de la loi martiale dans le pays. "Il faut passer à l'offensive" déclare le général Moczar.
Les résultats ne se font pas attendre. Des millions d'employés en grève les samedis; le mouvement des paysans se généralise avec l'appui des ouvriers; les grèves exigeant la destitution des responsables locaux gouvernementaux se multiplient, provoquant dans le sud du pays des grèves générales avec occupation comme à Jelenia Gora et à Bielsko Biala, qui regroupent des centaines d'entreprises organisées pour la lutte ensemble. Au début février les grèves s'intensifient : les usines, les chantiers navals, les bureaux, les transports publics partent en lutte. Walesa, qui saute d'un foyer à l'autre pour "négocier avec les ouvriers" - étrange représentant!- s'écrie : "Le pays est en feu!"
La direction de Solidarité ne cesse de multiplier les appels au calme et à la responsabilité, sans succès. La presque totalité des grèves importantes ont été faites CONTRE L'AVIS DE SOLIRARITE.
L'Eglise traite le gouvernement d'irresponsable pour les mesures qu'il prend et qui ne font qu'attiser le feu social. Au moment des négociations sur Bielsko Biala, les éléments dits "modérés" du bureau politique menacent de démissionner si le gouvernement ne cède pas. La bourgeoisie a été obligée de céder partiellement sur les samedis libres, sur les revendications de ceux qui réclamaient la destitution des principaux responsables locaux de l'Etat.
Face à l'échec de la «fermeté" qui n'aboutissait qu'à des tergiversations, l'Etat fait un nouvel essai, tentant d'aligner ses divergences derrière la principale force cohérente de l'Etat :
L’ARMEE, elle n'efface pas la menace de répression qui pèse comme une épée de Damoclès sur la tête des ouvriers polonais : mais c'est que la classe ouvrière est trop forte. Il faut d’abord l'affaiblir. C'est pour ce but que le gouvernement met en avant aujourd'hui la "négociation", le "dialogue", en renforçant les moyens de contrôle sur la classe que sont le syndicat et les commissions chargées de régler les questions au sommet entre syndicats et représentants du gouvernement : démobilisez-vous, le syndicat s'occupe de vous ; plus de grèves, et plus de revendications économiques, pour commencer.
La classe ouvrière est trop forte, riais trop forte localement, et les tentatives de répression entraînent des réactions immédiates, mais aussi internationalement. Les ouvriers du monde entier, et surtout ceux des Pays de l'Est, gardent les yeux sur la Pologne. Si le mouvement se tassait, si le silence pouvait se faire, alors il serait plus envisageable de faire succéder à la déroute l'écrasement physi- que de la volonté ouvrière.
Et avec quoi réprimer? Si le général Jarulewski ne "voulait" pas employer la répression en 70, c'est que les premières tentatives d'utiliser l'armée pour la répression s'étaient soldées par des fraternisai tons avec les insurgés. Quant à l'URSS, elle a déjà des problèmes de désertions dans les contingents envoyés en Afghanistan, tirer sur les ouvriers de Pologne ne se ferait pas sans mal... Cet affaiblissement de l'armée bourgeoise, c'est le résultat de la formidable pression sociale qu'exerce la classe ouvrière quand elle lutte, quand elle fait entrevoir à l'humanité la possibilité d'une autre logique que celle qui fait aujourd'hui tourner ce monde à 1'envers.
Pour réprimer aujourd'hui la classe ouvrière en Pologne, il faut tenter de noyer cette lame de fond.
Le syndicat Solidarité est aujourd'hui pour l'Etat son atout majeur, pour la classe son pire danger. La nouvelle équipe dirigeante le place en première ligne de l'offensive anti-ouvrière.
La bourgeoisie peut tenter de prendre un autre visage. Mais elle ne peut pas céder sur des revendications qui sapent son économie et elle dit clairement, par la bouche du syndicat : plus de revendications économiques. D'AILLEURS, AVEC LES DIFFERENTES "CONCESSIONS" DE LA BOURGEOISIE, LA NEGOCIATION REUSSIE AVEC LES SYNDICATS PREVOIT DE NOUVELLES RESTRICTIONS SUR LA CONSOMMATION DE LA VIANDE ET DU SUCRE.
Or, justement, la classe ouvrière n'accepte toujours pas cette logique: rentable ou non, elle a exigé les samedis. Tant que l'économie peut produire des armes à la tonne, les ouvriers ne voient pas pourquoi ils devraient vivre dans la misère.
Solidarité, comme l'Etat en général, tend à présenter le problème et ses solutions sur le plan de la "distribution" de ce qui est disponible. La classe ouvrière pose le problème du BUT DE LA PRODUCTION ; le point de vue de la classe ouvrière n'est pas de répartir une misère imposée par des besoins qui lui sont étrangers, mais de produire en fonction de ses besoins, et de les satisfaire.
Or, justement, la classe ouvrière, jusqu'à présent a montré plus que de la méfiance vis à vis de la vision syndicale des négociations en bureau fermé par des délégués qui ne sont pas des délégués d'assemblées en lutte. A Bielsko Biala et à Jelenia Gora, elle a à nouveau montré que pour imposer sa volonté, il fallait se réorganiser en comités de grèves centralisés entre les différents secteurs.
De la force qu'ont eu ces réactions de la classe ouvrière en Pologne, c'est l'ensemble de la classe ouvrière mondiale qui doit en tirer la leçon, car ces problèmes ne sont pas "spécifiquement polonais". C'est la condition pour que la classe ouvrière affirme sa force et entrave la régression; c'est la condition pour approfondir la question qu'ont posé les ouvriers en Pologne : celle de la réorientation de la société vers la satisfaction des besoins humains. Elle ne peut se faire à l'échelle de la Pologne, mais à 1'échelle du monde.
Nous publions ci-dessous une lettre d’un de nos lecteurs à propos de la lutte de classe en Pologne.
Depuis 1905, la grève en masse, arme de lutte politique- est en Pologne une tradition bien enracinée. C'est à l'emploi de cette arme que le prolétariat polonais doit les premières brèches importantes ouvertes dans l'édifice tsariste. Aujourd'hui, dans la lutte historique du prolétariat moderne pour sa libération, la classe ouvrière polonaise occupe le tout premier rang et le prolétariat du monde entier se trouve poussé à comprendre son importance historique car, il livre en Pologne une de ces batailles décisives dans la lutte émancipatrice du prolétariat mondial.
En pleine crise économique et malgré la lourde menace de la répression militaire qui plane constamment sur lui, le prolétariat polonais continue de livrer une grandiose lutte, certainement une des sources les plus fécondes en enseignements qui se soient produites depuis des décennies. Il se bat seul pour sa propre existence ; il brandit très haut sa bannière ; il remet à l'honneur la pratique de la grève en masse propulsant dans l'action des centaines de milliers de protagonistes ; il a recours à l'assemblée générale renouant par là avec la pratique des organes de dualité de pouvoir. Les premières éruptions du prolétariat ne se sont pas terminées par une navrante défaite ; au contraire, elles auront encouragé les combattants à livrer de nouveaux assauts. Maintenant, le mouvement s'affronte à des forces infiniment plus puissantes matériellement, non plus Kania et l'Eglise apostolique romaine, mais le capitalisme mondial qui a trouvé en Walesa son plus efficace cheval de Troie.
Brutalement, les dernières flambées de grèves du prolétariat polonais sont venues confirmer qu'il n'y avait pas de quelconque socialisme en Pologne, mais une économie nationale soumise aux lois de la domination impérialiste du marché mondial. Qu'il n'existait pas â Varsovie un type d'Etat "ouvrier dégénéré", mais un appareil de domination policière, grand des intérêts généraux de la classe dominante, la bourgeoisie polonaise. Que, divisée économiquement pour l'exploitation des marchés et la conquête des indispensables débouchés, la bourgeoisie mondiale était tout comme en 1871 et en 1917, solidaire lorsqu'il s'agissait de réprimer les désordres sociaux par sa gendarmerie, et, de garantie â chacune de ses fractions nationales de la continuité du capitalisme par la ressource de ses coffres-forts. Qu'à cette franc- maçonnerie des brigands d'Est et d'Ouest, le prolétariat devait opposer sa propre solidarité internationale en s'inspirant des méthodes de Marx et d'Engels œuvrant à la constitution de 1'AIT en 1864 et, de l'effort des bolcheviks luttant pour la reformation de l'Internationale. Que toute lutte, voulue et vécue par le prolétariat freinait de manière conséquente les préparatifs militaires de la bourgeoisie en vue d'un troisième carnage impérialiste.
Quoi qu'obscurci par l'emprise religieuse et les ressentiments nationalistes qui subsistent dans une classe qui se relève de la plus tragique contre révolution de son histoire, le caractère fondamental du mouvement n'est en rien marqué par l'idéologie trade-unioniste. Bien plutôt, il constitue Un des maillons de la marche en avant du prolétariat qui se fraie la voie à travers une série d'avancées et de retraites car, seule classe révolutionnaire qui soit en même temps classe exploitée, il ne peut pas poursuivre son ascension sur une route rectiligne, à l'inverse de la bourgeoisie montante.
Les grèves conduites par le prolétariat polonais constituent une puissante réaction â la pression de plus en plus insupportable d'un capitalisme dominé par la crise. Ces grèves sont spontanées, en ce sens qu'elles réagissent immédiatement à une situation sociale donnée, qu'elles rendent coup pour coup dans la lutte. Elles permettent de développer les innombrables ressources et toutes les capacités créatrices du prolétariat. C'est un flot montant de réalisation des plus positives pour l'unification de la classe qui se produit en Pologne. rt dans cette mesure où s'est effectuée la plus large mobilisation et le regroupement du meilleur des forces prolétariennes, les machinations insensées des "jaunes" en vue de stopper le mouvement ont été étouffées dans l'oeuf, et les bouchers qui rêvent du sabre et du fusil pour noyer une fois pour toutes le mouvement dans un bain de sang doivent ronger leur frein. Par sa puissance, le mouvement a contraint les dirigeants à céder plus d'une fois sur leurs revendications : "Ce n'est pas l'emploi de la force physique, mais bien la résolution révolutionnaire des masses de ne pas se laisser effrayer, le cas échéant, dans leur action de grève par les conséquences les plus extrêmes de la lutte et de faire tous les sacrifices nécessaires qui confèrent à cette action une puissance si irrésistible qu'elle peut souvent amener dans un court laps de temps de notables victoires" (Rosa Luxembourg : "Grève de masse, partis et syndicats"). Telle est bien la situation en Pologne. Prêt à tout effort, disposé aux sacrifices les plus pénibles, le prolétariat se bat et, par cette lutte, il est devenu le facteur social le plus actif, celui qui tient entre ses mains la clé de la situation. Poussé S la lutte par Eine situation de crise, il agit sur les bases des lois de l'histoire qu'il plie sous sa volonté. Au niveau actuel de son développement conscient, le prolétariat est non seulement de taille à tenir tête à ses ennemis, mais aussi capable de les terrasser.
Luttant pour atteindre leur propre but, les ouvriers polonais ne se sont pas laissés entraîner à la remorque des dirigeants du KOR. A chaque élévation de leur conscience a correspondu une chute de l'autorité et de l'influence de Walesa. Ce que ce dernier désirait, c'était une grève prise d'avance dans les rets de la légalité ; une grève qui ressemble à une pieuse occupation d'usines durant laquelle brûleraient innocemment les cierges et l'encens de la "paix sociale". Après avoir cherché à échapper aux doucereux discours démobilisateurs du KOR, les prolétaires cessaient de s'organiser dans leurs propres organes centralisés.
Cette tâche est celle que doit se donner l'avant-garde des ouvriers qui, au cours de l'affrontement, ont acquis leur conscience de classe. Chaque fois que les ouvriers auront à agir en toute responsabilité par eux-mêmes, leur maturité et leur conscience se manifesteront toujours de manière spontanée. Depuis que les appareils syndicaux sont passés au service du capital, et rien qu'à lui, plus aucun pas réel n'a été franchi au travers de ces fausses grèves soigneusement préparées pour la défaite du prolétariat. A cet égard, Luxembourg a donné une opinion définitive et il suffit de confronter les surgissements de "grèves sauvages'' avec les actions légalistes, impuissantes, initiées par les centrales syndicales pour voir qu'un abîme les sépare. De longue date rompus à la politique de l'arbitrage et des négociations, les vieux syndicats se font les fourriers des défaites successives des luttes. Mais il est erroné d'assimiler tout organe centralisé du prolétariat à un syndicat qui, par voie de conséquence, serait néfaste aux intérêts des travailleurs. De même qu'est incorrecte l'opinion selon laquelle l'action spontanée se suffit à elle-même".
Au cours de la grève en masse, la classe ouvrière devient une totalité organique, une classe pour soi, animée d'une volonté commune pour le triomphe d'un objectif identique et général. Ainsi, les grèves polonaises ont offert et continuent d'offrir d’immenses possibilités pour une germination de la conscience de classe la plus élevée. Or, jusqu'ici, elles ne se sont pas transformées en lutte révolutionnaire, en affrontement direct avec l'appareil d'Etat. Aussi nécessaires qu'elles soient, ni l'assemblée générale, ni la grève en masse n'épuisent le problème. Elles ne forment que des moments de tout un processus qui, parti de la plus modeste grève, doit aboutir nécessairement à l'insurrection. Il ne fait pas de doute que la grève en masse et l'assemblée générale entraînent régulièrement dans la lutte des masses toujours plus grandes. De la sorte, elles conservent au mouvement son caractère de masse et lui assurent sa cohésion. Mais elles ne lui confèrent pas encore son contenu politique socialiste. En elles-mêmes, ni l'une, ni l'autre ne recèlent une vertu miraculeuse ; pour devenir la force motrice la plus puissante de la révolution, la manifestation de la lutte prolétarienne qui ne finit, pour ainsi dire qu'avec la prise du pouvoir, il leur faut ne pas se laisser détacher du but final.
Le socialisme ne jaillit pas de la lutte spontanée de la classe pour satisfaire ses propres intérêts quotidiens. Celui-ci ne peut naître que de l'accentuation des contradictions du capitalisme et de la prise de conscience, par la classe, que la révolution socialiste est indispensable. Alors, et alors seulement, chaque revendication particulière, chaque lutte partielle, chaque mot d'ordre limité peut prendre une signification révolutionnaire.
Mais, pour que la classe prolétarienne prenne conscience de ses intérêts socialistes, il faut qu'en elle s'exprime durant les heurts une force politique capable d'harmoniser l’activité pratique et immédiate avec le but final, pour parler comme Luxembourg. Ce noyau a comme fonction d'empêcher que le mouvement ne vienne se briser sur l'écueil qui est la perte de vue du but final, à accélérer le mouvement spontané en expliquant aux plus larges couches du prolétariat déjà en mouvement l'essence de sa lutte. Sa fonction ne consiste pas à se substituer à elles, qui luttent avec courage et abnégation, mais de coordonner chaque phase de la lutte à la somme entière du mouvement en ¡lui fournissant son orientation consciente.
Ici, en Pologne, cette organisation politique d'avant-garde apparaîtra à chaud plutôt comme l'émanation et la conséquence de la lutte que comme condition préalable au processus révolutionnaire. Ici encore, le parti révolutionnaire sera le produit historique de la lutte de classe, le résultat de grands actes créatifs de la lutte de la classe qui les expérimente, et non pas la machine à faire les révolutions dont rêvent les vulgarisateurs mécanistes.
Que les prolétaires en action deviennent conscients de leurs propres tâches et du chemin à suivre est aujourd'hui aussi indispensable historiquement pour le triomphe du socialisme que l'ignorance de ses mêmes tâches et voies était indispensable pour la survie de la bourgeoisie et la pérennité du capitalisme.
DI NEO 11/02/81
Les syndicats ont revêtu le bleu de travail et sont descendus à 1'usine. Faisant mine de réformer l'excessif bureaucratisme de leurs appareils, ils essaient de redéployer leurs tentacules sur le terrain du syndicalisme de base. De la sorte, ils s'adaptent aux nouvelles exigences que leur impose dans la situation actuelle leur rôle de gardiens de Tordre bourgeois dans les usines. Des exemples de cela, nous les trouvons accomplis dans la lutte de Longwy-Denain en France, dans la grève de l’acier en Angleterre et dans la grève de masse en Pologne.
Ces trois exemples sont les plus parlants pour souligner le caractère international de la lutte ouvrière et des problèmes qu'elle rencontre aujourd'hui.
A Longwy-Denain, la bourgeoisie française a tenté de mettre en place dans la sidérurgie un plan de 30 000 licenciements. Devant cette attaque, une violente réaction ouvrière s'est produite : dans les zones sidérurgiques des grèves et des manifestations de masse ont éclaté.
Comment la bourgeoisie française parvint-elle à freiner et à dévoyer momentanément cette grande lutte ?
Elle a employé la répression mais, et surtout, elle a usé d’une arme plus efficace : faire en sorte que les ouvriers soient DESORGANISES, DESUNIS ET SANS COORDINATION, les empêchant de former leurs organes d'unité et de décision souveraine : les ASSEMBLEES ET LES COMITES ELUS ET REVOCABLES. A cela, elle y est arrivée en poussant en avant le syndicalisme de base : elle a donné la liberté aux unions locales de se radicaliser et de regrouper dans leur sein les ouvriers les plus combatifs.
Par ailleurs, quand la combativité ouvrière commença à fléchir, les syndicats ont trouvé dans leurs organes ; de base un point d'appui pour réinstaller Tordre, organisant la démoralisation et la débandade des rangs ouvriers.
Dans le cas de la grève de l'acier, en Grande-Bretagne, les syndicats ont créé des comités de grève pour intégrer les ouvriers les plus combatifs et dominer la lutte. Ces comités se donnèrent des allures de radicalité et se dédièrent à la généralisation de la lutte en anticipant la combativité des ouvriers. En fait, et c'est là que nous pouvons voir comment agissent ces organes néo-syndicalistes de base, cette "généralisation", ils la limitèrent à la branche sidérurgique, ils la firent par le moyen des votes à bulletins secrets, collectes d'argent, etc...
En Pologne, alors que ce qui avait fait la force des luttes ouvrières l'été dernier, c'était le manque total d'illusions des ouvriers sur les syndicats officiels, la bourgeoisie est parvenue à faire passer la reconnaissance du nouveau syndicat "Solidarité" pour une victoire ouvrière. Sitôt mis en place, ce syndicat n’a pas tardé à jouer son rôle d'étouffoir de la lutte de classe. Le pompier Walesa parcoure la Pologne pour éteindre tout conflit qui risque de mettre le feu aux poudres.
En dévoyant la lutte sur des terrains légalistes, en soulignant la nécessité d’une modération de la lutte de classe, en menant des négociations secrètes, Solidarité à bien tiré les leçons du syndicalisme occidental.
Les expériences antérieures doivent guider notre compréhension des nouvelles manœuvres des syndicats pour noyer nos luttes.
Les bases du succès mystificateur du syndicalisme de base sont au nombre de trois :
Même relatif, le succès du syndicalisme de base est d'abord fait d'une faiblesse juvénile dans le regain de la lutte de classe. Il est fort d'un manque d'assurance encore sensible du prolétariat dans ses propres forces.
En dehors de situations de lutte de classe extrême, il est facile de se laisser enjôler par ces organes syndicaux qui revêtent l'apparence du "nouveau", du "plus démocratique", d’assurer une plus grande "participation", etc., par rapport aux vieux organes syndicaux déconsidérés, du style bonze.
Nous pourrions dire que le syndicalisme de base est au syndicat ce que ce dernier est au capitalisme : un amortisseur et un coupe-feu de la lutte ouvrière.
Face à la pression de la lutte, et pour ne pas en perdre le contrôle, les syndicats "assouplissent" leur discipline interne, laissant une certaine "liberté" à leurs organes de base qui sont ceux qui ont une relation directe à la lutte, leur donnant une marge d'action et davantage de possibilités de prendre des initiatives au niveau local, de l'entreprise et du secteur. Cela se traduit en "divergences" entre base et bureaucrates. Ces “divergences" constituent un ingrédient irremplaçable du syndicalisme de base, ils en sont un de ses piliers. Un de leurs objectifs est précisément de convertir n'importe quel affrontement entre ouvriers et syndicats en litige "interne" opposant base et sommet. Un peu comme dans les feuilletons américains de la TV, pleins de mauvais capitalistes et hommes politiques, mais nous laissant entendre que ce sont des exceptions, car il y en a aussi des bons et des intègres le syndicalisme de base nous présente les choses ainsi : le mal, c'est le sommet; ce qui est pur, c’est la base qui maintient l’"essence" du syndicalisme et rachète le tout.
Le jeu est clair : les organes syndicaux de base développent toute une série d’actions "radicales" auxquelles les directions "s’opposent de toutes leurs forces", mais les "tolèrent" parce que la démocratie, c’est la démocratie... Ça, c'est pour la galerie, la réalité est que les directions laissent faire "la base", tant que la lutte demeure globalement contrôlée par elles. Mais si il y a débordement, elles rétablissent l'ordre avec le recours aux bonnes vieilles calomnies de "provocateurs", "aventuristes", etc. ; elles attaquent la lutte ouvrière avec les organes de base en première ligne. Puis, dès que la lutte ouvrière commence à décliner, reviennent en force les directions syndicales
Cette radicalisation des syndicats par leur base, les syndicats ne la font pas, comme ça. Ils s'y voient contraints par la pression de la classe. Mais cela pourtant n'est pas pour nous dissuader de dénoncer les organes syndicaux de base. Cette dénonciation ne doit pas demeurer uniquement au plan du caractère syndical, telle qu'elle se fait parfois, de façon diffuse, mais s'attaquera à l'action de ces organes de base et à leurs fonctions. En rester au simple constat qu’ils naissent sous la pression ouvrière et que, par là même, ils méritent notre confiance parce qu'ils seraient une espèce de “premier pas", est une attitude totalement erronée qui, à terme, peut nous mener à la défaite. Le syndicalisme de base est une entrave de plus que fixe le capitalisme sur la voie des travailleurs, qu’il importe obligatoirement de surmonter. Nourrir l'illusion que notre pression peut nous rendre les syndicats favorables ou, du moins, neutres, est lourd de périls.
La fonction -et le rôle- des "Comités de grève" néo-syndicalistes anglais, de l'intersyndicale en France et de “Solidarité" en Pologne a été bien claire. Et ceux que remplissent les organes syndicaux de base sont similaires:
Cette orientation va de pair avec une idéologie corporatiste et nationaliste. Ainsi, par exemple, dans la lutte de la sidérurgie en Grande-Bretagne, l'extension du mouvement fut limitée au seul domaine privé et, à Longwy-Denain, toute la stratégie syndicale s'est dirigée à rendre responsables les ouvriers sidérurgistes allemands, “parce qu'ils produisaient à mei1leur marché" et "empêchaient que l'acier français se vende". Avec l’idéologie corporatiste, il n'y a qu'une seule voie de sortie : la défaite.
La situation actuelle du capitalisme, de crise permanente fait que l’unique manière de 1'affronter est de nous unir par-dessus les branches d'industrie et autres divisions que ¡nous impose la bourgeoisie. Les nombreuses expériences de luttes très combatives qui, pour ne pas s'être étendues, sont allées à la dérive, le confirment. Précisément, une des bases du syndicalisme de base consiste bel et bien à ne pas nous faire sortir du cadre de l'usine et de la branche d'industrie ou de la région.
Avec l'idéologie nationaliste, tout également, le syndicalisme de base, et le reste du capitalisme, veut nous faire avaler la couleuvre selon quoi il s'agit de nous opposer aux travailleurs des autres pays parce qu'ils seraient les vrais responsables de notre situation.
En Pologne, le refrain nationaliste chanté par Solidarité n'a qu'un seul but, enfermer les ouvriers sur le terrain national, faire croire que la solution à leurs problèmes est en Pologne et empêcher ainsi toute extension de la lutte par-delà les frontières.
Lorsque la lutte redescend, ces organes de base n'ont pas le moindre scrupule à céder la baguette de chef d’orchestre aux directions syndicales pour que celles-ci, en complicité avec le patronat et le gouvernement, fassent à leur guise. Par exemple, prenons la grève de la sidérurgie en Grande-Bretagne, où une fois la lutte retombée, se sont produits des centaines de licenciements en toute complaisance des syndicats, depuis les "directions bureaucratiques” jusqu'à la très "combative" base syndicale.
Il est très important par les temps actuels, à une époque où le moment décisif de l'affrontement capital-travail se rapproche, que nous puissions créer, à l'heure de la lutte, nos propres organes (Assemblées, comités élus et révocables par l'assemblée,)
Ces assemblées et ces comités, certes, ne sont pas en soi quelque chose dont le prolétariat devra se suffire, mais du moins c'est par eux que la classe se donne la possibilité de faire face aux attaques bourgeoises. En revanche, si le prolétariat â la faiblesse de croire dans le syndicalisme de base, il se coupe toute chance de gagner et assure la défaite.
(d'après “Acción Prolétaria", n°33).
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A l'heure où ces lignes sont écrites (samedi 28 mars), rien n'est tranché en Pologne. Les négociations entre Solidarité et le gouvernement sur les revendications mises en avant à la suite des violences policières de Bydgoszcz du 19 mars, se poursuivent sans qu'on puisse savoir avec certitude si elles vont aboutir à un compromis (ce qui semble cependant l'hypothèse la plus probable) ou à une rupture. Cependant, quel que soit le résultat de ces négociations, quelle que soit la suite des événements tant au niveau de l'attitude de la bourgeoisie que de la réponse de la classe ouvrière, l'évolution de la situation en Pologne jusqu'à aujourd'hui permet de mettre en évidence combien ce qui se passe dans ce pays n’est pas une péripétie locale mais trouve sa place dans un drame qui a le monde entier pour théâtre et comme protagonistes la bourgeoisie et le prolétariat de tous les pays.
S'il était encore besoin d'une preuve de la participation intensive des grandes puissances au maintien de l'ordre en Pologne, l'effervescence qui règne tant à Moscou que dans les principales capitales occidentales suffirait à ce rôle.
A Moscou, c'est â jets continus que l'Agence Tass et les autres institutions chargées de transmettre la pensée officielle dénoncent les "menaces" que font planer sur la Pologne "populaire et socialiste" les éléments "contre-révolutionnaires" du KOR et ceux qui tirent les ficelles de Solidarité. C'est de façon insistante que, depuis la capitale du "socialisme réel" et depuis les chefs «lieux de province de celui-ci, on réaffirme que la "communauté socialiste toute entière" est disposée à prêter main forte à la classe ouvrière de Pologne contre ces menaces. Pendant ce temps, à Bonn, Paris, Londres, Bruxelles, siège de l'OTAN, à Washington, on fait le plus grand cas des menaces "d'intervention extérieure" contre la Pologne et on réaffirme avec une belle unanimité que les pays occidentaux "tireraient toutes les conséquences" d'une telle "violation des accords d'Helsinki".
Est-ce-à dire que l'URSS s'apprête à envoyer les troupes du Pacte de Varsovie remettre de l'ordre en Pologne? Est-ce à dire que l'occident est prêt à employer tous les moyens à sa disposition pour empêcher une telle action?
Il est clair qu'une intervention massive des troupes du bloc de l'Est ne peut pas être exclue en toutes circonstances. L'événement n'est pas nouveau (Hongrie 56, Tchécoslovaquie 68) et on peut même affirmer que si les autorités polonaises étaient réellement menacées, elles seraient secourues et même éventuellement remplacées par les forces policières et militaires de l'URSS. Cependant, la situation présente est bien différente de celle de la Hongrie 56 ou de la Tchécoslovaquie en 68. Dans ces deux derniers cas, les autorités en place étaient en train de prendre leurs distances avec le bloc russe, ce qui n'est absolument pas le cas des autorités polonaises qui ne perdent pas une occasion d'affirmer leur fidélité à l'URSS. Par ailleurs, les événements de Hongrie et de Tchécoslovaquie étaient bien différents de ceux de Pologne, tant du point de vue de leur contenu que du point de vue du contexte dans lesquels ils prenaient place.
En effet, en Tchécoslovaquie, il n'y avait pas eu en 68 de mobilisation ouvrière autonome, ce qui garantissait une remise en ordre relativement facile puisqu'était exclue de la scène la seule force qui aurait pu opposer une réelle résistance à la répression. En Hongrie, la classe ouvrière était bien plus mobilisée, mais, d'une part, elle était considérablement mystifiée par le poison nationaliste et démocratique (cf. son appui à Imre Nagy) et, d'autre part, ce qui était en bonne partie la cause de ces mystifications, l'ensemble de la classe ouvrière européenne et mondiale était encore sous la botte de la contre-révolution, donc incapable de réagir au massacre des ouvriers hongrois.
Telle n'est pas la situation en Pologne où la plus grande lutte menée par le prolétariat depuis plus d'un demi- siècle prend place dans un contexte de reprise des luttes ouvrières â l'échelle mondiale, y compris dans les pays où la contre-révolution avait été le plus loin : ceux qui se prétendent "socialistes".
Une intervention des troupes du pacte de Varsovie en Pologne aujourd'hui se heurterait donc à bien plus de difficultés qu'en 56 ou en 68.
En premier lieu, une telle intervention devrait mobiliser au moins un million d'hommes (en 68, il y en avait 500.000 pour envahir un pays trois fois moins peuplé que la Pologne actuelle) qui seraient en partie retirés des avant-postes du bloc de l'Est face â l'occident (RDA, Tchécoslovaquie, Hongrie) ce qui affaiblirait d'autant, et pour une longue période, la capacité militaire d'un camp oriental déjà engagé en Afghanistan. Par ailleurs, la désorganisation qu'une arrivée des troupes des "pays frères" provoquerait dans l'économie du pays (la rumeur court que, en vue d'une telle éventualité, les mineurs de Silésie sont prêts à noyer leurs puits, que les ouvriers de Gdansk ont miné les chantiers navals) ainsi que dans les communications entre l'URSS et la RDA, serait un facteur supplémentaire d'affaiblissement du bloc de l'Est à une époque où s'exacerbent les tensions impérialistes. Mais le danger le plus grand couru par le capitalisme serait que l'intervention ne donne le signal â des luttes sociales massives dans les pays de l'Est et par contre coup également en occident.
EN D'AUTRES TERMES, CE QUE CRAINT A JUSTE TITRE LA BOURGEOISIE RUSSE, C'EST QUE SE GENERALISENT LES LUTTES OUVRIERES qui ont ces derniers temps secoue la Roumanie (été 80), la Tchécoslovaquie (Ostrawa en août 80), la RDA (automne 80, notamment à Magde- bourg) et même l'URSS (avril 80: Gorki et Togliattigrad; été 80: Vorkouta), que se reproduisent à une échelle bien plus vaste les mutineries qui ont secoué l'armée "rouge" dans la région de Kaboul l'année dernière.
Pour l'ensemble de ces raisons, les déclarations menaçantes de l'Agence Tass, de même que la publicité faite autour des présentes manœuvres du Pacte de Varsovie, si elles peuvent participer des préparatifs idéologiques d'une éventuelle intervention future ont bien plus pour fonction présente de dissuader de lutter les ouvriers de Pologne mais également ceux des autres pays du bloc oriental.
Et c'est dans cette manœuvre d'intimidation qu'intervient directement tout le remue-ménage provoqué dans les capitales occidentales et en premier lieu à Washington où vient d'être créé à grand renfort de publicité un "Etat-Major de crise" spécialement "chargé" de suivre la situation en Pologne. En effet, les menaces proférées par l'URSS, la Tchécoslovaquie, la RDA, et maintenant même par la Hongrie, n'ont pas beaucoup de succès auprès des ouvriers polonais, qui ont pris comme bonne habitude de ne pas croire un mot de la propagande officielle.
Par contre, dans la mesure où ils ont bien plus confiance dans les informations données par "Radio Europe Libre" et la BBC, ils risquent davantage de croire à cette menace si elle est évoquée avec insistance par l'occident. Le scénario qui avait déjà servi fin novembre 80 face à la mobilisation ouvrière contre l'arrestation de deux militants de "Solidarité" et dans lequel Carter avait multiplié les mises en garde à l'URSS contre toute velléité d'intervention se renouvelle donc aujourd'hui face â une nouvelle poussée prolétarienne avec comme chef d'orchestre Reagan et la participation beaucoup plus active des chœurs occidentaux.
Ainsi, face à la menace que représente pour le capitalisme mondial la persistance des luttes ouvrières en Pologne, les grandes puissances se partagent le travail : à l'URSS revient le rôle de "méchant croquemitaine", qui va sévir brutalement si on ne lui obéit pas, aux USA et à ses alliés le rôle du "gentil" qui distribue des vivres aux populations affamées (c'est un prêt de 10 milliards de dollars, soit presque la moitié de sa dette, que demande la Pologne aux occidentaux) pour que leur révolte n'aille pas trop loin et qui se charge de convaincre les ouvriers que leur intérêt est d'arrêter leur lutte.
Mais ce n'est pas seulement à l'échelle internationale que les divers secteurs de la bourgeoisie se partagent le travail. C'est également à l'intérieur que s'opère une telle distribution des rôles.
Nous avons souvent analysé dans notre presse de quelle façon dans les pays occidentaux les divers secteurs de la bourgeoisie se partagent le travail pour faire payer au prix fort la crise aux exploités. La droite au gouvernement se charge de mener directement l'offensive anti-ouvrière, la gauche dans l'opposition manœuvre pour immobiliser le prolétariat face à cette attaque.
En Pologne, la bourgeoisie a repris à son compte cette politique : au PGUP (qui, par la haine que lui portent les ouvriers et par les privilèges que se partagent ses dirigeants, est comparable à la droite de l'occident) revient le rôle de mettre en œuvre une austérité sans précédents, de conduire la répression, à “Solidarité" revient celui de canaliser et de contenir le mécontentement ouvrier.
Il est clair que l'analogie entre ce qui se passe en Pologne et ce qui se passe en occident ne peut pas être poussée dans tous les détails. Par exemple, c'est une ironie de l'histoire qui attribue à un parti "ouvrier" I et "communiste" les habits de la "droite" alors que ceux de la "gauche" sont portés par une organisation dirigée par un Walesa ,ami intime du cardinal primat d’une des églises les plus conservatrices du monde. Plus généralement, si les pays occidentaux avancés s'accommodent fort bien d'un partage des tâches entre des forces politiques au gouvernement et des forces politiques dans l'opposition, partage auquel ils ont été préparés par des décennies de fonctionnement des mécanismes "démocratiques" au sein duquel s'est épanoui leur développement capitaliste, les pays d'Europe de l'Est, comme d'ailleurs l'ensemble des pays au capitalisme faible, ou tardif, éprouvent par contre les plus grandes difficultés à mettre en place un tel jeu.
En Pologne, la poussée de la classe ouvrière a contraint les équipes gouvernementales d’accepter l'existence d'une opposition, mais les soubresauts auxquels on a assisté depuis le mois d'août, notamment les règlements de compte et les divisions au sein du POUP illustrent bien avec quelle difficulté un régime où règne le capitalisme d'Etat sous sa forme la plus achevée s'accommode mal des formules politiques en vigueur dans les pays occidentaux.
Ce n'est "qu'à chaud" que cette politique a pu s'imposer, ce qui en réduit l'efficacité face à la lutte de classe, comme on peut le voir aujourd’hui.
Cependant, malgré toutes les différences pouvant exister entre les situations qui prévalent dans les diverses régions du monde, c'est bien un même type de politique qui est mis en œuvre par la bourgeoisie là où une classe ouvrière concentrée secoue, face à la crise, le joug de l'exploitation ou s'apprête à le faire. Ainsi, il ne faudrait pas surestimer les divisions existant à l'heure actuelle au sein de l'équipe dirigeante en Pologne ou entre celle-ci et celle de Moscou. Si de telles différences peuvent se manifester entre, d'un côté une bourgeoisie nationale d'abord préoccupée par les problèmes qu'elle affronte â l'échelle de sa zone d'influence et le chef de file du bloc qui doit prendre en compte les problèmes qui se posent à l'échelle de la sienne (de telles différences se manifestent également aujourd'hui entre les USA et la RFA), si elles se manifestent également au sein même des équipes gouvernementales (comme en France entre Chirac et Giscard), c'est plus d'un partage des tâches qu'il s'agit que d'une réelle division.
En Pologne, il existe bien peu de différences entre le "dur" Olszewski (un ancien "libéral") et les "modérés" Jaruzelski et Kania (respectivement chef de l'armée et responsable des forces de répression depuis une dizaine d'années).
En réalité, face à la nécessité pour le gouvernement polonais, à la fois de lancer des "ballons d'essai" en vue d'intensifier la répression et à la fois de négocier quand la riposte ouvrière est trop forte, ces deux tendances prennent tour à tour le devant de la scène quand c'est l'une ou l'autre tâche qui est d'actualité. De même, les désaccords qu'on se plait à souligner entre Moscou et Varsovie (on a fait beaucoup de publicité sur la semonce qu'auraient reçue â Moscou les dirigeants polonais à la suite du 26ème congrès du PCUS) ont surtout comme fonction d'accréditer l'idée que ce n'est pas de gaîté de cœur que l'équipe gouvernante polonaise "renverse le cours des événements", mais qu'elle y est contrainte et forcée par le "grand frère" : il est donc inutile que Tes ouvriers polonais tentent de s'opposer sur place à une politique qui vient d'ailleurs.
Mais, comme en Occident, c'est fonda mentalement entre les forces gouvernementales et les forces d'opposition qu'existe la division du travail contre les luttes ouvrières. Cela fait déjà des mois que le syndicat "Solidarité", notamment grâce aux déplacements incessants de son président Walesa, joue, en s'appuyant sur la confiance qu'il conserve auprès des ouvriers, le rôle de pompier de l'ordre social. Il y a moins de deux semaines, c'est avec un certain cynisme que Walesa avait dit tout de go aux ouvriers d'Ursus prêts à faire grève : "Bon, tout le monde le sait... je suis venu ici pour arrêter la grève". Au cours de la crise présente, on a pu constater également avec quelle habileté la commission nationale de "Solidarité", à la suite de son président, et malgré la réticence des délégués venant des secteurs les plus combatifs, a réussi à reporter d'une semaine l'éventuelle grève générale illimitée que la majorité des travailleurs était prête à engager immédiatement après les violences policières de Bydgoszcz. Ce délai laissait le temps aux autorités de préparer une réponse appropriée à la mobilisation prolétarienne, de même qu'il avait le "mérite" de laisser retomber un peu la colère, des ouvriers que “Solidarité" a pris soin de laisser s'exprimer par la grève de 4 heures du 91 mars.
Comme en Occident également, la politique de sabotage des luttes par les syndicats, qui trouve sa meilleure expression dans les appels â la défense de "l'économie nationale" aussi chère à un Séguy qu'à un Walesa qui ne cesse de proclamer qu1"un polonais peut toujours s'entendre avec un autre polonais", a besoin pour être efficace de discours radicaux. Et Walesa ne s'en prive pas quand ils n'engagent rien de concret. Ainsi aux mêmes ouvriers d'Ursus qu'il avait démobilisés quelques jours avant, il déclare le 27 mars, pendant la "grève d'avertissement" : "Solidarité est fermement décidé à lutter jusqu'au bout... si nous reculons aujourd'hui, nous en reviendrons rapidement à ce qu'il y avait auparavant nous ne voulons pas de retour en arrière". De même, c'est la radio et la télévision officielles qui ont permis à Walesa de se refaire une image radicale, qui lui sera indispensable plus tard pour calmer les ouvriers, en retransmettant sa déclaration â la première séance de négociation le 25 mars dans laquelle on l'entend dire : "Nous ne reculerons pas. Nous allons attendre que nos demandes soient satisfaites... Nous n’avons pas d'autre choix."
Ainsi, parfaitement consciente de l'utilité d'une image "radicale" pour ‘Solidarité’ les autorités polonaises ne lésinent pas sur les moyens, comme d'ailleurs les autorités de l'URSS, dont les dénonciations du syndicat polonais et de son leader sont les bienvenues pour renforcer cette image.
C'est, comme nous l'écrivions dans la "Revue Internationale" du CCI n°25, "de façon mondiale que la bourgeoisie fourbit son offensive. Cette classe a tiré les leçons du passé. Elle sait que, face au danger prolétarien, elle doit faire preuve d'unité et de coordination de son action, même si celle-ci passe par un partage des tâches entre différentes fractions de son appareil politique. Pour la classe ouvrière, la seule issue réside dans le refus de se laisser piéger par les chausse-trappes que lui tend la classe dominante, et d’opposer sa propre offensive de classe à l'offensive bourgeoise :
Plus que jamais est à l'ordre du jour le vieux mot d'ordre du mouvement ouvrier:
"PROLETAIRES DE TOUS LES PAYS, UNISSEZ-VOUS !".
F. M.
C'est au moment de la lutte des sidérurgistes de Denain et Longwy que le syndicat des métaux de Dunkerque va dissoudre la section CFDT d'Usinor et exclure une dizaine de militants. Cette mesure avait pour but d'éliminer quelques militants un peu trop indépendants et critiques à l'égard des options de la direction syndicale. A l'époque, la CFDT comme la CGT avait eu peur d'une extension de la lutte à Usinor-Dunkerque et avait préféré liquider des militants peu sûrs et peu contrôlables, certes liés à la tradition gauchiste mais n'appartenant pas au courant trotskyste. Une fois la lutte retombée, ces militants, loin de tirer la leçon de leur travail syndical ont cru bon mettre I profit les divergences et les rivalités d'appareil entre la CFDT et la CGT d'Usinor en adhérant à ce dernier syndicat afin d’y former ce qu'il faut nommer une fraction politique. 11 faut ajouter que la CGT connaissait des difficultés internes et il est tout à fait probable qu'une frange de l'appareil CGT était prête â ce moment-là à utiliser nos braves syndicalistes "de base" pour mener leurs propres magouilles bureaucratiques...
Aujourd'hui, jouant 1'écoeurement et l'impossibilité de faire un "vrai" travail syndical dans la CGT, les mêmes militants plus quelques autres qui étaient restés en dehors de la CGT, influencés par les thèses anarcho-syndicalistes, ont décidé de créer le "syndicat de lutte des travailleurs"
Le nouveau syndicat précise qu'il est : "pour la démocratie directe, c'est-à-dire pour que tous les travailleurs en grève élisent eux-mêmes parmi eux des délégués de lutte qui se coordonnent en comités de grève réunis en Assemblée générale. L'assemblée générale des travailleurs grévistes ayant tous les pouvoirs de décision sur la conduite de la grève et aussi de changer les délégués de lutte qui ne feraient pas ce qui a été décidé."
Dans ces conditions, la première question qu'on peut se poser est POURQUOI un syndicat ?
Nous ne présumerons pas de la sincérité de ces militants, de leur volonté de "lutter", mais une telle initiative va a l'encontre de la véritable dynamique des luttes ouvrières.
Bien au contraire, ce syndicat d'usine qui se réclame de la "démocratie directe" ne peut que rendre plus difficile l’émergence d'organes unitaires de lutte, de comités de grève élus et révocables, d'assemblées générales, etc...
Se proclamant de fait les “véritables représentants des intérêts immédiats des travailleurs", ces syndicalistes de “base" rééditent les vieux mensonges et les vieilles illusions entretenues justement par les syndicats qu'ils viennent de quitter. Les premières revendications mises en avant montrent à l'évidence que le SLT est bien dans la continuité du syndicalisme : localisme, usinisme, économisme. Ainsi, la revendication de l'arrêt de la sous-traitance des travaux faits à Usinor est typique des revendications syndicales : elle tend à opposer les intérêts des ouvriers d'Usinor à ceux des entreprises sous-traitantes. La lutte contre les licenciements ne peut passer par la défense du corporatisme d'entreprise.
On ne crée par artificiellement des structures de défense des intérêts prolétariens, indépendamment de la lutte, du degré de conscience et d'organisation autonome de la classe ouvrière.
Par ailleurs, toutes les luttes récentes démontrent que le contenu et la forme syndicaliste ne correspondent plus aux besoins de la lutte de la classe ouvrière. Depuis dix ans, tous les syndicats "autonomes" ou "de base" ont été rapidement récupérés par les appareils officiels ou ont dégénéré en de petites sectes gauchisantes localiste vivotant dans une ou deux usines. Un organe unitaire de classe implique l'existence d'un haut niveau de lutte et la rupture avec les syndicats, cela ne peut pas être un cercle de militants gauchisants agissant à leur petite échelle comme n'importe quel autre syndicaliste du PC ou du PS.
Si elle subsiste, cette structure ne peut que devenir un panier de crabe déboussolant encore un peu plus ceux qui veulent se battre contre les syndicats "officiels" et renouer avec les positions révolutionnaires. C'est pourquoi nous ne pouvons que dénoncer une telle démarche néfaste aussi bien sur le plan de la lutte immédiate que sur le plan du travail politique révolutionnaire. Sur leur lieu de travail, les communistes ne peuvent perpétuer l'idée et la pratique qui consistent à se présenter comme le représentant, le défenseur, l'organisateur des ouvriers du rang, qui seraient par nature incapables de prendre leurs destinées en main. Les communistes révolutionnaires doivent combattre tous les aspirants bureaucrates qui flattent la passivité ouvrière parce qu'ils en vivent politiquement ! La rupture avec le syndicalisme c'est la rupture avec l'idéologie contre-révolutionnaire qui présente la classe ouvrière comme une classe impuissante, incapable de s'organiser spontanément dans sa lutte ! Mais si le prolétariat n'était pas capable de cela, pourquoi la bourgeoisie aurait-elle besoin de tous ses gardes - chiourmes syndicaux et de tous ses valets staliniens, socialistes et gauchistes ?
Nous publions ci-dessous des extraits d’une lettre d’une lectrice qui relate une expérience de contact avec l'organisation Lutte Ouvrière et qui s'attache à analyser le rôle de LO par rapport à la politique actuelle du PCF.
Outre la dénonciation de pratiques d'organisation vides de toute discussion, visant à faire des "militants" des pions disciplinés et passifs, la lettre illustre surtout comment, par cette "pratique", une telle organisation fait en sorte que des individus qui "ont compris que la solution aux problèmes qu'ils se posent ne se trouve pas au PC, mais sans savoir pourquoi", "ne le sachent jamais".
La politique d'une organisation comme LO ne vise qu'à enrayer la clarification des intérêts de la classe ouvrière, à empêcher que la "méfiance" et le plus souvent le désintérêt général que rencontrent les soi-disant partis et syndicats "ouvriers", de la part de ceux qu'ils prétendent "défendre", "organiser", "diriger" -les ouvriers- ne puissent déboucher sur la compréhension que ces partis et syndicats font partie intégrante, sont un pilier fondamental, de l'ordre capitaliste.
Leur méthode organisationnelle et leurs attitudes dans leurs rapports avec leurs "sympathisants" que décrit la première partie de la lettre, sont la traduction pratique de leur rôle social et politique.
Les tâches que se donne une organisation politique déterminent sa structure interne, et les structures bureaucratiques et manœuvrières des organisations gauchistes ne font que révéler les tâches contre-révolutionnaires de ces organisations.
Comme le montre la lettre sur la question des immigrés, dans l’appui critique de LO au PC, si la "critique" n'est que de la phraséologie et du vent, l’"appui" est par contre bien réel en pratique :
Cette attitude n'est pas nouvelle ; elle fonde au niveau théorique sa légitimité "révolutionnaire" par la référence à Trotsky -notamment ses positions dans les années 30 prônant des tactiques d'appui aux partis "ouvriers" jusqu'à faire entrer les militants dans la Social-Démocratie. Nous ne développerons pas ces questions ici ; disons simplement que ces tactiques lamentables de l’opposition de Trotsky amenèrent ce courant au naufrage et au passage définitif dans le camp de la contre-révolution, avec, entre autres, l'appui au gouvernement républicain en Espagne en 1936 puis l'appui et la participation à la deuxième guerre mondiale dans un des camps impérialistes.
Mais si au début des années 30, dans la confusion régnante, ces positions pouvaient être considérées comme un “naufrage" d’un courant encore ouvrier, aujourd’hui, le bavardage qui tient lieu de théorie à des organisations comme LO ne sert qu'à couvrir leur tâche véritable de dévoiement de la combativité ouvrière. Pour mener à bien cette tâche, LO comme ses organisations sœurs, happe les individus dans l'activité sur "la boite". Ce "militantisme" n'a pour fonction que de donner l’illusion de “faire quelque chose" et d'épuiser les énergies qui peuvent surgir.
Depuis la reprise prolétarienne internationale de la fin des années 60, l'activité de ce type d'organisations parmi les ouvriers a eu pour conséquence de dégoûter de toute politique des centaines d'individus, d'embrouiller et d'entraver la compréhension et l'activité dans la lutte de la classe ouvrière.
Le prolétariat, pour mener à bien sa lutte pour la révolution communiste, devra se débarrasser des scories de la contre-révolution dont le trotskysme fait partie.
En 1917-19, les conseils ouvriers avaient pris le pouvoir en Russie, et ils étaient en train de s'étendre dans toute l'Allemagne. Mais en 1921, ces espoirs avaient été sapés par toute une série de défaites en Allemagne, Hongrie, Italie, Grande-Bretagne, et ailleurs.
Les grèves de masses et les soulèvements n'avaient pas réussi à créer une autre avancée de pouvoir des ouvriers qui aurait pu venir en aide aux conseils de Russie. Pendant ce temps, le pouvoir des conseils en Russie, isolé, était ébranlé par la guerre civile, la famine et le désastre économique. Dans ces conditions, la vie des conseils ouvriers commença à refluer et le pouvoir devint de plus en plus concentré dans la machine étatique. Le parti bolchevik, qui en 1917 avait appelé à "tout le pouvoir aux soviets" s'empêtrait dans cet appareil de plus en plus bureaucratique qui réduisait les conseils à de simples bureaux d'enregistrement de la politique de l'Etat.
En mars 1921, faisant suite à une série de grèves dans d'autres régions du pays, éclate une révolte des ouvriers et des marins de Kronstadt, qui demande : "Je pouvoir aux soviets, la liberté de mener une agitation politique, la libération des prisonniers politiques de la classe ouvrière, 1'expulsion de la police hors des Usines, et sur le front économique, ils demandent un relâchement de 1'emprise étatique rigide de la période d'économie de guerre." A ce mouvement," l’"Etat ouvrier" répondit par l'envoi de l'armée rouge contre "ce complot de la réaction blanche". Des milliers d'ouvriers furent massacrés, arrêtés, déportés.
Dans cet article, nous ne pourrons pas rentrer dans le détail des événements de Kronstadt. Nous l'avons déjà fait dans la Revue Internationale N°3 [35]. Nous voulons plutôt parler des nombreuses interprétations fausses de la révolte de Kronstadt, et voir ce que ces événements peuvent nous enseigner pour la révolution de demain.
Puisque nous vivons sous le règne de la "démocratie libérale occidentale", commençons par l'explication classique de la révolte des "libéraux". La vision libérale est que Kronstadt fut la première d'une longue série de révoltes du "peuple" contre le "communisme totalitaire", série qui va jusqu'au soulèvement hongrois en 56 et à la Pologne aujourd'hui.
Le but de cette vision n'est pas de prouver que les surgissements populaires sont une bonne chose, mais de MONTRER QUE LE MARXISME MENE TOUJOURS AU STALINISME, que le parti bolchevik de 1917-21 était de la même veine que les partis communistes actuels, et surtout, QUE LES REVOLUTIONS NE PEUVENT ABOUTIR QU'A UNE CHOSE : LE REMPLACEMENT D'UNE DICTATURE PAR UNE NOUVELLE, souvent pire. Le message des libéraux, qui peuvent afficher une sympathie empreinte de pitié, est essentiellement celui-là. QUELS QUE SOIENT LES MAUX DONT VOUS SOUFFREZ, UNE REVOLUTION NE PEUT QU'EMPIRER LES CHOSES.
Cette vision, que l'on retrouve dans les manuels d'histoire, s'appuie sur un dogme religieux : l'humanité est si dépravée qu'elle ne peut espérer se libérer par ses propres efforts. Elle rejette l'idée qu'il soit possible d'expliquer le succès ou 1'échec des révolutions passées d'après les conditions historiques dans lesquelles elles se trouvaient. Pour elle, le massacre de Kronstadt ne fut pas le RESULTAT DE L'ISOLEMENT DE LA REVOLUTION RUSSE, LA CONSEQUENCE DU FAIT QUE LA DEMOCRATIE OUVRIERE SUFFOQUAIT, ET DES ERREURS POLITIQUES DU PARTI BOLCHEVIK, en particulier celle qui consistait à penser que le parti devait exercer le pouvoir à la place de la classe, et contre elle si nécessaire.
Trotsky disait que "l'anarchisme, c'est du libéralisme, sans la police."
Et, très certainement, les anarchistes, qui revendiquent Kronstadt comme LEUR révolte, leur preuve irréfutable contre le "marxisme", le "léninisme" et le "communisme autoritaire", parlent de Kronstadt dans des termes qui ne sont pas si différents de ceux des libéraux.
Pour eux, le fait que ce soit le parti bolchevik qui contrôlait l'Etat qui a écrasé Kronstadt est la preuve que tous les partis marxistes sont essentiellement répressifs, que toutes les dictatures (des ouvriers ou d'autres) sont moralement mauvaises, et que l'Etat est une chose qu'il faut éviter à tout prix. COMME LES LIBERAUX LES ANARCHISTES GEIGNENT : VOUS VOYEZ, VOILA OU CONDUIT LE MARXISME.
Bien sûr, ils ne disent pas, comme les libéraux : ne faites pas la révolution. Mais ce qu'ils disent, c'est : faites une révolution sur une base fédérale, anti-étatique. En d'autres termes : FAITES UNE REVOLUTION QUI EST PERDUE D'AVANCE. Le fédéralisme n'est d'aucune utilité à la révolution prolétarienne, parce qu'elle doit établir L'AFFIRMATION CENTRALISEE DE SA PUISSANCE POUR BATTRE UN ENNEMI QUI, LUI, EST HAUTEMENT CENTRALISE.
L'anti-étatisme abstrait de l'anarchisme n'est pas plus utile. Si l'Etat de la période de transition du capitalisme au communisme sera un "mal nécessaire", il sera cependant nécessaire aussi longtemps que la société comportera encore des divisions en classes. Et quand les anarchistes demandent aux ouvriers de faire une révolution sans théorie marxiste et sans parti marxiste, ils demandent aux ouvriers de faire une révolution sans clarté politique, sans méthode et sans organisation pour mieux cerner les buts et les moyens de la révolution.
Et, comme les libéraux, LES ANARCHISTES MONTRENT PEU D'INTERET POUR L'ANALYSE DES TRANSFORMATIONS MATERIELLES REELLES QUI ONT RENDU LA REVOLTE DE KRONSTADT POSSIBLE: expliquer comment le pouvoir des conseils a décliné et comment le parti bolchevik a dégénéré. Occupés à prouver que le bolchevisme a toujours été contre-révolutionnaire, ils expliquent l'intransigeance de la défense du pouvoir des conseils par les bolcheviks en 17 comme une conspiration: ce n'était qu'une tactique des bolcheviks pour accéder eux-mêmes au pouvoir. Et pourquoi faisaient-ils cela? Parce que tous les partis se conduisent ainsi: Nous revenons à l'argument du péché originel, attribué cette fois aux seuls partis. Naturellement, les anarchistes N'ONT JAMAIS TENTE D'EXPLIQUER POURQUOI C'EST L'ENSEMBLE DE LA CLASSE OUVRIERE D'ALORS, et pas seulement le parti bolchevik, QUI PENSAIT QUE C'ETAIT LE PARTI QUI AVAIT LA TACHE DE PRENDRE LE POUVOIR. Ils ne parlent pas des effets corrosifs qu'a eu sur le mouvement ouvrier la période social-démocrate, qui a conduit les ouvriers à penser que les conseils devaient fonctionner comme des parlements bourgeois. Ils ignorent
aussi qu'en 1921, un parti MARXISTE, le parti communiste ouvrier d'Allemagne (KAPD) avait déjà commencé à mettre en question cette vision, insistant sur le fait que le pouvoir devait être exercé DIRECTEMENT par les conseils et non délégué à un parti.
Les anarchistes ne voient pas que c'est 1'isolement de la révolution, et la baisse de l'activité de la classe qui en a suivi, qui a permis aux erreurs des bolcheviks d'être aussi fatales. On peut penser que si la révolution s’était étendue et épanouie, ces erreurs auraient pu être clarifiées et dépassées par le mouvement prolétarien international.
Tous ceux qui voient la révolte de Kronstadt comme le produit inévitable du bolchévisme s'Stent toute possibilité d'apprendre quelque-chose de ces événements. Kronstadt fut une tragédie parce QU'ELLE SE SITUAIT A L'INTERIEUR DU CAMP PROLETARIEN. Une des principales leçons à garder de Kronstadt est QU'UN PARTI DE LA CLASSE OUVRIERE NE DEVRA PLUS JAMAIS SE RETROUVER DANS UNE SITUATION OU IL PUISSE PENSER QUE LA SEULE FACON DE DEFENDRE LA REVOLUTION SOIT DE MASSACRER UNE PARTIE DES SECTEURS LES PLUS COMBATIFS DE LA CLASSE QU'IL DEFEND.
Ensuite, il y a ceux, -la majorité de la soi-disant "gauche"- qui applaudissent carrément à ce qu'ont fait les bolcheviks en 1921 à Kronstadt.
Il y a les staliniens, flanqués de trotskystes jusqu'au-boutistes de la défense de l'URSS (comme la Ligue Spartakiste) qui se contentent de répéter les calomnies du gouvernement de l'époque : la rébellion de Kronstadt n'était qu'un complot de russes blancs et cette racaille n’a eu que ce qu'elle méritait. Et ils ne cachent pas qu'ils sont prêts à recommencer demain.
La plupart des trotskystes sont beaucoup plus subtils. L'argument des russes blancs étant trop grossier, ils vous diront que la révolte de Kronstadt était une révolte de PAYSANS contre les rigueurs de l'économie de guerre et donc "OBJECTIVEMENT" contre- révolutionnaire. Certains peuvent même aller jusqu'à vous confesser que les marins et les ouvriers de Kronstadt ETAIENT des marins et des ouvriers, et que c'était une révolte ouvrière. Mais enfin, c’était une "tragique nécessité" Pourquoi? Parce que, si les bolcheviks avaient perdu le contrôle de l'Etat, ils auraient été remplacés par quelque- chose de pire.
Les bolcheviks ont écrasé la révolte de Kronstadt, et pourtant, ils ont été balayés par quelque chose de mille fois PIRE : le stalinisme, le pouvoir absolu de la bureaucratie capitaliste d'Etat. En fait, en écrasant les efforts des ouvriers pour régénérer les conseils, les bolcheviks PREPARAIENT LA VOIE au stalinisme. Ils aidaient à accélérer un processus contre-révolutionnaire qui devait avoir plus de conséquences tragiques pour la classe ouvrière que toutes les "réactions blanches". Si les généraux tsaristes étaient revenus au pouvoir, l'issue aurait été plus claire comme cela a été le cas après la Commune de Paris, où tout le monde pouvait voir que les ouvriers avaient perdu et le capitalisme gagné. Mais le plus terrible de la défaite en Russie fut que la contre-révolution triompha et PRIT LE NOM DU SOCIALISME.
L'idée que le stalinisme est un exemple de socialisme, un produit direct de la révolution d'octobre devait semer une confusion et une démoralisation profonde dans la classe ouvrière du monde entier. Nous vivons encore les conséquences de cette hideuse distorsion de la réalité : un désenchantement profond et généralisé pour l'idée d'une révolution communiste.
Un argument de ce type ferait probablement bondir tout trotskyste "orthodoxe" pour qui les régimes staliniens sont des "Etats ouvriers", certes avec une "déformation bureaucratique", mais qui ont nationalisé une large part de l'économie. De ce fait, ils valent sûrement mieux qu'une réaction blanche. Pour que l'Etat stalinien garde son contrôle sur l'économie russe, les trotskystes pensent que le sacrifice de millions de vies ouvrières valait la peine. Et pas seulement les morts de Kronstadt, mais aussi tous ceux qui sont restés dans les purges et les camps de travail staliniens, et les millions supplémentaires de morts pour la défense du soit disant "Etat ouvrier" dans la seconde guerre mondiale. Tout cela montre bien que le trotskysme est bien le petit frère du stalinisme, et qu'il a eu sa part dans la déroute des idées du socialisme et de la révolution ouvrière.
Certains trotskystes reconnaissent aujourd'hui que la Russie est devenue capitaliste d'Etat avec la période stalinienne. Mais ils continuent à dire, avec un tremblement dans la voix, que l'écrasement était un "mal nécessaire". Si la Russie est de toute façon revenue au capitalisme, qu'a donc sauvé l'action sanglante des bolcheviks? La seule façon d'expliquer cette théorie apparemment inconsistante est de voir qu'ils partagent avec les autres variantes staliniennes et trotskystes une même conception de la classe ouvrière : dans aucun cas, on ne peut faire confiance à la classe pour se gouverner elle-même. Il faut que le parti lui apporte le socialisme. L'appel des insurgés de Kronstadt : "Le pouvoir aux conseils, pas au parti" doit effectivement résonner â leurs oreilles comme un blasphème.
C'EST LA VISION BOURGEOISE DE LA CLASSE OUVRIERE. ELLE NE CONSIDERE PAS LA CLASSE OUVRIERE COMME LA CLASSE QUI PORTE LE COMMUNISME, COMME LE FONT LES REVOLUTIONNAIRES. ELLE VOIT LA CLASSE COMME UN TROUPEAU D'IDIOTS DESORDONNES, PEU DIGNES DE CONFIANCE ET INCULTES, QU'ON DOIT DIRIGER A COUPS DE PIEDS DANS LE DROIT CHEMIN SI ON VEUT EN TIRER QUELQUE CHOSE DE BON.
On peut nous objecter que la prochaine révolution sera différente de la première et qu'il n'y aura pas de répétition de la débâcle de Kronstadt.
Il est vrai que dans la vague révolutionnaire à venir la question que le parti prenne le pouvoir à la place de la classe ne se posera peut-être pas de façon aussi sérieuse. L'expérience des partis politiques que les ouvriers ont accumulée depuis la révolution russe, et les leçons tirées par les révolutionnaires eux-mêmes engendreront une méfiance extrême à l'égard de toute délégation au pouvoir des ouvriers â une quelconque minorité politique.
Mais cela ne veut pas dire que la mentalité substitutioniste qui s'est manifestée dans la réponse des bolcheviks à Kronstadt ne sera plus un danger dans la révolution à venir. La MENTALITE SUBSTITUTIONISTE EST BASEE SUR UN MANQUE DE CONVICTION SUR LES CAPACITES REVOLUTIONNAIRES DE LA CLASSE, et elle tend à réapparaître CHAQUE FOIS QUE LA CLASSE S'AFFAIBLIT OU RECULE. Chaque fois que la révolution semble s'immobiliser, que des secteurs de la classe perdent de vue ce pour quoi ils se battent, chaque fois que l'enthousiasme révolutionnaire semble déserter la majorité des ouvriers, chaque fois, l’idée ressurgira que le socialisme doit être imposé aux ouvriers qu'ils le comprennent ou non. Même si le parti lui-même évite de tomber dans ce travers et continue à le combattre, cette tendance peut très bien se manifester dans 1'APPAREIL D'ETAT -chez les administrateurs et les militaires provisoirement nécessaires, Ces éléments -bureaucrates potentiels- tendront à voir la révolution comme un problème de décrets étatiques et de plans â respecter, et ils ne seront pas en mesure de manifester beaucoup de patience pour les hauts et les bas de la conscience et de la créativité de la classe ouvrière.
Aussi, bien qu’il puisse y avoir moins de danger que le parti se substitue à la classe dans la prochaine révolution, l'autre leçon fondamentale de Kronstadt reste plus actuelle que jamais : NE TOLERER SOUS AUCUN PRETEXTE QUE L'ETAT SE SUBSTITUE AUX CONSEILS OUVRIERS ; S'ASSURER TOUJOURS QUE L'ETAT EST CONTROLE, SUPERVISE, ET DIRIGE PAR LES CONSEILS OUVRIERS.
Mais la théorie substitutioniste peut très bien aussi montrer le nez dans les CONSEILS OUVRIERS. A certains moments difficiles, certains secteurs de la classe, combatifs mais impatients, peuvent faire l'erreur de FORCER leurs frères de classe, plus hésitants, à les suivre, en utilisant l'exemple de la force plutôt que la force de l'exemple. Là encore, l'expérience de Kronstadt a beaucoup à nous apprendre. L'utilisation de la violence pour régler les conflits entre les secteurs de la classe ouvrière NE RENFORCE JAMAIS L'UNITE ET LA CONSCIENCE DE LA CLASSE. Au contraire, elle ne fait que semer la haine, la méfiance, la division et le découragement.
Quand les bolcheviks ont tiré sur les ouvriers de Kronstadt, ils n'ont pas fait que tuer les ouvriers les plus révolutionnaires de cette ville particulière : ils ont tué l'esprit de la révolution, pour des millions d'autres ouvriers, pas seulement en Russie, mais dans le monde entier. Face à cela, il ne suffit pas de D' ESPERER que de telles tragédies ne se reproduisent plus dans la prochaine révolution. Les révolutionnaires doivent proclamer clairement et à voix haute QUE LA REVOLUTION COMMUNISTE NE PEUT SE GAGNER EN UTILISANT DE TELLES METHODES.
Nous devons systématiquement rappeler à notre classe les événements qui restent des leçons vivantes et actuelles pour l'avenir. C'est la seule façon d'agir pour que la prochaine révolution ne voit pas se répéter le cauchemar de Kronstadt.
D'après C.D. Ward,
traduit de "World Revolution" N°36.
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Dès qu'un courant de luttes ouvrières se développe aujourd’hui, il rencontre immanquablement 1'Etat. Ce qu’on a vu à Longwy-Denain ou bien au cours des grèves des sidérurgistes de Grande-Bretagne, on l'a également observé en Espagne, en Italie, au Brésil, partout, et, exemple le plus parlant de tous, en Pologne. Ce que rencontre ainsi la mobilisation ouvrière, nécessaire riposte à la misère capitaliste, c'est le totalitarisme de l'Etat bourgeois. C'est l'implacable férule autoritaire d'une classe dominante qui ne peut absolument plus tolérer quelque remise en cause que ce soit de son ordre social.
Sous un autre rapport, il n'y a plus de lutte ouvrière de quelque envergure, aujourd'hui, qui, portée par sa dynamique propre et ses exigences concrètes à se développer en s’étendant et en s'auto-organisant, ne rencontre comme obstacle à son élan les syndicats, le syndicalisme et les partis de gauche.
En vérité, ces deux éléments d'opposition à la lutte ouvrière n'en font qu'un. Syndicats, partis de gauche et gauchistes sont la première avant-garde de l'Etat bourgeois que le prolétariat affronte sur le chemin de sa lutte.
Le présent article voudrait démontrer que les syndicats et les partis de gauche sont justement l’expression du totalitarisme étatique en milieu ouvrier. L'Etat a absolument besoin d'eux comme instruments de sa dictature totale sur la société. Notre position contre les syndicats et les partis de gauche ne nous est pas inspirée par le sectarisme ou un radicalisme irresponsable, alors que d'importantes fractions ouvrières manifestent encore une certaine confiance dans ces organisations. C'est la compréhension de ce qui force ainsi, maintenant, le prolétariat à lutter en permanence, c'est la compréhension de ce que porte en lui d'espérances révolutionnaires le combat de notre classe qui exige de nous que nous sachions contribuer à clarifier la conscience du prolétariat, de ses ennemis ; que nous tendions tous nos efforts à lui rendre bien net le rôle anti-ouvrier réel des syndicats et des partis de gauche. Par rapport aux vastes combats de classes que la période annonce, cette exigence est vraiment primordiale.
L'ordre bourgeois, l'ordre capitaliste, a toujours été une dictature sur les exploités, et en particulier sur la classe ouvrière. Mais, au XXème siècle, la nécessité pour la bourgeoisie de cette dictature s'impose à elle d'une manière totale, négatrice de toutes les libertés et de toutes les réformes sociales qu'au XlXème siècle elle pouvait, fut-ce de manière limitée et provisoire, octroyer aux revendications des exploités.
C'est qu'au siècle dernier, le développement continu du capitalisme, ses capacités à promouvoir des conditions d'existence toujours supérieures par l'ensemble de la société, lui offraient l'opportunité de trouver des exutoires, au moins temporaires, aux contradictions minant le système de l'intérieur, au sein même des couches bourgeoises, et, surtout, à l'antagonisme fondamental opposant la bourgeoisie au prolétariat.
Expression de cette situation historique prévalant alors, l’Etat bourgeois était en mesure d'intégrer en lui le libre jeu de tous les partis du capitalisme ainsi que d'autoriser, non sans lui opposer toujours une résistance acharnée, l'action légale des partis et syndicats que les ouvriers avaient créés dans le cours même de leur lutte. A cette époque, le combat ouvrier pour des réformes avait donc un contenu réel, avec la possibilité d'utiliser le parlement.
La situation a fondamentalement changé, à l'aube du siècle présent, dès lors que le capitalisme, achevant son emprise sur le monde entier, perdait toute capacité de développement supérieur. Alors, le capitalisme a cessé d'être un facteur de progrès, ne serait-ce que par rapport au monde féodal, pour n'être plus qu'un ordre social décadent porteur de toutes les calamités pour l'humanité ; les crises, les guerres mondiales et tous les types de catastrophes, famines, génocides...
Dans cette nouvelle situation historique, toutes les contradictions contenues dans le capitalisme, puisque les exutoires liés à son développement sont désormais interdits, tendent à exploser au grand jour. La bourgeoisie n'est plus qu'une meute criminelle de capitalismes nationaux se déchirant sans cesse entre eux pour le repartage du marché économique mondial. La société civile est convulsée toute entière par les antagonismes sociaux. Par-dessus tout, l'impossibilité nouvelle d'accorder des réformes sociales de fond fait apparaître dans toute sa dimension historique l'opposition violente entre la bourgeoisie et le prolétariat.
Dans cette situation, le problème primordial de la bourgeoisie est simplement celui de la conservation autoritaire de son système. Ainsi placée en position d'affaiblissement, la bourgeoisie a le besoin imprescriptible d'une force capable de fondre en une seule toutes les exigences capitalistes et nationales, de réguler l'ensemble de la vie économique par une loi dictatoriale. Il a besoin d’une force apte à investir l’entièreté de la vie civile de la société, jusqu'à s'immiscer dans les moindres aspects de la vie privée des individus.
C’est le totalitarisme, expression suprême de l'âge décadent du capitalisme, sa tendance universelle s'imposant, qu'importe les différences formelles, de l'ouest à l'est du monde bourgeois. Et ce totalitarisme, suint organique du capitalisme historiquement sénile, c'est l'Etat bourgeois qui en concentre la réalité ! L’Etat français, comme l'Etat russe, seul corps aujourd'hui capable de maintenir en vie l'ordre capitaliste.
L'Etat n'est plus que le Conseil d'Administration des intérêts capitalistes, il se remplit de leur substance et en devient l’expression même. Selon la formule d'Engels, il devient le capitalisme collectif. Monstrueusement grossi par l'incorporation en lui de toute l'activité bourgeoise, il s'impose à la société comme un écrasant appareil de domination totalitaire et terroriste de la vie humaine. L'Etat bourgeois du XXème siècle est la réalisation, poussée à son terme extrême, la nature dévoilée de l'ordre d'exploitation capitaliste.
Mais si c'est sur l'ensemble de la société que doit peser la férule totalitaire de l'Etat, afin d'écraser toutes les expressions d'antagonismes sociaux, devenus un luxe inadmissible pour le capitalisme, c'est particulièrement vis-à-vis du prolétariat que cette exigence est pressante. Ceci, parce que le prolétariat est la principale force de production, dont le travail associé, fournit la plus-value que doit accumuler le capitalisme. D'abord, mais ensuite et plus encore, parce qu'il est l'unique force capable d'une révolution contre le capitalisme, d'entraîner derrière lui tous ceux que l'oppression et la misère dressent contre l'ordre existant.
C'est pourquoi l'Etat doit occuper tout le champ d'existence du prolétariat et le soumettre à la loi du capital, en surveillant le moindre de ses mouvements, en prévenant et en dénaturant toutes ses initiatives, en canalisant vers des voies de garage ses revendications, en étouffant dans l'œuf ses luttes, en isolant les foyers de combat les plus ardents, en matant ou en corrompant ses militants les plus radicaux.
C'est seulement ainsi que l'Etat peut satisfaire aux deux nécessités vitales de l'ensemble du capital national à notre époque : maintenir la paix sociale et pressurer au maximum les ouvriers, leur faire consentir les plus grands sacrifices pour que le capital national soutienne sa position sur le marché mondial
Comment l'Etat réalise-t-il ce contrôle totalitaire du prolétariat et de toute la société ? Historiquement, il se démontre que deux méthodes existent : la "démocratie" et la "dictature". Mais ce ne sont justement que deux méthodes parce que :
Sous la forme dictatoriale (fascisme, dictature militaire ou parti unique) le contrôle et, le quadrillage du prolétariat est réalisé directement par les corps policiers de l'Etat, aidé par les structures du parti unique et la syndicalisation obligatoire.
C'est ce qu'on a pu voir dans l'Espagne franquiste où une police et une armée omniprésente étaient relayées par l'appareil du Mouvement National et le Syndicat Vertical. Dans l'Allemagne nazie ou dans l'Italie fasciste fonctionnait le même schéma de fond. C'est encore le calque du même schéma qui se présente dans les dictatures militaires d'Amérique Latine ou dans les pays de l'Est. Pour ces derniers, le centre de l'appareil policier est carrément le parti staliniste lui-même d’où partent les excroissances de la police et de l'armée et de toute la machinerie syndicale.
Cette forme de totalitarisme étatique se maintient exclusivement par le moyen de la terreur et de la surveillance policière. Elle est dépourvue, par contre, de toute capacité politique d'encadrer le prolétariat. Il en est ainsi, parce que les organes chargés de cela (parti unique, syndicat obligatoire) sont privés de toute crédibilité pour tromper les ouvriers et faire qu'ils soient considérés comme leurs représentants et leurs défenseurs. En effet, leur affiliation directe au gouvernement et à la classe dominante, leur idéologie effrontément réactionnaire de soutien à l'ordre existant, leur caractère monopoliste et imposé, leur rôle, enfin, de simple courroie de transmission du pouvoir exécutif, leur ôte toute possibilité d'abuser idéologiquement les travailleurs.
Pour ces raisons, ces formes dictatoriales n'ont de validité pour la bourgeoisie qu'aux époques de total écrasement et soumission du prolétariat, ou bien dans les situations extrêmes de chaos économique, de crise politique inextricable ou de guerre imminente. A l'opposé, ces formes sont absolument inaptes à contenir un mouvement prolétarien ascendant : l'échec du régime franquiste, comme celui du stalinisme en Pologne est bien la preuve pratique de ce que la simple répression policière ne suffit plus pour juguler l’éveil de la lutte autonome du prolétariat.
La forme de domination la plus efficace dont dispose la bourgeoisie pour affronter le prolétariat, et a fortiori quand la lutte de celui-ci est en train de se développer, c'est le totalitarisme démocratique.
C'est d'ailleurs bien pourquoi des pays comme l'Espagne, le Portugal, la Grèce ont accompli une spectaculaire "démocratisation" et pourquoi aujourd'hui, en Pologne, on voit cette même manœuvre bourgeoise s’effectuer.
Dans son mode "démocratique", l'Etat bourgeois maintient absolument intacts aussi, bien son contrôle omniprésent sur l'ensemble de la vie sociale que ses appendices hypertrophiés de la police et de l'armée, avec la différence qu'il est renforcé et protégé :
1°) par une façade de "libertés", de "droits", d'"organes de représentation populaire, qui tente de créer aux yeux du prolétariat de l'ensemble de la population une image, totalement vide de contenu, de participation à leur destinée : la Nation ;
2°) par un corps de partis de gauche et de syndicats "de classe", théoriquement indépendants du gouvernement et du patronat, donnant même 1'apparence de leur être opposés, dotés d'une idéologie "ouvrière" et "progressiste" et qui se présentent comme les "porte-parole" et les "défenseurs" de la classe ouvrière.
Cet ordonnancement de l'Etat est mille fois plus efficace. Il est surtout mieux adapté en période de montée générale des luttes ouvrières.
Le totalitarisme démocratique oppose à la lutte de classes un double obstacle : en première ligne, la police, sans uniformes et sans armes de la gauche et des syndicats ; en second rideau, prête à intervenir à tout moment, la police, costumée et équipée, des corps répressifs de l'Etat.
Les deux appareils combinent leur action, se renforçant mutuellement. La gauche et les syndicats, par le moyen des mystifications ’démocratiques" et légalistes, en lançant la classe ouvrière sur des voies de garage, affaiblissent la résistance de celle-ci à la répression. C'est justement le but recherché : faciliter l'action répressive. De l'autre côté, les corps répressifs au moyen d’attaques sélectives, et de l'intimidation, concourent à rabattre les ouvriers mis en état de faiblesse clans les alternatives de conciliation et d'abdication de la lutte, de la gauche et des syndicats
L'action combinée des deux appareils est mue par les nécessités globales du capital. Divisée en contradictions internes et fractions rivales, la bourgeoisie tend toujours à faire bloc contre la menace ouvrière.
L'action anti-ouvrière des syndicats ne se résume pas en une pure démagogie ; sa force mystificatrice ne dérive pas de la simple idéologie, elle est, avant tout, le produit d'une force matérielle, le résultat d'un appareil qui enracine ses ramifications bureaucratiques dans toutes les cellules de la vie ouvrière (quartier, usine, agence d'emploi) et, ainsi implanté, effectue un labeur permanent de :
Nous venons de définir l'ensemble du fonctionnement de l'Etat totalitaire bourgeois dans sa forme la plus apte à affronter un prolétariat combatif : la démocratie. Du même coup, nous avons établi le rôle irremplaçable, indispensable, qu'y tiennent les partis de gauche et les syndicats, contre le prolétariat. C'était l'objet propre de cet article, qui laisse naturellement la place à d'autres questions que nous ne traitons pas ici, mais sur lesquelles nous aurons, d'une façon ou d'une autre, à écrire dans de prochains articles- notamment pour dénoncer :
Tous ces travaux répondent à une claire volonté militante d'alerter le prolétariat sur les obstacles que présentent à sa lutte ses ennemis de classe.
(d'après "Accion Proletaria", publication en Espagne du CCI, n° 35).
Les magouilles du .syndicat "Solidarité" pour étouffer toutes les dernières grèves, de Jelenia Gora Radom, ont trouvé leur apothéose dans la façon dont Walesa a manœuvré pour éviter que les réactions à la répression à Bydgoszcz ne se transforment en grève généralisée.
Si ce dernier coup porté au mouvement en Pologne semble avoir réussi provisoirement à déboussoler et démoraliser les ouvriers, elles ont aussi commencé pour certains à leur ouvrir les yeux sur ce qu’est le travail syndical. "Walesa, tu nous as trahis !" ont dit les ouvriers à Bydgoszcz.
Mais les accords-bidons entre "Solidarité" et l'Etat dans le seul but de museler la grève ne sont pas qu'une trahison d'un dirigeant syndical ; c’est la continuité de tout le travail syndical des accords de Gdansk à aujourd'hui qui en s'opposant en tous points à ce qui a fait la force du mouvement en Pologne désigne le camp où il se situe : celui de la bourgeoisie.
"La démocratie, il faut l'apprendre ; car, à vrai dire, telle que nous la pratiquons dans le syndicat, j'en ai assez. Chacun veut présenter ses arguments. Il faut apprendre à déléguer ses décisions". (Walesa - "Le Monde” du 21.3.81)
En août dernier, les ouvriers n'ont pas eu besoin qu'un syndicat leur apprenne ce qu'était la démocratie et la délégation de décisions. L'une des forces du mouvement a justement été l'organisation centralisée des comités inter-entreprises, le MKS, qui est l’opposition vivante à la forme syndicale.
C'est justement dans le bouillonnement permanent des assemblées générales où "chacun peut présenter ses arguments" en permanence que le mouvement a puisé sa force.
C'est parce que les ouvriers n'avaient pas appris à déléguer leurs décisions aux mains de délégués patentés "spécialistes" de la négociation, mais au contraire gardaient le contrôle sur ce que disaient et faisaient les délégués des comités de grève que ce mouvement a gardé sa force. Les négociations de Gdansk étaient retransmises en direct par des haut-parleurs et chacun pouvait y intervenir.
La démocratie syndicale dont rêve un Walesa nous la voyons à 1'oeuvre, lorsqu'il brise les grèves, en prétendant parler au nom des intérêts de la classe ouvrière; lorsque comme à Bydgoszcz il décide à la place des ouvriers; lorsque, comme par hasard, les haut-parleurs se détraquaient lors des moments difficiles des négociations de Gdansk.
La démocratie à la Walesa est une démocratie bâillonnée où apprendre à déléguer des décisions, c’est apprendre à se taire. On comprend qu'il faille apprendre une telle démocratie aux ouvriers quand on prône comme le fait "Solidarité", la remise au travail et les sacrifices, quand il n'y a rien à négocier et rien à concilier, les spécialistes de la conciliation et de la négociation auxquels la classe délègue son pouvoir de décision sans le contrôle permanent que permet une mobilisation permanente en assemblées générales, ne peuvent que devenir les porte-parole des intérêts de la bourgeoisie. Ce qu'est "Solidarité" comme tous les syndicats du monde.
"Au début de notre action, nous réclamions que la vie publique se déroule au grand jour. Maintenant que c'est dans le syndicat, c'est de mal en pire". (Un ouvrier polonais, cité par "Le Matin” du 2 avril 1981)
"Il y a d'autres moyens que la grève... On peut comme en France faire des meetings après les heures de travail pour amener les autorités à négocier. On peut inventer beaucoup de choses, faire des marches de protestation... et puis nous allons avoir notre hebdomadaire" (Walesa - ''Le Monde" du 21.3.81).
Ce que les syndicats reprochent à la grève, ce n'est pas la perte qu'elle constitue pour la classe, c'est la perte qu'elle constitue pour le capital national, et le danger que constitue pour lui le fait que les ouvriers soient en discussion permanente sur la façon de mener leur combat. Une des forces de la classe ouvrière est que justement elle a la capacité d'arrêter ou de redémarrer la production. L'affaiblissement du capital national qu'elle entraîne n'est pas SON affaiblissement à elle. Dans les grèves en masses d'août, les ouvriers ont appris beaucoup de choses sur les moyens de leur combat, mais certainement pas dans le sens où l'entend Walesa.
Pour défouler la combativité dans des amusettes, les syndicats occidentaux ne manquent pas de créativité : meetings, rallies, manifestations-kermesses, pétitions, journaux, réunions syndicales... Walesa a bien appris sa leçon au contact de ses "grands frères" occidentaux.
Entre les ouvriers bien embrigadés et dociles des mornes défilés syndicaux et l'explosion incontrôlable de la grève de masse de Pologne, l'efficacité de ces autres formes de lutte saute aux yeux... pour la bourgeoisie.
"Nous ne faisons par nos luttes que nous mettre au service de notre pays. Nous voulons que les ouvriers travaillent pour le bien de la Patrie". (Walesa, TF1, le 15 janvier 1981).
L'homme est né pour servir, tout est pour le mieux, le bonheur est dans l'esclavage. Tel a été, en gros, tout le sens des propos de Walesa lors de cette interview à TF1 : "plus l'homme est grand, plus il doit servir les autres".
Quel est l'ordre "naturel" des choses pour Solidarité ? Une bourgeoisie forte qui exploite ses ouvriers avec leur libre consentement et dans l'illusion que travailler beaucoup profite à tout le monde, bourgeois et prolétaires.
"Nous voulons que le gouvernement soit fort et il ne faut pas 1'empêcher de travailler. Il a besoin de temps pour cacher les vieux meubles et changer de décor... les voleurs ont volé, c'est fini. Maintenant c’est à nous de travailler, car nous voulons vivre mieux et cela dépend de nous” (Discours de Walesa à Radom, le 16 mars 1981).
"Nous ne ménagerons ni le gouvernement ni le parti, ni le socialisme, ni les alliances signées, nous n'attaquons ni la milice, ni l'appareil du pouvoir" (Walesa)
"Il faut que le syndicat prenne en compte la réalité des difficultés économiques et en explique les conséquences, c'est pourquoi il faut arrêter toutes les actions revendicatives" (un expert de "Solidarité'- "Le Monde" du 17.12.80).
Quelle différence y a-t-il entre ces propos et ceux d'un Kania et d'un Jaruzelski pour qui "il ne faut pas désorganiser la vie économique sociale et politique. La grève dans la situation actuelle est une invitation à l'auto-destruction" ? AUCUNE. Le but est le même : être fort pour imposer à la classe ouvrière les sacrifices, imposer l'ordre capitaliste. Les façons d'y parvenir diffèrent mais se complètent pendant que le gouvernement agite la matraque de la répression, “Solidarité" use de son auréole ouvrière pour obtenir le même résultat par la persuasion.
En luttant cet été dernier par la grève de masse, en réclamant des augmentations de salaire "irréalistes" pour l'économie polonaise, les ouvriers ne se battaient ni pour le bien de la patrie, ni pour un gouvernement fort.
Il n'y a aucun terrain d'entente possible entre exploiteurs et exploités, les intérêts des uns ne peuvent que s'opposer aux intérêts des autres. En affirmant ses propres intérêts de classe indépendamment des "réalités" du capital, la classe ouvrière en Pologne mettait en cause l'existence de l'Etat capitaliste.
Mais ce que dit Solidarité aujourd'hui plus crûment n'est pas différent de ce qu'il disait dès sa création lors des accords de Gdansk :
Un ouvrier bâillonné qui se consacre avec ardeur à son travail pour mieux servir sa patrie en défilant docilement après ses heures de travail, et donne jusqu’à la dernière goutte de sa sueur et de son sang pour défendre l'intérêt national dans la joie du service accompli. N'est-ce pas là le rêve de toute bourgeoisie ?
Transformer la puissance des ouvriers polonais unis par la lutte en une somme d'esclaves rampant aux pieds de la bourgeoisie, tel est le sens des efforts de Solidarité. Tel est le sens des efforts de tous les syndicats du monde.
G.N.
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OUI, NOUS DENONÇONS LA GAUCHE, PS, PC ET GAUCHISTES. NOUS LES DENONÇONS POUR LES INNOMBRABLES SERVICES RENDUS AU CAPITAL NATIONAL, POUR LE NOMBRE DE GREVES ET MEME DE REVOLUTIONS, QU' ILS ONT BRISEES. POUR LEUR PATRIOTISME QUI A DEJA COUTE DES MILLIONS DE MORTS DANS UNE GUERRE INUTILE.
NON, DENONCER LA GAUCHE, CE N'EST PAS OBLIGATOIREMENT DEFENDRE LA DROITE. LA FAUSSE ALTERNATIVE AVEC LAQUELLE ON VEUT NOUS BOURRER LE CRANE, NOUS LA REFUSONS.
IL Y A UNE AUTRE ALTERNATIVE QUI SE TROUVE DANS LA DIVISION REELLE DE LA SOCIETE : D’UN COTE LA CLASSE OUVRIERE, LES MILLIONS D'EXPLOITES QUI PEUPLENT LE MONDE ET DE L'AUTRE TOUTES LES FRACTIONS BOURGEOISES, DE DROITE COMME DE GAUCHE, QUI ESSAIENT DE SAUVEGARDER UN SYSTEME ECONOMIQUE POURRI.
LA LUTTE QUI OPPOSE LA CLASSE OUVRIERE A L’ETAT BOURGEOIS N'EST PAS LA LUTTE DROITE- GAUCHE. LA QUERELLE ENTRE LES CLIQUES BOURGEOISES PORTE SUR LE MEILLEUR MOYEN DE SAUVER LE CAPITAL NATIONAL, SUR LE DOS DE LA CLASSE OUVRIERE. LA LUTTE DE LA CLASSE OUVRIERE, ELLE, AVANCE DANS LA VOIE DE DETRUIRE DE FOND EN COMBLE LE CAPITALISME, ET SON APPAREIL POLITIQUE, DE DROITE COMME DE GAUCHE.
Pour les travailleurs ou les chômeurs qui ont pu se laisser duper par des vaines promesses électorales, la joie frelatée d'un soir d'élection ou d'investiture ne tardera pas à faire place à la plus amère désillusion. Pour la "relance de la consommation populaire", la disparition du chômage, la semaine de 35 heures sans diminution de salaire, l'élimination des "inégalités sociales", RIEN ne sera fait. Cela, c'était seulement des fariboles électorales, déversées sans compter durant des semaines pendant lesquelles la gauche s'abritait encore sous le paravent de "l'opposition".
Les mesures annoncées avant les élections d'austérité et de licenciements massifs vont s'avérer aussi inévitables pour la bourgeoisie avec un gouvernement de gauche qu'avec un gouvernement de droite. L'EQUIPE A CHANGE, MAIS CE QUI LUI ECHOIT C'EST LA MEME TACHE : ASSURER LA DEFENSE DU CAPITAL NATIONAL et, COMPTE-TENU DE L'AMPLEUR ET DE LA GRAVITE DE LA CRISE MONDIALE, cela signifie une attaque encore plus vive contre l'ensemble de la classe ouvrière. Ce "nouveau" gouvernement -même affublé d'une étiquette "de gauche"-va devoir pratiquer une politique "impopulaire", une politique "de droite" qui est celle que tout gouvernement est aujourd'hui condamné à pratiquer.
Les illusions sur un "changement de politique" ou sur un "pas positif" pour la classe ouvrière, avec une équipe de gauche au gouvernement ne peuvent résister à l'épreuve des faits. On l'a déjà vu dans le passé : contrairement à ce que veut faire croire la bourgeoisie, les grèves de 1936 n'ont pas été favorisées , ni produites par la victoire électorale de la gauche, type de situation qui encouragerait les travailleurs à imposer leurs revendications. Si des grèves éclatent en 1936, c'est face à une situation de crise économique où le niveau de vie de la classe ouvrière est durement attaqué par la bourgeoisie, et non grâce aux élections. Même si elles ont pu être dévoyées par la bourgeoisie, ces grèves ont lieu sur le terrain de l'auto-défense ouvrière et si un gouvernement de "front populaire" a été mis sur pied, c'est justement pour contrer efficacement le mécontentement social et qu'il représentait la force capable de casser ces grèves.
Quant aux "mesures sociales" qu'on nous cite de ce gouvernement :
Des acquis de cet acabit, des millions d'ouvriers ont dû les payer ensuite au prix de leur sang et de leur vie dans la seconde boucherie mondiale où la gauche avait réussi à les enrôler.
Mais l'œuvre de la gauche française au service du capital national ne s'est pas arrêté là : on lui doit encore le bombardement de Sétif en mai 45; le massacre de la rébellion malgache en 47, la participation au conflit de Suez puis l'intensification de la guerre d'Algérie sous Guy Mollet en 56 (doublement des effectifs du contingent).
On lui doit le "retroussage des manches" entre 45 et 47 pour l'œuvre de reconstruction nationale, le blocage des salaires et l'envoi des premiers CRS pour réprimer les grèves ouvrières en 1947.
C'est pourquoi LA GAUCHE COMME LA DROITE SONT NOS ENNEMIS DE CLASSE.
Mais aujourd'hui la situation est toute différente de 1936 et des lendemains de la guerre mondiale, les quelques maigres "miettes" sociales que pouvait recueillir la classe ouvrière en contrepartie de sa démoralisation et de ses "sacrifices" ont disparu. Aujourd'hui c'est directement un programme draconien d'austérité qu'un gouvernement de gauche -comme l'on fait les travaillistes en Grande-Bretagne- va devoir faire appliquer. Une fois retombé le délire électoral, ce qui restera, c'est comme AVANT et comme PARTOUT, avec de plus en plus de netteté, l'épreuve de force entre la bourgeoisie et la classe ouvrière, c'est les mesures d'expulsion à l'encontre des travailleurs immigrés (la social-démocratie allemande ne s'est pas privée !), c'est la mise au chômage pour des centaines de milliers d'ouvriers dans les principaux secteurs industriels du pays pour "sauvegarder la compétitivité nationale", c'est l'envoi de la police contre les grévistes, c'est faire travailler plus intensivement avec moins de salaires. Aujourd'hui, ils nous parlent encore de "justice sociale", de "réduction des inégalités", d'"imagination au pouvoir", mais sous cet emballage, cet enrobage de circonstance, percent déjà les vrais projets. Dès les premiers discours du nouveau premier ministre Mauroy, lors même de sa prise de fonction, il est question "d'un gouvernement qui sera celui de la rigueur". Nous voici discrètement prévenus : "en ces temps difficiles, rien ne nous sera donné sans effort". Voici un air connu. L'univers à dimension "nationale" qu'on nous promet, c'est bien toujours le même univers d'exploitation, d'austérité, de misère .
Les boniments ont changé, la camelote non.
Il va s'agir de "travailler dur", de "réalisme", de "sacrifices" et de "solidarité nationale", comme en témoigne déjà le ministère nouvellement institué sous ce nom.
Pendant des mois, le gouvernement va s’employer à invoquer le "danger de la droite". -Elle va lui attribuer l'insuccès des mesures de redressement économique et des soi-disant "tentatives d'amélioration sociale".
Les mesures d'austérité seront mises sous la responsabilité des "patrons traîtres à la nation qui font fuir les capitaux", l'alibi des "manœuvres réactionnaires pour saborder l'œuvre sociale" permettra de repousser " "les mesures de changement de société" aux calendes grecques.
Ce sera la même argumentation qui sera utilisée pour dévier toute volonté d'attaque des prolétaires contre le gouvernement : il faudra laisser "ses chances" au gouvernement du Président Mitterrand (n'a-t-il pas dit que la durée était "un facteur primordial dans la situation actuelle" ?) , il faudra rester "responsables" ; faire grève, ce sera "faire le jeu de la droite".
Mais les illusions là-dessus seront de plus en plus difficiles à entretenir. La bourgeoisie le sait. Elle a pu constater le désintérêt croissant pour le jeu des partis politiques et la désyndicalisation importante de ces dernières années en France. C'est pourquoi CGT et CFDT se sont empressés de proclamer hautement dès le lendemain du 10 mai, leur "pleine indépendance" et leur "autonomie" vis-à-vis du gouvernement et de lancer des appels pour une "syndicalisation massive" .
Au gouvernement comme dans l'opposition, la gauche va continuer de faire écran au profit de l'ensemble de la bourgeoisie.
Pour la classe ouvrière, RIEN N'EST FAIT, TOUT RESTE A FAIRE.
Même avec une de ses fractions au gouvernement, la gauche ne va pas abandonner sa fonction essentielle au sein de la bourgeoisie qui est la nécessité de l'encadrement de la classe ouvrière et le dévoiement de ses luttes. Pour le prolétariat, rien n'a changé. Comme hier, comme aujourd'hui, la tâche va être demain de déjouer les pièges des mystifications de la gauche. La tâche va être d'affirmer à travers le terrain de la lutte de plus en plus nécessaire face aux attaques accrues de la bourgeoisie, une autonomie réelle de classe fondée sur la pratique des assemblées générales et de la solidarité ouvrière dans la lutte.
C'est aussi bien à toute la gauche, que ses fractions soient au pouvoir ou dans l’opposition, qu'à toute la droite que la classe ouvrière va devoir s'affronter. Quelles que soient les manœuvres et le partage des tâches au sein de la bourgeoisie, c'est à tous les défenseurs du capital national, qu’ils soient en face de lui ou se prétendent à ses côtés qu’il lui faudra s'opposer.
Y.D.
"On a gagné !" ont crié des milliers de voix. Toute la nuit, ils ont dansé à la Bastille. Tous, y compris l'extrême-gauche, étaient dans l'euphorie de la défaite de Giscard-les-diamants. Le rêve de toute une génération de gauchistes français et de gens de gauche est exaucé, enfin, la gauche a battu la droite !
Mais, au fait, qui a gagné, et où en est-on ? Certes, le méchant Giscard est viré, les révolutionnaires ne verseront pas une larme pour lui. Malheureusement, il ne s'agit pas de la défaite de "la bourgeoisie"! La bourgeoisie est une classe et une force sociale, force de domination qui ne se reconnaît pas toute entière dans un seul homme ; a fortiori, celui-ci peut remplacer celui-là. On peut même considérer qu'il n'y a pas défaite dans ce cas précis puisque la bourgeoisie tout entière a "gagné" les élections, puisque la participation a été massive, avec un taux d'abstention incomparablement plus faible qu'aux USA, puisque l'illusion qu'on peut changer quelque chose en votant a marché, d'autant plus que le président est "changé". Hélas, en général, sur le plan électoral, la bourgeoisie ne perd jamais rien, même pas son pouvoir, car sa classe ennemie, le prolétariat, est diluée dans les diverses couches sociales, atomisée, isolée dans les isoloirs ; au lieu de menacer comme force collective à l'image des ouvriers polonais, ils sont fractionnés et façonnés comme toute la population par les différentes facettes de l'idéologie bourgeoise : droite, centre, gauche, extrême-gauche.
La bourgeoisie a la vie dure, les illusions qu'elle sème dans la tête des prolétaires pour les maintenir sous le joug aussi. Ces élections viennent confirmer cette vérité qu'il ne faut jamais vendre la peau de l’ours avant de l'avoir tué", le fort taux de participation électoral est là pour le démontrer, même s'il est en baisse par rapport à celui des élections précédentes, même si ne sont pas recensés tous ceux qui ne sont pas inscrits sur les listes électorales (et dont le pourcentage est très fort chez les jeunes).
Et pourtant, qu'on se souvienne du manque général d'intérêt pour les élections il y a à peine six mois. Le mythe électoral s'était usé pour avoir trop servi sans rien changer dans les années 70. La bourgeoisie avait abondamment utilisé cette arme de dilution de la conscience ouvrière, tout y était passé : élections présidentielles, législatives, municipales, cantonales, européennes, sans parler de toutes les élections locales et partielles. Devant cette avalanche, les élections sont apparues de plus en plus pour ce qu'elles étaient, une gigantesque farce.
Nous avons déjà maintes fois affirmé que les élections sont étrangères à l'expression 'du prolétariat, qu'elles ne sont qu'une noix vide, foire d'empoigne de personnes, qui cache l'appareillage des partis et la bureaucratie étatique. Cette fois-ci encore, nous pouvons constater que ce spectacle navrant du choc des ambitions personnelles ne serait qu'une vulgaire enceinte de cirque si des millions de prolétaires n'étaient pas illusionnés par les promesses fallacieuses des uns et des autres, délaissant momentanément le seul terrain où ils s'expriment en tant que classe pour une société totalement différente : celui de la lutte collective et sans cachotteries sur leur opinion, la lutte pour la destruction du capitalisme.
En six mois, la bourgeoisie est parvenue à repolariser toute l'attention sur les élections, à transformer les prolétaires en électeurs-citoyens, comme tous les Français, par-delà les classes. Comment y est-elle parvenue si on se souvient du dégoût de la politique bourgeoise qui marquait la vie politique en France il y a six mois ?
Sous la IVème République, pour la bourgeoisie, les choses paraissaient simples, le président était directement désigné par les partis. Le référendum de 1961, en instituant le suffrage universel pour l'élection présidentielle, renforçait le pouvoir présidentiel exécutif mais aussi son poids mystificateur en faisant croire que le choix d'un président était une responsabilité de tous les citoyens. Partant de ce point de vue, rien n'est fondamentalement changé, les élections sont toujours une gigantesque entreprise de manipulation où le choix final ne dépend pas tant des votes que du jeu des partis (multiplicité des candidatures et des désistements).
Ce que le suffrage universel introduit, c'est la nécessité pour la bourgeoisie d'une manipulation des médias de masse (radio, télévision, presse, etc.…) où les techniques utilisées sont celles qui ont été rodées dans la publicité et le show-business pour aboutir à ce que la bourgeoisie appelle pudiquement des élections "à l'américaine".
L'essentiel pour la bourgeoisie est de ramener le plus de prolétaires possible sur le terrain électoral; là-dessus, toutes les forces bourgeoises sont d'accord, de l'extrême-droite aux gauchistes, qui, toutes, appellent à voter, le tout renforcé par des campagnes intensives de culpabilisation des abstentionnistes par les mass-médias du style "ne tournez pas le dos à la France" (spot publicitaire qui est passé à la télé et qui ressemble à n'importe quel spot publicitaire pour une lessive ou une couche-bébé).
Mais, cela est classique et pas nouveau, il fallait encore plus pour ramener les prolétaires dans l'isoloir, les techniques du show business sont venues épauler celles de la publicité avec Coluche.
Sans que cela soit forcément volontaire, la candidature Coluche est venue, en créant l'événement, fixer l'attention de tous ceux qui étaient dégoûtés de la politique bourgeoise, sur les élections, la dérision du clown est devenue, malgré son acteur, une arme électorale. Une fois cette fonction remplie, Coluche a été jeté comme une vieille guenille usée, éliminé de tous les médias contrôlés par l'Etat ; interdit d'antenne, Coluche a sombré dans l'oubli, ce qui prouve bien que la bourgeoisie n'autorise les candidatures que tant qu'elles la servent (qu'on réfléchisse à ce que cela signifie pour les soi-disant candidatures révolutionnaires style Laguiller).
Tout l'art électoral de la bourgeoisie consiste à faire croire qu'au travers des élections peuvent se réaliser les aspirations de la population : la démagogie électorale n'a pas d'autre but. Pourtant, ce ne sont même pas toutes les promesses des candidats qui ont fait voter, c’est avant tout un désir de "changement". Le "changement”, l'"alternance" ont été les maîtres-mots de cette campagne électorale : même la droite a voulu se montrer comme l'expression de ce changement : Chirac "le changement dans la sécurité" et sans ironie, Giscard, qui prétend avoir "changé".
La bourgeoisie gagne toujours les élections puisque c'est elle qui les a instituées et que, de toutes façons, elle a le monopole des candidats ; on vote toujours pour la bourgeoisie. Cependant, sa victoire, c'est avant tout la forte participation, c'est d'avoir fait croire que le "changement" peut être électoral.
Pourtant, cette victoire est fragile. La gauche au pouvoir n'est pas plus capable de réaliser un quelconque changement réel que la droite. L'austérité, la misère croissante des ouvriers sont toujours à l'ordre du jour, la réalité de la crise mondiale du capitalisme est là. Le seul "changement" que la bourgeoisie pouvait offrir par les élections a eu lieu, ce n'est pas lui qui peut réellement satisfaire les prolétaires.
La gauche au pouvoir ne fera pas mieux que la droite. Du même coup, les illusions sur l'"alternance", le "changement" par les élections, risquent de fondre avec la crédibilité du parti socialiste au pouvoir. Avec l’arrivée de Mitterrand au pouvoir, la bourgeoisie use de manière accélérée ses cartes mystificatrices. Il est des victoires qui annoncent la défaite. Le désir de "changement" des prolétaires aujourd'hui, même s'il s'est traduit par la victoire électorale de la bourgeoisie maintenant annonce la révolution de demain.
J.J.L.
Nous avons fréquemment analysé dans notre presse les armes actuellement utilisées par la bourgeoisie dans son offensive contre la classe ouvrière. Depuis plus de deux ans, nous avons mis en évidence le fait que :
"...après avoir eu pendant des années comme principal ennemi la gauche au pouvoir ou en marche vers le pouvoir, la classe ouvrière, dans la période qui vient, retrouvera de façon quasi générale le même ennemi dans l'opposition n'hésitant pas à radicaliser son langage pour pouvoir mieux saboter ses luttes". Résolution sur la situation internationale du 3ème Congrès du C.C.I -Revue Internationale n°18)
Aujourd'hui, l'élection du socialiste François Mitterrand à la tête de l'Etat français et la constitution du 1er gouvernement de gauche depuis des décennies semble contredire complètement cette analyse.
Faut-il en conclure que cette analyse était fausse ? Faut-il penser que c'en est fini pour la bourgeoisie de la carte de "la gauche dans l'opposition" contre la classe ouvrière ? Le cas de la France constitue-t -il une exception ? Et, dans ce cas, comment peut-on l'expliquer ?
L'analyse du CCI s'est basée sur le constat de faits objectifs. En effet, ces dernières années, un mouvement de passage de la gauche de sa position gouvernementale vers l'opposition s'était manifestée en de nombreux pays : Pays-Bas, Suède, Grande-Bretagne, Portugal, Israël, Vénézuéla, Italie (fin du "compromis historique"), USA (où les démocrates font figure de "gauche") alors que dans d'autres tels l'Espagne ou la France, la gauche qui était restée en dehors du gouvernement, abandonnait une politique de coopération avec celui-ci (pacte de la Moncloa) ou d'accession au pouvoir (Programme Commun de gouvernement en France liquidé en 77). Le nombre de pays où la gauche continuait de participer au gouvernement se restreignait finalement à ceux que la crise avait relativement épargnés (RFA, Autriche) ou pour lesquels c'était indispensable pour assurer une représentation équitable des diverses fractions régionales de la bourgeoisie (Belgique : cf. analyses publiées dans "Internationalisme").
Le CCI avait donc analysé ce phénomène non comme une succession de cas d'espèce mais bien comme une tendance générale qui s'expliquait à la fois par l'aggravation de la crise du capitalisme et par la reprise des luttes prolétariennes après une accalmie au milieu des années 70.
En effet, notre organisation a mis en évidence la différence existant entre la première période de développement de la crise mondiale, celle qui couvre en gros les années 70, et celle qui lui succède au moment d'entrer dans les années 80. Malgré la gravité de la crise (avec notamment la brutale chute de 74-75) les années 70 peuvent être considérées comme les années "d'illusion". Illusions pour la classe dominante qui s'imaginait que les difficultés de son économie étaient temporaires (c'était l'époque où le premier ministre Chirac annonçait "la fin du tunnel”). Illusions pour la classe ouvrière qui se laissait encore persuader par les campagnes idéologiques des partis de gauche que la crise résultait d'une "mauvaise gestion de l'économie" par les partis de droite et par les "grands monopoles avides de profits". Dans ce contexte, la politique de "gauche au pouvoir" ou " "en marche vers le pouvoir", mise en place par la bourgeoisie, répondait au besoin de faire accepter passivement l'austérité aux travailleurs en leur faisant croire "qu'après" les choses "iraient beaucoup mieux".
Mais tout a une fin ; y compris les illusions sur la nature de la crise. La persistance de celle-ci, l'échec de tous les "plans de relance" destinés à "en sortir", son aggravation irrémédiable sont progressivement venus à bout des croyances dans "les lendemains qui chantent". Comme toujours, la crise économique tend à mettre à nu les contradictions fondamentales de la société capitaliste. Son aggravation ouvre la porte "aux années de vérité", celles où il devient impossible aux gouvernements de masquer le caractère général et insoluble de la crise, celles où les discours sur "ça ira mieux demain" ne prennent plus. Pour la classe ouvrière, il n'apparait d'autre alternative que de reprendre le combat.
Et quant aux partis de gauche, ils servent bien plus efficacement les intérêts du capitalisme en tenant un langage radical qui leur permet de contrôler et de saboter les luttes, qui sont de toutes façons inévitables, qu'en conservant celui du passé sur le thème de "la lutte ne paie pas", il s'agit de "bien voter", qui risque d'être de moins en moins entendu par les travailleurs.
C'est dans ce contexte que la classe dominante se partage aujourd'hui le travail entre d'une part ses secteurs qui ont le moins d'emprise sur la classe ouvrière, en général les partis de "droite" et du "centre", auxquels revient la charge de "parler clair" (Barre en était l'exemple typique) depuis le gouvernement et, d'autre part, ses secteurs qui ont une influence sur les travailleurs, les partis de gauche et les syndicats, qui se doivent de conserver ou renforcer cette influence en faisant des discours "radicaux" depuis l'opposition.
Cette situation reste valable pour l'ensemble des pays d'Europe et on peut même voir le parti social-démocrate encore au pouvoir en Allemagne se reconvertir peu à peu en parti d'opposition.
Et l'élection de Mitterrand là-dedans ?
Eh bien, il faut la voir comme une anomalie, un événement qui a échappé à la volonté et au contrôle des secteurs politiques dominants de la bourgeoisie française, y compris le parti socialiste.
Contre toute attente sérieuse, il s’est passé en effet quelque chose de très important le 10 mai ; mais pas ce qu'on veut nous faire avaler pourtant : de "victoire des travailleurs", il n'y en a eu que dans les discours des démagogues de gauche et d'extrême- gauche. Il s'est passé quelque chose MAIS dans les sphères de la bourgeoisie : une sorte de coup d'Etat d'opérette involontaire.
Certes, contrairement à 1851 ou 1958, tout s'est passé dans la légalité. Le juriste Mitterrand a respecté scrupuleusement la loi.
Mais il n'empêche que son accession à la tête de l'Etat fait violence à la bourgeoisie (celle de Washington, de Moscou et de la Bourse de Paris) comme elle fait violence d'ailleurs à lui-même (ses déclarations au moment de son élection sont significatives : "Quelle histoire!" "c'est maintenant que les ennuis commencent"). Ici, ce qui a surpris la bourgeoisie et l'a mise dans l’embarras ce ne sont pas les baïonnettes mais un instrument dont elle tire habituellement efficacité et tranquillité : l'institution électorale. Est-ce à dire que celle-ci pourrait redevenir un terrain de combat pour la classe ouvrière ? Nullement ! La classe ouvrière n'a rien à gagner sur ce terrain qui reste exclusivement celui de la bourgeoisie, n'en déplaise aux rabatteurs gauchistes.
Est-ce à dire que, désormais, et en tous lieux, les élections ne servent plus les intérêts de la bourgeoisie ? Qu'il en sort des résultats contraires à ses intérêts ? Ce n'est pas le cas non plus. En général, les résultats électoraux sont conformes aux nécessités du moment du capitalisme. Non pas qu'on bourre les urnes : là où cela arrive, les élections perdent leur crédibilité et donc leur efficacité comme instrument de mystification des masses. En réalité, ce que l'on bourre, c'est les crânes : à travers toutes sortes de manœuvres préalables, et à grand renfort de mass-médias, les divers partis bourgeois s'arrangent en général pour que les électeurs votent "comme' il faut". C'est ainsi qu'en 1977, l’union de la gauche fut rompue fort à propos pour lui faire perdre les élections législatives de 1978. De même, pour empêcher une réélection du démocrate Carter, dont elle n'avait plus besoin, la bourgeoisie américaine a suscité la candidature Anderson destinée à lui retirer des voix. Plus récemment, face à une menace de raz-de-marée du parti travailliste aux prochaines élections en Grande-Bretagne, la bourgeoisie de ce pays s'est arrangée pour que se crée une scission dans ce parti et qu'apparaisse sur la scène politique un parti concurrent, capable de lui faire perdre les élections, le Parti Social-Démocrate.
Pour les présidentielles françaises, le PS avait tout fait pour que son candidat soit battu : il avait choisi Mitterrand alors que Rocard paraissait à l'époque le mieux placé pour battre Giscard ; sitôt désigné, le candidat Mitterrand était parti en voyage en Afrique et en Chine, comme si l'élection présidentielle ne l’intéressait pas...
De son côté, le PCF, jusqu'au 1er tour, avait également fait tout son possible pour que Giscard rempile.
La gauche dans son ensemble, avait donc, comme en 1978, "joué le jeu", celui qui devait lui permettre de rester dans l'opposition. En l'occurrence, c'est la droite qui n'a pas joué le sien. .
En effet, une utilisation efficace du dispositif électoral suppose qu'il existe une lucidité et un consensus suffisants au sein de la classe dominante, que les divers partis soient capables de se hisser au-dessus de leurs querelles particulières, de faire prévaloir, par-delà leurs intérêts de boutique, les intérêts d'ensemble du capital national.
C'est cette lucidité et ce consensus qui ont fait défaut à la droite qui, confiante dans une réélection facile de Giscard, telle que l'annonçaient les sondages il y a six mois, a donné libre cours à ses règlements de compte internes entre le clan giscardien et le clan chiraquien. A priori, la bourgeoisie n'était pas hostile à un rééquilibrage des forces au sein de l'ancienne majorité : bien de ses secteurs se réjouissaient de "l'effet Chirac" qui aurait permis à celle-ci de donner une plus grande pugnacité, un ton plus combatif (à l'exemple de celui de Reagan) à son offensive anti-ouvrière. Mais, "l'effet Chirac" est allé au-delà des espérances : le mécontentement des couches petites-bourgeoises capitalisé et amplifié par le chef du RPR a finalement privé au second tour Giscard d'une partie de son électorat habituel, ce qui a suffi pour lui faire perdre son poste.
Ce ne sont donc pas Mitterrand et la gauche qui ont gagné l'élection, mais bien Giscard et la droite qui l'ont perdue.
Ce faux-pas de la bourgeoisie française ne veut pas dire que désormais cette classe sera incapable au niveau international de se donner les moyens politiques les plus appropriés pour affronter la classe ouvrière. Ce faux-pas doit être mis au compte d'un certain nombre de faiblesses spécifiques à la bourgeoisie française qui concernent non pas tellement son économie (laquelle a résisté mieux que bien d'autres à la crise du capitalisme) mais sa sphère politique. Cette faiblesse politique s'est illustrée par sa longue paralysie face au problème de la décolonisation (elle n'a été dépassée dans ce domaine que par la bourgeoisie portugaise), de même que par le coup d'Etat du 13 mai 58 et l'appel à un "homme providentiel” De Gaulle. Elle s'est illustrée également par la mise en place d'institutions qui étaient à la mesure de cet "homme providentiel" et ont garanti une bonne stabilité politique pendant toute une période, mais qui ne convenaient plus à ses successeurs (les chaussures de De Gaulle, notamment le mandat présidentiel de 7 ans, étaient trop grandes pour un Giscard) de même qu'elles étaient trop rigides face à un surgissement de la lutte de classe (comme cela s'était déjà révélé en mai 68).
Une autre faiblesse enfin, consiste dans la place trop réduite occupée par le PS dans la vie politique depuis 58, ce qui n'a pas permis de réelle alternance (notamment lorsqu'elle aurait été "positive" au milieu des années 70) et a conduit à une certaine usure des partis de droite au pouvoir depuis 23 années.
Si elle résulte donc d'une faiblesse politique de la bourgeoisie française, l'élection "malencontreuse" de Mitterrand va encore renforcer cette faiblesse. D'une part, Mitterrand aura les plus grandes difficultés à trouver une majorité au Parlement, et cela même si la "gauche" l'emporte car le PC est appelé, à terme, à poursuivre son rôle d'opposition capable de contrôler la classe ouvrière. D’autre part, contraint par la crise économique à mener une politique d'austérité, de chômage et de répression, en complète contradiction avec les promesses électorales de Mitterrand, le PS, une fois éteints les lampions de la fête, va perdre en peu de temps une crédibilité qu'il avait conquise péniblement et patiemment auprès des travailleurs. Face à l'intensification de l'exploitation de la classe ouvrière qui se prépare, le PC et le PS et leurs syndicats respectifs, n'auraient pas été de trop pour se partager le travail pour encadrer les travailleurs et dévoyer leurs luttes.
On peut faire confiance au PCF pour faire un maximum de zèle dans cette sale besogne, mais c'est une faiblesse pour la bourgeoisie nationale que de confier une responsabilité aussi importante à un parti qui n’est pas "sûr" en politique internationale. En fin de compte, le bilan de l'élection de Mitterrand se présente pour la bourgeoisie par un petit plus (les illusions présentes : "on a gagné!") et un grand moins : le sacrifice prématuré d'une carte importante dans l'encadrement du prolétariat. Cependant, cet affaiblissement de la bourgeoisie n'en sera vraiment un que si la classe ouvrière engage le combat. Il revient donc aux révolutionnaires non seulement de dénoncer toutes les illusions sur la prétendue "victoire des travailleurs" que représenterait l'élection du bourgeois de gauche Mitterrand, mais également d'affirmer clairement que tous les avatars, toutes les crises politiques que peut subir la classe dominante n'apportent rien au prolétariat.
Les prolétaires ne peuvent compter que sur leurs propres forces, que sur leurs propres luttes.
F.M.
Nous publions ci-dessous un tract distribué lors de la kermesse du 1er mai par le "Mouvement de libération des cigales". S'il est toujours bon de trouver une critique du monde actuel au milieu des litanies de la "fête du travail", de la fête de l'esclavage quotidien, les limites de l'idéalisme y apparaissent clairement.
"LE POINT LE PLUS ELEVE AUQUEL ATTEINT LE MATERIALISME INTUITIF C'EST À DIRE LE MATERIALISME QUI NE CONÇOIT PAS LE MONDE MATERIEL COMME ACTIVITE PRATIQUE, EST LA FACON DE VOIR DES INDIVIDUS DE LA "SOCIETE BOURGEOISE" PRIS ISOLEMENT." (Marx : Thèses sur Feuerbach)
"EN MARGE DES LABORIEUX PROGRAMMES ELECTORAUX PRECONISANT "LE DROIT A L'EMPLOI", une nécessité s'impose d'informer la majorité salariale et besogneuse : en ce jour du 1er mai 81, nième Fête du Travail, UNE DECOUVERTE SCIENTIFIQUE RECENTE RISQUE DE SEMER LE TROUBLE DANS LA FRANCE PROFONDE ET TRAVAILLEUSE : pur produit de l'éducation laïque et républicaine. Une information transpire ... Elles ne sont pas à la hauteur de leur réputation :
LES FOURMIS SONT DES FEIGNASSES !
"Lorsque nous nous penchons sur une fourmilière, nous avons 1'impression qu'il y règne une activité fiévreuse, mais c'est seulement parce qu'il y a quantité de fourmis et qu'elles sont toutes semblables. De fait, les fourmis individuelles passent : LE PLUS CLAIR DE LEUR TEMPS A SE PRELASSER ! et plus choquant encore : LES OUVRIERES (toutes FEMELLES) CONSACRENT BEAUCOUP DE TEMPS À LEUR TOILETTE ! (J. et C. Wheeler, éthologistes.)
Le M.L.C. (Mouvement de Libération de la Cigale) se fait un devoir de révéler ce jour cette conséquente information étouffée par les Phallos du Patronat, les Héros de la Production, les Zorros de la "Relance", les Zéros Économistes, créateurs de Pénurie.
Le M.L.C. profite de ce jour de congé pour questionner l’Homo-ça-Pionce, dans le débat à résonance ethnologique qui agite les milieux pensants de la planète...Louis le Prince-Ringuard s'offusque que l'on puisse comparer l'Homo-Sapiens de nos prospères banlieues H.L.M- isées à des insectes ordinaires : "Nous avons le progrès, la science, la technique qui nous font prospérer et allègent la peine productive ... ".
CET HOMME-LA NOUS RACONTE DES FABLES ! La Fontaine des inepties économiques n'est point tarie pour les tarés et les tartares de la Science Conquérante ! Qui n'utilisent la technique que pour faire de l'Homme un appendice de chair dans une Machinerie d'Acier. (Une autre utilisation de la technique est urgente !).
En effet, le M.L.C. s'indigne que de conséquentes informations en provenance de France, de Navarre et de la "Marlboro Country" soient étouffées par le poids des bourses capitalistes, des bouses chimiques, des boues rouges et des hiboux taciturnes du déclin occidental !
Incroyable, MAIS IRREFUTABLEMENT VRAI : LES SAUVAGES DE L'AGE DE PIERRE TRAVAILLAIENT 2 A 3 HEURES PAR JOUR !
C'est une moyenne, conséquence d'UN CHOIX POLITIQUE. N'étant pas intoxiqués par les balivernes scolaires, laïques et judéo-crétinisantes, la transpiration ne leur semblait pas la finalité de l'existence. Les ethnies préservées ne sont pas assez cons pour "gagner leur pain à la sueur de leur front" !
"QUAND ON ME PARLE DU DROIT AU TRAVAIL, JE SORS MON HAMAC !" (Proverbe mélanésien).
L’AMOUR, la sieste, le bavardage, la danse, 1'exploration sociale étaient préférés au sur-travail, AUSSITOT LE NECESSAIRE PRODUIT. Produire pour Vivre et non Vivre pour Produire, telle aurait pu être leur devise.
Lorsqu''à l'aube du deuxième millénaire après J.C., en nos sociétés "d'abondance" TOUJOURS PROVISOIRE et de désespérante servilité salariale, LA SEMAINE DE 40 H ET LA RETRAITE A 60 ANS NE SONT PAS ENCORE EFFECTIVES, on peut donc mesurer tous les "bienfaits du progrès" QUI LAISSENT AFFAMEE LA MOITIE, VOIRE LES 2/3 DE L'HUMANITE !
LA SOCIETE MODERNE EST UNE SOCIETE DE MISERE ! Sans précédent dans l'histoire.
C'est pourquoi à la Misère de la Production, le Mouvement de Libération de la Cigale oppose l'inaction Libératoire et Révolutionnaire.
crise...chômage...récession…ELECTIONS.? SOYONS REALISTES ET EXIGEONS LA FAINEANTISE ! (y'en a pour tout le monde).
La fourmi ayant travaillé toutes ces années se trouva fort dépourvue lorsque la crise fut venue... voilà LA REALITE DE NOTRE GESTION "COURAGEUSE".
En conséquence, LES CIGALES que nous sommes, réfugiées près des excédents à détruire du Marché Commun, des stocks d'invendables, loin des cumuls à neutrons, des cucus à diplômes, des clowns de la démocratie, des concentrations thermo-nucléaires, des gaspillages en institution ... Nous chantons en chœur ;
NOUS NE MANGEONS PAS DE CE PAIN-LA ! Pas davantage, nous nous salirons les mains dans la collaboration. Nous ne sommes pas résignés à avoir une vie de Primate pour acquérir une résidence secondaire dans un monde de robots dévoreurs de temps... Et lorsque la bise sera venue, nous dirons aux accapareurs, philosophes du Droit au Travail : VOUS SPECULIEZ ? FORT BIEN, BOSSEZ MAINTENANT !
Nous, démissionnaires en force du productivisme, pensons que c'est la seule façon d’éviter le grand froid de la Déflagration et de dénoncer le danger de cette
"ETRANGE FOLIE QUI POSSEDE LES CLASSES OUVRIERES des nations où règne la civilisation capitaliste. Cette folie traîne à sa suite des misères individuelles et sociales qui, depuis deux siècles, torturent la triste humanité. Cette folie est 1'amour du travail, la PASSION FURIBONDE DU TRAVAIL, poussée jusqu'à l’épuisement des forces vitales de l'individu et de sa progéniture. Au lieu de réagir contre cette aberration mentale, les prêtres, les économistes, les moralistes ont sacro-sanctifié le travail ".
(Paul Lafargue in "Le droit à la paresse"). —
M.L.C. (Mouvement de Libération de la Cigale).
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Cela fait toujours plaisir de trouver, au milieu des lugubres cérémonies du 1er mai, un son de cloche qui ne soit pas empêtré dans la problématique à courte vue de la politicaille, du degré de pourcentage auquel on se fera de toutes façons avoir, du nez collé sur son lopin de terre, comme si la réalité en était fondamentalement différente du reste du monde.
Dans ce tract, passe la vision de l'absurdité du monde actuel, un monde où l'écrasante majorité des hommes crève de faim alors que la technologie ouvre les portes d'une maîtrise des éléments incalculable. Un monde où les hommes s'épuisent dans un travail inutile parce que non orienté vers leurs besoins. Non, ce monde n'est pas réformable ! Il faut casser la logique qui le fait tourner, détruire ses bases, pour pouvoir construire autre chose.
Cependant nous pensons que si nos cigales se sont donné tant de mal pour écrire, taper, tirer et distribuer ce tract, c'est qu'elles pensent qu'il ne suffit pas de se croiser les bras pour changer le monde. Ou il y a une lutte à mener, quelque part. Mais où ?
Pour le moment, nos cigales se bornent à se "réfugier près des excédents à détruire" ... à se mettre en marge de la société en refusant de mener "une vie de primate". Cela rappelle le "on arrête tout et c'est pas triste" d'après mai 68, et qui était si triste !
Un par un, on ne peut avoir la vision du changement de la société. On en a une vision partielle, morcelée, impuissante : "l'amour, la sieste, le bavardage, la danse, l'exploration sociale" de l'âge de pierre... Pourquoi et comment l'humanité serait passée de cette "saine innocence" à l'enfer présent ? Par "amour du travail" ? Ou â cause de la pénurie qui domine la communauté primitive ?
Aujourd'hui, la pénurie est devenue un fait SOCIAL et non plus un fait NATUREL. Pour la première fois dans l'histoire, la possibilité d'une véritable communauté humaine fondée sur l'abondance existe. Et les possibilités qu'elle ouvrira en libérant toutes les facultés humaines, en libérant l'homme de son esclavage salarié, ne sont pas comparable à l'âge de pierre.
Au bas du tract, en gros, est portée une inscription : "seules contre les fourmis du capital, les taupes du gauchisme, les moutons du salariat" signé : "les cigales du mouvement de libération des cigales". Qui sont les moutons du salariat ? Ceux qui restent au boulot ? Si nos cigales se pensent deux pelées, trois tondues face à une horde de moutons passifs qui ont "la passion furibonde du travail", elles peuvent rêver la transformation du monde, elles ne comprendront jamais comment elle peut se réaliser et n'y participeront jamais autrement que dans leur tête. Si elles voient les ouvriers nageant dans la béatitude des bienfaits du travail salarié, il n'y a pas de raison de voir le monde capitaliste s'arrêter de tourner.
Non, les ouvriers ne sont pas des moutons. Les cigales ne voient que la misère dans le monde actuel. Ils ne voient pas ce qui est en germe dans la misère : l'explosion d'une révolte capable de TRANSFORMER LE MONDE : la révolution, dont le protagoniste principal sera justement la classe "travailleuse", la classe ouvrière, le prolétariat.
Seul le soulèvement de ces ouvriers, que bourgeois et petit-bourgeois méprisent tant, a ébranlé le monde du capital dans ses fondements, laissant enfin entrevoir une issue pour l'humanité. Des luttes de 1848 à la Commune, â la révolution de 17 et jusqu'à "l'été polonais" de 1980, en passant par toutes les autres tentatives, L'AFFIRMATION D'UNE COMMUNAUTE HUMAINE QUI SE LIBERE EST TOUJOURS LIEE A LA MISE EN MOUVEMENT DES "PRODUCTEURS" Les révoltes d'étudiants font pâle figure en matière de "créativité" comparées au bouleversement social que peut mettre en mouvement la classe ouvrière. Encore dernièrement en Pologne, les ouvriers n'ont pas fait qu'une démonstration de leur force en faisant reculer momentanément la bourgeoisie, mais aussi ils ont montré qu'on pouvait rompre l'isolement, la solitude, la démerde de chacun pour soi, la monotonie, l'absence d'avenir. "L'ambiance dans les rues en Pologne ne sera plus jamais la même" disait un passant à un journaliste occidental. C'est ce mouvement-là qui contrecarre la perspective du "grand froid de la déflagration mondiale", et pas les "pacifistes", les "objecteurs", les individualistes qui ne voient pas dans quel sens tourne l'histoire.
Quand demain ce formidable mouvement gagnera d'autres parties du monde, espérons que nos cigales ne seront pas trop fatiguées, pas trop écœurées et pas trop plongées dans la préhistoire pour comprendre la signification de la lutte des "moutons".
D.N.
Deux sympathisants du C.C.I., décident de créer, en avril 81, un comité ouvert à tous pour rompre leur isolement et en faire un lieu de discussion et d'intervention. Ils ont pris contact avec l'organisation et nous ont envoyé la lettre suivante : "Comme prévu, nous vous envoyons l'exemplaire du tract que nous voulons diffuser sur "J.". Nous vous demandons si le CCI peut prendre en charge la réalisation technique de ce tract (2 000 tracts). Il est évident que nous participerons aux frais. Nous ne nous étendrons pas sur cette initiative. Nous en avons déjà discuté avec vous. Nous pensons que cette intervention est nécessaire, sans pour autant privilégier celle-ci".
Voici le contenu du tract :
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"OUVRIERS, CHOMEURS, BRISONS L'ISOLEMENT !"
Notre silence nous rend complices et satisfait l'ordre capitaliste. Nous sonnes tous des chômeurs ou en passe de le devenir. Ne nous laissons pas gagner par la misère morale qui nous conduit tôt ou tard au suicide. Ne nous laissons pas illusionner par des charlatans (UDF, RPR, PS, Syndicat, Gauchistes...) qui n'ont qu'un seul but : maintenir le capital en nous envoyant à la 3ème boucherie mondiale.
NOUS NE POUVONS PLUS ETRE PASSIFS ET SILENCIEUX, ORGANISONS-NOUS !
Seules, l'extension et la généralisation de nos luttes peuvent mettre fin aux funestes projets que nous réserve la bourgeoisie de l'Est contre de l'Ouest.
TRAVAILLEURS ACTIFS, TRAVAILLEURS SANS EMPLOI, TRAVAILLEURS IMMIGRES, NOUS APPARTENONS A IA MEME CLASSE, LA CLASSE OUVRIERE INTERNATIONALE.
Organisons-nous, ne cooptons que sur nous-mêmes, luttons et manifestons notre unité par la lutte contre le capital de droite comme de gauche en reprenant l'exemple de nos frères en Pologne.
Camarades, nous t'invitons à une réunion qui aura lieu le 15 avril afin que nous organisions tous ensemble un comité dont les tâches et les actions seront à définir par nous-mêmes. CAMARADES, DANS L'ISOLEMENT, NOUS NE SOMMES RIEN !
ORGANISONS-NOUS NOUS-MEMES ET SOYONS TOUT !"
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Dans la mesure où ces éléments sympathisants du CCI depuis un certain temps demandaient le soutien du CCI pour ce projet, nous avons engagé la discussion avec eux
Le CCI appuie et participe à toute tentative de la classe de former des lieux de luttes, de discussions servant à tous : comités de chômeurs, cercles de discussions, noyaux ouvriers... etc...
Ces comités sont le produit direct de la vie de la classe, à un moment donné de sa réflexion et de son organisation. Ils surgissent, en général, du besoin créé par la lutte de classe de se regrouper pour lutter -hors du syndicat, de la gauche et des gauchistes, de poursuivre la réflexion engendrée par la lutte.
Cela dit, il serait erroné de croire que l'intervention des révolutionnaires suffit pour faire naître la vie au sein de la classe. L'activité la fébrile et dévouée qui soit ne peut jamais remplacer l'activité de dizaines, centaines ou milliers d'ouvriers agissant et réfléchissant ensemble, créant eux-mêmes leur propres assemblées.
En même temps, que ces éléments formulaient le besoin et le désir de créer ce comité, ils critiquaient le CCI sur son peu d'intervention au sein de la classe.
Mais de quelle intervention s'agit-il ?
La création d'un comité ouvert à tous, lieu de réflexion et de lutte, est un pas positif pour la vie de la classe. Positif, dans la mesure où il matérialise une dynamique, une vie potentielle qui se fait jour au sein d'un groupe d'ouvriers ou de chômeurs. Mais nous pensons qu'il serait erroné de vouloir les créer artificiellement, en utilisant des sympathisants comme moyen d'établir le "contact" avec les ouvriers. Notre tâche n'est pas de travailler à l'aide de nos contacts, de nos sympathisants à la formation de petits groupes ou cercles, "courroies de transmission" entre l'organisation politique -"celle qui a la conscience"- et l'ensemble de la classe, qu'elle soit à l'usine ou au chômage.
Notre tâche pour contribuer à la clarification de toutes les questions posées par la lutte de classe :
est de développer une organisation politique à l'image de sa classe internationale. La création de liens solides et organisés à l'échelle mondiale est la base indispensable pour développer une intervention révolutionnaire internationale et non éphémère. La diffusion des idées révolutionnaires dans tous les pays du monde, tâche fondamentale d'une organisation politique, ne peut être réalisée sans une presse régulière, diffusée dans toutes les langues, reposant sur l'existence d'un pôle solide et uni à l'échelle internationale[1].
L'organisation ne peut, ni créer, ni développer une base d'intervention internationale à partir d'activités locales et ponctuelles.
Seul le développement d'une organisation révolutionnaire internationale permet aux révolutionnaires d'intervenir et de participer activement aux luttes ouvrières et aux manifestations de la vie de la classe, chaque fois que cela est possible.
L'intervention des révolutionnaires, pour être efficace, ne peut se concevoir que comme une activité volontaire et décidée, et de longue haleine, à long terme.
Pour cela, elle doit se garder de deux dangers essentiels :
La lutte en Pologne a marqué un pas important dans le processus de développement de la lutte de classe[2]. Elle a montré la nécessité de l'internationalisation des luttes, de l'unification des luttes prolétariennes â l'Est avec celles des prolétaires â l'Ouest. Elle est venue rappeler la nécessité de l'intervention d'une organisation révolutionnaire internationale.
L.A.
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Six ans après s'être constitué en organisation internationale centralisée, un an à peine après le surgissement en Pologne du plus puissant mouvement de classe depuis la vague révolutionnaire des années 20, le Courant Communiste International a réuni son 4ème congrès.
En cette période charnière de la vie de la société marquée par une accélération des évènements, sous le double impact de l'accélération de la crise économique du capitalisme mondial et des premiers pas de la reprise internationale des luttes ouvrières, ce congrès, le premier des années 80, "années de vérité" pour la société comme pour les révolutionnaires se fixait un double objectif :
1) apprécier la capacité du CCI à faire face à cette accélération de l'histoire qui tend à balayer impitoyablement les illusions et comportements illusoires que les deux classes fondamentales de la société et leurs organes respectifs sont parvenus à conserver jusqu'ici, en même temps qu'elle commence à indiquer le type d'attitude que ces deux mêmes classes et leurs organes seront désormais contraintes d'adopter.
2) voir quels enseignements nouveaux la lutte du prolétariat en Pologne a apporté pour comprendre le déroulement du processus révolutionnaire dans une période de crise économique mondiale et non de guerre impérialiste généralisée.
Dans ce but, le congrès a discuté des rapports et résolutions portant sur les questions suivantes :
Ces rapports et résolutions, que nous publions dans la "Revue Internationale" n°26 et dont nous convions ici les lecteurs à prendre connaissance ont ainsi pleinement mis en évidence l'accélération de l'histoire vers le développement des affrontements de classe qui décideront du sort de l'humanité : révolution communiste mondiale ou guerre impérialiste généralisée. Mais se faisant, ils ont également mis en évidence deux autres "vérités".
La première est que, si le CCI peut être satisfait aujourd'hui d'avoir su mettre à profit les années 70 pour se réapproprier de façon critique les apports du mouvement ouvrier sans lesquels il lui serait impossible d'aborder positivement les nouveaux problèmes que posera nécessairement la lutte de classe â venir; si le CCI peut être satisfait d'avoir au cours de ces mêmes années réussi à constituer et à fonctionner en tant qu'organisation internationale, c’est à dire au seul plan où peuvent être posés, analysés et résolus les problèmes de la révolution communiste comme l'a mis en évidence la lutte du prolétariat en Pologne; si enfin le CCI peut être satisfait d'avoir vu ses positions et analyses générales confirmées tout au long de ces années, il aurait tort de croire que désormais tout ira au mieux pour lui, avec le nouveau développement de la lutte de classe. Les difficultés à distinguer dans le travail d'analyse ce qui relève de l'immédiat, du local, du contingent, de ce qui relève du plus historique, du plus international; les difficultés à agir véritablement comme une organisation unique ayant des expressions locales qui se sont manifestées au cours de ces deux ans écoulés où le CCI s'efforçait de prendre place dans la reprise internationale de la lutte de classe, sont autant de faiblesses auxquelles notre organisation se doit de pallier sous peine de voir à terme, sa capacité de jouer un rôle d'avant-garde au sein des combats de classe, remise en cause.
La seconde vérité, est que, si les groupes révolutionnaires qui ont surgi ou se sont maintenus au lendemain de 68 ont pu se permettre sans autre conséquence grave, autrement que pour eux-mêmes, de rester fixés sur des positions invalidées par 60 ans d'histoire, ou de cultiver leur originalité, leurs spécificités, leur particularisme sectaire au détriment d'un travail de confrontation politique au plan international en vue du regroupement des révolutionnaires, désormais le maintien de telles positions et attitudes constitueront autant d'obstacles majeurs aux efforts redoublés de la classe ouvrière à se doter d'un parti communiste mondial indispensable à l'auto-émancipation de la classe ouvrière mondiale.
CAR L'EPOQUE DE L'APRES-68 A VECU, L'EPOQUE DE L'APRES-POLOGNE COMMENCE !
L 'ORGANISATION DES COMMUNISTES, CONTRAIREMENT À LA CONCEPTION DEFENDUE PAR DES COURANTS REVOLUTIONNAIRES SCLEROSES, N'EST PAS MONOLITHIQUE. LES DIVERGENCES QUI Y APPARAISSENT SONT UNE MANIFESTATION D'UN CORPS VIVANT ET LES DISCUSSIONS AUXQUELLES ELLES DONNENT LIEU NE RELEVENT PAS SEULEMENT DE SA VIE INTERNE OU "PRIVEE", MAIS CONCERNENT TOUTE LA CLASSE OUVRIERE.
C'EST EN CE SENS QUE NOUS PORTONS ICI À LA CONNAISSANCE DE NOS LECTEURS LES ELEMENTS D'UN DEBAT QUI SE POURSUIT DANS NOTRE ORGANISATION AUTOUR DE L'ANALYSE DE "LA GAUCHE DANS L'OPPOSITION" (comme nous le faisons également dans la Revue Internationale n°26).
L'ARTICLE DU CAMARADE CHENIER, QUI EXPRIME UNE POSITION MINORITAIRE DANS LE CCI, CRITIQUE NOTAMMENT L'ANALYSE FAITE DANS LE n°68 DE RI SUR LES ELECTIONS DE MITTERRAND EN FRANCE. LA REPONSE QUI EST FAITE À CET ARTICLE, EN DEFENSE DE LA POSITION DE L'ORGANISATION, NE SE PROPOSE PAS DE REVENIR SUR LE FOND DE L'ANALYSE DE LA GAUCHE DANS L'OPPOSITION (AMPLEMENT DEVELOPPEE DANS LES COLONNES DE RI ET DANS LA REVUE INTERNATIONALE) MAIS ABORDE ESSENTIELLEMENT LE PROBLEME DU CADRE ET DE LA METHODE D'ANALYSE AINSI QUE CELUI DE L'IMPACT DE LA CRISE POLITIQUE DE LA BOURGEOISIE SUR SES ORIENTATIONS POLITIQUES FACE AU PROLETARIAT.
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Dans l'article "La crise politique de la bourgeoisie" paru dans le n° précédent de R.I., est défendue la thèse selon laquelle la prise en main du gouvernement par la fraction socialiste de l'appareil politique de la bourgeoisie française serait un "accident", un "faux pas" qui devrait "être mis au compte d'un certain nombre de faiblesses spécifiques à la bourgeoisie française qui ne concernent pas tellement son économie mais sa sphère politique". L'article justifie de cette manière les positions précédentes prises par notre presse qui avait notamment annoncé une défaite "voulue" de Mitterrand aux élections.
Au-delà du fait ponctuel de la victoire électorale du PS qui semble démentir l'analyse développée par notre organisation, il est nécessaire de réévaluer la logique qui se tient derrière l'article du camarade F.M. Jusqu'à présent, notre analyse de l'activité politique de la bourgeoisie tenait dans ce raisonnement :
"Face à la montée de la lutte de classe, la bourgeoisie sera de plus en plus contrainte de mettre ses partis de gauche dans l'opposition puisque c'est là où se situe leur rôle historique spécifique : encadrer et dévoyer les luttes prolétariennes". Dans l'absolu, cette hypothèse est évidemment correcte : la bourgeoisie face au prolétariat possède un atout fondamental qui réside dans la gauche et les syndicats. Ces organes sont les derniers remparts du capital et ils ne peuvent assumer leur rôle jusqu'au bout que s'ils maintiennent l'illusion qu'ils luttent eux aussi contre le système avec la classe ouvrière. Au gouvernement, ils ne peuvent, en période de crise économique, qu'organiser ouvertement l'austérité et ils perdent ainsi leur crédit auprès des travailleurs (sans que cela n'amène automatiquement ceux-ci à s'engager dans la voie révolutionnaire, comme le prétendent mensongèrement les trotskystes... C'est donc dans l'opposition que les partis de gauche sont THEORIQUEMENT les plus efficaces pour contrôler les mouvements de la classe ouvrière.
Mais il ne suffit pas de partir des besoins de la bourgeoisie pour bâtir une analyse des CAPACITES politiques de celle-ci. L'article de F.M. tente de faire coïncider la victoire de la gauche aux élections en France avec la thèse de la mise en place de la gauche dans l'opposition par la bourgeoisie au niveau MONDIAL. Cependant, cette thèse, telle qu'elle est défendue par l'article, comporte de nombreuses faiblesses.
Premièrement, l'article ne parvient pas à masquer le fait qu'il y a eu une sous-estimation des aspects spécifiques de l'appareil politique de la bourgeoisie française dans nos analyses antérieures. S'il y avait des faiblesses dans cet appareil, pourquoi ne pas en avoir tenu compte au moment où il s'agissait d'évaluer les possibilités politiques de la bourgeoisie avant les élections ? Par ailleurs, l'article évite de se poser la question pour les autres pays : va-t-on vers de tels types d'"accidents" en Italie ou en Grande-Bretagne ? En fait, en ce qui concerne la situation en France, il est faux de présenter l'élection de Mitterrand comme un "accident" dû à des faiblesses spécifiques. Bien au contraire, le Parti Socialiste a été reconstitué il y a dix ans pour suppléer à ces faiblesses dues à l'usure et à l'inadéquation de la tradition gaulliste. On peut dire que le centrisme giscardien a assuré l'intérim gouvernemental en attendant que le PS ait la force d'assurer ces tâches gouvernementales indépendamment du P.C.F., chose qui n'avait pas été possible au moment de l'Union de la gauche. La thèse de la "radicalisation" du PS après la rupture du Programme Commun est un non-sens et a été démentie par toute la stratégie du PS depuis 1979 où a notamment été développée la campagne sur Rocard destinée en fait à revaloriser le PS auprès des couches moyennes, des cadres qui constituaient l'électorat centriste; à la même époque, la CFDT pratiqua sa politique de "recentrage" préparant le terrain au PS.
Le fait que ce soit Mitterrand qui ait été finalement candidat est un point secondaire et il faut dire que ce personnage était bien plus digne de confiance pour l'ensemble de la bourgeoisie que l'ancien "gauchiste" Rocard, bien plus capable aussi de rassembler les suffrages "ouvriers"...
Tout cela montre la relative maîtrise de la situation par la bourgeoisie française permise par l'accalmie des luttes ouvrières depuis deux ans et non par une aggravation importante de sa crise politique comme l'envisage l'article. Certes, à terme, ce choix nécessaire de la bourgeoisie française risque de créer une situation explosive où le PCF et certains gauchistes comme Lutte Ouvrière se retrouveraient seuls pour casser les luttes de l'intérieur, mais pour l'instant, c'est le côté mystificateur de l'austérité "de gauche" qui risque momentanément de prendre le dessus et de paralyser la classe ouvrière. Qui peut dire qu'un nouveau gouvernement Barre aurait eu cette capacité ?
En fait, la mauvaise évaluation de la crise politique de la bourgeoisie en France provient d'une difficulté à définir les critères qui permettent de mesurer les capacités de la bourgeoisie face au prolétariat. Ce dernier ne lutte pas encore de façon unifiée au niveau mondial; il y a encore des niveaux de lutte différents suivant les pays.
Dans certaines zones, la bourgeoisie se doit de répondre au coup par coup (Pologne, Grande-Bretagne) car la lutte ouvrière est plus aigüe. Par contre, dans d'autres zones (Allemagne de l'Ouest, pays Scandinaves) la bourgeoisie peut déployer une stratégie politique plus "préventive". Enfin, dans des pays comme l'Italie ou l'Espagne, on assiste plutôt à une difficulté croissante de la bourgeoisie à mettre au point une réponse homogène et cohérente face au danger prolétarien. Toutes ces facettes de la politique de la bourgeoisie démontrent qu'il n'est pas possible aujourd'hui de raisonner dans un schéma figé qui voudrait que la bourgeoisie déploie au niveau MONDIAL une réponse politique UNIQUE qui serait "la gauche dans l'opposition". De plus, les exemples de la Pologne, de la Grande-Bretagne, sans parler de la France, tendent plutôt à montrer que l'instabilité politique de la bourgeoisie va s'aggraver au fur et à mesure que la classe ouvrière va intervenir sur le terrain social. Et cela, parce que la bourgeoisie doit répondre à des nécessités contradictoires qui tiennent à la place des partis de gauche, à la question de l'État, à la période historique que nous traversons.
La difficulté, voire l'incapacité de la bourgeoisie à déterminer une stratégie d'ensemble homogène au niveau mondial face à la classe ouvrière ne vient pas d'un manque de volonté contre-révolutionnaire de sa part, mais d'une incapacité historique liée à l'effritement de ses appareils contre-révolutionnaires de gauche qui sont seuls capables de s'opposer à terme à la lutte révolutionnaire de la classe ouvrière. L'affaiblissement des syndicats, des capacités mystificatrices des partis staliniens et socialistes dû à la lente mais sûre reconstitution de la classe ouvrière comme force historique entrave les capacités politiques de la bourgeoisie. Ce phénomène est d'ailleurs un des facteurs essentiels qui a permis au prolétariat de repousser l'éclatement d'une troisième guerre mondiale.
Une des premières contradictions de la bourgeoisie vient justement de sa difficulté à maintenir la gauche dans l'opposition lorsque la crise économique s'approfondit : les partis de gauche, pour justifier leur existence auprès de la classe ouvrière, sont contraints d'aller au pouvoir. En effet, l'échec répété des luttes revendicatives qu'ils contribuent d'ailleurs à saboter sape leur influence puisqu'ils ne peuvent même plus se prévaloir de "victoires économiques" ! Par ailleurs, les partis de gauche sont les mieux placés idéologiquement pour tenter de recrédibiliser la société en crise et son État... Une fois au pouvoir, ils se retrouvent dans de nouvelles contradictions et sont contraints de revenir dans l'opposition pour ne pas se couper totalement du prolétariat lorsque celui-ci reprend sa lutte, etc...
Il y a donc une exacerbation des contra dictions internes des partis de gauche qui sont de moins en moins capables de définir une orientation homogène. C'est cela qui est à la base des scissions et des éclatements au sein de la gauche depuis ces dix dernières années... Tout cela se répercute sur l'ensemble de l'appareil étatique de la bourgeoisie... C'est ce processus qui est "oublié" dans l'article du camarade F.M. qui n'envisage la bourgeoisie que comme un corps homogène, conscient et machiavélique (sauf en France !) capable de surmonter ses contradictions face au prolétariat alors que ce dernier les accentue !
Enfin, si pour la bourgeoisie, il se sera de plus en plus difficile de répondre à la question : comment arrêter les luttes de la classe ouvrière, comment battre le prolétariat ? Il est vital pour les révolutionnaires d'aider la classe ouvrière à évaluer les faiblesses de la bourgeoisie afin de savoir déterminer les perspectives politiques les plus claires possibles ! L'article de F.M. conclue trop vite à un affaiblissement de la bourgeoisie en France dû au ’ sacrifice prématuré d'une carte importante dans l'encadrement du prolétariat"', il n'est pas du tout évident que le PS va s'affaiblir dans les usines, outre le fait que le PS n'était pas jusqu'à présent une force fondamentale d'encadrement du prolétariat, sa présence au pouvoir risque d'accroître son impact idéologique auprès de certaines franges ouvrières estimant que leur adhésion au PS peut favoriser leurs revendications face aux patrons, cette illusion est d'ailleurs savamment entretenue par une frange importante du milieu gauchiste (trotskystes de l'OCI, de la L.C.R., certains maoïstes, le PSU ...), milieu totalement oublié par l'article de F.M. !
S'il est vrai qu'à moyen terme, les contradictions au sein de la gauche risquent d'augmenter surtout s'il y a des luttes puissantes, la solution du PS au pouvoir était la meilleure carte que la bourgeoisie française .pouvait jouer aujourd'hui face aux nécessités sociales et économiques compte-tenu de l'accalmie sociale de ces dernières années; cette attitude peut paraître un pari sur la “paix sociale". Mais, la bourgeoisie pouvait-elle faire autrement ?
Enfin, il faut noter que la question essentielle des revirements du PCF, des difficultés de celui-ci à définir une stratégie anti-prolétarienne pour le futur n'est pas abordée sérieusement par l'article de F.M., alors que cette question est une des clés pour l'avenir de la lutte de classe en France !
Pour toutes ces raisons, l'orientation de l'article de F.M. semble marquée par une incapacité à saisir la complexité de l'activité politique de la bourgeoisie et à interpréter correctement les faits réels.
9.6.81 Chénier
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Nous tenons avant tout à nous excuser auprès de nos lecteurs de ne pouvoir répondre à tous les aspects soulevés par l'article de Chénier à cause du manque évident de place dont nous disposons dans un journal de 8 pages. De ce fait, nous allons nous attaquer à quelques questions qui nous ont paru fondamentales dans son article, et en premier lieu à :
L’ABSENCE DE CADRE ET DE METHODE D’ANALYSE
Chénier nous dit :
D'un côté, il claironne l'incapacité historique de la bourgeoisie, de l'autre il nous "démontre" la préméditation concertée de l'arrivée du PS au pouvoir. Par ailleurs, cet article conclut : -"La solution du PS au pouvoir était la meilleure carte que la bourgeoisie française pouvait jouer aujourd'hui..."; mais aussi :
Là, par contre, il semble que cette carte de la bourgeoisie (la gauche au pouvoir) soit à la fois la meilleure aujourd'hui et la pire puisque les perspectives qu'elle annonce sont catastrophiques.
Voilà quelques-unes des contradictions que nous ne demanderons pas à Chénier de résoudre (la "dialectique" en a secouru bien d'autres avant lui), mais qui pour nous prouvent à l'évidence ce qui est la lacune principale de sa position l'absence d'un cadre d'analyse cohérent.
En effet, il nous présente la situation comme une somme d'éléments disparates, contradictoires, sans que l'on puisse trouver un lien réel entre eux, | dans laquelle la bourgeoisie, mais surtout sa fraction de gauche est tantôt forte, tantôt faible, et cela qu'elle soit dans l'opposition ou au pouvoir; c'est selon!
À ne vouloir trouver que des contradictions à la bourgeoisie, Chénier finit par tomber sur celles de sa propre vision.
Pour nous, toute analyse marxiste s'appuie sur un cadre qui n'englobe pas seulement de vastes périodes comme l'ascendance et la décadence du capitalisme, ou même des périodes importantes marquées par un renversement dans le rapport de forces entre les classes comme une période révolutionnaire et une période contre-révolutionnaire, mais également des périodes plus réduites, délimitées par des modifications sensibles à l'intérieur d'un même rapport de forces. C'est dans ce sens, qu'avec FM (confer article : la crise politique de la bourgeoisie française, RIn°86) nous affirmons que, depuis la reprise prolétarienne de 1968-70, les "années de vérité” (années 80) ont succédé aux "années d'illusion", et qu'à la tendance générale de la "gauche au pouvoir" a succédé celle de la "gauche dans l'opposition".
Il ne s'agit pas là d'une "thèse" ou d'un "schéma" abstrait, comme le croit Chénier, mais bien d’une analyse générale basée sur la réalité et l'évolution de la crise économique, de la lutte de classe et sur les nécessités vitales de la bourgeoisie dans cette réalité. C'est ce cadre qui nous permet de déterminer une tendance générale valable pour une période donnée et pour une majorité de pays ; et c'est l'importance et la nécessité d'un tel cadre que ne semble pas voir Chénier.
Qu'est-ce que cela signifie concrètement aujourd'hui ?
Il est vrai, d'un côté, que la politique de "gauche au pouvoir" entraîne provisoirement, une certaine "adhésion" des ouvriers ; mais en même temps, par l'obligation qu'elle a de gérer la crise, cette même gauche ne peut, à terme, que se décrédibiliser et se démasquer à leurs yeux.
A l'opposé, la "gauche dans l'opposition" présente, quant à elle, l'inconvénient de ne pas fournir d'alternative "réaliste" ; mais, par contre, par le radicalisme de son opposition, elle peut, plus facilement, assumer son rôle d'encadrement et de sabotage des luttes.
Sur ces deux évaluations, il semble que nous soyons d'accord avec le camarade Chénier.
Qu'est-ce qui nous différencie donc ? Si chacune des deux formules présente à la fois des avantages et des inconvénients, cela ne signifie pas qu’elles soient interchangeables à tout moment. C'est le contexte mondial (niveau de la crise et de la lutte de classe) qui détermine laquelle des deux présente le plus d'avantages et le moins d'inconvénients pour la bourgeoisie. Et cela ne se détermine pas sur une période de quelques mois, mais sur une période de quelques années et, est valable pour l'ensemble des pays capitalistes avancés.
Par contre, Chénier nous dit que ce qui prédomine aujourd'hui, de plus en plus, c'est la crise politique de la bourgeoisie, ce qui la mène à agir dans le désordre, au cas par cas, au coup par coup.
Ainsi, si une politique peut être valable à un moment donné, la bourgeoisie peut en changer si la conjoncture l'exige. De plus, les spécificités nationales déterminent la politique des bourgeoisies nationales. La gauche donc, qu'el- le soit au pouvoir ou dans l'opposition peut être, tantôt une force, tantôt une faiblesse, pour la bourgeoisie.
Contrairement à une vision aussi simpliste, nous affirmons qu'il existe, aujourd'hui, une tendance générale pour la bourgeoisie qui est la gauche dans l'opposition parce que la réalité de la crise économique et la reprise globale de la lutte de classe à l'échelle mondiale, font que les différentes bourgeoisies sont de plus en plus confrontées aux mêmes problèmes.
De ce fait, les aspects spécifiques, qui existent toujours dans chaque pays, tendent, contrairement à ce que dit Chénier, à rester au second plan dans la situation d'accélération des antagonismes de classe que nous vivons. La tendance générale que nous avons définie prédomine et reste valables pour la majorité des pays ; et les spécificités nationales s'inscrivent en général dans cette tendance.
Il est vrai, comme nous l'avons dit à propos de la France, que ces spécificités ("les faiblesses spécifiques de la bourgeoisie française") peuvent, à certains moments, prévaloir localement et temporairement. Mais ce sont des cas minoritaires et exceptionnels.
Les spécificités aujourd'hui ne peuvent en aucun cas déterminer une tendance générale de la situation : est-ce que l'écrasement du prolétariat chilien en 1973 aurait dû nous mener à croire que s'ouvrait une période de défaite pour le prolétariat mondial, alors que 1968 avait marqué la reprise mondiale des luttes ouvrières ?
LA CRISE POLITIQUE
Mais, abstraction faite des contradictions, de l'absence de méthode et du simplisme, la vision de Chénier nous propose donc comme fondement de la situation : la crise politique, pour ne pas dire la décomposition accélérée de la bourgeoisie mondiale et son incapacité a répondre aux problèmes cruciaux qui se posent à elle, notamment la lutte de classe.
À cela nous pouvons répondre : - OUI, soixante ans de décadence, qui s'achèvent par une crise mortelle du système, sont responsables d'un affaiblissement historique de la bourgeoisie;
Mais :
C'est pour cela que nous pouvons affirmer que, face au danger prolétarien, la bourgeoisie est capable de taire ses divisions les plus fondamentales et agir dans le même sens. Et si elle est capable de le faire à l'échelle mondiale, elle l'est d'autant plus au niveau national.
Pour nous donc, c'est la vision de Chénier qui mène à ne pas saisir "la complexité de la réalité", à ne pas saisir les capacités encore énormes de la bourgeoisie, à ne pas voir le pourquoi des difficultés de la classe ouvrière dans sa reprise. C'est une telle vision, qui, poussée au bout de sa logique, et si par malheur elle était reprise par la classe ouvrière, l'empêcherait de voir les embûches qui se dressent devant elle, les pièges que lui tend la bourgeoisie, et la mènerait inexorablement à la défaite.
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Le renforcement des préparatifs militaires, la menace atomique, constamment suspendue au-dessus de nos têtes, poussent à une révolte toujours plus forte contre la barbarie militaire. Mais cette révolte, parce qu'elle ne parvient pas à se lier à la lutte de classe, parce qu'elle reste en dehors d'une claire perspective prolétarienne, tend à être utilisée, manipulée par la bourgeoisie derrière les étendards du pacifisme, de l'anti-américanisme. Mettre fin aux guerres ne peut être autre chose que détruire le capital.
50.000 manifestants à Berlin-Ouest contre la venue du général Haig, secrétaire d'État américain et naguère chef suprême des forces de l'Otan, et dans plusieurs États d'Europe du Nord (Pays-Bas, pays Scandinaves, RFA...) et même aux Etats-Unis, de nombreuses marches et manifestations contre la guerre ont rassemblé des dizaines de milliers de personnes.
Ces réactions contre l'armement nucléaire et la bombe à neutrons, la course aux armements et l'engagement européen dans l'OTAN, les crédits militaires et contre les armées elles-mêmes, traduisent une angoisse réelle. Celle d'hommes et de femmes, pris de vertige devant une fantastique accumulation de moyens de destruction, qui sont amenés à s'interroger sur leur avenir et sur celui de leurs enfants. Angoisse qui fait peser sur le monde entier l’ombre permanente de la guerre. Il n'est nullement surprenant que la crainte du déclenchement d'un nouveau conflit mondial s'exprime le plus fortement là où est abritée la concentration la plus massive de l'arsenal guerrier du bloc occidental et notamment en RFA, c'est à dire au voisinage direct des blocs adverses, dans la zone géopolitique où la stratégie des tensions inter impérialistes s'exerce à travers la pression la plus intense.
Oui ! Le fait qu'on assiste à des réactions contre la guerre et les menaces de guerre est pleinement JUSTIFIE ET NECESSAIRE du point de vue prolétarien.
Dans ses "Thèses sur les tâches de la social-démocratie internationale" Rosa Luxembourg rappelait que "l'action de classe du prolétariat de tous les pays doit EN TEMPS DE PAIX COMME EN TEMPS DE GUERRE se fixer comme but principal de combattre l'impérialisme et de faire obstacle à la guerre".
Mais la soudaine attirance de fractions non négligeables de la bourgeoisie envers le "pacifisme" traduit, elle, tout autre chose.
De l'aile "gauche" du Labour Party (Benn) en Grande-Bretagne qui prône un "désarmement unilatéral" à l'aile "pacifiste" de la social-démocratie allemande (Brandt) qui feint aujourd'hui de militer pour un désengagement "neutraliste", de la social-démocratie suédoise qui cherche à faire peau neuve aux travaillistes norvégiens, retournant dans "l'opposition", on se découvre une fibre "pacifiste". On se gargarise à qui mieux mieux de phrases sur la "paix" et le "désarmement". La vérité c'est que l'on cherche ainsi à dévoyer les manifestations d'inquiétude face à la menace de conflit mondial que mettent en avant les grondements bellicistes des Haig, des Reagan, des Brejnev, des Strauss et des Thatcher sur le terrain du "pacifisme" pour les détourner complètement du terrain de la lutte de classe. Cette pression bourgeoise est d'autant plus forte dans des États ayant mieux résistés que d'autres jusqu'ici à la crise où, malgré l'ampleur des attaques de la bourgeoisie, la question de la guerre est, encore aujourd'hui, plus présente dans les esprits que celle de l'austérité. Mais l'heure est venue où la situation économique (voir l'article sur la crise en Europe dans ce n°) exige pour ces pays la mise en place d'un programme d'austérité sans précédent.
Ainsi, le pacifisme, remis au goût du jour dans la social-démocratie allemande, est d'une part un cache misère aux rigoureuses mesures d'ores et déjà adoptées par le gouvernement Schmidt au lendemain du sommet d'Ottawa comportant une considérable réduction du budget de L'Etat et d'autre part une préparation au passage de cette fraction de la bourgeoisie dans l'opposition pour pouvoir y prêcher la "paix sociale" au moment où celle-ci pourrait être remise en question tout en laissant à d'autres les rênes du pouvoir et la responsabilité de nouvelles mesures draconiennes impopulaires ainsi que le renforcement militaire de l'alliance atlantique. Toute la question du "pacifisme", du "neutralisme" est une fausse polémique entretenue pour masquer la réalité qui est bien pour l'ensemble de la bourgeoisie de faire passer ses mesures d'austérité à travers la paix sociale.
Dans les années 60, l'opposition à la guerre a pu être dévoyée sur le terrain de "la libération nationale des peuples opprimés". Aujourd'hui, où cette mystification a fait long feu, c'est sur la voie d'un "pacifisme de principe" où elle s'opposerait directement à toute expression de classe que tente de l'exploiter, de la drainer la bourgeoisie.
Cela dévoile la nature véritable du pacifisme : ce n'est pas la "paix" en opposition aux puissances impérialistes qui est défendue mais bien uniquement la "paix" entre les classes, la paix sociale, la pacification nationale au profit du capitalisme impérialiste.
"L'opposition à la guerre qui peut se manifester au sein de la bourgeoisie se résume tout crûment à son opposition à la guerre civile, à la guerre de classe".
Sur ses manœuvres, l'histoire nous livre des expériences édifiantes. La même entreprise que nous voyons à l'œuvre aujourd'hui, les révolutionnaires la dénonçaient déjà il y a plus de 50 ans avec la dernière énergie : "la bourgeoisie a précisément besoin que, par des phrases hypocrites sur la paix, on détourne les ouvriers de la lutte révolutionnaire" énonçait Lénine en mars 1916.
L'usage du "pacifisme" n'a pas changé : "en cela réside l'unité de principe des social-chauvins (Plekhanov, Scheidemann) et des social-pacifistes (Turati, Kautsky) que les uns et les autres, objectivement parlant sont les serviteurs de l'impérialisme : les uns le servent en présentant la guerre impérialiste comme la "défense de la patrie", les autres servent le même impérialisme en déguisant par des phrases sur la paix démocratique, la paix impérialiste qui s'annonce aujourd'hui. La bourgeoisie impérialiste a besoin de larbins de l'une et de l'autre sorte, de l'une et de l'autre nuance : elle a besoin des Plekhanov pour encourager les peuples à se massacrer en criant : "À bas les conquérants !" ; elle a besoin des Kautsky pour consoler et calmer les masses irritées par des hymnes et dithyrambes en l'honneur de la paix" (Lénine, janvier 1917).
Dans la première guerre mondiale, TOUS les propagandistes du "pacifisme de principe" ont sombré dans l'union sacrée. Mais surtout ils ont été les principaux responsables de l'entraînement du prolétariat au massacre sur le de la "défense nationale et de la patrie". Le pacifisme est purement une arme de la bourgeoisie ! et en aucun cas on ne peut s’opposer à la guerre à travers lui.
Pour les révolutionnaires, la question du pacifisme a été clairement définie par Lénine : "notre programme de paix" doit consister à expliquer que les puissances impérialistes et la bourgeoisie impérialiste ne peuvent donner la paix démocratique. Il faut chercher cette paix et l'obtenir, mais non sur des positions en arrière, dans l'utopie d'un capitalisme qui ne serait pas impérialiste ou d'une alliance de nations qui seraient égales en droit sous le capitalisme, mais en avant dans la révolution socialiste du prolétariat. Pas une revendication radicale de la démocratie n'est réalisable avec ampleur et solidité (...) autrement qu'à travers les batailles révolutionnaires menées sous les étendards du socialisme. Et celui qui promet aux peuples la paix "démocratique" sans prêcher en même temps la révolution socialiste, celui qui nie la lutte pour un but total..., celui-là dupe les prolétaires" (mars 1916).
Avec quelle actualité résonnent les phrases de Rosa Luxembourg : "La paix mondiale ne peut être préservée par des plans utopiques ou franchement réactionnaires, tels que les tribunaux internationaux de diplomates et de capitalistes, des conventions diplomatiques sur le "désarmement", la liberté maritime..., les alliances politiques européennes, des "unions douanières"...» des États-tampons nationaux, etc. On ne pourra pas éliminer ou même enrayer l'impérialisme, le militarisme et la guerre aussi longtemps que les classes capitalistes exerceront leur domination de classe de manière incontestée. Le seul moyen de leur résister avec succès et de préserver la paix mondiale, c'est la capacité d'action politique du prolétariat international et sa volonté révolutionnaire de jeter son poids dans la balance... Dans la lutte contre l'impérialisme et la guerre, les forces décisives ne peuvent être engagées que par les masses compactes du prolétariat de tous les pays",
La guerre impérialiste est un produit du capitalisme et on ne peut lutter contre la guerre qu'en s'attaquant au capitalisme à sa racine. C'est uniquement par le développement de la lutte de classe que la guerre peut être combattue. Sans cela, livrée à sa propre dynamique, le capitalisme ne peut échapper à la guerre impérialiste qui n'est que la continuation, par la violence des armes, de la guerre économique incessante que se livrent les États et les diverses fractions de la bourgeoisie. Mais beaucoup plus que cela, les "temps de paix" sont devenus le règne d'une "paix impérialiste". C'est ce qu'affirment fermement Lénine et Zinoviev dans "Contre le Courant".
C'est ce qu'atteste l'histoire depuis le début de ce siècle où est démontré "qu'il n'existe pas une opposition fondamentale en régime capitaliste entre guerre et paix". On a pu vérifier le bien-fondé de ce qu'affirmait déjà "le rapport à la conférence de juillet 1945, de la Gauche Communiste de France" car depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, "la production est essentiellement axée sur la production de moyens de destruction, c'est-à-dire en vue de la guerre. La décadence de la société capitaliste trouve son expression éclatante dans le fait que des guerres en vue du développement économique (période ascendante) , l'activité économique se restreint essentiellement en vue de la guerre (période décadente). Cela ne signifie pas que la guerre soit devenue le but de la production capitaliste, le but restant toujours pour le capitalisme la production de la plus-value mais cela signifie que la guerre, prenant un caractère de permanence, est devenue le mode de vie du capitalisme décadent". Cela signifie que les questions de la crise et de la guerre sont complètement liées. C'est pourquoi le problème de la guerre est d'un poids énorme et constant dans la société capitaliste décadente en crise.
La véritable réponse -et il n'y en a pas d'autre, c'est que la lutte contre la guerre passe nécessairement par la lutte de classe. C'est le développement de la lutte de classe qui est, dans cette société, le seul moyen de lutter contre la guerre. Contrairement à la propagande de la bourgeoisie qui, à travers les événements de Pologne, a assené, massivement et internationalement l’idée que la lutte de classe poussait vers la guerre mondiale :"si la lutte va trop loin en Pologne, les russes interviendront, et alors...", on a là précisément la preuve concrète d'une réalité inverse, ainsi que témoignent certains "observateurs" avisés de la situation (voir notre encart) : la mobilisation ouvrière sur son terrain de classe a été et reste l'obstacle décisif à l'intervention de l'URSS en Pologne.
Il faut éviter le piège du pacifisme, de la "paix sociale" en comprenant que la lutte contre la guerre c'est aussi la lutte contre l'austérité et tirer les leçons de la lutte de classe que la lutte contre l'austérité est aussi une lutte contre la guerre dans un monde où la crise et la guerre sont les deux phases d'une même réalité, la manifestation inéluctable d'une pourriture qu'exhale par tous ses pores le monde capitaliste.
C'est pourquoi nous traversons aujourd'hui des "années de vérité" dont l'enjeu se précise et se révèle de jour en jour internationalement. N'accepter ni la marche à la guerre ni l'austérité, rejeter les mensonges de la bourgeoisie et ses marchés de dupes, ne pas suivre la gauche dans la voie mensongère du pacifisme, du désarmement de la lutte de classe, refuser la paix sociale. Le développement international des luttes ouvrières est seule capable de porter une réponse au problème de la guerre car "classe qui porte en elle la fin de toutes les guerres et le seul devenir possible de la société, le socialisme, mais aussi classe qui est en première ligne des sacrifices imposés par la guerre impérialiste et qui exclue de toute propriété soit la seule à ne pas avoir de patrie, à être réellement internationaliste, le prolétariat tient en ses mains le sort de toute l'humanité. Et plus directement de sa capacité à réagir sur son terrain de classe à la crise historique du capitalisme, dépend la possibilité ou non de ce système d'y apporter sa propre réponse -la guerre impérialiste- et de l'imposer à la société" (Revue Internationale, n°18: "Le cours historique").
Zinoviev rappelait déjà en 1916 : "La question qui se pose pour nous est beaucoup plus vaste que celle de la conduite à tenir durant les quelques mois qui restent à attendre jusqu'à la fin de la première guerre impérialiste mondiale. La question qui se pose pour nous est celle de toute une époque de guerres impérialistes" pour lancer l'appel au prolétariat mondial : "la révolution prolétarienne ou bien une nouvelle série de guerres impérialistes, de nouvelles mers de sang, de nouveaux millions de victimes. C'est ainsi que l'histoire a posé la question pour tous les pays ... La révolution et le socialisme s'imposent ou bien ce sera une nouvelle série de guerres impérialistes".
Cet appel a conservé toute son actualité et il est plus que jamais crucial de le faire entendre pour l'avenir de l'humanité.
Y.D.
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CETTE FOLIE CESSERA LE JOUR OU LES OUVRIERS D’ALLEMAGNE ET DE FRANCE, D’ANGLETERRE ET DE RUSSIE SE RÉVEILLERONT ENFIN DE LEUR IVRESSE ET SE TENDRONT UNE MAIN FRATERNELLE, COUVRANT À LA FOIS LE CHOEUR BESTIAL DES FAUTEURS DE GUERRE IMPERIALISTES ET LE RAUQUE HURLEMENT DES HYÈNES CAPITALISTES, EN POUSSANT LE VIEUX ET PUISSANT CRI DE GUERRE DU TRAVAIL : PROLETAIRES DE TOUS LES PAYS, UNISSEZ-VOUS ! (R. Luxembourg, "La Crise de la Social-Démocratie")
Considérer les questions de la guerre du seul point de vue d'un vague humanitarisme ne peut amener à comprendre ce qui détermine les guerres.
C 'est le rapport qui existe entre la crise économique et la guerre qui détermine objectivement les véritables enjeux de la situation mondiale. Dans la débâcle économique du capitalisme mondial, à l'Est comme à l'Ouest, l’alternative "guerre ou paix" est tout aussi fausse que "austérité ou prospérité" ; la seule véritable alternative est : guerre ou révolution.
La "paix", le "désarmement", la "prospérité, en pleine crise capitaliste, ne sont que des illusions. Et des illusions qui peuvent coûter cher, comme elles ont coûté cher lors de la 1ère et de la 2ème guerres mondiales. Les vagues déclarations d'intentions pacifistes, les attitudes pacifiques ne peuvent en aucun cas construire la force qui peut s'opposer à la perspective de guerre qu'implique la crise mondiale du capitalisme. Au contraire, ceux gui organisent aujourd'hui les "marches pour la paix" un peu partout en Europe, la gauche, ne font qu’organiser une vaste entreprise de récupération.
Les mobilisations qu'ils préconisent sur les faux mots d‘ordre de paix, font partie d'une vaste entreprise de démobilisation générale face à la crise militaire et économique du capitalisme mondial.
Dans cette ambiance de crise mondiale, le renforcement des préparatifs de guerre, l'accumulation de moyens de destruction monstrueux qui, est-il encore besoin de le dire, dépassent l'entendement, vient, comme une décharge électrique, secouer la conscience de millions de personnes.
La crise, économique et le danger d'une 3ème guerre mondiale forment aujourd'hui un couple dont l'unité s'affiche de plus en plus au grand jour. La profondeur de l'une révélant la possible terreur de l'autre.
C'est justement le lien qui existe entre la crise économique mondiale du capitaliste et la guerre qu'il faut saisir pour comprendre la situation mondiale et ses enjeux.
Crise et guerre sont indissociables, le capitalisme détermine nécessairement l'une qui engendre l'autre.
Si la crise n'est pas autre chose que le procès d'autodestruction du capital au niveau économique, fermeture d'usines, inemploi de plus en plus grand de l'appareil productif...etc. la guerre, elle, n'est que le prolongement ultime de cette réalité. La destruction massive, systématique, directe, par les moyens militaires des forces productives et humaines que le capitalisme ne peut plus contenir et encore moins développer.
Ainsi, l'accumulation colossale d'armements aujourd'hui et leur capacité destructrice témoigne de la profondeur des contradictions du système.
Plus l'appareil de production est "moderne", plus la production s'effectue sur une large échelle, plus la crise de surproduction est profonde et généralisée. L'armement suit le même chemin, la même logique ; son modernisme, sa capacité de destruction, la place aujourd'hui énorme qu'il occupe dans l'ensemble de la production, ne fait que renforcer le danger de guerre.
"L'équilibre de la terreur" est un mensonge total, du début des années 50 â la fin des années 60, ce n'est pas l'accumulation des bombes atomiques qui a empêché la guerre ; si, durant ces années-là; une 3ème guerre mondiale n'était pas à l'ordre du jour, c'est que la situation économique mondiale ne le nécessitait pas de façon immédiate. Le repos qu'offraient au capitalisme mondial les désastres de la seconde guerre repoussait de quelques années la nécessité d'une troisième guerre mondiale. Et pourtant, les données essentielles de cette 3ème guerre furent données dès la fin de la 2ème guerre, la guerre froide mettant clairement en opposition les deux camps autour desquels allaient s'axer tous les conflits mondiaux. Le bloc des pays de l'Est et celui des pays de l’Ouest.
C'est dans les grandes années de "prospérité" d'après-guerre que sont accumulées à une vitesse accélérée les contradictions économiques qui débouchent aujourd'hui sur la crise économique mondiale. Ici aussi le lien entre la guerre et la crise est net. Les périodes dites de "prospérité" ne sont en fait que des périodes de reconstruction, qui ne peuvent que déboucher sur une nouvelle période de crise. Les années de "paix" ne sont que les années de préparation à la guerre.
Si dans les pseudos périodes de "prospérité" se sont accumulées les contradictions économiques, durant les pseudos années de "paix" se sont accumulés les moyens d'une 3ème guerre mondiale.
Le lien qui existe entre la crise et la guerre pose déjà nettement que l'alternative face à la situation mondiale n'est ni "prospérité" ou "austérité", ni "guerre" ou "paix", mais ne peut être que guerre ou révolution.
La préparation de la guerre est, par centre, elle, bien concrète, les déclarations de Reagan sont claires. En fait, le flou des déclarations "pacifistes”, le spectacle des "marches pour la paix" permettent aux préparatifs de guerre de s'affirmer nettement, de s'imposer massivement.
La question qui se pose est : le "pacifiste" est-il ou non un moyen efficace de lutte contre la guerre ? À CELA NOUS REPONDONS CATEGORIQUEMENT : NON !
L'expérience le démontre amplement, les deux guerres mondiales, ainsi que la période de guerre froide, ont toujours été précédées de larges mouvements pacifistes animés, encadrés, dirigés par la gauche. Dans ces mouvements, la gauche, non seulement n'a pas empêché les guerres, mais de plus a préparé le lit du militarisme où la gauche s'est vautrée pendant la première et la deuxième guerre mondiales.
Ici il faut renverser le dicton qui est la philosophie affichée de l'État : "Si tu veux la paix, prépare la guerre", la réalité est plutôt s "Si tu prépares la guerre, parle de paix".
D'ailleurs, de manière générale déjà, la guerre ne se fait jamais au nom de la guerre maïs toujours au nom de la paix. Quand les blocs russe et américain préparent activement la guerre, ils le font au nom de la "paix mondiale". Le bombardement atomique d'Hiroshima a été fait, lui aussi, au nom de la paix.
Bonn, 11 octobre : 300.000 personnes sont réunies pour une marche de la paix :
Les manifestations pacifistes comme les marches pour la paix qu'organise en ce moment la gauche dans toute l'Europe n'ont pour seul but que : 1°) de brouiller les cartes par leurs mots d'ordre pacifistes 2°) d'anéantir l'idée d'une alternative possible face à la guerre et à la crise du capitalisme. L'impuissance manifeste de tels "rassemblements humanitaires" contre la guerre n'aboutissent finalement qu'à entretenir l'idée que la guerre est inévitable, qu’on n'y peut rien, que finalement "l'ennemi", 1'"oppresseur", c'est "les autres", et que bien qu'on soit contre la guerre, il faut tout de même se "défendre".
Les grandes déclarations sur la paix s'alternent avec celles de la nécessité de préparer celle-ci. La lutte contre la guerre se ramène à de vagues déclarations humanitaires, se réduit à la lutte contre l'installation de tel ou tel missile nucléaire, entretient plus qu'un flou artistique sur les causes, les buts et les moyens d'une véritable lutte contre les perspectives de guerre. Souvent, cette fameuse "lutte pour la paix" se conclut par l'affirmation de la guerre elle-même :
Considérer la question de la guerre d'un point de vue humanitaire ne peut permettre ni de comprendre ce qui détermine les guerres, ni, encore moins, de s'opposer efficacement à la perspective d'une autre guerre mondiale.
Pour la bourgeoisie, les "pacifistes" sont autant nécessaires que les "bellicistes" peur faire passer le message, pour habituer les populations à l'idée de la guerre, canne elle les habitue à l'horreur par le spectacle d'une guerre nucléaire qu'elle diffuse, 1'air désolé, quotidiennement par le réseau des médias, radio, télévision et journaux. Le "dialogue" entre les "pacifistes de gauche" et les "bellicistes de droite" n'a pour fonction que de donner la parole à la bourgeoisie et lui permettre, en brouillant les cartes, de dire ce qu'elle veut de la guerre.
Avec le pacifisme, la gauche du bloc occidental a aussi trouvé un mot d'ordre, le thème d’une campagne qui lui permette de refaire le plein dans ses rangs, qui lui permette de retrouver "l'écoute des masses". Elle en avait bien besoin.
Les discours pacifistes de la gauche sont un canal à travers lequel la gauche peut faire passer une idéologie nationaliste et de paix... sociale.
Le neutralisme, un certain "anti-américanisme" ne s'appuient sur aucune réalité concrète au sein du bloc américain où les nations serrent de plus en plus les rangs. L'attitude de Mitterrand aux USA est, sur ce sujet, éloquente. Par contre, ils permettent de développer de façon indirecte, sans choquer les consciences, une pensée, une démarche, une attitude FONDAMENTALEMENT NATIONALISTE. Et pour la bourgeoisie, c'est cela qui est important.
Si le "neutralisme" permet de développer des thèmes nationalistes, ^"pacifisme" permet, lui, d'essayer d'inculquer aux les exploités une mentalité pacifique, passive, bien utile à la bourgeoisie dans la guerre sociale, dans la lutte de classe entre la bourgeoisie et le prolétariat, qu'attise chaque jour l'approfondissement de la crise économique.
Ainsi le pacifisme prépare le terrain de la guerre en maintenant la "paix sociale" et cette paix-là est la seule paix pour laquelle se bat réellement la gauche.
C'est ce que dénonçaient les révolutionnaires lors de la 1ère guerre mondiale :
La "paix sociale", 1'"union nationale", le nationalisme qui drape le tout, sont les fondements de toute situation de guerre et ils sont aussi les fondements des compagnes "pacifistes".
Un mouvement qui s'oppose véritablement à la perspective de guerre ne peut être qu'un mouvement qui brise le cadre de la guerre : les frontières nationales, un mouvement qui aille vers l'unification de la société humaine à l'échelle mondiale, un mouvement solidaire internationalement, une lutte internationale et internationaliste, qui est l'antithèse absolue de la guerre qui est, du point de vue ouvrier, "un suicide de la classe ouvrière" carme le dit Rosa Luxembourg :
Lors de la manifestation pacifiste de Bonn, un avion survolait la manifestation tirant derrière lui une banderole : "Qui manifeste à Moscou ?"... "Provocation" se sont écriés les organisateurs de la manifestation. Mais de la manifestation ne s'est élevé aucun appel à la solidarité avec les ouvriers des pays de l'Est, aucun appel à unifier les efforts et les luttes des ouvriers des deux blocs antagoniques, et, pourtant, en cas de guerre, ce sont eux qu'on appellera à se massacrer mutuellement.
Il n'y avait personne qui manifestait à Moscou pour la paix lors de la manifestation de Bonn. Mais en Pologne depuis plus d'un an, il y a une classe ouvrière qui a lutté de façon acharnée contre son état et qui, aujourd'hui, crève de son isolement. 300 000 personnes à Bonn "contre la guerre" et pas un mot d'ordre, pas la plus petite déclaration de "solidarité" avec les ouvriers polonais et les autres ouvriers des pays de l'Est qui, dans la perspective de guerre, sont présentés carme "les ennemis".
Enfin, nous ne pouvons pas reprocher aux manifestations pacifistes de ne pas être internationalistes et révolutionnaires alors qu'elles ont pour vocation et pour tâche d'enrayer le processus qui mène vers la révolution mondiale.
Sans l'affirmer dans de grandes déclarations humanitaires, la lutte de classe en Pologne constitue dans la pratique un véritable frein à la perspective de la guerre mondiale,' de la même manière que les soulèvements révolutionnaires des années 1917 ont contraint la bourgeoisie a stopper la guerre mondiale, de la même manière que les soulèvements, les grèves en 1944 en Italie, ont contraint la bourgeoisie italienne à se retirer de la guerre mondiale :
La bourgeoisie -et cela vaut pour toutes les bourgeoisies, à l'Est corme à l'Ouest- ne peut manœuvrer Ie sur ce front-là, ses meilleurs officiers mains libres sur le front social, et sur ce fait-là, ses meilleurs officiers sont la gauche, ses meilleurs états-majors, les syndicats.
Il n'y a qu'une seule force qui puisse s'opposer à la perspective d'une 3e guerre mondiale, c'est la force qui sera capable de briser le mur de Berlin, non pas pour réunifier la "nation allemande" mais pour unifier la lutte des ouvriers des pays de l'Est et de l'Ouest par-delà toutes les frontières nationales. Cette lutte-là ne peut être qu'une lutte révolutionnaire qui s'attaque aux racines du mal, aux causes de la crise et de la guerre, une lutte qui s'attaque au capitalisme et à ses différents États nationaux.
Prénat
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“L'ordre règne à Varsovie !". Ce vieux mot d'ordre de la contre-révolution féodale est devenue depuis août 1980 celui de la contre-révolution bourgeoise. La terrible répression qui s'abat en ce moment sur le prolétariat de Pologne n’est pas le simple fait du dictateur Jaruzelski. C'est toute la bourgeoisie mondiale qui fait le coup et qui 1'a longuement préparé, mois après mois. Qu'elle délègue aujourd'hui aux flics et aux militaires polonais la tâche spécifique de faire régner la terreur, d'emprisonner et de tuer les prolétaires, ne doit pas faire oublier la contribution de tous ses autres secteurs, de l'Est et de l'Ouest, de droite et de gauche, à la répression anti-ouvrière.
Pour que la répression fût possible, il fallait d'abord que le prolétariat de Pologne ait été affaibli et isolé. Affaibli, il l’a été avant tout par les manœuvres de Solidarité (cf. l'article "Le syndicat Solidarité a préparé la répression", dans ce numéro). Mais ces manœuvres elles-mânes n'ont été possibles que par son isolement à l'échelle mondiale, tant dans le bloc de l'Est que dans le bloc de l'Ouest.
Et ce sont tous les secteurs de la bourgeoisie mondiale qui se sent partagé la besogne pour réaliser oet isolement et cet affaiblissaient et qui aujourd’hui poursuivent leur collaboration en vue de les maintenir.
La bourgeoisie mondiale définit, dès août 80, les grands axes de ce qui sera sa stratégie face au surgissaient de la classe ouvrière. A l'Est, l'URSS agite â mots couverts la menace d'une intervention. A l'Ouest cm commencé à faire du bruit autour de cette menace et on “met en garde" l'URSS contre toute "aventure". Au niveau des forces de gauche occidentales et notamment des syndicats, on prend les dispositions pour jouer les "bonnes fées" autour du nouveau-né syndicat "indépendant".
Cette stratégie se développera pendant des mois jusqu'à aboutir aux conditions qui ont permis la répression présente.
Dans cette stratégie, la place du bloc russe est évidement de premier ordre. C'est lui qui a la responsabilité directe de déchaîner la répression.
Il est clair que c'est tout le bloc qui agit en Pologne : l'armée polonaise n'est-elle pas me pièce rial tresse du Pacte de ... Varsovie.
Mais au-delà des considérations strictement militaires, il est également clair que la bourgeoisie russe, encore moins que les autres secteurs de la bourgeoisie mondiale, ne pouvait rester inactive face aux formidables luttes ouvrières qui prenaient place au cœur de son bloc, dans le 2ëme pays de celui-ci. Luttes ouvrières qui constituaient un formidable exemple pour le prolétariat d'URSS et des autres pays d’Europe de l'Est de plus en plus durement frappé par la crise économique mondiale du capitaliste.
Mais la contribution des pays du bloc de l'Est au rétablissement de l'ordre bourgeois en Pologne ne se limite pas à sa participation à la répression présente. Elle s'est manifestée mois après mois, de l'été 80 à décembre 81. Sa carte essentielle a été l'intimidation.
A travers des déclarations répétées sur la nécessité d'une "aide fraternelle à la classe ouvrière polonaise" et force manœuvres militaires tout autour de la Pologne, chaque fols que se développaient les grèves, l'URSS et ses alliés ont laissé entendre qu'ils étaient prêts à rééditer leurs opérations de 1956 en Hongrie et de 1968 en Tchécoslovaquie. Ces menaces d'une intervention "extérieure" ne correspondaient pas aux intentions véritables de la bourgeoisie comme le démontrent les événements d'aujourd'hui.
Leur fonction réelle était de faire tolérer par les ouvriers, comme "moindre mal" qu'il ne fallait pas "compromettre", une politique de plus en plus dure menée par les autorités nationales tant sur le plan de l'austérité que sur celui de la répression.
En fait, les vociférations venues de Moscou, Prague ou Berlin-Est, misaient sur le rationalisme qui pèse très lourd sur la conscience des ouvriers polonais. "Mieux vaut encore une oppression à la polonaise qu'une oppression à la russe", était le leitmotiv implicitement répété par le PGUP et explicitement agité par "Solidarité" pour démobiliser et démoraliser la classe ouvrière.
Les vociférations moscovites avaient encore une autre fonction : renforcer deux organistes fondamentaux de l'ordre capitaliste en Pologne, le parti et "Solidarité".
Ainsi, en juin 1981, c’est grâce à une lettre menaçante envoyée par le PCUS au POUP et qui attaquait nommément Kania, que celui-ci réussit à refaire autour de lui l'unité de son parti malmenée par la contestation et les "structures horizontales", le seul fait d'être attaqué par l'URSS avait fait de Kania un héros auprès de ses troupes.
De même, chaque fois que les deux principaux "pompiers volants" de "Solidarité", Walesa et Kuron, étaient mobilisés pour convaincre des grévistes de cesser leur lutte, ils étaient victimes d'attaques en règle dans les médias soviétiques. La constance avec laquelle l'URSS a dénoncé les éléments les plus "modérés" de "Solidarité" et non les éléments les plus radicaux tels Gwiazda et Rulewski en dit long sur le véritable motif de ces campagnes : redorer le blason de "Solidarité" et de ses dirigeants afin de les rendre plus aptes à saboter les luttes ouvrières.
Une autre fonction assumée par les menaces "d'intervention extérieurs" a été de détourner les yeux des prolétaires polonais du véritable danger qui les menaçait et qui s'est concrétisé le 13 décembre : la répression par les "forces de l'ordre" polonaises conduites par Jaruzelski, ce "libéral", ce "grand patriote", cet "honnête homme" , ce "partisan du dialogue" qui s'est toujours refusé à faire tirer sur les ouvriers", suivant les dires de Walesa.
Enfin, les menaces d'intervention ne visaient pas seulement à démobiliser les travailleurs de Pologne mais aussi ceux des autres pays d'Europe de l'Est. C'était d'autant plus nécessaire peur la bourgeoisie que, durant la même période, s'étaient manifestés les signes d'une certaine combativité en Tchécoslovaquie (Ostrava), en Allemagne de l'Est, en Roumanie (mineurs de la vallée de la Jiu) et même en URSS (Gorki et Togliattigrad en avril 80, Workuta en septembre 80).
Cette entreprise d'isolement du prolétariat de Pologne dans le bloc de l'Est n'était pas uniquement basée sur l'intimidation. Cette dernière s'accompagnait de toute une campagne chauvine tendant à développer l'idée que les grèves de Pologne étaient responsables des difficultés économiques qui se développaient dans les autres pays .Suivant la situation économique de chacun de ceux-ci, en a, soit présenté les ouvriers polonais carme des privilégiés et des paresseux qui n'avaient aucune raison de s'agiter, soit expliqué leur agitation oorrme résultant "d'erreurs" catastrophiques de la direction Gierek.
L'action combinée de toutes ces manœuvres ouvrait la voie à la répression d'aujourd'hui.
L'agence Tass elle-même ne croit pas si bien dire (17-12) :
Mais pour réussir cette action, elle avait besoin de la contribution essentielle de la bourgeoisie du bloc occidental.
La sollicitude dont ont fait preuve les grands pays d'Occident à l'égard de l'économie polonaise est bien connue. Elle ferait presque croire à un capitalisme généreux et philanthrope. Cette apparente générosité a une raison bien précise : il s'agit de prévenir l'effondrement complet de l'économie d'un pays qui connaît les luttes ouvrières les plus importantes de l'histoire mondiale de ces 50 dernières années.
La manœuvre est claire et a été encore confirmée au mois d'août 81 lorsque, à la suite des “marches de la faim", le gouvernent Mauroy a décidé d'urgence l'envoi d’une aide alimentaire complémentaire.
Mais l'enjeu va bien au-delà a une simple rentabilité économique ; il s'agit de tout faire pour éviter de nouvelles explosions sociales. C'est pour cela que les Etats, garants de l'ordre social, font pression sur les banques pour qu'elles “oublient" les critères de stricte rentabilité.
Ainsi, le bloc occidental complète le dispositif de maintien de l'ordre. Là où le bloc russe ne peut rien, compte tenu de sa faiblesse économique, l'Ouest vient à la rescousse. On se partage les tâches : à l'Est de brandir le bâton (de ce côté-là il est bien pourvu), à l'occident de fournir la carotte.
Mais leur collaboration ne s'est pas arrêtée là. Les pays de l’Ouest ont également participé pleinement à la campagne d'intimidation sur "l’intervention extérieure". Leur contribution était même indispensable : les menaces proférées par l'Agence Tass ou la Pravda avaient besoin d'être répercutées par la BBC ou "Radio Europe Libre" pour être prises au sérieux.
Si on examine 1'histoire de ces 16 derniers mois on constate que les mises en garde occidentales à l'URSS les plus véhémentes ont toujours coïncidé avec les moments de plus grande tension sociale. On constate également qu'elles s’accompagnaient d'appels au calme en direction des ouvriers de Pologne.
Ce ne sont pas seulement les gouvernements d’occident qui ont participé au maintien de l'ordre en Pologne. Les organisations syndicales ont été aussi mises amplement à contribution. Au saboteur des luttes "Solidarité", elles ont apporté un soutien actif :
Mais la participation des syndicats occidentaux au maintien de l'ordre en Pologne, aux préparatifs de répression, ne s'est pas limitée à cela. C'est toute leur politique de sabotage des luttes ouvrières en occident-même qui contribuait à ces préparatifs. En effet, le rapport de forces global entre prolétariat et bourgeoisie, celui qui permet ou non à cette classe de déchaîner la répression contre tel ou tel secteur du prolétariat, est fondamentalement déterminé dans les plus grandes confrontations ouvrières. Or, celles-ci se trouvent essentiellement dans les pays d'occident. Les luttes ouvrières dans ces pays auraient aidé puissamment les ouvriers de Pologne à surmonter leurs illusions nationalistes, démocratiques et syndicalistes, à combattre le sentiment de leur isolement qui a été amplement exploité par "Solidarité" pour les démoraliser.
Le sabotage de ces luttes, la passivité dans laquelle est resté, de ce fait, le prolétariat d'occident malgré l'énorme aggravation de la crise, sent donc directement responsables des tragiques événements d'aujourd'hui. Et par une ironie de l'histoire, qui dévoile bien le cynisme de la bourgeoisie, l'entreprise de dànohi1isation des ouvriers d'occident a utilisé à fond, juste retour des choses, la popularité de "Solidarité" auprès d'eux. Lorsque Walesa, symbole bourgeois des grèves d'août 80, participait à un meeting d'Edmond Maire, il redorait le blason de la CFDT et facilitait sa tâche de saboteur des luttes. De même, toutes les campagnes tendant à présenter la conquête de "syndicats libres" carme l’objectif principal des ouvriers de Pologne contribuaient à la démobilisation des ouvriers de l'Ouest qui, eux, disposent déjà d'un tel syndicat.
Décidément, Jaruzelski et Brejnev doivent une fière chandelle à leurs complices d'occident, gouvernements et syndicats !
La répression présente en Pologne est une étape importante du tir de barrage opposé par la bourgeoisie mondiale au surgissement historique du prolétariat qui a commencé en mai 68-
De même que sa préparation, sa portée dépasse de très loin le cadre des frontières polonaises.
La terreur ne s'adresse pas uniquement aux ouvriers de Pologne, même s'ils en sont aujourd'hui les victimes directes. C'est tout le prolétariat mondial qu'on cherche à intimider, à démoraliser, c'est évidemment sur les prolétaires d'Europe de l'Est et d'URSS que s’exerce le plus brutalement cette intimidation.
Mais la bourgeoisie vise plus loin. Si, pour le moment, une répression similaire à elle de Pologne n'est pas ressentie comme une menace par les ouvriers d'occident, il s’agit quand-même d’exploiter au maximum cette répression pour les démoraliser et les démobiliser.
En occident, la bourgeoisie mène un offensif tout azimut avec des thèmes et des arguments qui semblent se contredire.
Ainsi, au marient de l'annonce de l'état de siège, le ton général, au niveau des gouvernements, est à l'image des déclarations de l'ineffable Cheysson, "c'est une affaire strictement polonaise". On peut même voir des "atlantistes" bon teint exprimer leur "cornpréhension" :
Avec ce type de déclarations, la bourgeoisie affirme clairement qu’il faut considérer comme "normales" des mesures de répression massive contre la classe ouvrière lorsque "la nation" est menacée. C’est un avertissement aux prolétaires...
Mais, avec l’intensification de la violence répressive face à la résistance des ouvriers de Pologne, il devenait dangereux pour la bourgeoisie occidentale de maintenir une telle attitude qui risquait de porter un coup grave à la mystification démocratique, un des piliers les plus importants de sa domination.
C'est la raison essentielle du changement progressif de ton du gouvernement français de mène que des autorités américaines.
Désormais, on assiste à une action combinée des gouvernements et des forces de gauche d'occident (à l'exception des partis staliniens les plus pro-russes comme le PCF et le PC portugais, évidement) sur le thème de la dénonciation de la répression et de la "suppression de libertés".
Un des axes de cette campagne est de présenter le coup de force de Jaruzelski corme le fait de 1'URSS seule, une nouvelle manifestation de la menace que fait peser cette puissance sur "la liberté et l'indépendance des peuples". Il s'agit d'alimenter tout le battage que fait le bloc occidental dans ses préparatifs idéologiques en vue d'une future boucherie impérialiste
L'autre axe consiste à dévoyer et canaliser dans des impasses la colère des prolétaires d'occident contre la répression bourgeoise, leur volonté d'exprimer une solidarité envers leurs frères de classe de Pologne. Ce sont les syndicats et la gauche qui se chargent de ce sale travail comme nous le mettons en évidence par ailleurs dans ce journal.
Le but ultime de cette manœuvre est de provoquer chez les prolétaires un sentiment d'impuissance face à la répression et de préparer ainsi les répressions futures.
Les événements de Pologne sont une dure leçon pour le prolétariat mondial. Ils montrent de quoi est capable la bourgeoisie quand sont menacés ses intérêts, quand est troublé l’ordre.
Mais pour que la classe ouvrière soit en mesure de mettre à profit cette leçon, de transformer sa défaite partielle d'aujourd'hui en prouesse de sa victoire future, il est nécessaire qu'elle prenne conscience de toute l'ampleur, de toutes les facettes du dispositif mondial de préservation de l'ordre bourgeois tel qu'on l'a vu se déployer à partir des combats d'aout 80.
F.M. (20.12.81)
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Quatre mois après le coup d'arrêt du 13 décembre dernier, la Pologne est à nouveau soumise â une effervescence sociale d'envergure. Après les manifestations anti-gouvernementales du 1er mai, le 3 mai a vu se multiplier les affrontements violents avec la milice dans la plupart des grandes villes du pays sans compter les nombreux débrayages dans les jours qui suivirent et qui ont culminé le 13 mai.
Tout anniversaire, commémoration, messe ou rassemblement quelconque est une opportunité pour les polonais pour exprimer leur colère contre la junte militaire au pouvoir.
Si, grâce à la contribution inestimable de Solidarnosc, la bourgeoisie a pu étouffer le mouvement d'août 80 et abattre sa répression en décembre 81, cela n'a ni suffi à démoraliser totalement les ouvriers ni encore moins à leur faire accepter "la défaite" et Jaruzelski cornue des fatalités. Au contraire, quatre mois d’Etat de guerre avec les milliers d'arrestations, d'internements, les contrôles permanents, le couvre-feu et les nombreux licenciements répressifs, sans parler de l'aggravation sans précédent des conditions de vie (augmentation des prix de 300 à 400%, chute vertigineuse des revenus réels) n’ont fait qu'attiser La haine contre ie régime en place et le système "soviétique”.
Et cette situation montre à l’évidence la difficulté de la bourgeoisie a écraser une quelconque fraction du prolétariat dans la période de reprise des luttes ouvrières que nous vivons depuis ly68.
Il en a été ainsi dans des pays carme l'Argentine ou le Chili où la répression militaire qui s'est abattue pendant des années sur les prolétaires n'a pas empêché la reprise des grèves.
C'est cette réalité qu'ont révélé les quinze premiers jours de mai, cela dans 1'ensemble de la Pologne.
Mais en même temps, ces quinze jours ont révélé ou plutôt confirmé une autre réalité : la capacité de Solidarnosc de dévoyer et d'encadrer le potentiel énorme de combativité que la répression n'a pas réussi à gommer.
C'est, en effet, sous le drapeau polonais avec sur la poitrine le badge de Solidarnosc que les ouvriers polonais ont exprimé leur colère. C'est en criant : "libérez Walesa ! Enfermez Jaruzelski !" qu'ils ont manifesté et se sont battus contre la milice.
Si le pouvoir n'a jamais été autant haï, par contre le syndicat Solidarnosc n'a jamais été autant populaire. Si les "communistes" et "les russes n'ont jamais été autant vomis, par contre, le patriotisme polonais ne s'est jamais aussi bien porté (les vieux mythes de la "résistance", du temps de la seconde guerre mondiale ont mène ressurgi : les occupants ne sont plus les allemands mais les "communistes").
Ce sont ces deux objectifs que poursuivait déjà la bourgeoisie polonaise avant le 13 décembre et qu'elle a continué de poursuivre depuis, car il est vital pour elle qu'elle puisse détourner le mécontentement général et la combativité de la classe ouvrière vers le terrain syndical et nationaliste, si elle ne peut les anéantir.
Pour cela, toutes ses fractions sont complices et sont mises â contribution â travers un partage des rôles :
Cette situation lui permet de poursuivre son travail de dévoiement et de déboussolement :
Le contrôle par Solidarnosc des manifestations et même des débordements violents du mois de mai 82, est le résultat de ce travail de sape. Même la fraction au pouvoir l'a bien compris, en ''tolérant" la manifestation du 1er mai et en répondant par une répression "prudente" à celle du 3 mai.
Mais si la bourgeoisie tient bien la situation aujourd'hui, elle sait qu'elle est loin d'avoir réglé tous les emblèmes sociaux, qu'elle n'a pas réussi à soumettre totalement, à écraser la classe ouvrière. "Le chômage et la misère risquent de provoquer des explosions non organisées". (Un dirigeant de Solidarnosc).
C'est pour cela que depuis les derniers événements, de nombreuses voix en son sein appellent â une résurgence (ou plutôt à une réapparition à la surface du syndicat Solidarnosc).
"Il faut taire revivre Solidarnosc canne organisation dynamique consolidée" déclare le même dirigeant avec inquiétude.
C'est pour cela que ces mêmes voix appellent à trouver une solution à plus long terme, à rechercher un "compromis" : "l'entente nationale est une condition sine qua non de la paix" (Kuron), elle est "1'unique possibilité pour sortir le pays de la crise".
Le but est clair aient avoué : il faut non seulement contrôler, ou mieux éviter les explosions sociales, irais encore plus attacher la classe ouvrière â la défense du capital national. Aujourd'hui, il faut la museler par les mystifications syndicale, démocratique, et nationaliste pour, demain espérer lui taire endosser clairement les intérêts de la bourgeoisie.
Les ouvriers polonais ont prouvé une fois de plus leur capacité à combattre. C'est cette combativité qui lait que, malgré la répression, la classe ouvrière n'est pas encore privée de toute forme de résistance, n'est pas totalement dispersée. Mais si la combativité à réussit à éviter 1'écrasement, elle ne suffit pas pour le développement de la lutte. Les ouvriers polonais ont aussi montré les limites d'un combat qui reste prisonnier des illusions sur la démocratie" et ne reconnaît pas suffisamment la nature de son ennemi le plus dangereux : Solidarnosc.
La leçon que le prolétariat mondial doit tirer de ces événements, c'est que la mobilisation générale et la combativité contre la bourgeoisie sont un pas nécessaire de la lutte mais un pas insuffisant.
Il lui faut de plus abandonner ses illusions, démasquer ses ennemis infiltrés en son sein (la gauche et. les syndicats et imposer sa propre perspective : la révolution prolétarienne.
Pour cela, les ouvriers polonais, corme ceux des pays capitalistes secondaires, qui rêvent encore de syndicalisme libre et de démocratie, sont incapables de faire, les premiers, ce pas supplémentaire.
Seul le prolétariat concentré et massif des grands pays industrialisés de l'occident, qui a derrière lui une longue expérience du syndicalisme "libre", de la "démocratie" et qui les affrontent quotidiennement peut ouvrir la voix et clarifier la perspective qui manque à la combativité ouvrière.
J.E
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La peur n'avait pas paralysé les ouvriers en Pologne en 70, lorsqu'ils ont répondu à une répression qui avait fait des centaines de morts, par un mouvement de grève dans tout le pays.
La peur ne les avait pas paralysés ai 76 lorsqu'ils ont repris la lutte contre un Etat ultra-répressif, qui avait tenté de les décimer en allant les traquer un par un dans leur maison, après les grèves de 70.
La peur ne les avait pas paralysés en 80, lorsqu'ils ont affirmé leur force, unis et organisés, face à un Etat qu'ils ont ébranlé.
Leur problème aujourd’hui n'est toujours pas la peur, c’est de ne pas savoir où ils vont. Les derniers affrontements d'août 82 l'ont encore montré.
Ils ont montré que la bourgeoisie ne réussit pas 'à briser complétement la classe ouvrière en Pologne (ni à réprimer et tuer massivement) et qu'elle doit encore multiplier ses efforts centre cette zone d'"instabilité" ; les ouvriers manifestent encore, malgré la répression et les embrouilles de Solidarnosc, une combativité, une résistance aux conditions qui leur sont faites. j Mais ils ont montré aussi que les ouvriers en Pologne ne parviennent pas à trouver leur force d'août 80.
Leur résistance se heurte au mur de leur isolement et, de ce fait, se laisse prendre aux filets tendus par Solidarnosc.
Mais une fois que l'en a salué le courage et la détermination des ouvriers, et cela, malgré le déploiement de force qu'ils avaient face à eux, il faut savoir tirer un bilan sans complaisance de ces derniers événements.
Peuvent-ils représenter un espoir pour les ouvriers en Pologne de renverser la vapeur ? Ou mieux sont-ils 1!amorce d'une reprise d'un mouvement plus ample ?
Même une analyse superficielle et immédiate donne malheureusement une réponse négative à ces questions. Car au-delà des morts, des blessés et des centaines d’arrestations, les émeutes du 31 août ont montré avant tout que la bourgeoisie tient fondamental oient la situation bien en main, que ce soit à travers ses forces de répression ou à travers Solidarnosc.
Dans les grandes concentrations ouvrières, comme à Gdansk ou Varsovie, la majorité des ouvriers s'est retrouvée dans les usines, encadrés par Solidarnosc qui avait pris les devants en créant et contrôlant les comités de grève.
Quant aux autres ouvriers, notamment dans des villes carme Lubin, ils n'ont pu défouler leur colère que dans la
rue, dispersés, isolés, noyés dans diverses manifestations ''populaires", et donc livrés désarmés aux "Zemos".
Une analyse un peu plus large et plus profonde, notamment en se penchant sur la période qui a précédé le 31 août nous montre qu'il pouvait difficilement en être autrement.
En effet, la cause fondamentale qui se trouve à la base de la défaite subie par les ouvriers en décembre dernier : leur isolement par rapport à l'ensemble du prolétariat mondial, persiste encore aujourd'hui.
Elle permet à la bourgeoisie d'être en position de force face S: .une. fraction- de la classe qui n'a pas les moyens, toute seule, de riposter victorieusement. La bourgeoisie le sait, qui continue de développer des campagnes idéologiques (pacifisme, anti-terrorisme autour de la guerre des Malouines, autour de la guerre au Moyen-Orient...) de déboussolement de la classe ouvrière des pays industrialisés centraux, mis aussi de tirer profit de leur passivité momentanée,
C'est ainsi que depuis juillet et surtout pendant le mois d'août, la bourgeoisie s'est "préparée" à l'anniversaire des accords de Gdansk !
- le pouvoir militaire a déployé largement et méthodiquement ses forces de répression, mais en même temps, a multiplié des menaces et avertissements, qui dans le contexte polonais actuel, sont plus des manœuvres de provocation que d’intimidation.
Par ailleurs, en développant durant le tout le mois' une campagne violente contre les "terroristes" aventuriers, contre-révolutionnaires de Solidarnosc, ou mieux encore, came l'a fait Kazimierz Barcikowski -secrétaire du Comité Central du POUP- en affirmant que les appels aux manifestations "sont une étape pour les préparatifs d'une grève générale, celle-ci préparant à une insurrection armée dirigée contre le pouvoir", le gouvernement ne pouvait que pousser un peu plus les ouvriers dans les mailles du syndicat "libre".
Contre la classe ouvrière en lutte, la bourgeoisie mondiale a, une nouvelle fois, prouvé sa capacité à s’unir -au-delà de ses divisions de cliques, de nations et même de blocs. Mais, contrairement à août 80 où elle avait été surprise par le mouvement et obligée dans un premier temps de reculer avant de préparer et de mettre en place sa riposte, aujourd'hui, elle a pris les devants. Face à une fraction de la classe ouvrière qu'elle n'a pas réussi à abattre, elle a préparé et utilisé l'anniversaire d'août 80 pour lui porter un coup de plus. Il ne s'agit pas là d'une situation nouvelle mais de la poursuite de la même politique qui lui a permis de faire son coup de force de décembre 1981 et d'isoler la classe ouvrière en Pologne.
Pour cela, elle l'a entraînée sur son propre terrain. Sur ce plan-là, en effet, août 82 n'a à voir que de très loin avec août 80.
Aux luttes contre les conditions de misère, la bourgeoisie a substitué la lutte pour Solidarnosc.
Aux luttes contre la répression et l'emprise dictatoriale de l'Etat, la bourgeoisie a substitué la lutte pour la "démocratie" et la patrie polonaise.
A la force de la classe organisée et unie, elle a substitué la délégation de pouvoir aux syndicats.
Et les mètres ouvriers qui ont été capables de faire, en paralysant le pays la plus grande grève de masse que l'on ait connu depuis la vague révolutionnaire du début du siècle, sont ceux qui se sont retrouvés impuissants dans leurs usines ou dispersés dans des actions -défouloirs- minoritaires contre la machine de guerre de l'Etat bourgeois.
Si la bourgeoisie, malgré la chape de plomb qu'elle a abattue depuis le 13 décembre dernier, n'a pas réussi à imposer la peur dans la classe ouvrière, ni encore moins à étouffer sa combativité, elle a réussi néanmoins, à travers Solidarnosc à 1'atteindre dans sa conscience, et cela, en exploitant au maximum les illusions qui s'étalent révélées dans le mouvement dès septembre 80 : le syndicalisme, la "démocratie", et le nationalisme.
C'est le prix de leur isolement et de leurs illusions que paient aujourd'hui les ouvriers en Pologne. C'est cette situation qui permet à la bourgeoisie d'avoir l'initiative, d'amener les ouvriers sur son propre terrain, là où ils ne peuvent être que désarmés. C'est le sens des luttes de cet été, et ce n'est pas la détermination et la combativité des ouvriers, aussi importantes qu'elles soient qui doivent faine illusion.
En 1970, les ouvriers avaient conscience qu'il leur restait des pas à faire :
En 1980, les ouvriers ont su organiser une grève de masse à l'échelle du pays. Ils ont mis en action la conscience tirée de 1970 et 1976, qu'une organisation plus étendue de la classe ouvrière était nécessaire pour lutter centre l'Etat.
En 1980, la classe ouvrière ne s'est pas jetée les mains nues contre les chars, Mais, elle a étendu sa puissance jusqu'à faire trembler tous les remparts de la société bourgeoise. C'est de cette force là que la classe ouvrière a besoin contre l'Etat, contre l'armée. L’affrontement ne suffit pas. Il faut avoir les moyens de le gagner.
Après 1980, ce qu'il faut comprendre, c'est que cette force ne doit pas seulement être vue à l'échelle nationale, mais à l’échelle internationale. C'est le dernier pas, le plus difficile !
Car il va de pair avec la conscience du sens de la bataille : un bouleversement total du monde et sa construction sur d'autres bases.
J. E.
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L’impuissance des dernières luttas des ouvriers polonais, malgré leur rage, à renverser le cours de la répression et de la misère n’est pas l‘impuissance propre des ouvriers polonais, mais de leur isolement.
Il ne faut pas voir dans cette impuissance que l'impuissance : c'est ce gue voudrait la bourgeoisie. Il faut voir les possibilités réelles de son dépassement, les questions que cette lutte a posées et pose encore.
L’interdiction de Solidarnosc fait partie d'une longue série de manœuvres des classes dirigeantes dans le monde pour détruire le mouvement en Pologne et ce qu'il peut représenter pour tous les ouvriers.
Non pas parce qu'en viendrait d'enlever aux ouvriers l’instrument de leur force que serait l'organisation syndicale de Solidarnosc ;
Solidarnosc ne l'a jamais été. L'encadrement des ouvriers dans le syndicat: après la manifestation de force de la classe ouvrière en août 80, a toujours poussé dans le sens de la dispersion, de 1'atomisation des ouvriers et de la défense des intérêts de la nation polonaise contre ces mânes ouvriers.
Bien plus, face à un mouvaient difficile à réduire au silence, la répression de Solidarnosc a contribuer à affaiblir les ouvriers... en les centrant sur la question de la "légalité" : les dirigeants de Solidarnosc, qui apparaissaient de plus en plus corme des briseurs de grève, avec Walesa le "pompier volant", sent devenus avec les répression des "martyrs de la classe ouvrière".
Pendant ce temps, les ouvriers en Pologne subissent des conditions de vie inconnues depuis 25 ans tant sur le plan économique que sur le pian du contrôle policier et de la répression : sur les médias, dans les rues, sur les communications téléphoniques l'Etat impose sa présence ouvertement partout.
La détermination dont les ouvriers ont encore fait preuve lors des derniers évènements, avec des grèves et des affrontements dans la plupart des grands centres industriels, avait pour racine la révolte contre l'ensemble des conditions subies. Mais la levée de l'état de siège et la libération des emprisonnés, qui seuls figuraient sur les revendications, ont été mises au second plan derrière la "libération de Walesa", le flic n°1, condition mise à la reprise du travail. Trois jours plus tard, le fusil dans le dos, les ouvriers reprenaient le travail à Gdansk :
La bourgeoisie n'a pas réussi à briser totalement la résistance des ouvriers en Pologne après plus de deux ans d'efforts, de stratégie, alternant répression et promesses de démocratie, utilisant l'enfermement des ouvriers dans la problématique nationaliste, et dans celle de la "religion persécutée par le communisme" pour les plus désespérés. Mais cette résistance n'arrive plus à s'exprimer avec la même force qu’avant. Coup après coup, la bourgeoisie asphyxie les ouvriers en Pologne, elle les épuise dans des impasses.
Un mouvement de l'ampleur de celui d'août 80 laisse des traces ; la Pologne reste un abcès de fixation des contradictions du monde capitaliste. Mais la bourgeoisie réussit aujourd'hui l'exploit d'utiliser la combativité des ouvriers en “Pologne contre eux-mêmes, et contre tous les ouvriers.
Alors que la détermination des ouvriers en Pologne devrait être un stimulant, un appel : la lutte pour les ouvriers des autres pays, elle est utilisée corme somnifère.
Le plus dangereux de la propagande bourgeoise aujourd'hui, au-delà de l’accentuation de la pression sur les ouvriers en Pologne, c'est l'acharnement qu'elle met à donner une fausse image de ce qui se joue en Pologne.
C'est ce qui a été son arme principale pour isoler le mouvement après août 80, et qu'elle continue à utiliser, contrant ainsi la prise de conscience de tous les exploités,
La bourgeoisie a eu peur d’août 80, de la force des ouvriers, de ce qu’ils jetaient à la face du monde, du fait que tous les ouvriers pouvaient se reconnaître dans leur combat. Plus encore que le mouvaient en Pologne même, elle s'acharne à détruire sa portée, sur les ouvriers du monde, et plus particulièrement sur ceux d'Europe.
La lutte des ouvriers en Pologne a montré que la classe ouvrière peut agir et s'affirmer dans la société en tant que force : qu'elle a pu faire reculer la répression, qu'elle peut s'organiser et poser en tant que corps collectif les questions de l'orientation de la société. La bourgeoisie étale des images de FAIBLESSE du prolétariat : l'ouvrier qui s'immole par le feu avec un badge de Solidarnosc, les déclarations de l’Eglise "Dieu nous enverra une autre lumière", etc... pour nous dire : "vous voyez, ça ne sert à rien de lutter, ils ont des conditions pire, et ils sont dans le désespoir". Pire encore, quand la presse s'étend sur la "courageuse résistance du peuple polonais pour la liberté" en les montrant chantant des cantiques ou l'hymne national : la lutte des ouvriers polonais ne doit pas rester cela, ce goût amer de défaite et de soumission. La lutte des ouvriers polonais, c'est l'image de le FORCE des ouvriers, qui ont pu secouer le monde entier avec une grève de masse à l’échelle d'un pays. Ce n’est pas parce qu'ils se sont heurtés aux limites des possibilités de transformation du monde à l'échelle de la seule Pologne, et qu'ils ont subi de ce fait toutes les confusions possibles, que cela doit effacer l'importance de ce premier pas.
Une des leçons les plus claires du mouvement en Pologne devrait Sire le danger de la vision syndicaliste, qui enferme dans des considérations du bien de la "patrie" et divise les ouvriers. La bourgeoisie identifie la force du mouvement avec Solidarnosc. Ce n'est pas parce qu'il n'y a pas de "syndicat libre et indépendant" en Pologne que la répression continue, mais en grande partie grâce à ce syndicat. Les syndicats européens y voient là la possibilité de faire renaître "l'esprit syndicaliste" qui manque tant à une population ouvrière qui déserte toujours plus les syndicats. Même le PC et la CGT, après avoir craché sur les ouvriers polonais et sur ces "feignants de grévistes qui n'ont que ce qu'ils méritent", font aujourd'hui des déclarations vibrantes :
Et de défendre la "démocratie" :
La lutte des ouvriers en Pologne avait achevé de jeter la lumière sur la nature "socialiste”, "différente", des pays de l'Est : sous des formes différentes, les ouvriers s'opposent à la même réalité. La propagande bourgeoise s'emploie à réintroduire ces différences à la faveur de l'ouest.
Alors que l’opposition Est-Ouest s'était effacée derrière l'opposition entre ouvriers et classe dirigeante, la propagande la remet en avant :
Comme si la social-démocratie occidentale n’avait jamais hésité, avec son "droit", à tirer sur des ouvriers en lutte, comme si la démocratie occidentale n'était pas une forme de dictature aussi impitoyable que celle de l'Est...
La logique contenue dans la façon dont la bourgeoisie parle de la Pologne, c'est aussi celle de la guerre (pour que les ouvriers de l'Est puissent goûter aux "bienfaits" de la démocratie à l'occidentale). C'est la logique de la soumission, une logique qui appelle à lutter contre une bourgeoisie au non d'une autre. La logique contenue dans la lutte des ouvriers est tout le contraire : elle est le début d'une autre alternative : celle que peuvent imposer les ouvriers de tous les pays, de l'Est comme de 1'Ouest, qui subissent tous la même oppression.
Les ouvriers en Pologne ne peuvent ni arrêter leur lutte, ni aller plus loin. Seul le combat des ouvriers ailleurs peut ouvrir les portes qui leur sont fermées. L'internationalisation n'est pas un mot creux, ni une recette. Seule la négation des frontières peut :
Pour que l'alternative ouvrière s'impose, il faut qu'elle liquide les dernières illusions sur un "mieux être" à l'intérieur du système capitaliste.
Il n’y a plus d'illusions à l'Ouest sur la "démocratie socialiste" de l'Est, que les luttes ouvrières ont montré^ dans sa réalité aussi bien au niveau de 1'exploitation quotidienne que de la répression. Il y a par centre encore des illusions qui traînent sur la "démocratie libérale" de l'ouest... surtout à l'Est. Mais à l'ouest aussi, la bourgeoisie a de moins en moins de possibilité d'éviter la répression ouverte : quand elle n'a plus les moyens économiques d'accorder des miettes aux ouvriers, qu'elle est obligée de leur soutirer toujours plus, la confrontation est inévitable. Dans l'évolution des rapports entre classe ouvrière et classe bourgeoise à l'ouest, se joue la prise de conscience par l’ensemble du prolétariat que le capitalisme est UN sous n'importe quelle forme, et qu'il n'y a pas de "réforme" à faire mais une révolution.
Donner les éléments de la construction d’une autre alternative :
Si à l'Est il est encore possible de faire croire aux ouvriers que s'ils crèvent devant des vitrines vides c’est à cause d'une pénurie due à des causes locales, ou extérieures, ou conjoncturelles par contre les ouvriers de 1'Ouest, eux, sont amenés à subir la même misère devant des vitrines pleines et des moyens techniques surabondants.
D.N.
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La bourgeoisie peut encore essayer de rassurer l'opinion publique par le caractère soi-disant "naturel" de la famine africaine, il n'en va pas de même pour les catastrophes industrielles dont deux viennent de secouer les consciences : 450 morts (et 2000 blessé) par l'explosion d'une usine à gaz à Mexico, 2000 à 4000 tués (et 200 000 blessés) Dar une fuite de gaz toxique à Bhopal en Inde. • Pourtant les famines, canne les catastrophes industrielles, ont la même cause : l'organisation économique du monde, un système de rapports sociaux entre les haïmes incapable même d'assurer la survie du plus grand nombre.
La catastrophe de Mexico, ce n'est pas un "incident technique" : si tant en sont morts, c'est à cause de la surpopulation et des conditions d'habitation de ces milliers de gens qui sont venus s'entasser dans les faubourgs de cette ville devenue en 10 ans la plus grande ville du inonde. Le Roi Pétrole a fait son temps, l'industrie n'embauche plus, au contraire,- elle rejette.
La catastrophe de Bhopal, ce n'est pas une "erreur du système de sécurité", c'est que la sécurité coûte cher, trop cher pour les entreprises qui doivent, aujourd'hui plus que jamais, réduire leurs dépenses : c'est toujours sur la sécurité des ouvriers qu'elles économisent en premier lieu. En Inde, en 30 ans, le nombre de morts au travail a augmenté de 225%. Les plus atteints par le nuage mortel ont été ces haïmes, vivant entre l'usine et la voie ferrée, dehors, peur pouvoir être sur place, à l'aube, pour charger les marchandises.
Et cette intensification de l'exploitation n'est pas propre aux pays sous- développés où la "main d'œuvre" est pressée canne un citron, mais elle gagne : partout le nombre "d'accidents du travail" augmente.
En 79, un accident similaire avait fait plusieurs milliers de morts, à la suite d'une explosion dans une usine fabriquant des armes bactériologiques.
Ces visions d'horreur, qui rappellent les paniques de la guerre, montrent que le capitalisme ne fait pas planer une menace "pour demain". C'est dès aujourd'hui que la barbarie se généralise.
Seule une révolution, seule une transformation révolutionnaire des rapports qui régissent l'activité et le travail humain peut venir à bout de ce monstre qui a besoin chaque jour de plus de victimes.
Nous donnons ici un troisième article sur le marxisme, théorie révolutionnaire du prolétariat. Dans RI n" 122, nous montrions la nature de classe du marxisme. Dans RI n ° 126, nous nous étions attachés à décrire les principales déviations de la conception marxiste du travail théorique des organisations révolutionnaires.
Dans le présent article, nous poursuivons l'étude des déformations de la théorie marxiste, en abordant plus spécialement les conceptions bordiguiste et conseilliste du Parti de classe, symétriquement erronées.
La déformation conseilliste
Les origines des idées conseillistes se trouvent dans l'expérience de la révolution de 1919 en Allemagne, où il devenait clair pour les révolutionnaires, non seulement que les syndicats et la social-démocratie étaient passés dans le camp ennemi, mais que ces formes d'organisation n'exprimaient plus le contenu de la lutte prolétarienne. La réaction contre cette expérience a pris la forme d'un "matérialisme vulgaire", qui voulait comprendre la nature de La lutte à partir du cadre étroit de l'usine.
Et plus tard, Pannekoek écrivait :
Cette vision "usiniste" met la nature révolutionnaire du prolétariat sens dessus-dessous : le prolétariat est la classe du travail social, non seulement au niveau de l'usine, mais surtout au niveau du marché mondial. Dans son "assaut du ciel", la classe ouvrière doit d'abord dépasser les limites de l'usine, et se hisser à une compréhension globale, politique, et du capitalisme et des tâches de sa révolution. Les conseils ouvriers seront ainsi les instruments du pouvoir prolétarien, non sur la production de chaque usine mais sur la transformation de la société au niveau mondial. Comprendre ceci, c'est comprendre le rôle des organisations révolutionnaires et du parti, non pas comme les organisateurs de chaque lutte particulière, mais comme les défenseurs politiques des "buts généraux" du mouvement dans son ensemble.
La déformation bordiguiste
De nos jours, les courants issus de la Gauche Italienne qu'on appelait "bordiguiste" se sont scindés en deux -le "bordiguisme avoué" qui reprend intégralement les conceptions de Bordiga sur le rôle du parti révolutionnaire, et le "bordiguisme embarrassé" de ceux qui, tout en rejetant les idées les plus grotesques de Bordiga, n'ont pas opéré une rupture nette.
Pour le "bordiguisme avoué" du PCI (Programme Communiste) :
Nous voici en plein délire mystique. Ce n'est plus la classe qui définit l'organisation révolutionnaire mais le parti qui définit la classe. "La question de savoir si on peut attribuer une vérité objective à la pensée humaine" n'est plus une question de théorie, et encore moins de pratique, mais de simple auto-proclamation d'un "parti", qui, comme dirait Descartes, "pense, et donc, est".
Pour le "bordiguisme embarrassé" du genre PCInt (Battaglia Comunista) et CWO, si "le parti est à la fois un produit et un facteur de la lutte de classe” (très bien!), néanmoins "l'organe spécifique, permanent et irremplaçable de la lutte révolutionnaire prolétarienne est le parti de classe" qui "mène la classe en avant, à la révolution insurrectionnelle" ; "ce n'est qu'à travers le parti, et jamais par la seule spontanéité que l'énorme potentiel révolutionnaire de la classe sera déclenché." (citations tirées de la plateforme de Battaglia Comunista). Nous voyons à travers cette vision la classe ouvrière réduite à une simple "force" qui sera "guidée" par le parti ; ce n'est que le parti qui "continuellement élabore et développe" ses principes. Ce n'est pas pour rien que Battaglia se réclame toujours de la vision du "Que Faire?" de Lénine, pour qui la conscience devait être apportée aux ouvriers par les intellectuels bourgeois. Cette vision évacue complétèrent le rapport dynamique, dialectique entre le prolétariat et ses organisations politiques.
Les organisations révolutionnaires ne sont pas de simples guides du prolétariat, examinant l'histoire à travers la loupe marxiste afin de donner des leçons aux ouvriers. Elles doivent constamment faire subir à leur théorie et perspectives 1'épreuve des événements à travers leur intervention dans la lutte de classe. C'est de cette façon qu'elles participent au combat de leur classe et qu'elles peuvent lui permettre de clarifier les problèmes auxquels elle se heurte dans sa lutte.
De plus, ce rapport dialectique entre prolétariat et organisations révolutionnaires n'est pas immuable, mais au contraire strictement déterminé par les conditions matérielles, historiques de la lutte de classe.
Ainsi, pour "Bilan" dans les années 30 (période la plus noire de toute l'histoire prolétarienne), "la consigne de l'heure... (était de) ne point trahir", de maintenir et développer les principes qui sont l'arme vitale de la révolution future. Le terrible isolement dont souffraient les petits groupes de la Gauche Communiste, pèse toujours sur les organisations révolutionnaires aujourd'hui. Le rapport entre la classe ouvrière et sa théorie, exprimée dans ces organisations, reste indirect, à la fois :
Cependant, l'activité des groupes communistes est aujourd'hui déterminée par une perspective totalement différente de celle des années 30 : un cours vers des affrontements de classe décisifs et non pas vers le massacre inter-impérialiste.
Au moment de ces affrontements, le rapport entre la théorie marxiste des organisations politiques et la classe subit un changement qualitatif. Non seulement les assemblées de la période de grève de masse et les soviets de la période insurrectionnelle donneront au prolétariat la capacité de s'emparer de la théorie révolutionnaire et de la mettre en pratique, mais de plus, cette mise en pratique permettra au marxisme de se renouveler et de s'enrichir sans cesse. C'est à ce saut qualitatif dans la lutte de classe que correspond la formation du parti de classe, reconnu par la classe comme son propre produit et carme moyen d'élaboration de ses armes théoriques.
Ni le parti, ni les conseils ouvriers ne sont les uniques détenteurs de la conscience de classe. Celle-ci ne peut se développer que dans le rapport dialectique, dynamique entre les deux : c'est-à-dire dans le mouvement historique révolutionnaire où le parti est capable de donner son sens et son orientation à l'action du prolétariat, et où la classe ouvrière possède la conscience et 1'organisation (les conseils) qui lui permettent de saisir et de mettre en pratique la théorie marxiste.
Après le triomphe de la révolution prolétarienne, c'est le processus de transformation de la société capitaliste en une société communiste qui détermine à nouveau les rapports entre parti et classe. Au fur et à mesure que le prolétariat domine les forces productives, il maîtrise l'élaboration et l'application de la théorie. En dominant les forces productives, le prolétariat à la fois intègre en lui-même les autres couches sociales et intègre les fonctions théoriques du parti. L'aboutissement de ce processus est à la fois la disparition des classes et de l'Etat, et la disparition du parti. Ainsi finit la préhistoire de l'humanité.
Le marxisme, arme de combat
Le marxisme est l'arme théorique de la lutte prolétarienne.
Pour la première fois, le marxisme a démontré scientifiquement que la société capitaliste n'est pas éternelle, que la révolution communiste est nécessaire et possible, que la seule autre alternative est la ruine de l'humanité entière et une nouvelle chute dans la barbarie sans nom et sans fin. Ainsi, le marxisme maintient la conscience des "buts généraux" du mouvement au sein de chaque lutte prolétarienne.
Serge.
La bourgeoisie se prépare aujourd'hui à une nouvelle offensive contre la classe ouvrière en France. Cette accentuation de 1'attaque capitaliste qui s'annonce pour 1985 avec ses charrettes de licenciements (travestis en "plans de formation", "flexibilité de 1 ’emploi", etc.), ce sont les syndicats qui sont chargés de nous la faire avaler comme ils 1 'ont fait en 84, partout où la crise a imposé ses "dégraissages". C'est dans cette perspective qu'on a vu, ces derniers temps, toutes les fractions du capital faire valoir de prétendues querelles intestines au sein de 1'appareil syndical (notamment entre CGT, CFDT et FO), chaque centrale se renvoyant la balle pour faire porter sur les autres la responsabilité de "compromis avec le gouvernement et le patronat". Cette tactique n'est pas nouvelle : il s'agit du classique partage des tâches entre les fractions bourgeoises chargées d'encadrer la classe ouvrière. Cependant,' il est devenu urgent pour la bourgeoisie, face à une situation sociale de plus en plus explosive, de renforcer son dispositif anti-ouvrier afin d'occuper tout le terrain social, de colmater les brèches dans lesquelles menace de plus en plus de s'engouffrer la combativité ouvrière.
A l'avant-garde de cette stratégie anti-ouvrière, on a déjà vu la CGT prendre les devants dans tous les mouvements de grève depuis que le PCF a quitté le gouvernement, que ce soit pour prendre le pouls du mécontentement des ouvriers ou pour endiguer tout risque de débordement. Sous la pression croissante de la lutte de classe, non seulement il lui faut renforcer de plus en plus son langage d'opposition au gouvernement, mais il lui faut aussi se démarquer des autres syndicats accusés de "faire le jeu du patronat". En boudant les "négociations" sur la flexibilité de l'emploi, la CGT prétend ne pas manger de ce pain-là. En réalité, il s'agit pour la CGT de gagner du temps, de retrouver un certain crédit (après 3 ans de compromission du PCF au gouvernement) dans les rangs ouvriers en faisant figure de syndicat "pur et dur". Aujourd'hui, la CGT fait semblant, une fois de plus, de défendre les intérêts des ouvriers en clamant son "refus catégorique" du plan de licenciement à Renault ("L'accord-cadre de Renault, tel quel, est une hypocrisie", dixit Krasucki) alors qu'il y a 2 mois, elle donnait son aval au plan Hanon présenté comme une "grande victoire des travailleurs". Aujourd'hui, Krasucki taxe d' "escroquerie" le plan de formation mis en place pour les 1905 licenciés de Citroën ("Nous ne nous laisserons pas avoir comme à Citroën", Krasucki) alors qu'il y a 6 mois, c'est la CGT qui a permis de faire passer ces mêmes licenciements ! La véritable "hypocrisie", la pire des "escroqueries», c’est celle des manœuvres anti-ouvrières de la CGT !
"Il y a quelques mois, la CGT acceptait n'importe quoi. Dès lors que les communistes ont quitté le gouvernement la CGT radicalise son langage à l'image du parti communiste dont elle est le prolongement." (A. Bergeron, répliquant à Krasucki au cours des négociations sur la "flexibilité de l'emploi"). Il est des vérités qui ne servent qu'à justifier les mensonges les plus crapuleux. Le discours de FO consiste -en disputant à la CGT une auréole de syndicat "non corrompu"- à se présenter comme la seule véritable organisation de défense des ouvriers de par son "autonomie" vis-à-vis des partis politiques (en réalité, cette pseudo "indépendance" ne fait que masquer les ouvertures de FO à tous les partis bourgeois, du RPR au PCI trotskyste ). En mettant en avant son prétendu "apolitisme", FO ne vise en fait qu'un seul objectif : exploiter la désillusion des ouvriers sur les partis politiques, récupérer tous les déçus de la gauche dans le giron d'un syndicalisme "pur", canaliser la combativité ouvrière dans une voie gestionnaire afin d'endiguer tout risque d'explosion sociale.
Et pour mener à bien cette sale besogne, FO n'hésite plus désormais à prendre ses distances vis-à-vis du gouvernement. L'heure étant au "durcissement", on a pu entendre Bergeron déclarer au 15ème Congrès de FO : "Nous ne ferons plus aucune concession de quelque nature que ce soit. Et s'il y a rupture, nous poserons le problème devant l'opinion publique." Il faut dire que nous ne sommes pas prêts d'oublier toutes les réductions des allocations-chômage à 1'initiative de Bergeron
(patron de 1'UNEDIC) depuis novembre 82!
Dans cette stratégie globale de radicalisation du discours syndical, la CFDT n'est pas en reste. Contrainte, sous la poussée des luttes ouvrières, de suivre la même trajectoire d'opposition que ses consœurs CGT et FO, force lui est de reconnaître -malgré ses liens avec le PS- qu'elle a "mis trop d'espoir dans les effets d'une nationalisation ou dans les choix d'un gouvernement" (E. Maire). Mais ce qui permet surtout à la CFDT de tenir la route dans sa démarche oppositionnelle c'est sa relative "souplesse", sa capacité à intégrer, à côté des fractions les plus modérées, des fractions particulièrement radicales tels les anarcho-syndicalistes. C'est ainsi que le partage des tâches à travers la "division* entre syndicats, on le retrouve également au sein-même de chaque syndicat. S'appuyant sur de pseudo-antagonismes entre base et sommet, ce clivage doit permettre de redorer le blason du syndicalisme grâce au développement du syndicalisme "de base" qui s'est particulièrement manifesté ces derniers temps à travers la contestation gauchiste :
Toute cette réorganisation de l'appareil d'encadrement du prolétariat ne doit pas nous masquer la vocation anti-ouvrière des syndicats. Aujourd'hui comme hier :
Voilà ce que dissimule en fait le langage "oppositionnel" des syndicats; leur opposition active au développement actuel des luttes ouvrières.
Avril
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Ouvriers, pas d’illusion !
La bourgeoisie en France vient bel et bien de remporter une victoire. L'épreuve de force engagée par son Etat contre TOUTE la classe ouvrière, à l'occasion de l'entrée en lutte massive des cheminots à la mi-décembre 86, sur la question des salaires, des conditions de travail, des suppressions d'emplois qui concernent désormais TOUS les ouvriers sans distinction, a tourné à son avantage.
Malgré une combativité exemplaire, en effet ; malgré une capacité à engager et étendre le combat à tout le secteur sans et contre l'avis des syndicats ; malgré une volonté et une capacité à s'organiser pour rester les seuls mitres de la conduite de leur lutte au travers d'assemblées générales souveraines, des comités de grève élus et révocables, des tentatives de coordination régionales et nationales des délégués des assemblées, les cheminots, après avoir bloqué un mois durant tout le trafic ferroviaire et pesé ainsi lourdement sur toute la vie économique du pays, ont cependant dû reprendre le travail, paquet par paquet, la rage au ventre, sans avoir rien obtenu d'essentiel.
La raison de cette victoire de la bourgeoisie, la raison de cette défaite ouvrière n'a rien de mystérieux, d'incompréhensible. Elle se résume en deux mots : CORPORATISME, ISOLEMENT.
Ils se sont satisfaits d'une solidarité passive ; ils se sont illusionnés eux aussi sur le fait que tout ce qui avait fait la force du mouvement des cheminots au début de la grève, tout ce qui les avait enthousiasmés a juste titre, pourrait se maintenir au fil des jours qui passaient.
Résultat des courses :
Oui ! La bourgeoisie a remporté une victoire, la classe ouvrière a perdu une bataille! Mais cela ne signifie nullement que la bourgeoisie a gagné la guerre de classe. Au contraire, celle-ci ne fait que commencer à s'amplifier.
Malgré son isolement, son échec, la grève des cheminots, plus que toute autre grève est venu révéler au grand jour, aux yeux de tous les ouvriers, toute la combativité qui s'est accumulée dans leurs rangs sous l'impact des attaques subies au fil des années sous les gouvernements de gauche et de droite la grève à la SNCF, par son caractère massif, est venue pleinement confirmer que le prolétariat en France -que d’aucuns disaient éteint- était capable de prendre toute sa part dans le développement des luttes plus massives, plus simultanées, cherchant à s'unifier qui ont commencé à secouer l’Europe occidentale à partir du magnifique mouvement du printemps 86 en Belgique, face aux attaques toujours plus dures et plus frontales des conditions ouvrières, luttes qui vont inévitablement s'accentuer dans les mois à venir.
La grève SNCF, parce qu'elle s'est enclenchée, étendue, auto-organisée à l’initiative des ouvriers eux-mêmes, hors et contre les syndicats, a non seulement révélé spectaculairement à tous les ouvriers, toute la défiance et l'hostilité qui s’est accumulée dans leurs rangs à l'égard des syndicats, des partis de gauche depuis 1968, et depuis le passage durant cinq ans de la gauche au pouvoir, mais a également montré la volonté et les possibilités de réussir dans l'avenir à faire obstacle aux manœuvres de division et de sabotage des luttes de ces derniers.
La grève SNCF enfin, battue parce qu'isolée, enfermée dans la corporation, malgré et à cause de son échec est venue renforcer l’idée qui mûrissait déjà souterrainement parmi la grande masse des ouvriers : "C'est tous ensemble qu'il faut lutter !" ; c’est en tant que classe unie qu'il faut se battre contre l'Etat de la classe ennemie, pour gagner.
Aussi, aujourd'hui, malgré le sentiment d'échec, malgré l’amertume, la classe ouvrière ne doit pas se décourager, baisser les bras. La bourgeoisie -et le renforcement de ses attaques- ne lui laisse pas d'autre choix que celui de reprendre la lutte dans les semaines et les mois qui viennent. Il faut que les prochaines batailles soient victorieuses.
Pour cela, il faut tirer les leçons de ce premier combat, toutes les leçons ; prendre le temps et les moyens de les assimiler collectivement. Aussi, tous les ouvriers combatifs, conscients doivent-ils s'attacher à se regrouper, à former des comités de lutte pour discuter, tirer les leçons, les diffuser partout et ainsi participer activement dès aujourd’hui à préparer les prochains combats.
Et ceci sur les bases suivantes :
Ce sont là les bases essentielles pour que les prochaines batailles soient, victorieuses.
Ce sont les bases pour que la classe ouvrière poursuive sa marche en avant vers son unité internationale, son autonomie de classe, seules capables de lui permettre, par la révolution communiste, de mettre un terme définitif à la misère, au chômage, à la barbarie guerrière qu'implique la survie du capitalisme décadent.
LL
Alors que la bourgeoisie se préparait à passer tranquillement la période des fêtes -traditionnellement de “trêve sociale“- de fin d'année et qu'elle cherchait à exploiter au maximum la situation consécutive à l'agitation stérile des étudiants pour développer de nouvelles séries d'attaques d'envergure contre le prolétariat et pour tenter de faire accréditer l'idée de l'absence ou du moins de la passivité y£ la classe ouvrière, se produit soudain l'explosion qui fait basculer le paysage politique et social en France, bouleverse tous les plans de la bourgeoisie et va marquer profondément et pour long- temps les consciences ouvrières.
L’INITIATIVE ET LA PRISE EN CHARGE DE LA LUTTE EN DEHORS ET CONTRE LES SYNDICATS
Le 18 décembre à 24 heures, dans le dépôt de trains de la gare de Paris-Nord, un petit groupe de conducteurs de trains arrêtait spontanément le travail et appelait leurs camarades à se réunir en assemblée générale.
L'assemblée décidait immédiatement la grève, sans aucun préavis, ni aucun consigne de la part des syndicats qui attendaient alors l'ouverture le 6 janvier des négociations prévues sur la nouvelle "grille des salaires", sur les conditions de travail des conducteurs et sur les suppressions d'emploi prévues à la SNCF en croyant avoir auparavant épuisé suffisamment la combativité des cheminots, dans un secteur où ils avaient organisé 14 journées d'action pour la seule année 86 '
Les grévistes bloquaient tout le trafic ferroviaire de Paris-région Nord et lançaient des appels aux "roulants" des autres zones à les rejoindre dans la lutte.
De la même manière que leurs collègues de Chambéry qui, en septembre 85 et face à un gouvernement de gauche, avaient de façon aussi spontanée déclenché une grève qui s'était répandue comme une traînée de poudre, paralysant en 48 heures les trains dans tout le pays, de même que la grève des conducteurs du métro parisien en décembre 85, la lutte embrase en peu de temps la quasi-totalité de la catégorie professionnelle.
Sans mesurer eux-mêmes la portée de leur mouvement ils venaient d'engager la plus puissante, la plus massive et la plus longue grève enregistrée à la SNCF depuis 1968.
Ainsi, avec une rapidité foudroyante, 48 heures après le premier arrêt de travail, la grève des conducteurs est pratiquement générale. Les rares trains qui circulent sont conduits pas le personnel d'encadrement ou des élèves-conducteurs non qualifiés pour cette tâche. 98 % des agents de conduite sont grévistes, la quasi-totalité des dépôts est touchée par le mouvement SANS QU'AUCUN SYNDICAT N'AIT APPELE A DEBRAYER. En plusieurs endroits, la grève tend à déborder sur d'autres catégories, à faire tâche d'huile: d'autres agents plus sédentaires de la SNCF commencent à leur tour à se mettre en grève sur leurs propres revendications. Partout, dans toutes les régions, ce mouvement s'est étendu à l'initiative de la base, tout au plus accompagné par des délégués syndicaux locaux.
Partout éclate une même exaspération face à ce qui est déjà subi (la dégradation des conditions de travail, le blocage des salaires) et face aux nouvelles menaces de "nouvelles grilles", les suppressions d'emploi supplémenta ires.
Tirant une première leçon de l'expérience de leur échec de 1985 où les syndicats avaient hâtivement négocié dans leur dos leur reddition, qualifiée par ces derniers de "victoire" et fait reprendre le travail dépôt par dépôt sur la base de vagues promesses mensongères de suspension des attaques, s'affirme la volonté claire et manifeste chez les grévistes, syndiqués comme non syndiqués de prendre en charge eux- mêmes la lutte et de la conserver entre leurs mains, de multiplier les initiatives à la base, de développer les regroupements d'ouvriers pour affirmer leur propre point de vue, de ne pas laisser les syndicats négocier à leur place. Cette volonté et ce souci de permettre à tous les ouvriers, dans une grève décidée par eux-mêmes, de contrôler chaque aspect de le lutte revient comme un leitmotiv partout. Cette volonté et ce souci chez les grévistes de conserver un contrôle permanent de la lutte s'est traduite spectaculairement par la mise en place quasi systématique d'assemblées générales journalières, par l'élection fréquente de comités de grève responsables devant l'assemblée générale, par l'organisation de la lutte des agents de conduite à un niveau régional, par les tentatives de mettre en place une coordination nationale de la lutte. A large échelle, dans la grève, s'instaure la pratique générale d'assemblées, de permanences, de regroupements où l'on discute de la conduite de la grève, où on la reconduit et où on l'organise, où l’on décide ensemble des actions à mener.
Le mouvement échappe non seulement au contrôle des syndicats mais exprime explicitement, au grand jour, la défiance massive et profonde vis-à-vis d'eux et de leur travail de sabotage, méfiance qui s'est accumulée et qui est présente dans l'ensemble de la classe.
A haute voix, des grévistes proclament : "on en a marre, on en a assez des grèves où chaque organisation lance son mot d’ordre à trois semaines d'intervalle", "on veut être consulté avant toute décision, toute négociation", "si la CGT reprend le contrôle du mouvement, moi, j’arrête la grève tout de suite!".
De fait, depuis les premières heures du conflit et jusqu'au 21 décembre à 18 heures, la CGT -minoritaire chez les agents de conduite mais majoritaire au niveau de l'ensemble du personnel SNCF, s'oppose ouvertement à la grève. Un de ses tracts, le 20/12, appelait les agents de conduite à "faire le maximum pour acheminer les vacanciers jusqu'à leur destination. Dans certains dépôts de la banlieue parisienne, comme à Villeneuve-Saint-Georges, elle appelle à la reprise du travail et à celui d'Austerlitz (réseau Paris Sud-Ouest) ou à Miramas, près de Marseille, elle va jusqu'à organiser des "piquets de travail" contre les grévistes.
La CFDT et le syndicat autonome, majoritaire chez les agents de conduite, sont contraints d’apporter du bout des lèvres leur "soutien" aux grévistes. F.O (Force Ouvrière) comte d'autres syndicats de cadres, refuse de participer à la grève.
UN BRAS DE FER PROLETARIAT-BOURGEOISIE
Toute la population ouvrière a les yeux braqués sur l'évolution de la lutte.
Tous les ouvriers savent que le combat acharné de leurs frères de classe est le leur, celui de la défense des intérêts immédiats et futurs de toute la classe ouvrière.
Tous ont conscience que c'est une épreuve de force entre l'Etat et toutes les forces capitalistes d'un côté, la classe ouvrière comme un tout de l'autre.
Cette lutte allait en effet servir, dans la première dizaine de jours de son existence, de colonne vertébrale, d'épicentre au rapport de forces établi par toute la classe ouvrière, servir de pôle de référence, montrer la voie à suivre pour la lutte à tous les ouvriers, cristalliser son attention, susciter leur réel enthousiasme, alimenter Leurs discussions et leurs réflexions, stimuler leur combativité.
Pour la bourgeoisie, l'effet de surprise est total. Un très court moment, la bourgeoisie croit d'abord à un feu de paille, aisé à circonscrire à la veille de la "trêve sociale" attendue pour la fête de Noël, mais elle réalise bien vite qu'elle est prise à contre-pied devant l'ampleur, la simultanéité, le caractère massif, la combativité et la détermination de La lutte.
Il devient surtout rapidement évident pour elle que les syndicats sont totalement débordés, impuissants, contestés, en dehors du coup. Côté gouvernement et Direction, c'est d'abord le silence, puis le rappel que des négociations "normales" sur les revendications des cheminots sont prévues en janvier.
Côté PS et PC, non seulement on se garde de critiquer trop durement le gouvernement, d'appeler à la lutte, de souffler sur le feu, mais, au contraire, comme le fait "L'Humanité" du 20/12, en pleine extension du conflit, on colporte de fausses nouvelles sur la tendance à la reprise du travail.
Tout au plus, une campagne est ouverte pour tenter, à travers les media, de discréditer la grève auprès des "usagers", d'établir son "impopularité" en cette période. Mais elle reste sans grande efficacité et elle demeure en tout cas sans effet sur les ouvriers.
Personne dans la bourgeoisie ne sait exactement comment s'y prendre. Tout le monde hésite mais a par contre pleinement conscience que l'Etat et, avec lui toute la bourgeoisie, face à cette grève à la SNCF, se trouve engagé dans une épreuve de force frontale, "à haut risque" avec toute la classe ouvrière.
La bourgeoisie sait que reculer à ce moment-là serait d'une part remettre en cause d'une façon significative toute la politique gouvernementale et patronale sur les salaires, la SNCF pouvant servir d'exemple "nuisible" pour toute la fonction publique et le secteur nationalisé, mais aussi pour tout le secteur privé, d'autre part, ce serait un encouragement à la lutte pour tous les ouvriers; ainsi, tous les autres secteurs où des signes de colère s'étaient déjà manifestés corme à l'EDF ou aux PTT seraient incités à entrer en lutte à leur tour; ainsi, les luttes en cours dans les autres secteurs comme les marins tendraient à se poursuivre jusqu'à totale satisfaction des revendications, ainsi ceux qui devaient entrer en lutte la semaine suivante comme les conducteurs de métro et de bus parisiens (RATP) aspireraient à le faire massivement et sur toutes leurs revendications; ainsi, chez tous les ouvriers, risquerait de germer rapidement l'idée que l'on a tout à gagner à entrer en lutte sans et en dehors des syndicats; que l'on n'a pas besoin d'eux pour se battre et obtenir satisfaction.
Mais aussi, pour la bourgeoisie, se montrer dure, intraitable avec un conflit qui parvient à paralyser une bonne partie de la vie économique du pays, c'est risquer un durcissement du conflit et surtout son élargissement à d'autres secteurs, rendant du même coup la tâche des syndicats de reprendre le contrôle de la situation plus malaisée, difficile, c'est augmenter le risque d'avoir à affronter un conflit encore plus général, plus incontrôlable, encore plus lourd de conséquences non seulement sur le plan économique, mais aussi sur le plan politique.
Le seul atout, fragile mais réel, dont disposait la bourgeoisie à court terme, c'était de pouvoir essayer de jouer sur la "période des fêtes" qui, si elle n'a pas entravé l'entrée en lutte et la combativité des conducteurs de trains, joue objectivement contre le risque de contagion, d’extension, de généralisation des luttes tout particulièrement dans le secteur public. Son objectif, qui est de maintenir la grève isolée à la SNCF et de favoriser la réinsertion des syndicats dans la grève, va être servi par une stratégie pour gagner du temps en multipliant une série de manœuvres successives, "au jour le 21/12 au soir, la CGT cesse de s'opposer ouvertement à la grève, de prôner l'apaisement du conflit à la SNCF et donne ordre à ses troupes de chercher à rattraper le mouvement, de rentrer le plus possible dedans, en faisant mine de répandre la pratique des assemblées générales, en se faisant le champion de la tendance à l'élargissement de la lutte aux autres catégories de personnel SNCF où elle dispose de plus d'influence.
Le lendemain, les négociations Direction/syndicats s'ouvrent. On assiste à la situation "surréaliste" dans laquelle les syndicats qui n'ont en rien "participé" à la grève, à la définition des revendications, discutent à la place des grévistes, négociant en leur nom. Mais, au moins, on fait ainsi apparaître clairement, contre la volonté des grévistes de contrôler les éventuelles négociations, que de toutes façons, seuls les syndicats sont habilités à négocier; bref, que le mouvement de grève ne pourra pas se passer d'eux.
La Direction refuse tout recul sur les salaires au-delà des consignes gouvernementales, ce qui donne l'occasion aux principaux syndicats -CGT, CFDT, FO, bien conscients d'être incapables de faire accepter aux grévistes cette parodie de négociations, de "claquer la porte", en se présentant comme solidaires des ouvriers, leurs vrais défenseurs. De ce fait, on contribue efficacement à orienter la préoccupation des ouvriers sur les négociations au détriment du souci de rechercher les moyens réels d'élargir le rapport de forces, d'élargir la lutte qui peuvent seuls permettre d'imposer la satisfaction des revendications.
L'EXTENSION EST NECESSAIRE ET POSSIBLE
Dans les ports, le mouvement des marins, qui dure déjà depuis près d'un mois, tient bon, renforcé qu'il a été par l'entrée en lutte à Marseille des ouvriers du port et des dockers en solidarité, suite à une intervention de la police contre les grévistes.
Cependant, malgré le maintien et le développement de la combativité, de la détermination dans les ports et surtout à la SNCF sur laquelle se concentre l'attention de la bourgeoisie et de la classe ouvrière, aucun secteur de la fonction publique, où existe pourtant une volonté de rentrer en lutte à son tour, n'a rejoint le combat.
Un premier cap difficile pour la bourgeoisie vient d’être franchi. Les 24 et 25 décembre arrivent. Les grosses entreprises ferment leurs portes; derrière le jour de congé du 25 décembre, il y a un nouveau week-end. Les services publics concentrés dans la région parisienne et notamment les centres de tri postaux vont fonctionner à effectifs réduits et les éléments les plus combatifs sont dispersés en cette période de congés d'hiver.
La dynamique ouvrière à la SNCF, si elle subsiste fortement, est en passe d'atteindre son apogée, c'est-à-dire aussi qu'elle s'approche du moment où, par elle-même, elle ne peut que commencer à décliner.
Il apparaît clairement que si rien ne se produit à la SNCF, dans les heures et les jours qui viennent, dans les assemblées, pour aller dans le sens d'un élargissement du mouvement au-delà de la SNCF, par envoi de délégations massives aux autres secteurs, par des appels pressants des grévistes aux autres ouvriers du secteur public à rentrer en lutte, les hésitations qui existent dans le secteur public sur cette question de l'entrée en lutte, pourtant discutée partout, vont perdurer. La dynamique encore présente et forte à la SNCF ne pourra alors que s'étioler dans le corporatisme, le catégoriel et favoriser la réussite des manœuvres d'enfermement, d'isolement, de divisions des syndicats et des gauchistes qui se précisent.
Le 24 décembre, le mouvement de grève dans le métro se durcit, le trafic est quasiment bloqué. Sous la pression des ouvriers, la CGT et la CFDT se sont jointes à la grève. Les travailleurs des bus de la RATP se joignent en grande partie au mouvement.
LE REFLUX PROGRESSIF DE LA LUTTE ET LA REPRISE EN MAIN DE LA BOURGEOISIE
Dans les heures qui suivirent, les syndicats vont se débrouiller, chacun tirant de son côté, à faire cesser la grève à la RATP, avec la promesse d’une reprise de celle-ci le 30 et 31 décembre, "si les nouvelles négociations prévues n'ont pas abouti". S'aggravent ainsi la défiance et le ras-le-bol à leur égard mais ils réussissent à provoquer également une certaine démoralisation chez les travailleurs. A la SNCF, la mise en place par le gouvernement de transports par bus et camions pour pallier "les difficultés des usagers", pour limiter 1'impact de la grève sur l'industrie et le commerce, ne semblent pas entamer la combativité, la détermination ouvrière. Pas plus que les interventions mesurées de la police contre les piquets de grève. Mais ces interventions favorisent la réapparition "au premier rang" des syndicalistes, renforcent la solidarité corporatiste, l'enfermement sur la SNCF, sur les actions de blocage des voies ferrées. LA LUTTE DES CHEMINOTS SE REFERME SUR ELLE-MEME
L'idée avancée dans le mouvement dès le 22/12 de créer une coordination nationale des délégués des comités de grève élus par les assemblées, fait son chemin. Mais cette idée,, pour se réaliser pleinement, se heurte à trois obstacles essentiels :
Ce qui fait qu'au lieu d'avoir une seule coordination des cheminots en grève offensive, réalisant l'unité de tous les grévistes, cherchant à élargir le rapport de forces, la lutte, aux autres secteurs ouvriers, cherchant à s'ouvrir par exemple aux délégués des travailleurs du métro, des ports, des PTT, nous allons voir se constituer deux coordinations nationales, corporatistes, ayant toutes deux au moins au départ comme préoccupation aussi centrale qu'illusoire, de préserver le maintien de la conduite du mouvement dans les mains de la base, de lui permettre de contrôler les négociations Direction SNCF-gouvernement-syndicats, bref de se défendre illusoirement des manœuvres des syndicats.
LES SYNDICATS ET LES GAUCHISTES EN REPRENNENT LE CONTROLE
Dans la coordination nationale des délégués des conducteurs de trains, excluant tout élément non conducteur de ses délibérations, et a fortiori non SNCF, la CFDT, qui avait su, dès le début de la grève, notamment sur le réseau ferroviaire Nord, d'où elle était partie, se coller au mouvement, flatter l'illusion de la force autonome des conducteurs, du fait que ce sont eux qui ont bloqué tout le trafic, mettait à profit la crainte de voir les revendications spécifiques des "roulants" oubliées dans une négociation globale et elle portait ainsi sa contribution à la division et à l'enfermement du mouvement. Dans l'autre coordination inter-catégorielle SNCF, placée dans la même problématique défensive que la précédente, plus unitaire en apparence -puis- qu' inter-catégorielle- mais tout aussi corporatiste, les militants trotskystes de Lutte Ouvrière qui la noyautaient progressivement puis la contrôlaient, se révélèrent tout aussi habiles à utiliser les craintes des grévistes à l’égard de toute récupération syndicale et politique, pour apporter leur contribution, y compris "musclée «contre les militants du CCI, à la division et à l'enfermement de la lutte dans la corporation, donc à sa défaite.
Le 29/12, la combativité ouvrière dans les ports et à la SNCF, reste entière, la grève est revotée partout sans difficultés. Mais dans les faits, il devient clair que les potentialités de développement du mouvement de lutte ne se trouve plus désormais à la SNCF mais repose sur l'entrée en lutte du secteur public dans le début de la semaine suivante. Cette possibilité n'est pas à exclure mais improbable; Il y a en effet la perspective d'un nouveau week-end prolongé pour les fêtes du jour de l'an.
Le 30 et le 31/12, les autres secteurs publics n'ont pas bougé. La CGT, qui a repris ses troupes en mains à la SNCF, se sent assez forte pour "appeler" à grand renfort de tracts à des manifestations des ouvriers de tous les secteurs, "avec les cheminots". Ces manifestations ne réuniront que ses militants les plus sûrs encadrés par un fort service d'ordre. Sur le terrain, l'énergie ouvrière se concentre sur le besoin de tenir à tout prix et se disperse à de nombreux endroits dans le blocage des trains.
Les "coordinations" nationales s'enferment et se referment encore plus. De nouvelles coordinations par catégories comme inter-catégorielles se multiplient au niveau régional. La dynamique du mouvement à la SNCF se ligote et s'asphyxie de plus en plus bien que la grève tienne. La division interne a avancé à grands pas, CGT, CFDT d'un côté, coordinations de l'autre.
Le gouvernement et les syndicats dont en position pour relancer de nouvelles "négociations".
Le deuxième cap difficile pour la bourgeoisie avant le réveillon du 1er janvier et avant la rentrée sociale générale des 5 et 6 janvier, est franchi avec succès. La tactique de l'isolement et du pourrissement progressif de la lutte, à la faveur des fêtes, a fonctionné.
LES SYNDICATS ORGANISENT UNE FAUSSE EXTENSION
Dès la fin de l'année 86, et plus particulièrement depuis le début de cette nouvelle année, les syndicats, CGT en tête, lancent, à grand renfort de publicité à travers tous les médias, une série de mouvements de grèves, notamment dans la fonction publique. Un travail systématique est fait au niveau des entreprises pour obtenir qu'un maximum de services soit au mieux paralysé par la grève, au moins affectés par des débrayages. Tous les moyens sont bons pour engager le maximum d'ouvriers dans ces grèves sans lendemain, jusqu'à constituer des piquets de grève musclés pour "étendre la grève" par intimidation (comte à l'EDF). Non seulement à la SNCF mais dans tout le secteur public et nationalisé, à la RAT?, à l'EDF, dans les PTT, les arsenaux, à Renault-Billancourt, la OGT limite par sa seule présence sur le terrain de la lutte, la possibilité d'un mouvement d'ampleur dans ces secteurs, tant est fort dans la classe ouvrière, le sentiment de défiance à se mobiliser derrière elle. Cette mobilisation dans la grève et les manifestations est restée bien inférieure à celle de la journée du 21 octobre appelée par tous les syndicats.
De plus, ces grèves n'ont pas donné lieu au moindre débordement des syndicats, ceux-ci étaient incontestablement les maîtres du jeu.
ET ENTRAINENT LE MOUVEMENT VERS LA DEFAITE
Le travail d'affaiblissement du mouvement des cheminots, d ' abord entrepris de l'intérieur par les gauchistes, renforcé ensuite par les syndicats, est enfin complété de l'extérieur par le partage des tâches entre le gouvernement et les fractions de gauche, syndicales et politiques, pour le dénaturer, pour l'isoler davantage et le mener à la défaite complète. D'une part, le gouvernement claironne : "nous ne céderons pas", dénonce le jusqu'auboutisme des grévistes et fait intervenir de plus en plus fréquemment ses CRS, d'autre part, les ouvriers en lutte sont menés à l'épuisement à travers une parodie d'extension et des grèves dispersées sans lendemain.
C'est une véritable offensive politique de la bourgeoisie, dont la CGT est le fer de lance, qui se développe contre la classe ouvrière et cela dans le but de permettre aux syndicats de redorer un tant soit peu leur blason, passablement terni au début du mouvement des cheminots ; d'épuiser dans des conflits durs et longs certaines fractions de la classe ouvrière et les démoraliser ; de diviser la classe ouvrière entre ceux qui auraient un "emploi stable" (fonction publique) et les autres, entre ceux qui ont du travail et ceux qui n'en ont pas, entre grévistes et non-grévistes ; et surtout de saboter par l'occupation permanente du terrain de la lutte tout l'effort de réflexion de la classe, ressenti comme nécessaire par des fractions significatives d'ou- riers, pour tirer les leçons de la grève à la SNCF. Il s'agit pour la bourgeoisie de tenter de dénaturer ou même d'effacer dans la tête des ouvriers toute l'expérience apportée par le combat des cheminots pour l’orientation de la lutte.
Malgré la victoire sur les cheminots, la contre- offensive de la bourgeoisie est loin d’être une réussite vis-à-vis de l’ensemble de la classe ouvrière. La bourgeoisie n'a pas entamé la méfiance très profonde qui existe au sein de la classe vis-à-vis des syndicats, au contraire. Elle n'est pas non plus parvenue à épuiser de façon significative sa combativité. Même parmi les ouvriers les plus éprouvés par la défaite, les cheminots, c'est plus l'amertume que le découragement qui domine. Déjà se profile, à travers la déclaration de ce cheminot de Paris-Nord toute la potentialité des luttes futures: "C'est un échec d'accord et je vais me cacher quand je reprendrai le travail, mais on recommencera plus fort et plus dur la prochaine fois !"
Pour que ces prochaines luttes, inévitables, sortent victorieuses, les ouvriers devront savoir, à la lumière de cette première bataille perdue que :
Les ouvriers doivent déjouer les pièges et les manœuvres des syndicats, ne compter que sur eux- mêmes, sur leurs assemblées, sur l'extension, sur la solidarité active des autres secteurs.
Tout cela c'est possible, c'est réalisable.
Même défaite, la lutte à la SNCF a modifié les mentalités et a révélé les capacités ouvrières.
YD
Du début à la fin de la grève des cheminots, le CCI s'est investi sans réserve dans la lutte.
L'orientation qu'il a donnée à cette intervention et les moyens qu'il lui a consacrés ont, à chaque moment important et significatif de 1'évolution du mouvement été dictés par la nécessité de répondre à ces besoins immédiats en mettant en avant des perspectives de marche, réalisables par les ouvriers, et par celle plus générale de préparer au mieux la classe ouvrière pour ses combats futurs.
C'est ainsi que quatre jours après le début de la grève à la SNCF, alors que le refus du gouvernement d'accorder satisfaction aux revendications des grévistes allait se traduire par une partie de bras de fer entre bourgeoisie et prolétariat, à travers direction de la SNCF et cheminots interposés, il appartenait aux révolutionnaires de peser le plus possible dans le sens du renforcement du front de classe. C'est ce que nous avons fait en diffusant à tous les secteurs de la classe le tract que nous encartons dans ce n‘ : "Pour faire reculer l'attaque du gouvernement, ELARGISSONS LE MOUVEMENT, ENTRONS TOUS ENSEMBLE DANS LA LUTTE". Cette diffusion S'est effectuée prioritairement en direction des secteurs susceptibles de se mobiliser le plus rapidement dans le public et également en direction de ceux déjà en lutte, les cheminots évidemment, les travailleurs des ports. A cette occasion, nous avons mené tout un travail d'agitation sur les lieux de travail où notre intervention a pu cristalliser chez les ouvriers une volonté de discussion, de regroupement pour l'action, suscitée par l'exemple de la grève à la SNCF, ce fut le cas en particulier dans le métro parisien. Cinq jours plus tard, alors que l'élargissement à d'autres secteurs ne s'était toujours pas produit mais constituait encore une possibilité de la situation, alors que la grève à la SNCF commençait à marquer le pas du fait de son enfermement dans la corporation, et de sa reprise en mains progressive par les syndicats et les gauchistes, et que de ce fait, il devenait vital que l'élargissement du front de classe venant d'autres secteurs, intervienne, très rapidement, sous peine d'un reflux général des luttes en cours, nous sommes à nouveau intervenus par un second tract : "Appel à tous les ouvriers pour élargir et unifier les luttes" (encarté dans ce numéro du journal). Diffusé le plus rapidement possible à plus de secteurs possibles, il visait le même objectif que le précédent mais en faisant cette fois plus largement appel à la réflexion des ouvriers sur les enjeux et la portée de la grève SNCF, réflexion permise grâce à un certain recul depuis dix jours déjà que se déroulait cette grève, et nécessaire pour mesurer réellement l'importance de 1'entrée en lutte immédiate. Nous 1'avons diffusé dans les dépôts de cheminots lors des assemblées générales, aux réunions des deux coordinations de cheminots. A' ces occasions, nous avons suscité de nombreuses discussions, effectué des prises de paroles mettant en avant la nécessité pour les cheminots d'ouvrir leurs assemblées aux ouvriers des autres secteurs, de constituer des délégations massives pour rechercher leur solidarité active. C'est dans ce sens également que sont intervenus nos camarades cheminots sur leurs lieux de travail. Au cours de ces interventions, nous nous sommes confrontés à la présence musclée de la CGT, et parfois des gauchistes, à leurs manœuvres pour esquiver et noyer la question essentielle de l'extension.
L’extension à d'autres secteurs n'ayant pu se réaliser, la grève à la SNCF s'acheminant vers une défaite certaine, le travail ayant repris dans tous les ports, la grève à la RATP s'enfermant sur elle- même et alors que la bourgeoisie cherchait à accentuer son avantage en tentant d'entraîner dans des grèves vouées à 1'échec en ce moment défavorable et face au déploiement sur le terrain de toutes les forces syndicales, nous étions encore présents, principalement sur les lieux de travail, pour dénoncer cette manœuvre et participer au repli dans l'ordre de la classe, impulser, encourager et participer à la prise en charge de sa réflexion collective sur les enseignements de la grève des cheminots.
Très rapidement, après la reprise du travail à la SNCF, nous sommes intervenus à nouveau par un tract "Leçons du premier combat" (encarté dans ce numéro), également diffusé le plus largement possible à tous les secteurs de la classe ouvrière. Son objectif était d'armer la classe ouvrière dans sa réflexion et la préparer aussi au mieux aux prochaines luttes...
Celles-ci sont d'ores et déjà en train de couver dans la classe ouvrière.
Nous y serons.
Une prise de position sur cette intervention -ou son absence- aurait été parfaitement justifiée et nécessaire dans ce numéro du journal. Faute de place nous sommes contraints de reporter sa publication au prochain numéro.
La Rédaction
Les grèves de décembre-janvier ont permis de voir encore une fois, dans la pratique, le rôle que jouent les partis de gauche et les syndicats : pendant que le gouvernement cogne, les partis de gauche et les syndicats divisent et affaiblissent les luttes. Les travailleurs français qui les ont vus au gouvernement pendant cinq ans savent de plus en plus à quoi s'en tenir. Mais ces grèves ont aussi permis de juger dans la pratique le rôle réel des organisations gauchistes trotskystes ("Lutte Ouvrière" et la "LCR", entre autres), moins connues mais projetées sur le devant de la scène par le rôle important qu'elles ont joué dans la grève des cheminots.
Ce n'est pas un hasard si ce sont les organisations de 1'extrême-gauche du capital et leurs militants au langage le plus radical gui ont fini par se trouver à la tête des coordinations et principalement de celle du dépôt d'Ivry-sur-Seine ; c'est parce que leur rôle consiste à encadrer les secteurs les plus combatifs de la classe ouvrière ; là où les forces de gauche, les syndicats, ne peuvent contrôler la lutte, parce que la classe ouvrière montre ouvertement et activement sa méfiance à l'égard de ceux-ci -comme cela a été le cas dans la grève des cheminots- les gauchistes sont là pour remplir le vide, afin d’affaiblir, de dévoyer la lutte et rabattre finalement les ouvriers vers les syndicats, sur le terrain de la bourgeoisie.
La constitution des coordinations nationales de cheminots a exprimé la claire volonté des ouvriers de la SNCF de garder en main leur lutte, de la diriger eux-mêmes, ainsi que la tendance très forte du mouvement à s'étendre au sein de la SNCF, à unir les forces en lutte pour être le plus puissant possible. Elles exprimaient cette tendance spontanée qui fait que, depuis les grèves de masse en 1905 en Russie jusqu'aux luttes de l'été 1980 en Pologne, toutes les luttes ouvrières qui ont pris une importance réelle ont cherché à s'organiser par ce système d'assemblées et comités (système dont les "Soviets" ou Conseils ouvriers sont l'expression la plus épanouie). Les coordinations nationales se voulaient des assemblées générales constituées des délégués des dépôts en grève, et tout le travail des gauchistes a consisté à dévoyer ce que tendaient à exprimer ces coordinations, à empêcher toute prise de conscience, dans les rangs des ouvriers, de ce qu'ils tendaient à faire dans la pratique.
A les entendre, les trotskystes apparaissent comme des champions de la lutte contre le corporatisme et pour l'extension des grèves. Ainsi pouvait-on lire dans le "Bulletin d'entreprise" de LO, repris dans son journal du 3.1.87:
Beau discours. Mais quelle fut la pratique des militants de LO et de la LCR dans les dépôts, au sein des assemblées générales de base et ensuite au sein des coordinations nationales dont ils ont pris la tête ?
De manière générale, les gauchistes de ID et de la LCR vont asséner sans relâche, dans les AG des dépôts carme dans les coordinations -afin de miner le terrain- l'idée que l'extension de la lutte à d'autres secteurs risque de faire perdre le contrôle du mouvement aux cheminots, de faire qu'il soit "dilué" dans un mouvement plus large, alors que c'est l'élargissement du combat qui fait sa force. S'appuyant donc sur le corporatisme qui pèse dans la tête des cheminots, ils vont enrayer toute tendance vers l'extension, confinant la lutte sur elle-même, sans perspective, et poussant les ouvriers à l'épuisement.
Mais c'est tout d'abord au niveau des dépôts même, que les gauchistes vont briser systématiquement toutes les poussées vers l'extension, toutes les tentatives d'aller chercher la solidarité active des autres secteurs.
Ainsi, dès les premiers jours de la grève, face à la volonté des cheminots de sortir des dépôts pour manifester dans la rue, la LCR sort un tract qui met en avant que c’est dangereux, à cause du "risque d'attaques fascistes" ( !), ou à cause des usagers qui pourraient exprimer violemment leur mécontentement !
Quelques jours plus tard, alors que, dans les assemblées générales de dépôts, des propositions sont faites d'envoyer des piquets volants ou des délégations massives dans les usines, les gauchistes répondent:
C'est clair, lorsqu'ils sont, en parole, pour la recherche de l'extension, c'est pour la dénaturer, la stériliser, la vider de toute signification.
Ce qu'ils ont fait au niveau des coordinations nationales a été dans la continuité de leur travail de sabotage, et s'ils se sont retrouvés à leur tête, c'est grâce à leur grande expérience du travail à la base -qu'ils ont encore prouvée à la SNCF- et à leur grande capacité, leur grande souplesse à épouser, à s'adapter aux besoins du mouvement; toujours prêts en parole a être "d'accord" à appuyer ce qu'expriment les ouvriers afin de mieux briser la lutte dès qu'ils en prennent le contrôle.
Ainsi, au cours de l'AG à la bourse du travail de Paris, le 26 décembre, qui s'est prononcée sur le principe de la formation de coordinations, deux ouvriers des PTT se sont adressés à l'assemblée pour manifester leur solidarité et lui demander d'organiser l'extension de la lutte par l'envoi de délégations massives aux autres secteurs de la classe ouvrière, en particulier à ceux du secteur public (dont les PTT). Le premier put intervenir, mais, habilement, les militants de LO ont repris immédiatement la parole pour enterrer la question et passer à autre chose. Le deuxième n'a même pas pu être entendu car dès qu'il a annoncé qu'il n'était pas cheminot, quelques éléments se sont mis à crier et à vociférer au point de couvrir entièrement son intervention. Le présidium, qui n'était autre que la personne du trotskyste Vitry, fit passer aux questions "à l'ordre du jour" afin que les propositions ne puissent être discutées et reprises, brisant toute réflexion dans l'AG.
Ces propositions étaient loin d'être "à côté de la plaque", puisque des cheminots de la gare d'Austerlitz sont allés voir les deux ouvriers des PTT pour exprimer leur accord avec leur intervention et dire qu'ils avaient eu de telles initiatives sur leur lieu de travail.
Derrière les grandes déclarations: "A bas le corporatisme", voilà quelle a été la pratique concrète, la vérité des trotskystes et des syndicalistes de base; leur rôle ne fut autre que celui de toujours des staliniens de la CGT, celui de flics de l'enfermement corporatiste.
Pour la première réunion de la coordination, le 29 décembre, à la Mutualité, les militants de LO avaient pris leurs précautions. Ces soi-disant champions de l'anti-corporatisme et de l'extension, établirent un contrôle à l'entrée de la salle de réunion, interdisant l'entrée à tout élément non cheminot. Qui plus est, un ouvrier des PTT qui était parvenu à entrer dans la salle et qui tenta de prendre la parole pour appeler encore une fois à l'organisation de l'extension et proposer une motion dans ce sens, fut immédiatement interrompu et chassé violemment de l'assemblée.
Leurs explications à l'entrée de l'assemblée, face à ceux non cheminots qui voulaient assister, étaient à peine plus justifiées que la violence employée à 1'intérieur:
Quant à l'autre coordination, celle des conducteurs, qui se réunissait à la gare ou Nord, et où c'est surtout les trotskystes de la LCR qui étaient présents, la participation aux assemblées était interdite, même aux cheminots qui n'étaient pas conducteurs!
Ainsi, les gauchistes ont encore montré qu'ils étaient contre le mouvement, contre la classe ouvrière, parce qu'ils n'ont eu de cesse d'étouffer, de dévoyer l'extension et la dynamique vers celle-ci d'une part et, d'autre part, parce que derrière les déclarations radicales, antisyndicales, pour l'auto-organisation, ils ont finalement réussi à ramener la classe sous la coupa des syndicats.
Une des caractéristiques essentielles de la lutte des cheminots fut sa méfiance à l'égard des syndicats, sa tendance à 1'auto-organisation. Si les ouvriers ont accumulé cette profonde méfiance, c'est parce qu'ils savent par expérience de plus en plus qu'ils ne peuvent pas se battre lorsqu'ils ont les syndicats dans les jambes.
Le travail des gauchistes a consisté à permettre aux syndicats de se réintroduire dans le mouvement, de reprendre le contrôle de la lutte.
Ici encore, leur rôle a été particulièrement clair : épouser verbalement le sentiment de méfiance générale vis-à-vis des syndicats, grâce à leur critique des "directions", qui se manifestait dans le mouvement pour mieux le ramener sous la coupe des centrales. Là où les ouvriers cherchaient avec plus ou moins de clarté à se doter de leur propre forme d'organisation véritablement unitaire, les gauchistes ont défendu en permanence l'idée "qu'on n'est pas contre les syndicats", "qu'on a besoin d'eux". Alors que les cheminots disaient vouloir contrôler les négociations, ne pas déléguer leur volonté aux instances syndicales, les gauchistes défendaient celles-ci.
Le journal “Rouge", organe de la LCR, le dit clairement dans son numéro du 31 décembre 86:
Voilà la fausse critique, l'ambiguïté qui permet aux gauchistes d'avoir trente-six visages, adaptables au gré des situations, et poignarder la classe après avoir trompé sa vigilance !
Ainsi, à la coordination de Paris-Nord, ils ont répété : "Laissons les syndicats négocier, çà n’est pas notre problème. Mais si les accords ne nous conviennent pas, on les rejettera et on continuera la grève!". Discours hypocrite qui permettait que les ouvriers ne contrôlent en rien les magouilles gouvernement-patronat-syndicats et qui redorait la façade des syndicats qui pouvaient alors dire : "Nous allons consulter notre base", perpétuant l'idée que les syndicats "défendent” la classe ouvrière.
A la coordination d'Ivry, les gauchistes reprenaient la forte volonté des grévistes de contrôler les négociations, mais pour la détourner en disant : "On veut notre place à côté des syndicats pour les négociations".
Cela permettait que les ouvriers ne se posent pas ouvertement et clairement la question : "Pourquoi ce sont les syndicats qui négocient à notre place"?
C'est ainsi que les gauchistes se sont avérés, dans la pratique, les meilleurs défenseurs de la "représentativité" des centrales syndicales dont ils ont toujours affirmé qu'elles devaient être les principales négociatrices face au gouvernement..., alors qu'elles s'étaient opposées à la grève au début!
C'est ainsi qu'à l'heure d'organiser une manifestation, ils s'en sont remis aux appareils syndicaux...
C'est ainsi qu'à la fin du mouvement, ce sont bel et bien les syndicats qui ont mené les négociations avec le gouvernement et le patronat, "parce qu'on a quand même besoin d’eux"! dixit "Rouge"
il faut que les ouvriers en soient conscients. Dans le développement de leurs luttes à venir, ils auront encore ces fervents défenseurs (en parole) de leur combat prêts à les suivre, puis à les mener... à la défaite.
Derrière la phraséologie assembléiste, pour l'auto-organisation* tout le travail des gauchistes a été d'enfermer le mouvement, de noyer les questions afin d'étouffer toute critique réelle des syndicats, et de prévenir toute tentative d'extension vers les autres secteurs -alors que beaucoup d’entre-eux, marins, dockers, navale, RATP..., étaient en lutte- relayant et complétant, à la SNCF, le travail d'isolement mené par les syndicats, et particulièrement la OGT, dans ces autres secteurs (voir article p.5).
Dans la dynamique actuelle des luttes ouvrières, les ouvriers sont poussés et cherchant à sortir de l'isolement et pour cela, il leur faut et il leur faudra combattre avec toujours plus de force leurs ennemis tels que syndicats, syndicalistes de base, gauchistes, qui n'ont de cesse de les enfermer dans "leur" usine, “leur" secteur, "leur" corporation, qui n'ont de cesse d'empêcher toute extension de leur lutte, parce que c'est là que réside toute la force de la classe ouvrière : la prise en main des luttes par les ouvriers eux-mêmes, pour élargir et unifier leur combat.
CRV
Aujourd'hui, il est clair pour tous les ouvriers que le formidable mouvement de lutte engagé par les cheminots, depuis la mi-décembre, contre la dégradation de leurs conditions de travail, contre la baisse de leur niveau de vie, n'a pas abouti. Malgré leur colère, leur détermination, leur combativité, migré le fait qu'ils aient pris en charge (du moins dans un premier temps) leur lutte, qu'ils aient tout fait pour la contrôler eux-mêmes, qu'ils l'aient étendue à la plupart des secteurs de la SNCF, un constat s'impose : cette bataille a été perdue.
Aujourd'hui, les cheminots ont repris le travail sans avoir rien obtenu sinon quelques vagues promesses de négociations sur les revendications, de la part du gouvernement et de la direction, promesses dont la classe ouvrière connaît la valeur et dont elle a si souvent fait l'amère expérience.
Ce sont les syndicats qui ont été les principaux maîtres d'œuvre de cette défaite ouvrière.
Alors que, dans les dix premiers jours du mouvement ils ont été débordés, mis sur la touche et parfois rejetés par les ouvriers, qui se méfient à juste titre d'eux; que, pris de court et quasi impuissants, ils révélaient leur vraie nature anti-ouvrière en dénonçant la grève, en appelant les ouvriers à l'arrêter -car elle était "impopulaire"-, en méprisant les tentatives de coordination du mouvement faites par les ouvriers eux-mêmes, taxées par eux "d'insignifiantes" (Krasucki)…, à l'approche du nouvel an, voilà que leur langage change.
"Que le flot monte", claironnait Krasucki relayé en fanfare par tous les médias de la bourgeoisie. C'est la contre-offensive de la classe capitaliste qui S'affirmait ainsi par la bouche du secrétaire général de la CCT.
Cette contre-offensive s'est déclenchée d'abord parce que le mouvement des cheminots a permis qu'elle se déclenche. En s'enfermant dans leur lutte, leurs revendications spécifiques, en mettant en avant, avant tout ce qui les distingue et non ce qui les unit aux autres ouvriers, en protégeant jalousement leur lutte, encouragés en cela par les syndicats et les gauchistes, les cheminots ont dissuadé les ouvriers des autres secteurs de les rejoindre massivement dans la lutte, entretenant ainsi l'isolement de leur mouvement.
Mais il est vrai surtout que la bourgeoisie, grâce aux bons offices des syndicats, avait écarté le principal danger : l'extension du mouvement aux autres secteurs de la fonction publique surtout quand celui-ci se trouvait dans sa phase ascendante.
C'est ainsi que, durant la période autour du réveillon de Noël, les syndicats ont réussi notamment à convaincre les ouvriers de la RATP de cesser la grève qu'ils venaient d'entamer avec détermination en leur promettant la reprise de celle-ci pour les 30 et 31 décembre.
Mais cette contre-offensive devenait surtout nécessaire et même vitale pour la bourgeoisie du fait des risques importants de contagion que provoquait, par son exemplarité, la lutte à la SNCF, vers les autres secteurs ouvriers et particulièrement ceux de la fonction publique où la colère gronde tout aussi fort et où la nécessité de lutter est autant ressentie.
Quand la CGT lançait pompeusement aux ouvriers ses formules faussement combatives du style : "lève-toi et marche", ou : "que le flot monte"; quand, plus ou moins suivie car les autres syndicats, elle appelait et déclenchait les grèves à l'EDF-GDF, à la RATP ou aux PTT et organisait des manifestations, durant les premières semaines de janvier, au nom de l'extension de la "solidarité" et de 1'"unité", son seul but était de mener les ouvriers, et en premier les cheminots, à la défaite.
Pour cela, il lui a fallu avant tout se placer à la tête des luttes en se montrant la plus radicale et la plus combative, la seule capable de défendre les intérêts ouvriers, aidée dans ce sens par les autres fractions de la bourgeoisie, partis et syndicats, qui lui "reprochaient" de "politiser" les luttes, d'être "jusqu'au-boutiste", "intransigeante". Elle a cherché aussi, par ce biais, à faire oublier son attitude ouvertement anti-ouvrière au début du mouvement à la SNCF.
En prenant l'initiative de ces luttes, en les contrôlant, elle a empêché les ouvriers à l'EDF-GDF, à la RATP, et aux PTT de prendre exemple sur ceux de la SNCF, et de le faire eux-mêmes tout en cherchant à leur faire croire que c'était la base qui décidait et qu'elle ne faisait que les suivre et les soutenir.
Mais surtout, à travers ces luttes, elle a appelé, avec l'aide des autres centrales syndicales, à une fausse extension au moment le plus défavorable, quand le mouvement des cheminots refluait.
Cette parodie d'extension, les ouvriers en ont maintes fois fait les frais dans le passé. Ils en ont fait les frais encore une fois en acceptant de se lancer, derrière les syndicats, dans des actions isolées, dispersées et stériles. La véritable extension est celle qui permet d'opposer à la classe capitaliste le front le plus large et le plus unifié, celle qui est décidée, prise en charge, dirigée par les ouvriers eux-mêmes et coordonnée entre tous les secteurs. Quand les syndicats parlent d'extension, c'est pour organiser la dispersion des ouvriers. Quand ils parlent d'unité, c'est soit pour revendiquer l'unité syndicale -c'est-à-dire l'unité des saboteurs, des ennemis de la lutte- soit pour organiser l'isolement des luttes et leur désunion. Et, le plus souvent, les deux à la fois. Les cheminots et les ouvriers de l'EDF-GDF, de la RATP ou des PTT, qui ont accepté de suivre la CGT et les autres syndicats dans 1'"action" savent aujourd'hui que, s'ils ont pu effectivement exprimer leur colère et leur combativité, cela ne les amenés qu'à l'épuisement et parfois même à subir la répression, mais en aucune manière à imposer un rapport de forces favorable.
“Oui ! le flot monte et c'est tant mieux. Certains le craignent. Pas la CGT". Krasucki a raison de pavoiser, il n'y a rien à craindre tant que les ouvriers en lutte le suivront. Aujourd'hui encore, il les a menés à la défaite.
Mais cette défaite est loin d'être décisive. Tout d'abord parce que, malgré les appels conjugués, répétés et amplifiés des syndicats -pour lesquels "l'action est à l'ordre du jour partout et pour tous" (Krasucki)- la majorité des ouvriers du pays et même dans la fonction publique, ont refusé de lutter derrière ces derniers, ont refusé de se laisser entraîner dans la spirale de la défaite. Même ceux qui ont fait grève dans des conditions défavorables, loin d'être démoralisés, sont rentrés amers, avec la rage au ventre et encore plus méfiants vis-à-vis des syndicats.
Aujourd'hui, malgré sa victoire sur les cheminots, la bourgeoisie n'a pas réussi à entamer la colère générale et les potentialités de combativité dans la classe ouvrière, au contraire.
De plus, toute l'expérience riche et magnifique de la lutte des cheminots, que la bourgeoisie et ses syndicats a cherché en permanence à minimiser, dénaturer et effacer, reste pleinement vivace dans les consciences ouvrières.
Pour les ouvriers, dans tous les secteurs, dans toutes les régions, l'exemple des cheminots reste à suivre et à répandre. Mais cela ne pourra se faire victorieusement qu'après en avoir tiré toutes les leçons principales et, plus particulièrement, en prenant conscience que ce qui a été déterminant dans l'évolution du conflit de classe, c'est l'enfermement de la lutte sur elle-même et l'absence d'extension réelle aux autres secteurs.
Ce besoin de réflexion a commencé à se faire sentir au sein de la classe ouvrière, alors même que tous les cheminots n'étaient pas tous rentrés, et cela malgré l'occupation envahissante du terrain de la lutte par les syndicats (pour dénaturer tous les besoins et acquis de la lutte, ils sont capables de les reprendre à leur compte; comme le disait un militant CFDT : "nous allons créer partout, s’il le faut, des comités de grève et des coordinations").
Aujourd’hui, des manifestations de ce besoin apparaissent ouvertement parmi les ouvriers, notamment dans la fonction publique ou de fortes minorités d'entre eux, plus méfiants que jamais vis-à-vis des syndicats et clairement conscients des manœuvres que ceux-ci ont développées durant ces dernières semaines, cherchent à maintenir des contacts entre eux, à se regrouper dans des comités de réflexion et d'action.
Un tel comité s'est constitué au niveau des centres de tri parisiens/ regroupant des agents du tri et des chauffeurs, intéressant également des ouvriers de l'EDF-GDF, et se donne comme objectif de tirer collectivement les leçons du dernier combat, de faire participer le maximum d'ouvriers à cette réflexion, en la diffusant, et de préparer les prochaines batailles qui sont inévitables.
Tout ouvrier conscient, tout révolutionnaire conséquent ne peut que soutenir de tels efforts, encourager et participer à de tels comités dans l'ensemble de la classe, dans le secteur privé comme dans le secteur public.
Cela est un atout décisif pour que les ouvriers sortent victorieux dans les prochaines batailles et qu'ils fassent échec aux manœuvres de sabotage et de division des syndicats.
J. E.
Nous publions, ci-dessous, une motion qu'un groupe d'ouvriers s'était proposé de présenter, en vue de son adoption, à la "Coordination nationale interprofessionnelle" d'Ivry, le 29 décembre. Nous apportons notre soutien total à cette motion et plus particulièrement au souci fondamental qu'elle contient: la nécessité d'étendre et d'élargir le mouvement aux autres secteurs pour former “le front le plus large et unifié".
Au moment où elle a été proposée, c'est-à-dire au moment où le mouvement des cheminots en tant que tel avait atteint ses propres limites tout en continuant d'exprimer une forte combativité, où le combat pouvait rebondir au niveau d'autres secteurs -en effet, cela était réellement possible dans la mesure où déjà certains d'entre eux étaient entrés en lutte, comme à la RATP, manifestant une colère et une combativité grandissantes-, au moment où il était possible de faire pièce à la bourgeoisie gui déployait toutes ses forces, notamment syndicales, pour encadrer et isoler le mouvement des cheminots ainsi que les autres secteurs en lutte ou en mesure d'entrer en lutte, cette motion était la bienvenue; le souci d’extension qu’elle exprime était indispensable, sinon- vital, et sa discussion et son adoption par les ouvriers particulièrement nécessaires.
Mais cette motion n'a pu être prise en compte par l'assemblée générale, les gauchistes de LO ayant empêché sa lecture et même interdit l’entrée de la salle de réunion aux "éléments non-cheminots" (comme ils le disaient) qui auraient pu la défendre face à l'ensemble des ouvriers présents.
Mais rien n'est perdu. L'extension des luttes ouvrières reste toujours une nécessité vitale et un souci permanent qui d'ailleurs se fait jour de plus en plus clairement dans des fractions de plus en plus importantes de la classe ouvrière. Dans les luttes à venir, les ouvriers doivent le reprendre et le traduire en pratique -il n'y a pas d'autre voie- tout en sachant que les syndicats feront tout et toujours pour créer, avec l'aide des gauchistes, des fausses coordinations, des fausses structures ouvrières pour dénaturer les véritables besoins des luttes aujourd'hui, et dévoyer la dynamique de l’élargissement du combat.
L'assemblée générale de la coordination des cheminots en grève, considérant:
estime:
décide :
Un groupe d'ouvriers de différents secteurs,
pour 1'extention et l'unification des luttes.
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Malgré l'attention, les espoirs, la sympathie et l'enthousiasme que les ouvriers ont éprouvé à l'égard de la grève des cheminots, un relatif sentiment d'amertume, de rage et d'impuissance s'est développé à la fin de la lutte. De rage et d'impuissance quand les cheminots sont rentrés battus. De rage et d'impuissance de n'avoir pas su se mettre en grève quand il le fallait, dès le début : "nous avons raté une occasion, il fallait y aller avec eux ; tous ensemble !"
En grande partie, ce sentiment a été le produit de la contre-offensive que la bourgeoisie a su développer dès janvier contre les luttes (cf. article p.2 ) Une fois le danger d'extension aux autres secteurs écarté, une fois les cheminots enfermés dans l'impasse corporatiste, dans les "blocages de trains", toutes les forces bourgeoises se sont mises à l'œuvre. Pour essayer de transformer l'échec de la grève des cheminots en une déroute pour toute la classe ouvrière. D'un côté, le gouvernement durcit le ton contre les grévistes et... la CGT pourtant rejetée par tous les grévistes ; de l'autre, les syndicats appellent à la grève "dure et illimitée" dans les autres secteurs alors qu'ils étaient contre la grève SNCF à son début.
C'est un véritable piège pour les ouvriers. Une fausse alternative : ou suivre la CGT et les autres syndicats dans des grèves isolées et sans perspective, dans la défaite ; ou bien ne rien faire du tout au risque de paraître cautionner le gouvernement et sa politique de fermeté et d'austérité.
Les deux mâchoires de ce piège n'ont pu se refermer complètement sur les ouvriers. Certes, les cheminots ont subi une défaite. Et avec eux, toute la classe ouvrière. Néanmoins, le refus presque général en particulier dans la Fonction publique, de suivre la CGT n'a pas permis à cette dernière de transformer l'échec en déroute. Ni ceux de l'EDF, ni ceux de la RATP, et encore moins ceux des PTT, pour ne parler que des secteurs les plus combatifs, ne se retrouvent aujourd'hui épuisés, démoralisés, ni même réellement déboussolés par une grève longue, épuisante, isolée, tel que le voulaient les syndicats.
En effet, les deux mâchoires du piège ne se sont pas complètement refermées car les ouvriers n'ont pas suivi les syndicats, ni ne sont restés sans rien taire. Dans les assemblées, où la participation était forte, dans les ateliers, centres de tri, agences EDF, dépôts de bus et de métro, etc., les discussions étaient nombreuses : "maintenant, c'est trop tard, il aurait fallu y aller au début, comme les cheminots, ce n'est plus le moment. Surtout pas avec la CGT! Alors qu'est-ce qu'on fait? Rien? Il ne faut pas rester passif; il ne faut pas laisser la CGT et les autres faire leurs magouilles habituelles!"
Plusieurs réponses ont essayé de se développer. L'une d'entre elles fut, dans l'élan de la mobilisation et des discussions, l'émergence de quelques regroupements ouvriers en comités de lutte. C’est par exemple la création d'un comité de lutte entre ouvriers de différentes agences EDF de la banlieue-sud de Paris dont nous publions le tract ci-joint. D'autres encore se sont constitués, ou ont essayé de se constituer, aux postes, dans les centres de tri parisiens et parmi les chauffeurs. Ces regroupements, refusant de laisser le terrain libre et le monopole de l'expression aux syndicats, visaient à :
Pour notre part, nous, révolutionnaires, malgré la reprise du travail à la SNCF, à la RATP et à l'EDF, nous avons poussé à la formation de tels comités. Nos militants travaillant aux Postes participèrent à la formation d'un comité de lutte "postiers en colère" et à la distribution de son tract : "... nous avons décidé de former un comité de lutte. Il ne s’agit pas d'un nouveau syndicat mais au contraire que ce soit la base qui décide. Nous ne voulons plus laisser le monopole de l'information aux syndicats, ni non plus le choix du moment pour appeler à la lutte. Il y en a assez des magouilles et des mensonges ! Il faut préparer la lutte:
Le tract se terminait par un appel à rejoindre le comité à tous ceux qui était d'accord avec les leçons de la grève des cheminots:
Les deux comités, celui de l'EDF et celui des Postes, ont pris contact et tenu deux réunions afin L'essayer de constituer un comité de lutte inter-catégoriel. Participèrent à ces réunions, une quinzaine de travailleurs. Malheureusement, la mobilisation pour une telle activité retomba très vite. A la dernière réunion, les présents ont décidé d'arrêter pour le moment le comité PTT vu le peu d'écho immédiat qu'il a eu ; de vérifier l'état réel de la mobilisation parmi les camarades de l'EDF et de garder les contacts pour pouvoir se toucher en cas de lutte. Voilà où nous en sommes aujourd'hui. Nous profitons de l'occasion pour appeler tous les lecteurs connaissant de telles expériences à nous le faire savoir.
Aussi limitées soient ces expériences, les surgissements de comités de lutte vont se reproduire dans un avenir proche.
Car ils répondent aujourd’hui à la nécessité de plus en plus ressentie et partagée chez les ouvriers de se regrouper et de s'organiser pour préparer les luttes et ne pas laisser le terrain libre aux syndicats. Ne pas leur laisser le monopole de l'information. Opposer à leurs manœuvres de sabotage et d'isolement, la nécessité pour les A.G. d'organiser l'extension et l'unification des luttes ouvrières.
Car ils répondent aujourd'hui à une possibilité : la grève des cheminots a certainement réveillé, ou révélé, nombre de consciences ouvrières assoupies ; réveil qui commence et ne manquera pas de s'exprimer en particulier dans la préparation et le déroulement des prochains combats.
Ces comités de lutte ne sont pas de nouveaux syndicats, même si ce danger peut les guetter. Mais dans ce cas, c'est leur mort. Ils ne sont pas et ne peuvent pas être l'embryon des futures A.G., ni des comités de grève élus par ces assemblées. En l'absence de lutte et avec le recul de la mobilisation, il leur est difficile de subsister en tant que tels.
Par contre, ces comités de lutte vont jouer un rôle très important:
C'est le sens de notre intervention dans les quelques comités surgis durant et après la grève des cheminots. C'est dans ce sens que nous interviendrons dans les comités qui ne manqueront pas de réapparaître lors des mobilisations futures. Et cela, nous en sonnes sûrs, rapidement.
Le 21/2/87. R.L.
A tous les électriciens et gaziers
A tous les travailleurs et chômeurs
Nous sommes un groupe de travailleurs des agences mixtes de la banlieue Sud de Paris. Nous avons décidé de nous coordonner et de nous regrouper en COMITE DE LUTTE pour défendre nous-mêmes nos intérêts.
Nous avons applaudi à la lutte des cheminots en décembre 86, et à leur capacité d'étendre la lutte nationalement malgré l'avis de tous les syndicats qui étaient contre. Au début de cette grève, comme lors de la grève EDF à Paris fin 86. Ce sont des non-syndiqués qui ont été à l'origine de la grève.
Le contrôle des cheminots sur leur lutte nous a éclairés:
MAIS LES CHEMINOTS SONT RESTER ISOLES DANS LE CORPORATISME
Comme les travailleurs des autres secteurs, nous, électriciens et gaziers, nous n'avons pas su nous mettre en grève au même moment que les cheminots ni établir des contacts directs avec eux. Les cheminots n'ont pas compris non plus la nécessité, urgente dès le début, de venir nous trouver en délégations massives.
Quand 1'isolement dans la corporation SNCF a été patent, en janvier, les syndicats -CGT en tête- ont bien parlé d'extension Mais c'était une extension bidon : nous en avons fait l'expérience à Montrouge, à Massy, à Sceaux, à Bourg la Reine, etc. Nous avions toutes les raisons de nous mettre en grève comme les cheminots car nous subissons corme eux les attaques du gouvernement et nous voyons de plus en plus notre pouvoir d'achat diminuer mais la charge de travail augmenter. Qu'est-ce que les syndicats ont fait ?
Ils nous ont cantonnés à la "garde" de nos agences.
Ils nous ont déconseillé de contacter nos camarades en grève de la RATP et de la SNCF ou d'autres secteurs.
Ils ont manœuvré pour que nous n'allions pas chercher la solidarité à l'extérieur ni sérieusement informer la population
Ils ont organisé des coupures de courant n'importe comment, sans nous consulter, ce qui a eu pour conséquence grossière de monter contre nous les ouvriers du privé, et de ridiculiser des coupures de courant nécessaires pour faire savoir qu'on est en grève (mais qui peuvent être moins brutales et pas aux heures où les autres ouvriers partent travailler) ...
Leurs permanents ont menti comme d'habitude d'une agence à l'autre, avec une parodie de consultation, cachant bien d'où ils tenaient leurs ordres pour nous pousser à faire grève... justement au moment où la grève des cheminots était en train d'échouer!
Ces professionnels des grèves sur commande nous ont fait lanterner, garder le centre de Bagneux pour la frime contre des attaques fictives des commerçants d'extrême-droite, tout cela pour nous distraire de toute réelle EXTENSION assurée et contrôlée par nous-mêmes aux autres secteurs.
Quand nous leur avons demandé des comptes en AG, ils ont affirmé de façon arrogante avoir gagné... 200 cartes CGT! Nous n'avons pas fait grève pour des prunes! C’est se moquer du monde, quand en plus on sait qu'il y a eu pas mal de cartes rendues ou même déchirées!
IL FAUT FAIRE CIRCULER LES INFORMATIONS SUR CE QUI S'EST PASSE :
De même qu'à la SNCF les syndicats nous avaient poussés à des journées d'action bidon, en 86, de même, c'est à une semaine d'inaction qu'ils ont essayé de nous entraîner. Mais dans plusieurs agences beaucoup d'entre nous n'avons pas marché ni "obéi" aux chefs et sous-chefs syndicaux, d'autres ont cessé au bout de quelques jours, en pleurant de rage, cette nouvelle grève presse-bouton pour redorer le blason terni des syndicats.
A Montrouge, la grève s'est pourtant terminée en comité avec la volonté de ne pas se laisser démoraliser, et plusieurs d'entre nous avons déchiré nos cartes syndicales ou allons le faire.
A Vanves, les gars ont refusé majoritairement de se laisser manœuvrer, non par passivité, mis parce qu'on ne veut pas faire grève n'importe cannent et n'importe quand aux ordres de gens qui veulent décider à notre place; la CGT a, là, violé la décision de l'AG en appelant en douce ses adhérents à faire deux heures de grève! Voilà la division à l'œuvre!
NE NOUS LAISSONS PAS PARQUER COMME DANS DES ETABLES
Beaucoup d'entre nous avons perdu pour rien plusieurs jours de grève et avons le goût amer de la défaite. Mais nous ne sommes pas découragés de lutter, malgré toutes les magouilles syndicales.
Nous vous appelons, syndiqués et non syndiqués, à nous rejoindre pour préparer la lutte à venir. Voici la vérité: le gouvernement et les syndicats, chacun à leur place, nous attaquent et veulent nous empêcher de réaliser NOTRE UNITE, garantie de notre force.
Plus nous resterons mobilisés et groupés, plus nous garderons en mémoire les leçons de la SNCF et la fausse extension des syndicats en ce début janvier 87. Il y en a marre des magouilles syndicales, ensemble PREPARONS LA LUTTE.
Pour les prochaines luttes, établissons des contacts, directement à l'EDF et avec les autres secteurs:
POUR UNE FOIS, FAISONS QUELQUE CHOSE DE CONCRET, RASSEMBLONS-NOUS ! UNISSONS-NOUS!
Le 20 janvier 1987, Comité de lutte
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Les thuriféraires plumitifs et autres "experts" de la chose financière, voire économique, sont mobilisés depuis plus d'un mois pour nous donner jour après jour, voire heure par heure, des nouvelles et des explications sur l’évolution de la crise boursière.
Leur souci essentiel, outre celui de rassurer le "bon peuple", consiste à faire en sorte que le sujet ne s'écarte pas du domaine boursier et du présent le plus immédiat. Que cette crise boursière soit l'expression de la faillite d'un système économique, d'un mode de production, ne comptons pas sur eux pour le dire, ce serait remettre en cause le monde auquel ils se sont voués. Que, voici 58 ans, on ait eu un pareil phénomène, ils ne l'évoquent que pour nous dire que ce n'est pas comparable (cf. notamment "Libération" du 20-10-87) Or, la véritable signification de l'effondrement boursier du 19-10-87 réside dans le fait qu'il n'est qu'un signe annonciateur d'une récession d'ampleur jamais vue. La comparaison avec la "grande dépression" de 29 fait clairement ressortir que, si le mal ressurgit après 58 ans, toutes les médications dont dispose la bourgeoisie ont déjà été appliquées à hautes doses. Et le malade aujourd'hui est condamné autant par sa sénilité que par les drogues que lui a administrées la classe dominante. Aujourd'hui, comme il y a 58 ans, le krach boursier est le résultat, au niveau financier, de la crise de surproduction, de la saturation du marché par une pléthore de marchandises qui ne trouvent pas de débouchés solvables. Or, si en 29, après 10 ans de reconstruction, la saturation des marchés ne faisait que se poser avec netteté, en 87, nous sommes déjà depuis plus de 20 ans dans une situation de crise ouverte de surproduction qui condamne un quart de l'humanité à crever de faim.
La crise de 29 survient dans un contexte d'euphorie économique. Depuis la guerre, le capitalisme US était devenu le maître du monde. La reconstruction d'une Europe dévastée par la guerre, avait permis aux USA de faire tourner à plein leur appareil productif. Le budget et la balance US étaient excédentaires, la production US avait progressé de 11% de janvier 28 à août 29.
Dans un tel contexte, la bourgeoisie US avait démantelé en grande partie le système de contrôle étatique de l'économie, mis en place durant la guerre. C 'était le triomphe du libéralisme économique, et l ’Etat ne jouait qu'un rôle très limité sur le plan économique : "Pourquoi l'Etat serait-il intervenu alors que le mode de production capitaliste était en mesure, sans trop de perturbations, d'accroître régulièrement les consommations, les profits et les salaires, le commerce extérieur, l'emploi, le revenu national et le standard de vie?" ("Le conflit du siècle", F. Sternberg, p.346)
La crise des années 30 qui débute avec le krach de 29 et connaîtra son point culminant en 32, surprend la bourgeoisie, qui n'est pas préparée à un tel événement. Ce n'est qu'au début des années 30 qu'elle va mettre en place progressivement des mesures de capitalisme d'Etat qui vont ralentir les effets de la crise. Dans tous les pays développés, c'est l'orientation vers une économie de guerre (New Deal aux USA, grands travaux, budgets militaires en Allemagne...).
La mise en place de ces mesures capitalistes d'Etat ayant pour but de relancer l'économie au moyen de l'injection de capitaux par l'Etat se basait sur une dette publique énorme. Le déficit budgétaire US, par exemple, passe de 18 milliards de dollars en 29 à 50 milliards en 39.
La mainmise de l'Etat sur l'économie ne devait dès lors plus cesser, loin de là, durant près de 60 ans, de même que l'endettement public qui en est le corollaire.
Si l'on compare, terme à terme, la situation économique de 29 et celle de 87, il est déjà patent que la situation actuelle est plus grave pour la bourgeoisie.
En 29, le Dow Jones perd 43 points; le budget US est excédentaire, la balance commerciale aussi.
En 87, le Dow Jones perd 503 points, le budget US est déficitaire de 235 milliards, et la balance commerciale accuse un déficit de 15,7 milliards de dollars pour le mois de septembre.
On pourrait à loisir multiplier ce genre d'exemple, évoquer les phénomènes aggravants, telle la quasi-simultanéité des effondrements boursiers d'aujourd'hui, par rapport au délai qu'a pris la répercussion de l'onde de choc en 1929.
Mais ce qui ressort essentiellement de la comparaison, c'est que :
Si la crise économique s'ouvre en 29 avec le krach boursier, nous avons vu plus haut que la cause en est en grande partie l'absence d'intervention de l'Etat dans l'anarchie financière. Quand, à la fin des années 60, au terme d'une période de reconstruction, la crise économique ouverte refait son apparition, les mesures capitalistes d'Etat mises en place dans les années 30 et renforcées durant la 2ème guerre mondiale n'ont pas été démantelées, loin s'en faut. Les Etats contrôlent la majeure partie des secteurs économiques, civils ou militaires; ils planifient la production de façon centralisée, il existe des organismes internationaux (FMI, banque mondiale...) à travers lesquels la bourgeoisie tente de rationaliser l'anarchie capitaliste.
Depuis l'ouverture de cette crise à la fin des années 60, on a vu se succéder des phases de récession et des phases de reprise -avec de forts taux d'inflation. C'est le produit d'une crise de surproduction et des différents palliatifs que la bourgeoisie essaie d'y apporter. La surproduction aboutit à un moment à la récession. Face à cela, la bourgeoisie fait baisser les taux d'intérêts, fait marcher la planche à billets, et la consommation -des ménages, des entreprises, de l'Etat lui-même, augmente, la production progresse et l'expansion reprend; mais cela repose sur le crédit, sur une dette publique abyssale, des déficits budgétaires comparables, et le taux d'inflation s'envole. Alors, la bourgeoisie, pour faire baisser l'inflation, réduit les déficits, fait monter les taux d'intérêts, limite la masse monétaire et l'économie dépérit, le chômage augmente, les faillites d'entreprises se multiplient.
Eh bien! Depuis 20 ans, la bourgeoisie oscille entre ces deux gouffres, tantôt l'un, tantôt l'autre. Mais, bien sûr, ce ne sont pas de simples aller-retour .chaque nouvelle phase récessioniste laisse sur le carreau des centaines de milliers de chômeurs, des milliers d'entreprises en faillite, sans vraiment extirper l'inflation. De même que chaque phase inflationniste creuse davantage les déficits sans pour autant relancer durablement l'économie.
CROISSANCE DU VOLUME DU PRODUIT INTERIEUR BRUT (OCDE. 24 pays industrialisés du bloc US) et DEFICIT PUBLIC DES USA (en-pointillé)
(en % du P.I.B.)
Comme nous le montre ce graphique , les "relances" ont des effets de plus en plus faibles, alors que les moyens mis en œuvre sont toujours plus importants, que les déficits budgétaires sont plus massifs, la poussée inflationniste plus forte, et les récessions qui suivent plus profondes.
A la différence des trois précédentes, la mini-reprise de 82-83 reste très limitée. Elle creuse les déficits budgétaires {de plus de 21 I milliards de dollars) et commerciaux (130 milliards de dollars), ce qui porte la dette globale des USA à 6000 milliards de dollars. De plus, elle a pour moteur essentiel les commandes de matériel militaire.
Parce que limitée géographiquement, et aussi du fait de l'ampleur du déficit et de son effet sur le dollar, cette mini-reprise entraîne un tel tourbillon spéculatif, que la circulation financière équivaut à 80 fois la circulation des marchandises. C'est la cause directe du krach. Fondamentalement, ça montre que les contre-effets des mesures de relance se font aujourd'hui sentir presque immédiatement, alors que l'effet escompté ne se produit que très lentement et très faiblement. La mini-reprise de 82-83 a permis pendant deux ans, deux ans et demi, d'éviter la stagnation complète de la croissance, mais les taux de croissance sont restés très faibles. De plus, l'inflation repart au bout de ce délai, au moment où l'appareil productif connaît une nouvelle phase de contraction. Dorénavant, donc, ce sont les deux aspects simultanément que la bourgeoisie trouve face à elle : récession et inflation, et ce après avoir pendant 20 ans combattu l'un et l'autre alternativement, sans parvenir à autre chose qu'à cumuler les effets des deux.
Et c'est bien la véritable dimension de la crise aujourd'hui. Les déficits accumulés ne permettent plus à la bourgeoisie de relancer tant soit peu l'économie, alors que la récession s'ouvre, en même temps que l'inflation repart, et qu'elle ne peut pas non plus combattre l'inflation sans risquer d'aggraver cette récession. Les remèdes n'ont plus d'autre effet que d'aggraver l'état du malade.
P.
20/11/87
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Nous
publions ici des extraits de la lettre d’un lecteur. Bien que ce
courrier soulève d’autres problèmes, nous ne
répondrons qu’à son aspect principal : la question
électorale qui est en ce moment au centre des entreprises de
dévoiement de la bourgeoisie.
Chers camarades,
J’ai déjà bien entamé le livre de Gorter. Il est très intéressant. (...) Mais déjà quelques remarques critiques :
• Gorter analyse les derniers feux de la vague révolutionnaire de 1917-18-19, la seconde « révolution » allemande de 21, comme une période pré-révolutionnaire. De la découle la tactique qu’il préconise. C’est pour cela que Lenine a raison généralement dans « La maladie infantile.. ». La tactique que Lénine défend dans ce livre convient a une période de reflux : s’implanter, gagner à soi les ouvriers, se préparer en bref à la prochaine vague révolutionnaire issue de la prochaine crise (celle de 29 en l’occurrence). C’est Gorter d’ailleurs qui le dit lui-même: « ...dans les pays où la révolution n’est pas imminente et où les ouvriers n’ont pas encore la force de la faire, le parlementarisme demeure un recours possible. » (p. 84). Il faut donc gagner des positions de force : dans les syndicats, au parlement, etc. Ceci pour la propagande par la parole et par l’action (réformes « démocratiques », luttes pour des hausses salariales ou pour des baisses des heures de travail plus faciles à mener en période de reconstruction...). Voilà ma critique principale a la « Réponse à Lenine ». Mais d’elle découlerait que la tactique du KAPD serait bonne en période vraiment pré-révolutionnaire. J’aurai donc encore des critiques a formuler :
• Pas de participation au parlement : oui, mais il faut savoir utiliser des particularités constitutionnelles, par exemple les présidentielles en France qui n’impliquent une participation aux organes du pouvoir que si on les gagne, mais qui par contre permettent une agitation plus large et profonde que la lutte seule en usine, ceci surtout pour une organisation faible et mal implantée, comme toutes celles existant aujourd’hui en France. La participation à ces élections ne doit pas être automatique, mais elle est nécessaire dans la phase actuelle pré-révolutionnaire, en ce moment précis de la phase ou c’est l’agitation et la propagande qui doivent prendre le pas pour construire le parti révolutionnaire sur les luttes qui ne manqueront pas de se développer (agitation et propagande par la parole et par l’action s’entend). (...)
Les questions de fond posées par cette lettre sont : les élections peuvent-elles être utilisées par la classe ouvrière dans sa lutte contre le capitalisme ? Les révolutionnaires ont-ils un rôle à jouer sur le terrain électoral ?
A ces deux questions, la réponse que nous donnons est catégorique : NON !
Aujourd’hui la classe ouvrière ne peut pas se défendre à travers le terrain électoral ou parlementaire.
Pour les ouvriers, le vote n’a jamais, depuis plus de soixante ans, pu amener aucune amélioration de leurs conditions d’exploitation :
Quel que soit le vainqueur des consultations électorales actuelles, les conditions d’existence de la classe ouvrière ne peuvent, a travers l’accélération de la crise capitaliste qu’empirer.
De plus, les élections n’ont aujourd’hui comme fonction pour les ouvriers que de les détourner du terrain de leurs luttes (voir article p.1, « Entrons en lutte massivement »).
Cela n’est pas le fait du hasard s’il n’est plus possible pour le prolétariat de rester sur un terrain qui, de toutes façons, a toujours appartenu à la bourgeoisie. La classe ouvrière ne pouvait utiliser ce terrain que dans la mesure où tout au long du siècle dernier, la lutte ouvrière contre l’exploitation et l’oppression de la bourgeoisie passait nécessairement par une lutte pour arracher des réformes sur le terrain politique comme économique, par d’après batailles pour conquérir des améliorations possibles, réelles et durables des conditions de travail et d’existence des ouvriers sur le terrain même de la légalité bourgeoise. Il n’en est plus de même dès la fin du 19e siècle et le début du 20e siècle où le capitalisme ne peut étendre sa domination sur l’ensemble de la planète, ne peut plus parvenir à surmonter les contradictions économiques qui l’assaillent et où il entre en crise permanente. Il ne peut plus se survivre qu’au travers d’un cycle infernal de crise-guerre-reconstruction-crise plus aiguë... entraînant avec lui l’ensemble de l’humanité dans une barbarie et une misère toujours plus grandes et cette survie, comme celle de la bourgeoisie, implique des niveaux d’exploitation, d’oppression, de soumission du prolétariat qualitativement nouveau par rapport au siècle précédent. Désormais, il est hors de question pour la bourgeoisie de pouvoir accorder dans quelque domaine que ce soit la moindre réforme réelle et durable.
Le capitalisme cesse d’être un mode de production progressiste. Sa décadence n’engendre plus que le pourrissement de tous les rapports sociaux de production qui avaient servi de base à son développement et il place la classe ouvrière devant à la fois la nécessité et la possibilité d’oeuvrer DIRECTEMENT à son renversement. Toute la pratique de la lutte ouvrière du siècle dernier doit être réexaminée sur cette base qualitativement nouvelle : la seule tâche du prolétariat est de se constituer en tant qu’unique force sociale internationale capable de détruire le capitalisme. Certaines méthodes de lutte doivent être totalement remises en cause, rejetées, combattues car elles s’avèrent non seulement parfaitement caduques pour la lutte ouvrière, mais elles sont devenues des entraves, des armes dans les mains de l’ennemi, de la bourgeoisie, contre le développement des luttes ouvrières : il en est ainsi de la question nationale, du syndicalisme et du parlementarisme. C’est dans ces conditions que la classe ouvrière n’a plus rien à faire sur le terrain électoral.
Quant à la question de la pratique des révolutionnaires, le problème se pose dans exactement les mêmes termes que pour l’ensemble de leur classe : ils ne peuvent plus, à aucun niveau, utiliser le terrain des élections. Il est vrai que cette question d’user d’un « parlementarisme révolutionnaire » en certaines circonstances se posait encore pour les révolutionnaires dans les années 20, notamment dans le débat entre Gorter et Lénine. Il faut reconnaître que là-dessus, tous deux se sont trompés : il était faux de croire que le parlementarisme révolutionnaire était encore possible. Mais cette erreur était compréhensible dans la mesure ou des générations entières de révolutionnaires avaient consacré leurs énergies à lutter sur ce terrain et que, quelques années auparavant à peine, un Liebknecht pouvait encore défendre avec intransigeance les positions des révolutionnaires face au Reichstag.
Mais
ce qui était encore une erreur en 1920 relève
aujourd’hui, pour les groupes qui défendent d’une façon
ou d’une autre l’idée d’un parlementarisme
révolutionnaire, d’une participation directe à une
entreprise de mystification de la classe ouvrière pour la
fourvoyer sur le terrain de la bourgeoisie. C’est le cas de tous
ceux qui, comme les organisations trotskistes de façon
générale –et LO en
particulier– alimentent et cherchent à faire accréditer
la duperie que les révolutionnaires pourraient, eux, encore,
utiliser les élections bourgeoises et la période
électorale pour s’y exprimer, pour faire du temps d’antenne
« offert par la bourgeoisie » aux candidats,
une tribune pour l’agitation et la propagande révolutionnaires.
Leur objectif n’est nullement d’apporter la parole des révolutionnaires ni de délivrer un message révolutionnaire mais purement et simplement de rabattre, de ramener sur le terrain électoral les ouvriers qui sont tentés de s’en éloigner. Ce sont des groupes bourgeois qui ont une fonction indispensable au sein de l’appareil politique bourgeois du capitalisme décadent et qui remplissent leur mission bourgeoise à travers une phraséologie à coloration révolutionnaire à l’usage des ouvriers les plus combatifs. Il s’agit ainsi de détourner les ouvriers de la conscience que précisément la lutte ouvrière est bien le seul terrain d’action possible pour le prolétariat aujourd’hui.
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Alors qu'avec l'accélération de la crise, le prolétariat mondial tend à développer, renforcer son combat et à affirmer de plus en plus son autonomie de classe, on voit apparaître aujourd'hui des tentatives de regroupement d'éléments prolétariens cherchant a discuter, confronter, clarifier leurs positions en lien avec les besoins de la lutte de classe. Une des expressions de cette tendance générale dans la classe ouvrière s'est constituée à Tours, voici un an, à travers le surgissement d'un "cercle de discussion".
L'apparition de cercles de discussion, tels celui de Tours, s'inscrit totalement dans la dynamique de luttes de classe internationales de la période actuelle, dans la maturation profonde de la conscience qui s'opère dans la classe ouvrière. Ces cercles, encore peu nombreux aujourd'hui, sont une expression parmi d'autres dont se dote la classe ouvrière pour développer, affermir son combat. Dans le cadre de cet article, il s'agira de présenter ce qu’est le cercle de Tours, sa genèse, son évolution et plus largement, la signification profonde du surgissement de tels organes prolétariens. Face à un groupe révolutionnaire comme le FOR qui, dans un supplément à sa dernière publication (cf. Alarme n°39) tire à boulets rouges de façon totalement irresponsable sur le cercle de Tours, e auquel nous répondrons dans un prochain numéro, il est nécessaire pour les révolutionnaires en particulier de comprendre à quels besoins répond l'existence d'un cercle comme celui de Tours.
La nécessité de créer un cercle de discussion s'est imposée à des éléments en recherche de positions révolutionnaires, dont certains d'ailleurs venaient de rompre avec le gauchisme et qui, confrontés à l'accélération de l'histoire, aux enjeux décisifs qui se dessinent dans la situation présente, stimulés aussi par la présence à Tours de groupes révolutionnaires comme le FOR et le CCI, ont été poussés à se poser la question de cannent aller plus loin dans leur réflexion politique. Pour eux, s'est fait ressentir le besoin de développer la discussion, leur activité de façon collective. En ce sens la formation de ce cercle participe du mouvement général de regroupement de minorités plus conscientes, plus combatives au sein de la classe ouvrière, ayant la volonté d'approfondir des questions politiques.
Le besoin de regroupement d’éléments hétérogènes, se donnant pour objectif à travers une réflexion commune de développer, approfondir, clarifier les questions posées par la lutte de classe est le produit de la nouvelle vague de luttes dans laquelle s'est engagé le prolétariat mondial depuis l’automne 83. Elle est une expression vivante de 1’accélération des combats ouvriers et de la décantation au sein du prolétariat vers une réappropriation des positions de classe.
Le cercle de Tours qui s'est constitué en juin 87, a permis a des individus mesurant cruellement le handicap que représentaient leur jeunesse et leur inexpérience politique, de prendre conscience de ces deux phénomènes et de se donner les moyens pour y faire face. Le cercle a été et est toujours un outil décisif pour ces camarades de se réapproprier les acquis essentiels de 1'histoire du mouvement ouvrier, de mieux percevoir que les questions qu’ils se posaient vis-à-vis du combat actuel du prolétariat n'étaient pas des questions individuelles, sans attache avec le passé du mouvement ouvrier, mais qu'elles étaient a relier à toute l'expérience historique de ce mouvement, a tous les enseignements que la classe ouvrière et les révolutionnaires en son sein ont tirés des luttes du passé Au travers
de toutes les discussions qui ont animé la vie du cercle sur la nature du prolétariat, les leçons de la révolution russe, le rôle des révolutionnaires, les luttes de classe dans la décadence, etc., ces camarades eut pu asseoir, mieux appréhender, les positions de classe et leurs implications pratiques pour l’intervention dans les luttes actuelles de la classe ouvrière. En dépit du mépris dont le cercle a été l'objet de la part de certains groupes révolutionnaires corme le FOR ou le GCI, en dépit de toutes les difficultés, les vicissitudes pour animer, alimenter sa réflexion politique, le cercle de Tours reste un lieu de regroupement profondément vivant d'approfondissement, de clarification politique : une illustration patente de cela s'est concrétisée dans le fait qu'il a pu cristalliser, agréger à son effort militant, un certain nombre de nouveaux éléments moins proches des positions révolutionnaires mais qui se sont intégrés avec passion dans sa dynamique.
Son existence depuis une année maintenant a pu se maintenir et se développer en raison du fait que, parallèlement a ses discussions des positions politiques du mouvement ouvrier, il s'est clarifie en se confrontant au milieu révolutionnaire sur un certain nombre de points quant à sa nature, sa fonction dans le processus de regroupement des énergies prolétariennes. Cette clarification est très importante, car elle a une valeur, une dimension politique générale qui dépasse la simple existence du cercle de Tours. En effet, avant d'en arriver à définir ce qu'est un cercle de discussion, son rôle, son but, il lui a fallu déblayer un ensemble de flous sur ce qu'il ne pouvait pas être, sur la façon dont il devait se concevoir et à quelles nécessités il répondait dans la classe ouvrière.
Les principales caractéristiques qu'on peut mettre en avant d'ores et déjà, sont les suivantes :
La raison d'être fondamentale d'un cercle de discussion est donc d'être un creuset de réflexion politique dont la fonction essentielle est et reste la discussion politique la plus large, la plus ouverte possible, dans un souci de confronter, approfondir, clarifier activement les leçons, incontournables pour la pratique révolutionnaire aujourd'hui, de l'expérience historique de la classe ouvrière.
Bien que pour le moment le cercle de Tours soit un phénomène assez isole, l’éclosion de cercles de ce type ne peut qu'être appelée à se multiplier dans un avenir proche. Trois facteurs essentiels concourent au développement de tels organes :
Concernant des millions de prolétaires, le développement, l'élargissement de la conscience de classe ne peut que multiplier l'apparition de phénomènes comme les cercles de discussion à côté d'autres outils de regroupement du prolétariat. Le surgissement de cercles ayant une activité collective ne s'oppose pas à la fonction particulière des organisations révolutionnaires, mais en est un complément nécessaire, vital, qui participe au regroupement d'énergies révolutionnaires en gestation au sein du prolétariat. C'est pourquoi les révolutionnaires conscients de leur responsabilité se doivent de favoriser, d'encourager, d'intervenir dans ces lieux de réflexion qui tentent avec beaucoup de sérieux, beaucoup d'efforts et de difficultés, de participer au coté de la classe ouvrière.
DU
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Dans notre précédent numéro, nous avons montré, à travers l'exemple du cercle de discussion de Tours, à quels besoins répondaient dans la période présente le surgissement de cercles, de discussions. Au premier rang de ces besoins, il y a la nécessite vitale de la clarification politique à travers la réappropriation de 1'expérience du mouvement ouvrier. Cette réappropriation est dure, longue, difficile, mais c'est la seule voie ^réellement féconde. Combien de jeunes éléments sincèrement révoltés ne se sont-ils pas, depuis 20 ans, perdus dans la nature ou ont rejoint les rangs des défenseurs patentés de la classe dominante que sont la gauche et les gauchistes, pour n'avoir pu mener à bien ce travail de réappropriation ! Dans ce combat difficile, le rôle des organisations révolutionnaires est vital, car elles seules peuvent réellement aider de nouveaux éléments souvent jeunes à surmonter le terrible handicap de 1'inexpérience et de l’immaturité politique.
Mais pour qu'elles soient en mesure d'apporter cette aide, encore faut-il qu'elles comprennent la signification du surgissement de nouveaux éléments dans des cercles ou autres structures, c'est-à-dire qu'elles aient une analyse claire sur la période historique actuelle et tout son potentiel de maturation et de développement de la conscience de classe.
A cette condition, et seulement à cette condition, elles seront capables de discerner dans ce qui bien souvent apparaît de prime abord comme de simples balbutiements, les promesses de l'avenir, afin de les féconder dans le sens du regroupement des nouvelles énergies révolutionnaires. C'est cette attitude du CCI qui lui a permis de participer et de contribuer, d'un bout a l'autre, aux efforts du cercle de Tours pour clarifier les questions en débat dans le mouvement ouvrier dans le faut de permettre a ces éléments en recherche une réappropriation réelle des positions révolutionnaires.
Telle n’est malheureusement pas 1'attitude de l’autre groupe révolutionnaire présent à Tours, le FOR ("Ferment Ouvrier Révolutionnaire" qui publie la revue "Alarme" ([1]), tout au contraire. Sa pratique vis-à-vis du cercle est l'illustration caricaturale, à la fois de son incompréhension totale de la période, qui fait qu'il ne peut que très difficilement être a l'écoute de la maturation souterraine de la conscience et de ses brusques surgissements en pleine lumière, et de sa non moins totale incompréhension du processus de regroupement des révolutionnaires et du processus de clarification et de discussion politiques qui y conduit. En témoigne son refus de participer aux permanences et réunions publiques des autres groupes, de même que son quasi refus de discuter avec d'autres groupes, tel le CCI, lors de ses propres permanences.
Vis-à-vis du cercle de Tours, l'attitude du FOR peut se résumer en deux mots : absence et irresponsabilité. Alors qu’il est présent à Tours, sur plus d'une dizaine de réunions qu'a tenues Le cercle, le FOR n'a daigné participer qu’à deux de ses réunions. La première fois, au tout début de la formation du cercle, pour dire qu'il soutenait la formation du cercle, mais que pour lui, il ne s'agissait pas tant de discuter que de savoir si, concrètement, les éléments présents étaient pour l'abolition du salariat et si oui, de passer à l'action ! Devant l'étonnement et les questions légitimes posées par une telle attitude, il n'a pu que répéter comme une litanie : au commencement était l'action et le cœur de cette action, c'est l'abolition du salariat. Le radicalisme de la phrase flirtant ouvertement avec l'idéologie anarchiste, voilà l'aide apportée au cercle par le FOR ! Lors de leur deuxième apparition, le FOR va encore renforcer cette attitude en y ajoutant le sabotage de la réunion via des interruptions incessantes du débat en cours et des insultes aux participants, et tout cela pour développer la même litanie, appliquée cette fois à la révolution russe, la plus grande expérience historique du prolétariat, se résumant selon le FOR au fait "que le prolétariat après Octobre 17 n'avait pas aboli le salariat, ce qui avait provoqué la contre-révolution" ! Depuis ce "coup d'éclat", rien jusqu'à 1'article : "Tours, un cercle, deux idées et beaucoup de prétentions" dans Alarme n° 39. Article qui ne prend même pas la peine de se prononcer sur la signification des cercles de discussion, pas plus d'ailleurs que le FOR ne s'était prononcé, lors de ses précédentes et pitoyables interventions. Par contre, l'arrogance, le mépris, les falsifications sont, elles, légions, corme en atteste le tout défaut de 1'article. "C'est mou, c'est gnian-gnian, ça fait des éructations qui se veulent des idées, et ça a la prétention de refaire l'histoire et pas n'importe quelle histoire, celle de la révolution russe". Pour finir, s'appuyant sur le passé trotskyste de certains membres du cercle, par : "les appareils trotskystes viennent de perdre du gibier, qu'ils se rassurent, celui-ci ne menace pas leurs projets capitalistes d'État". Et toute cette hargne, cette morgue, parce que le cercle a osé braver le dogme du FCR sur la soi-disant absence de la crise de surproduction, et parce qu'il tend à affirmer qu'avant d'être réellement en mesure de supprimer le salariat, le prolétariat devra d'abord étendre son pouvoir politique au niveau international !
L'objet de cet article n'est pas de répondre aux aberrations du FOR sur ces questions, mais de dénoncer fermement l'irresponsabilité totale d'une telle attitude et le danger qu'elle fait peser sur l'ensemble du milieu, et tout particulièrement sur de nouveaux éléments ou groupes en recherche. Mais tout d'abord, il nous faut relever le culot du FOR qui illustre de façon bouffonne, l’adage populaire de la "paille et de la poutre", lorsqu' il reproche au cercle une rupture insuffisante d’avec le trotskysme[2] alors qu'au même moment il dédie un tract spécialement aux militants de LO intitulé : "LUTIE OUVRIERE EMBOURBEE ! SA COLLUSION TRANSPARENTE..." les engageant à rompre avec LO, dans la pire tradition trotskyste de la "lettre ouverte" aux militants du PCF ! Que le FOR préfère voir la pépinière de nouvelles énergies révolutionnaires dans les militants de LO plutôt que dans les cercles de discussion, explique peut-être son mépris pour ces derniers !
Plus fondamentalement, cette attitude s'oppose à tout effort de regroupement sérieux et à la décantation de nouvelles énergies révolutionnaires en renforçant l'atomisation. Tendant de fait à nier toute nécessité de clarification politique, elle ne peut qu'ouvrir toute grande les pertes à 1 ' opportunisme et gravement entraver la cristallisation et l'émergence de nouvelles énergies révolutionnaires, qui doivent se confronter à cette difficile mais incontournable question de la clarification politique. Elle tourne complètement le dos aux responsabilités des révolutionnaires dans ce dur et difficile mais fécond combat pour le regroupement dans la clarté. Plus encore, elle discrédite ceux-ci en les faisant passer peur une bande d'excités,, tout juste bon à réciter quelques versets d'un catéchiste à la Bakounine.
Au-delà du simple FOR, nous ne devons pas sous-estimer le danger d’une telle attitude, dans le cadre d'un milieu révolutionnaire fortement marqué par le sectarisme, et dans le cadre de toute une génération de révolutionnaires subissant, et le poids de la rupture organique d’avec les organisations du passé [3], et le poids particulièrement pernicieux de l'idéologie de la petite-bourgeoisie sans cesse alimentée par les miasmes de la décomposition du système. Ce danger est d'autant plus grand que nous savons combien il est difficile de se réapproprier réellement les positions révolutionnaires, combien il est difficile pour de jeunes éléments de renouer avec le passé de leur classe, et combien dès lors, tout effort sérieux en ce sens est précieux pour le prolétariat. L'expérience du cercle de discussion de Tours n'est pas unique, elle est appelée à se reproduire, se multiplier. Adopter de près ou de loin la démarche du FOR, c'est se mettre en position d'entraver un tel processus, voire le briser dans l'œuf. Au-delà de l'irresponsabilité de cette attitude, en fait la question qui est posée est celle-ci : favorisons-nous le dégagement de nouvelles énergies révolutionnaires, travaillons-nous à leur regroupement, ou maintenons-nous la dispersion, 1'atomisation léguée par la contre-révolution ?
Manifestement., le FOR a choisi cette dernière voie. Que tous se le tiennent pour dit !
RND
[1] Alarme. BP 329 - 75624 PARIS CEDEX 13.
[2] Voir 1’article dans Alarme n°39
[3] C'est la première fois dans l'histoire du mouvement ouvrier que les organisations révolutionnaires se créent et se développent sans lien organique avec le mouvement ouvrier passé, du fait de la plus longue et plus noire période de contre-révolution qui a suivi l'écrasement de la première vague révolutionnaire de 1917-23.
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Liens
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[8] https://fr.internationalism.org/tag/courants-politiques/groupe-communiste-internationaliste
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[10] https://fr.internationalism.org/rinte20/intervention.htm
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[13] https://fr.internationalism.org/tag/courants-politiques/communisme-conseil
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[15] https://fr.internationalism.org/files/fr/ri_75_i_juil.pdf
[16] https://fr.internationalism.org/files/fr/ri_76_r_aout.pdf
[17] https://fr.internationalism.org/files/fr/tract_pologne_aout_1980.pdf
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